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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du mardi 20 juin 2006

Séance de 15 heures
105ème jour de séance, 247ème séance

Présidence de M. Jean-Louis Debré

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questions au Gouvernement

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

gouvernance industrielle

M. André Gerin - Je veux dire ici la colère de millions de Français devant le cynisme du co-président d’EADS, Noël Forgeard, et de tous ceux qui s’enrichissent en dormant (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP) alors que les familles populaires souffrent de l’austérité et de la vie chère ; leur colère contre les dirigeants d’EADS qui ont menti aux analystes financiers, jeté le discrédit sur l’Airbus A 380, joué au Monopoly financier en spéculant sur le retard du programme. Ce sont les PME et PMI que l’on saigne, la nation que l’on veut mettre à genoux.

Le Gouvernement ne doit pas démissionner devant le CAC 40. Monsieur le Premier ministre, c’est le moment ou jamais de prouver votre patriotisme économique, alors que le pays fait plutôt montre de pétainisme industriel. Les milieux dirigeants se moquent comme d’une guigne du chômage ou de la souffrance du peuple. Organisant la démission industrielle, ils se comportent en prédateurs. Le Gouvernement doit y mettre le holà et relancer une ambition industrielle pour la France. Imposons le maintien de l’usine de Mérignac, faisons-en un exemple national en mettant hors d’état de nuire des ogres de la finance. Exigeons la transparence de la part des dirigeants d’EADS. La France doit reprendre la main, en donnant de vrais pouvoirs de contrôle et de décision aux salariés et à la représentation nationale. Le Gouvernement doit prendre des mesures de salut public : les Français sont exaspérés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l’industrie Le groupe EADS est effectivement confronté à une difficulté industrielle, rendue publique il y a quelques jours (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste). Le projet de l’A 380 est d’une ampleur inégalée : il ne s’agit de rien de moins que la réalisation du plus gros porteur au monde !

Plusieurs députés socialistes et communistes et républicains – Nous ne parlons pas de ça !

M. le Ministre – Des projets de cette nature sont toujours susceptibles de connaître un retard industriel. Nous avons demandé à la direction d’EADS et à celle d’Airbus de prendre les mesures qui s’imposent.

Plusieurs députés socialistes et communistes et républicains – Ce n’est pas la question !

M. le Ministre – L’État français est actionnaire d’EADS à hauteur de 15%. C’est ce que prévoit le pacte conclu en 2000 par le gouvernement Jospin (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), dont certains considèrent qu’il ne donne pas assez de pouvoir à l’État puisque ce sont les actionnaires industriels, Lagardère et Daimler, qui assurent la direction opérationnelle. L’État, lui, valide les options stratégiques. Je viens de rencontrer M. Lagardère pour parler avec lui des évolutions du pacte et des structures managériales qui pourraient être envisagées avec nos partenaires allemands. Il est en effet indispensable de tirer les conclusions de la situation actuelle et de traiter avec la plus grande vigilance ce qui n’apparaît pour l’instant que comme un retard.

Vous avez fait allusion aux ventes d’actions et de stock-options de M. Forgeard et de ses enfants. Je rappelle que l’Autorité des marchés financiers, seule compétente en la matière, s’est saisie du sujet et a ouvert une enquête.

M. André Gerin - Il lui a menti ! (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre – Bien entendu, ses conclusions seront rendues publiques et je vous invite tous à ne jamais réagir à chaud sur ce genre de questions (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. André Gerin - Il a menti !

M. le Président – Monsieur Gerin, asseyez-vous !

M. le Ministre - Laissez les autorités compétentes agir. Elle le sont, pardonnez-moi de le dire, peut-être plus que vous (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

politique énergétique

M. Serge Poignant - Le Premier ministre avait souhaité qu’un débat sur l’énergie se tienne au Parlement, à propos, à la fois, de la fusion entre Suez et GDF et de l’ouverture complète à la concurrence du marché européen de l’énergie, au 1er juillet 2007. Ce débat a eu lieu la semaine dernière à l’Assemblée. Il m’a permis, au nom du groupe UMP, de rappeler l’action menée depuis 2002, après l’immobilisme du gouvernement Jospin. Il a été riche de points de vue et d’interrogations, notamment en ce qui concerne l’avenir de Suez et de GDF en cas d’OPA de la part d’Enel. Mes collègues se sont ainsi faits les porte-parole de nos concitoyens et de nos entreprises, inquiets de l’augmentation des prix de l’énergie et préoccupés du maintien des tarifs.

Quelles que soient leurs positions, la plupart des membres du groupe UMP souhaitaient prendre le temps de la concertation, de la réflexion et de l’investigation avant de discuter d’un projet de loi sur la question. Quel calendrier avez-vous fixé, Monsieur le ministre de l’économie ?

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l’industrie C’est en effet un très large débat qui a été mené dans cet hémicycle la semaine dernière, pendant huit heures, et je tiens à rendre hommage à la représentation nationale pour la qualité de cette discussion. Plus de vingt orateurs ont apporté leur contribution et je me suis efforcé de leur répondre point par point. Notre politique énergétique a l’ambition d’assurer à nos concitoyens les moyens énergétiques indispensables pour l’avenir, de limiter la hausse des prix – alors qu’en 2000, le gaz avait augmenté de 30 % ! – et de créer, par la fusion entre Gaz de France et Suez, le leader européen en matière d’énergie et plus particulièrement de gaz naturel liquéfié (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Nous avons décidé de présenter le 28 juin, au conseil des ministres, un texte qui permettra à Gaz de France et à Suez de fusionner, mais aussi qui transposera la directive sur l’énergie, afin de protéger les consommateurs. Ce projet de loi sera débattu au Parlement dans le cadre d’une session extraordinaire au début de septembre, comme en a décidé le Premier ministre après s’en être entretenu avec le Président de la République. Cela permettra de tenir le calendrier, les assemblées générales des deux groupes devront se réunir avant la fin de l’année pour voter la fusion. Tous les salariés et toutes les organisations syndicales de Suez soutiennent ce projet, de même qu’un grand nombre de salariés de Gaz de France. En dépit des appels à la grève lancés aujourd’hui à GDF, à midi, les salariés n’étaient que 9,9% à avoir débrayé. C’est le signe que progressivement, les idées avancent (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). On commence à comprendre que ce projet est bon pour les salariés des deux entreprises, mais aussi pour les consommateurs et pour la France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

RESPONSABILITés de l’état actionnaire

M. François Hollande – Monsieur le Premier ministre, en politique comme en tout, rien ne peut se construire sans la confiance (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). La confiance, vous l’avez perdue auprès des Français mais aussi au sein de votre majorité (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP). Sinon, vous auriez d’ores et déjà privatisé Gaz de France. Et cette confiance, vous ne la retrouverez pas par le biais des actions en justice que vous intentez contre des journalistes. Jamais un Premier ministre n’avait agi ainsi sous la Vème République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; vives exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Un député UMP – Et Mitterrand ?

M. François Hollande - Pas de confiance dans le pays, pas de confiance de la majorité, ni dans la presse : dans toute démocratie digne de ce nom, le chef de l’État ou le Parlement auraient mis fin à cette situation. Mais notre pays vit actuellement sous le régime de l’irresponsabilité ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Cette irresponsabilité ne doit pas gagner les affaires industrielles et économiques. Or, l’un des fleurons de l’industrie aéronautique nationale et européenne, EADS, est aujourd’hui ébranlé par le comportement de l’un de ses dirigeants. Au moment même où Airbus annonce qu’il y aura des retards dans la livraison du gros porteur A 380 et où le cours du titre EADS s’effondre de plus de 25 % en Bourse, on apprend que trois mois plus tôt, le co-président de cette entreprise a exercé son droit d’option sur ses stock-options, réalisant au passage une plus-value de 2, 5 millions d’euros. Sans préjuger des résultats des enquêtes diligentées par l’Autorité des marchés financiers, laquelle conclura ou non à un délit d’initié, cette attitude est doublement condamnable – et, je l’espère, sera condamnée ici même. Elle confirme en effet que des dirigeants d’entreprise n’hésitent pas aujourd’hui à s’octroyer des rémunérations considérables, au moment même où leurs salariés se trouvent réduits à la portion congrue (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe UMP). Ces faits ont en outre eu lieu alors que le groupe EADS annonçait un millier de suppressions d’emplois dans sa filiale Sogerma de Mérignac.

M. le Président – Posez votre question, je vous prie.

M. François Hollande - Elle est très simple. Dès lors que l’État français détient 15 % du capital de EADS, dès lors que le Président de la République et vous-même, Monsieur le Premier ministre, avez joué un rôle dans la nomination du co-président d’EADS, M. Forgeard, lui maintenez-vous votre confiance ? Si tel était le cas…

M. le Président – Merci, Monsieur Hollande.

M. François Hollande - Attendez, Monsieur le Président (Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Non, Monsieur Hollande. Chacun a droit au même temps pour poser sa question (Mêmes mouvements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Hollande - Si tel était le cas, cela signifierait que l’irresponsabilité générale l’a emporté, puisqu’on aurait la preuve qu’un président d’entreprise peut se comporter ainsi sans être rappelé à l’ordre par l’État (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; brouhaha persistant sur les bancs du groupe UMP).

M. Dominique de Villepin, Premier ministre - Monsieur Hollande, il est des moments dans la démocratie où l’on ne peut pas dire n’importe quoi (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste). En 2000, c’est vous qui avez défini, avec Lionel Jospin, le pacte d’actionnaires ; c’est votre responsabilité et nous remettrons les choses à plat (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Il est des moments dans une démocratie où on ne peut pas mélanger les carottes et les choux-fleurs, l’exigence de vérité et l’exigence de bonne gestion. Je dénonce, Monsieur Hollande, la facilité, et je dirai même en vous regardant, la lâcheté… (Cris sur les bancs du groupe socialiste où les députés se lèvent)

M. le Président – Asseyez-vous, je vous en prie.

M. le Premier ministre - … la lâcheté de votre attitude (Les députés socialistes, empêchés de se diriger vers le Premier ministre par les huissiers, se massent au pied de la tribune où leurs cris et huées couvrent la parole du Premier ministre), sa lâcheté, je le redis. (Les députés socialistes, toujours massés au pied de la tribune, continuent de crier, « Démission ! Sortez ! » rendant quasi inaudible le propos du Premier ministre).

J’ai relevé plusieurs contradictions dans votre propos, Monsieur Hollande. Tout d’abord, vous n’avez jamais assumé la moindre politique industrielle dans notre pays. Nous, nous avons posé les bases d’une politique énergétique de pointe, au meilleur coût et respectueuse de l’environnement (Les députés socialistes continuent de crier : « Sortez ! Sortez !)

M. le Président – Arrêtez, cela ne sert à rien. Quel triste spectacle vous donnez !

M. le Premier ministre – En matière industrielle et en matière d’énergie, comme en matière politique, c’est le principe de responsabilité qui importe. (Le Premier ministre poursuit son propos, couvert par les cris des députés socialistes) Nous avons défendu les services publics alors que nous n’avez jamais cessé de les brader. Vous n’avez jamais été au rendez-vous de la politique de la nation (Le brouhaha grossit encore) alors que nous avons cherché à redéfinir les exigences, pour avancer. Enfin, alors que vous n’avez pas fait le nécessaire pour les entreprises publiques, nous voulons leur donner les moyens de se moderniser et de relever les défis (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; les députés socialistes, massés au pied de la tribune, continuent de crier).

M. le Président – Arrêtez ! Si vous voulez sortir, sortez, mais sortez dans le calme ! Monsieur Ayrault, montrez l’exemple. La parole est à M. Perruchot. Monsieur Cambadélis, Monsieur Dray, on se comporte correctement dans l’hémicycle ! (Intense brouhaha persistant) Monsieur Perruchot, allez-y, posez votre question (« Ce n’est pas possible ! » sur les bancs du groupe UDF).

M. Nicolas Perruchot - J’attends le retour au calme. Les questions au Gouvernement supposent un minimum de calme et de respect. Je constate que nous ne l’avons pas et vais attendre que vous remettiez un peu d’ordre dans l’hémicycle.

M. le Président – Si vous ne voulez pas vous exprimer, je donne la parole à M. Garrigue (Vives protestations sur les bancs du groupe UDF).

Construction européenne

M. Daniel Garrigue – (s’exprimant dans le brouhaha) La construction européenne progresse parfois par grandes avancées, plus souvent par de difficiles négociations. Le Conseil européen s’est réuni les 15 et 16 juin à Bruxelles. (les députés socialistes scandent « levez la séance » !) Les débats ont porté sur trois sujets : la capacité d’élargissement de l’Europe qui n’est pas illimitée et doit être soumise à des exigences précises ; l’Europe des projets, qui a donné les résultats les plus significatifs… (le brouhaha s’intensifie)

M. Julien Dray - Monsieur le Président, vous n’êtes pas un maître d’école !

M. Daniel Garrigue – … Enfin, une meilleure association des parlements nationaux à l’élaboration des règles européennes, comme le propose le président du Parlement européen. Monsieur le ministre des affaires étrangères, pouvez-vous faire le bilan de ce conseil ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – La parole est à M. Douste-Blazy (Vives protestations sur les bancs du groupe UDF ; Les députés socialistes scandent « Villepin, démission ! » )

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères - Ce conseil européen a permis trois avancées majeures. D’abord, s’agissant des institutions, il a décidé que des propositions seraient faites au premier semestre 2007 sous présidence allemande, et des décisions prises au second semestre 2008 sous présidence française.

M. Julien Dray - Ce n’est pas un président ! Levez la séance !

M. le Ministre - Ensuite, le Conseil s’est occupé de l’Europe des projets, avec de premiers résultats pour ce qui est d’une réponse rapide aux urgences et aux catastrophes naturelles et industrielles et de la politique énergétique. Enfin, et c’est un succès pour la diplomatie française, le Conseil a dit que le rythme des élargissements ( Les députés socialistes crient « Villepin, des excuses ! ») dépendra de la capacité d’absorption de l’Europe : on n’élargira pas l’Union sans le soutien des peuples (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

participation

Mme Martine Aurillac – (s’exprimant dans un brouhaha qui couvre en partie sa voix) D’abord, nous sommes tous très attristés devant l‘image que l’opposition donne de notre Parlement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Un quotidien a annoncé que les grandes entreprises cotées ont versé en 2005 40 % de dividendes supplémentaires et que leurs salariés avaient très largement bénéficié des hausses de bénéfices. C’est encourageant pour la mise en œuvre de la participation, que le général de Gaulle tenait à promouvoir, sur laquelle vous allez nous présenter un projet, et qui a été l’objet d’un travail de plusieurs collègues. Certes, pour l’actionnariat et l’intéressement, les PME ne sont pas dans la même situation que les grandes entreprises, et le public n’a pas les mêmes contraintes que le privé. Les mécanismes doivent donc être soigneusement pesés, et la participation de salariés aux conseils d’administration et de surveillance organisée par la loi. Le gouvernement peut-il nous présenter les grandes lignes du projet et son calendrier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – La parole est (Huées des membres du groupe socialiste et de certains membres du groupe UDF )… à M. Borloo (De nombreux députés socialistes scandent « Borloo ! Borloo ! »). Cessez donc ce spectacle !

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement - Le projet sur la participation que je présenterai demain au conseil des ministre avec MM. Larcher et Breton est éminemment politique. Dans une société où les actionnaires sont de plus en plus forts, il s’agit d’adapter la géniale intuition du Conseil National de la Résistance, idée relancée par le général de Gaulle en 1965 et concrétisée par Louis Vallon en 1967. Dans le groupe UMP, Jacques Godfrain, Hervé Novelli, François Cornut-Gentille, le président Borotra, les présidents Dubernard et Ollier y ont travaillé. Ce projet prévoit d’abord d’augmenter la participation en cas de profits exceptionnels, soit directement, soit par l’intéressement, soit par la distribution d’actions gratuites. Il s’agit ensuite de permettre que cette distribution se fasse sur des projets comme celui du viaduc de Millau. Surtout, grâce aux effort de M. Breton, cette distribution profitera à tous les salariés et pas seulement à quelques cadres. C’est donc la participation pour tous.

Pour répondre à la question posée par M. Balladur la semaine dernière, le texte permettra que, lorsque au moins 3 % des salariés sont actionnaires, ils aient des représentants au conseil d’administration. Face à ceux qui ont prôné pendant des années la modération salariale, nous sommes pour la participation à la richesse (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Afin que notre assemblée retrouve la sérénité nécessaire à nos débats, je suspends momentanément la séance.

La séance, suspendue à 15 heures 30, est reprise à 16 heures 10.

rappels au Règlement

M. Jean-Marc Ayrault - Après ce qui s’est passé lors de la séance des questions au Gouvernement, tout le monde comprendra que je tienne à faire un rappel au Règlement au nom de mon groupe !

Le premier secrétaire du parti socialiste, M. François Hollande, était dans son rôle de responsable du principal parti d’opposition lorsqu’il a interpellé le Gouvernement, lui demandant des explications sur un sujet grave. La réponse que lui a donnée le Premier ministre s’est réduite à un propos injurieux, outrageant. Cette attaque odieuse visait la personne de François Hollande, et à travers elle, les députés socialistes, le parti et ses électeurs (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Nous demandons, en vertu du mandat qui nous a été confié par le peuple français, et en raison de la responsabilité que nous confie ce mandat, que le débat soit digne. Le Premier ministre, qui n’a jamais été élu, s’est sans doute laissé entraîner au-delà de sa pensée. Quoi qu’il en soit, Monsieur le Président, nous vous demandons d’intervenir auprès de M. de Villepin afin qu’il présente ses excuses et exprime des regrets lors de la prochaine séance de questions au Gouvernement. Nous souhaitons que le débat continue et que la vie démocratique se poursuive : bien qu’étant leurs adversaires politiques, nous n’attaquons pas personnellement le Premier ministre, les ministres ou les parlementaires de la majorité. Nous les respectons et nous entendons nous aussi être respectés. En respectant ses adversaires, c’est en effet la République que l’on respecte !

