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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du mercredi 4 octobre 2006

Séance de 15 heures
2ème jour de séance, 2ème séance

Présidence de M. Jean-Louis Debré

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La séance est ouverte à quinze heures.

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questions au Gouvernement

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

M. le Président - Comme chaque premier mercredi du mois, les quatre premières questions portent, ou devraient porter, sur des thèmes européens.

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M. Pierre Cohen - Ma question s’adresse au ministre des finances, et j’y associe ma collègue Françoise Imbert. La société EADS a su, en un temps record, mobiliser toutes les compétences, de l’État aux collectivités territoriales et des industriels aux ingénieurs et techniciens. Au début de l’été, le départ de M. Forgeard, dans des circonstances douteuses, était déjà lié aux retards de production de l’Airbus 380. De nouveaux délais ont été annoncés hier, ce qui ne laisse pas d’inquiéter pour l’entreprise, les salariés et les sous-traitants, mais aussi pour l’économie française et l’industrie aéronautique européenne. En Midi-Pyrénées par exemple, l’aéronautique représente 66 000 emplois.

L’attitude d’EADS est paradoxale : aux retards de production, elle répond par un plan d’économies et par des réductions d’effectifs, au lieu d’investir et de travailler plus. Non, Monsieur le ministre, il n’est pas admissible que l’État actionnaire juge cette réponse crédible et réaliste ! Aujourd’hui, Airbus a de nombreux défis à relever et la compétition avec Boeing est très serrée. Elle n’est pas seulement financière, mais aussi politique. L’État doit intervenir dans cette bataille, pour défendre la stratégie industrielle européenne…

M. le Président – Monsieur Cohen, veuillez poser votre question.

M. Pierre Cohen - …ainsi que l’intérêt des salariés, ce qui passe par le maintien des savoir-faire et la création d’emplois. Monsieur le ministre, comprendrez-vous un jour que vous n’êtes plus dans un conseil d’administration, mais dans un gouvernement ?

Plusieurs députés socialistes – Jamais !

M. Pierre Cohen - Que comptez-vous faire pour défendre Airbus ? Que préconisez-vous afin d’éviter des conséquences néfastes pour l’emploi et pour les conditions de travail des sous-traitants ?

Plusieurs députés socialistes – Rien !

M. Pierre Cohen - Comment rétablir l’image de l’un de nos fleurons économiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer  Les difficultés que connaît Airbus ne sont pas liées, il importe de le souligner, à la conception de l’A 380. C’est un excellent avion.

M. Guy Teissier – Remarquable !

M. le Ministre – Les essais sont positifs et les délais de certification seront respectés. La difficulté est d’ordre industriel et, plus précisément, liée à l’organisation de la production. Le conseil d’administration a annoncé hier un retard supplémentaire d’un an, qui engendre diminutions de recettes et augmentations de dépenses pour un coût au final très important. Pour le compenser, il est donc nécessaire que le groupe EADS et sa filiale Airbus élaborent un plan de compétitivité.

Quel doit être le rôle de l’État ? L’État accompagne le développement technologique et la recherche, en particulier à travers le pôle de compétitivité de Toulouse.

Plusieurs députés socialistes – Et l’emploi ?

M. le Ministre – Il devra aussi examiner les propositions qui seront faites par les deux sociétés. Enfin, il doit prendre en compte les intérêts des territoires concernés – la région de Toulouse bien sûr, mais pas seulement, car un des aspects remarquables de l’industrie aéronautique française est qu’elle emploie un très grand nombre de sous-traitants extraordinairement compétents, souvent leaders mondiaux dans leur créneau. Nous devons préserver cette richesse.

Je fais confiance à la nouvelle direction d’EADS pour faire face à la situation. Je rencontrerai aussi dans les tout prochains jours les représentants des sous-traitants, pour examiner comment nous pourrions les aider à passer cette période difficile. Bien entendu, nous mènerons ces réflexions en étroite concertation avec les élus locaux, dont vous-même (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

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M. Philippe Folliot - Monsieur le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche, il semble que vous ayez décidé de déposséder le Parlement de deux de ses droits fondamentaux, débattre et voter, en décidant de ne pas inscrire à l’ordre du jour de l’actuelle session la transposition de la directive européenne sur les OGM, qui date pourtant d’avril 2001. C’est une décision inquiétante par le mépris qu’elle révèle pour la représentation nationale et, plus particulièrement, pour le travail réalisé par la mission d’information sur les OGM, animée par Jean-Yves le Déaut et Christian Ménard ; son rapport, qui a été qualifié d’équilibré et sérieux, devrait servir de base à une discussion législative contradictoire et approfondie, concernant notamment les soixante propositions qu’il expose. Mais c’est aussi une décision dangereuse, car le débat sera confisqué par des multinationales dont les profits priment sur tout le reste et par des groupuscules de « faucheurs volontaires » qui méprisent la loi et l’ordre public.

La question des OGM est une question de fond. Il faut courage et sens des responsabilités pour l’aborder autrement qu’en jouant de l’amalgame, des peurs et de la violence. Un débat parlementaire de fond permettrait d’éclairer nos concitoyens sur ces enjeux majeurs. Quand les débats n’ont pas lieu au Parlement, ils dégénèrent dans la rue – ou en l’occurrence dans les champs – et la démocratie recule. Allez-vous, Monsieur le ministre, permettre à la représentation nationale de débattre enfin de ce sujet, et quand ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur plusieurs bancs du groupe socialiste)

M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche - La question des OGM peut susciter deux attitudes extrêmes, également condamnables. La première consiste à refuser toute recherche, tout progrès, tous travaux dans ce domaine (MM. Noël Mamère et Yves Cochet protestent). Or, notre pays est une grande puissance agricole, un des leaders mondiaux en matière de recherche agronomique, grâce à l’INRA, au CNRS et à nos universités, et il serait donc complètement inconséquent d’abandonner toute recherche et toute expérimentation sur les organismes génétiquement modifiés.

La deuxième attitude est le laisser-faire absolu, qui fait fi de toute préoccupation concernant l’environnement ou la santé. C’est pourquoi le Gouvernement, au printemps, à la suite des deux missions conduites au Sénat et à l’Assemblée, a déposé un projet de loi. Le texte a déjà été largement débattu…

Plusieurs députés communistes et républicains et MM. Noël Mamère et Yves Cochet – Où ?

M. le Ministre délégué - …au Sénat. Le débat a été riche et fructueux et a permis d’améliorer le texte. Ce débat aura naturellement lieu à l'Assemblée nationale aussi (« Quand ? » sur les bancs du groupe socialiste), dès que le calendrier parlementaire le permettra. Soyez assurés que ce texte vous sera soumis, comme la Constitution le veut, pour être débattu, peut-être amendé et, nous l’espérons, adopté, car il y va de l’intérêt de l’ensemble de nos concitoyens, de notre agriculture et de notre recherche (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

directives europÉennes et services publics

M. André Chassaigne - Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Tout au long du débat sur Gaz de France, convaincus que les directives européennes d’ouverture à la concurrence menacent l’avenir de nos services publics, l’égalité d’accès à ces services et leurs tarifs, nous avons demandé au Gouvernement de surseoir à l’ouverture totale du marché de l’énergie à la concurrence et de renoncer à la privatisation de l’entreprise. Ce qui est vrai pour l’électricité et le gaz vaut pour l’ensemble de nos services publics (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). La Commission européenne proposera le 18 octobre prochain de franchir une ultime étape dans la libéralisation du marché postal, en ouvrant, dès 2009, l’ensemble du courrier à la concurrence, ce qui signifie la fin du service universel postal, lequel exige de tous les opérateurs qu’ils distribuent le courrier six jours sur sept sur l’ensemble du territoire, au même tarif. Neuf opérateurs européens, dont La Poste française, ont appelé l’Union à la prudence dans ses choix. La négociation de cette directive devrait être l’occasion pour le Gouvernement français de faire entendre enfin la voix de la France et de défendre une conception exigeante des services publics à l’échelle européenne.

M. Maxime Gremetz - Absolument !

M. André Chassaigne – Vous privilégiez, hélas, la voie inverse, comme en témoigne la privatisation de GDF que vous avez engagée alors qu’aucune directive ne l’impose (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

Allez-vous enfin vous opposer clairement au démantèlement des services publics ? Allez-vous enfin entendre le message que vous a adressé, le 29 mai 2005, la majorité de nos concitoyens, qui refuse une construction européenne synonyme d’aggravation des inégalités, pour ne pas dire de fractures, sociales et territoriales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes La constance de votre intérêt pour la négociation de la directive européenne sur les services n’a d’égale que celle du Gouvernement. Comme j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire ici en réponse à vos nombreuses questions sur le sujet, en février, en mars puis encore en mai dernier, le texte désormais proposé, qui n’a heureusement plus rien à voir avec sa version initiale, est bon. Il respecte la dimension sociale de la construction européenne, protège les services publics et contribuera au développement du secteur des services, et donc de l’emploi. Ce texte, adopté à une très large majorité par le Parlement européen en février dernier, l’a ensuite été, par consensus, par les vingt-cinq États membres en mai. Le Parlement européen doit l’adopter en seconde lecture, nous l’espérons, en novembre. Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de rappeler que le Gouvernement français a fait évoluer ce projet de directive dans le bon sens. Je n’ai qu’un regret, celui que vous n’ayez pas défendu avec nous l’Europe sociale, au Parlement européen, en février dernier, et que nous ayons réussi sans vous (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

politique europÉenne de l’immigration

Mme Nadine Morano - Ma question s’adresse à Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur, de l’aménagement du territoire et des collectivités locales (« Allô ! Allô ! » sur les bancs du groupe socialiste). Responsabilité, humanité, transparence, telle est la méthode que vous avez choisie en matière d’immigration (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). À votre initiative, deux lois ont été adoptées, l’une pour maîtriser les flux migratoires, l’autre pour définir les modalités d’une immigration choisie car, pour la majorité, l’immigration ne doit plus être synonyme de désespoir et de précarité, mais d’intégration. Vous vous êtes rendu vous-même au Sénégal pour signer un accord car vous souhaitez que cette immigration choisie soit concertée avec les pays d’origine et leur soit expliquée (Brouhaha persistant sur les bancs du groupe socialiste). Mais la politique d’immigration a nécessairement une dimension européenne, du fait même de l’existence de l’espace de Schengen. Pouvez-vous nous dire quelles mesures ont été envisagées lors de la rencontre des ministres de l’intérieur des huit pays du sud de l’Europe qui s’est tenue à Madrid il y a quelques jours ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire Je vous remercie de cette excellente question (« Allô ! Allô ! » sur les bancs du groupe socialiste) sur un sujet qui exige que nous redoublions nos efforts. Des malheureux meurent en effet chaque jour dans des conditions intolérables (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Depuis le début de l’année, vingt-cinq mille jeunes Africains ont débarqué aux Canaries après un voyage souvent effroyable (Mêmes mouvements). Leur misère et leur détresse mériteraient un peu plus de dignité de votre part. Le sujet est grave et nous concerne tous.

La récente réunion de Madrid a donné l’occasion de lever certains malentendus. L’Europe, c’est d’abord l’espace de Schengen : un visa délivré pour entrer dans l’un des pays de l’espace permet d’entrer dans tous les autres. Alors que l’Espagne appelait à la solidarité européenne, ce que je peux parfaitement comprendre, j’ai fait valoir que celle-ci ne peut s’exercer si l’on n’a pas été associé à la prise de décision. En régularisant 500 000 clandestins, l’Espagne nous exposait au risque que ceux-ci pénètrent en France, puisque nos deux pays font partie de l’espace de Schengen. J’ai dit à Madrid que cette décision n’était pas, à ce moment-là, opportune (« Donneur de leçons ! » sur les bancs du groupe socialiste). Il ne s’agissait pas de donner de leçons, mais de faire partager à nos amis espagnols la malheureuse expérience que nous avons vécue en France avec la régularisation massive de clandestins décidée en 1997 par le gouvernement socialiste, régularisation qui a conduit à un quadruplement des demandes d’asile politique.

J’ai le plaisir d’informer la représentation nationale qu’à la suite de la demande de la France, les huit pays rassemblés à Madrid, dont l’Espagne de M. Zapatero – j’espère que cela fera réfléchir le parti socialiste français (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) –, ont décidé de renoncer à toute régularisation massive, confirmant ainsi la stratégie que j’ai adoptée à Cachan. Enfin, l’Espagne a demandé à la France d’organiser des rapatriements groupés de clandestins, M. Zapatero m’ayant indiqué que les étrangers ne possédant pas de papiers les autorisant à demeurer en Espagne avaient vocation à être reconduits chez eux. C’est exactement la politique de la France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Apprentissage de la lecture

M. Philippe Vitel - Monsieur le ministre de l’éducation nationale, le 6 septembre dernier, jour de la rentrée scolaire, vous avez rappelé les mesures mises en œuvre pour assurer la réussite de nos douze millions d’élèves, dont les nouvelles dispositions à même de faciliter l’apprentissage de la lecture par le décodage et l’identification des mots, méthode qui rend rapidement l’enfant autonome. Malheureusement, de nombreux enseignants se montrent récalcitrants face à cette décision ministérielle (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) pourtant justifiée et attendue. Les parents, en revanche, insistent pour que la circulaire du 3 janvier 2006, qui précise les conditions d’un apprentissage sûr et rapide de la lecture, et l’arrêté du 24 mars 2006, modifiant les programmes en conséquence, prennent immédiatement effet dans toutes les classes de cours préparatoire.

La situation actuelle est inacceptable. Elle provoque des conflits entre parents et enseignants, au détriment des enfants qui n’ont pas à subir les conséquences de cette mauvaise volonté (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Maxime Gremetz - C’est honteux !

M. Philippe Vitel - Quelles sont les décisions et, éventuellement, les sanctions, que vous allez être amené à prendre pour que vos orientations soient respectées ?

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche - L’apprentissage de la lecture est une clé de la réussite scolaire et de l’apprentissage du socle commun de connaissances et de compétences. Il commence dès le cours préparatoire…

M. Patrick Roy – Avant !

M. le Ministre - …par le déchiffrage des syllabes, pour faire le lien entre les lettres et les sons, permettant au plus grand nombre d’apprendre à lire dans les meilleures conditions possibles. C’est cela la règle de l’école de la République. Il y faut beaucoup de pédagogie et de persuasion. J’ai donc fait éditer une plaquette à 350 000 exemplaires pour les maîtres, ainsi qu’un DVD qui donne l’avis des scientifiques, et je saisis toutes les occasions de sensibiliser les recteurs, ainsi que les inspecteurs – ils étaient 2 000 hier lors de notre rencontre à la Sorbonne.

Mais il y a des résistances…

M. Christian Bataille – Vive la résistance !

M. le Ministre - …dues pour la plupart à une méconnaissance, à une mauvaise information, voire parfois à une désinformation. J’ai donc confié une mission sur ce point à l’Inspection générale, et j’en ferai le meilleur usage, car nous avons un devoir impérieux. D’ailleurs, selon un sondage SOFRES (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), 63 % des enseignants et 82 % des parents approuvent cette réforme (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP). Un maître d’école est responsable dans sa classe, mais la liberté pédagogique – c’est la loi – s’exerce dans le cadre des instructions officielles. La profession d’enseignant, ce n’est pas une profession libérale ou indépendante, c’est une fonction publique, au service d’une mission éminente (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

statistiques de la délinquance

M. Thierry Mariani - Monsieur le ministre d’État, ministre de l’intérieur, certains tentent, une fois de plus, de présenter la délinquance et les violences contre les personnes comme un phénomène inéluctable dans nos sociétés. Selon eux, il faudrait donc s’y résigner et renoncer à faire respecter la loi (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) ; les mêmes caricaturent les résultats de notre majorité…

M. Henri Emmanuelli – Plus 30 % de violences contre les personnes !

M. Thierry Mariani - ….pour mieux faire oublier leur impuissance, leur échec, leur démission quand ils étaient au pouvoir, face à la montée de l’insécurité (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Depuis 2002, grâce à votre action, notre majorité a prouvé qu’il était possible de lutter efficacement contre la délinquance. Une fois de plus, l’opposition ignore la réalité vécue par les Français (Mêmes mouvements). Ils ont perdu la mémoire ! Nous pouvons et devons agir !

Au-delà des débats idéologiques, disons la vérité aux Français.

M. Michel Lefait - Vous avez eu cinq ans !

M. Thierry Mariani - Quels sont les résultats objectifs de la lutte contre la délinquance ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Maxime Gremetz - Qu’il dise plutôt quelles mesures il a prises !

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire - C’est simple, car l’appareil statistique n’a pas changé depuis le lendemain de la guerre.

M. Albert Facon - Il n’est pas juste, il est bricolé !

M. le Ministre d’État – S’il n’était pas juste, il ne fallait pas vous gêner pour le changer lorsque vous étiez aux responsabilités (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), mais il ne doit pas être si mauvais, puisque le gouvernement Jospin n’y a pas touché !

Depuis 2002, la majorité a eu deux ministres de l’intérieur,…

M. Henri Emmanuelli – Et les agressions contre les personnes ont augmenté de 30 % !

M. le Ministre d’État – …M. de Villepin et moi-même. Depuis cette date, il y a eu un million de victimes en moins par rapport à la période précédente. Ces chiffres sont incontestables (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et produits par un appareil statistique qui n’a pas été modifié. Mieux encore, en septembre, en zone de police, la délinquance générale a reculé de près de 5 %. (Mêmes mouvements) Entre 1998 et 2002, les violences contre les personnes avaient augmenté de 42 % ; entre 2002 et 2005, elles ont augmenté de 12 % et pour la première fois, en septembre, elles ont diminué. Face à ceux qui parlent et restent impuissants devant une violence qu’ils jugent inexorable, nous considérons qu’on peut agir. On peut certainement faire plus, mais en comparant les bilans, nous n’avons vraiment pas à nous inquiéter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ainsi que sur certains bancs du groupe UDF).

lutte contre la délinquance

M. Bruno Le Roux - Monsieur Sarkozy, hier vous vous défaussiez sur le maire de Cachan de vos responsabilités dans l’évacuation mal préparée du squat d’un bâtiment de l’État. Hier, nous avons aussi rappelé que vous aviez renié votre engagement selon lequel il n’y aurait pas de privatisation de GDF. Il y a quelques minutes, dans votre réponse, vous vous défaussiez sur les Espagnols. Vous vous défaussez encore lorsque vous accusez les juges de Bobigny, alors qu’une note de vos propres services, au moins aussi incontestable que les chiffres que vous nous citez, vous a pourtant informé de l’échec de votre politique de sécurité.

En Seine-Saint-Denis, le préfet et les élus locaux vous ont alerté depuis des mois sur l’escalade de la violence. Les policiers eux-mêmes sont de plus en plus souvent victimes d’agressions ; leurs effectifs et leurs moyens dans les quartiers les plus difficiles n’augmentent pas, ils diminuent, et vous avez démantelé la police de proximité. Vos annonces précipitées, à grand renfort médiatique, se sont révélées sans lendemain. Votre ministère est aujourd’hui un ministère de la parole, avec mise en cause systématique des autres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) En semant ainsi la tempête, vous mettez en difficulté les représentants de la République, fonctionnaires, policiers, ou élus locaux, que je salue (Mêmes mouvements), car il essayent de trouver des solutions au jour le jour.

À part vous défausser, sur vos collègues comme sur l’opposition, Monsieur Sarkozy, qu’avez-vous fait dans ce ministère ?

Plusieurs députés socialistes – Rien !

M. Bruno Le Roux – Votre irresponsabilité fragilise la République. Ne pensez-vous pas, pourtant, que la note du préfet de Seine-Saint-Denis est propre, non seulement à faire prendre conscience de votre échec – il est patent – mais aussi des difficultés que votre attitude engendre pour tous, y compris pour vos propres services ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire - En contestant les résultats que je viens de présenter, vous mettez en cause l’action de quelque 150 000 policiers et 120 000 gendarmes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Pourquoi dire que vous les saluez, si vous bafouez les résultats qu’ils ont obtenus sur le terrain ?

