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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du mardi 9 mai 2006

Séance de 15 heures
90ème jour de séance, 213ème séance

Présidence de M. Jean-Louis Debré

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La séance est ouverte à quinze heures.

Hommage à Mathias et Madison

M. le Président – Nous avons appris la mort de Mathias et Madison. Face à l’horreur de l’assassinat de ces deux enfants, nous partageons et nous comprenons tous la douleur qu’éprouvent les familles. Très simplement et très sincèrement, je voudrais leur exprimer la peine et la sympathie de l’ensemble des députés, mais aussi – j’en suis certain –, des membres du Gouvernement et de tous nos concitoyens.

Si vous le voulez bien, nous allons respecter un moment de silence. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence).

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Questions au Gouvernement

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

affaire CLearstream

M. Paul Quilès – Ma question s’adresse à Mme la ministre de la défense. Le feuilleton qui défraie actuellement la chronique a pris une tournure inquiétante, mêlant affaires de personnes et mises en cause de services essentiels au bon fonctionnement de l’État républicain.

Comme vous, Madame la ministre, je connais le ministère de la défense, et je mesure l’émoi suscité par cette triste affaire chez les militaires, mais aussi chez tous nos concitoyens. Il y a quelques jours, vous avez déclaré sur France 2 avoir été visée par l’affaire Clearstream. Indépendamment de ce qui vous touche personnellement et qui ne concerne pas mon propos, il apparaît que votre conseiller pour le renseignement et les opérations spéciales a joué un rôle qui reste encore à élucider.

Je voudrais donc savoir si votre conseiller a entrepris des actions concernant des personnalités politiques sans vous en avertir, et – si tel est le cas – à la demande de qui.

Pouvez également nous dire dans quelles conditions la DGSE, qui est placée sous votre autorité, a été impliquée dans cette affaire ? Cet important service de l’État a-t-il été utilisé pour une action dont vous avez laissé entendre hier qu’elle répondait exclusivement aux intérêts « d’une ambition personnelle et carriériste » ?

Je voudrais enfin savoir pourquoi la commission consultative du secret de la défense nationale, où siègent des parlementaires, n’a pas été saisie de la demande formulée le 5 août 2005 par le juge saisi de l’affaire, qui demandait la levée du secret défense sur les listings informatiques saisis au siège d’EADS et placés sous scellés. Comment se fait-il que ces documents aient été rendus publics ? Auriez-vous levé le secret défense sans passer par la commission ?

Mais il y a plus grave encore : comment entendez-vous, Madame la ministre, vous assurer que les services de renseignements demeurent, conformément à la tradition républicaine, « au service exclusif de la nation » ? La raison d’être du renseignement est en effet de garantir la sécurité des Français, aspect qu’il ne serait pas inutile de réaffirmer avec quelque solennité dans cette période de grands troubles (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président – La parole est à M. Pascal Clément (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. le Garde des Sceaux  Vous allez comprendre pourquoi c’est moi qui vous réponds (Plusieurs députés socialiste tentent de couvrir la voix de l’orateur). Imaginez-vous un seul instant, Monsieur le ministre Quilès, qu’un membre du Gouvernement puisse répondre à ces questions ? (Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Que resterait-il alors du secret de l’instruction ? Je vous pose la question !

Alors que ce secret est devenu pour vous, depuis bientôt dix jours, un moyen de faire de la politique, nous sommes quelques uns à penser qu’il faut éviter que le fonctionnement de la justice prête le flanc à la moindre critique (Même mouvement). Je ne comprends donc pas que vous cherchiez, par vos questions, à connaître indirectement d’éléments couverts par le secret de l’instruction !

Comme le souhaitent les Français, ainsi que les intéressés, je souhaite que nous parvenions le plus rapidement possible à connaître la vérité. Or, ce n’est pas par ce type de moyens que nous y parviendrons ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; plusieurs députés du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains se lèvent).

M. le Président – Il ne sert à rien de hurler !

Relance de l’union européenne

M. Jean-Luc Préel – Monsieur le Premier ministre, le 9 mai est la fête de l’Europe. Or, nous avons à l’UDF le sentiment que nous sommes dans l’impasse, faute du « plan B » invoqué par certains, mais aussi faute de volonté de la part du Gouvernement. Avez-vous en effet une politique et une vision européennes ? Que proposez-vous pour sortir de l’impasse ? Expliquez nous votre projet européen !

Si nous avons la chance de vivre en paix depuis soixante ans, c’est en grande partie à l’Europe que nous le devons. Et si nous avons pu éviter des manipulations monétaires, c’est grâce à l’euro. Aujourd’hui, face aux États continents que sont les États-Unis, la Chine et l’Inde, nous avons besoin d’un réel pouvoir économique et d’une politique sociale commune.

Je vous demande donc, au nom de l’UDF, quelles initiatives vous comptez prendre pour relancer l’Europe, et ainsi disposer demain d’un vrai pouvoir politique, qui définirait de véritables politiques économiques et sociales communes, afin de nous imposer face aux États continents. Donnez-nous un peu d’espoir, Monsieur le Premier ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes Contrairement à ce que certains prétendaient pendant la campagne référendaire, il est certain que le « non » français, suivi de celui des Néerlandais, n’a pas arrangé la situation (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et quelques bancs du groupe socialiste) et que l’Europe ne s’en porte pas mieux.

Le silence de ceux qui promettaient, il y a un an, monts et merveilles aux Français, ainsi qu’un « plan B », est aujourd’hui assourdissant ! (Mêmes mouvements) Face à cela, deux attitudes étaient possibles : ne rien faire, ou bien au contraire tenter de reconstruire. C’est naturellement cette deuxième option qu’a choisie le gouvernement de Dominique de Villepin.

Quelle Europe voulons-nous ? Une Europe ambitieuse, forte et solidaire, pour laquelle nous nous sommes battus avec succès lors des négociations sur le budget 2007-2013 : 55 milliards de plus pour le futur budget de l’UE, ce n’est pas rien ! Un budget de la recherche en augmentation de plus de 40 % et des bourses supplémentaires pour les étudiants, c’est bien aussi.

L’Europe que nous voulons, c’est aussi une Union proche des citoyens – ce que nous appelons « l’Europe des projets »… (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains) En janvier dernier, le Gouvernement a ainsi fait des propositions dans le domaine de l’énergie, lesquelles ont permis d’obtenir de premiers résultats lors du Conseil européen du mois de mars, les 25 ayant décidé de mettre en place une politique intégrée de l’énergie. La France a aussi pesé sur les grands dossiers législatifs, tels la proposition de directive sur les services, où nous avons renversé la situation en un an. Au-delà, nous avons proposé que l’UE aborde les questions qui concernent son avenir : nous avons ainsi obtenu qu’ait lieu, dès le mois prochain, un débat sur l’identité européenne – la question n’étant pas seulement géographique – et sur les institutions.

Sur tous ces sujets majeurs, la France est à l’initiative. Depuis qu’il est en place, ce gouvernement a une conviction : la meilleure réponse au doute, c’est l’action ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

EUROPE SOCIALE

Mme Janine Jambu - Monsieur le Premier ministre, célébrant en avant-première la fête de l’Europe, la Commission européenne a livré hier ses recommandations aux 25. Uniquement guidées par le respect du pacte de stabilité, elles constituent un nouvel appel à mettre en œuvre des mesures d’austérité et de convergence des politiques économiques et sociales, au détriment de l’emploi, des protections sociales et de la solidarité. Les dégâts qui en découlent sont terribles pour les peuples, singulièrement pour le nôtre. En effet, depuis quatre ans, le Gouvernement applique scrupuleusement les préceptes de cette Europe ultra-libérale, et malgré l’autosatisfaction que vous affichez, les résultats sont catastrophiques : plus de 20 millions de chômeurs en Europe, dont plus de 3 millions en France ; 7 millions de pauvres, précaires et érémistes ; une diffusion exponentielle de la précarité du travail et la remise en cause du droit à la retraite, du code du travail, de la protection sociale, de l’égalité d’accès aux soins ; la privatisation de toujours plus de services et entreprises publics…

Le 29 mai prochain, cela fera un an que notre peuple a dit non à votre politique et à cette Europe là. Et il a prolongé ce refus au travers des luttes victorieuses qui viennent d’avoir lieu pour le retrait du CPE. La plus belle fête de l’Europe ne consisterait-elle pas à entendre enfin cet appel anti-libéral ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes - La dimension sociale de l’Europe est prise en compte dans l’ensemble des traités, au travers de l’article 136, lequel prévoit l’harmonisation par le haut (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains) via les actions sur les normes et sur la solidarité financière. S’agissant des normes, c’est la France, qui, depuis quatre ans, s’est battue – MM. Le Garrec et Lemière le savent bien – pour que soit opéré – dès le second semestre de cette année – un contrôle de santé lié à l’amiante au profit de l’ensemble des salariés européens. C’est aussi la France qui se bat pour que, dans le cadre de la révision de la directive portant sur le temps de travail, la dérogation que le patois bruxellois nomme « opt-out » ne soit pas pérennisée, de sorte qu’aucun accord bilatéral ne permette de déroger au-delà des 55 heures hebdomadaires. Enfin, c’est toujours la France qui se bat pour que, dans le cadre du programme Leonardo, quatre fois plus d’apprentis fassent l’objet d’échanges à l’échelle européenne : ils ne sont aujourd’hui que 2 % à en bénéficier, notre objectif est d’atteindre une proportion de 8 % d’apprentis accomplissant des échanges.

Au titre de la solidarité financière, le fonds social européen est doté d’un milliard par an et c’est ce gouvernement qui, à l’initiative du Premier ministre, vient enfin de régler des années de litige avec la Commission européenne pour que nous puissions en profiter pleinement. Enfin, sous l’impulsion du Président de la République – et à la suite du dossier Hewlett Packard, que vous êtes nombreux, sur tous vos bancs, à bien connaître – , nous avons mis en place un fonds anti-chocs – doté cette année d’un demi-milliard d’euros – en vue de préparer les mutations économiques. Telles sont les initiatives prises depuis quatre ans par la France au titre de l’harmonisation sociale européenne (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Journée DE L’EUROPE

M. Didier Quentin – C’est aujourd’hui l'anniversaire de la déclaration historique de Robert Schuman qui donna naissance, en 1950, à la construction européenne, et nous célébrons, comme depuis vingt ans, la Journée de l'Europe. En réalité, trop peu de nos concitoyens connaissent cette manifestation, et, un an après l'échec du référendum sur le Traité constitutionnel européen, cette date prend aujourd'hui une signification particulière. Pouvez-vous, Madame la ministre déléguée aux affaires européennes, nous préciser comment est célébrée cette journée ? D'autre part, quelles initiatives les autorités françaises entendent-elles prendre pour redonner le goût de l'Europe à nos compatriotes – en particulier aux plus jeunes – et pour redonner à notre pays une ambition européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et quelques bancs du groupe UDF)

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes - L’Europe se fait jour après jour et pas à pas, et c’est en permanence qu’il faut s’attacher à la rendre plus concrète et plus efficace. Mais le 9 mai est un jour différent : partout en France, plus de 350 événements marquent la Journée de l’Europe ; à Paris, l'Assemblée nationale, le Sénat, la Tour Eiffel et l’Arc de triomphe sont illuminés en bleu. Sur tout le territoire national, il y aura des concerts, des débats, des expositions, des jeux… Un an après le non français au référendum, vingt ans après la première Journée de l’Europe et cinquante-six ans après la déclaration fondatrice de Robert Schuman, nous célébrons cette journée du 9 mai parce qu’elle nous donne l’occasion de prendre un peu de recul, de mesurer le chemin parcouru et de réaliser tout ce que l’Europe nous apporte : la paix et la sécurité, la démocratie – sur un continent naguère ravagé par les guerres puis coupé en deux par le rideau de fer –, un cadre pour notre développement économique et une chance supplémentaire dans le contexte de la mondialisation. Nous le faisons aussi pour dire que l’Europe est l’affaire de tous, qu’elle sera ce que nous en ferons et que notre responsabilité collective, c’est de la construire. Remercions l’Europe de ce qu’elle nous a déjà donné, et battons-nous pour faire toujours mieux.

Pour prolonger cette journée, nous ouvrons aujourd’hui un nouveau site internet, toutel’europe.fr, sur lequel chacun pourra exprimer ses attentes et ses espoirs. Nous voulons faire vivre le dialogue sur l’Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

démographie médicale

M. Pierre Hellier - Monsieur le ministre de la santé, de grands pans du territoire, spécialement les zones rurales, sont confrontés à une pénurie de professionnels de la santé, en particulier de médecins généralistes. Dans le département de la Sarthe, l’âge moyen des médecins est de 52 ans. Ceux qui partent en retraite ne sont pas remplacés. Une partie croissante de la population connaît des difficultés pour accéder aux soins. Le conseil général de la Sarthe souhaite proposer des solutions, ce qui m’a amené à participer au salon du MEDEC. M. Estrosi nous a d’ailleurs fait le plaisir de passer sur le stand « S’installer en Sarthe »… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

De bonnes mesures ont été adoptées, mais le plan « démographie médicale » mérite encore d’évoluer. Je constate ainsi que la liste des zones déficitaires est déjà dépassée pour bon nombre de départements et qu’elle n’anticipe pas assez les prochains départs en retraite. On ne peut pourtant pas se permettre d’attendre que les déficits soient irréversibles. C’est dès maintenant qu’il faut agir.

L’adaptation du numerus clausus à la situation locale et la possibilité donnée aux collectivités locales de verser des aides sont de très bonnes mesures. L’exercice de la profession dans des cabinets de groupe doit être encouragé. Les conditions des stages doivent être améliorées…

Plusieurs députés socialistes – La question !

M. Pierre Hellier - Il faut faciliter le logement des étudiants en stage et regrouper les périodes de stage de façon à favoriser leur réalisation en milieu rural. Le statut des maîtres de stage doit être valorisé…

M. le Président – Posez votre question.

M. Pierre Hellier - Nous devons convaincre les jeunes étudiants que la médecine générale est, spécialement en milieu rural, un métier agréable. C’est ainsi que nous pourrons gagner la bataille de la démographie médicale. Où en est la réflexion sur ce dossier, Monsieur le ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités La constitution de déserts médicaux n’est pas une fatalité. Pour parer à ce risque, il faut avoir plus de médecins dans les années qui viennent et surtout mieux les répartir sur le territoire national, en ne croyant qu’à une seule voie, le volontarisme, mais aussi en donnant aux médecins l’envie et les moyens de s’installer partout.

