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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du vendredi 5 mai 2006

Séance de 15 heures
89ème jour de séance, 210ème séance

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann
Vice-Président

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La séance est ouverte à quinze heures.

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immigration et intégration (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif à l’immigration et à l’intégration.

Art. 24 (suite)

M. le Président – Ce matin, l’Assemblée a entendu les orateurs inscrits sur l’article. Nous en venons aux amendements.

M. Noël Mamère - L’amendement 165 tend à supprimer cet article, qui est emblématique de l’esprit de tout le projet de loi : il s’agit en effet de précariser les étrangers présents sur notre territoire, devenus la figure même de l’indésirable. Ces victimes d’une société malade, le Gouvernement les a choisis comme boucs émissaires pour dissimuler son impéritie à la veille des échéances électorales !

Appliquant la même stratégie qu’avant les élections de 2002, stratégie qui nous a pourtant conduits au choc du 21 avril, une partie importante de l’UMP vient de nouveau braconner, sous la férule du ministre de l’intérieur, sur les terres de l’extrême droite. C’est dans un pur souci électoraliste que vous nous présentez ce texte mal ficelé, sans même attendre que tous les décrets d’application de la loi de 2003 aient été publiés !

L’article 24 remet ainsi en cause un principe acquis depuis 1974 - la régularisation automatique des étrangers au bout de dix années de présence sur notre territoire. Vous portez également atteinte à un droit universel, reconnu notamment par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP) le droit à une vie privée et familiale normale.

En rompant avec le principe du regroupement familial, vous allez créer une immigration jetable, au seul service de l’employeur, et vous brisez notre pacte démocratique et social. Loin de sécuriser la société française, vous instillez une insécurité et une précarité générales.

C’est pourquoi nous demandons la suppression pure et simple de cet article. Ce ne serait d’ailleurs pas une concession de votre part, mais un simple retour à la raison, après vous être enivrés au parfum des perspectives électorales.

M. Bernard Roman – Notre Assemblée mérite des rapports parlementaires sincères, ce qui n’est pas le cas de celui qui nous a été soumis, car les chiffres de l’immigration, connus ou supposés, ne justifient pas réellement qu’on légifère aujourd’hui.

Quand on s’appuie sur un constat pour proposer des mesures, Monsieur Mariani, encore faudrait-il que son interprétation ne soit pas erronée, et qu’on ne mette pas en avant des raisons fausses, voire fallacieuses !

Sous quel prétexte vous attaquez-vous en effet, par cet article 24, aux conditions d’attribution des cartes « vie privée et familiale » ? Parce que, écrivez-vous page 136 de votre rapport, tableau à l’appui, « on observe une augmentation rapide des cartes de séjour temporaire délivrées en raison des liens personnels et familiaux », et vous expliquez que cette augmentation découle d’une « interprétation extensive », par les juges, de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et du principe constitutionnellement reconnu du droit à mener une vie familiale normale.

Plusieurs députés du groupe UMP – C’est vrai !

M. Bernard Roman - Ce que vous cachez, Monsieur le rapporteur, c’est que cette évolution est de votre fait : elle résulte de la loi de 2003 ! Avant cette date, les étrangers bénéficiant du regroupement familial obtenaient en effet de plein droit le même titre que la personne qui les avait faits venir. Sur 17 000 personnes entrées en France au titre du regroupement familial en 2002, 13 647 avaient ainsi reçu la carte de résident.

Depuis 2003, en revanche, les personnes entrées sur notre territoire dans le cadre du regroupement familial n’obtiennent plus qu’une carte de séjour temporaire ! Comment pouvez-vous donc affirmer que l’explosion qui caractériserait la délivrance de ce titre résulte du laxisme des juges ?

Quand on compare les chiffres du regroupement familial et ceux des cartes de séjour temporaires, on constate même une légère diminution du nombre d’étrangers bénéficiant de cette carte. Toute votre argumentation tombe donc ! Il y a transfert d’une catégorie à l’autre !

Comment pouvez-vous alors demander une modification législative sous le prétexte d’une explosion des chiffres ? J’ajoute d’ailleurs que le nombre de personnes demandant le bénéfice du regroupement familial est lui aussi en légère décrue.

C’est donc à un pur affichage politique que vous vous livrez, dans le seul but de justifier une politique d’immigration restrictive, qui précarise les immigrés et empêche le regroupement familial. Nous ne pouvons pas accepter que vous cherchiez à nous tromper par des chiffres manipulés ! D’où l’amendement de suppression 285.

M. Patrick Braouezec – Mon amendement 567 est également de suppression, et je partage la position de MM. Mamère et Roman.

J’ajoute toutefois que je comprends mal l’absence persistante du ministre de l’intérieur.

M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois - Il était là ce matin !

M. Patrick Braouezec - Il est resté trois minutes ! Ceux qui suivent nos débats ne comprennent pas cette attitude du ministre, alors que nous discutons d’un projet qu’il considère lui-même comme important ! S’il est venu répondre aux questions posées lors de la discussion générale, il n’y avait pas assisté…

Plusieurs députés du groupe UMP – Vous oubliez les contraintes de son agenda !

M. Patrick Braouezec - Mais si nous débattons aujourd’hui de ce projet de loi, c’est bien parce qu’il l’a voulu !

M. Yves Jego – Nous nous réjouissons qu’il vous manque à ce point !

M. Patrick Braouezec - Je ne sous-estime en rien le rôle des ministres qui le remplacent ici (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) – et qui sont d’ailleurs souvent plus attentifs à nos questions que le ministre d’État …

M. Yves Jego - Ne soyez donc pas masochiste !

M. Patrick Braouezec - …tant M. Sarkozy a tendance à…

M. Claude Goasguen - S’occuper de vous !

M. Patrick Braouezec - …vouloir régler ses comptes ! Ce n’est pas faire preuve de respect à l’égard de notre Assemblée que de n’avoir consacré que quelques minutes à nos débats au cours des trois derniers jours ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

L’article 24 est au cœur d’un projet de loi dont vous niez qu’il soit dirigé contre les étrangers immigrés. Si tel est vraiment le cas, vous devriez bien retirer cet article ! Comment le ministre de l’intérieur a-t-il pu à ce point changer d’opinion depuis qu’en 2001, il écrivait dans Libre !

M. Yves Jego - Bonne lecture !

M. Patrick Braouezec - …que le regroupement familial était nécessaire à l’intégration des étrangers ?

Plusieurs députés UMP - Rien n’a changé !

M. Patrick Braouezec - En fait, une immigration de vie privée et familiale – inscrite dans notre droit depuis 1974 – cède la place à une immigration de travail. On considérait jadis que, pour s’intégrer, un étranger devait vivre avec sa famille ; on pense aujourd’hui qu’il faut accueillir des étrangers qui peuvent travailler dans le seul intérêt national – ou du moins dans l’idée que vous vous en faites…

M. Claude Goasguen - C’était déjà dans les lois Pasqua !

M. Patrick Braouezec - Je ne m’explique donc pas ce qui a changé entre 2001, ou entre la loi de 2003, et aujourd’hui.

La majorité est divisée : M. Pinte et Mme Boutin nous l’ont montré, ainsi que M. Lagarde.

M. Claude Goasguen - Vous mélangez tout !

M. Patrick Braouezec - Qu’elle prenne la juste décision de reconnaître ses erreurs ! Respectez l’engagement pris en 2003 à l’égard des étrangers présents depuis dix ans sur notre territoire et qui n’ont jamais enfreint nos lois ! Cela nous grandirait tous, et sortirait nombre de personnes du désespoir. M. Lagarde nous annonçait de nouveaux Saint-Bernard, M. Pinte nous racontait l’occupation d’une église à Versailles, et j’ai moi-même vécu celle de la basilique de Saint-Denis : qu’est-ce qui vous empêche de régulariser, au cas par cas, les quelque 3 000 personnes dont parlait M. Pinte, une goutte d’eau parmi les 200 000 sans-papiers de notre pays ?

M. le Rapporteur – La carte « vie privée et familiale » est prévue à l’article L. 313-11 du Ceseda. Elle permet à tous ceux qui ont noué des liens personnels et familiaux avec la France de bénéficier d’un titre de séjour. Le respect de la vie privée de chacun, mentionné à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, n’est donc en rien remis en cause.

Néanmoins, au fil des évolutions législatives, l’article L. 313-11 s’est éloigné de son objet initial, et le présent article vise à subordonner l’attribution de cette carte à des critères réellement liés au respect de la vie privée et familiale, afin de mettre un terme aux abus. J’émets donc un avis défavorable aux amendements de suppression 165, 284 et 567.

En 1998, 2 800 cartes ont été attribuées à ce titre. Elles étaient 13 114 en 2005 – et ce chiffre exclut le regroupement familial ! Contrairement à celui-ci, d’ailleurs, les critères d’attribution de la carte « vie privée et familiale » ne sont pas précisés dans la loi, mais définis par la jurisprudence. Ainsi, certains tribunaux administratifs l’ont délivrée à des personnes relevant du regroupement familial, mais qui ne satisfaisaient pas aux conditions de ressources et de logement.

Il faut laisser le Parlement décider de la définition de cette carte. Le regroupement familial n’est pas en cause, mais lorsque les chiffres sont multipliés par six, on est en droit de se poser des questions ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Voilà pourquoi les critères doivent être revus et cet article conservé ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire - MM. Dray et Braouezec ont fait référence à l’absence du ministre d’Etat...

M. Patrick Braouezec - C’est légitime !

M. Christian Estrosi, ministre délégué – Il est pourtant régulièrement présent parmi nous, et a tenu à venir répondre personnellement à chacun des orateurs lors de la discussion générale. M. Dray en est même resté béat d’admiration…

M. Julien Dray - Je n’ai pas besoin d’un maître d’école : j’ai passé l’âge !

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Il est aisé d’en parler en son absence alors que vous êtes muets de stupéfaction en sa présence ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Julien Dray - Nous ne sommes pas sur la promenade des Anglais !

M. Noël Mamère - Le ministre n’est-il donc qu’un touriste de passage ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué Quant à faire des propositions, le groupe socialiste est resté très modeste…

M. Jérôme Rivière – Il n’en a aucune !

M. Christian Estrosi, ministre délégué - … et s’en est tenu à des amendements de suppression. Le ministre d’Etat était présent ce matin même, et M. Hortefeux et moi-même sommes très sensibles au fait qu’il nous délègue l’honneur de présenter de ce texte dont il a, seul, la paternité.

M. Julien Dray - N’en faites pas trop !

M. Christian Estrosi, ministre délégué Venons-en au fond – sur lequel je ne reviendrai pas au cours de la discussion de l’article, considérant que le Gouvernement aura expliqué sa position.

Plusieurs députés socialistes – Voilà un débat constructif !

M. Christian Estrosi, ministre délégué L’article 24 concerne un dispositif essentiel du projet de loi.

M. Julien Dray - C’est vrai !

M. le Ministre délégué – Les trente-sept amendements déposés en témoignent. Cet article découle de deux exigences qui ont inspiré l’ensemble du projet de loi : fermeté et justice. Il faut remettre de l’ordre dans un dispositif dont nous perdions la maîtrise, tout en respectant la justice, notamment à l’égard des plus faibles.

La fermeté d’abord : elle implique trois modifications fondamentales.

Première remise en ordre : la suppression – que nous assumons pleinement – de la régularisation automatique des étrangers en situation irrégulière au motif qu’ils sont présents sur notre sol depuis plus de dix ans…

M. Claude Goasguen - Très bien !

M. Julien Dray - Qui l’avait créée ? Et dans quelles circonstances ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué - A l’origine, cette disposition figurait dans la loi Debré de 1997, mais c’est la loi Chevènement de 1998 qui a ramené la durée de la présence exigée de quinze à dix ans. Et cette disposition a fini, au fil du temps, par être perçue comme une sorte de prime à la clandestinité… (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. René Dosière - Arrêtez !

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Elle concerne environ 3 000 personnes chaque année, ce qui peut être considéré comme relativement peu…

M. Noël Mamère - Nous ne vous le faisons pas dire !

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Mais cela ne signifie pas pour autant qu’elle soit légitime dans son principe. Comment décourager les nombreux candidats à l’immigration illégale dans notre pays si nous récompensons ceux qui parviennent à se maintenir dans la clandestinité pendant dix ans ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Patrick Balkany - Eh oui ! C’est le bon sens.

M. Patrick Braouezec - Honte à vous ! Ce n’est pas Etienne Pinte qui vous applaudit !

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Deuxième remise en ordre : la délivrance aux conjoints de Français d’une carte de séjour « vie privée et vie familiale » sera désormais subordonnée à l’obtention d’un visa de long séjour. A cet égard, je rappelle que dans le souci de justice qui ne nous quitte jamais, nous avons décidé ensemble, par un amendement à l’article 2, que le visa de long séjour demandé par le conjoint d’un citoyen français ne pourrait être refusé qu’en cas de fraude, d’annulation du mariage ou de menace à l’ordre public. D’autre part, si 27 000 cartes avaient été délivrées à ce titre en 2000, ce ne sont pas moins de 40 000 qui l’ont été en 2004.

