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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du jeudi 8 juin 2006

Séance de 9 heures 30
101ème jour de séance, 239ème séance

Présidence de M. Maurice Leroy
Vice-Président

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La séance est ouverte à neuf heures 30.

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DIVERSITe des expressions culturelles

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l’adhésion à la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie – Le 20 octobre 2005, l’UNESCO a inscrit la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles dans le droit international, en adoptant la convention que la France et ses partenaires francophones appelaient de leurs vœux depuis 2002. Ce texte constitue une avancée majeure, dans la mesure où il garantit le droit souverain des États à décider de leur politique culturelle. Il consacre la valeur spécifique des biens et services culturels et affirme l’importance de la solidarité culturelle internationale. Il y avait urgence, alors que 85 % des places de cinéma vendues dans le monde concernent des films produits à Hollywood, que 50 % des fictions diffusées à la télévision en Europe sont d'origine américaine - cette proportion atteignant même 67 % en Italie -, que neuf des dix écrivains les plus traduits dans le monde sont de langue anglaise et que 90 % des langues parlées aujourd'hui risquent de disparaître à la fin de ce siècle.

Pour la première fois, le droit international reconnaît que les États ont le droit de conserver, d'adopter et de mettre en œuvre les politiques qu'ils jugent appropriées pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles sur leur territoire. En cela, la convention garantit un droit fondamental aux yeux de la France, celui de permettre à tout État de préserver et de promouvoir sa culture et son patrimoine.

La convention confirme par ailleurs le rôle central des artistes et des créateurs ; elle reconnaît que les biens et services culturels sont porteurs de valeurs et de sens, donc de l'identité même des hommes et des sociétés et ne sauraient, de ce fait, être soumis aux seules lois du marché. Elle institue, en droit international, un régime particulier pour les biens et services culturels, complémentaire du droit de l'Organisation mondiale du commerce, sans subordonner un corpus juridique à l'autre. En cela, la convention affirme un principe défendu depuis longtemps par la France et la francophonie : la volonté, à l’heure de la mondialisation, où tout s'échange et où tout peut devenir objet de commerce, de donner à la culture une place particulière. La culture n'est pas un bien marchand ordinaire. Elle a sa singularité, elle véhicule une identité, elle est diversité.

Enfin, la convention consacre, pour la première fois, la dimension culturelle du développement et prévoit de renforcer la coopération internationale dans ce domaine. Elle servira notamment à soutenir la professionnalisation des métiers de la culture dans les pays en développement, à favoriser l'émergence d'industries culturelles viables sur leur territoire et à encourager la mobilité des artistes et des œuvres. La France est très attachée à ce volet « solidarité » de la convention, car il lui permettra de conforter les actions déjà menées en matière de coopération culturelle et de continuer à nouer des partenariats avec les pays du Sud. Nos actions en faveur de la diversité culturelle sont ainsi confortées. Nous investissons en effet déjà dans des programmes tels que Afrique en créations – doté de 5,9 millions sur trois ans – ou dans le fonds Sud Cinéma, pourvu de 2,2 millions par an, lequel, depuis sa création en 1984, a soutenu plus de 350 projets cinématographiques de réalisateurs d'Afrique, d'Amérique latine, d'Asie, du Proche et du Moyen Orient ainsi que de certains pays d'Europe et d'Asie centrale. La France appuie également le désenclavement numérique en Afrique subsaharienne - via le programme ADEN -, ainsi que l'accueil et la formation d'artistes étrangers en France. Dès 2004, l’Organisation internationale de la francophonie a, quant à elle, inscrit la promotion de la diversité culturelle comme l’une de ses quatre missions fondamentales.

Pour qualifier l'esprit de la convention, j’ai plaisir à citer Léopold Sédar Senghor, dont nous fêtons cette année le centenaire de la naissance, lorsqu’il invite à « s'enrichir de nos différences pour converger vers l'universel ». L'universel, dans la vision du poète, ne se confond pas ici avec l’uniforme ; il ne se substitue pas aux cultures et aux héritages propres à chaque peuple : au contraire, il les prolonge et les dépasse, car, comme l’écrivait encore Senghor, « ce qui nous unit, c'est l'esprit de la civilisation, des civilisations, par quoi se définit la culture. C'est l'esprit, qui est raison et imagination, liberté créatrice ».

La convention internationale qui vous est soumise traduit en actes cette éthique de la différence. Elle lance un pari humaniste, pour que cette différence soit maintenue et valorisée, au profit de tous. Ce texte porte ainsi des valeurs défendues de longue date par la France et par ses partenaires de la francophonie. Il reconnaît l'égalité des cultures, la diversité des identités culturelles et la liberté d'expression des artistes, des créateurs et des peuples. Le Président de la République a entendu conférer une solennité particulière au processus de ratification en demandant au Gouvernement de la soumettre au Parlement. La ratification par la voie parlementaire adresse un signal fort à ceux de nos partenaires qui l'ont adopté en octobre dernier. Trente ratifications sont nécessaires pour que la convention entre en vigueur. A ce jour, six États - le Canada, l’Île Maurice, le Burkina Faso, le Cambodge, Djibouti et la Croatie -, tous membres de l'Organisation internationale de la francophonie, l'ont déjà ratifiée. Les États et gouvernements francophones qui ont porté cette convention avec détermination en octobre dernier se sont engagés lors de la conférence ministérielle de Madagascar à l'automne 2005 à devenir parties au texte avant le sommet de Bucarest, les 28 et 29 septembre prochains. Qu'il me soit permis de rappeler avec force, dans cette enceinte, la contribution majeure de la francophonie et de son secrétaire général, le président Diouf, à notre combat pour la promotion de la diversité culturelle dans le monde.

Au plan communautaire, la Communauté européenne a su présenter un front uni tout au long de la négociation et pilote la ratification en parallèle. À Bruxelles, le conseil Culture du 18 mai dernier a autorisé la ratification par la Communauté européenne, l'objectif étant désormais que le plus grand nombre d'États membres déposent leur instrument de ratification conjointement avec l'adhésion de la Communauté européenne à la convention. En la ratifiant dans un délai bref, la France démontrera, une fois de plus, qu'elle est fidèle à ses engagements. Elle donnera toutes ses chances à la nouvelle convention d'entrer en vigueur et de s'appliquer. Elle prolongera, sur le plan normatif, l'action qu'elle mène à travers sa coopération culturelle internationale, en vue de préserver le droit de chacun d'être lui-même.

Telles sont les principales dispositions de la convention qui fait l'objet du projet de loi aujourd'hui soumis à votre approbation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe UDF et du groupe socialiste).

M. Philippe Cochet, rapporteur de la commission des affaires étrangères – Élaborée à la demande conjointe de la France et du Canada, la convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, qui comble un vide juridique en instaurant un cadre de référence mondial, a été adoptée par l'Unesco le 20 octobre 2005 à l’écrasante majorité de 148 voix contre 2 – États-Unis et Israël – et 4 abstentions.

La problématique de la diversité culturelle a progressivement émergé à l'Unesco à la faveur de la croissance du commerce des biens et services culturels, qui est passé de 38 à 60 milliards de dollars entre 1994 et 2002. Il faut se souvenir des batailles juridiques et politiques des années quatre-vingt-dix lors des négociations commerciales internationales, d'abord dans le cadre du GATT puis à l'OMC ; il faut également garder à l'esprit le projet avorté d'accord multilatéral sur l'investissement – AMI – négocié au sein de l'OCDE.

Dans ces enceintes, notre pays a toujours plaidé en faveur d'une « exception culturelle » qui vise à exclure les biens et services culturels du champ des négociations commerciales internationales. Or, cette doctrine montre des signes de fragilité devant la pression de plus en plus forte des pays anglo-saxons en faveur d'une libéralisation totale des échanges. Il nous a donc fallu adapter notre stratégie, et passer d'une posture de défense de l'exception culturelle à une posture offensive de promotion de la diversité culturelle, pour laquelle l'UNESCO est apparue comme l'enceinte la plus appropriée.

L'adoption de la convention est le résultat d'une prise de conscience progressive.

