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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du jeudi 11 mai 2006

Séance de 15 heures
92ème jour de séance, 218ème séance

Présidence de M. Maurice Leroy
Vice-Président

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La séance est ouverte à quinze heures.

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eau et milieux aquatiques (suite)

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, sur l’eau et les milieux aquatiques.

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question préalable

M. le Président – J’ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une question préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. André Chassaigne - Depuis la fin des années 1990, l’eau figure en bonne place dans l’agenda politique. L’adoption d’une résolution des Nations unies sur l’eau a marqué un tournant, en 1997, et, en mars dernier, le sommet international de Mexico a permis de progresser encore. Cet éveil des consciences est incontestablement salutaire, car on oublie trop souvent que la situation est grave. Un être humain sur cinq n’a pas accès à l’eau potable ; la mauvaise qualité de l’eau provoque plus de 3 millions de morts par an et 90 % des catastrophes naturelles – cyclones, inondations, sécheresses - sont liées à l’eau. Dans de nombreuses régions du globe, le manque d’eau est à l’origine de conflits géopolitiques susceptibles de dégénérer en véritables guerres. Enfin, alors que l’irrigation des cultures est déjà à l’origine de plus de 70 % de la consommation d’eau douce, l’ONU prévoit qu’il faudra augmenter de 55 % les quantités de nourriture produites pour subvenir aux besoins de la planète en 2030.

Pourtant, l’eau ne manque pas, mais les ressources sont très mal réparties et, surtout, très mal gérées. Si l’importance vitale de l’eau est désormais reconnue, les conflits d’usage liés à la rareté de la ressource sont trop souvent réglés de manière autoritaire. La Conférence de Mexico a d’ailleurs révélé les ravages dus à cette absence de gestion démocratique de la ressource : je pense notamment aux conséquences de la construction du barrage des Trois Gorges, en Chine, sur l’écosystème du Yang-Tse-Kiang, mais aussi aux centaines de milliers de piscines privées construites, en France, dans des régions victimes de la sécheresse. Parce qu’elle est une ressource rare et vitale, l’eau est un bien public dont la gestion ne peut être que collective et démocratique. Je salue donc l’intelligence visionnaire du peuple uruguayen, qui a inscrit en 2004 dans sa Constitution, par référendum, que l’eau potable et l’assainissement constituent « des droits de l’Homme fondamentaux ». L’Uruguay fonde aujourd’hui sa politique sur une « gestion solidaire durable » de la ressource ; il est revenu sur les privatisations décidées par des gouvernements libéraux inféodés aux Etats-Unis.

Nos débats s’inscrivent dans ce contexte. Certes, aucun risque de pénurie globale n’est à redouter dans notre pays. La France dispose d’une capacité de stockage élevée, du fait d’une pluviométrie généreuse, de montagnes enneigées,…

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. André Chassaigne - …d’un réseau hydrographique étendu, et d’importantes nappes souterraines. Elle n’en est pas moins confrontée à de réels problèmes. Chaque année, des inondations ravagent des villes entières – notamment dans le sud-est –, sans qu’aucune réponse de long terme ait pour l’instant été apportée. Les changements climatiques ne pourront qu’exacerber la violence des orages qui touchent le Gard ou l’Hérault en fin d’été ; l’artificialisation de dizaines de milliers d’hectares de terres agricoles par an ne pourra qu’aggraver les effets de ces inondations.

De même, les épisodes de sécheresse tendent à se répéter de plus en plus souvent, notamment dans le grand Sud-Ouest, depuis deux ans. Et ce n’est pas la culture du maïs, mais bien le manque de pluie, qui en est responsable. Les paysans n’irriguent pas par plaisir, mais parce que leurs cultures ont besoin d’eau. Cette réalité exige de se doter d’ambitieux dispositifs de gestion quantitative des eaux mais aussi de réorienter notre agriculture vers des productions moins consommatrices d’eau. Alors que les paysans sont de plus en plus sensibles à ce problème – ainsi en Poitou-Charentes, les assolements en maïs ont été réduits de 30 % en deux ans –, nous ne pouvons que désespérer de l’inaction des pouvoirs publics, le choix ayant été fait, au travers de la dernière loi de « désorientation » agricole (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), de laisser le marché réguler les productions. Nous avons besoin de maïs pour nourrir notre bétail et on ne peut faire pousser de l’herbe dans les régions qui manquent d’eau. Il ne saurait donc être question de réduire cette culture sans, parallèlement, chercher à soutenir la production dans notre pays de substituts alimentaires pour le bétail. Faute de quoi nous devrions importer du maïs, et aurions alors tout gagné : nos problèmes d’eau auraient simplement été déplacés à l’étranger et nos vaches seraient nourries au maïs transgénique !

Chacun le sait, les cours d’eau et les nappes phréatiques de toutes les régions de grandes cultures, fortes consommatrices d’engrais et de biocides, sont fortement pollués. Certes, les rejets de nitrates et de pesticides n’augmentent plus grâce aux efforts consentis par les paysans, mais ils demeurent à un niveau bien trop élevé pour garantir le bon état écologique des eaux.

Parce que nous devons faire face à tous ces problèmes, se pose la question de la capacité réelle qu’ont élus et citoyens de maîtriser la gestion et la distribution de l’eau au travers de politiques publiques. La distribution d’eau potable est, depuis la Révolution française, une compétence des maires. Il s’agissait alors de confier à l’échelon administratif le plus proche des citoyens ce service public vital. Parce que l’eau n’est pas une marchandise, mais un bien commun rare, sa distribution, estimait-on, devait relever du choix de la communauté. Mais les communes ont, hélas, peu à peu délégué à de grands groupes privés leurs compétences en matière de distribution et d’assainissement, du fait de la complexité et de la technicité croissantes de ces missions. Et aujourd’hui, les collectivités ont tout simplement perdu tout contrôle sur le service public de l’eau.

Nous nous sommes demandé si ce projet de loi permettrait d’améliorer la gestion qualitative des eaux, d’adopter une gestion quantitative adaptée aux évolutions climatiques et économiques, et de rétablir une gestion collective et démocratique de la ressource en eau. Force est, hélas, de constater qu’il se limite, de fait, à transposer la directive européenne du 23 octobre 2000. Certes, celle-ci est loin d’être aussi mauvaise que bien d’autres textes européens. J’aime notamment beaucoup son premier considérant, dans lequel il est rappelé que « l’eau n’est pas un bien marchand comme les autres, mais un patrimoine qu’il faut protéger, défendre et traiter comme tel. ».

M. Jérôme Bignon - Il ne faut donc pas désespérer de l’Europe !

M. André Chassaigne – Cette directive s’en tient toutefois à une approche strictement écologique des questions de l’eau, occultant, ce qui n’est sans doute pas un hasard, la dimension économique et politique.

Atteindre un bon état écologique des eaux en 2015 est un objectif louable. Les députés communistes et républicains y sont particulièrement attachés, Mais ce ne sera jamais qu'un aspect, parmi d'autres, du problème. Et le caractère limité de cette directive influe nécessairement sur la qualité de votre projet de loi.

Nous soutenons la volonté du Gouvernement de rénover notre législation relative à la préservation des ressources en eau, Mais le texte, tel qu'amendé au Sénat, me laisse perplexe quand je considère la situation concrète. Nous devons bien évidemment respecter les prescriptions de la directive et viser le « bon état écologique » des cours d'eau. Il nous faut pour cela reconquérir nos rivières : non seulement les protéger des dommages qu’elles pourraient encore subir, mais leur redonner vie. Faudrait-il se résoudre à ce que goujons, truites, tanches, ablettes et gardons ne filent plus dans nos rivières avant d’honorer nos assiettes de leur fine chair ? Ne nous restera-t-il bientôt plus qu’un souvenir olfactif des courts-bouillons de brochet et des truites poêlées ? Seront-ils les madeleines de notre enfance ?

Je regrette que le Sénat se soit sur ce point contenté du statu quo. Trop d'amendements votés à la Haute Assemblée traduisent un renoncement politique à améliorer l'état global de nos rivières, quitte à sanctuariser les rares cours d'eau qui échappent encore aux ravages de la pollution ou des installations hydrauliques.

Il ne s’agit bien sûr pas d'appliquer de façon brutale et irréfléchie les dispositions nécessaires pour restaurer la qualité de nos cours d'eau. L’opposition n’est pas si schématique entre une nature idéalisée, qu’il faudrait retrouver, et la situation actuelle. Il ne faut pas oublier que l’homme a « apprivoisé » la nature depuis des millénaires et que cela ne s’est pas toujours traduit par une atteinte à l'environnement,

M. Philippe Rouault, rapporteur pour avis de la commission des finances – Très bien.

M. André Chassaigne - Je prendrai un exemple pour illustrer mon propos. Le projet de loi interdit de s'opposer à la divagation naturelle des cours d'eau. Il est en effet souhaitable de cesser de détourner le cours des rivières, ce qui a des effets ravageurs. Cependant, pour préparer l’examen de ce projet, j’ai réuni un conseil de circonscription, auquel j’ai invité à participer tous mes concitoyens intéressés par le sujet et, lors d’une quinzaine de réunions, maires, pêcheurs, gérants de micro-centrales, paysans, et amoureux de la nature, ont pu débattre. Dans une de ces séances, un agriculteur, qui exploite une ferme située près d’une rivière dont le lit ronge ses terres, a évoqué cette question de la divagation naturelle des cours d'eau. S’efforçant logiquement de limiter cette divagation, il est donc opposé à l’interdiction de cette pratique, d’autant que le lit du cours d'eau en question s’est modifié après la construction, en amont de son champ, d'un pont autoroutier. C'est donc une intervention humaine préalable qui a provoqué cette divagation aujourd'hui tenue pour naturelle : comment, dès lors, convaincre ce paysan qu'il n'a pas le droit de résister à l'effritement de sa terre ?

Ce projet de loi omet également de prendre en compte un certain nombre de problèmes simples à l'origine de la dégradation de nos rivières. Je prendrai l'exemple des résineux, plantés en très grand nombre dans nos montagnes, notamment à proximité des berges, ce qui a pour effet d'acidifier les cours d'eau et d’en réduire le débit. Ces plantations abîment les berges, accélèrent leur destruction et aggravent l’ensablement en aval, Pourquoi alors ne proposez-vous pas, Madame la Ministre, de limiter les plantations d'arbres à proximité des berges, et de substituer aux conifères des feuillus ?

De la même façon, je ne suis pas favorable à la multiplication des microcentrales hydroélectriques, dont l'apport en énergie serait trop faible par rapport aux dommages écologiques qu’elles provoqueraient. Je ne conteste pourtant pas leur utilité, non plus que celle des barrages qui permettent de constituer des réserves d’eau pour l’été, lorsque les rivières sont à sec.

Tout cela montre que la question du bon état écologique des cours d'eau ne peut être dissociée de celles de la gestion quantitative et de la constitution de ressources nouvelles en eau. Nous ne pouvons pas prélever l'eau des nappes profondes, dont les stocks sont infiniment précieux. Il nous faut donc réformer notre système de gestion quantitative des eaux, trop peu efficace comme en témoigne le débat récurrent qui oppose les agriculteurs irrigants à certaines parties de l'opinion, sensibles aux sécheresses. Votre projet de loi, Madame la ministre, est hélas indigent sur ce point.

Les contraintes ne sont pourtant pas insurmontables. Chaque année, le territoire métropolitain bénéficie de 480 milliards de mètres cubes d'eau, dont 320 s'évaporent naturellement. Sur les quelque 170 milliards restants, environ 40 milliards sont prélevés chaque année, soit seulement 24 %. Une marge existe donc pour optimiser l’utilisation des ressources disponibles. Parallèlement, il doit être possible de réaliser des économies sur ces prélèvements, notamment sur notre consommation nette, qui représente environ 5,5 milliards de mètres cubes ; 43 % sont consommés par l’agriculture, 42 % servent à la consommation d'eau potable, le reste étant utilisé par les activités industrielles ou énergétiques. Ne pourrait-on pas rendre l'irrigation plus efficace ? Ne pourrait-on pas réduire les pertes considérables d'eau durant son transport ? Ne pourrait-on pas limiter l'utilisation des canons à neige ? J'espère que l’insuffisance de vos réponses à ces questions ne signifie pas que le Gouvernement considère la cause comme perdue.

Certes, l'article 14 du projet vise à développer la gestion collective de l'eau par les agriculteurs irrigants. Hélas, je ne vois pas en quoi le dispositif proposé donne une forte impulsion à ces organes de gestion. En outre, doit-on en limiter l’accès aux paysans ? Ne peut-on aussi, par exemple, y faire adhérer les golfs, gros consommateurs d'eau ?

Mme Nelly Olin, ministre de l’écologie et du développement durable - C’est fait.

M. André Chassaigne – Nous attendons sur ce point que l'Etat ou, mieux encore, le futur Office national des eaux et des milieux aquatiques, l'ONEMA, organise et soutienne la création et le fonctionnement de ces organismes mandataires, compétents pour la gestion collective de la ressource en eau. Votre projet de loi manque malheureusement d’ambition pour ce qui concerne la planification et le rôle des acteurs institutionnels de la politique de l’eau.

Nous n'avons pas à inventer un mode de gouvernance radicalement nouveau : les lois de 1964 et de 1992 nous ont laissé, avec les agences de l'eau, les comités de bassin et les schémas d'aménagement des eaux, des outils fortement ancrés dans chaque bassin hydrographique. Mais ce dispositif est aujourd'hui insuffisant. Il n'a ainsi pas compétence en matière de gestion quantitative des eaux ; iI est sans effet sur les politiques des communes en matière de distribution et d'assainissement, laissant les élus locaux à la merci des multinationales spécialisées.

Pour résumer, alors que l’eau est un bien public rare, nous ne disposons pas du cadre institutionnel permettant la gestion démocratique et la maîtrise publique de cette ressource. Nous voulons donc donner aux outils de régulation qui sont à notre disposition leur pleine mesure, notre objectif à terme étant de proscrire l’appropriation privée de la ressource en eau et les profits exorbitants des multinationales. Vous comprendrez donc notre déception devant ce projet.

Certes, en donnant au Parlement le pouvoir de définir les orientations prioritaires des programmes pluriannuels d’intervention des agences de l’eau, le plafond de leurs dépenses et le régime de leurs redevances, en précisant les liens entre les comités de bassin et les agences, vous permettez de donner un peu de cohérence aux politiques de l’eau. Mais ces avancées sont malheureusement contrebalancées par le sort réservé aux agences de l’eau, dont les missions pourraient bientôt se limiter à verser des subventions, et surtout par l’imprécision du rôle confié au futur Office national de l’eau et des milieux aquatiques.

Il faut que la maîtrise publique s’exerce à tous les niveaux, depuis le prélèvement de la ressource jusqu’au service public de l’assainissement. Or beaucoup de maillons sont manquants ; ainsi, alors qu’en 1980 la distribution d’eau était encore assurée à 40 % en régie, la délégation de service public couvre désormais 79 % de la distribution aux usagers et 53 % de l’assainissement. La Cour des comptes a fait observer que « les collectivités n'ont pas toujours une connaissance suffisante des services dont elles conservent la responsabilité », ajoutant qu'elles finissent par ne plus être en mesure « d'éviter certaines dérives et notamment la progression injustifiée de certaines charges ». Dans son dernier rapport dédié à l'eau, publié en décembre 2003, elle soulignait à nouveau : « Les chambres régionales et territoriales des comptes ont constaté que les outils dont disposent les collectivités territoriales pour contrôler la gestion de leurs services d'eau et d'assainissement n'étaient pas suffisamment développés. Pourtant, le renforcement de ces outils permettrait aux collectivités territoriales de pouvoir exiger de l'exploitant les informations nécessaires à l'appréciation de la qualité du service. »

Certaines municipalités s'engagent dans des processus de « remunicipalisation » de leur service de distribution d'eau. Certains maires profitent même de la légalité parfois douteuse de certains contrats de concession pour les rompre avant terme, comme vient de le faire, avec la bénédiction du tribunal administratif de Toulouse, le maire de Castres, membre de la majorité parlementaire...

Quant aux associations de consommateurs , elles dénoncent courageusement les profits exorbitants réalisés par les firmes sur le dos des consommateurs, au détriment de la crédibilité des élus locaux.

En dépit de cette situation, le Gouvernement ne nous propose rien pour accroître la maîtrise publique sur les services de distribution d'eau et d'assainissement. Pire, le Sénat a même voté un article destiné à contrecarrer la jurisprudence du Conseil d'État qui, dans un arrêt de 2003, autorisait les conseils généraux à privilégier les communes ayant conservé leurs régies municipales.

Autre chaînon manquant, le contrôle des prélèvements d’eau. Ainsi, aucun contrôle n’est exercé sur les entreprises commercialisant les eaux minérales ou les eaux de source – et c’est un Auvergnat qui vous le dit ! –, lesquelles sont pourtant prélevées sur la ressource souterraine, qui n'appartient à personne mais qui se trouve privatisée par les embouteilleurs, en contrepartie du paiement d'une redevance ridiculement faible. C'est un pillage légal !

La maîtrise publique que nous appelons de nos vœux exige aussi une meilleure implication des usagers de l'eau, à travers notamment les associations de consommateurs, les associations de pêcheurs et les organisations agricoles : c'est par le dialogue que l'on peut prévenir de nombreux conflits d'usage ; et en donnant un sens à la politique de l'eau, en posant clairement ses objectifs, on légitimera d'autant plus son mode de financement.

Actuellement, ce financement est à la fois injuste, insuffisant et écologiquement inefficace. A la lecture de la presse, les choses seraient pourtant simples : les paysans polluent, il faut donc les faire payer ! Mais il faut pousser la réflexion un peu plus loin… Les agriculteurs sont-ils seuls responsables des fortes concentrations de nitrates constatées dans nos rivières ? Certes l'industriel qui a vendu ses engrais n'a pas pollué directement ces rivières. Les commissaires de Bruxelles non plus, mais c’est bien la politique agricole commune qui a imposé à l’agriculture une logique productiviste, laquelle sert bien plus les intérêts des grands groupes financiers que ceux des paysans, dont les épaules n'ont jamais été aussi fragiles... (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

De même, on ne peut pas réduire la question du financement de la politique de l'eau à celle des redevances liées aux pollutions, car c’est occulter la question de l'accès de chacun à l'eau. Nous devons profiter de ce débat pour proclamer et garantir le droit à l'eau, dont personne ne doit être exclu.

Nos amendements visent à répondre à ces diverses préoccupations.

Nous proposerons ainsi que l'ONEMA devienne la colonne vertébrale d’une politique publique autrement plus ambitieuse, une véritable administration de mission autour de laquelle pourront se structurer les interventions des collectivités territoriales, des comités de bassins et des agences de l'eau. Il ne s'agit pas de créer une sorte de Gosplan aquatique (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) ; nous voulons simplement que cet établissement public soit un instrument politique au service des collectivités territoriales, des acteurs économiques et des citoyens intéressés par la gestion de l'eau. L'ONEMA devrait être une autorité scientifique à même de conseiller toutes les personnes concernées par la politique de l'eau, afin d’optimiser la gestion qualitative et quantitative de la ressource ; elle devrait avoir notamment pour mission d'assister les collectivités territoriales en leur fournissant l'expertise technique qui leur fait souvent défaut aujourd'hui face aux monopoles privés.

Afin de donner une plus grande cohérence aux instruments dont nous disposons, nous proposerons que les agences de l'eau constituent l'outil territorial de cet ONEMA aux compétences élargies ; leurs missions seraient étendues et elles conserveraient leur autonomie.

L'ONEMA, par le biais des comités de bassins et des agences de l'eau, aurait une mission de conseil et d'assistance auprès des collectivités territoriales. Cela permettrait de mieux contrôler l’exécution, par les délégataires privés, de leurs obligations contractuelles, afin de prévenir d'éventuels enrichissements sans cause. Il conviendrait de préciser les missions de la police de l'eau, dont le nombre d'agents devrait être augmenté.

D’autre part, il convient de combler l'énorme déficit démocratique dont souffre aujourd'hui la politique de l'eau. Il faut pour cela mieux faire connaître les comités de bassin et rendre leur fonctionnement plus transparent ; il faut aussi rendre possible l'interpellation des comités de bassin par les citoyens. La représentation des usagers de l'eau devrait être singulièrement renforcée, celle des salariés du secteur aussi.

Il convient en outre de définir un statut des salariés de l'eau et de l'assainissement, à même de maintenir leurs droits et avantages, notamment en cas de « remunicipalisation » de ces services. Ce statut poserait un ensemble de droits individuels, opposables à tout employeur et transférables d'une entreprise à une autre, ce qui lèverait un obstacle au libre choix du mode de gestion.

Cette vision collective nous permettra également de dépasser les conflits entre les différents usagers de l’eau. Il est nécessaire de préserver les zones humides, de .protéger les dynamiques fluviales et donc d'éviter les cultures intensives sur les plaines alluviales ; mais les changements de comportements ne peuvent aller sans indemnisation des paysans, sans discussion avec eux, sans acquisitions foncières, bref sans intervention de la puissance publique, à l’instar de celle du Conservatoire du littoral sur nos côtes. Je ne milite pas pour la sanctuarisation d'une partie de nos territoires, mais pour la prise en compte des caractères spécifiques de certaines zones, dont la méconnaissance explique aussi la violence des inondations que l'on connaît aujourd'hui : il s'agit simplement de prévenir les conséquences écologiques de l'activité humaine.

