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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du mardi 17 octobre 2006

Séance de 15 heures
7ème jour de séance, 14ème séance

Présidence de M. Jean-Louis Debré

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La séance est ouverte à 15 heures.

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

journée mondiale du refus de la misère

Mme Christine Boutin - Ma question s’adresse au ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement. Dimanche était la Journée mondiale contre la faim. Vendredi dernier, le prix Nobel de la paix 2006 a été décerné à M. Mohammed Yunus, pour ses travaux prestigieux sur le micro-crédit. Aujourd’hui est la Journée mondiale du refus de la misère. Ce calendrier montre bien la terrible actualité de la précarité et de la pauvreté, qu’elle soit internationale ou nationale.

En France, notre système de protection sociale, certes envié, crée des niches et des trappes à pauvreté : 86 500 SDF, plus de trois millions de personnes mal logées, un chômage qui dépasse encore les 9 %, et ce scandale du million d’enfants vivant sous le seuil de pauvreté. Ces chiffres révèlent la très grande fragilité de notre lien social et posent la question de la répartition de la richesse. Quand aurons-nous le courage d’aborder cette question dérangeante ?

Vous savez que je propose, pour ma part, l’instauration du dividende universel. C’est un projet global de société partagé par de nombreux parlementaires, un projet qui affirme la dignité de chaque personne et garantit une certaine sécurité financière grâce à la solidarité nationale. Monsieur le ministre, vous qui avez envisagé la création d’un revenu d’existence, ne pensez-vous pas que le moment soit propice pour la création d’un dividende universel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité - Je m’associe à l’hommage que vous avez rendu à M. Yunus. Le micro-crédit est une réponse concrète qui permet à de nombreuses personnes d’exercer une activité professionnelle.

Chacun connaît la constance de votre engagement en faveur du dividende universel. Pour intéressant qu’il soit, notamment au regard de la simplification radicale des prestations sociales qu’il entraînerait, le dividende universel englobe de très nombreuses prestations, dont les prestations familiales et les aides au logement. Pour sa part, le Gouvernement est très attaché à une approche qui soit le plus possible « sur mesure ». Nous souhaitons donc continuer à nous concentrer sur la redistribution au bénéfice des ménages les plus pauvres, en assurant en même temps l’accompagnement vers l’emploi. Tel est le sens de la loi du 23 mars 2006 relative au retour à l’emploi, et c’est aussi l’esprit des travaux sur l’expérimentation actuellement menés avec Martin Hirsch et qui trouveront une concrétisation dans le prochain projet de loi de finances. La volonté du Gouvernement est d’accompagner de façon personnalisée ceux qui sont le plus en difficulté (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

violences à l’encontre des policiers

M. Manuel Valls – En Seine-Saint-Denis, en Essonne, dans les Yvelines, des policiers ont été victimes d’agressions intolérables. Je rends hommage à ces hommes et femmes qui tentent d’endiguer, avec courage et sang-froid, la montée de la violence (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). 9 000 policiers ont été blessés depuis le début de l’année. Il ne peut y avoir d’indulgence ou d’excuse à l’égard de ceux qui commettent de tels forfaits. La loi républicaine doit s’appliquer avec la plus grande fermeté, sinon il n’y a plus de sécurité, plus d’ordre, plus de « vivre ensemble », plus de cohésion nationale.

Un tel problème appelle un consensus républicain, par-delà les majorités. Hélas, Monsieur le ministre d’État, vous avez démantelé les systèmes qui fonctionnaient, comme la police de proximité ; vous n’avez pas, comme le souligne le rapport du préfet de Seine-Saint-Denis, augmenté les effectifs ; vous avez jeté de l’huile sur le feu par d’inutiles provocations ; vous avez dressé les uns contre les autres tous les acteurs de la sécurité en vous défaussant de vos échecs sur les juges, les élus, les associations. Enfin, alors que la politique pénale avait besoin de clarté, vous l’avez sans cesse modifiée, créant le plus grand désordre dans les esprits et les comportements.

Parce que je fais partie de ceux qui ont salué en 2002 votre détermination, parce que nous sommes de nombreux élus locaux, sur tous les bancs, à agir concrètement contre la délinquance, je vous poserai deux questions précises. Allez-vous continuer de mettre les policiers en danger par votre politique ? Et croyez-vous que, candidat à l’élection présidentielle, vous pouvez continuer à vous décharger chaque jour davantage de vos fonctions gouvernementales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire - Je continuerai certes à me passer de l’autorisation du parti socialiste pour agir au service de la sécurité des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Monsieur Valls, vous faites partie de ceux qui ont toujours considéré que votre parti faisait fausse route, avec son angélisme militant, sur la question de la sécurité (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), et je tiens à vous rendre hommage (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Vous avez longtemps été isolé au sein du parti socialiste, et je suis donc très content de voir qu’à six mois des élections, celui-ci donne la parole à quelqu’un qui a moins perdu sa crédibilité que certains autres (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Un député socialiste – Ridicule !

M. le Ministre d’État – Pourquoi le parti socialiste n’a-t-il voté aucun crédit, aucune création de poste, aucune réforme quand nous les proposions ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Quand nous nous sommes tournés vers vous en disant que nous voulions créer 6 000 postes, vous n’en avez pas voulu ! Quelle crédibilité avez-vous aujourd’hui pour nous dire que nous n’en avons pas fait assez ? (Même mouvement)

La seule réforme que vous proposez est la police de proximité. Si celle-ci était la solution, pourquoi l’année 2002 a-t-elle été si catastrophique pour vous ? (Même mouvement) Au fond, vous dites aux Français : « Nous n’avons rien compris : nous proposons de faire en 2007 ce qui avait échoué avant 2002 ! » (Même mouvement ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Entre 1998 et 2002, les violences aux personnes ont pourtant augmenté de 58 %.

2 890 policiers ont été blessés en opérations depuis le 1er janvier. C’est parce qu’ils font leur devoir, qu’ils vont dans des quartiers où la police n’allait plus, qu’ils démantèlent des réseaux qu’on laissait subsister, et que je leur demande de continuer à faire leur devoir (Mêmes mouvements). La seule chose qu’il faille demander à la représentation nationale, c’est un soutien sans faille à la police de la République française. (Mêmes mouvements)

biocarburants

M. Stéphane Demilly – Depuis quatre ans, je préside le groupe d’étude de cette assemblée sur les biocarburants. Les carburants verts sont plus que des carburants de substitution, ils représentent un vrai projet politique, intelligent et transversal. Je me réjouis de l’enthousiasme qu’ils suscitent aujourd’hui, qu’il s’agisse du biodiesel, du bioéthanol ou du fameux E85.

Nous avons entendu ce matin M. Alain Prost, à qui le ministre des finances et le ministre de l'agriculture ont confié la présidence d'un groupe de travail sur le développement du E85 et des véhicules « flexfuel ». Je tiens à saluer la qualité de son rapport qui souligne l’importance d’une politique incitative en faveur du E85 – dont le Président de la République et le Gouvernement ont maintes fois rappelé l’intérêt – et formule dix propositions à cet effet. Comment le Gouvernement entend-il les appliquer, notamment dans la loi de finances ? Peut-il confirmer son soutien sans faille au développement des biocarburants, après les récentes déclarations cacophoniques de l’entourage de la ministre de l’écologie sur les prétendus effets pervers de cette filière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie  Les biocarburants profitent à notre économie, à nos emplois, à notre sécurité de l’approvisionnement et même améliore le rapport de force face aux pays producteurs de pétrole. C’est pourquoi nous avons porté le taux de bioéthanols et de diesters incorporés dans nos carburants à 7 %, permettant du même coup la construction de nouvelles usines et la création de vingt mille emplois. Nous sommes attentifs à optimiser le rendement énergétique de ces produits : quoi qu’en disent certains intervenants parfois intéressés, et comme l’a confirmé l’ADEME, le rendement est 2,5 fois supérieur pour les bioéthanols et 3,5 fois pour les diesters.

MM. Noël Mamère et Yves Cochet – C’est faux !

M. le Ministre délégué – C’est donc avec raison que nous lançons le bioéthanol E85 ! Je vous confirme par ailleurs que la partie verte de ces carburants ne sera pas taxée.

