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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du jeudi 4 mai 2006

Séance de 15 heures
88ème jour de séance, 207ème séance

Présidence de Mme Hélène Mignon
Vice-Présidente

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La séance est ouverte à quinze heures.

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immigration et intégration (suite)

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif à l’immigration et à l’intégration.

art. 5 (suite)

M. Noël Mamère - L’amendement 156 vise à supprimer l’alinéa 2 de cet article. Les critères qu’il établit sont en effet trop flous pour pouvoir être appliqués correctement et de façon uniforme sur l’ensemble du territoire. Ils reviennent en outre à exiger d’une personne l’acquisition d’un certain nombre de connaissances sans lui en donner les moyens. En matière de liberté des personnes, la loi doit être précise pour éviter l’arbitraire : c’est un des principes fondamentaux de l’État de droit.

Les articles 4 et 5 dressent en fait de nouveaux obstacles à l’intégration des étrangers dans notre pays. Ils font la part belle à l’arbitraire et au pouvoir discrétionnaire du préfet ou encore du maire. Il n’est pas question – c’est en tout cas la position des Verts – de donner plus de pouvoirs au maire sur des sujets aussi importants : ce n’est pas à lui d’apprécier les qualités d’intégration de ceux qui demandent à vivre et à travailler sur notre territoire.

L’article 5 s’intègre dans un arsenal de dispositions qui appréhendent plus la question de l’immigration dans un esprit policier que dans un esprit de générosité.

M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois - Le débat a eu lieu ce matin. Avis défavorable.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales – Le contrat d’accueil et d’intégration a, semble-t-il, fait l’objet de longs débats ce matin. Nos logiques sont différentes. Nous considérons pour notre part que pour s’installer sur notre territoire pour près de dix ans, l’étranger doit respecter nos valeurs et parler notre langue. Avis défavorable.

M. Noël Mamère - M. le ministre n’a pas suivi nos débats de ce matin. J’espère cependant que lorsqu’il parle de « nos valeurs », il ne se réfère pas à l’intervention de M. Vanneste sur les « valeurs françaises », mais bien aux valeurs universelles qui sont celles de la République. Demander à un étranger de prendre des engagements vis-à-vis de la République me paraît d’autre part assez vague. Les étrangers qui viennent dans notre pays fuient d’abord le sous-développement ou la tyrannie ; ils n’espèrent rien d’autre que se voir offrir la possibilité de s’inscrire dans une communauté de destin.

M. Bernard Roman – J’ai exprimé ce matin à la fois un doute et une interrogation sur cet article, qui prévoit que les décisions de renouvellement ou d’attribution de titres de séjour – et notamment de la carte de résident – seront prises en tenant compte de l’intégration de l’étranger dans la société française, « appréciée en particulier au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française ». Que signifie exactement cette innovation juridique ? Comment peut-on juger de l’engagement personnel – c’est-à-dire intime – d’une personne ? Ce sont, je le rappelle, les préfets qui jugeront de cet engagement. Et c’est de ce jugement subjectif que dépendra l’attribution d’un titre de séjour ! J’aimerais que le ministre nous apporte un éclairage sur cette question

M. René Dosière - C’est le ministre de la police qui va choisir !

M. le Ministre délégué – L’engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République est manifesté par la signature et par le respect du contrat d’accueil et d’intégration. Il y a donc une manifestation de volonté : ce n’est pas une démarche passive.

M. Jean-Pierre Soisson – C’est un mauvais procès que vous faites au texte, Monsieur Roman. L’engagement personnel s’oppose à l’engagement collectif. C’est donc la personne, le citoyen, qui s’engage à respecter les valeurs de la République. Il n’y a pas, dans tout le projet, d’article plus équilibré que cet article 5, qui respecte à la fois les principes de la République et notre souhait de faire montre d’une plus grande fermeté. Par cet engagement personnel ou citoyen, la personne s’engage à devenir française.

M. Patrick Braouezec - C’est n’importe quoi ! Vous ne savez pas de quoi vous parlez !

Mme la Présidente – Vous vouliez la parole, Monsieur Braouezec : prenez-la !

M. Patrick Braouezec - Permettez-moi de faire un cours de rattrapage à l’intention des quelques-uns qui n’étaient pas là ce matin. L’amendement de M. Mamère est parfaitement justifié, et je regrette que l’on n’ait pas pu discuter ce matin de celui de M. Jego portant article additionnel après l’article 4, qui proposait un diplôme opposable. Là, nous sommes dans le flou et l’arbitraire : quels seront les éléments d’appréciation ? Que signifie concrètement « au regard de l’engagement personnel à respecter les principes » ?

M. Noël Mamère - Rectifions d’abord l’erreur de notre collègue Soisson, qui confond la régularisation – qui ne donne pas la nationalité française – et l’acquisition de la nationalité.

Nous demandons la suppression du deuxième alinéa de cet article, d’un flou inquiétant. Qui appréciera la condition d’intégration ? Quelle différence fait-on entre insertion et intégration ? Tout cela est très subjectif. Les préfets et les maires auront une liberté d’appréciation considérable et décideront seuls de qui mérite ou non des papiers. Nous ne pouvons accepter une telle légalisation de l’arbitraire.

L'amendement 156, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Vanneste - L’amendement 254 rectifié de Mme Boutin est défendu.

M. le Rapporteur – Avis favorable.

M. le Ministre délégué – Avis favorable.

M. René Dosière – Monsieur le ministre, je n’ai pas bien compris vos réponses tout à l’heure à notre collègue Roman. Il conviendrait pourtant d’être clair car on sait bien que lorsque le Conseil constitutionnel ou d’autres juridictions sont amenés à rechercher quelle a été la volonté du législateur, c’est la parole du ministre, plus que celle du rapporteur ou du président de la commission, qui l’emporte. J’aimerais donc que vous nous disiez ce que signifie exactement « l’intégration de l’étranger dans la société française, appréciée au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française, du respect effectif de ces principes (…) ».

M. le Ministre délégué – Reportez-vous au troisième alinéa de l’article 5. Tout y est dit. L’étranger doit respecter effectivement les valeurs de notre République. Ce n’est pas à vous, Monsieur Dosière, que je ferai l’injure de rappeler quelles elles sont. C’est par exemple la laïcité,… (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Patrick Braouezec - Tiens, vous n’en parliez pas au début !

M. le Ministre délégué - …l’obligation de scolariser les enfants, le respect du droit des femmes et des enfants et l’interdiction de leur faire violence.

L'amendement 254 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Christian Vanneste - L’amendement 461 est défendu.

Plusieurs députés socialistes – Ils sont pressés de rentrer chez eux !

M. le Rapporteur – L’avis de la commission avait été réservé, dans l’attente d’éclaircissements. Ceux-ci ayant été apportés, avis favorable.

M. le Ministre délégué – Même avis.

M. Bernard Roman - Pourrions-nous savoir quels sont ces éclaircissements qui ont amené la commission à modifier son avis ?

M. le Rapporteur – Le test de langue française est obligatoire. Je fais observer à M. Braouezec qu’il a dans cet amendement la réponse à sa question sur la valeur qu’aura ce test.

M. Patrick Braouezec – Un titre, un diplôme, tout cela reste bien flou, le contenu n’en étant pas précisé. Pourra-t-on repasser l’examen une deuxième fois ? En effet, selon qu’ils auront ou non obtenu le diplôme, les étrangers seront ou non régularisés : c’est en dire l’importance. Nous connaissons tous des exemples de personnes qui résident en France depuis des décennies et qui peut-être échoueraient.

M. Jérôme Rivière - Monsieur Braouezec, on ne parle pas ici de la régularisation, mais de l’obtention de la carte de résident.

M. Jacques Myard - Ceux qui n’ont pas de papiers n’ont pas à être chez nous !

M. Julien Dray - Je note un changement de casting au banc du Gouvernement depuis ce matin.

M. Christian Vanneste - De distribution ! Pas d’anglais dans l’hémicycle ! C’est la loi Toubon de 1994.

M. Julien Dray – Mais pour connaître M. Hortefeux depuis longtemps, je sais toutes ses qualités, notamment son attachement aux valeurs de la République.

Comme nous ne cessons de le dire depuis hier, le dispositif mis en place laisse place à l’arbitraire. L’appréciation de « la condition d’intégration » variera selon les départements : pour être en négociation permanente avec les préfectures auprès desquelles nous défendons les cas humainement les plus difficiles, nous savons tous ici que certains préfets sont moins compréhensifs que d’autres. Les critères retenus sont si vagues, notamment lorsqu’on parle de respect des valeurs de la République, que l’arbitraire ne pourra qu’en être renforcé. Le Gouvernement doit éclairer ici sa pensée car c’est bien souvent à la lumière des débats parlementaires que les services des préfectures travaillent.

M. Jean-Pierre Soisson - Si au moins c’était vrai !

M. Julien Dray - Je sais, Monsieur Soisson, que vous avez une beaucoup plus grande expérience que moi, en tout cas différente.

Le risque est que les lois de la République soient appliquées différemment selon les départements, au gré des appréciations des préfets, et qu’à terme, inévitablement, ce dispositif n’aboutisse à fabriquer de nouveaux clandestins.

Que les maires puissent donner leur avis sur l’obtention de la carte de séjour inquiète également car nous pouvons d’ores et déjà dire quels maires donneront systématiquement un avis négatif et lesquels, viscéralement attachés aux valeurs républicaines, accepteront de prendre leur part de responsabilité.

M. Jacques Myard - Mamère par exemple !

M. Julien Dray - Ainsi, dans l’Essonne peut-on être sûr que les communes du nord du département continueront de mener une politique généreuse d’intégration tandis que celles du sud se déroberont, nous renvoyant tous les problèmes comme en matière de logement social. C’est ainsi que l’on fabrique les ghettos.

M. Jean-Christophe Lagarde - Je suis opposé à cet amendement. Le texte initial du Gouvernement suffit en effet, le reste pouvant être réglé par décret. Une connaissance suffisante de la langue française est celle qui permet de se débrouiller au quotidien dans notre pays sans avoir besoin de l’assistance permanente d’un interprète. L’instauration d’un diplôme soulève plusieurs problèmes. Pourra-t-on par exemple passer plusieurs fois l’examen ? Si l’on échoue et que l’on peut tout de même rester sur le territoire français, quel en est le sens ? Et si cela signifie que la personne doit quitter la France si elle l’a raté, c’est donner à ceux qui établissent ou corrigent les épreuves la possibilité d’éliminer des gens, selon des critères aléatoires qui échapperont totalement à la représentation nationale, au risque de dénaturer totalement notre volonté initiale – laquelle est de faire en sorte que ceux qu’on accueille soient en mesure de vivre en France dans des conditions d’autonomie minimales.

M. le Rapporteur – Monsieur Dray, nous parlerons du maire lorsque nous examinerons l’amendement 49.

Monsieur Lagarde, on pourra bien sûr repasser plusieurs fois le test si on le rate.

M. Jean-Christophe Lagarde - Il faut que le Gouvernement le dise.

M. le Rapporteur – Il me semble qu’il l’a déjà dit ce matin.

Par ailleurs, il ne s’agit nullement d’une « fabrique de sans-papiers » car on s’adresse là à des gens qui sont en possession d’une carte de séjour d’un an ; s’ils ne réussissent pas l’examen, ils ne pourront pas obtenir le titre de dix ans.

M. Christian Vanneste - Je n’avais pas défendu cet amendement qui me paraissait aller de soi, mais je suis désolé de voir que certains de nos collègues ne comprennent pas toute l’importance de la langue. La langue française est ce qui fait la France, et si les valeurs françaises sont aussi des valeurs universelles, c’est parce que beaucoup de ces dernières ont précisément été formulées pour la première fois dans notre langue.

La plupart des pays européens exigent la réussite à un examen dans leur langue ; c’est le cas des Pays-Bas, par exemple, pays qui pourtant ne passe pas pour l’un des moins libéraux… Soyons sérieux !

Enfin, pour nous éloigner de l’arbitraire, la maîtrise de la langue me paraît être un critère bien choisi !

M. le Ministre délégué – Je remercie M. Dray d’avoir rappelé que nous nous connaissions avant que je sois au Gouvernement, mais je précise que nous n’étions pas du même côté des barricades…

M. Julien Dray - Je puis témoigner que vous n’étiez pas trotskiste !

M. le Ministre délégué – S’agissant de la connaissance du français, la décision ne sera pas arbitraire : il est clair que le préfet tiendra compte du diplôme d’initiation à la langue française, lequel sanctionne la formation linguistique reçue dans le cadre du contrat d’accueil et d’intégration.

Par ailleurs, comme l’a dit le rapporteur, on ne va nullement fabriquer des clandestins puisque les personnes visées ont une carte de séjour. Il s’agit pour elles d’obtenir la carte de résident ; si elles échouent, elles auront une deuxième chance.