Troisième remise en ordre : la réforme des cartes de séjour délivrées, au titre du 7° de l’article L. 313-11, à des étrangers en situation irrégulière qui ont de tels liens familiaux et privés en France qu’ils ne peuvent être reconduits à la frontière. Cette carte, vous le savez, a vu le nombre de ses titulaires augmenter considérablement, puisque plus de 13 000 ont été délivrées à ce titre en 2004, soit deux fois plus qu’en 2000 ; c’est donc devenu une voie totalement détournée du regroupement familial. Je l’affirme, et je l’assume. Je le dis tout net : il n’est pas possible de la supprimer totalement, car c’est une exigence qui résulte de nos engagements européens, et il n’est évidemment pas question pour le Gouvernement d’envisager de ne pas respecter l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Mais il faut mieux l’encadrer, par une rédaction pesée au trébuchet. Avec l’avis favorable – à la virgule près – de l’assemblée générale du Conseil d’État, nous précisons les conditions que les préfets doivent prendre en compte pour apprécier l’intensité de la vie privée et familiale en France en vue de la régularisation…

M. Noël Mamère - Cela reste arbitraire !

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Il faudra avoir des liens personnels et familiaux intenses, anciens et stables ; faire état de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d’origine ; faire état de ses conditions d’existence, et, enfin, être inséré dans notre société… (M. Patrick Braouezec s’exclame) Quant à notre exigence de justice à l’endroit des plus faibles, elle nous a conduits à créer un cas de délivrance d’un titre de séjour pour vie privée et familiale en faveur des étrangers entrés en France alors qu’ils étaient mineurs isolés, et confiés pour cette raison à l’aide sociale à l’enfance.

Enfin, conformément à ce qu’a indiqué solennellement le ministre d’État, le Gouvernement n’entend remettre en cause d’aucune manière les conditions de séjour en France des étrangers gravement malades, la législation actuelle étant, sur ce point, très équilibrée. J’aurai d’ailleurs l’occasion, en réponse à M. Rivière, de détailler le plan d’action que nous mettrons en œuvre à législation constante.

Ce que nous proposons, Monsieur Roman, ne consiste pas à supprimer toute possibilité de régularisation : nous maintenons une soupape de régularisation, mais nous voulons mieux encadrer cela, pour prévenir les appels d’air et les détournements. La création par circulaire d’une commission nationale composée de représentants de l’administration, du monde associatif et d’élus contribuera à harmoniser les pratiques préfectorales et à tenir compte des situations humanitaires.

J’ajoute que nous accompagnons cette réforme d’un vigoureux effort d’aide au retour volontaire. Celle-ci se limitait jusqu’alors à un pécule de 150 euros par personne. Désormais, ce sera 2 000 euros par personne, 3 500 euros pour un couple, 1 000 euros par enfant mineur jusqu’au troisième et 500 par enfant. Les crédits budgétaires afférents permettront d’aider 5 000 personnes en 2006.

Entre fermeté et justice, cet article 24 répond clairement à vos inquiétudes. Il y a, d’un côté, ceux qui disent : « régularisons ! régularisons ! » ; et, de l’autre, ceux qui ne veulent pas que l’on confonde la République avec un immense Barnum ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. le Président – Sur l’amendement 284 – et par conséquent sur les trois amendements de suppression de l’article -, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

M. Julien Dray – Je commencerai par un bref historique de la régularisation automatique des étrangers présents clandestinement en France depuis plus de dix ans. En décembre 1996, votre majorité, forte de 450 députés, s’était laissé emporter par une frénésie ayant entraîné des dérapages verbaux que nul n’a oubliés – et qui ont eu les effets électoraux que l’on sait. Sûrs de votre fait, vous n’aviez pas de mots assez durs pour brocarder les malheureux députés de l’opposition présents en séance. Puis, à quelques semaines de là, il y eut une formidable mobilisation populaire en faveur des sans-papiers et le président de la commission des lois d’alors, M. Pierre Mazeaud, vous exhorta lui-même – Etienne Pinte s’en souvient certainement – à un peu plus d’humanité. C’est ainsi que fut prise la décision de régulariser tous ceux qui pouvaient attester de quinze ans de présence continue sur notre sol, le législateur ayant considéré qu’un tel effort méritait bien un peu de générosité. Par la suite, c’est nous qui avons ramené à dix ans le délai exigible. Vous entendez, par cet article 24, revenir sur cet acquis au motif qu’il donnerait une prime à la clandestinité et qu’il pourrait créer un appel d’air. Cela n’est pas recevable : croyez-vous qu’il soit facile de se maintenir plus de 3 000 jours sur un territoire où votre présence n’est pas souhaitée, sans savoir de quoi demain sera fait et sans bénéficier d’aucun droit ? Croyez-vous qu’il se trouvera un seul Africain pour se dire : je tente ma chance car, si j’arrive à me maintenir pendant dix ans, je serai régularisé ?

M. Yves Jego - Vous préférez continuer de donner une prime à la fraude ?

M. Patrick Balkany - C’est totalement irresponsable !

M. Julien Dray - Oh, vous, retournez à Levallois-Perret ! On y a sans doute besoin de vous. Ce que vous refusez de prendre en compte, c’est la souffrance des clandestins, souvent conduits à faire la grève de la faim, voire poussés au suicide pour faire entendre leur voix.

M. Patrick Balkany - Allez-y, continuez ! Quand on n’a rien à dire, il faut le dire très fort !

M. Julien Dray - Au reste, lorsque de tels drames ont lieu dans vos circonscriptions, vous êtes souvent les premiers à demander au préfet de faire un geste, compte tenu de la dimension humaine de ces affaires.

Je voudrais par exemple faire état du cas d’un employé malien de la Conciergerie, présent sur notre sol depuis treize ans et qui risque aujourd’hui l’expulsion pour avoir signalé, en toute bonne foi, sa situation. Quelles que soient leurs options politiques, tous ses collègues de travail se sont mobilisés en sa faveur, mais la Préfecture ne veut rien entendre ! Il a été licencié et expulsé ! J’ai participé, avec M. Goasguen et Mme Vautrin à un débat télévisé auquel participait aussi l’ancienne ministre de la culture du Mali et j’ai bien senti la gêne des membres de la majorité lorsque cette femme nous a dit : quand vous adoptez de telles dispositions, vous devriez penser à l’image que vous donnez de la France, et qui ne contribue pas à son rayonnement.

Alors, faites preuve d’un peu d’humanité et entendez les arguments de l’opposition ! Reconnaissez que vous vous êtes trompés ! Ce serait un geste d’intelligence, une preuve de bonne foi. Je rappelle qu’il ne s’agit a que de 3 000 cas, de gens qui n’ont enfreint aucune règle. Si vous êtes des Républicains, vous ne pouvez pas les abandonner !

M. Patrick Balkany - J’ai été mis en cause, je demande la parole !

M. Julien Dray - Les faits personnels sont en fin de séance ! Vous reviendrez ce soir ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Balkany - Ces mises en cause sont inadmissibles ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président – La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal. M. Balkany pourra demander la parole pour un fait personnel en fin de séance.

Mme Danièle Hoffman-Rispal – J’approuve totalement ce que vient de dire M. Dray à propos des drames humains que va entraîner la suppression de la régularisation au bout de dix ans de résidence, mais je voudrais pour ma part insister sur une autre absurdité de l’article 24 : les critères d’attribution de la carte « vie privée et familiale ». Sa délivrance sera subordonnée à la preuve des liens personnels et familiaux en France, « appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité. »

J’aimerais que vous m’expliquiez, Monsieur le ministre, Monsieur le rapporteur, comment vous allez mesurer l’intensité des relations d’un couple. Allons-nous créer un nouveau corps de fonctionnaires chargés d’aller dans les chambres à coucher pour mesurer cette intensité ? Je ne sais pas davantage ce qu’est la stabilité d’un couple. Quels critères retiendrez-vous pour dire que tel couple est stable tandis que tel autre ne l’est pas ? Nous touchons là au comble de la subjectivité.

La notion d’intégration dans la société française ouvre également la porte à tous les arbitraires. Comment sera évaluée concrètement l’insertion d’un immigré dans la société française ? J’aimerais tout de même avoir quelques précisions sur les critères qui seront retenus.

M. Claude Goasguen - Rappel au Règlement. Je voudrais dire à mes collègues qu’il n’y a pas ici de députés de Levallois, de Saint-Denis ou du XVIème arrondissement…

M. Patrick Braouezec - Si.

M. Claude Goasguen - …mais seulement des représentants de la souveraineté nationale. Vous n’avez donc pas à attribuer des étoiles jaunes à tel ou tel autre !

M. Julien Dray - Pas de cela avec moi !

M. Claude Goasguen - Cessez donc vos invectives et vos attaques personnelles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Bernard Roman - Ce que nous venons d’entendre est inacceptable. Je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 15 heures 50 ? est reprise à 16 heures.

M. Serge Blisko - Rappel au Règlement. La tournure qu’a prise le débat avant la suspension de séance m’oblige à intervenir. M. Goasguen a commis un dérapage verbal en prononçant les mots « étoile jaune ».

M. le Rapporteur – C’est reparti !

M. Serge Blisko – Hier, je participais justement à Paris à la cérémonie que nous organisons tous les ans dans les écoles de France avec l’association pour la mémoire des enfants juifs déportés. Avec des élèves de tous milieux et de toutes origines, nous nous nous sommes souvenus de ces enfants qui n’ont pas pu grandir. L’expression « étoile jaune », parce qu’elle nous rappelle ce passé, est blessante. En toute sincérité, je ne pensais pas qu’elle serait utilisée dans cet hémicycle, en particulier sur un tel sujet.

M. Claude Goasguen - Monsieur Blisko, il ne faut pas se moquer de moi !

M. Serge Blisko - Ma famille a porté l’étoile jaune durant la guerre. Des Français ordinaires, ceux qu’on appelle aujourd’hui des « justes », l’ont aidée à franchir la ligne de démarcation. De l’autre côté, ils étaient libres, ils ont pu retirer l’insigne qu’on leur avait imposé. Mon père s’est ensuite engagé comme FFI-FTP, modestement, comme l’ont fait beaucoup de ceux qui ont pu échapper à l’arrestation. Monsieur Goasguen, je veux oublier que vous avez utilisé cette expression stupide dans un moment d’échauffement. Il serait souhaitable qu’elle soit supprimée du compte rendu…

M. Claude Goasguen - Surtout pas !

M. Serge Blisko - …et que vous présentiez vos excuses à l’ensemble de la représentation nationale et des députés qui ont été blessés.

M. Claude Goasguen - L’outrance et l’arrogance ont des limites. Comment osez-vous demander des excuses à ceux que vous avez insultés ? Car vous avez insulté M. Balkany, fils de déporté et fils de résistants. Et vous m’avez insulté alors que je suis présent à toutes les manifestations contre l’antisémitisme où je vous rencontre rarement d’ailleurs…

M. Serge Blisko - Faux !

M. Claude Goasguen - Vous avez du toupet ! Je suis prêt à faire le récapitulatif de nos participations respectives aux manifestations contre l’antisémitisme…

M. Jean-Marie Le Guen - Ce serait passionnant !

M. Claude Goasguen - …contre le racisme et en faveur de l’État d’Israël.

M. Julien Dray - Rien à voir !

M. Claude Goasguen - Monsieur Blisko, je vous demande de vous excuser immédiatement des propos infâmes et honteux que vous avez tenus.

M. Jean-Marie Le Guen - C’est aussi beau que du Villepin !

M. Claude Goasguen – Moi, je ne défends pas le Hamas !

M. Julien Dray – Non, vous défendez tous les dictateurs !

M. le Président – Calmez-vous !

M. Claude Goasguen - C’est incroyable !

M. Noël Mamère - Après l’intervention digne de M. Blisko, on aurait pu attendre que M. Goasguen reprenne ses esprits…

M. Claude Goasguen - Inadmissible ! Scandaleux !

M. Julien Dray - Arrêtez votre cinéma !

M. Noël Mamère - …et adresse ses excuses à ceux qui siègent du côté gauche de cet hémicycle, au nom du peuple français.

Mme Gabrielle Louis-Carabin - Nous sommes tous les représentants du peuple français !

M. Noël Mamère – Comment pouvez-vous oser maintenir cette expression d’étoile jaune ?

M. Claude Goasguen – Monsieur Mamère, je n’ai pas de leçon d’antisémitisme à recevoir de vous ! Je ne suis pas un défenseur de Yasser Arafat et du Hamas !

M. Noël Mamère - Comment osez-vous banaliser cette période noire de notre histoire dont nous sommes collectivement responsables ?

M. Claude Goasguen - Vous êtes sur un terrain glissant !

M. Noël Mamère - Vous ne parviendrez pas à nous faire taire par des vociférations et des vagissements qui n’ont rien à voir avec le sujet qui nous occupe !

Plusieurs députés UMP - Lamentable !

M. le Président – Monsieur Mamère, veuillez conclure

M. Noël Mamère - Nous attendons des excuses à la mémoire de ceux qui ont été déportés et assassinés dans les camps de la mort parce qu’ils portaient une étoile jaune.

M. Claude Goasguen - Vous n’avez pas le droit de m’insulter !

M. Jean-Marie Le Guen – Si, et nous en aurons bientôt le devoir !

M. Patrick Braouezec - Il serait souhaitable de revenir à un peu plus de calme et de mesure. Nous nous connaissons, pour certains, depuis treize ans. Nous avons débattu ensemble des lois Pasqua en 1996, puis des lois Debré et Chevènement. Monsieur Goasguen, je vous crois sincère mais il faut raison garder. Qu’a dit M. Dray à M. Balkany ? « Retournez à Levallois ! ». Ce n’est pas une insulte, Levallois est une belle ville. M. Balkany peut en être fier !

M. Patrick Balkany - Je le suis d’autant plus que j’ai pris cette ville aux communistes !

M. Patrick Braouezec - Monsieur Goasguen, votre réaction à cette invitation cavalière était quelque peu démesurée. J’ajoute que ce n’est pas faire injure à M. Balkany que de l’inviter à plus de modération alors qu’il vient tout juste de débarquer dans l’hémicycle et prend la parole sans l’avoir demandée et sans savoir de quoi nous parlons !