M. Jérôme Lambert - Qui va payer ?

M. le Ministre délégué – En outre, l’ensemble des ministres concernés signeront, sous l’autorité du Premier ministre, une charte visant à garantir le développement de la filière, notamment la mise en place de cinq cents pompes vertes avant la fin de l’année prochaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

aggravation de la pauvreté

M. Jacques Desallangre - Plusieurs associations, dont ATD-Quart monde, Amnesty international et le Secours catholique, lancent un nouveau cri d’alarme face à l’aggravation de la misère dans notre pays, aggravation qui attente à la dignité humaine et à nos valeurs. Mais c’est aussi une gifle pour le Gouvernement, car c’est bien lui qui est responsable de la misère, en refusant de répartir équitablement les richesses produites par la cinquième économie du monde en sorte que chacun puisse vivre dans la dignité. C’est lui aussi qui, en détruisant systématiquement le code du travail, précarise l’emploi. Vous vantez vos résultats dans la lutte contre le chômage, mais vous oubliez la multiplication des contrats précaires – 637 500 salariés sont intérimaires avec des contrats de deux semaines en moyenne, et plus d’un million sont en CDD ! Comment, dès lors, subvenir aux besoins essentiels, d’autant plus que les loyers explosent et que le nombre de logements sociaux est notoirement insuffisant ? Environ trois millions de personnes sont mal logées, et un million d’enfants vivent dans la pauvreté. Et je ne dis rien des souffrances de ceux qui perçoivent le RMI, l’allocation spécifique, l’allocation de fin de droits, l’API ou encore l’AAH. Devrais-je plutôt vous parler des îles Vierges et des paradis fiscaux où 435 000 sociétés échappent à l’impôt, des 1 500 000 milliards de dollars que les fonds de placement à risque déposent dans les banques genevoises et des 700 000 milliards de transactions qu’ils génèrent en une seule année ? Non, je choisis de vous parler de la misère, celle qui tue jusqu’au rêve d’une vie meilleure. Que vous inspire, Monsieur le Premier ministre, le constat de cette insolente richesse que vous faites prospérer aux dépens d’une pauvreté grandissante ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité  Oui, la pauvreté existe bel et bien, et c’est notre devoir d’y répondre ! Cependant, évitons les amalgames. La loi de 1998, présentée à l’époque comme la grande loi contre l’exclusion, ne comportait pas une seule ligne relative à l’aide alimentaire. C’est nous qui avons fait passer le budget de celle-ci de quatre millions en 2002 à 18 millions aujourd’hui ! De même, vous déplorez le manque de logements sociaux ; pourtant, nous avons, grâce au plan de cohésion sociale, lancé la construction de 500 000 logements sociaux en cinq ans, alors qu’il ne s’en construisait que 39 000 en 2000. En matière de lutte contre la pauvreté, toute la différence est là, entre ceux qui en parlent de temps en temps la main sur le cœur et ceux qui, au contraire, agissent ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

dispositif « défense deuxième chance »

M. Yves Fromion – Plusieurs actes de violence condamnables perpétrés dans nos banlieues servent de prétexte à certains, comme nous venons de le voir, pour caricaturer l’action du Gouvernement et de la majorité. Les résultats obtenus depuis plusieurs années devraient pourtant les inciter à plus d’humilité ! Cependant, le parti socialiste a récemment, par la voix de l’une de ses plus éminentes responsables, proposé d’envoyer nos forces armées rétablir l’ordre dans les banlieues, rien de moins ! Nous sommes au contraire convaincus que l’institution militaire doit plutôt s’ouvrir aux jeunes les plus marginalisés pour leur redonner l’espoir de se réinsérer dans la société. C’était d’ailleurs l’objectif de votre projet « défense deuxième chance », Madame la ministre de la défense : le premier centre a été inauguré il y a un an, dix fonctionnent aujourd’hui et l’on en comptera vingt avant la fin de cette année.

Madame la ministre, pouvez-vous dresser un premier bilan de cette action (« Allô ! » sur les bancs du groupe socialiste), assurément bien plus efficace que celle qui consisterait à envoyer des militaires dans les banlieues ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense - Si la première mission de nos armées est de protéger nos ressortissants, notre territoire et d’aider à la stabilisation du monde, elles se sont toujours attachées à aider ceux de nos jeunes qui peuvent rencontrer les plus grandes difficultés. À ce titre, la défense est le premier recruteur de jeunes dans la nation, puisqu’elle engage chaque année quelque 35 000 jeunes, dont 7 000 sans aucun diplôme. C’est en m’appuyant sur la capacité de nos armées à mettre le pied à l’étrier de tous les jeunes, y compris les moins formés, que j’ai proposé au Premier ministre de lancer le programme « défense deuxième chance », à l’été 2005, soit bien avant les événements des banlieues de l’automne dernier. Financé dans le cadre du plan de cohésion sociale et bénéficiant du soutien de l’éducation nationale, le programme a été mis au point dans des délais records puisque le premier centre a ouvert en septembre 2005. Au 1er octobre dernier, dix fonctionnaient déjà et ils seront vingt à la fin de cette année. Nous entendons bien continuer à monter en puissance, avec l’aide des collectivités locales qui mettent à notre disposition les locaux dont nous avons besoin : à cet égard, je vous remercie, Monsieur le député, de votre proposition d’ouvrir un centre à Bourges au début de l’année prochaine.

Le bilan de l’action engagée dans les premiers centres est encourageant : sur l’ensemble des jeunes accueillis, 30 % étaient analphabètes. Or, à l’issue de la période de formation, sur ces 30 %, 90 % de ceux qui se sont présentés ont obtenu le certificat de formation générale ; 90 % des jeunes sortis du dispositif ont trouvé un emploi, en CDD ou en CDI, 40 % d’entre eux étant recrutés par des PME et 40 % par de grandes entreprises, les 20 % restants rejoignant l’armée. Quant aux autres, ils ont été réorientés vers des formations générales ou professionnelles.

Il est de notre premier devoir d’offrir des perspectives à ces jeunes, de leur donner la certitude que chacun peut s’en sortir quelles que soient ses difficultés de départ. De leur avenir dépend notre cohésion sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDF)

apprentissage de la lecture et de la grammaire

M. Pierre-André Périssol – Nous sommes tous très attachés à la bonne maîtrise de la lecture, qui est la clé de toute réussite scolaire et de toute insertion sociale et professionnelle. Et nous mesurons bien la difficulté de la tâche des enseignants, auxquels je tiens à rendre hommage. Notre société valorise d’autres supports que l’écrit, et, en tant que parents, nous sommes tous responsables des conséquences de cette évolution.

Monsieur le ministre de l’éducation nationale, en mars, dans un texte équilibré, vous avez rappelé que l’apprentissage de la lecture commençait par le déchiffrage et que le début du cours préparatoire devait y être consacré, en associant des syllabes aux sons. Mais il importe aussi de favoriser l’accès au sens. À cet effet, après le déchiffrage, la plus grande part des enseignants empruntent à différentes approches et méthodes, que vous avez appelé à concilier plutôt qu’à opposer. Ces différentes approches reflètent du reste la diversité des modes d’acquisition des élèves, certains s’appuyant plus sur la vue, d’autres sur l’ouïe, d’autres encore sur le geste…

Or il est possible, Monsieur le ministre, de mesurer l’efficacité de ces différentes approches, en évaluant leurs résultats respectifs, puisque les acquis individuels des jeunes lecteurs sont évalués à l’entrée en CE1. Pour nous, la liberté pédagogique des enseignants – dans le cadre des orientations qui leur sont données – est indissociable de l’évaluation. Pouvez-vous indiquer à la représentation nationale si vous êtes prêt à faire procéder à une évaluation objective et incontestable des différentes pédagogies de la lecture, à partir des résultats constatés des jeunes élèves ? Sans doute est-ce en outre la bonne voie pour apaiser les inquiétudes de nombre de parents. Enfin, je vous sais très attaché à ce que le vocabulaire employé dans l’enseignement de la grammaire soit compris des élèves comme de leurs parents. L’éminent linguiste Alain Bentolila est chargé d’une mission à ce sujet : pouvez-vous nous en préciser les termes ?

