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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du mercredi 21 juin 2006

Séance de 15 heures
106ème jour de séance, 249ème séance

Présidence de M. Jean-Louis Debré

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La séance est ouverte à quinze heures.

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questions au gouvernement

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

situation politique

M. Jean Leonetti - Monsieur le Premier ministre, j’ai la conviction – j’en suis sûr partagée – que dans cet hémicycle, chacun d’entre nous est animé par l’amour de son pays et par la recherche de l’intérêt général, au service de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Un député communiste et républicain – Au service du Medef !

M. Jean Leonetti - Dans ce grand lieu de la démocratie, les débats sont tour à tour animés, vivants et respectueux (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste), apaisés. Ils doivent être vivants car la démocratie est inconcevable sans la passion. Ils doivent être apaisés car il n’existe pas de démocratie sans respect des valeurs et sans respect de l’autre (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste).

Le Gouvernement a restauré la sécurité publique (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste) ; il a remis sur ses rails la cohésion sociale (Même mouvement) ; il a enregistré des résultats économiques très encourageants, avec une baisse notable du chômage (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste et applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Monsieur le Premier ministre (« Démission ! » sur quelques bancs du groupe socialiste), alors que les échéances électorales sont proches, comment poursuivre une action de manière sereine mais déterminée (« En démissionnant ! » sur quelques bancs du groupe socialiste) et faire de cette période une année utile pour notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique de Villepin, Premier ministre - Permettez-moi de me tourner d’abord vers vous, Monsieur Hollande. Hier, j’ai dénoncé une attitude ; en aucun cas, je n’ai voulu me livrer à des attaques personnelles (Protestations sur quelques bancs du groupe socialiste), que je condamne. Si certains mots vous ont personnellement blessé, je le regrette et je les retire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Dans une démocratie, chacun a sa place et son rôle à jouer, dans l’écoute mutuelle, le dialogue et le respect.

Mais pour que nous puissions avancer dans la voie d’une démocratie apaisée, Monsieur Hollande, il nous faut tirer les leçons des dernières années et des derniers mois.

M. Patrick Roy - Comme pour l’affaire Clearstream !

M. le Premier ministre – Combien de jeux stériles, combien de provocations inutiles (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste), combien de sous-entendus porteurs de rumeurs ! (Un député à gauche : « Il faut le dire aux juges d’instruction ! » et protestations sur les bancs du groupe UMP) Vous en conviendrez, Monsieur Hollande, je n’ai pas été épargné par les attaques personnelles, par la calomnie et par le mensonge.

À notre majorité et à Jean Leonetti, je veux dire que nous avons accompli un travail considérable en quatre ans (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard - Un travail de démolition, oui !

M. le Premier ministre - Avec Jean-Pierre Raffarin, nous avons engagé la réforme des retraites ; nous avons réformé l’assurance maladie ; nous avons lancé une politique du logement ambitieuse.

M. Patrick Roy - Avec des stock-options !

M. le Premier ministre - Aujourd’hui, sous l’impulsion de la majorité et du Gouvernement, travaillant dans la voie tracée par le Président de la République, le chômage baisse, la croissance repart, les comptes publics se redressent.

Maintenant, le Gouvernement doit se concentrer sur ses priorités et continuer de répondre aux attentes et aux préoccupations des Français, en matière de sécurité, d’emploi, d’éducation et de solidarité, tout en préparant l’avenir.

M. Bruno Le Roux - Partez !

M. le Premier ministre – Le Gouvernement sera à sa tâche, dans un souci de concertation et de rassemblement. Nous pouvons être fiers de ce que nous réalisons. Défendons nos valeurs et nos convictions, soyons au rendez-vous de l’action et du résultat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

eads

M. Jean-Marc Ayrault – Monsieur le Premier ministre, nous prenons acte de votre déclaration et de vos excuses. Vous y étiez tenu, car accuser François Hollande, chef de l’opposition, de lâcheté, c’était commettre l’injure la plus grave à l’endroit d’un homme public, c’était insulter les députés socialistes et l’opposition, c’était, d’une certaine façon, outrager le Parlement dans son entier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

Certes, nous nous affrontons souvent au sein de cette Assemblée, et ce, sans complaisance. C’est là la dure loi de la démocratie parlementaire, mais le respect des personnes est une règle qui s’impose à tous (« À vous aussi ! » sur les bancs du groupe UMP). Dans cet hémicycle, il n’y a pas de braves ou de lâches, il n’y a que des députés élus, qui ont eu le courage d’affronter le suffrage universel ! (Brouhaha sur les bancs du groupe UMP) N’oublions pas que nous sommes ici par la volonté du peuple. Bien au-delà de nos personnes, c’est lui que nous devons respecter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Monsieur le Premier ministre, je pose à nouveau la question qu’avait formulée François Hollande hier, sur EADS. Maintenez-vous votre confiance à son PDG ? Vous avez annoncé hier un changement de pacte d’actionnaires au sein de l’entreprise : est-ce une remise en cause des accords franco-allemands ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Premier ministre – Monsieur le président Ayrault, je vous remercie de me poser cette question, avec plus de sérénité que ce ne fut le cas hier. Je suis très heureux d’y répondre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). EADS est une grande entreprise, dont les Français sont fiers…

M. Paul Giacobbi - Pas trop ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Premier ministre - …et ils ont raison. EADS et Airbus représentent des dizaines de milliers d’emplois en France. Nous avons gagné ensemble ce grand pari technologique, que nous avions engagé avec nos partenaires européens. C’est pourquoi le Gouvernement est décidé à prendre toutes les mesures nécessaires pour qu’EADS sécurise ses délais de production et fournisse ses clients dans les meilleures conditions.

Il y a des décisions urgentes à prendre : elles seront prises. Thierry Breton les prépare, en liaison avec nos partenaires français et européens. En matière économique, énergétique et industrielle (« Et Forgeard ? » sur les bancs du groupe socialiste), nous sommes au rendez-vous de la responsabilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

chirurgiens

M. Claude Leteurtre - Allons-nous vers une France sans chirurgiens ? Il y a un an, Monsieur le ministre de la santé, je vous interrogeais, avec Olivier Jardé, sur votre détermination à faire signer par l’UNCAM l’accord du 24 août 2004, signé par votre prédécesseur, et qui engage le ministre de la santé et les chirurgiens. Vous m’aviez assuré que la parole donnée serait respectée. Mais le 24 juillet, nous risquons de nous retrouver sans blocs opératoires. Depuis le 2 mai, les anesthésistes-réanimateurs tirent la sonnette d’alarme en déposant des préavis de grève répétés. Aucun problème de l’assurance professionnelle n’étant réglé, 500 accoucheurs cesseront leur activité en fin d’année.

Le point 9 de l’accord, qui porte sur l’ouverture d’un secteur optionnel, concerne 1 000 des 4 000 chirurgiens de notre pays. Je rappelle qu’un chirurgien viscéral gagne aujourd’hui moins qu’un médecin généraliste. À l’heure où l’on évoque une réforme de la chirurgie, en faveur de laquelle notre collègue Domergue se dépense sans compter, il faut que la parole donnée soit respectée. M. Van Roekeghem, actuel directeur général de l’UNCAM, était directeur de cabinet de M. Douste-Blazy lorsque l’accord a été signé. L’avenir de la chirurgie sera-t-il assuré ? Ferez-vous respecter cet accord, et si oui, à quelle échéance ? Dans quelle mesure agirez-vous ? Les chirurgiens attendent une réponse concrète ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités Je ne veux pas d’une France sans chirurgiens. Encore faut-il se donner les moyens de respecter les accords qui ont été signés. Je vous confirme que les points qui n’étaient pas encore réglés au moment où vous m’aviez posé votre question il y a un an ont tous été abordés depuis. Vous savez, d’autre part, que les actes des chirurgiens du secteur 1 – c’est-à-dire pratiquant des tarifs pris en charge par l’assurance maladie – ont été réévalués. Quant à la responsabilité civile professionnelle, c’est un sujet qui est loin d’être simple. Il faudra donc que chacun prenne ses responsabilités : les parlementaires sont-ils prêts à écrêter le niveau d’indemnisation ? Cette question ne doit pas être taboue, et j’aimerais avoir votre contribution.

J’en viens au point 9. Allons au bout du raisonnement : il s’agit de faire passer 1 000 chirurgiens en secteur 2, donc de les autoriser à pratiquer des honoraires libres. Or vous ne pouvez pas me garantir que l’égalité d’accès aux soins sera assurée dans ces conditions. Je fais donc une autre proposition, qui engage aussi l’assurance maladie et les organismes complémentaires : elle consisterait à mettre en place un secteur optionnel intéressant à la fois des chirurgiens du secteur 1 et ceux du secteur 2, de manière à offrir aux Français davantage de garanties et de meilleures possibilités de remboursement.

J’ai réuni tous les acteurs autour de la table au mois de février. Tout cela prend plus de temps que je ne le souhaitais, en raison d’élections professionnelles, mais je suis déterminé à avancer. J’aimerais que cette volonté soit partagée par tous les acteurs dont vous avez parlé (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

revalorisation du SMIC

M. Jacques Desallangre – Monsieur le Premier ministre, une échéance cruciale approche pour plus de trois millions de nos concitoyens – près de 17 % de la population active de notre pays : le 1er juillet, date de la revalorisation annuelle du SMIC.

Plus de trois millions de personnes employées à temps plein vivent encore avec moins de 1 000 euros par mois, et quelques centaines de milliers survivent avec encore moins, n’ayant qu’un emploi à temps partiel. Les salariés les plus modestes sont concernés par ce qui devrait être un plancher de rémunération, mais plus de 60 branches professionnelles restent hors la loi, avec des minima salariaux inférieurs au SMIC. Ces rémunérations sont injustes dans un pays comme le nôtre. Il faut donc, dès demain, porter le SMIC à 1 500 euros.

Cela vous paraît impossible, et vous préféreriez le faire en 2012 ? (Interruptions sur les bancs du groupe UMP) Mais c’est hypocrite, car cela ne représenterait qu’une hausse de 3 % par an, soit 1 % de plus que l'inflation (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

Cela vous semble irréaliste au regard de la capacité de notre économie et de nos entreprises ? Mais nos grandes entreprises ont vu leurs profits augmenter de 33 % en 2005, et le coût de cette mesure ne s’élève qu’à 9 milliards. Il n'y aurait pas assez d'argent pour les smicards, quand les grands patrons se gavent de stock options et bénéficient de parachutes dorés ? M. de Castries, PDG d’Axa, a touché en 2005 47 millions d'euros – 2 600 années de SMIC à 1 500 euros –, M. Arnault, PDG de LVMH, 91 millions d’euros – 5 000 années de SMIC à 1 500 euros. En 2006, M. Zacharias, PDG de Vinci, a touché 173 millions d’euros – 9 000 années de SMIC à 1 500 euros ! Les 5,5 millions d’euros de M. Forgeard sont une misère en comparaison, mais il a vendu ses titres à la veille d’une culbute du cours. Il ignorait naturellement que son groupe annoncerait des résultats catastrophiques le lendemain…

Oui, l'économie française peut supporter demain cette mesure ! Allez-vous profiter de la revalorisation du 1er juillet pour porter le SMIC de 1 217 à 1 500 euros, et encourager le patronat à partager son indécent pactole? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l’industrie La priorité du Gouvernement, c’est l’augmentation du pouvoir d’achat (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). En quatre ans, la revalorisation du SMIC a représenté plus d’un mois de salaire supplémentaire pour les salariés payés à ce niveau. Bien sûr, nous essayons de faire plus.

Quant à la question de la rémunération des dirigeants d’entreprise, elle doit être abordée sous l’angle de la responsabilité.

La responsabilité de l’entreprise, c’est de servir ses clients, ses salariés puis ses actionnaires – dans cet ordre. La responsabilité va avec la transparence. Dans la loi sur la modernisation de l’économie, que vous avez votée il y a un an, j’ai souhaité que la transparence la plus totale soit faite sur la rémunération des actionnaires et des dirigeants (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). La responsabilité va aussi avec le contrôle. Il appartient ainsi aux conseils d’administration de prendre des mesures quand il y a des excès.

Responsabilité et participation, en quatrième lieu : il faut un vote des actionnaires en assemblée générale quand une rémunération lie le dirigeant à l’entreprise par le biais d’une convention ou d’une convention réglementée. Responsabilité et partage, enfin : cela se fera dans le cadre de la loi sur la participation que je présenterai prochainement avec M. Larcher, afin que les salariés puissent eux aussi bénéficier d’actions (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

installation des jeunes agriculteurs

M. Marc Bernier - Monsieur le ministre de l’agriculture, s'il est un sujet qui préoccupe l'ensemble des élus ruraux, c'est bien celui de la reprise des exploitations agricoles et de l’installation des jeunes.

L'agriculture française doit faire face à de profondes mutations, liées aux négociations de l'OMC et à l'application de la réforme de la PAC. Dans ce nouveau contexte économique et social, l'exploitation a vocation à se transformer en une entreprise agricole et rurale, créatrice d'activités et d'emplois, dotée de débouchés économiques durables. Il faut adapter en conséquence le parcours de formation des jeunes ainsi que les outils de reprise d'exploitations. La loi d'orientation agricole a apporté à cet égard un certain nombre de réponses. C'est une première étape qu'il faut saluer !

Mais les jeunes agriculteurs demandent que le Gouvernement poursuive cette démarche d’accompagnement de leur début de carrière, étant entendu que les difficultés ne viennent pas du manque de cédants mais plutôt des capitaux à mobiliser pour une reprise. Lors du dernier Congrès national des jeunes agriculteurs, vous avez exprimé à ces futurs chefs d'entreprises agricoles l'attachement de toute la nation à cette activité économique. Aussi, Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quelles actions votre ministère a engagées pour aider les jeunes à s’installer, afin que l'agriculture française réussisse dans la compétition mondiale et que la France reste fidèle à sa vocation agricole ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche  Je vous remercie tout d’abord pour l’excellent travail que vous avez accompli dans le cadre du rapport sur l’entreprise agricole que vous avez remis au Premier ministre.

M. Estrosi et moi avons proposé hier au Premier ministre une liste de pôles d’excellence rurale. Ces pôles contribueront à rendre nos campagnes vivantes, mais cela suppose évidemment qu’il reste des agriculteurs, et donc que des jeunes s’installent. C’est ce qui a été rappelé au Congrès des Sables-d’Olonne.

Nous avons pris un certain nombre de mesures en ce sens dans la loi d’orientation agricole : je pense à celles sur le bail cessible, sur le fonds agricole et sur le crédit transmission. L’instruction fiscale sur ce dernier sujet a été publiée il y a quelques jours, de sorte que la mesure est maintenant totalement applicable.

Vous savez que la dotation jeunes agriculteurs est maintenant versée en une seule fois. M. Copé et moi étudions la possibilité qu’elle soit défiscalisée l’année du versement. Nous avons d’autre part baissé les taux des prêts bonifiés ; nous avons supprimé toute une série de contrôles ; nous avons réduit la durée d’engagement du chef d’exploitation ; nous avons adapté le parcours d’installation ; et nous travaillons avec les jeunes sur la validation de l’expérience.

Pour nourrir les Français, pour exporter et pour répondre à nos besoins en biocarburants et en « chimie verte », il nous faut une agriculture de qualité et il nous faut des jeunes. Je pense que toutes ces mesures vont dans la bonne direction. Nous en proposerons d’autres dans les mois à venir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

construction de logements

M. Michel Piron - En 2004, la loi relative aux libertés et responsabilités locales donnait aux agglomérations et aux départements la possibilité d’assumer une plus grande responsabilité dans la construction de logements, en finançant directement les opérations de logement social, en lieu et place de l’État. On encourageait ainsi une certaine forme de décentralisation de cette politique.

Un an plus tard, la loi de cohésion sociale a défini des objectifs ambitieux de relance de la construction tant dans le parc public que dans le parc privé, et a fait des délégations de compétence l’un des instruments de sa mise en œuvre.

Nombreux sont les élus prêts à prendre davantage de responsabilités dans le domaine de l'habitat et souhaitant que l'État accompagne leur démarche financièrement et techniquement. Presque un an et demi après le lancement du plan de cohésion sociale et des premières délégations de compétence, quel est l'état des lieux et quelles sont les perspectives pour 2007 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement - Monsieur le député et Monsieur le président du Conseil national de l’habitat, dans cette bataille cruciale visant à offrir un toit à chaque Français, le Gouvernement et le Parlement se sont fixé pour objectifs de doubler la production de logements, tous parcs confondus, et de tripler la production de logements sociaux.

À cette heure, 538 000 permis de construire ont été déposés. C’est presque un doublement de la production générale de notre pays en cinq ans. En matière de logement social, le doublement est d’ores et déjà acquis.

Pour aller plus vite, un certain nombre d’agglomérations ont souhaité avoir dans leurs compétences la construction de logements conventionnés. Dans le cadre du plan de cohésion sociale, nous avons dit chiche ! Les délégations de compétence sont accordées sur la base d’un contrat qui impose de faire au moins aussi bien, au niveau local, que le prévoit le plan de cohésion sociale au niveau national. En 2005, seize délégations ont été signées ; en 2006, quatre-vingt-deux, qui couvrent plus de 50 % de la population de notre pays. Je dois dire que toutes les villes, agglomérations ou départements qui ont demandé la délégation de compétence ont toutes respecté les engagements pris par contrat.

Nous avons ainsi combiné action de proximité et solidarité nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

fonds de réserve des retraites

Mme Martine David - M. Ayrault vous a posé deux questions, Monsieur le Premier ministre. Faut-il que vous soyez gêné pour ne pas dire la vérité sur EADS, et sur l’avenir de son PDG et du pacte d’actionnaires ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

En 1999, le gouvernement de Lionel Jospin créait le Fonds de réserve des retraites. Cet outil devait permettre de constituer une épargne collective de nature à sécuriser la retraite par répartition. Initialement doté de sept milliards, son abondement avait atteint près de 13 milliards en 2002. Depuis, vous avez été certes contraints d’y verser quelques subsides, mais délaissant de fait cet efficace levier de financement, votre majorité a préféré imposer une réforme augmentant la durée de cotisation et générant des reculs sociaux. Cette précarisation a touché les retraités, dont le niveau de pension n'est plus garanti, mais également les salariés, pour lesquels la retraite à 60 ans à taux plein est devenu une perspective bien incertaine. Parallèlement, victime d'une imprévoyance coupable, le Fonds de réserve est tombé en déshérence : l’objectif d'une épargne de plus de 150 milliards en 2020 a ainsi été abandonné. Comment ne pas craindre, dès lors, que vous renonciez à préserver la retraite par répartition, au détriment de toute solidarité ? Comment expliquer l’actuelle situation du fonds, sinon par votre volonté de le démanteler alors que ses ressources constituent le meilleur moyen de faire face aux déséquilibres démographiques entre actifs et retraités ?

