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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du jeudi 22 juin 2006

Séance de 15 heures 30
107ème jour de séance, 252ème séance

Présidence de M. Maurice Leroy
Vice-Président

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La séance est ouverte à quinze heures trente.

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débat d’orientation budgétaire et débat sur les orientations des finances sociales pour 2007 (discussion commune)

L'ordre du jour appelle la suite du débat d’orientation budgétaire et du débat sur les orientations des finances sociales pour 2007, qui font l’objet, sur décision de la Conférence des présidents, d’une discussion commune.

M. Michel Bouvard – Conformément à la volonté du législateur organique, ce débat d’orientation budgétaire intervient au lendemain de l’examen de la loi de règlement, ce qui contribue à l’éclairer utilement.

Ainsi, la loi de règlement a mis en évidence la croissance inéluctable de la dette, qui vient de passer de 1 067 à 1 138 milliards d’euros, soit 66,8 % du PIB, malgré la maîtrise des dépenses et le strict respect de l’autorisation parlementaire, comme l’a relevé la Cour des Comptes. En vingt ans, la seule dette budgétaire aura quintuplé !

Même si le déficit a été réduit, il n’est consacré que pour 30 milliards d’euros à des dépenses d’investissement, le reste correspondant à des dépenses de fonctionnement couvertes par emprunt.

La loi de règlement a également démontré que ces dépenses de fonctionnement étaient principalement constituées par les dépenses de personnel, qui continuent de s'accroître malgré une première réduction des effectifs : leur part est passée de 36 % à 40 % du budget entre le début des années 1990 et le début des années 2000 !

Il est enfin apparu que les budgets d'investissement civil souffraient d’une faiblesse structurelle que je qualifierai de dramatique.

Ces constats nous interdisant de céder à la facilité : nous devons tenir le cap de la maîtrise des dépenses et aller plus loin encore ! En effet, les mesures déjà prises n’ont pas encore permis d’inverser les tendances et d’inscrire définitivement le budget dans un cycle vertueux.

Une telle inversion de tendance est d’autant plus indispensable que l'effet « boule de neige » de la dette risque d’être amplifié par la politique de relèvement des taux d'intérêt suivie par la Banque centrale européenne, qui s’obstine à ne se préoccuper que de l’inflation, et fort peu de l’inflation. Chaque relèvement des taux d'intérêt se traduit pourtant par plusieurs centaines de millions d’euros de dépenses supplémentaires sans aucun bénéfice pour la collectivité publique. Comme l’indique le tableau présenté par le rapporteur général, une hausse de seulement 100 points de base coûterait un milliard dès la première année !

Cela étant posé, nous ne pouvons que souscrire aux orientations proposées, qui répondent à des demandes formulées par la majorité de la commission des finances.

Le passage d’une croissance de la dépense limitée à l’inflation à une croissance nulle en valeur constitue ainsi un progrès indéniable, puisqu'il permet de limiter le recours à l'endettement pour financer les dépenses de fonctionnement. En outre, la diminution des emplois publics contribuera à freiner la progression de ce poste budgétaire, qui se fait au détriment de l'investissement public.

Compte tenu de l’augmentation mécanique des dépenses de pensions, qui croîtront en moyenne de 5% au cours des trois prochaines années, contre 4,7 % entre 2002 et 2006, la stabilisation de la dépense « fonctionnaires » passera inévitablement par une réduction des effectifs. Félicitons-nous donc de la réduction de 15 032 équivalents temps pleins travaillés, choix qu’est tout sauf aveugle puisque ce chiffre est le solde des 19 039 postes non renouvelés et des 4 007 ETPT créés dans les secteurs prioritaires tels que la sécurité ou la justice.

Je me réjouis également que de telles modulations interviennent au sein de chaque ministère. Dans l’éducation nationale, par exemple, les effectifs d’enseignants s’accroissent dans le primaire pour accompagner la remontée démographique des jeunes classes d'âges, alors qu’ils diminuent dans le secondaire où les effectifs scolaires ont fortement diminué, et augmentent fortement dans le supérieur afin de remédier à l’incontestable sous-encadrement dont pâtissent nos universités – le rapport que j’ai récemment rédigé pour le compte de la MEC, avec mon collègue Alain Clayes, ne le démontre que trop !

Toutefois, cette réduction des effectifs n'empêchera pas une progression en valeur absolue de ce poste : en raison des revalorisations, des promotions et des mesures catégorielles, les dépenses augmenteront de 1,6 milliard d’euros, dont 700 millions au titre des rémunérations et 450 au titre des mesures catégorielles et du GVT.

Notre soutien à cette diminution des effectifs, Monsieur le ministre, est donc assortie de cinq recommandations.

Tout d’abord, la réduction doit toucher aussi bien les administrations centrales que les administrations déconcentrées car souvent nos concitoyens et les élus ont le sentiment que l'effort en la matière n'est pas réparti de manière équilibrée.

Par ailleurs, cet effort doit s’appuyer sur des réformes de structures. La réforme de la redevance audiovisuelle a permis une réduction de mille postes au ministère des finances : nous devons nous en inspirer ! L’esprit qui a présidé à la mise en place des SMR doit continuer de prévaloir.

Troisième recommandation : la suppression effective des services de l'Etat en charge de compétences transférées aux collectivités territoriales au titre de la décentralisation. Les effectifs de la fonction publique d'Etat ont en effet continué de s'accroître, passant de 2 329 200 à 2 543 400 ETP entre 1992 et 2003, alors que ceux de la fonction publique territoriale passaient de 1 201 700 à 1 522 100.

II est d'autant plus indispensable de veiller à ce point qu'à des tâches de production succèdent souvent des tâches de contrôle a priori, contraires au principe de responsabilité des collectivités territoriales, voire des missions de production de nouvelles normes, qui ne font qu’ajouter à la complexité et au coût des politiques publiques.

Nous souhaitons également une clarification en ce qui concerne les emplois affectés aux opérateurs. Comme le souligne l’observatoire de l’emploi public, certains ministères, notamment ceux dont les effectifs sont les plus réduits, ont fréquemment recours aux opérateurs pour se doter des emplois nécessaires à la mise en œuvre de leur politique, qui sont alors financés par des subventions. La Cour des Comptes avait ainsi démontré que les effectifs du ministère de la culture ne diminuaient que de manière purement optique.

Nous devons donc veiller à mieux connaître les ressources publiques des opérateurs, les taxes qui leur sont affectées et les subventions ou emplois para-publics et publics dont ils bénéficient. Selon le rapport de la Cour des comptes sur la loi de règlement, « les ministères n'ont qu'une connaissance très lacunaire des effectifs des opérateurs qui leur sont rattachés ». Connaissant le tact habituel de la Cour, cela veut dire que l’on ne sait rien du tout à ce sujet ! L’estimation des effectifs du programme « recherche » dans le domaine des risques et des pollutions se situe ainsi dans une fourchette comprise entre 1 557 et 1 624 ETPT, quand ceux de la mission « écologie et développement durable » seraient compris entre 2 212 à 6 922 ETPT – excusez du peu !

Une telle situation nous invite à renforcer notre contrôle sur les plafonds d’emploi, conformément aux dispositions de la LOLF. Sur ce point, l'amendement de la MILOLF que nous avons adopté hier soir avec votre soutien Monsieur le Ministre, devrait nous aider à aller de l’avant.

Dernière recommandation : la réduction des effectifs dans certains ministères ne doit pas annihiler la rationalisation des emplois dans les services déconcentrés, rationalisation facilitée par la fongibilité asymétrique instaurée par la LOLF.

A ce sujet, je dois me faire l'interprète, Monsieur le ministre, des interlocuteurs que nous avons rencontrés sur le terrain dans le cadre des travaux de la MILOLF. Ceux-ci craignent en effet que des emplois d'une catégorie laissés vacants au niveau local dans le cadre de la gestion déconcentrée d'un BOP, dans la perspective d’un recrutement ultérieur destiné à combler des besoins non satisfaits, ne soient considérés par l'administration des finances comme des emplois vacants parce qu'inutiles, et que les moyens nécessaires aux redéploiements soient ainsi supprimés.

Notre pays a besoin d'investissements pour préparer l'avenir, pour assurer l’attractivité de notre territoire et garantir la qualité de vie de nos concitoyens. Ces investissements permettent également, bien entendu, de créer des emplois. Un retour de l'Etat s’impose donc dans ce domaine, mais il ne sera possible que si nous maîtrisons les dépenses de fonctionnement : l'investissement – notamment l'investissement civil – a trop longtemps servi de variable d'ajustement du budget aussi bien en LFI que lors de l'exécution de la loi de finances. Ce retour doit intervenir à un moment où la mise en place d'une nouvelle programmation du budget européen pour la période 2007-2013 exigera la mobilisation de contreparties nationales afin d’accéder à ces fonds. Il en est ainsi par exemple du programme de transport RTE.

Vous avez confirmé cette priorité à l’investissement, Monsieur le ministre délégué, et je m'en réjouis. Les moyens affectés témoignent de cette réorientation qui fait toutefois appel à des opérateurs publics : l'AFITT pour les infrastructures de transport, l'Agence d'innovation industrielle ou l'Agence de la recherche. Les masses de crédits gérées par ces agences, qui se chiffrent en milliards, nécessitent une totale transparence entre dépenses budgétaires, recettes affectées et dépenses financées par des réalisations d'actifs de l'État – et donc un contrôle accru du Parlement.

La mise en œuvre des contrats de projet pour la période 2007-2013, qui constitue l'autre volet de cette politique d'investissement public, devra elle aussi favoriser la réalisation d'investissements structurants, dans un partenariat renoué entre l'Etat et les collectivités territoriales. Ce partenariat suppose aussi l'achèvement, dans de bonnes conditions, des opérations en cours de l'actuel contrat de plan. La LOLF ayant révélé l’existence de stocks d’autorisations d’engagement délivrées depuis de nombreuses années, il convient de faire en sorte que les crédits de paiement puissent permettre progressivement de les solder.

Je vous confirme mon appui à ces orientations budgétaires qui répondent aux problèmes mis en évidence par la loi de règlement et qui sont conformes à nos obligations européennes, mais plus encore aux responsabilités que nous avons à l’égard de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État Je vous remercie.

M. Didier Migaud – Après avoir examiné le projet de loi de règlement pour 2005, le Parlement se saisit des perspectives pour 2007 et des orientations du Gouvernement en matière de finances publiques. Vous avez ajouté un point à l’ordre du jour, Monsieur le ministre délégué au budget : le projet socialiste, ce qui traduit votre manque de confiance en l’avenir. L’alternance est possible et souhaitable : merci d’en être d’accord !

M. Jean-François Copé, ministre délégué Méthode Coué !

M. Didier Migaud – Il s’agit du second temps fort du débat budgétaire préalable à l’examen du PLF. Le projet de loi de règlement pour 2005 a permis de constater la dégradation persistante de nos comptes publics, l’amélioration optique du solde budgétaire n’ayant été obtenue qu’après de nombreuses acrobaties comptables. Le solde public n’a quant à lui été amélioré que grâce à la soulte versée par les IEG, la dette publique a augmenté de 2,4 points de PIB et la dépense publique de 4,1 % après 3,8 % en 2004.