Quant à l’intégration, je suis très fier de défendre un texte qui l’associe à l’immigration et qui en définit les conditions. Sans vouloir polémiquer, je ne suis pas sûr que ces conditions aient été précisées sous la précédente législature.

L'amendement 461, mis aux voix, est adopté.

M. Noël Mamère - Monsieur le ministre, peut-être cette disposition ne va-t-elle pas fabriquer des clandestins, mais elle va contribuer à rendre la situation de l’immigré sur notre territoire plus précaire.

Mon amendement 157 vise à supprimer l’intervention du maire, le contrat d’intégration relevant de la politique nationale et non locale. On ne saurait réintroduire par ce biais la notion de quotas, en permettant aux maires de faire le tri entre les bons immigrés et ceux qu’ils n’aiment pas.

M. le Rapporteur – M. Mamère a peut-être raison de se méfier des maires : j’en connais qui ne respectent pas la loi dans certains domaines…

Il reste qu’à notre avis, le maire est le mieux placé pour apprécier la condition d’intégration. Ce n’est certes pas vrai dans les grandes villes, mais dans les communes moyennes, le maire a souvent des informations sur lesquelles appuyer un avis.

Vous nous aviez fait le même procès en 2003 sur les attestations d’accueil ; j’ai auditionné de nombreuses associations, et j’attends toujours qu’on me cite le nom d’une seule commune où ces attestations n’ont pas été délivrées correctement !

M. Julien Dray - Vous auditionnez toujours les mêmes ! Je peux vous faire passer une liste de toutes les villes où cela se passe mal !

M. le Rapporteur – Enfin, je vous rappelle qu’hier, à l’initiative de M. Brard, nous avons accepté l’idée que les maires remettent les titres d’accueil attribués par l’État…

M. Julien Dray - Cela n’a rien à voir !

M. le Rapporteur – En tout cas cela leur donne beaucoup d’informations.

M. le Ministre délégué – Il s’agit d’un avis purement consultatif, qui ne lie pas le préfet mais qui peut être utile à son information. Imagine-t-on un seul maire sur notre territoire qui soit totalement indifférent au processus d’intégration des étrangers dans sa commune ? Si vous en connaissez un, il ne faut pas hésiter à le citer ! Je m’étonne que le maire que vous êtes, Monsieur Mamère, vienne défendre une conception aussi napoléonienne de l’administration !

M. Noël Mamère - Je vous conseille la prudence sur le thème des noms que l’on doit citer, eu égard à l’affaire d’État dont on parle en ce moment…

S’agissant de ce qui s’est passé à Bègles le 5 juin 2005, il n’était pas question de désobéissance à la loi mais d’interprétation du code civil au regard de la Convention européenne des droits de l’homme. Le ministre de l’intérieur qui m’a suspendu de mes fonctions pendant un mois est le même qui est venu mentir devant la représentation nationale à propos d’une affaire qui salit encore un peu plus l’image du personnel politique français… (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Je maintiens que chacun doit être à sa place et que la politique d’intégration doit être nationale.

M. Julien Dray - Les propos du rapporteur sont en contradiction avec son amendement 49, qui prévoit que les maires seront consultés de manière systématique sur la délivrance d’un titre de séjour. Cette contradiction révèle d’ailleurs l’ampleur du problème. Si votre amendement est adopté, le maire d’une commune de 80 000 habitants devra donner un avis sur l’intégration d’un individu qu’il ne connaît pas : en réalité, il ne pourra le faire que par rapport à l’équilibre général de la population ou se contenter de donner un sentiment. On entre alors dans l’arbitraire.

Certes, les maires doivent appliquer les lois de la République. Mais lors du débat sur le logement, on a constaté que certains s’en dispensaient publiquement et demandaient même à leurs administrés de signer une pétition de soutien ! Nous observerons les mêmes comportements concernant l’immigration. À l’approche des élections municipales, certains auront la tentation de se servir de cette disposition pour faire des exemples et prouver leur fermeté. En rendant possible cette exploitation politique et en permettant que certains maires se déchargent de cette responsabilité sur d’autres, vous rendez un bien mauvais service à la République et à la politique de l’intégration !

M. Jean-Christophe Lagarde - Je ne suis maire que depuis cinq ans, je trouve cette fonction passionnante et je suis las de ce procès d’intention que l’on fait aux maires depuis ce matin.

M. Julien Dray - À certains seulement, comme celui de Montfermeil.

M. Jean-Christophe Lagarde – Certes, les maires qui ne respectent pas la loi devraient être sanctionnés par l’État. J’ai d’ailleurs proposé un amendement au projet de loi relatif au logement qui allait dans ce sens.

Si l’on admet qu’une minorité de maires veulent à tout crin utiliser les pouvoirs qui leur sont confiés pour déroger aux principes républicains, vous ne pouvez pas pour autant laisser entendre que c’est la règle ! C’est la fonction sans doute la plus difficile de la République : il n’y a aucune raison de la stigmatiser ainsi.

Allons jusqu’au bout de votre raisonnement. N’y a-t-il pas une part d’arbitraire lorsque les maires distribuent des secours par le CCAS ? Pourquoi ont-ils la possibilité de proposer des candidats à l’attribution des HLM ? N’ont-ils pas pouvoir sur la sectorisation scolaire ? Ne doivent-ils pas produire un avis sur le regroupement familial dans le cadre de l’OMI ?

M. Daniel Mach - Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde - Si vous supprimez ces capacités, vous faites du maire, qui est la seule personne à représenter l’État, un punching-ball à l’usage des citoyens. Ce n’est pas ma conception de la fonction du maire, lequel doit assumer ces responsabilités. En cas de dérive à l’approche d’une élection, c’est le débat politique qui permettra de contrer de tels agissements.

Quant à vous, Monsieur Mamère, qui êtes un élu girondin – géographiquement et politiquement – je ne vous cache pas que je suis surpris que vous appeliez de vos vœux la toute puissance préfectorale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Étienne Pinte - Demander l’avis aux maires de façon facultative ou systématique pose problème. Aujourd’hui, les maires sont mis à toutes les sauces et se voient transférer des compétences – sans, comme il se doit, les moyens correspondants.

Au-delà de cet aspect financier, la question est de savoir quels sont les critères selon lesquels le maire pourra donner un avis. Or ce garde-fou n’existe pas et aucun décret ne le prévoit. Par ailleurs, comme il a été dit par le rapporteur, les préfets pourront recueillir l’avis des maires des communes moyennes, mais ne pourront le faire s’agissant des villes plus importantes dans lesquelles les maires ne seraient pas en état de le donner et il y aura ainsi deux poids et deux mesures !

M. le Rapporteur – Je n’ai jamais dit cela !

M. Étienne Pinte - Si, vous l’avez dit ! Je suis très réservé sur le fait que, dans un secteur aussi sensible, un tel rôle soit confié aux maires.

M. Patrick Braouezec – Monsieur Mariani, l’amendement présenté par M. Brard et qui a été adopté vise à faire remettre en mairie le titre de séjour, comme c’est le cas pour le passeport. Cela n’a rien à voir avec une disposition qui mêle le maire à une décision qui lui échappe totalement.

Je ne suis pas d’accord avec les arguments de M. Lagarde. J’ai été maire pendant quatorze ans et j’ai assumé mes compétences concernant l’aide sociale, le logement ou la sectorisation scolaire. Mais dans le cas présent, les maires devront donner sur des personnes qui, de fait, résident depuis peu de temps en France, un avis dont on ne sait d’ailleurs ce que l’on fera.

Je ne suis pas de ceux qui jettent la suspicion sur les maires, mais reconnaissez-le, celui qui administre une petite commune ne sera pas à l’abri de pressions qui pourrons s’exercer sur lui pour qu’il donne un avis négatif sur une personne : le syndrome « not in my backyard » ne vaut pas seulement pour les questions de logement social ! La question de l’immigration est nationale et c’est préserver les maires que de laisser pleinement cette compétence à l’État.

M. le Rapporteur – J’ai l’impression de revivre le débat de 2003, où, pour des raisons que j’ignore, vous faisiez déjà preuve d’une grande méfiance à l’égard des maires dans ce domaine. Avant la loi de 2003, le maire ne faisait qu’authentifier la signature sur les certificats d’hébergement. Nous étions passés de 130 000 certificats d’hébergement en 1997 à 730 000.

M. Bernard Roman - Pourrait-on avoir confirmation de ces chiffres ? Ils sont introuvables.

M. le Rapporteur – Lisez le rapport !

M. Julien Dray - Justement !

M. le Rapporteur – Depuis que nous avons donné aux maires les moyens de vérifier les conditions de logement et de moyens, on est revenu à une juste proportion. Vous menacez de citer les villes où cela se passe mal, mais vous vous êtes contentés pour le moment de ne donner qu’un nom.

Monsieur Pinte, je n’ai jamais dit qu’il y aura deux poids deux mesures. Simplement, lorsqu’on est maire d’une grande ville, je vois mal comment l’on peut avoir un avis sur les conditions d’intégration d’un individu. En revanche, moi qui ai été maire pendant seize ans d’une commune de 10 000 habitants, je sais que l’on peut savoir au bout d’un an qui sont ceux qui ont montré leur capacité à s’intégrer. Pourquoi se priver d’une telle appréciation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre délégué – Les étrangers dont nous parlons sont ceux qui ont une carte de séjour depuis cinq ans (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Or en cinq ans, ils auront noué des relations, participé à la vie associative, scolarisé leurs enfants. Le maire et ses services sont à même de les connaître et d’éclairer de manière utile la décision du préfet. Si un étranger refuse de scolariser ses enfants, s’il s’obstine à cloîtrer sa femme, s’il tient des propos contraires aux principes républicains, quelle est la personne la plus rapidement informée si ce n’est le maire ? J’ajoute que votre point de vue est contradictoire : d’une part vous critiquez l’arbitraire de la décision préfectorale, d’autre part vous refusez qu’il soit tenu compte de l’avis du maire.

M. Julien Dray - M. le ministre prétend que l’article concerne les étrangers présents sur notre territoire depuis plus de cinq ans. Non ! Nous ne sommes pas dans ce cas de figure-là.

M. le Ministre délégué – Si. Je vous renvoie à l’actuel article L. 314-8 du code d’entrée et de séjour des étrangers.

M. le Rapporteur – Vous trouverez à la page 16 du rapport de février 2006 les chiffres des attestations d’accueil que vous semblez ignorer ou remettre en cause. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Bernard Roman – Rappel au Règlement. Il faut se méfier des chiffres : M. le rapporteur a dit que le nombre d’attestations était passé de 130 000 à 720 000 de 1998 à 2004. La page 16 indique qu’en 1999 il y a eu 436 000 attestations et 570 000 en 2004. On ne peut confondre un rapport de 1 à 7 et de 1 à 1,2, sauf à vouloir justifier n’importe quel discours sur l’immigration !

M. le Rapporteur – Je maintiens les chiffres : 1998, 120 457 attestations ; 2001, 712 000.

L'amendement 157, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – Actuellement, la saisine du maire est facultative. Par l’amendement 49, nous proposons de la rendre obligatoire, ce qui ne signifie pas que le maire soit pour autant tenu de rendre un avis.

M. le Ministre délégué – Avis favorable. Je précise que l’appréciation du préfet ne sera en rien liée par l’avis du maire.

M. Alain Gouriou – On vous a déjà demandé, Monsieur le rapporteur, ce que le préfet faisait de l’avis du maire. Est-il tenu de prendre sa décision en fonction de celui-ci ? Trop souvent, l’avis du maire est sollicité mais n’est pas pris en considération.

M. Serge Blisko - Qu’est-ce que cette « salade » ? M. le rapporteur nous a habitués à plus de rigueur. On demande donc l’avis du maire tout en comprenant que le maire d’une grande ville n’en ait pas mais on assure que de toute façon il n’en sera pas tenu compte !

Comment procèdera un maire d’arrondissement ? Je n’ai pas de fichier nominatif, je ne connais pas les 172 000 habitants de ma commune, je reçois des lettres anonymes dénonçant tel fraudeur ou tel clandestin, mais quoi qu’il en soit, le maire n’a pas à effectuer de contrôle policier. J’ajoute que les critères d’intégration sont divers : on peut être volontaire chez les sapeurs-pompiers, aider une association ou sa voisine de pallier handicapée. Je suis très perplexe sur cette montée en puissance du rôle du maire. Les élus locaux sont formidables, certes, mais ils ne sont pas omnipotents !

M. Sarkozy nous a demandé d’être particulièrement vigilants sur les mariages. Dans un arrondissement moyen de Paris, on en dénombre environ 800 chaque année : pour appliquer la loi, il faudrait que je consacre 200 heures à l’audition rapide de chaque couple dont la situation est potentiellement suspecte. Nous n’entendons que les couples dont la différence d’âge est grande, mais ce n’est évidemment pas un critère satisfaisant. En outre, où est la limite entre l’intrusion dans la vie intime d’un couple et la mise en évidence d’un mariage « bidon » ?

