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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du mercredi 4 octobre 2006

Séance de 21 heures 30
2ème jour de séance, 3ème séance

Présidence de Mme Hélène Mignon
Vice-Présidente

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

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participation et actionnariat salarié (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur  Nombreux ont été les orateurs qui ont cité le général de Gaulle : le Gouvernement est fier de susciter son souvenir parmi vous. Nombreux aussi ceux qui jugent avec raison que ce texte lance une passerelle entre les mondes du capital et du travail, que l’on oppose trop souvent jusqu’à la caricature. M. Dubernard a raison : abandonnons l’archaïsme des postures. Mme Grosskost rappelle fort justement que les entreprises, plus que de simples capitaux, rassemblent des personnes avant tout. Le capital humain, c’est-à-dire le travail : voilà la clef du succès dans une économie de plus en plus tertiaire et immatérielle.

Assurer la dignité de l’homme au travail : telle est notre ambition, Monsieur Dubernard. Bien sûr, il faut encourager la formation initiale et continue, mais il faut aussi, plus que jamais, préserver ce capital humain par la rémunération des salariés. L’identité économique dont parlait Mme Montchamp est fondée sur des liens financiers. Certes, Monsieur Descamps, le partage de la valeur ajoutée des entreprises est le fruit d’équilibres complexes : c’est tout l’art du management que de concilier les intérêts des actionnaires et des salariés pour créer de la richesse et de l’emploi.

Voici un texte moderne, adapté au contexte économique actuel. Si la participation appartient à l’histoire, comme le disait M. Cornut-Gentille, elle est loin d’être obsolète : c’est un outil essentiel pour les entreprises de demain. Certains orateurs ont souhaité qu’elle s’étende au-delà des quelque huit millions de salariés de grandes entreprises : oui, mais les entreprises de moins de cinquante salariés sont souvent plus fragiles, et la prudence s’impose – ainsi que la simplicité qu’appelait de ses vœux M. Joyandet. Nous aurons l’occasion d’y revenir au cours du débat.

D’autres ont souhaité le maintien du statu quo quant au blocage de l’épargne. Je rappelle que les conditions de déblocage sont fixées par décret, et que la durée de cinq ans est judicieuse, comme l’indiquait M. Godfrain – souvent, ce choix d’investissement est la seule épargne financière de bien des familles aux revenus modestes.

Votre proposition, Monsieur Ollier, d’étendre la participation aux agents de la fonction publique – notamment dans le secteur hospitalier – ne nous choque pas, bien au contraire. Cependant, de nombreuses dispositions législatives existent déjà en la matière. Dressons-en l’inventaire et, le cas échéant, améliorons-les dans la concertation avec les partenaires sociaux.

Comme vous, nous pensons que l’actionnariat salarié a une vertu pédagogique. C’est une réalité vivante et complexe – M. de Roux a même évoqué un « nouveau contrat social ». Les salariés actionnaires et les administrateurs salariés ont de nombreuses responsabilités qui, en contrepartie, doivent leur permettre de participer aux décisions de l’entreprise : c’est pourquoi nous proposons d’inclure dans les conseils d’administration des entreprises cotées les salariés qui détiennent plus de 3 % du capital.

Dans une économie concurrentielle et mondialisée, l’actionnariat salarié peut contribuer à stabiliser le capital des entreprises françaises. Aujourd’hui, plus de la moitié de l’épargne salariale – soit près de quarante milliards d’euros – est investie en titres d’entreprises. Le rapport de votre délégation aux affaires européennes le confirme : nos entreprises ont plus d’actionnaires salariés que bien des pays européens, bien qu’il nous faille encore progresser pour rejoindre le dynamisme du Royaume-Uni ou des Pays-Bas en la matière. Enfin, n’oublions pas que nos grands groupes ont souvent des salariés ailleurs qu’en France : nous proposons de leur simplifier l’accès au régime de participation.

J’espère que le débat sera riche et fructueux, et que ce texte suscitera un consensus parmi nous. M. Cornut-Gentille le disait justement : la participation et l’actionnariat salarié ne sont plus « des sujets de discorde ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

motion de renvoi en commission

Mme la Présidente – J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste un motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du Règlement.

M. Michel Charzat – Les critiques et les propositions entendues au cours de la discussion générale justifient le renvoi en commission. Le Gouvernement voudrait donc relancer la participation. Nous avions perdu de vue cette Arlésienne depuis le virage hyper-libéral de la majorité ! L’association entre le capital et le travail était une idée forte du général de Gaulle, qui songeait à l’émergence d’une troisième voie – assurer la dignité de l’homme au travail tout en encourageant la croissance.

M. Patrick Ollier, président et rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire - Vous voilà gaulliste ! Bravo !

M. Michel Charzat - Les héritiers putatifs du général ont bien tenté de relancer l’actionnariat salarié, mais l’instrumentalisation de l’épargne salariale sous le gouvernement de M. Balladur a provoqué une nouvelle dégradation de la participation. Réduite à son seul aspect financier, la troisième voie devint une impasse impropre à dépasser le clivage entre salariés et dirigeants. Seule une révolution des mentalités le pourra, mais vous la refusez.

Pourquoi donc le Gouvernement nous présente-t-il ce texte ? Serait-ce le remords éprouvé par les orphelins d’un gaullisme bafoué par la conversion de l’UMP au libéralisme et à l’américanisme décomplexé ? Ou l’arrière-pensée tactique d’un Premier ministre soucieux de se distinguer de son ministre d’État ? Ou peut-être encore l’opportunisme électoral d’un Gouvernement multipliant les effets d’annonce et répondant aux ultimes désirs de groupes d’intérêt – comme semble l’indiquer la présence d’une disposition censurée par le Conseil constitutionnel mais manifestement attendue par des sociétés d’intérim ?

Je ne doute pas de la sincérité de MM. Ollier, Dubernard et Larcher, et salue leur nostalgique évocation de la grande ombre. Toutefois, force est de constater l’écart entre vos propos sur l’émancipation et ce texte limité et régressif. La participation, telle que la concevait de Gaulle, méritait mieux qu’un texte de circonstance. À l’occasion du projet de loi sur l’épargne salariale discuté en 2001, les socialistes avaient précisé leur position : sous l’impulsion de notre collègue Balligand, nous avions rappelé que pour utile qu’elle puisse être, l’épargne salariale ne constituait pas la panacée permettant de résoudre tous les problèmes de l’économie et de la société françaises. Nous indiquions alors que l’épargne salariale ne devait pas servir de monnaie d’échange à la réforme des retraites par répartition ou se développer au détriment du salaire direct. Si l’épargne salariale a sa place dans une économie moderne, elle doit avoir pour contrepartie un nouveau compromis social entre actionnaires, dirigeants et salariés. C’est la voie – qu’il faudra bien un jour rouvrir – de la cogestion. Tracée à la Libération avec la création des comités d’entreprise, elle a été prolongée par les lois Auroux, les lois de nationalisation de 1981 et 1982 – lesquelles introduisaient la représentation des salariés dans les conseils d’administration, du reste maintenue à la demande des dirigeants après que les entreprises concernées ont été privatisées.

Il faut poursuivre l’effort en faveur d’un nouveau mode de gouvernance de l’entreprise, en généralisant la démocratie salariale et en favorisant les capacités d’expertise et de proposition des organisations représentatives. Face au capitalisme financier qui ressuscite les antagonismes de classes, il faut permettre aux salariés de se constituer en véritable contre-pouvoir.

Dans la majorité, certains voudraient aujourd’hui ressusciter l’antique doctrine de la participation comme projet de société, au terme d'une législature pourtant marquée par une offensive brutale contre les protections collectives et le droit du travail. En attestent la déconstruction du code du travail et la remise en cause permanente des acquis sociaux : loi Fillon sur les retraites, remise en cause des 35 heures, adoption du CNE, retour à l'apprentissage à 14 ans, CPE, CDD seniors… Jamais une telle agression contre la protection sociale et le droit du travail, jamais l'individualisation des situations et la division des salariés n'auront été à tel point mises au service du démantèlement de notre contrat social. Grâce à la politique équilibrée des gouvernements de gauche, les Français avaient commencé de se réconcilier avec leurs entreprises. Le dogmatisme libéral de la majorité actuelle les a déstabilisés. Il y a lieu de le regretter, car la France doit pouvoir compter sur la coopération des forces vives de la nation, dans le cadre d'un grand pacte social pour le progrès.

Dans le même temps, on constate une dégradation de la répartition des richesses, au détriment du travail et en faveur du capital, alors qu'entre 1997 et 2002 cette tendance avait été freinée, interrompue, puis inversée. L'injustice fiscale, l'explosion des profits des grands groupes, le scandale des rémunérations indécentes et des retraites dorées des maîtres du capitalisme financier ont prospéré, au moment où les Français constatent que leur pouvoir d'achat stagne, malgré la timide reprise de l'économie.

Or, la fiche de paie constitue bien la première des préoccupations de la grande majorité des Français. Le dernier chiffre disponible, calculé par le bureau d'information et de prévision économique, indique, pour cette année, une progression symbolique du niveau de vie, à hauteur de 0,5 %, près de cinq fois inférieure aux indices officiels de l'INSEE. L'indice du BIPE a le mérite de s'intéresser au revenu libéré, une fois que l'incontournable a été payé, soit les remboursements d'emprunts, les loyers, les charges liées au logement, les assurances et les transports. À cet égard, chacun sait que l'augmentation du prix des carburants pénalise lourdement les Français, depuis plusieurs mois. Le Gouvernement a nié cette état de fait et refusé catégoriquement de réintroduire la TIPP flottante. Moralité, il se trouve aujourd’hui réduit – par le biais d’un cavalier dans le présent texte – à créer le chèque transport, dont on mesurera très vite la portée essentiellement électoraliste.

Les dépenses incontournables explosent véritablement, puisqu’elles représentent aujourd'hui 39 % du revenu disponible brut, contre 33 % en 2004. Et ce sont les classes moyennes qui sont le plus fortement touchées. Au surplus, le BIPE n'est pas optimiste : 2007 ne devrait guère être plus réjouissant, avec une hausse attendue du pouvoir d'achat limitée à 0,6 %.

