Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2006-2007)

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit

Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du jeudi 5 octobre 2006

Séance de 9 heures 30
3ème jour de séance, 4ème séance

Présidence de M. Maurice Leroy
Vice-Président

Consulter le sommaire

La séance est ouverte à neuf heures trente.

Retour au haut de la page

Participation et actionnariat salarié (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié.

ART. 3

M. Jean-Michel Dubernard, président et rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales Si nous avons adopté hier soir l’article 2 de façon consensuelle, la rapidité de nos échanges ne doit pas occulter l’importance du sujet : l’intéressement de projet est un outil essentiel !

Avec le développement de l’épargne salariale par les groupements d’employeurs et les groupements économiques, objet de l’article 3, nous touchons au cœur de la participation – sa dimension sociale et de concertation. Certains nous reprochent de ne pas aller assez loin dans ce dernier domaine, mais la concertation figure explicitement dans cet article !

M. Yves Bur – Nous devrions tous nous y retrouver !

M. le Rapporteur – Exactement. L’enthousiasme rencontré par la notion d’intéressement de projet le montre bien ! Certes, la volonté de s’unir autour d’un projet commun n’a rien d’une nouveauté – les Égyptiens n’ont pas fait autrement pour construire leurs pyramides – mais elle reste d’actualité : lorsque que nous avons auditionné des jeunes issus des grandes écoles, nous avons pu mesurer tout leur intérêt pour la notion de projet. Instaurer un intéressement entre différentes entreprises et différents salariés permet d’unir les énergies et de « s’associer » véritablement, pour reprendre une formule chère au général de Gaulle.

Quant à la concertation, nous en avons tous la même définition, Madame Comparini : il s’agit de s’entendre pour agir ensemble. Il est vrai que nous devrons encore poursuivre nos réflexions sur ce sujet, mais nous suivons des pistes qui suscitent déjà l’enthousiasme de certains chefs d’entreprise. Lors de son audition, M. Rovareto, PDG d’Eiffage, nous a ainsi rappelé que l’intéressement et la participation représentent dans son groupe près de deux fois le montant des dividendes versés aux actionnaires – 55 millions d’euros contre 30 !

M. Maxime Gremetz - C’est une exception !

M. le Rapporteur – Non, c’est un exemple… Vous voyez que les outils juridiques nouveaux que nous développons rencontrent déjà, et rencontreront un vif intérêt ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz – Je comprends l’insistance du Président Dubernard, car il a bien du mal à convaincre… Il voudrait sans doute nous faire croire qu’il a trouvé la pierre philosophale : la participation ! Or, ce modèle qualifié de « moderne » date de 60 ans ! Sans revenir sur mon expérience personnelle, je vous répète qu’aucun salarié n’est dupe : la participation et l’intéressement sont des mots qui sonnent bien, mais qui ne sont jamais devenus des réalités sur le terrain !

Par exemple, Valeo est un groupe qui marche : son chiffre d’affaires a augmenté de 5,5 % et l’entreprise se lance dans des acquisitions partout dans le monde ! Mais dans le même temps, le site d’Abbeville va fermer ! Vous savez que je connais bien ce groupe, puisque j’y ai travaillé avant d’être licencié sur ordre du ministre de l’époque ! La prime d’intéressement a été supprimée à Abbeville et un plan de licenciement de 250 salariés a été lancé ! Nous l’avons appris par la presse avant même que le comité d’entreprise soit réuni. Comment voulez-vous que les salariés croient un seul instant à la participation ?

Je ne mets pas en cause votre bonne foi, mais vous êtes en panne ! Vous êtes allés pêcher un modèle qui date et qui n’a jamais fait ses preuves. Allez parler d’intéressement aux salariés de Valeo Abbeville, et ils vous riront au nez : ils n’ont pas eu d’augmentation de salaire depuis deux ans ! Ce que vous proposez était sans aucun doute une excellente idée à l’époque du Général de Gaulle, mais elle n’a jamais été appliquée !

Et puisque certains ont parlé hier de « lutte des classes », sachez que ce n’est pas une invention ! Croyez-vous que les salariés de Valeo vont se contenter de dire « amen » à ce qui les attend ? La lutte des classes est une réalité ; elle est imposée par ceux qui paient leurs salariés au SMIC et les privent d’intéressement avant de les licencier ! Il y a toujours eu des intérêts divergents, et la situation s’est encore aggravée depuis que le capital financier a remplacé le capital industriel !

Ce projet est bien sympathique, Monsieur le rapporteur, mais il serait temps de nous proposer autre chose que la participation. Quand on innove, il faut penser avec son époque ! Je ne suis qu’un ouvrier, pas un penseur, mais je sais une chose : vous n’avancerez pas tant que vous n’écouterez pas les salariés, les organisations syndicales et les comités d’entreprise !

M. Alain Vidalies – Nous devions discuter des amendements mais l’intervention de M. Dubernard m’amène à faire une observation : s’il pense alimenter notre débat, comme hier, par des exercices d’autosatisfaction, nous sommes à sa disposition pour lui répondre. Pourquoi affirmer que l’article 2 aurait été consensuel alors que c’est faux ? Nous n’avons pas débattu au fond parce que sur la notion d’intéressement de projet, les questions sont, en l’état, plus nombreuses que les éventuelles solutions. Les auditions montrent qu’il s’agit peut-être d’une piste mais au moins tout autant d’une disposition dangereuse car certains salariés peuvent en être exclus. Nous nous interrogeons, mais n’interprétez pas faussement nos interrogations !

Tout le monde connaît Eiffage, mais les poissons volants, comme on dit au cinéma, existent aussi et ils ne sont pourtant pas les plus répandus.

La réalité des rapports salariaux, c’est John Monks, le président de la confédération européenne des syndicats, qui la livre au cours d’un entretien. La situation des salariés se dégrade de plus en plus et, compte tenu du déploiement du capitalisme financier, un salariat à deux vitesses se développe avec une minorité qui profite des dispositifs d’intéressement ou des stock-options et une grande masse qui vit de plus en plus mal.

Nous pouvons discuter techniquement de votre texte, mais si vous persévérez dans votre attitude, nous ne manquerons pas de débattre de questions plus générales.

M. Patrick Ollier, président et rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – Je suis très heureux de ce débat, Messieurs Vidalies et Gremetz. Il montre en effet que faire la loi, c’est aussi douter. Non, nous ne sommes pas certains que tout ce que nous prévoyons fonctionnera idéalement. Mais ces incertitudes ne doivent pas pour autant entraver notre volonté de faire avancer les choses. Je ne prétends pas qu’il y aurait un consensus, non plus d’ailleurs que M. Dubernard, mais je suis certain, hors clivage politicien, que nous avons tous en la matière de bonnes intentions. Cet article 3 est précieux à double titre car il permet tout d’abord de faire évoluer les conditions du dialogue social. Prévoir l’obligation de négociations pour les groupements d’employeurs constitue une indéniable évolution. J’ajoute que les groupements d’employeurs me tiennent particulièrement à cœur car voilà dix ans environ, je me suis battu pour que la pluriactivité soit effective, comme le souhaitaient plusieurs associations soucieuses du développement économique des régions montagneuses. Ces groupements sont désormais utiles dans d’autres domaines et nous avons donc eu raison de les promouvoir.

En outre, cet article étend l’application de l’intéressement. Le fait de prendre en compte les résultats des entreprises membres du groupement constitue aussi un progrès. Monsieur Gremetz, vous n’avez pas entendu ce que nous avons dit hier soir.

M. Maxime Gremetz - Vous tenez à ce que je le répète ?

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Si vous aviez écouté et si vous aviez mis la nuit à profit pour y réfléchir, vous auriez compris que nous voulons aller dans votre sens. Je vous respecte, Monsieur Gremetz, car vous êtes un homme de conviction, mais en l’occurrence, vous vous trompez. Rejoignez-nous dans la rénovation du dialogue social ! Si la loi était mal appliquée hier, souffrez qu’elle le soit mieux demain car c’est pour l’avenir que nous légiférons ! La majorité a un véritable projet social, qui sera d’ailleurs un élément du débat pendant la campagne électorale. Nous sommes une majorité de progrès, et cet article en témoigne !

M. Maxime Gremetz - Il n’y a pas de consensus – nous avons voté contre l’article 2 –même si nous approuvons les dispositions relatives au livret d’épargne. Ne nous faites pas dire ce que nous n’avons pas dit.

Vous avez néanmoins raison sur un point : la loi est mal appliquée. Vous dites également vouloir préparer l’avenir. Soit, mais comment imaginer un intéressement et une participation véritables lorsque l’on remet en cause les droits des comités d’entreprise et des syndicats ?