Les zones vont-elles être revues ? Oui. Comme nous en avions pris l’engagement, cela va être fait, de façon que les paramédicaux, les masseurs, les dentistes, les infirmières puissent bénéficier d’aides similaires. Nous allons d’autre part demander aux missions régionales de santé de mieux prendre en compte les futurs départs en retraite.

Il faut aussi que nous fassions mieux connaître ce beau métier de médecin généraliste. C’est pourquoi il y aura, à partir de septembre 2006, un stage de médecine générale dès le deuxième cycle.

Avoir davantage de médecins implique de relever le numerus clausus. Nous l’avons relevé à 7000 jusqu’en 2010. Nous avons d’autre part aligné le régime du congé maternité des femmes exerçant une profession libérale de santé sur celui des salariées. Mme Zimmermann, présidente de la délégation aux droits des femmes, appelait une telle mesure de ses vœux. C’est chose faite. J’ai signé la semaine dernière le décret en ce sens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Si nous voulons réussir, il faut mener une action complète. Dans les zones sous-médicalisées, la permanence des soins est également une priorité. J’ai réuni vendredi dernier l’ensemble des acteurs en ce domaine.

Sur ces sujets qui intéressent fortement les Français, nous travaillons, comme vous le voyez, et nous réussirons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

service public de l’emploi

M. Pierre Hériaud - La loi de cohésion sociale de janvier 2005 a prévu une convention tripartite entre l’État, l’ANPE et l’UNEDIC, dont l’objet est d’assurer la coordination des actions du service public de l’emploi. Après plus d’une année de réflexion et d’échanges, cette convention a été signée vendredi dernier.

Monsieur le ministre délégué à l’emploi, pouvez-vous nous préciser les mesures de simplification et d’optimisation qui vont être appliquées afin d’assurer, pour les personnes concernées, le retour le plus rapide à l’emploi ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes - La loi de cohésion sociale a prévu la modernisation et la simplification des services offerts par le service public de l’emploi. Le Président de la République avait insisté sur l’exigence de décloisonnement. Un travail en profondeur a donc été mené tant par les partenaires sociaux de l’UNEDIC que par l’ANPE et l’ensemble des services de l’État.

Concrètement, cette mutation va se traduire par au moins un guichet unique dans chaque région d’ici la fin de l’année. Le demandeur d’emploi sera ainsi au cœur de l’ensemble du dispositif. Les structures doivent être à son service. Après le guichet unique, le dossier unique. Ce sera mis en œuvre dans les semaines qui viennent. Le but est de pouvoir accompagner le demandeur d’emploi tout au long de son parcours, de façon personnalisée. Au 1er juillet prochain, il y aura une structure informatique commune (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

affaire clearstream

M. Éric Besson - Nous sommes attachés, comme le Garde des Sceaux, au secret de l’instruction, mais la question de M. Paul Quilès portait sur le fonctionnement des pouvoirs publics et touchait à des sujets que la ministre de la défense avait elle-même abordés à la télévision. Madame la ministre, nous ne comprenons pas votre silence. Il nous a d’ailleurs semblé, en vous regardant, que vous aviez envie de répondre. Êtes-vous ici encore libre de votre parole ou vous a-t-on interdit de vous exprimer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, murmures sur les bancs du groupe UMP) Pour vous donner une seconde chance et pour que les droits du Parlement soient respectés, je vais reposer la question de Paul Quilès en renonçant à la mienne, qui portait sur la situation économique.

Le feuilleton qui défraie la chronique a pris une tournure inquiétante, mêlant affaires de personnes et mises en cause de services essentiels au fonctionnement de l’État républicain. Comme vous, Madame la ministre, je connais le ministère de la défense et je mesure l’émoi que suscite cette triste affaire auprès des militaires mais aussi de l’ensemble de nos concitoyens. Vous avez déclaré sur France 2 avoir été visée par l’affaire Clearstream.

Indépendamment de ce qui vous touche personnellement et qui ne concerne pas mon propos, il apparaît que votre conseiller pour le renseignement et les opérations spéciales a joué un rôle qui reste encore à élucider.

Je voudrais donc savoir si votre conseiller a entrepris des actions concernant des personnalités politiques sans vous en avertir, et – si tel est le cas – à la demande de qui. Pouvez-vous également nous dire dans quelles conditions la DGSE, qui est placée sous votre autorité, a été impliquée dans cette affaire ? Cet important service de l’État a-t-il été utilisé pour une opération dont vous-même avez laissé entendre hier qu’elle répondait exclusivement aux intérêts « d’une ambition personnelle et carriériste » ?

Je voudrais enfin savoir pourquoi la commission consultative du secret de la défense nationale, où siègent des parlementaires, n’a pas été saisie de la demande formulée le 5 août 2005 par le juge chargé de l’affaire, qui demandait la levée du secret défense sur les listings informatiques saisis au siège d’EADS et placés sous scellés. Comment se fait-il que ces documents aient été rendus publics ? Auriez-vous levé le secret défense sans passer par la commission ?

M. le Président – Veuillez conclure, Monsieur Besson (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Eric Besson - Mais il y a plus grave encore : comment entendez-vous, Madame la ministre, vous assurer que les services de renseignement demeurent, conformément à la tradition républicaine, « au service exclusif de la nation » ?

M. le Président – Merci, Monsieur Besson.

M. Eric Besson - Je ne donnerai donc pas la conclusion, puisque M. le Président me l’interdit…

M. le Président – Oui, nous la connaissons déjà !

M. Eric Besson - …mais je vous demande, Madame la ministre, de nous répondre personnellement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président – C’est précisément ce qu’elle va faire : la parole est à Mme la ministre de la défense (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense  Aucune raison ne s’oppose en effet à ce que je vous réponde (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe UDF) dans le domaine de mes compétences et en respectant le secret de l’instruction.

M. Jean-Christophe Lagarde - Bravo, Madame la ministre !

Mme la Ministre – Le ministère de la défense est régi par des textes. Comme ministre – et comme juriste – je tiens particulièrement au respect de la loi et des règles de fonctionnement de l’État.

Plusieurs députés socialistes – Nous aussi !

Mme la Ministre - Lorsque le ministère de la défense a été saisi de listings portant le nom de certains de ses fonctionnaires, une enquête a été menée sur proposition du général Rondot, dans les limites de notre domaine de compétences – c’est-à-dire les actions menées à l’extérieur du territoire national et les personnels du ministère eux-mêmes. Le général Rondot a reçu des instructions en ce sens.

Plusieurs députés socialistes – De qui ?

Mme la Ministre - De moi, bien entendu !

D’autre part, si la commission consultative du secret défense n’a pas été saisie, c’est parce que les demandes précises ne m’ont pas été transmises ainsi que le prévoit la procédure (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Là encore, la loi est respectée.

Quant à mes propos d’hier, ils avaient pour but de rappeler ce qu’est notre mission à tous : oublier nos ambitions personnelles et nos préoccupations de carrière (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) et ne se mettre au service que d’une seule ambition : celle de nos concitoyens, et celle de la France ! (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe UMP)

réforme de la taxe sur les véhicules de société

M. Alfred Trassy-Paillogues – Lors de l’examen du budget pour 2006, un amendement du Rapporteur général du budget au Sénat a jeté le trouble parmi les chefs d’entreprise en étendant la taxe sur les véhicules de société aux indemnités kilométriques et soumettant son calcul aux émissions de dioxyde de carbone. Ainsi, dès lors qu’un salarié utilise son véhicule personnel à des fins professionnelles pour plus de 5 000 kilomètres par an, la société est soumise à cette taxe qui croît selon le kilométrage.

Cette réforme pénalise toutes les sociétés en France et accroît la pression fiscale sur des acteurs économiques dont notre pays a pourtant besoin. C’est une mesure incompréhensible à plus d’un titre : depuis toujours, les indemnités kilométriques sont assimilées au remboursement des dépenses réelles à la charge de l’utilisateur, exonérées de toutes taxes, cotisations ou contributions. Comment comptez-vous, Monsieur le ministre du budget, assouplir ces nouvelles règles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État Je sais combien vous êtes engagé sur cette question. Vous avez raison : face aux réactions des représentants d’entreprise, cette mesure avait besoin d’être toilettée. Nous avons donc pris trois mesures pragmatiques : la hausse du seuil d’entrée dans le barème de 5 000 à 15 000 kilomètres, l’abattement à partir de 15 000 euros, l’entrée dans le dispositif par tiers et tous les trois ans pour l’ensemble des flottes extérieures à l’entreprise. La quasi-totalité des PME seront ainsi exonérées, et le dispositif est simplifié, notamment en termes de procédure administrative puisque la déclaration n’est pas nécessaire en deçà de 15 000 euros. Ces ajustements permettent de clarifier une mesure fiscale qui est favorable à notre développement économique, et répondent ainsi aux préoccupations que vous avez évoquées (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

réforme de l’organisation du temps de travail

M. Pierre Morange - Ma question s’adresse à M. le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

M. Alain Néri - Et à l’augmentation du nombre de rmistes !

M. Pierre Morange - Issue d’une proposition de loi présentée par MM. Ollier, Novelli, Dubernard et moi-même, la loi sur la réforme de l’organisation du temps de travail dans l’entreprise complète le dispositif d’assouplissement des trente-cinq heures de M. Fillon adopté en 2003. Elle doit permettre aux salariés qui le souhaitent de travailler davantage afin d’accroître leur pouvoir d’achat, et aux entreprises de s’adapter au mieux à l’économie de marché, dans le respect des droits acquis. Elle a mis en valeur les atouts du compte épargne temps et le régime du temps de travail choisi. Un an après son adoption, quel bilan pouvez-vous en dresser ? Quel accueil les salariés et les entreprises ont-ils réservé à la rénovation du compte épargne temps ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes - Il y a aujourd’hui 200 000 chômeurs de moins que le 31 mars 2005, date à laquelle fut voté ce texte qui parachève la réorganisation du temps de travail.

Plusieurs députés socialistes – Et combien de rmistes en plus ?

M. le Ministre délégué – Notre pays a également connu une augmentation de 10% du nombre d’apprentis et, sur les trois derniers mois, de 30 % des contrats de professionnalisation. L’ensemble des mesures prises par le Gouvernement et proposées par le Parlement n’ont pour seuls objectifs que de lutter contre le chômage et de créer de l’emploi (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) !

Le temps de travail était le deuxième thème de négociation des 19 000 accords d’entreprise conclus en 2005. Près de 15 % des salariés sont aujourd’hui couverts par un accord de branche ou d’entreprise négocié en application de la loi du 31 mars 2005. Le grand gagnant, c’est le compte épargne temps, qui fait l’objet de 80 % des accords, avec la possibilité de stocker des heures pour suivre une formation, préparer sa fin de carrière ou choisir librement le temps partiel. Il reste à imaginer le transfert du compte épargne temps : c’est un thème de négociation que nous proposerons aux partenaires sociaux. Contre toute attente, 15 % des accords portent sur le temps choisi, pour lequel ont opté plus de 200 000 salariés, avec l’accord d’organisations syndicales de toutes sensibilités. Voilà le travail concret du Parlement et du Gouvernement pour lutter contre le chômage et permettre une meilleure organisation du temps de travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

inégalités et pauvreté

Mme Françoise Imbert - Monsieur le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement…

M. Patrick Roy – Et du RMI !

Mme Françoise Imbert – … le baromètre annuel des inégalités et de la pauvreté, le « Bip 40 » du réseau d’alerte sur les inégalités, constate pour la troisième année consécutive une aggravation des inégalités et de la pauvreté, qui ont atteint en 2004 leur plus haut niveau depuis vingt ans. La baisse de la statistique mensuelle du chômage, qui concerne les personnes à la recherche d’un emploi à durée indéterminée à temps plein, dissimule mal une progression spectaculaire des autres demandeurs d’emploi. Non seulement les chômeurs sont plus nombreux, mais ils sont de plus en plus à ne pas être indemnisés et à être radiés des statistiques. Les écarts de taux de chômage entre cadres et ouvriers, entre jeunes et moins jeunes, recommencent à augmenter. On constate aussi une dégradation sans précédent de la situation du logement, qui pèse lourdement sur les conditions de vie des ménages les plus modestes. Il y a enfin, selon le dernier rapport du Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale, 2 millions d’enfants pauvres en France. Depuis quatre ans, votre politique fiscale et sociale aggrave la pauvreté et la précarité. Allez-vous enfin changer de politique pour plus de justice et de cohésion sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité - Lorsqu’on parle d’inégalités, on parle de ceux de nos concitoyens qui traversent les plus grandes difficultés. Vous citez des chiffres : je puis vous en donner d’autres.

