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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du mardi 30 mai 2006

Séance de 15 heures
96ème jour de séance, 229ème séance

Présidence de M. Jean-Louis Debré

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La séance est ouverte à quinze heures.

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

AMNISTIE DE M. drut

M. André Vallini - Ma question s’adresse au Garde des Sceaux, et elle est relative à l’amnistie accordée par le Président de la République à M. Guy Drut. En 2002, au nom du groupe socialiste, Bernard Roman avait dénoncé la loi d’amnistie, en critiquant les faveurs présidentielles qu’elle rendait possibles en toute discrétion… (« Et Maxime Gremetz ? » sur les bancs du groupe UMP) Monsieur le ministre, mesurez-vous l’atteinte que cette décision porte à la morale publique et les dégâts qu’elle provoque dans l’opinion ? Je ne sais si, comme l’a déclaré ce matin le président Debré, cet épisode est plus grave que le CPE ou l’affaire Clearsteam, mais ce que nous savons, c’est qu’il est temps d’en finir avec ces prérogatives d’inspiration monarchique, car la République ne saurait s’accommoder du fait du prince ou du bon vouloir du roi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Et comment pourrait-on exiger l’impunité zéro dans les quartiers si l’on pratique l’impunité totale au sommet de l’État ? (Même mouvement)

Qu’ils soient de droite ou de gauche, les Français que nous rencontrons dans nos circonscriptions ne sont même plus révoltés, mais découragés. Et lorsqu’à la révolte populaire – qui peut être féconde – succède le découragement civique, c’est la démocratie elle-même qui est malade. Depuis bientôt six mois, la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire d’Outreau s’attache, en travaillant sans tenir compte des clivages partisans, à redonner aux Français un peu de confiance en leurs institutions. Et nous voulons leur redonner confiance en leur justice. Mais il ne peut s’agir que d’une justice égale pour tous. Je crains fort que, d’un trait de plume, le Président de la République ne vienne de réduire tout cela à néant. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice - Monsieur le député, votre indignation vertueuse me permet de préciser plusieurs points. D’abord, l’amnistie n’a pas dispensé M. Drut de sa peine : il a payé les 50 000 euros de sanction financière…

M. François Hollande - C’est bien le moins !

M. le Garde des Sceaux  Et je rappelle que s’il avait été condamné à quinze mois avec sursis, ses droits civiques n’ont pas été suspendus. Ensuite, M. Drut a demandé à bénéficier de la loi d’amnistie votée par le Parlement en 2002…

M. François Hollande - Soyez plus précis : qui l’a votée ?

M. le Garde des Sceaux  Après examen approfondi, il est apparu que M. Drut ne pouvait plus, si sa condamnation était inscrite dans son casier judiciaire, siéger en tant que membre du Comité international olympique… (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Hollande - Et alors ?

M. le Garde des Sceaux  Alors ? Cela revenait à lui infliger une seconde peine, puisqu’il n’avait pas été prévu, dans la première décision, qu’il devait être dispensé de siéger au CIO. (Même mouvement) En conséquence – et en conscience –, j’ai proposé au Président de la République que la France ait la possibilité d’avoir trois membres au CIO au lieu de deux.

Enfin, permettez-moi de faire observer que quand le Président de la République a exercé son droit de grâce au profit de M. Gremetz, de M. Bové ou de M. Désir, je n’ai jamais entendu votre indignation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) S’il était en mon pouvoir de décerner des prix, je vous donnerais une médaille d’or : celle de l’hypocrisie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; huées sur les bancs du groupe socialiste)

AMNISTIE DE M. drut

M. Gilles Artigues – Monsieur le Premier ministre, le groupe UDF souhaite, à son tour, exprimer son indignation. C’est en effet sur votre proposition que le Président de la République a décidé d’amnistier l’un de nos collègues, condamné à quinze mois de prison avec sursis dans l’affaire des marchés truqués d’Île-de-France. C’est une situation tout à fait exceptionnelle que celle qui a vu le Gouvernement demander au Président d’amnistier non pas un sportif, mais un député de son propre parti. Après une telle décision, que reste-t-il de l’égalité des citoyens devant la loi ? Que reste-t-il de l’autorité de la justice ? Que reste-t-il des principes républicains élémentaires ?

M. Jean Glavany - Rien !

M. Gilles Artigues - Ma question est simple et je sais que nombre de députés de l’UMP aimeraient vous la poser s’ils en avaient la liberté : Monsieur le Premier ministre, êtes-vous conscient des ravages que provoque, pour notre démocratie, une telle décision ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur de nombreux bancs du groupe socialiste)

M. le Président – La parole est à M. Lamour. (Protestations)

M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative - Nous avons souvent été amenés à regretter l’absence de la France au sommet des institutions internationales… (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste) Le sport fait partie des facteurs de rayonnement international de notre pays. Or, la France ne compte que trois représentants – MM. Killy, Sérandour et Drut – sur les cent quatorze membres actifs du CIO – et encore faut-il savoir qu’Henri Sérandour sera atteint, l’année prochaine, par la limite d’âge et qu’il ne sera pas forcément remplacé par un Français.

Plusieurs députés des groupes UDF et socialiste – Répondez à la question !

M. le Ministre – Dans ce contexte, le Président de la République s’est attaché à maintenir la présence de la France au sein des instances internationales, de manière à rester influents et à défendre notre modèle d’organisation. Il fallait faire un geste. Nous l’avons fait, pour permettre, avec Guy Drut, à la France de tenir son rang à l’échelle internationale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Conséquences de la victoire du non au référendum du 29 mai 2005

M. Michel Vaxès - Monsieur le Premier ministre, le 29 mai 2005, une majorité de Français rejetait votre projet de constitution européenne. Un an plus tard, selon un sondage récent, cette majorité confirme à 98 % son vote, alors que 10 % de ceux qui ont voté oui le regrettent aujourd'hui. Les oppositions qui s'étaient exprimées alors contre la directive Bolkestein restent d'actualité, et sa réécriture, qui n'en affecte aucunement le fond, n’est pas de nature à nous rassurer. Alors que le rejet de votre politique s’accentue, vous restez sourd aux attentes de la majorité de nos concitoyens. Pis, vous multipliez les décisions qui aggravent les inégalités, amplifient les fléaux de la précarité et de l'exclusion, démantèlent les services publics, remettent en cause le code du travail, saignent l'hôpital public et laissent les marchés financiers dilapider richesse et emplois.

Monsieur le Premier ministre, ce n’est pas prendre un grand risque que d’affirmer que votre gouvernement et votre majorité ont aujourd'hui perdu toute légitimité populaire. Par respect pour la démocratie et pour ces millions d'hommes et de femmes qui attendent autre chose du gouvernement de la France, vous vous seriez honoré, avec le Président de la République, en retournant devant les électrices et les électeurs de ce pays après une dissolution de l'Assemblée nationale. Vous ne l'avez pas fait. Alors une question se pose : pourquoi méprisez- vous à ce point l'opposition citoyenne, largement majoritaire dans le pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes Pour vous répondre par l’exemple et en tenant un langage de vérité, je vais vous parler de la proposition de directive services. Hier, nous avons trouvé un accord politique, par consensus, au sein de l’Union. Au préalable, je rappelle qu’il n’y a jamais eu de directive Bolkestein.

Il n’y avait eu qu’une proposition, ce qui n’est pas la même chose (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains), laquelle n’avait jamais été approuvée ni par les États, ni par le Parlement européen. La vérité, c’est aussi qu’il n’y aura jamais de directive Bolkestein (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Du reste, cette personne n’est plus membre de la Commission.

Le texte sur lequel il y a eu consensus est totalement différent du texte d’origine. Il a été entièrement remanié – sans votre vote – par le Parlement européen et nous avons pu encore l’améliorer depuis. Le principe du pays d’origine a disparu, les services publics sont préservés, c’est le droit français du travail qui s’appliquera en France, comme il se doit, les secteurs sensibles tels que la santé ou l’audiovisuel sont préservés. Ainsi débarrassé de tout ce qui était inacceptable, le nouveau texte nous permettra de développer le secteur des services, qui représente les trois quarts de nos emplois.

Les enseignements que l’on peut tirer de la journée d’hier vont au-delà (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) et sont importants car ils contredisent nombre d’idées fausses sur la France et sur l’Europe. Ce renversement de situation montre la force de la volonté politique – celle de la France sur ce dossier, depuis le début ; il montre aussi que la France n’est pas affaiblie et sait gagner des majorités, voire dégager, comme ce fut le cas hier, un consensus ; il montre enfin la force de la relation entre la France et l’Allemagne. Nous voyons d’autre part que la démocratie européenne fonctionne et qu’elle est capable de concilier le dynamisme économique et la fidélité aux valeurs sociales.

Oui, en ce 30 mai 2006, cette directive est un bon exemple de ce qui est possible. Il fallait, c’est vrai, réorienter les choses. Grâce au Parlement européen, à la Commission européenne et aux encouragements de la représentation nationale, nous l’avons fait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz - Grâce au « non » au référendum !

situation en afghanistan

M. Guy Teissier - Sept fils de France, dont trois ces jours derniers, sont morts en Afghanistan, Madame la ministre de la défense. Soldats d'exception, ils accomplissaient, dans le cadre national et dans celui de l'OTAN, avec exemplarité et courage, une mission particulièrement délicate, aux côtés de leurs camarades des forces spéciales et de leurs alliés américains. Ils ont droit à la reconnaissance de la république, à l'estime de la nation et à notre considération.

L'Afghanistan connaît ces derniers mois des combats très violents. Les islamistes, qui avaient abandonné Kaboul, semblent vouloir mener dans le sud une nouvelle offensive, soutenus par leurs complices d'Al Qaida. Les batailles rangées, les attaques de convois et même d'écoles, les attentats suicides se succèdent à un rythme soutenu.

C'est dans ce contexte que les États-Unis ont annoncé le retrait de 2 500 soldats américains sur les 19 000 qui conduisent les opérations contre les talibans dans le cadre de l'opération « Liberté immuable ». La Force internationale d'assistance à la sécurité de l'OTAN a commencé, quant à elle, à renforcer son dispositif pour compenser cet allégement et étendre sa zone d'activité hors de la capitale afghane.

Face à ces évolutions et à la radicalisation de la situation, pourriez-vous, Madame la ministre, indiquer à la représentation nationale les mesures prises ou envisagées avec nos alliés pour conforter le processus démocratique et poursuivre la lutte contre le terrorisme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense - Hier à Bayonne, un hommage a été rendu au nom de la nation à l’adjudant Joël Gazeau et au caporal-chef David Poulain, qui ont été tués tous deux la semaine dernière en Afghanistan. J’ai transmis à leurs familles et à l’ensemble des militaires présents la reconnaissance de la représentation nationale tout entière.

Du point de vue de la sécurité, la situation en Afghanistan est contrastée, l’ensemble du pays étant à peu près calme, tandis que le Sud-est et Kaboul connaissent des attentats suicides, des explosions de mines télécommandées et un harcèlement des forces de la coalition.

Sur le plan politique, le gouvernement et le parlement sont en place et travaillent, mais la lutte contre la drogue suscite de nombreuses réactions dans le pays. On sait qu’une bonne part de l’argent de la drogue alimente les réseaux terroristes.

Le besoin de développement économique et social est grand en Afghanistan. Aucune stabilisation ne sera possible sans cela. Enfin, il faut évoquer la situation psychologique : une présence militaire de longue durée est difficilement acceptable par quelque peuple que ce soit.

Face à cela, nous avons d’abord le souci de renforcer la capacité afghane de sécurité. Pour cela, la France s’est engagée dans la formation de l’armée afghane, en particulier des officiers. Nous voulons d’autre part que la communauté internationale renforce son action, notamment pour qu’il y ait de vrais substituts agricoles à la culture du pavot ; pour qu’il y ait un vrai développement économique et social, un développement de l’éducation et de la santé. Nous devons mobiliser la communauté internationale sur ces points pour réussir à avancer.

C’est ainsi que les sacrifices de nos militaires n’auront pas été vains. Car en Afghanistan comme ailleurs, nos militaires paient un lourd tribut au maintien de la paix, de la liberté, de la justice et de la sécurité. Je pense que vous serez tous d’accord pour que nous leur marquions ici notre reconnaissance et notre soutien. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDF et sur de nombreux bancs du groupe socialiste)

séisme à Java

M. Jean-Jacques Guillet - Pour la deuxième fois en deux ans et demi, l’Indonésie est frappée par une catastrophe naturelle d’une ampleur dramatique. Après Sumatra, qui connut l’épreuve du tsunami, c’est l’île de Java qui est aujourd’hui touchée, en son cœur historique et culturel de Jogjakarta.

Il y a deux ans et demi, la France avait apporté une aide importante, appréciée tant de la population que du gouvernement. En tant que président du groupe d’amitié France-Indonésie de l'Assemblée nationale, je voudrais exprimer, au nom de tous, notre solidarité et notre compassion envers les victimes du séisme – on dénombre actuellement 5 400 morts mais aussi de très nombreux blessés et quelque 200 000 sans abri. Et j’aimerais savoir, Monsieur le ministre des affaires étrangères, comment nous allons manifester notre solidarité avec l’Indonésie dans les prochains jours. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères - C’est parce que la zone touchée est particulièrement peuplée que l’on déplore 5 400 morts, 20 000 blessés et 200 000 sans abri. La France a immédiatement fait savoir aux autorités indonésiennes qu’elle était à leur service. Le jour du séisme, grâce au ministère de la santé – dont je salue les équipes – un avion est parti avec cinq évaluateurs, dont deux médecins du SAMU. Le lendemain, un C135 du ministère de la défense a décollé avec du matériel chirurgical, des médicaments et 40 personnes à son bord : dix médecins du SAMU, dix infirmières et vingt personnes de la protection civile – grâce au ministère de l’intérieur. Hier soir, le ministère des affaires étrangères a affrété un avion de 40 tonnes de fret humanitaire et d’appareils d’épuration d’eau. Ce soir, trois ou quatre nouvelles équipes chirurgicales partiront rejoindre à Klaten, à 50 kilomètres du séisme, les équipes déjà sur place. Je souligne particulièrement la bonne coordination entre la France et l’Indonésie, mais également entre les ministères de l’intérieur, de la défense, de la santé et des affaires étrangères. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

apprentissage junior

M. Jean-Louis Bernard – Le soutien et le développement de l’apprentissage, filière trop longtemps négligée, constitue une voie importante pour l’insertion professionnelle des jeunes alors que 120 000 d’entre eux sortent du système éducatif sans diplôme. Aujourd’hui, 350 000 personnes sont en apprentissage et un an après la fin de cette période, 80 % d’entre elles obtiennent un CDI. Vous avez donc décidé, Monsieur le ministre de l’éducation, de développer l’apprentissage junior grâce à un dispositif prévoyant des stages dès 14 ans et un contrat dès 15 ans.

M. Alain Vidalies - C’est un scandale.

M. Jean-Louis Bernard - De nombreux jeunes souhaitant s’engager rapidement dans la vie active, la possibilité de faire de nombreux stages leur permettra de se sensibiliser à divers métiers et de choisir cette voie d’excellence.

Pouvez-vous confirmer que l’application du dispositif d’apprentissage junior sera effective dès la rentrée prochaine ? Quels objectifs vous fixez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche – J’ai une bonne nouvelle : ce ne sont pas 360 000 mais 382 000 jeunes qui sont aujourd’hui en apprentissage, dont plus de 60 000 dans l’enseignement supérieur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Nous voulons porter ces chiffres respectivement à 500 000 et à 100 000.

Parce que l’apprentissage est en effet une voie d’excellence, la loi Borloo sur l’égalité des chances, promulguée le 31 mars dernier, a donc crée l’apprentissage junior. Ce dispositif poursuit une triple ambition : offrir une formation différente à des jeunes qui le souhaitent…

Mme Martine David - Merci les régions !