A l'automne 2001, l’UNESCO a adopté une déclaration sur la diversité culturelle, érigeant celle-ci au rang de « patrimoine commun de l'humanité » ; c’est un texte politique sans portée normative.

Un an plus tard à Johannesburg, à l’occasion du Sommet mondial du développement durable, le Président de la République s'est prononcé en faveur de l'adoption d'un instrument juridique international sur la diversité culturelle.

A l'automne 2003, les négociations ont été lancées au sein de l'Unesco, pour aboutir deux ans plus tard, en octobre 2005, à l’adoption de la convention. Ces négociations ont été marquées par le rôle d'impulsion joué par la France et le Canada qui ont réussi, notamment à travers la francophonie, à mobiliser leurs partenaires. Il faut également se féliciter du rôle joué par la Communauté européenne, qui a fait preuve d'une unité remarquable en faveur de l'adoption de la convention. A l'inverse, les Etats-Unis – revenus à l'Unesco après vingt ans d'absence – ont tout fait pour retarder, voire empêcher la conclusion des négociations, au nom du principe de liberté des échanges.

J'en viens aux principales dispositions de la convention.

Premièrement, la reconnaissance de la spécificité des biens et services culturels, comme porteurs de valeurs et d'identité. La convention consacre dans le droit positif le principe de diversité culturelle et grâce à elle, les biens et services culturels ne seront plus exclusivement soumis à une logique marchande.

Deuxièmement, la reconnaissance de la légitimité des politiques publiques de soutien au secteur culturel, qu'elles aient pour objectif de promouvoir les expressions culturelles ou de protéger les cultures menacées. Par exemple, l'article 6 donne une assise juridique aux aides publiques aux industries culturelles et autorise le recours aux quotas dans le secteur audiovisuel. Ce droit souverain des Etats à mettre en place des politiques de soutien doit naturellement se faire dans un esprit d'ouverture aux autres cultures, et non de repli sur soi. Par ailleurs, relèvent du champ d'application de la convention les expressions culturelles, c'est-à-dire les contenus, et non pas les vecteurs de la diversité culturelle, qui peuvent évoluer au gré des progrès technologiques.

Troisièmement, la mise en place d'un cadre de coopération internationale pour encourager l'échange d'informations. La convention fait état de la nécessité d'intégrer la culture dans le développement durable et dans les politiques de coopération. A la demande des pays en développement, l'article 14 prévoit la création d'un fonds international pour la diversité culturelle, qui sera abondé par des contributions volontaires.

Quelle est la portée de cette convention ?

D'un point de vue juridique, le dispositif est essentiellement incitatif. Les politiques publiques de soutien à la culture sont encouragées, mais jamais obligatoires ; par ailleurs, le mécanisme de règlement de différends n'est pas contraignant puisque la convention requiert l'accord des parties et ne prévoit pas de sanctions.

Concernant l'articulation avec les autres instruments juridiques internationaux, le principe de non subordination a été retenu : la convention est placée sur un pied d'égalité avec les autres traités et engagements internationaux en vigueur. Cependant, il est précisé que « rien dans la présente convention ne peut être interprété comme modifiant les droits et obligations des parties au titre d'autres traités auxquels elles sont partie ». Cette disposition réduit la portée de la convention, puisqu'elle n'empêche en rien la conclusion d'accords bilatéraux ou régionaux qui peuvent fragiliser la diversité culturelle. Or, les Etats-Unis, qui n'ont pas signé la convention, multiplient ce type d'accords, notamment avec les pays en développement.

Par ailleurs, cette convention ne préjuge en rien de l'inclusion ou non des biens et services culturels dans les accords de l'OMC ; mais elle encouragera les parties à prendre en considération les objectifs de diversité culturelle, ce qui est très positif.

Il faut également saluer l'impact positif qu’elle devrait avoir sur le droit de l'Union européenne, tant dans le cadre de la politique européenne de concurrence que dans celui de la politique commerciale commune, puisque la Communauté est partie à la convention.

En l'absence de mécanisme véritablement contraignant, l'autorité de la convention dépendra donc avant tout de la volonté politique des parties et de la mobilisation de la communauté internationale.

Pour entrer en vigueur, la convention devra avoir été ratifiée par au moins trente Etats signataires. A ce jour, deux pays – le Canada et l'Île Maurice – ont formellement déposé leur instrument de ratification. Quatre autres – le Burkina Faso, Djibouti, le Cambodge et la Croatie – sont en train de le faire, et le Conseil des ministres de l'Union européenne vient d'adopter la décision autorisant l'adhésion de la Communauté européenne à la convention.

Nous sommes engagés dans une course de vitesse car les Etats-Unis exercent des pressions sur nombre d'Etats pour qu'ils ne ratifient pas la convention et concluent avec eux des conventions bilatérales de libéralisation des biens et services culturels. Il nous appartient de donner un signal politique fort ; il faut viser bien plus que les trente ratifications nécessaires, afin de donner à la convention une assise politique incontestable. La France a une responsabilité particulière, du fait de son rôle d'impulsion dans l'élaboration de la convention et de l'implication personnelle du Président de la République dans ce dossier qui dépasse les clivages politiques ; signe de l'importance politique qu'il y attache, le Gouvernement a fait le choix d'une ratification parlementaire alors qu'il n'y était pas juridiquement obligé.

Cette convention est une chance pour la diversité culturelle ; c'est aussi une chance pour l'UNESCO, enceinte internationale trop longtemps sous-utilisée dont l'acte constitutif mentionne la « féconde diversité » des cultures.

La France doit continuer à jouer un rôle moteur dans le combat pour la diversité culturelle et mobiliser l'ensemble de ses réseaux, en particulier la francophonie qui rassemble un quart des Etats de la planète. A l'heure d'un prétendu choc des civilisations, cette convention doit nous aider à promouvoir l'indispensable dialogue des cultures. Une adoption de ce texte à l'unanimité conforterait le rôle de la France dans le monde ; je vous en remercie par avance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe UDF et du groupe socialiste)

M. Michel Herbillon - Ce projet a vocation à recueillir l'approbation unanime de notre assemblée.

L'adoption le 20 octobre 2005 par la trente-troisième conférence générale de l’UNESCO de cette convention marque un vrai progrès du droit international de la culture, mais elle est également un grand succès pour la France, qui a mené un combat juridique et politique, toutes majorités politiques confondues, en faveur de la diversité culturelle.

Combat d'abord défensif, mené dans les années quatre-vingt-dix pour la reconnaissance de l'exception culturelle lors des négociations du GATT puis de l'accord multilatéral d'investissement ; combat beaucoup plus offensif ensuite, pour convaincre la communauté internationale de la nécessité d'inscrire la protection de la diversité culturelle dans le droit international.

La France a mené cette bataille parce qu’elle a la conviction que le processus de mondialisation et de libéralisation des échanges internationaux ne doit ni réduire la culture à une simple marchandise, ni conduire à une uniformisation, synonyme de domination d'un modèle anglo-saxon.

La convention de l’UNESCO vient consacrer dans le droit international la vision que la France se fait du développement culturel dans le cadre de la mondialisation : un développement qui préserve l'identité et la culture des peuples, en affirmant dans le même temps le principe d'ouverture de chaque culture aux autres cultures

Cette convention marque un succès incontestable de l'action de la diplomatie française. Tous les États avaient certes approuvé la déclaration universelle sur la diversité culturelle, qui constituait, après les attentats du 11 septembre 2001, un signe fort de leur volonté d’opposer au « choc des civilisations » le dialogue des cultures. Mais il restait à conférer à cette déclaration une valeur juridique, ce qui rencontrait d'importantes résistances, en particulier de la part des Etats-Unis. L'engagement personnel du Président de la République a été un élément décisif dans la négociation, de même que la solidarité de l'Union européenne, ainsi que la forte mobilisation des pays francophones autour de la position défendue par la France et par le Canada, autre pays à la pointe du combat.

Au-delà de la satisfaction que ce succès politique peut légitimement nous procurer, le soutien qu'il convient d'apporter au projet d'adhésion à la convention de l'UNESCO tient naturellement avant tout à son contenu.