Par ce texte, le Gouvernement entend substituer l'épargne salariale et les mécanismes d'intéressement à une véritable politique salariale, ce qui crée une dangereuse confusion entre les deux outils. La participation n’a pas vocation à servir de cache-misère à l’indigence des salaires directs et ne doit pas concourir à entraver le dialogue social ou la conclusion d’accords salariaux. Le pays a besoin d’une nouvelle donne en matière de politique des revenus. Pour réduire les inégalités sociales et encourager la croissance, il faut améliorer immédiatement le pouvoir d'achat des petits et moyens revenus, via une augmentation significative du SMIC et la réunion d’une conférence salariale, chargée notamment d’envisager la diffusion de la hausse du SMIC aux autres salaires.

S’inspirant d’un rapport parlementaire que beaucoup ont cité, le Gouvernement promet la « participation pour tous ». Si Jean-Pierre Balligand a relevé les quelques mesures qui vont dans le bon sens, nous ne pouvons que déplorer que vous ne proposiez rien de probant pour réduire les inégalités entre salariés face a l'épargne. Aujourd’hui, dans le privé, un salarié sur deux n'est pas concerné par l'actionnariat salarié ; qu'en sera-t-il demain ? Les mécanismes que vous voulez mettre en place se concentrent essentiellement sur les grandes entreprises et les salariés déjà les plus aisés. Le seuil à partir duquel une entreprise serait tenue de mettre en place des accords de participation est fixé à 50 salariés, et aucune impulsion notable n'est prévue en faveur des TPE et des PME. En outre, l'obligation faite aux branches de négocier des accords de participation dans les trois années suivant la publication de la loi risque de pénaliser les salariés des entreprises qui disposent d'un plan d'épargne plus favorable que celui mis en place au niveau de la branche. L'extension de la participation que vous prônez ne bénéficiera ainsi qu'à une minorité. Or, l'écart de rémunération entre les salariés des grandes entreprises et des petites est déjà important, de même que celui entre les salariés des branches les plus dynamiques et les autres.

Sous couvert de favoriser l'épargne salariale, le projet de loi s'attache à démanteler sournoisement certains acquis sociaux. L'obligation d’ouvrir un plan collectif d'épargne pour la retraite faite aux entreprises disposant d'un plan d'épargne depuis plus de cinq ans va créer de la confusion entre épargne salariale et épargne retraite et dissimule mal la volonté du Gouvernement de donner la priorité au financement des retraites par capitalisation, au détriment de la répartition et de la solidarité nationale entre les générations.

Et que dire de l'incitation fiscale à affecter les sommes issues des comptes épargne-temps aux plans d'épargne d'entreprise ou aux plans d'épargne retraite, sinon que cela constitue une attaque contre la baisse du temps de travail et la retraite par répartition.

Vous promettez également de mieux associer les salariés à la gestion de leur entreprise. À cet effet, vous voulez rendre obligatoire la représentation des salariés actionnaires détenteurs de plus de 3 % du capital social de l'entreprise dans les conseils d'administration. En fait, une telle mesure ne bénéficierait qu'aux salariés des entreprises cotées, propriétaires d'actions. La mise en place d'une réelle participation commanderait que les salariés soient représentés en tant que tels, à travers leurs organisations syndicales représentatives, dans les CA et les conseils de surveillance de toutes les entreprises, et non pas seulement s'ils sont actionnaires.

Enfin, le débat sur les stock-options que nous aurons ici, à l'initiative d'Édouard Balladur, a pour unique ambition, selon la formule de l’ancien Premier ministre, de « sauver le libéralisme ».

Dépourvu de souffle, ce texte est devenu un fourre-tout, ce qui traduit la frénésie préélectorale d'un Gouvernement désireux de faire flèche de tout bois. D'où ces dispositions hétéroclites concernant l'ouverture de la Bourse aux clubs sportifs professionnels, le chèque-transport ou les modalités d’encadrement des activités des prud'hommes. D'où, surtout, ce titre III qui reprend et amplifie un certain nombre de remises en cause du code du travail et qui contredit les objectifs énoncés – sinon concrétisés – dans les chapitres précédents.

Mes chers collègues, nous déplorons tous l'abaissement du Parlement, soumis à l’hyperinflation de textes, le plus souvent dépourvus de portée pratique. Nous regrettons la dégradation du travail parlementaire par la multiplication de cavaliers, que le Conseil constitutionnel censure de plus en plus fréquemment lorsqu'ils adoptent la forme de l'amendement. Mme Boutin a dit ce qu’il fallait en penser.

Permettez-moi aussi de déplorer que se généralise, avec ce gouvernement, une entreprise de confusion sémantique qui sape les bases de la délibération, dérègle la discussion et subvertit les mots. C'est ce que George Orwell appelait le « Novlangue », langage dont les mots signifient exactement le contraire de ce qu'ils paraissent vouloir dire.

M. Alain Vidalies - Très bien.

M. Michel Charzat - Ainsi, on voit ce gouvernement remplacer les « contrats politique de la ville » par des « contrats urbains de cohésion sociale », pour tenter de masquer le retrait d'un grand nombre de territoires des dispositifs existants, comme on peut le déplorer dans les arrondissements populaires de Paris. Dans le domaine de l'éducation prioritaire, les réseaux et zones d’éducation prioritaires deviennent des réseaux « Ambition réussite » ou « Réussite scolaire », en vue de camoufler sous une rhétorique pompeuse la diminution des moyens et le recul de l’égalisation républicaine des chances.

Dans le titre III du présent texte, sous l'intitulé « Dispositions relatives au droit du travail », un chapitre premier est dédié à la sécurisation des parcours professionnels. Las, ce que George Orwell appelait le « Ministère de la Vérité » a encore sévi au sein du gouvernement Villepin, puisque ce chapitre s'attache, en fait, à organiser une précarité croissante pour les salariés et à déréglementer le droit du travail.

Au terme de la discussion générale, il apparaît – comme l'a démontré Alain Vidalies –, que les dispositions de ce chapitre vont encore flexibiliser le marché du travail, grâce aux nouveaux outils forgés pour contourner le droit du travail et la protection des salariés. Il en va ainsi de l'article 22 qui légalise le prêt de main-d'œuvre à but lucratif dans les pôles de compétitivité ; de l'article 23, qui crée le congé de mobilité sans aucune sécurité pour les salariés ; de l'article 24, qui réduit de deux à un mois de salaire la sanction pour les entreprises qui procèdent au licenciement pour motif économique d'un salarié sans proposer un contrat de transition professionnelle ; et, enfin, s’il est maintenu en l’état, de l'article 25, qui ouvre aux salariés à temps partiel la possibilité de recourir à l’intérim pour boucler leur fin de mois.

Une véritable sécurisation des parcours professionnels ne peut résulter que d'une large concertation avec les partenaires sociaux, lesquels, contrairement à ce que vous affirmez, n'ont pas été valablement consultés pour l'élaboration d’un texte auxquels ils sont majoritairement opposés. Les mesures concernant le droit du travail, discrètement introduites et unilatéralement conçues, démontrent, une fois encore, que votre gouvernement se contente de slogans jamais suivis d'effets. Des États nordiques, tels le Danemark, ont procédé à de longues négociations avant de s'atteler à de telles réformes. Et si le ministre de l'emploi s'est rendu dans ce pays, il semble n'en avoir retenu que la flexibilisation du travail, en ignorant les mesures de sécurité dont bénéficient les salariés danois.

Je rappelle que les précédents gouvernements socialistes avaient posé les bases de la réforme visant à sécuriser la situation des salariés, avec le bilan de compétences et la validation des acquis de l'expérience. En mars 2002, notre groupe a aussi déposé une proposition de loi tendant à garantir l'égal accès à l'éducation et à la formation tout au long de la vie. Il faudra aller plus loin, mettre en place une couverture professionnelle universelle, construite avec les partenaires sociaux, qui assurera les trois éléments majeurs du travail : l'emploi, une garantie de ressources et la formation professionnelle. Demain, nous devrons instaurer un droit individuel à la formation tout au long de la vie, d'autant plus élevé que la formation initiale aura été courte, et qui prendra la forme d'une carte Vitale professionnelle .

Régression sociale et précarisation étaient aussi la conséquence d'autres mesures scandaleuses de ce texte, heureusement écartées par les présidents et les rapporteurs des commissions saisies – mais pour combien de temps ? Ainsi en allait-il de la non-comptabilisation dans les effectifs des salariés temporaires des entreprises sous-traitantes en situation de détachement ou de mise à disposition, ou de l'encadrement du temps d’activité et des indemnisations des conseillers prud'homaux.

Vous êtes nombreux à penser, dans la majorité, que ce texte hétéroclite et contradictoire traduit l'abaissement et la dégradation de notre fonction de législateur (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). D’ailleurs, les présidents des commissions saisies ont proposé, fait sans précédent, d’en supprimer quinze articles, soit pour des raisons de forme, soit parce qu’ils n’étaient pas opportuns sur le plan politique.

Ce texte enfin contient des dispositions funestes qui menacent le principe d'égalité de traitement entre salariés. À cet égard, le futur congé de mobilité apparaît particulièrement pernicieux. Ce dispositif dispense les entreprises de mille salariés et plus de proposer un congé de reclassement à chaque salarié qu’elles envisagent de licencier. Alors que le congé de reclassement, issu du volet Prévention des licenciements économiques de la loi de modernisation sociale de janvier 2002, offrait des garanties importantes au salarié, le congé de mobilité, instaurant une nouvelle forme de rupture du contrat de travail dite « d'un commun accord », sans motif précisé, permettra de le congédier avec souplesse, en contournant les procédures de consultation des représentants du personnel en cas de licenciement collectif ou la procédure de l'entretien préalable en cas de licenciement individuel. Bref, ce congé de mobilité n'offre aucune sécurité légale aux salariés. Les conditions de sa mise en œuvre seront précisées dans les accords collectifs d'entreprise sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, lesquels peuvent déroger au droit du travail en matière de procédure de licenciements économiques collectifs. Enfin, les salariés pourront refuser ou accepter ce congé de mobilité. Dans la mesure où, au moment de leur décision, ils ignoreront les perspectives des futures restructurations ou délocalisations de l'entreprise, il pourra en résulter des situations différentes entre salariés disposant d’un contrat de travail similaire au sein d'une même entreprise, selon qu'ils auront ou non accepté ce congé. De même, une inégalité de traitement pourra naître entre salariés d'entreprises différentes au sein d'une même branche ou d'un même secteur d'activité, puisque l'accord de gestion prévisionnel des emplois dépend du rapport de forces local entre employeurs et organisations syndicales.