M. le Ministre - …fournir le socle commun de compétences et de connaissances et, enfin, apporter une véritable qualification professionnelle. Nous avons déjà publié une brochure explicative, un guide pédagogique sera édité dans les prochaines semaines (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) et le décret d’application sera pris avant l’été. J’ajoute que 20 millions sont transférés aux régions, qui disposent désormais de cette compétence. Enfin, avec MM. Larcher et Dutreil, nous travaillons avec les régions, les chambres consulaires et les branches professionnelles afin que ce dispositif soit appliqué dès la rentrée prochaine, où 15 000 apprentis junior au moins sont attendus. Nous espérons doubler ces effectifs à la rentrée de 2007. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

gdf

M. Didier Migaud - Dans la loi de 2004 sur l'énergie, le Gouvernement – M. Sarkozy en particulier – s’est engagé solennellement à ce que l'État ne détienne pas moins de 70 % du capital de GDF. Aujourd'hui, cet engagement est passé aux oubliettes. En fait, depuis le début, vous avez préparé la privatisation de cette entreprise, Monsieur le ministre de l’économie, l'OPA du groupe italien ENEL n'étant qu’un prétexte. Vous préparez ainsi la soumission de GDF à une logique privilégiant des intérêts privés au détriment de l'intérêt général ; vous refusez de vous engager sur une minorité de blocage en proposant tout au plus un droit de veto alors même que la Commission européenne s'y oppose. Selon nous, l'avenir de GDF, comme celui d'EDF, passe par la constitution d'une ou plusieurs entités publiques compatibles avec les règles européennes et garantes de l'accès à l'énergie pour tous, au meilleur prix. Vous devez renoncer à ce projet de privatisation, dont nous constatons d’ailleurs les effets pervers avec EDF. La logique de libéralisation des prix et l'ouverture du capital ont provoqué une flambée des prix de 48 % en un an, la plus forte en Europe. Triste record, dénoncé d’ailleurs par la commission des finances de l'Assemblée nationale à l’unanimité !

Allez-vous respecter l'engagement solennel pris il y a deux ans ? Allez-vous renoncer à votre projet de privatisation de GDF, nuisible pour les usagers, l’entreprise elle-même et notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l’industrie Les questions liées à l’énergie sont essentielles pour l’avenir de la France et de l’Europe. Nous devons aujourd’hui constituer de grands groupes afin de pouvoir peser sur l’approvisionnement et sur les tarifs, en particulier lorsqu’une entreprise ne possède aucun gisement, comme c’est le cas pour GDF. Ce n’est pas le ministre des finances mais Suez et GDF qui ont travaillé ensemble à un nécessaire rapprochement pour mieux servir leurs clients et garantir la sécurité d’approvisionnement. C’est dans ce contexte qu’une entreprise italienne a eu des velléités de lancer une OPA hostile sur Suez. Le Premier ministre a choisi de soutenir le projet GDF-Suez et il m’a demandé de mener une très large concertation, notamment avec les syndicats. Trente réunions ont ainsi été organisées et 71 questions nous ont été adressées auxquelles nous avons répondu. Viendra ensuite le temps du débat, en particulier devant la représentation nationale, car c’est elle qui décidera si elle veut ou non aller de l’avant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

conduite sous l’influence de drogues

M. Richard Dell'Agnola – En France, trois millions de personnes sont des consommateurs occasionnels de cannabis et 300 000 en fument régulièrement. Ce phénomène qui s’est banalisé n’est pas sans danger : 27 % des conducteurs de moins de 25 ans impliqués dans un accident mortel ont consommé un ou plusieurs joints avant de prendre la route. Une récente enquête sur les stupéfiants et les accidents mortels de la circulation routière, coordonnée par l’Observatoire français des drogues et toxicomanies, a confirmé que conduire après avoir fumé du cannabis présente un danger mortel. Pas moins de 250 personnes, dont la moitié ont moins de 25 ans, meurent chaque année sur les routes après avoir fumé du cannabis. Cette étude montre aussi que la conduite sous l’effet du cannabis multiplie par deux le risque d’être responsable d’un accident mortel et que ce risque est multiplié par 15 lorsque drogue et alcool sont associés. Or, malgré la loi de 2003 qui a créé un nouveau délit de conduite sous l’emprise de drogue, passible de 4 500 euros d’amende et de deux ans d’emprisonnement, et les résultats obtenus en matière de sécurité routière, les accidents dus au cannabis ne décroissent pas. Après tant d’années de banalisation du phénomène, il nous faut enfin tenir un langage vrai. Comment comptez-vous sensibiliser les conducteurs, notamment les plus jeunes, aux dangers du cannabis au volant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer - En matière de sécurité routière, nous devons mener une multitude d’actions. La lutte contre l’usage du cannabis par les conducteurs est une de ces actions prioritaires. Au moins 230 morts sur la route sont directement liées à l’usage du cannabis, lequel double le risque d’accident. En outre, l’usage de cannabis s’ajoute souvent à la consommation d’alcool, ce qui entraîne une baisse de la vigilance et une altération très importante des réflexes. Vous avez évoqué 300 000 consommateurs réguliers : c’est une estimation basse. Face à cela, il nous faut d’abord communiquer sur la réalité du danger. Nous venons de lancer une grande campagne, à travers des messages radio, des affiches, un site internet et une plateforme téléphonique, pour sensibiliser les plus jeunes – mais pas seulement – à la réalité de ce danger. Nous devons aussi renforcer le dépistage, pour que la loi à l’origine de laquelle vous avez été soit efficace. En liaison avec le ministre de l’intérieur, nous sommes ainsi passés à 21 000 dépistages par an, dont un tiers sont malheureusement positifs, et nous avons lancé un appel d’offres pour un dépistage salivaire, dont le résultat devrait être connu dans les prochaines semaines. Cela nous permettra d’effectuer un dépistage de masse, donc plus efficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

accès au crédit des personnes présentant un risque de santé aggravé

M. Luc Chatel – 800 000 personnes vivent aujourd’hui en France avec un cancer, et environ 150 000 sont séropositives. Elles se battent avec courage contre ces fléaux, avec un réel espoir de guérison. S’y ajoutent les deux millions de Français qui ont été atteints ou sont guéris d’un cancer, que l’on oublie trop souvent. Tous sont victimes d’une terrible discrimination, qui s’apparente à une double peine : l’accès au crédit leur est souvent refusé. Après avoir été atteints dans leur chair, ils sont atteints dans leur dignité, privés de l’accès à la propriété ou à d’autres biens d’équipement. Certes, les pouvoirs publics se sont saisis de ce problème avec la signature, en 2001, de la convention Belorgey entre les banquiers, les assureurs, l’État et 14 associations de malades, qui devait faciliter l’accès au crédit des personnes présentant un risque de santé aggravé. Mais le bilan de cette convention laisse un goût amer. En 2004, 9 000 malades ont vu leur demande d’emprunt rejetée sans aucune justification. Le défaut d’information des usagers et des professionnels, des dysfonctionnements dans l’application des dispositifs prévus, des délais de réponse excessifs, des questionnaires inacceptables et un coût souvent insupportable pour les personnes concernées sont à déplorer.

C’est un appel au secours de ces malades et de ces anciens malades que je souhaite aujourd’hui relayer. Le Président de la République s’est engagé le 27 avril à lutter contre cet odieux ostracisme. Comment le Gouvernement y remédiera-t-il dans les prochaines semaines ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Lassalle - Très bien !

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités – Cet appel au secours, le Président de la République l’a entendu. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Le 27 avril, il a fixé clairement des orientations pour que les choses changent en matière d’accès au crédit et à l’assurance – pas seulement pour les personnes malades, mais aussi pour celles qui souffrent d’un handicap. Plus de 10 millions de Français rencontrent en effet des difficultés pour acquérir un logement ou une voiture, ou monter un projet professionnel. Conformément au souhait du Président de la République, nous avons rencontré la semaine dernière, avec Thierry Breton, les banquiers, les assureurs et les associations de patients, pour établir une nouvelle convention. Cette démarche doit aboutir d’ici au 30 juin. Si tel n’était pas le cas, un projet de loi vous serait soumis. Si, comme nous l’espérons, la démarche aboutit, un projet de loi sera également présenté pour consacrer ces principes. La situation que vous évoquez n’est pas seulement difficile à vivre : elle est impossible à accepter. Il faut mieux informer sur la convention, traiter plus rapidement les dossiers, diminuer le nombre et le montant des surprimes, faciliter l’accès au crédit à la consommation. Le progrès médical est réel : chacun doit en tirer les conclusions. Il ne s’agit pas seulement de l’accès au crédit, mais aussi du regard que nous portons sur la maladie et sur les malades. C’est tout simplement une question de justice ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Lassalle - Très bien !

quota de logements sociaux

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Notre assemblée discutera cet après-midi en deuxième lecture du projet de loi portant engagement national pour le logement. L’une des dispositions de ce texte suscite les plus vives inquiétudes de tous ceux qui poursuivent l’objectif de donner un toit à tous.

M. Richard Mallié - On en parlera tout à l’heure !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L’article 55 de la loi SRU oblige les communes de plus de 3 500 habitants à compter au moins 20 % de logements sociaux. Tous nos concitoyens défendent ce principe propre à réduire les ghettos urbains. Pourtant, de nombreuses communes ne s’y soumettent pas, préférant payer l’amende plutôt que de s’engager dans une démarche volontaire de construction de logements sociaux. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Lors de l’examen en première lecture du projet, votre majorité a adopté un amendement assouplissant le quota de 20 %, pour permettre à certains maires qui ne veulent pas construire de logements sociaux d’échapper à cette obligation élémentaire. Le silence du Gouvernement à cette occasion a choqué les plus éminents défenseurs du logement social.

M. Richard Mallié - Nous n’avons pas de leçon à recevoir !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Il contrastait avec les déclarations du Président de la République, que je vous rappelle – je ne sais pas si c’est une bonne idée – : « j’appelle tous les représentants des communes à respecter la loi qui leur impose d’avoir 20 % au moins de logements sociaux ».

Le Sénat avait réduit la portée de cet amendement. La commission des affaires économiques a proposé qu’il soit examiné de nouveau et votre majorité s’apprête à rétablir cette disposition inacceptable.

Monsieur le ministre, répondez à cette seule question : approuvez-vous l’amendement à l’article 55 de la loi SRU qui réduit l’obligation faite aux communes d’offrir à leurs habitants des logements sociaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement  Vous faites état d’une des dispositions qui permettent de développer l’accession sociale à la propriété. Je comprends bien que ces termes « accession sociale à la propriété » vous dérangent (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP). D’ailleurs, sous le gouvernement Jospin, on était tombé à 80 000 logements de ce type par an, le niveau le plus bas des 25 dernières années. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Pour notre part, nous avons développé l’accession à la propriété, nous avons fixé à 240 000 par an le nombre de prêts à taux zéro, nous avons diminué le taux de TVA à 5,5 % pour l’accession à la propriété des ménages les plus modestes (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Michel Lefait - Menteur !

M. le Ministre - Mais puisque vous n’aimez pas l’accession sociale à la propriété, vous devez adorer la location sociale. Or le plus grand scandale des 30 dernières années, c’est d’avoir financé moins de 42 000 logements locatifs sociaux en 2000 ! (Huées sur les bancs du groupe UMP) Nous, nous avons mis en place un plan destiné à tripler le nombre de logements locatifs sociaux en cinq ans, et dès la deuxième année, nous doublons leur nombre, le portant à 80 000. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Et quand on ajoute que pour alimenter le budget général, vous avez détourné sur le 1 % pour le logement social plus de 350 millions par an (« Hou ! » sur les bancs du groupe UMP), vous êtes particulièrement mal placés pour donner des leçons en ce qui concerne le logement, en accession à la propriété ou en locatif ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP dont plusieurs membres se lèvent. De très nombreux membres du groupe UMP scandent le nom de M. Borloo ; rires et « Villepin, au revoir ! » sur les bancs du groupe socialiste)

Coopération avec les Comores

M. Mansour Kamardine - Comme l’avait promis son ancien Président, le Colonel Hazali Assoumani, les Comores viennent d'élire librement et démocratiquement un nouveau président en la personne de M. Ahmed Abdallah Sambi, qui a recueilli 58 % des suffrages exprimés. Durant sa campagne, il s’était engagé en particulier à mettre un terme à la corruption qui gangrène son pays et à interdire les « kwassa- kwassa de la mort », responsables de tant de victimes dans le bras de mer qui sépare Anjouan de Mayotte.

Après la passation des pouvoirs, qui a eu lieu dans la ferveur générale le 26 mai dernier, dans son premier discours officiel, il a reconnu dans la France un partenaire privilégié, et a réitéré ses engagements sous les acclamations de ses compatriotes.

Il a besoin de la France pour construire l'État de droit et notamment de magistrats expérimentés pour l'aider à lutter contre la corruption. Et pour lutter efficacement contre l'immigration clandestine, il aura également besoin de notre soutien dans les domaines de la santé et de l'école. À ce propos, sachez que Mayotte accueille actuellement dans ses établissements quelque 12 000 petits clandestins anjouanais, au point de devoir faire l'école en alternance faute de locaux suffisants.

Les instituteurs de l'État recrutés à Mayotte sont tout à fait disposés, dans le cadre de la coopération bilatérale et régionale, à participer à l'effort de scolarisation à Anjouan. Cette action favoriserait le développement de la francophonie, éviterait le grand nombre de morts lors du passage en kwassa-kwassa et conforterait la lutte contre l'immigration clandestine.

Compte tenu des nouvelles préoccupations du pouvoir comorien, quelle politique le Gouvernement entend-il mener pour aider les Comores dans leur quête d'un nouvel État de droit ? (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – La parole est à M. Douste-Blazy.

De nombreux députés socialistes – Non, Borloo, Borloo !

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères - Je tiens d’abord à féliciter M. Sambi. La transition démocratique qui vient d’avoir lieu prouve que la vie politique des Comores est de nouveau stable. Nous voulons appuyer le processus de réconciliation nationale en augmentant de 60 % l’aide publique au développement dans les domaines de la santé, de l’agriculture, du soutien au système productif. Nous souhaitons également mettre en place un système d’aide aux institutions comoriennes, en particulier dans les domaines de l’État de droit, de la justice ainsi que de l’éduction dans le cadre d’un programme européen doté de 15 millions par an. Comme vous le souhaitez, le gouvernement français accompagnera le développement de la coopération régionale entre Mayotte et les pays voisins. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Négociations de l’OMC

M. René André - Au cours des négociations de l’OMC la semaine dernière à Paris, le commissaire européen Peter Mandelson a assuré que « l’Union européenne était prête à de nouvelles concessions sur l’agriculture ».

Vous lui avez immédiatement répondu, Madame la ministre déléguée au commerce extérieur, qu’il ne pouvait y avoir de nouvelles propositions sans que de l’autre côté – qui, dans mon esprit, est essentiellement celui des États-Unis –, il y ait une « contrepartie claire, significative et mesurable ». Votre collègue M. Bussereau, ministre de l’agriculture, a souligné pour sa part que l’Europe n’avait pas à faire de nouvelles concessions en matière agricole.

Malheureusement M. Mandelson, bien que commissaire européen, apparaît comme un farouche adversaire de la politique agricole commune. À diverses reprises, il a été au-delà du mandat qui lui a été confié par la Commission, et aujourd’hui il paraît à nouveau vouloir ignorer vos mises en garde et être prêt à sacrifier la PAC aux intérêts américains. Que comptez-vous faire pour défendre non seulement les agriculteurs français, mais l’agriculture européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDF)

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur À entendre votre question, on pourrait croire que la semaine dernière, en marge du sommet de l’OCDE, il s’est passé quelque chose à Paris : il ne s’est rien passé.

La situation est limpide. Le jusqu’auboutisme des Américains, qui veulent ouvrir le marché de leurs partenaires et surtout, inonder de leurs produits l’ensemble des marchés des pays en développement, tout en continuant à subventionner considérablement leur agriculture, explique le blocage total des négociations. Cette position maximaliste est incompatible avec les objectifs du cycle, qui sont des objectifs de développement, et elle est bien entendu contraire à la politique agricole commune. Tout le monde doit faire un pas : l’Europe en a déjà fait trois ; elle attend que les autres se mettent en marche. Nous sommes de plus en plus nombreux, au sein de l’OMC, à le dire : ce sont les États-Unis, et non pas l’Europe, qui bloquent les négociations.