Nous attendons qu’un geste soit fait demain. En fonction de la réponse du Premier ministre, nous prendrons nos responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Bernard Accoyer - Le président Ayrault nous a donné sa description des faits qui viennent de se dérouler. Pour ce qui les concerne, les députés UMP sont profondément attristés par cette nouvelle prise d’otage menée par le groupe socialiste (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste).

François Hollande s’est livré à une nouvelle provocation et, une fois de plus, le parti socialiste se concentre uniquement sur la forme (Mêmes mouvements). Dois-je rappeler que vous n’avez jamais apporté de réponses aux problèmes – bien réels – que rencontrent les Français ? (Mêmes mouvements)

M. François Hollande - C’est incroyable !

M. Bernard Accoyer - Dois-je rappeler la méthode de travail du groupe socialiste depuis le début de cette législature ? (Mêmes mouvements) Vous dressez des murs d’amendements, dans une obstruction frontale, et vous multipliez les manœuvres destinées à susciter des manifestations jusque dans la rue !

Plusieurs députés du groupe socialiste – C’est honteux !

M. Bernard Accoyer – Le pli étant pris, le premier secrétaire du parti socialiste continue aujourd’hui sur la lancée (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste). Nous le regrettons profondément, car nous estimons que votre comédie, qui consiste à vous lever pour être vus par les caméras et à créer de toutes pièces un incident, n’est pas digne de nos responsabilités (Mêmes mouvements).

Nous, députés UMP, qui soutenons le Gouvernement, nous sommes au contraire fiers du travail accompli, du bilan qui est le nôtre et de l’action que nous conduisons dans le seul intérêt des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrick Roy – C’est indécent !

M. Charles de Courson – Rappel au Règlement, en application de l’article 58, alinéa 1. Au nom du groupe UDF, je déplore qu’on ait empêché notre orateur de s’exprimer, lui coupant la parole au moment où il allait poser sa question.

Sans prendre parti entre les uns et les autres, réfléchissons à l’image que nous donnons. On a retiré la parole à notre porte-parole sur les questions budgétaires, alors même qu’il n’était pas en mesure de s’exprimer ! Voilà une dérive qui n’est pas conforme à nos traditions républicaines, et que nous regrettons vivement. Que peuvent en penser les Français ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

J’en appelle donc à chacun. Que le Premier ministre respecte la représentation nationale car, si forts que soient nos désaccords, un minimum de respect n’a jamais nui aux relations entre l’opposition et la majorité (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). Mais je ne crois pas non plus que le sentiment de la pression physique que nous avons pu éprouver soit en accord avec notre tradition républicaine (Mêmes mouvements).

M. Alain Bocquet – Le groupe des députés communistes et républicains est en complet désaccord avec le comportement du chef du Gouvernement. Il a tenu des propos inacceptables dans la bouche du Premier ministre de la République française.

Il faut écouter les propos des uns et des autres, ainsi que les critiques, même vives – car c’est le droit de l’opposition de critiquer la politique du Gouvernement. Il faut également répondre sur le fond, ce qu’a pourtant évité le Premier ministre au sujet du groupe EADS.

Il est temps que parte ce Premier ministre, contesté par le peuple de France, mais aussi par bien des membres de cette Assemblée, même si d’aucuns doivent garder leurs pensées dans le secret de leur conscience ! Pour notre République, pour la démocratie, pour le fonctionnement de cette Assemblée et pour le respect mutuel qui doit prévaloir dans notre débat sur l’avenir de la France, il est temps que le Président de la République prenne ses responsabilités. Faute de quoi, il faudra appeler aux urnes les Françaises et les Français, afin qu’ils changent la donne.

M. le Président – Je prends acte de vos rappels au Règlement.

La séance, suspendue à 16 heures 20, est reprise à 16 heures 25. sous la présidence de Mme Mignon.
PRÉSIDENCE de Mme Hélène MIGNON
vice-présidente

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règlement définitif du budget de 2005

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2005.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’Etat Ce débat est un rendez-vous majeur de notre calendrier budgétaire : tirant les conséquences anticipées de l’entrée en vigueur de la LOLF, nous allons pour la première fois examiner les résultats de l’exercice clos avant d’examiner les orientations du prochain budget.

Rendons hommage à la commission des finances, qui a tout fait pour que cette préfiguration soit aussi complète que possible. Nous nous rapprochons ainsi de ce que sera demain la loi de règlement : non seulement l’examen de la situation budgétaire à la fin du dernier exercice, mais aussi l’occasion d’évaluer l’efficacité de la politique budgétaire de la France.

La volonté qui m’anime depuis dix-huit mois est simple : aller aux résultats. Nous avons rempli tous nos engagements : maîtriser la dépense publique sans sacrifier les priorités, réduire le déficit budgétaire tout en ramenant le déficit de l’ensemble des administrations publiques sous le seuil des 3 %, et enfin préparer le passage à la LOLF.

Comme je m’y étais engagé devant vous, les dépenses de l’Etat ont été strictement tenues en 2005. Pour la troisième année consécutive, le plafond de dépenses voté par l’Assemblée est strictement respecté, et pas seulement à l’euro près, car nous avons fait mieux – 21 de millions de moins que prévu ! Une nouvelle fois, nous avons respecté la norme de progression des dépenses de zéro en volume.

C’était indispensable, non seulement pour respecter l’autorisation parlementaire, mais également pour montrer aux Français que, dans un contexte économique un peu moins favorable que prévu, les finances de l’Etat sont bien tenues. Enfin, il fallait démontrer à nos partenaires européens la crédibilité de nos engagements.

Cette maîtrise des dépenses ne doit rien au hasard, car nous la devons à la réserve de précaution que nous avons constituée dès janvier.

Cette réserve, qui est de l’ordre de 7,5 milliards d’euros, nous permet de mettre en œuvre une nouvelle méthode de gestion : nous pouvons tenir la dépense dès le début de l’année, tout en assumant les aléas qui peuvent survenir – réponse aux crises sanitaires, remplacement en urgence d’un canadair… Pour autant, il n’est pas question de compromettre nos objectifs de plus long terme ou de sacrifier nos priorités. En 2005, les investissements ont donc progressé de 7 %. Les priorités – sécurité, justice, éducation, emploi - sont financées. Pour le reste, nous avons tenu nos dépenses, en mettant fin à la mécanique infernale des reports, comme le souhaitait votre commission des finances. Les temps ont changé : de 14 milliards lorsque M. Jospin a quitté les affaires, les reports sont passés à 9,7 milliards début 2005 et à 4,6 milliards début 2006.

De même, nous avons tenu notre engagement de réduire le déficit. Malgré une conjoncture moins bonne que prévu, le déficit s’établit à 43,5 milliards, soit 1,7 milliard de moins que ce qui était inscrit en loi de finances initiale. Alors que les quatre grands pays européens – France, Grande-Bretagne, Allemagne et Italie – avaient un déficit supérieur à 3 % de leur PIB en 2003, seule la France seule la France est revenue en dessous de ce seuil à 2,87 %. Quand on s’engage sur des objectifs et que ceux-ci sont atteints, pourquoi ne pas le dire ?

Je souhaite à cet égard m’arrêter sur les observations qui ont été faites par la Cour des Comptes dans son rapport sur l’exécution 2005. Je regrette que le terme d’insincérité ait été employé.

M. Didier Migaud – C’est pourtant le bon !

M. le Ministre délégué – Si nous avons avec la Cour des comptes des débats récurrents sur les modalités de prise en compte de telle ou telle dépense ou recette, par exemple les versements de la CADES, je ne vois pas ce qui pourrait remettre en cause la validité de nos résultats. Nous avons d’ailleurs longuement répondu, Thierry Breton et moi-même, à la Cour des comptes, qui a conclu que nos comptes étaient réguliers…

M. Charles de Courson - Mais pas sincères !

M. le Ministre délégué - … c’est-à-dire pleinement conformes au droit en vigueur. Ajoutons qu’Eurostat, l'office européen de statistiques, a validé le taux de 2,87 % pour le déficit public (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Augustin Bonrepaux - Avec quels artifices !

M. le Ministre délégué – Voilà une observation qui fera plaisir aux spécialistes d’Eurostat !

Nous nous étions enfin engagés à préparer le passage à la LOLF en modernisant nos outils de gestion. C’est chose faite : la loi organique est entrée en application le 1er janvier 2006, et tous les chantiers sont lancés : introduction d'une démarche de performance, nouvelles modalités de gestion, réforme comptable. La mission a été accomplie grâce au rapprochement opéré depuis un an entre les ministères du budget et de la réforme de l'Etat. J'ai adopté un principe simple : ce n'est pas le budget qui absorbe la réforme de l'État, mais la réforme de l'Etat qui absorbe le budget. On ne saurait se contenter, dans la gestion budgétaire de l’État, d’une approche strictement comptable : c’est la qualité du service public qui prime. Bref, il faut que les Français en aient pour leurs impôts ! C'est aussi pour cela que nous avons lancé des audits de modernisation, qui seront déterminants pour la mise en œuvre du budget 2007.

Le Gouvernement a donc montré qu'il était possible de rompre avec les facilités qui avaient trop souvent cours à la fin des années 90. Nous avons stabilisé les dépenses en volume, renoncé aux reports, et nous affectons les plus-values de recettes à la réduction du déficit. Il faut tout de même rappeler qu’entre 1999 et 2001, les plus-values, qui avaient atteint 7 milliards, n’avaient été affectées que pour moitié à la réduction du déficit. Ce n’était pas responsable.

En 2006, nous passons à la vitesse supérieure. Il faut d’abord réussir la mise en œuvre de la LOLF. Je crois que nous pouvons nous réjouir : une véritable culture du contrôle de gestion est en train de se diffuser dans l’administration.

Un second défi sera de continuer à « tenir » la dépense publique. Pour cela, nous avons modifié la LOLF afin d’inscrire dès le début de l’année les mises en réserve – 0,1% des crédits de rémunération et 5 % des autres crédits.

Troisième défi, sur lequel je suis particulièrement vigilant : gérer de façon responsable les fruits de la croissance. Nous pouvons à ce jour espérer entre un et trois milliards de plus-values de recettes, qui seront intégralement affectées, le cas échéant, au désendettement.

Grâce à ces résultats, nous pourrons présenter un budget 2007 qui marque un véritable tournant. Nous en reparlerons jeudi lors du débat d'orientation.

La feuille de route est claire : si l'on veut assurer le retour à l'équilibre des comptes publics en 2010, il faut diminuer la dépense de l'Etat, tout en respectant une exigence absolue : préserver les dépenses d'investissement et garantir la qualité des services publics. Nous nous sommes appuyés pour cela sur les outils innovants mis en place ces derniers mois : la LOLF, qui répond à une démarche de performance et de responsabilité, le rapprochement du budget et de la réforme de l'État, et les audits de modernisation. D’ici juillet, 100 audits auront été réalisés. Ils couvrent 100 milliards, soit près de la moitié des dépenses de l’État.

Le budget que nous présenterons à l’automne sera donc marqué par une baisse de la dépense publique – inférieure à l’inflation – et par le non-remplacement de 15 000 fonctionnaires partant à la retraite, sans porter atteinte à la qualité du service public. Toutes nos priorités seront financées – sécurité, justice, défense, emploi, éducation, recherche.

Vous l'aurez compris, cette politique nous permet, à la veille d'une échéance électorale majeure, de prendre date avec les Français, mais également avec l'opposition. Il y a deux options : choisir la responsabilité, c'est-à-dire la capacité de financer les priorités politiques sur lesquelles les Français attendent des résultats, tout en maîtrisant la dépense publique et en réduisant le déficit et l'endettement.

M. Jean-Claude Sandrier - C’est vous, naturellement !

M. le Ministre délégué – La seconde possibilité, c’est le choix d’accroître la dépense publique…

M. Jean-Claude Sandrier – Ça, c’est évidemment les autres !

M. le Ministre délégué - … et donc l'impôt la dette, et c’est en effet le programme que vient de présenter le parti socialiste.

M. Didier Migaud – C’est un peu court !

M. Augustin Bonrepaux - Nous parlons de l’année 2005 !

M. le Ministre délégué - Et comme le parti socialiste ne semble pas en mesure de chiffrer son propre programme, je me suis livré moi-même à cet exercice. La mise en œuvre de ce projet se traduirait par une aggravation annuelle des charges publiques de 115 milliards en 2012 (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Voici quelques exemples. Pour le contrat d'entrée dans la vie active en faveur de tous les jeunes – en fait, un RMI jeunes – 15 milliards. Pour l’abrogation de la loi Fillon sur les retraites, 12 milliards (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Pour la renationalisation à 100 % d'EDF, 11 milliards. Pour la mise en place de la « carte vitale professionnelle » 10 milliards. Pour la réactivation des emplois jeunes dans le secteur public, 5 milliards. Pour le bouclier logement, 4 milliards ! Et je pourrais continuer longtemps. Vous avez juste oublié de vous demander qui paierait : je rappelle que ce sont les Français, via l’impôt ou la dette !

Au total, l'application de ce programme se traduirait par une augmentation annuelle des charges publiques de 7 points de PIB. Les dépenses publiques atteindraient alors le record mondial de 61 % du PIB : même Cuba n’a pas osé !

Nous aurons donc un débat de fond dans l’année qui vient, car les Français doivent savoir ce qu’il en est. Cela mérite un débat politique, au sens noble du terme : celui-ci commence par l’adoption d’une loi de règlement qui témoigne d’une gestion exemplaire de l’État (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des financesLa loi de règlement pour 2005 a ceci de particulier quelle est la dernière adoptée selon le dispositif de l’ordonnance de 1959, ainsi que la dernière de cette législature.

M. Didier Migaud - Ouf !

M. le Rapporteur général – Ce texte représente d’abord un passage de témoin de l’ordonnance à la LOLF. Par anticipation, nous avons donc décidé d’examiner de manière plus approfondie trois programmes : l’équipement des forces, la ville et le logement ainsi que l’administration générale et territoriale. Ensuite, il constitue un passage de témoin d’une législature une autre. Les finances publiques étant sur la voie du redressement, il faut transmettre avec force le message de la réduction du déficit et de l’endettement, que les membres de l’opposition ne semblent pas avoir entendu.

M. Ghislain Bray - Ils sont sourds !

M. le Rapporteur général –L’exécution du budget de 2005 est exemplaire…

M. Didier Migaud - Il faut oser !

M. le Rapporteur général – Je vais essayer de le démontrer. Pour la troisième année consécutive, la règle de la stabilité de la dépense de l’État, que cette majorité a été la première à mettre en œuvre, a été observée scrupuleusement en 2005. Nous avons respecté à l’euro près l’enveloppe prévisionnelle pour 2005, laquelle correspondait à celle de 2004 indexée sur l’inflation, soit 288,5 milliards d’euros.

M. Ghislain Bray - Quel changement !

M. le Rapporteur général – Pour atteindre un tel résultat, le Gouvernement a dû faire preuve d’une grande ténacité, particulièrement lors du collectif budgétaire de fin 2005. Alors que le collectif de 2004 s’était révélé douloureux …

M. le Ministre délégué – Eh oui !

M. le Rapporteur général - ...celui de 2005 a permis de supprimer près de 3 milliards d’euros, de telle sorte que nous avons diminué de moitié les reports de crédits sur l’exercice 2006. À l’instar de M. le ministre, je peux donc affirmer que l’exécution du budget de 2006 se déroule dans les meilleures conditions. Par ailleurs, une régulation très vigoureuse a été appliquée, puisque 6 milliards ont été annulés au total.

Côté recettes, l’exécution a été également exemplaire. Les recettes ont été robustes en dépit d’une croissance inférieure aux prévisions. Contrairement à certains membres de l’opposition, je n’ai pas craint que l’on manque d’une dizaine de milliards dans les caisses. En effet, le Gouvernement avait retenu une option prudente, avec une base de 2004 sous-estimée par rapport à l’exécution. Les recettes supplémentaires ont atteint 12 milliards d’euros. J’ajoute, au passage, qu’il faudrait mieux appréhender le phénomène de décrochage de certains impôts par rapport à la croissance pour affiner les prévisions. Par ailleurs, la plus-value de recettes non fiscales de 2,5 milliards a permis de financer l’augmentation équivalente des crédits versés par la France à l’Union européenne.

Pour toutes ces raisons, le déficit, qui représentait 57 milliards en 2003, et 44 en 2004, est revenu à 43,5 milliards en 2005, pour une prévision de 47. Cette diminution, si modeste soit-elle, démontre la rigueur de l’exécution budgétaire, et ces efforts méritent d’être salués. Toutefois, avec un déficit de 43 milliards, la dette progresse encore d’un point de PIB. Autrement dit, nous n’avons pas encore atteint le point de stabilisation. Même si, comme l’a souligné M. le Ministre, la France est le seul pays de l’Union dont le déficit a été inférieur à 3 %, cela n’est pas suffisant. C’est que les critères de Maastricht – 3 % de déficit maximal et un endettement maximal de 60 % du PIB – ont été fixés par rapport à une croissance en valeur de 5 %. Or, on est loin de ce niveau. La commission des finances et le ministère du budget devront conjuguer leurs efforts pour approfondir cette notion de solde de stabilisation.

Autre question d’importance, la répartition de l’effort entre les comptes de l’État, ceux des collectivités locales et ceux de la sécurité sociale. Comme nombre d’intervenants l’ont souligné ce matin à Bercy, les collectivités locales ne sont pas responsables du déficit global, car elles ne peuvent emprunter que pour des dépenses d’investissement, lesquelles s’équilibrent à long terme.