Pour la première fois, il est reconnu en droit positif que les biens et services culturels ont une valeur spécifique et qu'ils ne sauraient donc être soumis aux seules lois du marché. C'est là un formidable progrès. Autre avancée considérable : la consécration du droit des Etats à définir et à conduire des politiques culturelles qu'ils jugent appropriées pour protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles sur leur territoire. Les mesures qui peuvent être prises par les Etats sont très larges – quotas, subventions, prix encadrés – et peuvent porter sur toutes les formes d'expressions culturelles, quels que soient les moyens et les technologies utilisés. La politique française de soutien au cinéma, qui a l’impact favorable que l’on sait, est un bon exemple du genre d’action qui peut être menée.

La convention affirme d’autre part la nécessité de renforcer les politiques de coopération internationale en matière culturelle pour en faire un outil de la solidarité en faveur des pays en voie de développement. C'est un aspect sur lequel notre pays, au travers des prises de position du Président de la République, a activement milité, considérant que culture et développement sont étroitement liés. La convention vise ainsi à créer les conditions permettant aux pays en développement d'accéder aux biens et services culturels, de faire émerger de véritables industries culturelles et de faire connaître leurs créateurs.

Un tel objectif nécessitera naturellement la mise en œuvre de partenariats, qui sont prévus dans la convention, ainsi que des moyens financiers. A ce titre, un Fonds international pour la diversité culturelle a été créé, ce qui est une bonne chose, même si son abondement sous forme de contributions volontaires publiques est évidemment une source d'incertitude.

Cette convention est sans nul doute un texte décisif. C'est l'instrument fondateur du droit international de la culture. Mais c'est un outil qui n'est pas sans faiblesse, ni sans ambiguïté. Et à ce stade, on peut s’interroger sur son efficacité et sa portée.

Plus incitative que contraignante, la convention n'a pas une valeur supérieure aux autres accords et traités internationaux. Cela signifie que la vigilance doit rester de rigueur, lors des négociations commerciales à venir, pour s'assurer que les biens et services culturels bénéficieront toujours d'un statut particulier.

Par ailleurs, la faiblesse des mécanismes prévus pour la résolution des litiges tout comme l'absence de sanctions en cas d'infraction est une source d'incertitude quant à sa portée effective, que ses opposants, les Etats-Unis en particulier, veulent évidemment réduire de façon drastique. Compte tenu de ces résistances et de ces pressions, il est certain que l’autorité politique de la convention dépendra étroitement du niveau de la mobilisation internationale. Il est déterminant que ce texte soit ratifié par un nombre d'Etats très important, bien au-delà des trente pays nécessaires pour son entrée en vigueur.

En veillant à ce que ta France ratifie dans les tout premiers la convention, et ce par la voie parlementaire, le Gouvernement envoie un message clair et montre sa détermination à ce que le processus engagé à l’UNESCO tienne toutes ses promesses. Avec l'aide de l'Union européenne et le soutien actif de la francophonie, notre pays doit continuer à jouer le rôle moteur qui est le sien depuis le début dans cette affaire.

Sur le chemin parcouru pour conférer un statut juridique international à la culture, l'adoption de la convention sur la diversité culturelle par l’UNESCO représente une belle victoire, mais elle n'est qu'une étape, car le combat pour protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles demeure toujours inachevé. Notre soutien déterminé et enthousiaste d’aujourd’hui, Madame la ministre, est donc aussi un appel à poursuivre la mobilisation pour promouvoir une conception du monde qui laisse toute sa place à la diversité et au dialogue des cultures (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. François Loncle - Comment ne pas applaudir des deux mains l’accord sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles ? Le groupe socialiste votera bien entendu le projet de loi qui nous est soumis ce matin. La France s’est en effet battue pendant des années à l’UNESCO comme à l’OMC pour faire admettre la dissociation entre culture et échanges marchands.

Le traité que nous examinons ce matin s'inscrit dans la logique des réflexions engagées par l'UNESCO depuis plusieurs années. M. Koïchiro Matsuura, directeur général de l’UNESCO avait salué en ces termes l’adoption, le 2 novembre 2001, de la Déclaration universelle sur la diversité culturelle, texte fondateur de l'accord dont nous parlons ce matin : « la diversité culturelle est érigée au rang de patrimoine commun de l'humanité, aussi nécessaire pour le genre humain que la biodiversité dans l’ordre du vivant ».

La France, le Canada, les membres de l’Union latine et les pays de la francophonie ont recueilli en 2001 le fruit d’années de sensibilisation. Comme le rappelait François Mitterrand le 21 mars 1995, à l’occasion du « Premier siècle du cinéma », une curieuse confusion lors des négociations du GATT aboutissait à ce que certains considèrent le cinéma, art majeur, comme faisant partie du petit commerce. D’où, expliquait-il, le débat né chez nous sur « l’exception culturelle » : « Cette expression a été comprise et nous l’avons défendue avec un succès qui m’a étonné. » De fait, année après année, les responsables français ont bataillé sur ce thème dans tous les forums internationaux. Rappelons nous par exemple de l’appel lancé à Rio de Janeiro par Lionel Jospin le 6 avril 2001, quelques mois avant l’adoption de la Déclaration universelle sur la diversité culturelle : « Pour maîtriser la mondialisation, le monde a besoin de la diversité de ses cultures, qui doivent être préservées. »

Les plus hautes autorités de l'État et la représentation nationale ont donc été unanimes et persévérantes. Le résultat est positif et la perspective est belle. Comme le dit fort bien M. Matsuura, il s’agit de donner à la Déclaration sur la diversité culturelle « la même force que la Déclaration universelle des droits de l’Homme ». La France a hier contribué à faire adopter des textes culturels majeurs par la communauté internationale. Elle doit aujourd'hui être tout aussi exemplaire en ce qui concerne l’application des conventions. Il faut maintenant définir des objectifs concrets.

Nous avons à cet égard une attente forte concernant le plan d'action en vingt points de l'UNESCO qui est précisément destiné à donner une dimension concrète à la Déclaration universelle sur la diversité culturelle. Je voudrais en particulier insister sur l'urgence qu’il y a à réduire la fracture numérique entre pays riches et pays pauvres. Que compte faire la France dans ce domaine ? Quelles initiatives a-t-elle prises ?

La consultation de la société civile, point 19 du plan de l’UNESCO, me paraît fondamentale. Le gouvernement de Lionel Jospin avait créé un Haut conseil de la coopération internationale afin de faciliter le dialogue avec le mouvement associatif sur l'échange culturel et la coopération nord-sud. Le gouvernement élu en 2002 s'est empressé de réviser à la baisse la portée de cet engagement. Les ONG ont désormais moins de place au sein du HCCI et, il y a quelques mois, l'Office franco-allemand de la jeunesse, lieu par excellence de la diversité culturelle, a été remodelé dans le même esprit. Le mouvement associatif a été relégué du conseil d’administration vers un organisme consultatif et non plus décisionnel.

Par ailleurs, les représentants culturels des pays du sud sont passés, après l’adoption de la loi dite de l’immigration choisie, du rang de partenaires à celui de suspects expulsables s'ils ne répondent pas aux critères marchands posés désormais par la France. La contradiction est ici majeure entre la logique marchande officiellement refusée par la France à l'UNESCO et la loi sur « l'immigration choisie », considérée avec raison par beaucoup d'Africains comme une nouvelle forme de traite négrière.

Je vous invite donc, Madame la ministre, à veiller à la cohérence et au respect des engagements pris. La pluralité culturelle constitue en effet « le meilleur gage pour la paix » comme l’a clairement rappelé M. Matsuura à tous les signataires de la Déclaration universelle sur la diversité culturelle. Prenez-le au mot !

Dans notre pays, soutenez donc la prise de conscience de la diversité culturelle « à travers l’éducation », comme le précise le point 7 du plan d’action de l’UNESCO. Aidez également ceux qui refusent l’expulsion de milliers d’enfants nés de parents étrangers, mesure préparée par le Gouvernement dont vous êtes membre.