Dans ce contexte, les déclarations récentes du commissaire Mandelson ont pour objectif essentiel de mettre les États-Unis sur la défensive et de prouver que le problème se trouve de leur côté.

Concernant la marge de manœuvre de l’Union européenne, la position française, que la Commission connaît parfaitement, est claire : les concessions que l’Union européenne a déjà faites la placent à la limite du mandat qui lui a été donné par les États membres ; notre marge de manœuvre est donc infime, et il serait extrêmement maladroit de l’utiliser maintenant, avant que nous n’ayons obtenu quoi que ce soit dans le domaine des produits industriels et dans celui des services. C’est ce que j’indiquerai demain à M. Kamal Nath, ministre du commerce et de l’industrie de l’Inde, afin qu’ensemble nous puissions progresser dans cette direction, l’Inde, qui est membre du G 20, ayant des intérêts très voisins des nôtres dans le domaine agricole. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 15, sous la présidence de Mme Mignon.
PRÉSIDENCE de Mme Hélène MIGNON
vice-présidente

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eau et milieux aquatiques (suite)

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi, adopté par le Sénat, sur l’eau et les milieux aquatiques.

Mme Nelly Olin, ministre de l’écologie et du développement durable Je tiens d’abord à remercier M. le président Ollier ainsi que l’ensemble des membres de la commission des affaires économiques pour le travail accompli. Je salue tout particulièrement le travail remarquable de sérieux et d’abnégation du rapporteur, M. Flajolet (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), auquel j’associe le rapporteur pour avis, M. Rouault.

Je remercie tous les députés, qui, grâce à leur coopération et à leurs apports au texte, au cours d’une discussion sereine et de haute tenue, ont donné l’image de femmes et d’hommes politiques attachés à la qualité du débat démocratique.

Le texte a été sensiblement amélioré. L'équilibre entre le respect des objectifs écologiques de la directive cadre sur l'eau et la valorisation énergétique de nos ressources hydrauliques a été respecté. Vous avez également approuvé les propositions visant à assurer une gestion plus économe et plus collective des prélèvements d'eau. En matière d'assainissement non collectif, les possibilités d'intervention des communes ont été accrues. Si j'ai pris note de votre choix de ne pas créer de taxe nouvelle pour l'assainissement des eaux pluviales, j'appelle votre attention sur le fait que je suis souvent sollicitée par des maires à propos du financement des travaux dans ce domaine.

M. François Sauvadet - C’est vrai !

Mme la Ministre - Certains n'hésitent pas à imputer ces dépenses sur le prix de l'eau, faute de ressources spécifiques : le débat n'est donc pas clos et devra se poursuivre en deuxième lecture.

En matière de lutte contre les pollutions diffuses par les phytosanitaires, vous avez maintenu le dispositif proposé. Votre assemblée a également souhaité simplifier les modalités de calcul de la redevance « élevage ». Toutefois, le dispositif devra être affiné par le groupe de travail, piloté par M. Flajolet, qui devrait permettre d’aboutir à un système équitable, incitatif et plus simple.

Vous avez surtout confirmé les orientations de réforme institutionnelle. Les agences de l’eau pourront s’appuyer sur un socle juridique plus solide et mettre fin à la non-constitutionnalité des redevances. La commission des finances aurait souhaité un contrôle plus strict du Parlement et du Gouvernement sur les instances de bassin, alors que certains plaidaient pour plus de liberté : le dispositif retenu ménage un juste équilibre, respectant les contraintes constitutionnelles et la nécessaire autonomie des comités de bassin.

Vous avez également relevé le plafond de dépenses des agences et accru le montant consacré à la solidarité avec le monde rural, répondant à une demande forte. En ce qui concerne le rôle du département, votre position diverge de celle du Sénat : ce sujet devra faire l'objet d'un compromis.

M. François Sauvadet - Très bien !

Mme la Ministre - Enfin, vous avez, à juste titre, complété ce projet de loi par des dispositions concernant le milieu marin et je vous en remercie.

Permettez-moi de vous remercier, Madame la présidente, ainsi que vos collègues, pour avoir su mener avec intelligence et finesse ces débats. Je ne veux pas oublier les collaborateurs des commissions et l'ensemble des services de l’Assemblée nationale. Je suis fière d'avoir porté ce texte et j’espère le voir adopté car il est essentiel pour l'avenir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Présidente - Au nom de mes collègues, je vous remercie, Madame la ministre, pour ces paroles aimables.

M. André Flajolet, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire« L’eau est le bien commun de la nation » : à ce titre, l'Assemblée nationale a débattu pendant 26 heures et 37 minutes et examiné 1 279 amendements. 364 d’entre eux ont été adoptés : 160 de la commission des affaires économiques, 3 des non inscrits, 5 du groupe communiste et républicain, 10 du groupe UDF, 11 du groupe socialiste, 142 du groupe UMP et 6 de la commission des finances.

Si ce « bien commun » n’a pas retenu l’attention des médias nationaux, il a fait l’objet de nombreux articles dans la presse spécialisée. Ce texte a permis en outre à l'Assemblée nationale d’exercer pleinement ses prérogatives : les sensibilités des uns et des autres ont permis de l’enrichir. Je tiens à remercier M. le président Ollier, pour son attention et son soutien, les administrateurs, pour leur compétence et leur dévouement ainsi que Mme la ministre et ses collaborateurs, avec qui ce fut un plaisir de travailler.

Ces débats ont permis d’élargir les espaces relevant de la loi comme les eaux de baignade, de traiter des bateaux ventouses en mauvais état ou encore de donner une définition précise des eaux closes.

Concernant la redevance « élevage », une expertise complémentaire et partenariale en présence des élus de toutes tendances et des groupes agricoles aura lieu mardi prochain. La redevance « élevage » est incomprise, injuste et illisible : nous tenterons d’élaborer une proposition compréhensible et équilibrée.

« Équilibré » est le terme qui convient à ce projet, ouvert à une dimension éducative et à une politique audacieuse et solidaire. Si quelques jusqu’au-boutistes exprimeront regrets et complaintes, les élus, en fondant les redevances en constitutionnalité, en confirmant les agences de l’eau comme acteurs exclusifs et outils stratégiques de la politique de l’eau, en affirmant la gouvernance de proximité au travers des SAGE et des EPTB, ont fait œuvre utile.

Ils ont fait œuvre nécessaire et salutaire en conciliant les intérêts de l’hydroélectricité et ceux des milieux aquatiques, en étendant la lutte contre les eaux usées, en réorganisant l’assainissement, en réaffirmant leur attachement au devenir des communes rurales et à la place éminente des agriculteurs dans la lutte contre les risques naturels et la pollution. Enfin, ils ont fait œuvre de cohérence par rapport à la charte de l’environnement.

Avec 14 milliards prévus pour le plan et en collaboration avec les collectivités territoriales, nous avons les moyens de notre ambition et ce texte se situe dans la lignée de ceux de 1964 et de 1992. Avec la création de l’ONEMA, la confirmation du rôle du Conseil supérieur de la pêche comme bras armé de la police de l’eau, la création de la Fédération nationale de la pêche et de la protection du milieu aquatique ainsi que du Comité national de la pêche professionnelle en eau douce, les outils de la gouvernance sont en place.

Je vous remercie de la confiance que vous ne manquerez pas de porter à ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

explications de vote

M. Jean Launay - Quel contraste entre l'état de la ressource en eau en France et le manque d'ambition de ce texte ! Face à cette urgence, constatée par de nombreux rapports nationaux et internationaux, le projet de loi est très en retrait. Si « notre maison brûle », comme le déclarait Jacques Chirac en 2002 au Sommet de la terre de Johannesburg, ce n'est pas ce texte qui éteindra l'incendie !

Si nous pouvons saluer le travail du rapporteur en amont, les conditions d’examen de ce texte en commission furent inacceptables : les réunions prévues au titre des articles 88 et 91 de notre Règlement ont été à plusieurs reprises reportées, ce qui a empêché l’examen sérieux des amendements déposés dans ce cadre. En séance, le débat, portant notamment sur les redevances, a été improvisé et la discussion, menée à un train soutenu pour boucler l’examen de 1 300 amendements en quelques séances, restera dans les annales.

Pourtant, la loi sur l'eau de 1992, qui a consacré l'eau comme « patrimoine commun de la nation », avait permis un véritable débat parlementaire, débouchant ainsi sur un vote à l'unanimité.

Sur le fond, ce texte est éminemment contestable.

Les bilans de l'IFEN font régulièrement apparaître une contamination généralisée des eaux par les pesticides, dont la présence est détectée dans 80 % des stations de mesures en rivière et dans 57 % des eaux souterraines. La moitié du territoire national est du reste classée en zone vulnérable. Pourtant, rien, dans ce projet de loi, ne permettra d'atteindre en 2015, comme le prévoit la directive cadre du 23 octobre 2000, le « bon état écologique » sur les trois quarts des masses d'eau.

Que retiendrons-nous de cette loi ? Peu de choses, en vérité. On peut mettre à votre crédit la sécurité juridique apportée au dispositif des redevances de bassin. Mais nous avons perdu quatre ans car notre Assemblée avait déjà adopté, en première lecture, en janvier 2002, la constitutionnalisation des redevances. Une réforme du Conseil supérieur de la pêche par la création de l'ONEMA, mais celle-ci risque de se traduire par une débudgétisation de certaines missions de la direction de l'eau du ministère de l'écologie, lesquelles seront alors financées par une contribution obligatoire des agences de l'eau. Un nouveau régime « eaux closes-eaux libres », qui fait, une nouvelle fois, la part belle aux propriétaires privés et restreint l'exercice populaire du droit de pêche.

M. François Sauvadet - Mais non !

M. Jean Launay - Alors que nombre de consommateurs se plaignent de la hausse constante du prix de l'eau et du flou entretenu sur sa composition, rien n’est prévu pour améliorer l'information de l’usager et la transparence des prix.

Les deux seules mesures réellement novatrices resteront l'accès aux berges des cours d'eau domaniaux pour les marcheurs, grâce à un amendement socialiste autorisant l'utilisation non privative de la nature, ainsi que le crédit d'impôt pour l'achat de citernes de récupération des eaux pluviales, à l’initiative de notre collègue Germinal Peiro.

Pour le reste, le texte témoigne de l'absence de courage politique du Gouvernement. Et que dire des interminables suspensions de séance dues aux atermoiements des députés de l’UMP sur la redevance élevage, même après que la discussion de l’article afférent eût été réservée.

Au final, votre projet ne répond pas à l’objectif de développement durable tel qu'il est désormais inscrit dans notre ensemble constitutionnel. Et il ne crée aucune impulsion pour inscrire notre ressource en eau sur la voie du bon état écologique et permettre aux générations futures de satisfaire leurs besoins. La pauvreté de ce texte est flagrante, surtout si on le compare au projet de loi portant réforme de la politique de l'eau adopté en première lecture à l'Assemblée nationale le 10 janvier 2002. Le texte du gouvernement Jospin visait non seulement à transposer dans le droit français la nouvelle directive cadre du 23 octobre 2000, mais aussi à renforcer la transparence et la solidarité dans le service public de l'eau et de l'assainissement, en vue notamment de garantir le droit de chacun d'accéder à l'eau potable pour satisfaire ses besoins vitaux, à rééquilibrer le financement général de la dépollution de l'eau en faveur du consommateur, à favoriser l'application du principe de non pollueur-non payeur en privilégiant la démarche collective par le biais de protocoles de gestion associant les acteurs concernés et, enfin, à soumettre les programmes pluriannuels des agences de l’eau au contrôle du Parlement.

Je suis convaincu qu’il nous faudra remettre ce texte sur le métier pour assurer le bon état écologique de la ressource en 2015 et rééquilibrer le financement de l'eau. Pour cela, nous dégagerons des exigences indépassables visant à rappeler que l'eau est un bien de première nécessité. Ces exigences sont de quatre ordres : maîtriser le service public de l'eau et de l'assainissement ; consacrer le droit à l'eau comme un droit fondamental de la personne humaine en instaurant une tarification sociale ; améliorer la transparence et l'information des citoyens sur le prix de l'eau ; rééquilibrer le financement de la dépollution de l'eau sans stigmatiser une catégorie d'utilisateurs mais en rappelant l'effort nécessaire de tous pour préserver l'état de la ressource.

Madame la ministre, malgré notre réelle volonté de contribuer à l'amélioration de ce texte tout au long du débat, pour toutes les raisons évoquées en amont, le groupe socialiste votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. François Sauvadet – Nous avons eu, en commission et en séance, un débat très ouvert sur le sujet vital de l’eau. En France, comme dans nombre de pays, nous sommes confrontés à des problèmes de ressource en eau et nous devrons conduire une politique de création de ressources nouvelles dans un certain nombre de territoires, comme l’a rappelé Jean Dionis du Séjour tout au long du débat. Nous sommes aussi confrontés à des problèmes de gestion de la ressource, avec des conflits d'usage liés à la conciliation – parfois délicate – des intérêts économiques et écologiques. À cet égard, nous sommes parvenus à plusieurs reprises à des compromis satisfaisants.

Nous rencontrons également des problèmes de qualité des eaux. En la matière, l'objectif est clair : il faut parvenir à un bon état écologique de l'eau à l'horizon 2015. Cela veut dire qu’il faudra mobiliser de nouveaux moyens et responsabiliser l'ensemble des acteurs économiques, des usagers et des citoyens.

Le texte auquel nous sommes parvenus dote la France d'outils nouveaux. L’UDF était fortement mobilisée sur plusieurs points. D'abord, il est essentiel que l'argent prélevé sur l'eau reste acquis à l'eau et nous vous remercions, Madame la ministre, d’en avoir posé le principe (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UDF). Il faut rompre définitivement avec la pratique qui consistait à puiser dans le budget des agences de l’eau pour alimenter celui de l’État. Ensuite, conformément à la demande expresse d’André Santini – aux côtés d’autres présidents de comités de bassin –, le présent texte tend à conforter le rôle des agences. Là encore, vous nous avez entendus, lorsque nous avons souhaité que l'ensemble des partenaires – élus, usagers, industriels, associations… – soient bien présent autour de la table de décision des conseils d’administration. Nous saluons aussi la mise en sécurité juridique des redevances.

S’agissant de l'application du principe pollueur-payeur, nous sommes sortis de la logique dans laquelle s’inscrivait le projet défendu sous la législature précédente et qui tendait à ouvrir des sortes de droit à polluer à quiconque acceptait d’acquitter la redevance. Avec ce texte, nous entrons dans un système beaucoup plus équilibré, qui vise à encourager les bonnes pratiques et à poser le principe de la réparation obligatoire de tout dommage. Au titre des bonnes pratiques, des efforts importants ont été accomplis et nous encourageons les jeunes agriculteurs à persévérer en ce sens, en les formant aux procédés les plus respectueux de l’environnement. Je remercie notre rapporteur et le président de la commission d’avoir entendu nos demandes à ce sujet.

S’agissant des éleveurs, nous sommes parvenus à un compromis équilibré et je souhaite que, dans le groupe qui sera constitué, l’on défende l’idée qui a recueilli une quasi unanimité selon laquelle on ne peut pas taxer de la même manière ceux qui font des efforts et contribuent, en maintenant une présence, à l’entretien des espaces. Je pense notamment aux éleveurs qui pratiquent un faible taux de chargement, en montagne par exemple. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

Enfin, nous sommes très attachés à ce que les prélèvements qui vont être opérés au profit des agriculteurs qui acceptent d’utiliser les boues d’épuration tiennent compte de la mission de service public qu’ils acceptent d’exercer pour le compte des collectivités…

Mme la Présidente - Veuillez conclure.