Dites la vérité aux Français ! Quelles sont vos intentions à l'égard du Fonds de réserve des retraites ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités Vous défendez votre conception de la vérité, mais je vais vous en exposer une autre. En 1999, la question des retraites pouvait être traitée de deux manières : par la réforme ou par la multiplication de rapports voués à disparaître, assortie de la création d’un fonds… qui avait vocation à intervenir en 2020, et pas en 2000 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Le Fonds de réserve des retraites est aujourd’hui abondé à hauteur de 27 milliards mais il devrait en fait en compter 35. Pourquoi cette différence ? Parce que vous avez détourné ces fonds en 2000 pour financer les 35 heures ! (Huées sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste) Le fonds est actuellement abondé chaque année de 2,5 milliards. Le parti socialiste n’ayant pour seul projet que l’abrogation de la réforme des retraites, les Français doivent savoir si vous voulez remettre en cause l’équité entre secteurs public et privé en remettant en question l’égalité de la durée de cotisation (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Ils doivent aussi savoir quelle est votre conception de la justice sociale : nous avons quant à nous permis aux Français qui ont travaillé dès l’âge de 14 ou 15 ans de pouvoir partir à la retraite avant l’âge de 60 ans (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Si vous abrogez la réforme des retraites, je n’ose imaginer que vous remettrez au travail les 300 000 personnes dans cette situation qui sont déjà parties en retraite, mais quid des 200 000 qui ont prévu de partir dans les années qui viennent ? Allez-vous refuser ce droit ? Si tel était le cas, ce serait scandaleux ! (Applaudissements soutenus sur les bancs du groupe UMP)

taux d’encadrement des élèves

Mme Geneviève Colot – L’Éducation nationale emploie plus de 1,2 million de personnes et son budget est le premier de la nation avec 80 milliards d’euros. En 2007, on dénombrera 30 000 élèves en moins, en particulier dans les collèges et les lycées. Vous prévoyez, Monsieur le ministre de l’Éducation nationale, une baisse du nombre d’emplois de 0,6 %, soit 7 000 postes, essentiellement dans le secondaire. En revanche, les effectifs étant en hausse dans le primaire, le nombre d’enseignants y augmentera, de même que dans les secteurs prioritaires que sont l’enseignement supérieur et la recherche. Les parents d’élèves et leurs fédérations sont néanmoins inquiets quant à l’encadrement de leurs enfants. Pouvez-vous les rassurer ? Comment concilier la gestion rigoureuse des finances publiques avec la qualité de l’enseignement et de l’encadrement des jeunes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche – La France est le pays qui dépense le plus au monde pour l’éducation et, parce que celle-ci est une priorité, chaque euro doit être dépensé avec le plus grand soin. Mais la qualité de l’éducation, c’est aussi une question de méthode : la majorité a ainsi défini le socle commun de connaissances et de compétences ; tous les élèves handicapés sont désormais accueillis ; l’éducation prioritaire est relancée ; en cas d’absences de courte durée les remplacements sont effectifs. Dès septembre 2006, la note de vie scolaire entrera dans les faits et l’apprentissage de la lecture sera renforcé grâce à des méthodes comprises de tous (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Les moyens sont eux aussi au rendez-vous. En raison de la réforme des retraites, des enseignants font valoir leur droit un peu plus tard. Des rapports de la Cour des comptes, de l’inspection des finances ou de l’inspection générale de l’Éducation nationale montrent en outre que l’on dénombre aujourd’hui 28 000 décharges équivalent temps plein, datant parfois de 1950. Certaines sont de nature règlementaires, d’autres non. Nous allons engager une concertation pour vérifier s’il est possible de mobiliser davantage de professeurs devant les élèves. Enfin, en 2007, le taux d’encadrement sera égal à celui de 2006 avec un professeur des écoles pour moins de 19 élèves et à 24 élèves par classe, au plus, en moyenne dans le secondaire.

Oui, il faut concilier gestion budgétaire rigoureuse et qualité de l’enseignement ! Si nous voulons une éducation nationale plus efficace, nous ne voulons pas non plus laisser davantage de dettes à cette génération ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Roy - Justice pour les ZEP !

simplifications administratives pour les pme

Mme Patricia Burckhart-Vandevelde - La complexité des formalités administratives pénalise trop souvent les PME et distrait inutilement leurs dirigeants de leurs fonctions. Dans certains cas, les relations entre administrations et entreprises restent conflictuelles, là où il faudrait un dialogue constructif. Les gouvernements doivent donc veiller en permanence à simplifier les tâches administratives des entreprises, et en particulier des PME. C’est ce qu’a fait celui-ci depuis 2002 : le chèque emploi TPE, qui simplifie radicalement les formalités d'embauche, a ainsi été lancé en septembre dernier et a connu depuis un vif succès. Monsieur le ministre des PME, vous avez présenté votre nouveau plan de simplifications en faveur des PME, la semaine dernière, lors de l'inauguration de « Planète PME ». Quelles en sont les principales mesures ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et des professions libérales - Madame la députée, je vous remercie de rappeler, à l’occasion de la première question que vous posez dans cet hémicycle, les efforts que nous déployons pour simplifier la vie de ceux qui entreprennent. Il est vrai qu’auparavant, beaucoup s’étaient au contraire employés à compliquer la tâche des artisans, des commerçants et des professions libérales. À la demande du Premier ministre, avec Thierry Breton, Xavier Bertrand, Philippe Bas…

M. Jean Glavany - N’oubliez pas Mme Vautrin ! (Rires)

M. le Ministre - …nous avons engagé un vaste mouvement de simplification, que les propositions des parlementaires pourront encore enrichir. D’abord, nous avons voulu sécuriser la vie des entrepreneurs, en généralisant le rescrit social et fiscal, lequel rend opposable la réponse faite par l’administration à une demande d’une entreprise. Ensuite, nous nous attachons à simplifier les formalités : les entreprises sont assaillies de demandes des administrations ; désormais, nous posons le principe que toute information donnée à une administration est réputée acquise pour toutes les autres. Par ailleurs, nous généralisons le guichet unique pour les prélèvements sociaux et fiscaux. Avant le début du mois de juillet, sera créé en France le régime social des indépendants, ce qui constitue une grande réforme de la sécurité sociale. Enfin, la création d’entreprise est encore simplifiée. Au reste, et c’est encore une bonne nouvelle de ce mois de juin, la création a augmenté de 7 % entre mai 2005 et mai dernier. Les entrepreneurs ont moins besoin d’aides que d’air : nous nous employons à leur en donner davantage ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

Passeports sécurisés

M. Claude Bartolone – J’appelle l’attention du Gouvernement sur les difficultés que connaissent nombre de préfectures du fait de leur sous-effectif…

Plusieurs députés UMP - Merci les 35 heures !

M. Claude Bartolone - La qualité du service rendu à l’usager s’en ressent. À la veille des départs en vacances, je prendrai l’exemple des passeports biométriques et des cartes nationales d’identité, car les conditions de leur délivrance créent des inégalités entre citoyens. En Seine-Saint-Denis, il faut actuellement six semaines pour obtenir un passeport alors qu’il n’en faut que trois à Paris. Il faut attendre neuf semaines pour recevoir une carte d’identité quand dix jours suffisent à Paris. Faute de personnel, on a supprimé les guichets d’obtention rapide du passeport et la délivrance accélérée pour raisons professionnelles, alors que ces deux services sont maintenus ailleurs. Nombre de nos concitoyens ont aujourd’hui le sentiment qu’ils sont traités différemment en fonction de leur lieu de résidence. C’est d’autant moins acceptable que les conditions de délivrance du passeport sécurisé sont devenues draconiennes : on vu, il y a dix jours, la photo d’un nourrisson être refusée parce qu’il fermait les yeux !

Le Gouvernement entend-il réagir pour que toutes les préfectures de nos départements soient en mesure d’offrir aux usagers le service qu’ils sont en droit d’attendre ? Enfin, permettez-moi de demander si nous aurons un jour le privilège de voir le Premier ministre et le ministre de l’intérieur siéger ensemble au banc du Gouvernement pour répondre à nos questions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président – L’important, c’est la réponse !

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire - Monsieur le député, le ministre d’État a donné toutes les instructions nécessaires pour que, désormais, les passeports biométriques soient délivrés sur l’ensemble du territoire et ce sont 18 000 titres qui sont produits chaque jour. S’il faut, en moyenne, quinze jours d’attente, nous sommes en passe de réduire ce délai à huit jours. À la veille des vacances, il est vrai que certains départements – dont le vôtre – enregistrent beaucoup de demandes, souvent lourdes à traiter. Pour y faire face, la préfecture a renforcé ses équipes et informe chaque jour les mairies de la liste des dossiers transmis à l’Imprimerie nationale. Il est exact qu’il existe une différence entre Paris et le reste du territoire. À Paris, les services de la Préfecture de police sont présents dans les mairies, alors qu’ailleurs, ce sont les mairies qui, pour faciliter la vie des usagers, reçoivent les dossiers. Cependant, s’il y a urgence, il est toujours possible – y compris en Seine-Saint-Denis - de déposer directement la demande en préfecture ou en sous-préfecture, ce qui permet d’obtenir un passeport non sécurisé en moins de 24 heures.

Si nous sommes confrontés à ces délais, c’est parce que nous avons passé un accord bilatéral avec les États-Unis pour faciliter les déplacements et sécuriser les flux migratoires entre nos deux pays…

M. Jean-Marie Le Guen - N’importe quoi !

M. le Ministre délégué – Monsieur Bartolone, si vous voulez que ça aille plus vite, votez la loi sur l’immigration et nous libérerons des fonctionnaires pour délivrer les passeports ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

sécurité dans les ascenseurs

M. Patrick Balkany - Je veux tout de suite rassurer M. Bartolone : dans les Hauts-de-Seine, les passeports, ça marche très bien ! (Huées sur les bancs du groupe socialiste)

Dimanche dernier, dans un immeuble HLM de Levallois, onze personnes ont été blessées dans la chute d'une cabine d'ascenseur. Le bilan aurait pu être beaucoup plus lourd et c’est un miracle si cette chute de quinze étages n'a fait aucun mort. Afin de prévenir de tels drames, dus à la vétusté ou au mauvais entretien des ascenseurs dans les immeubles d'habitation collectifs – en particulier dans les logements sociaux –, le Gouvernement a fait voter, au printemps 2003, une loi sur la sécurité dans les ascenseurs : merci Monsieur de Robien !

Il s'agissait alors de rendre sûr l'usage des cabines, en renforçant les mesures d'entretien et de mise aux normes du parc. L'application de ces dispositions ne semble pas poser de problème dans les immeubles privés. Dans l'habitat social, elle est efficacement assurée par les offices municipaux et départementaux d’HLM : c'est ainsi qu'à Levallois, les 87 ascenseurs qui dépendent de l'office municipal ont été entièrement remis aux normes. Cependant, certains bailleurs sociaux privés tardent à appliquer la loi et préfèrent attendre le dernier moment – soit en 2008 – pour commencer les travaux, ce qui met en danger leurs locataires. Cela n'est pas acceptable.

La crise du logement social n'est pas seulement due au manque de logements. Au quotidien, elle procède aussi de graves carences en matière d'entretien et de sécurité des grands ensembles.

M. le Président - Posez votre question, Monsieur Balkany.

M. Patrick Balkany - Aussi, Monsieur le ministre du logement, je m'interroge sur les conditions du maintien de l'agrément des sociétés privées d'HLM, lorsque celles-ci délaissent, parfois volontairement et de manière répétée, les missions essentielles que sont l'entretien, la rénovation et la sécurisation de tout ou partie de leur patrimoine.

Mais je vois que cela n’intéresse pas le Président…

M. le Président – Bien sûr que si, Monsieur Balkany ! Mais cela n’empêche pas que le Règlement s’applique à tout le monde, y compris à vous. Je n’ai tout de même pas de leçon à recevoir de vous (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement  Je comprends votre émotion, après l’accident qui a eu lieu dans votre ville. Il y a quatre ans, nous avons connu une série terrible d’accidents : la mort du petit Fethi, 9 ans, par exemple, dans un ascenseur qui avait connu quinze incidents au cours des deux mois précédents. Il suffit de voir, dans les quartiers, l’état des logements sociaux : des douilles, des fils électriques et des câbles à haute tension qui traînent, des tuyaux de gaz percés… C’est ce qui a motivé le grand programme de rénovation urbaine, doté de près de 35 milliards, et la loi de Robien sur le contrôle général des ascenseurs. Sur ce sujet en particulier, l’inspection générale du logement social fait le point organisme par organisme. Aucune société HLM ne passera l’année sans avoir effectué les entretiens sur tous les sites. Sur le fond, la rénovation de l’ensemble de nos quartiers est bien le défi que veut relever notre majorité (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

mondialisation des règles sociales

M. Jean-Marie Sermier – La situation de l’emploi et de l’économie s’améliore et le chômage baisse depuis un an, mais nos compatriotes restent anxieux et persistent à trouver leur environnement économique instable et précaire. Ils constatent que leurs entreprises sont toujours menacées par la concurrence extérieure, qui induit une pression à la baisse sur les salaires et ne leur laisse de choix qu’entre risquer de perdre son emploi ou accepter des emplois de moindre qualité. Nous savons que l’ouverture des marchés européens et mondiaux peut être bénéfique en termes de production de richesses, mais pour que celles-ci profitent à tous, des règles sociales minimales doivent aussi être communes à tous les pays qui participent à ces échanges. Il faut faire cesser la course au moins-disant social. Comment construire une véritable Europe sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes Si l’ouverture des marchés peut, et doit, être créatrice de richesses, nos concitoyens ont le sentiment que l’absence de règles sociales minimales rend la concurrence déloyale et entraîne notre modèle social vers le bas. Le Président de la République l’a rappelé à l’assemblée générale de l’Organisation des Nations unies en novembre 2004.

Comment concilier la mondialisation et un ensemble de règles sociales minimales qui constitue un projet pour le monde ? Au niveau européen, et sous l’impulsion du Premier ministre, le Gouvernement défend des positions très exigeantes. Avec l’Espagne et la Belgique, entre autres pays, nous avons inclus dans le projet de directive sur le temps de travail une limite maximale et empêché les dérogations généralisées. Pour faire suite à l’affaire Hewlett-Packard, le dernier Conseil européen a aussi institué un fonds « antichoc » à propos duquel nous avons débattu hier avec les partenaires sociaux.

La commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation, qui relève de l’Organisation internationale du travail, fait aussi progresser les choses et la France y est au premier rang. Au nom du Gouvernement français, le 5 juin, j’ai demandé l’interdiction mondiale de l’amiante ; le 14 juin, l’OIT la votait. En février, la convention maritime a imposé, sous présidence française, l’adoption de règles minimales pour tous les pavillons et tous les marins du monde. Enfin, le Gouvernement vient de signer une convention avec le Bureau international du travail pour lutter contre le travail des enfants dans le monde. Voilà concrètement l’action de la France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

maintien des services publics

M. Gérard Charasse - Monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé la suppression de 19 000 postes de fonctionnaires. Vous parlez à la France comme EADS à ses actionnaires, en ramenant le travail à un coût et le fonctionnaire à un déficit. À vous observer à la manœuvre, les Français ont compris que vous allez faire payer au service public les trois milliards d’allégements fiscaux que vous avez consentis aux titulaires de hauts revenus l’année dernière – et que vous aviez annoncés avant même que le Parlement n’en discute.

Tout le monde n’habite pas rue de Varenne ou dans les banlieues argentées. Il y a en France des territoires que le service public irrigue et structure. Vichy est ainsi, malgré ses 70 000 habitants, la seule agglomération de France à ne pas encore avoir de liaison directe avec les grands axes routiers. Après dix années de travail acharné, elle est sur le point d’y parvenir. Croyez-vous qu’elle n’ait plus besoin de fonctionnaires de l’Équipement, qu’elle puisse se passer d’investissements ferroviaires ? Croyez-vous qu’en y appauvrissant l’enseignement, la Poste, la santé publique ou les services de l’énergie, elle ait une seule chance de rester attractive ?

Votre décision porte un rude coup à ceux qui servent la République, mais envoie aussi un signal détestable aux acteurs des territoires en mutation, où l’offre de services publics est vitale et où l’on sait d’expérience que le travail n’est pas un coût, mais un investissement. Quelle compensation allez-vous offrir à ces territoires abandonnés ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire - Les contrevérités n’ont jamais apporté de solution aux problèmes des Français. Si, sur 80 000 départs à la retraite, 15 000 ne doivent pas être compensés, ce ne sera en aucun cas aux dépens des territoires qui ont besoin d’une réorganisation et d’une modernisation des services publics. C’est dans cet esprit que le Premier ministre signera après-demain la charte des services publics en milieu rural.

M. Augustin Bonrepaux - Il n’y en a plus !

M. le Ministre délégué – Alors que vous aviez élaboré des schémas nationaux qui ne tenaient aucun compte de la réalité ni des spécificités des territoires – littoral, montagne, monde urbain ou rural… – le Gouvernement veille à ce que tous les opérateurs de services publics, les grands ministères, la SNCF, EDF, GDF, l’ANPE, l’UNEDIC soient réunis autour de la table. Nous avons par exemple décidé que les élus seraient informés au moins deux ans à l’avance de toute fermeture de classe. C’est ainsi que nous concevons la réorganisation de l’offre de services et que nous répondons aux attentes de nos concitoyens !

D’ailleurs, Monsieur Charasse, faisons le point pour votre département. Vous y avez sollicité l’ouverture progressive de huit plateformes polyvalentes d’accès aux services : deux ont déjà été ouvertes en 2006. Vous avez demandé un schéma d’implantation de l’Éducation nationale sur trois ans : vous avez eu une réponse positive. Vous avez souhaité un pôle d’excellence rurale pour la communauté de communes du Bourbonnais : vous avez eu satisfaction avec, de surcroît, quinze emplois créés.

Plusieurs députés UMP - Eh bien alors !

M. le Ministre délégué – De quoi vous plaignez-vous donc ? Alors que vous polémiquez, nous, nous agissons (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de M. Raoult.
PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT
vice-président

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déclaration du gouvernement sur la situation au Proche-orient
et débat sur cette déclaration

L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement sur la situation au Proche-Orient et le débat sur cette déclaration.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères - Je commencerai par féliciter et remercier M. le président de la commission des affaires étrangères, pour avoir demandé et obtenu l’organisation de ce débat, qui est l’occasion de réfléchir ensemble sur la situation au Proche-Orient.

Le conflit israélo-palestinien est l’un des plus anciens et des plus douloureux de l’histoire contemporaine. Depuis soixante ans, sur cette terre, les périodes de répit alternent avec les escalades de violence, dont les populations sont toujours les premières victimes.

Personne n’a oublié les guerres israélo-arabes, le cortège des réfugiés palestiniens, l’occupation des territoires en 1967, la survenue de l’Intifada et des attentats-suicide. En raison de cette situation inextricable, toute une série de questions reste en suspens : quel statut pour Jérusalem ? Quels droits pour les quatre millions de réfugiés palestiniens ? Quelles frontières pour Israël ? Quelles conditions pour la création d’un véritable État palestinien ?