M. Charles de Courson – Vraiment ?

M. le Rapporteur général - En revanche, on observe une évolution de la fiscalité locale. Or, dans nombre de pays, ont été mis en place des systèmes de régulation grâce au dialogue. Nous nous y essayons aujourd’hui dans le cadre de la conférence des finances publiques. En tant que parlementaires, et souvent membres d’exécutifs locaux, nous avons le devoir de réfléchir à de tels systèmes qui ont fait leur preuve en Suède, au Danemark, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et plus récemment au Canada.

M. le Ministre délégué – Tout à fait !

M. le Rapporteur général - Autre point, l’amélioration des comptes sociaux – point d’importance puisqu’ils représentent une fois et demie le budget de l’État –, sujet dont nous rediscuterons à l’occasion du débat d’orientation budgétaire. Elle est remise en cause par la sous-estimation systématique des prestations initiées, quelle que soit la majorité au pouvoir. Ce fut le cas pour la couverture maladie universelle et l’aide médicale d’État, mais aussi pour l’allocation personnalisée d'autonomie.

M. Ghislain Bray - Un véritable désastre !

M. le Rapporteur général – De même, l’actuel déficit de la branche famille s’explique, en partie, par la sous-estimation du coût de la prestation d’accueil du jeune enfant. Dans le cadre de la réforme des retraites, excellente réforme dont cette majorité s’honore, l’ouverture vers les carrières longues génère aussi un déficit supérieur aux prévisions.

Mme la Présidente - Je vous prie de conclure, votre temps de parole étant épuisé.

M. le Rapporteur général – Madame la présidente, j’ai oublié de vous préciser que M. Méhaignerie, n’ayant pas pu être présent, m’a chargé de faire en son nom quelques observations complémentaires.

Bref, il est indispensable de mieux évaluer ces prestations.

Le redressement étant fragile, il ne faut pas relâcher l’effort, et c’est ce qu’illustre la règle des dix milliards d’euros. Je m’explique : une croissance de 2 % en volume génère dix milliards de recettes supplémentaires, lesquelles doivent être partagées entre l’augmentation des dépenses, la baisse des impôts et la réduction du déficit. Les marges de manœuvre sont étroites, comme l’a prouvé l’exécution du budget en 2005. Les recettes supplémentaires, une douzaine de milliards, ont été réparties de la manière suivante : plus de deux milliards pour couvrir l’augmentation du prélèvement européen ; dix milliards pour la baisse des impôts ; et seulement 500 millions pour la réduction du déficit. Nous devons donc être rigoureux dans le partage de la recette. Si l’on avait appliqué cette méthode durant la précédente législature, le déficit aurait été réduit de moitié. La majorité précédente a commis l’erreur funeste de tenir pour durables des recettes liées à une conjoncture extraordinaire qu’elle a aussitôt englouties dans des suppléments de dépenses que nous traînons aujourd’hui comme de véritables boulets – je pense notamment aux 35 heures.

Le rapport de la Cour des comptes, mal utilisé, pourrait conduire à des conclusions brutales et excessives. Le déficit en 2005 n’est pas de 49 milliards, mais bien de 43,5. Nous ferions fausse route en distinguant la sincérité budgétaire et la sincérité comptable, comme certains s’y sont essayés en Commission.

La situation des finances publiques est très difficile et il ne faut pas perdre de vue notre objectif, qui est de les redresser. Par exemple, cela fait dix ans que la recette de la CADES est inscrite au budget de l’État, et personne n’a rien trouvé à y redire lorsque vous étiez aux affaires et nous dans l’opposition ! Vous avez même accéléré les encaissements. Quant au FFIPSA…

M. Charles de Courson - Indéfendable !

M. le Rapporteur général – Monsieur de Courson, vous ne pouvez nier que tout un ensemble de recettes ait été affecté au BAPSA pour essayer de couvrir son déficit, et que le déficit résiduel a été transféré directement dans la dette, en opération de trésorerie. La LOLF permet ce genre de mouvements.

Toutes les contributions au redressement de nos comptes sont les bienvenues, mais pas les arguties comptables qui nous éloignent du sujet.

M. Didier Migaud – Argument pour la majorité, argutie pour l’opposition ! C’est trop facile.

M. le Rapporteur général - Tous les pays qui ont connu les mêmes problèmes que nous ont choisi d’associer étroitement leur Parlement et leur institution de contrôle des comptes. Pour ma part, je ne crois pas que la Cour se situe à égale distance de l’exécutif et du législatif. Je pense que nous devons tirer toutes les conclusions de l’excellent article 58 de la loi organique et que, en tout cas pour les aspects qui ne concernent pas le jugement des comptes, nous devrions placer la Cour des comptes plus clairement dans le champ de la fonction de contrôle et d’évaluation du Parlement. Cela me paraît d’autant plus important que, en retenant l’hypothèse très raisonnable d’une croissance de 2 % par an, et les principes de la stabilisation en valeur de la dépense d’État et de la pause dans la baisse des impôts, nous pourrions annuler notre déficit en l’espace de cinq ans : une législature d’effort et de lucidité pour montrer que nous avons un comportement responsable vis-à-vis de nos enfants et petits-enfants, car c’est à eux qu’il faut penser lorsque nous faisons le choix d’endetter notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

EXCEPTION D’irrecevabilité

Mme la Présidente - J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d’irrecevabilité déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Didier Migaud – Quel contraste saisissant, entre la réalité que vous dépeignez et celle que perçoivent les analystes,. l’opposition et la Cour des comptes ! Un matin de la semaine dernière, la commission a auditionné le premier président de la Cour des comptes, et elle a vu blêmir le rapporteur général au fur et à mesure qu’il développait son réquisitoire sur la dégradation de nos comptes publics. Mais, l’après-midi même, elle entendit la description d’un monde merveilleux, celui de MM. Breton et Copé : pour eux, tout va mieux. Et pourtant…

À ce moment de la législature, nous disposons d’un recul suffisant pour analyser l’action de la majorité. C’est d’ailleurs la dernière occasion qui en sera donnée au Parlement avant les prochaines échéances électorales. Puissent ces élections faire que ce soit aussi le dernier bilan de cette majorité ! Le pays attend des changements.

M. le Rapporteur général – Il a besoin que le redressement se poursuive !

M. Didier Migaud - Vous pouvez gloser, Monsieur le ministre, sur les propositions socialistes : le meilleur juge sera le peuple ! Nous serons prêts pour ce rendez-vous.

M. le Ministre délégué – Il y a du travail !

M. Didier Migaud - Le travail ne nous fait pas peur.

Je m’en tiendrai à l’exécution du budget pour 2005 et aux résultats du Gouvernement en matière économique et sociale, pour ne pas empiéter sur le débat d’orientation budgétaire pour 2007, qui aura lieu dans deux jours. Quant à la LOLF, je me réjouis de son entrée en application, et je salue le travail considérable effectué par nos administrations et par le ministère. Cette loi organique représente un progrès considérable, mais elle n’est qu’un outil au service de la politique, et ne doit pas servir de prétexte ou de bouc émissaire, comme c’est parfois le cas. Beaucoup a déjà été réalisé, certes, mais beaucoup reste à faire, tant au niveau de l’exécutif que du Parlement. Nous pensons qu’il faudrait beaucoup étoffer la discussion de la loi de règlement. Une politique budgétaire s’apprécie en effet à partir de son exécution, non de la loi de finances initiale.

M. le Rapporteur général – Tout à fait !

M. Didier Migaud - Toute la commission des finances partage cet avis et je souhaite que nous soyons beaucoup plus nombreux à l’avenir pour ce débat important.

Alors, et dans la logique d’objectifs et de résultats de la LOLF, qu’en est-il ? Nous ne pouvons que constater que vous avez, malheureusement, échoué sur de nombreux sujets. Depuis que vous gouvernez, le poids de la dette s’est accru de plus de dix points de PIB, les dépenses publiques de 2,3 points et les prélèvements obligatoires d’un point. La France est en situation de déficit excessif, et sa croissance moyenne est très inférieure à notre potentiel. L’exécution 2005 est marquée par le recours à des manœuvres comptables et par l’absence d’amélioration du solde budgétaire : le déficit se chiffre à 43,5 milliards, contre 43,9 en 2004. Il y avait d’ailleurs un côté pathétique à entendre le rapporteur général marteler que la réduction du déficit est absolument prioritaire alors que sur 10 milliards de marges de manœuvre supplémentaires, vous ne lui avez consacré que 500 millions ! Ce qui démontre bien que vos discours sont complètement déphasés.

Ce mauvais résultat, relevé par la Cour des comptes, a été obtenu en dépit de manœuvres budgétaires qu’elle a d’ailleurs jugées bien peu orthodoxes. Le maintien du déficit de l’État à un niveau incompatible avec l’assainissement des finances publiques tient en grande partie au décalage entre recettes et dépenses – et ce point est capital. Ce n’est pas en raison du niveau de nos dépenses publiques, que vous trouvez toujours trop élevé, que la dette augmente : d’autres pays ont un niveau de dépenses très supérieur et affichent des résultats équilibrés. C’est en raison du décalage entre les dépenses et les recettes, sur lesquelles vous avez pesé en baissant massivement les prélèvements sur les plus aisés. Bien qu’elles progressent légèrement, les recettes fiscales sont amputées par des largesses fiscales importantes et par la forte progression de la dépense fiscale : le coût des niches a progressé de plus de 20 % depuis 2001 !

La problématique de la dépense fiscale est essentielle lorsqu’il s’agit de maîtriser les comptes publics, et la décision du Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 2006 lui a donné une nouvelle actualité. Le sujet pèse lourd : plus de 50 milliards, soit trois points de PIB. Sans les dépenses fiscales, le budget de l’État serait équilibré ! Les niches posent en réalité un triple problème. En termes de justice fiscale tout d’abord, il n’est pas acceptable que les contribuables aisés et bien informés puissent réduire, voire annuler, leur contribution en cumulant une multitude de dérogations. En termes de lisibilité ensuite, comme l’écart se creuse entre le taux affiché d’imposition et le taux effectivement supporté par le contribuable et que les critères de compétitivité jouent sur les taux faciaux, la France est injustement pénalisée dans les comparaisons. Enfin, la progression de ces dépenses fiscales est à l’origine de l’explosion de la dette publique : en vingt ans, le coût des quinze plus importantes a doublé ! Comme l’a rappelé la commission Pébereau, que vous ne citez que de façon très sélective, la maîtrise de l’endettement suppose de ne pas baisser le niveau des prélèvements obligatoires et de maîtriser les dépenses fiscales tout autant que les dépenses budgétaires.

Non content de baisser le barème de l’impôt sur le revenu, le Gouvernement a multiplié, depuis 2002, les dérogations fiscales. Si nous voulons assainir les comptes publics, conserver des marges de manœuvre et améliorer le caractère redistributif de notre système, il est indispensable de revisiter l’ensemble des niches fiscales, d’en réduire sensiblement le nombre et surtout d’instaurer un plafonnement global des avantages. Vous avez certes tenté d’instaurer un tel plafonnement, mais de telle façon que le Conseil constitutionnel l’a annulé. En fait, votre disposition n’aurait rien changé car elle était pratiquement sans effet. Mais la censure du Conseil a révélé l’injustice de ce budget qui distribue les largesses aux plus aisés. Bien que le groupe socialiste propose un tel plafonnement depuis trois ans, c’est lui qui a saisi le Conseil constitutionnel, car la mesure avait été complètement détournée de son sens. Votre dispositif n’établissait aucune distinction entre les dérogations, mais se contentait d’instituer un plafond global.

Nos propositions ont été systématiquement rejetées par le Gouvernement, qui reconnaît invariablement qu’il s’agit d’un vrai sujet tout en créant sans cesse de nouvelles niches. Votre plafonnement partiel ne visait pas la justice : il s’agissait seulement de donner le change après l’instauration du bouclier fiscal et une nouvelle diminution de l’impôt sur le revenu. Voilà qui illustre bien vos méthodes, ainsi que celles du Président de la République : on reprend à son compte certaines propositions émanant de l’opposition, en s’assurant que cela se limitera à un effet d’affichage, sans portée réelle. Tel a été aussi le cas avec la prétendue revalorisation de la prime pour l’emploi, qui n’a pas représenté plus de quatre euros par mois pour la plupart des bénéficiaires. Nous verrons ce que vous nous proposerez en 2007…

M. le Ministre délégué – Cela vous plaira.

M. Didier Migaud - Le président de la commission des finances formule chaque année des propositions, mais il finit par capituler en rase campagne. Attendons le débat budgétaire !

De l’aveu même du rapporteur général, le plafonnement proposé en l’espèce n’aurait produit que 25 millions d’euros contre 50 milliards de dépenses fiscales. C’est dire l’incidence de la mesure !

En dépit de la régulation – et bien qu’elles ne comportent plus certaines dépenses transférées aux collectivités, comme celles de RMI qui ont fortement augmenté –, les dépenses budgétaires progressent de plus de 2 % en 2005. Le taux de couverture des dépenses par les recettes, inférieur de trois points à celui de la précédente législature, ne s’améliore que faiblement par rapport à l’année 2004. Depuis le début de la législature, le solde structurel a toujours dépassé 3 % et le solde primaire été négatif, alors qu’il ne l’avait jamais été de 1999 à 2002.

Ces résultats médiocres se retrouvent dans les nouveaux agrégats de la LOLF. Le compte de résultats de l’État se dégrade fortement, avec un déficit de 41 milliards d’euros contre 34,7 milliards en 2004. Cela s’explique par la détérioration du résultat de fonctionnement, déficitaire de 2,7 millions, l’augmentation des dépenses de personnel et surtout la forte progression des remboursements et dégrèvements d’impôts, conséquence de la multiplication des niches fiscales.

Quant au patrimoine financier de l’État, il est tombé de 150 milliards en 2002 à 123 milliards en 2005, en raison de la frénésie de privatisation du Gouvernement. Cet appauvrissement n’a pourtant pas permis de désendetter notre pays, ni de relever le défi du vieillissement de sa population, puisque le Fonds de réserve des retraites n’a pratiquement pas été abondé. Je rappelle que nous avions créé ce Fonds, en 1999, pour faire face aux évolutions démographiques du XXIème siècle, afin de consolider la retraite par répartition. Ses recettes, qui étaient toujours allées croissant depuis sa création, pour s’établir à quelque six milliards d’euros en 2002, n’étaient plus que de deux milliards en 2005. Aucun abondement supplémentaire n’est prévu pour 2006. La Cour des comptes dénonce elle-même l’insuffisante dotation de ce Fonds, dont il est totalement illusoire de penser qu’il pourra être, comme prévu, doté de 150 milliards à l’horizon 2020. Les dirigeants du Fonds se sont d’ailleurs publiquement interrogés sur leurs missions, tandis que les membres de son conseil de surveillance dénonçaient le risque réel de voir le Fonds tomber dans « un état végétatif ».

Les recettes issues des privatisations, qui n’ont donc pas servi à abonder le Fonds de réserve des retraites, n’ont pas non plus été affectées au désendettement puisque la dette publique a encore augmenté de deux points de PIB en 2005. Où sont-elles donc passées ? Tout cela est d’autant plus dommageable que ce Fonds contribue à investir dans les domaines de l’innovation et de l’emploi, porteurs de croissance. Loin de permettre à notre pays de relever le défi du financement des retraites et de la protection sociale, le Gouvernement hypothèque l’avenir.

La Cour des comptes relève également que de nombreuses opérations budgétaires et comptables ont été opérées en contradiction avec la LOLF et en violation du principe de sincérité budgétaire.

On peut distinguer quatre types de manœuvres. Tout d’abord, la forte progression du volume des opérations enregistrées durant la période complémentaire –14 milliards en 2005 contre 11,3 en 2003 – traduit une intense activité avant la clôture des comptes. Selon le rapporteur général lui-même, « il faut remonter à 1999 pour retrouver une masse supérieure ». Comme depuis le début de la législature, le solde des opérations de la période complémentaire a contribué à améliorer le solde budgétaire, pour un montant, jamais atteint jusqu’à présent, de 5,4 milliards d’euros. Voilà comment on a amélioré optiquement le solde budgétaire! J'en veux pour preuve la progression de 24 % des recettes encaissées par le biais de règlements réciproques.

Ensuite, le recours massif aux recettes exceptionnelles. Chacun songe bien sûr aux 7,7 milliards d’euros – soit 0,5 point de PIB- de la soulte d'EDF, qui permet seule au Gouvernement d'afficher un déficit public d’environ 3 %. Mais de nombreuses autres recettes exceptionnelles ont été mobilisées. Les recettes non fiscales ont ainsi augmenté de 8 % en 2005 pour atteindre, avec 38,5 milliards, leur niveau le plus élevé de la législature.

Ensuite, des jeux d'écritures comptables ont également amélioré de façon optique le solde budgétaire. Je pense à l'imputation budgétaire d'un remboursement de la CADES jamais décaissé pour trois milliards d’euros, à la reprise d'une dette de 2,5 milliards du FFIPSA non comptabilisée, à la non-inscription dans le budget 2005 de 1,348 milliard de dettes de l'Etat aux organismes sociaux, à un « aller-retour comptable » de 4,2 milliards pour l'avance versée à l'ACOFA, enfin à des prélèvements de trésorerie non prévus dans la loi de finances rectificative pour 2005. Au total, le solde budgétaire pour 2005 se trouve ainsi amélioré de onze milliards et le déficit budgétaire minoré d'un quart ! Certes, ces opérations sont neutres sur le solde public, mais elles altèrent très fortement la régularité et la sincérité du budget de l'État.

Enfin, la régulation budgétaire systématique a continué de produire ses effets négatifs et récessifs. En 2005, les annulations de crédits ont atteint 4,23 milliards, contre 3,8 milliards en 2003. La Cour a relevé « des atteintes nombreuses et répétées au principe de sincérité, manifestement délibérées». En annulant des crédits qui n'étaient pas devenus sans objet et en ouvrant des crédits pour combler des dotations initiales délibérément sous-estimées, le Gouvernement a effectivement pris beaucoup de liberté avec la LOLF. Ces observations, d'une très grande sévérité, confirment les critiques que nous formulons depuis 2003. Ces pratiques posent un problème sur le plan juridique, et le Premier Président de la Cour relève, par un bel euphémisme « des incertitudes sur certaines règles » et des « anomalies ». Mais surtout elles nuisent à la cohésion sociale et à l’efficacité économique, en remettant en cause des politiques publiques pourtant essentielles au pacte républicain.