M. François Sauvadet - Je salue les moyens mobilisés pour le monde rural. Vous avez accepté le principe de consacrer un milliard supplémentaire pour les prochains programmes et nous y sommes particulièrement sensibles.

Madame la ministre, vous avez bien fait de ne pas refermer le débat sur la préservation des eaux pluviales…

Mme la Présidente - Ne rouvrez pas la discussion générale !

M. François Sauvadet – Merci, également, de faire preuve d’ouverture d’esprit pour ce qui concerne le fonds départemental. Enfin, nous avons bien avancé pour tout qui concerne le respect de l’autonomie des communes dans la répartition par fixes et par variables de l’eau. De même, nous allons encourager aux économies d’eau.

Pour toutes ces raisons, et en vous remerciant, Madame la ministre, de la qualité d’écoute dont vous avez fait preuve à l’égard de tous les groupes, l’UDF votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. André Chassaigne – Quatorze ans après le vote, à l'unanimité, de la dernière loi sur l'eau, quatre ans après la première délibération de notre Assemblée sur le premier projet de réforme de la politique de l'eau, nous aurions pu nous féliciter qu'enfin, l'ouvrage soit remis sur le métier. Chacun reconnaît en effet qu’une refonte de notre politique de l'eau est absolument nécessaire. La France doit transposer une directive communautaire prescrivant d'atteindre un bon état écologique des eaux d'ici à 2015. Mais, au-delà de ces contraintes juridiques, il est indéniable que nos instruments de gestion des eaux ne sont, globalement, pas adaptés pour résoudre les problèmes rencontrés.

En dépit de ses nombreux atouts, la politique conduite n'a pu empêcher une dégradation continue de l'état de nos rivières et des nappes phréatiques. Dans combien de cours d'eau la vie animale et végétale confine-t-elle simplement à la survie ? Combien d'ouvrages ont rompu la continuité écologique de nos rivières et privé les poissons de l'accès à leurs zones de frayères ? Combien de cours d'eau sont aujourd'hui morts du fait de pollutions industrielles, urbaines ou agricoles ?

Cette politique se montre tout aussi incapable de maîtriser les conséquences des catastrophes naturelles. Nous savons bien que les dérèglements du climat rendront les épisodes de sécheresse et d'inondations de plus en plus fréquents. Nous savons bien qu'en conséquence, les tensions et les conflits d'usage de la ressource en eau deviendront toujours plus vifs. Le problème est déjà là. Et nous ne le réglerons pas en organisant, avec la venue de l'été, le lynchage médiatique des producteurs de maïs ou des propriétaires de terrains de golf !

Cette politique, enfin, est incapable d'offrir un service public de distribution des eaux et de l'assainissement transparent et abordable pour les usagers. Dans les agglomérations, de grandes compagnies internationales ont souvent dépossédé les élus et les citoyens de leur maîtrise, notamment du fait de la complexité et de la technicité du sujet, tandis que dans les campagnes, la prolifération de normes européennes stupides renchérit le coût de la distribution et de l'assainissement des eaux, condamnant même de petits réseaux de distribution qui n'ont jamais posé de problèmes depuis des générations.

Face à tous ces problèmes, quelles sont les réponses du projet ? Tel le sourcier avec sa baguette, je les cherche encore !

Ce projet ne permettra pas de reconquérir, à court et à moyen terme, la qualité écologique de nos cours d'eau. Les contraintes à fixer pour assurer une plus grande compatibilité entre l'industrie hydroélectrique et la restauration de la vie dans nos rivières sont réduites à la portion congrue et n'auront guère de conséquences concrètes, si bien que l'on peut déjà annoncer que certains cours d'eau seront sacrifiés.

Sur la question de la réduction des pollutions d'origine agricole, nous avons vécu un véritable bal des tartuffes, Nous avons certes entendu – en l'absence malheureusement du ministre de l'agriculture – de superbes envolées lyriques sur la nécessité de protéger l'agriculture de notre pays. Mais ces belles paroles montaient de bancs qui ont apporté leur soutien à la réforme de la PAC et à la loi d'orientation agricole, accélérant ainsi la crise de notre agriculture. Les épitaphes étaient belles, mais il ne fallait pas clouer le cercueil ! Et nous restons dépourvus d’une politique qui réduirait les pollutions tout en accompagnant les agriculteurs vers des pratiques culturales plus protectrices de l’environnement.

Nous ne constatons aucune avancée tangible sur les questions de la gestion quantitative des eaux et des modes de distribution. Cela ne nous surprend pas puisque les problèmes de fond n'ont pas été posés. Pourtant, en tant que ressource rare et vitale, l’eau doit être gérée collectivement, en fonction non pas de critères financiers, mais de l’intérêt collectif. C'est pourquoi nous avons proposé d'associer les compétences techniques et juridiques de l'État avec celles des collectivités territoriales et des agences de l'eau, afin d'aller vers une véritable maîtrise publique de la ressource en eau. Nous n'avons pas été entendus. L'adoption d'un amendement du rapporteur a au contraire remis en cause l'exercice de la compétence assainissement par les départements de la région parisienne !

En fait, vous préférez regarder l'eau comme un bien marchand et comme une source de profit. Ce n’est pas la conception politique des députés communistes et républicains. C’est pourquoi nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste)

M. Claude Gaillard – La France a une organisation de l’eau qui fait référence au niveau européen et mondial, mais après la loi de 1964 et celle de 1992, légiférer sur le sujet semblait difficile. J’en veux pour preuve le fait que l’ancienne majorité, après une première lecture en janvier de la dernière année de la législature, n’ait pas été capable d’aller au bout du processus. Qu’elle ne vienne donc pas nous faire la morale !

S’agissant de la méthode, je tiens à saluer votre écoute et votre ouverture d’esprit, Madame la ministre, comme je salue la façon dont le président Ollier a géré le débat. Compte tenu d’autre part de la qualité du rapporteur, je suis surpris voire choqué des critiques de l’orateur socialiste sur la méthode et l’organisation des débats. Nous n’étions certes pas toujours très nombreux, mais ceux qui étaient là étaient fortement impliqués et les différents présidents de séance ont permis à chacun de faire vivre le débat.

Sur le fond, je me réjouis des avancées réalisées. Désormais, ce qui relève du niveau national et ce qui relève des agences est bien précisé. Le paysage est enfin clarifié. Les solidarités entre le monde rural et le monde urbain sont désormais bien dessinées et nous savons ce qui nous reste à faire pour que la qualité écologique des nappes phréatiques et des rivières soit au rendez-vous.

Ce texte permet des avancées considérables tant sur le plan des comportements que sur celui de la démocratie interne. S’agissant des premiers, je me réjouis notamment que l’implication des uns et des autres, tant au parti socialiste qu’à l’UMP – je pense en particulier à Mme Branget et à M. Beaudouin – nous ait permis d’avancer sur la question de l’utilisation des eaux de pluie.

En 1992, le texte de M. Lalonde, ministre de l’époque, contenait l’engagement de régler la question de l’assainissement non collectif fin 2015. Aujourd’hui 20 % seulement des communes l’ont fait. Aujourd’hui, nous nous engageons pour que les comportements soient modifiés et pour que la pollution diffuse soit traitée. C’est indispensable.

Le présent projet comptait au départ cinquante articles. Il est passé à cent, ce qui montre au passage la difficulté de cette simplification que nous réclamons. Nous aboutissons cependant à une organisation plus lisible. Nous pouvons donc voter en bonne conscience ce projet, qui défend à la fois l’environnement et l’ensemble des partenaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

À la majorité de 361 voix contre 131, sur 498 votants et 492 suffrages exprimés, l’ensemble du projet de loi est adopté.
La séance, suspendue à 16 heures 55, est reprise à 17 heures.

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engagement national pour le logement (deuxième lecture)

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi portant engagement national pour le logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement  Vous connaissez bien ce projet, qui a été longuement examiné en première lecture et largement enrichi. Les sénateurs l’ont voté en seconde lecture et il comporte à ce jour 106 articles, y compris les 39 votés conformes à l’issue de la première ou de la seconde lecture. Je me réjouis que les deux tiers de ce texte – 67 articles exactement – soient à nouveau examinés. Si nous n’avons pas demandé l’urgence, c’est qu’une seconde lecture permettra d’approfondir ce sujet fondamental.

La France connaît une crise du logement : nos concitoyens, et notamment les plus modestes, éprouvent des difficultés pour se loger, que ce soit comme locataires ou comme accédants. Le Gouvernement a fait des choix ambitieux, en particulier dans le cadre du plan de cohésion sociale et du pacte national pour le logement. Cette loi constitue un deuxième volet législatif complémentaire de notre action, qui a d’ailleurs déjà porté des fruits. Le plan de cohésion sociale visait à tripler le nombre de logements locatifs sociaux en passant de 40 000 en 2000 à 120 000 en 2005. D’ores et déjà, les objectifs ont été atteints pour 2005 : 80 200 logements sociaux ont ainsi été financés, soit presque deux fois plus qu’en 2000. Les mesures complémentaires que nous présentons devraient permettre la réalisation de 500 000 logements sociaux entre 2005 et 2009. Plus globalement, la construction de logements a repris son rythme puisque nous sommes passés, en une décennie, d’un peu plus de 300 000 à 420 000 réalisations. Mais nous devons rattraper les retards accumulés car ce sont 450 000 à 500 000 nouveaux logements qui sont chaque année nécessaires. Le nombre de permis de construire accordés dans les douze derniers mois – 533 000 – permet de prévoir que nous nous situerons dans cette fourchette à la fin de cette année.

Ce projet comporte quatre grands objectifs. Le premier : mobiliser la ressource foncière pour la construction de logements, en particulier en incitant les maires à ouvrir de nouveaux terrains à l’urbanisation. Le projet permet d’accélérer la mobilisation des terrains de l’État pour la réalisation de logements en simplifiant les procédures. Un inventaire précis a par ailleurs été réalisé ; les terrains de l’État ou des organismes sous tutelle de l’État sont identifiés et permettront la mise en chantier de 30 000 logements dans les trois prochaines années, dont 20 000 dans les quinze mois qui viennent. Lorsque ces terrains accueilleront des logements sociaux, leur prix de cession pourra être réduit jusqu’à 35 % de la valeur des domaines. Enfin, le texte donne aux maires de nouveaux outils en matière d’urbanisme et de foncier : possibilité d’introduire dans les plans locaux d’urbanisme des dispositions incitatives pour le logement social mais aussi de majorer la taxe sur les terrains constructibles qui restent non bâtis afin de lutter contre la rétention foncière ; expérimentation pour trois ans de la création par les collectivités locales des sociétés publiques locales d’aménagement, qui pourront réaliser de gré à gré des opérations pour le compte des collectivités actionnaires. Je note par ailleurs que la disposition sur le partage de la plus value de terrains devenus constructibles entre le propriétaire et la collectivité, adoptée en première lecture, a été supprimée au Sénat. Vous devrez vous prononcer sur ce sujet. Le Gouvernement est quant à lui favorable à une telle mesure.

Deuxième objectif : le développement de l’accession à la propriété, notamment sociale. L’application du taux réduit de TVA à 5,5 % aux opérations neuves d’accession sociale à la propriété situées dans les quartiers en rénovation urbaine a été étendue aux abords immédiats de ces quartiers, le Sénat ayant limité cette extension à 500 mètres. Le texte a également précisé le mécanisme de dissociation du foncier et du bâti qui permet d’acquérir une maison tout en louant le terrain dans un premier temps. La réalisation des projets de maisons à 100 000 euros soutenue par les collectivités locales et les professionnels en sera facilitée. Enfin ont été votés, sur proposition du Gouvernement, les principes d'une réforme des Sociétés anonymes de crédit immobilier pour amplifier leurs missions d'intérêt général et les moyens financiers qu'elles y consacrent. Il s’agit de permettre au crédit immobilier de continuer son métier principal dans des conditions de fonds propres convenables, mais également d’accentuer l’action sociale de l’ensemble du groupe et de permettre un ancrage territorial des différentes organisations. Enfin, une convention d’opération a été mise au point permettant la construction et la mise à disposition de 20 000 maisons à 100 000 euros dans les quatre ans qui viennent. L'article d'habilitation du Gouvernement à procéder par ordonnance, que vous aviez adopté en première lecture, a été voté conforme au Sénat. Nous préparons donc cette ordonnance, et, comme nous nous y sommes engagés, nous y associerons le comité des sages qui a été constitué avec les parlementaires.

Troisième objectif : le développement de l'offre de logements locatifs à loyers maîtrisés. Sur ce plan, le conventionnement de logements par l’ANAH avec les bailleurs privés, qui limitera les loyers pouvant être pratiqués par le bailleur, pourra désormais être fait indépendamment de la réalisation de travaux : c’est une avancée sociale très importante. Conformément aux engagements du plan de cohésion sociale, les « conventionnements ANAH » sont passés de 8 000 par an à presque 30 000 l’année dernière. Pour de tels conventionnements sans travaux, le texte prévoit de surcroît un abattement fiscal de 30 % du montant des recettes quand on se situe à un niveau de loyers intermédiaire, et un abattement de 45 % dans le cas de loyers situés au niveau de ceux du logement social. Ces abattements pourront se cumuler avec ceux qui ont été adoptés pour inciter à remettre sur le marché des logements actuellement vacants – abattement pendant deux ans de 30 % des revenus des logements vacants remis en location avant le 31 décembre 2007. Pour le logement social, le texte prévoit le remboursement aux collectivités territoriales, dès la première année, de l'exonération de foncier bâti pour les PLUS et les PLA d'insertion. L'article correspondant a été définitivement adopté. Par ailleurs, le taux de TVA réduit dont bénéficie le logement social a été élargi aux structures d'hébergement temporaire et aux hébergements d'urgence.

Enfin, le projet modifie les dispositions existantes d'incitation à l'investissement locatif : d'une part, il centre le dispositif « Robien » sur les agglomérations importantes en réduisant fortement les loyers plafonds autorisés dans les autres secteurs ; d'autre part, il crée le nouveau dispositif que d’aucuns nomment le « Borloo populaire » et qui met en place des avantages fiscaux spécifiques en échange de loyers inférieurs de 30 % à ceux du marché et de plafonds de ressources pour les locataires. L'ensemble de ces dispositions, s'ajoutant à la loi de programmation pour la cohésion sociale, devrait renforcer fortement l'offre de logements locatifs à loyers maîtrisés, donc accessibles aux ménages à revenus modestes ou moyens.

Dernier objectif : le renforcement de l'accès de tous à un logement confortable. Le texte prévoit de renforcer les mécanismes d'attribution de logements sociaux en faveur des publics prioritaires. Il précise le dispositif de supplément de loyer de solidarité dans le parc social, afin de permettre une meilleure adaptation de ce supplément de loyer aux réalités du terrain et d’inciter à plus de mobilité au sein du parc social.

Afin de renforcer la lutte contre l’habitat indigne, il prévoit la ratification de l’ordonnance qui simplifie les procédures en la matière et accélère le traitement des situations d’urgence. Il instaure enfin, sous certaines conditions, une interdiction des coupures d’eau, d’électricité et de gaz pour les ménages en difficulté pendant l’hiver.

M. Jean-Louis Dumont - C’est un droit, l’énergie !

M. le Ministre – Le texte entendait apporter des réponses pertinentes aux problèmes qui freinent la mise en œuvre de notre politique du logement. Je souhaite que cette deuxième lecture permette de l’améliorer encore, et que son examen en commission mixte paritaire puisse conduire rapidement à sa publication. Les principaux outils seront alors en place, et nous pourrons poursuivre nos efforts pour apporter des solutions concrètes aux attentes de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Hamel, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire - Très attendu par les parlementaires depuis 2004, ce projet a été considérablement enrichi au cours de la navette. Il s’inscrit dans un contexte économique favorable, puisque le secteur de la construction confirme l’excellence des résultats enregistrés en 2005 : le 3 mai dernier, on recensait 420 169 mises en chantier sur les douze derniers mois, soit une hausse de 12 % par rapport à la période précédente.