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire Cette polémique n’a aucun sens.

M. Patrick Braouezec - C’est l’amendement 49 qui n’en a pas !

M. le Ministre d’État - La régularisation par le préfet est selon vous arbitraire. Le Gouvernement propose de demander l’avis des maires – ce qui permet de sortir de l’affrontement entre la gauche et la droite – et vous persistez dans votre argumentation ? En outre, si cette mesure n’est pas idéale, que proposez-vous ? Faire en sorte que le préfet ne demande aucun avis ? Vous ne manqueriez pas, dans ce cas, de reprocher au Gouvernement une vision administrative des choses ! Le préfet est obligé de demander l’avis des maires et ceux-ci ne sont pas obligés d’en donner parce qu’ils ne peuvent pas toujours en avoir, voilà tout. J’ajoute que nous parlons d’étrangers résidant dans une commune depuis au moins cinq ans et si intégrés qu’ils demandent un titre de séjour de dix ans. Les maires, dans de nombreux cas, ont un avis – sinon, à qui le demander ? Au curé, au rabbin, à l’iman ? Que n’entendrait-on pas, alors, sur le respect de la laïcité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Julien Dray – Quand M. le ministre d’État est en difficulté, il hausse le ton et pense que son adversaire…

M. le Ministre d’État – Mon contradicteur !

M. Julien Dray - …va reculer. Vous n’avez pas répondu, Monsieur le ministre, à la question que je posais. Il n’est pas vrai que l’article en question concerne les étrangers justifiant de plus de cinq ans de résidence. Nous sommes ici dans le cas de personnes ayant une carte de séjour d’un an et qui demandent une carte de résident.

Si nous sommes contre l’intervention des maires, c’est parce que vous voulez ici les associer à une démarche arbitraire.

Enfin, pour en revenir à l’amendement lui-même, pourquoi transformer une possibilité en obligation tout en reconnaissant que cette obligation ne pourra pas s’appliquer dans un certain nombre de cas ?

M. le Rapporteur – C’est une obligation pour le préfet !

M. Julien Dray - En remplaçant « peut saisir » par « saisit », vous créez une obligation qui mettra un grand nombre de maires en difficulté, dans la mesure où ils ne pourront pas répondre à la demande qui leur sera faite. Mieux vaudrait, même dans votre propre logique, en rester à la possibilité.

M. Patrick Braouezec – Je ne comprends pas l’entêtement du Gouvernement et du rapporteur sur cet alinéa. Alors que la droite se plaît à dénoncer la bureaucratie, vous introduisez ici une complication administrative inutile. Le préfet devra en effet envoyer un courrier au maire, qui répondra ou ne répondra pas. À quoi cela sert-il ? Et croyez-vous que les préfets continueront longtemps à envoyer de telles demandes d’avis ?

Par ailleurs, je ne comprends toujours pas que l’on nous dise que la mesure concerne ceux qui résident depuis plus de cinq ans sur notre territoire, alors que l’alinéa se réfère aux étrangers visés par l’article L. 311-9, c’est-à-dire ceux admis pour la première fois au séjour en France et qui souhaitent s’y maintenir durablement. J’ai le sentiment que nous ne parlons pas des mêmes personnes et je demande donc une suspension de séance afin que nous prenions le temps d’y voir plus clair.

Mme la Présidente - Elle est de droit.

M. Noël Mamère - Ne faites pas, Monsieur le ministre, comme si nous étions les tenants d’une France centraliste qui refuseraient de donner des pouvoirs aux maires. La question des pouvoirs respectifs des préfets et des maires dans cette affaire est tout à fait secondaire par rapport à ce que nous dénonçons, l’esprit du texte, à savoir cette volonté qui est la vôtre de fragiliser la condition des immigrés. Vous mettez tout en place pour les précariser et vous ne faites ici qu’en rajouter en les renvoyant à l’arbitraire des préfets et des maires.

La séance, suspendue à 16 heures 20, est reprise à 16 heures 40.
L'amendement 49, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 50 est défendu.

L'amendement 50, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Christophe Lagarde – Pour ne pas transformer les maires en machines à donner des avis, il faut inscrire dans la loi que les préfets doivent les informer de la suite donnée au dossier sur lequel ils se sont prononcés, et cela dans un délai de deux mois. Le Gouvernement en avait pris l’engagement il y a trois ans, mais cette promesse n’a pas été tenue. Tel est le sens de l’amendement 331.

M. le Rapporteur – Je partage votre préoccupation. Toutefois, cette question relève du règlement. Peut-être le Gouvernement peut-il prendre l’engagement que les maires seront informés des décisions prises par l’administration en matière de délivrance des titres de séjour ?

M. le Ministre délégué – Le principe de base, c’est la relation de confiance entre le maire et le préfet. Je crains que cet amendement n’y porte un coup en proposant un mécanisme complexe.

M. Jean-Christophe Lagarde - Monsieur le ministre, j’entends bien. Mais dois-je rappeler qu’il s’agit simplement de faire respecter un engagement ? Le maire doit savoir quel sort est fait aux avis qu’il transmet à l’ANAEM.

M. le Ministre délégué – Le Gouvernement s’y emploiera par la voie réglementaire.

L'amendement 331, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – Par l’amendement 51 rectifié, il s’agit d’exempter les personnes âgées de plus de 65 ans de l’apprentissage du français.

M. Serge Blisko - Pur bon sens !

M. le Rapporteur – C’est le cas typique de la mère que l’on fait venir de l’étranger pour garder les enfants. Je laisse au Sénat le soin de décider de la pertinence de la limite d’âge ! (Sourires)

M. le Ministre délégué – Avis favorable, mais pourquoi ce renvoi au Sénat ?

M. Philippe Tourtelier – Je suis favorable à cet amendement, mais pourquoi commencer à 65 ans ? On aurait dû généraliser la mesure. Il existe 20 % d’illettrés en France qui se débrouillent pourtant pour faire remplir leur déclaration d’impôt, notamment dans nos permanences. Il n’y a pas de raisons de refuser un étranger au prétexte qu’il est analphabète…

M. Jacques Myard - Parler, lire et écrire, ce n’est pas la même chose !

M. Philippe Tourtelier - …à moins de pratiquer un tri sélectif des étrangers et de se livrer au pillage des cerveaux.

M. Jérôme Lambert – Cet amendement est intéressant. Néanmoins, a-t-on une idée précise du nombre de personnes qu’il concerne ? En tant qu’ancien président et actuel vice-président du groupe d’amitié France-Algérie, je suis familier des problèmes de l’immigration. Quand on connaît les difficultés auxquelles se heurtent les personnes de cet âge qui souhaitent venir en France, ne serait-ce que pour rendre visite à leur famille, on peut se demander si vous n’êtes pas en train de faire de l’humanisme pour pas cher.

M. le Ministre délégué – Pour répondre à votre question, exactement 25 477 cartes de résident ont été délivrées l’année dernière.

L'amendement 51 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 52 est de coordination, et le 407 rédactionnel.

Les amendements 52 et 407, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.
L'article 5 modifié, mis aux voix, est adopté.

art. 6

M. Bernard Roman - L’article 6 et ceux qui le suivent concernent les étudiants. J’avoue ne pas bien comprendre où veut en venir le Gouvernement. Je ne comprends pas davantage le ressort de l’analyse que M. Mariani fait de cette question dans son rapport. Partant du constat que les migrants les plus compétents partent vers le continent américain, tandis que les moins compétents viennent en France suivre des études de premier ou de deuxième cycle universitaire, le ministre de l’intérieur propose de « faciliter la venue en France d’étudiants, de personnalités, qui pourront apporter à notre pays leurs talents et acquérir en retour une expérience utile à leur pays d’origine. » Fort bien, mais tout cela se fonde sur un constat que les chiffres démentent. Entre 1990 et 1998, le nombre d’étudiants étrangers avait baissé de plus de 12 000 ; mais depuis la loi RESEDA, qui a obligé les consulats à motiver les refus de visas pour les étudiants, il est passé de 29 000 en 1998 à 65 000 en 2002. Une politique volontariste a permis de cibler les futures élites et de les orienter vers les deuxième et troisième cycles. Bref, je crains que vous ne soyez dans l’incantation !

En 2003, vous étiez rapporteur du premier texte sur l’immigration, Monsieur Mariani. « Nous sommes très critiques vis-à-vis de la loi Chevènement, disiez-vous alors dans votre rapport, mais elle a incontestablement eu le mérite de permettre que le nombre de visas délivrés à des étudiants étrangers passe de 29 000 à 65 000. » Et aujourd’hui, vous écrivez que « l’augmentation du nombre des étudiants étrangers ne relève pas d’une véritable stratégie » ! Doit-on croire le Mariani de 2003 ou celui de 2006 ? Selon l’Observatoire des statistiques de l’immigration et de l’intégration, l’augmentation du nombre des étudiants étrangers dans nos universités est plus marquée dans les deuxième et troisième cycles que dans le premier. Quand vous parlez de viser l’excellence, vous ne faites donc que décrire ce qui se fait déjà. En 2003-2004, les étudiants étrangers représentaient 9,7 % des inscrits dans le premier cycle, 13,9 % dans le deuxième cycle et 24,8 % dans le troisième cycle. Nous formons déjà des élites !

Plus de la moitié des étudiants étrangers sont originaires des pays d’Afrique, et près d’un sur trois du Maghreb. Le nombre des étudiants africains a augmenté de 75 % entre la rentrée 1998 et la rentrée 2003. Un étudiant étranger sur quatre est européen. Quant aux étudiants originaires d’Asie, hors Moyen-Orient, leur effectif a augmenté de 70 % entre 1998 et 2004.

Pourquoi reprendre des objectifs que nous sommes en train d’atteindre, et inventer une nouvelle usine à gaz, qui ne fera que rendre plus complexe notre politique d’immigration en ce qui concerne les étudiants ? Ce texte inutile pour le droit du travail l’est aussi en matière de statut étudiant. Il est dangereux, car il remet en cause toute notre politique d’immigration et de droit d’asile. Il ne fera que multiplier le nombre de personnes en situation irrégulière.

M. Serge Blisko - Je me pose les mêmes questions que M. Roman sur l’objet de cet article. À la fin des années 1990, nous avons conclu à un grave manque d’étudiants étrangers en France : certains pays ont su les « capter » en plus grand nombre que nous. Plusieurs circulaires ont donc facilité l’obtention de visas par les étudiants étrangers, en favorisant les troisièmes cycles. Reste la question de l’origine géographique de ces étudiants, qui pose inévitablement celle du rayonnement international de la France. Pour attirer des élites – ce qui est discutable dans son principe – encore faut-il avoir quelque chose à leur proposer, simplification des formalités, mise en place dans les universités de relais sociaux, comme il en existe déjà dans plusieurs établissements d’enseignement supérieur et à la Cité universitaire de Paris…

Que voulez-vous au juste ? Quels étudiants voulez-vous attirer, et pour quoi faire ? S’agit-il de former des diplômés qui combleront les trous dans telle ou telle profession ? Pourquoi pas, mais il faut le dire. S’agit-il d’œuvrer au rayonnement international de la France ? Souhaitez-vous plutôt des séjours temporaires ? Souhaitez-vous former des ressortissants de pays du Sud, qui ont vocation à y retourner ? Comment liez-vous cette question avec celle des « post-doc » partis dans les pays anglo-saxons, qui ne rentrent pas en France parce qu’ils n’y trouvent pas d’emploi ? Aucun des ministres de la recherche successifs n’a jamais répondu à cette question. M. Goulard a même été extrêmement elliptique à ce sujet.

Nous ne discernons pas les objectifs de la politique d’accueil des étudiants étrangers en France. À un moment où le marché de la matière grise – excusez ce terme – se mondialise, la complexité, l’opacité de votre politique, vos arrière-pensées, votre méfiance, vos contradictions laissent, hélas, notre pays à l’écart du grand courant d’échanges internationaux de matière grise. Preuve en est que des étudiants de tous les pays partent aujourd’hui étudier ailleurs qu’en France, notamment dans des pays que nous prétendions concurrencer.

M. Patrick Braouezec - L’article 6, notamment son 1°, apparaît très technique, ainsi rédigé : « Au premier alinéa, les mots « de l’article L. 313-8 ou de l’article L. 313-10 » sont remplacés par les mots « des articles L. 313-7 ou L. 313-8 » ». Le tour de passe-passe consiste à faire disparaître, au détour de ces dispositions, l’article L. 313-7, selon lequel une carte de séjour temporaire pouvait être délivrée à l’étranger désirant exercer en France une activité professionnelle soumise à autorisation et justifiant de l’obtention de cette autorisation. Vous entendez désormais choisir vous-mêmes les secteurs d’activité des étrangers ! Je demanderai la suppression du 2° de cet article afin de rétablir le texte de 2003, qui, au moins sur ce point-là, apportait davantage de garanties.