Faute d’ambition et d’audace, ce projet ne permettra pas de respecter les objectifs de la directive communautaire de 2000, que nous faisons nôtres. Vous le présentez comme un texte complet et utile, voire salvateur. Pour ma part, je ne peux m’empêcher de penser à cette phrase sublime que, dans Le Guépard, de Visconti (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF), le beau Tancrède dit à Salina : « Il faut que tout change pour que rien ne change… » Je vous invite donc à voter cette question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

Mme la Ministre – Monsieur Chassaigne, je répondrai sur le fond à toutes vos interrogations, en espérant vous convaincre sur de nombreux points. En attendant, je suis heureuse que vous ayez déjà noté quelques avancées. Depuis des mois que dure la concertation, nous avons pris conscience du sentiment, partagé sur tous les bancs de cette assemblée, qu’il était important que cette loi soit votée dans les meilleurs délais. Probablement est-elle imparfaite, certainement pourrions-nous aller plus loin, sans doute chacun peut-il regretter que quelque chose n’y figure pas, mais elle a aussi le mérite de rendre constitutionnelles les redevances des agences de l’eau ou de préserver les milieux aquatiques ! La police de l’eau ne peut plus attendre. L’ONEMA n’est pas une vague structure de plus, mais une institution qui permettra d’appréhender tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés.

Tout le monde attend cette loi, Monsieur Chassaigne, y compris vous-même, j’en suis persuadée. Il est important qu’elle soit votée, pour que nous puissions nous appuyer sur un cadre législatif, pour que les agences de l’eau, au moment où elles vont mettre leur neuvième programme en route, sachent à quoi s’en tenir, pour que les communes rurales soient assurées de recevoir 150 millions par an en moyenne sur six ans pour effectuer des travaux. Il fallait avoir un certain courage pour défendre ce texte, un courage que vous avez tous eu en travaillant de manière consensuelle et constructive. Ne retardons pas davantage le vote : nous paralyserions des évolutions attendues et utiles, notamment dans les régions menacées par la sécheresse (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Jean Launay - M. Chassaigne a souligné l’évolution des esprits : chacun, désormais, comprend que l’eau est un bien rare, sur lequel les évolutions climatiques ont un impact important. Cette prise de conscience est à même de favoriser l’adoption de politiques qui s’attaquent à la fois aux graves pollutions actuelles et au problème de la gestion quantitative de la ressource. Notre collègue a également démontré que nos comportements passés ont souvent été fautifs et que la solidarité amont-aval est une réalité. Il a évoqué le besoin de réorienter l’agriculture vers des productions moins consommatrices d’eau, de restaurer la qualité des cours d’eau, de mieux préserver les zones humides et de combattre l’artificialisation des terres.

En soulignant les importants profits des exploitants des réseaux – pour la plupart publics – d’eau et d’assainissement, il a aussi rappelé l’exigence d’une maîtrise publique de la chaîne de l’eau, du prélèvement de la ressource au traitement, et en tout cas la nécessaire participation des élus aux instances concernées. Il a aussi montré l’importance d’une implication étroite des élus dans le dialogue avec les usagers de l’eau, pour encourager une véritable appropriation du problème, il a justement mis l’accent sur la stabilité des moyens qui devraient être consacrés à la reconquête de la qualité de l’eau.

Madame la ministre, vous avez bien voulu honorer André Chassaigne d’une réponse. J’en suis heureux pour lui, ayant eu moins de chance ce matin. À croire que la pédagogie de la répétition produit ses effets ! Certes, le débat doit avoir lieu, mais sur les bases du bon diagnostic préalable. Nos deux motions auront eu le mérite de le poser. L’enjeu est celui du bon état écologique et de la qualité retrouvée. Cette motion était donc utile et nous la voterons (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jérôme Bignon – Qu’un projet puisse être amendé n’est pas douteux : notre droit d’amendement est imprescriptible et les mille amendements qui ont été déposés sont là pour le prouver. Mais qu’on puisse soutenir qu’il n’y a pas lieu de délibérer sur un tel sujet paraît vraiment excessif. Du bucolique au dogmatique, Monsieur Chassaigne, vous êtes passé d’un pas allègre et je ne vous répondrai que sur votre première partie, laissant la discussion sur le Gosplan aquatique à d’autres lieux.

Le très sérieux travail effectué par nos rapporteurs, la qualité de la discussion en commission, à laquelle vous avez largement participé, sous l’autorité du président Ollier, permettent parfaitement de passesr à l’examen du texte. Il y a quelques semaines, dans les Échos, Michel Rocard soulignait que l’eau est d’une importance vitale et que l’humanité avait vécu largement pendant plus de dix millénaires, en la puisant, l’usant et la rejetant sans se poser de questions. Or, nous pourrions bien finir par en manquer et les combats qui ont lieu autour du pétrole donnent une idée des effets dramatiques que produirait ce manque d’eau. Un milliard et demi d’habitants de la planète n’ont pas accès à l’eau potable, de nombreux enfants meurent chaque jour du manque d’eau. Les habitants des pays industrialisés consomment de 400 à 600 litres d’eau par jour, ceux d’Afrique subsaharienne 20 seulement ! Ces considérations montrent que la France porte une responsabilité particulière, en raison de son engagement en faveur de l’environnement et du développement durable. L’actualisation des deux lois fondatrices de 1964 et de 1992 est une nécessité.

Le constat, partagé par l’ensemble des spécialistes, est celui d’une dégradation de la ressource en eau. Il est nécessaire et urgent d’améliorer la protection qualitative de la ressource, mais ce n’est pas suffisant. Il faut également mieux la gérer, car le fait qu’elle soit abondante dans notre pays n’empêche pas qu’il connaisse chaque année de larges zones de sécheresse. L’assainissement des eaux usées constitue aussi un enjeu essentiel : il faut aider les communes rurales à faire face à l’obligation, mal préparée en 1992, d’organiser l’assainissement non collectif, ce qui rend plus évidente encore la nécessité de délibérer sans délai.

Quels sont les objectifs que le débat dont veut nous priver M. Chassaigne doit atteindre ? D’abord, mettre la France en conformité avec ses obligations communautaires. La directive-cadre de 2000 a fixé des échéances qui se rapprochent à toute allure. Il faut agir sans tarder, pour pouvoir appliquer la réglementation communautaire dans le dialogue en fonction d’une vision partagée, plutôt qu’à l’aide de mesures coercitives. Ensuite, rendre le dispositif de redevance des agences de l’eau constitutionnel. C’est urgent. L’occasion n’a pas été saisie, en 1992, de tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel de 1982.

M. le Rapporteur pour avis – Eh oui !

M. Jérôme Bignon - Les autorités de l’époque n’avaient pas réalisé l’importance de la question. Nous ne manquerons pas cette occasion de corriger le tir. Enfin, améliorer la gouvernance dans le domaine de l’eau. Les personnes et les dispositifs susceptibles d’intervenir sont nombreux et manquent de cohérence. Raison de plus pour délibérer, afin de donner à l’organigramme du pouvoir de décision une structure pyramidale, pour que ses orientations soient traduites le plus efficacement possible.

Nous sommes tous conscients de l’urgence, de la pertinence, de la nécessité. Nous sommes tous conscients que, sur les mille amendements qui ont été déposés, de nombreux, qui enrichissent le texte, seront acceptés par le Gouvernement. Ce débat doit avoir lieu. Ne le retardons pas davantage. Le groupe UMP vous invite à rejeter cette question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. François Sauvadet – Monsieur Chassaigne, nous ne vous suivrons pas sur la voie que vous voulez nous tracer. Vous qui connaissez le Règlement, vous savez que la question préalable vise à faire décider qu’il n’y a pas lieu de délibérer. Or vous avez pris une part active au débat en commission et vous avez déposé des amendements, ce qui montre que vous-même êtes prêts à délibérer !

Mme la ministre a souligné les enjeux liés à l’adoption de ce texte. Nous aurons notamment un débat sur les assurances qu’il convient de donner aux communes rurales, au terme d’une longue période de réflexion sur les systèmes d’assainissement, sur la préservation de l’eau potable, sur la mise en place des services publics d’assainissement non collectifs.

Nous partageons tous le même objectif, Monsieur Chassaigne : progresser d’ici à 2015 dans la protection de ce patrimoine commun qu’est l’eau. Nous devons pour cela nous dégager de nos a priori et nous doter d’outils modernes, pour faire en sorte que les collectivités, les industriels, les agriculteurs s’engagement avec détermination pour la préservation de l’environnement.

Il est de notre responsabilité d’arbitrer, et il nous faut le faire aujourd’hui, entre deux aspirations tout aussi légitimes : la préservation de l’environnement et la poursuite du développement économique. Cela passera plus par la voie de l’incitation que par celle de la contrainte : c’est dans cette philosophie que le groupe UDF s’inscrit. Il est temps désormais de passer aux choses sérieuses, Monsieur Chassaigne : examiner nos amendements, comme les vôtres (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

discussion générale

M. Jean Gaubert - Beaucoup a déjà été dit par M. Launay et je me bornerai donc à évoquer quelques points, quitte à ce que mon intervention paraisse un peu décousue.

Nous avons été accusés de ne pas avoir fait ce qu’il fallait en 2002. Mais vous êtes au pouvoir depuis quatre ans et c’est seulement aujourd’hui, treize mois après une première lecture au Sénat, que le troisième ministre de l’environnement nous présente ce projet de loi ! Certes, ce texte, comme tous les autres, ne contient pas que des mauvaises mesures, mais nous sommes loin du compte et nous tâcherons de l’améliorer en le rendant plus compatible avec les enjeux, sur lesquels existe un consensus.

Le principe pollueur-payeur et son corollaire, le principe « pas pollueur-pas payeur », ne marquent pas vraiment ce projet de loi. Mais il est injuste et malhonnête de comparer la redevance annuelle acquittée par certains et la subvention pour investissements, qui ne sera perçue qu’une fois. Ayons donc un débat de fond, et posons les vrais problèmes, afin de trouver les solutions adéquates.

Monsieur le rapporteur, vous nous avez accusés de défendre la répression, tandis que vous optiez pour la persuasion. C’est là un raccourci que vous ne devriez pas emprunter.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire - C’est moi qui l’ai dit, et je l’assume.

M. Jean Gaubert – Alors M. le rapporteur l’a répété ! Il faut à la fois la répression et la persuasion. Vous qui avez installé des radars sur les routes savez bien qu’il faut un bâton pour que les gens s’assagissent. De la même manière, beaucoup auront du mal à comprendre qu’il est de leur intérêt de faire des efforts pour réduire la pollution de l’eau.

Quand, en 2002, le Gouvernement a laissé entendre en Bretagne que les obligations environnementales seraient assouplies, les dépôts des projets de traitement du lisier se sont espacés, alors qu’il y avait urgence. Pire, ceux qui avaient déjà investi se sont sentis dupés. C’est là que réside l’intérêt de la répression et des dates butoirs.

M. le Rapporteur pour avis - Ce n’est pas la panacée !

M. Jean Gaubert - Je voudrais également évoquer le problème des algues vertes, qui concerne plus particulièrement la Bretagne, mais aussi, maintenant, d’autres régions. On accuse souvent les productions hors sol d’être à l’origine du phénomène. Mais si celui-ci est lié aux pollutions par les nitrates et les phosphates – qui proviennent d’ailleurs aussi de l’épuration urbaine –, il est également accentué par les caractéristiques géographiques : baies fermées, estrans plats, forts écarts entre marées. Ce problème est donc plus difficile à régler qu’on ne l’imaginait. Nous déposerons un amendement à l’article 31, afin que les régions puissent, en tant que chef de file, expérimenter des programmes de gestion adaptés.

Les barrages construits sur les cours d’eau à faible débit constituent un autre problème. Les utiliser comme soutiens d’étiage, ainsi que le souhaitent certains, conduirait à priver les habitants des réserves d’eau. Nous ne pouvons que restituer à l’aval ce qui entre en amont.

Enfin, je voudrais aborder la question de la tarification de l’eau. Nombre d’associations trouvent scandaleux de pratiquer l’abonnement, c’est-à-dire un forfait non lié à la consommation d’eau. Mais le supprimer reviendrait à exonérer de tout paiement ceux qui ont d’autres ressources et qui ne recourent au réseau public que comme à une assurance, lorsque ces ressources viennent à manquer. C’est le cas dans ma région des usines d’agro-alimentaire. Il ne faudrait pas que ces gens ne contribuent en aucune façon aux investissements consentis pour faire face aux périodes de sécheresse !

M. François Sauvadet - Très bien !

M. Jean Gaubert - Il serait également paradoxal de ne pas faire payer les résidences secondaires, dont les propriétaires, s’ils ne consomment que quelques semaines par an, ont suscité de forts besoins d’investissement.

Bref, il ne s’agit pas de rendre obligatoire l’abonnement mais de laisser la liberté aux élus de le pratiquer dans les régions où cela paraît juste. Son montant devra être calculé en fonction des investissements consentis pour mettre l’eau à disposition de l’abonné, que celui-ci en use ou non.

M. François Sauvadet - Très bien !

M. Jean Gaubert - Voilà les quelques vérités, pour certaines partagées, dont nous n’aurons plus peut-être l’occasion de discuter au cours du débat et que je désirais rappeler à tous ceux qui n’ont pas pu étudier ce dossier de l’eau au fond (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. François Sauvadet – Nous entamons enfin l’examen de ce projet de loi sur l’eau au terme d’un long parcours législatif. Le texte présenté en 2002, examiné en première lecture à l’Assemblée en fin de législature, a été rangé dans les cartons suite au changement de majorité. Le groupe UDF espère que celui-ci, dont la philosophie est fort différente, sera adopté et rapidement appliqué afin que nous puissions atteindre l’objectif fixé par la directive européenne, celui d’un bon état écologique de l’eau en 2015. Pour cela, il faudra consentir des efforts importants et partagés. La préservation de l’eau qui, chacun en est d’accord, constitue un enjeu majeur non seulement en termes qualitatifs mais aussi en termes quantitatifs. Avec le réchauffement climatique et la sécheresse, se posent de plus en plus la question de la ressource et, partant, du partage de l’utilisation de l’eau. Avec cette loi, le Parlement fixe un cadre national tout en laissant une part d’autonomie aux régions, afin que la politique de l’eau soit adaptée aux réalités locales, différentes selon que l’on se trouve dans l’Ouest ou le Sud de la France.

Le texte que l’on nous présente aujourd’hui est équilibré. Il réaffirme le rôle de premier plan que jouent les collectivités dans l’approvisionnement en eau de qualité - nous devrons d’ailleurs avancer sur la question des moyens qui leur sont consentis afin de répondre aux inquiétudes qui se sont fait jour, notamment en zone rurale. Il conforte les agences. Il vise également à responsabiliser les acteurs et non pas, comme ce fut trop souvent le cas par le passé, à désigner de commodes coupables. Nous devons concilier les enjeux écologiques et économiques et non pas les opposer. Je tiens d’ailleurs à saluer l’approche pragmatique qui a été celle du rapporteur en commission, et qui l’a conduit à accepter certains de nos amendements. Espérons que les déclarations de Mme la Ministre l’inciteront à conserver cette attitude en séance.

Je voudrais maintenant rappeler les principes auxquels l’UDF est attachée. Tout d’abord, l’argent de l’eau doit impérativement servir à financer la politique de l’eau. M. Santini le sait mieux que personne, les ressources des agences de l’eau ont longtemps été utilisées à d’autres fins. Au regard des missions qui leur sont confiées, c’est inacceptable et nous espérons, Madame la Ministre, que vous nous répondrez sur ce point essentiel. Afin de garantir l’utilisation des sommes collectées, nous soutiendrons la proposition de M. le rapporteur pour avis, précisée par M. de Courson, de créer au sein de chaque agence de l’eau un fonds de réserve spécial. D’ailleurs, il nous semblerait plus juste de parler de différés de paiement, plutôt que de réserves d’excédents.

Mme la Ministre – Des excédents, il n’y en a plus !

M. François Sauvadet – En tant que membre d’un comité de bassin, je sais combien les problèmes financiers sont réels. Dans la même logique, nous proposerons des amendements afin que le budget de l’ONEMA, financé par les agences de l’eau, soit utilisé pour financer les missions qui lui seront confiées par la loi. D’autre part, nous avons souhaité que le monde de la pêche, qui participe à la préservation des espaces naturels, ait sa place dans la réflexion sur la politique de l’eau.

Autre principe souvent évoqué, celui du pollueur-payeur. S’il était appliqué strictement – celui qui paye peut polluer –, il ouvrirait un droit à polluer.

M. le Président de la commission – C’est une politique de riches !

M. François Sauvadet – Par conséquent, il faut veiller à le mettre au service de l’encouragement des bonnes pratiques industrielles et agricoles. Comme d’autres, je tiens à rappeler les efforts considérables accomplis par le monde agricole. La création d’un fonds de garantie des risques liés à l’épandage agricole des boues industrielles et urbaines me semble répondre à cette exigence d’une responsabilité partagée. En complément, nous proposerons que les agriculteurs soient aidés, par une formation adaptée à l’agriculture raisonnée, dans leur effort pour maîtriser le recours aux intrants.

Il faut viser au partenariat entre tous les acteurs de l’eau. Pour l’UDF, c’est le seul moyen de lutter efficacement contre toutes les formes de pollution. Pour ce faire, nous proposerons la mise en œuvre d’une fiscalité verte – abattements fiscaux, dégrèvements –, afin d’inciter davantage les industriels et les agriculteurs à réduire la pollution. Enfin, tous les dispositifs que nous aurons adoptés devront être évalués. Si l’on veut atteindre l’objectif d’un bon état écologique en 2015, il faut développer cette culture de l’évaluation et fixer des rendez-vous réguliers.

M. le Président de la commission – Monsieur Sauvadet, vous avez été entendu !

M. François Sauvadet - Troisième point, le rôle des agences a été confirmé, ce dont nous nous réjouissons car elles ont prouvé leur efficacité. Il faut leur conserver ce caractère de véritables « parlements de l'eau » où utilisateurs et élus sont présents à parité. Nous avons proposé avec M. Santini, dans un amendement repris par le rapporteur, de revenir à la composition initiale du comité de bassin, c'est-à-dire 40 % de représentants des collectivités territoriales, 40 % de représentants des usagers et 20 % de représentants de l'État.

Quelques mots de la constitutionnalité des redevances. Je souhaite sécuriser les redevances – c’est l’un des buts de ce projet de loi – tout en laissant une marge de manœuvre aux agences. C’est le sens de l’amendement que je présenterai sur ce point.

D’autre part, je voudrais réaffirmer la responsabilité première des collectivités locales, principe tout à fait conforme à la directive qui précise que les décisions doivent être prises « à un niveau aussi proche que possible des lieux d'utilisation ou de dégradation de l'eau ». Ces collectivités doivent avoir les moyens d’assumer leurs fonctions. Comme M. Goubert, je pense que les collectivités doivent pouvoir maintenir un abonnement : il ne serait pas normal que le coût des investissements pèse seulement sur les utilisateurs permanents de l’eau, et ne soit pas également supporté par les résidents secondaires.

M. Martial Saddier - Très bien !

M. François Sauvadet – Un seul regret : il concerne la suppression de la taxe pour la collecte, le transport, le stockage et le traitement des eaux pluviales et de ruissellement et du fonds départemental pour l'alimentation en eau et l'assainissement. Habituellement réservé quand il s’agit de créer de nouvelles taxes, je considère – mais je crains bien d’être le seul, y compris à l’intérieur de mon groupe - qu’il s’agit là d’une nécessité. Nous devons nous doter des moyens financiers qu’exige la politique de l’eau. Quant au fonds départemental, sa création me semblait également indispensable pour assurer la solidarité départementale, notamment à l’égard des communes rurales. Il faut que les communes puissent faire face aux enjeux, d’autant que les populations en sont de plus en plus conscientes.

M. François Sauvadet – Enfin, Madame la Ministre, je me réjouis de votre détermination quant au problème des eaux libres et des eaux closes. J’espère que vous ne baisserez pas la garde durant le débat. J’y veillerai. La définition, issue du rapport Vestur et fondée sur le critère du passage ou non des poissons, me semble en effet de nature à régler bien des difficultés.