M. Alain Vidalies - L’amendement 15 vise à supprimer l’alinéa 5 de cet article, c’est-à-dire à rétablir le dernier alinéa de l’article L. 444-4 du code du travail qui dispose que s'il n'existe pas de dispositif d'intéressement, de participation ou de plan d'épargne d'entreprise spécifique à un groupement d'employeurs, un salarié mis à la disposition d'une entreprise par ce groupement doit pouvoir bénéficier, comme les autres salariés de l'entreprise, des systèmes d'intéressement et de participation prévus. Vous créez une obligation de négociation au niveau du groupement d’employeurs, mais que se passera-t-il s’il n’y a pas d’accord ? Les salariés qui bénéficient aujourd’hui de la protection de l’article L. 444-4 ne pourront plus l’invoquer. C’est une régression sociale.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Le dispositif que vous voulez préserver n’a pas été appliqué, faute d’être applicable ! Que se passerait-il par exemple en cas de rupture du lien de travail entre le groupement d’employeurs et l’entreprise utilisatrice ? Faute de contrat de travail, comment apprécier la durée de présence dans l’entreprise ? En outre, ce dispositif n’avait de sens que pour l’intéressement. Les services ministériels ne sont même pas parvenus à rédiger le décret d’application du dernier alinéa de l’article L. 444-4 !

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes Avis défavorable également. Cet amendement reprend un amendement sénatorial concernant notamment les groupements dans le secteur agricole. Il est en fait inopérant puisque le groupement ne réalise pas de résultats – ou alors, il faudrait appliquer un système très complexe, quand l’urgence est de clarifier et de simplifier la loi. La situation créant donc des inégalités, nous proposons de permettre une négociation dans le domaine de l’épargne salariale et de l’intéressement. Je souhaite que vous retiriez votre amendement puisque nous voulons tous que les salariés membres d’un regroupement puissent bénéficier de dispositions favorables.

M. Jean-Pierre Balligand – Je vous comprends, mais autant on peut dire que l’amendement sénatorial rend le dispositif inopérant, autant il est difficile d’expliquer que dans un groupement, les salariés pourront bénéficier d’un accord d’intéressement ou de participation sans aucun continuum d’activité. En outre, de plus en plus d’entreprises externalisent une partie de leurs activités. Si les groupements territoriaux ne soulèvent pas de problèmes particuliers, quid des regroupements de branche ? N’est-il pas plus intéressant d’utiliser le plan d’épargne inter-entreprise que j’avais créé et dont le rapport de M. Dubernard fait état de la progression de 18 % dans les entreprises de moins de cinquante salariés ?

M. Maxime Gremetz – Au-delà des groupements d’employeurs, de tous les sous-traitants, il faut étendre la question aux filiales des groupes étrangers en France. Comment faire pour que les salariés qui y travaillent ne soient pas privés de la possibilité offerte à tout salarié français – ou plutôt à 8 millions de salariés sur 22 millions ? La jurisprudence le dit : le droit français s’applique à eux. Mais évidemment, dans une multinationale, la question ne peut se poser au niveau de groupe. Je voudrais vraiment une réponse.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques - Vous l’aurez à l’article 6.

M. Maxime Gremetz - Mieux vaudrait une réponse d’ensemble maintenant.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé cet amendement.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Comment faire pour que les salariés des groupements d’employeurs aient réellement accès à l’intéressement ? Celui-ci n’étant pas fondé uniquement sur les résultats financiers, contrairement à la participation, il sera possible de négocier d’autres critères de performance. S’agissant surtout de groupements agricoles, en particulier d’éleveurs, on peut penser au niveau et à la qualité de la production. Dans ces cas, les dispositifs d’intéressement et d’épargne salariale sont bien applicables, et si je ne peux accepter l’amendement c’est par souci d’efficacité, non parce que nos conceptions diffèrent.

M. Jean-Pierre Balligand - Je crois que vous commettez une erreur.

L'amendement 15, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – Je reprends, à titre personnel, l’amendement 320 de M. Cornut-Gentille que la commission n’a pas examiné. Il facilite, pour les filiales d’une holding, l’ouverture de négociations sur la participation.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Avis favorable.

M. Maxime Gremetz - C’est la parfaite illustration de ce que je viens de dire : vous traitez de la catégorie particulière des holdings, alors qu’il faut régler le cas de toutes les sociétés étrangères qui ont un établissement en France et dont les salariés sont donc soumis au droit français. En Picardie, par exemple, 40 % des salariés travaillent dans des filiales de groupes comme Dunlop ou Valeo. Comment la négociation va-t-elle se passer, au niveau du groupe ? Il faut poser le principe général que le droit français doit s’appliquer à tous les salariés qui travaillent en France, quel que soit le statut de l’entreprise.

M. Alain Vidalies - J’avoue ma surprise de voir le président de la commission reprendre ainsi, sans qu’on en ait discuté, un amendement qui supprime une disposition du code du travail prévoyant une obligation de négociation dans les filiales. C’est une régression, et pourquoi ? La disposition s’appliquait sans que personne s’en plaigne.

M. Gérard Larcher, ministre délégué Le conseil supérieur de la participation, où les partenaires sociaux sont représentés, en a discuté.

M. Maxime Gremetz - Mais quelle est l’opinion des partenaires sociaux ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué Les holdings représentent un cas spécifique car dans les « back offices » travaillent de nombreux salariés modestes qui n’ont droit à rien actuellement. Nous faisons ici œuvre de justice à leur égard, avec l’aval du conseil supérieur.

M. Alain Vidalies - S’il en est ainsi, pourquoi ne l’avez-vous pas proposé dans le projet de loi ?

M. Maxime Gremetz - Arrêtez de mettre sans cesse en avant le conseil supérieur de la participation. Il n’a qu’un avis consultatif, et j’ai rappelé sa composition. Dites-nous plutôt quelle était la position des organisations syndicales qui y sont représentées ! Vous dites qu’il y a concertation. Mais à quoi aboutit-elle ? On parle, et les décisions se prennent ailleurs.

L'amendement 320, mis aux voix, est adopté.

M. Dominique Tian - Les groupements d’intérêt économique de plus de cinquante salariés entrent dans le champ d’application de la législation sur la participation. Cette dernière est calculée à partir du résultat propre de l’entreprise. Or les GIE n’ont pas nécessairement de résultat en propre, en particulier lorsqu’ils ont pour objet une activité de service auprès de leurs membres. Dans ce cas, comme l’a admis la Cour de cassation dans un arrêt du 1er juin 2005 pour le dispositif de l’intéressement, il convient que la réserve spéciale de participation puisse être calculée en prenant en compte la moyenne des résultats des membres du GIE. C’est l’objet de mon amendement 181. Donner un fondement légal à cet élargissement évitera les contentieux ultérieurs de la part du fisc ou des URSSAF.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé cet amendement. La diffusion de la participation dans les GIE pose effectivement un problème, que le texte aborde. Mais sur le point précis de la réserve spéciale de participation, la solution proposée, c’est-à-dire le calcul à partir de la moyenne, présente le risque réel d’en diminuer le montant, contrairement à l’objectif recherché. D’où notre perplexité. Je sais que les services du ministère ont étudié la question. Le ministre va peut-être nous éclairer.

M. Gérard Larcher, ministre délégué Je comprends tout à fait l’intention d’améliorer la participation dans les GIE où elle est prévue par la loi. Aujourd’hui, elle est calculée à partir des résultats de chaque membre. Passer à une moyenne risque de la diminuer dans la mesure où certaines filiales ont des résultats négatifs.

Prenons l’exemple d’une chaîne de multiplexes : retenir le plus petit commun dénominateur entre ceux qui dégagent des bénéfices et ceux qui n’en dégagent pas conduit mathématiquement à abaisser le niveau de la participation. Tel n’est pas l’esprit du texte. C’est pourquoi nous souhaitons le retrait de cet amendement.

M. Xavier de Roux – Il s’agit certes d’une question complexe, mais il ne faut pas tout mélanger. Le problème vient du fait que le GIE est transparent du point de vue des résultats : le salarié est salarié du GIE, et l’intéressement – fondé sur les profits – va aux membres du GIE. Si l’on veut que le salarié du GIE profite de l’intéressement, il faut bien trouver un système. Ce système de moyenne est parmi les moins mauvais que l’on puisse proposer. Sinon, ou bien les salariés du GIE ne participent pas du tout à l’intéressement, ou bien il faut remonter des sociétés membres du GIE vers les salariés du GIE une partie de l’intéressement, suivant une clé de répartition encore plus complexe que celle proposée par notre collègue Tian. Son amendement me semble donc intéressant.

M. Dominique Tian - Je maintiens l’amendement.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Nous avons déjà eu ce débat sur le groupement d’employeurs, Monsieur de Roux. Il faut distinguer entre ce qui relève de l’intéressement et ce qui relève de la participation. Le GIE en tant que tel se trouve dans la même situation que le groupement d’employeurs : il ne peut dégager de résultat relevant de la participation. Nous souhaitons donc vraiment le retrait de cet amendement.