Et puisque M. Le Roux évoque la Seine-Saint-Denis, parlons-en ! Les chiffres sont éloquents et je mets au défi quiconque de les contester : dans ce département, la délinquance a augmenté de 22 % de 1998 à 2002 (Huées sur bancs du groupe UMP), avant de baisser de 5 % de 2002 à 2005 (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Et vous osez m’interroger sur l’action que j’ai conduite avec Dominique de Villepin ? Si vous trouvez qu’avec une baisse de 5 % nous n’avons pas assez travaillé, que dites-vous des résultats de M. Vaillant – 22 % de délinquance en plus – ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Dans votre commune, la délinquance a reculé de 5,56 % depuis 2002, Monsieur Le Roux ! Vous pourriez au moins avoir la dignité et l’honnêteté de rendre justice aux policiers de votre département et de votre commune !

Un député socialiste – Et La Courneuve ?

M. le Ministre d’État – Enfin, je ne comprends pas la polémique actuelle : si vous prétendez, contre toute analyse, que la délinquance a augmenté en Seine-Saint-Denis, expliquez-moi pourquoi le nombre de mineurs et de délinquants déférés et incarcérés a chuté de 15 %... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Comment pouvez-vous dénoncer une explosion de la violence dans votre département tout en soutenant les magistrats – les mises sous écrou ont diminué ! J’ai beaucoup de respect pour vous, Monsieur Le Roux, mais la sécurité n’est décidément pas votre fort. Changez donc de spécialité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Passeport mobilité

Mme Gabrielle Louis-Carabin – Monsieur le ministre de l'outre-mer, ma question porte sur les dysfonctionnements du « passeport mobilité », lancé en 2002. Conformément aux engagements du Président de la République, cette mesure doit permettre aux jeunes qui résident outre-mer de bénéficier de billets d'avion gratuits pour poursuivre leurs études ou leur formation dans des filières saturées ou inexistantes dans leurs régions d'origine. L'objectif était de renforcer l’égalité des chances entre les jeunes ultramarins et ceux de la métropole en matière d’emploi et d’accès à la formation.

Or, ce ne sont pas moins de 800 parents d'étudiants guadeloupéens qui s'inquiètent aujourd’hui du non-remboursement de leurs billets – étudiants qui ont d’ailleurs dû avancer le prix de ces billets, alors les députés de la majorité avaient obtenu en 2003 que les CROUS paient directement les titres de transport aux compagnies aériennes, dans le cadre d’une convention passée avec le ministère. La formule précédemment en vigueur pénalisait en effet les étudiants issus de familles modestes…

Faute de financement, les CROUS ne peuvent malheureusement plus assurer leur mission. Pourriez-vous préciser aux familles, Monsieur le ministre, quelles mesures vous entendez prendre afin que ces difficultés passagères soient résolues dans les meilleurs délais ? Le « passeport mobilité » est en effet un des volets pratiques de la continuité territoriale, principe auquel notre majorité s’efforce de donner un sens et un contenu concret (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).

M. François Baroin, ministre de l’outre-mer - Le passeport mobilité est effectivement un engagement du Président de la République, qui vise à favoriser le déplacement des étudiants désireux de poursuivre leur formation initiale ou professionnelle en métropole ou dans une autre collectivité d’outre-mer, grâce au remboursement des frais de transport. Cet engagement, voulu par la majorité, a été inscrit dans la loi d’orientation pour l’outre-mer.

Or, que s’est-il passé ? Ce dispositif a été victime de son succès : alors que 60 000 « passeports mobilité » ont déjà été financés au cours des quatre dernières années, les demandes viennent d’augmenter de 40 % en un an, ce qui démontre d’ailleurs la pertinence de cette mesure !

Face à l’insuffisance des crédits budgétaires disponibles, j’ai donné des instructions pour que des fonds supplémentaires soient débloqués dès la semaine prochaine en faveur des CROUS, des vice-rectorats et de l’Agence nationale des travailleurs de l’outre-mer. Il appartiendra alors aux familles de se retourner vers ces opérateurs afin de se faire rembourser. Les engagements de la majorité en faveur de la continuité territoriale et de l’égalité des chances seront donc intégralement respectés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Loi de finances pour 2007

M. Camille de Rocca Serra – Comme l’a souligné le rapport Pébereau, il est urgent de résorber la dette si nous ne voulons pas faire peser un fardeau financier excessif sur les générations futures. Le projet de loi de finances que vous avez présenté, Monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme de l’État, démontre bien la volonté de la majorité de revenir progressivement à l’équilibre,…

Un député socialiste – C’est un peu tard !

M. Camille de Rocca Serra - …décision historique dans un pays qui s’est habitué à dépenser toujours plus ! L’engagement souscrit l’an dernier par le Premier ministre, à l’occasion de la conférence sur les finances publiques, sera donc pleinement respecté. J’ajoute que notre nouveau cadre budgétaire, celui de la LOLF, fait désormais de la performance l’objectif du pilotage des politiques publiques.

Pouvez-vous nous préciser, Monsieur le ministre, les principaux axes du budget pour 2007, qui est placé sous le signe du meilleur service au meilleur coût pour nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État Le projet de loi de finances, que je présenterai dans quelques jours en compagnie de Thierry Breton, sera l’occasion de mener un débat au sens le plus noble du terme, c’est-à-dire un débat politique. Nous allons en effet diminuer non seulement la dépense de l’État, mais également les impôts, le déficit et la dette (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) – tout cela en faveur du pouvoir d’achat des Français et dans le respect de tous les engagements pris par le Premier ministre, qu’il s’agisse de l’éducation, de la sécurité, de la justice, de la défense ou de l’emploi.

M. Henri Emmanuelli - Et la TIPP ?

M. le Ministre délégué - Comment y parviendrons-nous ? En luttant contre les gaspillages et en modernisant l’État grâce à une politique d’audits ! Je remarque d’ailleurs le silence de l’opposition, qui n’a pas posé une seule question sur ce sujet depuis deux jours. Serait-elle, elle aussi, subjuguée ? (Sourires)

M. Migaud a certes dénoncé un « budget virtuel », mais que feriez-vous si l’alternance se produisait dans quelques mois ? Vous présenteriez sans doute un budget dans lequel la dépense augmenterait, ainsi que les impôts et les déficits – ce serait la gauche en somme ! Nous pouvons donc espérer un débat politique très intéressant à l’automne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Avenir de l’Usine de papier de CORBEHEM (Pas-de-Calais)

Mme Catherine Génisson - Hier, Monsieur le Premier ministre, votre majorité votait la privatisation de Gaz de France et le désengagement de l’État du secteur énergétique. Pour ce qui les concerne, les salariés de l’usine Stora-Enso de Corbehem, dans le Pas-de-Calais, montrent ce que peut être la voie vers une démocratie réelle. Le géant papetier finlandais propriétaire de l’usine ayant décidé de supprimer 500 emplois directs sur le site de Corbehem, les salariés, soutenus par le front républicain des élus et par les citoyens, ont défini un projet alternatif de production de sacs en papier à partir de chanvre. La qualité de ce projet a convaincu un repreneur, avec lequel un accord a été signé, le 8 septembre dernier, en présence du préfet. Face aux licenciements boursiers, c’est là un projet exemplaire de sauvegarde de l’emploi. Or, le groupe Stora-Enso remet à présent en cause l’accord conclu, en exigeant d’obtenir 9,5 millions des machines dont un expert indépendant a estimé la valeur à 3,8 millions et pour lesquelles les repreneurs lui proposent 6 millions. Vous avez déclaré, Monsieur le Premier ministre, vouloir « gagner la bataille de l’emploi ». Quelle action entreprendra votre gouvernement pour que ce projet emblématique puisse être mené à bien ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes - Le Gouvernement est, comme vous, très préoccupé du sort des 736 salariés du site de Corbehem. C’est pourquoi, lorsque la société Stora-Enso a décidé de fermer deux des trois machines de l’usine, nous avons participé aux études de marché et aux études techniques relatives à un projet alternatif qui ont conduit, le 8 septembre dernier, à une proposition de reprise par Green Recovery, appuyé par l’association des salariés Les géants de papier solidaires. Lorsque nous avons appris qu’un débat sur la valeur de reprise des machines bloquait la mise en œuvre de l’accord conclu, le ministre d’État, ministre de l’intérieur, au titre de sa compétence d’aménagement du territoire, a convoqué la direction du groupe Stora-Enso, le ministre de l’emploi et moi-même intervenant pour notre part auprès de la Commission européenne. Jeudi dernier, le Premier ministre nous a donné consigne d’aller plus avant. Or, hier, le groupe Stora-Enso a mis fin à toute négociation et claqué la porte, ce que nous n’acceptons pas. Je vous proposerai donc, Madame Génisson, de participer, avec le sénateur Vanlerenberghe, aux réunions prévues pour mettre un terme à cette duperie et mener le projet de reprise à bonne fin (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

maladie d’alzheimer

Mme Cécile Gallez - Monsieur le Premier ministre, vous avez déclaré, le 21 septembre, vouloir faire de la lutte contre la maladie d'Alzheimer la « grande cause nationale » de 2007. Le Gouvernement s’était déjà mobilisé contre ce fléau qui progresse inexorablement et les mesures que vous avez annoncées ont été particulièrement appréciées par les familles et les associations concernées. Dans la pratique, il reste à améliorer l’information sur cette maladie, par exemple en ouvrant un numéro vert, et à renforcer la formation spécifique des personnels soignants. Mais on ne peut s’en tenir là, car les gériatres s’accordent pour déplorer l’insuffisance de la recherche relative à la maladie d’Alzheimer, pour laquelle il n’existe pas, à ce jour, de traitement curatif. En matière de prévention, la piste du vaccin n’a pas encore abouti, la substance active envisagée ayant des effets secondaires nocifs. La maladie d’Alzheimer ayant été décrétée « grande cause nationale » pour 2007 et l’urgence étant avérée, le Gouvernement ne pourrait-il envisager un programme de recherche spécifique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la familleVous, qui avez été l’auteur d’un rapport consacré à la maladie d’Alzheimer dans le cadre de l’Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé, connaissez la question mieux que personne. S’il est un sujet sur lequel l’unité doit se faire, au nom de la solidarité nationale, c’est celui-là, et c’est pourquoi le Premier ministre a décidé, vous l’avez rappelé, de faire de la lutte contre la maladie d’Alzheimer une grande cause nationale en 2007. Chaque cas est une tragédie, car les malades se perdent et ont conscience de se perdre, et les familles sont en grande difficulté. On dénombre déjà 850 000 malades en France et 220 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année. Il fallait agir et renforcer la recherche sur les neurosciences pour rattraper les retards accumulés. C’est ce que M. Bertrand, M. Goulard et moi-même avons fait en installant des centres de recherche régionaux et en créant un pôle de recherche spécifique. Outre la recherche, une lutte efficace contre cette maladie suppose aussi des mesures de détection précoce, que nous avons décidées. Enfin, il faut pouvoir offrir aux familles un droit au répit ; c’est ce que nous faisons en multipliant les places d’accueil de jour et en renforçant les effectifs et la formation des personnels, de manière que, dans cinq ans, on trouve un professionnel par malade dans les établissements spécialisés. Ces actions sont rendues possibles par la journée nationale de solidarité et par les économies réalisées par ailleurs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Fonctionnement du Fonds National pour l'Aménagement
et le Développement du Territoire

M. Alfred Trassy-Paillogues - Le Fonds national pour l’aménagement et le développement du territoire est indispensable à la réalisation de multiples projets, au sein des contrats de pays par exemple. Malheureusement, le grand décalage entre les crédits de paiement et les autorisations d’engagement empêche de nombreuses réalisations.

Par un décret d’avance du 1er août dernier, 24 millions de crédits de paiement ont été ouverts au bénéfice du FNADT, ce qui améliore la situation sans toutefois permettre d’aller aussi loin qu’il est souhaitable dans l’engagement d’opérations nouvelles pourtant programmées.

Que peut-il être fait en termes de crédits de paiement et d’autorisations d’engagement afin que les opérations auxquelles tiennent les maires et les présidents d’EPCI puissent être lancées et menées à bien ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire  Le FNADT est un outil essentiel pour réduire la fracture entre les territoires.

M. Augustin Bonrepaux - Il est vide !

M. le Ministre délégué – Ces fonds sont affectés par le Premier ministre sur proposition du ministre de l’intérieur et de moi-même, non seulement pour des projets de développement de territoires mais également pour répondre aux besoins de territoires sinistrés comme par exemple les pays miniers du Nord ou de l’Est. Depuis seize mois, nous avons proposé avec M. Sarkozy que ces crédits soient systématiquement consacrés à des projets de développement économique et social créateurs d’emplois, à l’amélioration de la compétitivité et de l’attractivité des territoires, à la création de richesses, à des projets de service à la personne et de services publics, en faveur des contrats de pays et des pôles d’excellence rurale notamment. Ces crédits sont-ils suffisants en 2006 ? Oui. Au mois d’août dernier, comme vous l’avez rappelé, ce sont 24 millions de crédits de paiement qui ont été débloqués. Le Premier ministre a de plus annoncé que 100 millions supplémentaires seront inscrits en loi de finances rectificative. Je remercie également M. Copé, qui débloquera un certain nombre d’autorisations d’engagement afin que nous puissions non seulement pourvoir aux projets en cours mais lancer de nouveaux projets d’ici à la fin de l’année. J’ajoute que le budget de l’aménagement du territoire, dans le cadre du PLF de 2007, disposera de crédits permettant d’amplifier les politiques au service de nos territoires.

À travers vous, Monsieur Trassy-Paillogues, ce sont des centaines de maires qui se sont exprimés. Nous savons combien ils font preuve de volontarisme afin de réduire la fracture territoriale et de développer les solidarités. Je leur rends hommage et les assure que nous relèverons les défis dans lesquels nous sommes engagés, grâce au FNADT ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La séance, suspendue à 15 heures 50, est reprise à 16 heures 15, sous la présidence de Mme Mignon.
PRÉSIDENCE de Mme Hélène MIGNON
vice-présidente

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nomination d’un nouveau secrétaire
de l’assemblée nationale

Mme la Présidente - M. le Président de l'Assemblée nationale a été informé par Mme Marie-Françoise Clergeau qu’elle se démettait de ses fonctions de secrétaire de l'Assemblée nationale à compter de ce jour. M. le président du groupe socialiste a fait savoir qu’elle serait remplacée à compter de cette même date par Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont.

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participation et actionnariat salarié (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié.

Mme Anne-Marie Comparini - Comme l’ont dit les ministres, la participation n'est pas une idée neuve. Conçu au milieu du XIXe siècle comme une réponse à la « question sociale » née de l'essor de la société industrielle, l’actionnariat salarié n'est cependant devenu une réalité que dans le cadre de la politique de participation voulue par le général de Gaulle.

Aujourd'hui, la France est en avance en ce domaine, puisqu’une entreprise française cotée sur trois a des actionnaires salariés. Mais ce grand dessein, en dépit des évolutions législatives des vingt dernières années, reste inachevé, ce qui explique l'écart qui se dessine entre les salariés pouvant détenir des actions de leur entreprise – la moitié des salariés français – et ceux qui, en raison de la taille, du statut ou du secteur d'activité de leur entreprise ne le peuvent pas. On comprend dès lors que des rapports, notamment celui de MM. Cornut-Gentille et Godfrain, soulignent la nécessité d'encourager la participation et de l’étendre à toutes les entreprises.

Le présent projet incite précisément les PME à recourir à l'actionnariat salarié et généralise le principe de l'épargne salariale. C'est une avancée importante pour les salariés des PME. Mais il faudra prendre garde à ce que ces dispositions soient faciles à mettre en œuvre par ces dernières. Il importe de concilier la faculté pour tous d'accéder à la participation et le bon fonctionnement des petites entreprises, étant entendu que celles-ci n’ont pas les mêmes moyens que les grandes. Notre groupe sera très attentif à la recherche de cet équilibre. Trop souvent, en effet, nous adoptons des textes inapplicables de fait aux PME. Celui d'aujourd'hui est porteur de tant d'espoirs qu'il importe de trouver la bonne voie.

Je retiendrai aussi qu'un des objectifs de ce texte est de responsabiliser tous les acteurs de l'entreprise, ce qui va dans le sens d'une gestion saine et transparente de nos entreprises. À cet égard, je m'interroge sur l'opportunité de réduire la durée de blocage des actions. Le faire, ce serait transformer l'actionnariat en simple outil de modulation du pouvoir d'achat, alors qu'il est une manière de reconnaître la juste place du travail dans notre système socio-économique. Ce débat ancien a été tranché avec l’élaboration d’une liste des cas où le déblocage anticipé est possible. De récentes études montrent qu'il conviendrait d'assouplir ce dispositif. Le Gouvernement pourrait-il nous donner davantage de précisions au sujet de ces assouplissements prévus par voie réglementaire ?

Toujours dans le cadre d'une gestion transparente, comment ne pas évoquer le contrôle des stock-options des dirigeants d'entreprises ? Au cours des derniers mois, des événements ont montré les dérives du capitalisme irrespectueux des hommes. Il ne faut pas renouveler ces erreurs. Nous aurions certes préféré une réflexion d'ensemble, mais nous considérons que la proposition de M. Édouard Balladur peut être un début.

Enfin, s'agissant de la participation des salariés à la gestion des entreprises, souvent parent pauvre de la participation, je salue l'obligation de représentation des salariés actionnaires dans les conseils d'administration et les directoires, dès lors que ces salariés possèdent plus de 3 % du capital de l'entreprise. La recherche d'une réelle association capital-travail suppose aussi d’entendre l'avis des salariés dans l'entreprise, comme en démocratie, on doit entendre l'avis des citoyens.

J'en viens maintenant aux mesures sociales et fiscales sans rapport avec la participation mais intégrées à ce texte. La décision de la commission de les supprimer me paraît sage, d’abord parce que la multiplicité des points évoqués nuit à la compréhension des propositions en faveur de la participation. La participation est une grande affaire : elle est un vrai projet à elle toute seule, et non un élément d'un texte attrape-tout. Ensuite parce que, à l'heure de la réforme du dialogue social, et alors que le Président de la République a lui-même rappelé la nécessité d'une association plus étroite des partenaires sociaux à tout changement des règles du droit du travail, il est curieux que ces mesures n'aient pas fait l'objet d'une saisine des partenaires sociaux. Il y a là un point de méthode qui, sans préjuger du fond, souligne l'attitude paradoxale du Gouvernement à l'égard du dialogue social. Le Gouvernement serait donc bien inspiré de suivre la proposition de la commission.

Toutes ces mesures sociales méritent d’ailleurs une réflexion plus approfondie. Je pense au prêt de personnel. Le groupe UDF voit dans cette disposition une facilité qu'il est prudent de n'envisager que dans le cadre de l'expérimentation et au sein des pôles de compétitivité. Nous serons donc attentifs à ce que les salariés concernés aient toutes les garanties quant à la poursuite de leur parcours professionnel, après un prêt de main-d’œuvre.

Notre groupe attend également de réelles précisions sur les garanties accordées aux bénéficiaires du congé de mobilité. Ce dispositif, qui n'a pas été discuté avec les partenaires sociaux, est intéressant en ce qu'il permet d'anticiper un éventuel reclassement par une réorientation professionnelle. Pourtant, se terminant par une rupture d'un commun accord du contrat de travail, il pourrait être assimilé à un nouveau mode de rupture amiable du contrat de travail. Il soulève de ce fait des inquiétudes. Nous souhaitons que le Gouvernement les lève.

S’agissant de la contribution Delalande, dont le projet programme la suppression d’ici à 2010, les avis divergent : frein à l'embauche pour les uns, garantie contre le licenciement de salariés âgés pour les autres, dispositif ayant une incidence négative sur l'embauche de la tranche immédiatement antérieure à cinquante ans, selon les conclusions d'une enquête menée par l'INSEE en 2004. Il faut traiter complètement la question de l'emploi des seniors. Supprimer la contribution Delalande ne suffira pas à faire augmenter leur taux d'activité, l'un des plus faibles d'Europe depuis plusieurs années.