Je salue l’esprit d’ouverture de Mme la ministre et de MM. les rapporteurs. Nous présenterons quant à nous des amendements concernant notamment la place des zones rurales. Ainsi, je suis favorable à la mention dans la loi d’un pourcentage et non d’une somme s’agissant du financement prévu dans le cadre de l’ex-FNDAE. Nous soutiendrons la philosophie de ce texte, Madame la ministre, et d’autant plus que vous retiendrez nombre de nos amendements ! (Sourires ; applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. Claude Gaillard – Le paysage français de l’eau est singulier : depuis quarante ans, notre pays est divisé en six grands bassins. Je me réjouis que les DOM-TOM s’organisent progressivement et que deux offices aient déjà été créés car ce système a fait ses preuves. C’est d’autant plus remarquable que, président d’un comité de bassin depuis plus de dix ans, je sais combien une telle organisation pourrait ne pas fonctionner sur un vaste territoire où se trouvent d’un côté l’agence de l’eau et de l’autre le comité de bassin. Contrairement à ce que disait M. Launay ce matin, des progrès ont été réalisés et des rivières sont en meilleur état - le saumon est ainsi revenu dans les eaux du Rhin.

Peu de textes ont finalement été présentés sur la question de l’eau. La loi de 1992 a considéré l’eau comme un patrimoine collectif national, elle a élaboré les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux, et elle a institué les préfets coordinateurs de bassin. La loi de 2003 relative aux risques naturels a quant à elle abordé le problème des inondations et la directive cadre a été transposée. La loi Oudin-Santini, enfin, a joué un rôle majeur et le plan santé-environnement de 2005 a mis en évidence les problèmes liés aux captages.

Une modernisation était donc nécessaire, et en particulier concernant les redevances. En la matière, le politique doit primer et le Parlement doit pouvoir délibérer sur les montants prélevés –je rappelle qu’ils s’élèvent annuellement à deux milliards. C’est une exigence démocratique. Des juristes considèrent d’ailleurs que, depuis l’adossement de la Charte de l’environnement à la Constitution, cela peut être possible. Ce texte est d’autre part ambitieux sur le plan écologique : gestion mieux partagée des rivières – énergie hydraulique, pisciculture – préservation des écosystèmes, débit réservé, exigence de continuité écologique, rôle de Voies navigables de France, sanction en cas de destructions de frayères, meilleure gestion quantitative, préservation des captages, contraintes en matière d’irrigation. L’installation de compteurs individuels constitue également une avancée considérable, de même que la réduction des pollutions ou les obligations de résultats et non de moyens – il était ainsi prévu en 1992 que toutes les communes devaient être dotées de service public en matière d’assainissement non collectif à la fin de 2005. Or, ce n’est aujourd’hui le cas que de 20 % d’entre elles.

Sur le plan agricole, la pollution par les nitrates est souvent évoquée, notamment dans la presse. Mais ce problème, pour l’essentiel, est maintenant derrière nous grâce à l’écoconditionnalité ou aux opérations Ferti-Mieux ou Agri-Mieux. Le problème des produits phytosanitaires est autrement plus actuel et plus grave car il touche à la santé publique.

Mme la Ministre - En effet.

M. Claude Gaillard – Le Gouvernement en a conscience en proposant de multiplier par 2,5 les taxations et les redevances. Les factures d’eau seront également plus lisibles grâce à la pose des compteurs individuels, y compris dans les immeubles où jusqu’ici les taxes étaient incluses dans les charges locatives. L’interdiction des dépôts et des cautions me semble constituer une importante avancée sociale, de même que les tarifications incitatives. Enfin, ce que j’appellerai l’organisation du paysage de l’eau était jusqu’ici très complexe puisqu’elle relevait d’une dizaine de ministères. Les prélèvements Voynet et Bachelot ont fait à ce propos un mal considérable.

M. François Sauvadet - C’est exact.

M. Claude Gaillard – 45 millions ont ainsi été prélevés dans mon bassin. Désormais, l’agence et le comité seront les acteurs principaux et les responsabilités seront plus claires.

M. François Sauvadet - Il faudra être vigilants quant aux moyens dont ils disposeront.

M. Claude Gaillard – Enfin, la gestion de l’office national de l’eau et des milieux aquatiques me semble plus démocratique que lorsque tout dépendait de Bercy.

S’agissant des responsabilités, nous savons ce qui incombe au Parlement – fixation des assiettes, des maxima, du neuvième programme – et aux comités de bassins – notamment leur contractualisation avec les départements. Il me semble satisfaisant que dans les bassins, aucun collège n’ait la majorité absolue – les représentants des usagers disposeront ainsi de 40%, comme les élus. Enfin, le texte confirme l’exercice de la solidarité territoriale, et c’est là encore une bonne chose.

Je remercie Mme la ministre. J’apprécie le travail de M. le rapporteur ainsi que sa volonté de cohérence et de simplification. Ce projet constitue une grande avancée, que je salue. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF)

M. William Dumas – La question que nous abordons aujourd’hui est capitale. Élément essentiel à la vie, l’eau est au cœur de toute activité humaine. Toutes les civilisations se sont développées autour d’elle : l’aqueduc du Pont du Gard témoignait déjà de la volonté de l’homme de maîtriser et réguler l’approvisionnement en eau. Nous avons enfin pris conscience que l’eau est un bien précieux et collectif qui se raréfie, qu’elle n’est pas un bien marchand comme les autres. L’État a donc le devoir de mettre en place les contrôles nécessaires pour renforcer le droit à l’eau pour tous.

L’eau est aussi nécessaire à l’activité économique, que ce soit dans l’agriculture, le tourisme et les loisirs ou la production hydroélectrique. Là aussi, notre société se doit de fournir des volumes d'eau maîtrisés à des prix raisonnables.

La gestion de l'eau requiert un contrôle et une régulation par la puissance publique pour relever les défis de besoins d'eau et de conflits d’usage croissants, mais aussi de la préservation de la biodiversité et de notre écosystème. C'est tout l'objet d'une loi sur l'eau. Si le contrôle et la régulation sont défaillants, c'est a posteriori que nous devrons traiter le problème de la gestion de la ressource, avec des investissements de plus en plus lourds et coûteux : assainissements collectifs et autonomes, dépollution des nappes phréatiques, réparation des dégâts des crues et des inondations…

En ce qui concerne la préservation de notre environnement et le développement durable, la directive cadre européenne que nous avons transposée en avril 2004 nous demande de parvenir à un bon état écologique en 2015 et nous fixe une obligation de résultat. La rédaction qui nous est proposée n'est pourtant pas à la hauteur des enjeux. Le problème majeur de la pollution des ressources en eau, notamment, n'est pas traité de manière satisfaisante. Je comprends vos réticences à inscrire le principe pollueur-payeur dans la Charte de l'environnement : votre texte le respecte si peu qu’une association de consommateurs a pu dire qu’il instaurait le principe du pollué-payeur. Nous pouvons encore redresser la barre et amender ce projet pour qu'il assure le respect du principe pollueur-payeur, notamment lorsque nous discuterons de l'article 37 et des redevances pour pollution de l'eau.

Il ne s'agit pas de revenir sur la solidarité que nous devons à notre agriculture en crise. Les sommes collectées par ces redevances devraient permettre de mieux aider les agriculteurs à généraliser des pratiques agronomiques raisonnées.

Il revient à l'Etat d'exprimer la solidarité nationale au travers des dotations et de la redistribution entre les territoires. Le maintien d’une solidarité entre le monde rural et le monde urbain, en particulier dans le domaine de l'eau, est à cet égard fondamental. Pourquoi la loi de finances rectificative de décembre 2004 a-t-elle supprimé le Fonds national pour le développement des adductions d'eau – FNDAE ? Ce fonds permettait en effet de prélever une taxe sur toutes les consommations, urbaines comme rurales, au bénéfice des communes rurales, afin de les aider à faire face à un coût de distribution et de traitement nettement plus élevé qu’en milieu urbain. De nombreuses communes de nos Cévennes sont composées de plusieurs hameaux éclatés : il faut parfois dix à quinze kilomètres de canalisations pour les relier aux différents réseaux, ce qui représente un coût prohibitif pour leur budget. Si le FNDAE n'est pas rétabli, il faut mettre en place une péréquation nationale. Vous avez fait en sorte que cette solidarité entre mondes rural et urbain soit assurée par les agences de l'eau, ce qui est un moindre mal. Encore faut-il garantir, dans le budget des agences, que cette solidarité s'exprimera de manière claire. Autrement, la pression des grands élus urbains au sein des comités ou des conseils d'administration d'agence…

M. Michel Bouvard - Très juste !

M. William Dumas - … risque d’en avoir vite raison.

Nous constatons hélas que le mécanisme national de solidarité envers les communes rurales disparaît, mais aussi que les sommes réintégrées au budget de l'Etat ne sont toujours pas transférées aux agences, ce qui est à la fois indu et injuste. Le Sénat a rétabli la possibilité de créer des fonds départementaux pour l'alimentation en eau et l'assainissement, qui avait disparu du texte après son passage au Conseil d'Etat. Une fois de plus, on demande aux départements de suppléer au désengagement de l'Etat. Cette solution de repli fait fi de la solidarité entre l'urbain et le rural, et les départements les plus pauvres ne pourront pas faire face à la situation.

M. François Sauvadet - C’est vrai !

M. William Dumas - Nous n’aurons donc de cesse de rappeler que c'est à l'Etat qu'il incombe d'assumer la solidarité nationale et la péréquation nécessaire pour parvenir à la réduction des inégalités entre les hommes et les territoires.

Retenu dans sa circonscription, mon collègue François Brottes s’excuse de ne pouvoir intervenir. Il m’a demandé de lire le texte qu’il avait préparé, ce que je fais bien volontiers.

De la cascade au ruisseau, du glacier au torrent, du névé au lac, tout rappelle l'importance de l'eau en montagne. Ressource naturelle, elle devient richesse quand elle fait l'objet d'une appropriation et revêt alors une valeur économique. Mais elle est aussi contrainte, puisqu'elle crée une difficulté à la mise en valeur.

La montagne étant caractérisée par une combinaison de volume, d'altitude, de dénivellation et de pente, la place et le rôle de l'eau ne sont pas les mêmes qu’en plaine.

M. Michel Bouvard - Très juste !

M. William Dumas – Plus présente mais inégalement répartie, elle est au cœur des géosystèmes montagnards. Le texte que nous examinons doit prendre toute la mesure de cette spécificité.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. William Dumas – On dit communément que la montagne est un « château d'eau » dont profite tout le territoire. Si la population de la montagne ne préserve pas ces ressources, cette richesse est dilapidée. Si le territoire français dispose d'eau, c'est essentiellement grâce aux zones de montagne, qui assument des actes d'entretien et de protection pour préserver la qualité de l'eau en amont. Cette richesse est mise gratuitement à la disposition du reste du pays. La reconnaissance de tous pour ce service d'intérêt général passe nécessairement par l'affirmation d'une solidarité de l'aval vers l'amont.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. William Dumas – La montagne se singularise aussi par la part prédominante qu’elle occupe dans la production hydroélectrique et l'énergie réservée, et la nécessité d'extraire régulièrement du lit des cours d'eau les amas de granulats qui en modifient le cours.

Dans le cadre du dispositif qui nous est présenté, des améliorations sont proposées qui se rattachent, soit au principe de solidarité, soit à la spécificité de la montagne. Des mesures particulières doivent garantir aux territoires de montagne un juste « retour ». Il s'agit de tenir compte des surcoûts réels de la gestion de l'eau en montagne, liés à la rigueur climatique, qui impose des adaptations techniques des équipements de distribution, de collecte et de traitement, et aux fortes variations saisonnières de population. Cette réalité objective légitimerait le principe d'une majoration des subventions aux stations d'épuration de montagne inscrit dans la loi.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. William Dumas - De même, les modalités de tarification devraient tenir compte des variations démographiques saisonnières. L’article 27 le permet, mais il faudra préciser sa rédaction.

Il faut enfin s'interroger sur les effets négatifs que pourrait induire un nouveau zonage des « bassins d'alimentation des captages d'eau potable existants ou potentiels » - article 14 -, qui pourraient alors aller au-delà des périmètres actuellement imposés par la réglementation sanitaire.

Il est également légitime de renforcer la solidarité envers la montagne dans le cadre d'une véritable péréquation au sein des bassins versants. Désormais, « l'agence de l'eau attribue des subventions en capital aux collectivités territoriales et à leurs groupements pour l'exécution de travaux d'adduction en eau potable et assainissement dans les communes rurales» - article 35. Cela doit s'accompagner de moyens financiers réels. L’enveloppe affectée au FNDAE, qui a été diminuée de moitié en 2003, doit donc être reconstituée à hauteur de 150 millions d’euros. La concertation entre agence de bassin et conseils généraux doit permettre une approche adaptée pour l'eau et l'assainissement. Lors de la réunion de mars dernier du Groupe d'études sur la montagne de notre Assemblée, vous ne vous y êtes d’ailleurs pas opposée, Madame la ministre.

L’affectation des subventions doit tenir compte de l’importance des besoins de renouvellement et d’entretien des équipements d'adduction d'eau potable en milieu rural et montagnard. En matière d'assainissement, les subventions des agences, accordées principalement à l'assainissement collectif, devraient s'étendre à l'assainissement autonome.

D'autres mesures doivent tenir compte des particularités physiques des cours d'eau de montagne. Ce texte réforme les instances gestionnaires de l'eau ; reconnaissons donc la spécificité de la montagne dans la nouvelle organisation institutionnelle. Cela suppose que les territoires de montagne disposent d'une représentation, en tant que telles, au sein des établissements publics territoriaux de bassin. Les collèges d'élus et d'usagers des comités de bassin, agences de l'eau et commissions locales de sous-bassin pourraient ainsi comprendre une représentation minimale des territoires fournisseurs de la ressource en eau. Cette précision d'ordre réglementaire fera l'objet d'un amendement d’appel. Les commissions locales devraient d’autre part disposer d'un avis impératif lorsqu'elles sont consultées sur des projets qui concernent directement et exclusivement le territoire qu'elles recouvrent.

L’entretien des cours d'eau, en particulier des torrents, présente de fortes spécificités en montagne. Les travaux de sécurisation des torrents devraient obligatoirement y être pris en compte dans les contrats de rivière. Pour assurer un meilleur entretien des berges, il faudrait renforcer les pouvoirs de police du maire afin d'intervenir au plus vite, faciliter l'accès aux berges des collectivités territoriales, voire leur acquisition par ces collectivités, aligner l'entretien courant des rivières sur celui des bâtiments communaux et d'attribuer de nouveaux moyens aux établissements publics territoriaux de bassin - notamment les bénéfices de l'extraction des granulats, autorisée dans les torrents de montagne pour des raisons de sécurité.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. William Dumas - D’autres mesures pourraient trouver leur place dans ce projet : modulation des débits réservés en fonction des spécificités territoriales locales ; encadrement des coûts des contrôles sanitaires auxquels sont astreintes les collectivités locales, particulièrement sensibles pour les collectivités de montagne – on relèvera l'aberration des normes européennes, en matière d'arsenic par exemple ; adaptation de la taxe sur la participation aux voies et réseaux – PVR.

Les modifications les plus notables apportées par le Sénat portent notamment sur l’hydroélectricité qui, d’activité perturbatrice pour l’environnement, est devenue une production énergétique vertueuse.

Après avoir attiré la population des villages d’altitude vers les centres industriels des moyennes et basses vallées alpines, l’industrie fondée sur l’hydroélectricité a décliné dans les Alpes du Nord, où de nombreuses usines ont fermé, laissant de graves problèmes de pollution comme dans la vallée de la Romanche. La présence des ouvrages hydroélectriques même a eu elle aussi des conséquences sur l’environnement. En effet, les concessions jusqu’ici accordées à EDF lui imposaient des activités annexes liées à l’accessibilité de ses équipements – entretien de routes, de téléphériques…–, déterminantes pour le pastoralisme et les économies locales. Or, les progrès technologiques permettant de plus en plus de gérer ces équipements à distance, notamment par le biais de la télématique et de l’utilisation des hélicoptères, le risque existe que les nouvelles concessions n’imposent plus ces missions-là à EDF. La loi devrait obliger les concessionnaires de barrages à poursuivre l’entretien des moyens d’accès par route prévus lors de sa création.

Je terminerai mon propos en évoquant un autre élément naturel-clé de la montagne, la forêt. La qualité de la gestion forestière est essentielle pour disposer d’une ressource en eau suffisante et de qualité. La forêt filtre les eaux sur une grande épaisseur, en retenant les éléments indésirables comme les nitrates, les phosphates, les métaux lourds, les pesticides. La plantation d’une forêt autour d’un captage peut assurer sa protection, le boisement jouant le rôle de couverture des eaux souterraines. Dans une logique de précaution, des techniques sylvicoles particulières s’imposent donc pour garantir une bonne qualité de la ressource en eau.

Outre qu’elle participe à la protection de la qualité des eaux, la forêt préserve également de risques naturels comme les glissements de terrain, les avalanches et les crues. Elle contribue également à la protection du patrimoine naturel – tourbières, mares, forêts alluviales et ripisylves. Elle peut donc regrouper autour d’objectifs communs des acteurs soucieux d’assurer une gestion durable des espaces et des ressources naturelles, notamment l’eau. La montagne et la forêt ne font très souvent qu’un. Ce projet de loi sur l’eau ne reconnaît pas aujourd’hui cette dimension à sa juste valeur. Je souhaite que le débat qui s’ouvre soit l’occasion de mieux reconnaître leurs rôles respectifs, au service d’une meilleure qualité de l’eau (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; M. Michel Bouvard applaudit également).

M. André Santini - Après une phase de concertation et de débat qui a duré près de deux ans, en avril 2005 le Sénat a voté en première lecture le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques, que nous allons, enfin, examiner après plus d'un an d'attente et de modifications de calendrier. Je tiens à vous remercier, Madame la ministre, de votre ténacité. J’avais été le rapporteur en janvier 2005 de ce qui allait devenir la loi Oudin-Santini, relative à la coopération internationale des collectivités territoriales et des agences de l'eau dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement, votée à l'unanimité. A l'époque, l'actualité tragique du tsunami avait confirmé les besoins immenses en matière d'accès à l'eau et à l'assainissement de par le monde. L’eau est en effet un problème mondial, européen – nous transposons aujourd’hui une directive –, national et local.

Présidant le comité de bassin Seine-Normandie et le plus grand service public de production et de distribution d'eau potable d'Europe, je vous soumettrai aujourd’hui les contributions des groupes de travail, aux membres desquels je rends hommage, mis en place dans ces institutions pour contribuer à l'amélioration de ce projet de loi.

L'eau est un sujet grave, qui réclame compétence et professionnalisme, loin des approximations récentes de l'UFC Que choisir, des affabulations de certains altermondialistes, de la volonté de certains de placer l'eau dans le champ du tout-concurrence ou d'en faire un produit low cost.

L’eau est un produit sanitaire et alimentaire, comparable à nul autre. C’est un bien public dont la gestion doit être publique. Les élus doivent en être les garants. A cet égard, il convient de réaffirmer expressément la compétence exclusive des communes en matière d'eau potable et d’assainissement. Je défendrai un amendement sur ce point.

M. François Sauvadet - Très bien.

M. André Santini – « L'eau doit payer l'eau », comme l’a rappelé notre collègue François Sauvadet. Sans remettre en question le principe de l'inaliénabilité du domaine public, l'eau ne doit pas financer indirectement, aussi utiles soient-elles, les infrastructures de transport ou leurs aménagements périphériques – tramway et transports en site propre notamment. D'autant que les transports publics sont largement subventionnés, à l'inverse de la production et la distribution d'eau. Je défendrai un amendement proposant qu’une convention répartisse la charge du surcoût des déplacements de réseaux éventuellement nécessités.

Comme je l'ai dénoncé dans ma tribune publiée dans Le Monde aujourd’hui, ce projet de loi crée un impôt sur l'eau. La France, grâce notamment aux agences de l'eau et aux comités de bassin, a su organiser sa politique de l'eau localement, en obtenant à cette échelle le consensus des parties. Or, c’est au moment même où ce modèle inspire les autres Etats de l'Union et devient une référence mondiale qu’on en remet en cause les principes.

Le projet de loi propose en effet d'étatiser les agences de l'eau en transformant les redevances qu'elles perçoivent en recette fiscale nationale. Or, ces redevances s'inscrivent directement dans la logique des articles 3 et 4 de la Charte de l'environnement, sur lesquels peut désormais se fonder la loi pour reconnaître aux agences un pouvoir que l'article 34 de la Constitution ne permettait pas de leur attribuer. En 1976, Michel Rocard déjà avait souligné la contradiction qu’il y avait à fiscaliser les redevances des agences. Que souhaite-t-on vraiment ? Se donner les moyens de protéger les ressources en eau ou bien budgétiser des ressources locales, dans l’objectif, peut-être lointain mais non moins réel, de les capter au profit de l'Etat pour d'autres affectations ?

S’il est légitime de souhaiter mettre un terme à l'incertitude constitutionnelle dans laquelle se sont développées les redevances de l'eau, il existe de meilleurs moyens que de les fiscaliser et de les plafonner à un niveau incompatible avec l'objectif assigné par la directive, à savoir atteindre, d'ici à 2015, le bon état écologique des eaux. La Charte de l'environnement, annexée en 2004 à notre Constitution, permet de sécuriser juridiquement l'existence de ces redevances, sans leur ôter la souplesse qui explique leur succès. C'est sur l'article 4 de cette Charte, qui dispose que « toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement dans les conditions fixées par la loi », que devrait s'appuyer la reconnaissance constitutionnelle des redevances de l'eau. J’ai déposé un amendement en ce sens.