La Cour souligne que la régulation budgétaire provoque des réductions de programme ou des retards dans leur mise en œuvre, ainsi que des dysfonctionnements, et conduit souvent à une augmentation des pénalités pour impayés ou retards de paiement. Dans le cas du budget de la ville et de la rénovation urbaine, les annulations ont porté sur 20 % des crédits initiaux et les crédits ouverts ont régulièrement diminué depuis 2002, la baisse cumulée représentant 26 % par rapport à 2001, alors que les crédits votés sont en hausse. Et l’on s’étonne après cela des révoltes dans les banlieues ! La Cour observe enfin que l'Etat ne pourra pas respecter les engagements qu’il a pris dans le cadre des contrats de plan Etat-régions.

M. Augustin Bonrepaux - Eh oui !

M. Didier Migaud - A ce stade, on est impressionné par le talent et la créativité du Gouvernement qui, en 2005, plus encore que durant les années précédentes, a utilisé toute la panoplie du parfait comptable certes astucieux, mais bien peu rigoureux.

Aucune des affirmations péremptoires du Gouvernement, scandées mécaniquement comme pour mieux hypnotiser les contradicteurs, ne résiste à la réalité des chiffres. Pas même ce qui constitue l'alpha et l'oméga de votre pensée en matière de politique budgétaire, à savoir la progression zéro des dépenses en volume, appelée bientôt à se transformer en progression zéro en valeur. Les changements de périmètres, les débudgétisations, les transformations de dépenses budgétaires en dépenses fiscales non maîtrisées peuvent abuser le temps d'un discours ou de quelques diaporamas, mais ils ne résistent pas à l'analyse approfondie.

La Cour des Comptes le dit elle-même : « La règle du zéro volume n'a pas été respectée en 2005 ». Reconnaissez, Monsieur le ministre, qu’on est loin de « l’euro près ».

M. le Ministre délégué – Vous êtes jaloux !

M. Didier Migaud – Le rapporteur général lui-même ne parvient pas à démontrer que la dépense n'aurait pas progressé plus que l'inflation, puisqu'il arrive, selon les règles de comptabilisation de la commission des finances et conformément à la charte de débudgétisation, à une hausse de 2 %, soit beaucoup plus que l'ambition affichée. La Cour des comptes, plus sévère encore sur les débudgétisations, estime que la dépense budgétaire a progressé en valeur de 2,3 % et non de 2 %, soit 0,5 point de plus que l'objectif « zéro volume ».

A ce propos, le rapporteur général invoque souvent la diminution des crédits reportés. Ceux-ci ont effectivement été ramenés de 14,1 milliards en 2001 à moins de cinq milliards en 2005, comme la LOLF y oblige. Mais si ces crédits ont été reportés, c’est simplement qu’ils n’ont pas été dépensés. Bien sûr les reports altéraient la lisibilité des comptes. C’est pourquoi nous avons souhaité que la loi organique limite cette pratique de façon drastique. En réalité, la dépense publique progresse en moyenne de 4,48 % par an depuis 2002, soit trois fois plus que le PIB. Cela conduit la Cour des comptes à parler d’inadéquation persistante des hypothèses de croissance, de dépassement des objectifs de dépense, d’un retour à l’équilibre toujours différé et d’une dynamisme de dégradation des finances publiques. Tout cela, ce n’est pas l’opposition qui le dit, c’est la Cour des comptes, en toute indépendance, avec une liberté de ton qui vous gène. C’est ainsi que son premier président dit qu’en 2005, les dépenses ont progressé plus vite qu’en 2004 et plus vite que le PIB, que la situation de la France s’aggrave alors que celle de ses voisins et la moyenne de l’OCDE s’améliorent, le problème venant surtout « d’une absence de maîtrise des dépenses ».

Le Gouvernement fait donc preuve de constance dans l’erreur. Il se retranche derrière la validation de la loi de finances pour 2005 par le Conseil constitutionnel. Mais celui-ci n’est saisi que de la loi de Finances initiale et n’a vérifié que la sincérité des prévisions. Or, ce principe de sincérité s’applique aux lois de règlement de façon plus stricte puisque dans ce cas, le Conseil doit vérifier la sincérité des comptes a posteriori. Ne pas dépasser le déficit prévu à l’article d’équilibre n’est pas, en soi, la preuve de la sincérité budgétaire. En fait, alors que les hypothèses de croissance étaient surévaluées de 80 %, le Conseil constitutionnel pourrait se demander si les multiples opérations comptables relevées par la Cour des comptes n’avaient pas pour objet de masquer la réalité budgétaire et d’altérer la sincérité de l’exécution du budget pour 2005. Le premier président de la Cour des comptes a distingué sincérité et régularité. L’un devrait pourtant entraîner l’autre. La sincérité est un principe dégagé par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, et auquel la loi organique a voulu donner force contraignante. Ce principe implique l’absence d’intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre en loi de finances initiale. Mais pour les lois de règlement, il est plus rigoureux puisqu’il impose l’exactitude des comptes. Et si certaines écritures de 2005 sont régulières au sens où elles respectent les décrets qui les prévoient, le premier président de la Cour des comptes fait observer que ces décrets, antérieurs à la loi organique, sont en contradiction avec le principe de sincérité, d’où ce qu’il appelle « des incertitudes » qui, en vertu de la hiérarchie des normes, ne sauraient être levées qu’au détriment des décrets. Le Gouvernement aurait dû les modifier, pour respecter le principe de sincérité ; il les a appliqués sans état d’âme.

Le Gouvernement s’abrite aussi derrière la validation par Eurostat des données qu’il lui a fournies. Mais cet organisme n’est compétent que pour constater la réalité du déficit public au sens de Maastricht, pas le détail des écritures qui ont permis d’y parvenir. Or, selon une note confidentielle de la Commission européenne, recettes exceptionnelles et retraitements statistiques participent pour 0,8 point de PIB au résultat affiché en 2005 pour le déficit. Sans cela, le solde serait négatif de 3,7 points de PIB.

La Cour des comptes a comparé les déficits hors recettes exceptionnelles. Le rapporteur général a voulu nous faire la leçon en prétendant que, sous le gouvernement précédent, nous avions utilisé les recettes exceptionnelles dues à une croissance très forte.

M. le Rapporteur général – Vous les avez gaspillées.

M. Didier Migaud – Mais que faites-vous aujourd’hui ? D’abord, il est regrettable que vous ne sachiez pas soutenir la croissance. Quant aux recettes exceptionnelles, elles permettent de réduire artificiellement le déficit d’une année. Mais pour l’année suivante, le problème de fond n’est pas réglé. L’écart de déficit entre la France et la zone euro a atteint 0,8 point de PIB en 2005.

Prétendant libérer les énergies, la majorité UMP a plongé la France dans l’atonie. Or, la croissance mondiale cumulée a été de 14,5 % entre 2002 et 2005, soit plus que les 12,5 % constatés entre 1998 et 2001, contrairement à ce que vous dites pour disqualifier nos bons résultats sous la législature précédente. Non seulement vous n’avez pas su faire profiter la France de la croissance mondiale, mais la très faible progression du pouvoir d’achat n’a permis qu’une croissance moyenne de 1,4 %. Écoutons le rapporteur : en 2005, notre taux de 1,2 % a été inférieur à la moyenne de la zone euro, et pour la quatrième année consécutive à la moyenne de l’OCDE. Telles sont les observations du rapporteur général et du premier président de la Cour des comptes…

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Tenez-en compte dans votre projet !

M. Yves Censi - Ce n’est pas un projet, c’est un rêve !

M. Didier Migaud - Il est difficile de tirer un bilan plus noir. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) De ce fait, tous les indicateurs économiques et sociaux sont en recul par rapport à leur niveau d’il y a quatre ans.

Le chômage est supérieur à ce qu’il était en juin 2002, alors qu’il avait baissé de près de 30 % entre 1997 et 2001. La baisse récente s’explique par le traitement « statistique » et la démographie, ainsi que par la réactivation laborieuse des contrats aidés brutalement supprimés en 2002. L’emploi salarié ne progresse que de 0,1 % au premier trimestre 2006 alors que le secteur industriel a perdu 22 000 emplois, et l‘automobile 8 400 sur un an, en raison des délocalisations auxquelles vous n’opposez que des discours. Pour le chômage, le bilan de l’UMP, c’est une législature perdue (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Précarité et pauvreté augmentent. Le nombre de Rmistes a progressé de 8,4 % en 2004, de 4,2 % en 2005 – ces dépenses étant désormais à la charge des départements. La légère inflexion récente n’existe qu’après correction des variations saisonnières. Reste qu’il y a 1 276 000 allocataires du RMI en mars 2006, soit 20 % de plus que fin 2002, 10 000 de plus qu’en décembre 2005.

Le pouvoir d’achat, en hausse de plus de 3,4% sous la législature précédente, ne progresse que lentement – de 1,1 % jusqu’en 2005. Cette année-là, votre politique fiscale, qui ne favorise que les plus aisés, l’a du reste amputé de 1 % selon l’INSEE !

Enfin, le déficit du commerce extérieur a triplé entre 2004 et 2005, amputant le PIB de 0,4 % au dernier trimestre 2005, et d’un point sur l’année. Et ce n’est pas l’appréciation de l’euro par rapport au dollar, trop forte certes, qui l’explique : la balance commerciale de l’Allemagne s’améliore.

Pour se justifier, le gouvernement prétend que les réformes de la retraite et de l’assurance maladie permettront de restaurer l’équilibre des comptes. C’est un peu la parabole du fou qui se tape la tête à l’aide d’un marteau et se trouve soulagé quand cela s’arrête !

Il me faut faire litière de ces prétentions affichées par le Gouvernement, sans lui contester le caractère douloureux – et même injuste – de ses réformes. La première justification qu’il apporte est leur contribution à l’amélioration des comptes sociaux. Sur la période 2003-2006, le déficit cumulé du budget général de la sécurité sociale atteint 44 milliards et toutes les branches sont déficitaires : la CNAV enregistre en 2005, et pour la première fois depuis 1998, un déficit à hauteur de 1,9 milliard, tandis que le fonds de solidarité vieillesse connaît une nouvelle dégradation de sa situation financière. Malgré les réductions de remboursements et les augmentations de prélèvements sociaux – CSG, CRDS, droits tabac, contribution additionnelle à la C3S – le solde ne s’améliore qu’en raison du versement de la soulte EDF (Des députés sur les bancs de l’UMP protestent contre la durée de l’intervention de M. Migaud).

Je comprends que vous souhaitiez abréger votre supplice, mais je n’ai pas dépassé mon temps de parole, pas plus que j’en ai protesté lorsque M. le rapporteur général a doublé le sien.

M. le Rapporteur général – Vous disposez de 45 minutes, et je n’en avais que 10.

M. Didier Migaud - Il est normal que l’opposition puisse s’exprimer. D’ailleurs, vous devriez décompter de mon temps de parole les nombreuses citations que je fais de votre rapport, Monsieur Carrez !

Au regard de ses objectifs et des résultats qu’il a obtenus, le Gouvernement peut-il obtenir du Parlement qu’il vote cette loi de règlement pour 2005 ? La réponse devrait être négative. La forte dégradation des finances publiques, l’atonie de la croissance, la détérioration de l’ensemble des indicateurs économiques et sociaux depuis quatre ans…

M. Yves Censi - C’est faux !

M. Didier Migaud – Pourriez-vous citer un seul indicateur qui soit meilleur qu’en juin 2002 ?

M. Jean-Pierre Gorges - Le chômage !

M. Yves Censi - La création d’entreprises !

M. Didier Migaud - Non, et je prends la presse et l’opinion publique à témoin, vous ne trouverez pas la moindre amélioration !

Ces résultats appellent une sanction du Parlement. Celle des Français interviendra l’an prochain. D’ici là, nous saisirons le Conseil constitutionnel sur la question de la sincérité budgétaire car nous pensons que certaines pratiques doivent être sanctionnées. Le groupe socialiste votera contre ce projet de loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre – Je n’aurai pas besoin de 45 minutes pour répondre, car je ne suis pas le porte-parole de la Cour des comptes et je profèrerai moins d’horreurs. Je serai bref et néanmoins très convaincant, j’en suis persuadé.

Monsieur Migaud, je regrette que vous ne puissiez vous empêcher de faire de la politique à l’ancienne. Comme vous siégez dans l’opposition, il vous faut toujours considérer que ce que nous faisons est nul.

M. Didier Migaud - Mauvais pour la France !

M. le Ministre – Je m’attendais tout de même à deux messages positifs. Puisque vous avez lu à fond le rapport de la Cour des comptes, vous auriez pu citer la phrase qui dit que les comptes présentés sont réguliers, c’est-à-dire conformes au droit.

M. Didier Migaud - Je l’ai dit !

M. le Ministre délégué - Tellement mal, ou si discrètement, que cela n’est pas parvenu à mes oreilles. J’aurais aussi aimé vous entendre dire que la France est le seul des quatre grands pays européens dont le déficit se situe sous la barre des 3 % du PIB, ce qui signifie un formidable travail de maîtrise de la dépense publique (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) ! Cessez de dire que c’est artificiel, au seul motif qu’il s’agit d’une bonne nouvelle pour la France. Du reste, ces résultats ont été validés par Eurostat !

Par ailleurs, votre numéro sur les niches fiscales est un gag ! Je vous rappelle que nous avons présenté ici un dispositif de plafonnement et que vous avez saisi le Conseil constitutionnel, de sorte que cette mesure de justice sociale a été, par votre faute, annulée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Didier Migaud - Elle ne correspondait à rien ! Faut-il rappeler ce que M. Méhaignerie disait à ce sujet ?

M. le Ministre délégué - Vous êtes déjà le porte-parole de la Cour des comptes, si vous devenez celui de M. Méhaignerie, vous y perdrez votre identité !

Enfin, votre numéro sur la réforme des retraites est proprement choquant ! La gauche avait repoussé systématiquement les échéances, évitant de prendre la moindre décision. Alors que nous avons mené courageusement cette réforme, voilà que vous annoncez dans le programme du Parti socialiste que vous allez l’abroger. C’est irresponsable !

Nous terminons l’année 2005 avec un déficit budgétaire en baisse, inférieur à 3 % du PIB. La copie que nous présentons est exemplaire dans une période de faible croissance économique et dans un contexte européen moins positif. C’est pourquoi il y a tout lieu de refuser cette motion (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Je n’ai pas l’habitude de tresser systématiquement des couronnes au Gouvernement, mais j’ai été surpris du manque d’humilité de vos propos, Monsieur Migaud. S’il existe encore des insuffisances, cette première étape est une réussite au regard des efforts du Gouvernement pour maîtriser la dépense publique. Et dans un pays drogué à la dépense publique, ces efforts ne reçoivent pas grand soutien de l’opposition.

M. Lang parle depuis des mois de la casse sociale : or, la France a augmenté ses dépenses sociales de 24 % ces dix dernières années, tandis que la moyenne européenne est inférieure à 19 % !

M. Jean-Pierre Gorges - C’est une catastrophe ! C’est de l’assistanat !

M. le Président de la commission – Vous faites de la croissance comparée votre refrain favori : reconnaissez que lorsque vous étiez au pouvoir, l’Europe avait une croissance supérieure à celle que nous avons connue depuis lors !

M. Didier Migaud - Pas du tout !

M. le Président de la commission – Les emplois publics que vous avez créés, les 35 heures que vous avez instituées, nous avons dû subir ensuite leur coût très élevé !

M. Céleste Lett - Nous payons leur dette !

M. le Président de la commission – Après avoir lu le projet socialiste, je vous entends donner une leçon sur la maîtrise des dépenses publiques : commencez par vous mettre d’accord, et soyez plus modestes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre délégué - Vous indiquez dans le programme du parti socialiste que vous abrogerez la loi sur les retraites. Or je viens d’apprendre que le gouvernement libéral conservateur danois avait décidé de porter l’âge de la retraite à 67 ans, avec le soutien du parti socialiste danois. Je vous livre cette information à méditer.

M. Jean-Claude Sandrier - Monsieur le ministre, j’en suis désolé, mais je me saisis également du rapport de la Cour des comptes.

M. le Ministre – Pas besoin de vous fatiguer…

M. Jean-Claude Sandrier - Je n’utiliserai qu’un seul argument, pris sur votre terrain, celui du déficit budgétaire. La Cour des comptes précise, pages 20 et 21, que « c’est le déficit le plus élevé en volume et en pourcentage des dépenses de l’ensemble des administrations publiques ». S’agissant du déficit primaire, il est dit que « le solde reste négatif ; il ne continue de se réduire légèrement en 2005 que grâce à la modification du calendrier de perception de l’impôt sur les sociétés ». Il ne s’améliore donc que grâce à un subterfuge de dernière minute, que nous n’avons même pas pu examiner lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2006.

Ce que vous voulez cacher, c’est que le déficit et la hausse de la dette sont dus à vos choix politiques. Comme l’a rappelé la Cour des comptes, il faut incriminer la baisse des recettes, notamment les impôts frappant les catégories les plus favorisées, ainsi que la réduction des cotisations sociales et le fléchissement des investissements qui affaiblissent la croissance.

Quant aux 35 heures, que vous nous servez à toutes les sauces…

M. le Président de la commission – Oui, car elles coûtent cher !

M. Jean-Claude Sandrier - … les heures travaillées en France ont baissé de 0,1% par an en moyenne de 1993 à 1997, pour augmenter de 0,5 % de 1997 à 2002, avant de baisser de 0,25 % depuis 2002. Comment peut-on donc prétendre que les 35 heures mettent les finances de l’Etat en difficulté ? Tous les chefs d’entreprise reconnaissent au contraire qu’elles se sont accompagnées d’un accroissement de la productivité du travail.