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche – Le socle commun de connaissances et de compétences : le Parlement l’a voulu, nous le mettons en œuvre ! En matière d’apprentissage de la lecture, l’immense majorité des enseignants applique la méthode préconisée et nous pourrons mener toutes les évaluations utiles pour le vérifier.

J’aborde maintenant la réforme des programmes, en vue de les adapter à chacun des sept piliers du socle. Dès demain, je mets en place des groupes de travail à cet effet, animés par des personnalités de très haute qualité.

S’agissant de la grammaire, essentielle pour donner aux jeunes des repères dans le temps et pour aider à la socialisation, je rappelle que le Haut conseil de l’éducation a unanimement recommandé que des cours systématiques soient dispensés, en plus de ceux consacrés à l’observation des textes. À ce sujet, j’ai confié à M. Bentolila une mission, dont il me rendra les conclusions à la fin du mois prochain.

Enfin, je souhaite que les parents comprennent ce que leurs enfants apprennent. Il y a, dans les programmes, des termes qui trouveraient mieux leur place dans l’enseignement supérieur ou dans la recherche qu’à l’école et au collège. Il faut donc s’attacher à simplifier le vocabulaire.

Oui, Mesdames et Messieurs les députés, des progrès sont en marche à l’éducation nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF)

FUSION GAZ DE France – SUEZ

M. Henri Emmanuelli – Monsieur le ministre d’État, nous sommes en octobre 2006. Vous êtes au Gouvernement depuis mai 2002. Est-ce que vous ne pensez pas, lorsqu’on vous pose une question sur la sécurité, que le mieux serait de répondre sur la situation actuelle plutôt que de vous défausser en permanence sur les autres, un coup sur la justice, un coup sur le parti socialiste qui n’est plus au pouvoir depuis bientôt cinq ans ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP) Au lieu d’incriminer les autres, ne devriez-vous pas réfléchir un peu ? Oui, le parti socialiste continue de penser que la police de proximité était un plus et que la présence policière permanente est préférable à des charges spectaculaires mais épisodiques, médiatisées à outrance et pour lesquelles vous êtes le premier à faire le spectacle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

J’en viens à ma question au Gouvernement. La fusion Suez–Gaz de France a été proclamée au nom du patriotisme économique. Mais comme tout ce qu’entreprend ce gouvernement, voilà que cette fusion vire au mauvais feuilleton. Il semble en effet qu’à cette heure, rien ne soit résolu. S’agissant du projet lui-même, un grand nom du capitalisme français semble avoir une vision fort différente de celle de M. Breton. Par ailleurs, alors que MM. Cirelli et Mestrallet déclarent dans la presse ce matin que tout est réglé du côté de la Commission européenne, celle-ci indique qu’elle ne rendra ses conclusions que le 24 novembre, estimant même ce délai insuffisant. Monsieur le ministre de l’économie, confirmez-vous, comme les présidents de Gaz de France et Suez, que « tout est réglé » ? Mais rien ne semble l’être pour ce qui est de la parité d’échange des actions, les ménages français allant vraisemblablement faire les frais de la tentative artificielle de faire remonter le cours de l’action GDF. Rien n’est réglé non plus s’agissant de la gouvernance, ce qui n’empêche pas M. Mestrallet de travailler à un plan savant de distribution de stock-options. Alors que le Parlement a été instrumentalisé depuis septembre en cette affaire, ne vaudrait-il pas mieux, vu la situation, réviser votre projet le plus vite possible ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l’industrie Je ne reviens pas sur la première partie de votre intervention. Vous êtes visiblement si peu fiers de votre bilan que vous refusez d’en parler, je peux le comprendre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; vives protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Venons-en à la fusion GDF–Suez dont nous avons longuement débattu avec certains de vos collègues ici présents, notamment M. Brottes et M. Bataille, alors que vous-même, Monsieur Emmanuelli, n’êtes pas venu souvent dans ce débat (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Je vous rappellerai donc ce que j’ai déjà dit à plusieurs reprises sur le sujet. Le projet de loi en cours d’examen au Parlement vise d’une part à transposer la directive Énergie, d’autre part à donner à Gaz de France les moyens d’aller de l’avant. J’ai toujours dit également qu’il y aurait trois temps en cette affaire. Tout d’abord, celui de la concertation sociale, et nous avons en effet trois mois durant mené une concertation que d’aucuns n’hésitent pas à qualifier d’exemplaire (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Ensuite, le temps du travail parlementaire – le texte, voté à l'Assemblée nationale, avec un très large soutien de la majorité parce qu’il est essentiel pour l’avenir de la France et des Français, est en cours d’examen au Sénat. Viendra ensuite le temps de la décision des actionnaires, qui interviendra dans quelques semaines au plus tard.

Pour ce qui est de la Commission européenne, elle met au point ses conclusions, notamment sur la concentration du marché. Les deux entreprises lui ont transmis leurs réponses. Ne reste plus qu’à obtenir l’aval de l’ensemble des commissaires. Nous pouvons, je le crois, être raisonnablement optimistes dans la mesure où les achats autorisés au nouveau groupe ne diminuent que de 3 %, passant de 1 009 à 974 térawatts/heure. L’intérêt industriel a donc été préservé (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

S’agissant de l’agitation de la semaine dernière, j’ai une bonne nouvelle pour vous, Monsieur Emmanuelli : le président de Suez m’a indiqué avoir écrit à l’AMF pour s’assurer qu’il n’y avait pas de problème sur le cours de l’action de son groupe et qu’aucune information fausse ne viendrait dénaturer l’opération envisagée. Le projet auquel vous avez fait allusion, élaboré en juin, est tombé en septembre. Pourquoi a-t-il été exhumé et dans l’intérêt de qui ? Voilà ce que l’AMF va examiner ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

versement anticipé des aides de la pac

M. Jean-Marie Sermier – Monsieur le ministre de l’agriculture, l’agriculture française a connu une année 2006 extrêmement difficile. Tout d’abord, la concurrence mondiale tire les prix agricoles à la baisse et, partant, le revenu des agriculteurs – le cours du lait par exemple est aujourd’hui très bas. Les mauvaises conditions climatiques de ces derniers mois, avec une alternance de grosses chaleurs et de forts épisodes pluvieux, ont pénalisé les rendements, comme vous avez pu vous-même le constater lors de votre visite dans le Jura. Enfin, les crises sanitaires de la fièvre catarrhale et de la grippe aviaire ont durement touché les exploitations. Cette conjonction de phénomènes y a créé des difficultés de trésorerie, en particulier dans celles tournées vers l’élevage. Ce cumul de difficultés rend encore plus nécessaire le versement anticipé des aides PAC pour soulager les trésoreries des exploitations, mais aussi pour remonter le moral des exploitants. La France a-t-elle tout mis en œuvre auprès de la Commission européenne, en collaboration avec l’ensemble des acteurs de la filière, pour obtenir qu’une avance soit versée dès la mi-octobre ? Quel est le résultat des négociations engagées ? Selon quelles modalités et quel calendrier un versement anticipé peut-il être envisagé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche  L’année qui vient de s’écouler a en effet été difficile pour nos agriculteurs du fait notamment de deux épizooties, de mauvaises conditions climatiques avec une sécheresse dans certains départements, de fortes pluies dans d’autres. Parallèlement se mettait en place la nouvelle PAC avec des aides découplées, les fameux droits à paiement unique. Parce que les exploitations avaient besoin de trésorerie, parce que les agriculteurs, aidés de leurs organisations professionnelles et des chambres d’agriculture, avaient remarquablement préparé leurs dossiers de DPU, nous avons souhaité faire un geste. Grâce à l’excellent travail des fonctionnaires du ministère de l’agriculture, auxquels je tiens à rendre hommage, nous avons pu verser dès hier matin à tous les agriculteurs un acompte représentant 50 % des DPU et 60 % de la prime à la vache allaitante. Cette avance de trésorerie à 460 000 exploitants représente trois milliards d’euros. Le solde sera versé le 1er décembre. Nous pouvons être fiers de cette efficacité car, dans certains pays de l’Union, la première année de mise en place des DPU, ceux-ci, a fortiori donc des avances, n’avaient pu être versés aux agriculteurs. C’est donc une victoire de la ferme France, et en tout premier lieu de nos agriculteurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Plan pour le logement social outre-mer

Mme Juliana Rimane - Le logement social connaît une situation difficile outre-mer, avec une dette qui s’élèvera à 113 milliards d’euros à la fin de 2006, soit la moitié des crédits logement du ministère de l’outre-mer. Les besoins en logements sociaux sont estimés à 27 000 pour l’ensemble des départements. En Guyane, la pression de la demande, qu’il s‘agisse de logements neufs ou réhabilités, est particulièrement forte du fait d’une démographie galopante et des retards accumulés par rapport à la métropole, mais aussi par rapport aux Antilles. Les habitations de fortune y représentent encore 5 % des résidences principales et 10 % des logements ne disposent pas du confort minimal, comme l’eau et l’électricité. Les causes de la situation sont bien connues depuis dix ans : manque de crédits budgétaires, rareté et cherté du foncier viabilisé, coût de la construction plus élevé qu’en métropole, et surtout démographie très active.

