Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2006-2007)

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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du mardi 10 octobre 2006

Séance de 15 heures
4ème jour de séance, 8ème séance

Présidence de M. Jean-Louis Debré

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La séance est ouverte à quinze heures.

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souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

M. le Président - Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation du Congrès des députés d’Espagne, conduite par le président du groupe d’amitié, M. Ignacio Gil Lázaro (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent).

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Airbus

M. Stéphane Demilly - La société Airbus traverse une période de très fortes turbulences, dues au retard dans la fabrication de l’A380 et à l’évolution du cours de change euro-dollar. Au cours du comité central d’entreprise extraordinaire récemment tenu à Toulouse, le président d'Airbus France a informé les représentants du personnel du nouveau calendrier de l’A380 et leur a annoncé le lancement d'un programme d'économies. Ces indications sont loin d’avoir dissipé les inquiétudes des salariés des ateliers français de fabrication d’Airbus, notamment ceux de Méaulte, dans la Somme, et de Nantes. Le président Thomas les a partiellement rassurés hier en leur écrivant que la fermeture des établissements « n'était pas à l'ordre du jour et ne faisait pas partie des réflexions en cours », mais il n’a pas exclu la possibilité d’une « externalisation de sites », expression pudiquement utilisée pour évoquer des ventes d'actifs, des pertes de savoir-faire et de probables réductions d'effectifs.

L'État, actionnaire d'EADS à hauteur de 15 %, a toujours soutenu l'industrie aéronautique française. Quelle action allez-vous entreprendre, Monsieur le ministre de l’économie, pour obtenir de la direction d'Airbus un engagement clair sur la préservation de ces sites industriels ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur certains bancs du groupe socialiste)

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l’industrie Le Gouvernement et l’État joueront pleinement leur rôle, qu’il s’agisse d’Airbus, d’EADS ou de l’ensemble des sous-traitants. Je me suis entretenu tout à l’heure avec M. Louis Gallois, qui a écarté de la manière la plus nette l’idée que les décisions prévues dans le plan approuvé à l’unanimité par le conseil d’administration d’Airbus pourraient être prises avant que des discussions approfondies aient eu lieu. Les élus seront consultés, aussi bien dans la Somme, où un rendez-vous est prévu avec M. de Robien, avec le président du conseil général et avec celui du conseil régional, que dans les autres départements où des sites de fabrication d’Airbus sont installés. Des discussions auront également lieu avec les représentants des salariés et avec les sous-traitants. En sa qualité de coprésident exécutif d’EADS et de PDG d’Airbus, M. Louis Gallois a désormais toutes les commandes en main. C’est ce que nous souhaitions depuis longtemps. Nous avons confiance dans le plan d’action prévu par l’entreprise, et nous le soutenons (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Budget

M. Jean-Claude Sandrier - La présentation idyllique faite du budget par le Gouvernement ne correspond malheureusement pas à la réalité puisque, pour un salarié moyen, rien n'a changé. Pour 100 euros de baisses d'impôt, il aura connu, en cinq ans, 200 euros d'augmentation de la CSG, sans compter les hausses de taxe d'habitation et de taxe d'enlèvement des ordures ménagères, auxquelles il faut ajouter les hausses de prix... L'essentiel des allégements fiscaux voulus par le Gouvernement est allé aux 10 % de Français les plus riches, et les 400 millions de cadeaux sur l'ISF octroyés grâce au bouclier fiscal équivalent à ce dont nos hôpitaux auraient besoin ! De plus, cinq milliards de recettes supplémentaires ont été dégagés cette année. Pour cela, les ménages ont accru leur endettement et puisé dans leur épargne. En fait, vous voulez éponger une partie de la dette aggravée par vos cadeaux aux plus riches en appauvrissant la majorité de nos concitoyens ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Alors que, selon la Cour des comptes, ces cinq milliards devraient servir à l'investissement public, votre politique budgétaire se résume à transférer des revenus du travail vers le capital (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Vous prétendez désendetter l'État, mais vous ne dites jamais que l'endettement net de la France est inférieur à celui des autres pays de la zone euro et de tous les pays de l'OCDE (Mêmes mouvements) et vous ne parlez jamais de la masse considérable de ressources fiscales potentielles auxquelles vous ne voulez pas toucher – profits, dividendes, stock-options, plus-values boursières… De plus, vous cachez que les 450 milliards de cadeaux fiscaux et les exonérations de charges consentis depuis vingt ans, qui n'ont pratiquement servi à rien pour l'emploi et le pouvoir d'achat, représentent la moitié de la dette publique (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Enfin, vous ne dites pas que l’ensemble des actifs financiers représente trois fois le PIB, ce qui, taxé à 1 %, rapporterait 35 milliards d’euros !

La question que nous vous posons, Monsieur le ministre de l'économie, et que nous reprenons dans une pétition nationale, est la suivante : pourquoi ne pas prélever sur cet argent qui « coule à flot », selon la formule d'un grand économiste français, pour favoriser l'emploi, le pouvoir d'achat et la protection sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État Contrairement à ce que vous alléguez, le budget est au service de l’emploi (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), avec des moyens en sa faveur augmentés de 3 %. D’autre part, nous agissons en faveur de la croissance par le gel de l’impôt sur les sociétés et par la réforme de la taxe professionnelle (Mêmes mouvements) et nous accroissons le pouvoir d’achat des familles modestes (Mêmes mouvements). Comment prétendre ignorer que l’augmentation de la prime pour l’emploi conduit au versement de l’équivalent d’un treizième mois pour les salariés payés au SMIC ? Quant à l’impôt sur le revenu, il baissera pour 80 % de nos concitoyens, ceux qui touchent moins de 3 500 euros par mois. J’observe que les dispositions que nous avons prévues ne doivent pas être aussi mauvaises que vous le dites, puisqu’elles seront également mises en œuvre en Italie par un ministre du budget qui est un ancien communiste… Inspirez-vous de ce que font vos homologues transalpins, et aidez-nous à redresser la France ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains, applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Airbus

M. Jean Diébold – Si l’A380 confirme en vol ses remarquables performances, de graves erreurs dans la chaîne de production et des carences dans le management de l’entreprise ont rendu la situation de la société Airbus très préoccupante. M. Streiff, le nouveau président désigné dans l'urgence pour remettre de l’ordre, a jeté l’éponge, considérant ne pas avoir les moyens nécessaires d’appliquer son plan de sauvetage. L'arrivée aux commandes de M. Gallois, qui a la confiance de la communauté aéronautique, est rassurante, mais il devra, pour réussir sa mission, être soutenu car le défi est de taille : « rattraper » 6 milliards d'euros, soit plus de la moitié du coût du développement du futur A350, qui est essentiel pour l'avenir de notre industrie, mais qui pourrait être retardé ou même remis en question.

L’État, actionnaire d'EADS, doit donc apporter à Airbus un soutien politique sans faille, à l’instar de l’Allemagne. Il est également primordial d’octroyer à cette entreprise des aides financières par tous les moyens autorisés, comme les avances remboursables ou le soutien à la recherche et au développement.

Pouvez-vous, Monsieur le ministre de l’économie, nous préciser la position du Gouvernement sur ce dossier particulièrement délicat d'Airbus, dossier qui touche bien évidemment Toulouse et tous les sites de production d'Airbus France, mais aussi toutes les entreprises sous-traitantes ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l’industrie Le président Gallois a rencontré aujourd’hui à Toulouse les élus locaux et les organisations syndicales – et il continuera à le faire demain – afin de leur expliquer précisément la teneur du plan retenu. Je peux vous confirmer qu’aucune décision ne sera prise avant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, et qu’une étroite concertation sera organisée au préalable.

Nous veillerons à garantir la compétitivité des sites, car c’est une nécessité, mais nous devons adopter un rythme acceptable et accepté de tous, tout en maintenant un équilibre : Airbus est une entreprise européenne… Elle est notre bien commun, par-delà tous les clivages, notamment entre la droite et la gauche, et tous, Français et Européens, nous devons en être fiers ! Je voudrais donc que nous nous rassemblions tous autour de cette entreprise, comme sa direction a décidé de le faire en proposant d’instaurer enfin une direction unique d’Airbus et EADS. C’est ainsi que cette entreprise restera le leader mondial de l’aéronautique !

Je le répète : aucune décision brutale ne sera prise et tout sera fait dans la concertation. Sans esprit de polémique, je vous rappelle également que nous devons respecter le pacte d’entreprise : nous ne nous abritons pas derrière lui, contrairement à ce que vous avez écrit, Monsieur Ayrault, mais l’État n’est pas actionnaire d’EADS, et encore moins d’Airbus (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) : l’État est actionnaire de la SOGEAD, qui est elle-même actionnaire de ces deux entreprises. C’est ce qu’a notamment voulu Laurent Fabius (Même mouvement). Voilà la réalité. Nous gérons cet héritage dans l’intérêt de l’entreprise, des Français et de l’Europe ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

EADS

Mme Françoise Imbert – L'entreprise EADS, fleuron de l'industrie aéronautique nationale et européenne, vient d’annoncer de nouvelles et importantes difficultés. Le pari technologique de l’A380 est certes gagné, mais des difficultés industrielles conduisent l'avionneur à prévoir d’importants retards de livraison. Cette situation inquiète les salariés de tous les sites en France – Toulouse, Nantes, Saint-Nazaire, Méaulte – ainsi que les salariés de tous les sous-traitants et des équipementiers : il est même question de délocaliser !

Sachez, Monsieur le Premier ministre, que nous n'accepterons ni la fermeture ni la vente des sites industriels. Nous refusons également les arguments de certains dirigeants d'Airbus, qui nous expliquent que ce grand projet européen ne peut plus se réaliser que dans la zone dollar, et non dans la zone euro.

Tous les salariés sont inquiets et on ne peut que les comprendre, quelques mois seulement après des ventes d’actions préjudiciables à Airbus et après l'affaire des stock-options de M. Forgeard, dirigeant que votre gouvernement avait nommé…

Votre responsabilité est donc aujourd’hui engagée, Monsieur le Premier ministre. L’État, actionnaire d’Airbus, va-t-il refuser de telles délocalisations, qui seraient incompatibles avec le caractère européen de ce projet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l’industrie Je le répète sans esprit de polémique, car j’ai apprécié la teneur de votre question, Madame Imbert : en compagnie du Premier ministre, j’ai rencontré hier Louis Gallois ; nous avons eu une discussion approfondie sur cette question. Dans cette crise, qui est aujourd’hui derrière nous (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), l’État a assumé pleinement ses responsabilités dans le cadre du pacte actuel, que nous devons respecter. Un tel pacte était sans doute nécessaire à l’époque, car il fallait réunir les industries aéronautiques britannique, espagnole, française et allemande, mais sachez que ce pacte ne nous donne aucun droit de nomination, ni même de proposition. Dans cette situation contrainte, nous avons pris nos responsabilités…

Plusieurs députés socialistes – Non !

M. le Ministre – Alors que nous souhaitions depuis longtemps une ligne de « management » unique, cette proposition a enfin été acceptée, et c’est une très bonne nouvelle pour l’entreprise, ses salariés et ses clients. Un plan de réorganisation industrielle existe désormais – et il a même été adopté à l’unanimité !

Un député socialiste – Tout va très bien…

M. le Ministre – L’État joue donc son rôle, Madame Imbert. À la demande du Premier ministre, j’ai été extrêmement présent depuis le début de la crise et j’ai indiqué que l’État, contrairement aux autres actionnaires industriels, ne vendrait pas une seule action de la SOGEAD. Nous avons en effet décidé de soutenir dans le long terme cette entreprise stratégique !

La bonne nouvelle, c’est que le plan arrêté est crédible et réaliste : il permettra à Airbus d’être le leader mondial et de le rester ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

corée du Nord

M. Loïc Bouvard – Monsieur le ministre des affaires étrangères, un événement d’une gravité extrême s'est produit dans la nuit de dimanche à lundi : la Corée du Nord a fait exploser souterrainement une bombe nucléaire, au mépris de toutes les mises en garde qui lui avaient été adressées !

Le 10 janvier 2003, dix ans après une première annonce en ce sens, la Corée du Nord s'était déjà retirée du traité de non-prolifération nucléaire. Et voici un an et demi, elle avait déclaré posséder cette arme ! À de multiples reprises la communauté internationale a tenté de mettre un frein à cette dérive : le groupe des six, composé de la Chine, du Japon, de la Corée du Sud, des États-Unis, de la Russie et de l’Union européenne s'y est beaucoup employé, mais sans succès !

Dès hier, les États-Unis ont demandé une réunion du Conseil de sécurité et proposé l'adoption de sanctions contre Pyongyang, notamment un embargo sur les livraisons d'armes, un gel des avoirs financiers et une inspection des navires se dirigeant vers les ports nord-coréens.

Ce projet de résolution devant être examiné par les cinq membres permanents du Conseil de sécurité et le Japon aujourd'hui même, pouvez-vous nous dire comment vous analysez cet événement majeur, Monsieur le ministre, et nous indiquer quelles en sont les conséquences prévisibles, dans la région comme dans le monde ? Enfin, pouvez-vous nous préciser quelles initiatives la France va prendre dans ce contexte nouveau ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères - En effet, la Corée du Nord a annoncé avoir procédé hier à un tir nucléaire. Nous avons immédiatement condamné, comme l’ensemble de la communauté internationale, y compris la Chine, cette action d’une extrême gravité. Aujourd’hui, il est nécessaire que le Conseil de sécurité réagisse. Les États-Unis ont proposé un projet de résolution et le Conseil, en ce moment même, prépare une résolution qui impose à la Corée du Nord des sanctions portant notamment sur le programme des missiles balistiques et le programme d’armes de destruction massive. Nous souhaitons qu’elle soit adoptée le plus vite possible. Je rappelle qu’en juillet dernier, à la suite de tirs de missiles coréens, le Conseil de sécurité, sous présidence française, a voté la résolution 1695 qui imposait à la Corée du Nord de suspendre toutes ses activités balistiques (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

biocarbuRants

M. Alain Gest - Le réchauffement de la planète et la raréfaction des énergies fossiles nous imposent de modifier en profondeur notre politique énergétique. Les biocarburants sont une solution qui, de surcroît, offre de nouveaux débouchés à l’agriculture. C’est pourquoi, dès septembre 2004, Jean-Pierre Raffarin a lancé la première phase d’un plan biocarburants prévoyant une production supplémentaire de 800 000 tonnes d’ici à 2007 et le lancement d’appels d’offres pour la construction de nouvelles usines de production. L’actuel gouvernement a, dans un second temps, défini un programme ambitieux, puisqu’il vise à porter l’objectif d’incorporation de biocarburants de 5,75 % à 7 % en 2010 et à 10 % en 2015. Le Parlement a traduit ce plan national dans la loi d’orientation agricole. Au total, il s’agit de quintupler, d’ici à 2013, la production de biocarburants défiscalisables.