M. Patrick Balkany - Si, de l’article 24 !

M. Patrick Braouezec - L’hémicycle, c’est un rapport de forces. Son groupe a besoin qu’il participe au vote. Fort bien, c’est la règle du jeu mais qu’il se montre un peu plus discret à l’exemple de M. Tiberi.

M. Patrick Balkany - Autrement dit, certains ont le droit de parler et d’autres non. C’est extraordinaire !

M. Patrick Braouezec - Et tout cela, qui n’était que « de bonne guerre », ne justifiait pas qu’on parle d’étoile jaune.

M. Julien Dray – Chacun doit retrouver ses esprits, moi le premier. M. le président du Conseil constitutionnel, quand il présidait la commission des lois, nous rappelait souvent que nous sommes des députés de la République…

M. Patrick Balkany - Merci.

M. Julien Dray - …avant d’être les députés de telle ou telle ville. Pour autant, nous sommes tous attachés à nos circonscriptions et à nos électeurs. Par ailleurs, comme M. Braouezec l’a souligné, nous nous connaissons depuis longtemps et nous avons appris à nous respecter par delà nos divergences politiques. Je sais que M. Balkany n’a pu mal prendre, au fond, la remarque – quelque peu exagérée, je le concède – que je lui ai adressée car j’ai su lui porter un témoignage de solidarité dans les épreuves où il a été plongé.

Je suis donc certain qu’il ne peut pas partager une seule seconde, nonobstant l’énervement naturel dû à ma réflexion – la même que celles qu’il m’a faites dans d’autres débats – cette remarque sur les étoiles jaunes. Il sait que dans des moments particuliers de sa vie, qui avaient franchi la limite du supportable, peu d’hommes et de femmes ont su lui témoigner un minimum de solidarité.

M. Patrick Balkany - Julien Dray était de ceux-là, et ils étaient rares.

M. Julien Dray – Quant à M. Goasguen, tout le monde sait le respect que je lui porte : il a été mon professeur, mon doyen (« Oh là là ! » sur divers bancs) et même mon employeur quand j’étais vacataire à l’université (Sourires). Cela ne l’autorise pas à se laisser aller à l’outrance. Il pouvait parfaitement faire un rappel au Règlement, mais il n’était aucun besoin d’évoquer l’étoile jaune, de convoquer l’histoire pour cela. Vous avez dépassé votre pensée et j’attends que vous le disiez. Cela m’est arrivé à moi aussi : ce n’est pas une mise en cause de vos engagements personnels, mais un appel à reconnaître que certains propos peuvent toucher les gens bien indépendamment de leur engagement politique.

M. Claude Goasguen - Je vais clore cet incident en remerciant M. Braouezec de son intervention, qui a apaisé des esprits. Je veux dire à Julien Dray que notre amitié ancienne et les combats que nous avons partagés dans la lutte contre l’antisémitisme doivent lui permettre de comprendre à quel point je suis conscient de la blessure que je lui ai infligée sans le vouloir. Je lui en fais toutes mes excuses, et je n’en demanderai pas à M. Blisko, bien que j’eusse de loin préféré ne pas avoir à entendre ses propos (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Nous en revenons donc aux amendements 165, 284 et 567.

M. Bernard Roman - Cet article est essentiel, et il est important que le Gouvernement réponde très précisément aux questions que nous avons posées afin de prouver que les chiffres sur lesquels il s’est fondé ne sont pas entachés d’insincérité, cause d’inconstitutionnalité.

La raison principale pour laquelle le Gouvernement devrait revenir sur les modalités d’attribution de la carte « vie privée et familiale » serait l’explosion du nombre de cartes attribuées. Mais cette explosion est due à une seule et unique mesure : depuis la loi de 2003, les personnes qui bénéficient du regroupement familial ne se voient plus attribuer de manière mécanique une carte de résident mais, pour cinq ans, une carte de séjour temporaire. Sans cela, le nombre des cartes n’aurait pas augmenté ! Je demanderai donc une suspension de séance avant le vote afin que le Gouvernement et le rapporteur puissent nous répondre en détail.

M. Mariani, dans son rapport sur la loi de 2003, a bien souligné que si, jusqu'alors, « les étrangers entrés en France par la voie du regroupement familial se voyaient délivrer un titre de séjour de même durée que celui du regroupant » – soit, pour 2002, 1 198 cartes de séjour temporaires et 13 245 cartes de résident –, la délivrance de la carte de résident serait désormais subordonnée à l’attribution, durant cinq ans, d'une carte de séjour temporaire et à une condition d'intégration. Quant au rapport fait au Sénat, il prévoyait expressément l’explosion du nombre des cartes de séjour temporaire. Vous ne pouvez donc pas vous appuyer sur cette évolution mécanique pour modifier la législation, surtout en matière de régularisation du séjour après dix ans de présence sur le territoire.

M. Patrick Braouezec – J’ai été choqué par le dernier terme qu’a employé le ministre. Si, dans un esprit de sagesse, on en revenait à l’automaticité de l’examen des dossiers au bout de dix ans – et pas de la délivrance ! – ce serait le « barnum » ? Ce n’est pas bien de dire cela. Et quel rôle jouerait Etienne Pinte dans ce grand cirque ? Celui d’équilibriste, avec Mme Boutin en trapéziste et M. Lagarde en dompteur ? En tout cas, je suis certain que vous nous considérerez comme les clowns.

M. Julien Dray – Je me verrais bien en éléphant, quant à moi ! (Sourires)

M. Patrick Braouezec - Par ailleurs, parler d’« appel d’air » est un non sens. Dans les couloirs, chacun d’entre nous admet que rester plus de dix ans sur notre territoire dans une situation précaire, en faisant vivre sa famille et en créant des réseaux d’amitié et des liens sociaux est quelque chose qui mérite d’être pris en compte ! Il ne s’agit pas de donner une prime à la clandestinité, mais de prendre en considération des cas humains. Et ne répondez pas que vous allez augmenter les primes au retour : la solution n’est pas uniquement financière ! Vous pouvez donner 3 000 euros comme 5 000 à ces gens, cela ne changera rien : ils ont leur vie ici ! Ils ont construit des choses, ils n’ont parfois plus aucun lien avec leur pays ! Puisque le ministre de l’intérieur s’occupe de moi, paraît-il, j’aimerais bien qu’il réponde à cet appel au cœur et à la raison.

Je n’oublie pas que beaucoup de membres de la droite partagent ce point de vue. Je n’oublie pas la réaction de Philipe Séguin, lors de la campagne électorale de 2001 à Paris, lorsqu’il s’est rendu compte de la réalité de quartiers comme celui de la Goutte d’or et qu’il en a conclu que, pour arrêter ce système mafieux, pour mettre fin au travail illégal, il fallait régulariser ces gens. C’était du bon sens, et je pense que cette prise de conscience, qui ne trouvait pas d’écho dans son groupe, n’est pas étrangère à son retrait de la politique.

Enfin, on ne peut oublier que la situation d’aujourd’hui est largement due aux lois Pasqua. Il y a dix ans, les lois Pasqua ont fabriqué des sans-papiers !

M. le Rapporteur – On ne peut pas laisser dire ça !

M. Patrick Braouezec - Mais si, et vous le savez très bien ! De la même façon que le texte que nous sommes en train d’examiner en créera ! Ne dites pas, dans dix ans, que nous ne vous aurons pas prévenus.

M. Yves Jego - Je regrette que M. Dray n’ait pas manifesté la même énergie, le même engagement lorsqu’il fallait fermer le centre de Sangatte…

M. Bernard Roman - Pour faire quoi ? Allez donc voir sur place !

M. Yves Jego - Des gens y vivaient dans des conditions indignes de la République (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Bernard Roman – C’est pire maintenant !

M. Yves Jego - Monsieur Braouezec, j’en suis d’accord, il faut trouver une solution pour ceux qui sont sur notre territoire et sont intégrés : la régularisation au cas par cas est donc indispensable. Ce projet ne la remet pas en question ( Si ! sur les bancs du groupe socialiste).

Mais avec la régularisation automatique, quel message donnerions-nous ? Que si l’on n’applique pas ses lois pendant dix ans, la République vous donne une deuxième chance. De plus, pendant ces dix ans, il y a des possibilités pour essayer de faire réexaminer sa situation.

M. Patrick Braouezec - On ne fait que cela !

M. Yves Jego - Les préfectures réexaminent sans cesse des dossiers. Alors, ne nous présentez pas de façon caricaturale comme des monstres. Le cas par cas est la seule solution. L’automaticité laisse croire qu’il suffirait de frauder pendant dix ans…

M. Patrick Braouezec – « Suffirait » ? Avez-vous idée de ce qu’ils vivent ?

M. Yves Jego - …pour que l’on revienne sur votre situation. Essayons de tirer les leçons du 21 avril. Si vous ne l’avez pas fait, nous nous efforçons de le faire.

M. Julien Dray - Avec l’affaire Clearstream, c’est sûr !

M. Jean-Christophe Lagarde - Au fil de mes mandats, j’ai évolué sur ce sujet. Il y a quelques années, je pensais que la régularisation automatique était une faute car elle créait un appel d’air. Puis, lors de l’examen du projet de 2003 et de celui-ci, je me suis aperçu que les difficultés ne venaient pas des 3000 personnes concernées, mais des visas de tourisme délivrés n’importe comment – on commence à agir à ce propos – et des conditions de regroupement familial accordés selon des critères assez curieux aux yeux des maires.

Nous recevons tous dans nos permanences des gens se trouvant dans des situations difficiles. Et que faisons-nous ? Nous essayons de régler leur cas. Dès lors, à quoi bon voter une loi si c’est ensuite pour intervenir constamment auprès des préfets afin de chercher une solution en faveur de gens qui ont construit une vie ici, et pour qui interviennent souvent non les associations spécialisées dans la défense des étrangers, mais des associations locales ?

Rester rigide sur ce point serait donc une erreur sur le plan humain, mais aussi sur le plan politique, car cela donne au texte une tonalité qui n’est pas celle que le ministre d’Etat a voulu lui donner lors de la discussion générale ; l’évolution est possible, car c’est le seul ministre qui les accepte en général en cours de discussion. De plus, ne donnons pas plus d’importance qu’elles n’en ont à ces 3 000 personnes. Revenons à la raison.

On a parlé de prime à la fraude. Ce n’en est pas une. Il y a une faute initiale, qui est d’être entré sur le territoire en contradiction avec nos lois. Mais il y a forcément un moment où l’on cesse de la poursuivre, sinon ce serait placer des gens qui ont des enfants, voire des petits-enfants en France, dans la situation d’ilotes, – ni esclaves ni citoyens.

Enfin, Monsieur Jego, le cas par cas s’applique déjà dans le cadre de la régularisation automatique au bout de dix ans, puisque chacun doit constituer un dossier très étoffé. Ce que vous voulez, c’est un effet d’affichage vis-à-vis des Africains. Mais ne sont concernées que 3 000 personnes, et cela aussi ils le savent.

M. Jérôme Rivière – 3 000 par an !

M. Jean-Christophe Lagarde - Donc 30 000 sur dix ans, 300 000 en un siècle ! le résultat, c’est qu’on les maintiendra dans la clandestinité, livrant des gens corvéables aux réseaux de travail illégal et aux marchands de sommeil dont on disait ce matin qu’il fallait les punir sévèrement. Sinon, on les régularisera quand même au titre de la vie privée et familiale.

Je ne voterai cependant pas l’amendement de suppression de l’article, car celui-ci contient d’autres dispositions que je soutiens. Mais quand nous reviendrons sur les paragraphes, je voterai la suppression de ce point, car c’est une erreur politique et humaine.

M. Serge Blisko – Très bien.

M. le Rapporteur - Monsieur Lagarde, vous avez raison sur ce dernier point : l’article 313-11 du code concerne 11 cartes différentes. Et les chiffres que nous avançons sont vrais, mais ne renvoient pas tous à la même réalité. Ainsi, le tableau de la page 136 du rapport ne concerne que les cartes de séjour temporaires « vie privée et familiale » délivrées sur le fondement des liens privés et familiaux – en réalité j’aurais dû écrire dans l’intitulé « liens personnels et familiaux » puisqu’il s’agit ici de la catégorie visée par le septième paragraphe de l’article 313-11. Les bénéficiaires du regroupement familial relèvent du premier paragraphe de cet article et ne sont pas comptabilisés dans le tableau. Dans le rapport d’orientation sur la politique d’immigration, page 42, vous retrouverez les chiffres que je cite pour les « liens personnels et familiaux » et ceux pour le regroupement familial. Il est vrai que la catégorie des « membres de famille » explose, passant de 1850 en 2003 à 5362 en 2005. Nous pourrons préciser les chiffres dans la discussion par alinéa.

M. Patrick Braouezec - Rappel au règlement. Nous discutons depuis près de deux heures de façon générale – et je le signale, pour 0,008 % de la population – sans engager la discussion des amendements. Je comprends que M. Lagarde ne puisse voter les amendements de suppression de l’ensemble de l’article. J’ai regretté l’absence du ministre de l’Intérieur : à propos de la carte après dix ans, nous voudrions qu’il puisse entendre l’ensemble de nos arguments, y compris ceux de M. Lagarde, de M. Pinte, de Mme Boutin, et qu’il nous réponde lui-même pour que les choses soient claires.

Quant aux Français, Monsieur Jego, qu’attendent-ils ? Selon un sondage publié hier par Libération, 76 % de nos compatriotes souhaitent la régularisation des sans-papiers présents sur notre territoire depuis plus de cinq ans – et non pas dix, comme aujourd’hui ! Respectez donc ce que les Français souhaitent, et non pas ce que vous imaginez qu’ils pensent.