M. Patrick Roy - Ceux du RMI !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité - L’aide alimentaire ne figurait même pas dans la loi de 1998 relative à l’exclusion ; la pire année en matière de construction de logement fut l’année 2000 ; et je pourrais continuer longtemps ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste) La vraie question, c’est celle de notre capacité à apporter les réponses. Vendredi, le Premier ministre réunira le Conseil national de lutte contre l’exclusion. C’est le moment privilégié pour travailler avec l’ensemble des associations qui œuvrent sur le terrain au quotidien. L’honneur du Gouvernement est de leur apporter le soutien financier nécessaire. C’est aussi 100 000 logements d’urgence pérennisés à l’échéance de 2007, de nombreux logements sociaux construits, et 50 000 emplois pour l’insertion par l’économique. Il y a ceux qui se complaisent dans les constats, et il y a ceux qui agissent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

protection des enfants sur internet

Mme Cécile Gallez - Dans le cadre de la Conférence de la famille 2005, le Gouvernement avait décidé de renforcer la protection des enfants sur internet, en étroite collaboration avec les fournisseurs d'accès. Vous avez aussitôt, Monsieur le ministre délégué à la Sécurité sociale, entamé avec eux des discussions qui ont débouché sur l’accord du 16 novembre 2005, par lequel ils s’engagent notamment à offrir gratuitement un logiciel de protection familiale performant. Qu’en est-il aujourd’hui de l’accès gratuit à ce type de logiciel ? Comment comptez-vous sensibiliser les parents aux risques potentiels qui existent sur Internet et à la disponibilité de logiciels de contrôle parental gratuits ? Enfin, le Premier ministre avait annoncé la création d'un « label famille » apposé sur les contenus et services multimédia pour apporter une garantie aux familles pour leurs enfants. Où en est-on ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe UDF)

M. le Président – La parole est à M. Bas.

M. Patrick Roy - Parlez-nous du RMI !

M. le Président – Cela suffit, Monsieur Roy !

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille - Lors de la Conférence de la famille de septembre dernier, le Premier ministre m’a en effet demandé de mettre en œuvre un contrôle parental pour l’accès à internet. Ce contrôle doit être proposé à tous les parents systématiquement, gratuit, performant, et facile d’installation et d’usage. Je suis heureux de vous annoncer que c’est chose faite pour 80 % des fournisseurs d’accès, qui ont accepté de mettre en œuvre dès le mois de mai ce logiciel de contrôle parental. Nous atteindrons le chiffre de 100 % au début de l’été. La sécurité des enfants qui naviguent sur internet sera ainsi assurée, pour peu que les parents remplissent leur mission de contrôle. Mais Internet est aussi un formidable outil de développement intellectuel et culturel pour l’enfant. Il doit pouvoir y accéder sans danger. Internet est comme une ville : il y a ces grandes avenues avec ces belles vitrines, ces éclairages, (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste), mais il y a aussi des coupe-gorge. Ce logiciel de contrôle parental était donc indispensable : il sera unique en Europe (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

télévision numérique terrestre

M. Emmanuel Hamelin – Il y a un peu plus d’un an, la France lançait - avec succès - la télévision numérique terrestre. Plus de 50 % de notre territoire est aujourd’hui couvert par cette nouvelle technologie, et plus de 2,5 millions de foyers sont équipés pour recevoir une trentaine de chaînes supplémentaires, dont dix-huit gratuites. Le numérique apporte aussi une meilleure qualité d’image et de son, une possibilité d’interactivité et l’accès à de nombreux services qui vont révolutionner le quotidien de nos concitoyens. Avec l’arrivée de la TNT, et, bientôt, de la télévision haute définition et de la télévision sur les téléphones mobiles, la France entre pleinement dans l’ère du numérique. Le Président de la République a annoncé jeudi dernier la mise en place d’un comité stratégique sur le numérique, chargé d’assurer le basculement de la télévision analogique vers la télévision numérique. Ce comité est présidé par le Premier ministre ; y siégeront notamment les ministres de la Culture et de l’Industrie ainsi que vous-même, Monsieur le ministre délégué à l’Aménagement du territoire. Vous souhaitez parvenir à une couverture numérique du territoire de 95 % par la TNT et de 5 % par une offre de TNT gratuite par satellite. Le Président de la République a annoncé la mise en place d’un fonds spécial d’accompagnement du numérique, doté de 15 millions d’euros, pour aider les foyers les plus modestes à s’équiper en numérique. Puisque nous allons modifier la loi de 1986 sur l’audiovisuel à l’automne, pouvez-vous déjà nous indiquer les objectifs de ce comité stratégique et nous donner quelques éléments d’information sur le calendrier de la couverture numérique du territoire ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire - En moins d’un an, nous avons permis à près de deux millions et demi de foyers, sur 50 % de notre territoire, d’avoir accès grâce à la TNT à dix-huit chaînes de télévision gratuite. Est-il normal que sur l’autre moitié, on doive se contenter de trois ou quatre chaînes en qualité analogique ? Bien évidemment non. Avec Nicolas Sarkozy (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste), nous avons donc veillé à ce que, grâce à l’équipement de 115 sites terrestres et la mise en place d’un bouquet satellitaire, la TNT soit accessible l’année prochaine à 100 % des foyers. Afin de fixer le calendrier, la méthode et la technologie, le Président de la République a mis en place la semaine dernière, sous la présidence du Premier ministre (Même mouvement), un comité stratégique ; nous passerons ainsi d’ici à 2011, zone par zone, au système numérique, ce qui nous permettra de récupérer des fréquences et d’assurer ainsi la haute définition ainsi que de fournir la télévision et le haut débit sur le mobile.

Nous lancerons dans les semaines qui viennent une grande campagne de communication pour recommander aux Français qui s’équiperaient de téléviseurs de choisir des matériels numériques, pour ne pas avoir besoin ultérieurement d’un adaptateur. Nous prendrons bien évidemment des mesures d’accompagnement pour les foyers les plus modestes. C’est pour nous une question de justice sociale et d’équité entre les territoires.

En cette journée de l’Europe, je souligne que la France, dont le territoire est couvert à 100 % en téléphonie mobile et le sera bientôt à 100 % en internet haut débit…

M. Augustin Bonrepaux - Ce n’est pas vrai !

M. le Ministre délégué - …et à 100 % en TNT, est le premier pays européen en matière de couverture numérique ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP)

octroi de mer

M. Alfred Marie-Jeanne – L’octroi de mer pose trois types de difficultés.

Pour les recettes régionales et communales, tout d’abord. En effet les procès en remboursement de l'octroi de mer « ancien régime » se poursuivent, quatorze ans après l'arrêt Legros du 16 juillet 1992. Les recettes de l'octroi de mer « nouveau régime » sont utilisées à cette fin ; les budgets des collectivités sont ainsi amputés de plusieurs dizaines de millions.

Le deuxième problème tient au fait qu’une entreprise qui a payé l'octroi de mer peut ou non répercuter la taxe sur le consommateur, mais qu’en la matière il est difficile d'établir des preuves. Il en résulte qu’une entreprise peut recevoir deux fois l'équivalent de la taxe payée car, en cas de doute sur la répercussion, les tribunaux ordonnent le remboursement.

Enfin, le Conseil régional de Martinique est tenu systématiquement à l'écart de ces procédures, alors qu'il est directement concerné et fondé à intervenir en vertu de l'arrêt de la Cour de cassation du 3 avril 2003 « société Rebel contre Direction régionale des douanes de La Réunion et Région de la Réunion ».

Pour éviter l'amputation budgétaire des collectivités et les enrichissements sans cause, et assurer le respect des droits élémentaires du Conseil régional, il faut modifier les textes en vigueur, Monsieur le ministre (Applaudissements sur quelques bancs).

M. François Baroin, ministre de l’outre-mer - Le Gouvernement français, avec le concours déterminant des conseils régionaux, a préservé l’octroi de mer, ressource essentielle à l’équilibre budgétaire des collectivités régionales. C’est un vieil outil, datant du dix-septième siècle, qui a eu beaucoup de vertus pour le développement économique. Jusqu’à 1992, cette fiscalité ne portait que sur les importations ; depuis, elle touche les productions locales. D’où le débat juridique entre la justice française, qui dans sa jurisprudence a maintenu l’acquis afin de ne pas déstabiliser les budgets territoriaux, et la Cour de justice des communautés européennes, qui veut appliquer sa propre conception du principe d’équité. La Cour a cependant rappelé que le principe de restitution ne s’applique pas lorsque la taxe a été répercutée sur un tiers et que son remboursement engendrerait un enrichissement sans cause pour l’opérateur.

Cette bataille juridique n’est pas encore terminée, mais croyez que le ministère de l’outre-mer et le gouvernement de Dominique de Villepin sont prêts à mettre tout en œuvre pour que ce dispositif indispensable à l’économie de nos collectivités territoriales et régionales soit préservé, quelle que soit l’évolution du droit européen. Avec ma collègue Catherine Colonna, nous avons engagé la discussion avec les instances européennes dans ce but (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP).

M. le Président – Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de M. Raoult.
PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT
vice-président

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immigration et intégration (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif à l’immigration et à l’intégration.

M. le Président – Vendredi soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles s’arrêtant à l’article 30. Le Gouvernement a demandé que le titre VI relatif à l’outre-mer soit examiné en priorité. Compte tenu des réserves précédentes, nous examinerons le texte dans l’ordre suivant : articles 67 à 79, puis 30 à 32, 16 à 22, 33 à 66 et enfin 80 à 84. Il reste 336 amendements en discussion. Le vote solennel de ce projet de loi a été programmé le mardi 16 mai.

M. François Baroin, ministre de l’outre-mer – Je me réjouis que la discussion des articles portant sur l’outre-mer se déroule cet après-midi. C’est une marque de respect envers les parlementaires ultramarins. J’ai souhaité que nous replacions l’outre-mer au cœur des débats nationaux, notamment lorsqu’il s’agit de l’immigration clandestine. Avec ce texte, c’est chose faite. Je tiens à remercier les orateurs qui se sont exprimés jusqu’à présent, notamment les députés d’outre-mer MM. Beaugendre, Kamardine, Victoria ainsi que Mmes Louis-Carabin, Rimane et Taubira. Je me félicite également de l’intérêt que certains députés métropolitains témoignent pour les questions ultramarines : je pense à M. le Président de la commission des lois, ainsi qu’à MM. Dosière et Quentin qui ont animé la mission sur Mayotte, l’un comme président et l’autre comme rapporteur. Enfin, je tiens à dire à M. Braouezec que l’outre-mer ne sert en aucun façon de « laboratoire » de la politique de l’immigration. Nous prenons les mesures qu’exige la situation.

Au cours de ce débat, nous devons être animés par une double exigence. Tout d’abord, le respect de la Constitution, notamment celui de l’article 73 sur l’application de notre législation outre-mer et son adaptation aux caractéristiques et contraintes particulières de ces territoires, et celui de l’article 74, qui concerne plus particulièrement Mayotte, et impose l’élaboration d’une législation conforme aux intérêts de cette île dans le cadre de la République. La seconde exigence, c’est l’amélioration de nos dispositifs. Je répondrai point par point, avec l’aide du rapporteur, à tous les amendements qui seront présentés. Ceux qui ne recevront pas d’avis favorable aujourd’hui pourront être repris ultérieurement dans d’autres lois ou dans le cadre d’ordonnances. Voilà les quelques précisions que je voulais apporter avant le début des travaux.

M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des loisAprès une première semaine de discussion, il nous reste un peu plus de 330 amendements à examiner. Nous en avons étudié 242 en 28 heures, soit un rythme de 9 amendements à l’heure. Le climat dans lequel s’est déroulé ce débat la semaine dernière fait honneur au Parlement. Tous les députés, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, ont défendu leurs arguments avec sincérité et modération. Je souhaite qu’il en soit de même cette semaine !

M. le Président – Merci, nous le souhaitons tous.

Art. 67

Mme Gabrielle Louis-Carabin – La politique migratoire doit être adaptée à la réalité de la Guadeloupe car sa situation est très différente de celle de la métropole. Je tiens d’abord à remercier le Gouvernement d’avoir repris une partie de notre proposition de loi du 9 février 2005 dans le volet outre-mer de ce projet de loi qui donne à l’archipel guadeloupéen les moyens de lutter durant une durée déterminée contre l’immigration clandestine. Jusqu’alors, le caractère non suspensif des recours contre les arrêtés de reconduite à la frontière et l’obligation de quitter le territoire étaient réservés à Saint-Martin. Ce dispositif y a fait ses preuves : il doit être élargi pour éviter que les flux migratoires maîtrisés dans une partie de l’archipel ne se reportent sur d’autres parties. Cette proposition, validée par le comité interministériel de contrôle de l’immigration clandestine du 27 juillet 2005, permet d’adapter le droit aux particularités des départements d’outre-mer rendus vulnérables par leur situation géographique. La mer y est devenue une des voies d’accès les plus empruntées par des trafiquants de plus en plus organisés qui exploitent la misère humaine.

Je tiens à rappeler que ce dispositif, qui existait en Guadeloupe depuis 1993, a été restreint par le gouvernement Jospin à Saint-Martin en 1998.

M. René Dosière – À juste titre !

Mme Gabrielle Louis-Carabin – Non, car il en a résulté une explosion des flux migratoires en Guadeloupe, sauf à Saint-Martin. En 2003, la loi relative à la sécurité intérieure a prorogé ce dispositif pour Saint-Martin. M. Beaugendre et moi-même avions alors souhaité que l’ensemble de la Guadeloupe en bénéficie. Aujourd’hui, avec l’adoption de cet article 67, ce sera enfin le cas. Je compte donc sur le soutien de tous mes collègues pour qu’il soit adopté (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. René Dosière - Avant d’aborder ce débat, il faut rappeler que les problèmes d’immigration outre-mer sont sans commune mesure avec ceux que l’on connaît en métropole, notamment à Mayotte, en Guyane et en Guadeloupe. La situation est différente en Martinique, à la Réunion, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie. Pourquoi ces régions sont-elles particulièrement touchées ? Parce qu’elles constituent des zones frontières entre les pays riches et les pays pauvres. Se produit donc un appel d’air d’autant plus fort que l’écart de richesses se conjugue avec la proximité géographique. Du reste, cela pourrait préfigurer ce qui se passerait à l’échelle du monde si le coût des transports continuait de diminuer. Il s’agit donc avant tout d’un problème de développement économique – pour ces migrants, l’acquisition de la nationalité française est souvent accessoire – auquel il faut s’attaquer en combattant les inégalités. Les collectivités territoriales de l’outre-mer, – notamment les régions, dont c’est plus particulièrement la vocation – doivent jouer un rôle plus important dans la coopération internationale, malheureusement à un niveau zéro aujourd’hui. Cela étant, personne ne conteste qu’il faille maîtriser l’immigration. Des mesures de justice et de police doivent être prises, mais encore faut-il qu’elles soient adaptées.

Les adaptations nécessaires pour l’outre-mer ne doivent pas être des expériences généralisables en métropole : à problèmes spécifiques, réponses spécifiques, mais dans le respect de notre Constitution, qui ne permet pas tout et n’importe quoi en matière régalienne !