La création de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques, quant à elle, paraît inutile. Les outils actuels - direction de l'eau du ministère de l'écologie et agences de l'eau-, sont suffisants pour assurer les missions qui seraient confiées au nouvel Office. Les 108 millions d’euros qu’il est prévu de lui affecter seraient plus utiles pour des actions de terrain. Je proposerai donc un amendement visant à supprimer l’ONEMA.

Je tiens à souligner l’excellent climat dans lequel se sont déroulés les travaux préparatoires, grâce au président de la commission et aux deux rapporteurs. Je tiens enfin à remercier les industriels, les pêcheurs, les agriculteurs, les représentants des associations de protection de l'environnement qui ont contribué à l'amélioration du texte.

L’exigence, réaffirmée par la directive, d'agir au plus près des réalités locales et en fonction de ces dernières, pourra ainsi être satisfaite et nous pourrons atteindre plus facilement un bon état écologique des eaux d'ici à 2015. A ces conditions, je voterai ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Michel Piron - Je vous prie d’excuser notre collègue Emile Blessig, empêché à la dernière minute de venir exposer personnellement l'intervention qu'il avait préparée.

Notre collègue tenait, notamment en tant que président de la Délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire de notre Assemblée, à se féliciter de l'inscription de ce texte à l'ordre du jour et de son contenu. Cette Délégation a en effet fait de la gestion de l'eau l'un des éléments prioritaires de sa réflexion. En 2003, elle avait confié à notre collègue Jean Launay, un rapport sur la modernisation de la gestion de l'eau.

M. André Chassaigne - Excellent rapport !

M. Michel Piron - En effet. Nous savons rendre hommage aux travaux de qualité, quelle que soit la couleur politique de leurs auteurs. En mai dernier, la Délégation a encore demandé à M. Launay d'analyser comment le projet de loi sur l’eau avait pris en compte les propositions du rapport d'information.

Convaincue du rôle structurant du bassin versant pour la gestion de l'eau sur le territoire, la Délégation mettait en avant l'intérêt des établissements publics territoriaux de bassin, les EPTB, groupements spontanément organisés par les collectivités locales pour la gestion de l'eau. Elle se réjouit de voir les EPTB institutionnalisés. Ce projet de loi conforte leur existence, rappelle qu’ils peuvent percevoir des redevances auprès des bénéficiaires de leurs actions et garantit leurs ressources, organisant notamment à l'article 35 la perception de ces redevances.

On pouvait avoir des craintes sur les conditions de fonctionnement du dispositif destiné à remplacer le Fonds national pour le développement des adductions d'eau. Le risque existait en effet qu’il ne soit pas convenablement alimenté. Le paragraphe II de l'article 36, qui dispose que « les contributions versées par les agences de l'eau au titre de la solidarité envers les communes rurales en application du VI du même article ne pourront être inférieures à 150 millions d'euros par an», répond à cette inquiétude. Dans ces conditions, la suppression des fonds départementaux pour l'alimentation en eau et l'assainissement est cohérente. La Délégation s'était d’ailleurs inquiétée des conditions dans lesquelles ils seraient créés et alimentés.

La Délégation approuve l'extension des prérogatives du Conseil supérieur de la pêche et sa transformation en Office national de l'eau et des milieux aquatiques, opérées par l'article 41. Cela permettra une plus grande cohérence et une péréquation. Au-delà de la solidarité à l'échelle du bassin, l’ONEMA sera également chargé de la solidarité à l'échelle nationale. Il faut se féliciter de l’institution à cette fin d'un financement par les agences de l'eau, même si son plafonnement à 108 millions d'euros par an a pu susciter quelques réticences.

Les dispositions proposées à l'article 37 permettront de mener une politique de redevances évolutive et réduisent le risque d’annulation du dispositif.

S’agissant enfin de la composition des comités de bassin, la Délégation à l'aménagement du territoire considère que l’influence des élus tient évidemment d’abord à leur implication et à leur capacité, face à l'Etat et aux industriels, à s'emparer des dossiers et à proposer des solutions.

En conclusion, ce texte va dans le sens d'un développement plus équilibré, durable et concerté (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDF)

M. Alfred Marie-Jeanne – Permettez-moi tout d’abord de rectifier une erreur : il n’y a plus six bassins versants, mais douze.

La Martinique était hier réputée pour la qualité de ses eaux. Hélas, elle n’a pas été épargnée par une contamination d'origines diverses, aggravée par tous ceux qui ont enfreint les interdits. Sans céder à l’affolement, il y a de quoi s'alarmer : les produits phytosanitaires à forte rémanence imprègnent tout ; les ravines, véritables cloaques, alimentent les rivières de leurs immondices par temps de pluie ; l'hyper-sédimentation s'accélère ; les réseaux d'assainissement n'assainissent pas convenablement ; les stations d'épuration n'épurent pas vraiment. Conséquences : les eaux souterraines sont polluées en maints endroits, dix sources sur quinze examinées ont été déclarées impropres à la consommation ; les eaux de transition et les mangroves sont altérées à 75 % ; les eaux côtières sont de plus en plus souillées. De plus, les réseaux d'adduction sont devenus poreux.

Le chantier est de taille pour revenir à un bon état écologique et chimique des masses d'eau superficielles et souterraines… Il convient de franchement changer de cap, en réduisant de façon significative les pollutions, en limitant l'utilisation des pesticides, et en créant des structures de gestion globale dotées de compétences et de moyens, ainsi que d’instruments de coercition.

La discussion de ce projet est un rendez-vous pathétique car, au-delà des coupables, chacun de nous est menacé. C’est aussi un défi, tant il est vital d'arrêter cette dégradation. Une réelle conscience écologique, une appréciation des besoins des utilisateurs et le choix d'une gestion maîtrisée peuvent seuls permettre le succès d’une réforme devenue incontournable.

La ressource potentielle ne manque pas à la Martinique : la ressource superficielle est estimée à 500 millions de mètres cubes par an, et les précipitations annuelles à deux milliards de mètres cubes. En revanche, la répartition spatiale et temporelle de l'eau est inégale, et l’autonomie de réserves est seulement de trois jours. Nul doute que l'augmentation des capacités de stockage et le rééquilibrage dans l'origine des ressources seraient des solutions à creuser ; actuellement en effet, 92 % des volumes produits proviennent d'eau de surface, 7 % d'eau de source et 1 % du forage. On pourrait ainsi limiter la rigueur des rationnements pour les habitants et les agriculteurs en période de carême.

Par ailleurs, les réseaux d'alimentation et d'assainissement sont dans un état de vétusté qui génère des pertes de l'ordre de 10,6 m3 d’eau par km et par jour. Il convient de faire les travaux nécessaires pour leur donner la résistance et la résilience adaptées à un pays à risques sismique, cyclonique et volcanique majeurs.

L'exigence de qualité des eaux suppose non seulement de maîtriser la pollution, mais de mener une politique de dépollution. Pour le chlordécone, par exemple, certaines sources dépassent de 35 à 44 fois la teneur légale ! Certes l’article 37 prévoit une redevance pour pollutions diffuses applicable aux produits anti-parasitaires à usage agricole ; mais il faut aussi penser à réparer les préjudices causés : pourquoi ne pas instituer un fonds spécifiquement dédié ? Je rappelle à cette occasion qu’il y a eu manifestement faute, ou connivence : comment des données scientifiques vieilles de trente ans ont-elles pu rester ignorées ? Aux Etats-Unis, l'interdiction de produire le chlordécone date de 1976, et le rapport Snegaroff est de 1977…

La situation en Martinique reste donc très préoccupante, et il paraît quasiment impossible de parvenir en 2015 à l'objectif du bon état écologique défini par la directive européenne, d’autant plus que les normes édictées ne sont pas adaptées au contexte tropical.

Ce tableau peut vous paraître sombre, mais croyez que je ne l'ai pas assombri… Nos choix doivent être adaptés à cette réalité.

Madame la ministre, au moment où de par le monde, des millions de personnes n'ont pas accès à l'eau ou meurent de maladies associées à elle, au moment où des expéditions sont lancées pour détecter sur certaines planètes éloignées des traces d'eau et donc des traces de vie, il serait un comble que là où il y a vie, il y ait de l'eau rendue impropre à l'homme par l'homme.

Mme Juliana Rimane - Très bien !

M. Louis-Joseph Manscour - Chacun a conscience que l'eau est un bien précieux, et qu’en dépit des apparences de la « planète bleue », elle n'est pas inépuisable. La question quantitative se doublant d’une question qualitative, on peut penser que l’eau sera au cœur des problématiques écologique, économique et politique du vingt-et-unième siècle.

Devant la menace, amplifiée par les dérèglements climatiques, de nombreuses voix se sont exprimées pour soulever divers thèmes d’interrogation. La France s'est dotée d'une réglementation et des premiers organes de gestion de l’eau dans la loi de 1964. Ces premiers éléments étant trop peu contraignants, la loi de 1992 a adopté une démarche planificatrice, avec la mise en place de schémas d'aménagement et de gestion des eaux – les fameux SDAGE et SAGE –, et une démarche interventionniste de police afin de réglementer les usages de l'eau. L'Union européenne, consciente de l'urgence d'une gestion coordonnée, a fixé en décembre 2000, dans une directive cadre, des objectifs à atteindre au plus tard en 2015. Après plus de cinq ans d'attente – de retard, devrais-je dire –, le Sénat a été saisi d'un projet de loi visant à « reconquérir la qualité des eaux». Un an plus tard, ce texte nous est soumis. Que d'années perdues !

Je souscris totalement a ce qu’a dit le collègue qui m’a précédé. Dans les DOM, le retard pris atteint son paroxysme. Faut-il rappeler que la loi sur l'eau du 16 décembre 1964 ne contenait aucune disposition concernant les DOM, que celle de 1992 n'a été appliquée outre-mer, par décret, qu'en 1995, et que ce n'est qu'avec la LOOM, en 2000, que furent créés les offices de l'eau en outre-mer ?

De plus la politique menée est inadaptée aux spécificités de l’Outre-mer.

En Martinique, dans ma circonscription, à l'occasion d'un projet de captage d'eau pour l'irrigation de la banane dans la charmante petite commune de Grand-Rivière, située dans l'extrême nord, nous avons pris récemment toute la mesure de l'inadaptation des dispositifs nationaux à notre contexte insulaire.

Les départements d'outre-mer connaissent effectivement de graves problèmes : exiguïté des territoires, sécheresses, déboisement excessif, pollutions des sols et des eaux notamment par des pesticides – plus particulièrement le chlordécone. Ces spécificités les obligent, contrairement à la France métropolitaine, à organiser leur autonomie en matière de production et de gestion de l'eau. C'est dire que l'outre-mer aurait dû tenir une place essentielle dans le texte. Or, le projet de loi ne risque pas de combler ces carences : malgré quelques avancées arrachées par les sénateurs de l'outre-mer, il ne prévoit ni les orientations, ni les moyens susceptibles de faire face aux problèmes qui se posent. Les perspectives, en dépit de votre optimisme, Madame la Ministre, sont peu réjouissantes : les Antilles, et plus singulièrement la Martinique, vont cumuler quarante ans de retard en matière de politique de l'eau et un manque de moyens pour l'avenir. Comment alors pourrons-nous respecter les objectifs fixés par l'Union pour 2015 ?

Madame la Ministre, les quelques amendements déposés par les députés d’outre-mer, de quelque bord qu’ils soient, amélioreront certainement votre texte. Pour ma part, j’en soumettrai plusieurs à la représentation nationale, dont l'un relatif au classement des ravines dans le domaine public fluvial et d'autres visant à améliorer les moyens des offices de l'eau des départements d'outre-mer. La problématique de l'eau en outre-mer est beaucoup plus complexe qu'on ne l'imagine et les réponses doivent obéir à une triple exigence : sauvegarder la ressource, établir un juste équilibre entre les contributions des différents utilisateurs de l'eau – à ce propos, il ne faut pas voir dans la notion de pollueur-payeur un aspect seulement répressif, mais aussi une dimension dissuasive – et surtout encourager les bonnes pratiques agricoles. Sur ce point, je tiens à féliciter la majorité des agriculteurs, qui s'inscrivent déjà dans une démarche de respect et de protection de l'environnement. Mais il reste beaucoup à faire dans ce domaine, et il faut nous y aider.

Pour conclure, Madame la Ministre, vous disiez ce matin que la directive-cadre de 2000 incitait la France à passer d'une logique de moyens à une logique de résultats. Les moyens prévus dans votre projet de loi sont insuffisants pour atteindre les résultats fixés par l'Union. Pour ma part, j'attendrai donc la suite de nos débats pour savoir si vous acceptez d'enrichir votre texte des dispositifs traduisant une véritable ambition pour la politique de l'eau outre-mer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Michel Bouvard – La discussion de ce texte intervient presque cinq ans après celle du projet de loi sur l'eau présenté par le gouvernement Jospin, inscrit à la toute fin de la législature et qui n'avait donc aucune chance de suivre un cours normal. Ces cinq années écoulées ont vu la réglementation européenne se préciser et ont été l'occasion de mesurer encore mieux la valeur d'une ressource que l'on croyait abondante et dont on connaît aujourd'hui la rareté et les conflits d'usage qu’elle peut susciter.

Si l’eau est une ressource rare, il faut préserver son renouvellement par traitement. Mais au-delà de cette question se posent toutes celles qui ont trait aux milieux aquatiques et aux cours d'eau, s’agissant notamment de la capacité des propriétaires, collectivités territoriales ou État, à assurer leur entretien. Je souhaite aborder ces questions du point de vue d’un élu de la montagne, car si nous sommes conscients de notre responsabilité dans la préservation durable d'une ressource indispensable à la communauté nationale toute entière, si nous sommes conscients de notre rôle comme gardiens des châteaux d'eau que sont nos massifs, nous souhaitons aussi faire partager nos préoccupations spécifiques et espérons qu’elles seront davantage prises en compte.

En ce qui concerne la gestion de la ressource en eau tout d'abord, si celle-ci est importante dans le massif alpin, elle est mal répartie et doit être partagée entre différents usages. Dans l'ensemble du massif, l'eau est d'abord utilisée par turbinage pour la production d'énergie : 50 % de la production hydro-électrique nationale provient des Alpes. Il s'agit de la première énergie renouvelable, qui doit être préservée : 10% d’hydro-électricité, c’est plus que l’ensemble des autres énergies renouvelables produites dans le pays ! Mais nous sommes conscients de l’impact qu’ont les aménagements nécessaires à cette production d'énergie sur la vie des cours d'eau en aval, et donc sur l'évacuation des débits solides et la pratique de la pêche et des sports d'eau vive, activités qui sont un élément important de la diversification de l'offre touristique. Après des débats approfondis, le Sénat est arrivé à un équilibre sur les débits réservés, qui permet à la fois de ne pas affaiblir trop la production d'énergie, en assurant la gestion des pointes de consommation, et de mieux prendre en compte les autres usages.

La loi montagne de 1985 a reconnu le droit à retour pour les collectivités de montagne d'une partie de cette ressource énergétique, sous la forme de l' « énergie réservée ». Le comité de massif des Alpes unanime a rappelé, en adoptant vendredi son schéma de massif, la légitimité de ce droit. Or, le décret de 1999 concernant l'énergie réservée, pris sans aucune concertation avec les élus de la montagne, l’a réduit de manière significative, aboutissant parfois à supprimer totalement l'énergie réservée alors même qu'il y a production. Il s’agit d’un véritable détournement par voie réglementaire d’une disposition législative adoptée à l’unanimité.

En ce qui concerne la protection de la ressource, la qualité des eaux superficielles se réduit dans la plupart des grandes rivières issues du massif du fait de l'eutrophisation des plans d'eau et de la pression des aménagements. Dans un contexte de réduction de la pluviométrie, certains affluents sont particulièrement fragilisés. Les eaux souterraines, qui représentent 85 % de l'eau consommée, sont aussi menacées, notamment dans le sillon alpin et la vallée de la Durance. Il convient donc d'être vigilant. Les investissements réalisés au cours des dernières années, parfois avec l'aide des fonds européens, ont permis de rattraper le retard en matière de traitement de l'eau, mais il faut poursuivre.

A ce propos, il faut rappeler les surcoûts importants représentés par la réalisation de stations d'épuration et de réseaux en altitude, pour des raisons techniques – amplitude thermique et conditions géographiques et géologiques – et des raisons spécifiques aux secteurs touristiques, une même station gérant des volumes qui peuvent aller de un à dix en fonction de la saison. Si nous sommes conscients de nos responsabilités vis-à-vis de l'aval, l'aval doit se sentir concerné par la protection de la ressource. Cela suppose de prendre en compte ces surcoûts, dans les contributions de l'Etat comme des agences de l'eau, et de faire contribuer l'immobilier de loisir aux charges qu'il génère.

La protection de la ressource passe aussi par l'accompagnement de l'agriculture de montagne dans la lutte contre les pollutions d'origine agricole, dont la déclivité des sols est un facteur important. Or, depuis l'origine, les aides ont été concentrées sur les zones d'élevage intensif : prendre l’unité de gros bétail à l’hectare comme référence aboutit de fait à exclure les élevages de montagne, pour la plupart extensifs, du système d’aide, alors même que le revenu des agriculteurs de montagne est inférieur à la moyenne nationale.

En ce qui concerne l'entretien des cours d'eau enfin, le régime torrentiel des cours d'eau en zone de montagne est un facteur aggravant des risques que cause le manque d'entretien. Or, les territoires de montagne ont été très touchés par l'exode rural et par la déprise agricole. Les aménagements hydrauliques ont par ailleurs modifié la vie des cours d'eau, et notamment l'évacuation des matériaux. Il importe donc que ces spécificités soient prises en compte autrement que par les seuls plans de prévention des risques d’inondation ou des risques naturels, qui aboutissent à stériliser des pans entiers du territoire dans des secteurs où l’espace nécessaire aux activités humaines est limité. Cela suppose que les moyens d'expertise et d'intervention de l'Etat soient maintenus dans la future programmation 2007-2013 pour le service de restauration des terrains en montagne, que les plans de gestion prennent en compte la spécificité des débits solides et intègrent une politique adaptée pour les prélèvements de matériaux et enfin que l'Etat rappelle aux exploitants hydrauliques leur responsabilité dans la gestion de l'aval et dans l'entretien.

À ce propos, je souhaite que le service RTM soit véritablement cofinancé par le ministère de l'écologie et que les sempiternelles difficultés d’arbitrage avec le ministère de l’agriculture, sur lesquelles nous ne cessons de buter,…

M. Michel Piron - Oh oui !

M. Michel Bouvard - … fassent enfin place à la solidarité nationale et au retour légitime que peuvent attendre ceux qui protègent la plus grande partie de la ressource.

Enfin, s’agissant du prix de l'eau et des régimes de taxation, si nous avons le devoir de rappeler à nos concitoyens la valeur de l’eau et d'expliquer l'évolution du prix d'un service indispensable à la vie et acquitté par tous, nous devons aussi veiller à ce que les tarifs restent raisonnables, à ce que les différences entre les zones géographiques restent limitées, et à ce que ce prix soit transparent. Je félicite donc Philippe Rouault pour son travail de simplification. Dans ce souci de maîtrise tarifaire, il faut aussi marquer une pause dans l'inflation normative (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP), qui est souvent à l'origine de surcoûts très importants et mobilise des ressources qui seraient bien plus utiles ailleurs. Je défendrai des amendements pour améliorer ce texte et mieux prendre en compte les spécificités de nos massifs, mais je lui apporte dès à présent mon soutien car il constitue un point d'équilibre sur un sujet complexe (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Christian Decocq – La grande loi sur l'eau de 1964 a été un texte profondément novateur qui a jeté les bases d'une politique visionnaire dans son objet et dans ses principes. On saisira mieux les enjeux du présent projet si on rappelle au préalable ses grandes lignes ; on verra mieux apparaître son relief et sa portée réelle, et aussi sans doute des creux que nous tenterons de combler.

La clef de voûte du dispositif de 1964 est l'apparition du principe «pollueur-payeur», qui introduit une dimension économique – et non pas morale ! – dans la gestion de la ressource en eau. C’est aussi l'organisation d'une concertation entre tous ceux qui sont concernés par la ressource : industriels, agriculteurs, élus, associations, usagers, État. C’est enfin le mécanisme de gestion intégrée des grands bassins versants propres à la réalisation d'actions d'intérêt commun.

L'Europe s'est emparée de cette idée. Le triptyque économie, concertation et gestion par bassins s'est retrouvé dans la directive cadre sur l'eau du 23 octobre 2000. La France a été une fois de plus exemplaire, mais saura-t-elle conserver son avance et, à nouveau, éclairer l’avenir ? C'est l'ambition de ce projet de loi, qui s’inscrit dans la philosophie politique du Gouvernement depuis 2002 : réduire la dépense publique et les prélèvements obligatoires et poursuivre la décentralisation. Pour satisfaire le besoin de dépenses publiques on a toujours fait appel à une multitude des prélèvements obligatoires, sans considération de leur impact réel et surtout sans mesurer l'effet pervers de certains d’entre eux, comme les prélèvements assis sur les salaires.