La France et la communauté internationale sont plus que jamais résolues à agir pour un règlement juste et équitable, à travailler pour l’existence de deux États viables, vivant dans la paix et la sécurité. C’est là un impératif majeur, tant les implications politiques, économiques, culturelles et religieuses du conflit dépassent le cadre régional.

Si le conflit israélo-palestinien est l’un des plus anciens, c’est aussi parce que c’est l’un des plus complexes. Toutes les tentatives de solution ont reposé sur deux démarches parallèles : l’une consiste à définir les bases d'un accord acceptable par l’ensemble des parties ; l’autre vise à restaurer la confiance indispensable à la mise en œuvre de cet accord.

Nous connaissons aujourd’hui les contours d’un accord définitif : les accords d'Oslo de 1993 et 1995, tout comme ceux de Wye Plantation en 1998 en ont fourni les bases ; les négociations menées à Camp David en l'an 2000, puis à Taba en 2001 ont permis de préciser le contenu d'un accord final ; la feuille de route adoptée par le Quartet en 2003 détaille pour sa part les étapes de la négociation. Sur le fond, nous savons donc de quoi la paix pourrait être faite. Il n'en reste pas moins qu'aucun accord ne saurait aboutir sans la volonté politique pleinement assumée et exprimée par les deux parties.

Nous savons que la paix ne se construira ni dans la violence, ni par l'exclusion. L'esprit de responsabilité demeure la seule voie vers la paix, mais la satisfaction de cette exigence relève des seuls Israéliens et Palestiniens. L'immense majorité d'entre eux n'aspire d'ailleurs à rien d'autre qu'à vivre ensemble. Ils peuvent compter sur le soutien de la communauté internationale, dont l'implication à ce jour ne s'est jamais démentie, et en particulier sur la France et l'Union européenne qui n'ont pas ménagé leurs efforts pour favoriser les tentatives de réconciliation.

La situation actuelle présente de nouveaux défis, étant donné la victoire du Hamas aux élections législatives et la tentation unilatéraliste qui prévaut aujourd'hui en Israël, notamment depuis le désengagement de Gaza. Dans ce contexte difficile, la France et l'Union européenne ne sont pas démunies : leurs liens anciens dans la région leur confèrent aujourd’hui une capacité de proposition et d'action spécifique. Il importe d'utiliser et de mieux valoriser ces marges de manœuvre.

Je souhaite vous exposer plus en détail la situation actuelle et les initiatives en faveur d’une sortie de crise, mais permettez-moi de rappeler au préalable les données de base qui expliquent la position spécifique de la France et de l'Union européenne. La France entretient des liens historiques et politiques étroits aussi bien avec les Israéliens qu'avec les Palestiniens, sans doute parce que notre pays est en Europe celui qui compte la plus grande communauté juive ainsi que la plus importante communauté arabo-musulmane.

Notre position est cependant claire : la résolution du conflit israélo-palestinien est la clé de la stabilité au Proche-Orient, et elle ne peut s'accomplir qu'en garantissant la sécurité d'Israël et en reconnaissant aux Palestiniens leur droit légitime à l'autodétermination.

Depuis la signature des accords d'Oslo, la France a œuvré sans relâche en faveur de la création d'un État palestinien viable, vivant en paix aux côtés d'Israël. Elle avait d'ailleurs préconisé la création de cet État devant la Knesset dès 1982. Vingt ans plus tard, en juillet 2002, elle a été à l'origine de l'adoption par le Conseil européen de Séville d'une déclaration reconnaissant le droit des Palestiniens à édifier un État dans les frontières de 1967.

Notre pays est attaché à une position légaliste : nous plaidons pour que le conflit soit inscrit dans le cadre des résolutions pertinentes des Nations unies. Les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité et l'Assemblée générale forment en effet un corpus politique et juridique qui dessine les contours d'un règlement du conflit. Je pense à la résolution 181 de l'Assemblée générale, adoptée en 1947, qui définit le plan de partage de la Palestine, à la résolution 242 du Conseil de sécurité, adoptée le 22 novembre 1967 à la suite de la Guerre des six jours, ou à la résolution 1515 du Conseil de sécurité du 19 novembre 2003, qui approuve la feuille de route du Quartet et demande aux parties de coopérer à sa mise en œuvre pour parvenir à un règlement définitif du conflit.

Au-delà de la France, l'Union européenne joue un rôle considérable à l'égard du conflit, en raison de ses liens avec le Proche-Orient. Premier partenaire commercial d'Israël, loin devant les États-Unis, elle est aussi le premier investisseur en Israël et le premier contributeur aux actions de coopération, essentiellement dans les Territoires palestiniens, avec 280 millions d'euros pour la seule année 2004.

Sur le plan politique, son apport est tout aussi remarquable, comme en témoignent la continuité et la cohérence de ses prises de position, de la déclaration de Venise en 1980 à celle de Berlin en 1999. L’élargissement de l'Europe n’a fait que renforcer sa contribution, puisque c'est aux Européens que l'on doit, pour l'essentiel, l'institution du Quartet et la mise en œuvre de la feuille de route. L’Union a aussi joué un rôle majeur dans les réformes palestiniennes et le bon déroulement des dernières élections dans les Territoires. Elle réfléchit aujourd'hui à la mise en place d'un mécanisme d'aide internationale capable de porter assistance à la population palestinienne.

L’Union européenne a deux objectifs : traduire dans les faits la création d'un État palestinien viable et démocratique, et assurer la sécurité d'Israël. Ces objectifs la conduisent à promouvoir le développement de ses relations aussi bien avec Israël qu'avec l'Autorité palestinienne, et à fournir une aide humanitaire aux Territoires palestiniens.

Sur le plan stratégique, l’Union a développé des instruments spécifiques : le partenariat euro-méditerranéen, lancé à Barcelone en 1995, et la politique de « nouveau voisinage », lancée dans le cadre de l'élargissement, qui a permis la conclusion d'accords d'association renforcés avec Israël en 2000, comme avec les Territoires palestiniens en 1997. Quant au plan Solana, adopté le 5 novembre 2004, il prévoit des actions dans quatre domaines : la sécurité, les réformes de l'Autorité palestinienne, les élections et la reconstruction économique. L’Union a ainsi apporté son soutien à l’organisation des élections palestiniennes en 2005 et aux réformes engagées pour le renforcement de l'État de droit et au sein de l'administration. Elle a déployé sur le terrain, dans le cadre de la Politique européenne de sécurité et de défense, des missions de soutien à la réforme de la police civile palestinienne et d'assistance au contrôle de la frontière à Rafah.

Toutes ces actions ont permis de nouvelles avancées : les accords d'Oslo, les négociations de Camp David et de Taba, où la paix semblait si proche, l'adoption de la feuille de route, qui reste le seul plan de paix international reconnu par les deux parties et, à l'été 2005, le désengagement israélien de la bande de Gaza.

Si importantes soient-elles, ces avancées n'ont cependant pas suffi à mener le processus de paix à son terme. Le conflit est de nouveau dans l'impasse, après la victoire du Hamas aux élections législatives du 25 janvier et la formation d'un nouveau gouvernement palestinien, sans oublier la tentation de l'unilatéralisme qui prévaut en Israël depuis le désengagement de la bande de Gaza. Bref, la situation est très préoccupante. La violence est devenue quasi-quotidienne. Dans les Territoires palestiniens, le gouvernement dirigé par le Hamas campe sur son refus des principes du Quartet – renonciation à la violence et reconnaissance de l'État d'Israël et des accords passés entre Israël et l’OLP. Cette position regrettable nourrit des tensions inter-palestiniennes qui pourraient déboucher sur l'atomisation des Territoires et le délitement des institutions. Certes, un début de dialogue a pu s'instaurer entre les différentes parties palestiniennes, mais son issue reste incertaine. Quant au référendum proposé par le Président Mahmoud Abbas, il peut aussi bien enrayer la crise que l'accélérer.

Israël souhaiterait donner sa chance à la négociation. Mais les tirs d'artillerie lourde en direction de zones habitées, avec leur cortège de victimes civiles palestiniennes, la poursuite de la colonisation, en particulier autour de Jérusalem, et l'achèvement programmé de la barrière de sécurité sur un tracé jugé illégal par la communauté internationale, continuent d’aviver les tensions sur le terrain.

Le manque de confiance entre les parties est aujourd'hui tel que l'hypothèse d'une négociation paraît problématique, du moins à court terme. L'unilatéralisme progresse dans les esprits, en Israël comme du côté palestinien. Cette position fait le lit de violences futures, au Proche-Orient comme sur le territoire européen.

Dans ce contexte difficile, la communauté internationale a le devoir d'agir. Elle doit d’abord éviter l'effondrement de l'Autorité palestinienne et l'aggravation de la situation humanitaire dans les Territoires. Le Président de la République l'a clairement dit, l'aide internationale doit parvenir au peuple palestinien, pour des raisons humanitaires, mais aussi de justice. Il fallait agir pour empêcher une crise grave dans les Territoires, d'autant que la communauté internationale – et non le Hamas – en aurait été tenue pour responsable. Un mécanisme d'assistance temporaire a donc été défini par l'Union européenne, pour que les financements nécessaires parviennent aux Territoires. Il a recueilli l'agrément du Quartet, et le Conseil européen des 15 et 16 juin a donné son accord au déblocage d'un « paquet » d'une centaine de millions d'euros, montrant ainsi la détermination des Européens. Il permettra de verser aux Palestiniens trois types d'aides : des fournitures de base pour la santé et l'éducation, un approvisionnement en énergie et un « filet de protection sociale », sous la forme de paiements directs à des Palestiniens dans le besoin.

Je me réjouis que l’Union ait permis au Quartet de prendre cette décision, qui permettra en particulier de payer les fonctionnaires dans les hôpitaux. Ce mécanisme répond à des considérations à la fois stratégiques, économiques et morales. Si nous voulons relancer le processus de paix et promouvoir la création d'un État palestinien, les structures de l'Autorité palestinienne doivent être préservées. Nous devons aussi soutenir une population qui reste dépendante de l'assistance internationale. Enfin, il importe de ne pas exacerber les tensions et de préserver les partisans d'une ligne modérée au sein de la population palestinienne.

Tout cela n'induit cependant aucune inflexion de notre position politique vis-à-vis du Hamas et du gouvernement de l'Autorité palestinienne. Celui-ci doit adhérer aux trois principes posés par le Quartet, qui ne sont pas négociables.

La communauté internationale doit aussi favoriser une relance efficace et réaliste du processus de paix. Nous sommes aujourd'hui devant le double défi de l'absence totale de confiance entre les parties et de la tentation unilatéraliste. Les liens anciens de l’Union européenne dans la région lui confèrent cependant une capacité d’action spécifique. Pour préserver cette marge de manœuvre, il faut maintenir une approche équilibrée et dynamique de la situation. L'Union doit redire clairement son refus du terrorisme. Elle doit également manifester son refus de tout unilatéralisme et rappeler son attachement à la négociation comme seul mode de règlement du conflit. La visite à Paris du Premier ministre Ehud Olmert, les 14 et 15 juin, a été l'occasion de rappeler ces exigences.

Il n'existe pas de solution unique à la crise actuelle, mais il y a un impératif : ramener les parties à la table de négociation. L'organisation d'une conférence internationale sur le statut final des Territoires palestiniens permettrait de relancer le dialogue. La France et l'Union européenne doivent être prêtes à promouvoir une telle initiative, qui offrirait un nouvel horizon politique aux Palestiniens et à Israël. Il faut en effet trouver une sortie à la crise actuelle, et nous entendons nous mobiliser à cette fin.

Plus que jamais, notre pays a le devoir, avec l'Union européenne, de redoubler d'efforts pour faire avancer la stabilité et la paix au Proche-Orient. Il y va de notre responsabilité. C'est la vocation de notre pays d'aider à trouver le chemin de l'avenir dans cette région du monde trop longtemps meurtrie par la violence et la haine. Il revient à la France de faire vivre l'espoir face à ce qui reste un défi majeur. À nous de faire entendre notre voix et celle de l'Europe ; à nous de tenir notre rang sur la scène internationale pour faire prévaloir les valeurs de dialogue et de respect que nous défendons sans relâche et qui sont indispensables pour mettre un terme à ce conflit. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Bernard Accoyer - Dialogue et paix sont les deux maîtres mots qui reviennent sans cesse depuis tant d'années quand il est question du Proche-Orient. Ces mots, les députés du groupe UMP les font leurs, parce qu'ils ont toujours guidé l'action de la France, et du Président de la République Jacques Chirac dans cette région du monde si attachante, cette terre de vieille civilisation, cette terre de racines religieuses et de passion qui a connu tant d’affrontements et de drames.

Depuis de longues années, la France agit en faveur de la paix au Proche-Orient. Une paix qui passe par l'émergence de deux États vivant côte à côte dans le respect de la dignité de chacun et dans la sécurité. La France, amie du peuple palestinien et d'Israël, souhaite que le premier puisse rapidement concrétiser son aspiration légitime à la création d'un État souverain, et que le second trouve enfin la sécurité à laquelle il a légitimement droit. Nous sommes tous convaincus que rien de durable ne peut se construire sur la violence, que seuls le dialogue et la négociation permettront de progresser vers la paix.

La France, par la voix du Président de la République, a toujours appuyé les efforts accomplis depuis les accords d'Oslo pour aboutir à une solution négociée, la seule durable. Dans cet esprit, elle soutient activement les efforts du Quartette – Union européenne, États-Unis, Russie et Nations unies – pour promouvoir une solution équilibrée et réaliste, dans le cadre de la « feuille de route » du 30 avril 2003.

Une paix juste et durable ne pourra pas être imposée par l'une ou l'autre des parties Nous ne croyons pas que le déploiement d'initiatives unilatérales soit réellement la meilleure solution pour faire progresser le dialogue. La communauté internationale doit se réimpliquer fortement. Elle a le devoir d'agir. Agir en premier lieu pour la population : il a ainsi été décidé le 18 juin dernier que l'aide internationale devait continuer de parvenir aux Territoires palestiniens afin de prévenir une nouvelle aggravation de la crise sociale. Agir également, et surtout, en faveur de la relance du processus de paix.

Le succès du Hamas aux élections législatives du 25 janvier et la constitution d'un nouveau gouvernement sous sa direction ont évidemment changé la donne. Le Hamas a choisi de prendre part au processus démocratique, il doit en tirer toutes les conséquences et donc poursuivre sa transition vers l'action politique, s'engager dans un processus de renonciation à la violence et accepter les préalables posés par la communauté internationale à la reprise des négociations.

Le choix du nouveau gouvernement palestinien de dénoncer le plan d'aide financière élaboré par l'Union européenne est particulièrement regrettable. Il l’est d’autant plus que le Président Jacques Chirac avait beaucoup plaidé pour un mécanisme permettant de répondre aux besoins des populations. Ce choix du gouvernement palestinien ne témoigne pas d'une réelle volonté d'adhérer aux trois principes fixés par le Quartette, à savoir la renonciation à la violence, la reconnaissance de l'État d'Israël et la reconnaissance des engagements internationaux souscrits par l'Autorité palestinienne. De son côté, le Premier ministre israélien, Ehud Olmert, en visite officielle à Paris il y a quelques jours, a réaffirmé qu'il était disposé, sur la base du respect de ces trois principes, à faire « tous les efforts » pour favoriser une reprise des négociations, tandis que le Président Jacques Chirac rappelait qu’une solution prévoyant deux États vivant en paix côte à côte supposait une reprise des négociations entre Israël et l'Autorité palestinienne. Lors de sa visite en France en avril dernier, le Président de l'Autorité Palestinienne, Mahmoud Abbas, avait lui-même déclaré « qu'une solution négociée avec Israël, sur la base de la feuille de route, était le meilleur moyen pour parvenir à une paix durable ».

Le référendum annoncé par le Président Mahmoud Abbas pour le 26 juillet prochain pourrait constituer un premier pas vers une sortie de la crise. Mais, comme vous l'avez dit, Monsieur le ministre, il peut aussi accélérer celle-ci, du fait des tensions interpalestiniennes et de l'appel au boycott de cette consultation par le Hamas.

Des élections législatives ont également eu lieu, le 28 mars 2006, en Israël. Elles ont permis au peuple israélien de manifester son aspiration à une solution au conflit. Vous l'avez dit, Monsieur le ministre, nous entretenons avec l'État hébreu, depuis sa fondation, des relations d'amitié. S'agissant du processus de paix, ces relations se sont constamment appuyées sur une position équilibrée, qui se manifeste par une action résolue en faveur d'une solution juste et durable au conflit.

Aujourd'hui, dans le contexte difficile que nous connaissons, l'Union européenne détient une capacité d'action particulière, de par ses liens anciens dans la région. C'est cela qui doit être valorisé.

Naturellement, il n'existe pas de solution unique à la crise que traverse actuellement cette région. Mais il n'y a pas non plus de solution en-dehors d'un accord, lequel ne peut qu’être le fruit d’un dialogue. Dans ce domaine, nous devons à la vérité de reconnaître qu'il y a eu des avancées mais aussi des reculs. L'organisation d'une conférence internationale sur le statut final des Territoires palestiniens serait de nature à rouvrir le dialogue. Nous souhaitons donc que la France et l'Union européenne promeuvent l'organisation de cette conférence.

Avec le Président de la République, les députés UMP forment le vœu que les parties en cause sachent entendre la voix du désir de paix, afin que des positions conformes aux vœux de la communauté internationale puissent être adoptées.

Je ne terminerai pas mon propos sans évoquer le problème du nucléaire iranien, car l'attitude de l'Iran est une source d'inquiétude pour la région comme pour l'ensemble de la communauté internationale. La délégation de la commission des affaires étrangères qui s'est rendue en Israël au début de ce mois a pu le constater. Vous avez déclaré, Monsieur le Premier ministre Balladur, avoir retiré de votre déplacement le sentiment que la question de l'Iran était aujourd'hui la première priorité du gouvernement israélien. C'est effectivement un problème majeur.

La France ne remet pas en cause le droit légitime de l'Iran à l'énergie nucléaire civile, dès lors que ce pays respecte ses engagements en matière de non-prolifération et donne des garanties objectives du caractère pacifique de son programme. Or, l'Agence internationale de l'énergie atomique, l’AIEA, a constaté que des activités nucléaires avaient été menées dans la dissimulation, en violation par l'Iran de ses engagements internationaux.

La France et ses partenaires européens ont cherché à résoudre ce problème par la voie de la négociation. Cette démarche a débouché sur l'accord de Paris de novembre 2004 concernant la suspension des activités de conversion et d'enrichissement de l’uranium. Les Européens ont alors proposé à l'Iran un vaste programme de coopération comprenant notamment une aide au nucléaire civil. Les décisions des dirigeants iraniens, en août 2005 et en janvier 2006, de reprendre unilatéralement les activités sensibles, à l’encontre des résolutions unanimes de l’AIEA, ont interrompu ce processus. Nous le regrettons tous.