Lors de son voyage aux Antilles, le Premier ministre a annoncé un plan pour le logement social outre-mer. Pouvez-vous en détailler le contenu et en préciser l’application dans les DOM, notamment en Guyane ? (Applaudissements sur certains bancs du groupe UMP)

M. François Baroin, ministre de l’outre-mer – Je ne reviens pas sur le constat, connu depuis dix ans. L’annonce du Premier ministre devrait marquer un tournant décisif dans la politique du logement social outre-mer.

M. Henri Emmanuelli - Vous ne payez même pas les dettes !

M. le Ministre - Contrairement à ce qu’a annoncé une candidate socialiste en tourisme électoral la semaine dernière à la Réunion (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), il ne s’agit pas d’effets de manche ou d’annonces budgétaires redondantes, mais du règlement définitif aux bailleurs sociaux, à la fin du premier trimestre 2007, des retards de paiement qui s’élèvent à 113 millions. En second lieu, le plan Borloo sera intégralement appliqué outre-mer, et naturellement en Guyane ; 120 millions inscrits au budget de l’outre-mer viendront s’ajouter aux 850 votés lors des exercices précédents, à savoir 60 millions pour 2007, puis 30 millions pour 2008 et 30 millions pour 2009. Enfin, la commission d’évaluation, composée des parlementaires d’outre-mer et de membres des commissions des finances des deux assemblées, réfléchit à l’application de la défiscalisation au logement social, ce qui donnerait une visibilité dans le moyen terme et permettrait d’avancer vers la solution d’un problème grave, compte tenu du taux de population active, du nombre d’allocataires des minima sociaux et de la démographie dynamique de l’outre-mer – en Guyane plus de la moitié de la population a moins de 25 ans. Le plan annoncé par Dominique de Villepin est un tournant décisif dans le cadre d’une politique menée avec persévérance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF)

journée du refus de La misère

M. Patrick Roy – Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Là ou des hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les droits de l’homme sont violés. S’unir pour les faire respecter est un devoir sacré. Tel est le message de tous ceux qui crient leur révolte, chaque 17 octobre, journée mondiale du refus de la misère.

Le message de votre gouvernement, au contraire, c’est que la France va mieux, qu’elle va même très bien : le chômage baisse, les emplois se créent par milliers, le pouvoir d’achat explose (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), les logements neufs sortent de terre par rangées entières et jamais on n’a autant fait pour l’école ou la santé ! (« Caricature ! » sur les bancs du groupe UMP)

La réalité, triste, angoissante, est bien différente. En donnant depuis cinq ans toujours plus à ceux qui ont plus et toujours moins à ceux qui n’ont plus rien (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe UMP), vous avez fait de la France un pays où la misère est intolérable. Le nombre de travailleurs et de retraités pauvres ne cesse d’augmenter. Petites boulots, petits salaires, petits stages, petites retraites…

M. Dominique Dord - Et grande démagogie !

M. Patrick Roy - Et comment ne pas se révolter quand un million d’enfants vivent en dessous du seuil de pauvreté, avec les conséquences que cela entraîne sur leur santé et leur scolarité ? Enfin, les logements mis en chantier, à propos desquels vous fanfaronnez, ne sont pas des logements sociaux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) Des millions de familles vivent dans des logements insalubres (« La question ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP).

Alors, dites-nous donc comment on fait pour vivre avec quelques centaines d’euros par mois ? Et allez-vous prendre rapidement les mesures nécessaires pour rendre leur dignité aux victimes de vos choix politiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelque bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité  Dans votre constat, vous ne parlez absolument pas du travail des associations, qui sont pourtant au premier plan, chaque jour, pour apporter leur aide. Et l’accompagnement financier qui leur est apporté est la preuve de l’engagement du Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Par ailleurs, qu’avez-vous fait dans le domaine de l’urgence, combien de places avez-vous créées ? (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Aujourd’hui, il y en a plus de 20 000 et le budget de l’urgence est supérieur au milliard. C’est dire si ce gouvernement s’implique !

Les causes, vous savez les exposer, mais sur les réponses que vous avez apportées, vous restez muets !

M. Michel Lefait - Vous avez eu cinq ans !

Mme la Ministre déléguée - Vous parliez de logements sociaux. Mais qui a financé les 230 conventions de rénovation urbaine, qui concernent 12 500 000 personnes ? Notre gouvernement. Les équipes de réussite éducative accompagnent aujourd’hui 80 000 enfants. Cela aussi, c’est grâce à l’action du Gouvernement, qui œuvre concrètement pour la dignité des familles et se mobilise pour les accompagner au quotidien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz - Pas la peine d’en faire tant, Dutreil n’est pas là !

Fraude aux Assedic

M. Dominique Tian - Ma question s’adresse à M. Larcher. Depuis l’an dernier, la justice est saisie de dossiers de fraudes massives aux ASSEDIC, qui, à travers quelques centaines de sociétés écrans créées par quelques personnes, concernent plusieurs milliers de faux chômeurs.

M. Maxime Gremetz - Attention à ce que vous allez dire !

M. Dominique Tian - Actuellement, 19 affaires sont en cours, où 6 400 faux chômeurs sont impliqués pour un préjudice de 80 millions. L’UNEDIC a bien l’intention de lutter contre ces fraudes.

Par son caractère organisé à grande échelle, mafieux, avec des ramifications à l’étranger, ce phénomène ne pouvait laisser indifférents les parlementaires. La commission des affaires sociales a donc créé en juin dernier une mission d‘information qui a déjà beaucoup travaillé et rendra son rapport en décembre.

La presse de ce matin fait état d’informations qui n’émanent pas de notre mission et soulignent l‘ampleur de l’escroquerie. Je sais que celle-ci vous préoccupe et que vous avez déjà doté les ASSEDIC de moyens juridiques supplémentaires. Pouvez-vous faire le point sur ce dossier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes En effet, comme vous, le Gouvernement est préoccupé par ces comportements, qu’il s’agisse de fraudes à l’assurance chômage ou de travail illégal. Sachez qu’en deux ans, le nombre de contrôles est passé à 60 000 et que le nombre de recouvrements a augmenté de 42 %. Mais il ne faudrait pas voir en chacun des allocataires de l’assurance chômage et des bénéficiaires de la solidarité nationale un fraudeur en puissance !

Mme Christine Boutin - Bravo !

M. le Ministre délégué – Soyons clairs : nous sommes déterminés à aider l’UNEDIC dans sa lutte contre la fraude, qui remet en cause les principes de la solidarité ainsi que notre modèle social !

Plusieurs députés UMP – Très bien !

M. le Ministre délégué - C’est pourquoi nous avons déjà pris un certain nombre de dispositions, telles que le croisement des fichiers entre les entreprises de travail temporaire et la CNAM, ou encore la centralisation des dossiers, qui permet de relier entre elles l’ensemble des agences de l’emploi et ainsi de repérer les doubles inscriptions ; les employeurs devront enfin fournir, lors des inscriptions à l’assurance chômage, des données nominatives sur les périodes d’activité. Ces déclarations nominatives ont été autorisées par décret et la loi de financement de la sécurité sociale a déjà autorisé certains croisements, mais il faut que nous allions plus loin encore – je pense notamment aux croisements entre l’UNEDIC et les URSSAF.