Pour 2007, le Gouvernement amplifie les baisses d’impôt et prétend réduire le poids de la dette publique exclusivement par une action sur la dépense – et notamment par une diminution du nombre des fonctionnaires. Plus que le souci de maîtrise des comptes, c’est le dogmatisme idéologique qui guide les choix gouvernementaux.

Les premières données de l’exécution budgétaire de 2006 ne sont pas satisfaisantes. Malgré les titres de la presse abondamment cités ce matin par M. le ministre délégué au budget, les résultats évoqués ne correspondent qu’à l’estimation basse avancée lors de l’élaboration de la LFI. Je comprends donc mal votre autosatisfaction. Après avoir baissé pour la première fois de 1,4 point entre 1999 et 2001, la dette publique a explosé de plus de dix points de PIB en quatre ans. En 2006, elle continue d’augmenter et sera proche de 67 % en fin d’année, selon la Commission européenne. M. Breton a bien tenté une opération de communication en faisant croire qu’il allait réduire le poids de la dette de deux points de PIB dès 2006, mais que ne l’a-t-il fait plus tôt ? Les rachats auxquels a procédé l’agence France Trésor ne constituent pas un désendettement pérenne et le fond du problème demeure. Je regrette que, dans votre rapport sur l’évolution de l’économie nationale, Monsieur le ministre délégué au budget, l’objectif de réduction de la dette ne figure pas parmi le programme « Charge de la dette et trésorerie de l’État », dans le cadre de la mission « Engagement financier de l’État ».

Plus sérieusement, la Cour des comptes relève que le budget 2006 comprend un déficit prévisionnel encore élevé, les dépenses continuant d’augmenter, et qu’il est l’occasion d’une sollicitation presque outrancière des recettes non fiscales. Selon la Cour, le montant cumulé d’un versement de France Télécom et de divers prélèvements non reconductibles représentent en 2006 l’équivalent d’une amélioration ponctuelle de 0,4 ou 0,5 point de PIB du déficit. Concernant la sécurité sociale, la Cour déplore la croissance soutenue des versements aux cliniques privées, qui font craindre un dépassement important des objectifs.

La Cour remet désormais un rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques qui s’apparente de plus en plus à un audit annuel, ce dont il faut se réjouir. Elle estime que les prévisions du Gouvernement pour 2007 à 2009 sont « optimistes » et que le scénario de réduction de la dette publique est « insuffisamment étayé ». Je constate en effet que les programmes pluriannuels produits par le Gouvernement repoussent toujours plus loin le rétablissement des comptes publics. A la fin de 2002, le Gouvernement avait promis, dans le cadre du programme de stabilité transmis à Bruxelles, une réduction du déficit public de quelque 1 % en 2006.

M. Gérard Bapt - Vous avez raison de le rappeler.

M. Didier Migaud – Aujourd’hui, on n’envisage plus d’atteindre cet objectif n’est aujourd’hui plus envisagée avant 2009. Quelle meilleure démonstration de vos échecs répétés ? Si, comme vous l’avez écrit, vous tenez vraiment à abandonner la langue de bois, Monsieur le ministre délégué au budget, (Sourires)…

M. Hervé Novelli - C’est un best seller !

M. Didier Migaud - … vous pourriez présenter au Parlement une analyse objective des raisons qui ont conduit à cet échec. Hélas, vous préférez évoquer les lendemains qui chantent et accuser vos prédécesseurs au mépris des chiffres !

M. Jean-François Copé, ministre délégué - Vous m’avez mal lu.

M. Didier Migaud - La Cour vous concède à cet égard une certaine continuité. La Commission européenne est, quant à elle, sceptique sur les prévisions de croissance qui sous-tendent les scénarios de désendettement présentés par le Gouvernement. Selon elle, la croissance ne sera que de 1,9 % en 2006 et de 2 % en 2007, soit un chiffre très en deçà du potentiel de croissance de notre pays et du scénario pourtant qualifié de « prudent » par le Gouvernement. De ce fait, la Commission estime que le déficit public remontera en 2006 à 3 %, et à 3,1 % en 2007. Elle prévoit également un nouvel alourdissement de la dette publique, qui atteindra les 67 %. Dans une note confidentielle, elle suggère d’ailleurs de maintenir pour notre pays la procédure de surveillance pour déficit excessif.

Les prévisions du Gouvernement sont donc unanimement contestées en ce qui concerne la possibilité d'atteindre les objectifs fixés. Mais l'on est également en droit de se demander si les politiques que le Gouvernement entend mener sont fondées. Vous vous référez souvent au rapport de la commission présidée par M. Pébereau. Or, le Gouvernement ne respecte pas deux des trois préconisations permettant de revenir à l'équilibre de nos finances. En effet, ce rapport recommandait de « ne pas diminuer le niveau global des prélèvements obligatoires pendant la phase de retour à l'équilibre » et d’ «affecter intégralement les recettes exceptionnelles au désendettement, sous réserve des dotations au Fonds de réserve des retraites ». Certes, le taux des prélèvements obligatoires n'a pas diminué et a même fortement augmenté en 2005, mais ce n'est pas faute d'avoir essayé ! En multipliant les coûteuses largesses fiscales pour les plus aisés, le Gouvernement s'est privé de précieuses recettes qui auraient permis de conserver la maîtrise de nos comptes. En ayant programmé six milliards de baisses d'impôts supplémentaires en 2007 et en continuant de faire de nouvelles promesses, la majorité se montre démagogique et irresponsable.

J’ajoute que le Gouvernement a négligé le fonds de réserve des retraites et ne l'a pas abondé comme il aurait dû le faire.

La situation sociale est également explosive et le délitement de nos institutions bien réel. Nos compatriotes aspirent au changement. Il faudra, dès 2007, appliquer une autre politique. Pour cela, le cadrage macro-économique et la politique fiscale devront être profondément rénovés. La France a besoin d'une politique salariale volontariste pour augmenter le pouvoir d'achat et stimuler la croissance.

Depuis quatre ans, notre pays souffre d'une stagnation du pouvoir d'achat et d'un déséquilibre dans le partage de la valeur ajoutée, qui s'opère au bénéfice des détenteurs du capital et au détriment des salariés et de l'investissement. Pour améliorer la situation, il n'existe que deux moyens : redistribuer ou augmenter les salaires. La redistribution ne peut s'effectuer sans progressivité des prélèvements, d'où le caractère révoltant des largesses fiscales accordées depuis 2002 aux foyers les plus aisés. Elle passe par une revalorisation notable de certaines allocations mais, sans action volontariste sur les salaires, elle ne pourra pas à elle seule relancer la croissance.

Il faut donc relever significativement et durablement le SMIC, comme le précise le projet des socialistes, en le portant « à au moins 1 500 euros bruts d'ici à 2012 ». Inévitablement, l'UMP, le patronat et les « commentateurs avisés » se sont déchaînés contre une mesure jugée archaïque et coûteuse. D’autres, plus subtils, l’ont dédaignée, estimant qu’elle n’induirait qu’une faible hausse du pouvoir d’achat, ce qui est inexact. Porter le SMIC à 1 500 euros revient en effet à l’augmenter de 20 % d’ici à 2012 – soit 3,4 % par an, rythme supérieur de 25 % à la moyenne des augmentations intervenues depuis vingt-cinq ans. Cette mesure, autrement plus ambitieuse que celle que vous vous apprêtez à prendre – 2,5 % d’augmentation au 1er juillet – reste réaliste.

La majorité a multiplié les mesures d’indexation automatique - épargne réglementée, retraites - qui la déchargent de ses responsabilités politiques. S’agissant du SMIC, il risque d’en être de même, et selon des modalités très défavorables aux salariés. L’évolution du salaire minimum doit être du ressort de la décision politique : on doit pouvoir décider que la hausse sera supérieure à l’obligation légale de revalorisation, pour accroître le pouvoir d’achat.

M. Gérard Bapt - Très bien !

M. Didier Migaud - L’indice des prix, qui sert de référence au SMIC et que la majorité a discrètement modifié au détriment des salariés, doit être révisé pour mieux tenir compte de la structure de consommation des salariés, dont les charges de logement et d'énergie augmentent.

Revenons aux objectifs d’origine du SMIC : défendre et augmenter le pouvoir d'achat des 2,5 millions de salariés pour lesquels le salaire minimum est la référence, mais aussi des autres, puisqu’une hausse de 5 % du SMIC entraîne une augmentation moyenne de 1% des autres salaires.

Pour généraliser les augmentations de salaires et éviter l'écrasement des bas salaires au niveau du SMIC, nous proposons de réunir chaque année une conférence tripartite – État, organisations syndicales et organisations patronales – afin de renégocier les conventions collectives, en sorte que les minima conventionnels atteignent le niveau du SMIC dans toutes les branches. Nous proposons également de subordonner tout ou partie des allégements de cotisations sociales à cette renégociation. En effet, la suppression des contreparties exigées des entreprises en termes d'emploi et la forte augmentation des exonérations de cotisations sociales depuis 2002 ont transformé beaucoup de ces exonérations en simples effets d'aubaine. Je sais que le président Méhaignerie partage en partie ce sentiment.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - Une petite partie !

M. Didier Migaud – Le bilan de la négociation collective dressé par le Gouvernement confirme d’ailleurs le tassement de l'échelle des salaires dans les grilles conventionnelles.

Mais, diront les sceptiques, ce qui était possible hier ne l'est plus : dans un contexte de mondialisation, nos entreprises ne peuvent supporter une augmentation du coût de la main-d’œuvre. En réalité, la main-d’œuvre française, compétitive et bien formée, figure parmi les plus productives au monde. Au nombre des critères de compétitivité de la France, l'Agence française pour les investissements internationaux ne recense-t-elle pas les infrastructures, la productivité de la main-d’œuvre et les coûts salariaux ? C’est grâce à l'amélioration de la production due à la réduction du temps de travail et à l’allégement des charges sur les bas salaires.

Toutes les études – Banque de France, Bercy, OCDE – démontrent la compétitivité de la France, qui se retrouve dans la santé financière de nos entreprises. N'en déplaise à une UMP qui ne cesse de culpabiliser les salariés (Protestations sur les bancs du groupe UMP), notre productivité est la deuxième au monde, et le coût horaire du travail ouvrier y est inférieur à celui des Etats-Unis ainsi qu'à la moyenne de l'Union européenne avant son élargissement.

M. Hervé Novelli - Nous travaillons moins que partout ailleurs !

M. Didier Migaud - Certes, le coût de la main-d'oeuvre est beaucoup moins élevé en Roumanie ou en Chine, mais celui-ci ne peut s'analyser en faisant abstraction de la productivité ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Brard - Parlons donc de la productivité des députés UMP !

M. Didier Migaud - D'autre part, les écarts de coût avec ces pays sont tels que l'augmentation du SMIC n’y changera rien. Le dumping social, qui concerne tous les salariés, y compris les mieux formés, est une question qui doit être posée à l’échelle de l’Union européenne. Ce n'est donc pas en comprimant les salaires que l'on réglera le problème.

Reste la question du coût de cette augmentation du SMIC pour le budget de l'Etat. Il n'est pas question de faire comme la majorité, qui multiplie les largesses fiscales à destination des plus aisés en creusant les déficits publics et la dette.