Nous sommes particulièrement attentifs aux inquiétudes des conseillers prud'homaux quant aux conditions d'exercice et d'indemnisation de leurs activités. Le forfait prévu pour le temps consacré à la préparation des audiences, à celles-ci et à la rédaction des jugements n'est-il pas trop restreint ?

Sur la question de l'introduction des clubs de football en bourse, nous nous interrogeons. D’un côté, il faut permettre à nos clubs – c’est une Lyonnaise qui parle, Monsieur le rapporteur – de faire jeu égal avec les autres clubs européens. N'oublions pas que la France a été mise en demeure en 2004 par la Commission de respecter le droit européen. De l'autre, il faut mesurer le risque qui pourrait en résulter pour les petits porteurs, dans un pays qui n'a pas de culture de l'actionnariat sportif, à la différence de l'Italie, de l'Espagne ou du Portugal. Nous regrettons la précipitation dans laquelle est examinée cette disposition, qui méritait une réflexion d'ensemble.

Enfin, les chèques transport ne sont qu’un cadeau préélectoral. Ils ne règlent en rien la question de fond de la stagnation du pouvoir d'achat, surtout des bas et moyens salaires – un débat qu’il faudra bien un jour avoir le courage d'ouvrir. Cette disposition présentera en outre des difficultés d’application pour les salariés, les employeurs et les réseaux de transport, surtout en province. Nous espérons que vous opterez pour un dispositif simple, tel que celui qui est en vigueur en Île-de-France.

Le groupe UDF a donc des réserves sérieuses sur ces dispositions sociales mais soutient celles qui sont relatives à la participation salariale, dont l’objectif est de permettre à tous les salariés, notamment ceux des sociétés non cotées ou de petite taille, d'accéder à une forme ou une autre de la participation. C'est un facteur important du partage des bénéfices et du dialogue social, et un instrument qui peut accompagner le développement durable des entreprises plutôt que les logiques financières de court terme.

M. Alain Bocquet – Ce projet de loi ne répond pas aux attentes des millions de salariés qui réclament une juste revalorisation de leur salaire. Face à l’effritement de leur pouvoir d'achat, les ouvriers, employés et cadres du pays, qu’ils relèvent du secteur privé ou de la fonction publique, ne demandent pas des primes aléatoires mais une rétribution de leur travail pérenne, statutaire et conventionnelle. Vous proposez des dividendes incertains, qui exonèrent le patronat de ses contributions sociales. Ils veulent un salaire, avec les droits inaliénables à la retraite et à la protection sociale qui y sont attachés. Cette requête n'a rien d'utopique au vu des gains de productivité et des profits colossaux accumulés par les entreprises. Quand les sociétés du CAC 40 engrangent 50 milliards de bénéfice net au premier semestre, avec une hausse du résultat pouvant atteindre 23 % chez BNP-Paribas ou 33 % chez Sanofï-Aventis, le salaire de base progresse de 0,5 %. Il faut faire cesser cette spoliation.

L'augmentation immédiate du SMIC à 1 500 euros serait une première mesure réaliste et efficace : faut-il rappeler que la moitié des salariés perçoivent aujourd'hui moins de 1 455 euros nets par mois ? Mais ce texte ne s’attaque pas à la plaie des bas salaires, des temps partiels contraints et des jobs précaires qui font que près d'un million de personnes vivent en France dans la pauvreté bien qu’elles aient travaillé plus de six mois dans l'année. Depuis vingt ans, dix points de PIB, soit 160 milliards d'euros, ont été transférés des salaires aux revenus financiers, alors que la part consacrée aux investissements stagnait. Ce mouvement pèse sur la croissance, en bridant la consommation des ménages, freine les créations d'emplois et alimente le déficit de la protection sociale. Or le Gouvernement, en utilisant la thématique du pouvoir d'achat pour présenter un dispositif centré sur l'épargne salariale et en faisant briller le vieux miroir aux alouettes de l'actionnariat salarié, ne peut qu’accroître ce transfert.

Vous prétendez « réconcilier le travail et le capital », selon la formule éculée reprise par M. Borloo…

M. Jean-Michel Dubernard, président et rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Éculée…

M. Alain Bocquet – Qui peut croire qu’un hypothétique dividende modifiera le quotidien des employés de caisse de la grande distribution, dont le salaire moyen est de 600 euros par mois ? Ce matin, j’ai reçu une délégation de Ford Bordeaux, qui a connu cinq cents suppressions d’emplois cette année : les salariés, qui doivent faire face à 31 jours de chômage technique entre septembre et décembre, ne peuvent pas puiser dans le fonds de participation qui a été mis en place !

Votre projet soumet encore un peu plus la rémunération du labeur et de la création aux exigences de la rentabilité du capital. Il n’a rien de moderne. Il est vrai que depuis que l'UMP a pris les rênes du pouvoir, ce sont les marchés boursiers qui font la morale et la politique.

M. Jacques Godfrain - Nous ne les avons pas prises, les électeurs nous les ont données !

M. Alain Bocquet - Allégement d’impôt sur la fortune pour les PDG actionnaires, démission de l'État dans le raid de Mittal sur Arcelor, privatisations en cascade, bradage de GDF au seul profit de quelques gros actionnaires de Suez, à commencer par l'affairiste belge Albert Frère…

M. Guy Geoffroy - Ce n’est pas le sujet !

M. Alain Bocquet - La majorité ne recule devant rien pour consolider le mur de l'argent, et les dispositions de ce texte ne feront que drainer plus de ressources vers les placements spéculatifs, au détriment des salaires, des dépenses sociales et des investissements dans l'innovation, la formation et la recherche-développement. Soulignons qu'en France, le poids des actifs financiers en actions et en titres d'OPCVM est passé de 1 650 milliards d'euros en 1995 à 5 900 milliards en 2005, soit plus que le patrimoine détenu en logements !

Face au scandale des stock-options pharaoniques, votre première réaction est de voler au secours d’un système inique et de pérenniser ce régime de faveur réservé à une poignée de dirigeants d'entreprise. Les PDG des sociétés du CAC 40, qui ont perçu une rémunération moyenne de 2,5 millions en 2005, possèdent un pactole de stock-options d'une valeur potentielle de 700 millions, et vos mesurettes non seulement ne changent rien à ces petits arrangements entre riches, mais les légitiment ! Pour faire bonne figure, vous prétendez améliorer la gouvernance des entreprises en offrant davantage de place aux actionnaires salariés et rénover le dialogue social, mais les élus des salariés et leurs syndicats sont renvoyés au second plan, au profit des associations d'actionnaires, et vous ne faites rien face à la discrimination dont sont victimes au quotidien les délégués syndicaux et représentants des salariés : selon la DARES, 13 400 ont subi un licenciement pour motif économique en 2003 !

Tout à l’heure, Monsieur le ministre, Mme Génisson a évoqué la situation de Stora Enzo. Il est tout de même pitoyable que les salariés, leurs représentants, les élus locaux et plusieurs ministres puissent se faire claquer la porte au nez par un groupe financier qui a décidé de faire la loi dans ce pays ! Le politique ne peut certes pas tout – on l’a entendu à propos de Michelin –, mais tout de même : j’espère, Monsieur le ministre, que le Gouvernement se fera respecter de ces gens, qui ont d’ailleurs bénéficié de fonds publics colossaux. Aucun de nous, quelles que soient ses opinions, ne peut admettre que de grands groupes internationaux manquent de respect à la République française. J’espère aussi que vous ferez en sorte que les propositions des organisations syndicales soient prises en compte.

Face aux pressions de la finance sur l'emploi et les salaires, il est temps d'assurer une meilleure représentation des salariés et des organisations syndicales dans les conseils d'administration et de surveillance, et de leur confier une place majoritaire dans les conseils de surveillance des fonds communs de placement d'entreprise qui gèrent l'épargne salariale. Sous son vernis, votre projet purement réactionnaire fait aussi de nouvelles entailles au code du travail, telles que la suppression de la contribution Delalande, qui pénalisait le licenciement des seniors, la légalisation du marchandage de main-d'œuvre dans les pôles de compétitivité ou encore la remise en cause de l'activité des conseillers prud'homaux.

Au lieu de ce libéralisme frénétique, le peuple aspire à une véritable démocratie salariale reposant sur un droit d'ingérence des travailleurs et de leurs organisations dans les affaires de l'entreprise, pour défendre les salaires et les investissements utiles et faire prévaloir la sécurité d'emploi et de formation. Nous défendrons cette vision novatrice par des amendements et contre-propositions. Il faut donner la priorité aux accords salariaux, validés selon le principe majoritaire, sur les différentes formules de revenus complémentaires. Nous revendiquons l'abrogation du CNE et la suppression des mécanismes de stock-options et souhaitons doter les représentants du personnel de nouvelles capacités d'intervention. On peut imaginer une « action de préférence », attribuée au comité d'entreprise, qui ouvrirait droit à un veto sur les opérations stratégiques de l'entreprise, un recours suspensif en vue de faire prévaloir des alternatives aux licenciements collectifs, ou une responsabilité juridique de la société donneuse d'ordres en cas de difficultés économiques de sa filiale ou de son sous-traitant.

Toutes ces dispositions ont le mérite de pouvoir être étendues à l’Union européenne, en consolidant notamment la législation sur les comités de groupe européens et les obligations d'information et de consultation des salariés. Ce serait un outil précieux pour réorienter la construction européenne vers plus de justice sociale. C’est ainsi qu’on permettrait aux salariés de maîtriser leur avenir et d’accroître leur liberté de choix dans une économie où l’argent ne serait plus une fin instrumentalisée par quelques privilégiés mais un moyen d’épanouissement de tous. La voie que vous leur imposez les rend au contraire plus dépendants en soumettant leur patrimoine et leur rémunération aux aléas des marchés financiers. Cette dérive ne fait d’ailleurs pas l’unanimité chez les experts de l’entreprise. Ainsi, René Ricol, ancien président de la fédération mondiale des experts-comptables, lançait-il voici peu un cri d’alarme, invitant à ne plus faire des marchés « la référence unique et incontestable », et soulignant que « la Bourse n’est pas la vie. »

Vous aurez compris que les députés communistes et républicains ne cautionneront pas la réponse tronquée que vous apportez aux attentes du monde du travail et de la création (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. Jacques Godfrain - Le groupe UMP mesure à sa juste valeur l’enjeu de ce texte et la solennité de ce débat. Une très grande partie de ses députés, et d'autres, au-delà des clivages politiques traditionnels, ont puisé dans la pensée et l'action du général de Gaulle au XXe siècle, dans l'encyclique Rerum Novarum de la fin du XIXe siècle, et plus loin encore, au XVIIIe siècle, dans la gestion sociale de Riquet, ingénieur du canal du Midi, la force de leurs convictions pour faire échapper l'entreprise aux luttes stériles des classes, pour donner aux salariés la juste place qui leur revient et à ceux qui les dirigent le goût des responsabilités.

Ce texte est le fruit d'une volonté affirmée du Premier ministre et de son gouvernement de répondre à la question fondamentale de la place de l'homme dans l’entreprise, comme en avaient déjà eu le souci les gouvernements de Michel Debré en 1959, de Georges Pompidou en 1967, et plus tard ceux de Jacques Chaban-Delmas, de Jacques Chirac et d'Édouard Balladur (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Voilà bientôt quinze ans, je m’étais vu confier un rapport sur cette grande cause économique et sociale. Il y a quelques mois, avec mon collègue François Cornut-Gentille, nous nous sommes attelés à redéfinir les enjeux et déterminer les moyens de parvenir à un texte certes pour partie comptable et financier, mais surtout humaniste et profondément social.

Le travail accompli durant ces décennies est aussi le résultat des réflexions très approfondies de M. Teissier, au nom de la CFTC, devant le Conseil économique et social, ainsi que de propositions venues de nombreux responsables d'associations et syndicats parmi lesquels M. Cambus pour la CGC, MM. Repelsky, Dechartre, Mothié et Massié, sans oublier MM. de Foucauld et Balligand lors de la discussion du projet de loi Fabius, relatif à l’épargne salariale, sur lequel le groupe RPR s'était, à ma demande, abstenu, témoignant ainsi son ouverture. Je reviens un instant, à ce sujet, sur les propos tenus hier par Jean Le Garrec, nous vantant « la France d’avant » à laquelle il faudrait revenir.

M. Jean Le Garrec - Pas du tout.

M. Jacques Godfrain - Voilà bien parfaitement résumé le programme du parti socialiste ! Il est un peu court de prétendre qu’il suffirait de dépoussiérer la loi de 1946 sur les comités d’entreprise…

M. Jean Le Garrec - Je n’ai pas dit que cela.

M. Jacques Godfrain - Le reste était pire (Sourires). Je préfère ne citer que ce qui était acceptable.

M. Jean Le Garrec – J’ai parlé de la représentation des salariés dans les conseils d’administration. Ne caricaturez pas mes propos.

M. Jacques Godfrain – Je ne caricature rien, je regrette seulement que vous vous soyez montré à l’image d’un parti au programme archaïque.

Beaucoup d’autres sous la Ve République ont apporté leur pierre à ce bel édifice : René Capitant, Louis Vallon, plus récemment Serge Dassault, Christine Boutin, ou bien encore le sénateur Chérioux. Il y a eu aussi les réflexions du Conseil supérieur de la participation, créé par la loi Giraud, voulue par le Premier ministre Édouard Balladur. Et je regrette que, dans l’esprit de notre collègue Maxime Gremetz, une instance dans laquelle ne s’expriment ni conflit ni violence verbale soit nécessairement dénaturée. Les nombreux rapports du Conseil économique et social ont beaucoup éclairé le présent débat, apportant, si besoin était, la preuve que le progrès social ne naît pas seulement du conflit. Enfin, beaucoup d'entreprises, sans attendre de signaux politiques, ont institué d’elles-mêmes la participation, l'intéressement, l'actionnariat salarié : Radio Technique il y a quarante ans, Auchan, Eiffage… Combien d'OPA hostiles ont tourné court grâce à la mobilisation des actionnaires salariés, comme chez Bouygues, à la Société générale, ou récemment chez Eiffage !

Nous espérons que la présente loi sera rapidement mise en application, les budgets des entreprises étant établis avant juin. Plusieurs points méritent d’être précisés afin de lever toute ambiguïté. Tout d’abord, les caisses sociales ne doivent pas voir dans ce texte une manière dissimulée de contourner la législation relative aux charges sociales. Ensuite, nul ne doit confondre le couple participation-intéressement avec le couple salaire-pouvoir d'achat. L’épargne salariale ne saurait se substituer à la politique salariale, comme M. Charzat en avait exprimé la crainte en commission. Enfin, la période de cinq ans que le Gouvernement a fort heureusement retenue comme délai minimum de déblocage, et non trois ans comme il a été malencontreusement dit, est un bon terme car il correspond à l’horizon des décisions importantes des familles en matière immobilière par exemple. Tout au long de ce débat, nous n’aurons de cesse de revenir à l'essentiel : l’institution d’un véritable droit au patrimoine avec la mise en place d’un livret d’épargne participation – nous avons déposé un amendement à ce sujet.

Enfin, vont être pris en compte les vrais problèmes de notre société, celle dont le général de Gaulle disait en juin 1968, comme il l'avait déjà prédit en 1942, que tout ce qui est d'ordre matériel – les conditions de travail, l'existence ménagère, les déplacements, l'information….–, « qui n'avait pas bougé depuis l'Antiquité changeait maintenant de plus en plus rapidement », ajoutant que « cela implique que soit attribuée par la loi, à chacun, une part de ce que l'affaire gagne et de ce qu'elle investit en elle-même grâce à ses gains. Cela implique aussi que tous soient informés de la marche de l'entreprise et puissent par leurs représentants, qu'ils auront nommés librement, participer à la société et à ses conseils pour y faire valoir leurs intérêts, leurs points de vue et leurs propositions ». Prémonitoire, et ô combien moderne, était l'homme du 18 juin ! Prémonitoire était également Léon XIII qui affirmait au XIXe siècle qu’« il ne pourrait y avoir de capital sans travail, ni de travail sans capital ». Le concept de participation commençait ainsi sa grande aventure puisqu'au milieu du capitalisme triomphant et des prémices les plus violents du marxisme, son encyclique énonçait que « si on stimule l'industrieuse activité du peuple par la perspective de la propriété, on verra se combler peu à peu l'abîme qui sépare l'opulence de la misère ».

C'est à cela que nous nous attacherons pour montrer que les parlementaires défendent d'abord le bien commun et l'intérêt général, et ne sont pas les représentants de groupes de pression, comme l’a malheureusement titré un hebdomadaire. Il n’est rien que nous ne désirions davantage que permettre à chaque être humain de combler son espoir, qui est aussi celui de l’espèce humaine tout entière, de pouvoir laisser davantage en quittant cette planète qu'il n'a trouvé en arrivant (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Balligand – Successeur ici de Jean-Baptiste-André Godin, qui créa un phalanstère, mit en application une utopie réaliste – les poêles Godin, sans doute les plus beaux du monde, existent toujours ! – et inventa dans notre pays l’association entre le capital et le travail, contre les thèses de Engels. Il jugeait qu’il était temps, en 1871, « que ceux qui créent la richesse aient droit aux bienfaits et aux splendeurs qu’elle procure », et ce droit reconnu, « il résultait pour tous le devoir d’employer davantage la richesse au profit de ceux qui la produisent ».

Le texte que nous examinons aujourd’hui, ô combien promis et retardé, touche à un domaine que, par la force des choses, je connais un peu. En 2000, j’avais, avec Jean-Baptiste de Foucauld, remis un rapport au Premier ministre sur l’épargne salariale, lequel avait abouti un an plus tard à un projet de loi, dont chacun reconnaît qu’il a enrichi le paysage de l’épargne longue dans notre pays, sans mettre à mal les outils qui existaient déjà. Mais curieusement, sur ce sujet, la majorité a préféré jusqu’ici légiférer en catimini, avec des dispositions sur l’épargne salariale dans la loi Fillon sur les retraites de 2003, la loi Sarkozy sur le soutien à la consommation et l’investissement en 2004, la loi Breton sur la confiance et la modernisation de l’économie en 2005. Aujourd’hui, on nous présente enfin le projet de loi que salariés et entreprises attendaient. Je l’imaginais digne du quarantième anniversaire de la participation, que nous célébrerons l’an prochain. Il est pour le moins décevant. Rappelons sa genèse.

M. Cornut-Gentille et M. Godfrain, auxquels M. Raffarin avait confié en avril 2005 une mission sur le développement de la participation, ont remis leur rapport à M. de Villepin six mois plus tard. Ce texte, bien construit sans être révolutionnaire, propose des aménagements marginaux, dans le fil de la loi sur l'épargne salariale : pas de fusion entre participation et intéressement, maintien du seuil de 50 salariés, maintien d'un accord collectif, réforme des bases de calcul de la participation. Puis, en décembre 2005, M. de Villepin évoque le renforcement de la participation des salariés comme un moyen pour les entreprises cotées de se défendre contre des OPA hostiles. L’avant-projet de loi présenté le 16 mars 2006 est très ambitieux : on veut rénover les règles en profondeur, faire mieux participer les salariés aux fruits de la croissance et à la gouvernance des entreprises. Il s’agissait donc d’apporter une réponse aux problèmes de pouvoir d'achat et de mettre en place un instrument du « patriotisme économique » cher au Premier ministre.

Hélas, le texte fourre-tout dont nous discutons aujourd’hui est un assemblage hétéroclite de diverses dispositions d'ordre économique et social. De la participation et de l'actionnariat salarié, il n’est traité que dans deux titres sur six et 21 articles sur 48 ! Pour ce qui est du contenu, source de convoitises, voire de tensions entre les ministres de tutelle, certaines dispositions apportent quelques avancées – je le dis par respect pour mes collègues Cornut-Gentille et Godfrain – mais l'ensemble reste en deçà des enjeux véritables.