Saisi par le conseil des gouverneurs de l’AIEA, le Conseil de sécurité a demandé à son tour à l'Iran de suspendre les activités sensibles de production de matières fissiles. Dans les deux cas, la communauté internationale a œuvré dans le consensus et les décisions du Conseil de sécurité ont été prises à l'unanimité.

C'est bien par une solution élaborée dans le cadre des Nations unies que nous devons trouver une issue positive à ce problème. Les députés UMP font confiance au Président Jacques Chirac et au Gouvernement pour agir en ce sens en faveur de la paix au Proche-Orient (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. François Loncle - Qu'il est difficile, décidément, d'obtenir un débat sur les questions cruciales de politique internationale, sur la situation du Proche-Orient, sur le conflit israélo-palestinien ! Notre organisation institutionnelle laisse au Parlement français un si faible pouvoir d'initiative ! Il a fallu pendant plusieurs mois l'insistance des groupes d'opposition, les démarches pressantes du président Jean-Marc Ayrault…

M. René Couanau - On voit le résultat ! Combien de députés socialistes présents ?

M. François Loncle - …puis une lettre du président Balladur au Gouvernement pour que celui-ci finisse par consentir à un débat. Notre demande est d'autant plus légitime que notre Assemblée, en particulier la commission des affaires étrangères, s'est considérablement investie sur le dossier du Proche-Orient, multipliant les auditions, les déplacements, les missions et rapports d'information, les propositions.

Surtout, nous savons que les questions de la guerre et de la paix, la situation du monde, la fracture Nord-Sud, le terrorisme, ses causes et ses conséquences préoccupent au plus haut point un nombre croissant de nos compatriotes. Qui pourrait s'en étonner ? Il y a bien sûr l'histoire commune, l'histoire vécue entre la France, Israël et la Palestine, les liens familiaux et amicaux à l’origine de nombreux échanges et jumelages. Il y a aussi l’inquiétude, parfois la désespérance face à la durée et à l’aggravation du conflit. Au-delà d’Israël et de la Palestine, c’est toute une région qui est instable, confrontée à des contradictions politiques, religieuses, culturelles, aux risques de dérives nationalistes, à diverses formes d’intégrismes et à la militarisation. Notre propre avenir exige une mobilisation continue des gouvernements, des forces politiques et de l'opinion publique pour aboutir au dialogue entre les parties opposées, à l'établissement de compromis et, si possible, à la paix. Gagner la paix en Israël et en Palestine, c'est aussi contribuer à l'apaisement des tensions dans toute cette région du Proche et du Moyen-Orient. Lors de sa récente audition devant la commission des affaires étrangères de notre Assemblée, la nouvelle déléguée générale de Palestine en France, Mme Hind Khoury, rappelait qu'après plus d'un demi-siècle de conflit et plus de douze ans de processus de paix, les Palestiniens demeurent sous occupation, expulsés et réfugiés ; leur vie quotidienne est toujours insupportable et leurs aspirations à l'indépendance sont bafouées. Ils attendent toujours l'application des 88 résolutions de l'ONU qui les concernent, la proclamation, la viabilité de leur État et la reconnaissance de leurs droits légitimes.

J'ajoute que le peuple d'Israël vit quant à lui dans l'insécurité et sous les menaces permanentes d'attentats terroristes. D'un côté, une situation dégradée et dégradante, une incompréhension qui persiste, un climat de violence qui perdure ; de l'autre, une réponse de la « communauté internationale » qui n'est plus depuis longtemps à la hauteur des événements. Or, le temps presse, au Proche-Orient comme ailleurs. Quelles sont les initiatives de la France ? En quelques mois la dynamique de paix a été bousculée, les acteurs historiques israélien et palestinien ne sont plus là : Yasser Arafat est mort, Ariel Sharon est dans le coma, les partis au pouvoir ont changé. Le Hamas gouverne à Ramallah tandis qu'à Jérusalem c'est Kadima qui dirige le gouvernement de coalition de M. Olmert. Ces changements ont durci les contradictions. Les nouveaux dirigeants d'Israël semblent privilégier les solutions unilatérales. La construction du mur, qui inclut des territoires palestiniens, se poursuit. Un désengagement de la Cisjordanie, supposant le démantèlement de colonies, semble certes en préparation mais d'autres territoires palestiniens font au contraire l'objet d'un renforcement de la colonisation, notamment autour de Jérusalem. Les bombardements de responsables du Hamas ont été confirmés mais ils tuent aussi, hélas, des passants, parfois des enfants. Le Hamas, qui a gagné les élections palestiniennes le 25 janvier dernier, est une organisation radicale. Majoritaire au Parlement, il gouverne mais il n'a jamais reconnu l'existence de l'État d'Israël ; il a également légitimé le recours au terrorisme comme arme politique et il refuse tout dialogue avec les autorités israéliennes.

La situation est donc inquiétante. Les avancées d'Oslo et de Madrid avaient eu un effet d'entraînement mais tout cela est oublié ; Yitzhak Rabin a été assassiné. Des Palestiniens et des Israéliens ont tenté néanmoins de démontrer que la paix est possible. Un ancien ministre israélien, Yossi Beilin, et un ancien ministre palestinien, Yasser Abed Rabbo, ont présenté le 1er décembre 2003, en Suisse, l'intéressant processus de Genève qui aurait dû être la base d'un travail commun. Or, une sorte de machine infernale fait éclater tout espoir de paix. Le Premier ministre israélien se dit favorable à la paix mais il refuse de dialoguer avec un gouvernement palestinien dirigé par le Hamas. L'Autorité palestinienne est quant à elle bicéphale : son président, Mahmoud Abbas, élu en 2005, a une double légitimité, palestinienne et internationale. II se dit prêt au dialogue mais il s'interroge sur ce qu'il appelle le « terrorisme d'État » israélien qui déstabilise sa politique et en fin de compte son autorité – or celle-ci doit être consolidée si l'on veut aider à la recherche d'une solution négociée. Comment rétablir confiance et dialogue, recréer les conditions propices à une sortie de crise, éviter les solutions de force unilatérales ? La communauté internationale doit assumer ses responsabilités : la France, le Royaume-Uni, l'Union européenne, la Russie, les États-Unis, les États de la région et les Nations unies doivent aider au dialogue. Pour être écouté, le Quatuor doit être ferme et équitable. Or, on ne peut à la fois encourager les Palestiniens à organiser des élections démocratiques et en contester le résultat parce qu'il n'est pas conforme à ce qui était espéré. On ne peut pas suspendre le financement de la fonction publique palestinienne et dire que l'aide à la population est maintenue. On ne peut condamner les attentats palestiniens et rester silencieux face aux bavures répétées de l’armée israélienne à Gaza. On ne peut pas, enfin, reprocher aux Palestiniens d'avoir voté pour le Hamas si l'on n'empêche pas l'installation de nouvelles colonies israéliennes en Cisjordanie. Quels sont les risques de cette cacophonie? Le chaos, le terrorisme et la guerre. Est-ce cela que nous voulons ? Allons-nous assister les bras croisés à la montée des tensions inter-palestiniennes, à la reprise des attentats par le Hamas, à la poursuite des bombardements par l'armée israélienne ?

La recherche d'une solution ne se fera pas sans une médiation internationale reconnue et acceptée par les deux parties. Elle suppose des initiatives tous azimuts en direction de nos amis européens comme de nos alliés américains et des partenaires du Quatuor. Quelles sont, Monsieur le ministre, au-delà des déclarations d'intention et des regrets périodiquement exprimés, les propositions concrètes de la France ? Nous savons que vous êtes hostile à toute forme de règlement unilatéral et que vous recherchez la solution très délicate qui permettrait d'aider les Palestiniens en ignorant leurs autorités élues. Nous savons aussi que tous ces discours, aussi nécessaires soient-ils, sont sans effet sur une réalité qui nécessite d'être prise à bras le corps.

Ayons sans cesse à l'esprit ce qu'avait dit le premier Président de la République française qui ait visité Israël, François Mitterrand, le 4 mars 1982 : « La France est du petit nombre des pays qui, par leur position, leur poids historique, leurs amitiés, leur intérêts, ont de longue date été désignés comme les interlocuteurs traditionnels des peuples du Proche-Orient. Appelée en sa qualité de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies à examiner les causes et la nature des conflits qui les opposent, elle se sent aussi comptable avec la paix. » L'intérêt de la France, de l'Europe et de l'Occident est-il de figer la situation et de favoriser l'extension du fondamentalisme dans le monde arabo-musulman ? Nous rappelons quant à nous les trois changements fondamentaux qui devraient s'imposer : que les Palestiniens renoncent à la violence armée et au terrorisme ; qu'Israël accepte de négocier ; que les États-Unis reconnaissent avec leurs partenaires que le conflit israélo-palestinien pèse d'un poids excessif sur la politique internationale, que les éléments de sa solution sont connus et qu'il convient de les appliquer. Prendrez-vous des initiatives nouvelles, Monsieur le ministre, afin que le Quatuor ne se transforme pas en duo américano-israélien ou même en solo américain ? Vous opposerez-vous à un traitement unilatéral du conflit ? Profiterez-vous de la prochaine présidence finlandaise pour formuler des propositions nouvelles et inciter nos vingt-quatre partenaires à prendre plus d'initiatives politiques ? Utiliserez-vous nos relations avec les pays arabes pour inciter leurs dirigeants à s'impliquer d'avantage dans la recherche de solutions équitables, tant il est vrai que le soutien apporté à la cause palestinienne par les États de cette zone relève parfois plus de l'obligation diplomatique ou de l'alibi que de la conviction profonde ? Mettrez-vous tout en œuvre pour, au-delà des discours, faire bouger les lignes, briser une fois pour toutes les tentations de l’immobilisme et de la résignation ? N'oublions jamais qu'au Proche-Orient comme ailleurs, la paix, la liberté, la justice ne se traitent pas par délégation, encore moins par procuration (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Rudy Salles – Une semaine après la visite, ici même, de M. Ehud Olmert, Premier ministre israélien, quelques semaines après la venue du Président de l'Autorité palestinienne, M. Mahmoud Abbas, un an après celle de M. Ariel Sharon – vers qui vont mes pensées, et deux ans après la visite d'État du Président israélien, M. Moshe Katsav, nous voilà réunis dans cette enceinte pour débattre du Proche-Orient. Il s'agit d'un dossier international pas comme les autres. Il faut, pour s'en convaincre, rapprocher la taille réduite de cette région et la surface considérable que la presse internationale consacre aux événements qui s'y produisent. Et puis chacun sait bien que tout ce qui se passe au Proche-Orient nous concerne et concerne le monde. Je me félicite donc de la tenue de ce débat car les députés ont le devoir de s'exprimer sur ce sujet. Cet échange est d'autant plus utile qu'il intervient à une période importante de la situation sur place.

L'été dernier, l'évacuation de Gaza par Israël avait fait naître l’espoir de pouvoir relancer le processus de paix. Telle était la volonté affichée par Ariel Sharon comme par Mahmoud Abbas. Las, les élections survenues dans les territoires palestiniens ont donné la majorité absolue au Hamas, mouvement reconnu comme une organisation terroriste par l'Union européenne. Bien sûr, les urnes ont parlé. Mais il faut être conscient que les idées développées par le Hamas ne sont pas majoritaires dans l'opinion palestinienne. Cette élection tient à deux facteurs : d’abord, elle exprime un vote sanction contre la corruption qui sévissait dans les territoires palestiniens et contre un pouvoir incapable de régler les problèmes du peuple palestinien ; ensuite, elle est liée au mode de scrutin à un tour, lequel a bénéficié au Hamas, parti uni, alors que le Fatah était, lui, divisé. Il n'empêche que le Fatah de Mahmoud Abbas est majoritaire en voix alors que c'est le Hamas qui est majoritaire en sièges.

Il ne faut pas oublier ces deux facteurs, car ils permettent de mieux appréhender la complexité de la situation qui prévaut dans les territoires palestiniens et de conforter la position du président de l'Autorité palestinienne : élu au suffrage universel avec 63 % des voix, celui-ci bénéficie du reste d'une légitimité incontestable.

Alors, s'il n'est pas question de remettre en cause les élections au Conseil législatif palestinien, il convient de faire part aux nouveaux élus de notre exigence de paix. À ce titre, les propositions françaises me semblent correspondre pleinement aux attentes de la communauté internationale, de l'État d'Israël et de l'Autorité palestinienne. Elles se résument en trois points : reconnaissance de l'État d'Israël, condamnation de la violence, reconnaissance des accords d'Oslo. Malheureusement, à ce jour, le Hamas refuse de faire siennes ces propositions, ce qui représente un frein à la relance du processus de paix.

Le groupe UDF considère que le respect de ces trois principes constitue un préalable hors duquel il est impossible d'engager un quelconque dialogue avec les autorités palestiniennes. Nous considérons que la France et l'Europe doivent rester fermes sur cette question, à Paris, à Bruxelles, et dans toutes les instances où nous siégeons. Je rappelle que lors de la dernière session de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, certaines initiatives avaient été prises – notamment par la Russie – en vue d'inviter de façon permanente les parlementaires palestiniens à participer aux débats relatifs au Proche-Orient. Même si cette initiative partait sans doute d'un sentiment généreux, elle était dangereuse car l’on ne peut donner une respectabilité internationale à des représentants qui refuseraient la paix, nieraient la signature de leur autorité représentative donnée sous les auspices de la communauté internationale et prôneraient la violence et la destruction d'Israël. C'est pourquoi nous avons multiplié nos efforts pour empêcher que cette initiative n’aboutisse. Il ne s’agissait pas, pour nous, de conduire une opération punitive contre les Palestiniens mais de les inviter à infléchir leur position, car il n'y a pas d'issue dans la radicalisation. Il n'est, pour s'en convaincre, que de constater les tensions extrêmes qui opposent les Palestiniens les uns aux autres. Il faut donc encourager les initiatives prises par Mahmoud Abbas en faveur de la concorde palestinienne, seule à même de permettre le retour à la table de négociation.

La rencontre qui aura lieu demain entre Ehud Olmert et Mahmoud Abbas, à l'initiative du roi de Jordanie Abdallah II, est de bon augure mais il faudra aller plus loin. Ce n'est pas le président de l'Autorité palestinienne qu'il faut convaincre de la nécessité de dialoguer avec Israël et d'avancer vers la recherche d'une paix durable. C'est le gouvernement palestinien et ceux qui le soutiennent qu'il faut amener dans cette voie. Mahmoud Abbas essaie de convaincre ce gouvernement de la nécessité de reconnaître Israël, d'abandonner la violence et de reconnaître les accords d'Oslo. Souhaitons lui du succès dans cette entreprise difficile.

Au reste, il envisage, s’il n'y parvenait pas par la négociation, d’organiser un référendum, dont la date a été fixée au 26 juillet prochain, de manière à faire valider cette position par le peuple. C'est, a priori, une idée assez largement partagée dans l'opinion publique palestinienne, mais, de là à voter oui à un référendum, il y a une part d'inconnue qui ne saurait être ignorée. Il en va de l'opinion publique palestinienne comme de celle de tous les peuples. Nous-mêmes, l'an dernier, alors que les Français sont favorables à l'Europe, n’avons-nous pas donné une majorité négative à un référendum, en vue de faire capoter un projet de constitution que nous avions nous-même suscité ? Dans le cas d'un référendum palestinien, l'enjeu est d'importance et ne concerne pas seulement le retour à des relations acceptables entre Israéliens et Palestiniens. En effet, il y a aussi un enjeu de politique intérieure : si le oui l'emportait, cela pourrait être interprété comme la victoire de Mahmoud Abbas ; à l’inverse, la victoire du non serait celle des partisans de la ligne du refus, soit la frange dure du Hamas. Or, dans une telle campagne référendaire, tous les arguments auraient du poids. C'est pourquoi le résultat ne peut en aucun cas être écrit à l'avance. Il faut donc convaincre les uns et les autres que seul le oui ouvre une issue à la crise actuelle et que sa victoire serait celle des Palestiniens eux-mêmes, en leur traçant la perspective d’un avenir plein de promesses. Il n'y aurait alors que des gagnants.

Nous devons montrer notre volonté d'aider au retour à une situation normale, sans fléchir sur nos exigences de paix et de respect des engagements antérieurs. Il est temps que le peuple palestinien comprenne que l'Europe et la France ne sont pas des adversaires, mais bien plutôt des amis qui se porteront garants des progrès restant à réaliser pour créer un État palestinien. Mais il est impératif que chacun accepte les règles fixées par la communauté internationale. La France a été trop longtemps absente dans la résolution du conflit du Proche-Orient. Pourtant, par notre histoire, nous nous trouvons proches à la fois des pays arabes et de l’État d'Israël. À ce titre, nous devrions pouvoir compter parmi les acteurs principaux de l'élaboration du processus de paix. Las, tel n'a pas été le cas pendant de trop longues années. Et pourtant, la France est à la fois l'amie des pays arabes et l'amie des Israéliens. D'ailleurs, ici même, à l'Assemblée nationale, les groupes d'amitié avec les pays arabes et avec Israël comptent parmi les plus fournis et les plus actifs. Cela traduit bien l'état des relations entre nos peuples. Malheureusement, depuis une quarantaine d'années, la France a perdu la confiance d'Israël, du fait de prises de position souvent déséquilibrées, qui ont fait douter les Israéliens de notre objectivité.

Depuis quelques années, la situation s’améliore et la création de la Fondation France-Israël va contribuer à ce rapprochement. Il serait également souhaitable de prendre des initiatives pour permettre à Israël d'intégrer le club des pays francophones. En effet, outre le fait qu'il s'agit d'un pays comptant près de 600 000 locuteurs de notre langue, il y aurait là un excellent moyen d'organiser des rencontres constructives avec les pays arabes francophones. La francophonie au service de la paix et du dialogue israélo-arabe, voilà un programme noble et ambitieux ! Pour l’heure, le réchauffement des relations entre nos capitales devient enfin une réalité et je m'en félicite. Il était temps, car cet éloignement était préjudiciable non seulement à la relation bilatérale franco-israélienne et à la recherche d'une paix durable, mais aussi à l'influence de la France dans cette région du monde. Au surplus, notre perte d'influence a profité à d'autres, comme les États-Unis qui ont su trouver un positionnement plus équilibré et jouer un rôle d'arbitre. Pour ma part, je persiste à croire que ce rôle incombait naturellement à la France. D'abord en raison des liens historiques qui nous lient au Proche-Orient. Ensuite, parce que nous sommes des Méditerranéens et que cette appartenance nous unit plus qu'elle ne nous sépare. Enfin, parce que la France compte la première communauté juive et la première communauté musulmane d'Europe. Tout cela devrait nous mettre en situation de servir le dialogue et la recherche de la paix. Et puis, nos positions sur l'Irak, la Syrie ou l'Iran donnent à la France l'image d'un pays responsable, en quête de solutions justes au regard des peuples, des droits de l'homme et du droit international. C'est pourquoi j'espère que le temps du retour de la diplomatie française au Proche-Orient s'annonce enfin.