Expliquez nous également pourquoi le CAC 40 a battu des records en 2003 et 2004, avec un record absolu en 2005 ? Et comment MM. Messier, Zacharias et Forgeard ont-ils pu engranger de tels gains ? Visiblement, les 35 heures ne gênent pas tout le monde !

Comment pouvez-vous demander aux caissières des supermarchés d’accepter la réduction du pouvoir d’achat et des services publics, au prétexte que le budget de l’Etat serait en péril, lorsque s’étale insolemment une richesse qui ne sent pas toujours l’honnêteté ?

M. Augustin Bonrepaux - Je suis surpris, Monsieur le ministre, que vous méconnaissiez à ce point la réalité, pourtant décrite par la Cour des comptes – Didier Migaud n’a fait que puiser dans son rapport et dans celui du rapporteur général !

Comparons donc ! La dette représentait 58 % du PIB il y a quatre ans, contre 66,6% aujourd’hui. Et alors que le déficit tournait autour de 2 %, il atteint désormais 3,5 %, une fois pris en compte vos artifices, comme la soulte d’EDF. Voilà la réalité !

Qu’y a-t-il donc de mieux depuis quatre ans ? La Sécurité sociale ? Hier en excédent, elle est aujourd’hui en déficit durable dans toutes ses branches. Les prélèvements obligatoires ? Vous êtes les champions de la baisse des impôts, et il est vrai que vous les avez baissés, mais seulement pour les classes les plus aisées. Au total, les prélèvements ont augmenté !

Le pouvoir d’achat ? On est loin de la hausse de 3,2% en moyenne sous le Gouvernement précédent. Le chômage ? Vous le réduisez par des régulations statistiques, car il n’y pas eu de véritables créations d’emplois, même publics, alors que de nombreux privés étaient créés sous la législature précédente !

Quant au RMI, il explose, malgré les contrats d’avenir que vous demandez aux collectivités locales de signer afin de mieux faire disparaître des statistiques les RMIstes que les collectivités locales continuent pourtant à payer.

Faites-vous mieux que nous en matière de pauvreté et de surendettement ? Comment ne pas se rendre compte que ces phénomènes s’aggravent dans notre pays ? Enfin, les services publics se portent-ils mieux ? Avec vous, l’Etat n’aurait plus de moyens de les faire fonctionner, et encore moins d’y investir !

Dans quel domaine avez-vous donc fait mieux que nous ? Cette dégradation de la situation justifie parfaitement le vote de la motion défendue par Didier Migaud.

L’exception d’irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

Question préalable

Mme la Présidente - J’ai reçu de M. Bocquet et des membres du groupe des députés communistes et républicains une question préalable, déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Jean-Claude Sandrier – La question préalable est une procédure par laquelle une assemblée décide qu’il n’y a pas lieu d’engager la discussion sur un texte pour un motif d’opposition qui rend inutile toute délibération au fond.

C’est bien dans cet esprit que je me place : ce projet de règlement définitif du budget 2005 soulève certes bien des questions concernant vos orientations, mais le moins étonnant n’est pas votre oubli des verdicts successifs du suffrage universel depuis trois ans et des avertissements de la Cour des comptes. A quoi serviraient donc nos débats ?

La majorité ne manquera pas de saluer les prétendues vertus de sa politique, nous assénant son unique slogan : tenir la dépense. Or, non seulement les faits contredisent une telle prétention, mais encore cet objectif condamne notre pays à l’aggravation des inégalités et à l’explosion sociale. Enfin, votre politique de cadeaux aux riches et d’austérité pour la dépense utile porte en elle les ferments d’une croissance molle, qui fait gonfler les profits aux dépens de la majorité de nos concitoyens.

Vous avez les yeux tellement rivés sur une calculette que votre défaut de vision vous conduit à oublier que les finances publiques ne sont pas un exercice purement comptable mais un instrument politique.

Ce budget 2005, qui est celui du président de l’UMP, Nicolas Sarkozy, donne un bel avant-goût des lendemains économiques et sociaux que préparerait son élection ! Davantage d’inégalités, davantage de précarité et moins de service public ! C’est le règne du chacun pour soi et du sacrifice des valeurs de la République sur l’autel de la rentabilité financière à court terme, au profit de quelques privilégiés.

En effet, ce « budget Sarkozy » est un échec complet au regard des objectifs qu’il s’était lui-même fixés : faiblesse de la croissance, augmentation du chômage et de la précarité, accroissement de la dette - plus 6,7% ! Comment osez-vous pleurer sur la dette, alors que vous ne cessez de l’accroître depuis quatre ans ?

Votre budget est donc un quasi-fiasco, que vous tentez de camoufler derrière le paravent de la « dépense tenue », qui a coûté si cher à la France ! Depuis quatre ans, le déficit n’a pas diminué, puisqu’il s’élève à 43,5 milliards, soit un montant supérieur à celui enregistré de 1997 à 2001.

Désastreuse sur le plan économique, votre politique d’austérité ne parvient même pas à satisfaire vos objectifs prioritaires. Avouez qu’il n’y a pas lieu de pavoiser ! Vous vous acharnez à réduire les marges de manœuvre de l’Etat, sans pour autant assainir les finances de l’Etat, si bien que vous perdez sur tous les tableaux !

Que nous indique en effet la Cour des comptes ? Vos cadeaux aux plus riches constituent « un élément majeur de l’évolution des finances publiques », c’est-à-dire que c’est votre politique qui est responsable de la dette, et non le nombre des fonctionnaires ! N’oublions pas non plus les exonérations de charges sociales, qui privent l’Etat de ressources sans créer la moindre richesse : depuis vingt ans, ce choix idéologique est demeuré sans effet sur l’emploi et la création de richesses.

Sans doute plus encline que nous à l’euphémisme, la Cour des comptes souligne dans son rapport « l’effet incertain sur l’emploi » de ces baisses, tandis que devant la commission des finances, le Premier président de la Cour s’en est pris à nouveau à la baisse des cotisations, « censée créer des emplois » - on ne saurait être plus clair.

En effet, une politique fondée exclusivement sur l’offre ne peut qu’être privée de tout autre résultat que l’accroissement des profits des actionnaires. En réduisant les missions de l’Etat, vous ne créez pas de richesses, pas plus qu’en accordant des cadeaux fiscaux aux plus aisés.

Qui peut ignorer que les entreprises ont utilisé la baisse de l’impôt sur les sociétés et celle des cotisations sociales pour accroître leurs marges et se développer à l’étranger, preuve supplémentaire que dans une économie dite ouverte, une politique de l’offre ne peut contrebalancer les avantages compétitifs des pays à bas salaires et qu’elle ne suffit pas à stimuler l’investissement.

A vouloir accroître les bénéfices de l’oligarchie financière en réduisant les recettes prélevées sur les plus favorisés, vous conduisez également le pays à une impasse.

Vous avez souvent exprimé le souhait de simplifier l’impôt, mais jamais celui de le rendre plus juste. La réforme de la fiscalité dérogatoire aurait pourtant dû primer sur celle de l’impôt sur le revenu. L’existence de niches fiscales a un coût démesuré, puisque le manque à gagner s’élève à 50 milliards d’euros selon la Cour des comptes. Si certaines de ces niches ont un caractère social, comme les mesures prenant en compte les frais liés à la dépendance ou les frais de scolarité, d’autres ont été instituées à des fins moins avouables. S’agissant des 100 mesures en faveur de la création et de la transmission d’entreprise, le manque à gagner est aujourd’hui de 2,5 milliards. Le Conseil des impôts a beau observer que l’efficacité de ces dispositifs est sujette à caution, rien n’est fait pour envisager leur refonte.

Les effets de la financiarisation de l’économie trouvent leur traduction fiscale dans les enjeux de la fiscalité de l’épargne. En 2001, le Conseil des impôts notait ainsi que sur les 111,5 milliards de revenus de capitaux mobiliers, seuls 14,4 étaient imposés au titre de l’impôt sur le revenu et 13,3 milliards étaient soumis au prélèvement libératoire. Comment ne pas voir là une question décisive en termes de rendement budgétaire et une source d’injustice fiscale ? La même question se pose sur l’assiette de l’ISF.

Pourtant, rien n’est fait, alors que vous prétendez vouloir réduire le déficit. Vous avez même défiscalisé encore davantage les revenus des placements mobiliers et immobiliers.

Même constat s’agissant de l’impôt sur le revenu : tout à votre foi libérale, qui fait de la TVA, impôt injuste par excellence, le prélèvement de droit commun – 48 % de nos recettes fiscales –, vous vous êtes livrés à une attaque en règle contre les quelques vertus redistributives de l'impôt sur le revenu. Le bilan des baisses du barème intervenues ces dernières années - sans parler de celles décidées dans le dernier projet de loi de finances, qui ne prendront effet que l’an prochain - est éloquent : la baisse de 5 % de 2002 à profité pour 69 % aux 10% de foyers les plus riches ; celle de 2004, pour 45 % aux 2 % de foyers les plus riches. Voilà donc ce que Nicolas Sarkozy appelle la « droite décomplexée » ! Votre politique aggrave les inégalités, puisque vous persistez à penser que les riches sont créateurs de richesses quand ils engrangent des fortunes par l'exploitation «décomplexée» – elle aussi – de ceux qui n'ont d'autre ressource que le fruit de leur travail.

Le capital est en train d'asphyxier le travail, et vous continuez à favoriser les prédateurs. Patrick Artus vous avertit pourtant dans son livre Le capitalisme est en train de s'autodétruire : « La chasse au rendement du capital investi va-t-elle aveugler encore longtemps les grandes firmes et les grands investisseurs, au point de leur faire perdre de vue leur principale mission, imaginer des axes et des projets de développement pour créer des richesses et de l'emploi ?» En laissant faire, voire en entretenant cette dérive, vous portez la responsabilité d'un système qui engendre inégalités, égoïsmes, frustrations et finalement violences.

Pour satisfaire aux exigences de profit, vous ne voulez pas toucher aux recettes, préférant comprimer les dépenses. Mais pour quels résultats ? C’est la question que se posent nos concitoyens, qui voient leur situation s’aggraver.

La croissance en 2005 –1,4% – est la conséquence de vos choix. La situation de l'industrie est restée difficile, avec une croissance des activités manufacturières inférieure à 1%. Si les entreprises du CAC 40 se portent bien, les PME trinquent : le ralentissement économique et la flambée des prix du pétrole ont abouti à une augmentation de 3% des défaillances d'entreprises. L’industrie a perdu 100 000 emplois en un an. La construction et le tertiaire, plus favorisés, ont permis de dégager un solde positif de 62 000 emplois, alors que le Gouvernement annonçait 200 000 chômeurs de moins sur un an.

Les chiffres du chômage ne correspondent d’ailleurs pas à la réalité : combien de personnes ont-elles été radiées des ASSEDIC sans retrouver un emploi ? Les emplois précaires explosent : en 2005, les contrats d'une durée inférieure à six mois ont représenté 52 % des offres d'emploi. Enfin, la hausse des contrats aidés, dont vous ne vouliez plus, explique une embellie statistique qui ne trompe personne, sans parler des premiers effets du papy booM. Les 97 000 emplois créés dans les services à la personne chers à M. Borloo entrent pour la plupart dans cette catégorie des emplois précaires, de même que les contrats « nouvelles embauches ». Quelle propagande aurons-nous entendue sur le nombre d'engagements signés ! En réalité, la montagne a accouché d'une souris. Une étude des services de l'Etat montre que, pour l'essentiel, ces emplois auraient été créés, et qu'ils sont fragiles.

Une baisse artificielle du chômage, un emploi marchand qui stagne et une précarité en augmentation, avec la multiplication des travailleurs pauvres : voilà ce que les Français retiendront de votre gestion. Comment ne pas parler d'échec et d’injustice, à moins qu'il ne s'agisse, sous couvert de simplifier l'impôt, de masquer la réalité des injustices fiscales ? Vous êtes passé maître en la matière, au point d’encourir les reproches de vos collègues de l'UDF que vous avez en représailles, par l'intermédiaire du président du CSA, condamnée à apparaître comme un parti d'opposition.

J'en viens à la question de la dette publique. Depuis la publication du rapport Pébereau le 14 décembre, que n'a-t-on entendu ! La charge de la dette serait le deuxième poste de dépense de l'Etat et absorberait la presque totalité des recettes de l'impôt sur le revenu ; la France vivrait à crédit depuis trente ans ; chaque nouveau-né hériterait d'une dette de l'ordre de 17 500 euros… Outre que vous avez contribué à l'accroître, cette présentation catastrophiste a le mérite de servir les intérêts des partisans de l'austérité à géométrie variable et de vous autoriser à demander aux Français de se serrer la ceinture, tout en continuant d'épargner vos amis les plus chers - de M. Zacharias à la dernière victime du mauvais tour joué par le hasard, en passant par l'augmentation de plus de 30 % des profits du CAC 40 en 2005…

Parce que la dette publique est une question importante, nous devons nous interdire les discours simplistes. La majorité, qui fait volontiers référence au « bon père de famille», se borne à expliquer qu'on ne peut dépenser plus qu'on ne gagne, ce qui est absurde s’agissant de l’État, qui dispose de la faculté de fixer ses propres recettes et dont les dépenses créent des richesses.

Mais le plus mensonger dans ce discours, c'est que l'on omet sciemment d'expliquer que l'accroissement de la dette n’est pas lié au solde primaire, c’est-à-dire à la différence entre le montant des recettes et celui des dépenses - hors intérêts. Le solde primaire n'a jamais conduit, en France, à un déficit supérieur à 1,5 % du PIB, sauf en 1993 et en 1994. Il a même été excédentaire entre 1989 et 1991. Ce solde est tributaire de la conjoncture, à laquelle les recettes sont plus sensibles que les dépenses. Ce ne sont donc pas les dépenses de l'Etat qui sont la cause des dérapages budgétaires, mais le montant de ses recettes, qui a connu une baisse régulière et rapide depuis vingt ans. La montée de la dette, aggravée par l’effet boule de neige de l'augmentation du taux d'intérêt réel, découle donc du choix de faire payer de moins en moins d'impôts aux couches sociales auprès desquelles on s'endette par ailleurs ! Ce ne sont pas les générations futures qui sont sous pression, mais bien les contribuables modestes ou moyens, contraints de payer ces rentes de leur poche.

Bien sûr, il n’est pas question pour vous de refiscaliser les catégories de revenus à l'origine des déficits, de prélever sur les patrimoines, de taxer le capital. Pourtant, comme l'écrit Patrick Artus, « l'argent coule à flots ». Vous préférez nous expliquer qu'il y a trop de fonctionnaires, trop de RMIstes, qu'il faut traquer les fraudeurs et dérembourser des médicaments dont on s’aperçoit soudain qu’ils sont inefficaces.

On est dans l’extravagance la plus totale !

M. le Ministre délégué – Non, c’est vous qui êtes complètement extravagant !

M. Jean-Claude Sandrier - On se rendrait compte seulement aujourd’hui que des médicaments que l’on utilise depuis des années sont inefficaces ? Non, ces déremboursements s’expliquent uniquement par la volonté de faire des économies. On ne peut prétendre mener une politique sociale en ne faisant que des cadeaux aux riches. Selon vous, les Français vivraient au-dessus de leurs moyens. Pourtant, vous les invitez paradoxalement à participer à la relance de la croissance par la consommation. Résultat, en l’absence de l’augmentation du pouvoir d’achat confirmée par l’INSEE et le CREDOC, ceux-ci sont de plus en plus endettés et l’on enregistre une baisse de l’épargne de 7,6%, laquelle est loin de traduire une confiance retrouvée en l’avenir. Bref, en faisant pression sur les salaires, vous tarissez l’un des premiers leviers de la croissance : la consommation des ménages.

Cette politique s’opère au détriment du plus grand nombre. Et dire que les malheureux patrons du CAC 40 bénéficient d’une nouvelle exonération sur leurs actions cette année ! Vous justifiez la politique de rigueur budgétaire par la nécessité de ne pas laisser de dettes aux générations futures.

M. Jacques Desallangre - Quel cynisme !

M. Jean-Claude Sandrier - C’est oublier que la dette peut-être vertueuse si elle permet la relance de l’économie et si les recettes sont justement réparties. La croissance n’est pas un phénomène extraterrestre répondant à des règles inconnues, elle se crée. À la page 67 de son rapport, la Cour des Comptes note justement que l’endettement « n'est pas en soi contestable, s'il permet de financer des investissements directement ou indirectement productifs de richesses – comme la réalisation d'infrastructures – ou des investissement susceptibles de relever le niveau de croissance potentielle de l'économie – formation, éducation, recherche par exemple –. Contrairement à ce qu’affirme la majorité, les solutions qu’elle préconise ne sont pas incontournables et dictées par les nécessités de la réalité mais bien le résultat de choix politiques.

M. Jacques Desallangre - Très bien !

M. Jean-Claude Sandrier – Il faut mettre fin à cette dictature de la pensée, née selon M. Stiglitz dans les années 1970 au sein de l’école de Washington. Il est d’autres solutions que l'austérité. On résorbera le déficit et la dette, d’une part, en répartissant plus équitablement les recettes prélevées sur un capitalisme qui, pour reprendre la formule de M. Artus, « ne fait rien d’utile de ses milliards, n'investit guère, et ne prépare pas assez l'avenir » et, d’autre part, en prenant des mesures propres à relancer la croissance. Or, vous refusez d’assumer cette responsabilité politique.