Si le ministre ne peut pas se libérer aujourd’hui – peut-être pour des raisons tenant au climat politique général -, mettons alors en réserve l’alinéa 6 de l’article 24, et discutons-en en sa présence.

M. René Dosière – Chacun des 3000 étrangers concernés par cet alinéa est une personne et un cas particulier. Je voudrais prendre l’exemple de M. Keita, un Malien arrivé en 1993 sur notre territoire pour y travailler ensuite « au noir », comme il a pu, avec le soutien d’un oncle en situation régulière et de plusieurs compatriotes. En 1999, il a été rejoint par une jeune femme d’origine malienne, qu’il a épousée et avec laquelle il a eu un petit garçon en 2003.

En 2004, après avoir résidé en France pendant plus de dix ans, M. Keita a demandé un titre de séjour, mais il a essuyé un refus pour insuffisance de preuves, alors que son dossier ne comportait pas moins de deux justificatifs de présence par année depuis 1992 - ce qui démontre au demeurant que la régularisation n’a rien d’automatique.

Lors du dépôt de son recours, M. Keita a également fourni comme preuve l’acte naissance de son fils, en 2003, tout en reconnaissant qu’il ne pouvait s’appuyer pour 1996 que sur deux attestations sur l’honneur remplies par des amis en situation régulière.

Malgré tous ces éléments, son recours a été rejeté et il a fait l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière, qui a été confirmé par le tribunal administratif et la cour d’appel. Entre temps, un deuxième enfant est pourtant né en octobre 2005, puis son épouse a demandé une autorisation provisoire de séjour pour soins, avec le soutien d’un praticien hospitalier.

M. Keita vit aujourd’hui en France depuis treize ans, avec sa femme et ses deux enfants, dont l’un est scolarisé ; sa famille est bien intégrée et entourée par des parents, mais aussi par les services sociaux et des responsables associatifs : que lui manque-t-il donc pour être régularisé ? Il en assez de travailler au noir sans jamais être sûr du lendemain !

M. Jego affirme qu’il « suffit » de vivre en France pendant dix ans, mais croit-il que M. Keita a vécu une partie de plaisir pendant les dix années qu’il a passées en situation irrégulière dans notre pays ? Et que croyez-vous qu’il éprouve aujourd’hui, après le refus de sa régularisation ? Comment peut-on qualifier ce type de détresse de « barnum » ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué – Ce n’est pas à cela que je faisais référence !

M. René Dosière – Certes, mais vous parliez de notre défense de la régularisation au bout de dix ans. Ces gens vivent dans la clandestinité et la peur du lendemain ! Et je ne peux pas laisser dire qu’ils ont droit à tout, puisqu’ils ne bénéficient pas des mêmes prestations que les Français et les étrangers en situation régulière.

Nous demandons donc fermement le maintien de la possibilité d’une régularisation après dix ans de présence en France.

M. Noël Mamère - A l’ouverture de la séance, ce matin, M. Estrosi a déclaré que le débat devait se dérouler dans de bonnes conditions et qu’il souhaitait que l’opposition puisse y apporter sa contribution. Il a même accepté certains de nos amendements, sans rien changer toutefois à l’économie générale de ce projet, et il a reconnu que nous ne faisions pas de l’obstruction, mais notre travail de représentants du peuple.

Néanmoins, l’alinéa 6 de cet article 24 est si important qu’il devrait être défendu par celui que le ministre a qualifié de « seul porteur de ce projet de loi », mais qui ne vient ici qu’en touriste, se contentant de vendre à la presse un texte électoraliste et de pur affichage, sans aucune conviction sincère.

Nous refuserons donc de voter tant que le ministre de l’intérieur n’aura pas entendu les arguments que nous faisons valoir, ainsi que certains députés de la majorité. Montrez nous que le ministre et ses amis sont capables de faire preuve d’écoute quand d’autres membres du Gouvernement ne connaissent que le recours à l’article 49.3 !

Sur le fond, vous proposez de mettre fin à l’automaticité de la régularisation après dix ans, et j’en profite pour dire à M. Jego que nous n’avons pas tous applaudi à la fermeture du centre de Sangatte. Il devrait se rendre dans le Nord Pas de Calais afin de constater par lui-même dans quel état d’abandon ont été laissés les sans-papiers !

Ce que M. Jego dissimule également, c’est que le ministre de l’intérieur a demandé à la justice de se comporter en auxiliaire de la police, en traînant devant les tribunaux les militants associatifs qui tentent d’aider ces malheureux à survivre.

Aujourd’hui, la situation est mille fois pire qu’avant, alors qu’il y avait sans doute d’autres solutions que de fermer Sangatte – en donnant à ces gens les moyens de vivre décemment, par exemple !

M. Yves Jego - Que ne l’avez-vous donc fait !

M. Noël Mamère – Comment peut-on dire que nous voulons donner une prime à la clandestinité ? Ce texte va enfoncer un coin dans notre pacte démocratique et social. Vous rendez-vous compte du virage que vous amorcez, à cause de 3000 personnes ? C’est une erreur politique, mais aussi un déni des droits fondamentaux et une faute morale !

Vous rendez-vous seulement compte de la difficulté qu’il y a à vivre pendant dix ans dans la clandestinité ? Il faut avoir les pieds solidement enracinés dans notre sol et vouloir partager une communauté de destin avec nous !

M. le Président – Monsieur Mamère…

M. Noël Mamère - Je n’ai pas terminé, Monsieur le président, car j’ai la preuve que cette disposition est animée par une volonté de mener une chasse à l’homme. J’ai ici la circulaire du 21 février 2006, publiée par le ministre de l’intérieur et son adjuvant, le Garde des Sceaux, qui demande qu’on aille chercher les irréguliers jusque dans les blocs opératoires. Ceux-ci doivent se rendre dans les préfectures, où ils peuvent être arrêtés et jetés hors de notre territoire (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Comment peut-on parler d’humanité ? Et nous dire que cette loi permettra aux immigrés de mieux vivre dans notre pays ? C’est un mensonge politicien !

M. Serge Blisko – Cet alinéa entend mettre un terme à la régularisation prétendument automatique des étrangers en situation irrégulière, dont Julien Dray a rappelé l’origine. A la suite jour du drame suscité par les lois Pasqua, M. Debré avait ainsi fixé à 15 ans la durée de séjour nécessaire à une régularisation, durée ramenée à dix ans en 1998.

Sur le plan des principes généraux du droit, l’étranger en situation irrégulière a certes commis une faute administrative, mais on peut comprendre qu’elle soit prescrite au bout de dix ans, comme c’est également le cas pour des actes d’une plus grande gravité – vingt ans en matière criminelle.

Notre collègue Julien Dray a également décrit avec beaucoup de cœur la situation de ces personnes qui vivent chaque jour dans la crainte, et qui pourtant travaillent comme tout le monde, et paient des impôts. Elles sont dans l’annuaire du téléphone et leurs enfants vont à l’école ! Ces sans-papiers sont des clandestins, mais non des proscrits ou des bandits qui ont pris le maquis. On en trouverait même peut-être qui travaillent à l’Assemblée, pour le compte d’une société de nettoyage, par exemple.

D’autres ont peut-être des contrats de vacataires dans la fonction publique ! Des élus en emploient sûrement sans le savoir ! Restons donc mesurés : ce ne sont pas des bandits, mais simplement des gens qui ne sont pas en règle avec l’administration.

Cette impasse amènera des gens à passer quinze, vingt, trente ans même dans notre pays ; la vieillesse et la maladie empêcheront leur expulsion. Parfaitement intégrés, ils auront passé leur vie sans papiers, et resteront passibles de poursuites à tout jamais. Qu’est-ce que cette perpétuité ? J’ai entendu tant de ces personnes me raconter leur parcours : ce sont des gens comme vous et moi, qui se rendent tous les jours à leur travail, mais qui vivent dans l’angoisse et la précarité.

M. Patrick Braouezec - Ce ne sont pas des bandits !

M. Serge Blisko - Le ministre de l’intérieur pourrait-il donc nous joindre pour une dizaine de minutes, afin que nous le convainquions qu’il ne faut pas montrer ce visage de la France pour 3 000 personnes seulement ?

M. Julien Dray - La question de l’automaticité de la carte de dix ans n’a rien à voir avec le débat sur l’immigration choisie ! Il s’agit de cas particuliers, souvent humanitaires, de gens très attachés à notre territoire. Dans la rédaction de cet alinéa, vos services vous ont peut-être poussé au-delà même de votre idéologie : retirez-le du texte et tenez compte des alertes de l’opposition qui vous rend service…

M. Patrick Braouezec - Une fois de plus !

M. Julien Dray - ... afin de ne pas salir votre projet de loi ! Sinon, les mêmes causes produiront les mêmes effets : grèves de la faim, mobilisation d’associations, d’amis et de collègues… Vous serez obligés de céder, et donnerez le mauvais exemple d’une loi votée dans l’hémicycle, mais inapplicable au regard de situations humanitaires – les fonctionnaires assis sur ces bancs le savent. Réservez donc cet alinéa pour que le ministre de l’intérieur entende les voix de l’opposition, mais aussi de sa majorité.

Enfin, souvenez-vous, Monsieur Estrosi, que M. Abderrahmane Dahmane lui-même, secrétaire national de l’UMP pour les questions d’immigration, déclarait qu’il n’y a pas lieu de changer la réglementation sur le regroupement familial, et encore moins la possibilité pour ceux qui ont vécu dix ans dans la clandestinité de se faire régulariser.

M. Claude Goasguen - C’est notre Malek Boutih !

M. Julien Dray - Voilà qui prouve que nous ne menons pas une polémique pour le plaisir. A ce stade du débat, la raison doit s’imposer : en acceptant notre proposition, le ministre illustrerait ses propos de ce matin en montrant combien la discussion est utile.

M. Patrick Braouezec - M. Jego a dit qu’il « suffisait » de résider en France pendant dix ans pour obtenir une carte. Il s’agit de personnes qui ont passé plusieurs années dans notre pays et qui, loin de préférer travailler au noir, souhaitent contribuer au progrès de la France. Le terme me paraît très péjoratif, face au parcours du combattant de gens qui veulent vivre en France avec leurs proches !

D’autre part, le maintien de l’alinéa 6 de cet article entraînerait la multiplication d’actes individuels et parfois dangereux – grèves de la faim, par exemple. Il ne s’agit pourtant que de 3 000 personnes par an ! Le ministre de l’intérieur doit venir afin d’entendre le cri que pousse le pays : élus, populations, églises, associations… Jusqu’à 76% des Français considèrent que la régularisation est un acte de solidarité et de justice. Peut-on enfin ouvrir ce débat ?

M. Etienne Pinte - Les différentes lois qui ont ouvert des possibilités de régularisation n’ont jamais fait mention de l’automaticité, mais seulement de la faculté d’instruire une demande. La loi Debré de 1997 ne prévoyait que l’étude au cas par cas de ces demandes, à l’issue d’un délai de quinze ans, que la loi Chevènement a ramené à dix ans. Si la délivrance avait été automatique, ce n’est pas trois mille cas de régularisation mais des dizaines de milliers qui se présenteraient chaque année !

D’autre part, nul ne souhaite une régularisation massive comme en Italie ou en Espagne…

M. Patrick Braouezec - Ça, c’est autre chose. Sur ce point, je ne vous suis pas.

M. Etienne Pinte - …Mais il faut permettre une régularisation au cas par cas pour ceux qui vivent depuis longtemps sur notre territoire : c’est dans cet esprit que doit être discuté l’article 24.Du reste, c’est l’un des nôtres, aujourd’hui Président de l'Assemblée nationale, qui a proposé cette bonne disposition : je reste convaincu de son bien-fondé !

M. Serge Blisko - Très bien !

M. Yves Jego - Cette régularisation n’est pas choquante en soi, mais pourquoi alors attendre dix ans ?

M. Patrick Braouezec – Si vous proposez cinq ans, je suis d’accord.

M. Yves Jego - Cela n’a pas de sens. Les préfets et les juges doivent étudier les demandes. L’opposition a su trouver les exemples illustrant la situation difficile dans laquelle se trouvent ces personnes : mais cela prouve que l’automaticité n’a pas résolu le problème !

Ne cédons pas à la caricature et ne laissons pas l’émotion nous submerger. Nous avons tous à connaître, dans nos circonscriptions, des situations critiques et nous n’attendons pas dix ans pour intervenir en vue de trouver des solutions ! Mais il faut pouvoir tenir un discours clair à ceux qui nous sollicitent en croyant parfois qu’il suffit de forcer la porte pour obtenir satisfaction (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Moi, je ne veux plus qu’on laisse entendre aux gens qu’ils seront régularisés s’ils se « débrouillent » pendant dix ans, au mépris de la loi. Nous sommes ici pour voter la loi, pas pour récompenser ceux qui la violent ! D’accord pour examiner les situations au cas par cas comme nous y invite Etienne Pinte

M. Patrick Braouezec - Il n’a pas dit cela.

M. Yves Jego - Mais l’ode au travail au noir que j’ai entendue de la bouche de M. Blisko me semble parfaitement déplacée (M. Serge Blisko s’exclame). Il faut fixer des règles transparentes, s’en tenir au strict respect de la loi et donner une nouvelle chance à ceux qui la méritent.

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Nous souhaitions que ce débat soit dense…

M. le Président – Vous avez satisfaction ! (Sourires)

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Et nous savions bien que l’examen de l’article 24 – sur lequel ont été déposés 34 amendements – donnerait lieu à de vifs échanges. De fait, au bout de deux heures et demie de débat, nous n’avons toujours pas tranché sur les trois amendement de suppression ! MM. Dray et Roman m’ont demandé de produire les chiffres et références qui étaient nos positions et je vais m’efforcer de leur donner satisfaction.