Le Gouvernement ne doit pas, une fois de plus, passer en force. Ce texte propose trop souvent le contraire des beaux titres qu’il met en exergue. Hétéroclite, contraire à la hiérarchie des normes, constitutionnellement douteux, il convient de le renvoyer en commission.(« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes Le terme « funeste » pour qualifier ce projet est assurément excessif – encore qu’au troisième ou quatrième acte des tragédies classiques, ce terme a parfois une signification relative (Sourires).

S’agissant du calendrier, je vous rappelle que ce texte a été engagé alors que M. Raffarin était Premier ministre et que M. Sarkozy était ministre de l’économie et des finances. Poursuivi sous deux gouvernements, il émane de toute la majorité, dont il traduit les valeurs.

Je le redis, la participation ne saurait se substituer à la politique salariale. Entre 2000 et 2005, sa part n’a d’ailleurs pas varié : elle représente toujours 6 % de la masse salariale. Il n’est pas bon, sur ce sujet, de nous opposer les uns aux autres car nous considérons, pour notre part, la loi Fabius relative à l’épargne salariale comme un acquis.

Comment pouvez-vous nous accuser de démanteler le code du travail alors que dans le volet « mutations économiques » de la loi de cohésion sociale, nous avons privilégié la négociation et réduit la différence de traitement entre les salariés des entreprises de plus et de moins de mille salariés ? Comment pouvez-vous prétendre que nous avons démoli l’ordre public social alors que nous avons mis en place le plan « santé au travail » et réorganisé la Direction générale du travail, en renforçant notamment le corps de contrôle, ce qu’aucun gouvernement n’avait fait depuis trente ans ?

Enfin, puisque vous avez évoqué le sujet de la validation des acquis de l’expérience, élément important de la sécurisation des parcours professionnels, sachez qu’en 2003, 3 000 procédures seulement avaient été engagées contre 60 000 cette année, et 120 000, nous l’espérons, l’année prochaine.

Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à repousser cette motion de renvoi en commission.

M. Jean-Michel Dubernard, président et rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales  Le ministre ayant répondu avec brio sur le fond, je me limiterai à des remarques de forme. La commission a commencé ses travaux le 11 juillet dernier et auditionné quarante-trois groupes de personnalités – des représentants de syndicats de salariés, de syndicats d’employeurs, d’administrations, des directeurs des ressources humaines, des juristes, mais aussi, et c’était peut-être le plus intéressant, des représentants des bureaux des élèves d’écoles d’ingénieurs et d’écoles de commerce.

M. Maxime Gremetz - Sup de Co !

M. le Rapporteur – Entre autres. La commission a tenu trois réunions dans un esprit très constructif pour examiner 240 amendements – M. Gremetz y a défendu les siens avec l’énergie qu’on lui connaît. La première a duré 1 heure 40, après l’audition des quatre ministres concernés par le projet de loi, la seconde deux heures, et une troisième a encore eu lieu au titre de l’article 88. Sur ces 240 amendements, nous en avons accepté 99, soit 40 %. Le débat en commission a donc bel et bien eu lieu.

Notre commission a par ailleurs travaillé en étroite concertation avec les deux commissions saisies pour avis, notamment la commission des affaires économiques, dont je salue le président. Beaucoup d’auditions ont été organisées de manière conjointe, expérience rare que les élus comme les administrateurs ont appréciée. Souhaitons qu’elle puisse se renouveler.

Pour toutes ces raisons, je vous invite à repousser cette motion de renvoi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Guy Geoffroy – Dans la défense de cette motion de renvoi, nous avons eu droit aux poncifs, aux contrevérités, aux affirmations gratuites, enfin à des contradictions majeures.

Au rang des poncifs, il y avait prétendre défendre le général de Gaulle, alors que vous l’avez toujours combattu, présenter ce qui est pour nous une grande et belle idée, toujours vivante, comme l’Arlésienne, la troisième voie qui se serait révélé une impasse, la nostalgique évocation de la grande ombre, l’antique doctrine. Autant de formules emphatiques qui ne résistent pas à l’analyse ! Jamais la gauche n’a pu accepter ce que proposait le général de Gaulle, à savoir mettre un terme, dans l’esprit de rassemblement qui a toujours été le sien, à l’antique confrontation de la lutte des classes dans laquelle, pour l’éternité, les patrons seraient des exploiteurs et les salariés des exploités. Le général de Gaulle avait bien compris, l’esprit de la Résistance étant passé par là, que l’avenir d’une société moderne exigeait certes la confrontation, parfois la négociation – gage d’efficacité et de progrès –, mais surtout la fin de cette vieille lune, car en voilà bien une, consistant à opposer, dans l’entreprise comme ailleurs, les uns aux autres. Contrairement à ce qu’a prétendu M. Charzat, la participation n’est ni une vieille lune, ni une impasse. C’est une véritable troisième voie que le général de Gaulle a ouverte, pour laquelle beaucoup a déjà été fait et sur laquelle il convient aujourd’hui d’aller plus loin, ce que permet ce texte.

Parmi les contrevérités et les affirmations gratuites, l’invocation du démantèlement du code du travail, la déréglementation du droit du travail…

M. Maxime Gremetz - C’est pourtant vrai.

M. Guy Geoffroy - Lorsque vous voulez critiquer la majorité, c’est votre leitmotiv, qui ne démontre rien !

Enfin, vous avez, en vain, tenté de démontrer l’incompatibilité entre la sécurisation des parcours professionnels et la nécessaire fluidité qui s’impose à tous et que certains – j’allais dire certaine, dans vos rangs à gauche – appellent de leurs vœux.

Vous avez enfin justifié le renvoi en commission au moment même où vous saluiez, comme il convenait, l’important travail mené par les deux commissions, qui a conduit les deux présidents-rapporteurs à solliciter et obtenir du Gouvernement la suppression de quinze articles qui avaient été ajoutés au texte initial. C’était prouver que votre propos n’était que de circonstance. Opportunisme électoral, disiez-vous ? On peut vous renvoyer le compliment.

Pour ma part, c’est à seize ans, en 1965, que, pour soutenir le général de Gaulle, j’ai adhéré à l’UNR-UDT, l’Union pour la nouvelle République, celle qui nous garantissait la paix, la prospérité et le progrès, et en même temps l’Union démocratique du travail qui soutenait la volonté du général de Gaulle, accompagné par René Capitant, Louis Vallon, Marcel Loichot, Yvon Morandat, de transformer les rapports sociaux d’une confrontation marxiste en une collaboration dans le respect mutuel et la dignité. Il n’y a qu’une seule cause qui vaille, disait le général de Gaulle, c’est celle de l’homme. Il traçait la piste que nous suivons encore aujourd’hui, et sur laquelle, grâce à ce texte, nous avancerons. C’est pourquoi le groupe UMP repoussera sans hésitation cette motion d’opportunisme électoral. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Balligand - Pompidou a liquidé la participation !

M. Alain Vidalies – La commission a travaillé longuement, mais de façon très encourageante, puisqu’elle a fait disparaître 15 articles. Qu’elle continue dans cette voie et toutes les difficultés disparaîtront.

Vous-même, Monsieur le ministre, avez répondu avec talent et compétence, mais en évitant les sujets qui fâchent, ou plutôt qui vous fâchent. C’est le cas de la question des effectifs ou des conséquences de la rupture du congé de mobilité. De même, nous devons débattre des stock-options. Mais dans la presse économique, on voit surtout que le ministre de l’économie ne sait qui suivre. Bref, tout cela pourrait alimenter notre travail en commission.

Et si j’hésitais, l’intervention de M. Geoffroy aurait suffi à me convaincre, tant est grande la contradiction entre le retour proclamé au gaullisme social et la tentative récente de nous imposer le licenciement sans motif ! Au moins, si vous voulez afficher des prétentions sociales, revenons un peu en commission, vous pourrez y faire votre examen de conscience !

Mme Anne-Marie Comparini - On peut certes, Monsieur Charzat, regretter de ne pas avoir débattu plus tôt de l’extension de la participation, regretter aussi que les avancées proposées ne soient pas plus marquées. Mais la culture de la participation se diffuse lentement, car les acteurs doivent se l’approprier. Depuis 1967, malgré des évolutions législatives, le cadre est inachevé. Pourquoi alors se priver de faire les pas que le texte nous propose de faire ? De plus, la participation est une des formes de la démocratie, et de démocratie, notre pays en manque un peu. Je ne voterai donc pas le renvoi en commission. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz - La commission ayant supprimé tant d’articles, si elle fait encore un effort, elle pourra ne garder ce que ce qui est positif, c’est-à-dire pas grand-chose.

Monsieur le ministre, je ne vous permettrai d’avancer aucune affirmation gratuite. Hier, vous me disiez qu’il ne s’agissait pas d’une question salariale. Mais que dit M. Borloo, lequel ne doit pas être très gaulliste ? À ce propos, je constate la véritable renaissance du gaullisme social autour de la participation. Comme c’est charmant… (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Présidente - Si vous voulez bien faire une explication de vote…

M. Maxime Gremetz - Madame, permettez que je dise ce que je veux. Je n’insulte personne. Avec le Président Debré, on peut utiliser ses cinq minutes !

Je constate donc la renaissance d’une grande tradition. Je rappelle donc que le général de Gaulle a dit que ceux qui exploitaient les travailleurs, ceux qui luttaient contre la France devaient être nationalisés. Si vous alliez jusque là, ce serait bien et vous n’auriez pas voté la privatisation de GDF.

Pour revenir à M. Borloo, l’enjeu, selon lui, est aussi de répondre aux revendications sur le pouvoir d’achat en partageant mieux les fruits de la croissance. Il est plus social que vous. Quand au Premier ministre, il parle, avec ce projet, d’une nouvelle étape pour la croissance du pouvoir d’achat. Alors mettez-vous d’accord ! En tout cas, si ce n’est pas une question salariale, je n’y comprends plus rien. Mais c’est bien de cela qu’il s’agit. J’ai montré hier combien en dix ans, le patrimoine financier s’est accru, tandis que le pouvoir d’achat augmentait lentement.

Et voilà que vous voulez nous faire le coup de la participation. Un beau mot assurément ! Seulement, la lutte de classes, ce n’est pas Marx qui l’a inventée, les travailleurs la vivent tous les jours, quand on licencie, quand on délocalise.

Mme la Présidente - Votre temps de parole est écoulé. Dites-nous si vous votez ou non la motion.

M. Maxime Gremetz - Je dis ce que je veux, Madame la présidente.

Mme la Présidente - En tout cas, vos cinq minutes sont écoulées.

M. Maxime Gremetz - Vous n’avez pas changé. C’est toujours la même chose ! Avec les présidents de droite je n’ai pas de problème, c’est toujours avec les présidents de gauche que j’en ai.