Pour dynamiser l'économie, il faut développer l’ensemble des capacités humaines, promouvoir les emplois qualifiés et renforcer la structure productive du pays. Ainsi, nous proposons, entre autres, l'annulation de toutes les baisses d'impôts pour les plus hautes tranches de l’IR, de l’ISF et de l’IS ; la création de neuf tranches d'imposition, au lieu de cinq, afin de garantir une meilleure progressivité et une plus grande justice fiscale ; le doublement, voire le triplement pour les plus hautes tranches, de l’impôt sur la fortune ; la taxation des profits pétroliers ; et la taxation des actifs financiers à 0,5 %. Rappelons que ces derniers sont équivalents à deux voire trois fois le PIB, qu’ils ont augmenté de 107 % en 10 ans et que 80 % de ces sommes n’ont pas été investies dans la production.

M. Jacques Desallangre - Quel gâchis !

M. Jean-Claude Sandrier - Pour une meilleure répartition des richesses, nous proposons d'accroître le pouvoir d'achat des plus modestes en portant le SMIC à 1500 euros par mois ; d'accorder des crédits bonifiés aux PME pour les investissements utiles à l'emploi et à la formation ; de redynamiser l'investissement public par le budget ; d'inscrire les crédits nécessaires à la recherche pour atteindre l’objectif de Lisbonne ; de donner les moyens de développer la formation à tous les niveaux, la santé, le logement et les infrastructures ; et enfin, d'inscrire la nation dans une relance de la croissance par la promotion des capacités humaines.

Par ailleurs, il est contradictoire d’afficher de nouvelles ambitions industrielles tout en privatisant les entreprises publiques, voire les services publics eux-mêmes. Certes, à court terme, l'affectation des recettes des privatisations permettra de donner l’illusion à Bruxelles d’une réduction de la dette publique. À long terme, cette politique affaiblit le potentiel productif du pays. D'ailleurs, le premier Président de la Cour des Comptes, en commission des finances, a insisté sur l'urgence d'arrêter la vente des actifs patrimoniaux. En vingt ans, 370 milliards d’euros de biens auraient été ainsi vendus.

En définitive, la question est celle du choix de société à opérer pour retrouver une croissance pérenne. Votre gestion depuis quatre ans se solde par un fiasco dont la majorité des français paient le prix fort. La multiplication des exonérations accordées aux entreprises, la réduction des impôts pour les hauts revenus et les privatisations, loin de dynamiser l’économie, ont provoqué de la précarité, la dégradation du pouvoir d’achat et des services publics. Pour vous, l'avenir appartient aux seuls actionnaires. Ce que vous nommez réforme, nous l’appelons régression. Pour tous ces motifs, nous vous invitons à voter la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. le Ministre délégué – Monsieur Sandrier, en matière de politique économique, nous sommes en désaccord profond. Vous avez brossé un tableau catastrophique de la situation économique qui ne correspond en rien à la réalité. Pourquoi ne pas avoir rappelé la baisse continue du chômage depuis un an, le retour de la croissance et la maîtrise des déficits publics ? Au reste, votre vision me semble très franco-française alors qu’il est aujourd’hui nécessaire de s’inspirer des expériences positives menées ailleurs. J’invite donc l’Assemblée à rejeter cette question préalable.

M. Jacques Desallangre - Monsieur le Ministre, nous ne pouvons approuver ce budget fondé sur une idéologie libérale qui fait la part belle aux plus favorisés et, partant, son exécution. Il est, en somme, faible avec les forts, dur avec les faibles.

Il est injuste par nature et nocif pour l’intérêt général. Il n’a pourtant pas la franchise dont se prévaut cette droite décomplexée et use d’artifices comptable et de dissimulation. Enfin, il met en danger la paix sociale en imposant aux classes fragiles les conséquences désastreuses de vos choix budgétaires sur leur vie quotidienne, leur santé, l’éducation de leurs enfants, leur emploi et leur dignité. Voter en faveur de cette question préalable est un acte civique.

M. Augustin Bonrepaux - Je crains que les éléments que l’on trouve page 9 du rapport ne rafraîchissent quelque peu l’optimisme du ministre. Il y est écrit que la croissance de l'économie française s'est établie à 1,2 % en moyenne annuelle, contre 1,4 % pour la zone euro, que la performance française a été inférieure à la moyenne de l'OCDE pour la quatrième année consécutive, que le pouvoir d’achat est bien inférieur aux dépenses de consommation et que pour la troisième année consécutive, c’est en réduisant leur épargne que les ménages ont financé leur consommation. Certes, il est souligné que l’investissement des administrations publiques augmente… mais il ne faut pas en déduire qu’il s’agit de l’État ! Ce sont surtout les collectivités locales qui investissent. Regardez les crédits du fonds national pour l’aménagement du territoire ! Dans la région Midi-Pyrénées, les crédits pour l’entretien des monuments historiques sont passés de dix à un million. C’est le tiers de ce qui est consacré à la réintroduction des ours dans la même région…

M. Charles de Courson - Nous ne voterons pas cette motion, qui n’a pas de réelle portée, mais j’expliquerai la position du groupe UDF dans la discussion générale.

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

Mme la Présidente - Nous en arrivons à la discussion générale.

M. Augustin Bonrepaux – Un bref panorama des performances économiques de 2005 suffit à montrer que vos choix économiques et sociaux ont été catastrophiques sur tous les fronts. Au lieu des 2,5 % annoncés par le projet de loi de finances, la croissance n’a progressé que de 1,2 %, soit moins que la zone euro. C’est la preuve de votre incapacité à maintenir une croissance stable dans un contexte mondial pourtant très favorable. La France voit son différentiel de croissance avec la zone euro se creuser depuis 2002. Le chômage touche 9,6 % de la population active et n’est colmaté qu’à coups de contrats précaires. Le pouvoir d'achat des ménages fait les frais d’une politique fiscale injuste : il n'a progressé que de 1,1 % en 2005, bien loin de la moyenne de 3,2 % par an de la précédente législature. Les prélèvements obligatoires atteignent un niveau insoutenable – pour les ménages modestes tout au moins, puisque vous avez allégé les impôts pour les plus aisés. Ils se sont donc endettés – les situations de surendettement se multiplient – et sont inquiets pour leur avenir. Enfin, le déficit du commerce extérieur contribue désormais à amputer la croissance.

C'est dans un tel contexte que nous examinons l’exécution du budget pour 2005, et à la lumière du rapport de la Cour des comptes. Le Gouvernement n’a pu notifier à l'Union européenne un déficit de 2,9 % pour 2005 qu'au moyen d'artifices budgétaires et comptables. La Cour des comptes a sévèrement rendu compte de ses pratiques opaques, de l'insincérité du budget qu’il a fait voter et des expédients qui ont permis de le boucler. Si le déficit du budget général s’est amélioré par rapport à 2004, il reste à 43,5 milliards – à comparer aux résultats du gouvernement précédent… Quant aux comptes sociaux, la Cour des comptes constate que les quatre branches de la sécurité sociale sont simultanément déficitaires, ce qui constitue selon elle un « triste record ». Le déficit global de la sécurité sociale a certes été ramené à 3,8 milliards – grâce en partie au versement des 8,2 milliards de la soulte d’EDF – mais on est loin de l'excédent constaté en 2001. Le déficit du régime général atteint 11,6 milliards, contre 8,6 prévus. La légère amélioration du solde de la branche maladie est due à de nouveaux prélèvements sur les ménages, non à une baisse des dépenses, et la Cour des comptes estime que même si le déficit de la branche maladie se stabilise, les autres branches sont sur une telle voie que le solde du régime général est durablement dégradé.

La dette publique a atteint 66,6 % du PIB en 2005, contre 56,2 % en 2001. Depuis 2002, elle se creuse de deux points par an en moyenne, avec des taux d'intérêt pourtant historiquement bas. Elle n’est plus soutenable à moyen terme et alors que les taux vont remonter, que les promesses nombreuses vont devoir être honorées et que les prélèvements obligatoires ont atteint un seuil critique. Bref, les perspectives ne justifient pas l’optimisme dont vous faites preuve. Mais l'Etat ne semble pas disposé à engager une politique de redressement des finances publiques. Au contraire, il poursuit ses baisses d’impôt suicidaires, au moment même où le rapport Pébereau comme celui de la Cour des comptes veulent l’en dissuader.

Dans de telles conditions, le Gouvernement n’a réussi à notifier à la Commission européenne un déficit de seulement 2,9 % qu’à l’aide de recettes exceptionnelles d'un montant très important, qui échappent d’ailleurs largement à l'autorisation parlementaire. Il a inclus dans le calcul le versement de la soulte d’EDF et a eu recours à des artifices grossiers tels que le versement de 3 milliards au budget général par la CADES – contrepartie d'une dépense qui n'a jamais été faite par ce même budget. La modification du système d'acomptes de l'impôt sur les sociétés a également joué un rôle important. La Cour des comptes évalue le déficit public hors soulte et réforme du système d'acomptes à 3,5 % du PIB.

Il y a plus grave : le Gouvernement a eu recours à des pratiques opaques et a fait preuve d’insincérité. Il a démontré qu'il suffit de quelques tours de passe-passe pour faire dire ce que l'on veut aux chiffres. Il a exclu du budget des dépenses qui devraient légitimement s'y trouver – comme la dette du FFIPSA, qui provient de ce que l’État a versé des subventions insuffisantes au BAPSA et qui s’élève à 2,5 milliards – ou a minoré artificiellement certaines dépenses, au détriment des organismes de sécurité sociale. Ainsi, près de 1,3 milliard d'engagements n’ont pas été honorés en 2005.

L’exécution budgétaire a été marquée par des pratiques peu respectueuses de l'autorisation parlementaire. Des « mises en réserve » ont été annoncées dès la discussion de la loi de finances – en fait des gels de crédits qui se sont soldés régulièrement par des annulations, lesquelles ont atteint 4,2 milliards sur l'année, sans compter les redéploiements. Ainsi, 20% des crédits initiaux du budget de la ville ont été annulés, alors que les crédits votés étaient en hausse : manifestement, le pays attendait cet effort, que vous n’avez pas accompli. Pour le ministère de l'équipement, certains gels ont porté sur 25% de la dotation, ce qui a entraîné, d'après la Cour des comptes, une dégradation du renouvellement des matériels et de la maintenance des bâtiments… alors qu’une partie des locaux doit être cédée prochainement aux collectivités locales ! On en arrive même à des situations ubuesques, lorsque les crédits gelés entraînent des retards de paiement, donc le paiement d'intérêts moratoires – qui se sont montés pour le seul ministère de la défense 33,5 millions en 2005. Afficher une norme de dépenses intenable fondée sur des prévisions de croissance fantaisistes finit par coûter cher à la collectivité.

La Cour des comptes a aussi souligné que « l'opportunité de baisser les impôts devrait être appréciée à l'aune des niveaux d'endettement ». Or, vous vous préparez à baisser encore les impôts en 2007. Il est d’ailleurs rare, au passage, de décider une année de ce qu’on fera l’année suivante. Je ne sais pas si c’est comme cela que vous gérez vos communes… Vous avez donc décidé de faire payer vos erreurs aux collectivités locales. Il y a beaucoup d’hypocrisie à proposer, en fin de législature, un pacte entre l'Etat et les collectivités locales. Si vous aviez voulu vous montrer responsable, vous l’auriez fait au début, avant la décentralisation et le bouclier fiscal ! Vous proposez donc un pacte pour « sceller les engagements réciproques »… Mais vous ne tenez pas vos engagements ! Votre seul objectif est de mettre à contribution les collectivités locales, qui ont déjà subi des réductions de crédits – ADEME ou fonds national des adductions d’eau par exemple – des transferts non compensés et le plafonnement des recettes… Et maintenant, votre pacte voudrait encadrer leurs dépenses et réduire les dotations de l’État, qui ne sont que des compensations qu’il s’était engagé à verser !

Et ce pacte est proposé alors que l'Etat ne respecte pas ses engagements dans le cadre des contrats de plan Etat-région. Nous avions déjà dénoncé, comme la Cour des comptes, le lamentable taux de réalisation de ses engagements. L'année 2005 n'a pas permis de combler le retard pris dans la réalisation des contrats de plan, et le taux d'exécution des crédits n’atteint que 67% - 58,5% seulement pour le volet « équipement, transports, logement ». C’est tout le pays qui y perd, particulièrement les zones rurales où les équipements sont sacrifiés. Comment pouvez-vous prétendre vouloir défendre la compétitivité des territoires tant qu’il y aura autant de retards pour les équipements structurants ?

Alors que l’État appauvrit le patrimoine national, les collectivités, elles, en accroissent la valeur grâce à leurs investissements. Le poids des transferts non compensés plombe, hélas, leurs comptes, ceux des départements en particulier. On est loin de la compensation « à l’euro près », principe pourtant désormais constitutionnel ! D’après les estimations de l’Assemblée des départements de France, l’État devrait 850 millions d’euros aux départements pour le seul RMI. Et que dire des contrats d’avenir, mis en place par l’État mais que paient les départements, sans que le surcoût de chaque emploi ainsi créé leur soit compensé ? A ce sujet, on ne m’a toujours pas répondu sur le fait de savoir si les érémistes ayant obtenu un contrat d’avenir sont ou non décomptés comme érémistes ? Ne serait-ce pas un artifice de plus pour masquer l’augmentation de la pauvreté ? Il y a là un mystère car comment les dépenses de RMI pourraient-elles augmenter si, comme on le dit, le nombre de érémistes diminue ?

Les collectivités seraient « mauvaises élèves », selon le Gouvernement. Pourtant, elles ne s’endettent que pour investir, soutenant ainsi la croissance du pays, et la maîtrise de leur endettement comme de leur solde budgétaire est unanimement saluée.

Au vu de cette loi de règlement et à la lumière de l’analyse critique qu’en a faite la Cour des comptes, on ne peut qu’être consterné par la mauvaise foi du Gouvernement. La situation économique, la perte de marges de manœuvre en matière de finances publiques, l’endettement croissant appellent des solutions vigoureuses qu’il ne semble pas prêt à envisager. Sa seule préoccupation semble être de se défausser sur les collectivités et de les mettre à contribution (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Charles de Courson - La discussion du projet de loi de règlement constitue un moment privilégié pour vérifier a posteriori si la gestion du budget de l’État a été conforme aux objectifs affichés lors de la discussion du projet de loi de finances initial.

En 2005, non seulement le Gouvernement s'est montré trop optimiste dans ses prévisions économiques mais il n'a pas géré avec assez de rigueur ni les dépenses ni les recettes, si bien que le déficit du budget de l'Etat est demeuré très élevé.

Le Gouvernement a surestimé de moitié la croissance nationale en volume mais sous-estimé la perte de compétitivité de notre pays. Nous avions en son temps dénoncé sa prévision de 2,5 %, beaucoup trop optimiste, et nous avions raison puisque la croissance n’aura au final été que de 1,2 %. L’évolution des prix a été, elle, à peu près conforme aux prévisions.

La perte de compétitivité se mesure à la différence de rythme de progression entre les importations et les exportations. Les premières ont encore progressé de 6,1 % en 2005, tandis que les secondes ne progressaient plus que de 3,1%, soit deux fois moins vite.

La consommation des ménages n’a soutenu la croissance que parce qu’ils ont prélevé sur leur épargne, ce qui a bien entendu une limite.

La dépense globale de l’État croît plus de deux fois et demie plus vite que ce que prétend le Gouvernement. Celui-ci indique en effet qu’à structure constante, la dépense nette du budget général est passée de 283,6 milliards en 2004 à 288,8 milliards en 2005, soit une augmentation de 1,5 %. Or, telle n’est pas la vérité. C’est que l’outil de mesure est inadapté. En effet, à transformer toutes les dépenses de l’État en dépenses fiscales, on pourrait même afficher une baisse de la dépense ! Or, de 2004 et 2005, le nombre des dépenses fiscales est passé de 381 à 420 mesures et leur coût de 51,6 à 54,8 milliards d’euros.

De même, les fonds de concours ont progressé de 4,8 milliards en 2004 à 5,8 milliards en 2005, du fait notamment de la création de l'AFIT, usine à gaz qui permet à l’Etat de doter, hors budget général, grâce aux recettes issues de la vente d’actifs publics, un établissement public qui finance certaines de ses missions par le biais de fonds de concours !

Les remboursements et dégrèvements sur les impôts locaux sont, eux, passés de 9,4 milliards d’euros en 2004 à 11,1 milliards en 2005. Transformons, tant qu’on y est, la DGF en dégrèvement, et la dépense de l’État paraîtra diminuer ! Le coût de la PPE est de même passé de 1,9 à 2,4 milliards.

Les prélèvements au bénéfice des collectivités locales et de l'Union Européenne constituent, eux aussi, de vraies dépenses qu’il conviendrait de comptabiliser. En 2005, ils ont progressé de 61,2 milliards à 65,3 milliards.

Enfin, les opérations à caractère définitif de gestion du patrimoine de l'Etat, effectuées à partir des comptes spéciaux du Trésor, ont littéralement explosé, passant de 6,4 milliards en 2004 à 11,1 milliards en 2005. Or, l'essentiel de ces dépenses sont bien pérennes, qu’il s’agisse de dotations à des établissements publics – 4,1 milliards à l’AFIT, 1,3 milliard à l’Agence nationale pour la recherche, 1,7 milliard pour l’Agence de l’innovation industrielle… – ou de subventions à des entreprises publiques déficitaires ou en difficulté comme la SNCF, Charbonnages de France, la SNCM, DCN, l’Imprimerie nationale, GIAT…

Si l'on additionne ces cinq catégories de dépenses aux dépenses nettes du budget général, on arrive, à structure constante, à un total de 417 milliards en 2004 et de 436,9 en 2005, soit une hausse de 4,8 % – 2,7 fois plus que le taux affiché ! Et même si l'on ne tient pas compte des dépenses fiscales, elle est encore de 4,6 %. Les résultats annoncés par le Gouvernement sont d’ailleurs démentis par les chiffres de la comptabilité nationale eux-mêmes. Et si l’on consolide les comptes de l’État avec ceux des organismes divers d’administration centrale, les ODAC, ces faux-nez de l’État, on arrive à une augmentation de 3,7 %, soit un point de plus que le PIB.