Aujourd’hui, Monsieur le ministre de l’économie, sur la base d’un rapport d’Alain Prost, vous allez plus loin en soutenant le développement de l’E85, un carburant incorporant 85 % d’éthanol. Hier, à Paris, vous avez inauguré avec M. Bussereau et le patron de Total la première pompe à biocarburant. Pour que cette politique réponde à nos espoirs, certaines conditions doivent être remplies. D’abord, quels engagements ont pris les groupes pétroliers, et notamment Total, sur le nombre de pompes qu’ils vont installer dans les mois qui viennent ? Ensuite, qu’en est-il de la volonté des constructeurs de produire des véhicules « flex fioul » ? Enfin, comment comptez-vous garantir un tarif attractif de 80 centimes par litre d’E85 ?

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l’industrie Oui, les gouvernements de Jean-Pierre Raffarin et de Dominique de Villepin ont agi avec fermeté pour développer les biocarburants. L’objectif de 5,75 % d’incorporation, d’abord fixé pour 2010, sera dépassé en 2008 et nous l’avons fixé à 7 % pour 2010 et à 10 % pour 2015. Cet effort est nécessaire, car nous sommes entrés dans l’ère de l’après-pétrole, et il faut préparer un ensemble de solutions, que nous trouverons dans le diester,….

M. Jean Dionis du Séjour - Très bien.

M. le Ministre - …dans le véhicule électrique et, de façon générale, dans les énergies renouvelables.

S’agissant de l’E85, nous avions confié à Alain Prost une mission pour fédérer l’ensemble des acteurs, groupes pétroliers, agriculteurs, constructeurs automobiles. Il a remis son rapport et le Premier ministre a décidé d’en reprendre les recommandations, à savoir : faire en sorte que la filière commence tout de suite ; qu’en juin, ou au plus tard en septembre 2007, les constructeurs, notamment français, offrent des véhicules « flex fioul » au grand public ; faire installer sur tout le territoire d’ici à la fin de l’année prochaine plus de 500 pompes proposant du bioéthanol. Total s’est engagé à en fournir 250, le reste l’étant par d’autres producteurs. Enfin, Renault nous a garanti qu’en 2009, la moitié de ses véhicules à essence seraient « flexibles ». S’agissant du prix, le Premier ministre a décidé que les taxes de l’État sur la partie biocarburant, donc sur 85 %, seraient supprimées, ce qui permet d’assurer, toutes choses égales par ailleurs, ce prix de 80 centimes par litre (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

Vérité sur les comptes publics

M. Didier Migaud – Pour le Gouvernement, tout va bien : les Français, la France vont beaucoup mieux ! Quel décalage avec ce que vivent réellement une immense majorité de nos concitoyens, dont les difficultés s’accroissent.

M. Yves Nicolin - Baratin !

M. Didier Migaud - En vérité, les comptes publics se sont dégradés depuis cinq ans, et si la croissance est un peu meilleure aujourd’hui, vos résultats sont moins bons que ceux de beaucoup de nos voisins et nettement moins bons que ceux obtenus par le Gouvernement sous la législature précédente (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Monsieur le ministre du budget, vous qui êtes le porte-parole du Gouvernement et qui avez écrit un ouvrage dans lequel vous preniez l’engagement solennel de ne plus pratiquer la langue de bois, je vais vous donner l’occasion de passer à la pratique en vous posant quelques questions très précises.

Oui ou non, la dette publique est-elle inférieure aujourd’hui à ce qu’elle était en juin 2002 ?

Un député UMP - Oui !

Plusieurs députés socialistes – Non !

M. Didier Migaud - Oui ou non, le niveau de nos impôts, cotisations et taxes est-il moins élevé aujourd’hui qu’hier ? (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste) Oui ou non, le niveau de la dépense publique est-il moins élevé qu’il ne l’était hier ? Oui ou non, le nombre de érémistes est-il aujourd’hui moins élevé qu’hier ? (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste) Oui ou non, Monsieur le ministre, accepteriez-vous un débat contradictoire sur les comptes publics de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Je vous donne l’occasion de ne pas pratiquer la langue de bois, et de me répondre par oui ou par non (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État Je suis rassuré : vous venez donc de lire le projet de budget que Thierry Breton et moi avons présenté il y a trois semaines ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Mais j’ai le sentiment que vous ne l’avez pas très bien lu.

Je vous réponds tout de suite oui pour le débat contradictoire. Commençons-le donc dès maintenant ! Je vous propose pour ce faire une petite comparaison entre le budget pour 2007 et celui pour 2002, le dernier qu’avait présenté M. Jospin (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Dans le budget pour 2007, le déficit est réduit de 15 milliards par rapport au début de la législature ; nous baissons la dette de trois points en deux ans ; les impôts baissent également. Mais je reconnais que j’ai un problème, car ceux des régions ont explosé ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Ce n’est pas de ma faute.

S’agissant du budget pour 2002, je vous livre une phrase de Lionel Jospin qui résume tout : « J’ai laissé légèrement dériver les comptes publics ». Elle a été prononcée à la tribune ! Lorsque le nouveau gouvernement est arrivé, l’audit réalisé par MM. Bonnet et Nasse a été l’occasion de constater qu’entre les 35 heures, l’APA et la CMU, les dépenses de l’État avaient été sous-estimées de 15 milliards (Huées sur les bancs du groupe UMP). Je rappelle aussi qu’un tiers seulement de la cagnotte de l’époque avait été consacré au désendettement. Thierry Breton et moi y consacrons la totalité.

Je laisse le dernier mot à M. Fabius, qui, lors du débat sur le budget 2002, avait répondu à Georges Tron, qui s’inquiétait du déficit : « Pour donner des leçons, il faut avoir des diplômes pour les dispenser. » (Applaudissements soutenus sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste). Méditez cela ! L’arrogance a ceci de bien qu’il y a de quoi partager !

assassinat d’anna Politovskaïa

M. Christian Kert - Monsieur le Premier ministre, depuis des semaines et des mois, une femme vivait fragile et dans la peur au cœur de Moscou, car elle se savait menacée de mort. Samedi dernier, Anna Politovskaïa a été lâchement assassinée à son domicile. Journaliste de talent et de conviction, elle a payé de sa vie le courage de ses engagements au service des droits de l’homme. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la réaction officielle russe face à cet assassinat a été lente et réservée.

Il est vrai que cette correspondante de guerre n’hésitait pas à s’élever contre certaines dérives du pouvoir russe, contre la guerre en Tchétchénie, contre la corruption des fonctionnaires… Sa mort est due au fait qu’elle voulait écrire l’honneur de la Russie, témoigner de la liberté de la presse, écrire l’histoire de tous ceux qui ont osé un jour élever la voix dans cet empire (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

La France, qui peut légitimement s’honorer de porter face au monde une tradition de défense des droits de l’homme, se doit de faire part de son émotion et de sa colère. Une émotion et une colère qui ne doivent pas s’émousser… Depuis 1992, quarante-deux journalistes sont morts en Russie.

Nous avons entendu votre réaction immédiate à ce drame, Monsieur le Premier ministre. Avez-vous obtenu depuis des informations sur les circonstances du meurtre ? Comment comptez-vous faire part au président Poutine de l’émotion ressentie en France, dans toutes les familles de pensée ? Comment amener l’opinion internationale à peser sur les autorités russes pour que la lumière soit faite sur cet assassinat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique de Villepin, Premier ministre - Je veux vous dire ma très grande émotion, une émotion que nous partageons tous, devant l’assassinat d’Anna Politovskaïa. C’était une grande journaliste, engagée pour la défense des droits et des libertés. C’était une conscience, qui avait le courage de regarder la vérité en face, y compris le drame de la Tchétchénie. Nous souhaitons que les autorités russes fassent toute la lumière le plus rapidement possible.

Les auteurs de cet assassinat doivent répondre de leur crime devant la justice. Une enquête a été lancée, elle doit aller jusqu’au bout. L’OSCE et le Conseil de l’Europe, dont la mission en matière de liberté de la presse et de défense des droits de l’homme est essentielle, apporteront toute leur contribution.

La liberté de la presse ne se discute pas, ni ne se négocie. Elle est une condition de la liberté publique. Et la France continuera à défendre partout cette liberté auprès de tous ses interlocuteurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF, ainsi que sur quelques bancs du groupe socialiste)

interdiction de fumer dans les lieux publics

Mme Martine Aurillac - Monsieur le ministre de la santé, mercredi dernier, la mission d’information sur l’interdiction de fumer dans les lieux à usage collectif – à laquelle j’ai participé – a rendu son rapport après de nombreuses auditions et un travail très approfondi de notre rapporteur, Pierre Morange.

M. Maxime Gremetz - Intégristes !

Mme Martine Aurillac - Vous inspirant de ses conclusions, vous allez franchir par décret un nouveau pas dans la lutte contre l’abus de tabac, responsable, rappelons-le, d’un décès sur dix, et donc enjeu de santé publique majeur.

La réforme devrait comporter deux étapes : à partir du 1er février prochain, il sera interdit de fumer dans les lieux publics, notamment dans les entreprises, conformément à une jurisprudence de la Cour de cassation qui fait obligation à celles-ci de protéger leurs salariés du tabagisme passif ; un an plus tard, les cafés-tabacs, bars, restaurants, hôtels et discothèques devront aussi se conformer à cette interdiction. Il est normal de leur laisser un temps d’adaptation et de prévoir pour ces établissements des mesures d’accompagnement.

Mais il faut aussi une politique plus active pour aider les fumeurs à arrêter. Pouvez-vous, Monsieur le ministre, nous détailler les mesures d’information, de prévention et de soin que vous envisagez ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités Notre rôle est de protéger les non-fumeurs et d’aider les fumeurs qui le souhaitent à s’arrêter de fumer. La décision de M. le Premier ministre s’appuie sur les travaux de la mission parlementaire, dont je salue la qualité. Je tiens à rendre hommage en particulier à son président, M. Evin, et à son rapporteur, M. Morange. Au-delà de l’interdiction de fumer dans les lieux publics, nous menons une politique de santé publique ambitieuse afin d’aider les fumeurs à arrêter de fumer. Concernant les substituts nicotiniques, l’État prend à sa charge un forfait de 50 euros, ce qui correspond au tiers du coût d’un traitement de trois mois. Ainsi, le nombre d’utilisateurs devrait passer de 600 000 à 1,2 million. Certains fumeurs ayant besoin d’un soutien plus important, le nombre de consultations de tabacologie dans les établissements de santé passeront de 500 à 1 000, ce qui permettra de doubler le nombre de bénéficiaires. Enfin, nous doublerons le montant des subventions versées aux associations qui luttent depuis des années contre le tabac.

M. Maxime Gremetz - Remboursez les patchs !

M. le Ministre – Notre action sera ainsi mieux relayée, ce qui permettra d’informer les élèves de sixième et de cinquième, en liaison avec l’éducation nationale, dès la rentrée de 2007. J’ajoute que, le 15 novembre, nous lancerons une campagne sur les méfaits du tabagisme passif, qui tue encore 6 000 personnes par an, soit 13 personnes par jour ! D’autres campagnes d’information et de sensibilisation suivront le 1er janvier et le 1er février. Il s’agit pour nous de susciter un mouvement de société comparable à ce qui a été réalisé en matière de sécurité routière : sauver des vies, tel est le défi que nous devons relever ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Vous avez entendu, Monsieur Santini ? (Sourires)

situation économique

M. Éric Besson – M. Migaud a posé des questions très précises et non seulement M. Copé n’y a pas répondu, mais il a multiplié les contrevérités. Pourtant, les réponses existent et figurent dans le document que vous avez transmis vous-même aux députés, Monsieur le ministre délégué au budget !

Oui, la dette a lourdement augmenté depuis que vous gouvernez la France : en pourcentage de la richesse nationale, de dix points, en volume, de 170 milliards ! Cela signifie que la dette de chaque Français a augmenté de 2 700 euros depuis 2002.

Non, les impôts ne baissent pas et les régions, auxquelles vous transférez les charges mais pas les recettes, n’y sont pas pour grand-chose (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Il est vrai que l’impôt sur le revenu baisse, mais d’une manière injuste puisque 10 % des Français bénéficieront de 63 % de la baisse de 2007. Les prélèvements obligatoires, eux, alors que la très grande majorité des Français y sont soumis, augmentent.

Oui, enfin, le nombre de Rmistes a augmenté de 300 000 depuis votre arrivée au pouvoir.

Dans un instant, M. Copé va encore esquiver et me répondre que nos chiffres sont faux alors que, je le répète, ils émanent de son propre ministère. Je lui pose donc une nouvelle fois la question : le Gouvernement est-il prêt à accepter qu'un audit indépendant, portant à la fois sur les finances publiques et les comptes sociaux, soit réalisé non pas après les élections mais avant, afin que le grand débat de 2007 s'ouvre à partir de chiffres incontestés ? Acceptez-vous donc cet exercice de vérité et de démocratie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État Nous appliquons la LOLF, rien que la LOLF, toute la LOLF, constitution budgétaire que l’Assemblée a adoptée à l’unanimité. Désormais, le budget de l’État est une maison de verre : tout est transparent, et je souhaiterais qu’il en soit de même concernant les budgets des régions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Nous verrions ainsi que vous avez fait exploser les impôts locaux sans que cela soit justifié par les transferts de charges liés à la décentralisation.

Je le confirme : la dépense de l’État baisse, comme le Premier ministre s’y est engagé. Nous avons lutté contre les gaspillages et nous avons modernisé des fonctions essentielles, par exemple dans le domaine des achats ou de l’immobilier, de même que nous avons développé l’utilisation d’internet. La dépense publique, ainsi, est beaucoup plus efficace.

Vous souhaitez donc un audit ? C’est une bonne idée mais M. Jospin, en 2001, n’a pas jugé utile d’en faire un s’agissant de son bilan ! Nous avons, quant à nous, réalisé cent audits depuis un an, sur la gestion de l’État, et vous pouvez les consulter sur internet. Vous le verrez, nous avons tenu nos engagements.