Mme la Présidente - Cela suffit, je passe au vote.

M. Maxime Gremetz - Et je vote cette excellente motion de renvoi !

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.

Mme la Présidente - J’appelle les articles du projet dans le texte du Gouvernement.

M. Maxime Gremetz - Après cette altercation, j’ai besoin d’une suspension de séance.

Mme la Présidente - Pour réunir votre groupe, je suppose ?

M. Maxime Gremetz - Exactement.

Mme la Présidente - Alors je vous accorde deux minutes.

M. Maxime Gremetz - Ne commencez pas ! Vous n’aurez pas le dernier mot !

Mme la Présidente - C’est moi qui dirige la séance ! Je ne tolère pas vos menaces.

La séance, suspendue à 22 heures 28, est reprise à 22 heures 30.

Mme la Présidente – J’appelle les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

AVANT L'ARTICLE PREMIER

Mme la Présidente – J’appelle l’amendement 105 2e rectification.

M. Maxime Gremetz - Rappel au Règlement…

Mme la Présidente - Monsieur Gremetz, j’ai annoncé l’amendement. Je vous donnerai la parole ensuite.

M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – L’amendement 105 2e rectification…

M. Maxime Gremetz – Le rappel au Règlement est de droit.

Mme la Présidente - Vous aurez la parole une fois l’amendement défendu, je vous l’ai dit.

M. Maxime Gremetz - Vous me prenez comme tête de Turc, je ne le souffrirai pas.

Mme la Présidente - Votre comportement est inacceptable. Je suspends la séance quelques instants.

La séance, suspendue à 22 heures 32, est reprise à 22 heures 35.

M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – La commission des affaires sociales a bien voulu reprendre à son compte, par l’amendement 105 2e rectification, une proposition que je lui avais faite au nom de la commission des affaires économiques. L’amendement, essentiel à la bonne compréhension du texte, tend à faire partager par tous la grande ambition qu’est la relance de la participation, en établissant qu’il s’agit d’un véritable projet de société, et non d’une simple ligne dans les comptes de l’entreprise. À cette fin est introduite la notion de « dividende du travail », qui associe à l’intéressement, à la participation, à l’actionnariat salarié et à l’attribution d’actions gratuites la gouvernance d’entreprise. L’ensemble forme un tout. C’est ce qu’avait conçu le général de Gaulle, mais ceux qui l’ont suivi aux affaires de l’État n’ont sans doute pas eu la volonté de faire aboutir son projet, sinon ce serait acquis. M. Balladur a fait un travail remarquable, mais les obstacles n’ont pas manqué. J’en ai certains en mémoire, pour avoir été, en 1969, aux côtés de Jacques Chaban-Delmas. J’appartenais à l’époque à son cabinet, et je partageais sa conviction qu’une « nouvelle société » était nécessaire, différente dans l’organisation de l’entreprise et dans les relations entre le travail et le capital. Je continue de croire que penser la condition salariale immuable est un déni de justice et une insulte à l’idée de progrès. Nous étions plusieurs, présents ici ce soir, à penser déjà de la sorte à l’époque.

Nous devons maintenant mettre l’accent sur nos idées en utilisant des mots assez forts pour leur donner l’impact nécessaire, sans quoi rien ne bougera. Il faut faire évoluer les mentalités des patrons et des salariés, mais aussi les mentalités au sein de certains groupes politiques qui siègent ici et qui refusent le progrès que nous voulons affirmer par le biais de la notion de « dividende du travail ». Il est légitime de rémunérer le travail par un salaire et le capital par un dividende. Il est légitime aussi que, lorsque des richesses nouvelles sont créées, elles soient partagées à due proportion, et que ce qui revient aux salariés prenne le nom de « dividende du travail ».

Cela existe déjà, me direz-vous. C’est exact, mais l’on sait la force des mots. Ce dont il s’agit ici, c’est de sacraliser la participation en tant qu’association du capital et du travail (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Tel est le sens de l’amendement, qui renforcera le texte en explicitant le projet de société qui le sous-tend. (Applaudissements sur certains bancs du groupe UMP)

M. le Rapporteur - La commission a adopté l’amendement que lui a proposé la commission des affaires économiques, à l’initiative de son président, pour consacrer la notion de « dividende du travail ». L’expression, qui a suscité un long débat, présente l’avantage d’associer deux notions jusqu’à présent irréconciliables, et elle fait sens. Enfin, l’amendement s’inscrit dans la continuité gaullienne : le 7 juin 1968, le général de Gaulle n’écrivait-il pas : « Il y a une troisième solution autre que la capitalisme et le socialisme ; c’est la participation, qui change la condition de l’homme » ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué Nous avons beaucoup échangé sur cet amendement commun aux deux commissions, et le Gouvernement donne un avis favorable, car au-delà de sa définition juridique et financière, le dividende est un symbole.

M. Maxime Gremetz - Nous sommes vraiment dans la politique des mots ! Le problème est qu’ils ne disent pas la vérité.

J’aimerais que l’on m’explique ce que peuvent bien être des dividendes du travail. Moi, je connais le travail d’hommes et de femmes qui créent des richesses. Sans eux, même avec les plus belles machines, il n’y a pas de production de richesses, pas de bénéfice et donc pas de dividende. Savez-vous que la part des salaires dans le PIB a diminué de 12 % pendant que celle du capital augmentait d’autant ? Si l’on veut vraiment remédier à cette situation, il faudra autre chose que l’intéressement ! Les primes d’intéressement concernent de toute façon très peu de gens, car, vous le savez bien, les filiales françaises des grands groupes s’arrangent pour ne pas apparaître en bénéfice ! Autant dire que ce texte ne rapportera pas un sou de plus aux 22,5 millions de salariés que compte notre pays.

Je note à ce propos que vous excluez du dispositif les fonctionnaires et tous les salariés des entreprises de moins de 50 salariés. Ce sera au bon cœur de ces dernières !

Partager plus justement les richesses ? Mais c’est tout l’objet des luttes que nous menons et qui se heurtent au refus des patrons d’augmenter les salaires. Ils préfèrent parler d’intéressement et de primes, car on ne paie pas de charges sur les primes et elles ne comptent pas pour les retraites !

Je veux bien reconnaître l’importance des symboles, mais les gens ne vivent pas de symboles ! Comment accepter que tant de salariés ne puissent plus s’en sortir, y compris des cadres, pendant que les grandes entreprises enregistrent des profits records, qui ne nourrissent plus l’investissement – ce n’est pas moi qui le dis, c’est la Banque de France – mais vont se placer en Bourse ?

Le groupe des députés communistes et républicains votera résolument contre cet amendement !

Mme Martine Billard - J’ai l’impression parfois d’être dans une assemblée virtuelle. Alors que le Président de l’Assemblée nous invite à faire des lois moins bavardes, nous voici face à un amendement très bavard ! Devons-nous fatalement tomber dans ce travers ?

J’ai entendu de grandes envolées lyriques sur la réconciliation du capital et du travail…

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Cela vous gêne que ce soit nous qui le fassions ?

Mme Martine Billard - Je ne pense pas que vous réconciliez quoi que ce soit ! Un rapport tout à fait officiel nous indique que les écarts entre les rémunérations des dirigeants des sociétés cotées ne dépendent nullement de critères de performances. Il faut savoir par ailleurs que dans les cinq premières entreprises du CAC 40, les rémunérations des dirigeants ont représenté quelque 72 millions pour 49 personnes, dont 59 millions pour les cinq présidents ! Cela fait plusieurs milliers de SMIC annuels… Alors, croyez-moi, vos grands discours sur la merveilleuse entente entre capital et travail auraient du mal à passer auprès des salariés payés au SMIC !

M. Alain Vidalies - Je reprends à mon compte les arguments qui viennent d’être avancés contre cet amendement incantatoire. Vous nous accusez parfois, Monsieur Ollier, de ne pas prendre en compte les réalités modernes, mais je note que vous ne prenez pas du tout en compte, vous, un phénomène très actuel : les LBO. Que deviennent la participation et l’intéressement en cas de LBO ? On sait que ces mécanismes ont pour effet d’accélérer la rémunération du capital et d’accélérer le processus de remboursement, le but étant de dégager du profit.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Comme il s’agit d’un amendement fondateur, je veux prendre le temps de répondre. Je comprends, Monsieur Gremetz, que vous n’arriviez pas à vous faire à l’évolution des mentalités et à participer à ce processus. Vous êtes en effet fidèle à la doctrine marxiste – je respecte d’ailleurs vos combats, même si je ne partage pas vos idées. Quoi qu’il en soit, cette fidélité à une doctrine passée vous empêche d’entrer dans cette modernité (M. Gremetz s’exclame) qui consiste à associer capital et travail. Comme le disait le général de Gaulle, la participation est une brèche ouverte dans le mur qui sépare les classes. Avec elle, nous pouvons changer la nature du dialogue social, tout en donnant plus de pouvoir d’achat aux salariés. Vous préférez croire au retour triomphant de la lutte des classes !

Vous dites que nous nous contentons de symboles, mais ce n’est pas vrai, car tous les éléments nouveaux qu’apporte le texte se solderont bien par des sommes réelles pour les salariés !

Je ne puis accepter que vous portiez ainsi le discrédit sur une mesure novatrice et résolument moderne. Le progrès est du côté de la majorité, le conservatisme du côté de l’opposition !

Mme Martine Billard - Votre modernité, c’est de parler pour ne rien dire !

M. Alain Vidalies - Et vous ne me répondez pas sur les LBO !

M. Maxime Gremetz - La modernité, nous dit M. Ollier… Mais quelle modernité ? Celle que connaissent les millions de chômeurs ou les sept millions de pauvres ? Celle que connaissent tous ces jeunes à qui l’on ne propose que des petits stages et de la précarité ? Pour ma part, je préfère me fier aux études du CERC : comment parler de modernité quand on apprend que depuis vingt ans, les salaires font du sur-place ?

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Je ne parlais pas de cela !

M. Maxime Gremetz – De quoi parlez-vous alors, quand vous dites que pour améliorer le pouvoir d’achat, il ne faut pas augmenter les salaires mais l’intéressement, ou quand vous parlez de l’association du capital et du travail ?