M. Noël Mamère – Votre objectif est de sélectionner les meilleurs éléments parmi les étudiants étrangers. Voilà bien l’approche utilitariste qui caractérise l’ensemble de votre projet de loi ! Les contrôles, aujourd’hui exercés par les préfectures, seront dorénavant confiés aux autorités consulaires du pays d’origine, ce qui aura pour effet de consacrer le tri en amont des étudiants admis à venir dans notre pays, en fonction des seuls besoins de notre pays. L’intérêt pour les étrangers d’obtenir en France un diplôme dans la filière de leur choix est pour vous secondaire. L’examen, et le cas échéant, l’acceptation de leurs dossiers de candidature par les responsables des formations eux-mêmes dans les universités ne sont plus qu’accessoires.

Le texte prévoit par ailleurs la délivrance d’une autorisation temporaire de séjour pour permettre aux étudiants de rechercher, à l’issue de leurs études, un emploi en lien avec la formation acquise. Quelle hypocrisie ! On avait jusqu’à présent toujours considéré que les étudiants étrangers n’avaient pas vocation à rester dans notre pays une fois leurs études terminées mais à retourner servir leur pays. Votre souhait, inavoué, est aujourd’hui de pouvoir garder les plus qualifiés d’entre eux, sortant des grandes écoles ou titulaires des mastères les plus cotés, au mépris de l’objectif de co-développement puisque vous allez priver les pays pauvres de leurs cerveaux les plus brillants. Seul vous importe l’intérêt de notre pays, en rien celui du pays d’origine des étudiants. Pour autant, le sort de ceux auxquels aura été délivrée cette autorisation de travail demeure incertain puisqu’il est question seulement de leur permettre d’acquérir une première expérience professionnelle. Leur titre de séjour pourrait-il donc ne pas être renouvelé, même s’ils disposaient d’un CDI ?

M. Alain Gouriou - Quelle frilosité malthusienne en matière d’accueil des étudiants étrangers ! C’est tourner le dos à la tradition séculaire d’accueil de nos universités qui, dès leur origine, ont accueilli des étudiants venus de toute l’Europe. L’ambassadeur de Chine en France s’étonnait récemment, lors d’une rencontre avec les membres du groupe d’amitié parlementaire France–Chine, du très faible nombre d’étudiants chinois en France, par comparaison notamment avec la Grande-Bretagne, l’Allemagne et surtout les États-Unis. Cette frilosité dessert notre pays : en effet, les techniciens, les cadres, les chercheurs, les enseignants qui retournent dans leur pays d’origine après avoir fait leurs études en France, connaissant donc notre langue et notre culture, y constituent de puissants relais pour nos entreprises. Ce serait essentiel, notamment en Asie où la croissance est très forte, et à un moment où l’on souhaite, à juste titre, consolider la francophonie.

Veut-on sélectionner les étudiants étrangers en fonction des seuls besoins de notre pays, pour pallier le manque de main-d’œuvre dans certains secteurs – je pense notamment aux médecins, aux chirurgiens ? D’ores et déjà, si les médecins étrangers exerçant dans nos hôpitaux et nos cliniques s’arrêtaient de travailler, tout notre système hospitalier serait en panne. Ou veut-on conduire une véritable politique de coopération avec l’ensemble des pays émergents ? Pour l’heure, les restrictions que vous imposez ne servent pas les intérêts de la France.

M. le Rapporteur – J’ai l’impression que la plupart d’entre vous se sont exprimés non pas sur l’article 6, mais sur l’article 7. En effet, l’article 6 n’apporte que du plus pour les étudiants, avec la possibilité d’accorder une carte de séjour pluriannuelle, d’une durée maximale de quatre ans, aux étudiants dont la première carte de séjour viendrait à échéance, alors qu’ils sont inscrits dans une formation de niveau au moins égal au mastère. Mais aucune des dispositions actuellement en vigueur n’est supprimée. Pour le reste, Monsieur Braouezec, la carte de séjour pluriannuelle de salarié à laquelle vous avez fait allusion, est, elle, en effet supprimée, mais elle n’avait, de fait, jamais été appliquée. La nouvelle carte Compétences et talents est de loin préférable.

M. le Ministre délégué – Il nous faut impérativement définir une nouvelle stratégie d’accueil des étudiants étrangers. Le rappel de quelques chiffres à ce sujet n’est pas inutile : 40 000 premières cartes de séjour temporaire sont délivrées à ce titre chaque année, et on compte aujourd’hui 255 000 étudiants étrangers dans notre pays, soit un peu plus de 11 % de la population étudiante. Nous devons à la fois mieux choisir et mieux accueillir ces étudiants. Beaucoup trop d’étudiants étrangers sont, hélas, inscrits dans des filières qui ne répondent aux besoins ni de notre économie ni de celle de leur pays d’origine. Nous ne devons plus les laisser s’aventurer dans de telles impasses.

Le parcours administratif des étudiants est actuellement beaucoup trop complexe et peut décourager les meilleures volontés. Comme l’a indiqué le ministre d’État en présentant ce projet, notre stratégie d’accueil ne doit pas être menée au détriment des pays d’origine, mais au contraire à leur avantage ; le nouveau dispositif ne doit pas aboutir au pillage, mais à la circulation des cerveaux. Nous allons simplifier la vie des étudiants étrangers en France en permettant à certains d’entre eux d’obtenir, au bout d’un an de séjour, un titre pluriannuel pour quatre ans au maximum ; cela fera moins de formalités pour les étudiants, mais aussi pour les préfectures.

Le principe d’autonomie des universités est totalement préservé, Monsieur Mamère : chaque établissement universitaire continuera de se prononcer souverainement sur les demandes d’inscription des étudiants étrangers ; mais une meilleure coopération sera organisée entre les services des consulats, qui délivrent les visas de long séjour pour études, et les universités.

M. Patrick Braouezec – Cet article, de fait, supprime une catégorie de personnes pouvant bénéficier d’une carte de séjour temporaire : celles qui « désirent exercer en France une activité professionnelle soumise à autorisation et justifient avoir obtenu cette autorisation portant mention de cette activité, conformément aux lois en vigueur ». Vous me dites que cette disposition n’a jamais été appliquée, mais j’aimerais savoir pourquoi ; et est-ce une raison suffisante pour la supprimer ?

M. Jean-Pierre Soisson - Supprimer quelque chose qui n’est pas appliqué pour le remplacer par quelque chose de mieux, ce n’est pas une mauvaise idée…

M. Patrick Braouezec - Pardonnez-moi, Monsieur Soisson, mais déjà tout à l’heure vous n’aviez pas compris ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

En fait, on évacue certains travailleurs, au motif que l’on veut faire de nos propres besoins le seul critère. Je propose par mes amendements 506 et suivants de revenir sur ce point aux dispositions adoptées en 2003.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Pourquoi supprime-t-on cette disposition ? Pour la remplacer par quelque chose de mieux, la carte « compétences et talents ».

M. le Ministre délégué – Même avis. L’article 6 concerne les étudiants et les scientifiques ; les personnes que vous visez, Monsieur Braouezec, relèveront des articles 10 et 12. L’adoption de votre amendement irait à l’encontre de notre souci de simplification et de lisibilité.

M. Jean-Pierre Soisson - Ayant été mis en cause par M. Braouezec alors que j’écoutais les échanges avec beaucoup d’attention, je voudrais lui rappeler que j’ai été en 1974 secrétaire d’État aux universités. Or, l’ouverture des universités, les communistes l’ont toujours combattue... Pour le reste, M. Braouezec et ses collègues ont formulé un certain nombre d’observations qui n’ont aucun rapport avec l’article 6. Enfin, si nous corrigeons la loi de 2003, c’est pour l’améliorer.

L'amendement 506, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 507, 508 et 509.
L'article 6, mis aux voix, est adopté.

après l'Art. 6

M. Jacques Myard - L’immigration zéro est un mythe, on le sait, et elle n’est d’ailleurs pas souhaitable. Mais force est de constater que le nombre des attestations d’accueil est monté jusqu’à plus de 700 000 et qu’il y a là une source de fraudes, voire une filière institutionnalisée d’immigration clandestine. C’est la raison pour laquelle je propose par mon amendement 464 rectifié de créer un fichier national. Cela permettrait de vérifier que les personnes ont bien quitté le territoire, comme de savoir quelles sont celles qui reviennent régulièrement et pour quelles raisons. À l’heure de l’informatique, la mise en place de ce fichier me semble possible.

M. le Rapporteur – La commission n’a pas été saisie de cet amendement. Je maintiens les chiffres que j’ai cités tout à l’heure, qui figurent dans le rapport de juin 2003 : on était passé de 120 457 attestations d’accueil en 1998 à 753 000, ces attestations devenant ainsi l’une des principales sources de maintien illégal sur le territoire de personnes entrées légalement. Il semble que le nouveau dispositif adopté en 2003 produise des effets satisfaisants, puisqu’en 2004 on ne comptait déjà plus que 550 000 attestations. En revanche, le système proposé par M. Myard me paraît très lourd ; avis défavorable donc, à titre personnel.

M. le Ministre délégué – La loi de 2003 a considérablement renforcé les pouvoirs des maires, qui sont désormais seuls compétents pour valider ou refuser l’attestation d’accueil. Cela a permis de passer de 634 000 attestations en 2002 à 354 000 en 2005.

Les maires qui le souhaitent peuvent naturellement créer un fichier informatisé. Par ailleurs, il est nécessaire que les consuls informent les maires de manière beaucoup plus régulière sur le sort réservé aux demandes de visa ; le ministre d’État le leur a demandé, ainsi que de contrôler les retours.

Pour l’ensemble de ces raisons, je souhaiterais le retrait de cet amendement.

M. Jacques Myard - Je ne suis pas tout à fait d’accord avec M. Mariani. Comment savoir si les 350 000 personnes qui ont bénéficié d’une attestation d’accueil ont bien quitté le territoire ? Il y a là un problème, et on n’échappera pas à l’institution d’un fichier national, qui ne s’apparente en rien à du flicage. Chacun a le droit de venir en France, mais nous ouvrons une porte sans savoir si elle sera refermée par la suite. Cet amendement est de bon sens et je le maintiens.

M. Noël Mamère - J’espère que mes collègues ont lu attentivement cet amendement et se sont rendu compte de l’énormité de ce qu’il propose. Ce fichier des étrangers nous ramène aux heures les plus noires de notre histoire (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Jacques Myard - C’est insultant !

M. Noël Mamère – Je me félicite que le rapporteur et le ministre aient refusé cet amendement, mais j’aurais aimé qu’ils le fassent avec davantage de détermination. Adopter cet amendement reviendrait à instiller un poison dans la loi. Le rejeter avec la dernière énergie est une opération de salubrité publique !

M. Patrick Braouezec - Il peut être très difficile d’obtenir un visa d’entrée, et les personnes sont souvent contraintes de refaire trois ou quatre fois leurs attestations d’accueil, valables deux ou trois mois seulement. Cela explique peut-être l’augmentation du nombre de celles-ci.

S’agissant de l’amendement de M. Myard, la loi de 2003 permet aux maires un contrôle sans dimension policière. De retour dans leur pays, les personnes seront amenées à faire d’autres demandes de visa. Cela constitue un élément de contrôle de leur sortie effective du territoire, sans qu’il soit nécessaire de tomber dans les extravagances et les erreurs du passé.

M. Étienne Pinte - Je comprends le souci de vérifier si la personne accueillie a bien quitté le territoire, mais je ne pense pas que le fichier soit une solution. En revanche, le Gouvernement avait envisagé de créer un triptyque qui contiendrait un volet pour l’intéressé, un volet à l’attention de la personne accueillante et un volet à remettre à la douane lors de la sortie. Je me suis toujours demandé pourquoi le Gouvernement avait abandonné cette solution souple, qui permettrait aux maires de vérifier que la personne était bien partie.

M. le Rapporteur – Je comprends l’intention de M. Myard, mais sa solution n’est décidément pas adéquate. L’amendement prévoit que l’étranger informe de son retour la représentation diplomatique ou consulaire. Vous qui fûtes diplomate…

M. Jacques Myard - Si peu !

M. Patrick Braouezec - Il a perdu sa diplomatie sur ces bancs !

M. le Rapporteur - …vous savez que nos représentations à l’étranger sont débordées. À moins que vous ne souhaitiez doubler, par amendement, le corps consulaire, cette disposition est inapplicable.

La remarque de M. Pinte est pertinente mais, depuis, nous avons mis en place les visas biométriques, qui retireront bientôt à ce dispositif toute sa portée.