Certaines ambiguïtés ont été levées. D’abord, vous avez évité l'écueil de la fusion entre d’une part la participation, qui est une implication de long terme des salariés dans les orientations de l'entreprise et dans son financement, et d’autre part l'intéressement, qui facilite grandement le dialogue social en répartissant le bénéfice immédiat de résultats financiers par nature aléatoires. Les organisations syndicales demeurent attachées à cette dichotomie. En tant que rapporteur de la loi sur l’épargne salariale, j’avais négocié à ce sujet et la CGT participe désormais comme les autres organisations à la gestion sur l’épargne salariale.

En second lieu, vous n'avez pas cédé – une fois n'est pas coutume – à la tentation des déblocages anticipés. En effet, on l’a vu avec la loi Sarkozy de 2004, ce sont les salariés les plus faibles qui ont demandé ce déblocage…

M. Jean Le Garrec – Exactement.

M. Jean-Pierre Balligand - …alors que ce sont eux qui ont le plus besoin d’épargne longue pour compenser une faible retraite.

Vous avez également renoncé à fixer des seuils de salaires pour le calcul des primes individuelles d'intéressement, ou à rendre rétroactive l'affectation obligatoire de la participation dans un plan d'épargne d'entreprise. Et vous avez étendu la notion de dividende du travail à la participation, en plus de l'intéressement.

Je mets encore à votre actif la définition d'un intéressement de projet, qui permettra d'associer financièrement aux résultats les salariés des entreprises sous-traitantes.

Hélas, à côté de cela, les insuffisances sont nombreuses. D’abord, vous limitez la participation des salariés actionnaires au conseil d'administration des seules sociétés cotées et vous refusez d’ouvrir les portes des conseils d'administration aux simples salariés. J’ai entendu le discours gaullien de M. Larcher – j’espère qu’il ne le prend pas mal. Or, si vous voulez vous attaquer aux dérives du capitalisme financier – lisez l’ouvrage de Michel Aglietta et d’Antoine Rebérioux –, il faut savoir qu’aujourd’hui il ne reste plus que les salariés, aux côtés du manager, pour se préoccuper du moyen terme, face aux fonds de pension qui exigent la rentabilité immédiate. Le système des bilans trimestriels, imposé par les Anglo-Saxons, aboutit à la dictature du court terme : M. Beffa, qui n’est pas un révolutionnaire, a d’ailleurs conservé les salariés non actionnaires dans le conseil d’administration lorsque Saint-Gobain est devenue privée, afin de protéger sa stratégie à moyen terme. Pour moraliser le capitalisme, commencez par changer les conseils d'administration ! Sur ce plan, vous manquez singulièrement d'audace.

M. Jean Le Garrec - Excellent !

M. Jean-Pierre Balligand - Vous entendez également développer la distribution d'actions gratuites aux salariés, au nom de votre prétendu « patriotisme économique ». C’est confondre les rôles et ignorer le risque inhérent à la volatilité des marchés boursiers. Travail et capital ne vivent pas au même rythme. En outre, entreprises cotées et non cotées, PME et multinationales, n’offrent pas la même transparence ou le même système d'évaluation. C’est pourquoi, après mûre réflexion, avec Jean-Baptiste de Foucault, nous avons écarté l’actionnariat direct, pour protéger en particulier les salariés des PME. Cette formule ne sert d’ailleurs qu’une frange de salariés, les cadres dirigeants, en complément ou en substitut des stock-options. Et selon le baromètre 2006 de l'épargne salariale, seuls 8 % des salariés opteraient pour des actions gratuites si l'entreprise devait distribuer une part plus importante de ses profits, contre 27 % pour l'intéressement, 26 % pour la participation et 20% pour le salaire.

Porter, comme vous le souhaitez, l’actionnariat salarié à 10 % du capital des entreprises est un vœu pieux. Seul Bouygues dépasse aujourd'hui ce seuil, avec 11,5 % du capital, devant Vinci à 9 % – encore les salariés étaient-ils à l'origine de la création de ces entreprises. Avec un investisseur institutionnel comme la Caisse des dépôts, ce noyau dur permet de résister à une OPA hostile – mais comment faire lorsque la valeur nominale de l'action est très élevée, comme c'est le cas de Danone ? Tous les salariés ne sont pas sur le même plan.

M. Jean Le Garrec - Tout à fait.

M. Jean-Jacques Descamps - C’est vrai.

M. Jean-Pierre Balligand - De nombreuses questions demeurent sans réponse dans ce texte, à commencer par les risques de substitution entre épargne salariale et épargne retraite, de même qu'entre salaire direct et salaire indirect. Vous allez même, confusion ultime, jusqu’à proposer de relier le compte épargne temps au plan épargne retraite collectif. En second lieu, ces dispositifs profitent aux salariés déjà les plus protégés et les plus aisés. Selon l'INSEE, en 2003, 10 % des salariés recevaient 26 % des salaires mais 40 % de l'épargne salariale.

Ensuite, il aurait fallu donner une impulsion substantielle en direction des PME. Toujours selon l'INSEE, 62 % du personnel des entreprises de plus de 500 salariés bénéficient d'un dispositif d'épargne salariale, contre 35 % dans les entreprises de 50 à 99 salariés et 8 % dans celles de 10 à 49 salariés. Le seul moyen d’instaurer « la participation pour tous », c'est de diminuer le seuil légal de 50 salariés. Reste enfin le risque accru pour les salariés, dès lors que l'on permet des placements en actions de l'entreprise. Le texte n’est donc pas à la hauteur des enjeux.

On assiste aujourd’hui à une dérive sans précédent du capitalisme, que nous dénonçons depuis de nombreuses années, et nous ne sommes pas les seuls. Je vous renvoie aux réflexions de Claude Bébéar, Jean Peyrelevade, Joseph Stiglitz, Anton Brender, Michel Aglietta, Olivier Pastré ou encore Patrick Artus.

Quelle image le capitalisme donne-t-il de nos jours ? Celle d'une « planète affolée » : accélération des mouvements capitalistiques – OPA géantes, fusions-acquisitions ; rémunérations faramineuses des PDG et avantages aussi nombreux qu’indécents – primes, actions gratuites, stock-options, « golden parachute », « retraites chapeau » ; assemblées générales d'actionnaires dépourvues de toute utilité ; et enfin basculement généralisé vers le court terme. « Nous sommes passés à un capitalisme où les dirigeants sont payés pour accroître la richesse des actionnaires », relève Patrick Artus, coauteur du livre Le Capitalisme est en train de s'autodétruire.

Il faut au contraire renouer le fil entre l'entreprise et les citoyens, restaurer la confiance entre les dirigeants d'entreprise et les salariés et redonner un rôle et un sens à l'assemblée générale des actionnaires, à l'image de ce qui se passe aux États-Unis. Il faut que nous mettions un terme à la tyrannie du court terme, qui est la logique même de la spéculation ! Allons plus loin encore : nous devons sauver les sociétés de leurs propres actionnaires, qui exigent aujourd’hui des résultats à deux chiffres, sans la moindre attention pour les problématiques sociales !

On me répond qu’il n'y a pas de place pour ces questions de gouvernance dans ce projet de loi… Mais c’est oublier que vous y avez inséré de nombreuses dispositions sur le droit du travail – et même les clubs de football ! J’ajoute que nous pouvons nous appuyer sur bien des travaux : la loi de sécurité financière de 2003, la mission Clément sur les rémunérations des dirigeants, les propositions faites au Sénat par Philippe Marini, ou encore la proposition de loi socialiste relative au renforcement de la responsabilité individuelle des dirigeants et mandataires sociaux dans les sociétés anonymes ainsi qu'à la transparence et au contrôle de leur rémunération dans les sociétés cotées – autant de perches tendues et d'occasions non saisies !

Les chiffres rapportés par notre collègue François Guillaume sont pourtant éloquents : nous avons appris que les gains du patron de Vinci, Antoine Zacharias, se sont élevés à 173 millions d'euros ; que le PDG d'Exxon Mobil a perçu entre 1993 et 2005 près de 145 000 dollars par jour ; et enfin que les rémunérations des dirigeants d'entreprises américains sont passées de 40 fois à 170 fois le salaire moyen entre 1970 et 2005 ! Un tel dévoiement des stock-options devrait nous interpeller sur tous les bancs !

Face à ces dysfonctionnements, nous avons aujourd’hui le choix des armes : pourquoi ne pas conditionner les stock-options à l'existence préalable ou concomitante d'un accord d'intéressement dans l'entreprise ; ou bien soumettre les plus-values à un prélèvement social qui alimenterait le fonds de réserve pour les retraites ; ou encore sortir ces mêmes plus-values du bouclier fiscal que vous avez abusivement instauré ? Si vous étiez de véritables défenseurs de la participation, vous pourriez imposer que les mandataires sociaux rétrocèdent la moitié de leurs plus-values au profit de la réserve spéciale de participation – ce serait une façon éminemment équitable de partager avec l'ensemble des salariés les fruits de la création de valeur !

Vous aviez une occasion unique de donner un coup de pied dans la fourmilière, mais l'histoire retiendra que vous ne l'avez pas saisie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Cornut-Gentille – J’ai remis en septembre dernier, en compagnie de Jacques Godfrain, un rapport au Premier ministre intitulé « la Participation pour tous ». Si ce rapport ne contenait pas de grandes propositions législatives, il rappelait un constat et une préoccupation .

Le constat était le suivant : la participation n'a rien du « machin » obsolète décrit par certains. La participation a certes été suggérée par le général de Gaulle dès 1947, puis introduite en 1967 dans notre droit social. La participation appartient déjà à l'histoire, mais elle reste d’actualité. En effet, le nombre de salariés bénéficiant d'un dispositif d'épargne salariale n'a jamais été aussi élevé qu’en 2006 et nul ne conteste que le dispositif soit aussi favorable à l'épanouissement du salarié qu'à celui de l'entreprise. La participation demeure donc une idée neuve dans une économie moderne.

Ne tombons pas pour autant dans le conservatisme béat, car les relations sociales ont évolué depuis 1967 : le rythme économique et financier a changé, et l'internationalisation de nos sociétés est sans commune mesure avec les années 60. Le droit de la participation doit donc être modernisé !

Voilà qui m'amène au souci dont notre rapport se faisait l’écho. Par une volonté de simplification, par une approche strictement financière mais aussi par méconnaissance du sujet, certains en appellent à une grande réforme juridique de la participation, qui pourrait nous conduire au « grand soir » de ce mécanisme : il est en effet question de fusionner intéressement et participation et de supprimer le blocage des sommes versées. On nous demande de remettre à plat le dispositif existant, alors qu’il marche bien !

Pour ma part, je soutiens entièrement ce projet de loi qui modernise la participation sans la démolir. La première qualité de ce texte est en effet de réaffirmer les grands principes de la participation en maintenant la distinction entre participation et intéressement, le blocage de la participation à cinq ans ainsi que l'obligation faite aux entreprises de plus de 50 salariés de mettre en place un dispositif de participation.

Le texte qui nous est proposé permet en outre d’améliorer le cadre juridique de la participation au moyen de mesures relatives à la représentation des salariés actionnaires. De telles mesures auraient certes pu être adoptées par voie réglementaire, mais les résistances qui se font fait jour justifient parfaitement l'option législative retenue.

Loin d'être une rupture, ce projet de loi s'inscrit dans la continuité des textes adoptés par les précédentes majorités. La participation et l'épargne salariale ne sont pas, ou plutôt ne sont plus, un sujet de discorde entre la droite et la gauche. Plusieurs étapes importantes nous ont permis d’aboutir à ce consensus : le travail réalisé par M. Godfrain en 1993, dont le résultat a notamment été la création du Conseil supérieur de la participation, qui réunit autour de la table syndicats de salariés, organisations patronales, actionnaires salariés et administration ; la contribution décisive de notre collègue Balligand, largement suivi par la loi de 2001, qui a été saluée par les syndicats et le patronat comme une réelle avancée ; et enfin la création du PERCO en 2003.

Notre tâche est aujourd’hui d’affiner encore le dispositif. De fait, sous l'impulsion déterminée du président Ollier, et avec l'engagement du rapporteur de ce projet de loi, M. Dubernard, la participation avance.

M. le Rapporteur – Merci !

M. François Cornut-Gentille – Nous ne pouvons qu’être satisfaits de ce texte, même si certains aspects méritent d’être précisés – je pense notamment à la formule de calcul de la réserve spéciale de participation : toute modification me semble périlleuse car aucune formule ne sera entièrement satisfaisante pour toutes les entreprises. Je préférerais que nous sécurisions avec une plus grande fermenté les accords dérogatoires, négociés dans les entreprises et tous favorables aux salariés : déroger à la formule ne signifie pas frauder, comme le pensent trop souvent les services de contrôle des administrations ou des URSSAF. Nous devons adresser un signe fort à destination de ces chefs d'entreprise qui sont convaincus des bienfaits de la participation pour leur société et leurs salariés. Puisque de nombreuses enquêtes d'opinion se font l’écho de leurs craintes à l’égard des contrôles de l’URSSAF, nous devons leur apporter une réponse concrète et éviter la paralysie du système.

Dans le rapport que j’ai présenté avec M. Godfrain, nous proposions de créer un centre national de la participation, sorte de guichet unique d'information et de validation des accords de participation, idée qui ne devrait pas être abandonnée… J’ajoute que je présenterai, au cours de nos débats, un amendement relatif au livret d'épargne salarial, dispositif qui existe en théorie grâce à notre collègue Jean-Pierre Balligand, mais dont la portée a été considérablement réduite – pour des raisons que la raison ignore – par le ministre de l'économie de l'époque. Donnons plutôt à ce livret d'épargne salariale sa véritable fonction informative : chaque salarié doit disposer de ce document dès son entrée dans l'entreprise, et au moment où il la quitte ! Cette mesure de bon sens, populariserait le livret d’épargne salariale et ferait franchir à la participation un nouveau seuil.

La participation est une idée généreuse, qui a su rassembler l'ensemble des formations politiques depuis quelques années : un véritable consensus politique mais aussi syndical s'est créé autour de cette idée. Il nous faut préserver cet état d'esprit, tout en évitant deux écueils. Tout d’abord, nous ne devons pas céder à une approche strictement financière de la participation. Cette dernière est certes la seule épargne des salariés les plus modestes ; elle leur permet d'accéder à la propriété de leur logement, mais aussi de financer les événements heureux et malheureux de la vie – les cas de déblocages anticipés, qui mériteraient d'être toilettés, sont là pour nous rappeler l'utilité de la participation ! En retenant le seul aspect financier de la participation, nous risquons toutefois de privilégier des mesures de gestion qui ne profiteront qu'à un petit nombre. N'oublions pas que la participation, c'est aussi une association des salariés à la vie de leur entreprise, ainsi qu’une meilleure compréhension des contraintes économiques qui pèsent sur les sociétés. La participation crée un nouveau climat social…

Le second écueil à éviter serait de vouloir trop légiférer. La participation incite au dialogue social dans l'entreprise. Si la loi précise trop d'éléments, et si les partenaires sociaux se voient enfermer dans un cadre juridique trop précis, à quoi bon négocier et discuter ? En voulant trop légiférer, nous irions à l’encontre des objectifs de la participation.

M. le Rapporteur – Et de son équilibre !

M. François Cornut-Gentille – Si le projet de loi respecte parfaitement cet équilibre, j’espère que ce dernier ne sera pas remis en cause au cours de nos débats…

La participation est plus un état d'esprit qu'une réglementation ; c’est un projet de société et non un pourcentage de pouvoir d'achat. Force est de constater que la participation nous rassemble aujourd’hui par delà les clivages. Je vous invite donc, mes chers collègues, à respecter les équilibres qui rendent possible un tel consensus. Ne cherchons pas à faire un coup politicien ! Faisons progresser ensemble un projet politique aussi favorable aux salariés qu'aux entreprises ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Idiart - Très bien.

M. Alain Vidalies – Vous avez pudiquement intitulé le titre III de ce projet de loi : « dispositions relatives au droit du travail », alors qu’il s’agit de toute une série de mesures visant un seul objectif : la remise en cause des droits collectifs des salariés et la fragilisation du contrat de travail. C'est un coup fourré ! Comment le Gouvernement peut-il proposer dans le même temps un projet d'amélioration du dialogue social ?

Après le CNE, imposé par voie d'ordonnance, après le CPE, adopté grâce au 49-3 puis abandonné face à la mobilisation de la jeunesse, nous sommes confrontés à une nouvelle tentative de passage en force, qui vise à remettre en cause certaines dispositions essentielles du code du travail et à proposer de nouveaux cadres juridiques systématiquement défavorables aux salariés. Pour imposer son projet malgré l’opposition de toutes les organisations syndicales, le Gouvernement a choisi cette fois la tactique de la quasi-clandestinité. Quelle est la place de telles dispositions dans un projet de loi relatif à la participation et l'intéressement ? Comment le Gouvernement peut-il annoncer un projet de loi qui exigerait un temps de négociation avant toute modification législative du code du travail, et faire l’inverse aujourd’hui ?

M. Jean Le Garrec - Très bien !

M. Alain Vidalies - Bien entendu, les modifications majeures que vous voulez imposer n’ont fait l’objet d’aucune négociation préalable. À vrai dire, elles vont contre l’idée même du dialogue social. Vous êtes d’ailleurs coutumier du fait puisque, après avoir adopté le principe de la négociation préalable dans la loi Fillon, vous avez immédiatement ignoré vos propres engagements pour imposer le CNE et tenter d'imposer le CPE. Vous êtes en situation de récidive aggravée qui justifiera une peine politique sévère – une sanction électorale (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Le détournement de l'objet du texte a même heurté une partie de la majorité, qui a adopté en commission des amendements supprimant certains articles inacceptables. Je constate qu’à ce jour le Gouvernement n’a pas voulu dire que ces dispositions seraient abandonnées. J'espère que les votes en commission ne demeureront pas de simples velléités.

Sous l'appellation trompeuse de « sécurisation des parcours professionnels », on nous propose de légaliser, dans certaines circonstances, le prêt de main-d'œuvre et de créer un « congé de mobilité » dont la principale caractéristique est d'inventer une nouvelle forme de rupture du contrat de travail. Vous nous proposez en premier lieu d’exonérer de sanction le délit de marchandage et de prêt illicite de main-d'œuvre, prévu à l'article 152-3 du code du travail. Certes, cela est réservé aux pôles de compétitivité et limité dans le temps, mais, comme on parle d’expérimentation, il faut s’attendre à une généralisation. Nous dirons, lors de l’examen des articles, les incertitudes qui pèsent sur la situation des salariés mis à disposition, notamment au moment de leur retour dans l'entreprise « prêteuse ». De plus, l’article 16 précise que les salariés mis à disposition ne seront pas décomptés dans les effectifs de l'entreprise d'accueil. C'est décidément une constante, pour ce Gouvernement, d'exclure systématiquement le maximum de salariés du calcul des effectifs requis pour la mise en place des institutions représentatives du personnel !

Sous la même étiquette de « sécurisation des parcours professionnels », le Gouvernement propose ensuite la création d'un étrange « congé de mobilité », dont la principale conséquence sera d'éviter les congés de reclassement décidés dans l'accord sur la gestion prévisionnelle des emplois. Le champ d'application des deux dispositions n’est-il pas le même – les entreprises de plus de mille salariés ? Mais le coût pour l'entreprise sera moindre et les droits des salariés fragilisés.

La différence majeure avec les dispositifs existants, qui sont des alternatives à une rupture du contrat devenue inéluctable en raison des difficultés économiques de l'entreprise, c’est que pour le congé de mobilité, aucune circonstance précise n'est évoquée, les critères d'éligibilité étant renvoyés à l'accord collectif. En réalité, le Gouvernement propose un moyen juridique nouveau de rupture du contrat de travail, réputé rompu « d'un commun accord » à la fin du congé.