Je vous ai donné des exemples pour la Picardie…

M. Jean-Pierre Gorges - 35 heures !

M. Maxime Gremetz - Vous n’avez que ça à la bouche ! Votre modernité, c’est de revenir à la retraite à 65 ans, tant pis pour les jeunes qui attendent sans travail. Pour vous, les salariés n’ont qu’un droit, celui de travailler, de suer sous le burnous. Nous pensons qu’ils ont droit aussi à du temps, pour leur famille, pour leur culture.

Les chiffres, ce n’est pas moi qui les donne : c’est le CERC, la DARES, le ministère du travail. Contemplez donc la belle modernité des courbes de ces études, mesurez la différence du niveau des salaires entre 1980 et aujourd’hui, sachant que les salaires continuent à baisser et que 40 % des cadres eux-mêmes ont perdu du pouvoir d’achat ! Et maintenant, admirez donc les courbes des profits records… Ce n’est pas vers le progrès social qu’on va, vers une meilleure répartition des richesses, mais vers leur concentration au profit de quelques-uns qui les dilapident. Et de l’autre côté, c’est ceinture pour tout le monde.

Ne sentez-vous pas ce qui se passe dans le pays ? Ce que vous avez vu avec le CPE n’est pas terminé : le terreau est là, et ça va repartir avec GDF. Ne croyez pas que ce soit fini : je vous assure qu’on reparlera de GDF et d’EDF à l'Assemblée nationale d’ici les élections. Car c’est cela, votre association capital-travail : au lieu d’un grand service public, avec des salariés du public au service du public, on aura des prix de l’électricité qui augmentent et autant de pouvoir d’achat en moins ! Votre grande modernité n’est pas celle du général de Gaulle.

Mme la Présidente - Monsieur Gremetz…

M. Maxime Gremetz - J’ai cru à la participation, à une époque, mais ensuite, je l’ai vécue. Je travaillais comme métallo chez Ferodo, devenue Valeo – un grand groupe ! Parce que j’ai monté des syndicats, j’ai été licencié par un ministre du travail, contre l’avis du comité d’entreprise et de l’inspecteur du travail. Pourtant, j’aurais pu me croire un petit peu propriétaire de mon entreprise…

Mme la Présidente - Monsieur Gremetz…

M. Maxime Gremetz - On m’a licencié, on m’a chassé de ma maison ! Comment voulez-vous que je croie aujourd’hui à la participation ?

Les amendements 105 2e rectification et 3 rectifié, mis aux voix, sont adoptés.

M. Maxime Gremetz - Je demande une courte suspension de séance.

Mme la Présidente - Vous avez deux minutes.

La séance, suspendue à 23 h 5, est reprise à 23 h 7.

article premier

M. Maxime Gremetz – L'article premier vise à assurer une meilleure redistribution des richesses créées par le travail, par l’institution d’un « dividende travail ». Le constat est donc fait : des richesses existent et doivent retourner à ceux qui les créent, les travailleurs, manuels ou intellectuels, qui sont les laissés-pour-compte de la croissance depuis cinq ans.

Ce qui marque le plus le monde du travail aujourd’hui, avec le chômage, c’est le niveau très faible des salaires et la perte de pouvoir d'achat montrée par toutes les études, chiffrée par les organisations syndicales entre 5 % et 7,5 %. Quant aux cadres, plus de 40 % d'entre eux ont perdu du pouvoir d'achat, ce qui explique que le malaise et la colère ont débordé des catégories ouvrières. Cette baisse s'accompagne de fortes disparités, en raison d'une individualisation croissante des rémunérations due notamment au recours à la participation financière et à l'intéressement. Une étude de l’INSEE confirme cette réalité.

Il n’est plus tolérable que l’opulence cohabite ainsi avec l'indigence. Une étude de la Banque de France, publiée au mois d'août, conclut d'ailleurs à une situation « sans précédent, paradoxale et lourde de conséquences ». Cette étude précise que les profits des entreprises sont à leur plus haut niveau depuis des décennies et qu’ils dépassent 10 % du PIB. Les cent premières sociétés cotées disposent de plus de 1 100 milliards de dollars de liquidités – un niveau sans précédent – et les actifs liquides représentent 9 % du total de leur bilan. L’étude précise que les entreprises ne savent pas quoi faire de leur argent et qu’elles privilégient les placements financiers sur les investissements physiques. Ce n’est pas de moi !

Si nous voulons revaloriser le travail, il faut mieux le rémunérer, mais par une rémunération directe. Une prime peut être supprimée à tout moment. On ne peut avoir comme projet de société de remplacer le salaire par le revenu ! Avec cet article, vous renforcez le caractère aléatoire et flexible de la rémunération. Ce projet de loi répond aux exigences – de plus en plus fortes en attendant les élections – du Medef, dont l’objectif est de briser le mécanisme salarial, ses négociations, ses grilles conventionnelles et son droit ouvert à la protection sociale, pour lui substituer des formes flexibles d'intéressement, de participation et d'actionnariat – quand ce n'est pas du subventionnement sur fonds publics, comme la prime pour l'emploi. Pourquoi serait-il possible de distribuer de l’argent sous forme de dividendes et pas de salaire ? Pourquoi la sacro-sainte compétitivité des entreprises imposerait-elle la rigueur salariale mais pourrait-elle s'accommoder de largesses en matière d'intéressement ?

Sans compter les inégalités de traitement que ces mécanismes engendrent : comme l'étude de l'INSEE de la semaine passée le révèle, les ouvriers sont les moins bien lotis. Parmi ceux qui ont accès à l'épargne salariale, 25 % perçoivent moins de 320 euros, soit trois fois moins que la tranche la moins favorisée des cadres.

M. Jean-Pierre Gorges - 35 heures !

M. Maxime Gremetz - Le constat est à peu près identique pour les employés. Or, ces compléments de rémunération ne cessent de se développer, parfois au détriment des salaires. La part de l’intéressement dans la masse salariale des entreprises est passée de 3,1 % en 1996 à 4,5 % en 2003, et celle de la participation de 3,8 % à 4,6 %. Autrement dit, la structure de rémunération se déforme et les entreprises préfèrent verser des primes, qu’elles peuvent supprimer à tout moment, plutôt qu’augmenter les salaires.

Toutes ces études sont récentes et, au nom de la modernité, il serait temps que vous en preniez connaissance.

M. le Rapporteur – Je me félicite que l’Assemblée vienne de consacrer la notion de « dividende du travail ». Pour la mettre en œuvre, l’article premier précise les conditions de versement au salarié d’un supplément de participation ou d’intéressement, sur décision du conseil d’administration ou du directoire. Le dialogue souhaité par le ministre en sera ainsi renforcé. Prenons la mesure de cette innovation : aujourd’hui, les règles comptables interdisent à toute entreprise enregistrant des résultats supérieurs à ses estimations de les reverser aux salariés au titre de la participation ou de l’intéressement. La formule actuelle de la participation, qui date de 1967, est rigide ; ne peut y déroger que l’entreprise qui en adopte une autre garantissant au moins les mêmes résultats – autant dire qu’en pratique, c’est rare : seuls 10 % des accords sont dérogatoires.

En outre, des études de l’INSEE montrent combien la formule de calcul est difficile à réformer.

M. Maxime Gremetz - Lesquelles ? Citez-les moi !

M. le Rapporteur – Je vous en ferai parvenir le détail. M. Godfrain l’explique dans son rapport de septembre 2005 : la solution n’est pas de s’engager dans un débat sur la formule de participation. Le versement d’un supplément est une bien meilleure solution : il améliore le pouvoir d’achat des salariés tout en contribuant au financement de l’entreprise.

J’en viens à l’amendement 263, de portée rédactionnelle. Il vise à placer le dividende du travail dans le chapitre du code du travail consacré à l’intéressement, et non au plan d’épargne.

M. Gérard Larcher, ministre délégué – Avis favorable.

L'amendement 263, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 78 rectifié répond à une préoccupation qu’ont exprimée de nombreuses personnalités entendues par la commission. En effet, pourquoi confiner le versement d’un supplément d’intéressement dans les limites qui s’appliquent d’ordinaire au seul intéressement ? Il faut néanmoins prévoir un dispositif financièrement équilibré, pour les salariés comme pour l’entreprise. Cet amendement constitue donc une voie moyenne entre deux impératifs : d’une part, affranchir le supplément d’intéressement du plafond de 20 % de la rémunération annuelle brute du salarié et, d’autre part, soumettre, comme c’est déjà le cas, la somme des primes d’intéressement de chaque salarié à la moitié du plafond annuel de la sécurité sociale. C’est une solution réaliste et bien plus simple qu’elle n’en a l’air.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Mon amendement 306 rectifié, identique, illustre l’accord des deux commissions sur ce sujet.

M. Gérard Larcher, ministre délégué Sagesse. Je lève le gage en cas d’adoption.

Les amendements identiques 78 2e rectification et 306 2e rectification, mis aux voix, sont adoptés.

M. Maxime Gremetz - En proposant qu’une entreprise ayant réalisé plus de bénéfices que prévu puisse verser un supplément d’intéressement à ses salariés, vous dénaturez la notion même d’intéressement. L’article L. 441-3 du code du travail précise que les primes d’intéressement doivent être versées au plus tard le dernier jour du septième mois suivant la clôture de l’exercice, afin d’éviter que des délais trop longs ne nuisent à l’objectif initial de motivation des salariés. Les sommes leur revenant au titre de l’intéressement leur sont donc versées immédiatement, sans délai de blocage ni obligation d’affectation à un plan d’épargne.

Dès lors, pourquoi imposer l’affectation du supplément d’intéressement à un plan d’épargne entreprise ? Vous contrevenez ainsi au principe de libre affectation de l’intéressement, ainsi qu’à la liberté de jouissance immédiate puisque le plan sera bloqué pendant cinq ans. Comment pouvez-vous défendre votre dividende du travail au nom de la redistribution des richesses et, dans le même temps, le bloquer sur un plan d’épargne aléatoire ? L’amendement 51 vise donc à supprimer la dernière phrase de l’alinéa 5, afin que la prime d’intéressement reste versée dans les conditions actuellement prévues par la loi.

M. le Rapporteur – Cet amendement est satisfait par notre amendement 79 qui ouvre la possibilité d’affecter ces sommes à un plan d’épargne d’entreprise, à un plan interentreprises ou à un plan d’épargne pour la retraite collectif. Vous avez raison : il est inutile de créer un dispositif trop rigide de fléchage des sommes.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Je souhaite que M. Gremetz retire son amendement, car son adoption priverait les salariés de la possibilité de disposer immédiatement de ces sommes. L’amendement 79, lui, permet l’affectation comme la perception.