Ce texte s’inscrit aussi dans un programme d’action plus large, qui inclut la loi de programmation pour la rénovation urbaine, la loi de cohésion sociale et les mesures réglementaires du pacte national pour le logement. Je me félicite, à cet égard, que les objectifs du plan de cohésion sociale pour 2005 aient été atteints.

Le texte comportait à l’origine onze articles. Il en compte désormais dix fois plus. Trente-cinq des cent dix articles ont été adoptés dans les mêmes termes par les deux assemblées, et soixante quinze restent en discussion. Je me félicite du travail constructif qui a été accompli. Les amendements adoptés proviennent en effet aussi bien de l'Assemblée que du Sénat, de la majorité que de l'opposition, du Parlement que du Gouvernement.

En première lecture, le Sénat avait mis l'accent sur le droit de l'urbanisme, la lutte contre l'insalubrité, la mixité sociale et les rapports entre bailleurs et locataires. Il a adopté des propositions issues du rapport d'information sur les facteurs fonciers et immobiliers de la crise du logement, et des rapports de M. Philippe Pelletier sur la sécurité juridique des autorisations d'urbanisme et sur la réforme des baux commerciaux. Il a également proposé la ratification de l'ordonnance du 8 juin 2005 relative au logement et à la construction. Pour sa part, l’Assemblée a adopté de nombreux amendements favorisant l'accession sociale à la propriété : possibilité pour les bailleurs HLM d'instaurer une décote ou une surcote sur les logements qu'ils vendent, guichet unique dans les mairies, incitation à mener des opérations d'accession sociale, création de SCI de capitalisation d'accession à la propriété.

L'Assemblée nationale a également simplifié les règles applicables aux opérations d'aménagement, en créant, à l'initiative du Président Patrick Ollier et de plusieurs membres de la commission, des sociétés publiques locales d'aménagement. Elle a adopté des dispositions pour lutter contre la vacance et contre l'indécence des logements – création d'un permis de louer – et mieux définir les compétences des organismes HLM. Elle a aussi ouvert la possibilité de déroger à la liste des charges récupérables par accord collectif local, affirmé le caractère récupérable des charges liées aux ascenseurs, et simplifié le calcul des charges récupérables en cas de prestation de service par une entreprise. Elle a prévu des avantages fiscaux pour le développement des centres d'hébergement d'urgence. Elle a, enfin, défini le statut de la vente d'immeubles à rénover.

En deuxième lecture, le Sénat a ajouté vingt-six articles. Les principales modifications apportées tendent à ratifier des ordonnances sur l'urbanisme et la lutte contre l'habitat indigne et à regrouper les articles au sein des chapitres adéquats du texte, ainsi des dispositions relatives aux compétences des bailleurs sociaux, qui ont été regroupées à l'article 8 ter. Elles concernent également l'article 55 de la loi SRU; les logements conventionnés dont la convention arrive à échéance; le programme national pour la rénovation urbaine, qui est prorogé; le soutien aux réseaux de chaleur; le statut des résidences-services ; les subventions aux aires de grand passage.

J’en viens aux articles L. 302-5 à L. 302-9-2 du code de la construction. À l'initiative de M. Dominique Braye, le Sénat a créé des commissions départementales et une commission nationale chargées de faire la part entre les communes de bonne foi (M. Le Bouillonnec s’esclaffe), désireuses de construire des logements sociaux mais qui se heurtent à des obstacles, et les autres, qui pourraient voir majorer leur pénalité. Les commissions départementales aideront notamment les communes qui ne disposent pas de l'appui technique nécessaire à remplir leurs obligations. Le Sénat a également modifié les modalités de calcul de la pénalité : elle serait désormais modulée en fonction du potentiel fiscal des communes. Enfin, il a étendu la liste des dépenses déductibles de ce prélèvement, et modifié la définition du logement social, afin de prendre en compte les emplacements des aires d'accueil des gens du voyage.

S'agissant des logements conventionnés dont la convention arrive à échéance, le Sénat a adopté quatre articles additionnels. L’article 8 septies A prévoit qu'en fin de conventionnement, les filiales de la Caisse des dépôts et consignations possédant des logements conventionnés dont la convention arrive à échéance continueront à leur appliquer les mêmes règles de conditions de ressources et de maxima de loyer que sous le régime conventionné pendant une durée équivalente à celle de la convention. L’article 8 septies B instaure un dispositif d'information des locataires et du maire sur le caractère temporaire des conventions. L’article 8 septies C oblige les bailleurs qui ne renouvellent pas les conventions APL à proposer aux locataires concernés un autre logement conventionné. Enfin, l'article 8 septies F prévoit que les logements déconventionnés restent considérés comme des logements sociaux dans les cinq ans suivant la date d'échéance de la convention APL.

La commission ne souhaite pas introduire d'articles additionnels dans le projet, à moins qu’ils n’aient déjà été discutés au cours de la navette. Elle vous propose quatre modifications en matière d’urbanisme. D’abord la suppression de l’article 3 bis, qui instaure une prescription administrative décennale sur les constructions illégales. Adopté en première lecture par le Sénat, cet article avait été supprimé à l'unanimité par l'Assemblée…

M. François Brottes - Nous nous y étions employés !

M. le Rapporteur – …avant d’être rétabli par le Sénat. La commission propose également d’assouplir l'article 4 quinquies, qui instaure une majoration de la taxe foncière sur les propriétés non bâties sur les terrains constructibles : mieux vaut laisser au conseil municipal la faculté d’instaurer ou non cette majoration. Contre mon avis, la commission a adopté un autre amendement supprimant une disposition qui prévoit, à l'article 4 quinquies, le plafonnement du produit de la taxe foncière sur les propriétés non bâties perçue sur les terrains constructibles. Enfin, la commission propose de rétablir l'article 4 septies, qui prévoyait un partage de la plus-value réalisée lors de la vente de terrains classés en zone constructible par la commune.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Très bien !

M. le Rapporteur – Elle vous propose cependant de rendre le dispositif facultatif et de le soumettre à l’appréciation du conseil municipal.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Moins bien !

M. le Rapporteur - La commission vous propose de rétablir l'article 4 octies, qui prévoyait la prise en compte des logements foyers dans le calcul de la dotation de solidarité urbaine.

Il vous est également proposé d'améliorer le droit en vigueur s'agissant des logements sociaux vendus par les organismes d'HLM à leurs locataires, en permettant à ces organismes d'assurer une fonction de syndic de copropriété, sauf décision contraire de l'assemblée générale, et d'instaurer un mécanisme de garantie des emprunts consentis en faveur des titulaires d'un contrat de travail autre qu'à durée indéterminée.

S'agissant de l'aide au logement, je regrette qu’un certain nombre de propositions de la commission aient été déclarées irrecevables au titre de l’article 40.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Nous sommes d’accord !

M. le Rapporteur - Nous proposions en particulier de revenir sur le seuil de 24 euros en deçà duquel les aides au logement ne sont pas versées aux locataires, et de supprimer le délai de carence d'un mois pour le versement de l'aide personnalisée au logement, ainsi qu’une révision annuelle de son barème. Dans la mesure où ces propositions ne seront pas examinées, je souhaiterais, Monsieur le ministre, que vous nous fournissiez des explications. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste)

Quant aux modifications apportées par le Sénat à l'article 8 septies, la commission y a vu une adaptation souhaitable et équilibrée du droit en vigueur, et a donc adopté l'article sans modification. En revanche, elle propose de modifier l'article 8 septies, afin de limiter à six ans la durée pendant laquelle les logements déconventionnés par les filiales de la CDC demeurent soumis aux mêmes règles d'attribution sous conditions de ressources et de maxima de loyers que sous le régime conventionné, et de restreindre le dispositif aux locataires en place.

La commission vous propose également, en matière de relations entre bailleurs et locataires, de rendre possible, à titre dérogatoire, une hausse du plafond des surloyers à 35 % des ressources des foyers et de confirmer la valeur législative donnée par le Sénat à l'interdiction d'un certain nombre de clauses abusives. Elle vous propose de simplifier à nouveau les obligations comptables des plus petites copropriétés.

Enfin, en matière d'énergie, la commission a maintenu le bénéfice du taux réduit de TVA à 5,5 % sur l'abonnement aux réseaux de chaleur, prévu par le Sénat. Je vous propose d'élargir le bénéfice de ce taux réduit à la fourniture de chaleur produite à partir de certaines énergies renouvelables ou de récupération.

La philosophie du projet pourrait se résumer ainsi : simplifier, anticiper, inciter. C’est une bonne philosophie, et l'équilibre obtenu au fil de la navette est satisfaisant. La commission vous invite donc à adopter le projet ainsi modifié. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Présidente – La parole est à M. Ollier.

M. François Brottes - L’auteur de l’amendement scélérat !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire - Le rapporteur a présenté avec talent les dispositions qui font de ce projet un texte efficace qui créera une nouvelle dynamique, dans le prolongement de votre plan de cohésion sociale. La majorité s’en réjouit et les soutient. Je remercie M. Hamel pour le travail sérieux réalisé en commission, avec l’opposition comme avec la majorité. L’accord n’a pu toujours se faire, mais le débat a eu lieu.

Je suis heureux par exemple que le consensus se soit fait sur la création des sociétés publiques locales d’aménagement. Il y a fallu plusieurs mois de travail avec le ministère de l’intérieur, et je remercie le Gouvernement de cet effort. Mais j’insisterai surtout sur l’accession sociale à la propriété, qui me tient particulièrement à cœur.

M. François Brottes - C’est obsessionnel.

M. le Président de la commission – La France compte 56 % de propriétaires, contre 83 % en Espagne, 72 % à 74 % en Angleterre et en Italie. Il y a là un problème, alors qu’existe une forte aspiration à la propriété chez les Français, y compris de condition modeste. Tout ce que je souhaite, c’est que nous trouvions les moyens pour que ces derniers puissent aussi devenir propriétaires.

M. François Brottes - Poudre de perlimpinpin !

M. le Président de la commission – Nous avons eu un débat sur la manière d’aborder le problème.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - C’est un vrai débat.

M. le Président de la commission – Oui, et je ne suis pas « obsédé » par une solution plus que par une autre. Si j’ai une obsession – puisqu’on me met en cause –…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Vous donnez votre nom à l’amendement !

M. le Président de la commission - …c’est de faire en sorte que l’accession sociale – j’insiste sur ce terme – à la propriété trouve sa place dans ce projet.

En première lecture , nous avions trouvé une solution qui satisfaisait à peu près tout le monde.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Non !

M. le Président de la commission - Le Sénat est revenu sur cette disposition. Je souhaite m’expliquer sur ce qui m’apparaît comme une mauvaise querelle. Pour le rapporteur et la majorité ici, il ne s’agit pas du tout de contourner l’article 55 de la loi SRU (« Si ! » sur les bancs du groupe socialiste). Si l’on nous fait une mauvaise querelle à ce sujet, c’est soit par mauvaise foi (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste) soit par méconnaissance totale de ce que nous voulons,..

M. François Brottes - Alors, portez le seuil à 25 % !

M. le Président de la commission - …soit encore, mais j’espère que ce n’est pas le cas, Monsieur Brottes, en raison d’une position idéologique.

C’est une mauvaise querelle, car nous respectons les 20 % prévus par la loi SRU. Et il y a mauvaise foi si l’on ne reconnaît pas que dans ce contingent de 20 %, nous voulons trouver les moyens, avec le même niveau de revenus qui permet d’accéder à la location sociale, d’accéder à la propriété sociale. Ce qui est social dans un cas ne le serait plus dans l’autre ?

M. Jean-Louis Dumont - Mais dans les quartiers denses, c’est impossible.

M. le Président de la commission – Dans le cas de logements construits avec le prêt locatif à usage social, le PLUS, le plafond pour un couple avec un enfant est de 30 521 euros de revenus par an en région parisienne et de 23 721 euros ailleurs. Dans notre amendement, nous disons que ce plafond qui permet d’accéder au logement social permet aussi de devenir propriétaire si l’État mobilise les prêts nécessaires, et avec la TVA à 5,5 %. On peut par exemple faire une expérimentation dans les zones ANRU. En tout cas, la commission ne veut pas renoncer à sa volonté sociale, de permettre même aux plus modestes, de devenir propriétaires de leur logement.

Enfin, je ne peux accepter l’amalgame que font certains entre logement social et logement d’urgence. Je respecte profondément le combat de l’abbé Pierre, d’une partie du clergé et d’un grand nombre d’associations…

M. Jean-Louis Dumont - Laïques aussi.

M. le Président de la commission – Oui. Ce combat est légitime. Mais qu’on ne prétende pas qu’avec cet amendement, nous voulons remettre en cause les efforts faits pour le logement d’urgence. Monsieur le ministre, je vous félicite, car vous voulez porter le nombre de ces logements de 95 000 à 100 000 en 2009, en y affectant 3 938 000 euros chaque année. Nous vous soutenons. Mais ne mélangeons pas tout. Notre amendement n’a rien à voir avec ce combat légitime : de toute façon, les gens en situation précaire qui passent par le logement d’urgence n’ont pas accès au logement social. Alors discutons en toute honnêteté, mais sans faire de procès d’intention. C’est l’honneur de la majorité que de combattre pour les valeurs qu’elle défend. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

EXCEPTION D’irrecevabilité

Mme la Présidente - J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste et apparentés une exception d’irrecevabilité déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Monsieur le ministre, je suis heureux de vous voir assis à la place où la majorité voulait manifestement vous voir, pendant la séance de questions – mais je ne sais pas si je vous ai vraiment rendu service en lui donnant l’occasion de dire qu’elle souhaitait votre arrivée à Matignon !

Notre motion vise autant à souligner le manque d’envergure de ce projet que les motifs d’inconstitutionnalité. Le défaut majeur de ce texte est en effet son absence de moyens pour lutter contre la crise du logement. Celle-ci, comme le chômage, est devenue un problème de société essentiel. Les enquêtes d’opinion le montrent, et la fondation abbé Pierre alerte chaque année les pouvoirs publics sur un marasme croissant. Tous en sont d’accord : si moins de 100 000 personnes n’ont pas de logement, trois millions de ménages modestes sont mal logés. Et avec l’envolée des prix de l’immobilier et des loyers, les classes moyennes sont touchées à leur tour. La majorité des salariés consacrent plus de 30 % de leurs revenus au logement. Tous sont également d’accord sur le fait que la situation tient à une sous-estimation, au début des années 1990, de l’évolution démographique et du nombre de décohabitations.

En revanche, nous sommes partagés sur les moyens de répondre à cette crise : au laisser-faire libéral choisi par la majorité, nous préférons une politique volontariste.

Depuis quatre ans, vous avez prôné la dérégulation du marché et le désengagement de l’État. Ainsi, dès 2003, le dispositif « de Robien » a accordé d’importants avantages fiscaux aux investisseurs immobiliers sans les assortir, comme le dispositif « Besson », de contreparties sociales. C’était laisser le champ libre à la spéculation au motif qu’en relançant ainsi la production de logements, cinq ou dix ans plus tard, les loyers baisseraient, selon la croyance en une « main invisible » qui conduirait le marché sur la voie de la vertu.

En 2004, la loi relative aux responsabilités locales a aggravé la situation en transférant d’importantes compétences aux collectivités locales. Non que la décentralisation soit critiquable en soi. Mais d’une part, certains transferts n’ont pas été gagés à hauteur des besoins, comme celui du FSL aux départements, et d’autre part, les compétences ont été déléguées à tous les niveaux, ce qui fait que désormais seuls quelques spécialistes de droit administratif savent qui fait quoi dans le domaine du logement. De ce fait, plus personne ne se sent vraiment responsable, alors que pour aller vers un droit au logement opposable, il faut au contraire dégager clairement les responsabilités. Lorsque le Premier ministre déclare que cette grande ambition peut être expérimentée par les collectivités qui le souhaitent, il révèle une méconnaissance totale des enjeux ou, pis encore, un indécent cynisme. De toute façon, qu’il s’agisse du programme national de rénovation urbaine ou du plan de cohésion sociale, le désengagement de l’État est patent. Désormais, la politique du logement repose en grande partie sur le 1 % géré par les syndicats. Ce dessaisissement n’est pas acceptable car, si légitimes que soient les intérêts pris en charge par les partenaires sociaux, ils ne se confondent pas avec l’intérêt général.