Je voudrais vous faire part, Monsieur le ministre, de notre déception. Il est bien dommage que ce texte relatif à l’outre mer ait été incorporé dans un texte répressif, qui d’ailleurs tient plus de l’argument de propagande électorale que d’une tentative de légiférer dans l’intérêt de notre République. L’outre-mer mérite mieux que cette vision réductrice ! En effet, les quelques mesures que vous proposez ne résoudront nullement les problèmes posés !

M. Patrick Braouezec – Nous craignons qu’en légiférant sans prendre en considération la spécificité de l’outre mer, vous ne lanciez des ballons d’essai. Rien ne garantit aujourd’hui que vous n’en arriverez pas à prendre des mesures identiques pour d’autres départements français !

La première frontière française, c’est en effet l’aéroport de Roissy, par lequel pénètrent de nombreuses personnes. Si l’on suit votre logique, voilà qui pourrait précisément justifier des mesures particulières en Seine Saint-Denis, voire en PACA, notre frontière avec le monde méditerranéen !

M. Éric Jalton – Vous auriez mieux fait, Messieurs les ministres, de vous inspirer des demandes formulées par la plupart de nos collègues, comme le sénateur Othily, qui siège sur d’autres bancs que les nôtres, et de déposer un projet propre à l’outre-mer, dont les territoires souvent insulaires posent, en effet, des problèmes particuliers, tant sur le plan quantitatif qu’en matière géographique, économique ou sociale.

Nous regrettons votre choix d’intégrer ces dispositions dans un projet de loi plus global et pollué par votre philosophie d’immigration « choisie ». Vous oubliez en effet que la France a toujours disposé – paraît-il – des esclaves les plus robustes, puis des combattants les plus valeureux, quoique payés deux fois moins qu’en métropole, et enfin, sous les « Trente Glorieuses » des immigrés nécessaires pour satisfaire les besoins du patronat et pourvoir des emplois que les Français de souche ne souhaitaient pas à l’époque occuper.

La France a donc toujours fait venir, de gré ou de force, les étrangers qui répondaient à ses divers intérêts ! L’immigration « choisie » n’a rien de nouveau dans notre histoire !

La nouveauté consiste toutefois à inscrire ce concept dans les lois de la République, et pis encore, de cibler les meilleurs talents et les plus grandes intelligences provenant de pays qui en ont un besoin criant !

C’est donc une immigration à deux vitesses que vous allez instaurer : une immigration zéro pour les moins forts, les sans grades, les sans titres et les sans gloire, et une immigration « tapis rouge » et « people » pour les immigrés désirables et désirés. Voilà qui n’honore pas la France et ne la grandira pas. Elle perdra au contraire le rang que son histoire lui confère auprès des pays au développement économique desquels elle prétend encore coopérer.

Répétons-le, je regrette que nous n’ayons pas soustrait du projet de loi ce volet relatif à l’outre-mer, ce qui nous aurait sans doute permis d’aboutir à un vote unanime, ou, tout du moins, consensuel.

Mme Christiane Taubira – Les dispositions spécifiques à l’outre-mer auraient justifié une véritable discussion générale, comme le montre le nombre de collègues qui ont souhaité s’exprimer sur cet article, et comme l’exige la réalité relativement disparate des « Outre mer ». Leur spécificité tient tout d’abord à leur situation géographique – la Guyane a ainsi plusieurs centaines de kilomètres de frontières communes avec le Brésil et le Surinam.

Cessons donc d’aborder des situations particulières de manière conventionnelle ! Par exemple, les relations de la Guyane avec l’État brésilien d’Amapa doivent être traitées aussi bien avec le gouvernement du Brésil qu’avec celui de Macapa ! N’oublions pas non plus les écarts de niveau de vie, qui expliquent les flux migratoires, même si les statistiques traditionnelles sont parfois contredites par les indices de développement et les problèmes que nous connaissons aussi dans notre pays.

Ainsi, lorsque les allocations familiales étaient limitées à trois enfants par famille à Mayotte, on assistait à des « migrations » de femmes mahoraises vers l’île voisine de la Réunion, c’est-à-dire entre deux départements français ! S’il est en effet un souci naturel, c’est bien de veiller à ce que les conditions sanitaires et économiques offertes à ses enfants soient les meilleures possibles.

J’ajoute qu’une fois encore, l’outre-mer demeure le terreau de législations particulières et d’exceptions, puisque vous prévoyez par exemple de nouvelles mesures relatives à la destruction des pirogues ou des navires de transport.

M. Mansour Kamardine - Il y a toujours eu de telles dispositions, et il y en aura sous toutes les législatures !

Mme Christiane Taubira - Il convient certes de prendre en compte les différences, mais il ne faut pas oublier pour autant les objectifs qui nous animent. Que combattons-nous en effet ? Est-ce la pression migratoire, qui fragilise effectivement la cohésion sociale, suscite des inquiétudes identitaires, pèse sur les équipements publics, perturbe le contrôle des milieux urbains et péri-urbains, et lance des défis à l’éducation, à la santé publique et au logement ?

La loi énonce certes des objectifs quantitatifs, notamment pour ce qui est des reconduites à la frontière, mais nul n’ignore le biais de telles mesures, Messieurs les ministres : la même personne peut être reconduite plusieurs fois dans l’année, parfois sous des identités différentes, et il existe des volontaires à la reconduite à la frontière, en particulier à l’approche des fêtes de Noël.

Au moment de la discussion générale, le ministre d’État nous a par ailleurs indiqué que les trois ministères en charge de l’immigration ont des vocations différentes – le rayonnement de la France pour les Affaires étrangères, la générosité pour les Affaires sociales, et enfin l’ordre public pour l’Intérieur.

C’est oublier que le ministère de l’Outre-mer est parfois qualifié de « second Matignon » en raison de sa mission transversale. On aurait donc pu imaginer que l’implication d’un ministre d’État et d’un ministre transversal allait nous permettre de sortir de la vision traditionnellement enclavée de l’action de la France dans l’outre-mer et que nous allions enfin parvenir à articuler les différentes initiatives ministérielles.

Je ne conteste pas l’existence d’une certaine pression. Pour y faire face, il faut, en toute cordialité, jeter les bases d’une politique concertée avec les pays voisins. Quant aux problèmes de sécurité liés aux divers trafics d’armes et de stupéfiants et aux guerres de gangs qui en découlent, c’est aussi en harmonisant nos réponses que nous les combattrons le plus efficacement. Comment justifier, par exemple, le refus des autorités françaises d’installer au Guyana un consulat de plein exercice ? Tant que nos territoires demeureront en situation de retard de développement et d’aménagement et que leurs ressources naturelles seront bradées, nous ne serons pas en mesure de régler tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés. Que demandent les professionnels concernés ? Un hôtel de police digne de ce nom, un redéploiement des forces de police et de gendarmerie, un centre de tir pour l’entraînement de nuit, la finalisation du projet des Cadets de la République… autant de propositions concrètes auxquelles vous êtes le mieux à même, Monsieur Baroin, de donner suite.

Rapportées à un volume de clandestins estimé à 50 000 personnes, les 7 500 décisions de reconduites à la frontière sont dérisoires et, de toute façon, ce n’est pas ainsi que l’on résoudra le problème. Ne disons pas cependant que celui-ci est insoluble. Une action coordonnée, volontariste, respectueuse des enjeux géopolitiques locaux et concertée avec les pays voisins peut en venir à bout, dans le respect des principes auxquels nous sommes attachés.

M. le Ministre – Permettez-moi de revenir d’abord sur les éléments de consensus qui se dégagent au début de cette discussion : nous sommes d’accord sur l’obligation d’agir en outre-mer, compte tenu de la situation extrêmement tendue que l’on observe en Guyane, en Guadeloupe et à Mayotte…

M. Mansour Kamardine - A Mayotte, c’est pire qu’ailleurs !

M. le Ministre – Les députés ultramarins – et sans doute quelques autres…. - sont parfaitement au fait de cette situation. Peut-être n’est-ce pas complètement le cas de M. Braouezec, qui nous reproche un peu légèrement de vouloir faire de l’outre-mer le laboratoire d’une politique d’immigration peu conforme, si j’ai bien compris, aux valeurs républicaines. Cette accusation est mal fondée. Aux termes des articles 73 et 74 de la Constitution relatifs aux départements, régions et collectivités d’outre-mer, il est parfaitement envisageable d’adapter nos politiques aux spécificités locales et aux contraintes particulières qui en découlent. N’engagez pas, Monsieur Braouezec, une polémique qui n’a pas lieu d’être. L’outre-mer a sa spécificité et notre Constitution la reconnaît explicitement.

Autre sujet, sur lequel nous sommes, par contre, tous d’accord : la lutte contre l’immigration clandestine doit être couplée avec l’aide au développement et avec une politique diplomatique vigoureuse. Nous sommes bien d’accord, Madame Taubira, que même en positionnant aux frontières de la Guyane l’ensemble des forces de police et de gendarmerie, nous ne serions pas en capacité de « défendre » votre magnifique région contre les flux en provenance du Guyana, du Surinam ou du Brésil. C’est bien plutôt en passant des accords – tel celui négocié par les présidents Chirac et Lula au sujet d’un pont sur le fleuve frontalier entre la Guyane et le Brésil –, en signant des contrats et en privilégiant la politique de la main tendue que l’on inversera durablement la tendance.

Par ce texte, nous adressons un message fort aux pays sources sur nos capacités d’accueil, à l’heure où notre cohésion sociale et la politique du bien vivre ensemble que nous promouvons depuis toujours se trouvent menacées par la porosité de nos frontières ou la fragilité de notre système d’état civil. Il ne faut plus que des hommes, des femmes et des enfants prennent des risques terribles pour rejoindre la France parce qu’ils pensent qu’elle est un Eldorado. En adaptant nos dispositions légales à ces réalités, nous apportons une réponse complète, équilibrée et cohérente. Quant aux positions que j’ai prises, à Mayotte, et qui ont fait du bruit, je m’en félicite aujourd’hui, puisqu’elles nous ont permis d’avancer sereinement, sur des bases qui dessinent un consensus minimal. 

M. Noël Mamère - Notre amendement 214 vise à supprimer cet article et je souscris aux observations de mes collègues de l’opposition. Messieurs les ministres, nous ne comprenons toujours pas pourquoi vous voulez appliquer un régime dérogatoire en outre-mer, dans des domaines qui ont trait aux libertés fondamentales. Vous invoquez la pression migratoire particulière dont ces territoires seraient l’objet, mais est-ce suffisant pour attenter au principe d’égalité ? L'outre-mer est dans la République : ce sont les règles républicaines de droit commun qui doivent trouver à s’y appliquer et cet article 67 n’a donc pas lieu d’être.

M. Baroin se félicite d’avoir engagé le débat à Mayotte, sans nous convaincre qu’il a eu raison de remettre en cause le droit du sol, et sans nous rassurer pleinement sur les intentions du Ministre d’État en la matière. Quelles perspectives ces initiatives dessinent-elles pour ce qui concerne la politique d’intégration, en métropole comme outre-mer ?

Nous admettons que la situation actuelle doit être gérée, mais sans remettre en cause les droits fondamentaux. Avec Christiane Taubira, nous insistons sur la nécessité de nouer des relations plus étroites avec les pays voisins et de privilégier la voie du dialogue.

M. Patrick Braouezec - Notre amendement 589 vise également à supprimer cet article. La loi pour la sécurité intérieure du 18 mars 2003 a privé les recours contre les décisions de reconduite à la frontière prises à Saint-Martin de leur caractère suspensif – le Conseil constitutionnel ayant validé cette décision. Par le présent article, vous entendez étendre cette dérogation à l’ensemble de la Guadeloupe et nous nous élevons contre ce projet. Mieux vaut s’en tenir aux dispositions de la loi de mars 2003.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Le nombre de recours contre des décisions de reconduite a été multiplié par six depuis 2001 et il faut stopper cette dérive en privant, de manière temporaire, les recours de leur caractère suspensif. La situation particulière de la Guadeloupe justifie une adaptation de la règle commune, conformément à l’article 73 de la Constitution.

M. le Ministre – Même avis que votre rapporteur. Déjà appliquée à la Guyane, cette disposition a eu des effets positifs et je rappelle que la suppression du caractère suspensif du recours sera limitée à une durée de cinq ans. Il s’agit de prévenir l’excès de contentieux. Au plan national, une reconduite à la frontière sur deux concerne l’outre-mer et une sur quatre la seule collectivité de Mayotte. C’est donc à une situation tout à fait exceptionnelle que les autorités françaises sont confrontées. Le Conseil constitutionnel a validé la décision analogue prise en Guyane et le Conseil d’État a approuvé, à la virgule près, la rédaction du présent article. Je répète que les articles 73 et 74 de notre Constitution nous permettent nombre d’adaptations pourvu que des spécificités les justifient et qu’il n’est nullement dans nos intentions, Monsieur Mamère, d’attenter aux libertés fondamentales de quiconque, d’autant que nous aurions pu prendre, dans le strict respect des principes constitutionnels, des dispositions plus radicales.

M. Philippe Edmond-Mariette - Le chemin infernal tracé par les ministres est pavé de bonnes intentions. Nous partageons totalement leur volonté d’agir, mais je vous mets en garde contre le risque d’arbitraire !

Le recours suspensif est d’application récente pour l’outre-mer. Il a fallu que les organisations professionnelles de magistrats et d’avocats se battent pendant trente ans pour qu’il soit mis en place. Je vous invite d’autre part à regarder les chiffres pour la Guadeloupe. En 2001, sur 694 arrêtés de reconduite à la frontière ; 684 ont été exécutés. En 2003, les chiffres sont respectivement de 1033 et 987 ; en 2004, 1191 et 1053. On voit donc que nous sommes déjà à environ 90 % d’application des décisions de reconduite à la frontière. Reste, c’est vrai, une marge de 10 %. Justifie-t-elle que le caractère non suspensif du recours soit étendu à l’ensemble de la Guadeloupe et qu’il soit ainsi impossible de demander au juge administratif de se prononcer sur la mesure prise par le préfet ? Il n’y a eu en 2003 que 33 recours contentieux, 14 en 2004 et 18 en 2005. Il n’y a pas là de quoi justifier que la Guadeloupe échappe au droit applicable à l’ensemble de la république.