M. le Président – Sur le vote de l’amendement 181, je suis saisi par le groupe communiste et républicain d’une demande de scrutin public.

À la majorité de 15 voix contre 4 sur 20 votants et 19 suffrages exprimés, l’amendement 181 est adopté.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Je lève le gage.

M. Maxime Gremetz - Bravo ! Voilà une grande victoire !

M. Philippe Auberger - C’est un amendement de M. Tian, pas de M. Gremetz !

M. Maxime Gremetz - Et alors ? je ne suis pas sectaire ! Si l’amendement venait de moi, vous auriez voté contre : vous êtes borné !

L'article 3 modifié, mis aux voix, est adopté.

art. 4

M. Maxime Gremetz - L'article 4 participe plutôt d'une bonne démarche, puisqu'il a pour objet la généralisation des comités de suivi des accords d’intéressement et la création de comités de suivi des accords de participation.

L'objectif est louable, en ce sens qu'il favorise l'implication des salariés dans ces dispositifs. Certes, nous sommes opposés à ces formes de participation financière en raison de l'utilisation qui en est faite – substitution au salaire ou alimentation des dispositifs de capitalisation en vue de la retraite. Toutefois, le principe de réalité s'impose : puisque ces dispositifs existent – et ce depuis les années 1960 – il faut négocier et les créer dans l’entreprise. C’est en tout cas ce que nous ont dit les organisations syndicales. L'exigence d'augmenter d'abord les salaires qui est la nôtre ne nous empêche donc pas de faire des propositions sur l'évolution des dispositifs d'épargne salariale. Nous venons d’ailleurs de voter un amendement d’un membre de la majorité.

La généralisation des comités de suivi des accords d’intéressement et la création de comités de suivi des accords de participation répond à une attente des représentants des salariés impliqués dans ces dispositifs. Il faudrait cependant aller plus loin. Actuellement, les comités sont relégués à un simple rôle d'information, en particulier sur le contenu des accords. Selon l'article L. 441-2 du code du travail, les accords d'intéressement « doivent instituer un système d'information du personnel et de vérification des modalités d'exécution de l'accord. Ils comportent notamment un préambule indiquant les motifs de l'accord ainsi que les raisons du choix des modalités de calcul de l'intéressement et des critères de répartition de ses produits » et il est « nécessaire que cette information soit effectuée de manière complète et régulière, en adaptant la périodicité des communications aux représentants des salariés à celle retenue pour le calcul de l'intéressement » - comme l'indiquent les textes réglementaires.

On ne peut se limiter à l'information. Il faut – et le président Dubernard nous y a appelés – donner aux salariés le pouvoir de participer réellement à la gestion de ces fonds, et à leurs représentants les moyens d'être présents dans les instances de gestion pour faire entendre leur voix sur l'utilisation des fonds, les modalités de placement et l'intérêt de ces placements. Ces sommes, qui s’apparentent presque à un salaire différé, appartiennent aux salariés. Dans un souci de transparence démocratique, ils doivent donc en devenir pleinement maîtres.

Nous ne comprenons donc pas – cette fois-ci – les amendements de notre collègue Tian, qui propose de supprimer ces structures, dessaisissant ainsi les salariés de leurs droits : ce sont eux qui payent, et ce sont d’autres qui gèrent ! Nous ne comprenons pas davantage l’amendement du rapporteur visant à rendre facultative cette généralisation des comités de suivi. Nous nous opposerons donc à ces amendements, et nous proposerons au contraire de renforcer l’implication des représentants des salariés dans la gestion des plans d'épargne, leur contrôle et leur suivi.

Vous avez parlé d’une grande innovation, Monsieur le président Dubernard. Mais s’il ne s’agit que de retenir du salaire différé dans l’entreprise sans que les salariés aient leur mot à dire, cela n’a rien d’une révolution copernicienne. C’est même une régression !

M. Dominique Tian - L’amendement 182 tend en effet à supprimer cet article. Je pars du principe qu’il faut un effet « turbo », comme l’a souhaité le Gouvernement : ces accords ne couvrant que 8 millions de salariés, il faut avant tout encourager leur développement. Le système actuel fonctionne bien : inutile d’imposer des rigidités supplémentaires aux entreprises.

M. Maxime Gremetz - Alors les salariés sont des rigidités ? Ce sont eux qui payent ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Tian - La généralisation des comités de suivi, c’est moins de souplesse et de liberté pour les entreprises. Il me semble que ce n’est pas ce que nous souhaitons.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé cet amendement. Cet article comporte en effet un enjeu essentiel pour le texte et pour les principes que nous défendons. Avec les comités de suivi, nous insistons sur la dimension sociale de la participation, sur l’association des salariés aux discussions sur la mise en œuvre de la participation financière dans leur entreprise.

Si le principe de structures de suivi est incontestable, les auditions menées en commission ont montré que son application pouvait être délicate. Je comprends donc la position de M. Tian. Que n’avons-nous entendu, en effet, au sujet de cet article ! Trop lourd, trop complexe, mal adapté… Certains trouvent en particulier qu’il y a un risque de redondance entre les comités de suivi, les comités d’entreprise et les conseils de surveillance des fonds communs de placement. Il faut savoir qu’actuellement seuls les comités de suivi des accords d’intéressement sont prévus par le code du travail.

Pour ma part, je suis convaincu que la contrainte n’est pas la solution. C’est pourquoi j’ai proposé à la commission des affaires culturelles, qui m’a suivi, de rendre les comités de suivi applicables à tous les types d’accords – accords d’intéressement, accords de participation, règlements de plan d’épargne salariale – sans pour autant les rendre obligatoires. Tel est l’objet de l’amendement 84 rectifié.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Il existe aujourd’hui, dans plus de la moitié des entreprises concernées, des comités de suivi des accords d’intéressement. Leur rôle est de vérifier les performances atteintes ainsi que les modes de calcul de primes. Le Gouvernement est favorable à l’amendement 84 rectifié de la commission, qui étend – de façon facultative – leurs compétences aux accords de participation et aux règlements de plans d’épargne salariale. Mais afin qu’il n’y ait pas de recul par rapport à la situation actuelle, je propose un sous-amendement 323, qui précise que le droit applicable au suivi des accords d’intéressement reste inchangé. Et je souhaite que M. Tian retire son amendement au profit de celui de la commission, ainsi sous-amendé.

M. Dominique Tian - L’amendement de la commission est infiniment meilleur que le mien. Je retire donc le 182.

M. le Rapporteur – J’ai défendu l’amendement 84 rectifié.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Et moi le sous-amendement 323.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques - L’amendement 308 de la commission des affaires économiques est identique au 84 rectifié, car M. Dubernard et moi sommes tout à fait d’accord sur la ligne à suivre.

Je suis heureux que M. Tian ait retiré son amendement au profit de celui de celui de la commission, qui lui donne en partie satisfaction, et j’ai un avis favorable sur le sous-amendement du Gouvernement. J’ajoute que notre amendement commun supprime la possibilité pour un conseil de surveillance commun à plusieurs FCPE d’assurer le suivi des accords. Nous mettons ainsi fin à une certaine confusion des genres. Mieux vaut séparer les responsabilités : d’un côté, la gestion des fonds, de l’autre, le suivi des accords.

Pour faire avancer l’idée de participation, il faut une participation des salariés au suivi des accords, il faut aussi de la pédagogie. C’est pourquoi nous parlerons un peu plus loin d’actions de formation professionnelle au service de l’actionnariat salarié.

M. le Rapporteur – Avis personnel favorable au sous-amendement du Gouvernement.

Le sous-amendement 323, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – J’ai accepté que M. Gremetz présente un sous-amendement qu’il a rédigé en séance.

M. Maxime Gremetz - Mon sous-amendement 328 tend simplement à remplacer « peuvent prévoir » par « prévoient », car si la mise en place de comités de suivi des accords est laissée à la discrétion des employeurs, elle ne se fera pas ! Puisque tout le monde est d’accord pour dire que les salariés ne sont pas seulement là pour payer mais aussi pour participer à la gestion de leurs fonds, pourquoi en rester à une disposition facultative ?

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – L’intention de ce sous-amendement est louable, mais j’y suis défavorable, car si l’on procède par la contrainte, les mauvais réflexes ressortiront. Or, nous voulons au contraire supprimer les obstacles à la réalisation de cette grande ambition qu’est la participation. Pour qu’elle soit une ambition partagée et fasse l’objet d’un vrai consensus, il vaut mieux faire confiance à la pédagogie et à la concertation. De grâce, allégeons les contraintes et faisons confiance aux hommes et aux femmes de l’entreprise !

M. le Rapporteur – La commission n’a pas examiné ce sous-amendement. À titre personnel, avis défavorable.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Même avis.