Au contraire, la fiscalité écologique a des effets vertueux car elle vise à modifier les comportements et réduire le besoin ultérieur de dépense publique. Encore faut-il que les usagers soient suffisamment responsabilisés, incités – et non pas contraints – par des niveaux de redevance modulés en fonction de l’impact réel de leurs actions sur l’état de la ressource. La pollution est un phénomène relatif, qui doit être évalué en fonction du milieu récepteur et de la valeur de la ressource, variable selon le temps et le lieu. C’est pourquoi l’intervention du Parlement doit permettre aux instances de bassin d’apprécier ces différences, au plus près des réalités hydrologiques et hydrogéologiques.

La notion même d'intérêt commun des actions et travaux prévus par le programme pluriannuel d'intervention ne peut être comprise que dans la proximité géographique que connaissent les petits comités de bassin. En revanche le territoire d’au moins quatre bassins sur les six comités métropolitains est trop vaste pour que s’y soit développée une pratique de forte modulation.

Les aides et les redevances trop peu différenciées ont conduit le Conseil Constitutionnel, dans son avis du 23 juin 1982, à classer ces redevances parmi les impositions de toutes natures, ce qui les rend inconstitutionnelles car votées par le comité de bassin où siègent peu d’élus. Ce projet renvoie donc au Parlement le vote des assiettes, des tarifs maximum et des seuils minimum de recouvrement, conformément à l'article 34 de notre Constitution.

Une controverse juridique s'est développée sur la question des « vraies » et des « fausses redevances ». Selon M. Santini, les premières, pour service rendu, ne relèveraient pas de la compétence du Législateur, et les secondes – c’est la thèse de M. le rapporteur – présentant un caractère de péréquation sans lien direct avec le service rendu, auraient les caractères d'une fiscalité soumise au Parlement. Nous devrons tenter de dépasser cette controverse et jeter les bases d'une nouvelle ambition.

Il convient de se référer à la Charte de l'environnement et d’affirmer que le principe pollueur-payeur n'est pas incompatible avec le choix de la fiscalité. Il faut souscrire ensuite à l'obligation de mettre en œuvre la protection de l'environnement que requiert la Charte par l'instauration d'une redevance « nitrates ». Enfin, pour éviter que la fiscalisation des redevances ne soit un obstacle à leur modulation par les agences, il faut faciliter cette différenciation conformément à la directive cadre. Un amendement, introduisant la notion de sous-bassin, devrait permettre à une seule agence d'exercer sa compétence au service de plusieurs comités de bassin.

Le changement climatique, l'aridité et la sécheresse sont des rendez-vous auxquels nous ne pourrons nous soustraire. Avant d'assumer la présidence européenne en 2008, la France doit se doter d'une grande loi capable de relever ce défi et prouver que s'il existe peut-être un « mal français », le « génie français », heureusement, demeure (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Antoine Herth – Je veux saluer le travail du rapporteur, qui a exploré dans ses moindres recoins ce sujet et tenté de faire des propositions innovantes. Il s’est pour cela inspiré du rapport de Marcelle Ramonet, qui, en 2003, a examiné la difficile question des relations entre l’environnement et les activités agricoles. Je suis heureux qu’il soit possible d’avancer dans ce domaine et de clarifier le lien entre les questions environnementales et la Charte de l’environnement, grâce notamment au travail de M. Rouault.

La Charte rappelle dans son article 4 le principe pollueur-payeur, mais après avoir fixé, dans son article 3, un principe de prévention. C’est dans l’articulation entre ces deux principes que réside la clé d’une politique efficace et concrète et la possibilité de moduler les redevances en fonction des capacités contributives des uns et des autres. Pour prendre un exemple extrême, même les agriculteurs bio ne sont pas capables d’intégrer dans leur production l’ensemble du coût environnemental : nous avons donc décidé de leur octroyer un crédit d’impôt. Il faudra s’en souvenir quand nous examinerons l’article 37.

S’agissant de la redevance sur l’azote, je pense que le sujet est obsolète : des politiques ont été menées, les principes d’écoconditionnalité s’appliquent désormais à la PAC et ont produit leurs effets. Je suis agriculteur et je viens de déposer ma déclaration PAC : voici les photographies satellite de mon exploitation agricole (M. Herth montre à l’Assemblée quelques clichés), qui mettent en évidence les différentes jachères environnementales, celles qui permettent de protéger les cours d’eau et un captage d’eau potable et celles qui permettent de créer une zone tampon avec une forêt classée Natura 2000. Sur le terrain, il faut le savoir, les choses avancent. En revanche, je suis en faveur d’une redevance sur les produits phytosanitaires. La LOA a apporté une pierre à l’édifice puisque nous avons revu l’ensemble du dispositif d’homologation des produits, en renforçant les contrôles.

De nombreuses polémiques ont éclaté l’année dernière au sujet de l’irrigation. Des propos raisonnables et auxquels je souscris, viennent d’être tenus à cette tribune : je crois en effet à la gestion collective, quantitative et raisonnée de l’eau. Les pratiques agricoles évoluent, notamment les choix d’assolement.

Enfin, nous nous devons de résoudre les questions touchant au recyclage des boues de stations d’épuration. Je me réjouis de la création d’un fonds de garantie mais il convient d’aller plus loin. Ces 60 000 tonnes de matière organique, sur les 90 000 tonnes de matière sèche produite annuellement en France, doivent, soit retourner à la terre, soit être valorisées comme biomasse ou utilisées comme énergie renouvelable, mais en aucun cas être incinérées ou déposées dans les décharges.

Claude Gaillard a souligné l’orientation du groupe UMP, à laquelle je souscris entièrement. Les lobbies et les associations sont nombreux, la presse est avide de spectacle et de déclarations fracassantes : nous devons avoir la sagesse de poser des principes raisonnables, qui nous permettent de faire de la politique, c’est-à-dire de rendre possible ce qui est nécessaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Claude Gaillard – Voilà une bonne image de l’agriculture !

M. Germinal Peiro – Chacun a conscience que l’eau est un enjeu majeur pour notre planète. Les pays ont le devoir de s’engager sur la voie du développement durable et de travailler à la préservation de la ressource, tant sur le plan qualitatif que sur le plan quantitatif.

C’est en ce sens que j’ai déposé en juillet 2004 une proposition de loi visant à créer pour chaque construction nouvelle une réserve d’eaux pluviales. Celle-ci, soutenue par des architectes, des associations de consommateurs, des élus locaux, a été signée par deux cents députés, toutes tendances confondues. Vous-même, Madame la ministre, comme votre prédécesseur m’avez assuré de votre soutien. La commission des affaires économiques a adopté le 3 mai, à l’unanimité, la proposition de mettre en place un crédit d’impôt pour la création de réserves d’eaux pluviales. Il nous reste à traduire cette volonté dans la loi. Cette initiative aura un impact direct sur l’économie d’eau potable, l’eau pluviale étant utilisée pour l’arrosage des pelouses ou le lavage des voitures. Elle représentera une économie financière pour les utilisateurs et aura une valeur pédagogique.

Nous devons appliquer la même démarche de préservation de la ressource au secteur agricole. Au-delà de notre volonté d’engager les agriculteurs vers des méthodes de culture plus économes, moins polluantes et plus respectueuses de l’environnement, comme l’assolement, nous ne devons pas occulter le fait que l’irrigation est indispensable au maintien d’une production de qualité. De ce point de vue, les nouvelles dérogations à la règle du maintien d’un débit minimum d’un dixième du module annuel à la sortie des ouvrages me paraissent dangereuses.

Il faut dire clairement à ceux qui barrent les rivières à leur profit qu’ils n’ont pas le droit de les assécher. Il ne s’agit pas de remettre en cause les nécessités de la production hydroélectrique sur les grands barrages mais d’arrêter le massacre des rivières et des vallées par l’installation de microcentrales, dont la production est marginale et payée à prix fort par EDF. Je pourrais citer des dizaines et des dizaines de vallées dans les Pyrénées, les Alpes et le Massif central qui ont perdu tout attrait touristique en raison de l’installation de ces équipements.

Le législateur doit s’efforcer de concilier tous les usages de la rivière. La rivière n’appartient à personne et chaque usager doit pouvoir en jouir. C’est le cas des pêcheurs qui sont le plus souvent attachés à la protection du milieu aquatique. Je pense aux pêcheurs à la ligne mais aussi aux pêcheurs aux engins, qu’ils soient professionnels ou amateurs ; ils sont certes moins nombreux mais c’est l’honneur de la République de respecter les minorités.

Enfin, le problème d’accès à l’eau et de circulation sur les cours d’eau. Les activités de pleine nature sont pratiquées chaque années par 30 millions de Français. À l’heure où les pouvoirs publics commencent enfin à s’intéresser aux cours d’eau, ils doivent répondre aux aspirations du public. Il est grand temps de permettre aux randonneurs non motorisés de marcher le long des fleuves et des rivières, …

M. Jean Launay – C’est vrai 

M. Germinal Peiro - … et des cours d’eau domaniaux comme la Seine, la Garonne, la Loire, le Rhône ou la Dordogne. Il est grand temps, quatorze ans après la loi qui a permis la libre circulation sur les cours d’eau des engins nautiques non motorisés – comme le raft ou le canoë-kayak – d’exiger que les ouvrages qui entravent les cours d’eau soient équipés par leur propriétaire de passes ou de chemins de contournement. Ces adaptations permettront de répondre aux besoins de millions de nos concitoyens et de favoriser le tourisme indispensable à la vie du monde rural. Je ne doute pas que nous pourrons trouver des moyens de revenir sur ces sujets lors de l’examen des articles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Denis Merville – Nous voici réunis pour une première lecture du projet de loi sur l’eau. Ce texte, attendu avec impatience depuis plusieurs années, permettra d’adapter la législation aux enjeux du développement durable et de transposer la directive cadre européenne. Madame la Ministre, c’est grâce à votre travail que ce texte, élaboré après une consultation approfondie, peut être aujourd’hui discuté à l’Assemblée.

Avec l’adoption d’une première loi sur l’eau en 1964, la France a posé les principes repris plus tard dans de nombreux pays. Aujourd’hui, c’est une directive qui constitue le cadre de référence pour la protection et l’amélioration des milieux aquatiques. La France et les membres de l’Union se sont fixé un objectif de bon état écologique des masses d’eau, superficielles et souterraines, d’ici à 2015. Pour l’heure, la moitié des points de suivi sont en bon état, notamment grâce aux efforts que les collectivités ont faits pour dépolluer les eaux usées. Pour atteindre l’objectif européen, nous devons développer des actions portant sur les milieux et la diversité des habitats aquatiques.

Le vaste chantier de la reconquête et de la préservation des eaux s’inscrit dans une démarche de développement durable pour transmettre aux générations futures un environnement de qualité. Il s’impose donc à tous. Ce projet entend moderniser les institutions, améliorer le service aux usagers et rendre la gestion de l’eau plus transparente. M. le Rapporteur et Mme la Ministre l’ayant très bien analysé, je me contenterai de quelques remarques.

Tout d’abord, rappelons-nous qu’il y a quelques décennies seulement, quand nous n’avions pas l’eau courante dans toutes les pièces de la maison, nous faisions attention à notre consommation. Puis, nous avons gaspillé l’eau pensant qu’elle était inépuisable. Aujourd’hui, les choses ont changé. Ce projet doit jouer un rôle pédagogique et inviter au changement des comportements. Est-il nécessaire d’utiliser de l’eau potable pour faire la vaisselle, nettoyer la voiture ou arroser le jardin ? Assurément, non. Il faut donc encourager l’utilisation de l’eau de pluie. Cette solution permet de ménager les nappes phréatiques et de limiter les volumes d’eau à traiter et, partant, les investissements des collectivités locales ainsi que les volumes de boue dans les stations d’épuration, difficiles à gérer. Il faut donc inciter les particuliers à installer des systèmes de récupération et de traitement des eaux pluviales. J’avais déposé une proposition de loi en ce sens qui n’a pu être débattue, je l’ai reprise dans un amendement.

Deuxièmement, le principe pollueur-payeur ne doit certes pas ouvrir un droit à polluer, mais permettre de mieux répartir le coût de la pollution entre ses auteurs. Inciter à des pratiques plus respectueuses de l’environnement est une bonne chose, mais les sanctions sont parfois nécessaires.

Troisièmement, l’organisation institutionnelle de la gestion de l’eau. Je me réjouis que le rôle des agences de l’eau ait été renforcé après que certains ont tenté de le réduire. A propos de l’incertitude constitutionnelle qui pèse sur les redevances, je rappellerai simplement que l’argent de l’eau doit revenir à l’eau.

Quatrièmement, l’attribution des missions de l’ancien FNDAE aux agences de l’eau doit s’accompagner d’une mise à disposition de moyens réels aux communes. Les communes rurales, ont besoin de faire des investissements importants qui n’apparaissent pas dans les priorités des programmes pluriannuels des agences. Il conviendrait donc de relever le montant des contributions des agences pour les communes rurales et de prévoir l’affection d’un pourcentage du budget pluriannuel des agences plutôt qu’une somme plafonnée par an. D’autre part, il serait bon de renforcer la place des communes et des EPCI dans les comités de bassin auxquels participent les représentants des collectivités territoriales, des usagers et de l’État.

Enfin, je voudrais revenir sur la création de l’ONEMA, structure qui remplacera le Conseil supérieur de la pêche, et sur laquelle j’étais réservé. Il faudra veiller à ce qu’elle reprenne bien les missions du Conseil à un coût raisonnable. Le projet de loi prévoit également une réforme des structures associatives de pêche qui se traduit par la création d’une fédération nationale pour la pêche et la protection des milieux aquatiques, chargée de coordonner les actions des associations adhérentes. J’espère que cette structure aura les moyens de remplir sa mission – fonds et mise à disposition de l’information. Les associations de pêche seront particulièrement attentives à la définition des eaux libres.

En conclusion, cette loi est empreinte de bon sens et de réalisme. Tous les acteurs de l’eau - État, collectivités, industriels, agriculteurs et citoyens – doivent se rassembler pour relever le défi du XXIè siècle, celui d’un bon état écologique de l’eau. L’eau, patrimoine commun de la nation et qu’elle est un facteur de développement humain, mérite notre engagement collectif ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Decool - Rarement un projet de loi aura été autant peaufiné par son rapporteur. Je tiens donc à le remercier de son travail. Nombre de parlementaires, dont je suis, attendaient l'examen de ce texte. Il fallait en effet moderniser le droit de l'eau afin d'établir un nouvel équilibre dans les usages de l'eau entre les différents acteurs de terrain et de protéger cette ressource essentielle à la vie humaine.J'affirme que ce projet de loi est bon, notamment lorsqu'il s'attache à prendre en compte les spécificités locales. Il en va ainsi du dispositif adopté au Sénat sur les bandes enherbées, ces zones tampons entre les cultures et les voies d'eau qui constituent un moyen efficace de lutter contre les transportées de terre fine, de fertilisants et de produits phytosanitaires dans les eaux de surface. Alors que nous parlons de proximité, il est souhaitable de prendre ces décisions au plus près des acteurs de terrain. L’article 4 bis dispose que dans chaque département le préfet établit la liste des cours d’eau le long desquels il est nécessaire, en application des critères d’éco conditionnalité, d’implanter les bandes enherbées. Il est indispensable que ces modalités figurent dans le texte.

Dans la région de polders qu’est la Flandre maritime, l’assèchement des terrains et l’irrigation sont assurés par les wateringues, canaux d’évacuation des eaux sur un territoire à l’origine envahi par la mer. Aujourd’hui, un ensemble complexe de fossés, de watergangs, de canaux, d’écluses, permet l’évacuation de l’eau de surface vers la mer. De nombreux partenaires interviennent dans ce fonctionnement hydraulique spécifique : l’Etat – agriculture, équipement, environnement -, mais également une institution interdépartementale des wateringues soutenue par les conseil généraux, les sections de wateringues et leur union ainsi que des associations de drainages, le port autonome de Dunkerque et les Voies navigables de France. Ce système doit être adapté. Ainsi, sa gestion technique doit faire l'objet d'une attention toute particulière. Utiles à l'écoulement des eaux, les wateringues constituent aussi des réserves essentielles pour les dispositifs de lutte contre l'incendie tant pour les bâtiments agricoles riverains que pour les habitations. En proposant de remplacer la notion de curage des cours d’eau par celle d’entretien, dont la définition est imprécise, c'est tout l'équilibre de ce système hydrographique qui risque d'être mis à mal, faisant courir un risque important d'inondations aux populations. Il serait donc souhaitable que la notion de « vieux fonds, vieux bords » constitue le critère essentiel de la définition de l'entretien des voies d'eau.

Les agriculteurs sont des acteurs essentiels de la gestion de l'eau. Il ne faut pas voir en eux uniquement des pollueurs à qui on appliquerait des taxes toujours plus élevées. Ils agissent pour la préservation de cette ressource en utilisant des méthodes toujours plus proches de l'agriculture raisonnée. Par conséquent, non seulement leur participation aux comités de bassin est tout à fait légitime mais elle doit être renforcée dans le cadre des Schémas d'Aménagement et de Gestion des Eaux. La composition des comités de bassin prévue par le projet affaiblit la position des usagers économiques par le double effet de la réduction en proportion du collège des usagers et par l'intégration des représentants des milieux socioprofessionnels dans ce même collège, alors qu'ils étaient auparavant dans la part désignée par l'Etat. Il serait au contraire souhaitable que la répartition des sièges continue à se faire selon l'équilibre actuel afin que les usagers économiques, qui ont prouvé leur connaissance technique dans tous les domaines de l'eau, soient davantage présents au sein de ces instances.

Enfin, les pêcheurs sont des acteurs importants de la protection des milieux aquatiques. En ce sens, l'élargissement des missions d'intérêt général confiées aux structures associatives de pêche est appréciable, mais des doutes subsistent. Ainsi, le montant des taxes demandées par les fédérations et le conseil supérieur de la pêche est toujours aussi élevé et grève considérablement les budgets de fonctionnement des associations agréées de pêche, essentiellement constituées de bénévoles. Ce point devra donc être discuté.

De même, la frontière entre les eaux libres, soumise à la législation pêche, et les eaux closes, non assujetties à cette législation, est peu claire. Cette imprécision a d'ailleurs opposé les structures associatives de pêche de loisir, soucieuses de faciliter l'accès de la pêche au plus grand nombre, et les propriétaires d'étangs développant une activité commerciale. Le rapport Vestur n'a pas remédié à cette situation ; il l'a même rendue plus confuse en définissant le passage du poisson comme critère permettant de qualifier eaux libres et eaux closes et en maintenant le critère de l'eau pour définir les secteurs bénéficiant de la protection offerte aux milieux aquatiques. Ainsi, la protection du patrimoine piscicole commun relèverait d'un double régime, fondé sur la circulation du poisson dès lors qu'il s'agit de le protéger contre les pêcheurs, et sur l'eau, quand il s'agit de le protéger contre les agressions qu'il subit à travers son milieu naturel. Afin d'assurer une sécurité juridique aux pêcheurs, il serait donc souhaitable que le critère actuel soit maintenu mais clarifié. Toute modification brutale serait en effet nuisible à la stabilisation progressive de la définition des eaux libres par appropriation des parties prenantes qui ont déjà démontré leur volonté d'apaisement et de respect tant de la sauvegarde du biotope piscicole que de la directive cadre sur l'eau. Ces différents points méritent débat et j'ai donc déposé un certain nombre d'amendements de nature, je l'espère, à retenir l'attention de mes collègues.

Les « spécifiés locales » traduisent souvent de fortes traditions. M. Decocq m’a cité naguère une jolie phrase de Lamartine qui, député de Bergues, s’exclama à la découverte des polders : « Ici, on fabrique de la terre ferme. » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Marcelle Ramonet - Cette loi a un objectif très ambitieux : la garantie d'un bon état écologique des eaux en 2015 conformément à nos engagements .internationaux. Dans un contexte général de dégradation de la qualité de la ressource et de sensibilité accrue de nos concitoyens à la protection de l'environnement et des milieux aquatiques, nos objectifs s'inscrivent pleinement dans ceux de la directive cadre du 23 octobre 2000 que nous avons transposée par la loi du 21 avril 2004. L'eau est sans doute en France le produit le plus contrôlé avec 200 analyses quotidiennes et pourtant il convient de reconquérir la confiance de nos concitoyens. L'eau est également une ressource de plus en plus rare. Chacun devra apprendre à l’utiliser plus judicieusement. Je rappelle que la consommation moyenne de nos concitoyens est comprise entre 150 et 200 litres par jour.