Trois autres facteurs ont aggravé ces résultats. Tout d'abord, le non-respect de la charte de budgétisation – cela représente 1,3 milliards d'euros. Le rapporteur général du budget partage d’ailleurs l’analyse de la Cour des comptes pour le remplacement de 440 millions d'euros d’exonérations de la redevance audiovisuelle par des dégrèvements. Je pense, pour ma part, que la Cour a également raison s’agissant de la suppression de la dotation de l'Etat aux organismes d'assurance maladie en contrepartie d'une affectation de taxes au titre de la CMU complémentaire pour 370 millions d'euros et de celles versées aux régions pour le financement de l'apprentissage en contrepartie d'une majoration de la taxe d'apprentissage pour 198 millions. Tout cela dissimule bien de vraies dépenses.

De même, des dépenses importantes ne sont pas comptabilisées en tant que telles, ce qui est regrettable et contestable. Ainsi en va-t-il des annulations de créances sur les États étrangers, qui ont représenté 0,6 milliard en 2005. Mais le cas d'insincérité le plus grave soulevé par la Cour des comptes, c'est la non-comptabilisation en dépenses de la reprise de dettes du FFIPSA, héritier du BAPSA, portées à cinq milliards d’euros fin 2005. Le BAPSA faisant partie du budget de l'Etat, cette opération, transformant une opération budgétaire en opération de trésorerie, est manifestement une dissimulation de dépenses. Il convient de rappeler que fin 2004, l'Etat a transféré au FFIPSA le déficit cumulé du BAPSA, qui atteignait 3,2 milliards d'euros, soulageant d'autant le déficit 2004 et que fin 2005, il a repris la moitié du déficit cumulé, soit cinq milliards. Je suis sûr qu’on nous proposera l’an prochain la même manoeuvre. J'ai déposé un amendement sur ce sujet car je souhaite que le Gouvernement s'explique sur les moyens de redresser le FFIPSA.

Il y a aussi l'accumulation des impayés. Les dettes de l’État vis-à-vis de la Sécurité sociale ont augmenté de 1,4 milliard en 2005 pour atteindre 4,4 milliards, tandis que celles à l’égard du ministère de la défense ont régressé de 0,9 milliard. On pourrait ajouter le montant des impayés du ministère de la culture qui atteindraient, en matière de sauvegarde du patrimoine, environ 0,3 milliard.

On mesure à ces chiffres combien les efforts de redressement du budget de l'Etat à réaliser sont encore considérables si l'on veut parvenir à une croissance nulle en volume, voire à une croissance nulle en valeur, ce qui est la règle d’or pour redresser les finances de l'Etat.

Un mot rapide des recettes. Elles augmentent beaucoup plus vite que la richesse nationale, du fait notamment des recettes exceptionnelles. Les recettes brutes, fiscales et non-fiscales, augmentent de 5,5%, soit deux fois plus que le PIB.

Le solde du budget de l’État ne se réduit pratiquement pas. Le déficit ne diminue que de 43,9 à 43,5 milliards d’euros entre 2004 et 2005. En comptabilité nationale, le déficit 2005 s’établit même à 51,8 milliards, soit en apparence un milliard de moins qu’en 2004 mais si l’on tient compte des excédents des ODAC, il augmente bel et bien entre 2004 et 2005. Le surplus de 11,9 milliards de recettes constaté en 2005 a été consacré à 82% à des dépenses nouvelles, à 15% à des dépenses fiscales et à 3% seulement à la réduction du déficit.

Pour ce qui est de la sincérité budgétaire, aucun commissaire aux comptes n’accepterait de certifier de tels comptes.

Quelle sera la position du groupe UDF, dont je rappelle qu’il n’a pas voté le budget pour 2005 ? Compte tenu que cette loi de règlement n’est pas sincère au regard des principes de la LOLF qui ne s’appliqueront pleinement que l’année prochaine -la saisine du Conseil constitutionnel n’aura donc de portée qu’alors-, compte tenu que le Gouvernement a surestimé la croissance et sous-estimé la perte de compétitivité de notre économie, qu’il a tenté de dissimuler la hausse des dépenses publiques, compte tenu que les dépenses fiscales, et encore plus les dépenses non fiscales, croissent plus vite que la richesse nationale, et que la réduction du déficit budgétaire ne constitue pas une priorité gouvernementale, le groupe UDF ne participera pas au vote.

M. Jacques Desallangre - Ce projet de loi de règlement illustre parfaitement l’échec de la politique économique et budgétaire du Gouvernement. Le déficit du budget s’est aggravé, atteignant 43.5 milliards d'euros, soit un montant supérieur aux déficits des années 1997 à 2001, et la dette s’est creusée de 43,3 milliards. Vous avez pourtant utilisé de nombreux artifices, comme inclure les recettes exceptionnelles issues des privatisations. Et vous continuez de brader les entreprises publiques pour masquer, au moins partiellement, l’échec de votre politique de recettes fiscales. Votre budget est dans le rouge, car vous refusez de vous attaquer énergiquement aux délocalisations massives qui détruisent nos emplois et notre tissu économique. Nous avons fait des propositions réalistes en ce domaine, mais vous les avez toujours refusées car elles ne répondent pas à votre dogme ultra-libéral.

En raison du ralentissement de la croissance, les recettes fiscales ont moins augmenté qu'en 2004 et leur hausse est due pour 5,6 milliards à la TVA, 2,5 milliards à l‘impôt sur le revenu, 1,9 milliard à l’impôt sur les sociétés, tandis que le produit de la TIPP baisse d’un milliard.

S’agissant des dépenses, vous réduisez de façon drastique celles de personnel, puisque 44% des départs à la retraite n'ont pas été remplacés. Vous allez supprimer plus de 15000 postes. Si une entreprise avait annoncé un tel plan social, vous auriez hypocritement dénoncé le patron voyou. Mais vous dégraissez sans informer les fonctionnaires, ni les syndicats, ni le Parlement. Vous justifiez la suppression de 8700 postes dans l'Education nationale par la baisse des effectifs scolaires. Mais au vu des événements de l'automne dernier dans nos banlieues, mieux vaudrait parfaire l'encadrement éducatif. Mieux vaudrait aussi former les jeunes pour préparer un avenir économique qui reposera pour beaucoup sur le niveau de connaissance de l'ensemble de la population.

Mais vous privilégiez une approche étroitement comptable. En outre il faut de la mauvaise foi pour prétendre que l'Etat dépense trop quand tant de besoins demeurent insatisfaits. Vous consentez près de 4 milliards d'euros de cadeaux fiscaux aux plus aisés, pour expliquer qu'il n'y a plus d'argent dans les caisses.

Les dépenses doivent être maîtrisées en évaluant leur efficacité économique et sociale. Ainsi, les dépenses européennes ont crû de plus de 16%. Quel profit la France et l'Europe en ont-elles tiré  ?

Il en va de même pour la dette et la réforme de la fiscalité dérogatoire. Vous dites vouloir simplifier l’impôt, mais vous n’avez toujours proposé aucun dispositif pour résorber le manque à gagner de quelques 70 milliards que représentent les niches fiscales, soit une fois et demie le produit de l'impôt sur le revenu.

Au nom d’une prétendue efficacité de l’impôt, vous faites passer au second plan ses effets régulateurs et vous oubliez que la fiscalité est un outil au service d'une politique. Son efficacité se mesure aux résultats dans la régression des inégalités sociales et au dynamisme économique. Selon ces deux critères, votre échec est patent : la croissance est faible, les inégalités sociales sont croissantes. La politique d'austérité que vous avez menée contre les plus pauvres, contre l'emploi, contre les services publics n'a pas porté ses fruits puisque la dette s'accroît, que l'économie stagne, que le pouvoir d'achat baisse.

Il faut au contraire privilégier des dépenses socialement efficaces et créatrices de richesses pour relancer la croissance et favoriser la consommation.

A 1,4 %, la croissance en 2005 aura été moins mauvaise qu’on pouvait le craindre, mais fondée presque exclusivement sur la demande intérieure, au prix d’une réduction de l'épargne et d'un surendettement inquiétant. Tout ce qui affaiblit la consommation risque d’être catastrophique pour l’économie. Or vous précarisez l’emploi et vous créez une insécurité sociale qui freine la consommation. Et ne comptez pas sur vos amis les grands patrons pour investir, car votre « patriotisme économique » les laisse de marbre.

Pour favoriser la consommation, vous avez poussé les Français qui avaient une épargne à la dépenser et ceux qui n'en ont pas à s'endetter. Le nombre de ménages surendettés a explosé. Quant aux entreprises, si celles cotées au CAC 40 se portent bien, les activités manufacturières ont crû de moins de 1 %. Les PME luttent courageusement dans un contexte difficile. Le ralentissement économique et la flambée des prix du pétrole ont provoqué une augmentation de 3 % des défaillances d'entreprises et la perte de 100 000 emplois dans l'industrie en un an, sans compensation par le secteur tertiaire. En outre 52 % des emplois créés en 2005 sont d’une durée inférieure à six mois et plus de 50 000 sont des CNE.

Chômage, emploi précaire, inégalités sociales, difficultés pour les PME : quel bilan, tandis que triomphent les rentiers dans une logique libérale qui envahit tout ! Nous ne voterons pas votre projet de budget définitif (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Michel Bouvard - La loi de règlement du budget 2005 est la dernière qui est examinée selon les règles de l'ordonnance de 1959 par chapitres budgétaires. Cependant, dans cette année de transition vers l’application de la loi organique sur les lois de finances, la Cour des Comptes, a déposé son rapport conjoint à la loi de règlement, et le gouvernement a accepté d'analyser comme nous le ferons ensuite chaque année les crédits exécutés en 2005 de la mission ville et logement, et des programmes équipements des forces et administration générale et territoriale de l'Etat. Je le remercie de se prêter à cet exercice qui, bien que limité, permettra pour la première fois, d'approfondir la qualité de la gestion publique et de ne pas s'en tenir aux aspects comptables de la loi de règlement. En effet, alors que le budget traduit une intention, cette loi constitue la réalité de la politique menée en matière budgétaire. Elle mérite donc toute notre attention. De plus son examen immédiatement avant le débat d'orientation budgétaire, est de nature à éclairer celui-ci sur le respect des équilibres et des priorités fixées par chaque ministère au niveau des missions et des programmes.

Je souhaite d’abord évoquer les conditions de mise en œuvre de la LOLF qui a fait l'objet du quatrième rapport de la « Mission LOLF » que j'ai l'honneur d'animer, avec Didier Migaud, Charles de Courson et Jean-Pierre Brard. Nous avions étudié pour ce rapport deux aspects de la réforme, le renouvellement attendu du débat parlementaire d'une part et la mise en œuvre de la LOLF dans les services déconcentrés de l'Etat d'autre part. S'y est ajouté au fur et à mesure de l'avancée de nos travaux, un troisième sujet qui concerne la mise en œuvre des systèmes d'information, outil indispensable au pilotage de la réforme.

Notre mission a formulé un certain nombre de propositions dont je ne doute pas, Monsieur le Ministre, que vous y apporterez la même attention qu'à l'habitude avec le souci d'ouverture qui est le vôtre. Elles ont été élaborées après de nombreux échanges lors des auditions à l'échelon central et dans les services déconcentrés de l'Etat à l’occasion de quatre déplacements en région.

S’agissant d’abord de la présentation du PLF, afin d'améliorer l'information du Parlement et la transparence, nous souhaitons que les crédits soient ventilés par programme au sein de chaque mission dans l'Etat B ; que soient présentés les échéanciers prévus de consommation de crédits de paiement correspondant aux autorisations d’engagement ; que les plafonds d’autorisation d’emploi soient ventilés par mission et programme pour l'année passée, l'année en cours et l'année à venir ; qu’une nouvelle annexe reprenne, mission par mission et programme par programme, la liste des opérateurs de l'Etat, les dotations ou les recettes affectées dont ils bénéficient et l'ensemble des emplois rémunérés par eux.

Nous avons déposé, avec mes trois collègues de la mission, un amendement dans ce sens à la présente loi de règlement. Il a été approuvé à l'unanimité par la commission et soutenu avec enthousiasme par le rapporteur général qui, comme nous, s’inquiète de la multiplication des opérateurs, – plus de 700 – et de leur contrôle. Il traduit des propositions que nous avions faites à l'occasion de modification de la loi organique il y a un an, s'agissant par exemple de la place des opérateurs dans les plafonds d’autorisation d’emploi, sur lesquelles Nicolas Sarkozy avait bien voulu nous répondre. Pour prendre un exemple qui figure dans le rapport de la Cour des comptes, il y a une grande confusion parmi les opérateurs dépendant du ministère de l’écologie. On dénombre entre 1557 et 1664 équivalents temps plein travaillé pour les opérateurs du programme recherche dans le domaine des risques et des pollutions, entre 2112 et 6922 pour ceux de la mission écologie et développement durable, pour laquelle l’Assemblée nationale a dénombré 15 291 emplois rémunérés. Par ailleurs, plusieurs ministères ne disposent que de données en équivalents temps plein et non en équivalents temps plein travaillé.

Nous souhaitons également que soient apportées différentes améliorations aux projets annuels de performance. La stratégie de chaque mission doit être articulée en priorités claires et hiérarchisées, et le PAP doit récapituler les échéanciers prévisionnels des crédits de paiement correspondant aux autorisations d’engagement. La présentation des programmes doit comporter six parties : présentation des crédits et des dépenses fiscales associées ; présentation de l'objet, de la stratégie et des actions du programme ; justification au premier euro ; présentation des opérateurs ; objectifs et indicateurs de performance ; analyse des coûts.

La justification au premier euro doit être précise, complète et objective et les objectifs de performance doivent être hiérarchisés autour de priorités claires, ce qui suppose qu'elles soient moins nombreuses. De même, les indicateurs de performance doivent porter sur toutes les actions. Il convient d'en rééquilibrer le nombre entre les trois catégories au bénéfice de la qualité de service et de l'efficience de gestion. Ceux-ci n'ont de sens que dès lors qu'ils sont renseignés et dotés d'une valeur cible permettant d'établir des comparaisons avec d'autres services de l'État et, le cas échéant, avec des services étrangers du même secteur. L'analyse des coûts doit aussi être renforcée grâce à l’établissement d'une véritable comptabilité analytique.

Les PAP doivent être l'occasion de présenter les opérateurs financés par le budget de l'Etat ou bénéficiant de recettes affectées, de préciser leurs activités, dépenses, emplois, et crédits en associant à chaque fois que cela sera possible, des objectifs et des indicateurs de performances.

Au-delà du stock d’opérateurs existant, nous souhaitons que tout projet de loi prévoyant la création d'un nouvel opérateur fasse l'objet d'une étude d'impact quant aux effets budgétaires administratifs, économiques, sociaux et financiers. De même, l'intégration des opérateurs dans la logique des programmes suppose la systématisation des contrats d'objectifs et de moyens passés avec les responsables des programmes, permettant à ces derniers d'exercer leur rôle de pilotage. Les administrations déconcentrées de l’État connaissent en effet des problèmes de relations avec les opérateurs qui accompagnent la mise en œuvre des politiques, comme celle de l’emploi. Nous l’avons constaté en nous rendant à quatre reprises sur le terrain.

La mission a également évoqué l'organisation de nos débats. Nous y reviendrons mais je rappellerai, à l'approche de l'envoi des questionnaires budgétaires, qu’il est nécessaire que rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis coordonnent leur travail et que les délais de réponses soient respectés.

Les déplacements en province nous ont permis de vérifier la mobilisation de l'administration déconcentrée dans la mise en œuvre de la LOLF. Je tiens à lui rendre hommage, car cela a représenté une surcharge de travail, souvent accrue par la faiblesse des systèmes d'information et par une certaine bureaucratisation des indicateurs. Il serait souhaitable d'engager plus tôt les dialogues de gestion entre responsables de programmes et de budgets opérationnels de programme – BOP –, et de mieux associer le niveau départemental à l'élaboration régionale des BOP. De ce point de vue, il convient de réaffirmer le rôle du préfet de région, et de conforter le nouveau rôle du contrôle financier dans sa tâche de conseil.

Cette gestion déconcentrée doit être plus souple et disposer d’une matière suffisante pour bénéficier pleinement des possibilités ouvertes par la fongibilité asymétrique. Il faut donc limiter au minimum les BOP de fonctionnement au niveau central, déconcentrer l'ensemble des dépenses – y compris les dépenses de personnel – et réduire les fléchages de crédits trop répandus. Il apparaît aussi souhaitable de mieux associer le personnel et ses représentants à la procédure d'élaboration des BOP, afin que ceux-ci apprécient les avancées permises par la LOLF, car celle-ci n’est qu’un outil et n’est en aucun cas porteuse d’idéologie. Ni les gouvernants, ni les partenaires locaux ne doivent lui faire porter d'autres responsabilités que les siennes. En effet, on a tendance a considérer qu’elle est responsable des problèmes qu’elles a permis de révéler – à l’exemple du décalage entre les autorisations de programme et les crédits de paiement – un peu comme l'on exécutait le porteur de mauvaises nouvelles à l’époque de Pharaon (Sourires).

Enfin, il convient d’accélérer la mise en œuvre des systèmes d'information, à commencer par CHORUS et, comme l’indique la Cour des comptes, de l’accompagner d'une analyse des économies attendues et d'une meilleure maîtrise du coût de développement et d'implantation : 270 millions d’autorisations d’engagement ont été prévus en loi de finances pour 2006 !

Ce projet de loi de règlement du budget de 2005 nous permet de constater que cette année encore, la dépense aura été contenue et l'autorisation parlementaire respectée avec 288,5 milliards. Ce résultat est d'autant plus méritoire que la croissance aura été inférieure de moitié à la prévision, soit 1,2 % au lieu de 2,5 %, la prudence de la prévision de recettes ayant toutefois permis que ces dernières soient au rendez-vous, avec un bonus de 500 millions, dont – ceci mérite d’être rappelé – 270 millions pour l’ISF, ce qui devrait mettre fin à un certain nombre de rumeurs, selon lesquelles nous allions faire disparaître le produit de cet impôt.