M. Jean-François Copé, ministre délégué Vivez avec votre temps !

M. Didier Migaud - Le projet socialiste sera financé : les recettes générées par la croissance et les réformes fiscales seront affectées en partie au financement de l’augmentation du SMIC. Rappelons que notre économie a créé 2 millions d’emplois entre 1997 et 2002, ce qui s’est traduit, parallèlement à une augmentation du pouvoir d'achat, par une importante hausse de la masse salariale. Malheureusement, elle stagne depuis 2002. Porter le SMIC à au moins 1 500 euros bruts d'ici à 2012 est donc crédible, mais également nécessaire pour remettre la France sur la voie de la croissance et de l'emploi.

Le rapport de la commission Pébereau sur la dette publique a rétabli la vérité des chiffres : la dette publique a explosé depuis 2002. L’évolution actuelle est insoutenable, avec une progression de plus de 2 points de PIB par an depuis quatre ans. Toutefois, ce n'est ni en créant une psychose ni en se plaçant sur le terrain de la morale que l’on y fera face. Contrairement aux affirmations du Gouvernement, des politiques économiques ont permis, au cours de ces vingt dernières années, de maîtriser - voire de réduire entre 1997 et 2001 - la part de la dette dans la richesse nationale. Cette dynamique n'est donc pas inéluctable, pourvu que l’on adopte une démarche responsable.

Il faut d’abord reconnaître qu'il n'existe pas de lien objectif entre le niveau de la dépense ou des recettes et celui de la dette. Les Etats-Unis, dont le niveau de dépense publique est très faible, sont très endettés.

M. Jean-François Copé, ministre délégué Cela n’a rien à voir !

M. Didier Migaud - D'autres pays, dont les dépenses et les prélèvements obligatoires sont supérieurs à ceux de la France, sont en situation d'équilibre ou d'excédent budgétaire. Surtout, le poids de notre dépense publique rapporté au PIB est resté stable, alors que celui de la dette s'est accru de 40 points. En revanche, la progression des dépenses fiscales – ou « niches » - est forte : selon le Conseil des impôts, le coût des 15 premières dépenses fiscales a doublé en vingt ans. Selon la Cour des comptes, pour des dépenses budgétaires qui se sont accrues de 6 milliards d’euros en 2005, les dépenses fiscales ont progressé de 3 milliards. Et le Gouvernement prévoit de doubler ce chiffre en 2006 ! Le montant des dépenses fiscales équivaut désormais au produit de l'impôt sur le revenu. Cette progression est d'autant plus inquiétante que, malgré les prescriptions de la LOLF, ces dépenses sont insuffisamment évaluées.

Si la dette s'est creusée, c'est en raison de l'écart entre recettes et dépenses, surtout dans les périodes de faible croissance et de faibles rentrées fiscales. C’est en effet le taux de couverture des dépenses par les recettes – trop faible depuis 2002 – qui explique l'endettement. Le fantasme d'une dette cachée doit en outre être écarté sans complaisance. Nous avons à traiter deux problèmes majeurs : celui de la dette stricto sensu, définie avec rigueur par Eurostat – 66,8 % du PIB en 2005 –, et celui des engagements financiers de long terme, liés pour l’essentiel au vieillissement démographique.

Les socialistes sont conscients de ces enjeux : en créant le Fonds de réserve pour les retraites et en publiant en annexe des lois de finances une évaluation du montant de ces engagements, nous avons mis le pays en situation d’y faire face. Malheureusement, la majorité a négligé le fonds de réserve.

Le montant des engagements futurs dépend de variables sur lesquelles l'action publique peut avoir un effet : l'ampleur du choc démographique, le niveau des prestations, le montant de ressources affectées, le taux d'emploi et le niveau du chômage, le progrès technologique, la croissance économique.

Il faut adopter une stratégie globale, qui inclue la maîtrise et la réduction de la dette publique. Une réduction anticipée de la dette permettrait de retrouver des marges d'endettement au plus fort des tensions.

Aussi solennisés soient-ils, les engagements du Gouvernement, pris à la veille d’une échéance électorale, ne sont pas crédibles. Qu'on aurait aimé entendre ces propos en 2002 dans la bouche du candidat Chirac, qui promettait tant et plus de baisses d'impôts !

C'est dès le début de la législature qu'il faudra s’atteler à la tâche. Voici quelques orientations qu'un Gouvernement soucieux de préparer l'avenir en défendant notre modèle social devrait suivre. D’abord, renouer avec une politique économique permettant d’exploiter notre potentiel de croissance et de réduire le taux de chômage.

Vous vous félicitez de la baisse du chômage, qui aurait retrouvé son niveau d’avril 2002. Il avait donc augmenté !

M. Jean-François Copé, ministre délégué Qu’avez-vous fait des 3 % de croissance par an ?

M. Didier Migaud – Nous avons fait plus de 3 %, et trois années de suite !

M. Philippe Auberger - L’Europe se portait mieux, mais grâce à M. Fabius, ce n’est plus le cas !

M. Didier Migaud – Contrairement à ce que vous prétendez toujours, la croissance mondiale aura été plus forte pendant cette législature que sous la précédente. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) La croissance moyenne de l’Union européenne est plus élevée que la nôtre (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Il faut ensuite réduire rapidement et sensiblement le poids de la dette dans le PIB, en se fixant comme objectif le retour à l'équilibre du solde primaire – dont vous ne parlez jamais, et pour cause : vous ne l’avez pas obtenu une seule fois depuis 2002, tout comme vous n’avez jamais respecté tous les critères de Maastricht.

Il faut, enfin, respecter le programme de dotation du Fonds de réserve des retraites, qui prévoit de lui affecter 160 milliards d’ici à 2020 – dividendes des entreprises publiques ou nouvelles ressources –, et réformer la fiscalité à prélèvements constants, en donnant plus de progressivité à notre fiscalité directe, notamment par la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu.

Ces orientations sont volontaristes et crédibles. Elles permettront de retrouver le chemin de la croissance et de l'emploi.

Ainsi le financement du projet socialiste sera assuré dans le respect des contraintes des finances publiques, comme nous l’avons toujours fait dans le passé. M. Copé a chiffré ce projet à un coût parfaitement farfelu. Je maintiens les estimations réalistes du parti socialiste.

MM. Michel Bouvard et Gilles Carrez – Faites-le donc chiffrer par la Cour des comptes !

M. Didier Migaud - La polémique est d’ailleurs étonnante : le Gouvernement se demande si ce projet coûtera 2, 3 ou 4 points de PIB, quand lui-même a fait exploser la dette publique de 10 points de PIB en quatre ans ! Nous attendons le projet de l’UMP, s’il y en a un, pour le chiffrer. Mais nous connaissons déjà votre héritage, et c’est une législature perdue pour la France. Aujourd’hui, pas un indicateur n’est plus favorable qu’en avril 2002.

M. Michel Bouvard - Si, le chômage diminue. A l’époque, il augmentait.

M. Didier Migaud - Cette triste réalité, seule une majorité nouvelle sera en mesure de la modifier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances – On revient sans cesse sur le taux de croissance, mais on ne peut le considérer sur trois ans seulement.

M. Didier Migaud - Alors sur cinq ans !

M. le Président de la commission - On peut le faire sur les vingt dernières années (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Brard - C’est de l’archéologie !

M. le Président de la commission – Selon Dominique Strauss-Kahn, la différence entre un pays qui réussit et un pays qui échoue, c’est un demi-point de croissance en plus ou en moins. Jusque dans les années 1980, la France faisait un demi-point de croissance de plus que la moyenne de l’OCDE. Depuis, elle fait un demi-point de moins : c’est 1 500 000 emplois, 15 % de pouvoir d’achat.

M. Didier Migaud - Parlez des dix dernières années.

M. le Président de la commission - Toutes les études internationales ont montré que l’affaiblissement de la croissance en France tient à trois éléments : certaines réformes idéologiques, les 35 heures, et pendant 20 ans, la croissance des dépenses publiques.

M. Gérard Bapt - Et qu’avez-vous fait ?

M. le Président de la commission – Alors n’oubliez pas ces causes, car vous en êtes pour une grande part responsables ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jean-Pierre Brard - Vous êtes un obsédé des 35 heures !

M. Jean-Claude Sandrier – Ce budget pour 2007 sera une extraordinaire duperie, dans la continuité des quatre budgets précédents. L’emploi est de plus en plus précaire. Les associations caritatives ne recevaient, il y a quelques années, que des chômeurs et des marginaux ; elles accueillent maintenant de plus en plus de personnes qui travaillent à temps partiel. Des millions de Français renoncent à se soigner. Loyers, gaz, fuel, augmentent tellement que deux Français sur trois affirment que leur pouvoir d'achat a diminué. Ils sont plus endettés et l’épargne est en baisse de 7,6 %. Pendant ce temps, les profits du CAC 40 ne cessent de battre des records depuis 2003, avec une augmentation de 30 % en 2005, et les Bernard, Zacharias, Forgeard et tant d'autres qui s'en donnent à coeur joie avec leurs stocks-options, vont bénéficier grâce à vous d'une nouvelle exonération de l’ISF sur leurs actions.

Des millions de Français s'appauvrissent, quelques privilégiés s'en mettent honteusement plein les poches, et vous appelez les premiers, en raison d'une dette que vous avez vous-même fabriquée, à se serrer la ceinture !

Plus le néolibéralisme s'impose, plus les inégalités s'accroissent, plus les humbles et une bonne partie des couches moyennes souffrent ! Dans la France d’aujourd'hui, 7 millions de personnes, dont 2 millions d'enfants, vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Cela ne vous donne aucun droit de traiter ceux qui les défendent de gens du passé.

Pour faire accepter la cure d’austérité, vous criez haro sur la dette. Mais vous n’avez cessé de l’entretenir à coup de cadeaux fiscaux ! Dans son rapport, la Cour des comptes critique sévèrement « un déficit excessif depuis 2002, un endettement en augmentation rapide, une dette des administrations publiques en hausse de dix points en quatre ans ». En réalité, vous êtes l'incendiaire qui crie au feu !

Cette dette est le fruit de votre politique, et vous la mettez en avant pour demander des sacrifices aux uns en vous apprêtant à faire de nouveaux cadeaux fiscaux aux autres. C’est non seulement injuste, mais très mauvais pour l'économie et l'emploi. D’ailleurs, la Cour des comptes demande de revoir les exonérations de cotisations sociales censées favoriser l'emploi, dont elle avait fustigé dans un rapport précédent les résultats incertains. Or ce sont là 20 milliards – 175 milliards en douze ans – qui manquent à la politique publique.

Plus encore, diverses mesures fiscales ont privé l'Etat de ressources indispensables. Les baisses successives du taux de l’impôt sur les sociétés ont fait perdre depuis dix ans 138 milliards en euros constants, soit 12 à 13 % de l’encours de la dette publique actuelle et trois années de déficit budgétaire. Et vous préparez un budget d’austérité, de régression sociale, d’attaques contre les services publics. Mais ce qui coûte au pays, ce sont les actionnaires qui veulent un rendement de 15 % ; ce qui coûte aux entreprises, ce ne sont pas tant les 130 milliards de cotisations sociales que les 190 milliards de charges financières qu’elles assument ! Les actifs financiers, qui représentent deux à trois fois le PIB, ont augmenté de 107 % en dix ans, mais 80% ne sont pas investis dans la production. Voilà de l’argent pour mener une politique d’investissement et d’emploi !