Il y aussi une raison positive à notre action dans cette région meurtrie du monde : nous sommes là pour témoigner que la guerre et la haine ne sont pas des fatalités et qu'on ne peut faire la paix qu'avec ses ennemis d'hier. Rappelons-nous ce qu'était la relation franco-allemande : pour des générations entières, nos deux peuples étaient des ennemis destinés à se faire la guerre. La France et l'Allemagne se sont battues pour des frontières qui n'existent plus. Aujourd'hui, franchir le Rhin à Strasbourg, ce n’est plus passer une frontière, c'est rendre visite à des amis ! Pour notre génération, la relation franco-allemande est devenue exemplaire d'amitié et de confiance. Elle est même le pilier de la construction européenne. Et bien, j'affirme que cette expérience doit pouvoir s'inscrire en lettres d'espoir dans le futur du Proche-Orient. Cette approche semble peut-être utopique aujourd'hui, mais je gage qu'elle sera un jour une réalité. Il est quelques certitudes qui doivent être exprimées pour bien comprendre la situation et imaginer des solutions : ni les Israéliens ni les Palestiniens n'ont vocation à quitter cette région. Il faut donc trouver le moyen de rendre possible la vie ensemble. La guerre n'est pas une fin en soi. Seule la paix doit pouvoir guider l’action de dirigeants responsables, soucieux du bien de leurs peuples. Imaginons que la paix soit possible et que la relation de confiance puisse enfin s'établir : alors, les cauchemars d'aujourd'hui pourraient laisser place à une vie paisible, et même prospère, entre deux peuples qui se connaissent et qui auront un intérêt réciproque à se respecter. L'intérêt des uns et des autres est de lutter contre l'intolérance, contre le terrorisme et pour le progrès, qui passe par la démocratie et par le droit. Il y a encore un long chemin à parcourir, mais il n’y en a pas d’autre ! C'est pourquoi il faut encourager de toutes nos forces les initiatives de bonne volonté qui peuvent nous amener vers cet objectif.

Je connais bien Israël et son peuple. Je puis affirmer du haut de cette tribune qu'il n'existe pas dans ce pays un camp de la guerre et un camp de la paix. Les Israéliens aspirent à vivre en paix, dans un pays où la sécurité sera assurée. Je me suis rendu souvent en Israël, notamment dans les périodes les plus difficiles où sévissait l'Intifada. C'était notamment le cas en mars 2002, où, en l'espace de quatre jours, des attentats meurtriers firent une centaine de victimes. Imaginez-vous, dans les rues de Jérusalem, tremblant au passage d'un autobus ou renonçant à aller vous désaltérer à la terrasse d'un café… Il y a quelques semaines, une Niçoise se trouvait à Tel-Aviv pour rendre visite à ses enfants. Elle s'appelait Marcelle Cohen et était bien connue pour sa générosité. Elle fut emportée par un attentat terroriste aveugle. Sa disparition, qui a meurtri notre ville, est venue rappeler que, derrière les statistiques, se cachent des centaines de drames personnels et de familles endeuillées. Je tiens à évoquer ces drames, pour m'incliner devant ces victimes innocentes et affirmer haut et fort qu'aucun combat ne peut justifier de tels actes (Murmures sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

Du côté Palestinien, le peuple aspire également à une vie paisible dans un État indépendant. Encore faut-il que ses dirigeants en aient l'ambition et la volonté. Arafat aurait pu être le premier chef de l'État Palestinien, tant les conditions étaient favorables. Il n'a pas su saisir l’occasion (Même mouvement). Son peuple en a souffert, et il en souffre encore. Mahmoud Abbas a, quant à lui, toujours combattu la violence et accepté de dialoguer avec les Israéliens pour avancer dans la voie de la paix. Il convient de lui donner les moyens de réussir. La partie est difficile. Et c’est bien pour cela que nous devons répondre présent.

La position de la France vis-à-vis du Proche-Orient est attendue. Elle doit être juste, équilibrée, et insuffler le supplément d'âme et de confiance qui font tant défaut dans cette région du monde. Cette position ne doit pas être celle d'un gouvernement ou d'une majorité. Elle doit être celle de la France, patrie des droits de l'homme, puissance diplomatique majeure qui n'aurait jamais dû s'effacer au Proche-Orient. Le groupe UDF veut espérer que des femmes et des hommes de bonne volonté sauront tracer la voie de la paix, dans une région qui n’a que trop connu le sang et les larmes. Il appelle la France à assumer ses responsabilités, avec le sens de l'objectivité. Et puisque nous sommes convaincus que la paix est au bout du chemin, essayons de faire en sorte que le chemin restant soit le plus court possible, de sorte que la vie triomphe rapidement de la mort (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Jean-Claude Lefort – Combien de temps encore le monde acceptera-t-il cette tragédie qui broie des vies et des peuples et compromet le développement et la stabilité d’une région essentielle à la sécurité de tous ? La communauté internationale doit assumer ses responsabilités, constater les résultats désastreux de son inaction et s’affranchir de ses fausses prudences. Elle doit dire enfin, et sans ambages, que si le terrorisme et la négation de l’autre sont inacceptables, l’occupation et la colonisation le sont aussi. Elle doit refuser enfin la politique des préalables, qui fait toujours le jeu des extrémistes. Les termes d'un règlement juste et durable sont connus. Il faut maintenant avancer, car la paix est possible. Le monde ne peut plus attendre le bon vouloir de chacun. Pour y parvenir, nous devons encourager, voire imposer la reprise de la négociation entre les parties. Une présence internationale est indispensable. La France et l'Europe sont prêtes à y contribuer.

Tout cela a été dit par le Président de la République, Jacques Chirac, devant la conférence des ambassadeurs en août 2004. Les questions actuelles ne se posaient pas encore, mais ces paroles justes et fortes n'ont pas connu le moindre commencement d'application. Aujourd'hui, nous sommes face au chaos. La communauté internationale a pris le parti de l'unilatéralisme mortifère des autorités israéliennes, qu'elle a assorti de sanctions inadmissibles contre le peuple palestinien. Désormais, c'est l'occupé qui est le coupable et l'occupant, qui refuse clairement le droit international, qui est encensé. George Bush considère le plan Olmert comme « audacieux » et encourage vivement à sa mise en œuvre, tandis que la commissaire Benita Ferrero-Waldner déclare, au nom de l'Union européenne, qu’il constitue un « pas en avant très courageux ».

Les événements sont désormais tragiquement inversés : la victoire du Hamas, obtenue au terme d'élections parfaitement démocratiques, est présentée comme la cause de la crise, alors que c'est le conflit sanglant qui dure depuis quarante ans qui en est à l'origine ; le terrorisme, que nous condamnons tous, est présenté comme la cause des événements actuels tandis que c'est l'occupation israélienne qui l’a causé. Cette inversion des causes et des effets porte de très lourdes conséquences, humaines, sociales, institutionnelles et politiques, susceptibles d’aggraver encore le chaos dans les territoires palestiniens. Dans les circonstances actuelles, on ne débouchera sur la paix et la sécurité pour aucun des deux peuples. Mais la communauté internationale, dont c'est pourtant le rôle de maintenir ou de rétablir la paix, selon la Charte des Nations unies, pousse sans états d'âme dans cette voie meurtrière.

Ainsi, la suppression de l'aide aux Palestiniens, soutenue par la France, a été votée en avril dernier au Conseil des affaires étrangères – une décision dont on nous dit aujourd’hui qu’elle est annulée. Pourquoi suspendre l’aide ? Parce que le peuple palestinien a voté – démocratiquement, certes, mais pas comme il fallait. Dans ces conditions, il est pour le moins curieux que personne n’ait eu l’idée de couper les aides à plusieurs pays arabes voisins, sans compter les Émirats et autres Royaumes ! Surtout, et contrairement à ce qui a été affirmé, l'aide européenne n'est pas rétablie dans sa totalité, loin s'en faut. Il en manque la moitié – notamment l'aide directe – et l'aide bilatérale est toujours suspendue. Le manque atteint les 350 millions d'euros et les fonctionnaires palestiniens, qui font vivre plus d'un million de personnes, ne sont toujours pas payés. Quant à l'argent des droits de douane, qui appartient en propre aux Palestiniens, soit 50 millions de dollars par mois, les autorités d'Israël refusent purement et simplement de les verser selon le mécanisme mis au point par le Quartet. C’est du vol manifeste, mais personne ne réagit. C'est la première exigence à faire entendre de cette tribune : l'Union européenne doit verser toute l’aide directe et indirecte au peuple palestinien, et les aides bilatérales doivent être relancées. La France n'a besoin d'aucun feu vert pour prendre cette décision. Si elle ne montre pas l'exemple, elle se rend coupable de « non assistance à peuple en danger » et perdra encore de son crédit dans la région.

Deuxième exemple de la position internationale : trois conditions sont posées pour reprendre des relations avec le Hamas, ce à quoi le président Mahmoud Abbas s'emploie avec intelligence et constance, en prenant comme base le « plan des prisonniers » – on devrait s'en réjouir, mais les autorités israéliennes préfèrent le tourner en dérision. Mais si ces trois conditions, la reconnaissance d'Israël, la fin du terrorisme et la reconnaissance des accords d'Oslo, sont légitimes, pourquoi justement ne pas les imposer aussi au gouvernement israélien ?

M. Olmert veut, par un mur honteux, condamné par la Cour internationale de justice, annexer plus de 50 % de la Cisjordanie : il ne reconnaît donc pas l'État palestinien dans les frontières de 1967, mais la communauté internationale ne répond rien. Ou plutôt si : « audacieux » selon M. Bush, « un premier pas » selon l'Europe ! M. Olmert annexe totalement Jérusalem et deux entreprises françaises participent à l'opération, alors que nos ressortissants ont le devoir de respecter le droit international, en particulier les conventions de Genève ! M. Olmert procède à des exécutions extrajudiciaires et à des bombardements de civils et la communauté internationale fait part de son « émotion » ! J'ai demandé à la France d’exiger à l'ONU une commission d'enquête internationale sur les massacres de la plage de Gaza, comme elle l’avait obtenu pour l'assassinat de Rafic Hariri et dans d’autres cas… mais elle ne fait que « déplorer » le massacre ! La politique française a décidément changé d'orientation au Proche-Orient. M. Olmert veut procéder à un désengagement unilatéral et limité, en totale contradiction avec les accords d'Oslo qui donnaient la primauté à la négociation bilatérale. Il mène une opération à Jéricho et refuse absolument d'accorder la souveraineté aérienne, territoriale et maritime à Gaza, deux territoires palestiniens, et l'Europe refuse d’invoquer l'article 2 de l'accord d'association qui la lie à Israël – elle signe même, au Luxembourg, de nouveaux accords avec Israël !

J’ai donc trois demandes expresses à formuler. D’abord, l'Union européenne doit rendre public le rapport de ses diplomates et chefs de poste à Jérusalem et à Ramallah et suivre leurs recommandations. Pourquoi ne le ferait-elle pas ? Ensuite, tous les considérants de l’accord d’association entre l’Europe et Israël doivent être appliqués de façon pleine et entière, étant rappelé qu’il ne s’agit pas d’un accord d'aide, mais de relations commerciales privilégiées. Enfin, les conditions légitimes posées au Hamas doivent l’être à l’identique à M. Olmert. La France peut prendre une initiative en ce sens avec tous les pays qui y sont disposés.

Tout ceci ne doit pas nous éloigner de la solution politique, qui passe par un accord de paix conforme au droit et à la justice. L'histoire tragique de cette partie du monde montre bien que laisser croire que la solution politique passe exclusivement par les deux protagonistes est, en tout état de cause, vouloir que le conflit perdure. Sans intervention extérieure, il n’y a pas de solution, pas d'issue, pour aucun des deux peuples.

Mme Paulette Guinchard - C’est évident !

M. Jean-Claude Lefort - Elle montre aussi qu’en rester à des accords partiels, c'est à coup sûr placer la paix entre des mains hostiles. C'est pourquoi, les conditions posées plus haut étant remplies, l'heure sera à la négociation d'un accord global, qui était à deux doigts d'être obtenu à Taba.

L’histoire le montre : il faut commencer par les fins. Sans négliger les accords d'Oslo ni la feuille de route, force est de constater que cette dernière est dépassée : un État palestinien devait voir le jour fin 2005 ! La communauté internationale ne peut plus se cramponner à ce texte. C'est pourquoi nous demandons l'organisation d'une conférence internationale, sous l'égide de l'ONU, avec tous les pays concernés, afin de déboucher enfin sur un vrai plan global de paix. Et qu'on ne nous dise pas que les États-Unis poseront leur veto ! En effet, il est une jurisprudence constante depuis 1950 à l’ONU, selon laquelle, en cas de blocage durable et avéré du Conseil de sécurité, il est possible de faire appel à l’Assemblée générale. Cette procédure a été utilisée dix fois depuis 1950. Il n’est donc ni exact ni conforme au droit d’affirmer que le veto américain est insurmontable. Une volonté politique est certes indispensable. Nous vous demandons ardemment et instamment de la manifester.

Nous vous demandons que notre pays soit à la pointe de la recherche de la paix pour les deux peuples au Proche-Orient. Loin de l’isoler, une telle politique vaudrait à la France des soutiens renforcés dans le monde. Monsieur le ministre, il faut nous écouter et nous suivre, car à quoi aurait servi ce débat s’il ne débouchait sur rien ? Nous vous avons clairement dit que nous étions mécontents de la politique française et européenne, mais nous sommes convaincus que la France peut s’engager dans un autre chemin, le chemin qui mène enfin à la paix. Bref, nous vous demandons que la France redevienne la France et reste fidèle à elle-même. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères – De par sa proximité géographique, de par les liens anciens de culture et de civilisation qui l’unissent à nous, de par l’importance de sa population qui ne cesse de croître, de par ses immenses richesses énergétiques dont nous ne pouvons nous passer, le Proche-Orient est une région du monde vitale pour la France et pour l’Europe. Il n’a, hélas, jamais connu la paix depuis 1945, ayant été le théâtre d’innombrables conflits entre pays arabes et occidentaux, entre pays arabes eux-mêmes, entre Arabes et Persans, entre Israël et tous ses voisins. Ces conflits se sont exacerbés en raison des souvenirs du passé, du poids de l’histoire et des rancoeurs qu’elle a fait naître, de la progression du fondamentalisme religieux, d’une méfiance et d’une hostilité envers l’Occident qui sont devenues, soyons-en conscients, un réflexe conditionné de l’opinion publique dans cette région du monde.

Si nous avons ce débat aujourd’hui – outre le fait que nous l’avons demandé avec insistance et que vous nous avez donné satisfaction, Monsieur le ministre, ce dont je vous remercie –, c’est parce que l’existence d’Israël, sa sécurité et ses frontières sont menacées par ses voisins, parce que l’équilibre de la région, déjà très instable, a été perturbé par l’intervention américaine en Irak, parce qu’est arrivé au pouvoir en Iran un président qui n’hésite pas à tenir les propos les plus menaçants et parce que la victoire du Hamas dans les territoires palestiniens a récemment encore modifié la donne.

Vieux de quelques années seulement, le plan américain du Grand Moyen-orient apparaît totalement dépassé, et nul ne pense plus qu’il puisse constituer une solution – les Américains eux-mêmes ne s’y réfèrent d’ailleurs plus du tout. Reposant sur un parallèle entre monde musulman et bloc soviétique, il visait à démocratiser des pays dont il négligeait la diversité politique, sociale et économique, et dont il présupposait qu’ils aspiraient tous à la démocratie telle que nous la concevons. Surtout, il ne tenait aucun compte de la méfiance que suscite toute initiative américaine parmi les populations de la région et reposait sur un modèle occidental, non nécessairement transposable directement à ces sociétés.

L’objectif de la France dans cette région du monde doit être double. Tout d’abord, il nous faut mener une politique équilibrée tenant compte des intérêts des uns et des autres, ainsi que de leurs exigences légitimes en matière de sécurité et de prospérité. Il nous faut en second lieu affirmer l’influence de l’Union européenne car si notre pays seul peut y peser sur le cours des événements, il le pourra encore bien plus en incitant l’Union européenne à intervenir davantage.

Je n’évoquerai pas tous les problèmes du Proche-Orient, notamment la situation de l’Irak ou celle de la Syrie. Je me limiterai à celui de la paix entre Israël et les Palestiniens, et à celui, redoutable, que pose la volonté affichée par l’Iran de se doter de l’arme nucléaire. Les deux questions sont liées. En effet, Israël a les moyens et la volonté de se défendre contre la menace iranienne – la mission que j’ai conduite dans ce pays il y a une quinzaine de jours et les propos que nous a tenus le Premier ministre israélien, M. Olmert, nous en ont convaincus. La solution de chacun de ces problèmes dépend étroitement de celle qui sera apportée à l’autre.

S’agissant de l’Iran, la fermeté de la communauté internationale est parfaitement justifiée et ne doit pas se relâcher. S’il est légitime que l’Iran souhaite produire de l’énergie nucléaire à des fins civiles, il ne saurait être question de le laisser développer un programme nucléaire militaire. Si Téhéran parvenait à ses fins, les risques de prolifération deviendraient considérables, d’autres grands États de la région, comme la Turquie, l’Arabie Saoudite ou l’Égypte, ne manquant pas alors de se référer à l’exemple iranien pour revendiquer le statut de puissance nucléaire.

Face à ces périls, la communauté internationale doit poursuivre ses efforts de dialogue avec l’Iran et, dans le même temps, accentuer sa pression sur les acteurs du conflit israélo-palestinien. La France doit, dans ce concert, faire entendre sa voix. Elle participe par le biais de l’Union européenne aux travaux du Quartet et a joué un rôle de premier plan dans les négociations avec l’Iran. Elle a raison de travailler en bonne intelligence avec ses partenaires européens et américains, sans renoncer pour autant à exposer ses vues propres. Si la solution du problème nucléaire iranien constitue une priorité vitale immédiate, celle du conflit israélo-palestinien, depuis si longtemps principale source de tensions au Proche-Orient, est indispensable à toute évolution positive dans la région.

Or, depuis plusieurs années, le dialogue entre Israéliens et Palestiniens est rompu. Le premier objectif de la communauté internationale doit être de permettre qu’il se renoue et que la confiance se restaure progressivement entre les deux peuples. Prenant acte de cette absence de dialogue, Israël a, hélas, choisi d’agir unilatéralement. Après s’être retiré de Gaza, il envisage maintenant de démanteler des dizaines de colonies de Cisjordanie qui accueillent aujourd’hui de 80 000 à 100 000 habitants, ce qui est assurément à porter à son crédit, mais est déterminé à fixer ses frontières par lui-même, seul si besoin est. Or, aucun règlement unilatéral ne saurait conduire à une paix durable. Israël ne peut dessiner seul ses frontières surtout si, comme la barrière actuelle en cours de construction le prévoit, celles-ci ne suivent pas la ligne d’armistice de 1949, dite ligne verte. L’État hébreu doit par ailleurs impérativement reverser à l’Autorité palestinienne les taxes et droits de douane qu’il lui doit et accepter de reprendre le dialogue.