Nous serons, Monsieur Tian, particulièrement attentifs aux travaux du Parlement, ainsi qu’aux propositions et recommandations qui nous seront faites. Le modèle social auquel nous croyons, celui de la solidarité professionnelle et de la solidarité nationale, doit être défendu grâce à la transparence et à la clarté (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

loi de finances pour 2007

M. Hervé Mariton – L’amélioration des finances de l’État est le résultat de plusieurs années d’efforts de notre majorité. 2007 est une année électorale, mais cela ne nous dispense pas de persévérer. Souvenons-nous de 2002 : la majorité socialiste avait gravement et volontairement sous-estimé les dépenses : le déficit était de 30 milliards en présentation, contre 50 en exécution ! De cela, nous ne voulons plus ! Ne gâchons pas tous les efforts entrepris depuis quatre ans…

L’effort de rétablissement des finances publiques doit être maintenu, y compris en 2007, et l’assainissement durable des finances publiques est lié à la capacité de mouvement et de réforme de notre pays. Que proposez-vous donc, Monsieur le ministre du budget, pour que le mouvement engagé soit poursuivi dans la durée, qu’il s’agisse de la maîtrise de la dépense publique, de l’impôt d’État et des prélèvements obligatoires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Augustin Bonrepaux - Rien !

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État Dans quelques minutes, nous allons entamer le débat sur le budget, qui s’étendra jusqu’à la fin de l’automne. Avec Thierry Breton, je vous montrerai que l’on peut en cette fin de mandature, non seulement baisser la dépense publique, les déficits et la dette, mais aussi financer toutes nos priorités – et ce n’est pas mal !

Si nous y sommes parvenus, c’est notamment grâce aux audits, qui ont montré de façon concrète comment nous pouvions moderniser l’État. Mon souhait le plus ardent est que cette démarche se poursuive : après quatre vagues successives, au cours desquelles nous avons examiné 100 milliards d’euros de dépenses, je viens d’annoncer une cinquième vague, qui portera sur 20 autres milliards. Nous pouvons en permanence moderniser et réformer l’État !

Je voudrais enfin remercier les parlementaires de la majorité qui nous ont apporté leur soutien et leur encouragement, en particulier la commission des finances. Hélas, il n’y aura pas de surprise : c’est à un bon vieux débat entre la droite et la gauche que nous allons assister, comme s’il fallait marquer le coup à quelques mois de l’élection présidentielle !

Sur ce point, je me mets à la place d’un député UDF : nous baissons la dépense, les impôts, le déficit et la dette, soit tout ce qu’il souhaite pour notre pays. Il va sans doute se demander pourquoi son parti vote contre… Nous avons deux mois pour le faire changer d’avis. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de M. Dosière.
PRÉSIDENCE de M. René DOSIÈRE
vice-président

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projet de loi de finances pour 2007

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2007.

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l’industrie Je suis heureux de vous retrouver à l’occasion de la présentation d’un PLF à la fois ambitieux, vertueux et juste.

M. Jean-Pierre Brard - Cela commence mal !

M. le Ministre – Je suis également heureux de vous rendre compte des engagements que j’avais pris lors de la présentation du PLF de 2006.

Comme tout budget, le PLF pour 2007 constitue à la fois une prévision et un engagement sur le déficit. Il repose sur mes estimations les plus sincères, telles qu’elles sont possibles à ce moment de l’année. Je souhaite qu’à ce propos, nos débats soient plus sereins que ceux de l’an passé. Je note d’ailleurs que tous les instituts français et internationaux ont fait leur ma prévision de 2 % à 2,5 % de croissance pour 2006.

M. Jean-Pierre Brard - Vous n’êtes pas crédible !

M. le Ministre – Je ne rappellerai pas les propos définitifs prononcés l’an dernier par certains orateurs,…

M. Augustin Bonrepaux - Mais si, faites-le !

M. le Ministre – …mais j’espère qu’ils se feront un devoir de considérer que leurs critiques étaient excessives et infondées. M. Migaud nous donnera certainement acte que qualifier nos prévisions d’« utopiques » était sans doute injustifié : c’est en effet l’honneur des hommes politiques de reconnaître qu’ils ont eu tort. Et peut-être même nous chantera-t-il pour la deuxième année consécutive « Tout va très bien, Madame la marquise », mais cette fois avec la contrition du repenti !

Je souhaite également que ce débat ne donne pas une fois de plus l’image d’une France qui se délecte dans l’autocritique…

M. Augustin Bonrepaux - Ni dans l’autosatisfaction !

M. le Ministre - …alors même que ses progrès sont salués partout dans le monde. Ce matin encore, l’ONU a indiqué que notre pays était passé de la septième à la quatrième position mondiale pour ce qui est de l’accueil des investissements étrangers et que nous occupons désormais la première place dans la zone euro. Je rappelle également qu’en dix-huit mois, nous avons reconquis sur la scène internationale une véritable crédibilité budgétaire. Ce n’est pas nous, mais les observateurs indépendants qui le disent, à commencer par les institutions européennes. Eurostat a ainsi validé notre déficit public pour 2005 à 2,89 %, ce qui témoigne que nous respectons la règle des 3 %. Le commissaire Joaquin Almunia a indiqué qu’il envisageait de clôturer la procédure de déficit excessif en raison du caractère durable du redressement de nos comptes après le choc budgétaire provoqué par les 35 heures (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Brard - C’est une obsession pathologique !

M. le Ministre – Le FMI salue quant à lui l’ajustement structurel de nos comptes et le renforcement de notre crédibilité budgétaire.

M. Augustin Bonrepaux - Tout va bien !

M. le Ministre – Cent cinquante économistes interrogés par Reuters qualifient la France de meilleure élève des douze pays de l’Eurogroup. Enfin, les agences de notation, notamment Standard and Poor’s, saluent le véritable tournant opéré en 2006 quant à notre dette publique et reconnaissent que nus nous sommes dotés d’outils permettant la consolidation des finances publiques dans le moyen terme. Je souhaite un débat vif, mais je sais que nous sommes tous soucieux de l’intérêt général.

M. Jean-Pierre Brard - Vous le combattez !

M. le Ministre – Dans un monde où la compétition fait rage, nous ne devons pas ternir l’image internationale de notre pays. Je souhaite que notre débat soit à la hauteur des attentes de nos concitoyens. Dans un monde où tout s’accélère et dans le cadre du quinquennat, chaque année doit être utile à 100 %. Les échéances électorales ne sauraient démobiliser qui que ce soit face aux enjeux décisifs pour l’avenir de la nation – je pense en particulier à la maîtrise des comptes publics et à la réduction de la dette. Nous avons voulu que ce budget ne sacrifie pas l’exigence de vertu à la facilité électoraliste. Signature budgétaire de notre quinquennat, ce PLF sera encore plus important que les précédents : il nous engagera pour 2007 et pour les années à venir si nos concitoyens nous font à nouveau confiance, ce dont je ne doute pas.

Il sera un véritable point d’ancrage en matière de sérieux budgétaire, et il ne sera pas facile de présenter à nos concitoyens un collectif qui dénaturerait ces acquis et dégraderait à nouveau notre situation financière.

M. Jean-Pierre Brard - Vous êtes donc dans cette perspective !

M. le Ministre – Le projet de loi de finances 2007 engrange plusieurs acquis fondamentaux. En premier lieu – et c’est historique : ce projet de loi de finances prévoit une diminution des dépenses.

M. Augustin Bonrepaux – Le rapporteur général ne dit pas cela !

M. le Ministre – Ensuite, il permet de réduire, une fois de plus, le déficit budgétaire. Si celui-ci est encore trop lourd, il est cependant inférieur aux dépenses d’investissement de l’État au sens large. Nous respecterons donc la fameuse règle d’or, qui veut que l’État ne s’endette que pour investir dans l’avenir.

L’objectif de déficit public est à moins de 2,7 % du PIB pour 2006, et à moins de 2,5 % en 2007, soit le niveau stabilisant l’endettement. C’est une étape capitale après le franchissement de la barre des 3 %.