Mais vous préférez réduire à nouveau l’investissement public, qui ne représente qu’une part ridicule – 6,3 % –des dépenses publiques en 2005, selon la Cour des comptes. Vous organisez ainsi l’atonie de la croissance.

Et avec 15 000 suppressions en 2007, l’État sera le premier destructeur d’emplois de France. Or ces 15 000 emplois représentent l’équivalent de 10 % des cadeaux fiscaux faits aux riches, soit 6 milliards. C’est donc bien de votre part un choix idéologique. Malgré les secousses qui affectent notre pays et sa jeunesse, vous diminuez les dépenses qui concourent au développement des talents et des territoires, – enseignement, solidarité, sport, ville, logement, soutien aux collectivités, travail. Les seuls postes qui augmentent sont ceux qui permettent de maintenir le couvercle sur la marmite sociale en ébullition : la police, la gendarmerie et la justice.

En outre, incapable d’honorer ses engagements envers les collectivités locales, l’État leur transfère même une partie de ses charges. Il minore la DGF, ne respecte pas la compensation à l’euro près. Les élus locaux acceptent de plus en plus mal ses injonctions.

La Cour des comptes dénonce « un défaut de vision » de la gestion gouvernementale. Il est pourtant urgent de faire du budget l’instrument d’une véritable ambition économique et sociale, en inversant la logique qui, depuis trente ans, favorise le capital plutôt que le travail, ce qui, selon Patrick Artus – que vous appréciez – paralyse la croissance. Il est impérieux de relancer le pouvoir d’achat et la consommation en portant immédiatement le SMIC à 1 500 euros et en favorisant l’investissement public, non l’investissement spéculatif.

Cette autre logique nécessite de mettre en œuvre une réforme fiscale plus juste, un plan de sécurisation de l’emploi et de relance du pouvoir d’achat, et un plan de relance de l’investissement et des interventions publiques dans tous les domaines qui renforcent le capital humain, le seul vraiment créateur de richesse. Pour cela, il est indispensable de dégager de nouvelles marges de manœuvre. Nous y reviendrons dans le débat budgétaire, mais je veux déjà citer un prélèvement sur les profits des groupes pétroliers, une taxation des plus-values boursières, la suppression de divers cadeaux fiscaux et l’obligation de justifier les exonérations de cotisations sociales par la création d’emplois, enfin une taxation de 0,5% des actifs financiers. On dégagerait ainsi 50 à 60 milliards pour mener une politique de solidarité, d’emploi et de croissance.

Une autre logique est donc possible, en rupture avec la chasse au rendement à court terme qui tue l’investissement et l‘emploi. Mais vos orientations budgétaires pour 2007 n’apporteront rien de bon à la France !

M. Pierre-Christophe Baguet - Comme M. Charles de Courson s’est brillamment exprimé sur la loi de finances et sur la loi de financement de la sécurité sociale, je consacrerai toute mon intervention à la branche famille, en commençant par me réjouir de l’organisation de ce débat d’orientation, auquel est associée pour la première fois la commission des affaires culturelles. C’est un réel progrès. Rappelons-nous qu’il n’y a pas si longtemps, nous n’avions même pas l’occasion de débattre des comptes de la sécurité sociale !

Au sein d’un déficit général qui reste très élevé mais dont le montant a été ramené à 10,3 milliards, la branche famille se distingue tristement par un déficit qui passe de 1,3 à 1,5 milliard en 2006. Une telle progression pourrait faire notre bonheur si elle correspondait à une augmentation massive de la natalité. Mais ce n’est, hélas, pas le cas. Vous nous présentez ce déficit, Monsieur le ministre, comme l’effet de vos succès. Il est vrai que la PAJE a été une réussite, qu’elle a bénéficié à 250 000 familles au lieu des 200 000 prévues et que le coût net de cette seule prestation pour 2006 s’élève à 1,43 milliard. Il est également vrai que les dépenses d’action sociale ont progressé de 4,7 % en 2006, les aides à la petite enfance ayant même crû de 8 à 10 %.

Mais le déficit actuel d’une branche restée longtemps excédentaire s’explique moins par des prestations nouvelles que par de lamentables transferts de charges, à commencer par la scandaleuse ponction opérée au profit du FSV. Depuis son instauration par un gouvernement socialiste, non seulement celle-ci n’a pas été supprimée mais elle a même été progressivement augmentée et sanctuarisée à hauteur de 60 %. M. Préel et moi dénonçons cette situation loi de financement après loi de financement, mais nous ne sommes hélas pas entendus. Nous continuerons donc ce combat à l’automne.

Une autre ponction – 270 millions en 2005 - résulte de la nouvelle répartition entre l’État et la CNAF de la prise en charge de l’aide personnalisée au logement. Il faut ajouter à cette liste de transferts la gestion par les CAF des prestations des fonctionnaires de l’État.

A quoi bon quelques recettes nouvelles comme la taxation des vieux PEL si d’autre part on multiplie les transferts de charges ? Ces transferts sont injustifiés et nuisent à la lisibilité des comptes en même temps qu’ils portent atteinte au principe d’autonomie des branches.

Je ne peux que dire mon regret, Monsieur le ministre, à propos de l’aide accordée aux enfant de trois à six ans. Entre 2007 et 2009, 430 millions d’euros seront ainsi économisés sur le dos des familles exclues de la PAJE. Encore plus inquiétant, j’entends dire que la déduction fiscale de 25 % pour les frais de garde de ces mêmes enfants serait supprimée. Pourquoi cette tranche d’âge devrait-elle être sacrifiée ?

De nombreux maires s’inquiètent, d’autre part, des nouveaux critères de financement du plan crèche. Pourquoi pénaliser les collectivités les plus dynamiques en la matière ? Comment comptez-vous rattraper tous les dossiers gelés au premier semestre ? Confirmez-moi qu’il n’y a aucune intention de soulager quelque trésorerie et qu’au contraire les services mettront les bouchées doubles pour rattraper ce retard.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la familleJe le confirme.

M. Pierre-Christophe Baguet - Je ne vois pas comment le plan crèches 2005-2008 pourra être respecté avec un financement plafonné à 7,5 %.

M. Gérard Bapt - Bonne question.

M. Pierre-Christophe Baguet - Toujours dans le registre des inquiétudes, qu’en est-il du déficit cumulé du FSV ? La ponction sur la branche famille va-t-elle encore s’accroître ?

Une politique familiale est forcément complexe, mais il n’en faut pas moins la définir sur des bases simples : elle doit être indépendante de la politique sociale ; l’argent public destiné aux familles doit aller aux familles ; la politique familiale doit savoir s’adapter aux évolutions des familles.

Le Gouvernement a pris de bonnes mesures : je pense par exemple à l’allégement des droits de succession pour les familles modestes, au relèvement du plafond de réduction d’impôt pour les emplois à domicile, à la protection des mineurs sur Internet, au complément de libre choix d’activité ou à l’allocation de présence parentale. Par contre, le groupe UDF conteste ce récent gadget qu’est le livret d’épargne de 150 euros pour les nourrissons. Serait-il en effet bien raisonnable d’alourdir encore la dette de nos enfants, qui naissent déjà avec une charge de 18 000 euros sur leur tête à seule fin qu’ils disposent à 18 ans de 270 euros ?

D’autres mesures seraient nettement plus utiles, par exemple la prolongation de la carte « famille nombreuse généraliste » jusqu’à 21 ans et l’extension de son bénéfice pour chacun des enfants jusqu’à 21 ans, quel que soit son rang ; l’augmentation de l’API pour tenir compte du nombre toujours croissant des familles monoparentales ; le libre choix de l’utilisation du congé parental d’éducation jusqu’aux 16 ans de l’enfant – nous avions d’ailleurs présenté un amendement en ce sens dans le projet de loi sur l’égalité salariale entre hommes et femmes.

Pour résumer, je ne partage pas tout à fait votre optimisme quant à la branche famille, Monsieur le ministre. La France a certes un des meilleurs taux de natalité d’Europe, mais, l’objectif à atteindre restant de 2,1 enfants par femme, il convient de rassurer davantage les familles et faire en sorte qu’un couple avec enfant ne vive pas moins bien qu’un couple sans enfant. Mais augmenter d’un côté les aides ponctuelles pour de l’autre accroître les prélèvements obligatoires et creuser ainsi la dette ne me semble pas relever d’une politique lisible et compréhensible par tous. Le groupe UDF espère donc que les lois de finances à venir tiendront davantage compte de cette réalité, comme il espère être davantage entendu (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Hervé Novelli – Le débat d’aujourd’hui est le bienvenu, car il est bon que nous puissions régulièrement prendre le temps de considérer le passé, le présent et les perspectives, mais nous devons nous garder de deux dangers : le premier serait que ce débat devienne une sorte de rituel, au cours duquel le gouvernement, quel qu’il soit, se flatterait de ses résultats, sa majorité lui emboîtant le pas, tandis que l’opposition l’accuserait de tous les maux ; le second consisterait à négliger le présent pour se projeter dans un avenir radieux mais hautement improbable.

Où en sont les finances publiques ? Force est de reconnaître que la situation…

M. Augustin Bonrepaux - N’est pas brillante !

M. Hervé Novelli - …n’est pas bonne. Cela fait en effet un quart de siècle que la France connaît un déficit récurrent, lequel nourrit un endettement toujours croissant. Ce déficit résulte pour une large part de notre incapacité à faire baisser le niveau des dépenses publiques – il se situe depuis quelques années autour de 45 milliards d’euros.

Ce constat nous amène à nous poser une autre question : y a-t-il une loi d’airain poussant partout dans le monde à une augmentation inéluctable de la dépense publique et à la part de PIB qu’elle représente ? Sommes-nous là face à une fatalité ? La réponse est non.

Selon une étude de la banque centrale européenne – citée par la Cour des comptes - qui s'est livrée à une observation des réformes mises en œuvres autour de nous, plusieurs pays ont su diminuer la part des dépenses dans la production nationale : de 15 points pour l'Irlande et la Nouvelle-Zélande, entre 10 et 12 points pour le Canada, les Pays-Bas, la Belgique, la Finlande et la Suède, Ces pays ont su engager leur désendettement, réduire les transferts et limiter les subventions.

La troisième question à se poser est de savoir si nous nous donnons les moyens de parvenir, dans les années qui viennent, à un rééquilibrage de nos finances publiques alors que échouons depuis tant d'années. Le programme pluriannuel 2007-2009 se fixe des objectifs de redressement ambitieux, les prévisions de dépenses rompant avec les évolutions passées. Bien entendu, nous ne pouvons qu'y souscrire. Mais, pour y parvenir, nous ne pourrons échapper à quelques options fondamentales qu'il convient d’approfondir.