M. Michel Charzat - Exactement.

M. Alain Vidalies - Qu’en sera-t-il alors des droits du salarié à l'indemnisation chômage à l'issue de son congé s'il n'a pas retrouvé un emploi ? Rien n’est dit à ce sujet alors que, s'agissant de la rupture d'un contrat de travail « d'un commun accord », le risque de refus d'indemnisation est majeur. En résumé, le « congé de mobilité » est en retrait sur l’existant et il ne sécurise en rien le parcours professionnel, tant s’en faut, puisqu'en acceptant ce congé, le salarié prend le risque de se retrouver sans emploi et, peut-être, au chômage non indemnisé !

L'article 25 propose de créer un nouveau cas de recours à l'intérim. Le plat de résistance de la conférence de presse du Premier ministre, le 17 janvier 2006, était le CPE, dont on connaît l’issue. Mais une autre mesure, passée quasiment inaperçue, figurait dans le plan annoncé : la possibilité donnée à une entreprise de recruter en contrat d'intérim un salarié ne disposant que d'un contrat à temps partiel. L'idée, reprise dans l'article 25, est présentée comme une évidence et pratiquement comme une bonne action. Il s’agit en réalité d'une modification essentielle du code du travail.

À ce jour en effet, le recours au contrat à durée déterminée et aux missions d'intérim sont des exceptions limitativement prévues par la loi et qui toutes reposent sur une situation particulière de l'entreprise. Or, l'article 25 ne justifie plus le recours à l'intérim en raison de la situation de l'entreprise mais de celle du salarié. Avec ce système, une entreprise pourra, demain, recruter un salarié en intérim au seul motif qu’il a par ailleurs un contrat à temps partiel, alors même que rien ne l’empêche aujourd'hui de recruter ce même salarié sur la base d’un contrat à durée indéterminée à temps partiel. Le changement des principes même du recours à l'intérim va évidemment ouvrir une brèche qui justifiera ensuite le recours à l'intérim pour d'autres salariés – les jeunes, les salariés âgés, les handicapés…

Il va sans dire que ce bouleversement n'a jamais été négocié, ni même évoqué, avec les partenaires sociaux. Le Gouvernement a, d'ailleurs, déjà essayé de faire passer ce texte en catimini au Sénat par le biais d’un amendement à la loi sur l'égalité salariale. En reprenant ce texte, malgré la censure du Conseil constitutionnel pour vice de forme, vous marquez une nouvelle fois votre volonté de généraliser la précarité du contrat de travail.

L'article 27 supprime la contribution Delalande. Le groupe socialiste n'est pas favorable à cette suppression. C’est une pétition de principe d'affirmer que cette disposition empêche le recrutement des salariés de plus de 45 ans. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Guy Geoffroy - Mais non ! C’est le cas !

M. Alain Vidalies - Ce n’est pas avéré ! Puis-je vous rappeler que celui qui l’a instituée était issu de vos bancs ? Puis-je vous rappeler qu’il s’agissait d’éviter que les salariés âgés ne fassent, les premiers, les frais des difficultés d’une entreprise ?

M. Guy Geoffroy - Les temps changent !

M. Alain Vidalies - Les mêmes causes ayant les mêmes effets, on peut s’attendre que le licenciement, en priorité, des salariés âgés redevienne la règle en cas de difficultés économiques, ce qui contredit l'objectif partagé du développement de l'emploi des seniors. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Louis Idiart - Très bien.

M. Alain Vidalies - Par l’article 30, vous organisez le contrôle du temps passé par les conseillers salariés à leurs acticités prud’homales. Vous le savez, ce projet rencontre l’hostilité des organisations syndicales. Elles relèvent à juste titre que le projet de décret impose une approche strictement comptable qui ne tient aucun compte de la diversité et de la complexité des contentieux qui leur sont soumis. Cette initiative est particulièrement inopportune car elle risque d’altérer les conditions de fonctionnement d’une juridiction paritaire à laquelle nos concitoyens sont très attachés.

L’article 32, qui exclut du calcul des effectifs les salariés intervenant dans l’entreprise en exécution d’un contrat de sous-traitance ou de prestation de service, est uniquement destiné, cela doit être dit clairement, à contrer une décision inverse de la chambre sociale de la Cour de cassation qui n’avait pas l’heur de plaire au Medef. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Guy Geoffroy - C’est le Parlement qui fait la loi, non la Cour de cassation !

M. Alain Vidalies – Il est extraordinaire d’inclure une telle disposition dans un projet relatif à la participation des salariés à la vie de l’entreprise ! Mais il faut vous reconnaître une belle constance dans l’effort tendant à entraver la mise en place des institutions représentatives du personnel !

M. Guy Geoffroy - Caricature !

M. Alain Vidalies - Caricature, vraiment ? Après les salariés âgés de moins de 26 ans vient maintenant le tour de ceux qui travaillent dans l’entreprise en exécution d’un contrat de sous-traitance ou de prestation de service et de ceux qui sont mis à disposition dans le cadre d’un prêt de main-d’œuvre ! Le tout, au détour d’un texte traitant de la participation ! Les discours entendus hier sur le rôle des salariés dans l’entreprise sont autant de vœux pieux – étant entendu qu’en la matière, vous êtes des croyants non pratiquants.

Alors que nous vous avons demandé plusieurs fois, en vain, de rétablir la TIPP flottante, ce qui profiterait à tous, vous avez agrémenté le texte d’un dispositif de chèque transport. Voilà qui a tout de la mesurette, puisqu’il ne s’agit pas d’une obligation. De plus, cette disposition va aggraver un peu plus encore les disparités entre les salariés des grandes entreprises et les autres.

M. Jean Le Garrec - Eh oui !

M. Alain Vidalies – Probablement conscients des dégâts, dans l’opinion publique, d’un bilan qui marquera une période noire de notre histoire sociale (Protestations sur les bancs du groupe UMP), vous avez manifestement tenté de vous redonner un petit vernis social, mais sans succès. Que les dispositions que vous proposez soient adoptées maintenant ou plus tard ne change rien sur le fond. Deux conceptions nous opposent quant aux droits des salariés dans l’entreprise et au dialogue social. Les Français se prononceront en toute connaissance de cause au printemps prochain sur le modèle social qu’ils désirent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Guy Geoffroy - C’est ringard !

Mme Martine Aurillac – Imprégnée d'une vulgate marxiste véhiculée par la gauche et l'extrême gauche (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) – où Marx ne reconnaîtrait d’ailleurs peut-être pas lui-même ses idées – la France a beaucoup de peine à envisager les relations entre le capital et le travail autrement qu'en termes d'affrontement. Notre histoire sociale reste marquée par la féroce répression des journées de juin 1848 et de la Commune. La France n'est pas spontanément prête à voir l'entreprise pour ce qu'elle est – une association de fait entre le capital et le travail – et à donner un cadre juridique à cette association. La Mitbestimmung de l'Allemagne d'Adenauer n'est pas devenue naturellement « cogestion » en France, malgré quelques visionnaires comme Louis Armand ou Edmond Maire. C’est de Gaulle qui apporta la première solution constructive aux relations entre le capital et le travail…

M. Jean Le Garrec - Sans oublier le Conseil national de la Résistance !

Mme Martine Aurillac - …par un symbole fort : l'ordonnance du 7 janvier 1959 sur la participation, laquelle toutefois était facultative. Huit ans plus tard, il y eut l'ordonnance du 17 août 1967, qui rendait la participation obligatoire dans les grandes entreprises. Cette réforme de base a permis le développement progressif de la participation, de l'actionnariat salarié et de l'intéressement. Mais une extension aux PME restait nécessaire. De plus, la participation aux résultats et au capital est indissociable de la participation aux décisions et au fonctionnement de l'entreprise. La vigilance de nos collègues spécialistes de la participation dans ses diverses composantes – MM. Godfrain, Dubernard, Ollier, Cornut-Gentille et Guillaume – ainsi que les réflexions menées au sein du Conseil supérieur de la participation ont accompagné cette évolution mais le temps est venu d'écrire une nouvelle page dans une longue histoire où figurent en bonne place les lois de 1986 et 1994. C'est le mérite de ce Gouvernement de l'avoir pensée dans le cadre d’une concertation exemplaire.

Je retiendrai particulièrement certaines dispositions auxquelles nos commissions ont particulièrement travaillé : la création d'un dividende du travail – sur la base d'un dialogue annuel et de la négociation – sous forme de supplément de participation ou d'intéressement, le maintien du blocage de l'épargne sur cinq ans, le mécanisme d'accords par branche sécurisés qui permettrait l'extension de l'actionnariat à toutes les entreprises, l'amélioration de la participation au capital et à la gestion de l'entreprise, l'intéressement au projet et la participation à la reprise d'entreprise, la rénovation du livret d'épargne salariale, la sécurisation des parcours professionnels et l'intégration du plan pour les seniors.

Par ailleurs, nos commissions ont encore apporté leur pierre en éliminant quelques articles superfétatoires et en adoptant les deux amendements du président Balladur, l'un sur la consolidation de la place légitime des administrateurs salariés dans les sociétés privatisées, l'autre sur l'encadrement pour les dirigeants de la levée de leurs options par le conseil d'administration ou de surveillance. Les commissions ont voulu insister à juste titre sur l'aspect humain de ce texte, porteur d’un vrai projet de société où tout le monde peut être gagnant.

Nous devrons sans doute encore débattre du seuil de 3 %, de la gestion de la fonction publique et des sociétés nationales.

Ce projet renforce le dialogue social en même temps que la solidité et la compétitivité de nos entreprises. Il rappelle aussi que la valeur du travail et de la réussite, que semble découvrir tardivement une candidate socialiste à la fonction présidentielle…

M. Guy Geoffroy - Est-elle vraiment socialiste ?

Mme Martine Aurillac - …ne peut être dissociée du sens donné par chacun à sa tâche et de la dignité de celui qui l'exerce.

M. le Rapporteur – Très bien !

Mme Martine Aurillac - Parce que ce texte emblématique et consensuel concerne tous les salariés, parce qu'il donne une vraie lisibilité et un contenu concret à ce qui demeurait trop souvent un beau concept, parce qu'il repose sur la confiance et la responsabilité, il répond d'une façon claire, pragmatique et mesurée, à nos attentes. Je voterai donc volontiers ce projet porteur de progrès ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Guy Geoffroy - Très bien.

Mme Arlette Grosskost – Ce texte a une grande importance pour tous ceux qui se réclament du gaullisme social, illustré il y a quarante ans par des parlementaires aussi prestigieux que René Capitant ou Louis Vallon. Outil de dialogue entre salariés et dirigeants d’entreprises, manière de « troisième voie » entre l’économie étatiste et le libéralisme sauvage, la participation a désormais droit de cité, comme en témoignent les six millions de salariés qui travaillent dans des entreprises de plus de cinquante personnes et qui sont actuellement concernés. Quant à l’intéressement, qui permet aux salariés de bénéficier des fruits de la croissance, il concerne aujourd’hui 3,8 millions d’entre eux. Au total, près de neuf millions de Français ont bénéficié en 2005 de ce dispositif alors qu’ils étaient 8,5 millions en 2004. Le versement moyen par salarié, au titre des différents dispositifs, atteignait 1 834 euros en 2003 et dépasse aujourd’hui les 2 000 euros. La participation, cela marche !

M. Patrick Ollier, président et rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire - Très bien.

Mme Arlette Grosskost - Nombre de pays démocratiques ont depuis longtemps mis au point des systèmes de participation dont l’objectif est de mettre l’homme au centre de l’entreprise. C’est précisément ce que conforte et rappelle ce texte. La participation doit être plus présente dans les PME et les TPE, véritables gisements d’emplois. Or, 7 % d’entre elles seulement associent leurs salariés à leurs résultats. Pourquoi ? Répondre à cette question permettra d’instaurer une authentique culture d’entreprise. Un bémol néanmoins : ce dispositif doit être le fruit d’un dialogue social et non une mesure impérative.

Je rappelle et salue les mesures qui répondent aux préoccupations des salariés, comme par exemple une meilleure prise en charge de leur coût de transport ou la reconnaissance de leur expérience. C’est aussi cela la participation : un partenariat à l’intérieur de l’entreprise entre dirigeants et salariés qui se mobilisent pour concilier efficacité économique et justice sociale : l’entreprise, ce n’est pas seulement de l’argent, ce sont aussi des personnes. La création du CESU « participe », si j’ose dire, de cette philosophie. Il répond ainsi à trois objectifs : fidéliser les salariés, optimiser leur temps de travail, offrir aux employeurs la possibilité d’améliorer leur politique sociale tout en bénéficiant d’avantages sociaux.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Très bien.

Mme Arlette Grosskost – Ce projet préfigure l’entreprise de demain dans laquelle les mots « profit », « travail », « effort » et « sacrifice » – en cas de difficultés économiques conjoncturelles – ne seraient plus des mots tabous, une entreprise qui rangera définitivement au magasin des accessoires l’idéologie des 35 heures.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Très bien.

Mme Arlette Grosskost – Je parle d’idéologie à dessein, car promouvoir la participation, c’est dépasser les clivages idéologiques…

M. Guy Geoffroy - Eh oui !

Mme Arlette Grosskost - …en privilégiant la réussite collective. Le général de Gaulle, visionnaire s’il en fut, écrivait dans ses Mémoires : « La participation est une brèche dans le mur qui sépare les classes. » Promouvoir la participation, c’est rendre ses lettres de noblesse à la valeur du travail, et c’est aussi faire acte de patriotisme économique.

Je m’interroge néanmoins sur les actions gratuites distribuées aux salariés et versées dans un PEE. Comme elles suivent le sort de toutes les actions, le jour où l’entreprise connaîtra des difficultés, que se passera-t-il, sinon la disparition partielle ou totale de leur valeur patrimoniale ? Qu’en est-il donc d’une participation qui disparaîtrait alors que pour les salariés, il s’agit d’une créance qu’ils sont en droit de toucher ? Les salariés actionnaires doivent avoir pleinement conscience du risque capitalistique qu’ils prennent et il faut qu’ils y soient sensibilisés. De même, il convient d’attirer l’attention des salariés actionnaires qui intègreraient la gouvernance de l’entreprise sur la nature même de leur participation aux actes de gestion et donc sur les responsabilités qui en découlent sur un plan civil ou pénal.

Je souhaite que la participation redevienne une idée neuve, généreuse, et que ce texte soit un rendez-vous supplémentaire pour que notre pays conforte sa croissance, sa compétitivité, son rayonnement international et, au-delà, pour qu’il puisse promouvoir une véritable culture d’entreprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Guy Geoffroy - Très bien.

M. Bernard Perrut – Ce texte est un trait d’union entre les exigences de cohésion sociale et de compétitivité économique. C’est aussi un véritable projet de société.

Conçu par des théoriciens, expérimenté par des chefs d’entreprise, concrétisé par le législateur, l’actionnariat salarié est apparu au milieu du XIXe siècle comme une réponse à la question sociale posée par l’essor de la société industrielle. Mais il n’est devenu une réalité vivante que dans le cadre de la politique de participation voulue par le général de Gaulle. La participation peut prendre trois formes : participation aux résultats, au capital ou à la gestion de l’entreprise. C’est ce que M. Larcher appelle l’enracinement du salarié.

L’actionnariat des salariés est longtemps resté le parent pauvre de la participation à la française. Mais la France est aujourd’hui l’un des meilleurs élèves de l’Union européenne.

Résultat d’une longue concertation et faisant suite à l’excellent travail de MM. Cornut-Gentille et Godfrain, ce projet apporte, comme le disait récemment M. Raffarin, une vraie réponse aux fractures de la société. Les ménages, en particulier modestes, savent que la participation leur permet de se constituer un capital pour accéder à la propriété ou pour compléter leur retraite.

Ce projet complet et pragmatique entame une rénovation en profondeur des règles encadrant la participation et l’intéressement, le but étant que les salariés puissent davantage bénéficier des fruits de la croissance. Ce sont déjà plus de 39 milliards d’euros qui sont investis par les salariés en titres d’entreprises.

La participation des salariés à la vie de l’entreprise, autre objectif important, passe par un dialogue social interne dynamique et fondé sur des rapports de confiance. Leur représentation au sein des conseils d’administration et de surveillance est une exigence. Nous en reparlerons quand nous évoquerons la barre des 3 % du capital.

L’un des axes du projet est d’inciter davantage les PME à user des mécanismes participatifs. Il conviendra cependant que le dispositif pour les entreprises de moins de 50 salariés soit souple et que les acteurs concernés puissent être accompagnés dans leurs démarches. La participation doit avant tout être un vecteur de motivation.

La participation aux résultats va de pair avec la participation au fonctionnement de l’entreprise. Dans la mesure où le salarié fait l’effort de s’adapter et de s’impliquer, il est logique qu’il en recueille les fruits.

Le projet encourage également la reprise d’entreprises par les salariés. Qui mieux qu’eux pourrait travailler à la pérennité de leur outil de travail ? La défense de nos entreprises face aux OPA hostiles est une nécessité, si l’on ne veut pas que le patrimoine national soit démantelé. C’est tout l’objet de ce qu’il convient d’appeler le patriotisme économique.

En conclusion, je dirai que ce texte qui renforce le dialogue social, qui associe davantage les salariés à la marche de leur entreprise, qui mobilise l’épargne collective pour les entreprises et qui modernise la participation ainsi que l’actionnariat salarié, est novateur et très positif. Sa philosophie est à la fois économique, sociale, financière et culturelle. La troisième voie qu’est la participation, entre libéralisme et collectivisme, est encore aujourd’hui une idée moderne. Comme l’écrivait Mirabeau, « réprouver les capitalistes comme inutiles à la société, c’est s’emporter follement contre les instruments mêmes du travail ». Mais je terminerai plutôt par cette citation de Patrick Ollier (Sourires ) : « Il s’agit d’associer le travail et le capital. C’est un projet de société. » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Henri Nayrou - Je limiterai mon propos à l’article 44, cavalièrement inséré dans ce projet de loi sur la participation, alors qu’il vise à autoriser les sociétés sportives professionnelles à accéder aux marchés boursiers. Catastrophique pour l’éthique sportive, cet article est le fruit d’un lobbying pugnace et revendiqué, ce qui ne rehausse ni le prestige de l’action parlementaire, ni celui du Gouvernement. Il marque une reculade du ministre des sports, M. Lamour, qui n’avait jamais cessé de clamer son opposition à l’entrée des clubs sportifs en Bourse, vieille revendication de quelques places fortes du football français, adeptes du « toujours plus ».

Rappelons ainsi que la loi du 1er août 2003 a permis l’association des organisations à but lucratif aux pouvoirs fédéraux et la cession des droits télé aux clubs ; et que celle du 15 décembre 2004 a permis que 30 % des salaires des professionnels échappent aux charges sociales. J’ai aussi souvenir d’une réunion de janvier 2006, qui rassemblait autour du ministre des sports toutes les personnalités des fédération et ligues des sports collectifs – foot, rugby, basket, hand-ball. Le débat était à la limite du cynisme, sur le thème : « supprimez-nous toutes ces charges qui nous empêchent de faire des affaires avec nos malheureux millionnaires, dégagez-nous la piste des bénéfices ! » J’avais honte pour eux et j’imaginais des supporters, passionnés mais fauchés, contracter des emprunts pour être plus près de leur club !

Avec l’article 44, c’est une digue de plus qui s’effondre sous les coups de boutoir des marchands. Je ne mets pas en cause la lucidité et l’intégrité de M. Lamour, mais je lui reproche de n’avoir pas engagé un bras de fer avec les autorités européennes, qui ont mis la France en demeure d’autoriser la cotation des clubs en Bourse. Il fallait résister au nom de l’éthique sportive ! Il ne fallait pas céder non plus aux dirigeants sportifs de corbeille et aux prétendants aux mariages boursiers. Cela me rappelle cette scène de Pagnol, quand Escartefigue demande au moussaillon chargé de faire traverser le port aux clients : « Ils sont combien ? » et que celui-ci répond : « Ils sont un ! » Vous voyez de qui je veux parler…

Certains prétendent que d’autres grands clubs seraient intéressés par cette aventure. Les pauvres ! Il faudrait d’abord qu’ils comblent dans leurs budgets des trous aussi gros que celui de la Sécurité sociale ! On m’objectera qu’après tout, personne ne sera obligé de faire ce que l’article 44 se contente d’autoriser. Mais enfin, l’esprit de responsabilité supposerait tout de même de passer par quelques étapes préalables. Il conviendrait tout d’abord de purger tous les tuyaux malodorants qui relient actuellement les clubs, les dirigeants, les joueurs et les agents aux commissions occultes, aux comptes secrets et aux paradis fiscaux ! Il faudra beaucoup de courage politique pour nettoyer les écuries d’Augias !