En outre, ce projet de loi de finances poursuit la baisse de l’endettement public en 2007, ainsi que l’assainissement indispensable des finances publiques ; il n’en est pas moins juste et orienté vers le pouvoir d’achat des Français. Sans la réforme fiscale, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2007, et sans la revalorisation de la prime pour l’emploi, le pouvoir d’achat n’aurait pas accéléré en 2007. Grâce à ces deux mesures, il passera de plus 2,3 % en 2006 à plus 2,8 % en 2008, ce qui est la plus forte progression depuis cinq ans.

Enfin, ce projet est construit sur la base d’hypothèses prudentes : une croissance entre 2 et 2,5 %, un prix du pétrole à 70 dollars le baril, alors qu’il est aujourd’hui en dessous de 60 dollars, et une progression des recettes fiscales en ligne avec le PIB, alors qu’elles progressent ces dernières années nettement plus vite que la richesse nationale.

L’instant est d’autant plus solennel qu’il s’agit du dernier projet de loi de finances de la législature.

M. Jean-Pierre Brard - C’est votre testament !

M. le Ministre – Je tiens donc à livrer deux messages forts, qui constituent la marque de fabrique de ce quinquennat budgétaire et dont la majorité et le Gouvernement peuvent être fiers. Tout d’abord, nous avons su restaurer la crédibilité de nos finances publiques, et plus généralement de notre politique économique, en respectant nos engagements et en ayant des résultats conformes à nos objectifs, selon un principe simple : nous faisons ce que nous disons et nous disons ce que nous faisons.

Nous avons tenu nos engagements. La croissance forte que nous avions annoncée est au rendez-vous au premier semestre 2006 et a dépassé les 3 %. La baisse du chômage, ensuite, est depuis le premier jour le leitmotiv du Gouvernement : or la croissance va permettre de créer 280 000 emplois cette année, et autant l’année prochaine ; le franchissement de la barre des 8 % est en vue pour 2007. Enfin, nous avons tenu nos engagements de diminution des dépenses, du déficit et de la dette.

Le deuxième message qu’illustre ce projet est celui de la responsabilité. Responsabilité économique, d’abord : nous avons engagé la décrue de l’endettement tout en réalisant l’adaptation fiscale de la France, si longtemps repoussée par la législature précédente. Responsabilité budgétaire, ensuite, comme les résultats que je viens d’évoquer en témoignent. Responsabilité politique, enfin : la législature précédente n’avait pas su présenter pour 2002 un déficit en diminution, alors même que son budget était construit sur une hypothèse de 2,5 % et que la croissance n’a finalement été que de 1 % en 2003. Notre projet n’hésite pas, quant à lui, à réduire les postes de fonctionnaires, lorsque les audits montrent que c’est possible sans pénaliser le service ; car on peut faire mieux avec un peu moins.

Ce projet de loi de finances conforte la dynamique de croissance à l’œuvre depuis plus d’un an. La croissance de notre économie a atteint un rythme exceptionnel de 1,2 % au deuxième trimestre, ce qui nous place en tête des pays de la zone euro. Surtout, c’est une croissance équilibrée, dont les trois moteurs – consommation, investissement, exportations – sont allumés.

Les perspectives de croissance pour les troisième et quatrième trimestres sont bonnes. Le climat des affaires dans l’industrie est stable, à un niveau élevé. Les études sur les autres secteurs, comme le commerce et le bâtiment, sont également positives. La consommation s’annonce excellente, avec sa plus forte progression, au troisième trimestre, depuis sept ans. Les perspectives d’investissement sont favorables : les industriels annoncent plus 4 % en 2006, plus forte hausse depuis 2000. La conjoncture européenne est au plus haut depuis six ans et devrait continuer à soutenir nos exportations.

Tout porte donc à croire que notre économie continuera de progresser aux troisième et quatrième trimestres. L’INSEE table sur plus 0,6 % et plus 0,5 %, respectivement. La croissance sur l’année 2006 devrait donc s’inscrire dans la fourchette de 2 à 2,5 % sous-jacente à notre projet, sans doute même dans le haut de la fourchette. C’est mieux que ce que certains annonçaient…

M. Augustin Bonrepaux - C’est mieux en tout cas que ce qu’avait fait Sarkozy !

M. le Ministre – Mais le projet de loi de finances 2007 est construit pour permettre à la France de faire encore mieux. Car nous voulons entretenir le cercle vertueux confiance–croissance–emploi qui s’est enclenché. Le retour de la confiance est le facteur majeur de l’accélération de la croissance. Plus de confiance, c’est plus de consommation et plus d’investissement. C’est donc plus de création d’emplois et le recul du chômage, comme on le constate depuis plus d’un an. Autour de 9 % aujourd’hui, le chômage a diminué d’un point en un an, ce qui représente 280 000 chômeurs en moins. Notre scénario table sur 250 000 créations d’emplois en 2007, dont 80 % dans le secteur privé. L’emploi qui redémarre relance la confiance. Le cercle vertueux est en marche.

Ce projet de loi de finances a été bâti en insistant sur le pouvoir d’achat. La progression des salaires s’est accélérée au cours des derniers trimestres, comme jamais depuis treize ans.

M. Jean-Pierre Brard - Il faut traverser le périphérique, de temps en temps !

M. Augustin Bonrepaux - Et les retraites !

M. le Ministre – Il faut continuer, et c’est pourquoi la réforme fiscale confortera le pouvoir d’achat…

M. Augustin Bonrepaux - Pour qui ?

M. le Ministre - …des plus démunis et des classes moyennes, qui augmentera de 0,5 % dès le début de l’année. La grande réforme de l’impôt sur le revenu votée l’an dernier bénéficiera à nos concitoyens dès leurs premiers tiers ou premières mensualités : leurs versements diminueront de 8 %, dans la limite de 300 euros.

La revalorisation de la prime pour l’emploi pour les titulaires du SMIC représentera désormais quasiment un treizième mois. Je sais, monsieur le président de la commission des finances, que cette mesure vous est chère.

Enfin, nous encouragerons en 2007 l’investissement, pour renforcer notre croissance à moyen terme, grâce à la réforme de la taxe professionnelle, au programme « Gazelles » pour soutenir les PME à forte croissance…

M. Jean-Pierre Brard - C’est une gazelle unijambiste !

M. le Ministre - …mais aussi grâce au bouclier fiscal et à la baisse du taux marginal d’imposition du revenu. Je suis convaincu que la croissance restera solide en 2007, et c’est pourquoi j’ai retenu la même hypothèse de croissance que pour 2006 : de 2 à 2,5 %.

Je détaillerai à présent les principaux objectifs de déficit et de dette. Avec cette hypothèse de croissance raisonnable, la réduction du déficit repose sur une stricte maîtrise de la dépense. Notre objectif était de ramener le déficit à 2,8 % du PIB en 2006 grâce à la stabilisation en volume de la dépense de l’État pour la quatrième année consécutive et au ralentissement sensible des dépenses de santé, qui ne devaient plus progresser sous ONDAM que de 2,7 %, contre 4 % en 2005. Or, les versements de l’acompte de septembre de l’impôt sur les sociétés sont plus élevés que prévu, avec deux milliards de recettes supplémentaires qui porteront le total de la plus-value fiscale à quelque cinq milliards. Celle-ci sera immédiatement affectée à la réduction du déficit et de l’endettement de la France, conformément au vote de votre assemblée l’an dernier. Ainsi, nous pourrons ramener dès cette année le déficit total des administrations publiques – sur lequel nous nous sommes engagés envers Bruxelles – de 2,9 % à 2,7 %, et non plus seulement 2,8 %. Quant au déficit de l’État, il devrait atteindre 42,7 milliards, soit quatre milliards de moins que celui que vous avez voté l’an dernier !

En 2007, je souhaite ramener le déficit public à 2,5 % du PIB : ce taux permettra de stabiliser le ratio de l’endettement public – dès lors, toute nouvelle réduction fera mécaniquement baisser l’endettement. Pour cela, le « pouvoir de dépense » de l’État diminuera de 1 % – autrement dit, la progression de la dépense sera inférieure d’un point à celle de l’inflation ; à ce titre, je sais l’attachement de M. le Rapporteur général à la stricte maîtrise de nos dépenses. Cet effort historique permettra de financer presque intégralement la réforme de l’impôt sur le revenu. Le déficit de l’État devrait alors passer sous la barre des 42 milliards, et les dépenses de santé continueront de ralentir, ne progressant plus que de 2,5 % en valeur, soit 1,5 point de moins que l’activité économique.