Que le recours ne soit pas suspensif peut se concevoir pour la Guyane ou pour Saint-Martin, où les frontières sont poreuses, mais pas pour la Guadeloupe. Les mesures spécifiques à l’outre-mer doivent être un progrès, pas une restriction du droit ni l’instrument d’une mise en coupe réglée ! Je soutiens donc les amendements de suppression.

M. René Dosière - M. Edmond-Mariette vient de nous rappeler que le dispositif actuel fonctionne bien. Si le Gouvernement durcit la législation, c’est simplement parce qu’il veut montrer qu’il est plus répressif !

Mais je voudrais surtout dire un mot de Saint-Martin, cette île qui a la particularité d’être à moitié française, à moitié néerlandaise, sans que l’on sache d’ailleurs très bien où passe la frontière. En fait, si : selon la façon dont le justice ou la police s’occupent de vous, vous savez dans quelle partie vous êtes, car les règles ne sont pas les mêmes ! Comment se fait-il que deux pays de l’Union européenne n’arrivent pas à se mettre d’accord pour appliquer sur cette île – sept fois plus petite que Mayotte – une même politique de lutte contre l’immigration clandestine ? On marche sur la tête !

M. le Ministre – Le nombre de reconduites à la frontière est passé, pour la Guadeloupe, de 694 en 2001 à 1253 en 2005. En nous en sommes déjà à 468 au premier trimestre 2006. Face à une telle hausse, nous pourrions bien sûr ne rien faire, mais ce ne serait pas une attitude responsable.

Je rappelle d’autre part que la dérogation proposée n’est que la reprise d’une disposition valant pour la Guyane, qui date de 1998, c’est-à-dire du Gouvernement Jospin (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Ce n’est pas l’idéologie mais le principe de réalité qui commande de prendre, face à une situation particulière, des mesures particulières. Nous prévoyons d’en faire un bilan d’application dans cinq ans, ce qui me paraît de bonne politique.

M. Patrick Braouezec - Vous dites que c’est la loi Chevènement de 1998 qui a introduit des mesures spécifiques pour la Guyane et pour Saint-Martin. En réalité, elle a restreint à ces territoires un dispositif qui auparavant valait pour un plus grand nombre de territoires d’outre-mer. J’ajoute qu’en 1998, déjà, la mesure n’était prise que pour cinq ans. Or, nous sommes en 2006 ! On peut donc légitimement s’interroger sur ces dispositions reconduites de cinq en cinq ans jusqu’à devenir pérennes !

Le dispositif actuel marche et apparaît suffisant. A moins bien sûr que votre but soit purement de faire du chiffre et d’atteindre l’objectif de 2000 reconduites à la frontière, comme vous l’avez annoncé lors d’une conférence de presse.

M. Éric Jalton - Je suis un peu embarrassé, car d’un côté nous ne voulons pas arriver à une situation comme celle que connaît Mayotte, de l’autre nous sommes convaincus que pour lutter contre l’immigration clandestine, il faut avant tout des moyens, humains et matériels. Or, nous entendons beaucoup de paroles, mais nous attendons toujours le commissariat de police promis, l’extension du centre de détention ou encore les phares qui permettraient de repérer les embarcations ! Il n’y a pas plus de lunettes infrarouges ou de radars… Tant de promesses pour si peu de résultats !

Réunis en congrès, les élus guadeloupéens ont accepté l’extension à leur département des mesures dérogatoires applicables en Guyane et à Saint-Martin – notamment le caractère non suspensif des recours contre les arrêtés de reconduite à la frontière – à deux conditions : que ce ne soit qu’à titre expérimental, et que le délai de deux jours imparti au préfet pour ordonner l’expulsion soit adapté à celui de cinq jours imparti au clandestin pour faire valoir son droit d’asile. Or, aucune harmonisation n’est prévue dans ce projet, alors que ces mesures seront applicables pendant cinq ans : c’est bien trop long ! Je ne peux donc soutenir cet article, à moins qu’il soit amendé.

Mme Gabrielle Louis-Carabin - On croirait, à vous entendre, que les humanistes ne se trouvent que dans votre camp !

M. Patrick Braouezec - Nous n’avons pas dit cela !

Mme Gabrielle Louis-Carabin - N’aurions-nous donc pas de cœur ?

M. le Rapporteur – Très bien !

Mme Gabrielle Louis-Carabin - Je ne reconnais plus M. Jalton ! Il a désormais changé de camp, mais il sait comme moi que la situation est explosive dans notre département ! Ceux qui tentent de passer en canot viennent parfois mourir sur les côtes de notre archipel ! Les propositions que nous avons faites au Gouvernement ne visent qu’à mettre fin à cette situation.

Souvenez-vous d’Ibo Simon, cet animateur de radio contre lequel la gauche, l’accusant de populisme, a défilé jusqu’à le briser. Aujourd’hui, c’est M. Yoyotte qui a pris le relais sur les ondes, et ses propos sur l’immigration contribuent à répandre des sentiments xénophobes dans la population. Les insultes ne sont pas rares envers qui fournit un logement à un immigré, et les plaintes que je reçois témoignent de l’incompréhension qui règne.

C’est pourquoi nous avons demandé l’extension de ce dispositif à la Guadeloupe. La mort de plusieurs immigrés dans ma commune, Le Moule, m’a décidé à agir en sollicitant le Gouvernement afin qu’il l’instaure pour cinq ans.

En changeant de bord, vous oubliez comment défendre votre Guadeloupe (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) ! Quant à moi, je défendrai toujours mon pays avant mon parti (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) ! Je demande au groupe UMP de soutenir le Gouvernement, dont l’action montre bien aux Guadeloupéens qui sont ses amis (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP) !

M. Eric Jalton – C’est vous qui faites du populisme !

M. Philippe Edmond-Mariette - Rappel au règlement. Le cœur est à la même place chez tous les êtres humains, de droite ou de gauche ! J’ajoute qu’initialement, le recours suspensif n’était pas applicable dans les DOM car ceux-ci ne sont regroupés qu’en une seule juridiction administrative. Or, les magistrats, trop peu nombreux, y étaient dans l’incapacité de statuer dans les délais prévus par le texte. Aujourd’hui, toutefois, la visioconférence et internet leur permettent de rendre immédiatement des décisions pertinentes sur l’arrêté suspensif.

M. Eric Jalton - Le délai de cinq ans est donc bien trop long !

Les amendements 214 et 589, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur – L’amendement 443 est rédactionnel.

L'amendement 443, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 67 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

Art. 68

M. Eric Jalton - Je ne me rappelle pas avoir mis en cause l’humanisme de ma chère collègue Louis-Carabin : son emportement n’a donc pas d’objet.

Dès mon arrivée à l'Assemblée nationale, je n’ai cessé d’informer le Gouvernement de la prégnance des problèmes d’immigration clandestine en Guadeloupe et les cortèges de tragédies qu’ils entraînent : des femmes, des hommes et des enfants meurent noyés ou sont livrés au bon vouloir de marchands de sommeil et de patrons peu scrupuleux. Je n’ai donc de leçon à recevoir de personne en la matière.

Dès 2004, j’ai, avec plusieurs collègues, demandé la constitution d’une commission d’enquête parlementaire sur cette question, mais en vain. Il a fallu l’intervention de M. Baroin en faveur d’une adaptation du droit du sol à Mayotte – compte tenu de la situation dramatique qui y prévaut – pour que, nécessité faisant loi, une mission d’information parlementaire soit créée pour cet archipel, et une commission d’enquête sénatoriale diligentée pour l’ensemble du territoire français. Ma demande n’avait donc plus de raison d’être, et je m’en suis réjoui.

Néanmoins, le projet de loi n’a pas suffisamment pris en compte les résolutions du congrès des élus guadeloupéens, qui ont rappelé qu’avant d’étoffer l’arsenal juridique, il fallait surtout augmenter les moyens des forces de l’ordre qui travaillent dans des locaux vétustes avec du matériel inadéquat. Cette indigence ne leur permet même pas d’appliquer les textes : à quoi bon mettre la charrue avant les bœufs, sinon pour flatter certaines parties de l’électorat ?

Je demande donc au Gouvernement d’insister davantage sur les moyens des forces de l’ordre et le co-développement, absent de ce projet. Si je me suis abstenu sur l’article précédent, c’est parce que je considère que le délai de cinq ans est trop long.

Mme Gabrielle Louis-Carabin - Vous auriez dû suivre votre parti !

M. Eric Jalton - Il fait courir le risque de la pérennisation de ce dispositif, qui ne peut pourtant être que transitoire – d’autant plus qu’il y a, je le rappelle, inadéquation entre le délai d’expulsion et celui de la demande d’asile. Le Congrès ne peut donc être d’accord. Et de grâce, Madame Louis-Carabin, ne me prenez plus pour cible de vos démonstrations déplacées !

M. le Président – Elle prenait une cible amicale…

M. Louis-Joseph Manscour - Certes, le problème de l’immigration clandestine ne se pose pas avec autant d’acuité en Martinique qu’à Mayotte ou en Guadeloupe, mais il existe tout de même. D’autre part, si nous sommes tous d’accord sur la nécessité de résoudre ce problème, je rappelle que le Gouvernement a déjà fait voter une loi sur ce sujet en 2003. S’il en présente une autre aujourd’hui, n’est-ce pas pour donner satisfaction à je ne sais quel groupe ?

Du reste, les mesures répressives ne suffiront pas à régler le problème. Pour assurer la surveillance de la côte atlantique de la Martinique – près de 90 kilomètres de côtes parfois inhospitalières, notamment sur la Presqu’île de la Caravelle – nous n’avons que trois douaniers. C’est dire que ce projet ne résoudra rien s’il n’est pas assorti de réels moyens. Ce qui est vrai pour la Martinique doit l’être aussi pour la Guadeloupe. Sans moyens, les mesures répressives ne seront qu’un cautère sur une jambe de bois.

M. Patrick Braouezec – L’amendement 590 tend à compléter le texte de l’article par les mots : « à moins qu’ils ne demandent l’asile politique pour des raisons politiques, humanitaires ». L’ajout des pêcheurs vénézuéliens à la liste des pêcheurs étrangers arrêtés alors qu’ils étaient dans les eaux guyanaises montre que vous êtes surtout préoccupés par le chiffre. Vous oubliez qu’un éloignement d’office expéditif empêchera certains de demander l’asile politique alors qu’ils pourraient en bénéficier.

Mme Juliana Rimane - Cela n’a rien à voir !

M. le Rapporteur – La commission n’a pas examiné cet amendement. A titre personnel, j’y suis défavorable : l’éloignement d’office de l’équipage de ces navires, déjà possible vers d’autres États de la région, s’effectue obligatoirement avec l’accord des personnes concernées – article L.532-1 du CESEDA. Ceux qui voudraient demander l’asile pourront donc le faire, sans être éloignés d’office.

M. le Ministre – Même avis. L’amendement vise à préciser que les marins vénézuéliens ne peuvent pas être éloignés d’office s’ils demandent l’asile. Or le texte a pour objet de faciliter le retour des marins vénézuéliens. Il s’agit de leur assurer le même traitement qu’aux marins du Brésil, du Guyana et du Surinam.

L'amendement 590, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'article 68, mis aux voix, est adopté.

article 69

M. René Dosière - Puisque cet article concerne la Nouvelle-Calédonie, permettez-moi d’insister sur une spécificité de ce territoire. L’un de nos collègues a souligné au cours de nos débats qu’en matière de lutte contre l’immigration, il était difficile de connaître la réalité de la situation, car les recensements ne tiennent pas compte de l’origine de étrangers. En Nouvelle-Calédonie, il était au contraire d’usage de faire apparaître l’origine – kanak ou européenne – des habitants. C’est même très important, car les accords de Nouméa prévoient qu’il faut préserver la spécificité kanak. Or, lors de sa visite en Nouvelle-Calédonie, le Président de la République a pris prétexte d’une question « spontanée » qui lui était posée pour demander à ce que les recensements ne fassent plus apparaître l’origine ethnique. Ce qui est justifié pour l’ensemble du territoire français ne l’est pas pour la Nouvelle-Calédonie, bien au contraire. Je rappelle que la CNIL avait validé cette procédure de recensement. Le dernier recensement n’a donc pas tenu compte de l’évolution respective des deux populations, que les Kanaks doivent impérativement connaître. Certes, nous sommes à la marge du projet. Mais puisque le problème subsiste, j’espère, Monsieur le ministre, que vous aurez à cœur d’y sensibiliser le Président de la République.

M. Éric Jalton - Le congrès des élus régionaux et départementaux de la Guadeloupe s’était saisi de cette question, comme en témoigne la proposition de loi déposée par Gabrielle Louis-Carabin et Joël Beaugendre, que j’ai cosignée. Le congrès a adopté quatre résolutions, qui reflètent le point de vue de l’ensemble de la classe politique guadeloupéenne sur l’immigration clandestine. Il n’était pas demandeur de cet article, qui ne contribuera pas à réduire l’immigration clandestine.

M. Mansour Kamardine - Je suis surpris de certaines prises de position. Voici ce que dit l’article 69 : « Sont applicables sur le territoire défini à l’article L.111-3 les mesures d’interdiction du territoire prononcées par une juridiction siégeant à Mayotte, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, ainsi que les mesures de reconduite à la frontière et d’expulsion prononcées par le représentant de l’État » dans ces mêmes territoires. C’est un dispositif important pour Mayotte, où nous tenons à ce que la lutte contre l’immigration clandestine soit maintenue, voire amplifiée. Il conforte aussi l’idée que les territoires ultramarins sont des territoires français, et qu’une décision de justice, qu’elle soit prise à Paris, à Papeete ou à Mayotte, s’impose sur l’ensemble du territoire.

Je souhaite d’ailleurs que soit adopté l’amendement qui vise à permettre aux détenteurs d’un titre de séjour à Mayotte de résider n’importe où en territoire français. Le ministre d’État l’a dit, ce projet est à la fois ferme et juste. Cette disposition mérite donc un vote unanime (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. le Rapporteur – L’amendement 444 est rédactionnel.