Le bilan qu’on peut dresser de votre action depuis quatre ans est donc sévère. En dépit de tous les bulletins de victoire ministériels, le credo du libéralisme s’est heurté une nouvelle fois à la résistance des faits. Depuis 2002, le nombre de demandeurs de logements sociaux a poursuivi sa progression. Aujourd’hui, il y a en France 1 400 000 demandeurs de logement : qu’est-ce qu’une politique d’État qui ne règle pas ce problème ?

Je vous entends déjà répondre, Monsieur le ministre, que le nombre des mises en chantier a atteint 420 000 en 2005 et que c’est un record inégalé depuis vingt-cinq ans ; je vous entends dire aussi que le nombre de logements sociaux financés en 2005 dépasse 80 000, contre 40 000 en 2000. Il n’empêche que sur le terrain, on voit les rangs des demandeurs de logement grossir chaque jour davantage. La raison de ce paradoxe est simple : l’offre nouvelle de logements ne correspond pas à la demande. Selon les estimations de la Fondation Abbé Pierre, 25 % seulement des 420 000 mises en chantier sont accessibles à 66 % des Français ; les trois quarts, donc, sont réservées à nos concitoyens les plus aisés. C’est le tribut payé aux dogmes libéraux : pour le logement comme pour l’emploi, la logique naturelle du marché est la recherche du plus fort profit immédiat, au détriment de toute perspective stratégique ; ainsi, en accordant des avantages fiscaux sans contrepartie sociale, le « de Robien » a encouragé la spéculation immobilière à court terme. Résultat de ce malheureux effet d’aubaine : si les investisseurs ont bien relancé la construction de logements, leurs loyers sont tellement élevés qu’ils ne trouvent aucun locataire ! Curieuse politique que celle qui consiste à construire des logements condamnés à rester vides…

Cet échec patent dans le parc privé n’est, hélas, pas compensé par une réelle amélioration de la situation dans le parc social, où l’on retrouve la même contradiction entre l’offre et la demande. Alors que la construction des logements les plus sociaux – les PLAI – ne représente que 5 % des financements accordés en 2005, 50 % des demandeurs de logements sociaux pourraient y accéder ; et la relance de l’offre locative sociale dont s’enorgueillit le Gouvernement est artificiellement portée par celle des logements intermédiaires – les PLS – dont les loyers sont trop élevés pour 70 % des demandeurs. En quatre ans, la proportion des PLS dans les programmations de l’État a doublé, essentiellement en raison de leur coût modique pour le budget. Ce n’est pas ainsi que l’on résoudra le problème des ménages modestes !

Si donc la politique conduite depuis 2002 est bel et bien parvenue à désengager l'État du marché immobilier, elle n'a nullement permis de répondre aux besoins de nos concitoyens. Il appartiendra à une nouvelle majorité d'incarner l'espoir, en affirmant la responsabilité et l'efficacité de la puissance publique – ce projet ne permettant en aucun cas d’inverser la tendance et de restaurer la confiance.

En janvier dernier, lors de son examen en première lecture par l'Assemblée nationale, j’avais déjà évoqué sa genèse longue et laborieuse. Annoncé dès l'automne 2003, successivement baptisé « Propriété pour tous » par M. de Robien, « Habitat pour tous » par M. Daubresse, enfin « Engagement national pour le logement » par M. Borloo, il a connu à chaque changement de titre de sensibles changements de fond, lesquels ont révélé l'impuissance de la majorité à définir un cap précis en matière de logement. Et alors que le projet comportait seulement onze articles lors de son passage en Conseil des ministres, il en a compté au fil des lectures successives soixante-trois, quatre-vingt-douze puis cent dix ! Même si mon expérience parlementaire est un peu courte, je ne connais pas d’autre projet dont le nombre d’articles ait ainsi décuplé au fil de la navette…

Cette inflation d'amendements ne doit rassurer personne, même si nous sommes tous attachés aux pouvoirs du Parlement.

Elle entraîne tout d’abord de graves motifs d'inconstitutionnalité. D’une part, l'article 39 de la Constitution dispose que tout projet de loi doit être soumis à l'avis du Conseil d'État au début de la procédure législative ; le fait que le Conseil d'État n'ait pu connaître que d’un dixième du texte constitue un contournement manifeste de ses prérogatives. D’autre part, le Conseil constitutionnel vient d'encadrer étroitement le recours aux amendements : dans ses décisions des 19 janvier et 16 mars 2006, il a indiqué qu’en vertu de l’article 45 de la Constitution, les secondes lectures doivent se limiter à la discussion des dispositions qui n'ont pas été adoptées en termes identiques ; dès lors, de nombreuses mesures adoptées au Sénat en avril dernier pourraient tomber sous son couperet.

En second lieu, cette inflation pose le problème de la cohérence politique de ce projet, qui est devenu au fil des lectures une mosaïque. La plupart des amendements ont naturellement les couleurs orange et bleue des partis de la majorité ; mais il y a eu aussi quelques – petites – touches roses, vertes ou rouges... Manteau d'Arlequin, ou plutôt rideau de fumée ? Pour construire davantage de logements, sans doute faut-il aménager certains dispositifs juridiques, mais pour couler une dalle de béton ou acheter des terrains vierges, il faut d'abord des moyens financiers ! L’apparence qu’a revêtue ce texte traduit avant tout l’impuissance de l’État à dégager les crédits nécessaires.

Les avancées obtenues lors de la deuxième lecture au Sénat sont modestes, mais nous devons néanmoins les apprécier.

Certaines résultent d'amendements défendus par l'opposition : l'allongement à 30 ans de l'exonération de la taxe foncière pour les constructions respectueuses de l'environnement ; l'encadrement de l'exonération de la taxe sur les plus-values lors de la cession d'un bien foncier à une collectivité locale ; l'institution d'un bilan annuel sur l'action des commissions de médiation ; la réduction du plafonnement du surloyer à 25 % ; la limitation des pièces exigibles pour la constitution d'un dossier de location ; la diminution de la TVA pour certains réseaux de chaleur.

Des dispositions adoptées à l'initiative de la majorité sénatoriale vont également dans le bon sens : la prolongation automatique du conventionnement des logements possédés par des filiales de la Caisse des dépôts pourra protéger, provisoirement, les locataires et les maires contre les effets les plus brutaux du déconventionnement. De même, l'extension du permis de louer aux logements situés en dehors des zones urbaines sensibles répond de toute évidence aux besoins, la plupart des logements insalubres étant situés dans le parc privé des centres villes.

Sur le plan budgétaire, un amendement du Gouvernement a permis de rallonger l'enveloppe de l'Agence nationale de rénovation urbaine. Annoncée en novembre 2005, présentée à la presse lors du Comité interministériel de la ville en mars 2006, elle porte de 4 à 5 milliards la participation de l'État au financement de l'ANRU. Dès l'été 2003, à l'occasion du vote de la loi sur la rénovation urbaine, le groupe socialiste avait souligné l'insuffisance des crédits accordés par l'État à l'Agence, laquelle fut vérifiée par la suite à chaque débat budgétaire. Pour tout observateur de bonne foi, le rythme des dépenses condamnait inéluctablement l'ANRU à vider ses caisses avant l'achèvement du programme national de rénovation urbaine. Si nous ne sommes pas sûrs que cette augmentation d'un milliard suffira à combler le déficit, vous pouvez cependant compter, Monsieur le ministre, sur notre soutien sur ce point.

Le projet, malgré les avancées de la seconde lecture au Sénat, « reste en retrait de ce qu'on pouvait attendre », a récemment écrit un responsable de la Fédération des associations pour l'insertion par le logement. En termes moins mesurés, l'appréciation de mon groupe rejoint cette analyse… La navette n'a nullement remédié aux graves défauts de ce projet.

En premier lieu, la seconde lecture au Sénat n'a permis aucune amélioration sensible des dispositions les plus emblématiques du projet.

Votée à la quasi-unanimité lors de la première lecture, saluée comme une « révolution foncière » par le Gouvernement, la création d'une taxe sur les plus-values réalisées lors de la vente d'un terrain rendu constructible a même été, purement et simplement, supprimée par les sénateurs. Une telle reculade est inacceptable et ne peut s'expliquer que par des considérations électorales. J'espère que notre assemblée aura la sagesse de suivre le rapporteur sur ce point.

La décote sur les terrains vendus aux bailleurs sociaux n'a pas connu un sort aussi funeste, mais son niveau reste très insuffisant au regard de l'envolée des prix de l'immobilier au cours des dernières années. Baisser de 35 % la valeur des biens fonciers de l'État aura pour seul effet de ramener les prix au niveau de 2003 ; pour encourager la construction de logements sociaux sur ces terrains, il faudrait une décote de 50 %. En outre, il est impératif que celle-ci soit définie par la loi et non par un simple décret, faute de quoi certaines déclarations de membres du Gouvernement laissent craindre une nouvelle réduction dans les prochains mois.

Largement médiatisée lors de la présentation du projet de loi en octobre 2005, la « maison à 100 000 euros » reste avant tout un excellent produit de communication… Ce texte ne permettra jamais de descendre le coût d'une maison neuve à ce niveau, sauf sur les territoires les plus reculés… Et même là, la réduction à 5,5 % du taux de TVA suffira à peine à couvrir l’acquisition des murs : celle du terrain exigera de nouveaux crédits bancaires. Alors que l'endettement des ménages atteint des niveaux records, que les banques ont accordé 40 % de prêts supplémentaires l'an dernier et que la durée de ces prêts peut atteindre cinquante ans, les promoteurs des « maisons à 100 000 euros » exposent de manière irresponsable les ménages au risque de surendettement.

Le dispositif fiscal dit « Borloo populaire », présenté comme une autre mesure phare du projet de loi, n’a, comme le groupe socialiste a eu l'occasion de le démontrer, de populaire que le nom. Vous-même, Monsieur le ministre, avez reconnu que cet amortissement ne réduirait les loyers que de 30 % par rapport aux prix du marché parisien. Or, comme, justement, ces prix sont supérieurs de 30 % à ceux de la province, le «Borloo populaire » est condamné à n'avoir aucun effet au-delà des boulevards des Maréchaux. Les apports des sénateurs n'y ont malheureusement rien changé : la précision selon laquelle les plafonds de loyer de ce nouvel amortissement devront être inférieurs de 20 % aux plafonds de l'amortissement Robien n'entraîne par elle-même aucune diminution des loyers. Établis à 17 % au dessus du niveau des PLI, les loyers attendus du « Borloo populaire » resteront inaccessibles aux ménages modestes et à une large partie de la classe moyenne.

Si la deuxième lecture au Sénat n'a permis aucune amélioration des mesures les plus symboliques du texte, elle n'a pas davantage comblé ses graves lacunes, au premier rang desquelles l’absence de toute mesure destinée à solvabiliser les locataires. Depuis plusieurs années, ces derniers sont pris en tenaille entre l'augmentation vertigineuse des loyers – près de 30 % en six ans – et la stagnation relative de leur pouvoir d'achat, conjuguée à la baisse tendancielle des aides versées par l'État.

Depuis 2002, les gouvernements successifs ont systématiquement négligé les aides personnelles au logement, pourtant versées à plus de six millions de locataires : après avoir revalorisé les APL une seule fois en deux ans et limité leur progression à 1,8 % en septembre 2005, la majorité a réduit les crédits de 1,38 % ! Ces restrictions répétées se sont soldées, au bout de quatre ans, par une diminution de 10 % du pouvoir solvabilisateur des APL.

Mme Martine David – Très juste !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – D’autre part, le relèvement du seuil de non-versement des APL, de 15 à 24 euros, a permis, à lui seul, d'exclure près de 200 000 locataires du bénéfice de ces aides. Cette décision scandaleuse a soulevé une telle émotion que le médiateur de la République, ancien ministre du gouvernement Raffarin, a jugé nécessaire d'en alerter la majorité ! Pourtant, le Gouvernement n'a toujours pas supprimé ce seuil ni ne l’a abaissé, comme il s’y était engagé.

Cette deuxième lecture devrait nous offrir bientôt une nouvelle démonstration de votre duplicité : alors que nos amendements abrogeant le mois de carence et le seuil de non-versement ont été adoptés en commission, ils se verront sûrement opposer l'article 40 de la Constitution. Il serait souhaitable que vous les repreniez pour les faire adopter, Monsieur le ministre, car notre commission était unanime ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

L'effet de ciseaux dont je parlais est désastreux pour les locataires : il conduit à une augmentation très sensible de la part des ressources consacrée au paiement des loyers, le taux d'effort moyen des locataires atteignant désormais près de 40 %, si l'on en croit la Fondation abbé Pierre. Ce problème dépasse largement la seule question du logement, pesant lourdement sur la relance de la consommation et, à terme, sur la création d'emplois. Pour les ménages dont la situation est la plus précaire, ces conséquences peuvent être encore plus dramatiques et aller jusqu’à la cessation de paiement. Le Secours catholique a montré récemment que, de plus en plus nombreux, ils étaient pris dans une spirale infernale, qui s’achève souvent par une procédure d'expulsion. L'explosion spectaculaire du nombre de contentieux locatifs témoigne de cette réalité.

Face à la précarisation croissante de millions de locataires, l'inertie du Gouvernement est intolérable. La création d'un nouvel indice ne sera pas suffisante : la solvabilisation des ménages suppose d'abord une augmentation sensible du budget affecté aux APL. Même en admettant la nécessité d’un rééquilibrage au profit des aides à la pierre, soit nécessaire, il faut, en attendant que la relance de l'offre locative sociale produise ses effets, maintenir à un niveau élevé les aides à la personne : sans cela, des millions de locataires connaîtront la paupérisation. Le projet de loi ne porte, hélas, nulle trace de cette exigence.

Notre dernier sujet d'inquiétude est relatif à la mixité sociale et à l'application de l'article 55 de la loi SRU. Si ce n'était pas aussi grave, les rebondissements auxquels nous assistons en la matière depuis plus de six mois apparaîtraient rocambolesques et cocasses : en novembre 2005, suite aux dramatiques poussées de violence, le chef de l'État avait solennellement appelé, lors d'une allocution télévisée, « tous les représentants des communes à respecter la loi qui leur impose d'avoir 20 % au moins de logements sociaux», ajoutant que « l'on ne sortirait pas de la situation actuelle, si l'on ne mettait pas en cohérence les discours et les actes ».

M. Michel Piron - Vous parlez d’or !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Rien ne pouvait alors laisser prévoir que l'abbé Pierre serait contraint à son tour, quelques mois plus tard, d'appeler les députés-maires au respect de leurs devoirs.

M. Patrick Roy – Incroyable ! Que fait-on à Neuilly ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - La surprise et l'indignation ont donc été totales lorsque l'amendement Ollier, prévoyant d'élargir la définition du logement social aux logements acquis en accession sociale à la propriété, a été présenté. En dépit de toutes les protestations d'attachement à la mixité sociale de ses auteurs, l'objectif de cette disposition est clair et n'a trompé personne…

M. le président de la commission - Ayez l’honnêteté de préciser qu’elle est assortie d’un plafond de ressources !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - …Il est d'assouplir les contraintes qui pèsent sur les maires en leur permettant d'accueillir dans leur commune des ménages relativement aisés, sur le quota réservé en principe à des ménages plus modestes.

Grâce à l'exceptionnelle mobilisation du secteur associatif – que certains membres du Gouvernement ont suspectée d'être instrumentalisée –, une frange de la majorité sénatoriale a rallié l'opposition pour voter la suppression partielle de l'amendement Ollier : si les logements sociaux vendus restaient bien intégrés dans le parc social, les logements neufs construits en accession sociale en étaient exclus. Est-ce une semi-victoire ?