A ce propos, je vais m'adresser plus particulièrement à vous, Monsieur Copé, en tant que ministre de la réforme de l'État, d'abord pour vous remercier d’avoir engagé une vraie réflexion sur l’efficience de l’État et sa productivité. Grâce à votre détermination, l'allocation des moyens par rapport aux objectifs est aujourd'hui « sous revue », du fait de l’application de la LOLF et des audits de performances. Le rapport de notre excellent collègue Michel Bouvard sur l'application de la LOLF indique que les choses vont dans le bon sens mais qu’elles prennent du retard, en particulier pour ce qui concerne la gestion des effectifs.

Bravo, Monsieur le ministre, pour avoir créé le site du Forum de la performance, mais les audits restent souvent trop axés sur la gestion des programmes, sans aucune remise en cause des dépenses principales, que l'on s'efforce seulement de limiter. Et c'est là ma réflexion principale : une baisse durable de la dépense publique ne sera obtenue que par la reconfiguration du périmètre de l’État. La recherche d’efficacité ne suffit pas. Nous nous devons de distinguer les missions centrales de celles qu’il faut déléguer ou supprimer.

Redéfinir le périmètre de l’État, c’est un vaste programme qui reste à écrire. Le plus tôt sera le mieux, et je souhaite que 2007 permette d’engager le mouvement.

M. Didier Migaud - Comptez sur nous ! (Sourires)

M. Hervé Novelli - Cette nouvelle orientation devra bien sûr s'accompagner d'un engagement national de désendettement, lequel ne peut être rendu crédible que par la réforme de l’État. Les relations avec les collectivités locales et la poursuite de la réforme de nos systèmes collectifs de prévoyance et d'assurance constituent des compléments indispensables à cette remise en ordre.

Messieurs les ministres, je vous suis reconnaissant de clarifier les enjeux, le poids du passé et les responsabilités politiques des uns et des autres. Je ne reprendrai pas le rapport Pébereau et les autres documents du même acabit. Comme l’a rappelé ce matin le président Méhaignerie, les seules charges liées à l’application des 35 heures représentent 15 milliards, soit un point de PIB ! Gardons le à l’esprit.

Notre crédit dépend de notre capacité à engager la baisse durable de la dépense. Vos engagements pour 2007 – notamment en matière de maîtrise des effectifs – y contribueront. Merci, car nous en avons besoin pour restaurer la confiance qui, seule, nous permettra de rallier le camp des nations parvenant à relever les défis auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – La parole est à M. Bonrepaux.

M. Jean-François Copé, ministre déléguéAprès la stimulation, la simulation !

M. Augustin Bonrepaux - Vos orientations en faveur du désendettement sont bien insuffisantes. Nous ne pouvons que partager le constat selon lequel la dette doit être réduite. En 2001, elle représentait 56,2 % du PIB : quatre ans après, elle atteint 66,6 %. Plus dix points en si peu de temps, c’est un record ! Pourtant, vous semblez découvrir la situation, puisque vous ne vous proposez de vous y attaquer vraiment qu’à compter de 2007.

Courant 2005, vous avez mandaté la mission Pébereau. Cependant, dès que son rapport a été connu, vous vous êtes employés à faire exactement l’inverse de ce qu’il préconisait. Je rappelle qu’il exhortait – fort logiquement – à ne pas diminuer le niveau global des prélèvements obligatoires pendant la phase de retour à l’équilibre et que la Cour des comptes a fait la même recommandation. Las, sourd à ces conseils de prudence, vous poursuivez dans la voie des baisses d’impôts sur le revenu, du bouclier fiscal et des cadeaux fiscaux : 4,3 milliards sont ainsi « dilapidés en pure perte », pour reprendre la formule du président de notre commission des finances. Ces pertes de recettes se répercutent sur les années suivantes et viennent aggraver le déficit. A l’évidence, elles ne servent pas la croissance et l’emploi. Au surplus, certaines dépenses fiscales, comme la réduction d’impôt pour garde d’enfant, ont été augmentées chaque année sans que rien ne le justifie, procurant autant d’effets d’aubaine et d’avantages pour les plus aisés.

En vous obstinant dans cette direction, vous faites porter tout l’effort de redressement sur les plus défavorisés et sur les collectivités locales. C’est au plus grand nombre que vous demandez des sacrifices considérables dans tous les domaines. Du fait de la diminution des crédits de l’État, la plupart des services publics n’ont plus les moyens de fonctionner correctement. Appliquée sans discernement, la tarification à l’activité mène les petits hôpitaux de proximité à l’asphyxie financière…

M. Michel Vergnier - Absolument !

M. Augustin Bonrepaux – Les services traditionnels n'ont plus de fiabilité : le courrier connaît des retards de près d'une semaine, les trains ne sont plus à l'heure car le réseau ne permet plus de circuler à une vitesse normale et la SNCF n'a plus les moyens d'assurer l'information et l'accueil. Quant au réseau de France Telecom, il ne permet même plus aux services de sécurité, de santé, de secours ou d'incendie d'être convenablement informés et d'intervenir dans les délais requis. Avec la fermeture de classes maternelles et la suppression de postes d'enseignants, le tableau est complet. Vous semblez ignorer la réalité des territoires les plus en difficulté, que vos choix foncièrement inégalitaires vont encore aggraver.

Au reste, c’est l'avenir tout entier que vous compromettez puisque vos coupes budgétaires portent surtout sur l'investissement public, lequel a diminué et ne représente plus que 6 % des dépenses publiques, avant les nouvelles réductions prévues. Comme le confirme la Cour des comptes dans un rapport de février dernier, les contrats de plan sont en panne, et ce n'est pas en quelques mois que se rattrapera le retard accumulé depuis quatre ans. II n'y a plus de crédits d’aménagement du territoire, même pour les projets créateurs d'emploi, Un exemple éloquent : les crédits affectés aux monuments historiques en Midi-Pyrénées ont été divisés par dix et ne représentent même par le tiers de ceux que vous gaspillez pour l'introduction de l'ours …

M. Jean-Pierre Brard - Il fallait s’attendre à le voir pointer le bout du museau !

M. Augustin Bonrepaux - Dans le même temps où vous avez transféré la charge des routes aux départements, vous avez amputé leurs crédits de DGE d'une centaine de millions et vous osez prétendre dans vos indicateurs que vous allez « promouvoir les investissements des départements ». Mais comme le taux de concours devient dérisoire, autant dire que vous vous attribuez les réalisations des collectivités, forcées de surcroît d’augmenter les impôts locaux pour couvrir leurs nouvelles charges. Elles ne sont pourtant pas responsable des déficits et n’empruntent que pour investir cependant que vous cédez les actifs de l’État.

Comme l’atteste une étude de l’INSEE, alors que vous procédez à une destruction de valeur du patrimoine national, ce sont les collectivités qui soutiennent la croissance et l’emploi, leurs investissements représentant 69,4% de l’investissement public. Un seul mot pour conclure : il est temps que notre pays change de politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-François Copé, ministre délégué Ce n’est pas encore cette année que nous allons vendre une carte de l’UMP à M. Bonrepaux !

M. Jean-Pierre Brard – Un véritable débat d’orientation budgétaire devrait permettre de réfléchir aux choix stratégiques engageant la société française pour les années à venir : quel type de croissance souhaite-t-on ? Quelle place donner au travail ? Comment configurer le budget pour servir ces objectifs ? Las, ce type de débat sociétal fait cruellement défaut depuis quatre ans. Le Gouvernement et la majorité actuelle préfèrent les lois de circonstance, en réaction aux événements. Ainsi, le CPE était censé répondre à la crise des banlieues de l’automne et la fusion Suez- Gaz de France à l’offensive d’Enel… On connaît la suite !

Malgré cette préférence coupable pour le court terme, il existe quelques axes majeurs et Jean-François Copé est l’un des idéologues de ce qui reste de ce régime. A entendre Thierry Breton, qui, après avoir délivré sa sainte parole, est parti ailleurs…

M. Jean-François Copé, ministre délégué Ne soyez pas désobligeant à mon endroit !

M. Jean-Pierre Brard – Au contraire, vous êtes beaucoup plus habile, donc plus redoutable, et, contrairement à lui, vous ne fuyez pas la confrontation.

Ce matin, M. Breton a qualifié ses orientations budgétaires d’« historiques », d’« exceptionnelles », jugé que les résultats du premier trimestre étaient bons et que nous étions dans une « excellente dynamique » justifiant sa « confiance ». Bref, franchissant rarement le boulevard périphérique, il plane sur son nuage duveteux ! Vous, évidemment, à Meaux, vous êtes plus près du réel, vous rencontrez vos électeurs, alors que M. Breton ne s’est jamais soumis à leur verdict. Alors vous êtes plus habile, vous parlez de « contexte inédit », d’ « outils nouveaux », et vous dites avoir l’obsession de « rendre un meilleur service public aux Français » – mais ceux qui comme moi sont des adeptes de Saint Thomas savent bien que ce n’est là qu’une envolée de tribune. Vous avez notamment indiqué votre intention d’augmenter les crédits de la Gendarmerie et de la Police nationale. Eh bien, parlons-en !

Sous la houlette de votre ami – mais l’est-il ? Il faudra que vous vous confessiez un jour là-dessus – Nicolas Sarkozy, qui est, lui, paraît-il, obsédé par la sécurité, la délinquance a recommencé à progresser ; et dans ma ville de Montreuil, il y a 20 % de fonctionnaires de police en moins !

M. Jean-François Copé, ministre délégué Mais non !

M. Jean-Pierre Brard - Mais si ! La police de proximité a été démantelée !

Rendre un meilleur service public, ce serait notamment renforcer la cohésion de notre société. Or l’intégration des populations issues de l'immigration est un objectif qui a été complètement délaissé depuis 2002, notamment avec la réduction drastique des subventions aux associations qui agissaient au quotidien dans ces quartiers – que le ministre de l’intérieur préfère traiter au karcher. La vague de révolte de novembre dernier a conduit à rétablir dans la précipitation une partie de ces subventions, mais le mal était fait car il est très difficile de reconstruire ce qu’avec cynisme vous avez laissé se déliter. J’imagine qu’à Meaux, il n’en va pas différemment.

M. Jean-François Copé, ministre délégué Mais si, car à Meaux, la situation est tenue ! Et à Montreuil, je vous ai envoyé des douaniers !

M. Jean-Pierre Brard - Ne mélangez pas les genres… Mais parlons des moyens de Bercy, puisque vous m’entraînez sur ce terrain : pourquoi n’en donnez-vous pas davantage aux services compétents pour éradiquer la mafia russe dans le sud-est de la France, où elle achète des propriétés somptueuses ? Si vous ne faites rien contre elle, comment voulez-vous combattre la petite délinquance ?

Cela étant dit, je suis très content d’accueillir les douanes à Montreuil car c’est un grand service de l’État.

M. Jean-François Copé, ministre délégué Enfin un mot gentil.

M. Jean-Pierre Brard - J’espère que vous ferez en sorte que les douaniers puissent donner toute la mesure de leurs talents.

La réflexion qui devrait commander les orientations budgétaires est handicapée par l'inadaptation de nos outils statistiques. Dans son Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, la Cour des comptes souligne à propos de notre système de comptabilité nationale : « II ne comprend pas les passifs implicites ; il ignore bon nombre d'actifs ayant une utilité sociale, mais qui ne sont pas valorisés faute d'une valeur marchande de référence ; peu d'actifs incorporels sont recensés ; enfin, il se fonde sur une notion d'actif restrictive, excluant la plus grande partie du capital immatériel –éducation, recherche, santé ».