L'amendement 444, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 69 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

article 70

M. Éric Jalton - Il me semble que ce dispositif n’est pas limité dans le temps. S’il s’agit de permettre aux forces de l’ordre de procéder à des contrôles dans des zones bien définies, ce n’est pas contraire aux résolutions adoptées par le congrès des élus régionaux et départementaux de la Guadeloupe. J’aurais cependant préféré un dispositif transitoire, à l’instar de ce qui a été prévu à l’article 67. Je rappelle enfin que cet arsenal juridique ne sera d’aucune utilité s’il n’est pas assorti de moyens matériels et de communication dignes de ce nom pour la police et la gendarmerie. Ce pourrait être l’occasion de recruter et de former des jeunes Guadeloupéens, qui serviraient volontiers dans la gendarmerie, la police aux frontières, les douanes ou encore l’Inspection du travail, et participeraient ainsi à la défense de la souveraineté nationale et de la cohésion sociale en Guadeloupe.

M. Noël Mamère - Mon amendement 215 tend à supprimer cet article, dont l’objet est de permettre des contrôles frontaliers non motivés en Guadeloupe, à Mayotte et dans une zone plus étendue qu’auparavant en Guyane. A Mayotte, il est également envisagé de porter à huit heures au lieu de quatre le temps maximal pendant lequel un véhicule peut être immobilisé. Rien ne justifie ces dérogations au code de procédure pénale.

M. le Rapporteur – Avis défavorable.

M. le Ministre – Même avis.

M. Mansour Kamardine - J’invite certains collègues à venir à Mayotte pour constater la situation.

M. René Dosière - Le député de Mayotte reçoit très bien !

M. Mansour Kamardine - Je vous remercie, et j’en profite pour saluer le travail accompli par la mission que vous avez présidée.

La lutte contre l’immigration clandestine à Mayotte aurait pu à elle seule faire l’objet d’un projet de loi, tant la situation est particulière. Contester les dispositions proposées à cet article, c’est faire preuve d’une méconnaissance totale des réalités de terrain ; le renforcement des moyens de contrôle est incontestablement dans l’intérêt de Mayotte, dans l’intérêt de la France, mais également dans l’intérêt des populations concernées : le bras de mer qui sépare les Comores et Mayotte est le plus grand cimetière de l’Océan Indien. Dissuader les gens de venir à Mayotte en montrant qu’ils risquent de se faire prendre, c’est protéger des vies humaines.

M. Didier Quentin - Très bien !

L'amendement 215, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 445 est de précision.

L'amendement 445, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 446 est rédactionnel.

L'amendement 446, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le Président – L’amendement 447 de la commission a été retiré.

M. Mansour Kamardine - L’amendement 113, qui a été adopté par la commission, vise à donner aux forces de police les moyens d’exercer leurs missions, compte tenu de la géographie de Mayotte.

L'amendement 113, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 448 est de précision.

L'amendement 448, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 70 modifié, mis aux voix, est adopté.

Art. 71

M. Éric Jalton – J’aimerais avoir des précisions sur la destruction des véhicules terrestres autorisée par cet article. De quels véhicules s’agit-il ? N’y a-t-il pas d’autres moyens de neutralisation que la destruction, tels les mises aux enchères publiques ou le don à des associations caritatives ?

M. Mansour Kamardine - Cet article est d’une importance capitale. A Mayotte, à la veille de la crise majeure que nous avons connue, où nous étions au bord d’un affrontement entre communautés, le préfet a eu la sagesse de contrôler les taxis. On s’est aperçu que sur environ un millier de voitures en circulation, plus de quatre cents étaient en situation irrégulière : absence d’immatriculation, absence d’inscription au registre du commerce ; véhicules et chauffeurs étaient clandestins !

M. René Dosière - Les passagers aussi !

M. Mansour Kamardine – En effet. C’est pourquoi la disposition qui est reprise ici a été proposée par la mission. Elle a été adoptée à l’unanimité.

M. René Dosière - Comme toutes les propositions du rapport.

M. Noël Mamère - Mon amendement 216 tend à supprimer cet article, qui permet au procureur de la République d’ordonner la destruction d’embarcations fluviales ou de véhicules terrestres. Même si je conviens, Monsieur Kamardine, que la situation n’est pas simple à gérer, on ne saurait la régler par des dispositions qui, une fois encore, portent atteinte aux droits fondamentaux.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé cet amendement car l’article 71 aura pour effet de priver les filières clandestines de leurs moyens matériels. Les mesures techniques envisageables sont par exemple, pour les véhicules terrestres, la mise en fourrière. La neutralisation n’est pas la destruction, Monsieur Jalton ; ce peut être aussi le retrait d’une pièce du moteur ou la mise en place d’un sabot.

M. Éric Jalton - Dans l’exposé des motifs, on parle de destruction.

M. le Ministre – Monsieur Mamère, vous ne pouvez pas nier l’évidence. Il faut tenir compte des réalités géographiques !

Respecter l’État de droit, c’est donner aux pouvoirs publics les moyens juridiques de procéder, dans le respect de la Constitution, à l’arrestation des personnes qui entrent illégalement sur notre territoire. La situation particulière de ces territoires justifie que l’on prenne des mesures dérogatoires. Ne pas le voir, c’est risquer d’aboutir à des conclusions erronées, voire fallacieuses. Sur le fond, s’agissant de la Guyane, il convient en effet d’autoriser la destruction des embarcations fluviales qui servent à l’établissement d’installations d’orpaillage ou de villages clandestins – un gendarme est d’ailleurs décédé pour avoir tenté d’intercepter une de ces pirogues au début de cette année. S’agissant des véhicules terrestres, il en va autrement puisqu’il est possible de les mettre hors d’état de fonctionner, pour faciliter les fouilles, sans les détruire.

L'amendement 216, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Patrick Braouezec - Comme M. Mamère, cet article me semble trop flou. Son troisième alinéa permet ainsi de confier au seul procureur de la République la décision de « neutraliser » des embarcations « lorsqu’il n’existe pas de mesures techniques raisonnablement envisageables pour empêcher définitivement le renouvellement de ces infractions ». D’autre part, il existe une différence de traitement entre les véhicules terrestres et les embarcations qui n’est pas justifiée. Les explications de M. Mariani ne m’ont pas convaincu. C’est la raison pour laquelle nous proposons, par l’amendement 591, de supprimer les alinéas 1 à 3 de cet article.

M. le Rapporteur – Cet amendement n’a pas été examiné par la commission. À titre personnel, j’y suis défavorable. En effet, il n’est pas possible de mettre en fourrière des embarcations fluviales, contrairement aux véhicules terrestres, ce qui explique que nous prévoyions leur destruction. Du reste, votre proposition me semble irréaliste en ce qu’elle oublie la réalité de la forêt guyanaise.

M. le Ministre – Même avis pour des raisons pratiques. Lorsque des Brésiliens installent des abris clandestins sur les rives guyanaises du fleuve Oyapock et pratiquent l’orpaillage illégal, nos militaires doivent pouvoir les en déloger dans le cadre des opérations Anaconda. Un cadre juridique stable est nécessaire pour éviter la formation de no man’s land ou qui pourraient empêcher l’installation de véritables activités industrielles. La destruction des pirogues est par conséquent un outil indispensable et nous espérons qu’elle sera suffisante pour éviter un appel d’air. La logique est la même s’agissant de Mayotte : la courte distance qui sépare certaines îles des Comores de ce territoire français permet aux embarcations, de passeurs qu’on appelle là-bas les Kwasa-Kwasa, d’effectuer plusieurs allers-retours par jour et de nuit avec le risque que cela représente pour les personnes transportées. La destruction de ces embarcations est donc une nécessité absolue si nous voulons lutter efficacement contre l’immigration clandestine.

L'amendement 591, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'article 71, mis aux voix, est adopté.

Art. 72

M. Patrick Braouezec – L’objet de l’amendement 592 est de supprimer cet article qui limite considérablement la liberté de circulation. Pourquoi les titulaires d’une carte de séjour temporaire accordée au titre de la vie privée et familiale dans un département d’outre-mer ne pourraient-ils travailler que dans ce département ? Il y a rupture d’égalité avec leurs homologues de métropole.

M. le Rapporteur – Cet amendement n’a pas été examiné en commission. À titre personnel, j’y suis défavorable. Il ne résultera de cet article aucune détérioration de la situation des étrangers travaillant légalement dans les DOM. Aux termes de l’article 831-2 du code du travail, en effet, la carte de résident n’autorise le salarié à travailler que dans son département de résidence. Nous ne faisons ici qu’étendre le champ de cette autorisation de travail aux cartes de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ».

Sur le fond, chaque DOM présente une population étrangère d’importance variable. Il faut éviter que leurs marchés du travail, souvent fragiles, ne soient totalement déstabilisés par cette immigration.

M. le Ministre – Avis défavorable. En effet, cet article vise, d’une part, à actualiser le droit existant et, d’autre part, à autoriser les détenteurs d’une carte de séjour temporaire à exercer une activité. J’ajoute qu’il s’agit également d’appliquer à l’outre-mer des dispositions prises pour la métropole dans ce projet de loi.

M. Philippe Edmond-Mariette – J’entends bien que cet article vise à harmoniser le droit applicable en métropole et outre-mer. Mais, prenons l’exemple de spécialistes du BTP employés en Guadeloupe, généralement experts en fondations et anglophones. Avec cette législation, ils n’auraient pas pu participer à la construction du centre hospitalier du Lamentin en Martinique. Par conséquent, il serait bon que le ministre de l’outre-mer précise que le texte n’aura pas vocation à s’appliquer dans de tels cas.

M. le Ministre – Monsieur Edmond-Mariette, je le précise bien volontiers. Mais quel est l’objet de cet article 72 ? De tirer les conséquences de l’article L.313-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui dispose « qu’un étranger détenteur d’une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » peut exercer une activité professionnelle ».

Par ailleurs, cet article reprend les dispositions des articles 10 et suivants de ce projet, notamment celles de l’article 13, aux termes desquelles l’autorisation de travail peut être limitée à certaines activités professionnelles ou à certaines zones géographiques, afin de les étendre aux départements outre-mer dont traite le livre VIII du code du travail.

M. Patrick Braouezec - Vous ne répondez pas à la question.

M. Bernard Roman - La réponse de M. Baroin m’inquiète. Quand nous avons débattu des articles 10 et suivants, le Gouvernement a clairement indiqué qu’une personne autorisée à travailler dans une région pourra obtenir un renouvellement de sa carte de séjour temporaire si elle trouve du travail ailleurs. Apparemment, il en irait autrement outre-mer. Ainsi, un médecin surinamien, nommé dans un hôpital en Guyane, pourra, au bout de 18 mois, faire venir les membres de sa famille dans le cadre d’une procédure de rapprochement familial. Femmes et enfants obtiendront une carte de séjour temporaire, valable cinq ans. En revanche, si ce médecin accepte un poste à Paris, sa famille ne pourra pas le suivre car elle ne sera pas autorisée à travailler (Murmures sur les bancs du groupe UMP). Cela pose problème : les cartes délivrées dans les DOM seraient-elles des sous-titres ouvrant des droits inférieurs à celles distribuées en métropole ?

M. le Rapporteur – Cet article, de pure coordination, ne contient aucun élément nouveau : déjà, je le répète, le titulaire d’une carte de séjour délivrée dans un département d’outre-mer, n’autorise pas à venir travailler en métropole. Cessez donc d’extrapoler !

M. René Dosière – Vous ne répondez pas vraiment à notre question. Cette disposition figure en effet dans un texte dont la tonalité générale est très particulière. Nous raisonnerions sans doute tout autrement s’il s’agissait d’un texte spécifique à l’outre-mer. En l’occurrence, cette différence de traitemetn est peu admissible…

M. le ministreLa situation de l’emploi doit être appréciée dans chaque département, ce qui est tout à fait conforme à l’esprit du nouvel article 72 de notre Constitution, issu de la révision de 2003. Si un étranger souhaite changer de département de résidence, il devra solliciter une nouvelle autorisation auprès du préfet.

L'amendement 592, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 114 est de cohérence.

L'amendement 114, accepté par le Gouvernement et mis aux voix, est adopté.
L'article 72 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 72

M. Mansour Kamardine - L’amendement 230 vise à étendre à Mayotte une disposition déjà contenue dans le Ceseda, qui autorise à prendre les empreintes digitales des étrangers non admis sur notre territoire.

La mesure contribuera à renforcer le contrôle de l’immigration en facilitant l’identification des étrangers qui se présentent successivement sous des identités différentes, et qui sont reconduits à la frontière à plusieurs reprises au cours de la même année.

M. le Rapporteur – Avis favorable. La prise des données biométriques éviterait le renouvellement des infractions aux règles d’entrée et de séjour, et ferait gagner du temps à la police aux frontières dans l’identification des clandestins à reconduire.

M. Mansour Kamardine - Nous avons un excellent rapporteur !

M. le ministre - Avis très favorable.

M. Mansour Kamardine - Merci, Monsieur le ministre !

M. le ministre - Un quart des reconduites à la frontière en France concerne en effet Mayotte, où les mêmes personnes tentent à plusieurs reprises de pénétrer sur notre territoire. J’ai pu dresser sur place le même constat que la mission présidée par M. Dosière : nous abons besoin de moyens nouveaux pour mieux maîtriser les flux d’immigration.

L'amendement 230, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – A l’unanimité.

Mme Gabrielle Louis-Carabin - L’amendement 31 tend à créer un observatoire de l’immigration en Guadeloupe. Au même titre que la Guyane et la Réunion, ce département est en effet confronté à une immigration clandestine dont les effets sont particulièrement déstabilisateurs pour le développement économique et social.

Cet observatoire permettra de connaître bien plus précisément l'efficacité des dispositifs existants et de les ajuster aux réalités locales.

M. le Rapporteur – Cet amendement a été accepté par la commission, qui a jugé utile de créer une commission d’étude de l’immigration en Guadeloupe et en Martinique, compte tenu de la forte immigration clandestine qui touche ces territoires. A titre personnel, il me semblerait toutefois préférable de fusionner cette commission avec celles qui existent déjà, en vertu de la loi du 26 novembre 2003, en Guyane et à la Réunion. Mais nous reviendrons probablement sur ce point grâce à la navette…

M. le ministre – Avis favorable. Vous avez anticipé, Madame Louis-Carabin, les propositions du Gouvernement.

M. Éric Jalton - Nous soutenons cet amendement, car nous ne sommes pas sectaires ! J’ajoute que le congrès des élus régionaux et départementaux, qui réunit la plupart des élus de Guadeloupe, avait fait une proposition analogue.