Enfin, contrairement à ce que vous prétendez, 80 % de la baisse de l’impôt sur le revenu profitera à ceux qui gagnent moins de 3 500 euros par mois. La prime pour l’emploi constitue quant à elle un treizième mois pour ceux qui gagnent le SMIC ou un peu plus. Faire des comparaisons, en l’occurrence, permet de mettre les choses à leur juste place (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – J’ajoute que le contrôle des finances publiques, c’est aussi le rôle de l’Assemblée nationale et de sa commission des finances !

pacte national de l’environnement

M. Serge Poignant – Lors de sa conférence mensuelle, la semaine dernière, M. le Premier ministre a pris un engagement fort en proposant aux Français un pacte national pour l’environnement. Le changement climatique constituant la plus grande menace du XXIe siècle, il faut agir vite. Nous sommes tous responsables vis-à-vis des générations futures comme l'a rappelé la mission d'information sur l'effet de serre à laquelle j'ai participé, mission présidée par Jean-Yves Le Déaut, Nathalie Kosciusko-Morizet étant rapporteure. Demain soir, Al Gore, ancien vice-président des États-Unis, nous le dira certainement lui aussi, lors de la projection du film Une vérité qui dérange, et je remercie le Président Debré de nous associer à cette manifestation.

En conformité avec les objectifs du plan climat de 2004 et de la loi d'orientation pour l'énergie de 2005, M. le Premier ministre a annoncé un certain nombre de décisions concernant notamment le logement et, en particulier, la création d'un livret de développement durable. Pourrions-nous avoir, Madame la ministre de l’écologie, des informations complémentaires sur les différentes mesures que le Gouvernement compte prendre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Nelly Olin, ministre de l’écologie et du développement durable Vous avez raison : le changement climatique est le sujet majeur du siècle qui commence. C’est pourquoi le Premier ministre a décidé d’associer l’ensemble des forces vives de la nation au pacte national de l’environnement. Même si la France est en règle avec les préconisations du protocole de Kyoto et si nous avons également fait de grandes avancées en ce qui concerne les énergie renouvelables, le Gouvernement souhaite aller plus loin. Il s’agit désormais de réduire les émissions de CO2, ce qui implique de faire porter nos efforts sur le logement et sur le transport.

Nous voulons mobiliser chaque Français afin qu’il puisse réaliser des travaux d’amélioration énergétique dans son logement. La transformation du CODEVI en livret de développement durable, dont le plafond passera de 4 500 à 6 000 euros au 1er janvier 2007, permettra de financer des prêts écologiques aux particuliers pour un montant de 10 milliards d’euros – ce qui est considérable. Parce qu’il nous faut être exemplaires dans le logement social, la Caisse des dépôts et consignations accordera un prêt bonifié à la construction de logements sociaux à très haute qualité environnementale. Cela permettra de quadrupler la proportion de logements écologiques, qui devrait passer de 5 à 20 %. C’est une bonne décision pour l’environnement, mais aussi pour les ménages modestes, dont la facture énergétique devrait diminuer sensiblement.

En matière de transports, nous privilégions les solutions d’avenir : biocarburants, recherche et aides aux transports collectifs. Nous serons aussi très vigilants sur l’exemplarité des pratiques agricoles et sur les normes de pollution locale de l’air. Enfin, nous allons lancer une concertation en vue d’une taxe sur l’utilisation du charbon, ou du moins de celui qui est considéré comme une énergie non propre.

La réussite de ce plan passe par une modification de nos comportements quotidiens, et c’est tous ensemble que nous réussirons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

avenir des buralistes

M. Lionnel Luca - Ma collègue Martine Aurillac a évoqué tout à l’heure l’interdiction de fumer dans les établissements publics. Je voudrais pour ma part appeler l’attention du Gouvernement sur les inquiétudes légitimes des buralistes, et tout particulièrement des buralistes gérants de bar, profession déjà malmenée par la hausse brutale du prix du tabac – surtout dans les départements frontaliers – malgré le contrat d’avenir qui arrive à son terme.

Notre collègue Richard Mallié mène actuellement dans les Pyrénées-Orientales, à la demande du Premier ministre, une mission avec la profession pour faire des propositions concrètes. Comment le Gouvernement entend-il répondre aux inquiétudes de cette profession d’autant plus respectable qu’elle est également un agent collecteur d’impôts pour le compte de l’État, mais qui a parfois le sentiment d’être la cible d’une politique de santé publique au demeurant indispensable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État - Le Gouvernement est extrêmement attentif à la situation des buralistes, en raison bien sûr des mesures qui viennent d’être annoncées par Dominique de Villepin, mais aussi parce que cette profession a naturellement besoin d’être accompagnée. Elle contribue en effet, sur l’ensemble du territoire national, aussi bien à la création d’emplois qu’à l’animation des quartiers et des bourgs. Nous avons avec les buralistes un contrat de gérance, mais aussi un contrat moral !

La mission que conduit Richard Mallié va nous aider à imaginer le prochain contrat d’avenir. Je rappelle que le Gouvernement a tenu ses engagements : les 150 millions d’euros prévus pour soutenir les buralistes en difficulté ont été versés. Nous allons travailler à améliorer encore les mesures d’accompagnement, en particulier pour les buralistes frontaliers, et à diversifier les activités. Beaucoup de buralistes remplissent des missions de service public, comme on le voit avec La Poste. Je teste en ce moment avec eux une autre activité nouvelle, la dématérialisation des amendes. Nous allons aussi réfléchir sur la rémunération de leur activité dans toutes ses composantes, et lutter contre la contrebande. Ce matin même, nous avons détruit d’importants stocks de cigarettes de contrebande : pour les services des douanes, la lutte contre l’économie souterraine est une activité aussi importante que la lutte contre le trafic de drogue ou contre les contrefaçons. Nous aborderons tous ces sujets avec le président de la Confédération, M. Le Pape, que je rencontrerai à nouveau en fin de semaine (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 30, sous la présidence de M. Leroy.
PRÉSIDENCE de M. Maurice LEROY
vice-président

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Participation et actionnariat salarié (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié.

APRÈS L'ART. 20

M. Alain Vidalies – Rappel au Règlement. Ce matin, au Conseil économique et social, le Président de la République a confirmé que, désormais, plus aucun texte relevant du domaine social, et, en particulier, tendant à modifier le code du travail, ne viendrait en discussion au Parlement sans que les partenaires sociaux soient consultés au préalable. Nous souscrivons à cette évolution, même si elle n’épuise pas toutes nos demandes en matière de dialogue social. Dès lors, nous ne comprendrions pas que le Gouvernement ne passe pas aux actes immédiatement en suspendant l’examen de celles des dispositions du présent texte qui n’ont pas fait l’objet d’une consultation préalable des partenaires sociaux. C’est le crédit de la parole publique au plus haut niveau qui est en jeu. Comment pourrions-nous ignorer, dans le temple de la démocratie qu’est cet hémicycle, les propos du Président de la République ? Le Gouvernement se doit de nous dire quelles conséquences il entend tirer de cette annonce, laquelle, je l’ai dit, nous donne en partie satisfaction.

M. Jacques Godfrain - Je ne vois pas bien sur quel article de notre Règlement se fonde le rappel de notre collègue. Merci, Monsieur le président, de me donner la parole pour un vrai rappel au Règlement. D’abord, il est un peu surprenant d’entendre un collègue de l’opposition s’appuyer sur la parole du Président de la République pour défendre ses propres arguments. Plus fondamentalement, je regrette que M. Vidalies n’ait pas mieux écouté nos débats et semble avoir oublié que ce texte procède d’une longue concertation préalable avec le Conseil économique et social, notamment dans le cadre du rapport que j’ai présenté avec François Cornut-Gentille…

M. Alain Vidalies - Pour nous, les partenaires sociaux ne se réduisent pas au seul CES !

M. Jacques Godfrain - L’argumentation de notre collègue n’a rien de convaincant. En réalité, elle relève plutôt de la supercherie !

M. Jean-Michel Dubernard, président et rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales  À sa place et dans son rôle, le Président de la République a fait une annonce, qui, manifestement, donne satisfaction à nos collègues de l’opposition. Permettez-moi de m’en réjouir. Nous avons mis du temps à arriver à ce consensus mais l’enjeu est de première importance. À la suite de cette annonce du Président, un projet de loi va être élaboré et je ne doute pas que nos commissions en seront saisies. Nous aurons donc tout loisir d’en reparler. Je rappelle, Monsieur Vidalies, que le présent texte traite de la participation et que la commission a supprimé plusieurs articles dans les titres III et IV. Je pense donc que nous pouvons poursuivre nos travaux en toute sérénité. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Gilles Carrez - Je défendrai ensemble les amendements 212 et 213, qui sont complémentaires, le 212 visant à modifier le code de commerce et le 213 le code monétaire et financier.

L’amendement 212 vise à inclure dans le texte le cas de l’entreprise contrôlée par plusieurs organes centraux et à faciliter, dans ce cadre, la mise en place de dispositifs d’achat d’actions ou d’attribution d’actions gratuites. L’amendement 213 ouvre la possibilité, pour un établissement de crédit, d’être affilié à plusieurs organes centraux en cas de contrôle conjoint.

En pratique, il s’agit de faciliter le rapprochement entre les caisses d’épargne et les banques populaires, via la création, par les organes centraux que sont la Caisse nationale des caisses d’épargne et la fédération des banques populaires, d’une structure détenue conjointement et à parité, qui s’appellera Natixis.

M. Patrick Ollier, président et rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – Notre commission est favorable à cet excellent amendement, qui comble une lacune et améliore sensiblement le texte.

M. le Rapporteur – Favorable à ces précisions extrêmement utiles.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur  Le Gouvernement est favorable à ces amendements et lève le gage sur l’amendement 212.

M. Maxime Gremetz - Le groupe des députés communistes et républicains est très opposé à l’adoption de ces amendements de convenance. Il n’est pas surprenant que la droite se retrouve pour faire le jeu des possédants et que le Gouvernement trouve, pour eux, des disponibilités qui lui permettent de lever le gage. Vous êtes prêts à faire des concessions pour votre majorité, jamais pour nous ! Un coup pour faire plaisir aux libéraux, le suivant pour contenter les gaullistes : telle est votre méthode. Au nom de l’unité apparente du groupe majoritaire et des intérêts de quelques privilégiés, le Gouvernement n’hésite pas à faire des choix défavorables au plus grand nombre. Nous ne pouvons évidemment pas cautionner de telles méthodes et chacun peut se rendre compte qu’elles ne comblent en rien les dissensions internes de la majorité.

M. Jacques Godfrain - Le groupe UMP est favorable à ces amendements, qui tendent, Monsieur Gremetz, à élargir le nombre des détenteurs d’actions et le champ de la participation…

M. Maxime Gremetz - Oh ! Votre élargissement, il est à géométrie variable !

M. Jacques Godfrain - En repoussant ces amendements, c’est, in fine, aux droits des salariés à avoir un patrimoine que l’on porterait atteinte.

M. Maxime Gremetz - Vous irez leur expliquer !

Les amendements 212 et 213, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement  L’amendement 341 2e rectification est cohérent avec l’amendement 340 rectifié du Gouvernement, adopté à l’article 20. Il vise à compléter le dernier alinéa de l’article L. 443-6 du code du travail par les phrases suivantes : « Toutefois, les actions peuvent être apportées à une société ou à un fonds commun de placement dont l’actif est exclusivement composé de titres de capital ou donnant accès au capital émis par l’entreprise ou par une entreprise qui lui est liée au sens du présent alinéa. Le délai de cinq ans mentionné ci-dessus reste applicable, pour la durée restant à courir à la date de l’apport, aux actions ou parts reçues en contrepartie de l’apport. » Cet amendement vise à faciliter la gestion de l’actionnariat salarié au sein des groupes de sociétés.

M. le Rapporteur – Favorable.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Favorable.

L'amendement 341 2e rectification, mis aux voix, est adopté.

ART. 21

L'article 21, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 21

M. le Rapporteur – L’amendement 131 de la commission est identique au 11 de la commission des affaires économiques. Avec Patrick Ollier, nous avons voulu souligner toute l’importance qui s’attache à la formation des salariés. Pour être bien informés des mécanismes relatifs à l’intéressement, à la participation et à l’épargne salariée, les salariés doivent pouvoir maîtriser des éléments de langage et d’expertise appartenant à la sphère financière. Pas d’information possible sans une certaine formation ! Comme le montre bien le juriste Alain Supiot, l’information n’est pas la simple transmission d’un signal : elle consiste à nouer un dialogue, qui suppose une langue commune.

L’audition des représentants de la société BioMérieux nous a permis de mesurer l’importance d’une communication permanente entre la direction générale, les partenaires sociaux et les salariés. Il faut favoriser ces expériences au sein des PME. C’est à quoi tendra dans un instant l’amendement 130 instituant un crédit d’impôt à cette fin. L’amendement 131, rédigé dans le même esprit, tend à intégrer la formation à l’intéressement et à l’actionnariat salarié dans la formation professionnelle. Les salariés pourront ainsi faire valoir leur droit individuel à la formation – le DIF – pour se former à la participation.

M. le Président – La parole est à M. Ollier.

M. Maxime Gremetz - Deux présidents pour dire la même chose !

M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Ce projet traduit un acte de foi commun en la participation, et nous y avons travaillé en binôme. Je rends hommage à nos collègues Godfrain et Cornut-Gentille, car l’idée que nous vous soumettons aujourd’hui est reprise de leur rapport. La disposition proposée est capitale. On ne pourra en effet donner de substance à ce grand projet social voulu par notre majorité et que, sur d’autres bancs, les conservateurs récusent (M. Maxime Gremetz s’indigne), si les salariés ne sont pas convenablement formés à ces dispositifs. J’avais, lors de la discussion du projet relatif à la modernisation de l’économie, déposé un amendement en ce sens. Il m’a été dit, à l’époque, que la proposition devrait être présentée plus tard. Nous y sommes et, quelles que soient les réticences de certaines administrations, le président Dubernard et moi-même sommes déterminés à la faire aboutir.