Ce texte est équilibré et met en oeuvre une stratégie complète et cohérente qui repose sur un rôle accru des intervenants locaux, un renforcement des agences de l'eau, des schémas d'aménagement et de gestion des eaux, la lutte contre les pollutions diffuses. Il est issu d’une vaste concertation avec tous les acteurs de la politique de l'eau. Nous prenons ainsi en compte les réalités économiques, sociales et écologiques. Ses contours juridiques comme le choix fait par le Gouvernement de réformer notre arsenal législatif par étapes consolident notre dispositif institutionnel. Nous avons l'occasion d'engager une refonte et une clarification du rôle respectif des différents acteurs et d'établir un cadre général pour la protection des eaux, mais également d'inscrire cette ressource au coeur des stratégies pour un développement durable. Je constate aussi avec satisfaction que, pour une part, l'arsenal qui nous est soumis s'inspire des propositions que mon collègue Antoine Herth et moi-même avions présentées en novembre 2003 dans notre rapport parlementaire intitulé « Le développement durable, réponse aux enjeux agricoles et environnementaux » : établissement de la liste des cours d'eau le long desquels il est nécessaire, en application de critères d’éco conditionnalité, d'implanter des bandes enherbées, mesures concernant la distribution des produits antiparasitaire, instauration d'un contrôle des « pulvérisateurs » agricoles. La lutte contre la pollution par les résidus de pesticides est une priorité et les plans d’action contre toutes les formes de pollutions diffuses ainsi que la traçabilité des ventes comme le contrôle des pulvérisateurs de produits phytosanitaires permettront d’apporter des solutions.

Je souhaite néanmoins que nous allions plus loin et que notre Assemblée adopte les amendements votés en commission favorisant une responsabilisation générale. Ainsi, s'agissant des publicités portant sur des produits phytosanitaires – y compris lorsqu'ils ne sont pas soumis à une autorisation de mise sur le marché –, il conviendrait d’interdire toute mention pouvant donner une image exagérément sécurisante ou de nature à banaliser leur utilisation. Je précise que c'est d’ailleurs déjà le cas pour toutes les publicités en faveur des pesticides utilisés par les particuliers depuis l’arrêté ministériel du 6 octobre 2004. Je souhaiterais également, s’agissant de la police de l'eau, que les agents assermentés et commissionnés de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, du Conseil supérieur de la pêche ou des parcs nationaux et des réserves naturelles soient habilités à rechercher et constater les infractions aux règles relatives à l'usage des produits phytosanitaires.

Au moment où nous légiférons, nous devons avoir à l'esprit le constat établi en mars dernier lors du quatrième forum mondial de l'eau à Mexico : la pénurie mondiale en eau s'aggrave, plus d’un milliard de personnes ont des difficultés pour accéder à l’eau potable, les maladies liées à l'eau sont la première cause de mortalité dans les pays pauvres. Tout cela nous invite à l'humilité, à la rigueur, à l'action et à la pédagogie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Martial Saddier – Je remercie Mme la ministre, M. le rapporteur, M. le président de la commission des affaires économiques mais également les services de la commission et des ministères. Tous se sont montrés particulièrement à l’écoute pour élaborer un texte équilibré.

C’est en tant que secrétaire général de l’association nationale des élus de la montagne que j’interviens. Les massifs montagneux sont une des plus grandes réserves d’eau potable. Les enjeux y sont importants, les équilibres fragiles, des questions spécifiques s’y posent. Plus des trois quarts de la production hydroélectrique de notre pays sont issus de ces zones. Nous demandons que certaines rivières soient protégées, intégralement ou à travers le débit réservé, mais au cas par cas et après expertise environnementale, de manière à ce que la production hydroélectrique puisse encore se développer. Il s’agit en effet d’une énergie propre contribuant au respect des objectifs du protocole de Kyoto.

M. Michel Bouvard - Très bien.

M. Martial Saddier - M. Bouvard a rappelé l’esprit de la loi « Montagne ». Il y était notamment question d’énergie réservée, laquelle a été remise en cause par un décret de 1999. Nous souhaitons en débattre à l’occasion de ce texte.

Nous assumons et revendiquons la solidarité de l’approvisionnement en eau potable de l’amont vers l’aval. En retour, la loi doit garantir une solidarité financière entre les milieux urbains et les milieux ruraux - dont les zones de montagne.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. Martial Saddier - Pour le même nombre d’habitants, les investissements à la charge des collectivités sont beaucoup plus importants en altitude qu’en plaine. Il en va de même dans les exploitations agricoles, avec les exigences sur les effluents d’élevage pendant la période hivernale.

Ce texte opère des avancées significatives pour l’assainissement autonome. Tant mieux, car elles étaient attendues aussi bien par les élus que par nos concitoyens.

Je voudrais, pour conclure, revenir sur trois amendements qui ont été adoptés à l’unanimité par la commission et sont autant de plaidoyers pour que le bon sens s’applique aussi en zone de montagne.

Les rivières de montagne s’engravent naturellement. Ce phénomène est accentué par le réchauffement climatique, si bien que des milliers de tonnes de matériaux solides s’amoncellent dans le lit des rivières. N’attendons plus d’avoir les pieds dans l’eau pour obtenir des autorisations d’intervention dans les rivières (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP). J’ai déposé un amendement en ce sens. J’espère que vous voudrez bien le soutenir.

Nombre de communes situées sur le littoral ou en zone de montagne connaissent de fortes fluctuations de leur population en période touristique. Si la loi n’ouvre pas clairement au maire la possibilité de « positionner » une part fixe sur les résidences de tourisme, les populations locales seront littéralement assommées par le prix de l’eau.

J’en viens enfin aux eaux libres et aux eaux closes. Un orateur a affirmé tout à l’heure que les experts s’étaient prononcés. Ils ont oublié la spécificité des lacs de montagne, qui sont gelés en hiver et peuvent fort bien en été ne se déverser qu’au travers d’une barre rocheuse qui constitue, vous en conviendrez, un obstacle infranchissable pour les truites. Les élus de la montagne ont donc déposé un amendement et défendront la spécificité des lacs de montagne dans le débat sur les eaux libres et les eaux closes.

Ce texte équilibré s’inscrit dans l’esprit de la Charte de l’environnement, qui a valeur constitutionnelle et nous demande de placer sur un pied d’égalité les enjeux sociaux, économiques et environnementaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Dumont - Une ressource qui doit devenir durable, tant en qualité qu’en quantité, un discours presque unanime dans cet hémicycle : l’eau est au cœur de nos préoccupations.

Rappelons d’abord que l’eau potable est destinée à une consommation humaine. Ce droit à l’eau mérite qu’on s’y arrête. Peut-on accepter, dans un pays comme le nôtre, que des familles, des personnes handicapées, se voient couper l’alimentation en eau ? J’avais recensé, dans une ville qui m’est chère, plus de 50 coupures d’eau, et cela dans une indifférence totale, alors que des lois ont été votées et que des mesures d’accompagnement sont prévues. Je voudrais ici rendre hommage à une sous-préfète qui a imposé au fermier – la Générale des Eaux, présente depuis cinquante ans dans cette ville et partenaire actif de la municipalité - de venir rendre des comptes. Comment demander à l’école d’inculquer aux enfants l’importance de l’hygiène de vie et de la sécurité sanitaire quand de telles pratiques perdurent ? Il faut que la loi s’applique ! Sur l’eau, comme sur les autres énergies, il faut penser aux populations fragilisées par les accidents de la vie – la mauvaise foi reste une exception. Chacun a besoin d’eau pour vivre, fût-il habitant d’un grand ensemble géré par un bailleur social qu’on n’alerte même pas !

Intéressons-nous maintenant à des utilisateurs de l’eau auxquels le texte consacre un de ses premiers chapitres : les pêcheurs. Depuis que des lois ont organisé leur représentation aux comités de bassin et aux comités départementaux d’hygiène et de sécurité pour l’environnement, les fédérations de pêcheurs ont démontré leur compétence et leur sens des responsabilités. Si le Sénat leur donne satisfaction, il est souhaitable d’aller plus loin pour éviter toute erreur d’interprétation du texte. Les pêcheurs sont les premiers observateurs du milieu naturel. Je m’interroge au passage sur le devenir de la garderie, qui incombera désormais à l’ONEMA et non plus au Conseil supérieur de la pêche. Il faut reconnaître le rôle d’observateur, voire de détecteur précoce des accidents, de ces fédérations. J’insiste donc pour que nos amendements soient pris en considération.

J’en viens aux agences. Deux présidents de comité de bassin se sont exprimés. Le département de la Meuse a la malchance de dépendre de deux comités de bassin et de deux agences de l’eau, Seine-Normandie et Rhin-Meuse. Les pratiques et l’accompagnement des communes dans leurs projets diffèrent totalement. Mais comme nous sommes situés en amont des bassins, on nous demande de manifester une forte solidarité dans la lutte contre les crues. Il est vrai que dans les Ardennes, les inondations ont fait des morts il y a quelques années. Qu’on demande aux espaces ruraux une solidarité pour l’écrêtement des crues, pour des retenues, soit ; mais pas dans n’importe quelles conditions, pas avec le mépris de ceux qui sont loin. Les populations doivent être informées. Il y faut de la pédagogie, tant il est vrai que quiconque se penche sur les cartes établies – souvent au terme de coûteuses études – s’imagine vite les pieds dans l’eau. Il faut rappeler à ces établissements publics qu’ils ont un devoir d’information, d’explication et d’écoute. Il faut qu’ils pratiquent le dialogue et la persuasion, le cas échéant en passant des conventions, notamment avec les agriculteurs.

Je comprends bien les préoccupations de notre collègue Santini, les ambitions même, qu’il peut partager avec ses collègues d’Ile-de-France. Mais il est révoltant qu’un technicien de l’Agence Seine-Normandie explique devant une assemblée de maires qu’il est inutile de changer « quelques bouts de tuyau en plomb ». Sinon, à quoi sert de voter cette loi ? A quoi sert qu’un ministre de ce Gouvernement, il y a quelques jours encore, souligne toute l’importance de la lutte contre le saturnisme ? Ce qui vaut pour Paris ne vaudrait-il donc pas pour nos zones rurales ?

M. le Président – Il faut conclure.

M. Jean-Louis Dumont - J’en viens donc à la place et au rôle des élus dans les agences de l’eau et les comités de bassin. Pour qu’il y ait réelle gouvernance, il faut que l’on sache précisément qui exerce quels pouvoirs. Et il importe, comme le propose le texte issu du Sénat, qu’une majorité d’élus y ait le pouvoir de décision. En effet, les élus rendent régulièrement des comptes à leurs électeurs et peuvent être sanctionnés, contrairement à d’autres représentants qui ont certes leur place mais ne sauraient décider. On peut parfaitement recueillir l’avis de tous les acteurs intéressés dans les comités économiques et sociaux régionaux.

Je terminerai par la question des boues issues des stations d’épuration. Les agriculteurs ne peuvent pas accepter n’importe lesquelles. S’il en est certaines qui peuvent être épandues et constituer un amendement de qualité, d’autres sont de véritables boues de décharge, inutilisables. Les eaux pluviales doivent faire l’objet d’une dépollution, notamment celles résultant des dix premières minutes de pluie qui lave les sols.

M. le Président – Il faut vraiment conclure maintenant.

M. Jean-Louis Dumont – A la fin de nos travaux qui se sont jusqu’à présent déroulé et continueront de se dérouler, j’en suis convaincu, dans un excellent climat parce que nous avons l’esprit de responsabilité, nous devrons disposer, avec ce texte que nous aurons amendé, d’un outil au service du développement durable et de la préservation de cette ressource essentielle à la vie et au développement économique qu’est l’eau (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Juliana Rimane - Située en zone équatoriale humide, la Guyane possède des ressources en eau abondantes avec une pluviométrie de cinq mètres par an. Pourtant, 50 % de la population rurale n'y a pas accès à l'eau potable et 35 % à l'électricité, bien souvent le préalable à la production d'eau. Cette situation paradoxale s’explique par le sous-équipement en matière d'infrastructures d'adduction d'eau et d'assainissement, les surcoûts importants liés à l'isolement et à l'éloignement des communes, les difficultés que rencontrent beaucoup d’usagers aux revenus modestes à payer leur consommation d'eau, la pollution des fleuves par le mercure et le cyanure utilisés dans l’orpaillage, légal ou non, et surtout la faiblesse des ressources financières des collectivités locales qui limite leurs capacités d'investissement. Par ailleurs, l’augmentation rapide de la population, très inégalement répartie sur le territoire, accroît les besoins d’équipements et crée des contraintes supplémentaires.

Cette situation a des conséquences désastreuses en matière de santé publique. Les habitants privés d’eau potable consomment l'eau des fleuves, pollués par le mercure et les déchets de toute nature, ainsi que des poissons contaminés, ce qui nuit gravement à leur santé. Les enfants souffrent fréquemment de diarrhée et l'imprégnation mercurielle des populations riveraines des fleuves serait à l'origine de pathologies sérieuses. A ce propos, l'exploitation par la société Cambior de la concession aurifère du camp Caïman fait craindre une pollution au cyanure du principal captage d'eau potable de l'agglomération de Cayenne sur le fleuve Comté, à une quinzaine de kilomètres en aval de la mine. Pourriez-vous, Madame la Ministre, rassurer la population ? S'agissant de l'alimentation en eau potable de Cayenne, dont les besoins ont considérablement augmenté, la nouvelle unité de production prévue pourra-t-elle être opérationnelle dans les meilleurs délais ?

Les dotations du FNDAE n'ont pas jusqu’à présent permis de faire face à cette situation extrêmement préoccupante. Depuis plusieurs années, les collectivités réclament, en vain, une augmentation exceptionnelle des crédits. Elles souhaitent que les opérations programmées sur la période 2006-2008, qui s'élèvent à 7,5 millions d'euros, puissent être réalisées. Elles espèrent que l'engagement de l'ONEMA, appelé à remplacer en le FNDAE, permettra de rattraper les retards accumulés. J'ai, à ce sujet, déposé avec le rapporteur un amendement visant à inscrire dans la loi la mission de solidarité financière de l'ONEMA en faveur des collectivités d'outre-mer.

Jamais l'expression « la tête dans les étoiles, les pieds dans le marigot» n'a semblé aussi juste dans notre département à deux vitesses, où coexistent une Guyane dotée d'une technologie spatiale ultra-sophistiquée, et une autre où les équipements structurants font cruellement défaut. Cette défaillance de l'État ne peut que créer des injustices. Notre pays s'honorerait aujourd'hui, par le biais d’une solidarité financière renforcée, à garantir aux Guyanais l’égalité d’accès aux services de base.

Ce projet de loi nécessaire est louable. Mais les acteurs publics chargés de la gestion de l'eau en Guyane auront du mal à l'appliquer pleinement tant que des progrès considérables n’auront pas été accomplis au niveau des infrastructures, du suivi technique des eaux et du contrôle des pollutions. L’Office de l'eau par exemple, mis en place depuis quelques mois seulement, ne dispose d’aucuns moyens. La redevance pour stockage d'eau en période d'étiage qu’il doit percevoir doit être maintenue et renforcée pour les départements d'outre-mer. Son produit pour le barrage du Petit Saut serait bien utile à l'office.

Comme les communes, le conseil général de Guyane éprouve les plus grandes difficultés à exercer efficacement ses compétences en matière d'eau. Le manque crucial de ressources l'oblige à gérer les problèmes dans l'urgence et l’empêche de mener une politique volontariste. Il demande depuis longtemps que les fleuves du département soient classées en voies navigables. En effet, l'organisation du transport public scolaire lui incombant, il a dû pour assurer la scolarisation des enfants du fleuve organiser et prendre totalement en charge leur transport par voie fluviale. Pendant longtemps, il a été dans une situation très inconfortable puisqu'il était, en l'absence d'acte juridique attestant de la navigabilité des fleuves, responsable civilement et pénalement en cas d’accident. Depuis peu, il a la possibilité de souscrire une assurance, mais cette solution n'est pas entièrement satisfaisante, qu’il s’agisse de la responsabilité elle-même ou du financement du transport scolaire, assumé sans aucune aide de l'Etat. Je souhaite que cette question soit rapidement réglée.

En tout état de cause, les acteurs attendent en Guyane une action forte de l'Etat pour la mise à niveau des infrastructures d'adduction d'eau et d'assainissement, ainsi que des moyens renforcés pour le département afin que celui-ci puisse assumer pleinement ses missions en matière de gestion de l'eau (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet – Enfin, nous débattons d’un projet de loi sur l’eau. Le premier mérite de ce texte est donc d’exister, et ce n’est pas le moindre. Voilà près de dix ans qu’on parle d’une loi sur l’eau. Depuis le rapport de la Cour des comptes en 1998, on s’inquiète du risque d’illégalité des redevances. Depuis les premières tensions apparues sur la question de l’épandage des boues entre agriculteurs légitimement soupçonneux, industriels pressés et consommateurs inquiets, on recherche un équilibre entre les contraintes de chacun et l’intérêt de tous. Et depuis la directive européenne sur la qualité des eaux, on se demande que faire pour atteindre les objectifs qu’elle fixe ou du moins s’en approcher.

Défendant un texte attendu depuis si longtemps, Madame la ministre, vous vous exposiez à tous les reproches. Certains, de bonne foi, trouvent qu’il n’est pas assez ambitieux ; d’autres, de moins bonne foi, oublieux des difficultés qui furent les leurs à élaborer un texte et des tartuferies qui suivirent lorsqu’il fallut l’inscrire à l’ordre du jour, ont aujourd’hui la critique facile.

En matière d’écologie, on peut légitimement vouloir toujours plus. Ainsi, les agriculteurs ne participent que faiblement au financement de la gestion de l’eau alors même qu’ils portent une large part de responsabilité dans la mauvaise qualité des eaux souterraines et de surface, et cela est de plus en plus critiqué. On aurait tort de négliger cette question à l’heure où les inquiétudes quant à l’incidence des pesticides sur la santé se font plus précises. Mais force est aussi de constater qu’en matière d’écologie, on a souvent eu moins par le passé. Je salue donc tout particulièrement la création d’un fonds de garantie des risques liés à l’épandage agricole des boues urbaines et industrielles. La solution retenue, telle qu’amendée par la commission, me semble de nature à apaiser les tensions car elle est équilibrée.

Je veux aussi saluer les améliorations de notre système d’autorisation, notamment l’inclusion obligatoire, dans toute promesse de vente, d’un diagnostic ou d’un certificat de conformité des installations ; ce point important méritera d’être précisé dans nos discussions.

Ce projet décline les principes posés par la Charte de l’environnement dont notre Constitution s’est enrichie l’an dernier. Avec mon collègue Christian Decocq, je souhaite que le débat nous permette de progresser encore sur quelques sujets, notamment sur la redevance nitrates.

S’agissant de l’effet de serre, la mission parlementaire a remis son rapport le 12 avril. Les impacts prévisibles du changement climatique diffèrent selon les régions du monde ; mais nous savons avec certitude qu’en France, l’augmentation de la température sera supérieure à la moyenne mondiale, et que l’eau sera notre premier point de vulnérabilité : nous risquons la sécheresse. Il faut donc réfléchir à nos usages, à nos pratiques ; il faut pour cela cultiver le dialogue – et je remercie notre rapporteur André Flajolet d’avoir œuvré en ce sens. Je souhaite que notre discussion y contribue (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Charles Taugourdeau – Sur ce projet excellent et courageux, beaucoup de choses ont déjà été dites. On a utilisé l’expression « crise de l’eau », mais plutôt que d’alarmer, je crois nécessaire d’interpeller nos concitoyens sur l’obligation de préserver la ressource en eau. A nous de mettre en place des stratégies à moyen et long terme pour éviter une crise : c’est notre responsabilité d’élus de la nation envers les générations futures.

Protéger la ressource, ce n’est pas seulement interdire les forages ou laisser l’eau couler dans nos rivières pour aller se perdre dans l’océan ; c’est aussi gérer son utilisation. Au tout-industriel d’il y a quarante ans et à la course aux rendements agricoles des dernières décennies, il nous faut préférer une industrie propre et une agriculture raisonnée. Et surtout, il ne faut pas tout sacrifier au tourisme et aux loisirs : l’homme peut mieux vivre grâce à la protection de l’environnement, qu’il s’agit de concilier avec l’activité, l’oisiveté n’ayant jamais été un moyen d’épanouissement.

Le texte que nous voterons – après l’avoir intelligemment amendé – devra fonder une stratégie consensuelle de gestion de notre ressource en eau, soucieuse des générations qui nous succéderont et préservant les activités économiques actuelles.

J’ai entendu parler ce matin de renforcement des sanctions. Attention, car il nous faut aussi préserver l’esprit d’entreprise : il faut du courage pour entreprendre, et n’oublions pas que c’est ce qui permet de créer des richesses, même s’il faut aussi protéger la nature.

Enfin, je souhaite que nous suivions les propositions du rapporteur concernant l’assainissement non collectif. J’aimerais aussi que nous parvenions enfin à utiliser l’eau de pluie pour arroser les jardins, ainsi que dans les sanitaires des habitations car un tiers de l’eau potable disparaît dans les toilettes… Que l’on ne nous oppose pas de mauvaises raisons de précaution à l’égard des enfants !