Je pense qu’il convient de mettre sur le compte de l’autodérision ce commentaire de l’Union professionnelle des clubs français de football : « L’accès en Bourse représente un pas de plus vers la transparence des finances et la qualité de la gouvernance des clubs. » On frémit quand on sait toutes les combines qui existent dans ces sociétés, quand on apprend qu’elles préfèrent payer des amendes que d’ouvrir leurs comptes et quand on songe à toutes les affaires passées ou en cours !

Le ministre avait promis des garde-fous. Où sont-ils passés ?

En Angleterre, les sept clubs cotés en Bourse n’ont pas augmenté la valeur de leur action. En Allemagne, celui de Dortmund a vu sa cote divisée par six. En Italie, les trois clubs cotés à la Bourse de Milan ont vu s’effondrer leurs cours, sans parler des soixante personnalités mises en examen ! Notons que leur entrée en Bourse s’était faite malgré les réticences de l’Autorité boursière, qui avait souligné l’ampleur des risques pour les investisseurs.

Jamais la Commission n’aurait dû pousser la France dans cette impasse. Les députés européens ont d’ailleurs décidé de légiférer en cette matière. De leur côté, les députés socialistes français demandent la création d’une commission d’enquête sur les conditions des transferts des joueurs professionnels de football et le rôle des agents sportifs. Faudra-t-il attendre que la France connaisse les mêmes maux que l’Italie ? Mêler la Bourse au sport est un vrai marché de dupes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Jacques Descamps - Vous écoutant hier soir, Monsieur le président rapporteur, et sentant planer sur vous l’ombre portée du général de Gaulle, je me suis souvenu du grand débat des années soixante – j’étais jeune ingénieur inscrit à la CGC – sur l’association capital-travail de René Capitant. L’idée m’avait parue séduisante mais pleine d’ambiguïtés, et je n’ai pas changé d’avis. L’amélioration des relations sociales qui s’est produite depuis quarante ans ne vient pas d’une confusion entre les intérêts des salariés et ceux des actionnaires, qui sont par nature différents et ne peuvent se rapprocher que par la négociation. Cette négociation d’entreprise ou de branche est devenue la règle entre syndicats de salariés et chefs d’entreprise, dans un pays qui a finalement accepté l’économie de marché et le capitalisme libéral – même si ce dernier mot est difficilement accepté par certains, y compris parmi mes amis, et peut-être même par le Président de la République.

Le partage de la valeur ajoutée des entreprises entre ceux qui travaillent et ceux qui apportent leur argent restera toujours un problème fondamental : les salariés souhaiteront toujours des salaires plus élevés et les actionnaires un retour sur investissement plus important ! Tout l’art du manager est de trouver l’équilibre entre ces aspirations et tout l’art du législateur est d’assurer la transparence et l’égalité des chances des deux parties dans la négociation. Bien entendu, la limite de toutes les formes d’intéressement et d’épargne est la capacité de l’entreprise à rester compétitive, et il appartient au manager, et non au législateur, d’apprécier la situation. De nombreuses mesures visant à motiver les salariés ont été prises depuis quarante ans : intéressement, participation aux résultats, actionnariat populaire, plans d’épargne d’entreprise… sans oublier les chèques vacances et chèques restaurant et le CESU. Le Gouvernement fait un pas de plus en élargissant l’intéressement aux PME et en offrant de nouveaux outils pour que les salariés participent mieux à la vie de l’entreprise. Dans sa rédaction actuelle, ce texte va dans le bon sens, puisqu’il reste dans l’esprit du volontariat et de l’amélioration du dialogue social.

Le président Ollier, hier soir, a rappelé l’importance des mots. Une grande confusion règne en effet souvent quand on parle de participation, d’intéressement ou d’actionnariat salarié. S’il s’agit de décisions négociées, d’attribution de primes sur résultats, de distribution d’actions aux salariés dans des conditions privilégiées, je n’y vois aucun problème. S’il s’agit d’obliger les entreprises, et en particulier les PME, à répartir leurs profits de façon systématique entre salariés et actionnaires, ou de créer un corps constitué d’actionnaires salariés, c’est-à-dire d’en venir à une sorte de cogestion, je ne suis pas d’accord. Je suis très opposé à cette idée farfelue du dividende du travail, qu’on pourrait systématiquement accoler à celui des actionnaires. La principale rémunération du travail est le salaire. Le dividende est la part des résultats que l’actionnaire, qu’il soit salarié ou non, reçoit en contrepartie du risque qu’il a pris, après avoir décidé de ce qu’il fallait laisser à l’entreprise pour son développement. Utiliser le même mot pour le « dividende du travail » créera une confusion inévitable dans l’esprit des salariés, qui ne manqueront pas très vite de le considérer comme un droit chaque fois qu’il y aura dividende pour les actionnaires. Pour conclure, je dois freiner très amicalement votre enthousiasme quant au mythe de l’association capital-travail, condition selon vous de toute paix sociale et de tout équilibre entre dirigisme et libéralisme. Le capital et le travail sont les deux principales composantes d’une entreprise qui marche. Ils ont chacun leur rôle à jouer. Respectons-les tous les deux, associons-les par la négociation, mais ne les confondons pas ! Il me semble que ces quelques réflexions relèvent du bon sens. Le projet de loi tel qu’il est présenté est équilibré et rassembleur. Il a fait l’objet d’une négociation préalable avec les partenaires sociaux, ce dont je vous félicite. Je souhaite donc que la partie qui concerne l’intéressement et la participation soit votée en l’état (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Balligand - On comprend mieux pourquoi Vallon et Capitant ont eu tant de mal !

M. Philippe Auberger – Chacun reconnaît l’importance financière, sociale et politique de la participation et de l’actionnariat salarié. C’est d’abord le moyen d’atténuer la coupure entre les détenteurs du capital et les salariés de l’entreprise. Cela permet surtout aux salariés de participer aux résultats financiers de l’entreprise, à son capital – ce qui est un facteur de stabilité, comme on l’a vu dans certaines offres publiques d’achat – et à ses décisions, notamment à propos de ses perspectives d’avenir et de sa pérennité. C’est donc l’amorce d’un dialogue social important. Huit millions et demi de salariés bénéficient de ces mécanismes, pour près de 13 milliards distribués en 2004. Ces dispositifs représentent d’ailleurs souvent la seule épargne financière des salariés.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Exactement !

M. Philippe Auberger - Mais il y a encore des progrès à faire : les entreprises de plus de 50 salariés doivent assurer correctement le minimum de leurs obligations, et si possible aller au-delà, et les plus petites doivent développer les accords et les dispositifs.

Le présent projet contient des avancées significatives : la notion de dividende du travail permettra d’effectuer le partage des fruits de la croissance selon des critères pérennes et d’étendre l’intéressement, moyennant certaines contraintes ; l’intéressement de projet permettra d’assurer la cohésion de l’ensemble d’un groupe ; le comité de suivi des accords d’intéressement améliorera le dialogue social ; les accords de branche seront développés dans les secteurs disparates ; les accords auront plus de poids vis-à-vis de l’administration et l’épargne salariée sera sécurisée. Deux mesures sont spécialement importantes. La première est le développement des actions gratuites attribuées aux salariés, pouvant être placées dans un plan d’épargne d’entreprise, assorties d’un certain nombre d’avantages si elles sont indisponibles pendant cinq ans et pouvant faciliter la transmission ou la reprise de l’entreprise par les salariés. La seconde est l’intéressement des salariés à la marche de leur entreprise, par le renforcement de la représentation des actionnaires salariés dans les organes de décision.

J’ai toutefois quelques regrets. D’abord, les 21 articles du texte augmentent la complexité du système, ce qui peut décourager les petites et moyennes entreprises. Certes, on espère beaucoup des accords de branches, mais il y a là un risque sérieux d’accroître la coupure entre les salariés des grandes entreprises et ceux des PME. Dans ces conditions, et puisque le Gouvernement différencie les entreprise de moins de 20 salariés en matière de cotisations sociales, il serait peut-être opportun de réfléchir à rendre la participation obligatoire aux entreprises à partir de 20 salariés.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – C’est ce que je souhaite !

M. Philippe Auberger – Quant aux grandes entreprises, surtout aux entreprises cotées, il faut mettre encore plus l’accent sur la diffusion du capital. Les entreprises pourraient par exemple être obligées de réserver une partie de chaque augmentation de capital à leurs salariés, avec les avantages habituels. On pourrait aussi leur demander d’élaborer un plan de développement de l’actionnariat pour arriver, en quelques années, aux 3 % qui déclenchent l’accès des salariés actionnaires aux conseils d’administration et de surveillance.

Enfin, mon dernier regret est de voir des dispositions si importantes noyées dans la masse d’un projet de loi trop étendu. Leur effet en sera atténué. Mais ces préoccupations pourront être satisfaites plus tard et pour l’instant, le groupe UMP approuve ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Guillaume - Monsieur le ministre, vous avez rappelé l'historique de la participation et la détermination de son illustre promoteur, le général de Gaulle, convaincu que le dialogue social devait progressivement se substituer aux comportements d'autorité, et donc conflictuels, qui marquaient les relations entre patronat et salariés. C'est ainsi qu'est né ce concept de participation dont les étapes ultérieures se recommandent toutes de l’initiative du général de Gaulle. Pour ma part, je voudrais tirer quelques leçons de la comparaison que j'ai présentée à la délégation pour l'Union européenne entre trois types de participation qui existent à l'étranger. Le système britannique, dont la logique est strictement financière, a pour objet de fidéliser les salariés par la distribution d'avantages financiers en actions – de la seule entreprise dans laquelle ils travaillent. Le système allemand est fondé, à l'inverse, sur la cogestion et requiert la présence quasi paritaire des représentants des salariés au conseil d'administration des plus grandes entreprises. Le système américain repose sur l'acquisition volontaire par les salariés, à des conditions avantageuses, d'actions ou d'obligations des sociétés de leur choix, dont le profit alimentera un régime de retraite par capitalisation – pour faire face aux graves insuffisances du régime par répartition.

Le système français est plus complet, car il comporte les deux volets : participation aux résultats financiers et à la marche de l'entreprise, par la présence, néanmoins trop rare, de représentants du personnel au sein du conseil d'administration avec voix délibérative. Compte tenu de la mondialisation et de la diversité des mécanismes retenus par les différents États, on comprendra la difficulté des grands groupes internationaux à appliquer une approche globale de la participation. Il faudrait donc qu’au moins au niveau européen la Commission, en dépit de ses réticences manifestes, cherche à mettre en place un cadre juridique communautaire de négociation et proposer un modèle homogène d’exonérations fiscales et sociales pour inciter à la distribution d'actions aux salariés et de stock-options aux mandataires sociaux. Ce serait un début d'harmonisation.

Ma deuxième préoccupation concerne le décalage croissant entre les progrès de l'intéressement des salariés aux résultats de l'entreprise et la quasi-stagnation de leur participation aux conseils d'administration. Les réticences à l'entrée de salariés dans les instances de décision des entreprises – celles du patronat, par prudence, et celles, par principe, de certains syndicats –, sont bien connues. La diversification actuelle des placements des plans d'épargne enlève certes de sa justification à la participation des salariés aux conseils d’administration. En effet, lorsqu'un salarié place toutes ses économies dans les actions ou obligations de son entreprise, comme en Grande-Bretagne, son épargne placée dans un plan d’épargne entreprise contribue au financement de celle-ci. Il est alors fondé en tant qu'apporteur d’industrie et de capital à réclamer un droit de regard sur la stratégie et la gestion de son entreprise, alors que s’il diversifie, fût-ce par simple mesure de sécurité, ses placements dans un PEI ou un PERCO, le lien capital-travail s'atténue. On s’éloigne alors de la philosophie gaulliste de la participation pour se rapprocher des placements classiques sécurisés proposés par les banques.

Je terminerai ce tour d'horizon comparatif rapide en signalant que si les abus concernant les stock-options ont précédé aux États-Unis ceux que nous déplorons en France, le reflux de leur usage y a été aussi plus précoce. L’argument du dirigeant exceptionnel dont le talent incomparable mériterait plus que les honneurs a été mis à mal par une étude démontrant que si le PDG de la 250e entreprise américaine devait remplacer celui de la première, il n’en résulterait pour celle-ci qu’une perte de valeur de 0,014 %. Il conviendrait d'encadrer, faute de pouvoir les supprimer, les options d'achat et autres rémunérations additionnelles tels que parachutes dorés et retraites chapeau, et en premier lieu de supprimer les avantages fiscaux qui y sont attachés, sans omettre cependant de traiter différemment les patrons créateurs de leur entreprise et répondant sur leurs biens propres des éventuelles dettes de leur société. Ces dérives ne doivent toutefois pas occulter l’essentiel : la participation, notamment par le biais de la représentation des salariés aux conseils d'administration car pour l'instant, dans les entreprises, on est plus associé en raison de ce que l'on a qu'en raison de ce que l'on est, la participation aux décisions étant fonction uniquement de l'argent risqué, du capital détenu.

Je vous remercie, Monsieur le ministre, de bien vouloir tenir compte de ces observations lors de l'examen des amendements que j'ai déposés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Maxime Bono – Je centrerai mon propos sur les dispositions nouvelles relatives au chèque transport introduites dans ce texte par lettre rectificative du 21 septembre dernier, pour faire écho aux annonces du Premier ministre sur le pouvoir d'achat des Français, particulièrement entamé par la hausse du prix des carburants. Le super sans plomb est ainsi passé de 1 € le litre en juin 2002 à 1,23 € aujourd’hui, le gazole subissant, quant à lui, une augmentation plus spectaculaire encore. Toutes ces hausses ont lourdement pénalisé les ménages et les entreprises. Le budget de chauffage des ménages se chauffant au fioul domestique a ainsi augmenté de 80 % en quatre ans. Dès décembre 2005, l'INSEE indiquait que devant l'impossibilité pour les ménages de réduire fortement et rapidement leur consommation d'énergie, tant pour se chauffer que pour se déplacer, la hausse des prix des produits pétroliers s'était instantanément traduite par un surcroît moyen de dépenses de 100 € en 2004 et de 200 € en 2005 pour chaque ménage.

Face à cette évolution, vous n'avez pas, à ce jour, pris les mesures que les Français attendaient. Vous avez d'abord nié la hausse continue du prix du pétrole, persistant à établir en 2005 des prévisions sur la base d'un cours du baril de 36 dollars, quand il aura été en moyenne de plus de 54 dollars. Mais surtout, vous avez supprimé la TIPP flottante, dispositif qui avait fait ses preuves et permettait de rendre aux Français le surplus de recettes de TVA et de TIPP mécaniquement engrangé par l'État du fait de la hausse des cours, évitant ainsi qu’il ne s'enrichisse au détriment des consommateurs.

M. Philippe Auberger - Le dispositif n’a jamais été appliqué.

M. Maxime Bono - Dès 2002, vous avez refusé de le mettre en œuvre alors que la loi prévoyait qu’il était automatique. Le Conseil d'État, en 2003, a d'ailleurs condamné cette attitude. Mais vous aviez entre-temps, par la loi de finances rectificative pour 2002, purement et simplement supprimé la TIPP flottante, que nous n'avons depuis lors cessé de vous demander de rétablir. Nous avons même déposé une proposition de loi à ce sujet le 13 juin dernier.

Vous proposez aujourd'hui un chèque transport répondant, dites-vous, aux préoccupations des Français. Il s’agit d’un « titre spécial de paiement nominatif que tout employeur peut préfinancer au profit de ses salariés pour le paiement des dépenses liées aux déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail ». Les salariés pourront présenter ces chèques auprès des entreprises de transport public ou, si leur lieu de travail est situé en dehors des périmètres de transports urbains ou encore si leurs horaires rendent indispensable l’usage de leur véhicule personnel, auprès des distributeurs de carburants. Ce dispositif s'inspire de celui des chèques restaurant, chèques financés par l’employeur au profit des salariés, sans incidence sur le budget de l'État, à l'exception de l'exonération fiscale accordée sur cet avantage en nature.

Cette mesure n’est pas mauvaise en soi. Mais à vouloir courir trop de lièvres à la fois, à vouloir en même temps soutenir le pouvoir d'achat et favoriser l’usage des transports collectifs, vous risquez de rater les deux objectifs. En effet, 100 euros par an sont très loin de compenser l'amputation actuelle du pouvoir d’achat. Par ailleurs, ce chèque ne profitera qu'aux seuls salariés. Quid des artisans, des commerçants et des professions libérales ? Et encore ne profitera-t-il qu’à une partie des salariés, selon le bon vouloir de leur entreprise, puisque le dispositif est facultatif. Monsieur le ministre, si vous voulez gommer, au moins partiellement, pour le consommateur, l'effet de la hausse des prix du baril, il faut rétablir la TIPP flottante.

Cette mesure ne servira pas davantage les transports collectifs. En effet, dès lors qu'elle s'applique sans grande distinction aux trajets domicile-travail, elle n’incitera pas réellement à un changement d'habitudes. Certes, l'aide au véhicule individuel est en principe limitée, mais la marge d'appréciation est telle qu'il sera bien difficile à l'employeur d'inciter à l'abandon de la voiture particulière au profit des transports collectifs. Donner aux automobilistes un chèque carburant en dehors des périmètres de transport urbain, c'est par ailleurs ignorer les efforts, souvent considérables, consentis par les collectivités. Je pense en particulier aux régions qui ont mis en place des liaisons TER rapides, confortables, efficaces, qui ont connu un grand succès de fréquentation en 2005. Pouvez-vous d'ailleurs confirmer que ce chèque transport sera applicable aux transports départementaux et régionaux, souvent à la limite de l'interurbain et du périurbain, et nous garantir que les recettes du dispositif ne remettront pas en cause l'intégralité du versement transport ?

Le chèque transport aurait pu être une bonne idée, mais celui que vous proposez est une fausse bonne idée. Il aurait été bien plus efficace de prévoir un dispositif au seul profit des modes de transport alternatifs à la voiture particulière, et de réactiver pour tous la TIPP flottante, seule à même d'atténuer les effets néfastes de la hausse du prix des carburants sur le pouvoir d'achat des ménages. Nous déplorons donc votre choix, dans lequel j'ai cru comprendre que vous persévéreriez. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jacques Remiller - Notre collègue Léonce Deprez, rappelé de toute urgence dans sa circonscription, m’a prié de bien vouloir donner lecture de l’intervention qu’il avait projeté de faire et dont je partage tout à fait l’esprit.

En entendant trois personnalités aussi différentes que Jean-Louis Borloo, Thierry Breton et Gérard Larcher, présenter ce projet de loi, nous avons compris qu’il s'agissait d'un sujet révélateur de l'esprit dans lequel nous devons entamer ce nouveau siècle et d’un sujet susceptible de rassembler les Français, et donc les élus de la nation.

Sensible comme Jean-Michel Dubernard, comme Patrick Ollier, comme nos collègues Jacques Godfrain, François Cornut-Gentille ou Alain Joyandet, à la grande idée de la participation lancée par le général de Gaulle, et reprise par Édouard Balladur avec intelligence et ténacité, M. Deprez avait tenu, il y a vingt ans, dès son élection à l'Assemblée nationale, à susciter une prise de conscience de l'importance historique de cet autre « grand appel » du général de Gaulle. Dans mon ouvrage intitulé Le partenariat pour faire gagner la France et les Français, ajoute-t-il, j'avais développé toutes les raisons de défendre, avec enthousiasme, cette idée qu’il fallait rassembler les Français pour gagner la compétition économique et, au sein de toutes les entreprises, faire de la France un pays de partenaires. Par l'expérience que la vie sportive m'avait apportée à la fois en esprit de compétition et en esprit d'équipe, j'avais tenté de faire comprendre que dans une entreprise, comme dans une commune, seule l’union des forces permet les victoires.