L’amendement est intéressant, mais il va beaucoup trop loin. La loi de 2003 a déjà permis de réduire de moitié le nombre des attestations d’accueil. Ne tombons pas dans l’excès, alors que nous avons réussi à revenir à des proportions raisonnables.

M. Jacques Myard - Monsieur Pinte, il faudra tôt ou tard informatiser votre triptyque. On n’y échappera pas. Mon amendement oblige la personne accueillante à informer le maire du départ effectif du domicile de la personne, ce qui donne une indication. Lorsque je vois, dans ma commune – où le nombre d’attestations a doublé –, que ce sont toujours les mêmes personnes qui font les demandes, je considère que l’impossibilité de contrôler les départs est un problème.

Quant à M. Mamère, je le lui dis tout net, il est indigne de faire l’amalgame avec les temps sombres durant lesquels ma famille politique était à la pointe du combat !

M. le Rapporteur – Ce n’est pas parce que la personne aura quitté la famille qui l’héberge qu’elle aura quitté le territoire. Votre solution, Monsieur Myard, n’apporte donc pas de réponse.

M. le Ministre délégué – Le système qu’a évoqué M. Pinte est aujourd’hui ancien. Nous avons choisi la méthode plus moderne des visas biométriques, qui seront généralisés d’ici la fin de 2007.

L'amendement 464 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – La commission a adopté l’amendement 53 de M. Pinte.

M. Étienne Pinte - Il s’agit de permettre la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour à des étrangers qui souhaitent effectuer une mission de volontariat en France auprès d’une fondation ou d’une association reconnue d’utilité publique, ou d'une association adhérente à une fédération elle-même reconnue d'utilité publique, à la condition que la mission revête un caractère social ou humanitaire, que le contrat de volontariat ait été conclu préalablement à l'entrée en France, que l'association ou la fondation ait attesté de la prise en charge du demandeur, que celui-ci soit en possession d'un visa de long séjour et qu'il ait pris par écrit l'engagement de quitter le territoire à l'issue de sa mission.

M. le Ministre délégué – Cette proposition relève de ce que le ministre d’État évoquait dans son discours, la circulation des compétences. Il s’agit ici de la compétence du cœur, du dévouement, du bénévolat associatif. Vous avez en outre assorti votre proposition de garde-fous qui font qu’elle ne présente aucun risque migratoire. Avis favorable.

M. Jacques Myard - Certes, il s’agit d’une question de cœur. Mais comment contrôle-t-on l’effectivité de l’engagement pris par écrit ?

M. Jérôme Rivière - Je suis d’accord avec M. Myard. Certes, je respecte ces associations d’utilités publiques, mais le départ repose sur un engagement écrit, ce qui me semble bien léger au regard de l’esprit de ce texte.

M. Noël Mamère – Vous allez finir par faire honte à la représentation nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jacques Myard - C’est vous !

M. Noël Mamère – Comment pouvez-vous remettre en cause cet amendement, soutenu par la commission et le Gouvernement, alors que vous avez défendu ce matin, Monsieur Myard, un amendement relatif au co-développement ? Je ne comprends pas cette peur de l’étranger (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. Jacques Myard - Nous ne craignons même pas que le ciel nous tombe sur la tête !

M. Noël Mamère - Comme s’il s’agissait de construire des murs afin de rester entre nous, alors que nous avons souscrit des conventions internationales sur la libre circulation des personnes, des biens et des marchandises. Et vous voudriez que l’on demeure dans la seule culture judéo-chrétienne à laquelle vous faites sans cesse allusion ? Un peu de cœur et de générosité ! Faites confiance à ceux qui, dans la majorité, proposent des amendements d’ouverture.

M. Bernard Roman – Les réactions de MM. Myard et Rivière sont peu glorieuses. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) On ne pourrait donc admettre un étranger qu’à condition d’en contrôler la sortie ? Cette suspicion systématique ne fait pas honneur à notre histoire.

M. Jacques Myard - Ces propos sont inadmissibles.

M. Richard Mallié – Et surtout naïfs !

M. Bernard Roman – J’ai peur que, derrière des questions juridiques ou techniques ne se cache une idéologie nationaliste et xénophobe. Que chacun prenne donc toute la mesure des arguments qu’il utilise en défendant des amendements indignes de la République française !

M. Jacques Myard – On se croirait au catéchisme, avec des leçons de morale en veux-tu en voilà. Ces accusations sont indignes. Nous légiférons parce qu’un problème d’immigration illégale se pose, et vous, vous niez la réalité parce que votre idéologie vous aveugle. Des États aussi démocratiques que le Canada, les États-Unis, l’Angleterre, contrôlent l’effectivité du départ des étrangers.

M. Bernard Roman - Cessez de mentir ! C’est faux !

M. Jacques Myard – Vous me montrez du doigt, Monsieur Roman, mais un proverbe anglo-saxon dit que lorsque l’on montre quelqu’un du doigt, ce sont trois doigts qui le regardent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Noël Mamère - Voilà une colère qui n’impressionnera que vos voisins de pallier ! Nous ne fonctionnons pas à l’émotion, Monsieur Myard ! Nous construisons l’État de droit.

Nous n’avons pas été élus pour que notre pays se referme sur lui-même et que l’étranger soit systématiquement soupçonné.

M. Jacques Myard - Cela n’a rien à voir !

M. Noël Mamère - Nous devons défendre une société ouverte qui, contrairement à ce que vous affirmez, n’est pas menacée par des hordes de clandestins. Le nombre de ceux-ci est estimé entre 200 000 et 400 000, et le nombre d’étrangers qui vivent en France n’a pas augmenté depuis plus de dix ans. Le vrai problème, c’est, faute de débouchés, le départ des Français diplômés à l’étranger – de 45 000 en 2003, ils sont trois fois plus aujourd’hui.

Mme la Présidente - Je donne la parole à M. le rapporteur et nous passerons au vote.

M. le Rapporteur – L’engagement écrit, en lui-même, est très important puisqu’on ne le demande dans aucune autre circonstance. En outre, toutes les procédures de reconduite à la frontière s’appliquent au cas où la personne resterait illégalement sur le territoire. Enfin, nous ne faisons que transposer ainsi la directive 2004-114 du 13 décembre 2004.

M. le Ministre délégué – La vigilance ne doit pas empêcher la confiance.

M. Jacques Myard - Je suis comme saint Thomas !

M. le Ministre délégué – Le dispositif, je le rappelle, est limité aux associations reconnues d’utilité publique. L’étranger est en outre matériellement pris en charge par la structure d’accueil. Enfin, il s’engage par écrit à quitter le territoire. Ponctuellement, on peut encourager une logique de confiance en la matière.

Mme la Présidente - Je mets aux voix…

M. Claude Goasguen - J’ai demandé la parole.

Mme la Présidente – J’ai dit que nous passerions au vote après l’intervention de M. le rapporteur.

M. Claude Goasguen - J’avais demandé la parole avant, et je n’ai pas encore pris la parole cet après-midi.

Mme la Présidente - Pourtant, on vous entend !

M. Claude Goasguen - Ne me parlez pas sur ce ton ! Je suis le porte-parole du groupe UMP sur ce projet.

Mme la Présidente - Alors, à titre exceptionnel…

M. Claude Goasguen - Je voterai cet article additionnel, mais les associations reconnues d’utilité publique et les fondations sont nombreuses. Je rappelle que, lorsque la gauche a signé des conventions, notamment avec les établissements scolaires, elle a établi une liste limitative publique. Je souhaiterais donc que, par voie règlementaire, nous fassions de même.

M. le Ministre délégué – Je suis assez d’accord sur cette proposition, qui préserve la logique de confiance.

M. Jean-Christophe Lagarde – En 2003, nous avons eu l’occasion, avec M. Perruchot, d’auditionner des associations, certaines reconnues d’utilité publique, qui nous ont dit que lorsque la loi ne leur plaisait pas, elles cherchaient par tous les moyens à la contourner ou à la détourner.

M. Noël Mamère - Quand la loi est injuste…

M. Jean-Christophe Lagarde – Le législateur devrait tout de même considérer qu’il faut respecter la loi. S’efforcer de la modifier, soit, mais la respecter.

En tout cas, ces propos nous ont laissés pantois. L’amendement 53 est intéressant, mais le Gouvernement devra veiller à ce que l’on ne produise pas, par exemple, de fausses attestations.

M. Patrick Braouezec – Ce débat est révélateur des difficultés du Gouvernement avec une partie de sa majorité. Nous sommes contre cette loi, mais nous essayons de la faire évoluer dans le bon sens car l’intérêt de la société dans son ensemble est en jeu : plus les sans-papiers sont nombreux, plus la précarité augmente pour tous les salariés. Nous sommes en présence de deux philosophies : l’une repose sur la confiance, l’autre sur la défiance. Lorsque des amendements généreux sont présentés, fût-ce par un parlementaire de la majorité, le naturel revient au galop chez tous les autres ! Je suppose que des associations reconnues d’utilité publique l’ont été après contrôle. Pourquoi les suspecter a priori ?

M. Jacques Myard - Et l’ARC ?

M. Jean-Pierre Soisson – Une remarque juridique : si nous votons l’amendement de M. Pinte, qui énumère de façon limitative un certain nombre de conditions, le pouvoir réglementaire n’aura pas ensuite la possibilité de rajouter une condition. Un tel ajout serait immanquablement sanctionné par le Conseil d’État, en cas de recours.

M. Claude Goasguen - C’est vrai.

M. Étienne Pinte - Actuellement, les missions de volontariat ne sont encadrées par aucune législation ou réglementation. Mon amendement a précisément pour objet d’expliciter dans la loi le fonctionnement du volontariat d’origine étrangère. Il me semble que cela peut faire l’unanimité d’une Assemblée soucieuse de générosité autant que de fermeté. D’autant que j’ai posé cinq conditions.

Nous parlons ici d’étrangers qui veulent effectuer une mission de volontariat, c’est-à-dire faire un stage en France pour ensuite retourner dans leur pays forts de cette formation. Parmi les associations et fondations auxquelles je pense, il en est une, Monsieur Myard, qui s’occupe de personnes handicapées et qui a son siège dans notre département : l’Arche. Elle a quarante filiales à l’étranger et elle a besoin de former les hommes et les femmes qui animent ce réseau.

M. Jacques Myard - C’est le contrôle du retour qui me préoccupe.

M. Étienne Pinte - À partir du moment où ces fondations et associations d’utilité publique s’engagent sur ce point, je crois tout de même qu’on peut leur faire confiance ! Et si par malheur, elles ne respectaient pas leurs engagements, elles n’obtiendraient plus ensuite de visas, voilà tout !

M. le Ministre délégué - Dans un souci d’efficacité, je propose par le sous-amendement 605 d’ajouter un alinéa disant que l’association ou la fondation mentionnée au premier alinéa fait l’objet d’un agrément préalable par l’autorité administrative dans des conditions définies par un décret. Je pense que nous arriverions ainsi à un bon équilibre.

M. Bernard Roman - Ne donnez pas des gages, Monsieur le ministre, à ceux qui, dans les rangs de votre majorité, cultivent la suspicion ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) M. Pinte fait une proposition qui devrait être accueillie avec enthousiasme par tous les élus, puisqu’il s’agit de permettre à des fondations – label Conseil d’État – et à des associations reconnues d’utilité publique – label Gouvernement – de faire appel à des volontaires étrangers pour mener des actions dont l’intérêt public est avéré. Or, la réaction des députés de la majorité se limite à cette mise en garde : attention, il faut contrôler ! Ces gens vont-ils vraiment repartir ?

J’ajoute, Monsieur le ministre, que votre sous-amendement n’est pas vraiment opérationnel, à moins de vous référer dès le premier alinéa aux associations et aux fondations « agrées ». Si j’étais vous, je ne cèderais pas aux sirènes d’une défiance qui s’exerce non seulement à l’égard des étrangers mais aussi de ces fondations et associations qui font pourtant un travail remarquable. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jérôme Rivière - Nous partageons le souci de générosité qui inspire l’amendement de M. Pinte, mais nous voulons que l’esprit du texte, à savoir une régulation à la baisse des flux migratoires, soit respecté et nous craignons que certaines associations soient tentées de profiter de l’amendement pour dénaturer cet esprit. Le sous-amendement du Gouvernement permet de parer à ce risque. C’est pourquoi nous y souscrivons.

M. Jacques Myard - Une association ou une fondation peuvent être reconnues d’utilité publique et néanmoins poser un jour des problèmes, qu’il s’agisse de malversations ou de détournements de fonds…

Plusieurs députés UMP - L’ARC !

M. Jacques Myard - Oui, ce n’est pas parce qu’une association a été reconnue d’utilité publique en 1936 qu’elle est au-dessus de tout soupçon en 2006. Je me rallie donc à la proposition d’agrément faite par le Gouvernement.