M. le Ministre – Le dispositif que le Gouvernement vous soumet est conçu comme un outil puissant de dialogue au sein de l’entreprise, mais il est vrai que s’il n’est pas assorti de mesures propres à former les salariés au rôle d’administrateur, et si des moyens ne sont pas débloqués à cette fin, on restera au milieu du chemin. Il est exact que, pendant un temps, des réticences se sont manifestées mais, à présent, ni Bercy ni la rue de Grenelle ne formulent plus d’objection. Avis, donc, favorable aux deux amendements identiques.

M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Je vous remercie, Monsieur le ministre.

Mme Martine Billard - Le bilan actuel du DIF n’a rien de mirobolant. Il apparaît en effet que ce sont toujours les mêmes catégories de salariés qui ont accès à la formation professionnelle, ce qui n’était pas l’objectif visé. Je rappelle d’autre part que ce droit porte sur 20 heures par an en tout et pour tout, qu’il n’est pas transférable si un salarié change d’entreprise, et que la direction ne peut imposer le contenu de la formation. Dans ce contexte, on ne peut que s’interroger sur ce que vous souhaitez réellement. Si vous intégrez la formation à la participation dans le DIF, seuls les salariés qui demanderont une formation spécifique y auront accès – ambition des plus limitées, et qui n’a que peu à voir avec vos déclarations. Si vous voulez vraiment que l’ensemble des salariés se forment à ces questions, il revient aux chefs d’entreprise de prendre leurs responsabilités, et l’on ne peut sérieusement prétendre qu’obliger à une formation annuelle d’une heure risquerait de faire sombrer une PME ! Persister dans votre intention reviendrait à détourner de son objet une formation professionnelle dont on sait pourtant qu’elle est largement insuffisante au moment où les départs en retraite s’accélèrent et où la concurrence internationale s’aiguise. C’est un abus de droit.

M. Maxime Gremetz - La proposition qui nous est faite est incroyable. Il s’agit des PME, celles-là mêmes qui ont tant de mal à permettre l’exercice du DIF, de ces 20 heures pour lesquelles nous nous sommes beaucoup battus. Vous ne l’ignorez pas, Monsieur le ministre, et pourtant vous avez donné votre aval à un amendement par lequel on amputerait ce temps de formation professionnel déjà si réduit pour que les salariés puissent consacrer une part de ce temps précieux à l’intéressement. Formidable, au moment où l’on parle tant de mieux produire pour répondre aux défis de la compétitivité ! On comprend bien qu’ainsi ce ne sont pas les entreprises qui paieront, mais les salariés et l’État, appelés à financer… quoi exactement ? Un cours sur des actions bloquées ! (M. Godfrain proteste) Monsieur Godfrain, ce qui nous différencie, c’est que vous avez fait un rapport, mais que j’ai l’expérience personnelle de ce dont vous parlez. J’ai été actionnaire de l’entreprise dans laquelle je travaillais et tous les mois je m’entendais dire que, les résultats n’étant pas bons, il n’y aurait pas de prime d’intéressement ! Dans ces conditions, à quoi bon suivre une formation à ce sujet ? Les salariés ne gèrent rien, et vous faites un superbe cadeau aux entreprises. Comme l’a dit justement Mme Billard, le Gouvernement, en acceptant cette proposition, s’associe à un détournement de la loi. Pendant ce temps, tous nos amendements tendant à renforcer la participation réelle des salariés à la gestion de l’entreprise, à travers le comité d’entreprise et les syndicats, ont été repoussés. J’élève une vigoureuse protestation contre ce nouveau scandale. Monsieur le ministre, vous faites fausse route ; n’écoutez pas les deux rapporteurs, ne laissez pas opérer ce détournement de fonds publics vers un objet autre que leur affectation initiale.

M. Alain Vidalies - Cette séance est décidément bien singulière… Dans un rappel au Règlement, j’ai demandé qu’on m’explique quelles conséquences le Gouvernement comptait tirer des engagements pris par le Président de la République en matière de concertation sociale. Or, que m’a-t-on répondu sur les bancs de l’UMP ? Que l’évocation d’un sujet devant le Conseil économique et social valait consultation des partenaires sociaux – le Journal officiel en fera foi. Face à cette vision très particulière des choses, le Gouvernement est resté silencieux…

Et maintenant voici cet amendement… Je rappelle que le droit individuel à la formation a été instauré à la suite d’un accord interprofessionnel signé par toutes les organisations syndicales et patronales…

M. Maxime Gremetz - Tout à fait !

M. Alain Vidalies - …accord que nous avions pris grand soin de ne pas modifier par la loi. Or, qu’allez-vous faire ? Vous allez détourner une partie du droit à la formation dans le cadre de la participation et de l’intéressement, sujet qui n’avait pas fait l’objet d’un dialogue social. Vous vous apprêtez donc à modifier unilatéralement un texte qui résulte d’un accord entre les partenaires sociaux. Comment pouvez-vous vanter la consultation des partenaires sociaux si la majorité impose ses volontés sans tenir compte des négociations antérieures et sans même se soucier des engagements pris ce matin même par le Président de la République ?

Ne touchez pas au contenu du droit individuel à la formation sans laisser aux salariés et aux employeurs la possibilité d’en discuter ! C’est eux qui ont décidé de créer ce droit nouveau ! Vous allez leur adresser un bien mauvais signal quant à votre idée de la démocratie sociale…

M. Jacques Godfrain - Le terme de « détournement » a été détourné de son sens, par Mme Billard et M. Gremetz.

M. Maxime Gremetz - Pas du tout !

M. Jacques Godfrain - Je n’ai pas le sentiment de m’exprimer au nom du groupe UMP, mais des salariés (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Vous nous parlez de votre expérience de salarié actionnaire, Monsieur Gremetz, et vous nous dites que votre capital a soudain perdu toute sa valeur. Vous auriez été berné. Est-ce bien le sens de vos propos ?

M. Maxime Gremetz - Parfaitement !

M. Jacques Godfrain - Si on vous avait alors proposé une formation sur la gestion de ce capital, l’auriez-vous refusée ? (Vives exclamations de M. Gremetz) Par amendement, nous avons déjà ouvert un livret d’épargne « participation », qui permettra à tous les salariés de savoir de combien leur capital augmente.

M. Maxime Gremetz - Et alors ?

M. Jacques Godfrain - Croyez-vous qu’ils regarderont les chiffres de leurs relevés sans vouloir les comprendre ? Tous les salariés de ce pays ont un droit au savoir. Et pourtant, vous êtes en droit de refuser un tel droit !

Dernière remarque : la formation vise aujourd’hui à améliorer le processus productif. Vous voulez en exclure la participation : à nos yeux, elle en fait partie. Voilà pourquoi nous souhaitons inclure la participation dans le champ de la formation. La participation fait partie d’un tout, et le salarié a le droit d’être informé de ce tout.

M. Maxime Gremetz - Qu’on en informe le comité d’entreprise !

M. Jacques Godfrain - Personne n’est dupe de votre fausse colère, Monsieur Gremetz : derrière vos propos se cache votre regret de ne pas avoir défendu cette idée à notre place !

M. Maxime Gremetz - Je demande un scrutin public !

M. le Président – Sur les amendements identiques 131 et 11, je suis saisi par le groupe communiste et républicain d’une demande de scrutin public.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Je m’étonne de vos propos, Monsieur Gremetz. Je ne saurais imaginer que vous fassiez preuve de mauvaise volonté. Il faut donc en conclure que vous ignorez le code du travail…

M. Maxime Gremetz - Pas du tout !

M. Jacques Godfrain - Il vous manque un peu de formation !

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – De même que M. Vidalies, vous confondez deux choses. La première, ce sont les vingt heures prévues par l’article L. 933-1 au titre du DIF, droit qui n’est en aucun cas remis en cause par ces amendements car le salarié choisira librement. La seconde, c’est l’article L. 930-1, relatif aux droits collectifs des salariés en matière de formation, aux termes duquel le chef d’entreprise et les salariés négocient un plan de formation d’entreprise. Par ces amendements, nous souhaitons seulement introduire un élément supplémentaire de choix : la possibilité d’être formé à l’actionnariat salarié et donc à la gestion de l’entreprise.

Ne nous querellons pas sur un faux sujet : dans le respect scrupuleux des droits des salariés, nous proposons d’introduire un élément de formation supplémentaire, qui sera ou non choisi, sans remettre en cause le code du travail.

M. André Flajolet – Deux lectures de ces amendements s’opposent : selon l’opposition, nous voudrions détruire le droit à la formation individuelle ; pour notre part, nous souhaitons seulement permettre aux salariés d’accéder à l’ensemble des savoirs (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Dans ma circonscription, je connais par exemple une PME dont les 78 salariés sont tous actionnaires et qui tous les quinze jours vont ensemble se pencher pendant deux heures sur les résultats de l’entreprise.

M. Maxime Gremetz - Dans quelle entreprise ?

M. le Président – Nous ne sommes pas dans un commissariat de police, Monsieur Gremetz. Ce n’est pas un interrogatoire !

M. André Flajolet – C’est un comportement digne de la Guépéou !

Nous proposons un droit d’accès à tous les savoirs, techniques et intellectuels, y compris la connaissance de l’entreprise. Je comprends toutefois, Monsieur Gremetz, que vous ne souhaitiez pas un tel bond qualitatif, car il va remettre en cause les comportements de certains groupes intermédiaires !

M. Maxime Gremetz - Monsieur le président…

M. le Président – Vous n’avez pas la parole, Monsieur Gremetz. Si vous persistez dans votre comportement, je vais appliquer à la lettre notre Règlement ! Dans le débat sur un amendement, ne peuvent prendre la parole que le rapporteur, la commission, le Gouvernement et un orateur contre. Selon mon habitude, j’ai donné la parole à tous les orateurs qui le souhaitaient, mais il faudrait nous entendre sur un minimum « syndical », Monsieur Gremetz (Rires) : tout le monde ne doit pas parler en même temps depuis son banc, sinon il n’y a plus de débat possible.

À la majorité de 30 voix contre 5, sur 35 votants et 35 suffrages exprimés, les amendements identiques 131 et 11 sont adoptés.

M. Jean-Louis Borloo, ministre – Première observation : l’utilisation du DIF a été surtout satisfaisante pour ceux qui étaient déjà habitués à la formation professionnelle, Madame Billard, et vous avez raison sur ce point. Les partenaires sociaux s’en inquiètent, et il faudra donc mener un travail supplémentaire de mobilisation. Mais on ne saurait en conclure que les salariés ne doivent pas être formés à la gestion des sociétés et aux fonctions d’administrateur !

Deuxième remarque : je serai favorable à ce qu’on introduise, lors de la lecture de ce texte au Sénat, la « gestion d’entreprise » dans la définition de la formation professionnelle.

Mme Anne-Marie Comparini - Tout à fait !

M. Jean-Louis Borloo, ministre – Enfin, M. Gremetz a tort de s’inquiéter : cette formation ne sera pas prise sur les vingt heures du DIF.

M. Maxime Gremetz - Allons !

M. Jean-Louis Borloo, ministre – En effet, il ne s’agit pas d’une formation d’ordre général et nous respecterons la liberté du chef d’entreprise et du salarié.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – L’amendement 10 2e rectification institue un crédit d’impôt pour favoriser la formation. Cette formule suscite certaines réticences, mais c’est la solution adoptée à l’article 19 et elle peut l’être ici. Il s’agit de faire un effort important pour que progresse, dans les PME de moins de 250 salariés, la connaissance de ce qu’est la participation et l’intéressement. Nous avions voté le principe d’un élargissement de la formation, donnons les moyens aux PME de le faire.

M. le Rapporteur – L’amendement 130 2e rectification de la commission des affaires culturelles est identique.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée Le Gouvernement y est favorable.

M. Maxime Gremetz - Avec ces amendements, on pousse encore plus loin.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Oui, ne vous en déplaise.

M. Maxime Gremetz - Monsieur le président, faites respecter l’orateur qui a la parole (Rires). D’abord, à propos des amendements précédents, on a dit que cela ne s’imputait pas sur les vingt heures du droit individuel à la formation. Mais, Messieurs les rapporteurs, vous retenez ce que vous voulez du code du travail. Savez-vous à partir de quel seuil les entreprises doivent présenter un plan de formation ? Les petites entreprises n’en présentent pas. C’est d’ailleurs pour cela que, avec Mme Péri, nous avions été promoteurs du droit individuel à la formation. Là où il n’y a pas de plan, c’est donc bien sur les vingt heures qu’on prendra.

D’autre part les plans de formation n’existent pas partout, et ce sont toujours les plus qualifiés qui en profitent. Non seulement vous permettez déjà qu’on prenne sur les vingt heures de DIF pour discuter de l’épargne salariale, ce qui revient à assurer le financement par l’argent public et non par les entreprises. Mais avec cet amendement, vous instituez en outre un crédit d’impôt au bénéfice des petites entreprises pour les inciter à former leurs salariés. Mais encore une fois, ce sont elles qui font le moins de formation, et avec un seuil de 250 salariés, vous incluez des filiales de grands groupes. C’est encore un cadeau royal, dont ne profiteront pas du tout les salariés.

Quant à votre connaissance du code du travail, Monsieur Ollier, vous êtes sûrement un bon député et un bon président, mais vous avez encore beaucoup d’efforts à faire. Moi, je lis toutes les jurisprudences et vos experts sont en retard là-dessus. Alors ne vous contentez pas de lire les réponses qu’on vous prépare, elles sont toujours incomplètes.

Mme Martine Billard - Je ferai remarquer à M. Godfrain que les salariés ont déjà une information sur la participation, lorsqu’elle existe dans leur entreprise, même s’il s’agit d’un relevé annuel.

Quant à cet amendement, je voterai contre. Les Verts ne sont pas hostiles aux aides aux entreprises, si elles sont ciblées en fonction de leur attitude sociale ou sur l’environnement. Dans le cas présent, le crédit d’impôt vise une catégorie en général, les petites et moyennes entreprises, sans autre contrainte. Or, beaucoup de moyennes entreprises sont des filiales de grands groupes, y compris étrangers. Beaucoup de ces groupes ont déjà organisé leur délocalisation fiscale. Ainsi, dans le secteur des détergents, Palmolive, Colgate, L’Oréal ont délocalisé leur siège en Suisse et organisé leur groupe de manière à ne plus payer l’impôt sur les bénéfices en France. Beaucoup d’autres suivent le même chemin. Et on va leur donner en plus un crédit d’impôt pour la formation sur l’actionnariat salarié ? Il ne faut pas abuser ! Recentrons les aides, payées par les impôts des citoyens, sur des entreprises citoyennes, qui favorisent l’aménagement du territoire et l’emploi dans notre pays. Sinon, c’est gaspiller l’argent public.