Dans le même temps, les Palestiniens doivent retrouver une capacité de négociation que la victoire du Hamas aux élections législatives leur a fait perdre. Si « le dialogue national » en cours depuis quelques jours est couronné de succès, il pourrait ouvrir la voie à la constitution d’un gouvernement de coalition qui aurait la légitimité nécessaire à la reprise du dialogue avec Israël. Cela étant, le retour à la table des négociations est bien trop urgent pour demeurer soumis au respect immédiat des trois conditions actuellement imposées par le Quartet au Hamas : la reconnaissance d’Israël, l’arrêt des violences et le respect des accords conclus entre l’Autorité palestinienne et l’État juif. Des délais sont nécessaires pour atteindre ces objectifs. Ceux-ci ne pourront être atteints que si chacun fait un effort vers l’autre.

La France peut, si elle en a la volonté, jouer un rôle positif dans cette voie. Elle doit, auprès des Palestiniens, plaider l’arrêt des violences. Elle doit aussi aider l’Autorité palestinienne à lutter contre la corruption et à améliorer la transparence de sa gestion. Ses relations avec l’État hébreu se sont, pour leur part, améliorées grâce à sa position sur le dossier nucléaire iranien et à sa fermeté dans la lutte contre les actes antisémites sur le territoire national. Nous pouvons nous appuyer sur ces relations amicales pour faire prendre conscience à Israël de l’inefficacité à long terme de toute action unilatérale.

Sans nier les résultats immédiats que peut procurer la construction du mur de sécurité, la France doit plaider en faveur de la reprise du dialogue : la fixation des frontières d’Israël doit être négociée et faire l’objet d’une reconnaissance mutuelle. Israël n’a aucun intérêt à se réfugier dans l’unilatéralisme ni à se fonder sur le fait accompli, sous l’empire duquel vit depuis des décennies le Proche-Orient, avec les résultats que l’on sait… Seul le dialogue permettra de parvenir à la paix, à condition que chacune des parties accepte de faire des concessions territoriales. Israël sera nécessairement amené à restituer des territoires, si la construction de la barrière de sécurité devait conduire à placer sous son autorité directe 10 % environ de la Cisjordanie. Inversement, l’Autorité palestinienne devra prendre acte de certaines extensions, notamment autour de Jérusalem, et de l’implantation de certains blocs de colonies. Israël a intérêt à une paix durable, ce qui suppose qu’elle doit être acceptée de tous, et donc nécessairement juste. Il la cherche depuis un demi-siècle, il a aujourd’hui l’occasion de la trouver – comme l’avait d’ailleurs conclu M. de Charette dans le rapport élaboré il y a un an au nom de notre commission qui l’avait adopté à l’unanimité.

Pour ce qui est de l’Iran, je demeure confiant dans le dialogue entamé par les trois pays de l’Union européenne, rejoints par les États-Unis, la Russie et la Chine. Je souhaite qu’il aboutisse mais je demande que l’on réfléchisse dès à présent à l’avenir du traité de non-prolifération nucléaire…

M. Hervé de Charette - Très bien !

M. le Président de la commission – …auquel certains pays ont adhéré, cependant que d’autres s’en sont affranchis unilatéralement, et que d’autres encore ne l’ont jamais signé pour n’être pas obligés de le respecter. La paix du monde en dépend et je considère que sa révision est, avec la lutte contre toutes les formes de terrorisme, le plus dangereux des défis que nous avons à relever.

Nous sommes dans une époque transitoire où le pire comme le meilleur peuvent arriver. Les évolutions positives de ces derniers jours – qui ne doivent pas cacher la violence persistante – ont été rendues possibles par la poursuite du dialogue. Lui seul permettra de trouver une solution satisfaisante au conflit qui oppose les Israéliens aux Palestiniens, les Iraniens à la communauté internationale. Lui seul pourra conduire à une résolution équilibrée de la crise nucléaire iranienne. C’est l’action que mène notre Gouvernement, à votre instigation, Monsieur le ministre. J’approuve cette action. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre – Je voudrais vous remercier pour la qualité de vos interventions et la tenue de cette discussion. J’en retiens d’abord une très large convergence de vues sur l’essentiel des positions, qui n’est pas nouvelle et qui conforte notre action.

Vous aspirez à ce que notre pays joue un rôle toujours plus important en faveur de la paix. S’agissant des Palestiniens, la majorité d’entre vous soutiennent la ligne du Gouvernement, qui consiste à maintenir la fermeté à l’égard du Hamas, afin de l’encourager à choisir la négociation. Nous sommes d’accord pour encourager l’action du président de l’Autorité palestinienne. Par ailleurs, vous partagez notre souci de venir en aide au peuple palestinien, dans la très grave situation qu’il connaît depuis plusieurs semaines. Nous sommes en train de lancer le mécanisme européen d’aide, qui permettra d’éviter les accusations de financement du mouvement Hamas, inscrit sur la liste européenne des organisations terroristes. Le défi à relever est immense. Il en va de la crédibilité de l’Union européenne : c’est pourquoi votre soutien est nécessaire.

Quant à Israël, nous reconnaissons tous la nécessité de faire primer la négociation sur les rapports de force, comme vient de le dire le président de la commission des affaires étrangères. Nous rejetons la perspective d’un retrait unilatéral de la Cisjordanie, qui ne résoudrait rien.

Monsieur Accoyer, nous soutenons l’organisation d’une conférence internationale pour réactualiser la feuille de route, également évoquée par M. Lefort. Celle-ci, qui fut la seule initiative agréée par les parties, est obsolète depuis 2003. Il faut s’engager maintenant dans la seule voie possible, un calendrier crédible.

Monsieur Accoyer, vous avez également évoqué l’Iran, tout comme M. le Premier ministre Balladur. Il est vrai qu’il est impossible de faire l’impasse sur ce sujet, tant l’inquiétude est forte dans la région. Il convient d’abord d’affirmer notre volonté de régler cette crise dans le cadre multilatéral. Trois dates ont marqué ces dernières semaines : le 31 mai, lorsque les Américains ont accepté de venir négocier aux côtés des Européens ; le 1er juin, lorsque les Allemands, les Britanniques et les Français, réunis à Vienne, associés aux Russes, aux Chinois et aux Américains, ont proposé de reconnaître aux Iraniens le droit de mener une politique électronucléaire civile ainsi que de nouer des accords commerciaux ; le 6 juin enfin, quand M. Javier Solana a apporté ces propositions à Téhéran. Nous demandons au gouvernement iranien d’y répondre le plus vite possible. Il est vrai que nous avons été choqués – et j’ai été le premier ministre à le dire solennellement – par les propos qu’a tenus M. Mahmoud Ahmadinejad sur Israël. La balle est désormais dans le camp de l’Iran.

Monsieur Loncle, j’ai bien noté votre appel à une plus grande mobilisation de la communauté internationale. Si je reconnais que mieux vaudrait parler de « Quatuor » plutôt que de « Quartet », je partage aussi votre opinion sur les risques d’un duo, voire d’un solo. L’Union européenne, présente à Rafa, sur la frontière entre Gaza et l’Égypte, occupe une position politique, aux côtés des Américains.

Mme Paulette Guinchard - Très bon exemple !

M. le Ministre - Vous avez raison de dire qu’il faudra profiter de la présidence finlandaise pour affirmer le rôle politique de l’Union car, comme l’a dit M. le Premier ministre Balladur, nous devons être beaucoup plus ambitieux en matière de politique étrangère.

Monsieur Loncle, il ne faut pas sous-estimer le rôle de notre pays dans cette région. C’est la France qui a plaidé pour que l’on trouve une solution au problème de l’aide au peuple palestinien et qui a travaillé avec les services de la Commission européenne ; c’est la France qui a invité le Conseil européen à donner un mandat à Javier Solana pour faire avancer le processus de paix au Proche-Orient. Il reste beaucoup à faire, mais ne doutez pas de la détermination du Gouvernement.

Vous l’avez noté comme M. Lefort, il est dommage de ne pas entendre la voix de certains dirigeants des pays du Golfe, notamment sur le sujet du développement économique. S’il ne doit pas y avoir de perspective d’avenir pour les jeunes de Gaza, le chaos s’installera définitivement.

Quelles ont été les initiatives de la France ? Nous voulons inciter les deux parties à engager le dialogue : je l’ai dit lors de mes deux visites à Israël et dans les Territoires palestiniens, et j’ai évoqué le sujet avec M. Ehud Olmert et M. Mahmoud Abbas lors de leur passage à Paris. Nous avons été les premiers à poser les conditions du dialogue avec le Hamas, à chercher une solution pour l’aide aux Palestiniens, à plaider pour une réactualisation de la feuille de route et à dire qu’il fallait aider le président de l’Autorité palestinienne, plutôt que de profiter de la crise pour chasser le Hamas du gouvernement.

Monsieur Salles, nous ne nous résignons pas à cette violence. Nous œuvrons inlassablement pour que le Proche-Orient retrouve le calme et la paix, comme nous l’avons fait pour le Liban – je salue ici l’action de M. de Charette, lorsqu’il était ministre des affaires étrangères – où vous n’ignorez pas que nous avons obtenu le retrait des troupes syriennes, après près de trente ans de présence. En Iran, comme M. le Premier ministre Balladur le rappelait, nos propositions continuent à nourrir les discussions avec les Iraniens. En Irak, nous avions anticipé, hélas, les désastreuses conséquences d’une intervention extérieure – je vous remercie d’ailleurs de l’appréciation qui a été la vôtre concernant l’action diplomatique de notre pays. Enfin, s’agissant de votre question sur l’adhésion d’Israël à la francophonie, sachez que cette demande continue de se heurter à l’exigence de l’unanimité, mais que la France soutient cette initiative.

Monsieur Lefort, l’aide européenne apportée aux Palestiniens en mai aura été supérieure à celle qui prévalait l’année dernière. La Commission, à la suite de l’accord des États membres, conclu le 20 juin, a indiqué que nous donnerions 100 millions au nouveau mécanisme, décidé par le Quatuor. La France a impulsé ce mécanisme, le Président Chirac en ayant parlé au Président Abbas il y a quelques semaines à Paris. Sachez par ailleurs que nous n’avons jamais mis fin à notre assistance bilatérale. Je me réjouis avec vous de la signature de documents communs par les prisonniers du Hamas et de l’OLP : là réside une voie d’espoir, car il n’y a rien de pire que la violence civile, qui pourrait aboutir à l’atomisation des territoires.

Monsieur Lefort, nous ne reconnaissons pas l’acquisition des territoires par la force, qu’il s’agisse de Jérusalem ou des autres territoires. Cette position n’a pas varié depuis 1967. S’agissant du tramway, il s’agit d’entreprises privées auxquelles nous avons fait part des observations des autorités palestiniennes. Par ailleurs, nous demanderons en effet une réactualisation du rapport des chefs de poste à Jérusalem, rédigé avant les élections législatives en Israël et dans les territoires palestiniens. Nous souhaitons une solution définitive qui inclue toutes les composantes – statut des réfugiés, territoires, statut de Jérusalem – c’est pourquoi nous demandons une réactualisation de la feuille de route.

Monsieur le Premier ministre, vous avez évoqué le caractère équitable de notre politique, abordé le rôle de l’Union européenne et rappelé les relations entre Israël et la France, rarement aussi amicales. Israël, avez-vous dit, a intérêt à une paix durable : nous devons en effet bien comprendre le droit d’Israël à vivre en sécurité. Enfin, il est évident que les pays émergents – l’Inde, le Brésil, la Chine – devront un jour, ne serait-ce que pour des raisons environnementales, avoir accès à l’industrie nucléaire, à des fins civiles et pacifiques. En conséquence, nous devons réactualiser le traité de non-prolifération nucléaire.

Soyez assurés que notre pays continuera à faire valoir le droit sur les armes et qu’il ne se résignera pas à accepter le cercle vicieux de la violence. La France entend poursuivre ses efforts en vue d’un règlement juste et durable de la question palestinienne, qui comprend l’édification d’un État palestinien qui vive en paix et en sécurité avec Israël. Voici notre ambition pour que la France reste la France. Nous avons besoin de votre appui pour y parvenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

La séance, suspendue à 18 heures 15, est reprise à 18 heures 30.

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règlement définitif du budget de 2005 (suite)

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2005.

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administration générale de l’État

M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur spécial de la commission des finances - La mission Administration générale et territoriale de l’État, qui regroupe 2,2 milliards de crédits de paiement, soit 0,83 % du budget de l’État, revêt une importance particulière : elle couvre en effet 16 % des crédits du ministère de l’intérieur ; elle finance ses fonctions « support » au travers de son troisième programme ; elle a en charge la gestion de l'ensemble du réseau des préfectures – cœur de l'administration déconcentrée de l'État ; enfin, elle comporte les crédits concernant la vie politique, cultuelle et associative, et donc ceux destinés à financer les partis et les campagnes électorales.

L'année 2005 a été une période de transition pour l'ensemble du budget de l'État, la loi de finances initiale pour 2005 étant la dernière votée selon les règles de l'ordonnance du 2 janvier 1959 et la première préfigurée en mode LOLF. Cette phase transitoire s'est particulièrement fait sentir s'agissant de cette mission, car celle-ci est quasiment une création ex nihilo, ce qui a évidemment posé des problèmes de transposition budgétaire et comptable entre l'ancienne et la nouvelle présentation.

Pour avoir le maximum d'éléments d’appréciation, votre rapporteur spécial a interrogé le ministre de l'intérieur sous la forme d'un questionnaire. Les services ont répondu dans les délais – en l'occurrence très courts – et le plus souvent de manière précise.

Il ressort de l'examen des comptes et des réponses qui m’ont été apportées que, premièrement, le budget de 2005 a dans l'ensemble été exécuté conformément à la LFI ; qu’il s'est progressivement orienté vers la recherche de la performance ; et que la gestion est corollairement devenue plus efficiente, en phase avec les grands chantiers de modernisation de l'État.

II y a deux manières d'apprécier l'exécution budgétaire en 2005 : selon le mode classique de l'ordonnance organique de 1959 – cadre dans lequel la LFI a été votée – ou selon celui de la LOLF – cadre dans lequel elle a été préfigurée.

Commençons par la première. Les crédits disponibles représentent 83,9 % des crédits ouverts en LFI. Cet écart est largement imputable au transfert des crédits de pension. Si l'on fait abstraction de ce dernier, les crédits ont été au contraire abondés de 164,2 millions d'euros, soit un accroissement de 7,1 %, lié principalement au montant des reports et de l'avance sur décret. Quant aux gels et dégels de crédits, ils sont d'un montant relativement limité – à peine 1,3 % des crédits pour les gels – et se compensent : 29,5 millions d'euros de gels et 27,8 millions d'euros de dégels.

Les crédits dépensés s'élèvent pour leur part à 1947,4 millions d'euros, soit 26,5 millions de plus que les crédits disponibles et un taux de consommation de 101,4 %. L’écart est lié aux dépenses du chapitre évaluatif 37-91 – Frais de contentieux et réparations civiles – dont l'exécution est de 136,3 millions d'euros contre 81,8 millions d'euros votés en LFI et LFR. Hors ce chapitre 37-91, le taux de consommation s'établit à 98,5 %. La sous-évaluation des dépenses dudit chapitre constitue donc l'un des principaux problèmes de l'exécution du budget de 2005, qui s'avère sinon pour l'essentiel globalement conforme à la loi de finances initiale.

De son côté, la présentation en mode LOLF fait ressortir l'importance respective des trois programmes de la mission en exécution, à savoir : Administration territoriale pour 61,9 % des crédits ; Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur pour 22,8 % du budget ; Vie politique, cultuelle et associative pour 15,3 % du budget.

Sans surprise, on observe une forte diminution de crédits de paiement sur le premier programme, entre ceux inscrits en LFI et ceux dépensés, en raison du transfert des crédits de pensions. IL en est également ainsi pour le troisième programme, et ce pour la même raison, mais dans une proportion moindre, liée à la sous-évaluation des frais de contentieux. Le deuxième programme présente au contraire un net accroissement – 124 millions de plus – entre les crédits votés en LFI et les dépenses effectives. Il tient essentiellement aux ouvertures de crédits par décret d'avance et aux reports, prévus pour le financement des élections de 2004 et le référendum sur la Constitution européenne de 2005. Si les taux de consommation des crédits de paiement des premier et deuxième programmes s'élèvent respectivement à 99,9 % et 98,6 %, celui du troisième atteint 107,7 %, en raison toujours de la sous-évaluation en LFI des frais de contentieux.

Ces données prendront tout leur sens par comparaison avec l'exécution budgétaire de cette année. Quant à l'évolution par rapport à 2004, que votre rapporteur spécial avait demandée au ministère, elle n'a pu être établie pour des raisons méthodologiques.

Deuxième constat : un budget progressivement axé sur la performance.

Alors que l'avant-PAP ne comportait pas d'objectifs et d'indicateurs chiffrés, un chiffrage a été intégré non seulement dans le PAP pour 2006, mais aussi parfois pour l'exécution du budget de 2005. En outre, l'évolution des indicateurs témoigne de plusieurs améliorations dans chacun des trois programmes de la mission.

S’agissant tout d’abord du programme Administration territoriale, la globalisation des crédits de fonctionnement et de rémunération des préfectures, initiée depuis 2000, s'est accompagnée de la mise en place d'un contrôle de gestion, contrepartie de la liberté de gestion nouvelle donnée aux responsables. Elle a donné lieu à la fixation d'objectifs nationaux dès 2003, ce qui a accéléré l'adhésion des préfectures à la culture de performance. Au vu des résultats connus de 2005, les objectifs ont globalement été atteints, mais beaucoup d'indicateurs restent encore à renseigner.

S’agissant ensuite du programme Vie politique, cultuelle et associative, les indicateurs montrent deux améliorations : le raccourcissement du délai d'envoi du décret de répartition de l'aide publique aux partis politiques et la baisse du coût des élections par électeur inscrit.

Le programme Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur contient lui aussi un nombre encore trop important d'indicateurs non renseignés, mais de bons résultats sont atteints sur certains objectifs.

Dans l'ensemble, les efforts du ministère pour intégrer la culture de la performance issue de la LOLF sont satisfaisants, mais ils devront être poursuivis. Les informations relatives aux indicateurs devront notamment être enrichies et comporter des valeurs-cibles pluriannuelles, afin que ceux-ci soient complets et fiables dans le prochain rapport annuel de performances qui devrait accompagner le projet de loi de règlement pour 2006.

Troisième constat : une gestion plus efficiente.