M. Michel Herbillon - Mais il n’est pas question d’immigration aujourd’hui !

M. François Loncle – Alors que nous adoptons la convention sur la diversité culturelle, aidez nous à éviter cette contradiction qui consisterait à dispenser d’expulsion ceux des enfants qui ne parleraient pas la langue de leur pays d’origine ! Cette convention exigera donc une vigilance de tous les instants, car nous ne pourrons pas nous contenter de l’adopter et de passer à autre chose.

J’ai en mémoire un exemple hautement symbolique : malgré l’article 6 de la déclaration universelle de l’UNESCO adoptée le 2 novembre 2001, qui nous demande de rompre avec notre fâcheuse tendance à l’uniformité linguistique, la langue anglaise s’impose de plus en plus comme langue universelle. Membre de la délégation parlementaire française à l’Assemblée du Conseil de l’Europe, j’ai ainsi entendu l’actuel gouverneur de la BCE et ancien gouverneur de la Banque de France, M. Trichet, s’exprimer en Anglais à Strasbourg !

M. Pierre-Christophe Baguet - C’était effectivement maladroit !

M. François Loncle – Si je n’avais pas interrompu M. Trichet en quittant la salle en compagnie de mon excellent collègue Rudy Salles…

M. Michel Herbillon - Et vous avez eu raison !

M. François Loncle - … cet incident n’aurait même pas été remarqué. A Paris, personne n’a songé à rappeler à l’ordre M. Trichet, à l’exception du président Balladur.

M. Michel Herbillon - Espérons que M. Trichet ne recommencera pas.

M. François Loncle - Cela étant, nous ratifierons bien entendu cette excellente convention, je le répète avec plaisir. A nous ensuite de la faire vivre !

M. Pierre-Christophe Baguet – Je voudrais vous féliciter pour la qualité de la plaquette qui nous a été remise, Madame la ministre. En effet, on ne saurait mieux dire que la citation de Gandhi qui figure en couverture : « Je ne veux pas que ma maison soit fermée de tous les côtés et que les fenêtres en soient obstruées. Je veux que les cultures de tous les pays imprègnent ma maison aussi librement que possible, mais je refuse d’être emporté par l’une ou l’autre d’entre elles ».

S'il est une nation qui, par excellence, incarne la promotion de la diversité culturelle, c'est bien la France, puisque c'est notre pays qui a créé et exporté dans le monde entier le concept d' « exception culturelle ». Chaque Français porte en lui cette conviction que la diversité des cultures est, par essence même, une richesse, et que la diversité culturelle doit donc être érigée en impératif éthique, inséparable du respect de la dignité de la personne, et tout aussi inséparable de la nécessaire régulation de la mondialisation.

Ce débat est d'une actualité évidente compte tenu de la croissance du commerce des biens et services culturels et de la mondialisation de la culture et des média, phénomènes ambivalents qui permettent à toutes les cultures de se côtoyer et de s'enrichir mutuellement, mais qui accentuent également leur inégale reconnaissance et leur vulnérabilité.

La révolution des transports et des technologies de l'information, l'extension planétaire de la logique marchande, la constitution de sociétés multinationales dans les industries culturelles de l'audiovisuel, de la musique et de l'édition ont conjugué leurs effets pour faire de la culture un terrain d'oppositions entre les États. Initialement circonscrit aux pays riches en raison de ses enjeux financiers, le problème s’est chargé d’une dimension supplémentaire après les événements du 11 septembre.

En effet, défendre la diversité culturelle, c'est aussi défendre le dialogue interculturel. Certes, l'idée du dialogue entre civilisations peut sembler galvaudée, mais l'enjeu est d'importance, tant l'extension à la culture des conflits internationaux constitue un risque politique majeur. La décision prise par l'UNESCO de commencer la rédaction d'un instrument politique international susceptible de protéger et de promouvoir la diversité culturelle souligne donc à quel point la culture est devenue un enjeu de politique mondiale.

Depuis une dizaine d’années, la question de la diversité culturelle s'est ainsi construite politiquement au niveau européen, contre une vision américaine très clairement opposée à ce principe. Nos sociétés européennes, malgré des rapports historiquement différents à la culture, sont parvenues à défendre une position commune. Ce qui pouvait à l’origine apparaître comme un des derniers flamboiements du feu mal éteint qui brûle encore en France, est désormais un flambeau qu’on se dispute face aux risques d’uniformisation culturelle.

Si la culture ne saurait se soustraire au marché, elle ne saurait s'y soumettre totalement. Le premier objectif de la diversité culturelle est donc de reconnaître à la culture le statut d'un bien qui n'est pas seulement marchand. Mais cela n'a de sens que si cette démarche est adoptée au plan mondial, ce qui est précisément l'objet de cette convention de l'UNESCO dont vous nous proposez aujourd'hui la ratification.

Dans le champ culturel et à l'exception des conventions sur les droits d'auteur dont l'articulation avec l'OMC renvoie aux accords sur la propriété intellectuelle, il n'existe au regard des règles commerciales ni réfèrent ni texte normatif. D'où l'intérêt de faire jouer à l'Unesco ce rôle et de disposer d'une convention internationale ayant force de loi.

L'objectif d'un instrument international sur la diversité culturelle est en effet clair : il s'agit, sur la base de la reconnaissance de la spécificité des biens et services culturels, d'assurer la permanence, la légitimité et donc la sécurité juridique des politiques menées par les Etats pour la préservation de leur patrimoine et le développement de leurs expressions culturelles.

Ainsi, cet instrument garantira-t-il ces interventions au regard des objectifs et accords de l'OMC, qui visent à une libéralisation toujours plus poussée et sans retour des marchés de biens et de services dans le monde. Il est donc nécessaire que la France adhère à cette démarche et la soutienne.

Je voudrais toutefois attirer votre attention sur deux points. Tout d’abord, il importe de se battre constamment pour la protection de la diversité culturelle : la ratification de cette convention est un pas dans la bonne direction, mais l'UDF souhaiterait que nous allions plus loin. Défendre un point de vue commun ne suffira pas, car l'évolution des technologies et des rapports de force remet sans cesse en cause les articulations entre le marché et la culture : la protection de la diversité culturelle n'est jamais stabilisée.

D'autre part, le véritable enjeu de la diversité culturelle est celui des contenus. Freiner la concentration de l'offre culturelle, traiter de la diversité culturelle en Europe à la majorité qualifiée et promouvoir une vraie circulation mondiale des œuvres, tels sont les objectifs sans lesquels la diversité risque de se transformer en principe général d'autant plus facilement admis qu'il sera vidé de tout contenu. On sait aujourd’hui à peu près clairement ce que la protection de la diversité culturelle veut empêcher, mais il lui reste encore à prouver ce qu'elle veut et peut promouvoir.

Je ferai donc deux propositions : prendre en compte la diversité culturelle dans l'examen des projets de concentration, mais également aller plus loin dans le futur traité de Rome. Ainsi, l'approfondissement et l'élargissement de l'Union appellent une redéfinition et un repositionnement des approches nationales et européennes dans le domaine culturel. Il serait vain de promouvoir à l'échelle nationale une politique de diversité si la logique d'intégration de l'Europe par l'économie devait dicter ses lois, c'est-à-dire privilégier le jeu du marché.

Or, la culture est souvent placée sur la défensive dans l’état actuel de la législation européenne, puisqu’elle doit se justifier par rapport aux règles économiques, qu’il s’agisse du service public de télévision, du prix du livre ou des aides au cinéma. A ce titre, plusieurs dispositions contenues dans le traité constitutionnel pourraient être reprises : l’inscription dans les objectifs assignés à l'Union du respect de « la richesse de sa diversité culturelle et linguistique » ; la simplification des décisions au Conseil des ministres, qui peuvent déjà être prises à la majorité qualifiée en matière audiovisuelle et qui pourraient l'être également dans le domaine de la culture. Si une telle mesure était adoptée, nous en finirions avec cette époque où un seul pays peut bloquer pendant deux ans l'adoption d'un petit programme de traduction littéraire destiné à encourager la circulation des œuvres, voire limiter toute ambition budgétaire pour la culture dans l’Union.