M. Maxime Gremetz – C’est au pied du mur qu’on voit le maçon ! Vous nous abreuvez de formidables discours philosophiques, à la gloire de la participation des salariés et de l’association capital–travail… Mais en fait, les salariés n’ont que le droit de payer, pas celui de donner leur opinion…

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques - Ce n’est pas vrai !

M. Maxime Gremetz - …sauf si le dieu employeur le leur permet. Les salariés, les comités d’entreprise, les délégués du personnel, qui ont la confiance, eux, de l’ensemble des salariés, ont le droit de savoir comment l’argent est utilisé, comment il est réparti. Si vous leur contestez ce droit, ce n’est pas la peine de vous vanter de donner de nouveaux droits au dialogue social, aux comités d’entreprise et aux délégués du personnel : tout votre dispositif tombe à l’eau !

Peuvent, peuvent… mais ce ne sont jamais les employés qui peuvent, toujours les employeurs ! Ils sont loin d’être sur un pied d’égalité. Sur cette question, je suis obligé, Monsieur le président, de demander un scrutin public, afin qu’on connaisse bien la position de chacun. Arrêtez de parler de participation, de cogestion et de dialogue : cela implique deux partenaires, ce qui ne se conjugue pas bien avec votre conception du patronat de droit divin. Vous êtes fortement opposés à l’idée que les salariés puissent avoir ce droit, et le Medef encore plus que vous.

M. le Président – Sur le sous-amendement 328, je suis saisi, par le groupe communiste et républicain, d’une demande de scrutin public.

À la majorité de 19 voix contre 5, sur 24 votants et 24 suffrages exprimés, le sous-amendement 328 n’est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - Le voilà, votre intéressement !

L'amendement 84 rectifié et l’amendement 308 identique, sous-amendés, mis aux voix, sont adoptés.

M. Maxime Gremetz – On fait payer les salariés, et on décide, seul : voilà votre vision de la gouvernance. Or, d’après tous les observateurs, toute réforme de la participation devrait s’accompagner d’une réforme de la gouvernance des dispositifs de placement. Pour les présidents des deux commissions, qui se délectent du général de Gaulle, de Jacques Chaban-Delmas et de la nouvelle société, c’est forcément une question fondamentale. Elle s’inscrit en tout cas dans notre volonté d’améliorer la participation sociale, en opposition à la participation financière stricte.

L’amendement 55 tend donc à rénover la gouvernance des fonds communs de placement d’entreprise, de sorte que les conseils de surveillance soient composés majoritairement de représentants des salariés. L’épargne salariale ne relève pas du paritarisme : les fonds déposés dans les FCPE appartiennent aux salariés, pas aux employeurs. Par ailleurs, les fonds communs de placement peuvent être multi-entreprises : il est fréquent que le même soit souscrit par les salariés de plusieurs entreprises, en particulier des PME. Actuellement, l’ensemble des entreprises adhérentes doivent être représentées au conseil de surveillance – le ministre pourrait-il s’abstenir de se mettre à discuter avec ses conseillers chaque fois que j’ai la parole ? Il me semble que ce serait le signe d’un minimum de politesse et de respect de la représentation nationale.

Un fonds collectant l’épargne d’une centaine d’entreprises donc, ce qui est un cas fréquent, se retrouve doté d’un conseil de surveillance d’au moins deux cents membres : une sorte d’assemblée générale de section de l’UMP ! L’amendement 55 propose que les conseils de surveillance de ces fonds multi-entreprises soient désignés sur la base des règles de représentativité du code du travail, afin qu’ils restent de taille limitée, et qu’ils soient désignés par les organisations syndicales et patronales représentatives.

Le président de la commission des affaires sociales a longuement insisté, avec raison, sur cette dimension de la participation des salariés à la gestion de l’entreprise, et notamment des fonds communs de placement. S’il est de bonne foi, cet amendement répond parfaitement à sa préoccupation. Il serait donc naturel qu’il soit voté. Dans le cas contraire, la majorité ferait une nouvelle fois une démonstration de sa politique du grand écart, entre les déclarations et les actes. L’attente est forte, tant chez les organisations syndicales, ainsi que les auditions vous l’ont fait comprendre, que de la part du conseil supérieur de la participation. Être informé, peser sur les décisions, quand on paye, quoi de plus naturel ? Cela n’a rien de révolutionnaire, c’est une simple application de la démocratie. Cette proposition ne peut que conforter les présidents des commissions dans leurs références gaullistes et leur apologie de l’association capital–travail. Se concerter, avez-vous dit, Monsieur Dubernard, c’est se consulter et décider ensemble. Voilà ce que je vous propose.

M. le Rapporteur – La concertation, c’est s’entendre pour agir ensemble !

Je suis très sensible, touché, ému par votre appel, Monsieur Gremetz, mais votre amendement se heurte à un problème technique.

M. Maxime Gremetz - Ah !

M. le Rapporteur – Je suis d’ailleurs très étonné que les attachés du groupe communiste aient pu laisser passer ces détails. Ce n’est pas leur habitude. D’abord, et puisque votre amendement modifie l’article L. 214-39 du code monétaire et financier, qui fait lui-même l’objet d’une nouvelle rédaction dans l’article 13 du projet, c’est à cet article qu’il eût été préférable de déposer l’amendement. Sur le fond, cet amendement rendrait les conseils de surveillance majoritairement composés de représentants des entreprises.

M. Maxime Gremetz - Lesquels ?

M. le Rapporteur – Enfin, le dispositif que vous proposez apparaît rigide et inadapté. L’article 13 du projet, au contraire, donne une souplesse nouvelle aux conseils de surveillance des fonds multi–entreprises, qui pourront librement déterminer les modalités de représentation des entreprises et de désignation des représentants.

M. Gérard Larcher, ministre délégué Au moment où vous m’avez interpellé, Monsieur Gremetz, je me renseignais sur le nombre des conseils qui existent : 3 197. Si nous vous suivions, la représentation, qui est actuellement de 50 % de salariés actionnaires et de 50 % de représentants des entreprises et des syndicats représentatifs du personnel, passerait à 50 % de managers de l’entreprise et 50 % de salariés !

Les modalités de la représentation des salariés au conseil de surveillance, qui est essentielle, seront, pour les fonds multi-entreprises, décidées par la négociation. Avis défavorable à l’amendement, par conséquent.

M. Maxime Gremetz - Si vous m’écoutiez, vous ne répondriez pas de la sorte ! Je me répète donc : nous proposons que les conseils de surveillance des fonds multi-entreprises, afin qu’ils restent limités en taille, soient désignés sur la base des règles de représentativité du code du travail, c’est-à-dire par les organisations syndicales et patronales représentatives. Écoutez-moi, au lieu de réciter vos réponses toutes faites ! Ou bien souhaiteriez-vous peut-être que nous nous en allions ?

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Je voudrais protéger M. Gremetz contre lui-même (Rires sur divers bancs).

M. Xavier de Roux - Il en a bien besoin !

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Si nous adoptons son amendement…

M. Maxime Gremetz - Chiche !

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques - …tel qu’il est rédigé, l’effet produit sera contraire à l’intention !

M. Maxime Gremetz - Je n’ai été à l’école que jusqu’à 14 ans…

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – En l’état, votre amendement ferait prédominer les représentants de l’entreprise, et non ceux des salariés.

M. Maxime Gremetz - Vous jouez sur les mots !

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Non, pas du tout ! Bien sûr, on pourrait s’amuser…

M. Maxime Gremetz - Je ne m’amuse pas, car j’ai vécu cette situation !

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Quant à moi, comme M. Dubernard, je suis un législateur consciencieux. Je ne voudrais pas commettre et laisser commettre une erreur qui vous couvrirait d’opprobre aux yeux des salariés.

M. Maxime Gremetz - Vous insultez les organisations syndicales !

L'amendement 55, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'article 4 modifié, mis aux voix, est adopté.

avant l'Art. 5

M. Jean-Pierre Balligand - Seule une moitié des salariés du privé peut accéder au dispositif de participation et d’intéressement ; chacun ici s’accorde donc à dire que son extension aux PME est une nécessité. Le système incitatif de la loi de 2000 sur l’épargne salariale a certes porté des fruits, puisque le nombre de plans d’épargne interentreprises a augmenté de 18 % en 2003-2004, mais il reste que la participation ne se diffuse toujours pas. Attaquons-nous donc à la source du problème : le seuil de cinquante salariés, qu’il faut lever. Le reste n’est qu’incantation.

D’autre part, la baisse du chômage liée à des départs en retraite massifs risque de pousser les grandes entreprises, servies par des salaires directs et différés plus élevés, à démarcher les meilleurs employés des PME, pour les leur enlever. C’est encore une raison de diffuser la participation dans les PME en levant le seuil de cinquante salariés.

M. le Rapporteur – Ce débat sur le seuil des cinquante salariés me semble être un faux débat, ce prétendu effet de seuil étant une « mauvaise excuse », comme l’écrivaient dans leur rapport MM. Cornut-Gentille et Godfrain.