La globalisation des crédits des préfectures – préfigurant la fongibilité des crédits permise par la LOLF – a en effet permis aux préfets d'optimiser la dépense et a eu trois effets principaux : une transformation progressive de la structure d'emplois des préfectures, au profit des emplois de catégorie A et B ; des marges de manœuvre ont pu être dégagées sur les crédits de rémunération ; les performances ont été améliorées – délais plus courts pour la délivrance des titres, réduction des coûts, hausse de la productivité.

La plus grande efficience de la gestion est aussi un effet de la LOLF, dont les fruits sont multiples s'agissant des premier et troisième programmes, mais structurellement limités pour le deuxième, qui correspond à un secteur très réglementé offrant peu de marges de manoeuvre.

Pour le programme Administration territoriale, l'optimisation de l'emploi des crédits s'est traduite en 2005 par une fongibilité accrue entre les crédits de personnel et de fonctionnement. Avec la fongibilité, une approche plus stratégique s'est en effet mise en place dans les préfectures, impliquant la refonte des organigrammes avec la création d'une direction unique des « moyens et de la logistique », qui regroupe les fonctions budgétaires et celles de ressources humaines.

Une méthode de comparaison de l'activité de chacune des préfectures et de leurs moyens de fonctionnement a été mise en place. Fondée sur deux outils économétriques – ARCADE pour les personnels et ESTIDOT pour la dotation de fonctionnement – elle permet de tendre vers une optimisation géographique des ressources du chapitre.

En revanche, comme je le disais, l’exécution du programme Vie politique, cultuelle et associative dépend de paramètres sur lesquels le ministère de l'intérieur n'a que peu de moyens d'action, puisque les critères d'attribution de l'aide publique aux partis politiques sont déterminés par la loi ; que le coût des élections dépend du mode de scrutin et du nombre de candidats, notamment du nombre de ceux qui atteignent les seuils fixés par la loi pour bénéficier du remboursement de leurs dépenses électorales ; et que les dépenses relatives aux cultes sont, pour l'essentiel, des dépenses de rémunération des personnels des cultes concordataires. La seule amélioration à laquelle le ministère peut travailler est donc d’optimiser l'organisation matérielle des élections.

S’agissant du programme Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur, l'effort a principalement porté sur une meilleure organisation de la fonction « achats » – répartie désormais, pour l’essentiel sur quatre pôles – et sur la mutualisation de certaines prestations.

Les réformes entreprises par le ministère devraient conduire à réaliser des économies structurelles selon les cinq orientations détaillées dans le rapport.

Une rationalisation de l’organisation du ministère tout d’abord. La création du secrétariat général en janvier 2004 a déjà permis de regrouper des services et de réaliser des économies de structures. Des expérimentations en termes de mutualisation des moyens et des coûts permettront sans doute d'aller plus loin.

Une adéquation des effectifs par rapport aux besoins ensuite. En 2005 a été formalisé un plan pluriannuel de gestion prévisionnelle des ressources humaines articulé autour d'un vaste mouvement de requalification des personnels et de réformes statutaires constituées, notamment, par la fusion des corps administratifs.

L’optimisation des conditions d'achat repose quant à elle sur une mise en concurrence des fournisseurs ou prestataires de service. Le nouveau marché de téléphonie fixe passé en 2003 avait déjà permis de réaliser une économie de 20 % sur la facture annuelle du ministère. Le développement de la téléphonie sur Internet devrait notamment permettre de réduire plus encore ce poste de dépense.

Le développement des systèmes d'information constitue également un enjeu important. Dans les préfectures, en plus des gains de productivité réalisés et pérennisés dans le cadre de la globalisation de leurs crédits, l’application de la directive nationale d'orientation, grâce en particulier aux retombées des projets INES – identité nationale électronique sécurisée – et SIV – système d'immatriculation des véhicules –, devrait se traduire par des économies substantielles, même si les gains potentiels nets de ces mesures restent à chiffrer avec précision.

J’en viens, enfin, à l'évolution des process, corollaire des actions entreprises en matière d'économies structurelles. Il en est notamment ainsi des simplifications découlant de la réduction du nombre de corps, qui devrait se traduire par un allégement de la gestion quotidienne et la réduction du nombre d'instances paritaires. La dématérialisation de certains actes de gestion constitue également une piste de rationalisation de l'emploi des crédits.

Cette mission illustre l'assimilation de la culture de la performance par les services administratifs, même si l'effort devra être poursuivi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Pierre Morel-A-L'Huissier - Dans mon avis sur le projet de loi de finances initiale pour 2006, j’avais insisté sur le caractère exemplaire de la modernisation du ministère de l’intérieur, à la fois dans ses structures et dans le cadre de la préparation de l’application de la LOLF. M. Canepa, secrétaire général du ministère de l’intérieur, que je remercie pour le travail accompli au sein de la commission des lois, avait d’ailleurs souligné une partie de mon rapport devant les préfets. Je salue également le travail accompli par le ministère de l’intérieur et le Trésor public : j’ai eu l’occasion de constater avec MM. Thénault et Mourier combien les évolutions étaient sensibles.

2005 a été une année charnière. La modernisation a concerné non seulement le ministère et les préfectures mais également les services de l'État dans la région, désormais mieux organisés autour du préfet de région. Cette modernisation est d'autant plus remarquable qu'elle s’est prolongée sur le plan départemental avec l’application de la réforme de l'administration départementale de l'État, la RADE. J’insiste sur cette réforme qui, si elle se fait de manière relativement discrète, n'en constitue pas moins un changement profond de culture. Dans la réforme de 1992, le département avait été désigné comme l'unité administrative de droit commun pour l’application des politiques nationales et communautaires. Par une circulaire en date du 16 novembre 2004, le Premier ministre a ainsi engagé une réforme de l'administration départementale de l'État. Ce texte a consacré une idée directrice : l'administration de l'État n'est pas la même dans chaque département, il faut permettre une adaptation de l'organisation des services.

À l'issue d'une consultation de l'ensemble des préfets de département et en vue de répondre aux trois objectifs de renforcement de l'unité d'action de l'État, de lisibilité pour les usagers et de rationalisation de l'organisation, des projets de réforme de l'administration départementale ont été transmis au ministère de l'intérieur. Si de nombreuses propositions ont été jugées conformes aux textes en vigueur et peuvent être appliquées, d'autres méritaient une analyse complémentaire voire, le cas échéant, une modification des textes. Par une circulaire en date du 28 juillet 2005 relative à la mise en œuvre des propositions de la RADE, le Premier ministre a donc annoncé que celles-ci feraient l'objet de recommandations et d'expérimentations. Les dispositions d'application immédiate s'appuient sur des dispositifs juridiques existants, qu'il s'agisse des pôles de compétences, des missions interservices – MIS –, des guichets uniques ou de toutes les propositions visant à clarifier les modalités d'exercice des missions de l'État dans le département. La formule du guichet unique en matière d'ingénierie publique est ainsi encouragée afin que les DDAF et les DDE qui ne feraient pas l'objet de fusions puissent coordonner au mieux cette compétence technique proposée aux collectivités territoriales.

Les deux tiers des projets ont proposé des mutualisations de moyens. Les formules des pôles de compétence ou des MIS se révèlent particulièrement adaptées à la conduite de politiques transversales exigeant une coopération technique entre les services, telles que les politiques de l'eau, de la sécurité sanitaire des aliments, de la sécurité routière ou de la cohésion sociale. Prudemment, l'expérimentation de délégation interservices – DIS – est en revanche subordonnée à l'existence d'un consensus local des chefs de service concernés et à l'absence d'un ordonnancement secondaire. Ce type de structure mobilise, pour une mission circonscrite, des compétences ou des éléments de services identifiés au préalable. Elle place ces services sous l'autorité fonctionnelle d'un chef de service désigné par le préfet. Pour aller plus loin, des études complémentaires doivent être entreprises. Ainsi en est-il des DIS comportant une délégation d'ordonnancement secondaire et des mutualisations de moyens dans les domaines de l'immobilier, des achats ou de la gestion des personnels. Dans chacun de ces trois domaines, des travaux de concertation ont été entrepris. Plusieurs préfets ont proposé de réformer l'administration selon des modalités d'intégration plus poussée. Des projets de fusion, de rattachement d'une partie de service à un autre ou de réorganisation des services de l'État au sein d'une entité unique ont été élaborés, en particulier entre les DDE et les DDAF, entre les inspections du travail au niveau départemental ou encore entre les services départementaux de l'architecture et du patrimoine et les DDE. En conséquence, une mission a été confiée au comité des secrétaires généraux des ministères pour qu'il procède à une analyse approfondie de ces propositions afin de permettre d'en sélectionner un certain nombre à mettre en œuvre à titre expérimental. Des préfets seront auditionnés pour présenter dans le détail leur projet. Une circulaire du Premier ministre adressée aux préfets relative à la mise en oeuvre des propositions de réforme de l'administration départementale de l'État a confirmé ces orientations. Ainsi, des directions départementales uniques réunissant DDE et DDA sont créées à titre expérimental dans les départements de l'Ariège, de l'Aube, du Cher, de Loir-et-Cher, du Lot, des Yvelines, du Territoire de Belfort et du Val-d'Oise. Les préfets de ces départements ont dû recevoir des instructions du ministre des transports, du ministre de l’agriculture et de la ministre de l'écologie pour préparer ces fusions dans le cadre du décret du 29 avril 2004.

De surcroît, le principe d'un rapprochement, à titre expérimental, de la nouvelle direction départementale issue de cette fusion et du SDAP dans le département du Val-d'Oise a été acté. Ce rapprochement, exclusif de toute fusion, devrait se traduire en particulier par une mutualisation des moyens et des fonctions logistiques. Le rapprochement de l'inspection du travail du régime général et de l'inspection du travail, de l'emploi et de la politique sociale agricole, dès 2006, est également expérimenté dans les départements de la Dordogne et du Pas-de-Calais. Cela devrait conduire à la création, au sein des directions départementales du travail et de la formation professionnelle, de sections agricoles regroupant les services départementaux de l'inspection du travail agricole – sections placées sous l'autorité du ministre chargé de l'agriculture pour l'activité correspondante. Le dispositif sera évalué en 2007 en vue de son adaptation et de son extension éventuelle. De manière plus ambitieuse, une réorganisation progressive des services sera expérimentée dans le département du Lot. D'ici à 2009, les services déconcentrés de l'État placés sous l'autorité du préfet ainsi que certaines directions de la préfecture seront rattachés à trois directions générales de nature opérationnelle et à une direction générale de soutien : la direction générale des territoires, la direction générale des populations, la direction générale de la sécurité, la direction générale des ressources humaines et de la logistique. Le projet d'organisation des services de l'État vise donc à réduire la dispersion des services déconcentrés qui, à l'heure actuelle, sont trente-deux à intervenir à un titre ou à un autre au sein du département.

Par ailleurs, la circulaire prévoit d'encourager la création de six DIS dans six politiques interministérielles : la police de l'eau, la prévention des risques naturels, mais aussi la cohésion sociale, la sécurité routière, la communication des services de l'État et la formation et la documentation au sein des services de l'État. Outre une politique active destinée à encourager la mobilité des agents, la circulaire prône une mutualisation accrue des moyens qui doit concerner à la fois l'immobilier, les achats, les approvisionnements et la logistique.

Ainsi, les projets immobiliers concernant la réorganisation de plusieurs services de l'État en lien avec la réforme de l'administration départementale de l'État seront examinés en 2006 par un groupe d'experts désignés par le comité des secrétaires généraux des ministères. Ceux qui permettront de réduire les dépenses de l'État et d'accroître l'efficacité de son action pourront donner lieu à un retour financier au profit de l'échelon déconcentré.

Le service des domaines a été érigé en conseil des services de l'État en matière immobilière, conformément aux annonces faites par le ministre des finances lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2006.

En matière d'achat public, les préfets sont encouragés à optimiser les achats courants de micro-informatique, de véhicules ou encore de fournitures au bon échelon territorial. Les marchés nationaux devront être privilégiés chaque fois que cela est possible. À défaut, une mutualisation aussi large que possible entre les services départementaux devra être organisée. Pour développer l'analyse des coûts et la prise en compte des coûts complets au sein de l'administration sont promus le secours des dispositifs prévus à l'article 17 de la LOLF, c'est-à-dire le rétablissement de crédit et la cession sur provision, ainsi que la délégation de gestion. A été créé un réseau de référents qui pourront être des fonctionnaires formés aux questions de logistique ou des contrôleurs de gestion des services déconcentrés, qui exercent une mission plus large de suivi des crédits et de la performance et dont chaque service déconcentré devra se doter avant la fin de 2006. Ce réseau examinera toutes les pistes de mutualisation et diffusera les bonnes pratiques au sein des différents services. Quant aux chefs de service qui ne sont pas placés sous l'autorité du préfet – les chefs de juridiction et les chefs des services placés sous l'autorité du Garde des Sceaux ainsi que les directeurs des services départementaux de l'éducation – le Premier ministre recommande qu'ils soient systématiquement associés aux projets locaux susceptibles de les intéresser.

Une révolution est à l'œuvre dans les services déconcentrés de l’État tandis que l'esprit de la LOLF irrigue peu à peu l'ensemble des administrations. La discussion du PLF pour 2007, qui permettra de faire le point sur les premiers mois d'application complète de la loi organique, mettra sans doute en évidence certaines difficultés. Il n'est pas impossible, par exemple, que les systèmes d'information ne soient pas encore parfaitement au point. Nous devrons jeter un regard bienveillant mais vigilant sur ces premiers pas de notre révolution budgétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Bouvard - Très bien.

M. Thierry Carcenac - Mon intervention concerne les actions 02 et 04 du programme108 Administration territoriale, qui représentent 789 millions sur 1,6 milliard de crédits de paiement et dont la réalisation est proche des 99%.

Rapporteur spécial de la mission Gestion et contrôle des finances publiques, mon attention a été attirée au sein de la mission Administration générale et territoriale de l'État par l'action « garantie de l'identité et de la nationalité, délivrance des titres ». Celle-ci traite principalement des fonctions relatives à la garantie de l'identité des personnes physiques : passeports, cartes d'identité, cartes grises. Si les indicateurs relatifs à l'efficience d'une action permettent de juger des résultats dans un ministère par rapport aux moyens mis en œuvre, ils cachent de nombreuses disparités. S’ils permettent d'analyser les délais moyens de délivrance et de traitement, il convient de prendre en charge les choix politiques des systèmes d'information qui ne peuvent être laissés aux seuls experts en informatique.

La LOLF est certes un progrès mais elle nécessite une vision interministérielle d'une administration en réseau. En effet, l'administration électronique implique une vision d'ensemble qui conduit à un pilotage interministériel après une réflexion politique sur la transversalité des problématiques entre les administrations et les techniques informatiques. Par ailleurs, si l’e-government est comparable au e-business, une administration de service n'est pas une entreprise et n'a pas les mêmes problèmes de fidélisation du « client » L'administration doit plutôt chercher à se « faire oublier» du citoyen en garantissant ses libertés. À l’occasion de la rédaction d'un rapport sur l'administration électronique, j'ai constaté que l'État mettait en place trois cartes électroniques : une carte nationale d'identité, une carte sociale – la carte Vitale – et un identifiant fiscal aux coûts non négligeables.

Dans le PAP 2006, on apprend qu'un passeport classique présente un prix unitaire de 4,5 euros – soit environ 15,5 millions pour 3,4 millions de pièces délivrées –, cependant qu’un passeport électronique coûterait entre 15,99 euros et 19 euros et une carte d'identité 0,25 euro, sachant qu'il en est délivré environ 5,4 millions par an. Dès cette année, des investissements ont par ailleurs été consentis dans le cadre du projet INES – Identité nationale électronique sécurisée –, en vue de simplifier et de sécuriser la procédure de délivrance du passeport et de la CNI.

Dans le cadre de la mission Gestion et contrôle des finances publiques – dont je suis le rapporteur –, la sécurité de la télédéclaration est assurée par un certificat d'identification électronique. Celui-ci est délivré gratuitement par les services de la DGI, coûte 0,63 euro pièce et peut être attribué trois fois par an et par contribuable. Ce certificat peut être renouvelé si le contribuable le perd, s’il change d'ordinateur ou de navigateur. La dépense totale ne m'est pas connue, mais elle dépasserait 2,3 millions, pour 3,7 millions de télédéclarants.

Le dispositif retenu par Bercy – alors que les standards de confidentialité, d'intégrité et d'authentification n'étaient pas encore bien fixés – consistait, en utilisant un système de clés publiques et privées, à installer le certificat sur l'ordinateur du contribuable. Toutefois, comme l'indiquent les rapporteurs de l'audit de modernisation sur la télédéclaration de l'IR, la sécurité des certifications pourrait être sensiblement améliorée en les implantant sur l’une des cartes électroniques dont devraient être dotés les Français dans les années à venir, telles que les cartes Vitale de nouvelle génération, les cartes de vie quotidienne délivrées par les collectivités locales ou la carte d'identité électronique. Aussi les rapporteurs de l'audit ont-ils recommandé d'étudier les possibilités d'implantation des cartes TELIR dans un support indépendant de l'ordinateur de l'usager.

L'importance des révocations de certificats d'identification fiscale électronique et le coût induit pour la collectivité commandent de prendre des mesures correctives immédiates – incitation à conserver le mot de passe et à faciliter le transfert d'un ordinateur à un autre – et d’engager une réflexion à ce sujet sans plus attendre, en liaison avec l'Agence pour le développement de l'administration électronique. La mutualisation étant une priorité, il semble urgent, Monsieur le ministre, de réfléchir à la simplification des identifiants utilisés dans les relations entre l'administration et les citoyens, ainsi que pour les achats sur internet via la signature électronique, sachant que cela contribuerait à lutter contre l'usurpation d'identité et la fraude, fiscale ou aux prestations sociales.

Jean-Pierre Brard, dans un rapport d'information sur la fraude et l'évasion fiscales, notait que la simplification du système d'identification se heurte à de fortes réticences de la CNIL et qu’une intervention directe du législateur semble nécessaire en vue d'adapter le droit aux évolutions technologiques. Il faudra tendre vers une CNIL plus forte, mais aussi plus souple et dotée, sans doute, de relais locaux.

M. Michel Bouvard - Très bien.

M. Thierry Carcenac - S’agissant du pilotage des politiques gouvernementales, le rapporteur spécial de la mission – notamment pour ce qui concerne le programme Administration territoriale qui retrace l'ensemble des missions des préfectures et sous- préfectures – donne un satisfecit global à la gestion 2005, en soulignant que le budget s'est progressivement orienté vers la recherche de la performance, en se fixant des objectifs rendant la gestion plus « efficiente ». Efficiente certes, mais plus efficace ? Je tiens à rappeler la teneur des auditions au sein de notre commission des finances et les conclusions du rapport sur les conditions de réussite de la LOLF. Au-delà des résultats strictement comptables et des progrès qu’autorise la fongibilité, les préfets auditionnés nous ont fait part de leurs interrogations et ils ont décrit certains risques pouvant nuire à la modernisation de l'État comme à la maîtrise de la dépense.