L'UDF, qui a toujours montré son attachement à la diversité culturelle et linguistique, ainsi qu'à une politique culturelle ambitieuse, ne peut qu'exprimer avec enthousiasme son accord à l’adhésion de notre pays à la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.

Notre pays, et le continent européen dans son ensemble ont un rôle essentiel à jouer. La première phase de l'histoire de l'exception culturelle s'est terminée au bénéfice de l'Europe. La France y a joué un rôle moteur, mais n’oublions pas que sans l'Union, notre position aurait été des plus fragiles !

En dix ans, l'Europe est parvenue à faire d'un principe une règle de droit européen. Le défi qu'il nous faut relever est, aujourd'hui, de faire du principe de l'exception culturelle une politique mondiale partagée par le plus grand nombre. La France doit jouer un rôle prépondérant en ce sens : le pays des droits de l’homme inspire beaucoup d’espoirs, dont nous devons être fiers, mais également dignes.

M. Jean-Claude Lefort - Mon groupe soutient cette convention qui a été arrachée de haute lutte au sein de l’UNESCO. Sortant de la sphère strictement marchande qui est celle de l’OMC, elle promeut cette dimension essentielle qu’est la diversité culturelle. Elle s’oppose ainsi à la « World Company » et à cette vision unilatérale du monde, selon laquelle tout est marchandise ou est condamné à le devenir.

Nous devrons toutefois poursuivre des efforts importants pour nous assurer que cette convention sera justement appliquée. Elle n’est en effet pas opposable à d’autres textes signés au sein de l’OMC sur des sujets voisins, la norme commerciale supplantant la norme culturelle. Or, des secteurs entiers, comme l’audiovisuel, sont concernés par les négociations commerciales multilatérales en cours.

Par ailleurs, bien que le français et l’anglais soient tous deux reconnus comme langues de travail au sein des instances internationales, notre langue est souvent méprisée, bafouée. Dans de multiples lieux, elle n’est plus utilisée. Cette convention, arrachée de haute lutte, servira le combat pour la langue française qu’il nous faut mener également au sein de l’Union européenne. Afin de préparer mon intervention lors du débat qui aura lieu la semaine prochaine à l’Assemblée sur le Conseil européen des 15 et 16 juin prochain, je me suis procuré l’ordre du jour de la réunion. D’une longueur de cinq pages, il est rédigé dans un anglais plus proche de celui de M. Bush que du verbe de Shakespeare et accessible aux seuls experts. Les documents de travail de l’Union devraient être disponibles dans chacune des langues reconnues par l’Europe.

Enfin, à l’instar de M. Loncle, je veux rappeler que les dispositions de la loi sur l’immigration choisie de M. Sarkozy et sa volonté de traiter différemment les enfants étrangers selon qu’ils maîtrisent ou ne maîtrisent pas telle langue constituent une remise en cause de la diversité culturelle.

Ces remarques faites, le groupe communiste votera ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

Article unique

L'article unique du projet, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – À l’unanimité.

La séance, suspendue à 10 heures 35, est reprise à 10 heures 45.

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prévention des violences lors des manifestations sportives – deuxième lecture –

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative à la prévention des violences lors des manifestations sportives.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales – Je me réjouis que les deux assemblées aient attaché à cette proposition de loi toute l’importance qui lui était due : non seulement elle aura été examinée dans des délais rapprochés – elle a été déposée le 29 mars – qui permettront de l’adopter avant la fin du mois de juin, mais elle n’a rencontré aucune opposition. Je remercie donc l’ensemble des députés et des sénateurs qui se sont ainsi associés à l’initiative du groupe UMP de l’Assemblée nationale, et je salue le travail remarquable des rapporteurs des deux assemblées, Philippe Goujon et Claude Goasguen.

Si ce texte a rencontré une telle adhésion, c'est que chacun en mesure les enjeux : il s'agit, au travers d'un nouvel outil opérationnel, de mieux lutter contre les formes les plus détestables de la violence des houligans, qui gangrène le sport le plus populaire de notre pays, le football. Certaines tribunes sont devenues le théâtre de luttes d'influence entre groupes rivaux, dont la brutalité s'exprime sans limite et répand dans nos stades les relents d’une idéologie nauséabonde, venue des bas-fonds de l'extrême droite. Le phénomène concerne au premier chef le Paris-Saint-Germain, mais il ne s'y cantonne pas, comme en témoignent les agressions commises en décembre à Strasbourg, ou en février lors d'un match Toulouse-Nantes, en marge d'une rencontre Lyon-Rennes, et d'un match Nantes-PSG.

Pour répondre à ces violences inacceptables, nous avons d’abord mobilisé d'importantes forces de maintien de l'ordre – jusqu'à 2 000 fonctionnaires de police pour les matchs « à risque ». Nous nous employons également à identifier individuellement les houligans. Depuis février, un coordonnateur national chargé du football, nommé au sein de la direction générale de la police nationale, supervise la nouvelle organisation opérationnelle mise en place avec la Ligue de Football Professionnel. Le travail de ciblage, effectué notamment grâce à la vidéosurveillance, se double d'un effort d'interpellation soutenu. 512 personnes ont été interpellées à l'occasion du championnat 2004-2005 de la Ligue 1, et 504 lors de la saison 2005-2006.

M. Éric Raoult - Très bien !

M. le Ministre délégué - Les trois quarts de ces interpellations ont eu lieu en-dehors des enceintes des stades. L'autorité judiciaire applique pour sa part avec fermeté les dispositions du code pénal : le nombre des condamnations a doublé en deux ans, passant de 95 en 2002 à près de 200 en 2004. Enfin, les préfets peuvent désormais, grâce à un amendement à la loi du 23 janvier 2006 voté à l'initiative de Pierre-Christophe Baguet, interdire à un individu violent d'assister à un match et de fréquenter les abords du stade. Le décret d'application de la loi a été publié le 16 mars. Les premiers résultats de cette interdiction administrative sont encourageants : 70 mesures individuelles ont été prises depuis cette date et 50 personnes font à ce jour l'objet d'une interdiction, dont 28 supporters du PSG.

Notre arsenal juridique comporte encore une lacune, que cette proposition de loi vient combler : il appréhende mal la violence collective. Il permet de cibler des individus, mais non de mettre hors d'état de nuire les groupes de houligans. Or, les supporters les plus radicaux sont grégaires. Ils sont organisés en associations ou en groupements de fait qui alimentent les comportements délinquants. Une trentaine de ces groupes, dont quelques-uns se signalent par un houliganisme très violent, font l'objet d'un suivi particulier. Aucun instrument juridique ne nous permet aujourd’hui de mettre fin de manière définitive à leurs agissements. La dissolution judiciaire d'une association ne peut en effet s'appliquer aux groupements de fait, et la dissolution par le juge pénal n'est pas mieux adaptée à la réalité du houliganisme. Ces dissolutions judiciaires n'ont d’ailleurs jamais été appliquées à des groupes de supporters violents. La loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et les milices privées n'est pas davantage adaptée à la réalité des violences commises lors des manifestations sportives.

Ce texte, tel qu'il a été voté par l'Assemblée nationale et amendé par la commission des lois, répond donc à une exigence d'efficacité, tout en préservant un équilibre entre le respect de la liberté d'association et la sauvegarde de l'ordre public. Le mécanisme proposé permet la dissolution par décret d'une association ou d'un groupement dont les caractéristiques sont celles du seul houliganisme. L’article 1er énonce donc quatre éléments cumulatifs, et le dispositif est créé au sein de la loi du 16 juillet 1984 sur les activités sportives, codifiée depuis le 23 mai dans le code du sport.

La procédure de dissolution aura un caractère contradictoire. Les personnes concernées auront le droit de présenter leur défense devant la commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives, créée à cette fin et qui inclut désormais, à l’initiative du Sénat, un représentant des ligues de sport professionnel. Son indépendance et sa compétence sont donc pleinement garanties. L’équilibre du dispositif tient enfin au contrôle juridictionnel du Conseil d'Etat, qui peut statuer en référé.