M. Alain Vidalies - Je rappelle que l’accord sur la formation dans l’entreprise relevait de la négociation entre partenaires sociaux. Et vous modifiez de manière unilatérale ce qui a été fixé par voie d’accord, même si le salarié, à titre individuel, continuera à exercer son choix.

Quant à cet amendement, il crée une niche fiscale. Avez-vous évalué son coût ? Quand, pour reprendre l’expression d’un ministre, on veut présenter les dépenses à l’euro près, il serait assez extraordinaire de ne pas nous donner d’évaluation. On est dans l’approximation la plus absolue.

M. Maxime Gremetz - Dans l’improvisation.

M. Alain Vidalies - L’Assemblée ne peut se prononcer sans que le Gouvernement nous dise à quoi nous nous engageons. J’attends la réponse avec gourmandise !

D’autre part, cette disposition, sortie par la porte l’an dernier, rentre aujourd’hui par la fenêtre. En 2005, vous vous y opposiez, et j’ai sous les yeux les arguments que le Gouvernement a utilisés alors pour la faire retirer de la loi sur la modernisation de l’économie.

Donc, combien coûte cette niche fiscale et pourquoi le Gouvernement a-t-il changé d’avis ?

M. le Président – Sur le vote des amendements identiques 130 2e rectification et 10 2e rectification, je suis saisi par le groupe communiste et républicain d’une demande de scrutin public.

M. Alain Vidalies – Le Gouvernement n’a pas répondu. Je demande une suspension de séance pour lui permettre de préparer une réponse.

M. le Président – Elle est de droit, après le vote qui a été annoncé.

À la majorité de 26 voix contre 5, sur 31 votants et 31 suffrages exprimés, les amendements 130 2e rectification et 10 2e rectification sont adoptés.
La séance, suspendue à 17 heures 30, est reprise à 17 heures 40.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée  Il est difficile, Monsieur Vidalies, d’évaluer le coût du nouvel article 244 quater P, car il s’agit d’une mesure incitative, dont on ne peut prévoir avec précision combien de PME elle intéressera. Cela dit, cette mesure tombe sous l’effet de deux plafonds cumulatifs. Le premier est celui que prévoit l’article général dans lequel s’inscrit le 244 quater P, à savoir un plafond de 5 000 euros par période de vingt-quatre mois. Le second est d’origine communautaire : toute aide publique aux PME est plafonnée sur trois ans à 100 000 euros. C’est sous ce double plafond que les dépenses de formation dont nous parlons sont éligibles au nouveau crédit d’impôt. La mesure pourrait coûter 5 millions d’euros par année civile fiscale.

Je voudrais également répondre sur le périmètre de la mesure. Le deuxième alinéa de l’article 244 quater P dit que les PME concernées sont celles qui répondent aux conditions définies à l’annexe au règlement de la Commission du 12 janvier 2001. Dès lors que la petite et moyenne entreprise appartient à un groupe, on intègre l’ensemble des salariés appartenant audit groupe pour déterminer si oui ou non le seuil de 250 est atteint. Il ne s’agit donc pas d’une mesure qui bénéficierait à de très vastes groupes possédant de petites entreprises.

M. Alain Vidalies - Je remercie le Gouvernement de sa réponse. 5 millions, me dites-vous, Madame la ministre. Le rapporteur général du Sénat avait pourtant estimé que, selon les renseignements qui lui avaient été transmis par le ministre de l’économie, le coût de la mesure serait plutôt de 10 millions.

Cependant, outre que ce coût serait sensiblement plus élevé si la mesure devait rencontrer un certain succès auprès des entreprises concernées, cette estimation, faute des éléments statistiques adéquats, a été réalisée en l’absence de deux données capitales : le nombre d’heures aujourd’hui financées par les PME pour la formation de leur personnel aux dispositifs d’épargne salariale ; d’autre part, parmi les PEE mis en place, la proportion de plans dont les sommes sont affectées au moins en partie à l’acquisition de FCPE.

Voilà les conditions dans lesquelles nous légiférons ! Le même texte est évalué à 10 millions, puis à 5 millions, et nous ne devrions rien dire ! Les Français apprécieront.

M. le Rapporteur – L’amendement 129, identique à l’amendement 9 de la commission des affaires économiques, vise à introduire un chapitre IV afin de bien insister sur la volonté commune aux deux commissions de mettre en évidence la nécessaire amélioration de la formation des salariés aux mécanismes de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – L’amendement identique 9 est donc défendu.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée - Avis favorable.

Les amendements 129 et 9, mis aux voix, sont adoptés.

AVANT L'ART. 22

M. Jacques Desallangre – L’amendement 73 vise, dans le dernier alinéa de l’article L. 621–2 du code de commerce, à insérer, après les mots « celui du débiteur », les mots : « , constitué notamment lorsqu’une situation de dépendance décisionnelle et financière particulièrement marquée est établie, ».

Personne ne peut oublier le scandale Métaleurop. Le 17 janvier 2003, ce groupe industriel décidait brusquement de ne pas octroyer de nouveaux financements à sa filiale Métaleurop Nord de Noyelles-Godault dans le Pas-de-Calais, signant ainsi l'arrêt de mort de ce site de production de zinc. Ce sont 830 salariés qui ont été jetés à la rue. L'État et les collectivités territoriales doivent aujourd'hui encore supporter les conséquences sociales, sanitaires et environnementales de ce désastre. Trois ans plus tard, la reprise de cotation en Bourse du titre Métaleurop, le 6 février dernier, avec un bond de 622 % dès le premier jour puis de 35 % le deuxième, a provoqué la colère des salariés licenciés et de la population. Passée une liquidation soldée sur le dos des travailleurs et de la collectivité, les affaires ont repris de plus belle pour les actionnaires de la maison mère ! Métaleurop témoigne d'une pratique de gestion devenue presque ordinaire chez les grandes entreprises qui externalisent leurs restructurations vers leurs filiales ou leurs sous-traitants et leur imposent, par des rapports de domination financière et commerciale anormaux, des plans de suppression d'activités et d'emplois. Nombre d'équipementiers de l'automobile souffrent actuellement de ces relations prédatrices.

Vous parlez de participation des salariés au fruit de la croissance, de réconciliation du travail et du capital, mais tout cela n'est que miroir aux alouettes sans une véritable responsabilisation sociale des entreprises. Il faut étendre cette responsabilité au-delà des frontières formelles de la société anonyme pour prendre en compte la réalité des liens de production, de travail, de financement et d'échanges entre unités économiques. Le droit doit être adapté à l'évolution des pratiques fuyantes des employeurs et de leurs relations déconcentrées avec la main-d'œuvre. En la matière, l'affaire Métaleurop est éclairante. M. François Fillon, ministre des affaires sociales au moment des faits, n'affirmait-il pas qu'il n'est pas acceptable qu'une entreprise se permette de décider de fermer une de ses filiales sans en assumer les conséquences sociales et environnementales ? Par décision du 16 décembre 2004, la cour d'appel de Douai avait, sur la base d'un rapport d'expertise, constaté « une confusion entre les patrimoines des sociétés Métaleurop Nord et Métaleurop SA » et ordonné « l'extension à la SA Métaleurop de la procédure collective ouverte à l'encontre de la SAS Métaleurop Nord ». Les juges ont estimé que la filiale « se trouvait dans une situation de dépendance décisionnelle et financière particulièrement marquée » et que ses relations avec Métaleurop SA étaient « devenues anormales ». Cependant, cet arrêt, qui constitue une avancée dans la responsabilisation des sociétés mères vis-à-vis des entités qui lui sont subordonnées, a été invalidé par la Cour de cassation le 19 avril 2005 au motif que la décision ne reposait pas sur une base légale. L'article L. 621-2 du code de commerce est en effet muet sur la définition de la confusion de patrimoine, état qui justifie l'extension à la maison mère d'une procédure ouverte contre une filiale ou un sous-traitant. Notre amendement a pour objet de combler cette lacune en donnant un prolongement législatif à l'arrêt progressiste de la cour d'appel de Douai qui introduit la notion de « dépendance décisionnelle et financière particulièrement marquée ».

M. le Rapporteur – Ce que vous proposez est étranger au champ du projet puisqu’il s’agit de modifier le droit des procédures dites de sauvegarde, c’est-à-dire le droit des faillites. De plus, il s’agit d’une extension considérable des dispositions déjà en vigueur. L’article L. 621-2 du code de commerce prévoit que la procédure collective peut être étendue à d’autres personnes juridiques que l’entreprise en cessation de paiement s’il apparaît qu’il y a confusion des patrimoines ou création de personnes morales fictives. Il s’agit de sanctionner l’insolvabilité organisée d’entrepreneurs en difficulté qui protègent leurs actifs sains en les mettant au nom de leur conjoint et d’une société fictive. Avec cet amendement il s’agirait, sur la base du critère incertain d’une « dépendance décisionnelle et financière particulièrement marquée », de rendre les donneurs d’ouvrage responsables des dettes de leurs sous-traitants en difficulté, ce qui constitue un écart à l’endroit des fondements du droit civil selon lesquels chacun est responsable de ses dettes.

M. Jean-Louis Borloo, ministre - Avis défavorable.

L'amendement 73, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Desallangre – L’amendement 74 vise, après l’article 2–21 du code de procédure pénale, à insérer un article 2–22 ainsi rédigé : « Tout comité d’entreprise ou de groupe, ou à défaut tout représentant du personnel, peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les abus de biens sociaux ayant entraîné la liquidation judicaire de l’entreprise et des suppressions d’emplois. »

Cet amendement a été inspiré par la situation des salariés de l'entreprise NOSOCOBA située à Bar-le-Duc. En 1993, cette société, qui s'appelait à l'époque SOCOBA, a déposé le bilan et a été rachetée pour le franc symbolique par M. Patrice Bouygues. Dans le cadre de ce rachat et de la sauvegarde de l'activité, celui-ci a bénéficié d'aides publiques d'un montant d'environ 1,5 million de francs pour racheter les locaux à tarif préférentiel à la ville de Bar-le-Duc par le biais d'une SCI dont sa femme détient toutes les parts. Ainsi, sa femme et lui se retrouvent à la tête de la propriété de ces bâtiments en centre-ville. En 2002, de nouvelles difficultés financières sont apparues. M. Bouygues a revendu la société au Groupe ITTAM dirigé par M. Arnaud Bazin. Malgré les difficultés financières et la location des locaux à prix prohibitif à la SCI détenue par les époux Bouygues, M. Bazin portait un vrai projet industriel, concerté avec le personnel, permettant de redresser l'entreprise et pouvant éviter la liquidation judiciaire. Toutefois, victime d'une période d'observation très courte et en l'absence de soutiens financiers permettant le maintien de l'activité, la liquidation sera prononcée, mettant en péril une centaine d'emplois. Entre-temps, une enquête était menée sur l'activité financière de M. Bouygues qui, à l'issue du prononcé de la liquidation, a vendu les bâtiments de l'usine pour réaliser une juteuse opération immobilière. Cette instruction a fait apparaître le détournement à son profit de certaines ressources de l'entreprise et la programmation de la faillite. Il sera mis en examen pour abus de bien sociaux. Dans ce contexte, les 98 salariés licenciés sont les principales victimes pour deux raisons : en matière de liquidation judiciaire, le motif de licenciement économique ne peut pas être contesté car considéré a priori comme justifié ; en matière pénale, dans le cadre d'abus de biens sociaux, ni le comité d'entreprise, ni les organisations syndicales, ni les salariés ne peuvent se constituer comme partie civile pour faire valoir leurs droits et prétendre à réparation du préjudice. Les pouvoirs publics ne peuvent abandonner ces salariés car ce sont bien les malversations financières constatées par le qualificatif « d'abus de biens sociaux » qui ont entraîné la liquidation judiciaire et donc les licenciements. Le législateur doit se saisir de cette question et donner les moyens aux salariés de faire valoir leurs droits. C'est le sens de cet amendement qui ouvre la possibilité aux salariés et à leurs représentants de se constituer partie civile afin d'obtenir réparation pour le préjudice subi : la perte de leur emploi.

L'amendement 74, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Desallangre – L’amendement 70 vise, après l’article L. 122-14-3 du code du travail, à insérer un article L. 122-14-3-1 ainsi rédigé : « Le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse est nul et de nul effet. » Il vise également, au premier alinéa de l’article L. 122-14-4 du code du travail, à insérer, après les mots : « pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse » : les mots : « le licenciement est nul et de nul effet et ».

Pour lutter contre les licenciements abusifs et infondés, il convient de responsabiliser davantage les chefs d'entreprise et de rendre la sanction dissuasive. En l'état actuel, et sauf de rares exceptions comme le cas du licenciement d'une salariée enceinte, le code du travail ne prévoit pas la nullité pour les licenciements dépourvus de cause réelle et sérieuse. Une condamnation de l'employeur ouvre droit à réparation mais n'empêche pas la suppression d'emploi. Depuis plusieurs années, la jurisprudence de la Cour de cassation a voulu combler cette lacune, en consacrant la sanction de nullité pour généraliser le droit à réintégration ou, à tout le moins, garantir une indemnisation forfaitaire conséquente. Ainsi, si l'on veut que la justification du licenciement par l'employeur ne soit pas une simple formalité, il faut lui donner de la consistance. Notre proposition aurait un effet positif pour réguler le recours intempestif aux licenciements pour motif personnel. Nous constatons en effet que ces derniers masquent bien souvent un marchandage individuel pour échapper aux dispositions plus protectrices du licenciement économique. Une étude de la DARES indique que cette forme de rupture du contrat de travail a augmenté de 26 % entre 1998 et 2001, alors que la conjoncture était pourtant favorable. Parmi les explications les plus crédibles, la DARES pointe une logique d'évitement des plans sociaux, le licenciement pour motif personnel étant l'un des moyens de réduire ou de recomposer la main-d'œuvre dans le cadre des restructurations. Enfin, je tiens à rappeler les propos du ministre du travail Georges Gorce défendant la loi du 13 juillet 1973 qui instaurait l'obligation de cause réelle et sérieuse en cas de licenciement : « Comment veut-on que le salarié accepte de se considérer comme participant et de se comporter comme tel si, alors qu'on lui promet un intéressement aux bénéfices et qu'on le fait même accéder au titre d'actionnaire, il a conscience d'être à chaque instant à la merci d'une décision unilatérale incontrôlée ou incontrôlable ? » Nous vous invitons d’autant plus à vous inscrire dans le sillon creusé par ce ministre clairvoyant que, depuis 1973, insécurité sociale et chômage se sont aggravés.