Tout d’abord, un tiers environ des entreprises de plus de cinquante salariés ne souscrivent pas à l’obligation légale. D’autre part, abaisser le seuil reviendrait à ignorer les difficultés des patrons de petites entreprises en leur imposant une nouvelle contrainte, à l’image des 35 heures dont le bilan est pour le moins mitigé.

MM. Jean Le Garrec et Jean-Pierre Balligand – Cette comparaison est déplacée !

M. le Rapporteur – Ensuite, cette règle trop franco-française serait éloignée des normes internationales et nous singulariserait encore, alors que l’économie est de plus en plus ouverte.

M. Jean-Pierre Balligand - Dans ce cas, la participation elle-même est une spécificité française !

M. le Rapporteur – Enfin, utiliser la loi et la contrainte sur cette question, c’est nier le dialogue social.

La participation financière augmente en France, notamment grâce à l’ouverture aux salariés des PME de l’accès au plan d’épargne d’entreprise. Cependant, la moitié des salariés ayant accès à un tel mécanisme travaillent dans des entreprises de plus de mille personnes, alors qu’ils ne représentent que le quart des salariés. En outre, le ministère de l’emploi vient d’indiquer que, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, au terme de plusieurs années de développement dues au succès des PEI, l’épargne salariale ne progresse plus.

Le projet de loi offre de nombreuses solutions équilibrées pour favoriser la participation dans les petites entreprises : négociation par branches dans les trois ans à compter de la publication de la loi, sécurisation des accords de participation afin que les contrôles administratifs et fiscaux ne soient plus ressentis comme une épée de Damoclès, développement des PEI et nouvelles possibilités offertes aux entreprises non cotées d’organiser leurs liquidités. Enfin, M. Ollier et moi-même avons déposé un amendement permettant à l’employeur de mettre en œuvre un mécanisme de participation de manière unilatérale. Voilà une panoplie propre à répondre à vos préoccupations.

M. Gérard Larcher, ministre délégué L’extension du dispositif de participation aux entreprises de moins de cinquante salariés est débattue depuis plusieurs années et a fait l’objet d’une discussion de fond au sein du conseil supérieur de la participation et dans nos rencontres avec les partenaires sociaux. Entre deux solutions – rendre le mécanisme obligatoire dans le temps pour les entreprises de vingt à cinquante salariés ou le maintenir facultatif mais avec une incitation –, nous avons choisi une voie intermédiaire : l’obligation sur trois ans de négocier des accords de branche « sur étagère », dont la mise en œuvre fait l’objet d’un suivi du conseil supérieur de la participation.

Comme vous tous, nous sommes conscients qu’il faut rendre les PME attractives et, d’ailleurs, c’est surtout sur elles que porte notre action en matière de grilles salariales. Mais, en l’espèce, nous souhaitons en rester au dispositif proposé, qui renforcera l’incitation donnée aux PME en simplifiant le système. J’ajoute que le conseil supérieur de la participation devra suivre l’évolution de la situation dans ces entreprises et vérifiera que l’obligation de mener des négociations de branche aura été respectée dans le délai imparti de trois ans.

M. Maxime Gremetz – Quand cesserons-nous de traiter différemment 14 des 22 millions de salariés que compte notre pays ? La représentation nationale discute d’un projet de loi qui ne s’appliquera qu’à un tiers d’entre eux ! En effet, les entreprises de moins de cinquante salariés ne seront pas concernées, alors qu’elles créent de l’emploi, et les fonctionnaires sont également laissés à l’écart. Sont-ils des pestiférés ? Seuls les hauts fonctionnaires touchent des primes !

M. Xavier de Roux - Ce n’est pas tout à fait le même sujet…

M. Maxime Gremetz - Faut-il les attribuer seulement à la tête du client ?

M. Xavier de Roux - Pas à tous ! C’est bien le principe.

M. Maxime Gremetz - Et ceux qui sont en bas de l’échelle n’auraient rien ? Quel bel exemple de participation à la mode gaulliste… Mais je sais que vous n’avez rien d’un gaulliste, Monsieur de Roux. En bon libéral, vous préférez les stock-options ! Mais c’est doute ce qui fait la diversité de notre assemblée et je note que, malgré nos différences, nous parvenons à débattre ensemble.

Pouvons-nous accepter que tous les salariés ne soient pas traités de la même façon, au motif qu’ils travaillent dans des PME ou dans la fonction publique ? Rappelez-vous la première loi sur les 35 heures : nous avions pris en compte les difficultés propres aux PME en leur donnant deux ans pour s’adapter. Pourquoi ne pas agir aujourd’hui de la même façon, afin de traiter à terme tous les salariés de manière identique ? Pensons également à ces millions de fonctionnaires qui sont exclus de l’intéressement. À quoi bon avoir créé une Haute autorité de lutte contre les discriminations ?

M. François Guillaume - Je ne doute pas des bonnes intentions de M. Balligand, mais interrogeons-nous : pourquoi existe-t-il autant d’entreprises de moins de cinquante salariés qui n’instaurent pas d’accords d’intéressement ? Ce que propose M. Balligand serait totalement contreproductif dans les TPE ! Mieux vaudrait leur permettre d’appliquer des mécanismes simples d’intéressement à titre facultatif, comme je l’ai proposé. Une contrainte de plus emporterait de nouveaux effets négatifs sur l’emploi ! Restons dans le domaine facultatif et offrons aux entreprises des formules incitatives !

Mme Anne-Marie Comparini - Nous partageons tous un même constat : la fracture s’aggrave entre les salariés des grandes entreprises et ceux des PME. N’oublions pas non plus que nous votons des tombereaux de lois qui restent inappliquées faute d’être applicables ! Sans renier la nécessité d’un égal traitement entre les salariés, il faut offrir des solutions adaptées aux PME et PMI, qu’il s’agisse de la participation et de l’intéressement, ou encore de l’innovation et de l’exportation. Donnons à ces entreprises l’envie de développer la participation au lieu de chercher à l’imposer !

M. Xavier de Roux - C’est le bon sens qui s’exprime !

Mme Anne-Marie Comparini – Je ne voterai donc pas l’amendement défendu par M. Balligand.

L'amendement 16, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Balligand – L’amendement 17, qui est notre position de repli, fera sans doute plaisir à M. Guillaume et à M. Joyandet, puisqu’il rejoint les positions défendues par l’un dans son rapport, et par l’autre devant la commission des finances. Nous proposons de retirer du dispositif les seules entreprises de moins de dix salariés, parce qu’elles appartiennent effectivement à un autre monde au sein des entreprises, tout en diffusant la participation dans le reste des PME.

M. le Rapporteur – Rejet.

M. Gérard Larcher, ministre délégué Ne nous berçons pas d’illusions : le vrai progrès passe par la négociation dans les PME. Dans la coiffure, par exemple, le dialogue social a porté ses fruits ! Si nous voulons faire progresser là l’intéressement, la participation et l’épargne salariale, nous devons passer par le dialogue et la négociation de branche…

M. Dominique Tian – Il nous faut enfin de la souplesse !

M. Gérard Larcher, ministre délégué …avec une véritable sécurisation juridique – le sentiment d’insécurité est en effet dévastateur pour une PME, qui ne peut passer de provisions à ce titre, contrairement aux grandes entreprises !

Nous sommes le seul pays en Europe à penser que le même droit doit s’appliquer partout, qu’une entreprise compte 30 ou 30 000 salariés !

Mme Anne-Marie Comparini - C’est très juste !

M. Gérard Larcher, ministre délégué Hélas, je ne suis pas certain qu’une telle situation soit favorable à l’emploi ! Sans entrer dans le débat sur le temps de travail, il a bien fallu traiter ce sujet de manière différenciée… Le souci de l’adaptation est d’autant plus essentiel que c’est dans les PME que se développe l’emploi ! Nous savons tous qu’un même texte n’apporte pas la même protection à tous – c’est même le contraire : le fossé s’élargit ! Depuis deux ans que je suis à la tête de ce ministère, je suis sans cesse frappé par l’absence d’équité entre les salariés selon la taille de leur entreprise.

M. Jean Le Garrec - Tout à fait !

M. Gérard Larcher, ministre délégué On le voit partout, y compris à propos de l’amiante : les inéquités sont toujours au terme des textes généralistes ! Nous devons tous y réfléchir ! (« Très bien ! » sur divers bancs)

M. Maxime Gremetz - Je ne peux pas vous laisser dire, Monsieur le ministre, que les PME et les TPE sont traitées comme les grandes entreprises.

M. Xavier de Roux - Mais si ! La loi est la loi et elle s’applique pareillement à tous !

M. Maxime Gremetz - Si tel était le cas, cela se saurait, y compris dans le code du travail. Comment se fait-il qu’un salarié sur deux ne puisse voter aux élections prud’homales ? Cela dépend de la taille de l’entreprise.