Quant au PIB, cette boussole économique et financière, c’est un « indicateur d'un monde infini », pour reprendre les mots de Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean dans leur ouvrage Le plein, s'il vous plaît. Ces auteurs écrivent qu’ en « ne comptant que ce que nous gagnons aujourd'hui, sans prendre en compte ce que nous devrons demain, le culte du PIB nous fait prendre nos désirs pour des réalités », ajoutant que nous allons vers « des crises économiques majeures aux conséquences sociales et politiques franchement désagréables, qui enverront valser le PIB dans les poubelles de l'histoire économique. » Ce type de réflexion n'est pas vraiment nouveau, mais nous ne pourrons pas continuer longtemps à regarder ailleurs pendant que la maison brûle, pour reprendre la formule du Président de la République. L’opinion ressent d’ailleurs le caractère décalé du PIB par rapport à l’évolution réelle des conditions de vie, comme le montre la stabilité en France, de l'indice de « satisfaction de vie » – conçu par l'université Erasmus de Rotterdam – entre 1973 et 2003, période pendant laquelle le PIB a augmenté de plus de 70 %.

Pour en revenir à la gestion gouvernementale, la politique menée depuis 2002 n'est cependant pas dépourvue d'objectifs, même s'ils sont dissimulés ou maquillés car peu avouables : réduction du rôle et des moyens de l'Etat, démolition de la protection sociale, dégradation des services publics, maximisation des profits, cadeaux fiscaux pour les ménages les plus aisés et pour les grandes entreprises, alourdissement des prélèvements obligatoires pesant sur les foyers modestes, répression accrue de l'action syndicale et des mouvements sociaux, démantèlement des réformes sociales de la précédente législature, marchandisation de la culture.

Les cadeaux aux privilégiés ont évidemment un coût pour les finances publiques. Le gouvernement a en conséquence liquidé de nombreux actifs et privatisé tout ce qu’il pouvait – mais il faudra bien ramener tout ce que vous avez bradé dans le patrimoine de la nation.

M. Jean-François Copé, ministre délégué Vous allez renationaliser ?

M. Jean-Pierre Brard - Mais qui vient de proposer de nationaliser Suez ?

M. le Ministre délégué au budget – Je n’ai pas entendu.

M. Jean-Pierre Brard - Eh bien, lisez les gazettes ! Vous y découvrirez que M. Sarkozy – dont Pierre Méhaignerie et Hervé Novelli sont des proches – a eu cette idée.

« Vous allez augmenter les impôts », nous avez-vous dit. Mais bien sûr qu’il faut les augmenter !

M. Michel Bouvard - Enfin un discours de vérité !

M. Jean-Pierre Brard - Je vais vous dire où il faut prendre les sous !

Vous avez parlé de « couches moyennes », mais nous n’en avons sans doute pas la même conception. Pour vous, il s’agit de Mme Bettancourt ou de MM. Arnaud, Mulliez, Dassault et Dumas, soit quelques dizaines de personnes. Pensez donc : certains « pauvres », comme MM. Forgeard et Lagardère, n’y figurent pas malgré les cadeaux que vous leur avez faits pour qu’ils puissent jouer au monopoly avec le capital des entreprises françaises !

Mettons donc un terme à ces pratiques ! Nous devons mieux rémunérer le travail dans ce pays, et il faut que l’impôt joue de nouveau son rôle en redevenant progressif. En effet, il y a de l’argent dans ce pays ! Pour soutenir des politiques qui redonneront l’espérance à notre peuple, il suffit d’en avoir le courage politique !

Puisque vous avez participé au programme « Alternance 2002 », Monsieur Copé, vous savez que vous avez parfaitement atteint vos objectifs initiaux : vous avez rempli les coffres-forts des privilégiés en plumant les plus modestes ! Ces derniers étant nombreux, vous avez réussi à prélever des sommes considérables à seule fin d’alimenter la spéculation contre l’intérêt national.

M. Philippe Auberger – Selon les indications données par le Gouvernement, la loi de finances pour 2007 vise trois objectifs principaux : réduire l’endettement public, qui devrait ainsi passer de 66,6 à 64,2 % du PIB de 2005 à 2007 ; diminuer le déficit public de 2,9 à 2,6 % ; et enfin limiter la progression des dépenses publiques, qui serait contenue à 1% de moins que l’inflation, soit + 0,8 % en valeur.

Nous ne pouvons qu’approuver de telles orientations, car nous les réclamons depuis des années ! Plus récemment encore, le rapport du groupe de travail présidé par Michel Pébereau a mis en lumière les risques induits par une progression trop rapide de la dette publique , qui ne peut que réduire les marges de manœuvre des budgets ultérieurs tout en alourdissant encore la charge que nous allons transférer aux générations futures !

Pour toutes ces raisons, nous souhaitons un retour aussi rapide que possible en dessous du seuil de 60 % de dette. Selon les hypothèses de croissance, nous pourrions y parvenir en 2009 ou en 2010 d’après le Gouvernement, objectif que nous approuvons pleinement.

Félicitons également le Gouvernement pour son choix de pérenniser certaines dépenses privilégiées, conformément aux orientations retenues depuis quatre ans. Tout en apportant les inflexions nécessaires, le Gouvernement maintient donc le cap en matière de sécurité, de justice, de recherche, d’enseignement supérieur et d’aide au développement.

Quel contraste d’ailleurs avec les promesses du Parti socialiste, dont le programme prévoit de multiplier sans frein les dépenses ! Peu importe le chiffrage – 50 milliards selon Dominique Strauss-Kahn ou 100, voire 110 milliards, selon le ministre du budget : ce qui importe, c’est que notre déficit budgétaire doublerait ou triplerait !

Le moment est-il bien choisi, compte tenu de la situation catastrophique de nos finances publiques et des incertitudes sur la croissance ? Le programme socialiste repose en effet sur une hypothèse de croissance de 3 %, alors que nous peinons à dépasser le seuil 2 %.

M. Jean-Pierre Brard - M. Breton a pourtant annoncé le même chiffre ce matin !

M. Philippe Auberger – A la différence du parti socialiste, nous faisons donc des choix budgétaires clairs et transparents, ce dont je me félicite.

Il n’en reste pas moins que ce projet, tel qu’il a été annoncé, pourrait être amélioré sur certains points.

Des incertitudes planent tout d’abord sur le taux du déficit stabilisant, défini comme le seuil qui stabilise le poids de la dette dans le PIB : il serait tantôt de 2,4 %, selon le rapport de notre collègue du Sénat, Paul Girod, tantôt de 1,7 %, si l’on en croit les propos tenus par le Premier président de la Cour des comptes la semaine dernière.

M. le Rapporteur général – C’est que les hypothèses sont différentes !

M. Philippe Auberger - Précisément, il faudrait s’entendre sur les hypothèses, les méthodes de calcul et même les notions de base, qui doivent être comparables !

Répondant à une de mes questions, le ministre de l’économie évaluait même ce seuil à 2,5 %, contre 1,9 % dans un rapport remis le même jour. Et le chiffre est passé à 2 % depuis deux jours !

Espérons donc que le prochain rapport économique et financier fera enfin le point complet sur cette question en présentant une méthode et un chiffre au dessus de tout soupçon.

M. le Rapporteur général – Ce qui compte, c’est que ce solde est inférieur à 3 %.

M. Philippe Auberger – En second lieu, nous devons certes réduire la dette publique, mais le chiffre de 60 % est arbitraire.

M. Philippe Bas, ministre délégué C’est vrai !

M. Philippe Auberger - Le seul objectif qui ait un sens, c’est que l’endettement serve uniquement à financer les investissements publics civils (Applaudissements de MM. Michel Bouvard et Charles de Courson) : aucune dépense de fonctionnement ne doit plus être financée par la dette, règle qui est déjà appliquée par les collectivités locales.

Lorsque les socialistes étaient aux responsabilités, nous avions d’ailleurs demandé l’inscription de cette « règle d’or » dans la LOLF.

M. Charles de Courson - Mon amendement avait été rejeté !

M. Philippe Auberger - Et ce fut une erreur ! La loi organique doit prévoir que les dépenses d’investissement sont le seul instrument d’action conjoncturelle.

M. Charles de Courson - Très bien !

M. Philippe Auberger - Par ailleurs, la Cour des comptes a souligné avec raison la montée en puissance des dépenses fiscales, qui amputent aujourd’hui de 20 % nos recettes fiscales.

Au sein du groupe de travail chargé de préparer la LOLF, j’avais donc proposé que les nouvelles dépenses fiscales ne puissent être prévues qu’en loi de finances. Hélas, nous assistons au contraire à une prolifération inquiétante : le Sénat vient ainsi de créer une dépense fiscale en faveur des pays en voie de développement dans la loi sur l’immigration.

Je ne conteste pas le bien fondé de cette aide, mais de telles mesures ont d’autant moins leur place dans des lois ordinaires que leur coût n’est jamais évalué avec précision, quand bien même elles seraient adoptées pour une durée indéfinie.

Je propose donc deux règles très simples: nous devons limiter leur application à une période de cinq ans…

M. le Président de la commission – Absolument !

M. Philippe Auberger - … et toute prorogation devra être précédée de deux évaluations a posteriori de leurs effets et de leur coût.

M. le Président de la commission – Tout à fait.

M. le Rapporteur général – Et leur durée d’application devrait être inscrit en loi de finances !

M. Michel Bouvard - Seulement en loi de finances !

M. Philippe Auberger – En effet.

Dernière remarque : si les prélèvements sur recettes, parfois critiqués par la Cour des compte, sont conformes à notre droit budgétaire, il n’en existe pas moins une dérive qui touche tant les dotations aux collectivités locales, les transferts vers la sphère sociale que le prélèvement en faveur de l’Union européenne : ils croissent plus vite que la dépense publique elle-même, ce qui restreint nos choix budgétaires. Nous devrions donc en limiter l’évolution.

Cela étant, le budget pour 2007 que vient d’esquisser le Gouvernement a le mérite du volontarisme, puisqu’il prévoit de ralentir la hausse du déficit, de la dette et des dépenses publiques. Son courage est d’éviter ces deux écueils fréquents en année pré-électorale que sont l’immobilisme et la débauche de dépenses publiques, tentation à laquelle certains de nos collègues socialistes ont succombé (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Il s’agit donc d’un budget offensif et politique au sens plein du terme. C’est pour cela que nous le voterons avec enthousiasme le moment venu (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-François Copé, ministre délégué Merci !

M. Gérard Bapt - Quel contraste entre les discours de MM. les ministres et la lecture du rapport de la Cour des comptes ! Vous vous êtes montré satisfait, Monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, des bons résultats enregistrés.

M. Philippe Bas, ministre déléguéJ’ai été objectif.

M. Gérard Bapt - Selon la prévision réactualisée des comptes du régime général pour 2006, les trois principales branches sont dans le rouge. Le déficit de l’assurance maladie est de 6,3 milliards quand vous tabliez sur 6,1 milliards grâce à de meilleures recettes et aux prélèvements sur les plans d’épargne logement de plus de dix ans. Or, cet avantage a été noyé dans la masse des économies programmées mais non réalisées. M. Bertrand ou vous-même disiez ce matin que la baisse du prix des médicaments génériques permettait de réduire le déficit. Or, la décélération actuelle n’est pas liée à la maîtrise médicalisée des dépenses mais à un report du transfert de certaines molécules sur les médicaments génériques.