Cet observatoire, qui viendra compléter le travail de la commission d’enquête que j’avais réclamée, est en effet le bienvenu. Et, pour des raisons d’efficacité et de souplesse, il me semble préférable de dissocier les instances compétentes pour les différentes zones de notre outre-mer.

L'amendement 31, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – A l’unanimité.

M. Mansour Kamardine – Comme Mme Rimane, jai pu constater sur le terrain, que bien des étrangers en situation irrégulière, connaissant fort bien notre législation, déposaient des demandes d’asile afin de contrecarrer les procédures de reconduite à la frontière dont ils faisaient l’objet. Par l’amendement 228 rectifié, nous cherchons donc à conforter l’efficacité à laquelle vise tout ce projet de loi.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Pour un bénéfice somme toute très limité, cet amendement expose à un fort risque de censure de la part du Conseil constitutionnel. En effet, rien ne permet de penser que la décision prise par celui-ci le 13 août 1993 nous autorise à priver un étranger de son droit à demander l’asile, même de façon tardive. Il s’agit en effet d’un droit constitutionnellement garanti, et il faudrait démontrer que Mayotte et la Guyane connaissent une situation particulière, ce qui n’est en rien avéré.

M. le ministre - Même avis. Nous préférons nous en tenir au dispositif actuel, que nous estimons suffisant. Ainsi, une demande d’asile peut déjà être considérée comme dilatoire, ce qui ferme le droit à une autorisation de séjour provisoire. L’étranger peut alors être placé en centre de rétention administrative, tandis que sa demande fait l’objet d’un examen prioritaire par l’OFPRA.

Face au risque réel d’inconstitutionnalité, je souhaiterais le retrait de cet amendement.

M. René Dosière - Une fois n’est pas coutume, je suis en plein accord avec le rapporteur.

M. Bernard Roman - Et le Gouvernement !

M. Mansour Kamardine - Il ne faut jamais désespérer !

M. René Dosière - Je souhaiterais simplement une précision chiffrée sur le nombre de demandes d’asile à Mayotte – je ne rappelle pas précisément le chiffre, mais je me souviens qu’il est faible. A mes yeux, cette question ne se pose donc pas !

M. Mansour Kamardine - Je ne dispose pas des chiffres.

M. René Dosière - Personne ne les aurait donc ?

M. Mansour Kamardine - Mais il s’agit d’une réalité constatée sur le terrain.

M. René Dosière - Il y a aussi la Constitution !

M. Mansour Kamardine – Puisque tout le monde entend se mettre à la place du Conseil constitutionnel, je retire mon amendement, et je me plie à la position du Gouvernement et du rapporteur, dont je connais la grande sagesse.

M. Patrick Braouezec - Il me semble que notre collègue Kamardine porte un regard un peu spécieux sur ces étrangers qui connaissent notre loi : y a-t-il vraiment matière à s’en plaindre ? Quant à ceux qui demandent tardivement le droit d’asile, on peut aussi penser qu’ils n’étaient pas informés de toutes les procédures existantes dès leur arrivée. Leur démarche n’a donc rien de répréhensible, et je suis favorable à ce que les règles relatives au droit d’asile s’appliquent à Mayotte comme partout ailleurs.

L'amendement 228 rectifié est retiré.

Mme Gabrielle Louis-Carabin – Par nos amendements 32 et 34, nous proposions d’insérer un article additionnel après l’article 72 en vue d’éviter les reconnaissances frauduleuses d’enfants à naître de mères immigrées en situation irrégulière.

M. Bernard Roman - Mais c’est une incitation à la non-reconnaissance !

M. le Rapporteur – La commission a repoussé ces amendements, l’article 73 de la Constitution ne permettant d’adapter la loi outre-mer que pour tenir compte de contraintes particulières. En l’espèce, rien ne prouve que la situation ultramarine soit particulière pour ce qui concerne les reconnaissances en paternité de complaisance.

M. le Ministre – Même avis.

Mme Gabrielle Louis-Carabin - J’entends cette objection constitutionnelle et je retire ces deux amendements. Cependant, la situation existe bien : certains Guadeloupéens reconnaissent, contre rémunération, des enfants dont ils ne sont pas les pères et il ne fait guère de doute que cette situation posera problème un jour ou l’autre.

Les amendements 32 et 34 sont retirés.

M. Éric Jalton - Je confirme que nous sommes confrontés à des reconnaissances de complaisance, qui se produisent d’ailleurs sans doute aussi en métropole. Pour prévenir et endiguer le phénomène, il me semble de meilleure méthode de renforcer les moyens de prévention, plutôt que d’ajouter à l’arsenal répressif afin de traiter la situation de la seule Guadeloupe. Je comprends cependant le souci exprimé par Mme Louis-Carabin.

Mme Juliana Rimane – La mission parlementaire d’information sur l’immigration à Mayotte a confirmé que les étrangers en situation irrégulière représentent une charge financière importante pour la collectivité, notamment du fait de l’obligation d’aide sociale. Ainsi, 25 % des femmes étrangères se présentant dans les services de PMI étaient déjà enceintes à leur entrée sur le territoire et nombre d’étrangers viennent pour se faire soigner - en témoigne le fait que plus de 75% des patients suivis pour une infection au VIH sont de nationalité étrangère. Le système scolaire subit une pression analogue, le nombre d’enfants à accueillir augmentant continûment en raison du nombre croissant d’entrées irrégulières. Comment maintenir la qualité du service public sinon en ajustant la dotation globale de fonctionnement ? Tel est par conséquent l’objet de notre amendement 468.

M. Bernard Roman - Incroyable qu’il arrive jusqu’ici !

M. le Rapporteur – Cet amendement n’a pas été examiné en commission. A titre personnel, bien que je comprenne les préoccupations de nos collègues, je n’y suis pas favorable car un texte sur l’immigration n’est pas le mieux choisi pour bouleverser les règles de répartition de la DGF !

M. le Ministre – Même avis.

M. Patrick Braouezec - Cet amendement n’aurait pas dû venir en séance puisqu’il tombe à l’évidence sous le coup de l’article 40 de notre Constitution. Certains arguments de son exposé des motifs sont cependant pertinents. Le président Raoult ne me démentira sans doute pas si j’observe que les charges particulières qui incombent à la Seine-Saint-Denis du fait de la présence de milliers d’étrangers en situation non stabilisée dans la zone de l’aéroport de Roissy ne sont pas suffisamment compensées. Or les personnes dont il s’agit se débattent le plus souvent dans une situation sanitaire et sociale préoccupante, qu’un devoir de solidarité minimale interdit d’ignorer. Cet amendement n’a sans doute pas sa place dans le présent texte mais il soulève une question essentielle : ne faut-il pas que les collectivités plus concernées que d’autres par l’intégration soient aidées à conduire des politiques publiques efficaces ?

M. Noël Mamère – Cette discussion met en évidence une contradiction manifeste de ce texte. D’un côté, on augmente les pouvoirs du maire pour lui permettre de faire la chasse à l’étranger ; de l’autre, on refuse aux collectivités les plus concernées par l’accueil les moyens nécessaires pour permettre aux personnes ni expulsables ni régularisables de vivre dans des conditions point trop indécentes. En atteste la restriction de l’aide médicale d’État…

M. Jérôme Rivière - C’est tellement facile de dépenser l’argent des autres !

M. Noël Mamère - Même si l’article 40 eût dû être opposé à cet amendement, je considère que le problème des moyens donnés aux collectivités d’accueil est essentiel, d’autant que ce projet de loi, loin de régler le problème prétendument dramatique de l’immigration, va créer toujours plus de clandestins.

M. Éric Jalton – La proposition d’amendement de nos collègues n’est pas dénuée de fondement, dans la mesure où il est bien établi que les flux d’immigration, régulière ou non, génèrent des surcoûts pour la collectivité. Leur impact sur l’environnement, sur le système scolaire ou sur le réseau sanitaire et social est hors de doute, parce qu’abriter quelqu’un a toujours un coût. Il y a là matière à étude pour l’observatoire qui a été créé. Nul ne peut contester que les dépenses du conseil général de Guadeloupe soient grevées par l’immigration.

M. Mansour Kamardine - Je m’étonne que certains collègues s’improvisent président de la commission des finances pour censurer notre amendement ! Celui-ci est gagé, et donc formellement recevable. Je dis à ceux de nos collègues qui veulent laisser entrer tout le monde que cela a un coût et qu’il n’y a rien de plus facile que de dépenser l’argent des autres !

M. Jérôme Rivière - Absolument !

M. Mansour Kamardine - Qu’on le veuille ou non, l’aide médicale d’État n’a pas vocation à couvrir les dépenses de santé de toute la planète (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L'amendement 468 est retiré.

avant l'Art. 73

M. le Rapporteur – L’amendement 484 est de coordination.

L'amendement 484, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – L’amendement 2 tombe.

Art. 73

M. René Dosière - Comme nous abordons le titre consacré à Mayotte, je voudrais, en tant que président de la mission d’information qui a travaillé sur le sujet, dire quelques mots un peu généraux sur le sujet.

Cette mission d’information a permis à des parlementaires de tous bords de se rendre compte de la situation très particulière de Mayotte, où l’immigration dite clandestine revêt une ampleur considérable, puisqu’elle représente 40 % de la population, ce qui, rapporté à la métropole, donnerait 24 millions de clandestins ! Mais la notion même d’immigration clandestine a quelque chose de spécifique à Mayotte, compte tenu du contexte politico-diplomatique dans laquelle elle s’inscrit. On sait que Mayotte fait partie de l’archipel des Comores, qui a obtenu son indépendance, tandis que les Mahorais décidaient de rester Français. Les Comores continuent cependant de revendiquer Mayotte, ce à quoi la diplomatie française n’a pas toujours répondu par un langage assez ferme, comme il serait souhaitable qu’elle le fasse.

Toujours est-il que cette histoire commune entre Mayotte et les trois autres îles des Comores fait que des liens étroits existent entre leurs habitants, de sorte que les clandestins de Mayotte sont en réalité souvent de la même famille que les Mahorais eux-mêmes. Quand des Anjouanais viennent clandestinement à Mayotte, ils viennent le plus souvent retrouver des parents ou des gens qu’ils connaissent. Autrement dit, ce ne sont pas vraiment des étrangers. Ils parlent la même langue, ils ont les mêmes souvenirs que les Mahorais, parfois ils sont même allés à l’école ensemble. Les Comoriens trouvent d’ailleurs toujours quelqu’un pour les accueillir.

Et ils trouvent du travail ! En fait, l’économie mahoraise fonctionne grâce aux clandestins : c’est vrai pour l’agriculture, pour le bâtiment et les travaux publics mais aussi pour bien d’autres secteurs. Ainsi les employés de maison sont des clandestins et la quasi-totalité de la population mahoraise – je mets à part le député et le préfet – en a ! On ne peut donc pas dire qu’il s’agisse d’une population dont on ne veuille pas. Cette connivence de la population mahoraise ne facilite pas les choses.

Ce n’est pas en s’attaquant au droit du sol que l’on résoudra ce problème si particulier. C’est pourquoi je m’opposerai aux amendements de M. Kamardine qui vont en ce sens. Dans l’excellent rapport de M. Quentin, qui a été adopté à l’unanimité des membres de la mission, nous proposons d’autres solutions. La principale consisterait à rétablir un état civil fiable. Actuellement, il ne l’est pas, à la fois pour des raisons historiques – l’état civil comorien était déficient – et religieuses. En effet, bien que nous soyons en territoire français, le droit musulman s’applique concomitamment au droit commun. Or, les musulmans considèrent que Dieu connaît ses enfants et qu’il n’y a donc pas besoin de papiers pour prouver son identité. De sorte qu’à Mayotte, on ne sait pas qui est qui ! Il n’est pas rare que les gens se présentent au tribunal avec une fausse pièce d’identité, fût-elle invraisemblable, l’enfant apparaissant par exemple comme plus âgé que la mère !

Malheureusement, tous les gouvernements se sont contentés de bricoler dans ce domaine. Aujourd’hui encore, le bricolage continue. Certaines communes ont un état civil informatisé, d’autres pas, et leur informatique n’est pas toujours compatible avec celle du tribunal ou d’autres services de l’Etat. Aussi longtemps que l’on ne manifestera pas une volonté nette, de remédier à cet état de fait, à l’échelle interministérielle, la situation de l’immigration clandestine ne s’améliorera pas. Il faut un état civil fiable dans les communes comme dans les services de l’État.

Redisons aussi que la loi musulmane ne saurait s’appliquer à l’état civil. La république est laïque, même si la loi de 1905 ne s’applique pas à Mayotte, et elle a besoin de connaître ses enfants. La République reconnaît la liberté religieuse mais l’état civil républicain ne peut pas être soumis à la loi musulmane.

M. Mansour Kamardine - Le débat s’est engagé depuis septembre et se poursuit aujourd’hui, notamment avec les trente-six mesures proposées pour construire une collectivité départementale de Mayotte rassérénée. M. Dosière a dit qu’il s’opposerait à mes amendements. Je ne crois pas qu’il aura l’occasion de le faire, car ils étaient faits pour provoquer le débat. Comme l’a dit le ministre, pour que l’outre-mer soit entendu, il faut parler très haut et très fort.

Je m’appelle Mansour Kamardine, né le 23 mars 1959 à Sada, fils de Kamardine Daniel et de Fatima Mansour. Nous sommes nombreux à avoir un état civil, Monsieur Dosière ! Sortons de ce fantasme métropolitain qui veut que la loi musulmane règne à Mayotte. C’est un décret-loi de 1939, un décret-loi de la République française, qui a par exemple créé le cadi, pas la loi musulmane. C’est encore une loi de la République qui dit que l’on appliquera le droit local aux citoyens de droit local…

M. René Dosière - 1939, c’est l’empire colonial !

M. Mansour Kamardine - Mais la république quand même !

De même, en 1960, la République a octroyé les compétences relatives à l’état-civil à la Chambre des députés des Comores.