En 1996, à l’occasion de la première loi Debré, M. Dray, avec la constance que chacun lui connaît, tenait les propos suivants…

M. Julien Dray - Ah ! le Cabinet fouille et sort les fiches !

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Vous devriez savoir que les comptes-rendus des débats parlementaires sont sur internet depuis dix ans ! Voici ce que disait M. Dray en 1996 : « le ministre lui-même doit savoir qu’à plusieurs reprises, on a essayé de régulariser par circulaire, mais que les divergences d’interprétation entre préfectures ont été matière à conflits. La nouvelle règle, stricte et minimale, ne provoquera aucun appel d’air et enverra un signal positif aux personnes concernées »

M. Julien Dray - Et alors ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Quant à M. Braouezec, qui se demandait, au sujet du sixième alinéa, si un conseiller du ministre d’État ne s’était pas laissé emporter par sa plume,…

M. Patrick Braouezec - Je ne vois pas de quoi vous parlez.

M. Christian Estrosi, ministre délégué - … je tiens à lui rappeler que le ministre d’État ne se fait dicter ses prises de position par personne et que nous les assumons sans aucune réserve : pour nous, la régularisation automatique au bout de dix ans de présence illégale représente un appel à la clandestinité et il n’est pas bon de continuer à envoyer un tel message.

J’en viens aux indicateurs chiffrés, pour dire à MM. Dray et Roman, que, contrairement à leurs assertions, l’explosion du nombre de titres de séjour pour vie privée et vie familiale ne s’explique pas par la modification des règles introduite par la loi de novembre 2003. Je rappelle qu’en 1998, 537 cartes de séjour avaient été délivrées au titre de la régularisation automatique pour dix ans de présence et que nous en étions, en 2004, à 2 883 titres. Ce quadruplement est sans lien avec la réforme de 2003. Cela vaut aussi pour les étrangers malades : 454 titres remis en 1998, 6 307 l’an dernier. S’agissant des cartes « vie privée, vie familiale » délivrées en raison de l’existence de liens personnels et familiaux, nous sommes passés de 2 838 titres en 1998 à 13 114 en 2005…

M. Patrick Braouezec - C’est une invasion !

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Ce qui est, par contre, bien établi, c’est que grâce aux modifications introduites par la loi de 2003, l’augmentation constante du regroupement familial constatée sous la législature précédente a été endiguée, le nombre de titres délivrés annuellement sous cette rubrique s’étant stabilisé à environ 9600 unités depuis deux ans. La dérive qui s’était amplifiée lorsque la gauche était aux affaires a donc été stoppée.

Une fois le présent texte adopté, l’appel de candidats à l’immigration clandestine que constituait la perspective d’une régularisation automatique au bout de dix ans n’existera plus, et nous n’aurons donc pas à gérer la situation de nouveaux migrants irréguliers entrés en masse sur notre sol. Par contre, je suis parfaitement conscient, que nous devrons toujours nous préoccuper des situations de grande détresse générées par les règles antérieures. Nous le ferons dans le souci de justice et de fermeté qui nous anime en permanence car nous ne voulons pas que perdurent, à partir de ce nouveau point de départ, des injustices qui n’ont plus lieu d’être. A cet égard, je rappelle que sera créée par circulaire une commission nationale dont la mission sera de veiller à l’harmonisation des pratiques préfectorales en matière de régularisation. Nous en avons débattu longuement, et plusieurs d’entre vous – notamment MM. Roman et Lagarde – ont demandé qu’outre des représentants de l’administration et des associations, des élus y soient associés. Tel sera bien le cas. Cette instance sera chargée d’harmoniser les pratiques préfectorales en matière de régularisation, car nous avons un vrai besoin d’homogénéité, et elle devra en préciser les critères, au regard notamment des exigences humanitaires. Mais il nous faut aussi autoriser des régularisations ponctuelles d’étrangers dont la présence en France peut être une chance pour notre pays. Ce faisant, je réponds aux préoccupations exprimées tout à l’heure par M. Pinte. En outre, le ministre de l’intérieur pourra la saisir pour avis lorsqu’il est lui-même saisi d’un recours hiérarchique contre une décision préfectorale. En d’autre termes, si une décision préfectorale apparaît comme injuste et justifie un appel hiérarchique, le ministre de l’intérieur pourra saisir directement la commission nationale.

En outre, je souhaite que les commissions du titre de séjour, instances composées de magistrats, de personnalités qualifiées et d’élus locaux, jouent localement tout leur rôle pour donner un avis sur les dossiers sensibles.

Vous demandiez des chiffres, des précisions et certaines assurances, ce que je comprends parfaitement, car cette loi vise l’équilibre entre fermeté et justice. Par cette commission, et la capacité que nous lui donnerons d’être une voie hiérarchique de recours, nous pourrons répondre à un certain nombre de détresses.

M. le Président –Maintenez-vous votre demande de suspension, Monsieur Roman ?

M. Bernard Roman - Oui.

La séance, suspendue à 17 heures 30 est reprise à 17 heures 40.

M. le Président – Nous allons procéder au scrutin public qui a été annoncé.

A la majorité de 20 voix contre 8, sur 29 votants et 28 suffrages exprimés, les amendements 165, 284 et 567 ne sont pas adoptés.

M. le Président – Je ne vois pas M. Braouezec, mais je suppose que son amendement 568 est défendu.

M. Christian Estrosi, ministre délégué – Défavorable.

L'amendement 568, repoussé par la Commission et le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – Les amendements 167 de M. Mamère et 569 de M. Braouezec sont-ils défendus ?

M. Bernard Roman - Oui.

Les amendements, repoussés par la Commission et le Gouvernement, et successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président – Les amendements 168 de M. Mamère, 570 et 571 du groupe communiste sont-ils défendus ?

M. Julien Dray - Oui !

M. le Rapporteur – Avis défavorable.

M. Estrosi, ministre délégué Même avis.

M. Julien Dray - Monsieur le Président, les députés communistes attachent une grande importance aux amendements qu’ils ont déposés sur cet article. Peut-être n’ont-ils pas entendu la sonnette indiquant la reprise de la séance ? Pourrait-on suspendre à nouveau afin de leur permettre de regagner l’hémicycle ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – La reprise de la séance a été annoncée. Les députés communistes nous rejoindront certainement sous peu.

Les amendements 168, 570 et 571, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur – L’amendement 127 est défendu.

L'amendement 127, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Patrick Braouezec – Par l’amendement 572, nous proposons de supprimer l’alinéa 6 de cet article, c’est-à-dire de conserver la possibilité de régulariser un clandestin s’il fait la preuve qu’il est resté dix ans sur notre territoire. Nous aimerions que le Gouvernement demande la réserve sur le vote de cet amendement, afin que M. le Ministre d’État puisse entendre nos arguments en personne. M. Estrosi nous a assuré à plusieurs reprises que ce projet de loi avait été personnellement conçu par M. Sarkozy. Il me semble donc légitime que nous puissions en débattre avec lui les yeux dans les yeux !

M. le Président – Je suis saisi par le groupe socialiste d'une demande de scrutin public sur l’amendement 572.

M. le Rapporteur – Nous avons amplement débattu de cette question. Avis défavorable.

M. Estrosi, ministre délégué Monsieur Braouezec, je veux vous dire clairement que cet alinéa 6 de l’article 24 est aussi symbolique pour vous que pour nous. Sa rédaction est l’œuvre de M. le Ministre d’État en personne, il l’a longuement réfléchie. Il considère que c’est une exigence pour notre pays.

M. René Dosière - Qu’il vienne le dire lui-même !

M. Estrosi, ministre délégué À cette heure, il se recueille devant le monument de la police nationale à Paris, à l’occasion des cérémonies du 8 mai. Il m’a demandé de vous dire combien il était attaché à ce que cet alinéa ne soit en rien modifié.

M. Patrick Braouezec - J’entends bien que l’agenda de M. le Ministre d’État est chargé mais il suffit, Monsieur Estrosi, que vous demandiez la réserve du vote de cet amendement pour qu’il puisse assister à ce débat la semaine prochaine. Nous aurons certainement de la peine, quant à nous, à le convaincre mais il serait utile qu’il puisse entendre ce que MM. Lagarde et Pinte pensent de sa décision de supprimer, non pas la régularisation automatique d’un clandestin après dix ans passés sur notre territoire, mais l’examen automatique de son dossier. M. le Ministre d’État a dit qu’il était prêt à écouter, à dialoguer sur ce dossier. Nous aimerions qu’il soit présent.

M. Julien Dray – Je suis un peu triste qu’on nous dise « Circulez, il n’y a rien à voir ! » sur cet alinéa 6 alors que nous venons de vivre un moment important. M. Lagarde vient d’exposer comment il a été amené à s’opposer à ce dispositif qu’il soutenait initialement parce qu’il s’était rendu compte qu’il était inapplicable. C’est tout à son honneur de s’en être expliqué aussi sincèrement. Le Gouvernement doit tenir compte de cette contribution et revoir ce dispositif. Pourquoi sommes-nous si préoccupés de cet alinéa ? Parce qu’il ternit l’image de la France. J’aimerais entendre M. Sarkozy nous dire dans l’hémicycle « Oui, j’assume pleinement et totalement cette disposition. »

M. Jean-Christophe Lagarde – Tout à l’heure, M. Jego a dit qu’il ne voulait pas voter une loi dans laquelle serait prévue une disposition permettant de la contourner. Parallèlement, certains de nos éminents collègues ont reconnu qu’ils intervenaient auprès des préfectures pour obtenir la régularisation de personnes qu’ils ont reçues dans leur permanence. Par ailleurs, le ministre a cité des chiffres montrant que les quelque 4 000 cartes de séjour qui ne sont plus accordées au titre du regroupement familial le sont désormais au titre de la vie privée et familiale. Il s’agit donc d’un transfert qui n’a réduit en rien le nombre d’étrangers présents sur notre territoire. Voilà le risque que je dénonce.

Mes chers collègues de l’UMP, je ne suis pas réputé pour être particulièrement laxiste. Je fais partie de ceux qui se plaignent de la hausse constante de l’aide médicale d’État dans le budget parce qu’ils savent que les bénéficiaires ne seront jamais reconduits à la frontière. En supprimant cette capacité de régularisation, nous fabriquerons des clandestins. Ce matin, nous avons adopté des amendements sanctionnant les entreprises qui emploient de la main d’œuvre clandestine. En adoptant cet alinéa 6, nous mettons des sans-papiers à leur disposition. Si cette loi est votée en l’état, nous serons contraints de régler ces situations dans nos permanences. La majorité gagnerait beaucoup, tant humainement que politiquement, à renoncer aux plans politique et humain à renoncer à ce dispositif. La régularisation au bout de dix ans de séjour en France n’est en rien une prime à l’illégalité ou un délai de prescription à partir duquel le crime de clandestinité ne serait plus poursuivi. Je n’ai jamais rencontré une seule personne dans ma permanence qui ait misé délibérément sur cette possibilité pour vivre dix ans dans l’illégalité, dans la peur constante de l’expulsion. Ne condamnons pas à la perpétuité celui qui en a déjà pris pour dix ans.

M. Noël Mamère - Je soutiens la demande de M. Braouezec. Je comprends que le ministre d’État soit pris par d’autres obligations, mais enfin il savait bien qu’il lui faudrait défendre ce texte ! Nous en sommes à l’un des articles les plus importants, que le ministre de l’intérieur veut « incarner », et vous dites qu’il a travaillé personnellement sur ce dossier.

M. le Ministre délégué – Votre intervention fait partie du jeu parlementaire.

Plusieurs députés socialistes et communistes et républicains – Ce n’est pas un jeu !

M. le Ministre délégué – Mais si, et nous le connaissons tous. Vous souhaitez que le ministre de l’intérieur dise lui-même tout son attachement à l’article 10. Il l’a fait, ici même, droit dans les yeux de ceux qui étaient là quant il a présenté le projet : « Je vous propose donc d’abroger le système des régularisations automatiques après dix ans de séjour illégal. Cette prime à la clandestinité introduite par les lois de 1997 et 1998 revient à récompenser une violation prolongée de la loi de la République. Elle est d’autant plus absurde que la durée de dix ans n’est pas en elle-même un critère de régularisation pertinent ». Vous n’étiez pas présent, Monsieur Dray…

M. Julien Dray - J’étais à un débat télévisé avec M. Goasguen.

M. le Ministre délégué - …mais je sais toute l’attention que vous portez au Journal officiel.

M. Patrick Braouezec - Il ne l’a pas dit dans le cadre d’un débat !

M. le Ministre délégué - Le ministre a également proposé la création d’une commission, composée de fonctionnaires, de responsables associatifs et d’élus, pour veiller à l’harmonisation des pratiques préfectorales en matière de régularisation. Cette proposition est issue d’une longue réflexion et d’une large concertation. Je vous laisse deviner avec qui.

M. Noël Mamère - Avec lui-même ?

M. le Ministre délégué – Avec Emmaüs, le pasteur de Clermont, le secours catholique, Africagora, des associations de laïcs chrétiens ou Solidarité Sida par exemple !

M. Patrick Braouezec - Ne dites pas qu’ils ont suggéré cela, ce n’est pas vrai !

M. le Ministre délégué – C’est dire si la concertation a été large, et la proposition de création de cette commission a donné entière satisfaction à ces interlocuteurs. Elle doit répondre aux situations de détresse, de difficulté et d’injustice que nous avons évoquées et des représentants de tous les bancs la considèrent comme une avancée.