Ce nouveau dispositif de dissolution administrative sera à la fois opérationnel et respectueux des libertés publiques. Le Gouvernement entend l'utiliser, mais dans le seul cas où il sera nécessaire.

Le texte prévoit enfin, ce qui est sage, un dispositif de sanctions pour réprimer les tentatives de maintien ou de reconstitution de l'organisation dissoute.

Il a été utilement complété en première lecture. Les amendements des députés ont ainsi permis de mobiliser les réservistes de la police nationale pour participer à la prévention de la violence dans le monde sportif amateur, de renforcer le régime des interdictions judiciaires de stade en prévoyant une obligation de pointage, de communiquer aux fédérations sportives les noms des personnes faisant l'objet d'une interdiction administrative de stade, ou de s’assurer que les systèmes de vidéosurveillance soient en état de marche. Le Sénat a pour sa part, en plein accord avec le Gouvernement, élargi la commission nationale consultative et renforcé les sanctions pénales en cas de reconstitution de groupes dissous pour les motifs les plus graves - haine ou discrimination.

Le texte que vous propose la commission est donc stabilisé sur le fond, les amendements du rapporteur n’ayant pour objet que de tenir compte de la récente codification de la loi du 16 juillet 1984, ce qui marquera pleinement l'inscription de ce nouveau dispositif dans le droit du sport.

Dans notre société qui doute d'elle-même, le sport reste une valeur exemplaire. Nécessaire à l'équilibre de chacun, il est aussi une chance pour la cohésion sociale, car il est porteur de valeurs qui nous font avancer individuellement et collectivement : dépassement de soi, esprit d'équipe, respect de l'autre. Nous ne pouvons plus tolérer qu'une poignée d'individus violents se permettent, au mépris du sport, des sportifs et des spectateurs, de perturber les matchs, d'insulter les joueurs et de dégrader les installations collectives. Je me réjouis donc que le Parlement montre sa détermination à défendre les valeurs du sport, qui sont aussi celles de notre République (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe UDF et du groupe socialiste) .

M. Claude Goasguen, rapporteur de la commission des lois Cette proposition de loi a rencontré un succès unanime. Amendée à bon escient par le Sénat, elle nous revient en deuxième lecture à la veille de l’ouverture de la coupe du monde de football. Or le houliganisme dont nous parlions à propos des clubs français est un mal européen, voire mondial : le football est malade du houliganisme. Nos voisins allemands seraient d’ailleurs bien inspirés de dissocier des matchs de football les investissements forcenés qu’ils consentent pour l’ouverture de maisons closes un peu partout en Allemagne. Cette pratique n’est en effet pas conforme à l’éthique du sport avec laquelle il nous faut renouer. Nous l’avons tous dénoncée ; incontestablement, elle ne va pas contribuer à la tranquillité des matchs.

Le houliganisme a beau être un travers, il est organisé. Il y a quelques semaines, un individu pourtant père de famille et bien intégré socialement, reconnaissait ainsi de manière stupéfiante, dans un hebdomadaire français, qu’il assistait à des matchs de football pour le plaisir de « casser la figure » à d’autres supporters. Nous sommes donc face à un phénomène de psychologie collective auquel il est urgent de réagir.

D’autant que les houligans sont regroupés en association, organisés en réseau : on peut trouver sur internet ces rendez-vous ahurissants qu’ils se donnent, non loin de Paris, de Lyon ou de Saint-Étienne, pour régler leurs comptes et en profiter pour tout casser autour ! Pierre-Christophe Baguet et moi étions jusqu’à présent les seuls à recevoir la visite de ces bandes de voyous auprès du Parc des Princes, mais le phénomène est en train de se développer.

Il était donc nécessaire d’intervenir, et il me semble que nous l’avons bien fait. La législation en vigueur réserve la sanction, qu’elle soit administrative ou judiciaire, aux seuls individus. Mais le houliganisme est aussi un phénomène de groupe – groupes de fait, certes, mais pas seulement : il suffit de voir dans les tribunes ces individus prétendument inorganisés brandir dès que le match commence des bannières marquées par l’homophobie, le racisme et tout ce qui va avec la voyoucratie ! Il fallait donc instaurer des sanctions collectives, et comme nous n’avions pas d’autre exemple juridique que la loi de 1936, dans un domaine qui n’est pas si éloigné que cela, nous l’avons appliquée. Le Sénat a prolongé ce parallélisme en ajoutant le délit de reconstitution d’une association dissoute. On confisquera, on sanctionnera, on interdira.

Les amendements qui avaient été adoptés à l'Assemblée nationale ont été repris par le Sénat, qui a abouti à un texte équilibré. Il n’est en effet pas uniquement répressif : tout voyous qu’ils soient, les auteurs de ces délits auront la possibilité de se défendre. La commission, composée de magistrats, de représentants des hautes autorités sportives et d’experts qualifiés, est loin d’être un comité Théodule. Elle entendra tout, y compris l’inexcusable – mais la possibilité de se défendre étant parfaitement assurée, la sanction sera d’autant plus forte. Je compte sur la vigilance du ministre de l’intérieur, qui a déjà organisé d’ailleurs, avec le commissaire Lepoix, un dispositif sur l’ensemble du territoire, et sur les amendements que nous avons votés visant à améliorer l’information de la police.

Cette loi concourt donc à la volonté générale de rétablir dans le football une éthique sportive qui semble parfois l’abandonner avec l’extension du professionnalisme, mais aussi dans certains clubs amateurs. L’éthique est une nécessité. Le foot ne peut pas être le champ clos d’associations qui ne rêvent que de se taper dessus et d’insulter les joueurs qui n’ont pas la couleur qui leur sied. On doit à nouveau pouvoir venir avec ses enfants dans un stade de foot, simplement pour suivre un match de bonne qualité. Le passage a été brutal entre le contexte associatif traditionnel des clubs français et le professionnalisme – et la richesse. Les clubs doivent le gérer avec vigilance et je souhaite que ceux qui ont suffisamment d’argent puissent véritablement organiser une vie en commun avec les supporters, pour éradiquer les comportements de voyous qui salissent le sport. J’en profite bien entendu pour souhaiter à l’équipe de France de football le plus grand succès dans la Coupe du monde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Président – l'Assemblée nationale unanime s’y associe.

M. Philippe Cochet – Je voudrais d’abord vous remercier, Monsieur le rapporteur, pour cette proposition de loi, qui était très attendue par les clubs professionnels, les joueurs et les supporters, mais aussi largement au-delà du football. L’Assemblée l'avait adoptée sans vote contre en première lecture et elle ne nous revient du Sénat qu’avec peu de modifications. Il y avait urgence à mettre un coup d'arrêt aux comportements qui entachent le sport et en donnent une image déplorable. L'immense majorité de nos concitoyens ne supportent plus que quelques houligans perturbent les rencontres, insultent les joueurs ou détruisent les installations collectives.

La pratique sportive constitue un fait social majeur. Elle est parfois, hélas, marquée par la violence, le racisme et des « incivilités » qui sont contraires aux valeurs universelles et nuisent à la mobilisation des bénévoles. Ces agissements inqualifiables portent atteinte à la réputation de sports qui méritent mieux que cela. La lutte contre ces phénomènes est l'affaire de tous. C'est grâce à la mobilisation de chacun que l'on parviendra à éliminer la violence du sport et à transmettre le respect du jeu et de l'adversaire. Cette proposition de loi va dans le bon sens en instaurant, pour faire face à ces violences collectives, une procédure de dissolution des associations de supporters impliquées dans des actes violents ou racistes récurrents. Le Sénat a apporté quelques modifications au dispositif de sanctions et a modifié la composition de la commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives. En revanche, il a adopté conformes deux articles introduits lors de la première lecture à l'Assemblée.