La branche vieillesse creuse quant à elle son déficit avec un solde négatif de 2,2 milliards contre une estimation initiale de 1,4 milliard. La première classe d’âge du papy boom arrive à la retraite ce qui ne manquera pas de creuser les déficits. Le Figaro estime ainsi que la gestion des finances publiques promet de donner du fil à retordre au Trésor dans les années à venir. Selon l’agence de notation Standard and Poor’s, les obligations de l’État français auront perdu leur prestigieuse notation triple A dès 2020 et risquent même de dégringoler par la suite.

Les comptes de la branche famille se dégradent également avec 1,5 milliard de déficit au lieu des 1,2 milliard inscrits dans le PLFSS. Je note que vous financerez votre projet sur la protection de l’enfance avec les comptes de la Sécurité sociale alors que cela devrait relever d’un engagement de l’État.

La branche « accidents du travail » est la seule dont les résultats sont conformes aux prévisions.

Le déficit du fonds de solidarité vieillesse s’élève, quant à lui, à 1,3 milliard.

Au total, le solde négatif du régime général prévu en 2006, soit 10,3 milliards, sera à peine meilleur que celui des années précédentes. Cela fait donc quatre ans que ce déficit stagne. Il faut comparer cette situation avec le déficit de l’ensemble des administrations de Sécurité sociale masqué par le transfert de la soulte des IEG mais qui, hors soulte, est resté supérieur à 10 milliards en 2005, soit 0,7% du PIB.

J’ai trois questions à vous poser, Monsieur le ministre délégué. La Cades peut reprendre 6,7 milliards de déficit du régime général. Or, celui-ci sera supérieur à 11 milliards. Quid de la différence ? Ce déficit supplémentaire sera-t-il tout de même transféré ? J’ajoute que l’augmentation de la CRDS imposera un prélèvement supplémentaire.

La CNAM prévoit en outre une évolution de l’ONDAM de 2,4 % seulement mais demande deux milliards de recettes nouvelles pour l’an prochain. Comment allez-vous procéder ?

Enfin, quid de vos intentions quant à la poursuite de la réforme hospitalière ? Le rapport de l’IGAS préconise un moratoire de la réforme de la T2A et la Cour des comptes a, quant à elle, récemment crié « casse cou » devant la MECSS. Ne croyez-vous pas que non seulement un moratoire s’impose mais qu’il convient également de geler la fongibilité entre les secteurs hospitaliers public et privé, à moins de créer de graves déséquilibres ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Philippe Bas, ministre délégué - Je remercie l’ensemble des orateurs pour la qualité de leurs interventions. Grâce à eux et au Gouvernement, nous avons ainsi débattu pour la première fois de l’ensemble des comptes publics.

Les finances sociales sont en voie d’être redressées et en particulier celles de l’assurance maladie, comme l’a souligné M. le rapporteur Fagniez. La réforme du financement de la Sécurité sociale repose sur l’expertise des administrations, aujourd’hui terminée, et sur la concertation, confiée au conseil d’orientation pour l’emploi et au conseil d’analyse économique. La représentation nationale est évidemment associée à ces réflexions ainsi que les partenaires sociaux, l’Assemblée étant représentée par MM. Joyandet et Le Garrec. Il appartiendra bien entendu au Parlement de se prononcer sur ce projet de réforme. J’ajoute que dès le début de 2007 nous publierons chaque trimestre des informations sur les dépenses de chaque branche.

Le président Dubernard a également souligné le redressement des comptes. Comme lui nous voulons préserver ce pilier essentiel de notre pacte républicain qu’est la Sécurité sociale. Nous sommes particulièrement sensibles aux travaux de la MECSS et à la qualité des rapports, notamment celui de M. Door relatif à la gestion des caisses de Sécurité sociale. La convention d’objectifs et de gestion avec la CNAM s’inspirera de ses recommandations.

M. Carrez a évoqué le problème de la compensation et des relations financières entre l’État et la Sécurité sociale. Le Gouvernement sera attentif à faire respecter une compensation intégrale des exonérations de charges. Si M. le rapporteur général estime que le budget de l’État ne sera pas en mesure de faire évoluer ces dotations de compensation, la Sécurité sociale peut encore moins prendre à sa charge la politique de l’emploi. Il est donc essentiel que la compensation soit garantie.

M. le président de la commission des finances et M. Mariton ont souligné l’importance des marges de productivité existantes ainsi que la nécessité de simplifier nos dispositifs dans le domaine des finances sociales. Nous en sommes bien évidemment d’accord. Je souligne les efforts de mutualisation et de rationalisation demandés aux caisses tout en veillant à améliorer la qualité du service public. C’est ce que nous faisons avec l’application des conventions d’objectifs et de gestion.

Quant au financement des majorations de pension de 10 % pour les parents ayant plus de trois enfants, je rappelle à M. Baguet qu’il revient en partie à la CNAF. S’agissant de la PAJE, nous avons pris pour 2006 des mesures de bonne gestion qui ne pénalisent aucune famille. Les nouveaux critères de financement du plan crèche permettront, quant à eux, de maîtriser l’évolution de nos dépenses tout en accélérant le plan de construction de places.

M. Bapt a souligné les derniers chiffres de la Cour des comptes. Je lui rappelle que la progression des dépenses était de 7,2 % en 2002 et de 6,2 % en 2003. Nous l’avons ramenée à 4,9 % en 2004, à 3,9 % en 2005 et elle sera de 2,5 % en 2006. L’envolée des dépenses a eu lieu entre 1997 et 2002. C’est nous qui y avons mis fin en créant les conditions du retour à l’équilibre. Tel est notre objectif si nous voulons préserver un haut niveau de protection sociale, et telle est notre ambition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Copé, ministre délégué Je remercie M. le président de la commission des finances pour avoir qualifié ces orientations budgétaires de solides et sérieuses. De la part de M. Méhaignerie, ce n’est pas rien. C’est pour moi une motivation puissante et je me souviendrai de ces mots pendant la préparation estivale du budget.

M. Jean-Pierre Brard - C’est l’extase !

M. Jean-François Copé, ministre délégué  Notre feuille de route est axée sur la maîtrise des dépenses : il n’est pas question d’augmenter les impôts ou les prélèvements obligatoires. J’ajoute que ce que M. Méhaignerie a dit concernant les finances locales est essentiel. Un travail pédagogique doit être fait. Dans le cadre de la quatrième vague d’audit, un audit spécifique est prévu s’agissant des exonérations et des dégrèvements de fiscalité locale. J’entends bien tenir compte des suggestions du Parlement dans ce domaine.

Monsieur le Rapporteur général, je vous remercie d’avoir, vous aussi, reconnu les efforts que nous avons entrepris pour dépenser moins tout en dépensant mieux. Je suis très sensible à vos encouragements. Je vous remercie également pour la remarquable coopération qui nous a permis, depuis maintenant dix-huit mois, de faire les progrès significatifs que nous attendions depuis des années. Je forme le vœu que nous puissions aller encore plus loin d’ici à la fin de l’année.

S’agissant des recettes, vous avez rappelé l’importante réforme fiscale de l’an dernier. Je vous confirme que les nouvelles mesures fiscales seront financées par redéploiement. Ainsi, les aides au secteur de l’hôtellerie et de la restauration sont budgétées en totalité.

En ce qui concerne les collectivités locales, nous espérons reconduire le contrat de croissance en 2007. Il faudra néanmoins y réfléchir de près.

Dommage que M. Le Guen soit parti : j’aurais bien voulu répondre aux contrevérités qu’il nous a assénées. M. Migaud voudra bien lui transmettre le message, qui le concerne d’ailleurs aussi. Vous nous dites que la croissance française n’a jamais dépassé celle de la zone euro entre 2002 et 2005. Je suis au regret de devoir vous rappeler les chiffres : 1,4 % en moyenne pour la France, contre 1,2 % pour la zone euro. En 2002, la croissance a été de 1,2 % en France, contre 0,9 % dans la zone euro ; en 2003, de 0,8 % contre 0,7 % ; en 2004, de 2,3 % contre 2 % ; et en 2005, de 1,2 % contre 1,3 %. Nous « collons » donc à la zone euro, quand nous ne la dépassons pas.

Monsieur Mariton, je vous remercie pour le soutien que vous avez apporté à nos orientations budgétaires. Vous avez insisté sur l’exigence de qualité des services publics que nous devons aux Français. C’est toute la logique des audits, que vous suivez de près. Ces audits ne sont pas seulement une photographie de la situation : ils s’accompagnent de préconisations opérationnelles qui nous permettent d’enclencher une dynamique de baisse de la dépense publique. Je précise qu’ils sont accessibles au public sur internet.

Vous avez cité l’exemple finlandais. J’apprécie comme vous les approches comparatives : il ne faut pas hésiter à emprunter aux autres leurs meilleures pratiques. Ce sera sans doute une des clés de la modernisation des méthodes de gouvernement, et le Forum de la performance, que j’ai ouvert au début de l’année, y contribuera.

Je partage bien sûr, Monsieur de Courson, votre souhait de retenir des hypothèses de croissance prudentes. Nous avons retenu une fourchette de 2 à 2,5 % pour 2007 et un scénario de référence de 2,25 % sur la période 2008-2010 – soit la moyenne des dix dernières années. Ces hypothèses me paraissent convenables.

Je vous trouve bien sévère sur la compétitivité de notre économie. La note de conjoncture de l’INSEE indique que nous regagnons des parts de marché et que nos exportations devraient progresser de 7,4 %. Par ailleurs, le montant des investissements étrangers en France a doublé, passant de 20 à 40 milliards d’euros entre 2004 et 2005.

M. François Rochebloine - Dans quelles régions ?

M. le Ministre délégué au budget – Peut-être un peu la vôtre, mais pas seulement.

M. François Rochebloine – Pas beaucoup !

M. Jean-François Copé, ministre délégué Vous avez également évoqué, comme MM. Carrez et Mariton, le solde stabilisant – terme un peu technocratique – estimant qu’il doit être proche de zéro. Vous parlez en fait du solde primaire stabilisant ; mon objectif personnel est d’atteindre le niveau de déficit qui stabilise le ratio de la dette, en intégrant la charge des intérêts – ce n’est donc pas un solde primaire. Bref, nous ne travaillons pas sur le même indicateur. Selon le taux de croissance…

M. Philippe Auberger - Et le taux d’intérêt !

M. le Ministre délégué au budget - … qui varie d’une année sur l’autre, vous n’aurez pas les mêmes exigences en termes de solde stabilisant. Je suis d’ailleurs prêt à travailler avec vous sur cette question très technique.

D’autre part, il est un peu injuste de dire que la baisse du chômage est artificielle. Si nous arrivons, comme je l’espère, à 9 % à la fin de l’année, nous aurons créé 200 000 emplois, dont 170 000 dans le secteur privé. J’ajoute que 40 000 des 80 000 emplois créés dans le secteur marchand sont des contrats nouvelles embauches. Ce dispositif est donc efficace : il ne faut surtout pas remettre en cause cet élément de « flex-sécurité ». Le parti socialiste veut en faire son cheval de bataille. Voilà une raison de plus pour l’empêcher de revenir au pouvoir l’année prochaine !