J’en profite pour rendre un hommage particulier à M. Raffarin qui – bien qu’il vienne d’une famille politique un peu différente de la mienne – m’a répondu favorablement lorsque l’Assemblée a posé la question de la création du dividende du travail et a tout fait pour permettre sa mise en œuvre. M. de Villepin et son gouvernement ont ensuite reprise le flambeau, mais M. Raffarin a alors accompli un travail remarquable.

M. Maxime Gremetz - On se croirait à la veille de la dissolution de l’Assemblée…

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée Le Gouvernement préfère la rédaction de l’amendement 79. Avis défavorable sur l’amendement 51.

M. Jean-Pierre Balligand - Les remarques de Maxime Gremetz sont pertinentes, car le texte du Gouvernement tendait à introduire une contrainte peu conforme à l’esprit de la participation. Cependant, la proposition de la commission semble intelligente et il serait raisonnable de la retenir.

M. Maxime Gremetz - Au bénéfice de ces explications, je retire mon amendement au profit de l’amendement 79 de la commission des affaires culturelles.

L’amendement 51 est retiré.

M. le Rapporteur – Comme nous venons de le dire, cet amendement 79 vise, dans un souci de diversification des possibilités offertes au salarié, à élargir les possibilités d’affectation du supplément d’intéressement à la réalisation d’un PEI ou d’un PERCO. Par ailleurs, il laisse de la souplesse en renonçant à l’idée de « fléchage » obligatoire des montants versés vers les plans d’épargne. Le salarié doit pouvoir rester libre de ces affectations.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques - Notre commission est favorable à cet amendement.

M. Gérard Larcher, ministre délégué Également favorable.

M. Maxime Gremetz - En ne prévoyant que trois possibilités d’affectation – PEE, PEI ou PERCO –, ne maintient-on pas une forme de « fléchage » obligatoire ?

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Non. Il est entendu que le salarié peut aussi libérer les sommes perçues et en disposer immédiatement. Par contre, s’il choisit de les placer – et ce n’est donc pas une obligation –, il peut les affecter à la réalisation d’un PEE, d’un PEI ou d’un PERCO. Un peu rigide dans le texte initial du Gouvernement, le dispositif gagne en souplesse et en efficacité.

M. Maxime Gremetz - Il me semble que nous sommes d’accord sur le fond, mais que la rédaction proposée prête à confusion. La possibilité pour le salarié de disposer des sommes comme il l’entend n’apparaît pas clairement. On pourrait croire qu’il est forcé de les affecter à la réalisation de l’un des trois plans d’épargne.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Nous devons retenir une rédaction juridiquement acceptable.

M. Maxime Gremetz - Faisons en sorte de rendre le droit compréhensible pour tous. Rien n’interdit d’écrire dans la loi que les salariés peuvent disposer immédiatement de ces sommes.

M. Alain Vidalies - Pourquoi ne pas faire un sous-amendement de séance tendant à dire que ces sommes peuvent « notamment » – au lieu d’« alors » – être affectées à la réalisation d’un PEE, d’un PEI ou d’un PERCO ? (Assentiment sur tous les bancs)

Mme la Présidente - Du fait de ce sous-amendement de séance, l’amendement 79 est ainsi rectifié : « Ces sommes peuvent notamment être affectées à la réalisation d’un plan d’épargne d’entreprise, d’un plan d’épargne interentreprises ou d’un plan d’épargne pour la retraite collectif ».

Mme Christine Lagarde, ministre déléguéeFavorable à cette rédaction.

L'amendement 79 ainsi rectifié, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente - À l’unanimité.

M. Jean-Pierre Balligand - Il me semble utile de préciser que, bien entendu, si le salarié choisit de les percevoir directement au titre de son intéressement, les sommes sont imposables immédiatement, alors que s’il les affecte à un plan d’épargne, l’imposition n’intervient qu’au moment de leur sortie.

M. Maxime Gremetz - Pour nous, tout système de participation ou d’intéressement doit être conditionné à l’existence d’un accord préalable sur l’augmentation des salaires. On ne doit pas utiliser l’actionnariat, l’intéressement, les primes ou la distribution d’actions pour éviter d’augmenter les salaires. Il ne doit pas y avoir d’arbitrage entre la participation et l’augmentation des salaires, car si l’on suit cette logique, le pouvoir d’achat des salaires va continuer de se dégrader. Il faut stopper la tendance selon laquelle l’augmentation des salaires peut être sacrifiée au profit d’une forme flexible de rémunération. La modération salariale dont sont aujourd’hui victimes les salariés est en partie due au développement de ces formes de redistribution – comme l’atteste un rapport récent. En témoigne l’évolution de la part de ces versements dans la masse salariale des entreprises qui en usent : celle de l’intéressement est passée de 3,1 % en 1996 à 4,5 % en 2003 et celle de la participation de 3,8 % à 4,6 %. Dans son rapport, M. Dubernard ne dit pas autre chose : La participation financière, note-t-il, constitue d’ores et déjà une source de revenu importante pour les salariés. Le dernier rapport du Conseil supérieur de la participation – pour l’année 2004-5005 – montre que le nombre de bénéficiaires – 6,3 millions de salariés en 2004 – a augmenté de 250 000 en une année, et qu’après un tassement en 2003, les sommes distribuées au titre de la participation repartent à la hausse pour atteindre un montant de 11,6 milliards en 2004, soit une augmentation de 8,7 % par rapport à 2003.

La part des heures supplémentaires, des primes et des compléments de salaire dans la masse salariale atteint 13 % en 2004, augmentant pour la troisième année consécutive, alors que, dans le même temps, le pouvoir d’achat des salaires a diminué de plus de 5 %. La structure des rémunérations se déforme et les entreprises ont de plus en plus tendance à verser des primes d’intéressement et de participation plutôt que d’augmenter les salaires.

En vue d’y remédier, notre amendement 52 vise à éviter que les suppléments de participation ou d’intéressement ne se substituent à des augmentations de salaires. À cet effet, il demande de n’autoriser le versement d’un dividende du travail que si un accord majoritaire – seul type d’accord démocratique à nos yeux – est intervenu, au terme d’une négociation effective, en vue d’augmenter les salaires. Tel est le sens de notre proposition constructive.

M. le Rapporteur – Je ne suis pas convaincu par l’argumentation de M. Gremetz. En mêlant participation et négociation salariale, vous créez, cher collègue, une confusion malvenue. Je rappelle que le Gouvernement, et M. Larcher en particulier, s’attache à faire évoluer le dialogue social et j’espère bien que nous aurons à débattre d’un texte à ce sujet.

Ce mélange des genres est tout à fait étranger à l’idée même de participation, beaucoup plus ample. Qu’il s’agisse de participation aux résultats de l’entreprise, à son capital ou à sa gestion, nulle part on ne retrouve cette ambiguïté.

J’y insiste, le développement de la participation ne s’oppose pas à l’évolution des rémunérations. Preuve en est qu’au cours des dernières années, les salaires, notamment les plus bas d’entre eux, ont augmenté, en même temps qu’augmentaient les sommes versées au titre de la participation. À combien est aujourd’hui le SMIC ? À combien était-il il y a quatre ans ?

M. Maxime Gremetz - Il n’est pas question ici du SMIC.

M. le Rapporteur – Une étude du ministère de l’emploi en juillet 2006 montre que de 2003 à 2005, le SMIC a augmenté de 5,5 % par an contre 3,2 % de 2000 à 2002.

Enfin, il est pour le moins paradoxal de chercher, pour des raisons idéologiques, à entraver un processus qui a permis à quelque 8,3 millions de salariés de toucher 1 990 euros en 2004 et 1 830 euros en 2003.

M. Maxime Gremetz - Ce n’est pas de l’idéologie, ce sont des faits.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement.

M. Gérard Larcher, ministre délégué Cet amendement porterait atteinte à la liberté de négociation prévue à l’article L. 132-12 du code du travail pour les branches régies par une convention.

M. Maxime Gremetz - C’est la meilleure !

M. Gérard Larcher, ministre délégué La participation, l’intéressement et l’abondement des plans d’épargne d’entreprise, qui bénéficiaient à 7 163 000 salariés en 2000, profitaient à 8 194 000 d’entre eux en 2004.

M. Jean-Pierre Balligand - Il y avait eu entre-temps l’excellente loi Fabius.

M. Gérard Larcher, ministre délégué Tout un ensemble de textes adoptés depuis 1967 a permis cette évolution.

Les sommes versées au titre de la participation, sous ses diverses formes, ont peu varié par rapport à la masse salariale, dont elles représentaient 6,5 % en 2000, 6,7 % en 2001, puis de nouveau 6,5 % en 2002 et en 2004. Il n’y a eu aucun dérapage. La convergence des différents SMIC s’est traduite par un gain de pouvoir d’achat de 11 %, lequel a d’ailleurs conduit à un tassement des classifications et des grilles qui devront être révisées plus souvent. Le délai de cinq ans prévu par le code du travail est désormais trop long. L’attractivité d’une filière professionnelle passe aussi par l’espoir de pouvoir y réaliser une carrière. Les secteurs du bâtiment et des travaux publics, qui cherchent à attirer les jeunes, développent d’ailleurs actuellement une politique salariale et une politique de formation offrant des perspectives de carrière. Voilà pourquoi nous ne pouvons pas être favorables à cet amendement.

Mme la Présidente – Sur l’amendement 52, je suis saisie d’une demande de scrutin public par le groupe communiste et républicain.

M. Maxime Gremetz – J’ai été assez longtemps délégué du personnel pour savoir qu’il est impossible de distinguer dans les négociations salariales entre salaires et primes d’intéressement. D’ailleurs, face à des revendications salariales importantes, les patrons s’en tirent toujours en promettant une prime d’intéressement !

Vous m’objectez que les conventions collectives prévoient une négociation obligatoire. Mais enfin, combien de fois faut-il saisir le directeur départemental ou régional de l’emploi pour que s’ouvrent ces négociations salariales prétendument « obligatoires » ? Après un tassement en 2003, les sommes distribuées au titre de la participation sont reparties à la hausse en 2004 pour atteindre 11,6 milliards d’euros, ce qui représente une augmentation de 8,7 %. Elles progressaient donc dans le même temps où le pouvoir d’achat des salaires diminuait, y compris pour 40 % des cadres. La participation ne saurait pourtant que s’ajouter au salaire, seul fruit pérenne du travail.