Pour le groupe UMP, l'essentiel est de redonner au sport sa dimension de partage. Il est de notre devoir de restituer aux manifestations sportives l'esprit de convivialité et de fête que nous apprécions tous. Nous soutenons sans réserve les dispositions proposées car nous ne pouvons tolérer qu'une minorité d'individus viennent perturber les matchs, au mépris du sport, des sportifs et des spectateurs. Ce texte, discuté par la représentation nationale quelques heures avant l'ouverture de la Coupe du monde de football, sera un signe fort en direction des amoureux de tous les sports qui respectent les valeurs de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Christophe Caresche – Nous avons adopté ce texte en première lecture parce qu’il complète utilement l’arsenal – déjà imposant – destiné à combattre le houliganisme. Ce texte permettra de responsabiliser – car c’est l’objectif, avant la sanction – les clubs de supporters, et les clubs de foot eux-mêmes. Il y a en effet manifestement parfois un certain laxisme, voire une complicité, face à des comportements intolérables, de la part de ceux justement qui devraient s’élever contre. Cette ambiguïté est source de difficultés pour la répression de ces comportements.

Nous approuvons donc les intentions, mais aussi les dispositions qui sont prises et les modifications qui ont été apportées. Sur le plan juridique, le texte présente toutes les qualités requises. Il est conforme à notre droit et paraît applicable. Mais ne nous leurrons pas : les difficultés sont encore devant nous. Quels que soient les gouvernements – ce n’est pas sujet à polémique entre nous – et malgré les discussions qui ont eu lieu et la volonté exprimée par les responsables politiques nationaux ou locaux, il est particulièrement difficile d’endiguer ce phénomène complexe. Il faudra donc voir comment s’appliquent les mesures sur le terrain. L’interdiction administrative de stade, dont on a vu en Grande-Bretagne combien elle était efficace, devrait notamment commencer à produire ses effets. Nous voterons ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre-Christophe Baguet - Demain débute l'événement sportif de l'année. Des milliards de téléspectateurs vont avoir les yeux rivés sur l'Allemagne pour un mois de compétition, couronné, le 9 juillet, par la retransmission télévisuelle sportive la plus suivie au monde ; 736 joueurs vont partir à la conquête du trophée le plus convoité. Génératrice de passions, cette fête recèle un risque maximal, car ce ne sont pas seulement les meilleurs joueurs du monde qui s'affronteront, mais aussi les supporters des équipes nationales, aux passions exacerbées, qui se retrouveront côte à côte sur un territoire restreint. La gestion des supporters est pour les organisateurs une source d'inquiétude légitime, car l'éclatement des sites de compétition entraînera la dissémination des franges les plus dures dans l'ensemble de l'Allemagne, exigeant un dispositif national de sécurité hors du commun. La compétition sportive semble hélas bien loin, mais le houliganisme est une réalité et les incidents qui pourraient survenir gâcheront inéluctablement la fête : on se souvient des affrontements de 1998 à Lens ou à Marseille, qui restent gravés dans la mémoire des victimes – je pense particulièrement au gendarme Nivelle, à sa femme et à ses enfants, auxquels l’Allemagne vient de témoigner son soutien.

Depuis 1998, des progrès dans la lutte contre le houliganisme ont heureusement été réalisés. Le phénomène est désormais connu et analysé, et les mesures les plus draconiennes sont prévues pour éviter tout débordement.

Même si l'on répète à l’envi que le football ne connaît pas de frontières et gomme toutes les barrières, la violence nous rappelle trop souvent que le stade reste pour une minorité un lieu d’exutoire privilégié pour laisser libre cours au déchaînement d'actes violents ou racistes. Le patriotisme se change alors en ultranationalisme, et les valeurs véhiculées par le football et le sport en général, telles que le fair-play, la convivialité et l’esprit d'équipe disparaissent sous un monceau de bêtise humaine.

La lutte contre la violence concerne chacun d'entre nous et elle doit être menée au plan national. L'augmentation des violences à l’occasion du championnat de France montre que notre pays n'est plus épargné, et c’est pourquoi l'initiative de notre collègue Claude Goasguen doit être tout particulièrement saluée car elle complétera les outils juridiques mis en place depuis 1993 pour renforcer la répression contre les violences dans les stades. Donner un cadre pour s'attaquer aux violences collectives et permettre la dissolution d'organismes ou d'associations dangereux, voilà l'étape dont la lutte contre le houliganisme avait besoin.

En première lecture, j'ai proposé de compléter le dispositif prévu dans la proposition de loi et je remercie l'ensemble de la représentation nationale de son adhésion. S’agissant de l’interdiction administrative de stade par les préfets, il m’a été fait une remarque de bon sens concernant l’absence de signalement en temps réel aux autorités de police présentes sur place des houligans identifiés qui ne respecteraient pas les mesures de neutralisation dans leurs commissariats de quartier. A mon sens, une simple circulaire – ou tout autre acte de nature réglementaire – permettrait sans doute de réparer cet oubli.

L'unanimité des décisions prises et du vote montrent à quel point chacun d'entre nous se sent concerné. Conservons cette belle unité et hâtons-nous d'adopter ces nouvelles dispositions pour que le prochain championnat de France ne puisse plus être le théâtre d'actes de violence ou de racisme et retrouve le caractère de fête familiale qu’il n’aurait jamais dû perdre. Je vous remercie, Monsieur le ministre, vous qui êtes un très grand sportif, des efforts constants, qu’avec Nicolas Sarkozy, vous déployez pour y parvenir au plus vite. Le groupe UDF votera d’enthousiasme cette proposition de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP) .

M. Jean-Claude Lefort – Je dois dire d’emblée que ce texte nous laisse toujours aussi perplexes. La violence dans les stades, inacceptable par nature, procède de causes lourdes. Las, une fois encore, au lieu de les traiter, vous vous intéressez à ses seules conséquences. Une fois de plus, vous préférez l’effet d’annonce au traitement de fond, comme si le sens de la formule pouvait remplacer celui de l’État ! En effet, un arsenal législatif existe déjà pour réprimer la violence dans les stades et il demande à être appliqué rigoureusement car, lorsqu’il l’est, les résultats sont au rendez-vous. Au reste, en première lecture, le ministre d’État a admis que les textes en vigueur n’étaient pas toujours appliqués avec assez de rigueur, qu’il s’agisse de la fouille systématique des spectateurs, de la séparation des supporters, du strict encadrement des plus acharnés d’entre eux ou de la vidéosurveillance. Je pense aussi aux moyens juridiques dont nous disposons pour punir les auteurs d’actes ou de propos racistes – au sens large du terme – et aux textes sur la dissolution des groupes factieux, dont on aurait pu élargir le champ d’application, tout en veillant au respect des libertés en refusant toute approche excessivement large.

Cet ensemble réglementaire a fait ses preuves à l’occasion du dernier match PSG-OM, pourtant considéré comme présentant un risque majeur. Plusieurs individus ont ainsi été empêchés de pénétrer dans le stade. On peut certes aller plus loin, mais la proposition de transmette aux clubs des noms de supporters sans avoir recueilli l’aval de la CNIL ne nous semble pas respectueuse de l’indispensable protection des libertés.

Au reste, le houliganisme reste un phénomène minoritaire : laisser entendre que tout supporter est un houligan en puissance reviendrait à stigmatiser l’ensemble d’un corps social extrêmement divers. De leur côté, les auteurs de troubles dans les stades constituent une population hétérogène, une nébuleuse aux contours imprécis, composée aussi d’extrémistes qui se réclament ouvertement du racisme ou de l’homophobie. Ce sont souvent les mêmes qui célèbrent Jeanne d’Arc le 1er mai et participent aux manifestations du Front National. Et Jean-Marie Le Pen s’est encore distingué hier, en déclarant sur une radio périphérique qu’il n’était pas un supporter de l’équipe de France. On devine pourquoi : la haine des hommes de couleur aboutit à celle de la patrie.

J’en reviens au présent texte, tel qu’il nous revient du Sénat. A l’article premier, les sénateurs ont introduit la participation de représentants nommés par le ministre chargé des sports à la commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives. Le Sénat a ensuite procédé à la réécriture complète de l’article 2, afin de relever les sanctions pénales contre les associations dissoutes à la suite d’actes racistes ou discriminatoires. Il a fixé un régime de sanctions pénales et prévu des peines complémentaires spécifiques, dites de confiscation.