Le premier concerne le degré de déconcentration. S'il n'existe pas de niveau intermédiaire responsable de la programmation, l’échelon local exécute ce qui a été décidé au niveau central. Ce phénomène – qu’il est impératif de prohiber – a déjà trouvé son appellation sous le terme de « crédits fléchés »… Le deuxième est lié au mouvement accéléré de création d'agences et d'opérateurs de l'État, qui, en échappant au budget de l'État, exécutent la dépense selon des modes qui peuvent ignorer la démarche d’évaluation de la performance. Le troisième tient à la création d'une nouvelle chaîne de responsabilité entre le responsable de programme et le responsable de BOP. Les préfets de région ne disposant plus du pouvoir de programmation des crédits, leurs relations avec cette nouvelle chaîne de responsabilité sont floues. Enfin, la lente mise en place opérationnelle des nouveaux systèmes d'information – liée à l’échec du « Palier 2006 » – marginalise le préfet dans la mise en œuvre de la LOLF. Il lui est ainsi difficile de garder un œil informé sur les dépenses des services déconcentrés de l'État et cette situation peut nuire à la recherche de coordination entre les BOP et les niveaux géographiques de responsabilité.

Aussi, contrairement au bilan que présente notre rapporteur spécial, l'action Pilotage territorial des politiques gouvernementales – non retracée dans un indicateur – pourrait ne pas être totalement assurée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Didier Migaud - Très bien !

M. Michel Bouvard - La loi de règlement du budget 2005 est la dernière à être examinée dans le cadre de l’ordonnance de 1959. Pourtant, dès cette année, par anticipation de la mise en œuvre de la LOLF, notre commission des finances a souhaité que l’examen d’une mission et de deux programmes préfigure l’évolution attendue qui fera de l’examen de la loi de règlement un moment fort du débat budgétaire. Cette démarche, conforme à l’esprit de la loi organique, répond à l’objectif de renforcer le contrôle parlementaire et nous souhaitons qu’elle s’accomplisse en parfaite intelligence avec les rapporteurs pour avis des autres commissions permanentes. À cet égard, je salue la présence de notre collègue Morel-A-L’Huissier. Même si l’exercice est, en cette année de transition, forcément imparfait, je regrette que la commission des lois ne se soit pas davantage investie dans la démarche et n’ait pas saisi l’occasion qui nous était donnée.

La mission Administration générale et territoriale de l’État est composée de trois programmes, dont deux seulement – Administration territoriale et Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur – répondent aux critères de pilotage, puisque le dernier – Vie politique, cultuelle et associative – consiste essentiellement à verser des subventions dont la loi fixe les règles sans laisser de marge de manœuvre aux gestionnaires. S’agissant de l’ensemble de la mission, je salue la qualité des relations qui se sont établies avec le Secrétaire général du ministère de l’intérieur, qui en assume la responsabilité.

Pour ce qui concerne le programme Administration territoriale, la MILOLF a suivi la démarche de globalisation des crédits de préfecture. Elle en a du reste apprécié l’efficacité, dans le cadre des expérimentations conduites au cours des derniers exercices. Le passage à la LOLF n’a pas remis en cause les principaux acquis de la globalisation, même si nos déplacements nous ont permis d’être alertés sur certaines rigidités, liées à l’application de la fongibilité asymétrique – laquelle est pourtant l’un des acquis majeurs de la loi organique. Je souhaite, Monsieur le ministre, connaître les solutions que vous préconisez pour lever ces rigidités et approfondir la démarche de performance.

S’agissant de la mesure des résultats, à quel niveau évaluez-vous la capacité de votre ministère à renseigner l’ensemble des indicateurs pour la LFI 2007 ? À ce propos, je rappelais hier que « trop d’indicateurs tuent les indicateurs ». Si des objectifs de performance – et les indicateurs qui les retracent – existent de longue date au ministère de l’intérieur, j’appelle votre attention sur le fait que le programme Administration territoriale doit également intégrer des indicateurs LOLF. Monsieur le ministre, comment comptez-vous parvenir à cette harmonisation sans céder à une forme de « bureaucratisation des indicateurs » ? Pouvez-vous lever nos craintes à ce sujet ?

Les nombreux déplacements de la MILOLF nous ont également permis de mesurer l’effort accompli pour harmoniser les priorités des différents programmes avec les PASER et PASED. Néanmoins, la définition des BOP à enjeux n’a pas été effectuée de manière systématique et n’a donc pas toujours permis d’établir cette nécessaire coordination, souvent parce que les PASER préexistaient à la LOLF. Il conviendra, à l’avenir, de relever ce défi.

Si la MILOLF s’est retrouvée dans plusieurs des observations de la Cour des comptes, nous divergeons, pour ce programme, avec son analyse sur la nécessité d’une remontée des BOP du niveau départemental au niveau régional, considérant qu’il s’agit sans doute pratiquement des seuls BOP pour lesquels le niveau départemental est pertinent, ne serait-ce que pour permettre aux préfets de continuer à exercer les missions qui leur sont dévolues.

J’en viens au programme Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur, auquel ont été intégrés les crédits de contentieux gérés par la direction des libertés publiques et des affaires juridiques. Cette évolution constitue un élément perturbateur, dans la mesure où ces crédits – naguère évaluatifs – sont entrés dans un cadre limitatif. Au surplus, ils correspondent le plus souvent à des dépenses gérées localement. Le montant inscrit dans la LFI pour 2005 a été dépassé de 57 millions, cependant qu’un dépassement de 40 millions avait déjà été enregistré pour l’exercice précédent. Il semble indispensable d’envisager le moyen de réduire cette charge et de revoir le niveau de son inscription en LFI, afin de mieux respecter le principe de sincérité budgétaire.

Il conviendrait aussi – dans ce même programme – de rationaliser le découpage des UO –unités opérationnelles – pour chacun des BOP, le passage en comptabilité analytique n’imposant nullement de retenir un dispositif aussi complexe que celui qui a été choisi – même s’il est vrai que le ministère de l’intérieur pâtit des faiblesses du système NDL « Palier 2006 », ce qui rend souhaitable l’accélération du programme Chorus, comme je l’ai indiqué hier à M. Copé.

Monsieur le ministre, puisque le temps me manque pour évoquer d’autres sujets, je conclus en saluant la mobilisation – sous l’autorité du ministre d’État et de la vôtre – du corps préfectoral et du personnel des préfectures en faveur de la réussite de la LOLF. Qu’ils soient assurés de toute notre gratitude. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales – Je suis très heureux de me livrer à cet exercice de présentation de l’exécution du budget de 2005 et je salue l’excellent travail du rapporteur spécial de votre commission des finances. Votre assemblée procède à un échauffement fort utile, en prévision des nouvelles règles d’examen des lois de règlement introduites par la LOLF, conformes à sa logique globale de recherche de la performance. Cette séance est donc riche de promesses quant à l’amélioration de la gestion publique, puisqu’il s’agit de débattre de l’efficacité et de la pertinence des politiques de l’État. L’exercice ne prendra véritablement son sens que l’année prochaine – le budget pour 2005 n’étant pas entièrement configuré en mode LOLF, il nous manque une grande partie des outils nécessaires – mais je vous remercie d’avoir choisi cette mission, qui non seulement apporte de précieux enseignements sur l’utilisation des crédits, la mise en œuvre de la LOLF et la modernisation de l’État, mais aussi touche très directement tous les Français, qu’il s’agisse de la présence de l’administration sur le territoire, de la vie démocratique ou des libertés religieuses et d’association.

Pour ce qui est des crédits, le taux de consommation est très satisfaisant. La mission est parvenue à préserver ses moyens d'action tout en contribuant aux dépenses imprévues de l'Etat. Les préfectures, en particulier, auront bénéficié d'au moins 99,8 % de la dotation prévue. Je m’empresse de dire qu’une forte consommation des crédits ne va pas toujours de pair avec l'optimisation de la dépense publique : si les préfectures y sont parvenues, c'est qu'elles ont été les précurseurs d'une gestion fondée sur les principes de la LOLF. Elles ont ainsi pu dégager une marge de manœuvre de 17 millions en 2005, dont le quart a permis de mieux récompenser les mérites des agents. Plus de 12 millions ont pu être affectés, dans le cadre de la fongibilité asymétrique, à l’amélioration de l'accueil du public, à l'aménagement mobilier ou aux équipements informatiques. Cette fongibilité asymétrique est devenue un des premiers outils de la LOLF après avoir été expérimentée par les préfectures, qui sont très attentives, Monsieur Bouvard, à ce que des éléments techniques, et notamment informatiques, ne compromettent pas la souplesse de la loi organique. Je souhaite ici rendre un hommage sincère et appuyé au personnel des préfectures, qui s’est investi dans ce changement de culture et a su ouvrir la voie aux autres administrations.

En même temps que la globalisation des crédits, les préfectures ont expérimenté la démarche de performance, avec la fixation d'objectifs et d'indicateurs couvrant l'ensemble de leurs activités. Le contrôle de gestion est ainsi devenu pour elles un réflexe. Un « infocentre » a été mis en ligne, qui regroupe l'ensemble des indicateurs d'activité et permet à chaque préfecture et à chaque agent de comparer ses performances avec celles des autres. Ces indicateurs révèlent les progrès significatifs accomplis en 2005 en termes par exemple de délais de délivrance des titres, de sécurité juridique des décisions – avec un recul du nombre de contentieux perdus – ou de maîtrise des coûts de fournitures. Les indicateurs relatifs au contrôle de légalité ont été établis de façon à répondre aux attentes du Parlement. Ils prennent davantage en compte le rôle de conseil et ciblent les matières à fort enjeu. C'est un point qui fera désormais l'objet d'un suivi très attentif.

M. Gorges regrette, comme M. Bouvard, que les indicateurs qui vous ont été communiqués ne soient pas suffisamment renseignés. Cela tient essentiellement au fait que les modifications de périmètre n’ont pas toujours permis, au moment de l'élaboration des documents pour 2006, de reconstituer les performances réalisées en 2005. Les données ont, depuis, été reconstituées et vous seront présentées dans le projet annuel de performance pour 2007. En tout état de cause, l'amélioration des performances des préfectures est sensible et s'accompagne d'une hausse incontestable de la productivité par agent. Ce mouvement va s'accélérer dans les années qui viennent, à la faveur des redéploiements entre missions et des transformations d'emplois qui vont se produire.

Car les préfectures restent engagées dans une démarche continue d'anticipation et de modernisation. Elles ont ainsi entrepris, dès 2005, de se réorganiser en profondeur, pour tenir compte notamment de la diminution des fonctions de guichets qu'impliquent la production centralisée des titres et le développement des téléprocédures. Ainsi, en 2005, près de 7 millions d'opérations relatives aux cartes grises ont ainsi été réalisées à distance et près de 900 000 citoyens ont été avertis de la disponibilité de leur carte d'identité en mairie. Parallèlement se développent des missions qui requièrent des agents plus qualifiés, en matière de sécurité, de cohésion sociale, de développement durable ou encore de conseil aux collectivités locales. Un plan pluriannuel de requalification a donc été lancé, qui concernera 4 700 postes en cinq ans et se traduira par une diminution substantielle du nombre d'agents de catégorie C par rapport aux deux catégories supérieures. Le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux permettra d'autofinancer ces mesures et même de dégager des économies nettes. Les préfectures seront ainsi mieux à même de remplir leurs nouvelles missions et les perspectives de promotion offertes aux agents renforceront encore leur motivation.

Au sein de ce programme sont également menées les opérations immobilières des préfectures. L’année 2005 a été marquée par la poursuite d'opérations lourdes, comme le relogement d'une grande partie des services des préfectures du Nord ou du Vaucluse ou la restauration de l'Hôtel des Intendants à Châlons-en-Champagne. D'importants travaux ont également permis la modernisation de 19 salles opérationnelles et la mise en accessibilité de plusieurs préfectures. Ces actions se poursuivront naturellement en 2006.

Un mot sur la réforme territoriale de l'État, qui, comme l'a souligné Pierre Morel-A-L’Huissier, est en train de modifier en profondeur les modalités de l’action publique. Elle a été lancée en 2005 au niveau régional, avec le regroupement des services déconcentrés en huit pôles, auxquels sont associés les établissements publics et les agences de l'État. Cette évolution offre au préfet des leviers pour assurer la cohésion et l'efficacité de l'action publique en région. La réforme départementale repose sur deux priorités : mieux coordonner les politiques relevant de plusieurs services, avec la création de pôles de compétences ou de guichets uniques, et mutualiser certaines fonctions transversales, en matière d'achats, de formation, d'action sociale ou de communication. Une nouvelle étape a été franchie au début de 2006 avec des fusions expérimentales de certains services, comme la DDE et la DDAF, et le lancement, par exemple dans le département du Lot, d'un ambitieux projet de regroupement des services autour de trois directions thématiques. Enfin, deux décrets récents ont permis de fluidifier l'action de l'administration en supprimant ou fusionnant 130 commissions administratives départementales sur les 200 qui étaient répertoriées.

Je me suis quelque peu écarté du bilan de l'année 2005, en espérant vous convaincre que l'amélioration de la performance ne se conçoit que dans une démarche continue. Je serai plus rapide sur le programme Vie politique, cultuelle et associative, qui est certes essentiel, puisque qu'il permet de donner une traduction concrète à des libertés fondamentales, mais sur l'exécution duquel le ministère de l'intérieur ne peut guère influer, qu'il s'agisse du coût des élections, du montant de l'aide publique aux partis ou des dépenses relatives aux cultes. Nous surveillons plusieurs indicateurs de performances, tels que les délais d'instruction des demandes de reconnaissance d'utilité publique ou les délais de versement des financements aux partis politiques, mais peu d’économies sont possibles. La seule amélioration à laquelle nous pouvons travailler est l'optimisation de l'organisation matérielle des élections. Le ministère est fortement mobilisé sur cette question, notamment dans la perspective des échéances prochaines.

Le programme Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur regroupe le fonctionnement de l'administration centrale et les tâches de soutien aux programmes opérationnels du ministère. D’importants efforts ont été accomplis pour mutualiser les achats. C'est un point capital, puisque ce programme est d'abord orienté vers la qualité de service au profit d'usagers internes à l'administration. L’objectif est d'optimiser ce programme pour lui donner moins de moyens de soutien et plus d'activités opérationnelles. Cette stratégie s'est développée selon deux axes : la réforme des structures et le développement du contrôle de gestion.

La réforme de structures a été engagée avec la création, en janvier 2004, du secrétariat général, qui a intégré plusieurs directions. Le secrétariat général regroupe les fonctions horizontales du ministère et constitue un interlocuteur unique pour les directions spécialisées. Il coordonne l'action des services et assure leur évaluation. Il mène enfin la réflexion sur l'évolution stratégique du ministère et met en œuvre la politique de modernisation. Le secrétaire général a ainsi directement supervisé le passage à la LOLF au sein du ministère – et Pierre Morel-A-L’Huissier a salué l’engagement personnel de Daniel Canepa. Les réformes de structure ont aussi permis d’adapter les directions aux impératifs de la LOLF, par exemple avec un plan stratégique des systèmes d'information et de communication ou la réorganisation de la direction des ressources humaines autour de nouvelles missions.

M. Bouvard s’est interrogé sur la carte des unités opérationnelles. C’est un sujet important, puisque l’efficacité de l’action de l’État suppose de mettre fin à la tentation de flécher les crédits au niveau central. En ce qui concerne le programme Administration territoriale, les unités opérationnelles correspondent toutes au niveau de gestion, qui est le département. Pour le programme Conduite et pilotage, des améliorations sont à l’évidence possibles et le ministère proposera pour 2007 une simplification de la cartographie. Pour ce qui est des autres ministères, les secrétaires généraux travaillent à permettre une gestion toujours plus déconcentrée des crédits.

Le développement du contrôle de gestion, lui, s'est traduit par la création d'un réseau de contrôleurs, issus du secteur privé, chargés de favoriser l'analyse des activités et d'élaborer des tableaux de bord. Un outil informatique a été élaboré pour assurer le suivi de ces indicateurs. Pour le projet de loi de finances pour 2007, le nombre des objectifs et indicateurs a d'ailleurs été réduit, afin de permettre une meilleure appropriation de la démarche de performance par les services, mais aussi une meilleure lisibilité de la performance par les parlementaires. Cinq objectifs sur six sont consacrés à l’évaluation de la qualité des services rendus par les directions, toute la démarche visant à optimiser les coûts.

M. Gorges a souligné l’incidence qu’a eue la sous-évaluation des frais de contentieux. Nous avons essayé en 2006 de maîtriser ces frais par le biais d’une délégation encadrée aux préfectures. Trois priorités leur ont été données dans l’utilisation des crédits de contentieux : le paiement des sanctions financières infligées à l’État par jugement, la rémunération des avocats choisis pour défendre l’État et le règlement des transactions amiables, qu’il leur a été demandé de privilégier afin de réduire autant que possible les sommes dues.

Je vous indique Monsieur Carcenac, que le projet de loi relatif à la carte d’identité électronique vient d’être transmis au Premier ministre. La nouvelle carte, non obligatoire à l’instar de l’actuelle, comportera des données biométriques protégées et permettra à ceux qui le souhaitent d’utiliser la signature électronique. Une mutualisation sera possible avec les passeports électroniques de deuxième génération, en particulier pour la prise des photos et des empreintes digitales. En revanche, la mutualisation des données de cette carte avec celles de la carte Vitale ou du numéro fiscal se heurte à un obstacle juridique, les finalités de ces documents étant totalement différentes. La loi Informatique et libertés, complétée par l’interprétation qu’en donne la CNIL, impose en effet à tout traitement informatique d’avoir une portée strictement limitée à son objet. C’est le même obstacle qui a empêché la mise en place dans notre pays de l’identifiant national unique, que nombre de pays voisins, dont la Belgique, l’Espagne, la Finlande et l’Italie, ont pourtant adopté. Cette évolution, pour séduisante qu’elle soit, notamment de par les simplifications et les économies qu’elle permettrait à terme, ne doit néanmoins pas porter atteinte aux libertés publiques. Cela exigerait en tout cas une large concertation préalable avec les élus, les associations et les citoyens, et un travail législatif serein, auquel serait consacré tout le temps nécessaire.

Plusieurs d’entre vous l’ont souligné, l’examen de la mission Administration générale et territoriale de l’État montre combien les services administratifs ont intégré la culture de la performance. Je salue une nouvelle fois les personnels qui ont permis ces résultats.

La préfiguration de la LOLF, comme aujourd’hui sa mise en œuvre, ont exigé du temps, de l’énergie et de la créativité. Les fonctionnaires du ministère de l’intérieur ont su faire preuve d’un remarquable sens de l’effort et du service public. Le ministre d’État a, comme moi, la volonté de poursuivre résolument dans cette voie sous le triple sceau de l’innovation, de la responsabilité et de la performance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Nous en avons terminé avec l’examen de la mission Administration générale et territoriale de l’État.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.
La séance est levée à 19 heures 35.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

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