Si cet amendement vous gêne, c’est que notre crainte est fondée. Dites alors clairement que vous souhaitez privilégier l’intéressement et la participation, qui ne concernent pourtant que huit millions de salariés sur vingt-deux millions. Si vous n’acceptez pas cet amendement, tous vos grands discours sur la philosophie de ce texte voleront en éclats, ce qu’ils font déjà à l’épreuve des faits.

À la majorité de 20 voix contre 1, sur 21 votants et 21 suffrages exprimés, l’amendement 52 n’est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Compte tenu du coup au cœur que vient de me porter le résultat de ce vote, je demande une suspension de séance.

Mme la Présidente - Je vous accorde une minute, le temps de vous refaire une santé.

M. Maxime Gremetz - Respectez les groupes, Madame la présidente. Si vous ne m’accordez qu’une minute, je récupérerai largement par la suite le temps que je souhaite.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Chantage !

Mme la Présidente - Je suppose que vous souhaitez réunir votre groupe, Monsieur Gremetz. Nos débats sont intéressants. Il serait dommage de les gâcher.

M. Maxime Gremetz – C’est vous qui les gâchez en ne m’accordant qu’une minute.

Mme la Présidente - Je vous accorde trois minutes.

La séance, suspendue à 23 heures 58, est reprise à 0 heure 2 le jeudi 5 octobre.

M. Alain Vidalies - Rappel au Règlement pour éviter toute interprétation politique du fait que le groupe socialiste n’a pas pris part au vote sur l’amendement 52. En fait, nous soutiendrons ultérieurement un amendement de même philosophie. Mais l’amendement 52 donnait en quelque sorte le résultat de la négociation en mentionnant déjà une augmentation de salaire de 5 %.

M. Maxime Gremetz - C‘est un principe intangible qu’un supplément au titre de l’intéressement ou de la participation ne peut se substituer à une augmentation de salaire conventionnelle. L’article L. 441-4 du code du travail dispose bien qu’un tel supplément ne peut se substituer à aucun élément de salaire existant. Mais vous introduisez une nouvelle norme juridique avec le dividende travail. Notre amendement 53 étend la garantie de non-substitution dans ce cas. Lors de la création, dans le PLFSS pour 2006, d’un bonus de 1 000 euros, le Gouvernement avait fait voter un amendement du même ordre que celui que nous proposons.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé cet amendement. Il est inutile, voire inopportun car il alourdit le texte. Le principe de non-substitution dans le cas de l’intéressement et de la participation a été consacré par l’article L. 441-4 ainsi que par la Cour de cassation dans une jurisprudence constante. Elle rappelle régulièrement que la participation ne peut être assimilée à un salaire, en particulier pour empêcher que par cette pratique, on prive un salarié de droit à participation. Au passage je signale qu’un salarié licencié pour faute grave a droit à la participation pour l’exercice en cours.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Avis défavorable pour les mêmes raisons. Les règles légales de non substitution à des éléments salariaux s’appliquent à l’intéressement et à la participation. L’ensemble des membres du conseil supérieur de la participation y est très attaché.

M. Maxime Gremetz - J’ai rappelé le même principe. Actuellement, la substitution est bien interdite. Mais vous introduisez une nouveauté juridique, le dividende travail. Les dispositions du code du travail et la jurisprudence ne s’y appliquent pas. Encore une fois, quand le même problème s’est posé pour le bonus de 1 000 euros dans le PLFSS pour 2006, on a apporté la précision que je demande. Pourquoi ne pas le faire ici ? Revenir à l’esprit du général de Gaulle ne vous rend pas infaillibles dans la rédaction. Soyez plus modestes.

J’insiste pour que le ministre me réponde !

M. Gérard Larcher, ministre délégué Je confirme mon avis défavorable. Le dividende travail n’est pas une notion juridique stricto sensu mais une appellation générique.

M. Maxime Gremetz - On en reparlera !

L'amendement 53, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Balligand - Notre amendement 13 dispose que le versement d’un supplément de participation ou d’intéressement décidé de manière unilatérale par l’employeur ouvre de droit, dans les trois mois, une négociation visant à la conclusion d’un accord de participation. La philosophie de la participation est la négociation, non l’action d’une seule des deux parties.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé l’amendement pour les raisons déjà dites. Il existe d’autres dispositions visant à promouvoir la négociation collective ; point n’est donc besoin de rigidifier et de compliquer le système proposé, d’autant que les versements de suppléments de participation et d’intéressement ont leur logique propre, qui n’est pas celle de la négociation salariale. La disposition proposée est contraire à l’esprit du texte.

M. Gérard Larcher, ministre déléguéPourquoi créer une obligation alors que les partenaires sociaux ont toujours loisir d’engager une négociation ? Cette disposition pourrait même avoir l’effet contreproductif de dissuader du versement envisagé. Avis défavorable.

M. Alain Vidalies - Votre propos me paraît manquer de cohérence. Comment pouvez-vous à la fois évoquer les bienfaits de l’association capital-travail et ne pas accepter l’ouverture de négociations sur la base des possibilités nouvelles ouvertes par le versement d’un dividende exceptionnel ? Soit vous encouragez le dialogue social, soit le dispositif relève d’une décision unilatérale de l’entreprise. Comme ce n’est pas ce que dit votre texte, l’adoption de l’amendement en renforcerait la cohérence en réparant un oubli.

L'amendement 13, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Balligand - Nous avons entendu de longues incantations sur la participation. Elle est, de fait, plus égalitaire que l’intéressement, puisque ce dernier reflète l’éventail des salaires. Nous demandons donc, par l’amendement 14, que dans le cas où l'entreprise dispose à la fois d'un accord de participation et d'un accord d'intéressement, le supplément ne puisse, sauf accord conclu avec les représentants du personnel, concerner que la réserve spéciale de participation. À défaut, les inégalités salariales au sein de l'entreprise se creuseraient.

M. le Rapporteur – La commission, parce qu’elle ne souhaite ni rigidifier ni compliquer le dispositif, a repoussé l’amendement. De plus, la loi de mai 2004 a articulé participation et intéressement en prévoyant qu’une entreprise dans laquelle un accord d’intéressement est en vigueur n’est pas obligée de mettre au point un accord de participation. Il est dans l’intérêt de tous, salariés et entreprises, de laisser les partenaires sociaux se déterminer.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Avis défavorable. Il faut préserver la liberté des partenaires sociaux, et garder à l’esprit que des obligations excessives pourraient conduire les entreprises à renoncer à utiliser le nouveau dispositif. Nous analyserons la manière dont les choses se mettent en place, étant entendu que la répartition est le fruit d’un accord d’entreprise.

M. Alain Vidalies – Nous traitons précisément du cas où l’affectation du supplément ne résulterait pas d’un accord d’entreprise, et demandons que dans cette hypothèse l’entreprise privilégie la participation, qui favorise les plus modestes. Il y a tout intérêt à inscrire cette disposition dans le texte.

M. Maxime Gremetz - En résumé, on n’entend plus qu’une seule réponse : « Nous ne voulons pas rigidifier, nous voulons plus de flexibilité » !

L'amendement 14, mis aux voix, n’est pas adopté.
L'article premier, modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE PREMIER

M. Maxime Gremetz - Avec l’amendement 54, nous revenons avec cohérence, ténacité et pugnacité, sur un principe auquel nous tenons, celui de l’accord majoritaire. Les dispositifs que vous proposez contrarient les augmentations de salaire, et tendent à faire dépendre pour partie la rémunération des salariés de résultats des entreprises, dont on sait qu’ils sont toujours présentés comme mirifiques à l’extérieur mais misérables en interne. Il faut donc renforcer la légitimité des accords qui institueront ces mécanismes en les soumettant à l’accord majoritaire. On ne peut multiplier les discours sur la participation sans aller vers une démocratie sociale solide et rénovée.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Combien y a-t-il de salariés en France ?

M. Maxime Gremetz - 22 millions.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Combien sont syndiqués ?

M. Maxime Gremetz – Serait-ce que, comme Mme Royal, vous voulez syndiquer les salariés de force ? Pour ma part, je suis pour la liberté, et je considère que se syndiquer est un acte courageux qui implique un engagement et doit rester volontaire. Mais si les accords étaient signés par les organisations représentant la majorité des salariés, ce qui est l’ABC de la démocratie, nul doute que de nombreux salariés éprouveraient le besoin d’adhérer à une organisation syndicale. Par ailleurs, combien y a-t-il d’adhérents à l’UMP ?

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Trois cent mille.

M. Maxime Gremetz - Pour 65 millions de Français ! Que représentent-ils ?

M. le Rapporteur – La commission a repoussé cet amendement, car elle considère que la participation doit se situer en dehors du dialogue social…

M. Maxime Gremetz - Ah bon ?

M. le Rapporteur – Dialogue social, auquel nous sommes très attachés et auquel le ministre consacre une grande partie de son temps. Pourquoi revenir sur les équilibres qui ont été trouvés dans la loi de 2004 sur le dialogue social et la formation professionnelle tout au long de la vie et qui ont fait l’objet d’une position commune des partenaires sociaux ?

M. Maxime Gremetz - Ce n’est pas vrai.

M. le Rapporteur – J’ajoute que M. Hadas-Lebel a remis un rapport et qu’une concertation s’est engagée sur ces thèmes, qui feront bientôt, je l’espère, l’objet d’un texte de loi.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - C’est la loi du 4 mai 2004 qui a fait évoluer le principe de la validité des accords. Je rappelle que les partenaires sociaux peuvent choisir la voie de l’accord majoritaire. S’ils ne la choisissent pas, il existe un droit d’opposition. Cette même loi a prévu un bilan d’étape en 2007.

En janvier dernier, le Premier ministre a commandé à M. Hadas-Lebel un rapport sur ces questions – représentativité, validité des accords, financement de la vie syndicale et des organisations professionnelles. M. Hadal-Lebel l’a présenté en mai à la Commission nationale de la négociation collective, après quoi le Conseil économique et social a créé un comité temporaire de suivi de ces sujets. Je crois que nous devons donner du temps au dialogue et respecter le temps de la concertation. Le Parlement tranchera le moment venu.

Compte tenu de cet état des lieux, Monsieur Gremetz, je souhaiterais que vous retiriez votre amendement, qui est prématuré.

M. Alain Vidalies - J’espère que nous pourrons vraiment débattre de ces sujets, sur lesquels on nous annonce régulièrement un texte. L’avenir de la démocratie sociale est une question majeure, qui sera de toute façon au centre des débats démocratiques des prochains mois. Nous sommes quant à nous favorables à l’application partout de l’accord majoritaire et à des élections permettant de déterminer la représentativité des différentes organisations syndicales. Contrairement à ce qu’a fait M. Fillon lorsqu’il a décidé que la majorité ne se calculerait pas à partir du nombre de suffrages obtenus mais sur la base du nombre d’organisations déclarées par un décret de 1966, la représentativité doit sortir d’un vote, pas d’un décret ! L’affirmer par un amendement n’a rien de prématuré.