Cela risque, hélas, de devenir une déroute totale : la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a en effet rétabli le 17 mai l'article 5 bis B dans son intégralité. ( « Fraternité ! » à droite )

La fraternité est de notre côté ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Ménard - Scandaleux !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Je n’en ai pas le monopole, mais je la partage avec les personnes de mon choix !

L’article 55 de la loi SRU a été conçu pour augmenter l’offre locative sociale : 20 % de logements doivent être offerts dans chaque ville aux personnes les plus en difficulté !

M. le président de la commission – Nous sommes d’accord !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Ceux qui peuvent accéder socialement à la propriété ne sont pas exclus du dispositif, ils ne doivent simplement pas figurer dans les 20 % ! Ce texte dissimule la réalité la plus évidente : les gouvernements de cette mandature n’ont jamais eu de politique de logement, mais ont voulu faire du logement une marchandise et un instrument de profit ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP) Je vous demande, chers collègues, de voter cette exception d’irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Ministre – J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt M. Le Bouillonnec relire ses notes d’il y a quelques mois : il n’y a rien de nouveau sous le soleil ! Bien entendu, il a omis d’évoquer le doublement du nombre de logements sociaux, l’attribution de 10 milliards supplémentaires au programme de rénovation urbaine – lesquels ne seront pas destinés à construire des fontaines en centre-ville mais seront consacrés à quelque 500 quartiers ! Par ailleurs, à quel titre, Monsieur Le Bouillonnec, doutez-vous de la capacité des partenaires sociaux à gérer le 1 % logement ? Je ne vois pas ce qui peut prospérer à la faveur de cette exception d’irrecevabilité, défendue en termes d’autant plus virulents qu’elle est hasardeuse et ambiguë ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Bono - M. Le Bouillonnec vient de faire excellemment justice des chiffres que M. le ministre nous assène depuis quatre ans, tentant de faire croire à l’opinion que le Gouvernement aurait remporté quelques succès grâce à sa politique du logement. En réalité, tout démontre que la production de logements, en particulier celle de logements sociaux, ne répond en aucun cas aux besoins de la population française.

M. Philippe Pemezec - Mauvaise foi !

M. Maxime Bono - Si les PLS ont prospéré, ce n’est pas le cas des PLAI et des PLUS ! Les indicateurs, en matière de logements sociaux, doivent être simples, lisibles et incontestables !

Notre collègue a également insisté à juste titre sur l’importance fondamentale de l’article 55. Il nous est impossible de laisser édulcorer cette garantie de solidarité. Dans cette loi, pas plus que dans les actions qui ont été menées jusqu’ici, aucune politique n’est lisible. Vous vouliez depuis longtemps supprimer l’article 55, mais les émeutes des banlieues (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et les échecs que vous avez connus vous ont rendu la tâche difficile. Aujourd’hui, vous essayez de contourner la difficulté. J’invite l’Assemblée à se ranger plutôt à nos propositions et à voter cette exception d’irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Michel Piron – Décidément, la capacité d’indignation de M. Le Bouillonnec est proportionnelle à la capacité d’inaction de la majorité précédente ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) La crise que vous décrivez, cher collègue, c’est vous qui l’avez créée ! C’est votre bilan et c’est l’héritage que vous nous avez transmis. En 2000, vous avez construit deux fois moins de logements locatifs sociaux que nous, en moyenne annuelle, au cours des dernières années. Telle est la réalité, et voilà pourquoi nous ne pouvons souscrire à votre démonstration, aussi excessive qu’insignifiante. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

L'exception d’irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

question préalable

Mme la Présidente - J’ai reçu de M. Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement. La parole est à M. Dumont pour quinze minutes.

M. Jean-Louis Dumont – Ah, Madame la présidente, déjà des restrictions ! (Sourires) Dans la maigre plage horaire que m’a attribuée la Conférence des présidents, je m’efforcerai de dénoncer certaines contradictions et de rétablir quelques vérités. Permettez-moi d’emblée de saluer, Monsieur le ministre, votre « parcours résidentiel » – réalisé et potentiel : en début d’après-midi, en voyant la majorité soutenir avec un bel ensemble votre réponse passionnée à la question d’actualité de M. Le Bouillonnec, je me disais qu’une nouvelle destinée vous attendait peut-être… (Sourires)

Une réserve cependant : si les chiffres que vous répétez à l’envi étaient les bons et si la politique menée correspondait à ce point aux attentes du pays, pourquoi aurait-il fallu que quatre ministres chargés du logement se succèdent avant que nous soit soumis un projet – ou une proposition – de loi ? Vous ne pouvez ignorer que l’on soupçonne souvent les projets de loi de fin de législature d’être des textes de convenance ou de confort.

Quoi qu’il en soit, je dois reconnaître que vous avez su réveiller les envies des parlementaires et qu’au sein de leurs commissions respectives, députés et sénateurs se sont mobilisés pour donner du contenu à votre projet. Il me semble cependant raisonnable de considérer que le travail accompli en commission n’est peut-être pas complètement achevé, d’autant que les articles tendant à habiliter le Gouvernement à réformer par ordonnances le statut des OPHLM et des OPAC suscitent – parmi d’autres – nombre d’interrogations.

S’agissant de la méthode, nous ne pouvons que déplorer, après trois ans et demi d’études, de ne pas disposer d’étude d’impact concernant l’ensemble du texte, au mépris de toutes les prescriptions de la LOLF. Une telle étude aurait permis de clarifier le bilan des actions menées et de tracer des perspectives claires pour les prochaines années.

Au reste, qu’il me soit permis de revenir un instant sur le passé pour dire que, grâce à la mobilisation de la Direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction, un formidable travail de rénovation de nos quartiers et de nos logements a été accompli. J’appartiens à un mouvement qui réclamait beaucoup plus, au titre notamment de la PALULOS. Mais il n’en reste pas moins que nous avons su mener des actions où la solidarité nationale trouvait à s’exercer, puisqu’elles permettaient aux occupants de programmes sociaux de bénéficier d’appartements réhabilités sans augmentation de loyer, et de leur procurer ainsi une meilleure qualité de vie sans attenter à leurs ressources.

Las, en refusant la démarche d’évaluation et l’étude préalable d’impact, vous vous donnez la liberté de choisir les chiffres et les références qui vous arrangent. Le président Ollier a fait référence aux logements d’urgence, et notre collègue Périssol n’a sans doute pas oublié toute l’énergie qu’il avait dû déployer pour lancer son programme des 10 000. Mais il est dommage pour la bonne information du Parlement que l’on ne prenne pas la peine de rappeler que Louis Besson avait intensifié l’effort, mobilisé les associations et le mouvement HLM.

Pour faire toute la clarté, j’avais proposé que la mission d’évaluation et de contrôle de notre commission des finances s’empare du sujet du financement du logement, ainsi que du coût collectif des aides et des mesures de défiscalisation.

Les dispositions du présent texte – qui, à l’évidence, sera voté – ont au moins le mérite de ne pas nous laisser indifférents et je dois dire que, compte tenu des nombreux amendements parlementaires qui ont été adoptés, il est aussi un peu notre œuvre…

M. le Président de la commission – Alors, vous ne pouvez que le voter !

M. Jean-Louis Dumont - Mais, une fois voté, sera-t-il promulgué ? Il n’y a pas si longtemps, n’a-t-on pas vu une loi promulguée n’être pas appliquée ? Il est donc permis de se demander comment se concrétiseront les dispositions d’un texte que les parlementaires ont patiemment élaboré. À cet égard, j’observe que nos collègues sénateurs se sont mobilisés – souvent excellemment – pour faire de ce texte une vraie loi pour le logement. C’est dire combien son devenir nous inquiète aujourd’hui !

Monsieur le ministre, lorsque vous avez créé, avec l’ANRU, le guichet unique de financement du renouvellement urbain, je n’hésite pas à dire que j’étais de ceux qui ont apprécié votre capacité à proposer quelque chose de nouveau, en vue de dynamiser le renouvellement en travaillant – enfin ! – à l’échelle du quartier. L’intention – comme la mobilisation qui a suivi – était louable. Dans les faits, qu’en est-il aujourd’hui ? Vous annoncez volontiers que le nombre de quartiers visés est passé de 160 à 700 : soit, mais combien cela fait-il, au final, de conventions signées et appliquées ? Dans ma région de Lorraine, les dossiers – alors même que l’on nous annonce que tous les « feux verts » sont acquis – n’avancent pas et, en attendant, on continue de déplacer les populations, de murer des bâtiments et de projeter des démolitions alors que rien ne bouge. Quand ces opérations démarreront-elles ?

M. le Rapporteur – Cela se fait. Cela existe.

M. Jean-Louis Dumont - Cela se fait pour quelques quartiers, mais combien de dossiers sont aujourd’hui bloqués ! On nous dit que c’est un problème de financement. Et vous avez à nouveau, Monsieur le ministre, sollicité cette semaine le mouvement paritaire. On se tourne aussi vers les régions et vers la Caisse des dépôts. Mais cette dernière est sans doute plus occupée à déconventionner dans son propre parc qu’à apporter rapidement son concours financier ! Si elle mène la même politique que n’importe quelle banque privée et regarde plus son ratio que l’intérêt du logement locatif social, on a tout de même quelques raisons de s’inquiéter !

Le déconventionnement, cela signifie des loyers libres et des ventes là où il y a le plus de pressions sur le locatif, là où la demande est la plus forte ! On compte 400 000 demandes de logements en Île-de-France et c’est en Île-de-France qu’on déconventionne ! On nous répond que l’on ne fait que lancer le déconventionnement et que l’on verra bien dans dix ans, mais en réalité, cela fait dix ans que le déconventionnement est lancé à la Caisse des dépôts. Des possibilités nouvelles s’ouvrent ainsi aux détenteurs…

Puisque nous parlons de propriétaires, je pose d’ailleurs la question : à qui appartient le logement locatif social, construit avec les aides de l’État ? Appartient-il toujours à la nation ? Depuis ce qui s’est passé l’autre soir, on en doute ! On a vu en effet 40 000 logements d’une grande société HLM d’Île-de-France changer de main ! Voilà qui ne prépare pas des lendemains qui chantent pour les locataires !

Je voudrais terminer en évoquant l’accession sociale à la propriété. Sous la précédente législature, il avait été décidé de lancer une accession très sociale à la propriété. Le mouvement s’appuyait sur une forte mobilisation des collectivités locales, sur une aide à la pierre de l’État et sur une contribution de l’accédant, le tout étant accompagné par des opérateurs HLM. Malheureusement, cette expérience a été mise à mal dès l’arrivée au pouvoir de l’actuelle majorité, qui a considéré qu’elle ne valait pas la peine d’être poursuivie. C’est bien dommage !

Mme la Présidente - Veuillez conclure.

M. Jean-Louis Dumont - Il ne suffit pas de voter un texte pour résoudre les problèmes. Si nous voulons que l’efficacité soit au rendez-vous, il faut une volonté politique, des moyens et une mobilisation des acteurs. Ce texte n’est assurément pas celui qu’attendaient ces derniers. C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à adopter cette question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Ministre – Il ne suffit pas, dites-vous, de voter un texte pour résoudre les problèmes, mais s’il faut un texte et qu’on ne le vote pas, il n’y a pour le coup aucune espèce de chance que l’action soit au rendez-vous ! C’est pourquoi j’invite l’Assemblée à ne pas voter la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrick Roy – Je voulais répondre à M. Borloo, mais il vient de s’éclipser ! Je compte donc sur M. Larcher pour lui rapporter mes propos.

Ce gouvernement est incroyable ! Alors que nous savons tous quelle est la situation du pays, ses membres nous répètent que tout va bien, que le chômage baisse et que le pouvoir d’achat explose. Quant au logement, nous atteignons, paraît-il, des résultats jamais atteints depuis vingt-cinq ans. Au point d’ailleurs que je m’inquiète : trouvera-t-on assez de locataires pour remplir tous ces nouveaux beaux logements ? (Rires sur les bancs du groupe socialiste) La réalité est bien différente, vous le savez bien : nous voyons tous les jours dans nos permanences des familles qui ont le plus grand mal à se loger. Et depuis quatre ans, la situation s’aggrave.

J’aurais voulu aussi parler à M. Borloo de cette commune de son arrondissement, qui est aussi dans ma circonscription et qui a vu l’une des premières opérations ANRU dans la région. Il y a eu beaucoup de publicité et aujourd’hui, c’est vrai, on y voit de jolies façades rénovées, mais pour les locataires, rien n’a vraiment changé. Il faut toujours attendre un quart d’heure avant d’obtenir l’eau chaude, sans parler de bien d’autres dysfonctionnements dont La Voix du Nord se fait aujourd’hui l’écho.

J’aurais voulu également lui parler du fait que trop de communes de France ne se conforment pas à l’obligation des 20 % de logements sociaux, en premier lieu celle de Neuilly, qui est de ce point de vue-là totalement dans l’illégalité. Alors, ce gouvernement a trouvé la solution : pour qu’il y ait moins de communes de la majorité dans l’illégalité, on supprime la loi !

Le groupe socialiste votera la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Michel Piron - J’ai apprécié le ton de M. Dumont, infiniment plus mesuré que d’autres…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Vous aimez l’opposition mesurée ?

M. Michel Piron - J’ai apprécié également qu’il aborde des questions de fond comme celle, complexe, du bilan des aides budgétaires et fiscales. Pour avoir entendu hier un premier pré-bilan en CNH, je constate que les aides fiscales ne sont nullement réservées au privé pas plus que les aides budgétaires ne le sont au public, contrairement à ce que certains pourraient croire. À travers les taux de TVA, on peut fort bien aider des intervenants publics, à une hauteur frisant celle que connaissent les intervenants privés. M. Dumont a aussi évoqué la question du déconventionnement. Le projet permet d’atténuer les effets les plus négatifs de celui-ci, alors que rien n’avait été prévu il y a dix ans.

Nous ne prétendons pas que la crise sera conjurée. Il faut dire qu’elle est le résultat de vingt ans d’impéritie ! Or, la politique du logement réclame de la durée. Entre le moment où l’on décide de mettre en route une politique et celui où l’on en voit les résultats, il faut de trois à cinq ans. Ne nous demandez donc pas de miracles ! Le temps de la politique n’est pas celui de l’immédiat, ni celui des médias ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La question préalable, mis aux voix, n'est pas adoptée.

Mme la Présidente - Nous abordons la discussion générale.

M. Michel Piron – Dans quel contexte et avec quelles perspectives abordons-nous cette deuxième lecture ? Nous connaissons tout d’abord une crise du logement liée à une production demeurée trop longtemps insuffisante. J’ai bien entendu la critique de M. Le Bouillonnec, mais il s’agissait en fait d’une autocritique : au cours des deux dernières décennies, la production annuelle moyenne n’a été que de 300 000 logements tandis que celle des logements sociaux chutait à moins de 50 000 et même moins de 40 000 en 2000. Les perspectives, ce sont celles du plan de cohésion sociale, engagé en 2004 grâce à une loi de programmation qui vise à produire dans les cinq ans 500 000 logements sociaux et 200 000 logements à loyer maîtrisé, tout en encourageant l’accession sociale avec le prêt à taux zéro. Nous commençons à en percevoir les effets avec 80 000 logements sociaux financés l’an dernier, soit deux fois plus qu’en 2000, 200 000 PTZ au lieu de 80 000, et, au cours des douze derniers mois, 420 000 mises en chantier, chiffre inégalé depuis vingt-cinq ans. Tel est le cadre encourageant de notre discussion.

Ce texte a été considérablement enrichi puisqu’il compte désormais pas moins de 110 articles alors qu’il n’en avait que 11 dans la version initiale ; 75 restent en discussion. Lors de sa deuxième lecture, le Sénat a ajouté 26 nouvelles mesures au projet. Parmi elles, la prolongation du dispositif d’aide exceptionnelle pour les victimes de la sécheresse de 2003, la modification du financement des aires de grand passage, la définition du statut des résidences-services, l’application du taux réduit de TVA aux abonnements aux réseaux de chaleur et à la fourniture d’énergie produite à partir de la biomasse. Je souligne l’importance de cette dernière disposition rendue possible par l’adoption de la directive TVA. Elle permettra une réduction de la facture d’énergie pour les abonnés de ces réseaux de 45 à 90 euros par an ; 20 % des logements et trois millions de familles sont concernés pour un coût estimé à 66 millions en 2004 et près de 70 millions en 2005. Elle confirme notre engagement en faveur du développement des énergies renouvelables.