Pour le reste, le vote a été appelé. Le ministre d’État, qui est très régulièrement présent depuis le début du débat, nous rejoindra avant la fin de la séance et confirmera, si cela doit vous satisfaire, ce qu’il a déjà dit. En tout état de cause, la position du Gouvernement a été exprimée et n’a pas varié.

M. Noël Mamère - Je suis désolé de vous dire que vous ne m’avez pas convaincu.

M. le Ministre délégué – Ce n’était pas le but !

M. Noël Mamère - Vous essayez tout bonnement de nous enfumer. Le ministre nous aurait regardé droit dans les yeux ? Ce que son absence prouve surtout, c’est qu’il n’était pas sincère lorsqu’il se prétendait prêt au dialogue et même à modifier son texte s’il estimait que nos arguments sont justes. Il ne le peut pas, s’il n’est pas là ! Il agit en tout point comme son Premier ministre, qui fait semblant d’écouter le peuple, les partenaires et la représentation nationale et qui s’empresse d’enjamber le tout lorsqu’il veut faire passer un projet par la force.

Si le ministre de l’intérieur nous fait l’honneur de sa présence exceptionnelle avant la fin de la séance, pourquoi n’acceptez-vous pas de réserver l’alinéa 6 de l’article 24 pour que nous en discutions avec lui ? Dans nos permanences, nombreux sont les appels ou les courriers, tant de Français que d’étrangers, qui s’inquiètent de ce tournant dans la tradition française et dans le pacte démocratique. Il n’y a pas que les Églises et les associations qui s’émeuvent.

M. le Président – Je demande la réserve des amendements 572, 166 et 262 relatifs à l’alinéa 6 et suggère de passer à la suite. Vous reprendrez la parole pour les défendre.

M. Noël Mamère - Je voudrais terminer : il me semble avoir été assez courtois dans ce débat.

M. le Président – Moi aussi, en demandant la réserve que vous souhaitiez, et j’espère être payé de retour.

M. Noël Mamère - Je voudrais simplement donner connaissance de la lettre par laquelle des avocats de l’institut de défense des étrangers de Bordeaux demandent que l’on ne considère pas les étrangers comme des exclus, mais comme des citoyens, en respectant leur droit de vivre libres et en les protégeant, eux et leur famille, contre les dangers qu’ils ont fuis. Ils soulignent que, selon des études sérieuses, la présence des étrangers en France ne présente aucune menace qui justifierait une nouvelle réforme dans le même législature et demandent aux députés et sénateurs de voter contre ce texte !

M. le Président – Je viens d’accepter la réserve, à la demande de l’opposition et avec l’accord du ministre. J’espère que chacun appréciera. Nous en arrivons à l’amendement 285.

M. Julien Dray - Mais qui demande la réserve ?

M. le Président – Le Règlement prévoit que la réserve peut être demandée sur un amendement par la commission, le Gouvernement ou le président de séance. C’est ce que j’ai fait sur les trois amendements relatifs à l’alinéa 6.

M. Julien Dray - En toute déférence, avez-vous une explication pour cette décision ?

M. Yves Jego - Vous faire plaisir !

M. le Président – Elle est prévue par l’article 95-5 de notre Règlement et je l’ai prise pour vous donner satisfaction.

M. Julien Dray – Cette décision est en effet très amicale. Devons-nous en déduire que nous allons avoir la visite du ministre de l’intérieur.

M. le Président – Oui, et la réserve sera levée lorsqu’il sera là.

M. Estrosi, ministre délégué Il faut donner des explications à M. Dray : vous souhaitez entendre le ministre répéter ses positions sur l’alinéa 6. Je vous ai dit qu’il nous rejoindrait avant la fin de la séance. Le président m’a indiqué qu’il avait la possibilité, bien qu’ayant déjà appelé un vote, de réserver les trois amendements qui portent sur l’alinéa 6 et j’ai donné mon accord. Le président a donc suspendu la discussion et le vote et nous passons à l’amendement 285.

M. Bernard Roman – L’amendement 285 tend à supprimer l’alinéa 7 de cet article. Les couples mixtes vont être soumis à une exigence nouvelle : le conjoint devra posséder un visa de long séjour. Nous vous avons interrogés sur les chiffres, et nous avons besoin d’une réponse moins confuse que tout à l’heure. Il semble que le visa du conjoint étranger, lorsqu’il est étudiant, soit considéré comme étant de long séjour.

M. le Rapporteur – Nous l’avons dit !

M. Bernard Roman - Je voudrais que cela soit consigné. Mais toute personne qui aura besoin de retourner dans son pays d’origine pour solliciter un visa de long séjour se trouvera dans une situation très ambiguë, puisqu’elle devra abandonner la vie commune qui conditionne l’attribution du titre de séjour. Nous voudrions être rassurés sur ce point.

M. Patrick Braouezec - En 2003 déjà, vous vous attaquiez aux mariages mixtes. Aujourd’hui, vous en rajoutez. Le conjoint étranger devrait donc rentrer dans son pays d’origine pour y demander un visa de long séjour – c’est-à-dire d’abord obtenir un rendez-vous au consulat, puis attendre sur place. Mme Boutin avait à juste titre a émis les plus grandes réserves sur cette façon de séparer les couples. Dans son ouvrage de 2001, Libre, M. Sarkozy fait pourtant de la vie familiale une condition nécessaire de l’intégration. Par l’amendement 573, nous demandons la suppression de l’alinéa 7 afin de permettre la régularisation de ces personnes mariées dans les meilleurs délais.

M. le Rapporteur – Avis défavorable sur les deux amendements. Au cours de la discussion que nous avons déjà eue à ce sujet, nous avons en effet adopté deux amendements de l’opposition et un que j’ai présenté, qui donnent toutes les garanties aux conjoints de Français qui font une demande de visa de long séjour. En effet, quand ils la feront, les autorités consulaires leur délivreront un récépissé qui portera la date de la demande. De plus, un sous-amendement précise que le visa de longue durée ne peut être refusé à un conjoint de Français, sauf en cas de fraude au mariage, d’annulation du mariage ou de menace à l’ordre public.

M. Patrick Braouezec - Reste les frais à assumer.

M. Christian Estrosi, ministre délégué  Monsieur Roman, je répète que le retour dans le pays d’origine pour solliciter un visa de long séjour ne peut en aucun cas être considéré comme une rupture de vie commune pour un étranger marié en France avec un Français alors qu’il était seulement détenteur d’un visa de tourisme. D’autre part, j’ai fait sous-amender l’amendement 40 à l’article 2 dans le sens que M. Mariani vient d’exposer. Les deux amendements de suppression ne se justifient donc pas.

M. Noël Mamère - Ils se justifient pleinement. L’exigence de retour dans le pays d’origine va entraîner des difficultés insurmontables, comme l’obligation de quitter son emploi, d’assumer des frais importants de voyage et de séjour, et éventuellement faire encourir des risques dans le pays d’origine. De plus, il n’est pas rare qu’il faille attendre un visa des mois, voire des années, pour ne pas parler de la corruption. De nombreux conjoints ne feront pas cette démarche et rejoindront la catégorie de ceux qui ne sont ni expulsables ni régularisables. Sous prétexte de lutter contre les mariages blancs, vous restreignez encore les droits des conjoints de Français.

Selon l’observatoire statistique sur l’immigration du Haut conseil à l’intégration, le nombre de visas de long séjour est passé de 167381 en 2001 à 157 596 en 2004, dont 64 043 pour des étudiants et 35 738 au titre du regroupement familial. Après une forte augmentation de 2000 à 2002, leur nombre s’est stabilisé en 2003 et 2004. Il faut comparer ces chiffres aux deux millions de visas Schengen délivrés en 2004. Plus des deux tiers de visas de long séjour, soit 45 504 en 2004, ont été délivrés dans les pays du Maghreb et du moyen orient. Leur nombre a baissé dans cette zone depuis 2002, de même qu’en Asie, alors qu’il augmentait en Amérique. On ne peut donc pas dire que ces visas de long séjour sont le prétexte à des installations irrégulières en provenance des mêmes pays.

M. René Dosière – Il vaut la peine de rappeler exactement ce qu’écrivait M. Sarkozy dans Libre, page 214 : « On ne peut vouloir une intégration réussie et penser qu’elle le sera pour un homme privé de sa femme et de ses enfants. Je veux dire que le regroupement familial est, dans ces conditions, au sens strict du terme, l’un des droits de l’homme sur lequel on ne peut transiger, sauf à se renier. » On a le droit de changer d’avis. Mais quand on écrit des phrases aussi fortes ? On peut donc penser que M. Sarkozy s’est renié – ce ne serait d’ailleurs pas la première fois.

M. Etienne Pinte - Je voudrais poser trois questions au ministre.

D’abord, peut-on envisager une régularisation en restant sur place et en faisant la demande de visa de long séjour par courrier ?

Ensuite, on distingue des pays qui sont sûrs et d’autres qui ne le sont pas, et dans lesquels les étrangers qui sont chez nous ne peuvent pas retourner. Dans ce cas, comment procéder à la régularisation ?

Enfin, lorsqu’un ressortissant de la Communauté européenne épouse en France un étranger non communautaire, ce dernier obtient de droit sa régularisation car la directive européenne l’impose. Qu’en est-il ?

Les amendements 285 et 573, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Noël Mamère - Pour obtenir un titre d’un an, les étrangers mariés avec des Français doivent retourner dans leur pays demander un visa de long séjour. Actuellement, il est requis qu’ils soient entrés de façon régulière en France. C’est déjà un obstacle majeur. Mais vos nouvelles exigences rendront l’obtention du visa plus difficile encore. Par l’amendement de repli 169, nous proposons d’en rester plutôt à la condition d’entrée régulière.

M. le Rapporteur – Puis-je vous rappeler, Monsieur Mamère, que nous avons déjà adopté un amendement qui précise, à l’article 2, que le visa de long séjour ne peut être refusé au conjoint d’un ressortissant français qu’en cas de fraude, d’annulation du mariage ou de menace à l’ordre public. Les craintes vous vous faites l’écho n’ont donc plus rien de justifié !

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Avis défavorable pour les mêmes raisons. J’ajoute que selon la jurisprudence, la rupture de la vie commune ne peut pas être opposée à un étranger qui se rend dans son pays pour obtenir un visa, si du moins il continue à entretenir des liens avec son conjoint.

Je m’étonne également des arguments qui portent sur le regroupement familial alors qu’il est question des conjoints ! Sur ce point, nous avons déjà apporté une réponse en faisant adopter des amendements que vous aviez déposés, et qui me semblent fournir toutes les garanties nécessaires.

Pour répondre enfin à M. Pinte, la réponse à sa première et à sa troisième question est négative. Quant à la deuxième, il faudra démontrer son appartenance à un pays non sûr pour bénéficier de toutes les dispositions relatives au droit d’asile. Nous souhaitons d’ailleurs que le débat engagé avec nos partenaires européens nous permette de définir une liste commune de pays. Il existe en effet des pays dont les ressortissants viennent demander l’asile, mais où l’armée française mène dans le même temps des opérations pour assurer la paix et la démocratie !

M. René Dosière et M. Patrick Braouezec – N’en faites pas trop !

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Comment pourrait-on donc considérer que ces pays ne sont pas sûrs ? Il existe déjà une liste établie à titre interne, mais nous souhaitons un accord entre tous les États de l’Union européenne, afin de définir si une demande est justifiable ou non.

M. Patrick Braouezec - Vous restez dans l’affichage, voire dans l’hypocrisie d’Etat ! Comment pouvez-vous demander à un étranger de repartir dans son pays pour obtenir un titre qui lui revient de droit ? Il en résultera non seulement une perte de temps et des tracasseries bureaucratiques, mais aussi une injustice : pour se marier avec un étranger, il faudra non seulement de l’amour, mais aussi beaucoup d’argent !

Chacun sait que dans certains pays, il faut plus de deux mois pour obtenir un rendez-vous dans un consulat. Si vous souhaitez envoyer un signal, avouez qu’il est bien négatif, et qu’il mieux vaudrait régulariser sur place, de la façon la plus humaine possible.

M. Claude Goasguen – M. Mamère a fait mention à plusieurs reprises de l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme, mais de façon souvent caricaturale.

En effet, si l’alinéa premier exige le respect de la vie privée et familiale, le deuxième alinéa pose toute une série de limitations que je me garderai bien d’énumérer, mais qui recouvrent l’article dont nous débattons – sur ce point, je fais toute confiance au Conseil d’Etat, qui a examiné ce texte avant nous.

Cessez donc d’invoquer systématiquement l’article 8, et faites preuve d’un peu plus de nuance ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Noël Mamère – Pourquoi le ministre ne nous dit-il pas qu’il existe déjà une liste établie par l’Union européenne, et une autre par l’OFPRA, dont s’était contentée la loi du 10 décembre 2003 ? Le grand changement du texte qui nous est présenté, c’est précisément de faire cohabiter les deux listes, et d’étendre le champ des pays dits « sûrs », alors que l’on connaît bien la dangerosité de certains d’entre eux. Pouvez-vous affirmer que la Russie et la Tchétchénie sont des pays sûrs, par exemple ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué Si vous le voulez bien, Monsieur Mamère, nous débattrons de cette question au fond, lorsque nous examinerons l’article 64.

Vous avez raison en revanche pour ce qui est des délais, Monsieur Braouezec, et je m’engage au nom du Gouvernement à ce que les consulats reçoivent des instructions leur demandant de délivrer de façon prioritaire les visas de long séjour pour les conjoints de Français. Pour éviter les « tracasseries » que vous mentionnez, il serait toutefois plus simple de demander son titre avant de se rendre dans notre pays !