Vous avez mis en doute, Monsieur de Courson, la réalité de la stabilité en volume des dépenses de l’État, arguant que nous avions procédé à des retraitements. Il faudrait, dites-vous, intégrer les dépenses fiscales. Je ne suis pas d’accord.

M. Charles de Courson - Vous dites l’inverse dans votre rapport !

M. le Ministre délégué au budget – On ne peut pas confondre dépenses fiscales et dépenses budgétaires : les dépenses fiscales sont par définition intégrées dans le produit des impôts, et leur impact ne peut être qu’évalué.

M. Charles de Courson - Page 45 !

M. le Ministre délégué au budget – Vous prenez d’autre part en compte les fonds de concours, alors que le caractère volatil de ces dépenses et leur financement par des contributions de personnes extérieures justifient de ne pas les comptabiliser.

On ne peut davantage inclure les dégrèvements des impôts locaux - ils sont hors du contrôle de l’État et dépendent principalement de l’évolution des bases de la fiscalité locale - ni les prélèvements sur recettes – on ne peut comptabiliser en dépenses ce qui est traité juridiquement comme une moindre recette.

Quant aux opérations sur les comptes spéciaux, les dotations aux établissements ou entreprises publics ne peuvent s’analyser que comme des dépenses. Je ne puis donc vous laisser dire que les dépenses de l’État auraient progressé de 4,8 %.

Monsieur Bouvard, vous avez rappelé la démarche que nous avons engagée en matière d’effectifs. Je vous suis reconnaissant de la soutenir : ce sont des décisions difficiles à prendre. Notre approche est cependant étayée par le résultat des audits, et elle s’accompagne de réformes de structures : elle n’est pas de nature idéologique.

Je suis d’accord avec vous, il faut tirer les conséquences de la décentralisation. Notre audit relatif aux conséquences de la décentralisation sur les effectifs de l’État sera donc mené à son terme. Vous avez également raison sur les emplois des opérateurs : il nous faudra faire ce travail, ce que nous permettra la LOLF, et je serai heureux d’avoir votre concours dans le cadre de la MILOLF.

Monsieur Migaud, vous nous avez accusés de pratiquer la méthode Coué. Il faut croire que l’élève a trouvé son maître : vous avez incidemment souligné que les derniers chiffres de l’INSEE confortent les hypothèses de croissance retenues par le Gouvernement.

S’agissant des finances publiques, nous avons fait la preuve de notre crédibilité : tous nos engagements ont été tenus – Eurostat l’a confirmé.

M. Didier Migaud - Ah !

M. Jean-François Copé, ministre délégué Ne balayons pas ses travaux d’un revers de main au seul motif qu’ils confirment les résultats du Gouvernement. Cela pourrait vous discréditer à l’avenir ! Sachez donc vous réjouir que le Gouvernement ait tenu ses engagements : après tout, c’est bon pour la France !

M. Jean-Pierre Brard - Regardez toutes les statistiques d’Eurostat, Monsieur le ministre !

M. le Ministre délégué au budget – Je ne regrette pas de m’être livré à quelques remarques sur le coût du projet du parti socialiste. Encore l’ai-je fait modestement, non parce que vous n’avez pas rendu tous vos arbitrages, – ce qui quand même, laisse entendre que vous avez des remords, et que les chiffrages sont repoussés à plus tard. Mais si je peux apporter ma contribution, modeste, je serai en tout cas en dessous de la réalité, car il faudrait y ajouter le coût des propositions du parti communiste que M. Brard nous a présentées avec son immense talent habituel, qui contraste néanmoins avec sa créativité, sauf à considérer que les idées d’il y a 100 ans sont encore valables, ce que je ne crois pas.

M. Jean-Pierre Brard - La loi de la valeur reste la loi de la valeur.

M. Jean-François Copé, ministre délégué Il est, semble-t-il plus passionné d’histoire que de géographie, car il ne cite plus d’exemple étranger, ni Moscou, ni Cuba …

M. Jean-Pierre Brard - Je ne l’ai jamais fait !

M. Jean-François Copé, ministre délégué –…ni la Chine, alors que les choses ont bien évolué. Il a pourtant parlé de la côte d’Azur, de façon désobligeante, pour critiquer les douaniers qui n’en feraient pas assez. Les douaniers français luttent pourtant de façon remarquable contre la contrefaçon et le blanchiment, domaine dans lequel j’ai, pour la première fois, fixé des objectifs quantitatifs. Il aurait pu leur souhaiter autrement la bienvenue à Montreuil où va s’installer le siège de la direction des douanes.

M. Jean-Pierre Brard - Reste qu’on ne fait rien contre la mafia russe.

M. Jean-François Copé, ministre délégué - Je reviens au programme du parti socialiste après ce qui n’était pas vraiment une digression, puisqu’il va bien falloir que vous travailliez ensemble, socialistes, communistes et peut-être même apparentés ; je n’ai fait qu’introduire le débat entre vous. Je persiste donc sur les 115 milliards. C’est quand même cher. Vous prévoyez la réactivation des emplois jeunes, la généralisation des 35 heures, la renationalisation d’ EDF, sans compter toutes celles que M. Brard va ajouter…

M. Philippe Auberger - Cela a un parfum de restauration !

M. Jean-François Copé, ministre délégué Mais le seul sujet sur lequel les socialistes ont été radins, c’est le SMIC, car 1 500 euros en 2012, cela tient, et à peine, compte de la seule inflation

M. Didier Migaud - Ce n’est pas vrai du tout !

M. Jean-François Copé, ministre délégué Comme d’habitude, tout pour l’État, rien pour les salariés modestes. Et vraiment, j’ai compté juste pour toutes ces dépenses.

M. Jean-Pierre Brard - Et les recettes ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué Eh bien, il va falloir faire payer les riches, si j’ai bien compris. Le problème, c’est qu’il n’y en a plus assez : ils sont partis. En créant le bouclier fiscal, nous comptions aider les plus modestes – qu’il concerne pour 95 % – et aussi quelques-uns de ceux qui sont allés payer leurs impôts ailleurs. Ils attendront de savoir, avant de rentrer, si la gauche revient au pouvoir et supprime le bouclier fiscal.

Monsieur Novelli, je vous remercie d’avoir souligné notre esprit de responsabilité et notre volontarisme. On en parle beaucoup, nous le pratiquons, pour une grande part grâce au regroupement du ministère du Budget et de celui de la réforme de l’Etat, ce qui a permis de rassembler des directions dispersées en une seule direction générale de la réforme de l’État, et ce à emploi constant. La réforme de l’État passe par la maîtrise de la dépense publique, par l’administration électronique et aussi la simplification législative. Je présenterai dans quelques jours au conseil des ministres une nouveau projet dans ce domaine qui complétera d’autres mesures. Ainsi, nous avons supprimé 150 commissions inutiles et désormais toute commission ne sera créée que pour cinq ans au plus, avec renouvellement par décret et non plus par simple arrêté. Nous instituons aussi une évaluation systématique et l’obligation d’utiliser les moyens modernes de communication. Mais vous avez raison, il faut aller plus loin. Quel doit être le périmètre de l’Etat dans les années qui viennent ? ce sera un élément majeur de la réflexion pour le projet politique de 2007 et je souhaite pouvoir profiter de votre esprit créatif et innovant pour avancer dans ce domaine. Il faut définir de façon courageuse ce que doivent être les missions de l’Etat : que doit-il faire, que doit-il déléguer à des acteurs publics ou à d’autres ? J’ai beaucoup d’idées à ce propos.

M. Jean-Pierre Brard - Ce n’est pas rassurant !

M. Jean-François Copé, ministre délégué Pour vous, ce ne l’est pas, effectivement.

M. Jean-Pierre Brard - Ce ne l’est pas pour les Français.

M. Jean-François Copé, ministre délégué Pour vous, qui voulez vous projeter dans le passé et revenir à l’époque du congrès de Tours. Mais nous, nous voulons nous projeter dans les années 2000…

M. Jean-Pierre Brard - Ce sera du Kubrik en pire !

M. Jean-François Copé, ministre délégué Vous pourriez dire que ce sera Cuba en mieux (rires).

M. Jean-Pierre Brard - Fidel hante vos nuits !

M. Jean-François Copé, ministre délégué C’est vous qui m’y faites penser.

Monsieur Auberger, votre intervention était de très grande qualité…

M. Jean-Pierre Brard - Et il n’a pas parlé des caisses d’épargne.

M. Jean-François Copé, ministre délégué …notamment sur la notion de solde stabilisant. Je voudrais vraiment y travailler lors du débat budgétaire, et étayer notre réflexion sur cette question de solde optimal, qui permet que la dette ne fasse pas boule de neige. On se contente trop en effet de vouloir seulement diminuer le déficit.

M. Charles de Courson - Les critères de Maastricht sont trop laxistes.

M. Jean-François Copé, ministre délégué C’est un autre sujet. En tout cas, ce seuil est très lié à d’autres indicateurs comme les taux d’intérêt et le taux de croissance en valeur. Je serai très heureux d’en débattre avec vous dans la perspective du budget de 2007. De même, je suis tout à fait d’accord pour limiter à cinq ans les dépenses fiscales et ne les reconduire que si l’évaluation est probante. Nous y travaillons au Gouvernement, et les dépenses fiscales sont l’un des chapitres que nous abordons régulièrement dans les réunions d’économies structurelles que nous tenons comme cela se fait au Canada, pour obtenir des gains de productivité. Je sais que la commission des Finances est attachée à cette question, et si la commission des affaires sociales veut se joindre à la réflexion, elle sera la bienvenue.

Je vous remercie de la qualité de vos interventions. Ce débat passionnant augure bien de que qui nous attend à l’automne (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

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Modification de l’ordre du jour

M. le Président - J’ai reçu de M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement une lettre modifiant l’ordre du jour du mardi 27 juin.

La séance du soir sera consacrée à l’examen de la proposition de loi sur les vins à appellation d’origine contrôlée.

En conséquence, la discussion du projet de loi sur la modernisation de la fonction publique commencera le mercredi 28 juin, après les questions au Gouvernement.

Prochaine séance mardi 27 juin à 9 heures 30.
La séance est levée à 18 heures 10.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Catherine MANCY

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ordre du jour
du marDI 27 juin 2006((1)

NEUF HEURES TRENTE : 1RE SÉANCE PUBLIQUE

Questions orales sans débat.

QUINZE HEURES : 2E SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Discussion du projet de loi (n° 3110) autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne.

Rapport (n° 3171) de M. Hervé de CHARETTE, au nom de la commission des affaires étrangères.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 3E SÉANCE PUBLIQUE

Discussion de la proposition de loi (no 3172) de M. Antoine HERTH relative à la fixation des rendements des vins à appellation d'origine contrôlée pour la campagne 2006-2007.

Rapport (no 3181) de M. Antoine HERTH, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

( Lettre du ministre délégué aux relations avec le Parlement en date du 22 juin 2006.

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