Ont également été insérées dans le projet des ratifications d’ordonnances, en premier lieu de celle relative aux permis de construire et aux autorisations d’urbanisme, qui répond à un besoin impératif de simplification et de sécurité juridique, et qui facilitera la relance de la construction. Les onze régimes d’autorisation existants sont regroupés en trois catégories : le permis de construire, le permis d’aménager et le permis de démolir. La déclaration préalable se substitue quant à elle aux quatre régimes actuellement en vigueur. Mais il faut également mentionner l’ordonnance relative à la lutte contre l’habitat insalubre ou dangereux, qui vise à assurer une plus grande sécurité des occupants et à favoriser une intervention plus rapide des maires en cas de grave danger.

La prorogation jusqu'en 2013 du programme de rénovation urbaine consacre son succès et concrétise l'engagement pris par le Gouvernement en décembre 2005.

Des mesures ont par ailleurs été votées afin d'atténuer les conséquences de la sortie de convention de logements sociaux, notamment en région parisienne.

M. le Président de la commission – Très bien.

M. Michel Piron - Le «déconventionnement » peut en effet aboutir bien souvent à une très forte augmentation des loyers, pouvant aller jusqu’à 50 %. Nous souscrivons à l'obligation d'informer les locataires mais nous considérons que des dispositions empêchant toute sortie de convention n'inciteraient pas les bailleurs privés à s'engager dans le conventionnement. Nous soutiendrons donc les amendements proposés par le rapporteur, qui limitent à six ans la durée maximale pour la prolongation des obligations liées au conventionnement et qui concernent uniquement les locataires occupant les lieux.

Le Sénat a également procédé à de nombreuses modifications sur lesquelles nous sommes parfois réservés : ainsi le délai de prescription administrative de dix ans pour les constructions illégales a-t-il été réintroduit par les sénateurs alors que nous avions supprimé cet article en première lecture. Nous estimons qu'il ne peut y avoir de prime à l'illégalité et nous voterons l'amendement de suppression proposé par la commission.

S'agissant des dispositions fiscales visant à soutenir les maires bâtisseurs, les sénateurs ont assoupli les conditions d'application de la majoration de la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les terrains constructibles figurant à l’article 4 quinquies, afin de prendre en compte la situation des communes rurales. Le dispositif devient facultatif pour les communes de moins de 3 500 habitants et nécessite une délibération du conseil municipal. Il est d'application obligatoire au-delà de ce seuil. Cette condition de seuil est trop complexe. Nous pourrions par exemple subordonner cette majoration pour toutes les communes à une délibération du conseil municipal.

Les sénateurs ont, en outre, supprimé l'article 4 septies instaurant le partage d'une partie de la plus-value entre le propriétaire et la commune qui a pris la décision de rendre un terrain constructible. Nous avions quant à nous considéré qu'il s'agissait de mettre à la disposition des élus des outils permettant de mobiliser la ressource foncière. Nous souhaitons maintenir l'article instaurant une taxe forfaitaire, au bénéfice de la commune, sur la cession à titre onéreux de terrains devenus constructibles du simple fait de leur classement. Nous pensons toutefois que son application peut être facultative et subordonnée à une délibération du conseil municipal.

En ce qui concerne les mesures tendant à lutter contre la vacance de logements, les sénateurs ont modifié le dispositif du «permis de louer» inséré en première lecture à l'Assemblée nationale. Ils ont prévu une expérimentation d'une durée de cinq ans ouverte aux communes volontaires de plus de 50 000 habitants et aux EPCI de plus de 50 000 habitants comprenant une commune de plus de 15 000 habitants. En outre, le périmètre n'est plus limité aux seules zones urbaines sensibles. Un bilan sera présenté à l'issue de cette expérimentation. La commission des affaires économiques a adopté cet article remanié. Je suis, pour ma part, très réservé sur une mesure qui n'a pas donné les résultats escomptés, en Belgique par exemple.

Enfin, la question de la mixité sociale a de nouveau été au cœur des débats en deuxième lecture. Conformément à l'engagement pris par le Président de la République le 21 novembre 2005 ainsi qu'à celui de notre majorité, l'article 55 de la loi SRU est maintenu tout comme le plancher de 20 % de logements locatifs sociaux, mais les sénateurs ont adapté le dispositif afin de prendre en compte la diversité des situations locales. Outre les modifications relatives au prélèvement et aux engagements triennaux, la création de commissions départementales et d'une commission nationale chargées d'examiner la situation des communes qui n'ont pas respecté leur obligation de construire des logements sociaux constitue une innovation majeure. Lorsque l'impossibilité est fondée sur des raisons objectives – absence de foncier, multiplication des recours contre les permis de construire, communes situées en zone minière ou classées en zone inondable –, cette obligation pourra être aménagée. Ce dispositif est équilibré et le souci d'impartialité a prévalu pour la détermination de la composition de la commission nationale qui sera présidée par un conseiller d'État. Il devrait répondre aux attentes des communes qui, bien qu'ayant la volonté de créer des logements sociaux, éprouvent de vraies difficultés pour atteindre l'objectif des 20 %.

Les sénateurs ont également pris en compte dans le quota des 20 % les logements dont la convention APL est arrivée à expiration pendant une période de cinq ans ainsi que l’accession à la propriété de logements sociaux par leur locataire. Notons que ce dispositif s'adresse aux ménages modestes dont les revenus sont inférieurs ou égaux à ceux retenus pour le logement locatif social. Il répond aux attentes légitimes de nos concitoyens qui aspirent à accéder à la propriété mais n'exonère pas les communes de leurs obligations, au premier rang desquelles figure la mixité sociale.

Ces mesures devraient permettre un nouvel accroissement de la production de logements. Grâce à votre volonté, Monsieur le ministre, et à celle du Gouvernement, nous avons enfin commencé à renverser la tendance et à rattraper le retard considérable dont nous avons hérité. La politique du logement est désormais une priorité assumée financièrement. C’est la vôtre, Monsieur le ministre, mais c’est aussi la nôtre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Brottes – M. Borloo a fait l’apologie de l’accession à la propriété, considérant que ce rêve-là devait être accessible au plus grand nombre. Je ne conteste pas la satisfaction liée à la possession de sa maison…

M. le Président de la commission – Et au fait de pouvoir la léguer à ses enfants.

M. François Brottes - …mais le Gouvernement n’a rien fait pour que ce rêve soit accessible au plus grand nombre. Ce n’est pas avec des contrats de travail très précaires comme le CNE ou avec la forte diminution du pouvoir d’achat que l’on connaît en raison de la folle augmentation du coût de l’énergie consécutive à votre politique de libéralisation que l’on améliorera la situation de ces personnes. Ce n’est pas votre ode à la mobilité et au changement permanent de métier qui encouragent à envisager l’acquisition d’un domicile. Ce n’est pas, enfin, l’augmentation constante du nombre de RMistes qui facilite l’accès aux prêts immobiliers. M. Ollier, à travers son fameux amendement, fait l’apologie d’un plafond de revenus qui serait le même pour accéder à la location sociale qu’à l’accession sociale.

M. le Président de la commission – Exact.

M. François Brottes – Mais la question du logement, pour les plus modestes, c’est d’abord un problème de toit, pas de plafond ! (Sourires)

M. le Président de la commission – Là, vous êtes au plancher !

M. François Brottes – Faire rêver à l’accession ceux qui sont en situation précaire présente le même danger que le crédit revolving : c’est très grave de faire croire que l’on a le droit d’acheter alors que l’on ne dispose pas des moyens de rembourser ! Votre remise en cause de la règle des 20 % de logements sociaux locatifs est de la poudre de perlimpinpin pour les futurs acquéreurs sociaux. Il s’agit bien en revanche d’un détournement d’objectifs sociaux pour les maires qui veulent échapper à l’impérieuse nécessité de la mixité sociale.

Quid des foyers de personnes âgées, de jeunes travailleurs ou de personnes handicapées ? Cette catégorie de constructions est aujourd’hui « plombée » et les projets ne peuvent aboutir sans des surcoûts de loyers de 20 % et une augmentation de 5 % à 7 % des prix de journée. Ce sont donc les plus démunis qui doivent payer le prix du financement d’un rêve auquel ils ne peuvent prétendre. Chaque année, les circulaires de programmation évoquent le logement des populations spécifiques comme les jeunes travailleurs, les étudiants ou les personnes âgées. Les dernières recommandent de privilégier le PLS pour le financement de ces catégories, le PLUS étant réservé aux logements ordinaires du plan de cohésion sociale. Cette interdiction de fait d’accéder au financement PLUS a des conséquences très douloureuses sur le loyer de sortie pratiqué pour le logement de nos compatriotes les plus fragiles. J’ai un exemple dans ma circonscription : le financement d’un foyer pour handicapés en PLS – comme c’est la règle – plutôt qu’en PLUS entraîne une majoration de 20 % !

Il serait logique – et juste – de proposer à nos compatriotes les plus démunis les financements les plus avantageux. Le ministère doit donner des instructions claires en ce sens, d’autant que ces opérations exigent déjà un lourd effort des communes. Vous prouveriez la sincérité de votre engagement en autorisant le financement de ces opérations en PLUS. Je serai attentif à votre réponse, car nombre d’auteurs de projets l’attendent avec angoisse (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Abelin – Le terme d’engagement souligne sans équivoque la volonté qui anime le Gouvernement de sortir notre pays de la crise du logement. Nous saluons, Monsieur le ministre, les premiers effets des mesures législatives et réglementaires qui ont été adoptées à votre initiative. Alors que l'on construisait environ 300 000 logements en 2000, le nombre dépasse aujourd'hui la barre des 400 000. S’agissant de logement social, nous sommes passés de 42 000 logements construits en 2000 à 80 200 en 2005, même si le logement financé en PLS tient une place non négligeable.

Par un effet concomitant remarquable, le secteur du bâtiment aura créé à lui seul, au premier trimestre 2006, les trois quarts des emplois nets supplémentaires enregistrés, ce qui témoigne bien de la dynamique que la gauche conteste.

L'ardente obligation que nous avons désormais, c'est d'entretenir dans la durée la mobilisation de chacun des acteurs de la chaîne du logement. Si l'un des maillons flanche, en effet, c'est l'ensemble du mécanisme qui risque de se bloquer. Nous devons donc veiller aux déséquilibres qui peuvent apparaître. Je pense au recentrage du dispositif Robien sur les marchés tendus. Il serait bon de mener une étude complète et transparente, département par département, pour disposer d’une analyse fine de la situation du marché et du taux d'occupation des nouveaux logements. Je pense aussi à la pression qui commence à se faire sentir sur les taux d'intérêt, et qui risque d’exclure des primo-accédants potentiels.

Nous percevons comme vous la nécessité d'aider les communes qui bâtissent. Face à l'ampleur des engagements financiers qui leur sont demandés et au minimum de 25 % exigé des collectivités territoriales par l’ANRU dans les zones non prioritaires, elles commencent à se heurter à leurs propres limites. Pour faire référence à l’intervention de M. Dumont, je dirai qu’il faut sortir des blocages liés aux négociations avec les régions. De même, les organismes HLM, qui apportent de plus en plus de fonds propres, souhaitent le maintien d’un taux d'effort de la part de l'État, sous forme de subvention, de réduction des commissions d'emprunt ou de défiscalisation. Je sais que vous y veillez. La vigilance s’impose, d’autant que le taux du livret A pourrait augmenter.

Les collectivités territoriales et les opérateurs sociaux souhaitent que l’effort soit équitablement réparti et que l’on réaffirme que le logement, notamment le logement social, est l'affaire de tous.

Le groupe UDF attend donc des signes forts sur trois points, à commencer par l'application de l'article 55 de la loi SRU. L'amendement Ollier, supprimé par le Sénat et réintroduit par la commission, qui permet de décompter pendant cinq ans dans les 20 % de logements sociaux les logements neufs dont la construction a été financée, à partir du 1er juillet 2006, au moyen des aides à l'accession…

M. le Président de la commission – Avec un niveau de revenu équivalent à la location !

M. Jean-Pierre Abelin - …n'est pas acceptable en l'état. Il ne fixe aucune limite pour les communes, qui pourraient ne faire que de l'accession et pas de locatif. Ensuite, il laisse à un décret le soin de définir ce qu'est l'accession sociale. Aucune limite n’est précisée en termes de plafond de ressources de l'accédant, ou de plafond du prix du logement acquis.

Par ailleurs, si nous sommes très favorables à l'accession sociale – comme à l’accession en général – à la propriété, nous ne pouvons oublier les besoins considérables de logements locatifs sociaux non satisfaits, liés au défaut de production des années 1990 et du début des années 2000. N’exonérons pas les communes des efforts qu'elles doivent consentir en matière de production de logements locatifs sociaux, ou alors portons en contrepartie l'obligation au-delà de 20 %.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Voilà !

M. Jean-Pierre Abelin - Monsieur le ministre, ne laissez pas cet amendement occulter les avancées de votre projet !

Le second signal que nous attendons, c'est un geste du Gouvernement sur les APL. Vous avez fait des efforts réels pour l'aide à la construction ; mais beaucoup de nos concitoyens souffrent de l'augmentation des loyers et des charges locatives comme le coût du chauffage, qui ne sont pas prises en compte dans ces aides. Nous avons redéposé en commission les trois amendements que nous avions fait adopter en première lecture, avec le rapporteur, et qui visaient à rétablir le paiement de l’APL en deçà d’un montant mensuel de 24 euros, à supprimer le délai de carence d'un mois à partir de l'entrée dans le logement et à indexer l'APL. Je remercie le rapporteur pour son engagement en commission et pour avoir accepté le principe d’amendements cosignés. Ces amendements vont être déclarés irrecevables, alors qu’ils expriment une volonté partagée par tous les bancs de notre Assemblée. Vous seul, Monsieur le ministre, pouvez tenir compte de ces propositions le 1er juillet prochain.

Nous souhaitons enfin un geste en faveur du logement social en milieu rural, ainsi que pour les réseaux de chaleur propre. En tant que président d'un OPAC départemental, je salue les efforts faits sur la rénovation urbaine et les dotations ANRU comme sur le foncier. Mais, sans la participation des petites communes et les fonds propres des organismes, nous peinons à équilibrer le financement des opérations en milieu rural. Nous rencontrons aussi des difficultés pour développer des logements en accession sociale ou pour réhabiliter l’existant avec les crédits ANAH, davantage orientés vers la ville. Faut-il réviser le zonage ? Nous souhaitons que l’étude annoncée lors de la discussion budgétaire débouche sur des propositions concrètes.

Une autre exception semble justifiée : le taux réduit de TVA pour les réseaux de chaleur provenant de la biomasse. Nous souhaitons que cette mesure soit étendue à d'autres formes d'énergie renouvelable comme l'énergie photovoltaïque.

Nous vous demandons enfin, à l’instar du Conseil d’État, une stabilité législative. Avec le « Borloo populaire » et le « Robien recentré », nous en sommes à dix-huit dispositifs de défiscalisation en vingt-cinq ans. Il faudrait davantage de visibilité !

M. le Rapporteur – C’est vrai.

M. Jean-Pierre Abelin - Il faut aussi savoir raison garder en matière de normes. À chaque fait divers, l’émotion conduit à adopter des textes qui augmentent les contraintes imposées aux constructeurs et donc le coût de la construction.

Je remercie le rapporteur pour son esprit d’écoute. Le ministre en a également fait preuve en première lecture. Nous espérons qu’il sera favorable à nos propositions. Quoi qu’il en soit, vous pouvez compter que notre groupe soutiendra toutes les mesures en faveur du logement pour tous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, ce soir, à 21 heures 30.
La séance est levée à 19 heures 10.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.
Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.
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