M. le Rapporteur – Vous voulez étendre au licenciement sans motif réel et sérieux le régime de sanctions applicable au licenciement dit nul. Cela ne me semble pas opportun. Le licenciement nul correspond aux cas les plus graves – licenciement d’un salarié protégé ou d’une femme enceinte, licenciement discriminatoire – pour lesquels il est nécessaire de maintenir un régime de sanctions aggravé. C’est pourquoi la commission a repoussé cet amendement.

L'amendement 70, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Desallangre – L’amendement 71 vise à accorder aux salariés un droit nouveau, celui de s’opposer à une procédure de licenciement, afin de faire émerger des propositions alternatives responsables.

Ce n’est pas la première fois que nous proposons de permettre aux représentants du personnel et au comité d'entreprise de s'opposer aux licenciements et de faire annuler ceux dont le motif économique est injustifiable. Les licenciements dépourvus de motif économique au sens de la loi – par exemple ceux qui ne visent qu’à valoriser la capitalisation boursière – ne doivent pas avoir lieu. Pour que les représentants du personnel et le comité d'entreprise puissent s'y opposer efficacement, la loi doit leur conférer un véritable pouvoir de contrôle et de contestation. Il ne s’agit pas d’interdire les licenciements, mais de créer les conditions d'une véritable concertation en prévoyant que, si la motivation invoquée par l'employeur n'est pas conforme à la loi, ils pourront s'opposer aux licenciements jusqu'à ce que le juge se prononce sur leur justification. Dans l'hypothèse où il constaterait à son tour l'irrégularité des motifs de licenciements, le juge pourrait confirmer l'opposition et annuler toutes décisions contraires.

Le droit d'opposition est aussi un instrument efficace pour promouvoir les projets économiques proposés par les représentants du personnel comme alternative aux licenciements. Il s'agit d'encourager la gestion citoyenne et la création d’entreprises citoyennes.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé cet amendement. Vous êtes dans une logique de conflit et de recours systématique à la justice, qui permettrait tout au plus de gagner quelques semaines. Les salariés n’ont rien à y gagner. Nous préférons nous inscrire dans une logique de dialogue social.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée Les dispositions du code de commerce et du code du travail prévoient déjà la consultation du comité d’entreprise et des délégués du personnel dans le cadre d’une procédure collective. Il n’est pas souhaitable d’ajouter une nouvelle procédure de ce type dans un texte qui concerne l’actionnariat des salariés.

M. Jacques Desallangre - Permettez-moi de rappeler le cas des salariés de l’usine Volber Michelin de Soissons, qui se sont battus plus de trois ans avant qu’un tribunal reconnaisse que leur licenciement n’était pas un licenciement économique. Lorsqu’il a enfin été prouvé que Michelin aurait pu conserver cette usine au lieu de licencier 401 salariés, il n’y avait plus d’usine, donc plus de possibilité de réintégration. Si le jugement avait pu intervenir rapidement, ils auraient aujourd’hui un travail au lieu d’être au chômage !

L'amendement 71, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Desallangre – L’amendement 72 tend à insérer, après l’article L. 432-5 du code du travail, un article L. 432-5-1 ainsi rédigé : « Lorsque l’employeur d’une entreprise sous-traitante a connaissance d’une décision d’une entreprise donneuse d’ordres dont il estime qu’elle engendre des difficultés économiques de nature à la contraindre à procéder à un licenciement collectif, il en informe et réunit immédiatement les représentants du personnel.

Sur la demande de cet employeur, le comité d’entreprise de l’entreprise donneuse d’ordres est convoqué sans délai par l’employeur de cette dernière et se trouve élargi aux membres du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel de l’entreprise sous-traitante avec voix délibérative.

Il en est de même, sur la demande de représentants du personnel de l’entreprise sous-traitante, lorsque ceux-ci ont connaissance d’une décision telle que visée au premier alinéa du présent article.

Le comité ainsi élargi, co-présidé par les deux employeurs ou leurs représentants, dispose des prérogatives prévues par les articles L. 434-6 et L. 321-1 du code du travail.

La réunion des deux entreprises constitue le champ d’appréciation du motif économique et de l’effort de reclassement au sens de l’article L. 321-1. »

M. le Rapporteur – Cela s’appelle une usine à gaz !

M. Jacques Desallangre – Cet amendement apporte une réponse pragmatique au problème des entreprises sous-traitantes économiquement dépendantes des entreprises donneuses d’ordres. En effet, 66 % des salariés travaillent dans une très petite entreprise ou une PME. Cette déconcentration économique masque cependant un renforcement de la concentration financière qui profite aux groupes multinationaux. Un salarié sur deux travaille dans une entreprise contrôlée par un groupe, et la part des PME contrôlées par un groupe représente 42 % de l’ensemble des salariés des PME. Le recours massif à la sous-traitance permet ainsi aux grandes entreprises d’externaliser les suppressions d’emplois et de s’exonérer des dispositions du code du travail et de leurs obligations en matière de licenciement économique – justification du licenciement, indemnisation, reclassement. Le champ d’appréciation étant limité à l’entreprise sous-traitante, les licenciements économiques échappent en effet à un véritable contrôle du motif. En outre, ils ne permettent pas la mise en œuvre de procédures d’information et de consultation valables et limitent la recherche de solutions de reclassement efficaces.

Le dispositif que nous proposons permet au dirigeant et aux représentants du personnel de l’entreprise sous-traitante de recourir à un cadre d’appréciation commun qui responsabilise l’entreprise dominante. Le comité d’entreprise de la firme donneuse d’ordres serait en effet saisi de tout projet de nature à affecter l’emploi dans l’entreprise sous-traitante. Il se verrait alors adjoindre avec voix délibérative les représentants élus de l’entreprise sous-traitante, pour examiner notamment un projet de plan social élaboré par les directions des deux entreprises. En cas d’insuffisance de celui-ci, il disposerait des mêmes attributions qu’un comité d’entreprise « classique ».

Cette procédure s’inscrit dans l’avènement progressif dans notre droit de la notion d’unité économique et sociale. Le législateur a inscrit celle-ci dans le code du travail pour établir un lien entre des structures juridiquement distinctes afin de permettre la mise en place d’institutions représentatives du personnel communes. Il serait dommage de ne pas reconnaître sa pertinence pour traiter de l’emploi, première préoccupation des salariés – et nous n’avons nullement l’impression de proposer une usine à gaz.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé cet amendement. Même si le terme d’usine à gaz est exagéré, il soulève en effet des problèmes juridiques, notamment sur la définition de son champ d’application. Qu’est-ce qu’un sous-traitant ? Tout fournisseur peut-il invoquer cette disposition ? En outre, il va à l’encontre de la volonté de renforcer le rôle des comités d’entreprise : si les salariés doivent être mis au fait de données économiques sensibles, encore faut-il que l’entreprise puisse attendre d’eux un minimum de discrétion. Comment satisfaire cette exigence en réunissant les instances de deux entreprises aux intérêts le plus souvent divergents ?

L'amendement 72, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Desallangre - L’amendement 69 ne propose pas une usine à gaz, et il tient en une phrase : le CNE est abrogé.

Alors qu'on nous avait promis de vraies créations d'emplois, on assiste à une multiplication des contentieux. Ce contrat de travail dérogatoire ne pouvait en effet fonctionner, pour une raison que le Medef avait bien identifiée : l’insécurité juridique pour l’employeur.

On observe donc déjà une perversion du dispositif : 35 % des CNE signés l'auraient été par des salariés déjà présents dans l'entreprise ; 71 % des entreprises ayant signé des CNE avouent qu’elles auraient embauché de toute façon – et dans 40 % des cas en CDI. Vous leur permettez tout simplement d'attendre deux ans, et cela dans la plus complète insécurité pour le salarié.

Selon une étude du ministère de l'emploi publiée en juin, 90 % des CNE se sont substitués à des CDI et des CDD, et seulement 10 % constituent de vraies créations d'emplois. L'INSEE révèle en outre que 30 % de ces contrats étaient rompus six mois après leur création. Le CNE s’est donc substitué à des contrats plus stables, dans un contexte où la part des contrats précaires ne cesse de croître.

À cela s'ajoute l'instabilité juridique que confirment de nombreux recours. Cela vous gêne d’ailleurs, puisque vous usez d'un abus de pouvoir pour faire dessaisir la juridiction d'appel des demandes et renvoyer le jugement au tribunal administratif ! Le CNE est mis à mal par plusieurs décisions judiciaires, dont celle rendue le 28 avril par le conseil de prud'hommes de Longjumeau, qui a déclaré le dispositif contraire à la convention n°158 de l'Organisation internationale du travail. À l’occasion d’une autre affaire jugée le 22 septembre par la cour d'appel de Paris, le Gouvernement a soulevé une procédure extraordinaire, le « déclinatoire de compétence » déposé par le préfet de l'Essonne. C’est une escroquerie juridique : dans les faits, vous empêchez la Cour de se prononcer sur les droits des salariés en CNE licenciés sans motivation. Déjà, en mars dernier, le Garde des sceaux avait demandé aux procureurs d’intervenir systématiquement dans les procès concernant les CNE, et de faire appel de toute décision favorable aux travailleurs. Cette nouvelle intrusion du pouvoir politique dans le débat judiciaire est intolérable. Elle intervient à la suite d’une longue série d’atteintes au droit du travail, portées par ordonnances, décrets estivaux ou amendements parlementaires votés à la sauvette. En définitive, le Gouvernement semble résolu à contrarier le contrôle des juges.

Toutes ces raisons justifient notre demande d’abrogation du CNE.

M. le Rapporteur – La commission a rejeté cet amendement. Sans doute le CNE n’est-il pas parfait, mais il s’agit, aux termes de l’article 5 de l’ordonnance de création, d’un dispositif expérimental, pouvant être amélioré car il sera évalué par une commission mixte avant le 31 décembre 2008 ; attendons cette échéance pour voir si le CNE doit être supprimé ou réformé. En outre, il y a d’autres chiffres à rappeler que ceux cités par M. Desallangre. Ainsi, il y aurait eu 444 000 embauches liées au CNE d’août 2005 à mars 2006, dont environ 10 % – selon une enquête menée auprès de 3000 chefs d’entreprise – n’auraient pas eu lieu sans le CNE. Six mois après leur embauche, 70 % des salariés en CNE travaillent encore dans l’entreprise, ce qui représente une proportion beaucoup plus élevée que pour les salariés recrutés en CDD. On peut toujours se battre sur les chiffres, mais l’heure n’est pas venue de rouvrir le débat sur le CNE.

M. Xavier de Roux - Bien sûr ! Cet amendement est un cavalier des plus cavaliers.

M. Jacques Desallangre - On en a vu d’autres !

M. le Ministre – Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

M. Alain Vidalies - Sans rouvrir la totalité du débat sur le CNE, je voudrais revenir sur la stratégie utilisée par le Gouvernement dans les procédures judiciaires en cours. Suite à la décision du conseil de prud’hommes de Longjumeau retenant que le CNE était contraire aux engagements internationaux de la France, et, en particulier, à la convention 158 de l’OIT s’agissant de la durée de la période d’essai, le parquet général a indiqué devant la cour d’appel que cela relevait du juge judiciaire. Le Gouvernement, sans aucune nuance, a soutenu, lui, que, le CNE trouvant son origine dans une ordonnance, seul le juge administratif était compétent. Or, toute personne de bonne foi sait bien que c’est le juge naturel du contrat de travail qui est compétent. En recourant à un déclinatoire de compétences, pour saisir le tribunal des conflits, on sait bien qu’on n’aura pas gain de cause sur le fond, mais on gagne du temps pour renvoyer l’affaire après les élections. Nous tenons à dénoncer ces méthodes dilatoires, manifestement contraires aux intérêts des salariés.

L'amendement 69, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 22

M. Jacques Desallangre – L’amendement 75 vise à supprimer cet article, qui ouvre le chapitre relatif à la sécurisation des parcours professionnel. Et quelle ouverture, puisqu’il s’agit en fait de légaliser le prêt de main d'œuvre, pourtant formellement interdit dans notre législation sociale ! Vous prétendez que votre projet ne tend pas à assouplir la législation interdisant le marchandage ; si tel était le cas, pourquoi préciser que les dispositions de cet article ne tombent pas sous le coup des articles L. 125-1 et L. 125-3 du code du travail, lesquels sanctionnent le marchandage ? À l’évidence, vous ouvrez une brèche, limitée – pour le moment – aux établissements situés dans les pôles de compétitivité.

Au reste, comme le précise le rapport, l'objet de cet article est de « donner un cadre juridique clair aux prêts de main-d'œuvre opérés dans le cadre des pôles de compétitivité ». Ainsi, alors que la jurisprudence fait une interprétation assez extensive de ces dispositions pour protéger les travailleurs et que nombre d’abus ont déjà été sanctionnés – on recense aujourd'hui entre 150 et 200 condamnations annuelles liées au délit de marchandage contre 123 en 2001, et l’on se souvient d’une affaire célèbre dans la grande distribution –, le Gouvernement propose de déroger temporairement au droit commun.

Cela s’inscrit dans la veine de l'ensemble des dispositions déjà adoptées par votre majorité, souvent en catimini, qu’il s’agisse du portage salarial ou du travail à temps partagé, toutes formes d'emplois fragilisant le salariat.

Prenons l'exemple du portage, dont le principe est simple : l'entreprise achète une compétence, la société de portage lui fournit un salarié et ce dernier reçoit de l’entreprise de portage une rémunération correspondant à la mission qu'il effectue pour l'entreprise. La relation, tant qu'elle fonctionne, semble pouvoir satisfaire tous les acteurs. Mais ce n'est plus le cas si le contrat est rompu. L'entreprise n'ayant plus besoin du salarié, celui-ci se retrouve au chômage. Quel est alors son statut ? L'UNEDIC fait preuve de la plus grande fermeté : les « portés » n'entrent pas dans son régime d'indemnisation. Or, l'essor du portage multiplie le nombre de situations difficiles où les salariés portés sont confrontés à un vide juridique.

En travaillant pour une entreprise tout en étant payé par une autre, le salarié est-il subordonné, et, si tel est le cas, à qui ? En l’espèce, vous ne jugez pas utile de le préciser.