M. Jacques Desallangre - Vous n’avez pas osé !

M. Michel Bouvard – Ces résultats doivent nous inciter à plus d'efforts, car si le déficit de l'Etat s'est réduit de 0,4 milliards pour s'établir à 43,5 milliards, il est en partie utilisé pour financer des dépenses de fonctionnement, 30 milliards seulement étant consacrés à l'investissement. Pour parvenir à ce résultat, une régulation plus forte qu'en 2004 a été nécessaire.

Les nouvelles règles mises en œuvre dans la loi de finances pour 2006, en application de la LOLF, constituent un incontestable progrès. Une partie des gels intervenus a été dégelée en cours d'exercice, une autre partie a gagé le financement des décrets d'avances. Si un certain nombre de dépenses n'étaient pas prévisibles, ces décrets d'avances sont, pour certains, révélateurs de la sous dotation persistante de certaines dépenses.

Ce budget est encore marqué par des rigidités en matière de dépenses de personnel et par une faiblesse structurelle des dépenses d'investissements, soulignée par la Cour des Comptes qui nécessitera une véritable rupture. Ceci passe par la réduction de la dépense de fonctionnement, par la réduction de la dépense de personnel et par la réduction de la charge de la dette. D'autres dépenses ont continué à s'accroître, qui imposent courage et responsabilité collective de notre part : les allégements de charges en faveur des entreprises, dont l'efficacité économique en matière d'emplois n'est pas démontrée ; les remboursements et les dégrèvements d'impôts au bénéfice des collectivités locales – je voudrais d’ailleurs saluer l’excellent tableau publié dans le rapport, qui montre ce qui est acquitté par l’État pour la taxe professionnelle, la taxe d’habitation et la taxe foncière.

Ce projet de loi montre les progrès accomplis mais doit aussi nous inciter à poursuivre des réformes de structure, seules à même d'inverser les tendances observées depuis vingt ans sous toutes les majorités, avec des amplitudes plus ou moins fortes en fonction de la conjoncture économique et quelques occasions manquées, comme celle d'un fort désendettement dans les années 1998-2001. J’en suis convaincu, nous devons encore amplifier nos efforts et repousser les promesses irréalisables que la proximité des élections pourrait encourager ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Balligand - L'Assemblée nationale et sa commission des finances ouvrent avec ce débat un cycle de dates importantes. Ce projet de loi est en effet le dernier de ce type présenté par ce Gouvernement et défendu – même si nous ne sommes plus sûrs de rien – par cette majorité. Le dernier débat d'orientation budgétaire de la mandature suivra d’ailleurs jeudi. C'est donc en quelque sorte au Jugement dernier que le Gouvernement se prête aujourd'hui, devant les élus du peuple, sur sa conduite du budget de la France en 2005 ! Il solde définitivement les comptes d'un budget préparé par Nicolas Sarkozy – au nom de Jean-Pierre Raffarin – et assumé un temps par Hervé Gaymard.

Cela ne rend pas le Gouvernement actuel irresponsable face aux choix de son prédécesseur, mais éclaire d'un jour particulier l'action du président de l'UMP, auquel on découvre une main malheureuse en matière budgétaire.

Disons aussi qu'à l'insincérité d'hier vient s'ajouter l'insincérité d'aujourd'hui. Le taux de croissance du PIB est ainsi devenu dans tous les projets de lois de finances une variable politique d'ajustement, et non pas l'anticipation d'une donnée exogène. En ce sens, il ne faut pas dire que Nicolas Sarkozy avait anticipé 2,5 % de croissance française en 2005, mais plutôt qu'il avait besoin de 2,5 % de croissance pour financer les baisses d'impôts qu'il avait programmées !

M. le Rapporteur général – En 2004, nous avions prévu 1,7 % et nous avons fait 2,4 % !

M. Jean-Pierre Balligand - Comme nous le craignions, le projet de loi de règlement entérine aujourd'hui 1,4 % de croissance du PIB en 2005 - l'INSEE et l'OCDE ayant même ramené ce chiffre à 1,2 %. Le principe de la sincérité des prévisions économiques et budgétaires, une fois de plus, n’a pas été respecté, et ce dans la plus parfaite impunité.

« Maîtrise des dépenses » et « bonne tenue des recettes de l'État » seraient, à vous lire, les maîtres mots d'une diminution de 0,9 % du déficit budgétaire. Malheureusement, il faut lire cette prose à la lumière de l'analyse qu'en ont faite les magistrats de la Cour des comptes dans leur rapport annuel, accablant pour l’État : « la dette financière de l'Etat (...) s'est accrue de 43,3 milliards, mais ce résultat a été exceptionnellement minoré par la hausse de l'encours de correspondants du Trésor – 5,1 milliards ». Je cite encore : « le partage entre opérations budgétaires et opérations de trésorerie ne répond pas à des règles suffisamment claires et a donné lieu en 2005 à certaines anomalies. »

M. le Rapporteur général – C’est ce que disaient chaque année les rapports sous la précédente législature !

M. Jean-Pierre Balligand - Je vais y venir. Plusieurs opérations - la reprise par l'Etat d'une partie de la dette du Fonds de financement de la protection sociale agricole ou encore les versements effectués par la Caisse de remboursements de la dette sociale pour l'apurement de la dette de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale - ont été considérées à tort comme des opérations de trésorerie, alors qu'elles auraient dû être comptées comme des charges budgétaires et peser sur le déficit de l'État.

M. le Rapporteur général – Pourquoi ne l’avez-vous pas dit entre 1997 et 2002 ?

M. Jean-Pierre Balligand - La différence s'élève tout de même à 5,5 milliards et porte le déficit réel de l'année 2005 à 49 milliards ! Rapporté au déficit inscrit en loi de finances initiale, ce résultat aboutit au niveau de dégradation record de 8,4 %, et non à une amélioration de 0,9 % ! Comme l'a reconnu Philippe Séguin, « Ce n'est pas irrégulier, mais on peut considérer que ça n'est pas sincère »…

Par ailleurs, la mise en œuvre précipitée, dans la loi de finances rectificative pour 2005, d'un nouvel acompte de l'impôt sur les sociétés, versé en décembre de la même année, a permis à l'Etat d'enregistrer par anticipation 2,3 milliards de rentrées fiscales.

Comme le note avec beaucoup de tact la Cour, ces sommes ont « joué un rôle important dans l'ajustement des recettes et du solde budgétaire ».

N’oublions pas non plus la soulte de 8,4 milliards versée à l'occasion du rattachement au régime général des retraites des industries électriques et gazières - une amélioration directe mais artificielle du déficit public équivalant à 0,5 % de PIB – ni les quelque 10 milliards de recettes non fiscales liées aux cessions de titres, privatisations ou reprises de dettes d'entreprises publiques en 2005 : 1,8 milliard pour France Telecom, 2,4 pour Gaz de France, 1 milliard pour la SNECMA, 4 pour l’ERAP et 0,5 pour Bull.

Le versement de cette manne précieuse pour l’Etat aura appauvri notre patrimoine industriel public, sans abonder le Fonds de réserve pour les retraites, ni réduire le montant préoccupant de la dette.

Au total, ce budget aura donc dépassé la simple insincérité : vous êtes à deux doigts de la manipulation budgétaire ! Comment expliquer autrement la progression vertigineuse de la dette publique française depuis 2002 - une dette qui s'établit pour 2005 à 1 138 milliards, soit 66,8 % du PIB.

Le comble, c'est que ce Gouvernement s'était paré de toutes les vertus en diligentant une commission spéciale sur le niveau de la dette publique et qu’il s’est s'érigé en parangon de la bonne gestion face aux collectivités territoriales.

Il va de soi que vous n’avez instruit votre procès médiatique sur la dette qu'à des fins partisanes et démagogiques, en vue de préparer l'opinion publique à vos annonces unilatérales de diminution du nombre de fonctionnaires et de contraction de la dépense publique.

C’est pourtant votre politique de diminution des rentrées fiscales et de cadeaux aux ménages les plus aisés qui est en cause ! Amorcée dès 2002 et accentuée pour 2006 et 2007, elle lie aujourd'hui les mains du Gouvernement et de la majorité pour la préparation du budget 2007, et elle préemptera les marges de manœuvre de leurs successeurs.

Autre but poursuivi : instruire à charge contre des collectivités locales prétendument responsables de la dérive des comptes publics, thèse chère à M. Méhaignerie.

En dépit de vos manœuvres de dénigrement systématique des présidents de régions et de départements, majoritairement à gauche depuis 2004, la situation financière des collectivités locales s'est améliorée en 2005. La progression de leurs dépenses d'investissement – 6,3 % – a dépassé celle de leurs dépenses totales – 5,2 % – et ces dernières ont progressé deux fois moins vite en 2005 qu'en 2004.

Par ailleurs, la progression des charges de fonctionnement a été divisée par 2,5 entre 2004 et 2005, et le besoin de financement des administrations publiques locales a été ramené en un an de 2,3 milliards à l,8 milliard, malgré une progression de 9,6 % des prestations sociales en espèces en 2005.

Dans ces conditions, les propos tenus le 13 juin dernier par le Premier ministre devant une assemblée de représentants des PME sonnent comme une véritable provocation : selon lui, « il ne sert à rien de diminuer les dépenses de l'Etat, si celles des collectivités locales dérapent parallèlement ».

A cela s’ajoute la remise en cause, dès l'an prochain, du contrat de croissance et de solidarité entre l'Etat et les collectivités.

M. le Rapporteur général – Le contraire a pourtant été annoncé ce matin !

M. Jean-Pierre Balligand - Cette volonté aveugle de condamnation financière et de sanction politique est d’autant plus scandaleuse que les collectivités locales représentent aujourd'hui 69,4 % de l'investissement public dans notre pays, alors que l'Etat est responsable de 78,1 % de la dette publique totale ! Comme le Gouvernement a beau jeu de se poser en redresseur de torts !

La Cour des comptes a d’ailleurs indiqué que les administrations locales «sont aujourd'hui moins confrontées que l'Etat et les administrations de sécurité sociale à un problème de solde ou d'endettement », et elle estime que « les engagements de l'Etat dans le cadre des contrats de plan seront difficilement respectés », le taux d’exécution des contrats de plan Etat-régions pour la période 2000-2006 s'élevant à seulement 66,5 % fin 2005, au lieu des 86 % attendus.

Certes, il n'appartient pas aux magistrats de la rue Cambon de sanctionner le pouvoir en place. Seuls le peuvent les élus de la nation et le peuple tout entier, qui devra bientôt tirer les conclusions politiques d'un échec gouvernemental si patent (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

M. le Ministre délégué – Pour revenir brièvement sur certaines observations, le prélèvement en faveur de la CADES n’a rien de nouveau, puisqu’il existe depuis 1996.

Quant à la reprise de la dette du FFIPSA, j’assume cette vraie décision de gestion qui revient à absorber une part importante du stock de dette, sans préjuger des rapports que remettra à l’automne le groupe de travail ad hoc.

S’agissant de la norme de dépense, Monsieur de Courson, des règles du jeu existent et je trouve dommage que vous passiez sous silence notre effort de maîtrise de la dépense à zéro en volume.

Nous ne serons décidément d’accord sur rien, Monsieur Desallangre, si j’en crois votre enthousiasme à taper sur le grand capital – un enthousiasme qui est d’un autre temps et d’un autre monde.

M. Jacques Desallangre - Comme c’est facile !

M. le Ministre délégué – Merci en revanche à M. Bouvard pour son travail remarquable au sein de la MILOLF. Nous avons besoin de vous pour explorer cette mine de propositions qui permettront d’enrichir l’information du Parlement !

Je note, Monsieur Balligand, que nous n’avez pas jugé bon de citer mon nom dans votre liste des ministres du budget successifs – je n’ai pourtant pas l’habitude de jouer au passe muraille ! Si cela devait se reproduire, j’envisagerais peut-être de quitter l’hémicycle au risque de ternir l’image du Parlement ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Balligand - Je ne vois pas à quoi vous faites allusion !

M. le Ministre délégué - Sur le fond, nous n’avons pas de leçons à recevoir, car vous avez croulé sous l’argent grâce à la cagnotte à la fin des années 1990 – 70 milliards d’euros supplémentaires – et vous n’en avez rien fait !

M. le Rapporteur général – Ils ont fait des dépenses !

M. le Ministre délégué – Il eût mieux valu consacrer ces sommes au désendettement comme nous le faisons.

M. Jean-Pierre Balligand - Faites donc de la croissance, si vous le pouvez !

M. le Ministre délégué – Il va bien falloir rembourser toutes ces dettes, et le prochain quinquennat ne sera pas de trop pour y parvenir !

M. Augustin Bonrepaux - Rappel au Règlement. Les érémistes bénéficiant d’un contrat d’avenir figurent-ils toujours dans les statistiques du RMI ? La question est simple, et pourtant c’est la quatrième fois que je dois la poser au ministre !

M. le Ministre délégué – Non, ça fait trois fois !

M. Augustin Bonrepaux - Il faudra bien que vous répondiez.

M. le Ministre délégué – Je le ferai jeudi.

M. Augustin Bonrepaux - Pourquoi jeudi ?

M. le Ministre délégué – Il faut bien vérifier avant de vous répondre !

M. Augustin Bonrepaux – Si vous n’y répondez pas jeudi, nous risquons fort d’y passer la journée et la nuit (Sourires). Je serai là !

M. Charles de Courson - Rappel au Règlement. Le concept de « dépenses nettes » que vous utilisez n’est absolument pas représentatif, car il existe cinq autres catégories de dépenses que vous glissez sous le tapis !

Je suis d’autant plus surpris que vous vous êtes déclaré ouvert, dans votre réponse à la Cour des comptes, à l’intégration des dépenses fiscales dans le plafond, ce qui serait la moindre des choses. Il serait trop facile de se prétendre vertueux en multipliant les dépenses fiscales.

J’ajoute que vous ne m’avez pas répondu sur le sujet des fonds de concours. Croyez-vous qu’il soit sérieux de vendre des actifs qui appartiennent à l’Etat afin d’en attribuer le produit à l’AFITF et d’en faire un fonds de concours destiné à financer les investissements routiers de l’Etat ?

J’aimerais, Monsieur le ministre, une réponse à mes questions !

M. le Ministre délégué – Nous nous contentons de suivre la charte de la débudgétisation, qui date de 2000. Pourquoi changer les règles du jeu en cours de partie ? Je ne suis pas hostile à des inflexions pour l’avenir, mais une loi de finances rectificative ne semble pas la meilleure occasion pour cela.

motion de renvoi en commission

Mme la Présidente - J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du Règlement.

M. Didier Migaud – Je ne défendrai pas cette motion de renvoi en commission, même s’il serait aisé de pointer le profond décalage qui sépare les intentions et la réalité de l’exécution budgétaire, l’optimisme béat du Gouvernement et la majorité n’ayant guère de rapport avec l’analyse dressée avec lucidité par la Cour des comptes.

Une fois encore, le Gouvernement a visiblement du mal à comprendre la réalité que vivent nos concitoyens. Ils souffrent des conséquences désastreuses des politiques menées par ce Gouvernement. La réalité, c’est la dégradation de nos finances publiques.

Notons également l’incroyable décalage entre les observations écrites du rapporteur général et ses conclusions orales, qui baignent dans la même autosatisfaction que les propos du ministre.

Compte tenu de cet état d’esprit, une nouvelle réunion de la commission des finances n’aurait guère d’utilité, même si la question posée par Augustin Bonrepaux pourrait à elle seule justifier le renvoi en commission.

M. le Ministre délégué – Je répondrai jeudi.

M. Didier Migaud - Nous avons bien compris que vous aviez besoin d’un peu de temps pour préparer cette présentation pédagogique, ou plutôt cet affichage.

Je m’étonne d’autre part que l’on puisse traiter avec aussi peu de considération le rapport de la Cour des comptes - pourtant très lucide - et faire fi d’un certain nombre de ses observations. Ce n’est pas à la hauteur de l’enjeu auquel notre pays est confronté.

Je ferai enfin une suggestion au président de notre commission des finances. La loi de règlement doit être l’occasion, quelle que soit la majorité, d’apprécier la réalité d’une politique budgétaire. Nous avons là, manifestement, une marge de progrès.

M. Michel Bouvard - C’est incontestable.

M. Didier Migaud - Je suggère que nous travaillions davantage en commission élargie sur ce projet de loi de règlement, ne serait-ce que pour mieux impliquer nos collègues des autres commissions.

D’une certaine façon, j’ai présenté la motion de renvoi en commission. Je souhaite donc, Madame la Présidente, que vous fassiez procéder immédiatement au vote. La désertion de nos collègues de l’UMP, alors même qu’il s’agit de leur propre bilan, montre bien l’absence de confiance, voire la défiance que leur inspire la politique conduite par ce gouvernement.

M. le Ministre délégué – Je confirme à M. Bonrepaux qu’il aura sa réponse sur les contrats aidés, comme d’habitude. Il en aura pour son argent !

Plusieurs députés socialistes – A l’euro près ! (Sourires)

M. le Ministre délégué – Je déplore moi aussi qu’il y ait peu de monde dans l’hémicycle, mais c’est assez habituel sur un tel sujet. Du reste, il y avait plus de députés tout à l’heure. Peut-être y a t’il lieu de suspendre la séance quelques instants…

M. Didier Migaud - Je ne demande pas de vote !

M. le Ministre délégué – Mais M. Migaud a l’élégance de ne pas demander de vote, ce qui règle le problème. Je vois d’ailleurs des renforts arriver (Rires sur tous les bancs)

Mme la Présidente - M. Migaud ayant retiré sa motion de renvoi en commission, nous ne passons pas au vote.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir à 21 heures 30.
La séance est levée à 20 heures 5.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

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