M. Patrick Braouezec – Dans ce cas, ne peut-on pas préciser dans la loi que ces personnes obtiendront leur visa non seulement de droit – ce que nous avons déjà fait –, mais aussi rapidement ?

M. le Rapporteur – Sur le plan juridique, « rapidement » n’a aucun sens !

M. Patrick Braouezec – Mais « prioritaire » en a un.

L'amendement 169, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 81 rectifié, est de coordination, de même que le 82 rectifié.

Les amendements 81 rectifié et 82 rectifié, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. Jérôme Rivière - L’amendement 19 tend à relever la durée de contribution effective à l’entretien et l’éducation de l’enfant. Dans l’hypothèse où le parent étranger ne se serait pas occupé de son enfant français depuis sa naissance, il ne faudrait pas en effet que le rôle et la charge de parent soient découverts seulement à l’occasion d’une demande de régularisation. Nous nous plaçons donc dans une perspective de récurrence de l’engagement familial – deux années –, que celui-ci ait lieu dans le domaine scolaire, culturel ou sportif.

M. le Rapporteur – Avis favorable. En 2003, nous avons conditionné la délivrance d’une carte de séjour au parent d’un enfant de nationalité française à une contribution à son entretien et son éducation depuis plus d’un an, afin d’éviter les reconnaissances de paternité de pure complaisance.

Un tel délai me semble effectivement insuffisant pour caractériser l’exercice d’une mission parentale. Et puisqu’il reste possible de contribuer à l’entretien de l’enfant après une séparation, je précise cet amendement n’a pas pour objet de réduire le droit au séjour accordé dans ce cadre.

M. Christian Estrosi, ministre délégué Avis favorable. Je remercie M. Rivière pour cet amendement, qui enrichit le texte en renforçant la lutte contre les reconnaissances de paternité de complaisance.

M. Serge Blisko - Pourquoi s’arrêter à deux ans ? Allez donc jusqu’à 18 ! Soyons sérieux ! Chacun sait que des parents français s’occupent peu financièrement, éducativement et affectivement de leurs enfants !

M. Jérôme Rivière - Il s’agit d’une durée, non de l’âge de l’enfant.

M. Claude Goasguen – Je voudrais revenir un instant sur un problème important que soulevait l’amendement 127 de M. Marsaud. Le trafic d’enfants augmente : de nombreux parents illégitimes demandent l’entrée en France depuis certains pays, notamment les pays musulmans où la tutelle joue le rôle de l’adoption. Il nous faut des précautions juridiques en la matière, et j’espère que la question sera évoquée au Sénat.

L'amendement 19, mis aux voix, est adopté.

M. Patrick Braouezec - L’amendement 574 vise à supprimer toute référence à l’article L.311-7.

L'amendement 574, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – Nous en revenons aux amendements 572, 166 et 262, précédemment réservés, afin que ceux qui le souhaitent puissent s’exprimer en présence du Ministre d’Etat. Je rappelle que le groupe socialiste a demandé un scrutin public pour le vote de l’amendement 572.

M. Noël Mamère - Nous sommes ravis, Monsieur le ministre d’Etat, de votre visite exceptionnelle.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire - N’exagérez pas, car je pourrais repartir !

M. Noël Mamère – C’est parce que nous savons que vous allez repartir que nous vous remercions d’avoir pris sur votre emploi du temps chargé pour participer au débat.

M. le Président – Ne manquez pas de courtoisie, Monsieur Mamère. En tant qu’ancien député de l’opposition, je ne me souviens pas que la majorité de l’époque ait jamais satisfait une telle demande.

M. le Rapporteur – Tout à fait !

M. Noël Mamère – Lors de sa présentation du projet, Monsieur le ministre de l’intérieur a insisté sur l’importance de supprimer la règle autorisant la régularisation presque automatique des étrangers ayant résidé dix ans dans notre pays. L’abandon de ce principe est un tournant dangereux, exemplaire de l’esprit d’un projet de loi qui précarise les étrangers en en faisant d’indésirables boucs émissaires. L’opposition et une partie de votre majorité insistent pour que vous rassuriez ceux que la misère ou la tyrannie pousse à quitter leur pays. Il est inacceptable que dans un grand pays comme la France, des étrangers vivant dans des conditions douloureuses soient assimilés à des profiteurs et la régularisation après dix ans à une prime à la tricherie ou à la clandestinité. Au contraire, c’est une prime au courage et à l’opiniâtreté : en restant aussi longtemps malgré les difficultés, ces étrangers font la preuve de leur volonté d’intégration. J’en appelle à votre sens politique, à votre humanisme et à votre générosité : il s’agit d’un droit fondamental et universel qu’aucun projet politicien ne peut remettre en cause.

Je vous sais capable de changer d’avis, et ce n’est ni condamnable, ni infâmant. La France gagnerait à la suppression de l’alinéa 6 de l’article 24, dans la rédaction duquel vous vous êtes vous-même impliqué, et dont M. Estrosi nous disait même que vous le personnifiiez.

M. Julien Dray - Je remercie d’autant plus le ministre de l’intérieur de sa présence que tout semble pouvoir arriver au-delà des murs de notre enceinte, et qu’il est sans doute en première ligne dans les événements à venir.

Nous ne sommes pas du même bord, et nous sommes souvent affrontés. Ici, pourtant, je ne comprends pas. La disposition en question fut instaurée par la droite au terme d’événements que vous jugiez vous-même ubuesques et insupportables. Plusieurs orateurs sont déjà intervenus pour expliquer qu’elle n’a rien à voir avec ce qui nous préoccupe : les personnes concernées n’ont pas enfreint les lois de la République ou la morale publique – personne alors n’interviendrait – mais elles sont piégées par des situations particulières dont la République elle-même est responsable. C’est parce que la législation sur l’entrée des immigrés ne cesse de changer que l’administration elle-même, perdue dans cette évolution, ne l’applique plus toujours exactement. Être clandestin pendant six mois ou un an, c’est une chose, mais dix ans sans discontinuer ! M. Pinte l’a dit : il n’y a pas d’automaticité, et l’administration peut refuser la délivrance du titre de séjour en cas de problème. Mais un séjour de plus de dix ans sur notre territoire a un sens : il ne s’agit donc pas d’une simple prime à l’illégalité ! Près de 90 % des cas concernent des Africains : personne, dans leurs villes, ne se dit que tenir bon dix ans suffira à obtenir une carte ! Au contraire, ces gens nouent des liens familiaux, affectifs, professionnels avec notre pays. Bien souvent, ils travaillent en toute légalité ! Je citai tout à l’heure le cas de M. Sara Camara, présent dans les tribunes aujourd’hui – illustrant ainsi l’importance qu’il accorde à notre débat. Il travaillait à la Conciergerie, avec un contrat en bonne et due forme ; il n’avait rien à cacher, et son employeur rien à lui reprocher – comme en témoigne la mobilisation unanime de ses collègues.

Il ne s’agit pas d’un débat idéologique, mais de situations particulières que nous avons tous jugées inacceptables. Je vous le dis sincèrement : je ne comprends pas ce que vous apporte ce dispositif qui n’a rien à voir avec l’immigration choisie. Ces cas existent : vous serez contraints, in fine, à délivrer des titres de séjour.

M. Bernard Roman - Votre projet de loi contient bien des mesures que nous combattons avec énergie et conviction, mais il y en a une sur laquelle l’opposition et une partie de votre majorité vous demandent instamment de réexaminer votre position. C’est après des événements douloureux – qui ont démontré l’échec de la République face à l’immigration – que M. Debré avait ouvert la voie de l’examen des demandes de régularisation d’immigrés ayant résidé plus de dix ans en France.

Cette porte, vous l’aviez laissée ouverte en 2003, et nous avions alors considéré que c’était une bonne chose, d’autant que cela ne concerne qu’environ 3000 personnes par an sur un « stock » de clandestins estimé entre 200 000 et 300 000 personnes. Aujourd’hui, vous la fermez, et nous pensons que c’est une erreur. Au-delà du manque de générosité que cela traduit, vous allez encore fragiliser la situation des étrangers irréguliers et les priver de toute perspective, alors même qu’ils ont noué des liens dans notre pays et qu’ils relèvent souvent de l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme. En les condamnant à n’être ni régularisables ni susceptibles d’être expulsés, vous les réduisez à une désespérance qui peut les inciter à des prises de position ou à des actions extrêmes. Enfin, les arguments techniques, les comparaisons internationales et les débats juridiques sur la prescription qu’on a soulevés à ce sujet ne pèsent pas lourd face à la dimension humaine de ces dossiers.

M. Patrick Braouezec - Je vous remercie, Monsieur le ministre d’État, de nous avoir rejoints et je remercie le président Warsmann et M. Estrosi d’avoir accepté notre demande de réserve de la discussion de ces amendements. Je crois que c’est la première fois qu’est appliquée cette procédure à la demande de l’opposition et je tenais à le relever.

Je voudrais tenter de vous convaincre sur plusieurs points. D’abord, supprimer cet article ne serait pas renoncer à votre philosophie générale d’immigration choisie puisqu’il ne concerne qu’environ 3000 personnes chaque année, soit une proportion infime de la population française - et même de la population immigrée. Ensuite, les personnes en cause, qui se débattent souvent dans des situations particulièrement difficiles, ont su, en restant sur notre sol pendant des années sans commettre d’infractions les rendant passibles d’être expulsées, nouer des liens profonds avec notre pays. Enfin, loin de demander une régularisation automatique de tous les sans papiers, nous voulons simplement que soit maintenue la possibilité d’étudier, au cas par cas, leur demande de régularisation – comme le permettait encore la loi de novembre 2003.

Dans vos rangs, Etienne Pinte et Christine Boutin ont montré à quel point ils étaient soucieux de cette situation et nous avons entendu les témoignages de tous les élus sollicités à ce sujet. Comme l’a dit Julien Dray, notre Assemblée se grandirait en entendant la demande d’humanité qui monte du pays, de centaines d’associations et de toutes les églises de France. Saisissez, Monsieur le ministre, cette occasion de montrer que vous êtes attentif, sensible et épris de justice – je n’ai pas dit généreux – dans votre approche de la situation de personnes qui ne demandent pas de toucher une prime à la clandestinité mais de vivre tranquillement dans notre pays. En prenant une décision moins défavorable pour eux, nous montrerons aussi collectivement que nous reconnaissons leur participation au développement de notre pays, leur contribution à son animation citoyenne – notamment dans les associations présentes dans les quartiers – et leur désir de stabilité.

M. Étienne Pinte - Merci, Monsieur le ministre d’État, de nous avoir rejoints. On l’aura compris, la suppression du délai de dix ans pour envisager de donner suite à la demande de régularisation de certains de nos concitoyens d’origine étrangère en situation irrégulière pose problème. La circulaire Pasqua et les lois Debré et Chevènement ont créé un délai de présence exigible pour envisager d’instruire les demandes de régularisation. Pourquoi ? Parce que les législateurs successifs n’ont pas souhaité procéder à des opérations de régularisation massive à la manière espagnole ou italienne, en préférant que les demandes soient instruites au cas par cas, à partir de critères objectifs.

Dans la présentation du présent texte, vous avez indiqué que vous alliez ordonner aux préfets de réactiver les commissions départementales du titre de séjour, afin qu’elles rendent un avis sur les dossiers sensibles. Que recouvre, pour vous, la notion de dossier sensible ? Par qui ces commissions seront-elles saisies ? S’il n’y a plus de délai, les associations pourront-elles leur soumettre des demandes de régularisation anticipée ?

Par ailleurs, vous avez annoncé qu’une commission nationale d’harmonisation des pratiques préfectorales en matière de régularisation serait créée par circulaire, et cette évolution me semble d’autant plus opportune que cette instance pourra également coordonner le travail des commissions départementales d’expulsion, chargées de rendre un avis sur les arrêtés ministériels ou préfectoraux d’expulsion. Pouvez-vous préciser les catégories de personnes étrangères dont la situation pourra être traitée par ces instances ? Ne s’agira-t-il que des personnes régularisables au terme du délai de dix ans ou est-il envisageable de leur soumettre d’autres cas ?

M. Jean-Christophe Lagarde - Je remercie tout particulièrement le ministre d’État d’être présent car, pour avoir suivi plusieurs de ses projets de loi, je sais qu’il est l’un des rares – et peut-être le seul – membres du Gouvernement jouissant d’une indépendance d’esprit et d’une autorité politique suffisantes pour tenir compte de l’avis du Parlement, cependant que notre République est en train de sombrer de son manque de considération pour la fonction parlementaire.

Je ne suis pas réputé pour mon laxisme, mais voilà un sujet sur lequel j’ai changé d’avis depuis la loi Chevènement, car la vie de ma commune m’a appris que cette possibilité de régularisation au bout de dix ans était utile. C’est pourquoi, en dépit des dispositions intéressantes qu’il contient, je ne pourrai pas voter l’article 24 si l’alinéa qui la supprime demeure, à moins que vous expliquiez, en réponse notamment à M. Pinte, qu’il s’agit de raccourcir les délais.

La régularisation au bout de dix ans ne crée pas d’appel d’air : je n’ai jamais rencontré un étranger qui soit venu avec le dessein de rester dix ans clandestin. Elle ne constitue pas une prime à l’illégalité, mais une forme de prescription pour le seul délit commis, à savoir l’entrée ou le maintien illégaux sur le territoire. Elle n’est pas accordée de façon automatique, mais au cas par cas, ce qui explique d’ailleurs qu’il n’y ait qu’un petit nombre d’étrangers régularisés de cette façon.