Ayant ressenti, comme dirigeant d'une PME, autant que comme président national de la jeune Chambre économique française, l'obligation d'associer le travail au capital, la formation à l'économie, les énergies de tous les « équipiers » d'une entreprise pour rendre la France compétitive, j’étais convaincu, poursuit notre collègue, que la liberté était le chemin de la victoire. Et tout d’abord, la liberté d’entreprendre. Mais il pensait aussi, s’agissant de vaincre le désert français, qu'il fallait sur ce chemin de la liberté associer tous les acteurs de la vie des entreprises et les intéresser aux fruits de la victoire pour leur donner « l'envie d'avoir envie » de gagner. Nous sommes nombreux ici à le penser toujours, et de plus en plus fort.

Plus que jamais, alors que la concurrence se fait plus vive, M. Deprez dit, avec les auteurs du projet : Associons mieux les salariés à la marche de l’entreprise, en renforçant la participation à la définition des objectifs, la participation aux résultats et la participation au capital.

Expliquons, nous, élus de la nation, que l'entreprise est une communauté de travail où les dirigeants apportant leur créativité et leur capacité de gestion, les actionnaires leur capital, les salariés leur savoir-faire, doivent vivre en partenaires et réaliser cette synergie – syn-ergon, travailler ensemble – qui produit la richesse et en permet le partage.

Expliquons que renforcer la participation au capital et l'intéressement aux résultats, c’est aussi améliorer la productivité et la compétitivité des entreprises et par là, le pouvoir d'achat des Français.

Expliquons que le dialogue social commence dans l'entreprise et que partager avec les salariés une partie des bénéfices, c'est reconnaître leurs efforts, faire œuvre de justice, et mieux défendre nos entreprises contre le risque d’OPA hostile.

Aujourd’hui, 8 millions de salariés bénéficient de la participation et de l'intéressement. S’ils étaient 16 millions demain, la France deviendrait un des champions mondiaux du dynamisme économique et de la justice sociale, qui doivent absolument devenir les ambitions primordiales de nos États-nations et de notre Union Européenne en ce XXIe siècle.

Pour, dans une même ambition nationale et sociale, rendre aux Français confiance en leur avenir, saisissons la chance que nous offre ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Paul Anciaux - La propriété est un droit, et en même temps une source de liberté et de développement personnel. Le travail est le mode naturel d'acquisition qui permet à chacun d'assurer son existence et de réaliser ses ambitions.

Il n'y a pas d'esprit d'entreprise qui assure la croissance économique et le développement du niveau de vie, si le salarié n’est pas motivé et associé aux résultats de son entreprise. La participation est le trait d'union entre la cohésion sociale et la compétitivité économique.

Le salarié doit pouvoir prétendre à être propriétaire d'une part du capital de l'entreprise dès lors que l'accroissement des actifs aurait atteint un seuil préalablement fixé. Il s'agit bien là d'un partage de la richesse issue des efforts de tous les acteurs de l'entreprise. Pour le promouvoir, il faut ouvrir un large dialogue. Ce texte nous en propose la méthode.

Tout progrès passe, en préalable, par une remise en cause des schémas de pensée et des valeurs touchant au travail, à la formation, au déroulement des carrières, au statut social des individus.

On demande aux salariés de plus en plus d’efforts pour s’adapter à l'économie mondialisée. Il faut qu’ils participent vraiment à l'enrichissement des entreprises, mais aussi à l'élaboration des décisions.

La participation est un véritable droit des salariés, selon de nouvelles formes à déterminer au sein de chaque entreprise dans un cadre général souple qui doit associer les partenaires sociaux ou les représentants du personnel, pour les plus petites entreprises. Cette forme de participation innovante, facteur décisif de justice sociale, est aussi un puissant facteur de relance des négociations contractuelles.

L'État doit promouvoir à la fois l'intéressement, la participation aux bénéfices et l'actionnariat salarié, et favoriser leur extension aux entreprises de moins de 50 salariés, – où la participation financière est peu répandue – tout en veillant à ce que la loi s'applique dans les plus grandes.

La participation est aussi un outil de motivation. Elle rend le salarié fier de sa contribution et chacun plus respectueux de l’autre. Elle doit rester réaliste, bien adaptée à la sociologie de l'entreprise et cohérente avec ses us et coutumes. La pratique doit refléter le discours, et son impact et sa dynamique doivent être mesurés régulièrement.

La participation est une solution d'avenir pour construire une société, qui associe efficacité économique et respect des hommes, et crée de nouveaux rapports entre l'entreprise, ses actionnaires et ses salariés, porteurs d’un projet collectif pour construire un avenir qui ne se limite plus à défendre l'intérêt des porteurs de parts sociales.

Ce texte a avant tout valeur incitative. C’est un esprit qu'il faut développer. Prenons garde à ne point trop légiférer ! Membre de la commission des affaires sociales, je suis ravi que celle-ci ait décidé d'alléger le projet.

En donnant à chacun sa juste part de richesse et de responsabilité, l'entreprise participative se construit comme un ensemble cohérent qui dépasse les antagonismes entre d’un côté le salaire et le travail et de l’autre, le dividende et le capital, car chacun des acteurs devient un véritable associé. La participation est une solution d’avenir, pour peu qu’on y croie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Robert Lecou - Comment parler du développement de la participation et de l'actionnariat salarié sans évoquer d’abord le général de Gaulle qui, visionnaire du 18 juin et de la décolonisation, le fut aussi dans ce domaine et, en instaurant le principe de la participation, fut à l’origine d’une véritable révolution des mentalités ? De lieu clos du travail dans lequel seul le conflit permettait des avancées sociales, l'entreprise devenait un lieu de lien social et d’intérêts communs entre employés et employeurs, l’actionnaire recevant un légitime dividende financier et le salarié le non moins légitime dividende du travail. Chacun y trouvant sa véritable place, l'entreprise devenait plus humaine.

Oui, c'est bien une nouvelle vision des rapports sociaux que la participation des années 1960 a ouverte. Pour autant, elle reste trop peu appliquée. Seuls 8,7 % des salariés des entreprises de moins de 50 salariés en bénéficient, et 35 % des entreprises de plus de 50 salariés ne respectent pas l'obligation légale.

Il était donc nécessaire, et c’est l’objet de ce texte, de lancer une nouvelle dynamique. Elle s'impose d'autant plus que la mondialisation risque de nous entraîner dans une logique purement financière. Même la gauche, après l’amère expérience de 1981-1983, qui l'a amenée à la réalité de l'économie de marché, peut désormais nous rejoindre sur le thème de la participation. Sans contester les logiques de la concurrence et de la performance, elle nous fait entrer dans une culture du réformisme social, du dialogue social dans une entreprise pacifiée.

Avec la participation, les salariés doivent améliorer leur pouvoir d'achat et se constituer un capital. Avec la participation et l'épargne salariale, les entreprises françaises peuvent s'assurer un financement avantageux et stable. Avec l'actionnariat salarié et une meilleure représentation des salariés actionnaires au sein des conseils d'administration, les salariés seront mieux associés à la stratégie de l'entreprise. L'entreprise y gagne, le salarié aussi. C'est du gagnant-gagnant.

C'est la même philosophie qui doit nous amener à faire cesser ou à moraliser le système des stock-options, considéré comme un abus insupportable, qui déconsidère l'entreprise. Puisse cette loi nous permettre de remettre l'homme au cœur de l'entreprise et celle-ci au cœur de la société.

À une époque où le désenchantement gagne, où les enjeux environnementaux sont énormes, où la déshumanisation nous inquiète, cette loi peut apporter un souffle nouveau. Il faudra la compléter par un texte destiné à améliorer le dialogue social : je sais que M. Larcher y travaille.

L'humanité a évolué par à-coups brutaux, mais aussi par la réforme. La participation est une réforme révolutionnaire, réforme parce qu'elle se fait dans le consensus et le dialogue, mais révolutionnaire car elle bouleverse des schémas de pensées souvent très manichéens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Néri – L’article 44 de ce projet de loi propose d'autoriser la cotation en bourse des clubs de football.

M. Philippe Auberger - Encore ?

M. Alain Néri - Si cet article était adopté, le football, et demain d'autres sports, deviendraient des spectacles dépendant directement du secteur marchand. Les clubs professionnels adopteraient alors les méthodes de sélection et de rendement des entreprises cotées en bourse ainsi que leur terminologie – recettes et retour sur investissement ! Posons-nous donc la question : les clubs sportifs ont-ils leur place en bourse ? Cet article a-t-il sa place dans ce texte ?

En autorisant la cotation des clubs de football en bourse, le ministre des sports admet implicitement que le sport professionnel relève d'une logique marchande, en oubliant totalement les liens étroits qui unissent le sport amateur et le sport professionnel, mais aussi l'apport important des collectivités publiques. Pis encore, le ministre des sports renie les propos qu’ils a tenus en 2003 : ne déclarait-il pas alors que « bourse et football n'ont pas grand chose à faire ensemble » ?

Plusieurs députés socialistes – Très bien !

M. Alain Néri – Le Gouvernement cède à la pression du milieu du football, en particulier à celle qu’exercent l'Olympique lyonnais et son président M. Aulas, seul club à avoir les moyens et l’ambition d’entrer en bourse. Pour beaucoup, la cotation en bourse n'a en effet rien d’une priorité. J’ajoute que les actions risquent d'être trop chères par rapport aux risques encourus : un club de sport professionnel n'est pas un objet d'investissement boursier comme les autres, puisque l'incertitude, si redoutée du marché, est le propre du sport !

Rappelons également certaines évidences : la cotation des clubs en bourse en Europe a été un fiasco ; la plupart des clubs de football cotés en bourse ont connu des déboires financiers et restent très endettés ! Ainsi en Angleterre, aucun des sept clubs cotés en bourse n’a vu sa valeur augmenter, bien au contraire ! En Allemagne, le seul club coté, celui de Dortmund, a vu la valeur de ses actions divisée par six depuis l’entrée en bourse, ce qui a fragilisé sa situation financière… En Italie enfin, les actions des trois clubs cotés à la bourse de Milan – Lazio Rome, AS Rome et Juventus de Turin – se sont effondrées, ruinant des supporters transformés en actionnaires.

L’exemple italien démontre également que cotation ne rime pas nécessairement avec transparence : une soixantaine de personnes du milieu du football ont été mises en examen dans ce pays pour « association de malfaiteurs » ! La preuve est faite que l'introduction en bourse n’emporte pas toujours la transparence financière, contrairement à ce qu’on voudrait nous faire croire : les circuits financiers à l'intérieur des clubs de football souffrent toujours d’opacité et les sommes consacrées aux salaires et aux « transferts de joueurs » atteignent des montants colossaux ! Si certains clubs réputés de Grande-Bretagne ont pu quitter la bourse, ils sont ensuite tombés entre les mains de milliardaires aux capitaux douteux. Peut-on faire courir ce risque à nos clubs français ?

Avec l'introduction en bourse des grands clubs, il faut également s’attendre à ce que le fossé entre les grands et les petits clubs se creuse encore plus ! Le ministre des sports ne déclarait-il pas dans L’Équipe le 21 septembre dernier : « La cotation en bourse n’est pas mon problème. Les dirigeants du football doivent quand même assumer quelques responsabilités ! Comment peut-on à la fois faire du lobbying, promouvoir la bourse et se plaindre d'un championnat à deux vitesses ? » Il n’avait pas tort !

En outre, quand les performances d’un club baisseront, ses actions chuteront également, ce qui ouvrira la porte aux matches truqués, comme l’exemple italien l’a montré, ou aux paris truqués, comme on en a vu en Belgique.

Je réitère donc ma demande, Monsieur le président Dubernard : mettons à l’ordre du jour la création d’une commission d'enquête parlementaire sur les conditions de transfert des joueurs professionnels de football et le rôle des agents sportifs.

Plusieurs députés socialistes – Très bien !

M. le Rapporteur – C’est impossible, il y a au moins quinze affaires en cours !

M. Alain Néri - Le plus urgent n’est pas la cotation en bourse ! Parce que nous sommes attachés à un véritable service public du sport, qui associe étroitement l'État, les collectivités territoriales et le mouvement associatif, et qui garantit l'égal accès à des pratiques adaptées aux capacités et aux aspirations de tous, nous sommes opposés à la cotation en bourse de toute activité éducative, sociale, culturelle ou sportive. Au nom des députés socialistes, je demande donc le retrait de l’article 44 de ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Marie-Anne Montchamp – Ce texte poursuit l’œuvre législative dont les présidents Dubernard et Ollier viennent de rappeler l’enracinement historique. Il s’agit d’ouvrir les dispositifs actuels de participation afin d’instaurer un lien moderne entre les Français et leur entreprise dans le respect des nouveaux enjeux économiques.

Ce projet de loi renforcera l’effort de cohésion sociale engagé depuis 2002 dans notre pays, en inscrivant dans notre droit une vision plus offensive, mieux comprise et mieux partagée de la participation, de l’intéressement et de l’actionnariat salarié. Par l’article premier, nous instaurerons ainsi un dividende du travail. Alors que de très nombreux salariés portent déjà avec l’actionnaire le risque de l’entreprise – je le dis très amicalement à mon collègue Jean-Jacques Descamps –, il sera désormais possible de verser un complément d’intéressement, ce qui renforcera la visibilité de la performance collective de l’entreprise. La notion d’investissement de projet, retenu par l’article 2, est également une innovation prometteuse, qui permettra de mieux associer tous les acteurs concernés autour d’une vision concrète et mesurable. Nous aurons ainsi les moyens de convaincre les dirigeants que l’intéressement est une véritable stratégie d’entreprise : gageons qu’il ne restera plus sous la seule responsabilité des gestionnaires. Par l’intéressement, nous favoriserons la croissance interne et la valorisation de la performance collective, qui doit remplacer la somme des seules performances individuelles.

Les socialistes ont cru – ou ils ont voulu le faire croire aux Français – qu’un partage du temps permettrait de créer du travail. C’était oublier qu’il faut pour cela favoriser la croissance ! Hélas, l’accroissement de la productivité né de la réduction du travail n’a fait que cacher pour un temps le besoin d’investissement des entreprises. Faire appel par la participation et l’actionnariat salarié à une capacité d’investissement complémentaire est donc un enjeu essentiel pour les PME.

En facilitant la distribution gratuite d’actions dans le cadre de plans mondiaux, ce texte contribuera également à équilibrer la mobilité des capitaux. Comme Madame la ministre l’a rappelé, la notion d’identité économique peut en effet servir de complément utile au « patriotisme économique », et nous devons contribuer à l’enracinement des entreprises dans leur bassin économique. L’apport d’un supplément d’âme – grâce à l’intéressement – n’est donc pas une mince vertu. C’est pourquoi je soutiendrai résolument ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Christine Boutin – Je voudrais saluer le travail réalisé par MM. Godfrain et Cornut-Gentille, dont la contribution nous a permis d’avancer sur ce dossier. Comme d’autres parlementaires, j’avoue en revanche ma surprise s’agissant de la cotation en bourse des clubs de football. La présence d’une telle disposition me semble d’autant plus inappropriée qu’on nous reproche souvent de recourir à des « cavaliers législatifs »… Que vient faire cet article dans le projet de loi, qu’il pollue d’une certaine façon ?

Chaque Français passe un tiers de son temps dans l’entreprise. Ne faut-il pas faire en sorte que ce temps passé l’enrichisse humainement et financièrement ? Faisons en sorte que chacun soit gagnant ! Le temps est révolu où l’on voyait dans l’entreprise un simple moyen de production. Il faut la penser comme un lieu de vie et donc nous pencher sur l’organisation du travail et de l’activité salariée. Une vraie révolution doit s'engager afin de conjuguer la participation avec la flexibilité et la sécurisation des parcours professionnels.

La volatilité des carnets de commande et le caractère capricieux de la demande imposent en effet la flexibilité des contrats et donc la fin des CDI. Mieux vaut un CDD bien négocié plutôt qu’un CDI assorti d’un licenciement sec – pourquoi ne pas avoir le courage de le dire à nos compatriotes ? À côté de la flexibilité, devenue aujourd’hui si nécessaire, nous devons prévoir la sécurisation des parcours professionnels, notamment pendant les périodes de chômage : il faut passer de la protection des contrats à celle de la personne ! Le chemin parcouru pendant cette mandature, qui nous a conduits à accorder à la personne un droit à la formation, me semble un beau début…

Si la flexibilité des contrats et la sécurité des personnes sont nécessaires, la participation l’est tout autant. Cette révolution sociétale a bousculé les idées reçues et doit maintenant nous amener à réorganiser le monde économique. La participation dans les prises de décision de l'entreprise, dans le capital et dans les résultats, implique en effet le salarié dans la vie de l’entreprise – sa survie parfois, et souvent son développement !

Mieux encore, la participation est un facteur de réconciliation susceptible de mettre fin à une lutte des classes que nous avons tant dénoncée… Par son travail, le salarié apporte chaque jour davantage de richesses à l'entreprise – de cette réalité, la participation entend tenir compte en offrant à la personne plus qu’un simple salaire.

La participation offre enfin un véritable contre-pouvoir aux salariés, fort utile face aux excès que nous avons connus – les scandales, les gabegies et les distributions scandaleuses de stock-options à des dirigeants incompétents ou malhonnêtes. Certes, les contre-pouvoirs existent déjà en théorie, mais il faudrait que nous renforcions leur effectivité !

Les enjeux philosophiques, humains et sociétaux de ce projet sont évidents, si évidents que je reste un peu sur ma faim. C’est que depuis la « Nouvelle société » de Jacques Chaban-Delmas, nous parlons de la participation sans véritablement oser franchir le pas. Ce texte apporte une touche supplémentaire à l’édifice, mais j’aurais aimé que l’on aille plus loin et que l’on repense pour de bon les relations de l’homme et du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier de Roux - Ce projet est important et très attendu, comme en atteste la présence de trois rapporteurs, parmi lesquels deux présidents de commissions permanentes. J'ai pour seul regret que la commission des lois n'ait pu se saisir du texte pour avis, car certaines dispositions l'auraient amplement justifié.

Je ne reviendrai pas sur les nombreuses mesures utiles proposées par le Gouvernement, sinon pour dire que, comme beaucoup dans l’hémicycle, je considère que la participation et l'actionnariat salarié contribuent au « contrat social interne de l'entreprise », en associant plus étroitement le personnel aux fruits de son travail.

M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Très bien !

M. Xavier de Roux – J’axerai mon intervention sur l'encadrement des options de souscription ou d'achat d'actions, plus connues sous le vocable anglo-saxon de stock-options. Notre collègue Édouard Balladur a en effet déposé un amendement qui reprend pour partie la proposition de loi, cosignée par plus de 170 députés de la majorité, qu'il avait présentée en juin dernier. La discussion me donne l’occasion de faire œuvre de pédagogie sur un sujet qui est depuis longtemps au cœur des préoccupations de la commission des lois.

Parce qu'elles touchent, de fait, à la rémunération de catégories sociales parmi les plus aisées, les options de souscription et d'achat d'actions sont régulièrement remises en cause. Il est vrai que la complexité juridique et fiscale de la question nourrit des fantasmes nuisibles à ce qui devrait avant tout être un instrument de motivation susceptible en théorie de bénéficier à tous les salariés sans distinction.