M. Maxime Gremetz - Nous sommes sur les mêmes positions et nous avons toujours dit, y compris quand la gauche était au pouvoir, qu’il fallait appliquer le principe de l’accord majoritaire et respecter ce faisant un principe élémentaire de la démocratie. Accepterait-on que deux cinquièmes des députés de l’Assemblée puissent l’emporter ? La loi Fillon a certes accepté l’accord majoritaire au niveau de l’entreprise, mais au niveau de la branche, il suffit pour qu’un accord s’applique que trois petits syndicats, représentant à peine 30 % des salariés, le signent. Tant pis si les deux tiers des salariés sont contre !

L'amendement 54, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 219 de M. Cornut-Gentille reprend une des propositions de l’excellent rapport qu’il a écrit avec M. Godfrain. La mise en place d’un livret d’épargne salariale permettra aux salariés de mieux comprendre les mécanismes de la participation, ce qui ne pourra que favoriser l’extension de cette pratique. Grâce à ce livret, qui retracera la totalité de leurs avoirs, ils pourront suivre leur épargne, quel que soit le nombre d’entreprises dans lesquelles ils auront travaillé.

Cet amendement a été adopté par la commission à l’unanimité.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques - J’associe la commission des affaires économiques à cette initiative et je salue moi aussi le travail de MM. Cornut-Gentille et Godfrain.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Le livret d’épargne permettra aux acquis de la participation de demeurer quand le salarié change d’entreprise, sachant que la plupart des parcours professionnels se déroulent aujourd’hui chez différents employeurs. Ce livret donnera donc une certaine traçabilité à la participation. Ce n’est pas du tout un concept ringard, mais une manière de crédibiliser le dispositif. Le Gouvernement y est très favorable.

M. Jean-Pierre Balligand - J’ai moi-même proposé à plusieurs reprises un tel livret, et je me suis toujours heurté au même problème : qui payera ? Le gros problème de l’épargne salariale est la faiblesse de son taux de commissionnement, qui explique que les banquiers aient déjà plutôt tendance à vendre de l’assurance-vie. Si en outre on leur demande de tenir un livret de suivi… Avez-vous déjà engagé des négociations avec les gestionnaires ? Car il est temps que les salariés puissent disposer d’un tel livret.

M. Maxime Gremetz - Et il ne faudrait pas qu’on finisse par le leur faire payer !

M. Gérard Larcher, ministre délégué  Dire que les gestionnaires ont accueilli cette initiative avec un bonheur entier serait sans doute quelque peu optimiste, mais ils ne s’y sont pas opposés. L’Association française a donné son accord. L’enthousiasme peut être spontané, suscité ou le fruit d’un travail de persuasion. En l’occurrence, il s’agirait plutôt des deux dernières hypothèses.

L'amendement 219, mis aux voix, est adopté.

M. François Guillaume – Le premier amendement qui a été voté, à l’initiative des présidents Ollier et Dubernard, a couvert d’un même terme l’ensemble des dispositions relatives à l’intéressement aux résultats de l’entreprise : le dividende du travail. Cela permet de clarifier les choses et de procéder à des comparaisons avec le dividende versé aux détenteurs de capital. Mais il faut rappeler que la moitié des salariés des entreprises privées ne bénéficient d’aucun dispositif d’intéressement aux résultats, puisque ceux-ci ne sont obligatoires que pour les entreprises de plus de 50 salariés. Tout le problème est donc de favoriser l’extension du système aux entreprises plus petites. Certaines l’ont déjà adopté volontairement, mais la plupart des très petites entreprises sont découragées par la complexité du système et par des réticences somme toute assez naturelles.

L’amendement 280 vise à combler cette lacune. Il propose que le dividende du travail puisse être accordé dans les entreprises de moins de 10 salariés, assorti des exonérations fiscales et sociales habituelles, tant pour les salariés que pour l’entreprise. Pour éviter, ainsi que M. Gremetz le craignait, une substitution de ces avantages au salaire, l’intéressement est plafonné à 3 % du salaire net du salarié.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – M. Guillaume s’oriente dans notre direction, et je le remercie de nous aider à essayer d’élargir la participation et l’intéressement aux entreprises de moins de 50 salariés. Mais a-t-il trouvé la bonne formule ? Il est vrai que la matière est très délicate : au départ, le président Dubernard et moi avions envisagé de rendre le principe obligatoire pour toutes les entreprises, leur chef pouvant choisir entre les quatre instruments proposés, l’intéressement et la participation étant les plus appropriés. Mais les auditions nous ont fait comprendre que la contrainte par la loi n’était pas la bonne solution et qu’il fallait, pour éviter tout risque de rejet, lui préférer la négociation.

Le système que vous proposez n’est ni de l’intéressement, ni de la participation, car l’argent n’est pas bloqué. Il s’apparente plus à une sorte de prime défiscalisée. L’intention est tout à fait louable, mais je ne pense pas que son application réponde à vos préoccupations. En revanche, l’amendement 264, qui viendra à l’article 5, prévoit que le chef d’une entreprise de moins de 50 salariés peut, de sa propre initiative, décider de distribuer de la participation, selon le système qui existe déjà pour les plus grosses. Je vous propose donc de retirer l’amendement 280 et de cosigner l’amendement 264.

M. le Rapporteur – Ce sont là les raisons pour lesquelles la commission a rejeté l’amendement 280.

M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis de la commission des finances La commission des finances a beaucoup travaillé sur ce sujet difficile. Il faut bien réaliser que 6 millions de salariés n’auront pas accès à tout ce dont nous sommes en train de parler : avec ce texte, ceux qui en bénéficiaient déjà en auront encore un peu plus, c’est tout ! Et dans la même rue, on trouvera deux salariés, l’un disposant d’un livret d’épargne salariale et l’autre de rien du tout…

M. Guillaume tente de combler les lacunes pour les entreprise de moins de 10 salariés, mais rien ne change entre 10 et 50 salariés ! Et 3 % du salaire, ce n’est pas grand-chose. La commission des finances a travaillé dans le même esprit que lui, et a adopté un amendement qui viendra à l’article 6. En effet, je ne crois pas que l’amendement déposé par les présidents Ollier et Dubernard à l’article 5 réglera le problème, car il reste dans le cadre d’un blocage à cinq ans et de calculs compliqués que les chefs de petites entreprise n’ont aucune envie de faire. À mon sens, on ne pourra développer aucun partage des bénéfices de l’entreprise entre l’entrepreneur et ses salariés tant qu’on n’acceptera pas un autre système, tel qu’une « prime de bénéfice non imposable » ou quel que soit le nom qu’on pourrait lui donner. On ne pourra pas combler le vide qui existe pour les entreprises de moins de 50 salariés en restant dans des démarches compliquées, dans le blocage des sommes, dans les accords collectifs et la pluriannualité. Il faudra accepter un système dérogatoire, dans un premier temps, qui pourrait amener les entreprises à entrer ensuite dans le système classique. Pourquoi des dispositifs spéciaux ont-ils été mis en place pour les entreprises de moins de 50 salariés dans d’autres domaines, et pas pour la participation et l’intéressement ? Pourquoi continuerait-on à se satisfaire de ne toucher que la moitié des salariés ? Il faut dépasser les bonnes intentions et mettre en place un dispositif efficace.

M. François Guillaume - Je décèle au moins une certaine convergence pour régler le problème des entreprises de moins de 50 salariés. Si je n’ai parlé que des entreprises de moins de 10 salariés, c’est qu’entre 10 et 50, les chefs d’entreprise peuvent s’inscrire dans le dispositif existant pour les entreprises plus importantes. Ils sont certes réticents, car le système n’est pas simple, et nous ne cessons de le compliquer ! Certains salariés qui en bénéficient s’y perdent, malgré l’aide d’associations de gestion. Un système plus simple leur permettrait de faire des choix plus opportuns. Les chefs de très petites entreprises que nous recevons dans nos circonscriptions nous le disent : ils sont débordés et rechignent à utiliser des dispositifs compliqués. Le système simplifié que je proposais s’adresse aux entreprises de moins de dix salariés, mais on peut tout aussi bien l’étendre à celles de moins de vingt.

Je ne connais pas l’amendement de la commission à l’article 5, mais je suis quand même prêt à retirer mon amendement, à condition toutefois que le Gouvernement s’engage à trouver des solutions adaptées aux très petites entreprises.

M. Gérard Larcher, ministre délégué – L’un des objectifs du texte est de développer la participation et l’intéressement dans les entreprises de moins de cinquante salariés. Vous visez les entreprises de moins de dix salariés, où la négociation est plus difficile – même si certaines branches, comme la coiffure, ont pu aboutir à un accord.

Les dispositions prévues à l’article 5 doivent inciter à la négociation de branche afin de conclure des accords simples et sécurisés. D’ici trois ans, le Conseil supérieur de la participation nous dira s’il faut changer l’incitation en obligation.

Nous souhaitons le retrait de votre amendement au profit de celui de MM. les présidents de commission à l’article 5, parce qu’il correspond mieux au système de participation. Il donne l’initiative au chef de très petite entreprise, l’incite à entrer dans la négociation, notamment sur les taux inférieurs au régime d’autorité, et ouvre la possibilité d’un engagement unilatéral. Les très petites entreprises sont très créatrices d’emploi. Il est important que leurs salariés puissent profiter du dispositif de participation.

L’amendement 280 est retiré.

Art. 2

M. le Rapporteur – Les amendements 81 et 82 sont rédactionnels.

M. Gérard Larcher, ministre délégué Avis favorable.

Les amendements 81 et 82, successivement mis aux voix, sont adoptés.
L'article 2, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, ce matin, à 9 heures 30.
La séance est levée à 1 heure 5.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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ordre du jour
du Jeudi 5 octobre 2006

NEUF HEURES TRENTE - 1re SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi (nos 3175, 3337) pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié.

Rapport (n° 3339) de M. Jean-Michel Dubernard, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Avis (n° 3334) de M. Patrick Ollier, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.

Avis (n° 3340) de M. Alain Joyandet, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.

QUINZE HEURES - 2e SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE - 3e SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.
Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.
www.assemblee-nationale.fr

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