M. Jean Le Garrec - Ce n’est pas ce que M. le ministre a dit.

M. Maxime Gremetz - Ce n’est pas parce que vous êtes d’accord avec lui que vous allez m’expliquer ses propos, que j’ai fort bien entendus.

On ne peut donc dire que le code du travail s’applique de la même façon dans les PME car il existe bel et bien des seuils. Par ailleurs, pour prendre en compte toutes les spécificités des entreprises, il faudrait considérer d’autres éléments que leur taille : leur secteur d’activité par exemple. Et il faudrait les écouter. On comprendrait alors que les dirigeants des PME attendent autre chose qu’une loi sur l’intéressement : ils savent que s’ils n’augmentent pas le salaire ou la prime d’un excellent ouvrier professionnel, celui-ci partira.

M. Dominique Tian - Nous n’arrêtons pas de le dire !

M. Maxime Gremetz – Mais cela ne les gêne pas tous !

M. Xavier de Roux et M. Dominique Tian – Pourquoi cela les gênerait-il ?

M. Maxime Gremetz – Pourquoi alors les exclure effectivement du dispositif ? L’intéressement et la participation auraient en effet autrement plus de poids dans les PME que dans les grandes. J’ai été délégué du personnel chez Valeo, à Amiens. La situation était alors très simple, mais qu’en est-il des comptes, aujourd’hui que le groupe est multinational ? La situation est bien plus complexe pour les grandes entreprises, lesquelles se refusent à toute transparence en matière de résultats.

Madame Comparini, une loi doit s’appliquer à tous les salariés, en tenant compte certes des différences de situation, comme cela a été fait pour les 35 heures à travers la distinction entre les PME et la fonction publique, d’une part, et les grandes entreprises, d’autre part. L’égalité, ce n’est pas l’égalitarisme.

Enfin, quel exemple donne l’État ? Il fait voter une loi sur l’intéressement et la participation sans l’appliquer à ses agents ! Où est la morale ?

L'amendement 17, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz – Je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 11 heures 35, est reprise à 11 heures 50.

Art. 5

M. le Rapporteur – L’amendement 85 est rédactionnel.

L'amendement 85, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Alain Vidalies - Il pourrait y avoir contradiction entre un accord d’entreprise et l’accord de branche. Notre amendement 18 prévoit que, dès lors que ce dernier prévoit des conditions plus favorables pour les salariés, c’est lui qui s’applique. Cela ne ressort pas clairement des dispositions actuelles, la loi Fillon relative à la démocratie sociale ayant bouleversé la hiérarchie des normes dans le droit social. Il faut revenir à la norme selon laquelle l’accord d’entreprise ne peut contenir que des dispositions plus favorables que l’accord de branche.

M. le Rapporteur – La commission a rejeté l’amendement, faute d’en avoir saisi le bien-fondé. Il me semble en effet que les principes du droit social offriraient déjà toutes garanties. Le ministre va certainement nous le confirmer.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - La loi ne permet pas qu’un accord de branche soit moins favorable. Je confirme ce principe bien connu selon lequel un accord collectif ne peut qu’améliorer la situation des salariés par rapport aux dispositions de la loi, sauf si celle-ci en disposait autrement de manière expresse. Dans ces conditions, l’amendement n’est pas utile et j’en souhaite le retrait.

M. Alain Vidalies - Nous en aurions débattu avant la réforme que je mentionnais, je n’aurais rien à redire à votre argument. Mais dans la mesure où vous avez modifié les dispositions touchant à la hiérarchie entre accord d’entreprise et accord de branche, nous nous demandons, et certains syndicats également, ce qui peut se passer. Vous nous confirmez que rien n’est changé et que c’est l’accord le plus favorable aux salariés qui continuera à s’appliquer. J’en prends acte, mais je préfère l’écrire. Je maintiens donc l’amendement.

L'amendement 18, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – Prévoir des négociations de branche pour favoriser le développement de la participation dans les plus petites entreprises est un objectif ambitieux, car nous jouons clairement la carte du dialogue social, mais c’est également raisonnable – nous avons déjà débattu du seuil retenu. L’article 5 est donc très important. L’amendement 86 vise à en assurer la bonne application, en s’inspirant d’un dispositif inscrit dans la loi du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre hommes et femmes : Il s’agit de prévoir, en l’absence d’initiative patronale, l’ouverture automatique de négociations de branche à la demande d’une organisation syndicale représentative. J’y insiste, une chose est d’ouvrir des droits nouveaux par la loi, une autre de veiller à leur mise en œuvre. C’est tout l’objet de cet amendement.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Notre amendement 4 est identique. Nous n’allons pas renchérir sur les arguments développés dans chacune de nos commissions, mais je tiens, sur ce point, à dire après le président Dubernard combien nous avons le souci de mieux mettre en œuvre le principe de la participation, en particulier dans les entreprises de moins de cinquante salariés.

Reste qu’il y a débat sur les voies qui permettent d’y parvenir. Il existe en effet plusieurs instruments de participation : l’intéressement, la participation, l’actionnariat salarié et la participation à la gestion de l’entreprise. Ce que nous souhaitions au départ, c’est qu’en dessous de cinquante salariés, les chefs d’entreprise et les salariés puissent choisir ensemble l’un de ces systèmes. Lorsqu’il n’y a pas d’organisation par actions du capital, on ne peut évidemment pas choisir l’actionnariat salarié, mais on peut se rabattre sur l’intéressement, qui touche autant l’aspect financier que l’aspect projet d’entreprise, ou sur la participation. Suite aux discussions que nous avons pu avoir lors des auditions, nous avons finalement renoncé à rendre ce choix obligatoire. L’abaissement du seuil des cinquante salariés n’a donc pas été retenu. L’association Fondact, par exemple, plaidait pour que l’on choisisse un système et qu’on le rende obligatoire. Mais l’obligation crée la contrainte. Or, si nous voulons vraiment faire évoluer le projet participatif, il faut que les salariés et les chefs d’entreprise s’approprient le projet et qu’il y ait consensus. Qui dit obligation par la loi dit bien souvent rejet sur le terrain. C’est pourquoi nous avons renoncé à l’obligation. Les amendements que nous proposons démontrent que le débat a eu lieu et qu’il y a consensus sur l’article 5 : l’accord de branche est la bonne formule. Simplement, nous avons estimé qu’il fallait aller plus loin. S’il n’y a pas d’accord, il faut que l’on puisse enclencher le processus. C’est l’objet des amendements 86 et 4 : la négociation doit pouvoir être engagée dans les quinze jours suivant la demande d’une organisation syndicale.

Nous proposons une commission mixte. Je sais que vous n’y êtes guère favorable, Monsieur le ministre. Nous ne verrions donc pas d’inconvénient à y renoncer. Mais gardons au moins la première partie de l’amendement. L’amendement 264 vous proposera ensuite d’ouvrir au chef d’entreprise la possibilité de décider unilatéralement de mettre en œuvre le principe de la participation dans son entreprise, en l’absence d’accord de branche.

Bref, nous avons essayé d’élargir le système sans contrainte, de donner de la souplesse et de permettre à chacun – organisations syndicales et chefs d’entreprise – de prendre l’initiative de faire avancer les choses.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - Le dispositif proposé par les amendements 86 et 4 – la négociation s’engage dans les quinze jours suivant la demande d’une organisation syndicale représentative – constitue un apport important. S’agissant du fonctionnement des commissions mixtes, le Gouvernement souhaite en revanche conserver le dispositif actuel, à savoir une mise en place à l’initiative d’un des partenaires sociaux en cas de défaillance. Plus de cent commissions mixtes fonctionnent aujourd’hui à la demande d’un des partenaires sociaux. Dans le secteur du spectacle vivant, elles travaillent sur le droit conventionnel – il s’agit de passer de 43 accords à 8 conventions collectives. Les commissions mixtes se réunissent parfois sous l’autorité du directeur général du travail ou du ministre – j’ai eu l’occasion d’en présider une il y a moins de trois semaines. D’excellents résultats ont ainsi été obtenus en matière de salaires dans le secteur de la chimie et je ne désespère pas que la raison l’emporte, au travers du même dialogue, dans celui de l’hôtellerie-restauration. C’est l’initiative des partenaires sociaux qui permet d’avancer vers un accord. Par le sous-amendement 324, je vous propose donc de supprimer l’alinéa 3 de vos amendements.

M. le Rapporteur – Nous comprenons le souci du Gouvernement d’éviter une procédure lourde. Ce sous-amendement préserve l’essentiel de ce que nous visions, à savoir l’effectivité de la mise en œuvre des négociations de branche sur la participation. J’y suis donc favorable.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Même avis.