M. Jean-Pierre Brard - On sait comment vous vous y prenez pour y arriver !

M. le Ministre – La diminution de l’endettement ainsi obtenue est historique. En 2006, je m’étais engagé à réduire l’endettement de la France de 2 %, de 66,6 % à 64,6 % du PIB, grâce à l’optimisation de la gestion de la trésorerie de l’État, à la cession d’actifs non stratégiques,…

M. Jean-Pierre Brard - En clair, vous avez bazardé les autoroutes !

M. le Ministre - …à la mobilisation de tous les organismes de trésorerie pour optimiser gestion et placements, et à l’affectation de tout surplus au désendettement. Les premières informations dont je dispose sur le rachat de la dette sont bonnes : l’INSEE vient d’annoncer que plus de la moitié du chemin avait déjà été parcourue sur les six premiers mois de l’année, avec une baisse sans précédent de 1,1 % de l’endettement public. Depuis le début de l’année et pour la première fois, 13,9 milliards d’euros de dette ont été rachetés, le programme de financement de l’État à moyen–long terme a été revu à la baisse de dix milliards et j’ai décidé de procéder à une réduction supplémentaire de quatre milliards de ce programme de financement. En outre, l’encours de dette à court terme de l’État a diminué d’environ 14 milliards, par une meilleure gestion de la trésorerie.

Pour 2007, je souhaite fixer un objectif de baisse supplémentaire de 1 % de notre endettement public. En deux ans, il aura donc diminué de trois points de PIB : c’est sans précédent dans l’histoire de nos finances publiques.

M. Jean-Pierre Brard – Et combien de fois par semaine les familles modestes mangeront-elles de la viande ?

M. le Ministre – Outre l’effet du déficit stabilisant et l’affectation de tous les surplus fiscaux au désendettement, nous aurons à privilégier trois axes de travail. Tout d’abord, les dispositions déjà prises ou en cours de finalisation représentent un potentiel de baisse du ratio d’endettement de plus de 2 % du PIB. Compte tenu de l’avancement des chantiers en cours, nous pourrons dépasser notre objectif dès cette année, ou l’année prochaine au plus tard : il y va de l’avenir de nos enfants.

M. Jean-Pierre Brard - Nous le préparerons très bien sans vous !

M. le Ministre – D’autre part, nous tablons forfaitairement sur cinq à dix milliards de recettes de cessions d’actifs financiers non stratégiques en 2007, qui s’ajouteront aux vingt milliards de cessions de titres affectés au désendettement en 2005 et 2006. Enfin, nous allons poursuivre le dialogue avec l’ensemble des acteurs publics dans le cadre de la Conférence nationale des finances publiques, pour améliorer la gestion globale de la dette.

J’ai toute confiance en la qualité du débat qui s’ouvre aujourd’hui, et je resterai plus que jamais à l’écoute de vos propositions, afin que nous aboutissions à un budget réaliste, juste et vertueux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Brard - Le rayon épicerie fine chez Fauchon : voilà où vous ferez votre reconversion !

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État Le budget que M. Breton et moi-même vous présentons est le dernier de la législature. Nous devions le bâtir en respectant deux exigences : une exigence technique d’abord, tant il faut être irréprochable dans l’application, pour la deuxième année, de notre nouvelle « constitution budgétaire », la LOLF, tout en en affinant le fonctionnement ; une exigence politique ensuite, puisqu’à l’approche des élections présidentielles, il nous faut démontrer que nous pouvons financer l’ensemble de nos objectifs tout en assainissant les finances publiques.

M. Jean-Pierre Brard - C’est déjà l’heure du bilan, et bientôt celle de la sentence !

M. le Ministre délégué – Ce budget s’organise autour de quatre objectifs : la baisse de la dépense, des impôts, du déficit et de la dette. Un rendez-vous aussi exceptionnel est la conséquence de quatre années de travail intense pour redresser nos finances publiques et rattraper le temps perdu, Monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard - Vous aurez une médaille !

M. le Ministre délégué – De votre part, je n’en demande pas tant… Le débat électoral qui s’annonce fera une large place aux questions de méthodes de gouvernement. Ce budget illustre la nôtre : comment aurions-nous atteint de tels résultats si nous avions reconduit les vieilles habitudes du passé, ces discussions stériles où 99 % des dépenses sont déjà décidées ? Pour renouveler ces méthodes, la LOLF nous offre une voie royale.

M. Michel Bouvard – De grâce, ne parlons pas de voie Royal… (Sourires)

M. le Ministre délégué – Vous avez raison : disons plutôt une voie républicaine. J’en profite pour saluer votre contribution au sein de la MILOLF, Monsieur Bouvard, visant à simplifier la cartographie des missions et programmes de la loi organique. Nous avons ainsi affiné les indicateurs de performance, essentiels à la mesure de l’efficacité de nos politiques publiques, ainsi que les objectifs. Les différents ministres vont désormais pouvoir s’approprier la nouvelle constitution budgétaire et devenir en quelque sorte leur propre ministre du budget : c’est un véritable rendez-vous d’avenir. À terme, chaque ministre pourra valoriser son action en montrant non plus qu’il a augmenté ses dépenses, mais qu’il a atteint ses objectifs.

Quatre exigences ont présidé à l’élaboration de ce budget. Tout d’abord, nous avons très tôt réuni l’ensemble des ministres autour de la table afin de définir nos priorités. Il n’y a eu aucun passe-droit : tous les ministres ont participé à cette réflexion sur la modernisation de nos finances publiques.

M. Jean-Pierre Brard - Même Sarkozy ? Et MAM ?

M. le Ministre délégué – Tous, sans exception. Nous avons également travaillé avec les collectivités locales et la sécurité sociale dans le cadre du Conseil d’orientation des finances publiques, formidable outil de discussion entre trois acteurs qui ont bien des choses à se dire en matière budgétaire. Je remercie à ce titre M. Carrez qui a bien voulu coordonner l’élaboration du rapport de la prochaine conférence des finances publiques.

L’État tient ses engagements envers la sécurité sociale, à qui il transfère des droits sur les tabacs à hauteur de 500 millions d’euros, et envers les collectivités locales – outre la reconduction du contrat de croissance et de solidarité, soit environ un milliard, la progression du FCTVA pour 700 millions, les 400 millions supplémentaires affectés au financement du RMI et l’évolution du coût des dégrèvements des impôts locaux et des compensations d’exonérations de fiscalité locale pour 700 millions également, portent le total des dépenses supplémentaires de l’État en faveur des collectivités à 2,8 milliards, soit 4,3 % de plus que l’an dernier ! Ce n’est pas peu, sachant que l’État a, dans le même temps, diminué sa dépense d’un point en volume !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances - C’est même beaucoup !

M. le Ministre délégué – Deuxième exigence : nous gardons les yeux rivés sur les expériences de modernisation de l’État effectuées à l’étranger. C’est tous le sens des audits permanents auxquels je m’étais engagé l’an dernier, qui nous permettent de réduire la dépense de l’État tout en améliorant la qualité de nos services publics. Le bilan est excellent : tous les ministères ont joué le jeu, 104 audits ont été réalisés et ont porté sur des sujets essentiels tels que la maîtrise des frais de justice, la télédéclaration, le paiement des amendes, l’allocation adultes handicapés ou encore les achats. Ils sont tous rendus publics et accessibles en ligne.

Ces audits sont au cœur de toutes les réductions de dépenses opérées dans ce budget. La contribution des audits à la maîtrise des dépenses se vérifie au travers de deux résultats concrets. D’abord, sur les emplois : c’est grâce aux audits que nous arrivons à documenter le non-renouvellement au poste près de 15 000 postes de fonctionnaires en 2007 ; ensuite, sur les crédits, puisque nous avons, grâce aux quatre premières vagues d’audits, identifié 3 milliards d’économies potentielles sur trois ans. Et je parle là de réformes concrètes : les achats, qui vont permettre de dégager 1,3 milliard ; les gains liés aux schémas d’emplois ; l’inflexion sur des dotations comme les frais de justice ou l’AAH ; l’utilisation d’internet pour faire des gains de productivité.