Il n’y a donc pas de loi islamique à Mayotte, mais des lois de la République qui ont donné des compétences à des gens qui n’étaient pas préparés à les recevoir. A leur tour, ils ont fait le choix de l’indépendance, pour aboutir à une situation économique et sociale déplorable qui suscite aujourd’hui vers Mayotte le flot d’émigration dont nous discutons.

Mayotte, et c’est l’essentiel, a besoin de moyens humains et matériels pour endiguer ce phénomène migratoire qui, s’il perdure, remettra en cause la souveraineté française sur l’archipel. Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain ! C’est en 1989 que, les Mahorais ayant plusieurs fois exprimé leur volonté de rester Français, notre regretté Président de la République se rendit à Moroni où il déclara à ceux qui réclamaient le retour de Mayotte au sein des Comores qu’il y avait « manière et manière » de faire l’unité comorienne. C’est alors qu’on supprima le visa d’entrée à Mayotte ! Je me souviens du préfet qui expliqua, au secrétaire départemental du RPR que j’étais, que le visa existant était illégal et qu’on ouvrait les frontières ! En 2000, la situation était devenue intenable : les hôpitaux, les écoles, les prisons et les villages étaient débordés. L’ordonnance de mars 2000 était un premier pas vers le contrôle de l’immigration. Mon ami le maire de Sada rassembla alors la population pour l’informer que l’on encourait désormais jusqu’à cinq ans de prison pour avoir hébergé un clandestin. Le Gouvernement, pourtant à l’origine du texte, attaqua le maire qui, selon lui, n’avait pas à en donner lecture ! Et nous l’avons échappé belle : en septembre 2005, les clandestins se rassemblèrent sur la place publique pour faire la loi, mais 10 000 Mahorais ripostèrent en manifestant pour clamer l’appartenance de Mayotte à la France. Ce n’est que grâce au préfet et aux forces de police qui agirent avec tact et mesure que l’on évita l’affrontement communautaire.

Depuis quelques jours, nous papotons de tout cela au lieu d’aller à l’essentiel. Pourtant, là-bas, c’est chaque matin que nous nous réveillons pour voir des gens arriver trempés des eaux de la baie et nous demander où se trouve Sada, alors même qu’ils y sont ! On voit des jeunes dont la barbe pousse déjà prétendre qu’ils ont douze ans pour être admis à l’école ! Quel élu, ici, accepterait cela dans sa circonscription ?

De grâce, soyons responsables et apportons une réponse ferme et courageuse au problème de Mayotte. Les Mahorais, qui nous regardent ce soir, souhaitent que l'Assemblée nationale s’exprime clairement. Si l’on rapportait leur situation à l’échelle de la métropole, il y aurait vingt millions d’immigrés clandestins en France !

M. Patrick Braouezec - Vingt-quatre !

M. Mansour Kamardine - Voilà longtemps que la Bastille aurait été reprise… (Sourires sur divers bancs) Et nous, nous papotons…

M. René Dosière - Non, nous ne papotons pas !

M. Mansour Kamardine - J’utilise le mot en référence aux Africains qui papotent sous les cocotiers… Mayotte a besoin de réponses précises. Il faut un troisième radar sur la côte est, car les deux premiers ont démontré leur efficacité. Il faut doubler les effectifs de la police de l’air et des frontières, et il faut de nouveaux bateaux. En somme, il faut répondre à nos besoins matériels et humains…

M. Eric Jalton - Avant tout !

M. Mansour Kamardine - …pour lutter efficacement contre le fléau de l’immigration clandestine. C’est avec une passion qu’exige la situation que je souhaitais attirer l’attention de la représentation nationale sur cette question (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. Patrick Braouezec - N’étant pas spécialiste de Mayotte, je remercie MM. Dosière et Kamardine, dont les interventions m’ont beaucoup appris. Une réserve, toutefois : je ne crois pas que, depuis une semaine, nous ne faisions que papoter. Nous discutons, certes, nous débattons et nous légiférons, mais nous ne papotons pas. En outre, sous les arbres africains, on ne papote pas : on palabre. Pour avoir assisté à plusieurs séances de palabre sous des arbres maliens, je peux vous dire qu’elles sont de véritables exercices de démocratie participative où l’on débat de sujets de fond.

M. Mansour Kamardine - Ayons un tel débat sur Mayotte !

M. Patrick Braouezec - Si la situation, comme je le crois, est telle que vous la décrivez, Monsieur Kamardine…

M. Mansour Kamardine - Venez vérifier : je vous invite !

M. Patrick Braouezec – Je vous remercie de cette invitation et vous fais toute confiance quant au tableau que vous avez brossé. Vous avez raison : Mayotte a des besoins matériels et humains auxquels il faut répondre.

Toutefois, certains articles du projet concernant Mayotte me semblent sortir du cadre constitutionnel. L’article 73 de la Constitution précise qu’outre-mer, les lois et règlements peuvent faire l’objet d’adaptations locales pourvu que celles-ci ne portent pas sur la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques et l’état et la capacité des personnes, notamment. Or, certains articles du projet traitent de sujets relevant des deux dernières catégories citées. Je demanderai donc que l’on en vérifie la constitutionnalité.

M. Noël Mamère - L’amendement 217 vise à supprimer l’article 73 du projet. La situation particulière de Mayotte ne justifie pas les mesures anticonstitutionnelles et dérogatoires au droit commun qu’il contient. Cet article vise à limiter l’attractivité du territoire mahorais – où l’AME n’existe pas – en matière de santé, en mettant les frais d’hospitalisation, de consultation et d’actes externes – les frais de maternité, notamment – à la charge du père mahorais ayant reconnu un enfant naturel de mère étrangère sans papiers – même si la reconnaissance est litigieuse –, alors que ces frais étaient jusqu’à présent à la charge de la patiente non assurée. Cette disposition est inacceptable.

M. Patrick Braouezec - L’amendement 593 est identique. Cet article 73, en effet, instaure une suspicion de reconnaissance de complaisance. Au fond, on cherche à dissuader les pères de reconnaître un enfant de mère comorienne en situation irrégulière.

M. le Rapporteur – Avis défavorable à ces deux amendements qui témoignent d’une méconnaissance de la situation locale. Le régime de santé publique de Mayotte est spécifique. A la maternité de Mamoudzou, 70 % des parturientes sont des femmes en situation irrégulière. Il ne s’agit pas de suspicion, mais de faits : le nombre de reconnaissances de paternité a quintuplé depuis 2001, ce qui n’est possible que parce que, beaucoup d’entre elles sont abusives. Enfin, je vous rappelle que Mayotte n’étant pas un DOM, c’est l’article 74 de la Constitution qui s’applique, et non le 73.

M. le Ministre – Je le dis et le redis, je me félicite de l’envoi de cette mission, décidée par la Conférence des Présidents suite à une proposition que j’avais formulée. Les mêmes qui s’indignaient à l’époque ont commencé à lire l’article 74 de la Constitution, à l’exception sans doute de M. Mamère, qui s’y refuse toujours, et de M. Braouezec, qui confond l’article 73 et l’article 74. Il y a eu un débat avec les constitutionnalistes, y compris sur les conditions d’acquisition de la nationalité française, dans le respect du pacte républicain. Ce que vous ne voulez pas voir, Monsieur Mamère, c’est que les articles 73 et 74 qui régissent l’outre-mer font partie de notre Constitution. Les parlementaires ultramarins se sont battus pour obtenir cette adaptation aux contraintes particulières de leurs territoires. Si l’immigration clandestine était comparable en métropole à ce qu’elle est à Mayotte, nous aurions 18 millions de clandestins ! Auriez-vous alors la même analyse, les mêmes principes, la même position et la même volonté d’entendre ce qui se dit dans la population locale ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) Je ne cherche pas à convaincre M. Mamère : c’est impossible. Je lui fournis simplement quelques outils de réflexion.

Les chiffres qui ont été donnés lors des auditions parlent d’eux-mêmes : le nombre des reconnaissances de paternité enregistrées à Mayotte est passé de 882 en 2001 à 4 146 en 2004. Ne pas s’interroger sur cette explosion, c’est refuser de voir la situation objectivement (« Très juste ! » sur les bancs du groupe UMP) et d’assumer notre responsabilité. Le rapport de la mission d’information a bien mis en lumière les faits, les statistiques et les éléments de réflexion. La comparaison avec l’île d’Oleron est pertinente. Sur un territoire aussi petit et avec les contraintes et les incertitudes que l’on connaît, ne rien faire est plus qu’une faute professionnelle : c’est une faute morale vis-à-vis de ces candidats à l’immigration à qui l’on continue de faire croire que la France est un eldorado et qui prennent ces kwasa-kwasa au péril de leur vie. Chacun le sait, on retrouve des corps sur les côtes mahoraises et des passeurs clandestins font des profits inhumains. Assumons la responsabilité de dire, à Anjouan, à Mohéli, à la Grande Comore, que l’on ne pourra plus accueillir ces migrants, ni accepter que Mamoudzou soit la maternité la plus active de France et que prospèrent des filières que nous ne saurions tolérer dans un Etat de droit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Je vous propose que chaque groupe ait la possibilité de répondre, sachant que le Président de l'Assemblée nationale et M. le Ministre doivent accueillir dans quelques minutes à l’Hôtel de Lassay une manifestation à la mémoire des résistants antillais.

M. Patrick Braouezec - Je donne mon temps de parole à Mme Taubira.

M. Noël Mamère - Que M. le ministre ne désespère pas, tous les parlementaires peuvent être convaincus par ses arguments. En l’occurrence, toutefois, ils sont un peu spécieux. Je suis évidemment d’accord avec vous sur la situation particulière de Mayotte. Mais avez-vous augmenté le nombre d’inspecteurs du travail…

M. Jérôme Rivière - Et vous récusiez notre vision policière !

M. Noël Mamère - … pour sanctionner ceux qui emploient ces clandestins dans des conditions inacceptables ? Notre collègue Dosière nous disait tout à l’heure que c’était le cas de presque toutes les familles à Mayotte ! Peut-être faudrait-il commencer par là avant de s’en prendre aux plus faibles.

Mme Christiane Taubira - J’ai toujours des scrupules à intervenir lorsqu’il s’agit d’un autre département ou territoire d’outre-mer que la Guyane : je m’impose ce que j’appelle une « réserve de respect ». Néanmoins, il s’agit ici de se prononcer sur le principe. Vous nous dites que les déclarations de paternité ont quintuplé, Monsieur le ministre. Si encore le texte était porté par le ministre de la Justice, on pourrait comprendre cette ardeur à rechercher le délinquant et à le sanctionner a priori. Il y a en effet une présomption de fraude à la paternité. Si cette présomption est fondée, que fait le ministre de l’Intérieur contre les réseaux qui organisent la fraude ? Les mesures proposées ne visent que les personnes, comme si l’État s’exonérait en poursuivant des faux pères présumés. Ce faisant, on incite dangereusement à la paternité non assumée. Ces pères déclarés, à qui on impose un malus en leur faisant prendre en charge les frais de maternité, considèrent peut-être qu’ils sont frères des ressortissants du reste de l’archipel. En tout état de cause, la France est un pays suffisamment puissant pour œuvrer avec le gouvernement comorien à la sédentarisation des populations et contribuer au développement de l’archipel.

M. René Dosière - Il faut naturellement maîtriser l’immigration clandestine, en métropole comme à Mayotte. Qu’on ne nous accuse donc pas de vouloir ouvrir toutes les frontières ! Les clandestins vivent dans des conditions épouvantables, sont exploités. Dans leur intérêt même, il faut les informer des risques qu’ils courent et combattre les passeurs.

La maternité de Mamoudzou n’a rien à envier à celles de la métropole, au point que c’est devenu la plus importante de France : 5000 accouchements y ont lieu chaque année, sans compter ceux qui sont assurés par les centres annexes. On y vient de tout l’archipel des Comores, voire d’Afrique de l’Est. De plus, un système de gratuité des soins a longtemps existé à Mayotte. Lorsque la Sécurité sociale a été mise en place, elle n’a concerné que les Mahorais – ou supposés Mahorais. On a donc créé une distorsion. L’un des moyens de limiter l’immigration est peut-être de faire payer en partie les frais médicaux. Les médecins n’ont évidemment jamais refusé de dispenser des soins. Par ailleurs, on a constaté que la gratuité n’était pas toujours bien perçue, y compris par les clandestins : le paiement d’une somme, même minime, donne du prix au service rendu.

J’en viens aux reconnaissances de paternité. L’immigration clandestine, nous l’avons constaté, n’était pas liée à l’acquisition de la nationalité française, puisqu’il ne suffisait pas de naître sur le sol français pour être Français. Il semblerait que les étrangers aient compris que la reconnaissance de paternité permet d’acquérir plus facilement la nationalité française. Vous disiez tout à l’heure, Monsieur Kamardine, qu’il n’existe pas de droit local à Mayotte. Mais on peut y reconnaître un enfant rien qu’en lui donnant son propre prénom. Cela, il faut le supprimer ! Vous me répondrez que ce n’est possible que pour les Mahorais de statut local. Mais aujourd’hui, quand un père mahorais reconnaît son enfant, on est loin d’être sûr qu’il ait des papiers en règle.

On revient toujours au même problème. Quelles que soient les mesures adoptées, elles risquent d’être détournées de leur objet en raison de la situation de l’état-civil.

M. Mansour Kamardine - Je regrette que notre collègue Mamère n’ait pas été emmené à Mayotte par le président Dosière car il aurait été convaincu ! Mais vous semblez parvenir à le convaincre, Monsieur le ministre, puisqu’il vous réclame des inspecteurs du travail pour effectuer des contrôles… Nous en aurons en effet besoin, de même que des visites domiciliaires car, comme le disait très justement le président Dosière, à Mayotte l’emploi de clandestins est le principe et la déclaration l’exception.

Les amendements 217 et 593, mis aux voix, ne sont pas adoptés.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir à 21 heures 30.
La séance est levée à 19 heures 30.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

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