M. Maxime Gremetz - Je suis d’accord avec la démarche proposée – à savoir qu’à défaut d’initiative de la partie patronale, la négociation s’engage dans les quinze jours suivant la demande d’une organisation syndicale représentative. Je souhaite simplement savoir s’il s’agit bien d’une organisation syndicale représentative au sens de la loi, et non simplement des seules organisations syndicales de l’entreprise ? (« Bien sûr que si ! » sur les bancs du groupe UMP) Mais il n’y a pas d’organisations syndicales dans ces entreprises ! Vous vous en tirez à bon compte ! Et dans ce cas, la commission mixte s’impose.

M. le Rapporteur – Je vous renvoie à l’article L. 132-2 du code du travail. Les accords de branche ne pouvant intervenir qu’au plan national, vous avez la réponse.

M. Maxime Gremetz – J’entends bien. Mais la demande d’une organisation syndicale peut-elle émaner d’une union syndicale, au niveau de la ville ? Il est important de le savoir.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Le code du travail s’applique. Relisez-le.

M. Maxime Gremetz - M. le ministre n’en est pas si sûr…

M. Jean Le Garrec – La question de la non-représentativité syndicale au niveau de la petite entreprise n’a pas du tout la même portée lorsqu’il s’agit comme ici d’un accord de branche, puisqu’au niveau de la branche, cette représentativité est assurée. Ces amendements me paraissent donc intéressants. Il s’efforcent de répondre à l’aggravation des inégalités entre les petites et les grandes entreprises, ce qui nous conduira inévitablement à réfléchir aux relations entre le donneur d’ordres et la petite entreprise. Voyez l’exemple d’Airbus. Qui va trinquer ? Les PME !

Ces amendements permettent au moins de poser le problème s’agissant de la participation et de l’intéressement. Il ne faut pas pour autant mélanger intéressement, participation et participation à la gestion de l’entreprise. M. Ollier a justement fait la distinction, et je regrette qu’hier, l’on ait pu se faire taxer de marxisme ou d’archaïsme dès lors qu’on posait ce type de questions… Ces amendements ne régleront pas tous les problèmes, mais ils permettront au moins que la négociation s’engage.

M. Gérard Larcher, ministre délégué - La commission mixte paritaire, c’est l’organisation représentative dans la branche.

Le sous-amendement 324, mis aux voix, est adopté.
Les amendements 86 et 4 ainsi sous-amendés, mis aux voix, sont adoptés.

M. Maxime Gremetz - On n’a pas répondu à mes questions.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Si !

M. Maxime Gremetz – Une organisation syndicale représentative dans une ville pourra-t-elle ou non réclamer l’ouverture de négociations ?

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Relisez le code du travail !

M. Maxime Gremetz - Le ministre ne veut pas se mouiller !

M. le Président – Défendez votre amendement.

M. Maxime Gremetz - Notre amendement 57 vise à compléter les missions du conseil supérieur de la participation…

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Pourquoi le compléter puisque vous trouvez que ce conseil ne sert à rien ?

M. Maxime Gremetz - Je n’ai pas dit cela, j’ai simplement informé l’Assemblée sur sa composition ! Et je me suis élevé contre votre tendance à considérer que, dès lors qu’il avait été consulté, nous n’avions plus rien à dire.

Institué par la loi de juillet 1994, ce conseil a déjà plusieurs missions : « observer les conditions de mise en œuvre de la participation, contribuer à la connaissance statistique de celle-ci, rassembler l'ensemble des informations disponibles sur les modalités d'application de la participation dans les entreprises et les mettre à la disposition des salariés et des entreprises qui en font la demande, apporter son concours aux initiatives prises dans les entreprises pour développer la participation à la gestion et la participation financière des salariés, formuler des recommandations de nature à favoriser le développement de la participation et renforcer les moyens d'une meilleure connaissance des pratiques de participation ». Voyez comme il est important…

Il établit en outre un rapport annuel sur l'intéressement, sur la participation des salariés aux résultats de l'entreprise, sur les plans d'épargne d'entreprise et sur les négociations salariales dans les entreprises ayant conclu des accords d'intéressement.

Il convient de compléter ses prérogatives par une nouvelle mission : vérifier que l’on ne substitue pas l’épargne salariale au salaire. Alors que le pouvoir d'achat des salaires à diminué de 0,5 % au second trimestre, poursuivant la dégringolade observée depuis cinq ans, les formes de participation et d'intéressement ont, elles, augmenté de 8,3 %. Cela se comprend : à la différence d'une augmentation des salaires, la participation financière n'est pas pérenne, elle supporte une fiscalité plus avantageuse et elle permet de flexibiliser les revenus. Enfin, elle ne concerne que 50 % des salariés. Il faut donc avoir un regard lucide sur ces pratiques. Il nous semble que le conseil supérieur de la participation peut l'avoir.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé cet amendement, qui est satisfait, puisque ledit conseil a déjà pour mission d’observer les conditions de mise en œuvre de la participation.

M. Gérard Larcher, ministre délégué Ne confondons pas le suivi des salaires, qui est l’affaire de la commission nationale de la négociation collective, et en particulier de sa sous-commission des salaires, avec le suivi des conditions de mise en œuvre de la participation, qui est celle du conseil supérieur de la participation. À l’heure où nous mettons l’accent sur le dialogue social, il serait surprenant, surtout après les critiques adressées par M. Gremetz à la composition non paritaire de ce conseil, de retirer des prérogatives à la Commission nationale de la négociation collective pour les lui confier !

M. Dominique Tian - M. Gremetz a posé tout à l’heure une question importante et j’aimerais être sûr d’avoir bien compris la réponse. Qui peut demander l’ouverture de négociations ? S’il y a un délégué syndical dans l’entreprise, c’est lui, mais s’il n’y en a pas, qui ?

M. Maxime Gremetz - Vous voyez que la question se pose !

M. François Guillaume - M. Gremetz a peur que les primes d’intéressement se substituent au salaire. Je suis étonné qu’il ne fasse pas confiance aux organisations représentatives pour éviter cela.

M. Maxime Gremetz - Je leur fais confiance.

M. François Guillaume - Mais les choses se règlent au cas par cas. À Air France, par exemple, les organisations syndicales représentatives ont accepté, compte tenu de la situation de l’entreprise, que les pilotes, qui faisaient grève pour obtenir une augmentation de salaire, ne soient pas augmentés autant qu’ils le demandaient, mais bénéficient en compensation d’une distribution d’actions.

M. Gérard Larcher, ministre délégué Même si nous revenons en arrière dans la discussion, je voudrais écarter tout risque de confusion : ce qui était visé était l’ouverture de négociation dans les branches, car la commission mixte paritaire n’existe que dans la branche. Les organisations représentatives peuvent être soit les organisations habituelles, soit des organisations représentatives dans la branche, ce qui existe pour les salariés – l’UNSA existe dans un certain nombre de branches – comme pour les employeurs – dans la branche du spectacle vivant, il y a des organisations représentatives d’employeurs qui ne sont rattachées ni au Medef, ni à la CGPME, ni à l’UPA.

M. Maxime Gremetz – Je serais bien le dernier à ne pas faire confiance aux organisations syndicales, mais vous oubliez que beaucoup d’entreprises n’en ont pas. À l’évidence, ce n’est pas celles qui en ont qui posent problème ! Vous ne voulez pas obliger les entreprises de moins de cinquante salariés à adopter des dispositifs d’épargne salariale, mais les y inciter. Comme ces entreprises n’ont souvent pas de syndicats, qui va agir si la direction n’ouvre pas de négociations ? Heureusement, le ministre a donné une réponse bien différente de celle de M. Tian, qui n’était pas satisfaisante du tout.

M. Dominique Tian - Il a dit la même chose que moi ! C’est le choix des salariés !

M. Maxime Gremetz - Ce n’est pas ce que le ministre a dit : cela se fait dans le cadre de la branche. Or, à partir du moment où il y a un accord de branche, toute organisation syndicale représentative, quelle qu’elle soit, peut s’adresser à une entreprise. Si vous n’interprétez pas les propos du ministre de la même façon que moi, il va devoir donner des précisions.

Quant au conseil supérieur de la participation, Monsieur le ministre, même si je pourrais souhaiter que sa composition soit un peu plus démocratique, je ne mets aucunement en cause ses travaux : je les respecte. En revanche, il n’y a aucune raison de le considérer comme une référence absolue ou une autorité morale. Vous pouvez vous référer à son avis, mais sans oublier que les organisations syndicales n’étaient pas d’accord ! Il peut y avoir des opinions dissidentes dans n’importe quel organisme. Par ailleurs, je vous rappelle que le rapport annuel du conseil supérieur doit porter, outre sur l’intéressement, la participation des salariés aux résultats de l’entreprise et les plans d’épargne d’entreprise, sur les négociations salariales dans les entreprises ayant conclu des accords d’intéressement. C’est pourquoi nous proposons de lui confier cette étude pour savoir si l’intéressement se substitue au salaire ou s’il s’y s’ajoute. C’est dans ses missions.