J’arrête là mon propos, impatient que je suis de voir ce texte s’enrichir à l’occasion de la discussion des articles, pour le bien de l’environnement, des activités économiques et des générations futures – bref, tout simplement pour aider au maintien de la vie sur notre bonne vieille terre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean Launay - J’aurais voulu dire à Mme Kosciusko-Morizet, qui est partie, qu’elle n’a pas le monopole du discours environnemental et que l’emploi du mot « tartufferies » était quelque peu méprisant pour ses collègues…

Pour le premier volet de mon intervention, je m’exprimerai aussi au nom de mon collègue François Dosé.

Ce débat public sur l’eau permet tout d’abord d’accélérer la prise de conscience collective du défi que représente la protection de l’eau, patrimoine vital. Nous devons tenir compte de la diversité des situations naturelles, de la diversité des usages et de leurs impacts, de l’inéluctable changement climatique et de ses conséquences. N’oublions pas la fin des glaciers alpins et pyrénéens, la problématique des niveaux d’étiage, les questions de la température et du débit de l’eau. Il faut aussi évoquer le réchauffement de certains fleuves en conséquence du refroidissement des centrales nucléaires. Comme François Dosé me l’a dit hier, si l’eau est un patrimoine, il faut la protéger, de même que nous protégeons nos monuments historiques.

Je voudrais en second lieu évoquer l’essentiel de ce que Jean-Paul Dupré aurait voulu dire sur le volet « pêche » de ce projet.

En son nom, je rends hommage aux pêcheurs, véritables sentinelles du milieu aquatique, animés par le désir ardent de préserver la nature. Le président de la Fédération des pêcheurs de l’Aude rappelait dernièrement avec force que « les pêcheurs ne doivent pas être les héritiers du passé, mais ceux qui lèguent à l’avenir ».

Ce texte engage une double réforme structurelle : création d’une fédération nationale pour la pêche et la protection du milieu aquatique, chargée de coordonner les actions des associations adhérentes et investie de missions de service public ; transformation du Conseil supérieur de la pêche, créé à l’origine par les pêcheurs et pour les pêcheurs, en Office national de l’eau et des milieux aquatiques. Les structures associatives de pêche auront ainsi un rôle accru, mais leurs missions d’intérêt général ne pourront être bien remplies que si on les dote des moyens et des outils nécessaires.

Le plan départemental de gestion piscicole recevra-t-il la consécration juridique qu’il mérite ? Jean-Paul Dupré attend que vous précisiez vos intentions à cet égard. De même, les pêcheurs attendent une définition plus précise des « eaux libres » et des « eaux closes » – mais le rapporteur a déjà abordé ce point.

Le monde de la pêche est multiple et complexe ; comme Germinal Peiro, je demande que la place de chacun soit respectée : c’est aussi cela la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Patrick Beaudouin - L'examen de ce projet nous donne l'occasion de poursuivre le travail engagé pour protéger notre ressource en eau. Je tiens à cet égard à saluer l'apport essentiel de notre rapporteur André Flajolet.

Elu francilien, je voudrais insister sur le renforcement des outils de coopération et de gestion décentralisée, avant d’aborder la question des eaux pluviales.

En comparaison avec le début de printemps 2005, la situation hydrologique française s'est nettement améliorée. Cependant, aux portes de Paris, la sécheresse est presque là. Le Val-de-Marne fait partie des trois départements où un arrêté préfectoral de restriction des usages d'eau est en vigueur. Je tiens à saluer, Madame le ministre, votre volonté de renforcer la coordination interdépartementale, pour que les mesures éventuelles de restrictions s'inscrivent bien dans une gestion par bassin. Vous avez également rappelé votre souhait de voir les comités sécheresse associer davantage les élus.

Dans une situation de restriction, l'assainissement est encore plus fondamental pour répondre à tous les besoins. Le Val-de-Marne l'a compris et a engagé, depuis 2003, la mise en œuvre d'un schéma directeur départemental d'assainissement performant et exemplaire.

Je vous remercie de nous avoir écoutés : l'article 27 ter prend en compte la spécificité de l'agglomération parisienne en matière d'assainissement à travers des dispositions communes aux départements de Paris, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne ; il met également en place une solidarité intra-régionale, en instaurant la possibilité pour ces départements d'assurer tout ou partie de l'assainissement collectif des communes des autres départements franciliens. L'extension de la station d'épuration de Valenton traduit cette solidarité. Cette organisation exemplaire est à l'image de ce que doit être la nouvelle gouvernance de l'eau.

Du large débat sur la politique de l'eau organisé en France depuis 2003, je retiens une forte attente, chez nos concitoyens, en matière de récupération de l'eau de pluie. Chaque habitat peut récolter ses eaux pluviales. Cela se faisait depuis des millénaires, nos ancêtres savaient le faire, mais nous en avons perdu le réflexe. Il faut relancer cette tradition qui relève du bon sens écologique et économique. Notre collègue Françoise Branget a défendu en loi de finance rectificative pour 2005 un amendement visant à établir un crédit d'impôt en faveur de la récupération des eaux pluviales. J’ai déposé une proposition de loi dans le même sens en novembre 2005. Forts de ce travail en amont, ponctué par de nombreuses auditions, nous poursuivons cette démarche. Déjà, les expérimentations se multiplient ça et là, malgré des avis des DDASS qui varient d'un département à l'autre. Ainsi la ville de Besançon subventionne-t-elle l'installation de récupérateurs d'eau chez les particuliers.

Il faut s'interroger sur l'adaptation de la qualité de l'eau à son usage. Beaucoup de gens arrosent leurs jardins, lavent leurs véhicules ou alimentent leur chasse d'eau avec de l'eau potable. Ces habitudes ont été encouragées par une politique sanitaire certes exemplaire, mais qui reste focalisée sur le « tout potable ». Pourtant, une utilisation intelligente des eaux pluviales, pour des usages ni alimentaires ni corporels, est possible. Il faut donc changer les idées reçues. La commission des finances et celle des affaires économiques l'ont bien compris, en renonçant à la taxe sur les eaux pluviales. Cette dernière, privilégiant l'incitation, a accepté notre proposition visant à établir un crédit d'impôt de 40 %. C’est une mesure écologique, économique et pédagogique : écologique à la fois du point de vue de la préservation de l’eau et de la rétention en cas de fortes pluies, économique parce qu’elle implique une utilisation plus rationnelle de l'eau potable et crée des emplois, et pédagogique puisqu’elle contribuera à ancrer des réflexes éco citoyens. L’État, par ailleurs, montrera ainsi l'exemple : les agences de l'eau seront incitées à se pencher sur cette solution et à se montrer novatrices, et ce sera une bonne promotion de la fiscalité écologique.

L’expérience de nos voisins européens montre la faisabilité technique des systèmes de récupération et leur sûreté sanitaire. Plusieurs millions d’habitations en sont équipées en Allemagne, Autriche, Suisse, Bénélux ou aux Pays-Bas. Pour eux, la démarche coule de source ! Quant à l’aspect sanitaire, je pense que l'on s'est trop longtemps focalisé sur l'expression « usages domestiques » employée par la directive de 1998 et qui a été traduite différemment selon les États-membres. Nombre d'entre eux en effet acceptent l'utilisation de l'eau de pluie pour la chasse d'eau et le lavage du linge. Il faudra donc provoquer l'évolution des esprits, et en particulier de l’administration. Enfin, nous proposerons qu’un crédit d'impôt similaire bénéficie aux entreprise, des entreprises que nous voulons citoyennes et qui sont fortement concernées.

Ces amendements veulent conforter le projet de loi en mobilisant nos concitoyens et en faisant appel à leur bon sens écologique et pratique. Ils renforcent votre ambition, Madame le ministre, d’une politique moderne, concertée et partagée de gestion et de protection de l’eau, ce patrimoine commun à chacun d'entre nous (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Claude Flory – Si certains regrettent le temps qu’a mis ce projet à arriver devant notre assemblée, ils ne doivent pas oublier le temps de concertation qui est allé de pair : trois années qui se sont traduites, dans l’ensemble des régions, par des dizaines de milliers de contributions, montrant l’intérêt de nos concitoyens pour cette question. Ce travail de fond n’a pour pendant que l’engagement de notre rapporteur, qui a beaucoup œuvré pour parvenir à un juste équilibre que nos débat permettront sans doute de parfaire.

La France est un pays référence dans le domaine de l’eau. Voilà plus de quarante ans que notre pays, par la loi du 16 décembre 1964, s'est engagé dans une politique qui anticipait les problématiques contemporaines de l'eau. Même s’il reste beaucoup à faire, cette action s'est traduite par des résultats remarqués en termes de gestion de la ressource et de protection des milieux. Depuis, 16 000 stations d’épuration ont été réalisées et 90 % des rejets industriels et 70 à 80 % des rejets domestiques sont traités. Par une vision décentralisée avant l'heure, la gestion par bassin a fait en sorte que tous les acteurs définissent des programmes d'actions. Chacun a donc apporté sa contribution. Les actions ont été focalisées sur l'investissement, rôle principal des six instances de bassin, en soutien aux maîtres d'ouvrage communaux ou intercommunaux de terrain.

Le texte qui nous est proposé a bien pour objectif de conforter ce dispositif et de l'adapter aux enjeux à venir : préservation et gestion durable de la ressource, sécurité des redevances, rôle du Parlement quant aux programmes. Il nous invite aussi à nous projeter dix ou vingt ans plus loin et à dépasser les seules recommandations et contentieux européens d’aujourd’hui. La directive-cadre sur l'eau de 2000 consacrant le modèle français, la synergie entre les politiques nationale et européenne doit nous permettre de relever les défis à venir.

Parmi eux, il est un enjeu qui doit nous mobiliser : celui des zones rurales. Malgré de lourds investissements, des difficultés d'approvisionnement persistent. Les solutions d'assainissement s'avèrent parfois complexes et coûteuses, avec les risques inhérents d'atteintes aux milieux aquatiques particulièrement précieux pour les territoires ruraux. Parallèlement, ces zones connaissent un nouvel essor démographique et le problème est encore intensifié en été, alors que l’activité touristique est forte et la ressource en eau rare. Il faut donc soutenir le monde rural. Les coûts d'investissement y sont plus élevés qu'en zone urbaine, et donc l'impact sur le prix de l'eau plus grand, alors que les revenus y sont en moyenne inférieurs. Il est donc nécessaire de bien identifier la part des aides affectées aux communes rurales dans les programmes des agences.

Les zones rurales jouent par ailleurs un rôle prépondérant pour les zones urbaines et péri-urbaines : elles sont souvent les têtes de bassins versants et sont déterminantes pour l'approvisionnement, en eaux de surface comme souterraines, des agglomérations. Les territoires ruraux ne veulent pas être seulement protégés et sanctuarisés : ils souhaitent aussi être des acteurs forts du développement de la nation, comme leur attractivité renouvelée le démontre. La mobilisation, depuis le 1er janvier 2005, par les agences de l'eau des sommes jusque là gérées par le FNDAE va dans ce sens. Les agences doivent se servir de ces moyens pour soutenir les maîtres d'ouvrages communaux ou intercommunaux, en complément des crédits qu’elles consacraient déjà aux communes rurales. Ceci mérite d'être précisé (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UDF). De même, l'affectation, enfin, aux agences, des 40 millions jusque là prélevés au titre de la TGAP permettra d'accompagner l'agriculture dans ses efforts constants vers des démarches raisonnées. Élu d'un département qui ne connaît pas de pollution diffuse d'origine agricole, l’Ardèche, je sais néanmoins combien l’enjeu est important pour le monde agricole français dans son ensemble.

La France doit tendre vers l'excellence en matière d'eau. Elle est une référence dans ce domaine. Dans la réflexion et dans l'action, Madame la ministre, où que ce soit sur le territoire, votre mobilisation et la nôtre doivent lui permettre de le rester. Je suis convaincu que ce texte y contribuera (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Georges Colombier – L'eau est au centre de la vie et constitue un enjeu majeur pour la planète. Elle fait partie du patrimoine de la nation. La protection de l’eau et le développement de la ressource utilisable sont d'intérêt général.

Ce texte répond à une attente très forte de notre société. En effet, la conscience selon laquelle l'eau est menacée par les pollutions, qu’elle n'est plus depuis longtemps un bien gratuit et inépuisable, se diffuse très largement parmi nos concitoyens. Sur tous les sujets, les attentes sont grandes : accès à l'eau, inégalité, problèmes environnementaux… Quarante ans après la loi fondatrice du 16 décembre 1964, ce texte a donné lieu à une vaste concertation avec tous les acteurs concernés. Le débat a confirmé la nécessité de réformer notre politique, à la fois pour respecter les objectifs de la directive-cadre, pour améliorer notre efficacité, notamment en clarifiant les compétences de chacun et en améliorant l'action de la police de l'eau, et pour répondre aux attentes des usagers en matière de transparence et de qualité. Je tiens à souligner la richesse du débat qui a eu lieu : chacun a d’ailleurs bien conscience de la nécessité d’y apporter sa contribution. La gestion de l'eau était déjà un défi, elle va le devenir encore davantage.

La France n'est pas à l'abri des problèmes. Il ne se passe plus une année sans que l'eau fasse la une de l’actualité, qu’il s’agisse d'inondations, de sécheresse ou de pollution. Je tiens donc à remercier les rapporteurs et la ministre pour la grande qualité du travail qu'ils ont mené ensemble. L’objectif à atteindre est clair et ambitieux : le bon état écologique des eaux, cours d'eau, lacs, nappes souterraines et eaux littorales pour 2015.

Le texte qui nous est soumis est riche, dense et complexe, car les domaines visés sont nombreux. Je souhaite insister sur la problématique des eaux libres et des eaux closes. Depuis la loi pêche de 1984, les controverses juridiques sur la définition de ces notions se sont développées. Hélène Vestur, dans son rapport de juin 2005, a souligné que de sérieuses considérations de droit et de fait imposaient de redéfinir le champ d'application de la législation sur la pêche et, par conséquent, de donner une nouvelle définition des eaux libres et des eaux closes.

M. François Sauvadet - Très bien !

M. Georges Colombier - Les conflits d’usage sont importants et doivent être apaisés par ce texte. Le flou juridique actuel ne permet en effet la soumission ou l’exclusion d’un plan d’eau à la législation sur la pêche qu’au terme d’une procédure pénale longue et coûteuse. Cette situation d’incertitude est inacceptable dans un État de droit et il est temps d’inscrire dans la loi des définitions claires, au moment où la pêche en étang fait l’objet d’un engouement. Toutes les activités liées aux étangs participent à l’aménagement et à la vie des territoires ruraux. Un amendement présenté par M. le Rapporteur en commission a introduit un article additionnel avant l’article 42, afin de permettre une délimitation des eaux libres et des eaux closes et de mettre fin aux nombreux contentieux.

Je connais, Madame la ministre et Monsieur le Rapporteur, toute l'attention que vous portez à l'édiction, dans ce texte, d'une règle simple et claire et je salue votre ambition de doter notre pays d'une législation adaptée, permettant à l'ensemble des acteurs de préserver ce patrimoine commun de la nation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Gest – C’est bien volontiers que je m’exprime au nom de Louis Cosyns, retenu dans sa circonscription. Celui-ci tient à saluer le travail de notre rapporteur, qui a recherché les solutions les plus consensuelles.

M. Cosyns se réjouit que l'on soit revenu à la notion de bon sens que constitue la circulation du poisson pour définir les eaux libres et les eaux closes. Cela fait plus de vingt ans que des contentieux se sont en effet développés, du fait des incertitudes nées des dispositions de la loi de 1984. Toutefois, la question des étangs reste en suspens : trop de litiges naissent de la méconnaissance du statut de ces ouvrages fondés en titre. C'est pourquoi il serait souhaitable, comme l'avait demandé M. Ginoux, sénateur du Cher, que soit mis en place un document incontestable, précisant la nature juridique de chaque étang.

Ce texte prend en compte l’importance de l’eau en matière de production agricole. Les excès, tout autant que les pénuries, doivent être gérés. Le seul régulateur étant le stockage de l'eau, cette problématique devra être considérée sur le long terme. Par ailleurs, alors qu'on associe souvent la notion de pollueur à celle d'agriculteur, il est nécessaire de rappeler que l'agriculteur n'est pas un consommateur d'eau, mais un utilisateur, et à ce titre, soucieux de sa qualité.

L'assainissement sera une question de plus en plus importante, la production de boues d'épuration devant croître dans les prochaines années. La mise en place du fonds de garantie devrait rassurer les agriculteurs. L'épandage, qui est le débouché pour 50 % à 60 % des boues, est désormais fragilisé : la profession agricole craint en effet que l'épandage n'entraîne des méventes de sa production et la disqualification des terres exposées. De surcroît, certains distributeurs et certaines entreprises agro-alimentaires font de l'absence d'épandage de boues une exigence de qualité. Il serait souhaitable d’aller plus loin que ce fonds de garantie et de soutenir les filières de valorisation des boues, innovantes et créatrices d’emploi.

Pour conclure, si la loi de 1984 visait à harmoniser droit de l’eau et droit de la pêche, les contentieux nés de cette situation appellent à les séparer afin de retrouver une législation claire et de supprimer les contentieux, jusqu’au plus haut niveau de juridiction (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Janine Jambu - « L'eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d'intérêt général. L'usage de l'eau appartient à tous dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis. » Cet énoncé, figurant à l'article premier de la loi sur l'eau du 3 janvier 1992, mériterait d'être complété pour insister plus encore sur la nécessaire préservation de ce bien indispensable à la vie de tout être vivant.

Un milliard d'êtres humains n'ont pas accès à l'eau potable, deux milliards sont privés d'assainissement. Notre pays est lui aussi concerné : selon l'Institut français de l'environnement, 75 % des cours d'eau et 57 % des nappes souterraines sont contaminés par des pesticides ; les zones où la concentration en nitrates est supérieure à 40 milligrammes par litre – le seuil de pollution étant fixé à 50 milligrammes – représentent la moitié du territoire national.

Nous devons faire preuve de volontarisme pour atteindre l'objectif imposé par la directive européenne du 22 décembre 2000 : parvenir à un bon état écologique des eaux d'ici à 2015. Cela suppose de mobiliser des moyens supplémentaires et de promouvoir les bonnes pratiques, en encourageant une agriculture plus respectueuse de l'environnement.

Certes, le projet de loi entend augmenter les moyens des six agences de l'eau. Mais, avec le texte voté par le Sénat, les ménages contribueront à hauteur de 82 % au budget des agences, tandis que les industriels supporteront 14 % de la contribution, et les agriculteurs – qui utilisent les deux tiers de l'eau – 4 % seulement. Ce choix ne nous paraît pas recevable.

Le principe pollueur-payeur – auquel nous préférons d'ailleurs l'expression «responsable-payeur» et que nous refusons d’assimiler à l'achat d'un droit à polluer – est désormais reconnu par la Constitution, via la Charte de l'environnement. Or, sa mise en œuvre ne permettra pas d'inciter à la préservation de la ressource et à la modification des comportements, d’autant que seuls les pesticides sont concernés par la nouvelle redevance pour « pollutions diffuses ».

Au-delà de cette grave insuffisance, nous devons déplorer que ce projet escamote les questions essentielles du prix de l’eau et des modalités de gestion. L'article 41 du projet de loi, relatif à l'Office national de l’eau et des milieux aquatiques, ne suffira manifestement pas à les épuiser. Or, le débat autour de ces questions a été ramené au premier plan par l'étude polémique de l’UFC Que Choisir de janvier, précédée par plusieurs rapports de la Cour des comptes.

En 1997, les magistrats de la rue de Cambon jugeaient que la hausse du prix de l'eau était bien à mettre en rapport avec la délégation du service. En 2003, ils s'inquiétaient de l'opacité d'une gestion qui profite essentiellement au duopole Veolia-Suez et soulignaient que leur marge par rapport au chiffre d'affaire n'est, en général, pas connue. De leur côté, le Service central des enquêtes et études statistiques et l'Institut français de l'environnement ont observé que la délégation au privé entraînait un surcoût moyen de 27 % pour la distribution et de 20,5 % pour l'assainissement.

Par ailleurs, le prix du mètre cube varie de 1 à 7 suivant les régions : il semble difficile de s'en tenir aux arguments techniques avancés par le Syndicat professionnel des entreprises de services d'eau et d'assainissement. L'exemple des écarts de prix entre les dix communes de l'Île de Ré, alimentées par la même canalisation mais dont les contrats passés avec l'opérateur diffèrent, en témoigne.

Les collectivités locales s’interrogent donc quant à l'opportunité de renouveler leur confiance aux prestataires de service. Notre groupe a d'ailleurs déposé une proposition tendant à créer une commission d'enquête sur l'impact des délégations de service public de l'eau sur les prix et la transparence du service rendu. D'ores et déjà, certaines collectivités, comme Grenoble, ont fait le choix d'un retour en gestion directe. L'Ile-de-France n'échappera pas à ce débat, puisque Paris est appelé à renégocier les contrats de distribution avec les opérateurs privés en 2009 et que le contrat du Sedif avec Veolia et celui du Syndicat des eaux de la Presqu'île de Gennevilliers avec Eau-et-Force, filiale de Suez, arriveront à échéance en 2011.