M. Noël Mamère - Le Gouvernement a tort de céder à la petite troupe de braconniers qui franchissent la ligne jaune et s’aventurent sur les terres de l’extrême droite. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Il commet ce faisant une faute politique…

M. Jacques Myard - M. Mamère dérape !

M. Noël Mamère - Céder aux outrances de ces petits braconniers…

M. Jacques Myard - M. Mamère a dérapé !

M. Noël Mamère - …c’est en effet reconnaître qu’il y a une partie de sa majorité qu’il ne peut plus tenir car elle a déjà versé dans les extrêmes ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Braouezec - Je regrette également, Monsieur le ministre, que vous cédiez à la pression, d’autant que vous le faites sans apporter la moindre garantie supplémentaire. Il y a aujourd’hui un certain nombre de fondations, reconnues par le Conseil d’État, et un certain nombre d’associations d’utilité publique, reconnues par l’État. Si vous en retranchez certaines pour faire une liste exhaustive des associations agrées qui pourraient faire appel au volontariat étranger, sur la base de quels critères le ferez-vous ? Le seul motif que je comprendrais serait celui dont a parlé M. Myard – malversation ou détournement de fonds – mais dans ces cas-là, les associations et fondations ne gardent pas leur label.

Comme je ne pense pas que l’on soupçonne a priori les fondations et associations d’utilité publique de détourner de l’argent, je ne vois pas bien à quoi rime le sous-amendement du Gouvernement. Vous êtes dans une suspicion permanente, Monsieur Myard. Je me demande si vous mettez autant de soin à vérifier que les personnes pour lesquelles vous avez délivré une attestation d’accueil ont bien obtenu leur visa et sont bien arrivées que vous voulez qu’il en soit mis à vérifier que tout le monde repart.

M. Richard Mallié - En démocratie, chacun a des droits, mais la République doit aussi avoir la possibilité de contrôler. Le fait qu’un agrément puisse être retiré en cas de dérapage ne signifie pas que nous fassions preuve de suspicion. En réalité, l’hémicycle est partagé entre d’un côté les laxistes, les angéliques et les naïfs …

M. Jérôme Lambert - Vous voulez dire ceux qui respectent les droits ?

M. Richard Mallié - …et de l’autre les réalistes !

M. Jean-Christophe Lagarde - Je ne suis pas systématiquement suspicieux. Reste que je me souviens du témoignage des représentants de la CIMADE que nous avons reçus en audition. L’association est reconnue d’utilité publique et, à juste titre, puisque ses membres aident les étrangers à connaître leurs droits. Or de l’aveu même de ses dirigeants, l’association n’est pas à l’abri des dérapages : certains bénévoles conseillent à des étrangers qui se trouvent dans la zone internationale de l’aéroport de Roissy sans posséder de titre de séjour de demander l’asile.

M. Jacques Myard - Très juste !

M. Jean-Christophe Lagarde - Pensez-vous qu’une personne qui fuit un pays pour des raisons politiques n’aura pas eu cette idée elle-même ? Je ne suis donc pas choqué que l’on conserve la capacité de retirer, fût-ce de manière temporaire, l’agrément à une association. La proposition me semble équilibrée. Malheureusement, la perspective prochaine des élections nous empêche de débattre sereinement de ces questions sensibles.

M. Jacques Myard - Très bien !

M. Jean-Christophe Lagarde - Certains se croient obligés de se lancer des caricatures à la figure. À ceux qui l’ont oublié, je rappelle que les autorités responsables de la délivrance des agréments changent avec l’alternance politique.

M. Jacques Myard - Je voudrais répondre à M. Braouezec en quelques mots. Cela ne me pose aucun problème de délivrer des attestations d’accueil mais je ne veux pas que l’on se fiche de moi ! Lorsque des asiatiques viennent me réclamer une attestation tous les quinze jours, il y a un problème ! Le système actuel des attestations, trop libéral, a été détourné de son objectif. Il sert aujourd’hui à créer des clandestins, ce qui est contraire à l’intérêt général.

M. Patrick Braouezec – Vous ne répondez pas à ma question !

M. Étienne Pinte - Ajouter une sixième condition, l’obtention d’un agrément, ne permettra pas de vérifier que la personne que l’on soupçonne est bien rentrée dans son pays d’origine. Le Gouvernement et le Conseil d’État ont déjà la possibilité de retirer à une association son label d’utilité publique. Le sous-amendement 605 n’apporte donc rien.

M. Noël Mamère - M. Pinte a raison et si le Gouvernement persiste à maintenir ce sous-amendement, je ne participerai pas au vote. Par ailleurs, Monsieur Lagarde, pourquoi jetez-vous l’opprobre sur la CIMADE qui effectue un travail…

M. Jacques Myard - …de sape !

M. Noël Mamère - …reconnu par tous ?

M. Jean-Christophe Lagarde - Je n’ai jamais dit le contraire !

M. Jacques Myard - Ras le bol du curé Mamère !

M. Noël Mamère – Ses membres font ce qu’ils croient être juste et conforme au respect de la dignité humaine !

Le sous-amendement 605, mis aux voix, est adopté.
L'amendement 53 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. Christian Vanneste – Je voudrais encore une fois souligner l’importance de l’apprentissage linguistique, en soulevant le problème de l’intégration des primo-arrivants dans notre système éducatif. Chaque année, 19 000 primo-arrivants sont intégrés dans le primaire et 17 000 dans le secondaire. Or ils sont concentrés à 50 % dans les ZEP alors que ces dernières ne représentent que 20 % de la population scolaire. Cette concentration pose des problèmes pédagogiques et empêche les enfants d’être plongés en immersion linguistique. Face à ce problème, nous devons mobiliser des moyens supplémentaires. Comme l’a souligné le rapport de la Cour des comptes, nous avons tardé à mettre en place le diplôme d’étude de la langue française. C’est tout récemment que les décrets ont été pris. Cet effort est d’autant plus nécessaire qu’un de ces enfants sur quinze non seulement ne parle pas français mais n’a jamais été scolarisé. Aussi je propose, par l’amendement 460, de mieux répartir les primo-arrivants au-delà du simple respect de la carte scolaire et de mettre à leur disposition des assistants d’éducation.

M. le Rapporteur – Cet amendement n’a pas été examiné par la commission. J’en partage l’objectif mais il relève malheureusement du domaine réglementaire. Avis défavorable.

M. le Ministre délégué – Monsieur Vanneste, vous avez raison de défendre la mixité sociale. Il n’est pas bon que les enfants des immigrés soient regroupés dans les mêmes établissements. Je suis donc favorable sur le fond à cet amendement dont l’objectif est d’éviter la formation de ghettos. Malheureusement, il suppose une organisation rénovée de l’éducation nationale et une réforme de la carte scolaire. Le moment est-il venu de l’entreprendre ? Le Gouvernement, prudent, s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.

L'amendement 460, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Christian Vanneste - Je ne doute pas que la commission et le Gouvernement réserveront une réponse similaire à l’amendement 462 rectifié car il est de la même nature que le précédent. Sur des problèmes graves et profonds, on est plus souvent dans le déclaratif que dans le normatif. À l’instar de Mme Boutin, il me semble que le meilleur moyen de lutter contre l’immigration clandestine, c’est de traiter ses causes en favorisant le co-développement. La coopération est souvent plus efficace quand elle est menée directement entre les collectivités territoriales, comme c’est le cas entre le Nord-Pas-de-Calais et la région de Kaye au Mali. Ce territoire, très enclavé, serait sans ressources si les Maliens ne venaient pas travailler en France. Je souhaite donc que le Gouvernement prenne une action décisive en faveur de la coopération décentralisée.

M. le Rapporteur – Favorable sur le fond, défavorable sur la forme. Je vous invite à le retirer.

M. le Ministre délégué – Nous sommes évidemment très favorables à la coopération décentralisée et aux actions de co-développement initiées par les collectivités territoriales. Mais la disposition proposée n’est pas normative. Je vous invite donc à retirer cet amendement et à adopter l’amendement que Mme Boutin présentera à l’article 12, dans lequel elle propose que les titulaires d’une carte « compétences et talents » soient obligés de participer à un projet de co-développement décentralisé défini par la France et un pays en voie de développement.

M. Christian Vanneste - Je retire le présent amendement car je crois avoir été entendu et je voterai l’amendement à l’article 12 que j’ai d’ailleurs co-signé.

L'amendement 462 rectifié est retiré.

M. Noël Mamère - L’objectif de l’amendement 600 rectifié est de mettre en place un groupe d’études chargé de définir les dispositions selon lesquelles les citoyens étrangers non communautaires résidant en France pourront participer aux élections locales à partir du 1er janvier 2008. Cette disposition s’inscrit parfaitement dans la logique de ce projet de loi. Voter aux élections, n’est-ce pas le meilleur moyen de s’intégrer ? Par ailleurs, le ministre de l’intérieur lui-même s’est récemment déclaré favorable au droit de vote des étrangers.

M. Jacques Myard - Ah !

M. Noël Mamère - Nous lui proposons de disposer de la proposition de loi que les Verts avaient présenté en avril 2000 à cette fin. Elle avait été votée à l’unanimité par la majorité de l’époque. On mettrait ainsi un terme à une double inégalité : inégalité dans notre Constitution, qui ne prévoit pas le vote des étrangers, et inégalité entre les étrangers, puisque les ressortissants communautaires peuvent voter aux élections locales, et même accéder à des fonctions électives.

M. Jean-Christophe Lagarde - Ce n’est pas normal ! Ils devraient voter à toutes les élections !

M. Noël Mamère - En effet : les étrangers qui vivent depuis un certain temps dans notre pays devraient pouvoir participer à l’ensemble des élections. Je rappelle que cet étranger qui n’a pas le droit de vote est comptabilisé pour déterminer le nombre des conseillers municipaux de la commune et sollicité pour contribuer à la richesse de notre pays. N’oublions pas non plus qu’un certain nombre de Français se considèrent toujours comme des « étrangers de l’intérieur », parce que leurs parents ou leurs grands-parents, qui n’ont pas choisi la nationalité française, ne peuvent pas voter. Le vote est l’un des éléments fondateurs de la citoyenneté. Les élus que nous sommes peuvent aussi avoir – et c’est humain – la tentation de ne pas traiter avec les mêmes égards ceux qui n’ont pas le droit de vote et ceux qui peuvent les sanctionner. Je suis donc sûr qu’une majorité d’entre nous souscrira à cet amendement nécessaire pour la cohésion de notre pays.

M. le Rapporteur – M. Mamère nous propose en réalité, via la création d’un groupe d’études, un débat sur le vote des étrangers. La ficelle est un peu grosse ! La commission n’a pas examiné cet amendement. À titre personnel, j’y suis résolument hostile, car j’estime que le droit de vote doit rester lié à la nationalité. Certes, il y a une inégalité entre les étrangers européens et les autres ; mais dans le premier cas, il y a réciprocité. On peut d’ailleurs demander à devenir français au bout de cinq ans de présence sur le territoire : c’est une très bonne solution pour voter ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre délégué – La question du droit de vote des étrangers est d’ordre constitutionnel. Le rapporteur a habilement déjoué l’artifice, car l’injonction faite au Gouvernement de créer un groupe de travail ne relève pas de la loi.

Treize États de l’Union européenne se sont engagés dans la voie d’un vote des étrangers aux élections locales. Il y aura donc un débat sur ce sujet, mais certainement pas aujourd’hui. Avis défavorable.

M. Patrick Braouezec – Je soutiens l’amendement de Noël Mamère. La ville de Saint-Denis a organisé récemment un référendum sur le vote des étrangers, en faisant voter sur une liste complémentaire les étrangers qui s’étaient inscrits. Plus de 65 % des votants s’y sont déclarés favorables.

M. Jean-Christophe Lagarde - Avec un taux de participation de 30 % !

M. Patrick Braouezec - S’il était le même à toutes les élections partielles, ce serait déjà bien !

Je ne me satisfais pas des réponses de M. le rapporteur et de M. le ministre. Ce texte traite de l’immigration et de l’intégration. M. Mamère propose simplement – et ce n’est pas une ficelle…

M. Claude Goasguen - C’est une corde à nœuds ! (Sourires)

M. Patrick Braouezec - ...de créer un groupe de travail pour étudier les conditions permettant que tous ceux qui vivent sur notre territoire puissent participer à la vie citoyenne. On a des exigences envers les étrangers, mais dès qu’il s’agit d’élire des représentants, on leur demande de ne plus être citoyens !

M. Christian Vanneste - Ce ne sont pas des citoyens !

M. Patrick Braouezec - On n’est pas tenu de lier citoyenneté et nationalité. Voyez le nombre de pays européens qui ont intégré dans leur loi fondamentale le vote des étrangers non communautaires aux élections locales ! L’amendement de M. Mamère s’inscrit du reste pleinement dans l’objet du texte : les conditions d’accueil et de séjour et des étrangers, et leur intégration.