Les entreprises de « travail à temps partagé » obéissent à la même logique, puisque leur activité consiste à mettre à disposition d'entreprises clientes du personnel qualifié, qu'elles ne peuvent recruter elles-mêmes à raison de leur taille ou de leurs moyens. À l’instar de l'intérim, il s'agit donc d'une relation triangulaire entre un salarié, une entreprise de fourniture de main-d'œuvre et une entreprise utilisatrice. Un contrat est signé pour chaque mise à disposition individuelle de salarié, pour préciser le contenu et la durée « estimée » de la mission, la qualification professionnelle requise, les caractéristiques du poste de travail et la rémunération. Le mot « estimée » signifie qu'il n'y a pas de terme précis à la mission. Un ouvrier ou un ingénieur peut donc être envoyé pour cinq semaines, cinq mois, cinq ans ou plus chez un patron, lequel pourra adapter la durée de la mission en fonction de ses besoins.

À la fin de la mission, le salarié revient dans l'entreprise de travail à temps partagé, à laquelle il est lié par un CDI – qui ne lui procure aucune protection réelle. S’il n’y a pas d'autre mission à lui confier, cela donne en effet un motif suffisant à l’entreprise pour le licencier valablement pour cause économique, quitte à le reprendre quelques semaines plus tard ! Toutes ces formes dégradées d’emploi nuisent au statut du travailleur et aux garanties propres au salariat.

Pour ces raisons, nous proposerons de supprimer cet article.

M. Michel Charzat – Notre amendement 239 vise également à supprimer cet article, qui ouvre le titre III, sorte de pièce rapportée qui n'a rien à voir avec l'actionnariat salarié et n’a pour objet que de poursuivre l'entreprise gouvernementale de démantèlement du droit du travail. L’intitulé du chapitre premier est pour le moins curieux, puisqu’il s’agirait de « favoriser la sécurité des parcours professionnels ». Et, comme l’a dit fortement Alain Vidalies, il est assez paradoxal que nous examinions ces dispositions le jour même où le Président de la République, à grand tapage médiatique, propose d'établir de nouvelles règles en matière sociale, avec, notamment, l'obligation de se concerter avec les partenaires sociaux chaque fois que le Gouvernement ou le Parlement examinera un projet de réforme relatif au droit du travail.

La concertation dont vous vous targuez, et que le Président Chirac appelle de ses vœux, n'a visiblement pas concerné le titre III du présent texte – car vous ne sauriez prétendre que des réunions bilatérales, tenues en catimini et qui n'ont permis de dégager aucun consensus, puissent satisfaire à la règle qui vient d'être posée.

En réalité, vous avez agi dans la précipitation, pour satisfaire les groupes de pression désireux de contourner le code du travail et de se soustraire à certaines obligations. Vous entendez fluidifier et flexibiliser encore le marché du travail, grâce à de nouveaux outils et sous couvert de sécurisation ! Et cela au moment où s’amplifie l’emploi précaire. Nous venons en effet d'apprendre que l'emploi intérimaire avait progressé de 5,6 % au cours du deuxième trimestre 2006 – soit la plus forte hausse depuis six ans, et même de 8,6 % sur un an, avec un rebond dans tous les secteurs.

Les dispositions de ce titre sont du reste tellement brutales et improvisées que les rapporteurs de nos commissions ont eux-mêmes écarté plusieurs articles, pour des raisons de forme ou d'opportunité.

L'article 22 illustre votre volonté de substituer la précarité à la sécurité. Il propose en effet de mettre en place un dispositif temporaire et expérimental permettant aux entités de droit public ou privé d'un pôle de compétitivité de procéder à des prêts de personnel, par dérogation aux interdictions de prêts de main d'oeuvre à but lucratif. Je rappelle que le délit de marchandage est aujourd'hui réprimé, à juste titre et de façon constante. Or, cet article vise à le légaliser, et même à l'élargir, alors qu'il est actuellement réservé aux entreprises de travail temporaire. Sous couvert d'expérimentation, permettre ce type d'arrangement va ouvrir la porte à tous les abus. Il s'agit là d'un nouveau pas vers la fluidification de la circulation des salariés : demain réservé aux pôles de compétitivité ; pourquoi, par la suite, ne pas généraliser le prêt à l'ensemble du marché du travail ?

Au surplus, certains pôles de compétitivité rassemblant des dizaines de milliers de salariés, un grand nombre de personnes pourraient déjà être concernées par cette mesure, quelle que soit leur fonction. Qu’en est-il des droits de ces travailleurs ? Quelles garanties leur proposez-vous ? Aucune ! Le prêt serait régi par une simple convention passée entre deux entreprises. Le salarié garderait le même contrat de travail alors qu'il changerait d'entreprise et que ses missions et conditions de travail pourraient être considérablement modifiées. L'information des organisations représentatives des salariés sur la convention, le retour dans l’emploi d'origine à la fin du prêt et la conservation des droits et garanties attachés au contrat de travail initial pendant la durée du prêt ne sont pas prévus. De surcroît, le salarié mis à disposition ne serait pas pris en compte pour le calcul des effectifs de l'entreprise d'accueil. Autant dire que ses droits fondamentaux seraient bafoués : droits électoraux, droits à la sécurité et à l'hygiène, etc. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce point, notamment dans la discussion sur l'article 32.

Tous ces éléments démontrent qu’il faut supprimer l’article 22.

Mme Martine Billard - Par l’amendement 268, je demande également la suppression d’un article qui, d’évidence, n’a pas fait l’objet de concertation. En aurait-il été autrement, sa rédaction ne serait pas celle qui nous est soumise, source de tous les contentieux possibles. Seules les entreprises de travail temporaire sont actuellement autorisées à faire du placement de main-d’œuvre. L’article ouvre cette possibilité à toutes les entreprises sans distinction. Je peux concevoir, sans a priori, que, pour certains emplois très qualifiés, dans les pôles de compétitivité, le prêt de main-d’œuvre puisse être utile. Seulement, la mesure envisagée vaut pour tous les emplois, du moins qualifié au plus qualifié. Pourquoi une ouverture aussi large ?

Comment admettre, ensuite, qu’il n’y ait aucune obligation de porter à la connaissance des instances représentatives du personnel la convention conclue entre l’entreprise « prêteuse » et l’entreprise « utilisatrice» ? Qu’advient-il du dialogue social dont nous avons débattu il n’y a pas si longtemps ? On contourne ainsi les dispositions relatives à l’information sur les postes disponibles, auxquels des salariés de l’entreprise d’« accueil » auraient pu postuler. Que se passe-t-il ensuite dans l’entreprise « prêteuse » ? Peut-elle réembaucher sur le poste devenu vacant, et dans quelles conditions ? S’agira-t-il d’un emploi en CDD ou en CDI ? Le texte n’en dit mot.

Comment penser que l’inspection du travail pourra contrôler ces prêts de main-d’œuvre alors que la faiblesse de ses effectifs l’empêche de contrôler l’existant ? Je viens ainsi de recevoir une jeune femme, ingénieur, licenciée par France Télécom au terme de huit années de contrats à durée déterminée successifs, qui n’a pas osé demander aux prud’hommes la requalification de ces CDD en CDI, et qui est maintenant au chômage. Alors que l’État est incapable de faire respecter les textes relatifs aux CDD, le Gouvernement invente un dispositif qui introduit davantage de flexibilité dans les contrats de travail !

J’observe que la mesure vise aussi les fonctionnaires. Comment garantir, pour ce qui les concerne, le respect de l’alinéa de l’article qui dispose que « pendant la durée de la mise à disposition, le salarié a droit au maintien de sa rémunération », et que « celle-ci ne peut être inférieure à celle que percevrait, dans l'entreprise utilisatrice, un salarié embauché directement par celle-ci, de qualification équivalente, de même ancienneté et occupant un poste similaire » ? Comment le calcul se fera-t-il ? On sait bien qu’à niveau de qualification égal, les salaires sont supérieurs dans le secteur privé à ce qu’ils sont dans la fonction publique.

Enfin, comment seront comptabilisés, au regard de la LOLF, les postes de fonctionnaires ainsi transférés dans le secteur privé ?

M. le Rapporteur – Souhaite-t-on, ou non, adapter notre économie pour la rendre compétitive ? (Approbations sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Si on le souhaite, on est favorable aux pôles de compétitivité, ces clusters qui ont fait la preuve de leur efficacité dans les pays où ils ont été installés, il y a une vingtaine d’années déjà. Nous y sommes favorables, et je doute que M. Charzat, en son for intérieur, ne le soit pas…

M. Michel Charzat - Là n’est pas la question !

M. le Rapporteur – Vous le savez, la loi de finances pour 2005 a instauré 66 pôles de compétitivité et prévu que 1,5 milliard de financement public leur serait consacré en trois ans…

Mme Martine Billard - Ce n’est pas le sujet de nos amendements !

M. le Rapporteur – Il faut savoir ce que l’on entend paralyser ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Pour 40 % d’entre elles, les entreprises considérées sont des PME. Je rappelle que l’objectif des pôles de compétitivité est de créer une synergie, les projets de recherche devant obligatoirement associer plusieurs entreprises et au moins un laboratoire public ou privé, établissement d’enseignement supérieur ou organisme de transfert de technologie.

M. Jacques Desallangre – Nous le savons ! Ce n’est pas ce dont nous parlons !

M. le Rapporteur – Cette synergie rend obligatoires des échanges de personnel, avec le risque juridique de contrevenir aux dispositions relatives au prêt de main-d’œuvre. Pour écarter ces risques et pour garantir les droits des salariés, l’article prévoit un cadre spécifique. C’est une nécessité, et la commission a adopté l’article. Je rappelle que le dispositif est proposé à titre expérimental, qu’il sera évalué en 2009 au plus tard et qu’il est limité aux pôles de compétitivité. Je souligne enfin que de nombreuses précautions ont été prises pour garantir les droits des salariés et qu’à l’initiative du groupe socialiste, la commission vous proposera de préciser certains points, notamment ce qui concerne la réintégration du salarié dans son entreprise d’origine.

Voilà pourquoi la commission a repoussé les amendements de suppression.

M. Jean-Louis Borloo, ministre Nous touchons à un sujet complexe et de grande importance. Avec les pôles de compétitivité, on cherche à mettre les compétences en réseau. Or, le cadre juridique qui régit l’existence des personnes morales met parfois un frein à de tels projets. Dans les pôles de compétitivité, il peut se faire qu’à certains moments, des entreprises soient contraintes de procéder à des ruptures de contrats de travail suivies de réembauches, ce qu’elles ne peuvent se permettre en l’état de la législation. Devons-nous accepter de perdre ces talents, ou devons-nous plutôt expérimenter, pour une période limitée, après concertation, dans le cadre d‘une convention et dans le respect du libre choix des salariés concernés, pour parvenir à les conserver en CDI ? Voilà ce dont il est question.

Quant à la concertation, elle a eu lieu, et je ne peux laisser dire qu’une concertation bilatérale serait faite « en catimini » – c’est une insulte faite à ceux qui s’y sont livrés. De plus, la Commission nationale de la négociation collective s’est prononcée à ce sujet le 20 octobre 2005, après quoi le dispositif a été validé au terme d’ultimes consultations.

Je ne doute pas de la bonne foi des parlementaires qui s’interrogent, mais je suis convaincu que le dispositif mérite d’être expérimenté.

Mme Anne-Marie Comparini – En prenant la parole au nom du groupe UDF, lors de la discussion générale, j’avais indiqué que certaines dispositions relatives au droit du travail me paraissaient manquer un peu de réflexion, de cette réflexion qui naît du dialogue avec les partenaires sociaux. Pour avoir été à l’origine, à Grenoble et à Lyon, de certaines structures qui sont depuis devenues des pôles de compétitivité, je comprends la philosophie qui sous-tend cet article, et la nécessité de la mobilité. Lors de la discussion de la loi sur la recherche, j’ai même défendu plusieurs amendements tendant à favoriser la mobilité des chercheurs entre les secteurs public et privé, amendements hélas rejetés par le Gouvernement. Vous voyez que je connais bien la nouvelle économie du savoir, ainsi que les efforts qu’elle nous impose si nous voulons rester dans la course !

Il me semble toutefois que l’article 22 n’établit pas clairement qu’il s’agit d’introduire une expérimentation dans le cadre spécifique des pôles de compétitivité et des synergies de recherche – l’exposé des motifs de nos collègues Charzat et Vidalies en témoigne. Ce ne sont pas des dizaines de milliers de salariés qui doivent être concernés, mais seulement ceux du pôle de compétitivité « nouveau moteur », par exemple, ou bien ceux du pôle « nouveau matériau ».

Sans idéologie, mon groupe votera donc les amendements de suppression. Sur de telles questions de modernisation du droit du travail, ce sont des réflexions bien plus approfondies que nous devons mener !

M. Jean Le Garrec – Comme l’a rappelé le président Dubernard, le nombre des pôles de compétitivité aurait dû être limité à 8 ou 9, et non atteindre 66 – avec un tel nombre, ce sont des dizaines de milliers de salariés qui sont concernés !

L’expérimentation peut être intéressante si son champ est bien maîtrisé, mais elle devient dangereuse si elle est à ce point élargie ! J’ajoute que les pôles de compétitivité ne sont absolument pas mentionnés dans ce texte, dont la portée est générale. Comment mener une expérimentation dans un cadre aussi large ?

Enfin, le ministre affirme que la négociation a eu lieu ; mais c’est oublier que les organisations syndicales ne se sont pas prononcées en faveur de cet article. Leurs hésitations tiennent à la lettre même du texte : vous demandez l’envoi d’une lettre recommandée, mais il n’y aura pas de négociation avec le salarié, qu’on se contentera d’informer !

S’il s’agit d’instaurer des synergies de compétences, nous sommes d’accord bien sûr, mais ces synergies ne doivent concerner que quelques personnes spécialisées dans des sujets très pointus. Elles doivent être soigneusement définies par les entreprises et les organisations syndicales, et leur support juridique précisément défini.

Avec ce texte, qui prévoit seulement l’envoi d’une lettre recommandée, assorti d’un délai de refus de quinze jours en faveur du salarié, vous adoptez une démarche totalement coercitive, alors que les synergies de compétences doivent être volontaires. Il faut en discuter avec les entreprises, afin de définir précisément les compétences et le transfert concernés ! Ce projet de loi, rédigé à la va-vite et sans la réflexion nécessaire, n’apporte pas de garanties juridiques suffisantes : nous allons retomber dans le prêt de main-d’œuvre, avec tous les risques qu’il emporte !