La supprimer serait en contradiction avec un certain nombre de nos orientations. Nous nous plaignons par exemple que l’aide médicale d’État augmente, mais nous nous apprêtons à nous priver d’un moyen de régulariser ceux pour lesquels elle constitue la seule solution. Nous voulons sanctionner les employeurs qui exploitent les immigrés en situation irrégulière, mais nous leur offririons de nouvelles troupes.

La supprimer aura en effet immanquablement pour effet d’augmenter le nombre de ceux que la gauche appelle « les sans papiers » et que j’appelle pour ma part les personnes en situation irrégulière. Nous assisterons alors régulièrement à des crises, manifestations, grèves de la faim…Et la carte « vie privée et familiale » sera probablement utilisée, discrètement, pour régler un certain nombre de cas.

Cette suppression est une erreur politique, car elle permet à certains de caricaturer le projet, et humaine, car compte tenu de la complexité des parcours humains, la régularisation au bout de dix ans est parfois la seule porte de sortie. Dix ans de clandestinité, c’est beaucoup. La clandestinité à perpétuité, c’est trop.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire - Un mot de méthode, tout d’abord. J’ai la chance d’être secondé par deux ministres délégués de qualité : M. Estrosi et M. Hortefeux.

M. Patrick Braouezec – On les apprécie.

M. le Ministre d’État – Ma conception du travail gouvernemental fait qu’ils sont associés à toutes les étapes des projets. Nous formons une équipe et les ministres délégués sont donc autant que moi capables de défendre le présent texte. Je mets d’ailleurs quiconque au défi de relever le moindre problème entre mes ministres délégués et moi – cela change de ce qui peut parfois se passer. J’assume donc parfaitement le fait que ce soit un ministre délégué qui soit aux bancs du Gouvernement pour défendre ce projet important.

Mais il est aussi parfaitement normal que le Parlement puisse m’entendre quand il le souhaite. Et c’est alors à moi de me débrouiller pour me rendre disponible. Je pense qu’il vaut mieux que je sois là quand vous avez besoin de m’entendre que tout au long de la discussion – qui peut parfois être répétitive, nous le savons tous – des 84 articles. Je suis d’ailleurs prêt à revenir dès que vous le jugerez nécessaire.

M. René Dosière - Très bien.

M. le Ministre d’État – J’en viens au fond pour souligner d’emblée que je respecte la façon dont vous avez les uns et les autres évoqué le problème. Ce n’est pas parce que nous ne sommes pas d’accord que je considère que vos arguments sont nécessairement faux. Si la solution était évidente, j’aurais proposé la mesure dont nous parlons dès 2003. Mais non, j’ai hésité, j’ai réfléchi et je suis arrivé à la conclusion que je vous présente aujourd’hui. Pourquoi ? Parce que j’ai constaté que la régularisation automatique au bout de dix ans ne réglait pas les problèmes.

Tout étranger qui peut prouver qu’il est là depuis dix ans est automatiquement régularisable.

M. Patrick Braouezec - Non.

M. le Ministre d’État – Si, cette régularisation est de plein droit.

M. Noël Mamère - Non.

M. le Ministre d’État – A partir du moment où vous pouvez prouver que vous êtes là depuis dix ans, vous avez droit à la régularisation. L’article L.313-11 l’énonce clairement : « de plein droit », ce qui revient à dire que c’est automatique.

Attention ! Si vous me demandez si je suis d’accord, en tant que ministre de l’intérieur, pour le maintien d’une procédure de régularisation hors des circuits traditionnels, la réponse est clairement oui. Ce que je propose de supprimer, c’est cette régularisation de plein droit au bout de dix ans. A cela plusieurs raisons : d’abord, le critère des dix ans ne me paraît pas pertinent. Pourquoi pas cinq ou pourquoi pas quinze ? Ensuite, parce que, comme je le disais, la procédure ne règle aucun problème, ce qui amène d’ailleurs M. Fabius à demander une régularisation globale. Les squats qui ont flambé cet été – toute la misère de la clandestinité ! - en sont la preuve.

Je crois comprendre que ni M. Pinte, ni M. Lagarde ne défendent le critère des dix ans. Ils veulent simplement qu’un sas continue d’exister et qu’une solution soit possible pour les situations humaines dramatiques.

Partant de tous ces constats, je propose en fait de solenniser le droit à régularisation. Je le fais ici au nom du Gouvernement. Et me tournant vers les bancs de la gauche, je demande : pourquoi attendre dix ans ? Si une personne ou une famille est régularisable au bout de quatre ans, pourquoi faudrait-il attendre six ans de plus ? Loin d’être une mesure de fermeture, la mesure que je propose est donc une mesure d’ouverture !

Et je vais plus loin ! L’idée n’est d’ailleurs pas venue de moi. Ce sont les associations qui ont attiré mon attention sur le fait qu’il pouvait y avoir des départements où les régularisations seraient aisées et d’autres où elles seraient impossibles. Risque d’arbitraire, donc. C’est pourquoi je propose de créer une commission nationale composée à parité de représentants de l’administration, d’associations et d’élus (Murmures sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Nous examinerons des amendements à ce sujet, je suis ouvert…Le rôle de cette commission sera d’harmoniser les critères de régularisation d’un département à l’autre. C’est très important du point de vue de l’équité qui doit régner. Cette commission sera aussi structure d’appel en cas de refus. Sachant qu’il n’y a que 3000 cas, je pense que nous pourrons imaginer un filtre.

La commission devra donc préciser les critères de régularisation, étant entendu cependant que l’on ne peut pas tout préciser, car il y a des situations qui peuvent être totalement hors critères. Ces critères relèvent selon moi de deux catégories. La première est d’ordre humanitaire. J’assume ce terme volontairement vague, car il ne s’agit pas de refaire le code de l’immigration mais de permettre à la procédure de jouer le rôle de soupape qu’à juste titre, vous voulez lui faire jouer.

La seconde, ce serait la chance que certains étrangers constituent pour notre pays. Car, Messieurs Lagarde et Pinte, je crois qu’il est nécessaire de ne pas retenir que des critères strictement humanitaires et sociaux. Nous pourrions ainsi régulariser le jeune étranger, alors expulsable, qui, il y a quelques années, a sauvé une famille entière de la noyade et bien d’autres encore pour des motifs différents. Voilà tout l’intérêt de cette commission que je vous propose de créer.

Monsieur Mamère, contrairement à vous, je ne pense pas qu’il existe un droit à la régularisation. Je ne veux pas que l’on change de système et que toutes les personnes présentes sur notre territoire depuis dix ans de manière illégale pensent qu’elles obtiendront leur régularisation alors que d’autres ont pris la peine de faire la queue au guichet.

M. Patrick Balkany - Très bien !

M. le Ministre d’État – Ce ne doit pas être un droit, mais une possibilité.

Mme Nadine Morano - Très bien !

M. le Ministre d’État – Ce n’est pas une simple question de sémantique. Instaurer un droit à la régularisation, c’est affaiblir toutes les procédures régulières d’acquisition de la nationalité française,…

M. Noël Mamère - Non !

M. le Ministre d’État – …écueil que l’on évite avec la formule que je vous propose. Par ailleurs, certains ont estimé que ma proposition est contraire à l’idée d’immigration choisie. Pas du tout ! Le contraire de l’immigration choisie, c’est la régularisation de plein droit. En revanche, la possibilité de régulariser à n’importe quel moment et sur des critères larges, c’est l’immigration choisie : je suis cohérent ! Avec le système que je propose, on pourra régulariser plus tôt et de la même façon sur tout le territoire français. D’ailleurs, il serait intéressant d’évaluer ce nouveau dispositif afin de savoir s’il permet de régulariser plus ou moins d’étrangers. Ainsi, nous sortons le problème des régularisations du débat national pour en faire davantage une question locale du ressort des préfets et du mouvement associatif. L’immigration choisie, ce n’est pas le choix des immigrés selon des critères seulement économiques, ce qui m’a été reproché, mais aussi humanitaires. Avec cette proposition, je vais dans le sens de la gauche. Je trouve consternant qu’elle ne l’ait pas compris spontanément. C’est la raison pour laquelle je suis venu à l’Assemblée le lui expliquer moi-même (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Monsieur Roman, vous m’avez parlé de générosité. Certes, je ferme une porte mais c’est pour en ouvrir immédiatement une autre !

M. Bernard Roman - Laquelle ?

M. le Ministre d’État – Le système de la commission que je viens d’exposer !

M. Bernard Roman - Il faudrait l’inscrire dans la loi.

M. le Ministre d’État – Très bien ! Je proposer de supprimer la régularisation automatique, de créer une commission d’harmonisation et de définition des critères de régularisation et de soumettre ce nouveau dispositif à une évaluation. Je demande à MM. Lagarde et Pinte de m’apporter leur soutien pour rédiger cet amendement et si la gauche veut se joindre à nous, elle est la bienvenue !

M. Noël Mamère - Ne rêvez pas !

M. le Ministre d’État – Cela signifiera qu’elle a compris que le système que je propose est plus généreux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. le Président – Avant de passer au vote, je propose de donner la parole à un intervenant par groupe parlementaire.

M. Patrick Braouezec – Monsieur Sarkozy, chacun ses convictions. N’essayez pas de nous prendre sur la gauche ! Pour ma part, je défends la régularisation des sans-papiers.

Mme Nadine Morano - De tous les sans-papiers ?

M. Patrick Braouezec - Quel est notre état d’esprit dans ce débat ? Nous voulons améliorer ce projet de loi pour qu’il soit le moins nocif possible pour les étrangers et l’ensemble de la société française. S’agissant des dix ans de séjour, vous aviez raison, ce qui est automatique, c’est la régularisation et non pas l’examen du dossier. Votre système serait selon vous plus généreux parce qu’il permettrait de régulariser des personnes sans attendre dix ans. Je propose donc la chose suivante : précisons que l’étude par la commission des dossiers des personnes qui ont séjourné dix ans en France est de droit. C’est une proposition de repli. Cette indication rassurerait un certain nombre d’entre nous.

M. Julien Dray – La présentation que M. Sarkozy a fait de cette question était très habile. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas répondu. Il a placé toutes les catégories de sans-papiers dans le même pot, en disant que c’est plus généreux, alors que nous parlions de personnes bien précises, les « ni régularisables, ni expulsables ». C’était le cas des vingt-sept occupants de l’église Saint-Bernard. Ils ont eu parfois des titres de séjour qu’on leur a ensuite retirés parce que la législation avait changé. Pourquoi dix ans de séjour ? C’était déjà mieux que quinze, critère qui était retenu dans la législation précédente. De surcroît, cela évitait que ces cas ne se reproduisent. Par ailleurs, il ne s’agissait en aucun cas d’une régularisation automatique, mais d’une étude automatique du dossier. En noyant ce groupe de personnes parmi les autres, vous allez fabriquer des clandestins à vie.

M. Patrick Balkany - Vous êtes vraiment sourd !

M. Jean-Christophe Lagarde - Je remercie M. Braouezec d’avoir insisté pour que M. Sarkozy participe à nos débats. Sa venue était effectivement indispensable. En revanche, j’assume, même si ce n’est pas glorieux, que la régularisation était automatique au terme de dix ans de séjour.

M. Patrick Braouezec - Je l’ai reconnu !

M. Jean-Christophe Lagarde - Ce dispositif était particulièrement utile pour gens qui n’étaient ni régularisables, ni expulsables. Le ministre propose de créer deux catégories, permettant de tenir réellement compte du cas par cas – car nous avons tous rencontré des affaires absolument ubuesques qui ne peuvent être prévues par aucune loi, aussi détaillée soit-elle. Je lui demande de s’engager à déposer des amendements dans ce sens. Cette soupape doit exister, d’autant que c’est parfois l’administration elle-même, soit par erreur, soit du fait de la complexité des règlements, qui plonge les intéressés dans des situations inextricables. Si les associations interviennent et qu’il y a une évaluation, ce sera parfait.

M. le Ministre d’Etat – Je confirme l’analyse de M. Braouezec : dans le texte, la carte de séjour temporaire portant mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit – la carte, pas l’étude ! Je suis désolé, Monsieur Dray, mais c’est écrit noir sur blanc.

M. Julien Dray - Je suis d’accord.

M. le Ministre d’Etat – Je propose de déposer ce soir un amendement reprenant les deux catégorie que j’ai évoquées. Je suis même prêt à en créer une troisième, selon la proposition de M. Braouezec, qui serait un droit à l’étude du cas de ceux qui pourraient prouver qu’ils sont là depuis plus de dix ans. La commission serait obligée de se saisir du cas – pas de dire oui. C’est une idée très intéressante et je prends l’engagement de la reprendre ce soir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

A la majorité de 29 voix contre 16 sur 45 votants et 45 suffrages exprimés, l’amendement 572 n’est pas adopté.

M. Noël Mamère - L’amendement 166 est de repli. La possibilité d'obtenir une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » représente une perspective de régularisation et permet aux sans papiers de sortir de l'impasse administrative dans laquelle ils se trouvent. La durée de leur séjour laisse en effet supposer que leur vie privée doit être protégée, au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et du citoyen.

M. Patrick Braouezec - Je reprends l’amendement 262 de Mme Boutin, qui a le mérite d’aller dans le sens d’un retour à la situation précédente.

M. le Rapporteur - Avis défavorable sur les deux amendements.

M. Christian Estrosi, ministre délégué - Même avis.

M. Julien Dray - Le ministre d’État est parti, mais je connais les textes comme lui. Notre dispositif mettait fin à l’arbitraire. Il ouvrait à l’étranger des droits face à l’administration. Vous proposez le retour à l’arbitraire. Nous ne sommes pas d’accord, parce que nous savons déjà le genre de décisions qui seront prises.

Les amendements 166 et 262, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir à 21 h 30.
La séance est levée à 19 h 55.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

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