M. Jean-Christophe Lagarde - Je suis d’accord avec M. Mamère pour ce qui concerne les citoyens communautaires, qui ne devraient d’ailleurs pas être qualifiés d’étrangers, puisque nous avons décidé de créer une citoyenneté de l’Union européenne. Les citoyens communautaires sont dans une situation absurde : ils ne peuvent voter qu’aux élections municipales et européennes, et ils peuvent être élus conseiller municipal, mais sans pouvoir être maire ou adjoint au maire. Or, dans notre histoire, la citoyenneté est un acte de volonté politique. Aujourd’hui, un électeur portugais ou italien de Drancy peut élire des députés européens, mais non son député français – dont l’activité législative est soumise pour 70% aux directives européennes. On envoie au Parlement européen des députés qui parlent au nom de la France mais n’ont pas le droit d’élire le Président de la République !

Pour les étrangers non communautaires, en revanche, il faut revenir à la notion de citoyenneté. Certes, Monsieur Braouezec, nationalité et citoyenneté ne sont pas partout liées. Mais notre nation s’est fondée sur l’idée qu’on devient français parce qu’on le veut. Je défendrai donc des amendements pour faciliter l’acquisition de la nationalité française. C’est notre histoire et notre intérêt ; nous n’avons rien à imposer ; mais quelqu’un qui ne souhaite pas devenir français ne doit pas non plus devenir électeur.

Je refuse l’argument qui veut que parce qu’on paye des impôts, on puisse être électeur aux élections municipales, par exemple. Car on paye aussi des impôts au département, à la région et à l’État.

M. Christian Vanneste - Le vote n’a rien à voir avec l’impôt ! Le régime censitaire n’existe plus !

M. Jean-Christophe Lagarde - Vous avancez masqué. Si les étrangers votent aux élections locales, ils votent à toutes les élections ; mais c’est notre pacte national qui est modifié, puisque la volonté de devenir français n’est plus la condition de l’adhésion politique à la nation française. Je suggérerai donc que l’on propose systématiquement un dossier de naturalisation aux demandeurs d’une carte de résident. Si ceux qui le souhaitent pouvaient devenir français en moins d’un an, le problème du droit de vote des étrangers ne se poserait plus.

M. Bernard Roman - Quel débat passionnant ! Je rejoins en partie M. Lagarde. Permettez-moi de citer un exemple. Le CHRU de Lille, comme bien des hôpitaux français qui ne pourraient fonctionner sans eux, emploie de nombreux médecins étrangers. Un médecin libanais qui a fait toutes ses études en France, spécialiste reconnu et adjoint à un chef de service, a demandé la nationalité française. Sa demande de naturalisation a été par deux fois repoussée au motif que sa situation professionnelle était instable. C’est pourtant à la demande de la France qu’il occupait un poste qu’aucun médecin français n’aurait pu occuper, à un salaire bien inférieur à ce qu’aurait justifié la qualification requise, sous contrat précaire, renouvelé année après année. On mesure là toute l’absurdité du motif de refus ! Il a fallu intervenir avec insistance auprès de M. Borloo pour qu’il soit dérogé à ces décisions initiales et que l’intéressé puisse enfin devenir français. Ce cas, emblématique, n’est pas unique. Nous serons donc nombreux à soutenir les amendements de M. Lagarde visant à faciliter l’accès à la nationalité française.

Quand, traitant de l’intégration, nous abordons la question du droit de vote des étrangers aux élections locales, nous ne sommes pas du tout hors sujet. En effet, tant que l’on n’aura pas reconnu aux parents, aux grands-parents parfois, des jeunes des banlieues difficiles dont on a tant parlé ces derniers temps, une certaine dignité citoyenne passant par leur droit de vote aux élections locales, la première marche indispensable vers leur intégration n’aura pas été franchie.

J’ai du mal à comprendre que le ministre de l’intérieur à la fois demande haut et fort, et il a raison, que l’on ouvre le débat sur l’immigration et l’intégration à l’approche d’échéances électorales capitales et se taise maintenant, ou du moins fasse en sorte que l’on ne prenne pas position, sur la question du droit de vote des résidents étrangers aux élections locales, sur laquelle il a pourtant, lui, donné son avis et qui est au cœur de la question de l’intégration. Oubli ou volonté de ne pas déplaire à ceux que l’on tente de séduire avec un certain discours sur l’immigration ? En fait, M Sarkozy, président de l’UMP, est favorable à ce droit de vote, tandis que M. Sarkozy, ministre de l’intérieur, y est opposé. Où est la cohérence ?

Il est d’ores et déjà des élections pour lesquelles le droit de vote des résidents étrangers ne fait pas débat. Quand il s’agit d’élire les délégués des comités d’entreprise, des conseils de prud’hommes, des parents d’élèves aux conseils d’école ou d’établissement, notamment dans les quartiers en difficulté, les résidents étrangers sont nombreux à se présenter et à être élus. Nul ne conteste là leur citoyenneté. La question soulevée par l’amendement de M. Mamère méritait donc d’être posée.

Mme la Présidente - La parole est à M. Mamère (Protestations de M. le rapporteur).

M. Noël Mamère – Au ministre de l’intérieur qui invitait récemment ceux qui n’aiment pas la France à la quitter – vieux slogan de M. Le Pen repris récemment par M. de Villiers –, j’aurais envie de répondre que la France n’aime pas des millions de personnes qu’elle est bien souvent allée chercher dans ses anciennes colonies, qui vivent depuis des décennies parfois sur son territoire, dont les enfants et les petits-enfants sont français, et que la preuve en est qu’elle refuse de les considérer comme des citoyens. Ces personnes pourtant, elles, continuent d’aimer la France et y restent car c’est leur pays.

C’est un roi, François Ier, qui a le premier mis en œuvre le concept de citoyenneté de résidence, au profit de Léonard de Vinci.

M. Christian Vanneste - À l’époque, il n’y avait pas de citoyens, seulement des sujets !

M. Noël Mamère – Hélas, la République, sous la Révolution, s’est empressée de le supprimer.

Pour M. Lagarde, il existe un lien indissociable entre droit de vote et nationalité, alors que pour nous, celle-ci n’est pas exclusive de la citoyenneté de résidence. Nous pensons, nous, qu’il n’y a pas besoin de choisir de devenir français quand on vit en France depuis des années, qu’on y a fondé sa famille et qu’on y mourra, pour avoir, au même titre que le reste des citoyens, le droit de vote.

Le ministre m’a répondu que l’on ne pouvait pas, au détour d’un amendement à un projet de loi sur l’immigration, traiter ce problème constitutionnel. Mais mon amendement ne fait que demander la création par décret d’un groupe d’études sur le sujet. Je ne vois donc pas ce qui pourrait en empêcher l’adoption sur le plan juridique ou administratif. Votre refus est purement politique.

L'amendement 600 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

Art. 7

M. Claude Goasguen – La situation actuelle en matière d’accueil des étudiants étrangers en France n’est pas satisfaisante, non que nous n’ayons pas assez d’étudiants étrangers mais parce que l’exigence de qualité n’est pas au rendez-vous. Ayant longtemps exercé à l’université de Paris XIII, en Seine-Saint-Denis, je connais bien la question. Si l’article 7 représente un réel progrès, il ne clôt pas le débat.

La question de l’inscription des étudiants étrangers est intimement liée à la question du financement de nos universités. En effet, plus une université compte d’étudiants, plus elle a d’argent, et l’on a vu des présidents d’université, dans une intention d’ailleurs louable, profiter de l’inscription d’étudiants étrangers car ils savent qu’elle leur permettra d’obtenir des subventions supplémentaires alors même que nombre de ces étudiants ne resteront pas toute l’année. Il faut en finir avec ce système. À cet égard, la mise en place dans nos consulats et ambassades des CEF – Centres pour les études en France –, qui permettront aux étudiants de s’inscrire en amont dans l’université française de leur choix, est tout à fait intéressante. Outre qu’elle allégera les formalités administratives, elle devrait, à terme, permettre de faire évoluer le statut de nos universités.

J’appelle maintenant votre attention, Monsieur le ministre, sur la responsabilité particulière qui est la nôtre à l’égard des universités francophones. Si les dispositions de l’article 7 y étaient appliquées à la lettre, les plus grandes craintes seraient de mise pour l’avenir de pays comme le Sénégal, la Côte-d’Ivoire ou le Mali, dont les universités, où j’ai eu l’occasion d’enseigner, me sont chères. Y sélectionner les meilleurs étudiants pour les faire venir en France, alors que nous savons pertinemment qu’après avoir obtenu un diplôme de haut niveau, ils ne retourneront pas dans leur pays d’origine, serait extrêmement nocif pour ces pays. C’est en Chine, en Inde, en Égypte…, où nous devons concurrencer les universités américaines et britanniques qui en drainent les meilleurs éléments, que nous devons faire porter l’effort et appliquer strictement cet article 7. Avec les universités francophones, il faut au contraire conclure des accords de coopération et de co-développement. Nous éviterions ainsi une nouvelle catastrophe dans dix ans.

Bref, cet article est très bon, très moderne, mais dans son application, jouons d’abord la concurrence avec nos adversaires naturels, ne défavorisons pas les universités francophones.

M. Patrick Braouezec - Une fois n’est pas coutume, je partage certaines des préoccupations exprimées par M. Goasguen.

S’agissant de l’attractivité de nos universités, il sait de quoi il parle puisqu’il a enseigné à Paris XIII, qui est assez symbolique de la misère universitaire française et particulièrement mal équipée, notamment en structures d’hébergement, pour accueillir les étudiants étrangers.

Je partage aussi sa crainte au sujet des universités francophones. En revanche, je ne comprends pas qu’il soutienne cet article 7, qui va aggraver la situation. On va en effet sélectionner les « cerveaux », en fonction de nos propres besoins, en ne tenant compte ni des intérêts des pays d’origine, ni de l’intérêt des étudiants eux-mêmes. Il y a fort à craindre que les consulats et les préfectures écarteront d’office la plupart des étudiants qui n’entrent pas dans les catégories que l’on veut favoriser ; des autorités administratives vont ainsi se substituer aux universités dans le choix des étudiants à accueillir. Cela aura pour effet, en outre, d’empêcher des confrontations fructueuses entre étudiants français et étrangers.

M. Jérôme Rivière – Je demande par mon amendement 4 qu’avant de délivrer la carte, on vérifie que l’étudiant a une connaissance suffisante de la langue – le plus souvent le français – dans laquelle l’enseignement va être dispensé. J’ai en tête le cas d’un étudiant coréen, inscrit en DESS à Assas, qui ne parlait pas un mot de français.

Quant à mon amendement 5, il tend à ce que la délivrance de la carte soit subordonnée à la justification par l’étudiant de l’affiliation à un régime d’assurance maladie couvrant ses éventuels frais de soins pendant son séjour en France, notre système de santé contribuant parfois à attirer les étrangers dans nos universités.

M. le Rapporteur – À la réflexion, après les auditions auxquelles nous avons procédé, l’amendement 4 m’apparaît comme une fausse bonne idée. En effet il nous priverait d’étudiants capables d’apprendre très vite le français. Il revient aux écoles et universités de fixer les critères d’évaluation.

S’agissant de l’amendement 5, on ne saurait adopter une disposition qui, au motif de l’existence de quelques abus, pénaliserait tous les étudiants. Avis très défavorable, donc. Pour les personnes venant en France avec un simple visa, en revanche, nous avions voté en 2003 le principe d’une affiliation à une assurance.

M. le Ministre délégué – Même avis. L’amendement 4 risquerait de nous priver d’étudiants à fort potentiel, qui se précipiteraient dans des universités britanniques ou américaines. Quant à l’amendement 5, j’en comprends la motivation mais celle-ci disparaît grâce aux garde-fous que nous mettons en place avec les centres pour les études en France : il ne pourra plus y avoir de cartes d’étudiant « bidon ».

M. Jérôme Rivière - Sans doute des étudiants brillants et motivés sont-ils capables d’apprendre très rapidement notre langue ; je retire donc l’amendement 4.

S’agissant du deuxième, le fait que le taux de réussite des étudiants étrangers soit inférieur d’un tiers à celui des étudiants français laisse craindre d’importants abus ; mais dès lors que les centres vérifieront que la demande d’inscription dans une université n’est pas motivée par le désir de bénéficier du système de santé français, je le retire également.

Les amendements 4 et 5 sont retirés.

M. le Rapporteur – L’amendement 408 est rédactionnel.

L'amendement 408, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – Je laisse M. Goasguen défendre l’amendement 54 de la commission.

M. Claude Goasguen - Identique à mon amendement 330, il mériterait un vote unanime. Il va à l’encontre de la méfiance qu’on nous prête à l’égard de ceux qui viennent se former dans notre pays… Il s’agit d’éviter aux étudiants étrangers qui ont un travail à temps partiel des tracasseries administratives inutiles et désagréables, et de leur permettre ainsi d’étudier dans les meilleures conditions.