M. Dominique Tian - S’il y a accord de branche, il n’y a pas de problème.

M. le Rapporteur et M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques - L’amendement est déjà voté !

M. Dominique Tian - Mais personne n’a rien compris ! S’il n’y a pas d’accord de branche, il faut savoir s’il y a un délégué syndical dans l’entreprise. S’il y en a un, les négociations peuvent s’ouvrir. Sinon, on laisse la liberté de négociation entreprise par entreprise.

M. Maxime Gremetz - Mais qu’est-ce que ça veut dire ?

L'amendement 57, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques - L’amendement 264, cosigné par le président Dubernard, ouvre la possibilité au chef d’entreprise, en l’absence d’accord de branche, de prendre seul l’initiative d’une répartition de la participation. Vous savez que nous avons voulu écarter le contrainte, au profit de l’incitation. Il était donc important de lui donner cette faculté, sachant que la négociation suivra automatiquement : l’initiative une fois prise conduira tout naturellement à conclure un accord de participation, qui reprendra l’ensemble du système existant de la participation. Si le Gouvernement est d’accord, il lui faudra lever le gage.

M. Gérard Larcher, ministre délégué Nous avions engagé cette discussion hier, à l’occasion d’un amendement 280 de M. Guillaume. Je sens bien que le sujet vous préoccupe, et je pense que l’amendement des présidents Ollier et Dubernard contribuera à la diffusion du principe de la participation. Les petites et moyennes entreprises peuvent éprouver, dans un premier temps en tout cas, des difficultés à parvenir à un accord sur un sujet qui demeure complexe. La solution qui est proposée a le mérite de leur faciliter les choses et constitue un premier pas vers la participation, avec ses avantages et ses contraintes. C’est une excellente proposition et le Gouvernement lève le gage.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Hier, j’avais proposé à M. Guillaume de cosigner cet amendement. M. Joyandet serait le bienvenu s’il voulait nous rejoindre.

M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis de la commission des finances – Je suis tout à fait favorable à cet amendement, et la commission des finances, qui ne l’a pas examiné, le serait sans doute aussi. Le manque de mécanismes de participation dans les entreprises de moins de cinquante salariés touche tout de même six millions de salariés ! Il ne peut donc être que bénéfique de lever une de ces complications auxquelles les petites entreprises ont du mal à faire face, et je suis tout à fait prêt à cosigner cet amendement. Mais je crains qu’il ne fasse que mettre le doigt sur le problème sans régler grand-chose. Comment encourager un chef d'entreprise, comme d’ailleurs les salariés, en lui disant qu’il faut entrer dans un processus pluriannuel, que l’intéressement doit être bloqué pour cinq ans, que pour le calculer, il faut appliquer une formule à rallonge et que tout régime dérogatoire doit être plus avantageux, ce qui implique que cette fameuse formule soit préalablement calculée ? On entre là dans tout le processus de la négociation salariale qui n’existe pas dans les PME.

Si l’on veut étendre le système de la participation et de l’intéressement tel qu’il existe, il faut le rendre obligatoire. Comme il n’en est pas question, aucune incitation ne portera ses fruits. On aurait donc tout intérêt à élaborer un dispositif de substitution, comme on le fait dans un certain nombre d’autres domaines. La commission des finances vous en proposera un après l’article 6, qui permet au chef d'entreprise, à la fin de l’année, lorsqu’il aura fait des bénéfices, d’en donner un petit peu aux salariés, lesquels pourront bénéficier d’une exonération sociale – pas fiscale – comme ceux des grandes entreprises. On nous oppose le risque de substitution de l’intéressement au salaire. Mais ce n’est pas dans les TPE, qui donneront 500 euros par an et par tête de pipe, qu’il y peut y avoir substitution ! D’autre part, vous avez l’air de dire qu’il n’y a pas de coût si l’argent est bloqué pendant cinq ans, mais qu’il y en a un s’il est libre tout de suite. Mais c’est dans les grandes entreprises qu’on discute, au moment de l’embauche, du salaire, de l’intéressement et de la participation. C’est là que se crée un transfert – et que vous ouvrez par la même occasion le robinet de la compensation. Dans une PME où le salarié gagne 1,2 ou 1,3 SMIC, quand on lui offre une prime de 400 euros, on ne les retire pas de son salaire !

Telle est la réalité que vivent les salariés des petites entreprises. Je voterai donc pour cet amendement qui allège une contrainte, mais en retour, je souhaiterais que le Gouvernement soit attentif à la proposition que fera la commission des finances après l’article 6, afin d’offrir aux chefs de petites entreprises un dispositif simple.

Enfin, n’ayez crainte, je ne suis pas subitement devenu collectiviste. Pour autant, je trouve choquant que les petites entreprises ne bénéficient pas de la participation exonérée de charges. Tandis que l’on fait un chèque de dividendes exonéré à l’actionnaire que l’on voit une fois par an à l’assemblée générale, le salarié, lui, pourtant présent tous les jours, ne reçoit qu’un intéressement fiscalisé. C’est en actionnaire et chef de petite entreprise que je vous le dis : il faut capter l’attention de ceux de nos concitoyens qui ne bénéficient d’aucun dispositif parce qu’ils ont le malheur de travailler dans les très petites entreprises, pourtant maillon fondamental de notre tissu économique.

M. Jean Le Garrec - Voilà un discours révolutionnaire !

M. Maxime Gremetz - Et honnête !

M. le Rapporteur pour avis de la commission des finances – Cela étant dit, j’accepte de cosigner l’amendement 264.

M. François Guillaume - Je m’associe à l’argumentation éclairée de M. Joyandet et à son amendement qui viendra après l’article 6. Toutefois, je voterai également celui-ci : bien que sa complexité risque de décourager plus d’un chef d’entreprise, c’est un premier pas dans le bon sens.

M. Dominique Tian - La technique évoquée à l’instant par M. Joyandet a déjà été utilisée avec succès par le Gouvernement pour les primes Breton et Villepin, très appréciées par les entreprises et les salariés.

M. Alain Vidalies - Après le rejet de nos amendements visant à appliquer le droit commun aux entreprises de moins de cinquante salariés, restent deux positions possibles sur cette question de fond : celle que propose M. Joyandet, mais qui présente le danger d’une substitution de la participation au salaire, et celle qui est défendue dans cet amendement 264, qui revient à une participation octroyée.

Pourquoi écarter tout autre mécanisme permettant d’aboutir à un accord, au seul prétexte qu’il n’y a pas, dans l’entreprise, les interlocuteurs nécessaires ? Il y a pourtant des solutions : le mandatement d’un représentant syndical pour nouer le dialogue social, comme cela s’est fait pour les trente-cinq heures ; ou encore la représentation syndicale territorialisée – les « délégués de site ». Au pire, on peut toujours faire remonter la négociation au stade de la branche.

Pourtant, votre amendement écarte le principe selon lequel l’accord doit être le fruit d’un dialogue : c’est inacceptable. Si l’amendement de M. Joyandet nous inquiète, celui-ci ne nous rassure pas, car il interdit l’élargissement du processus aux petites entreprises.

M. Jean-Pierre Balligand – Je constate que certains parmi vous, dans les commissions comme au Gouvernement, sont réticents à adopter l’amendement de M. Joyandet et allument donc un contre-feu avec cet amendement 264.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Pas du tout ! Nous l’avions rédigé avant !

M. Jean-Pierre Balligand - Quoi qu’il en soit, ces deux amendements procèdent de la même idée : on octroie la participation ! On peut certes arguer que les entreprises de moins de cinquante salariés n’ont pas de comité d’entreprise et, partant, pas de section syndicale. Le dialogue social y est-il pour autant impossible ?

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Le dialogue social existe au quotidien dans les petites entreprises !

M. Jean-Pierre Balligand - Souvenez-vous de la création du plan d’épargne interentreprises que j’ai proposée jadis et dont M. Dubernard lui-même a rappelé le succès : il fut négocié par mandatement territorial, afin de respecter l’homogénéité de salaires dans les bassins d’emploi. D’autre part, on peut très bien négocier au niveau de la branche, comme ce fut fait pour le bâtiment ou la coiffure. Même ces petits patrons, pourtant réputés assez durs, ont accepté de négocier.

M. Dominique Tian - Pourquoi insultez-vous les coiffeurs ?

M. Jean-Pierre Balligand – Votre attachement au dialogue social, Monsieur le ministre, devrait vous conduire à ne pas vous émanciper d’une méthode partenariale de négociation pour adopter la participation octroyée défendue par ces amendements. Depuis plusieurs années, les organisations syndicales ont considérablement avancé en la matière et forment désormais leurs salariés à ces négociations. Évitons de casser le dialogue entre chef d’entreprise et organisations syndicales.

L'amendement 264 rectifié, mis aux voix, est adopté.
L'article 5 modifié, mis aux voix, est adopté.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.
La séance est levée à 13 heures.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

© Assemblée nationale