La sagesse voudrait donc que nous abandonnions un texte aussi imprécis. Remettons la question sur la table et discutons-en avec les organisations syndicales et les entreprises dans le cadre des pôles de compétitivité. Reprenez votre copie, Monsieur le ministre, et retravaillez-la pour que nous puissions en discuter sereinement !

M. Xavier de Roux - Je crains que M. le Garrec n’ait pas vraiment lu ce projet… S’il est un texte qui va très loin dans les précisions, au risque d’en apporter presque trop, c’est bien celui-là ! Ses auteurs ont clairement perçu les difficultés du droit du travail et ils ont tenté d’y remédier ! Ainsi, le salarié ne sera aucunement mis à disposition contre sa propre volonté : la lettre recommandée servira seulement de preuve, la mise à disposition résultant d’une convention entre l’employeur et l’employé. Faute de réponse à la lettre recommandée, le salarié sera même réputé s’opposer à la mise à disposition ! Les conditions de mise à disposition sont donc très claires et entourées des garanties suffisantes.

Pour créer des équipes multidisciplinaires, nous nous heurtons aujourd’hui au délit de marchandage, qui a été singulièrement élargi au cours des années par les cours et les tribunaux, au point qu’on affronte une insécurité juridique considérable dès lors qu’on fait travailler ensemble des équipes. Sans toucher au droit du travail, il fallait bien contourner cet écueil, et il n’y a rien de scandaleux dans ce texte qui respecte la volonté du salarié ! Nous allons peut-être trop loin dans le détail – mais peut-on en faire un grief en matière de droit du travail, sujet qui exige la plus grande précision ?

Pour toutes ces raisons, la disposition contestée me semble nécessaire et pertinente.

M. Léonce Deprez – Lors de ma visite au pôle de compétitivité de Boulogne-sur-Mer, il y a quelques jours, j’ai perçu les propos tenus par M. Bussereau comme un véritable message d’espoir…

Le raisonnement de nos collègues pourrait être retenu si nous nous trouvions dans une situation de croissance économique permettant de maintenir en l’état le droit du travail. Nous devons au contraire mener des expérimentations afin de juger l’intérêt de faire évoluer notre droit – je rappelle d’ailleurs que le président Méhaignerie fut le premier à nous y inciter dans cet hémicycle. Nous devons en effet créer un cadre pluridisciplinaire, objectif auquel la mise à disposition de compétences est particulièrement adaptée, car elle permet de rassembler les compétences sous forme de réseau.

Pour dépasser la situation actuelle du chômage, qui est parfaitement révoltante, nous devons trouver de nouvelles réponses – des réponses adaptées à notre nouveau siècle. Le droit du travail doit donc évoluer en fonction des impératifs de l’économie et de la compétition internationale. Tel est l’intérêt bien compris des travailleurs, qui seraient sinon condamnés au chômage ! Nous partageons tous la même volonté : servir la cause des travailleurs ! Le niveau actuel de croissance est insuffisant par rapport à celui des autres pays européens (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Nous devons donc prendre des mesures législatives de nature à adapter notre droit du travail…

Plusieurs députés sur les bancs des groupes socialistes et communistes – Nous y voilà !

M. Léonce Deprez - Nous favoriserons ainsi l’accès à l’emploi de certains travailleurs qui se trouvent aujourd’hui au chômage !

Mme Martine Billard - Pas du tout ! Il s’agit de salariés déjà en poste !

Les amendements 75, 239 et 268, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Dominique Tian – Le premier alinéa de cet article pose un problème d’insécurité juridique, car il pourrait laisser entendre que les entreprises de travail temporaire et les entreprises de travail à temps partagé ne peuvent faire de mise à disposition de personnel au sein des pôles de compétitivité – c’est pourtant leur rôle premier.

Afin de lever cette ambiguïté rédactionnelle, l’amendement 209 propose de supprimer la mention suivante : « à l’exception des entreprises de travail temporaire et des entreprises de travail à temps partagé ».

M. le Rapporteur – Avis favorable.

M. Jean-Louis Borloo, ministre - Même avis.

M. Jacques Desallangre – Les employeurs contournent déjà la loi. On se propose ici de les y autoriser. Actuellement, selon la loi, les entreprises d’intérim ne peuvent mettre de personnel à disposition de façon permanente, mais seulement s’il y a accroissement temporaire d’activité, ou remplacement d’un salarié, et avec un seul renouvellement. Dans les faits, les employeurs utilisent un volant d’intérimaires pour accroître la flexibilité. Vous prétendez qu’il s’agit de favoriser la croissance et la compétitivité, mais la fraude entraîne une multiplication des contentieux. Vous voulez donc supprimer le risque pour les employeurs : il n’y aura plus de limite à la durée des missions ni de délit de marchandage. Les entreprises feront des économies en n’embauchant pas et en utilisant des salariés moins bien protégés par les conventions collectives.

Mme Martine Billard - Sur le fond, je reconnais que cette disposition a une certaine cohérence. Mais sur la forme, supprimer la mention des entreprises de travail temporaire et de travail partagé dans l’alinéa premier, n’est-ce pas entrer en contradiction avec l’alinéa 2, qui fait référence aux articles L. 125-1 et L. 125-3 du code ?

L'amendement 209, mis aux voix, est adopté.

M. Michel Charzat - L’amendement 240 complète l’aliéna premier par les mots : « dans le cadre de projets partagés ». Il n’est pas souhaitable que la mise à disposition de main d’œuvre devienne une modalité courante de gestion du personnel. En commission, M. Larcher avait indiqué qu’il s’agissait uniquement ici de mise à disposition de cadres de grandes entreprises auprès de petites entreprises dans les pôles de compétitivité. Lors de l’audition du représentant de la CGC, il avait été dit également que la mise à disposition ne concernait que les chercheurs. Or, elle semble concerner tous les salariés.

Quelles sont les intentions réelles du Gouvernement en ce qui concerne cette expérimentation jusqu’en 2010 ? Aura-t-elle lieu dans les seuls pôles de compétitivité, avec évaluation et éventuellement généralisation, ou envisagez-vous de l’étendre au-delà ?

M. le Rapporteur – Ne faites pas de procès d’intention. J’ai déjà dit que la disposition était limitée aux pôles de compétitivité. Par ailleurs, la notion de projet partagé n’existe pas dans le code du travail. Vous n’introduisez pas de la précision, mais de la confusion.

M. Jean-Louis Borloo, ministre Je remercie Mme Billard d’avoir appelé notre attention sur ce point, qui sera vérifié.

Monsieur Charzat – et cela vaut pour M. Le Garrec –, je confirme que la disposition n’a pas de portée générale, ni même territoriale : elle ne s’applique pas aux entreprises situées dans le périmètre d’un pôle de compétitivité, mais à celles qui y sont réellement engagées. C’est très précis, alors que la notion de projet partagé ne l’est pas. Il ne peut y avoir de prêt de main-d’œuvre qui n’aurait pas de rapport avec le pôle de compétitivité.

Mme Martine Billard - Il faudra trouver la bonne formulation, sinon les contentieux seront nombreux.

L'amendement 240, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Charzat – Notre amendement 241 dispose qu’une durée maximale sera fixée par décret pour ces mises à disposition de main-d’œuvre. Si la situation s’éternise, ce sera au détriment du salarié, qui ne fera plus vraiment partie de son entreprise d’origine, sans être totalement intégré à celle d’accueil. Il aura aussi des difficultés de réintégration. Et que se passera-t-il si, entre-temps, l’entreprise d’origine a changé de statut juridique ?

M. le Rapporteur – La commission a rejeté cet amendement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre Même avis.

L'amendement 241, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Dominique Tian - Les mises à disposition visées dans cet article ont pour objectif de faciliter un transfert de savoir entre entreprises. Dès lors, il est normal de réserver cette possibilité aux salariés titulaires d’un contrat à durée indéterminée. Tel est l’objet de mon amendement 210.

M. le Rapporteur – L’amendement est utile, et la commission l’a adopté.

M. Jean-Louis Borloo, ministre Avis favorable. Cet amendement traduit bien l’esprit du texte.

L'amendement 210, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 133 rectifié apporte une précision.

L'amendement 133 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Michel Charzat - Par souci de transparence, l’amendement 242 précise qu‘un exemplaire de la convention de prêt doit être joint à l’avenant du contrat de travail. Le salarié doit pouvoir accepter ou refuser la mise à disposition en toute connaissance de cause. Par ailleurs, cette convention n’est transmise ni au service public de l’emploi, ni à la Sécurité sociale ni à l’UNEDIC.

M. le Rapporteur – La commission l’a rejeté. Le texte prévoit déjà un avenant au contrat de travail pour chaque mise à disposition avec des informations sur la durée et les conditions d’exercice de la mission.

M. Jean-Louis Borloo, ministre Même avis.

L'amendement 242, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 224 apporte une précision et l’amendement 134 rectifié est rédactionnel.

Ces amendements, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. Michel Charzat – L’amendement 243 dispose que le comité d’entreprise ou les délégués du personnel de l’entreprise d’origine et de l’entreprise d’accueil sont informés de la mise à disposition d’un salarié. Il supprime également l’exclusion du salarié mis à disposition – parfois pendant plusieurs années – du décompte de l’effectif de l’entreprise d’accueil.

M. le Rapporteur – La commission l’a repoussé. Il est satisfait en ce qui concerne l’entreprise d’accueil puisque l’article L. 432-4-1 du code du travail prévoit une information trimestrielle ou semestrielle du comité d’entreprise sur la situation de l’emploi, y compris sur le nombre de salariés appartenant à une entreprise extérieure.

L'amendement 243, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 135 est rédactionnel.

L'amendement 135, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. Michel Charzat - À l’issue de la mise à disposition, ou si celle-ci prend fin avant le terme initialement fixé, le salarié doit retrouver un emploi « au moins équivalent ». Cette expression me paraît préférable au terme « similaire », dans la mesure où la notion d’emploi équivalent existe déjà dans le code du travail, notamment pour l’obligation de reclassement d’un salarié licencié pour motif économique. Tel est l’objet de notre amendement 244.

M. le Rapporteur – Rejet.

M. Jean-Louis Borloo, ministre Défavorable.

M. Jacques Desallangre - Pourquoi ?

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Parce que !

Mme Martine Billard - Nous aimerions quand même avoir une explication. Que se passera-t-il si l’on ne propose pas au salarié de retour dans son entreprise un emploi équivalent ? S’il refuse celui qu’on lui propose, sera-t-il considéré comme démissionnaire ? Ou entrera-t-il dans le cadre du licenciement ? Il faut être précis si l’on veut éviter des contentieux.

M. Jean Le Garrec - Il me semble que l’on traite ce sujet ô combien compliqué de façon un peut rapide. Pourquoi refuser d’un revers de main le terme « équivalent », qui a l’avantage d’être celui déjà retenu par le code du travail ? Vous ne courez aucun risque à l’accepter, Monsieur le ministre, sinon celui de donner une garantie plus précise aux salariés !

M. Jean-Louis Borloo, ministre La rapidité dont vous parlez, Monsieur Le Garrec, est relative, car cela fait un an et demi que nous travaillons sur ce texte, qui a été présenté à la Commission nationale de la convention collective il y a plus d’un an. On peut toujours débattre sur les mots, mais en l’occurrence, « similaire » me semble plus protecteur. Il garantit davantage une similarité de fonction – par exemple, ingénieur en électronique – que le mot « équivalent », qui peut avoir une portée économique ou statutaire. Le mot a donc été choisi à dessein.

M. le Rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Le Petit Larousse vous soutient, Monsieur le ministre. Similaire veut en effet dire : « analogue, semblable ».

Mme Martine Billard - Et quelle définition donne-t-il du mot « équivalent » ?

L'amendement 244, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - La commission a adopté l’amendement 137 sur proposition du groupe socialiste.

M. Michel Charzat - Tout salarié mis à disposition qui réintègre son entreprise d’origine doit retrouver la totalité des droits attachés à son contrat de travail, notamment ceux liés à son ancienneté, pour la détermination desquels la période de mise à disposition est considérée comme du travail effectif. Tel est le sens de notre amendement 245, qui reprend à un mot près l’amendement 137.

J’en profite pour demander au Gouvernement de préciser son interprétation de l’article 22 : le deuxième alinéa de l’article L. 122-12 s’applique-t-il bien ? Autrement dit, que se passe-t-il en cas de modification – vente, succession, fusion ou autre – de la situation juridique de l’entreprise d’origine ?

M. le Président – Vous ralliez-vous à l’amendement 137 de la commission,

M. Michel Charzat - Oui.

M. le Rapporteur – La commission a adopté cet amendement, qui vise en effet à sécuriser les salariés. Je me demande toutefois, à titre personnel, si la solution retenue n’est pas trop systématique. Quand on regarde les détachements et les mises à disposition dans la fonction publique, on voit que les solutions en matière d’ancienneté, lors de la réintégration, sont diverses. Peut-être devrions-nous garder cette souplesse.

M. Jean-Louis Borloo, ministre Dans le silence des textes, l’ancienneté est automatique. La seule question que l’on peut encore se poser est celle-ci : faut-il figer la chose dans le texte ou dans la convention ? L’expérience de la fonction publique montre que dans un certain nombre de cas, le problème est traité différemment. Il serait préférable que le texte de la loi laisse la convention entre les parties s’appliquer.

L'amendement 137, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – Nous en arrivons à deux amendements identiques : le 246 de M. Charzat et le 136 2e rectification de la commission.

M. Michel Charzat – Un salarié qui a été mis à disposition un certain temps peut avoir besoin, lorsqu’il réintègre son entreprise et retrouve son emploi, d’une formation d’adaptation, si les conditions d’exercice de son travail ont évolué entre-temps. Nous proposons qu’il ait accès à cette formation de manière prioritaire.

M. le Rapporteur – La commission a adopté cette proposition.

M. Jean-Louis Borloo, ministre Favorable.

Les amendements 136 2e rectification et 246, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur – Le 138 est un amendement de précision.

L'amendement 138, accepté par la commission et par le Gouvernement, est adopté.
L'article 22, modifié, mis aux voix, est adopté.
La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu, ce soir, à 21 heures 30.
La séance est levée à 19 heures 25.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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Préalablement,
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