M. le Ministre délégué – Il s’agit de remplacer un contrôle a priori fictif par un contrôle a posteriori bien réel. Avis très favorable.

M. Bernard Roman - Une fois n’est pas coutume, nous allons voter cet amendement de M. Goasguen. C’est un amendement de bon sens, qui permettra aux directions départementales du travail de se consacrer à des tâches bien plus utiles, n’en déplaise à Mme Parisot…

M. Patrick Braouezec - Quand une proposition est bonne, nous la soutenons !

Les amendements 54 et 330, mis aux voix, sont adoptés.

Mme la Présidente - A l’unanimité.

M. Patrick Braouezec - L’amendement 534 vise à restaurer la disposition qui prévoyait la motivation par les autorités consulaires des refus des visas pour les étudiants, afin de garantir le droit des étrangers à venir étudier en France.

M. le Rapporteur – En réalité, cet amendement ne concerne pas les visas mais prévoit la généralisation à tous les étudiants de l’obtention de plein droit de la carte étudiant. Or l’objectif de ce projet de loi est de limiter les procédures pour ceux qui passent par les CEF.

M. le Ministre délégué – Cette réforme consiste à donner automatiquement droit à une carte de séjour à des étudiants choisis dans leur pays d’origine selon quatre procédures : étudiants choisis par les CEF; étudiants reçus au concours d’établissements conventionnés ; boursiers du Gouvernement français ; étudiants originaires d’un pays ayant signé un accord de réciprocité.

Ouvrir ce droit à toutes les personnes souhaitant venir étudier en France dénaturerait la réforme. Avis défavorable.

M. Patrick Braouezec – Si cet alinéa était rétabli, il permettrait aux étudiants de connaître la motivation du refus consulaire.

M. le Rapporteur – J’ai le sentiment que vous confondez visa et titre de séjour, lequel n’implique pas de motivation.

M. le Ministre délégué – Les consulats vont peu à peu disposer de CEF et votre souhait sera exaucé. Mais il faut encore attendre. S’agissant de la motivation de refus de visa, elle a été supprimée par la loi de 2003.

M. Noël Mamère - Votre projet est de généraliser les CEF – déjà opérationnels auprès de douze consulats – pour effectuer une sélection multicritères dans le pays d’origine et alléger le contrôle des préfectures. Je pense que la proposition formulée par M. Braouezec est juste et devrait être acceptée.

L'amendement 534, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Bernard Roman - L’amendement 274 vise à supprimer les alinéas 10 à 20 de l’article 7, qui nous font douter de l’objectif recherché par le Gouvernement.

Le dispositif prévoit que les étudiants de niveau « bac +5 » ou doctorants disposent d'un délai de six mois pour trouver un premier emploi en France, période pendant laquelle ils sont autorisés à bénéficier d'un stage. Celui-ci peut déboucher sur un emploi ou une promesse d'embauche.

Alors que la France est censée mener des politiques de co-développement, nous craignons que ces dispositions permettent de récupérer les élites étrangères. Ceci est d’autant plus frappant lorsque l’on sait que 9,7 % des étudiants inscrits en premier cycle, 13,2 % en deuxième cycle et 24,8 % en troisième cycle sont étrangers. Les élites étrangères sont donc bien présentes en France et les universités françaises ne craignent pas la concurrence des universités américaines : en effet, le nombre d’étudiants étrangers inscrits dans des universités scientifiques américaines a chuté de 13 % entre 2004 et 2005. Le pillage des cerveaux est donc bien une réalité en France.

Mme Muguette Jacquaint – Nous craignons qu’il y ait une sélection systématique des bons étudiants, les personnes moins brillantes ne pouvant obtenir le droit d’étudier en France. L’amendement 511 vise donc à supprimer les alinéas 10 à 14.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Nous souhaitons que les étudiants ayant achevé leur cursus puissent obtenir une première expérience professionnelle en France. Vous proposez pour votre part qu’ils repartent immédiatement chez eux.

Mme Muguette Jacquaint - Ce n’est pas ce que j’ai défendu !

M. le Rapporteur – Ce serait la conséquence de la suppression des alinéas 10 à 14. Nous avons tout intérêt à donner cette possibilité aux étudiants étrangers. Ne nous berçons pas d’illusions, un étudiant africain qui n’a pas envie de retourner dans son pays, devant un refus de la France, s’expatriera vers le Québec ou le Canada. Notre désaccord est de fond.

M. le Ministre délégué – Nous pourrions nous retrouver sur l’objectif. L’intention du Gouvernement est de créer une circulation de compétences, une forme de partenariat ou de co-développement. Nous voulons créer un sas vers le marché du travail pour les étudiants diplômés, qui veulent acquérir une première expérience professionnelle dans la perspective de leur retour dans leur pays d’origine. Certes, un médecin béninois repartira rapidement au terme de ses études dans son pays, où existe un besoin patent de médecins. Mais l’élève d’une école de travaux publics ressentira le besoin de se perfectionner et de concrétiser son enseignement au travers d’une expérience professionnelle. N’ayons pas de position dogmatique, mais permettons une circulation des compétences, dans une logique affirmée de co-développement.

Mme Muguette Jacquaint - Où est la politique de co-développement ?

M. Bernard Roman - Nous sommes d’accord sur certains points : les étudiants terminent leurs études et nous leur donnons la possibilité d’avoir une première expérience en France dans un cadre de co-développement. Mais que se passera-t-il après cette première expérience, compte tenu du marché ? Il est faux de prétendre favoriser le co-développement en permettant aux entreprises de garder les meilleurs étudiants après la première expérience. Nous demandons donc le réexamen de ces alinéas.

M. Noël Mamère - En effet. Vous ne pouvez prétendre tirer la ficelle par les deux bouts en organisant le pillage des cerveaux et en prétendant favoriser le co-développement. Ces amendements vont quant à eux dans le bon sens.

Les amendements 274 et 511, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Noël Mamère – Trouver un emploi à ce niveau d’études prend du temps et les procédures de recrutement sont souvent très longues. Il est donc juste de pouvoir renouveler cette autorisation provisoire de séjour si la personne prouve l’efficacité de ses recherches. Tel est le sens de l’amendement 158.

Mme Muguette Jacquaint – L’amendement 512 est identique. Six mois, c’est très court. J’ajoute qu’il est contradictoire de promouvoir l’immigration choisie et de proposer en même temps une limitation temporelle.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Ces amendements proposent de permettre le renouvellement de la période de six mois offerte aux jeunes diplômés étrangers pour trouver un emploi. Je rappelle tout d’abord qu’une simple promesse d’embauche avant six mois suffira. Ces étudiants sont de plus très rapidement recrutés après l’obtention de leur diplôme, voire parfois pré-recrutés à l’issue de leur stage de fin d’études. Cette facilité, en outre, est destinée à des étudiants ayant une démarche volontariste qui les aura conduits à commencer leur parcours de recrutement bien avant la sortie de l’école ou de l’université. Enfin, les étudiants qui n’auront pas trouvé de travail au bout de six mois n’en auront peut-être toujours pas trouvé après une année. Il ne s’agit en rien de mettre en place un régime de droit au séjour pour les étudiants mais de leur ouvrir le marché du travail de manière ciblée. J’ajoute que l’opposition, par les amendements 274 et 511, proposait de supprimer la possibilité, pour les étudiants, de travailler après les études et qu’elle souhaite maintenant leur donner une période plus longue pour trouver un emploi. Où est la logique ?

M. le Ministre délégué – Même avis : la période de six mois conduirait à un pillage des cerveaux et elle n’est pas assez longue ! Il faudrait choisir !

Les amendements 158 et 512, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

Mme Muguette Jacquaint - Pourquoi les seuls détenteurs de mastères pourraient-ils travailler ? Les titulaires d'un diplôme moins élevé ou technique devraient pouvoir bénéficier de cette ouverture de droits. Tel est le sens de l’amendement 514. La réforme envisagée sélectionne les meilleurs éléments et donc confirme l'approche utilitariste de ce projet.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Cet amendement risque d’inciter les étudiants à arrêter leurs études dès le bac, or nous souhaitons qu’ils puissent travailler après cinq années d’études supérieures.

M. le Ministre délégué – Même avis.

M. Noël Mamère - C’est bien la preuve que vous faites une sélection entre les diplômés et que vous contribuez au pillage des élites des pays du premier monde.

M. le Rapporteur – Nous voulons inciter les étudiants à venir. Il ne s’agit pas de permettre à ceux qui ont le bac de travailler et donc d’arrêter leurs études. Tel n’est pas notre objectif.

M. Noël Mamère - Beaucoup de Français ont leur bac, arrêtent leurs études et travaillent. Pourquoi interdirait-on à un étranger de travailler après son bac ?

L'amendement 514, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Muguette Jacquaint – L’économie est pour vous prédominante dans l’organisation de la « sélection » des immigrés. Vous les percevez comme des rouages efficaces de la machine économique gérée selon les dogmes libéraux. Votre texte limite donc au développement économique le contenu et la finalité de la première expérience professionnelle que peut souhaiter faire un jeune étudiant étranger ayant achevé un cycle de formation conduisant à un diplôme au moins équivalent au mastère. L’amendement 513 vise à y adjoindre les domaines culturel, scientifique et social.

M. le Rapporteur – Avis défavorable : nous entendons « développement économique » au sens large.

M. le Ministre délégué – Même avis. Ne jouons pas sur les mots ! L’objectif est de favoriser le développement économique de notre pays et du pays d’origine des étudiants.

Mme Muguette Jacquaint – On dit souvent que les textes sont trop complexes, mais nous savons où mènent trop d’imprécisions comme nous savons combien le renvoi au domaine réglementaire est problématique. Certains décrets ne sont jamais publiés ! C’est précisément parce que ce texte est très technique que nous devons nous montrer pointilleux.

L'amendement 357, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Muguette Jacquaint - Les amendements 513 et 515 sont défendus.

Les amendements 513 et 515, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur – Nous proposons par l’amendement 55 d’assouplir la procédure applicable aux jeunes diplômés des pays d’Europe centrale et orientale qui ont rejoint l’Union européenne de façon qu’ils puissent, s’ils sont titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur français de niveau bac + 5, exercer une activité professionnelle sans disposer d’un titre de séjour. Nous leur montrerons ainsi que nous ne les considérons pas comme des Européens de seconde zone.

M. le Ministre délégué – En 2011, ces jeunes bénéficieront du droit commun européen. Le Gouvernement est favorable à cet amendement qui anticipe cette situation.

L'amendement 55, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente - Nous en arrivons à trois amendements qui peuvent être mis en discussion commune, dont deux identiques.

Mme Muguette Jacquaint – Nous refusons la logique actuelle qui consiste à ne pas indemniser les stagiaires, qu’ils soient Français ou étrangers. Il est contradictoire d’imposer la gratuité du stage et d’exiger dans le même temps de l’étudiant étranger qu’il « dispose de moyens d’existence suffisants ». Le projet ne permettra qu’à une petite frange d’étudiants étrangers de rester en France : ceux issus de familles aisées.

Nous proposons donc, dans l’amendement 516, de remplacer le mot « stage » par les mots : « dans le cadre d’une convention de stage visée par l’autorité administrative compétente ».

M. Christian Vanneste - L’une des avancées de la loi sur l’égalité des chances a consisté à poser le principe de l’indemnisation des stages supérieurs à trois mois, il convient d’en faire bénéficier aussi les étudiants étrangers et donc de ne pas réserver la carte de séjour temporaire aux stagiaires non rémunérés. Tel est le sens de notre amendement 463.

Mme Danièle Hoffman-Rispal – Notre amendement 478 est identique. Bien que nous n’ayons pas eu la chance d’examiner l’article 9 de la loi sur l’égalité des chances (Sourires ), il ne nous a pas échappé que la référence à un stage non rémunéré créait une injuste inégalité entre étudiants français et étrangers. Sachant en outre que certains cursus doivent être validés par un stage, il importe vraiment de veiller à ce que les étudiants étrangers puissent eux aussi accomplir un tel stage.

M. le Rapporteur – La commission a émis un avis défavorable sur l’amendement 516, car les amendements 463 et 478 répondent mieux au problème. L’article 7 se référait aux stages non rémunérés pour respecter la directive du 13 décembre 2004, mais rien n’empêche d’indemniser les stagiaires et de nous conformer ainsi à l’article 9 de la loi sur l’égalité des chances.

M. le Ministre délégué – Même avis.

L'amendement 516, mis aux voix, n'est pas adopté.
Les amendements 463 et 478, mis aux voix, sont adoptés.
L'article 7, modifié, mis aux voix, est adopté.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, ce soir, à 21 heures 30.
La séance est levée à 19 heures 50.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.
Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.
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