Par contre, pourquoi les dirigeants de club sont-ils exonérés de tout effort ? Il est pourtant bien établi que leur rôle est essentiel. Aujourd’hui, leurs comportements sont très variables. A l’évidence, les dirigeants actuels du PSG se désintéressent du problème, alors que ce club avait conçu, en étroite collaboration avec les signataires du contrat local de sécurité, un programme pédagogique intitulé : « le PSG, pour une sport attitude »

M. Pierre-Christophe Baguet - Tout à fait.

M. Jean-Claude Lefort - … et lancé le slogan : « Oui au fair-play, à la convivialité et au respect d’autrui. Non au racisme, à l’antisémitisme, à l’homophobie et à la violence. » Les mots y étaient, les actes n’ont pas suivi.

M. Pierre-Christophe Baguet - Hélas !

M. Jean-Claude Lefort - L’affaire a fait « pschitt » et ils se trouvent aujourd’hui exonérés de toute responsabilité.

Plus fondamentalement, nul ne peut contester le lien intime qui s’est noué entre le développement de la violence au stade et l’avènement, depuis plus de vingt ans, du « foot-fric ». Le récent rachat du PSG par deux fonds d’investissement étrangers indique clairement que ce sport est entré dans l’ère du business, la loi Lamour ayant accompagné le phénomène. Or qui dit enjeux financiers, dit hausse potentielle de l’agressivité. L’injection de fric à haute dose attente aux valeurs universelles du sport, telles que la fraternité. Le « foot-fric » accentue la violence, lorsque marquer un but, c’est engranger des bénéfices financiers au profit de toute la chaîne du football. Et si l’on devait sortir un carton rouge, c’est aussi à ce phénomène qu’il faudrait le donner.

Alors que la Coupe du monde débute demain, je veux, après le rapporteur, dénoncer aussi la violence faite aux femmes à propos de laquelle beaucoup restent trop discrets. Je pense, bien entendu, à la prostitution massive qui s’organise en Allemagne pour « accompagner » la fête sportive. Faut-il se résoudre à ce que des entrepreneurs du sexe accompagnent désormais ceux du sport ? Quelle image pour notre jeunesse et que de violences faites aux femmes !

Ms Mary McPhail, secrétaire générale du lobby européen des femmes, a déclaré avec raison : « la prostitution n’est pas un jeu. C’est le plus vieux crime de l’histoire et une violation des droits humains. Pendant la Coupe du monde, d’aucuns pensent qu’ils ont le droit d’exploiter de cette manière le corps des femmes. Chaque fois qu’un homme décide d’acheter une femme, il participe à la croissance de la demande et de la traite organisée par des gangs criminels, qui assurent sans état d’âme l’offre de femmes prostituées ».

Sur ce sujet, notre groupe a écrit aux autorités concernées, aux commissaires européens, à Zinédine Zidane, à Raymond Domenech, à Jean-Pierre Escalettes – président de la FFF - et à Joseph Blatter – président de la FIFA. Seuls les deux derniers ont répondu et seul M. Blatter s’est engagé à intervenir publiquement contre ce scandale.

C’est aussi dans ce contexte qu’intervient cette proposition. Bien entendu, nous n’avons pas vocation à légiférer au plan international, mondial ou simplement européen. Mais le silence des autorités françaises nous semble bien lourd, alors que nous sommes appelés à traiter de toutes les formes de violences en relation avec le sport. Lancée par la présidente de notre groupe au Sénat, la pétition « Oui à la Coupe du monde, non à la coupe de la honte » obtient un franc succès. Las, Monsieur le ministre, le Gouvernement garde le silence, sur un sujet qui ne devrait pourtant pas faire débat.

Tout en notant que notre amendement relatif à la pénalisation des injures homophobes a été adopté, nous maintenons notre décision d’abstention, car nous sommes particulièrement critiques quant au silence qui entoure le contexte de la prochaine Coupe du monde.

La discussion générale est close.

M. le Ministre délégué – Je remercie votre rapporteur et Philippe Cochet d’avoir rappelé les avancées qu’apporte ce texte. J’ai bien compris, cher Pierre-Christophe Baguet, votre préoccupation quant aux obligations de signalement et je m’engage à régler rapidement cette difficulté, que vous avez eu raison de soulever, au moins par une circulaire.

S’agissant de la Coupe du monde, vous avez, Messieurs Goasguen et Lefort, évoqué un sujet essentiel mais vos conclusions divergent. Le rapporteur à indiqué que la dignité des femmes devait être placée au cœur de nos préoccupations, car il s’agit d’une question qui met en jeu la dignité humaine et la morale. Quant à M. Lefort, je regrette qu’il argue de ce problème pour ne pas accompagner les avancées considérables qu’apporte ce texte. Autrement dit, le constat est juste mais la conclusion est fausse.

Le Gouvernement aurait souhaité un effort d’unanimité sur ce texte qui constitue une réelle avancée. Néanmoins, je remercie chacun des intervenants.

M. le Président – J’appelle maintenant, dans le texte du Sénat, les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pu parvenir à un texte identique.

Art. premier a

M. le Rapporteur – L’amendement 1, comme les amendements 2, 3, 4, 6, 7, 8, 9 et 11 aux articles suivants, est de coordination : il substitue aux références à la loi du 16 juillet 1984 des références au code du sport.

L'amendement 1, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article premier A ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

Art. premier b

L'amendement 2, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article premier B ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

Art. premier c

L'amendement 3, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article premier C est ainsi rédigé.

Art. premier

L'amendement 4, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 5 est rédactionnel.

L'amendement 5, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article premier modifié, mis aux voix, est adopté.

Art. premier bis

L'amendement 6, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article premier bis ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

Art. 2

Les amendements 7, 8 et 9, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.

M. le Rapporteur – L’amendement 10 rectifie une erreur matérielle.

L'amendement 10, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement 11, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 2 modifié, mis aux voix, est adopté.

Explications de vote

M. Pierre-Christophe Baguet - Je trouve regrettable la position du groupe communiste sur ce texte qui aurait mérité la même unanimité ici qu’au Sénat.

*Nous avons bien fait notre travail de législateur, nous pouvons compter sur l’exécutif et les forces de police ; il reste que, c’est vrai, les clubs et les fédérations sportives devront maintenant prendre leurs responsabilités : il faudra y veiller.

L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté.

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modification de l’ordre du jour

M. le Président - J'ai reçu de M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement une lettre m'informant d'une modification de l'ordre du jour de la semaine prochaine.

La deuxième lecture du projet sur les successions commencera le mardi 13 juin au soir et se poursuivra, le cas échéant, le mercredi 14 juin au soir.

La deuxième lecture du projet sur la gestion des matières et déchets radioactifs est inscrite à l'ordre du jour du jeudi 15 juin, l'après-midi et, éventuellement, le soir.

Prochaine séance mardi 13 juin à 9 heures 30.
La séance est levée à 11 heures 35.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

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ordre du jour
dU MARDI 13 juin 2006

NEUF HEURES TRENTE : 1RE SÉANCE PUBLIQUE

Discussion de la proposition de loi (n° 2996) de M. Richard MALLIÉ, Mme Maryvonne BRIOT et plusieurs de leurs collègues portant création d’un ordre national des infirmiers.

Rapport (n° 3009) de Mme Maryvonne BRIOT, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

QUINZE HEURES : 2E SÉANCE PUBLIQUE

1. Déclaration du Gouvernement préalable au Conseil européen et débat sur cette déclaration.

2. Discussion du projet de loi (n° 3010) portant dispositions statutaires applicables aux membres de la Cour des comptes.

Rapport (n° 3090) de M. Étienne BLANC, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

Avis (n° 3078) de M. Jérôme CHARTIER, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3E SÉANCE PUBLIQUE

Discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 3095) portant réforme des successions et des libéralités.

Rapport (n° 3122) de M. Sébastien HUYGHE, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.
Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.
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