Les plans d'options de souscription ou d'achat d'actions ont été introduits dans notre droit par la loi du 31 décembre 1970. Il s'agit d'une forme mixte d'intéressement et de participation au capital par laquelle l'entreprise consent à son personnel le droit d'acquérir ses propres actions à des conditions privilégiées, lui offrant ainsi l'occasion de réaliser une plus-value. La société attribue au bénéficiaire le droit, pendant une période donnée, de se porter acquéreur, par achat ou souscription, d'un certain nombre de titres à un prix déterminé. Ce prix, qui ne peut être inférieur à 80 % de la moyenne des cours du marché des vingt séances de bourse précédentes, reste fixe pendant toute la période durant laquelle l'option est ouverte. Le bénéficiaire peut ensuite choisir de lever l'option qui lui a été attribuée, en fonction du niveau du cours ou de la valeur des actions. S’ils ont progressé au-delà du prix fixé lors de l'attribution, le bénéficiaire obtient une plus-value. Cette étape implique pour le bénéficiaire un décaissement, puisqu'il doit payer au prix convenu les actions sur lesquelles portait son option. Dans un dernier temps, le bénéficiaire qui a levé ses options peut revendre les actions ainsi acquises, rentrant alors dans ses fonds et jouissant effectivement de sa plus-value.

Les plans d'options de souscription et d'achat d'actions présentent un caractère fortement incitatif pour les grandes entreprises mais aussi pour les start-up, qui disposent ainsi d’un mécanisme leur permettant d’intéresser des dirigeants qu’elles ne peuvent, à leur début, rémunérer comme elles le souhaiteraient.

Des risques de détournement existent, qui entachent la légitimité du dispositif. Ils tiennent en premier lieu aux modalités discrétionnaires d’attribution des stock-options par les conseils d’administration. Force est de constater que le choix des bénéficiaires se porte souvent sur les principaux cadres ou les mandataires sociaux, lesquels sont souvent détenteurs d'informations de nature à entretenir, sans doute à tort, un désagréable climat de suspicion.

Aussi notre collègue Édouard Balladur nous propose-t-il de mieux encadrer le rôle du conseil d’administration dans l’attribution des stock-options, et de donner à l'Autorité des marchés financiers la possibilité de fixer des règles en cette matière. Adopter ces excellentes dispositions permettrait de mettre un point final à des débats anciens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Tian - Je salue la part qu’ont prise nos collègues Godfrain et Cornut-Gentille dans l’élaboration de ce texte, et je me félicite de la concertation qui a eu lieu au sein du Conseil supérieur de la participation. Le dispositif institué par la loi de 1967 a fait la preuve d’une certaine efficacité, puisque 9 millions de salariés bénéficient de la participation et que l’épargne salariale dépasse à ce jour 69 milliards. Une modernisation est certes nécessaire, mais le projet modifiera les règles pour la quinzième fois en quinze ans. Or, les corrections incessantes apportées à un système jugé intrinsèquement complexe par les salariés et par les chefs d’entreprise sont d’une mise en œuvre compliquée pour les entreprises dans leurs relations avec le fisc et l’URSSAF. À cet égard, je m’interroge sur le bien fondé de l’article 4, qui alourdit encore des obligations déjà suffisantes, et davantage encore sur l’article 6, qui élargit le champ des entreprises concernées et l’assiette de calcul de la participation. J’ai déposé un amendement à ce sujet. Je rappelle que la complexité du dispositif explique la faiblesse du nombre d’accords de participation conclus dans les entreprises de moins de 50 salariés. Cette situation contribue à renforcer la disparité des revenus entre les salariés des grandes entreprises et ceux des autres entreprises. Aussi, plutôt que d’imposer aux PME les règles des grandes sociétés par des accords de branche, mieux vaudrait privilégier la liberté de négociation. Les entreprises et les mentalités ont beaucoup changé depuis 1947 ; les syndicats, malheureusement, beaucoup moins…

Mme Martine Billard - Et le Medef ? A-t-il changé ?

M. Dominique Tian - …et ils sont, de plus, assez peu représentatifs. On oublie trop souvent qu’un chef d’entreprise a pour premier souci de recruter des éléments de qualité puis de les fidéliser. Pour les faire participer à la vie de l’entreprise, il acceptera souvent de leur rendre des comptes, tout en continuant d’exercer ses responsabilités propres dans la solitude. Le subtil équilibre de la gouvernance d’entreprise est en jeu, que le projet préserve. La participation étant autant affaire de pratique que de droit, je voterai volontiers ce texte qui débloquera bien des situations (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Martine Billard - Les échéances électorales approchant et vos tentatives visant à faire croire à l'augmentation significative des salaires ayant échoué, nous avons droit, avec ce texte, à un hymne échevelé à l’entreprise réconciliée (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Il y a pourtant une différence fondamentale entre les actionnaires et les travailleurs. Les premiers veulent toujours plus de rentabilité pour leurs valeurs mobilières, ce qui signifie souvent licencier des salariés. Les seconds veulent garder leur emploi. D'ailleurs, combien de sociétés voient leur valeur en bourse flamber à l'annonce d'un plan de licenciement ? Vous ne pouvez non plus faire oublier la stagnation des salaires de ces dernières années...

M. Guy Geoffroy - La faute en est aux 35 heures !

Mme Martine Billard - Entre 1998 et 2004, les salaires annuels moyens en France, dans les secteurs privé et semi-public, n'ont augmenté que de 0,6 % par an.

Derrière cette moyenne, le salaire net de certaines professions a même baissé. La véritable priorité sociale, c'est l'augmentation de la part fixe du revenu et la lutte contre les temps partiels imposés, particulièrement aux femmes. L'INSEE vient de publier une étude montrant que l'épargne salariale aggrave les écarts de revenus car ce dispositif est encore plus inégalement réparti que les salaires. En effet, outre que 60 % des salariés du privé n’en bénéficient pas, 10 % de ceux qui en bénéficient reçoivent 40 % des sommes ! Les dispositifs d'intéressement favorisent les salariés des grandes entreprises et de certains secteurs – les milieux financiers – à la différence d'autres – l'industrie manufacturière, l'hôtellerie ou la restauration. Ils aggravent également les inégalités de revenus entre cadres et ouvriers et entre hommes et femmes puisque ces dernières travaillent majoritairement dans les secteurs et entreprises ne disposant pas de tels dispositifs. Comme « réconciliation entre le capital et le travail », on fait mieux ! Un autre sondage récent effectué auprès des salariés concernés par l'intéressement a montré que ceux-ci n'ont nullement l'impression d'avoir leur mot à dire sur la gestion et la conduite de leur entreprise. Cette loi n'y changera rien, la législation en vigueur contenant d’ailleurs déjà des dispositions incitatives sur la participation et l'intéressement qui n'ont pas porté leurs fruits.

L'actionnariat fait courir aux salariés le risque de pertes importantes. Les actions étant bloquées, ceux-ci ne peuvent pas les revendre au meilleur moment contrairement aux autres actionnaires.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Décidément, vous n’avez rien compris.

Mme Martine Billard – Nous savons ce qui s’est passé avec Eurotunnel, France Télécom et Vivendi ! Sans oublier qu'avec le phénomène des délocalisations fiscales…

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Vive la lutte des classes ! C’est incroyable !

Mme Martine Billard - …des entreprises se délocalisant par exemple en Suisse pour ne pas payer d’impôts, les dispositifs d'intéressement seront de plus en plus réduits. Il est douteux que les retombées des résultats de l'entreprise enthousiasment les salariés. Il serait d’ailleurs intéressant de comparer les montants distribués aux stock-options ! Les simples salariés ne sont pas traités sur un pied d'égalité avec les cadres supérieurs et encore moins avec les dirigeants. Les femmes sont quant à elles, une fois de plus, les grandes perdantes : 85 % des stock-options profitent aux hommes contre 15 % aux femmes. Sur cette question, quelle déception ! La timide proposition de loi faite par notre collègue Édouard Balladur est amputée de son dispositif principal, à savoir l'interdiction de vendre les stock-options pendant la durée du mandat des bénéficiaires au sein de l'entreprise. Une partie ne sera pas négociable, mais c'est le conseil d'administration ou l'assemblée générale qui fixeront eux-mêmes leurs propres règles. Oui, il est difficile de s'enthousiasmer pour les beaux discours sur les intérêts communs entre salariés et actionnaires, sur la réponse aux attentes sociales, sur le « turbo de cohésion sociale et de dynamisme économique » selon MM. Borloo et Breton ! Nous avons bien plutôt l'impression d'une trappe à inégalités !

Au titre III, vous n'avez pas pu « résister » à l'ajout de nombreux « cavaliers législatifs » portant sur le code du travail et qui n'ont rien à voir avec ce texte. Certains seront semble-t-il supprimés, mais nous n’avons guère eu d’informations sur les intentions du Gouvernement. Serait-il gêné ? Même M. Dubernard a évoqué le caractère inhumain du cumul d’un emploi à temps partiel avec l’intérim ! Ce Gouvernement est décidément incorrigible. Comme pour le CPE, vous cherchez à passer en catimini et bien évidemment sans concertation aucune. Même si vous retirez certaines mesures, je ne doute pas que vous les réintroduirez d’une manière ou d’une autre.

Le chèque transport, enfin, c’est l’art de faire semblant d’agir. Le prix du pétrole et donc des carburants a augmenté et il continuera d’ailleurs car les réserves diminuent. Face à cette situation, il y a plusieurs manières d’agir : investir massivement dans les transports publics, obliger les entreprises à mettre en place des dispositifs de ramassage ou promouvoir le covoiturage. Or, là encore, vous ne faites rien. Ce texte ne fait que proposer une aumône facultative que les entreprises pourront faire à leurs salariés. Les élections approchent et les promesses sans lendemain se ramassent à la pelle.

La discussion générale est close.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes Mme la ministre déléguée vous entretiendra des aspects plus spécifiquement financiers de ce projet mais je souhaite répondre synthétiquement à chacun des orateurs sur certains points précis.

Je remercie tout d’abord MM. les rapporteurs pour le travail accompli. Ce texte ne se limite pas, comme l’a dit M. Cornut-Gentille, à un ensemble de mesures financières. Il s’agit d’un vrai projet de société qui contribue, Madame Boutin, à l’émergence de nouvelles relations entre les salariés et les entrepreneurs dans une perspective de cohésion sociale. M. François Guillaume a fait état des différences avec les autres pays, mettant ainsi en lumière la voie spécifique choisie par la France depuis une soixantaine d’années. M. Godfrain a d’ailleurs mentionné un certain nombre de références dont la synthèse gaullienne, toujours actuelle, a tiré sa force.

MM. les rapporteurs ont évoqué un besoin de stabilité législative car, comme le disait M. Tian, nous avons beaucoup légiféré – sans doute trop – en quinze ans. Mais en l’occurrence, les valeurs de la participation étaient encore insuffisamment consensuelles. De longues discussions avec le conseil supérieur de la participation, dont le vice-président est Franck Borotra, ont permis d’avancer. Nous avons également besoin de simplicité et comme vous, Messieurs les rapporteurs, nous pensons qu’il faut renforcer les lieux de dialogue et ouvrir la participation, par exemple, aux fonctions publiques.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Tout à fait.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Ce texte est une pierre marquante, une étape dans la construction d’un soubassement nouveau pour la société de participation que nous souhaitons.

M. Jean-Pierre Balligand - C’est peut-être un peu prétentieux…

M. Gérard Larcher, ministre délégué - M. Cornut-Gentille a évoqué un état d’esprit et M. Godfrain une encyclique faisant état du nécessaire respect de tous les hommes au sein d’une entreprise, qu’ils soient patrons ou salariés. Le livret d’épargne conforte l’identification à une entreprise, ce qui dépasse le cadre strictement financier de la participation. Nous savons par ailleurs combien il a renforcé le sentiment de responsabilité individuelle et collective.

Quel est le bon équilibre entre la participation et l’intéressement ? La durée de cinq années est-elle adaptée ? Madame Comparini, les tentations de modification n’ont pas manqué au cours de cette législature !

M. Jean-Pierre Balligand - Ce n’est pas faux.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - C’est le sens de l’intervention de M. Raffarin devant le Conseil économique et social au printemps de 2005. Le Premier ministre a alors lancé un certain nombre de pistes et a confié à MM. Godfrain et Cornut-Gentille une mission afin de faire le point.

Pourquoi la participation ne se diffuse-t-elle pas dans les PME et les TPE, comme l’ont demandé MM. Auberger et Perrut ou Mme Grosskost ? Le dispositif est peu sûr et compliqué. Les préconisations pour une sécurisation telles qu’elles sont formulées dans le rapport de MM. Cornut-Gentille et Godfrain constituent un élément de réponse car nous savons fort bien, par exemple, que les URSSAF n’agissent pas de la même manière selon les territoires.

M. Dominique Tian – En effet.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Le problème des PME n’a pas été traité en 2000, Monsieur Balligand.

M. Jean-Pierre Balligand - Si.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Vous aviez alors évoqué dans votre rapport une réflexion sur la fusion-participation et l’intéressement.

M. Jean-Pierre Balligand - Non.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Mais si ! C’est parce que nous avons voulu également réfléchir en ce sens que nous avons préconisé une incitation à la participation pour les PME et les TPE – et non une obligation, comme l’aurait souhaité M. Auberger. Le conseil supérieur de la participation devra, après trois années, proposer un bilan ainsi qu’un certain nombre de dispositifs au cas où l’incitation aurait été insuffisante.

Madame Billard, la « trappe à inégalités », ce sont précisément huit millions de salariés des plus grandes entreprises qui bénéficient de la participation et huit millions de salariés des PME et TPE qui ne peuvent en profiter ! L’incitation permet en fait de réduire les inégalités. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Très bien.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - M. Bocquet a évoqué la substitution de la participation au salaire. Je rappelle tout de même qu’en 2000, les dispositifs de participation ont crû parallèlement aux salaires. Ils représentaient en outre 6 % de la masse salariale. Aujourd’hui, les chiffres sont identiques. Il n’y a donc eu aucune substitution, même si la question des salaires se pose en effet comme le Gouvernement en est conscient et comme il l’a montré à travers le dispositif de convergence des SMIC. Nous savons aussi ce qu’ont coûté les 35 heures. Pour 138 des 154 branches de plus de 5 000 salariés, nous avons apporté des réponses. Dans deux semaines, nous mettrons en place un comité de suivi à la Direction générale du travail afin d’accompagner les partenaires sociaux et de façon à ce que les revenus intermédiaires soient moins pénalisés.

De ce point de vue, le dividende ne change rien. Vous avez parlé, Monsieur Balligand, de flexibilité à la hausse. Elle est en effet un outil de partage de profits exceptionnels. Quel que soit le nom qu’on lui donne, nous sommes bien dans un dispositif qui permet de partager les profits exceptionnels. Il ne faut donc pas voir, Monsieur Auberger, le dividende comme une nouvelle couche qui se rajouterait à la complexité existante, mais comme une possibilité à utiliser quand il y a des profits exceptionnels.

J’ai bien noté votre proposition de réserver systématiquement aux salariés une partie des augmentations du capital. Pour le moment, nous privilégions l’incitation, mais c’est une piste intéressante, qui a d’ailleurs fait débat au sein du Conseil supérieur de la participation.

J’ajoute que celui-ci a désormais pour mission de repérer les bonnes pratiques et d’en faire une sorte de vade-mecum à l’usage des entreprises, ce qui répond à vos inquiétudes sur la complexité du dispositif et ce qui devrait faciliter les négociations de branches.

Le rapporteur souhaite que le texte soit recentré sur la participation. Le Gouvernement donnera un avis favorable à des amendements de suppression en ce sens.

MM. Guy Geoffroy et Jacques Godfrain - Très bien.

Mme Christine Boutin - Très bien.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Je le dis à ce stade du débat, car il me semblait important de permettre à chacun de s’exprimer sur l’ensemble du texte, tel qu’il a été proposé par le Gouvernement. Je répondrai pour ma part sur le cœur du projet, à savoir la participation. Je laisse à M. Lamour le soin de présenter lui-même le dispositif relatif aux clubs de sport…

Mme Christine Boutin - S’il ose.

M. Maxime Gremetz - Dispositif scandaleux !

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Le débat sur les stock-options est également assez éloigné de la participation stricto sensu. Je ne doute pas que Mme Lagarde et M. Breton vous apporteront les éclairages nécessaires.

J’en reviens à un sujet se rapportant plus directement à mon ministère : l’évolution du code du travail. Sur des sujets aussi importants que la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ou que les pôles de compétitivité, vous pensez bien que nous avons eu des réunions bilatérales avec les partenaires sociaux. (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Les pôles de compétitivité sont l’un des outils qui permettent de lutter contre les délocalisations.

M. Maxime Gremetz - Ah bon ? Cela ne se voit pas !

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Mais expérimentation ne veut pas dire généralisation, Monsieur Vidalies.

Le congé de mobilité n’est pas une régression, bien au contraire, puisque l’on se place dans le cadre d’un accord avec les partenaires sociaux. Le but est d’éviter que des hommes et des femmes connaissent les drames d’un plan de licenciement puis d’un reclassement difficile. Mieux vaut les préparer à la mobilité professionnelle. C’est par exemple ce que nous avons fait en Île-de-France avec les salariés d’une entreprise spécialisée dans les écrans de télévision. Grâce à une action concertée de la région et de l’État, ils se sont reconvertis, dans une activité verrière toujours, mais autour du secteur automobile. Je crois qu’en matière de sécurisation des parcours professionnels, il faut savoir sortir des schémas habituels. Un parcours professionnel doit être autre chose qu’une succession de drames ! Nous devons en parler avec les partenaires sociaux, sans tabou.

Je suis prêt à revenir un peu plus tard sur la question des prud’hommes.

La contribution Delalande partait d’une excellente intention : protéger les plus de 45 ans du triste rôle de variable d’ajustement. Mais elle a eu finalement l’effet paradoxal inverse, car les entreprises ont cessé d’embaucher des seniors de peur d’avoir à la payer. Notre approche est différente, plus globale : c’est le plan seniors.

M. Maxime Gremetz - Comme ça, on pourra licencier les seniors sans payer !

M. Gérard Larcher, ministre délégué - M. Bono et d’autres ont parlé du chèque transport. Celui-ci a fait l’objet d’une concertation avec les partenaires sociaux (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains), qui a permis de prendre en compte pour la première fois les horaires décalés et de sécuriser l’intervention du comité d’entreprise. Cette disposition va plus loin que ce que prévoyait le texte SRU de 2000, car elle réduit l’inégalité entre les salariés relevant d’un secteur couvert par un plan PTU et ceux qui n’ont pas de réseau de transports collectifs.

Ce chèque transport n’est pas un substitut au salaire, mais une prise en charge du coût de la mobilité.

M. Bocquet a évoqué la situation de Ford. Aujourd’hui même a eu lieu une réunion avec les ministères de l’économie, de l’industrie, du travail, l’Intersyndicale de Ford et le président des maires de la Gironde. Un premier bilan de la situation et des perspectives pour 2007 et 2008 a été établi. Je vous indique aussi que le Premier ministre nous a demandé, à M. Borloo et moi, de préparer un plan pour les équipementiers automobiles. La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences est la meilleure réponse aux difficultés de la période. M. Loos et moi rencontrerons le président de Ford avant le prochain comité de groupe de Ford Europe.

M. Balligand évoquait son phalanstère. Mme Boutin et moi avons aussi le nôtre, celui de Sébastien Faure dans la ville de Rambouillet (Sourires). L’utopie doit assurément avoir sa place, mais je crois que la pensée du général de Gaulle est le contraire de l’utopie. Elle suscite le pragmatisme, l’action sur le terrain, pas le rêve d’une communauté isolée. Les valeurs du gaullisme sont celles du rassemblement, au travail comme pour l’ensemble de la nation. C’est ce qui les distingue sans aucun doute de la pensée des phalanstères (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Maxime Gremetz - Je voudrais faire un rappel au Règlement. Monsieur le ministre, puisque nous avons terminé la discussion générale, j’aimerais que vous me répondiez à propos des chiffres que j’ai cités. J’ai évoqué l’étude de la Banque de France, que vous contestez, et celle de l’INSEE : j’espère que vous les aurez sous les yeux, pour pouvoir discuter de façon sérieuse. Vous avez également contesté les chiffres de la DARES et affirmé que le nombre de délégués licenciés avait diminué cette année. J’espère que nous nous mettrons d’accord sur des chiffres qui sont parfaitement officiels.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, ce soir, à 21 heures 30.
La séance est levée à 20 heures.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.
Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.
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