Les usagers, qui se montrent particulièrement sensibles aux augmentations du prix de l'eau, souvent sans rapport avec le service rendu, ne comprendraient pas que la piste d'une reprise en régie ne soit pas explorée. 60 % des collectivités compétentes, représentant plus de 80% de la population, ont fait le choix d'une gestion déléguée. Cela donne la mesure des obstacles à surmonter pour la reconquête de la maîtrise publique de l'eau. Confrontées à des informations technologiques et financières toujours plus complexes, elles peinent à analyser les conséquences de ce choix. Malgré le développement de l’intercommunalité, nombre d’entre elles ne disposent pas de capacités financières et d'expertises suffisantes. C'est pourquoi je souhaite que l'on confie à l'ONEMA une mission de conseil et d'assistance auprès des collectivités territoriales.

M. André Chassaigne - Très bien !

Mme Janine Jambu - Cette proposition s’inscrit dans la logique des amendements au moyen desquels notre groupe portera les exigences sociales et démocratiques ignorées par votre texte. Pour plus de transparence, il faut renforcer la présence des usagers dans les instances où se définissent les politiques de l'eau. Ces derniers sont notoirement sous-représentés dans les comités de bassin, issus de la loi de 1964 et qui, en l'état actuel des choses, ne méritent guère leur appellation de « parlements de l'eau ». Pour plus de solidarité, il convient, en nous inspirant des dispositions qui existent concernant le droit d'accès à l'énergie, de prévoir le maintien d'un débit minimal de fourniture d'eau ou encore d'instaurer une tarification sociale pour la première tranche de consommation. L'approvisionnement en eau potable ne devrait pas être interrompu en cas de défaut de paiement par des personnes en situation de précarité et encore moins s'il y a risque d'atteinte à la dignité humaine ou de danger pour la santé. Autrement dit, il s’agit d’inscrire un droit à l’eau dans les législations nationales, comme certains l’ont défendu à Mexico au Forum alternatif mondial de l’eau.

L’eau, parce qu’elle est un patrimoine commun, doit être exclue de la sphère marchande ; chacun doit y avoir accès selon ses moyens. Nous devons défendre, partout où cela est possible, le service public de l'eau. Notre vote dépendra de l'accueil réservé à nos propositions.

M. André Chassaigne - Très bien !

Mme la Ministre – Je remercie tous les orateurs pour ce débat dont la richesse témoigne de votre intérêt profond pour ce projet de loi. Tout d’abord, permettez moi de remercier MM. Flajolet, Ollier et Rouault de la qualité de leur travail. Par leur approche humaniste, ils ont rappelé le lien fort qui existe entre l’eau et les questions liées à la santé et à l’environnement. Effectivement, il convient d’aborder ce sujet à l’échelle planétaire.

Je partage votre analyse sur l'importance du bassin versant. Leur rôle est renforcé par ce projet de loi. L'appui des agences pour la réalisation du schéma d'aménagement de gestion des eaux leur sera fort utile. Je n'ignore pas que M. Flajolet a acquis dans ce domaine une grande expérience de terrain en présidant le SAGE de la Lys. L'implication des agences de l'eau dans l'élaboration et le suivi des SAGE contribuera à rapprocher le bassin du terrain de même que la création de commissions géographiques territoriales au sein du comité de bassin. Je précise que ces commissions ne constituent pas une instance de décision nouvelle.

Messieurs Ollier et Santini, s’agissant de l’ONEMA, j'ai besoin de cet organisme, pour répondre aux enjeux de la directive cadre. En effet, il mettra en oeuvre le système d'information sur l'eau nécessaire à l'évaluation des politiques, assurera la surveillance des milieux et contribuera à accroître nos connaissances dans le fonctionnement des écosystèmes aquatiques. Mais surtout, l'ONEMA permettra une véritable surveillance des cours d'eaux sur le terrain, seul gage d'une réelle efficacité de la police de l'eau. Loin d'affaiblir mon ministère et la direction de l'eau ou de constituer un doublon des agences de l’eau, il leur apportera un appui précieux. Certes, la reprise de certaines activités de la direction de l'eau par l'ONEMA entraîne une baisse des moyens budgétaires de cette direction à due concurrence mais celle-ci gardera les moyens nécessaires à l’accomplissement de ses missions régaliennes. La création de l’ONEMA n’entraîne pas un accroissement des moyens publics consacrés à la politique de l'eau, elle correspond à la recherche d’une plus grande efficacité.

Ensuite, comme vous l’avez rappelé, il faut passer un nouveau contrat avec le monde agricole, un contrat sans arrière pensée. J'approuve le souhait du rapporteur et de plusieurs intervenants de simplifier le dispositif de la redevance élevage, mais en restant dans l'enveloppe prévisionnelle de recette prévue.

Rappelons que la directive cadre nous donne une obligation de résultats. Pour les atteindre, la politique de l'eau doit être suffisamment décentralisée. C'est pourquoi, Monsieur Rouault, tout en adhérant à votre analyse sur la non constitutionnalité des redevances, je m’oppose à conclusion que vous en tirez : la nécessité de renvoyer au niveau central la décision du taux des redevances.

M. François Sauvadet - Très bien !

Mme la Ministre – En cette matière, nous sommes à la fois dans la continuité de la loi de 1964 et dans le renouveau. La Constitution n’était plus respectée depuis 1982. Ce projet de loi met fin à cette situation que vous avez qualifiée à juste titre de « choquante ». Le dispositif que je vous propose me semble un bon compromis entre une parfaite régularité constitutionnelle et le caractère décentralisé de la politique de l'eau.

J'ai pris acte de la décision de la commission des affaires économiques et de la commission des finances de ne pas retenir le principe d’une taxe sur les eaux pluviales. Toutefois, je rappelle que de nombreux maires manquent de moyens,…

M. François Sauvadet - Très bien !

Mme la Ministre - … et imputent la charge financière sur le budget d'assainissement de la commune, ce qui contribue à relever le prix de l’eau. Cette situation n’est pas acceptable. M. Ollier a d’ailleurs fait part de ses préoccupations légitimes sur l'évolution de ce prix.

Monsieur Launay, je vous ai trouvé bien pessimiste. Certes, tout n'est pas parfait mais la police de l'eau, par exemple, fonctionne de mieux en mieux. D'ici à la fin de l'année, tous les moyens seront regroupés dans un seul service sous l'autorité du préfet. Par ailleurs, les crédits accordés aux agences de l'eau seront au moins équivalents, voire supérieurs, à ceux qui leur sont concédés actuellement. Il devrait suffire à atteindre les objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés, pour peu que les agences fassent preuve d'une meilleure sélectivité. Enfin, les agences de l'eau ont pris le relais du FNDAE de manière satisfaisante et les moyens consacrés à la solidarité rurale dans les futurs programmes seront accrus. Quant à la fiscalité écologique qui récompense les comportements vertueux, j’y suis favorable.

M. François Sauvadet - Très bien !

Mme la Ministre - C'est pourquoi j'attends beaucoup des travaux lancés sur la fiscalité verte à l'initiative de M. le Premier ministre.

Monsieur Chassaigne, vous avez évoqué les questions de gestion quantitative de l'eau, qu'il s'agisse des crues ou des étiages. Vous avez bien voulu admettre que l'article 14 du projet de loi y répondait. Par ailleurs, sans attendre cette loi, j'ai pris des initiatives dans ce domaine en présentant notamment un plan de gestion de la rareté de l'eau en octobre en Conseil des ministres et en signant une charte sur le bon usage de l'eau le 2 mars dernier avec la fédération française de golf.

S’agissant du droit à l'eau, l’essentiel est de le rendre effectif. La France participe à la réalisation des objectifs du millénaire avec une contribution de 368 millions par an d'aide bilatérale et multilatérale. Le Président de la république a souhaité que cette problématique soit au cœur de la réunion du G8 afin de mobiliser les pays les plus riches sur cet enjeu. D’autre part, la loi « Santini-Oudin » de février 2005 permet aux agences de l’eau de s’engager dans la coopération décentralisée.

Vous souhaitez une meilleure gouvernance de l'eau, moi aussi. Pour autant, je fais confiance aux collectivités territoriales pour qu’elle choisisse le mode de gestion de l'eau qui leur est adapté. Votre vision centralisatrice n'est pas la mienne et ne me paraît pas adaptée aux enjeux de la directive cadre…

M. François Sauvadet – Très bien !

Mme la Ministre – Quant à l'hydroélectricité, le projet de loi tel qu'il est sorti du Sénat constitue un bon compromis entre les impératifs de la lutte contre l'effet de serre et ceux de la préservation des écosystèmes aquatiques, enjeu de la directive cadre.

Monsieur Gaubert, sur le problème des algues vertes, j'ai adressé à Mme la Préfète de la Région Bretagne des instructions pour mettre en œuvre des programmes d'actions nous permettant de respecter la directive européenne sur la pollution des eaux par les nitrates. Par ailleurs, l'article 14 du projet de loi contient des dispositions permettant de généraliser ces programmes d'actions.

Monsieur Sauvadet, je souhaite également que l'argent de l'eau reste à l'eau. La généralisation de ce principe à tous les niveaux est justement l’un des objectifs de ce texte. Quant à l’idée du fonds de réserve proposée par la commission des finances, elle me semble intéressante à première vue. Mais, il me semble préférable d’ajuster au plus près les recettes et les dépenses. J'ai noté que vous étiez favorable à la création du fonds pour l'épandage agricole des boues. C’est une bonne chose, car le recyclage des boues d'épuration en agriculture reste le moyen le plus économique et le plus écologique de les utiliser. S’agissant des comités de bassin, je souhaite également le retour à la parité entre élus et usagers. Enfin, concernant l'exercice de la solidarité rurale par les agences de l'eau, je ne remets pas en cause le souhait du Sénat qu’un plancher soit fixé. Mais, l'expression de ce plancher en montant annuel étant peu praticable, il serait préférable de le globaliser sur la durée du programme.

Monsieur Gaillard, en tant que président de comité de bassin Rhin-Meuse, je sais combien votre appréciation positive sur ce projet est importante. Je reprends à mon compte l’expression d’ « avancée démocratique » : ce projet, en effet, permettra de rendre constitutionnels et de soumettre à l’approbation parlementaire les deux milliards investis chaque année par les agences de l’eau sur la base des redevances qu’elles prélèvent. J’ai noté vos propos sur la responsabilisation des utilisateurs que permettra la mise en place de compteurs individuels dans le cadre de collectifs neufs. Je suis comme vous consciente des relations entre l’eau et la santé. Ce projet comprend des avancées significatives dans la maîtrise des pollutions diffuses par les pesticides qui constitue un enjeu bien supérieur à la pollution par les nitrates.

Monsieur Dumas, le projet constitue un bon compromis entre les impératifs de la lutte contre l’effet de serre et ceux de la préservation des écosystèmes aquatiques. Je ne méconnais pas l’intérêt de la bonne gestion forestière pour la qualité des ressources en eau. Les relations entre forestiers et gestionnaires des ressources en eau doivent sans doute être améliorées mais cela ne relève pas de la loi.

Monsieur Santini, j’ai bien noté vos propos s’agissant des opportunités que pourrait nous offrir la charte de l’environnement en matière de fiscalité écologique. Toutefois, la charte ne nous exonère pas de l’application de l’article 34 de la Constitution qui donne compétence exclusive au Parlement pour voter les règles d’assiette et les taux de redevance, qualifiés d’imposition par le Conseil Constitutionnel. C’est ce qui rend nécessaire l’article 37 du projet. La suppression de l’ONEMA reviendrait à se priver d’un dispositif important visant à renforcer notre capacité technique et entraînerait la suppression du CSP sur les compétences duquel il faut s’appuyer..

M. André Chassaigne – Très juste.

Mme la Ministre - Monsieur Piron, qui êtes intervenu au nom de M. Blessig, je vous remercie du soutien de la délégation à l’aménagement du territoire. Les spécialistes de l’aménagement doivent être étroitement associés aux décisions en matière d’aménagement et de gestion des ressources en eau. C’est sans doute sur le plan de l’élaboration et du suivi des SDAGE qu’ils doivent trouver leur place.

Messieurs Marie-Jeanne et Manscour, Madame Rimane, je suis particulièrement soucieuse de la situation dans les DOM. Ce projet complète le dispositif institutionnel en outre-mer et donne des pouvoirs plus importants aux offices de l'eau créés par la loi de juillet 2003. La solidarité vis-à-vis des départements d'outre mer sera assurée par l'ONEMA à partir des contributions émanant des agences de l'eau métropolitaines. Cette solidarité concernera non seulement les communes rurales mais également les communes urbaines.

Monsieur Bouvard, je suis comme vous favorable à ce que le point d'équilibre trouvé au Sénat entre production d'hydroélectricité et préservation des milieux aquatiques soit préservé. Le projet s'attache en outre à faciliter l’entretien des cours d’eau, notamment dans les zones de montagne, à travers des plans de gestion pluriannuelle ; cet entretien doit être régulier et respecter les milieux tout en garantissant un bon écoulement des eaux dans les torrents.

Monsieur Decocq, je partage votre intérêt quant à la fiscalité écologique. Pour être efficace, celle-ci doit rester simple. Vous avez critiqué la taille trop importante de certains bassins mais il est plus facile d'assurer les péréquations nécessaires dans le temps et l'espace sur un territoire étendu que sur un territoire restreint dont le potentiel fiscal serait insuffisant. Pour rapprocher les instances de bassin du terrain, je crois plus efficace de créer des commissions territoriales au sein des comités de bassin comme le propose votre commission. Les «grandes » agences ont d’ailleurs amorcé cette pratique avec un certain succès. Enfin, j'ai déjà indiqué pour quelle raison je n'étais pas favorable à la redevance nitrate et je ne crois pas que son absence soit contraire à la charte de l'environnement.

Monsieur Herth, vous avez montré comment l'agriculture peut apporter une contribution positive à l'environnement, par exemple avec la constitution de bandes enherbées. C'est cette logique partenariale que le projet veut mettre en avant à travers les plans d'actions par bassins versants. Des changements de pratiques seront nécessaires dans un certains nombre de cas. Je ne doute pas que le monde agricole saura relever ces défis.

Monsieur Peiro, je ne jette aucun anathème concernant les besoins en eau dans l’agriculture : je ne suis pas opposée par principe à la mobilisation de ressources nouvelles dès lors que celles-ci respectent les équilibres écologiques des bassins versants. En ce qui concerne l'hydroélectricité, j'ai déjà indiqué que l’équilibre du projet me semble satisfaisant. Je suis comme vous favorable à tout ce qui peut faciliter l'accès de nos rivières à tous mais il ne faut pas sous-estimer les problèmes de sécurité que cela peut poser, surtout à une époque de judiciarisation croissante de la société.

Monsieur Merville, je partage votre impatience de voir cette loi votée pour moderniser nos outils en matière de politique de l'eau. Vous avez raison de souligner les efforts qui permettent d'assurer chaque jour la fourniture d'une eau potable d'excellente qualité. C'est une formidable réussite des collectivités locales et particulièrement des maires. Mais mieux vaut prévenir et protéger notre ressource que guérir par des traitements lourds et onéreux qui pèsent sur le prix de l'eau. S'agissant des comités de bassin, je partage votre souhait de voir la représentation des communes et de leurs EPCI renforcée au sein du collège des élus.

Monsieur Decool, je vous remercie pour votre présentation du dispositif des wateringues, qui constitue un exemple concret de la gestion partagée d'une ressource fragile. Je ne souhaite évidemment pas que les dispositions du projet remettent en cause ce qui a été mis en place depuis plusieurs décennies. Toutefois, la notion de « vieux fonds, vieux bords » me paraît devoir être adaptée aux enjeux actuels. Je ne partage pas votre critique du rapport Vestur. La question de la distinction entre eaux libres et eaux closes est délicate et je remercie votre rapporteur d'avoir voulu l'aborder. Les propositions de Mme Vestur me paraissent constituer une bonne base pour nos débats.

M. François Sauvadet - Très bien.

Mme la Ministre – Madame Ramonet, comme vous je pense que les pollutions par les phytosanitaires sont un enjeu de santé publique extrêmement important. Je me réjouis des mesures de ce projet, lesquelles s'appuient sur les propositions que vous aviez faites dans le rapport que vous avez réalisé avec M. Herth. Il est en outre nécessaire d'interdire des publicités exagérément sécurisantes et les agents du CSP devraient avoir en effet la possibilité de constater des infractions quand des zones où il ne doit pas y avoir d’application de phytosanitaires ne sont pas respectées.

Monsieur Saddier, la montagne est en effet essentielle pour l'équilibre des ressources en eau et la production d'énergie renouvelable. Bien sûr, les techniques d'entretien des rivières de montagne doivent être adaptées à leur situation particulière, mais attention aux équilibres des berges et aux incidences sur l’aval ! L'encadrement de la part fixe doit effectivement être adapté aux variations importantes de populations saisonnières. En ce qui concerne la délimitation des eaux libres et des eaux closes, je pense également que la spécificité des lacs de montagne doit être prise en compte.

Monsieur Dumont, ancienne ministre déléguée à la lutte contre l'exclusion, je suis particulièrement sensible à votre propos sur les coupures d'eau. Je vous rappelle que dès 2004 le Gouvernement, sur ma proposition, a modernisé le dispositif de solidarité en matière de facture d'eau impayée en s'appuyant sur le fonds social du logement. Par ailleurs, le projet « engagement national pour le logement » interdit les coupures d'eau en hiver pour les plus démunis.

Madame Rimane, vous qui présidez le comité de bassin de Guyane, vous savez que la pollution par le mercure lié à l'activité d'orpaillage est particulièrement préoccupante. Vous savez aussi que le plan Anaconda permettra d’endiguer ce fléau. A la suite de l'adoption du projet relatif aux parcs nationaux et aux parcs naturels marins, et pour répondre à la demande des élus guyanais, j'ai, en liaison avec le ministre de l'intérieur, lancé un groupe de travail sur ce sujet. Concernant l'alimentation en eau potable des centres urbains de Cayenne et Kourou, les résultats d'une inspection de l'environnement sont disponibles. Les recommandations qui en sont issues permettent de progresser vers une solution satisfaisante dans le cadre des ressources financières actuelles.

Monsieur Taugourdeau, je suis comme vous défavorable au tout répressif mais il faut aussi parfois savoir manier le bâton avec la carotte. L'idée de créer un double réseau dans les installations intérieures est a priori séduisante mais il ne faut toutefois pas sous-estimer les risques sanitaires. Sans doute convient-il, dans un premier temps, de réutiliser des eaux de pluie pour l'arrosage des jardins avant de penser à les recycler dans le réseau sanitaire.

Madame Kosciusko-Morizet, comme vous je suis convaincue que notre première responsabilité est de faire voter cette loi qui s’inscrit dans le prolongement de la charte de l'environnement à l'élaboration de laquelle vous avez largement contribué. Il s'agit notamment d'appliquer le principe pollueur-payeur à travers les redevances des agences de l'eau. Il s'agit aussi de lutter contre des pollutions diffuses.

Monsieur Beaudouin, concernant la question des eaux pluviales, j'ai déjà exprimé mon sentiment quant à la suppression de l'article 23. Vous proposez la création d'un crédit d'impôt mais la multiplication des niches fiscales peut avoir des effets pervers. Je pense comme vous que l'article 23 ter apporte les éléments confortant l'organisation de l'assainissement de l'agglomération parisienne.

Monsieur Flory, je salue votre contribution à la préparation de cette loi à travers un rapport remarqué. S'agissant de la solidarité avec les communes rurales, nous devons être clairs : la dotation de solidarité prévue dans la loi de 150 millions par an constitue en fait la reprise du FNDAE. Elle doit s'entendre comme venant en sus des interventions traditionnelles des agences pour le milieu rural. Je rappelle qu'avec la reprise des attributions du FNDAE, cette intervention a augmenté de plus de 200 millions entre 2003 et 2004.

Monsieur Colombier, je vous remercie pour votre appréciation élogieuse du travail réalisé par le groupe animé par Mme Vestur. Le ministère de l'écologie est à l'origine de cette réflexion tendant à trouver une solution satisfaisante pour toutes les parties. Je remercie votre rapporteur d'avoir proposé, par un amendement, de compléter notre dispositif législatif. Cette proposition me paraît équilibrée et je l'approuve.

Monsieur Gest, je prends acte de votre amendement concernant les propositions de Mme Vestur. Comme vous, je souhaite que le développement de techniques alternatives nouvelles pour valoriser les boues d'épuration soit soutenu. Les agences de l'eau peuvent jouer un rôle important dans ce domaine.

Vous avez insisté, Madame Jambu, sur l'importance des pollutions diffuses et la nécessité de bonnes pratiques agricoles. C’est une orientation forte du projet, qui trouve sa traduction dans les priorités assignées aux agences de l'eau et dans les outils mis en place. Mieux protéger la ressource est le meilleur moyen de réduire le coût des traitements destinés à rendre l’eau potable, qui pèsent sur celui de l'eau (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. le Président – Les orateurs auront certainement été sensibles au fait que vous leur répondiez personnellement, et aussi longuement. C’est assez rare pour être relevé.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 22 heures.
La séance est levée à 20 heures 15.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

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