Bien entendu, il ne saurait être question d’en rester là, et c'est la raison pour laquelle j'ai lancé, ce matin même, une cinquième vague de vingt-trois audits, portant sur 22 milliards et 60 000 emplois, avec des sujets emblématiques comme l'aide médicale d'État, l'aide juridictionnelle, l'aide publique au développement, le pilotage des établissements publics – 71 d’entre eux étant placés sous la tutelle du seul ministère de la culture…

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. le Ministre délégué – Bien entendu, je n’oublie pas les audits transversaux. Chacun se souvient des résultats obtenus en matière de politique immobilière grâce au rapport d’audit de votre collègue Georges Tron. Je rappelle qu'avec cent audits – de surcroît parfaitement accessibles et lisibles – portant sur 100 milliards de dépenses, nous avons déjà identifié 3 milliards d'économies. D'où mon objectif de dégager, dans la totalité des dépenses de l'État, 6 à 7 milliards d'économies grâce aux audits.

Vous l'avez bien compris, il ne s'agit pas de baisser la dépense publique pour afficher une logique comptable – et donc idéologique –, mais de faire la meilleure dépense publique, pour le meilleur service et au meilleur coût, à l’instar de la plupart des grands pays modernes. Je ne vois pas ce qui empêcherait la France de les imiter !

Au reste, comme la LOLF, la démarche d’audit me semble devoir transcender les clivages politiques et je ne verrais que des avantages à ce qu’elle soit poursuivie à l’avenir, quelle que soit la majorité. M. Migaud peut-il nous indiquer si le parti socialiste est décidé à poursuivre dans cette voie, si par hasard ou malheur,…

M. Didier Migaud - Par le suffrage universel, d’abord !

M. le Ministre délégué - …il revenait aux responsabilités ? Oui, par le suffrage universel, si nous ne sommes pas assez convaincants ou rassemblés.

La troisième exigence, c’est de graver dans le marbre des principes de bonne gestion et de s’y tenir quelles que soient les circonstances. Comme Thierry Breton l’a indiqué tout à l’heure, nous avons choisi de gérer les plus-values fiscales en toute transparence et de les affecter au désendettement.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. le Ministre délégué - Et je veux rendre hommage une nouvelle fois à votre commission des finances puisque c’est à son initiative qu’en 2006, nous avons inscrit dans la loi que les plus-values éventuelles seraient affectées au désendettement. Je tiens, Mesdames et Messieurs les députés de la majorité, à vous remercier solennellement d’avoir pris cet engagement, que, pour notre part, nous avons tenu. Nous devons démontrer collectivement que le processus de désendettement est toujours possible, dès lors qu’il s’inscrit dans une volonté politique.

Nous avons fait montre de la même prudence pour ce qui concerne les hypothèses de recettes. Didier Migaud, toujours très actif pour dénoncer l’insincérité du budget et trouvant parfois des relais inattendus à la Cour des comptes, va devoir déployer des trésors d’imagination pour démontrer que le présent projet est fondé sur des hypothèses insincères…

M. Didier Migaud - Ce ne sont pas vos hypothèses qui sont insincères : ce sont vos chiffres, et c’est encore pire !

M. le Ministre délégué - …alors que nous avons observé la plus grande prudence, qu’il s’agisse de l’hypothèse de croissance, de l’évaluation des recettes ou de l’appréciation de l’évolution des cours du pétrole.

Et je veux aussi croire, dans le même ordre d'idées, que les malentendus du printemps dernier sur la sincérité de la loi de règlement nous auront apporté, avec l'arbitrage du Conseil constitutionnel, un éclairage nouveau. À l’époque, Didier Migaud déclarait attendre la décision du Conseil constitutionnel avec sérénité. Elle est intervenue, Monsieur Migaud, et j’espère qu’elle n’a pas trop entamé votre sérénité !

Il faut se concentrer sur l'avenir et préparer la certification des comptes, laquelle interviendra pour la première fois en début d'année prochaine. C'est une échéance capitale pour la gouvernance de nos finances publiques et j'entends bien être au rendez-vous. Cela suppose un effort majeur de tous les acteurs : j'espère que chacun se conformera à l'esprit LOLF, et, notamment, que le certificateur ne confondra pas son rôle avec celui de juge des comptes, car il s'agit bien de deux fonctions distinctes. À la mission traditionnelle de juge des comptes, la LOLF ajoute la fonction nouvelle de certificateur. Ce sont deux missions différentes. L'expérience de nos voisins et du secteur privé nous enseigne que la certification est un processus continu et coopératif de dialogue entre le certifié et le certificateur, en vue d’améliorer la qualité des comptes. Ceci n'a évidemment rien à voir avec le jugement des comptes ou l'opinion portée sur la qualité de la gestion.

Enfin, nous faisons le choix de la responsabilité sur les dépenses nouvelles, d’où le paquet fiscal très resserré qui vient s’ajouter à la réforme fiscale de 6 milliards votée l’an dernier. Une mention particulière sur la hausse de la prime pour l’emploi. Il s’agissait, Monsieur le président Méhaignerie, d’une demande forte de beaucoup de nos concitoyens que vous aviez vous-même relayée. L’idée est de pouvoir augmenter la PPE de 500 millions, en vue de renforcer le pouvoir d’achat des bénéficiaires. Cela correspondra à un treizième mois…

M. Jean-Pierre Brard - Pour qui ?

M. le Ministre délégué – Pour les revenus équivalents au SMIC et je suis sûr, Monsieur Brard, que cela sera bien ressenti, à Montreuil comme ailleurs dans le pays ! À l'avenir, ne nous interdisons pas de réfléchir à la philosophie générale de cette prime et à sa mise en œuvre. J’ai du reste lancé un audit sur les améliorations à apporter à la gestion de la PPE.

M. Hervé Mariton - C’est fort judicieux.

M. le Ministre délégué - Tout cela nous permet de présenter un budget en ligne avec nos convictions.

D’abord, le désendettement est indispensable pour pouvoir parler d'avenir. C'est un sujet que nous avons pris à bras-le-corps avec Thierry Breton. Le désendettement, c'est le socle sans lequel il n'y a ni confiance ni croissance durable. D'où notre double objectif de baisser la dette et donc baisser le déficit. Un déficit qui s'établit dans ce PLF à 41,6 milliards, soit une réduction de 5,3 milliards par rapport au solde 2006. On peut ainsi mesurer le chemin parcouru depuis 2003 : en quatre ans, le déficit budgétaire de l'État aura été réduit de plus de 15 milliards. Autre chiffre plus instructif encore : l'évolution du solde structurel des administrations publiques. En 1997, nous avions laissé un déficit structurel de 2 points de PIB ; en 2002, nous l'avons retrouvé à 3,8 points de PIB ; en 2007, il se situera à 2,3 points de PIB, soit une amélioration de 1,5 point. Comme vous pouvez le constater, nous avons presque réussi à effacer les conséquences désastreuses de la gestion précédente ! (Murmures sur les bancs du groupe socialiste)

Quant à la dette, après la baisse de 2 points de PIB en 2006, elle diminuera encore d'un point.

Notre deuxième conviction, c’est qu’il est possible de moderniser les services publics sans dépenser toujours plus. Pendant longtemps, on a trompé les Français à ce sujet. D’abord en leur faisant croire que la ligne de partage passait entre ceux qui dépensent plus et ceux qui dépensent moins ; ensuite, en leur faisant croire que l'administration fonctionne moins bien si on n'augmente pas sans cesse le nombre des fonctionnaires ; encore, en refusant de poser la seule bonne question qui est de savoir si la dépense publique est efficace, correctement évaluée et indispensable.

M. Michel Bouvard - Excellent.

M. le Ministre délégué – Enfin, en évitant soigneusement de poser le débat essentiel qui est de savoir quel doit être le périmètre d’action de l'État ?

L'une des erreurs historiques de Lionel Jospin a été de dire : « L'État ne peut pas tout faire. » Car il y a en réalité deux questions : d’abord, l'État ne doit pas tout faire ; ensuite, et surtout, l’État ne doit pas tout faire tout seul (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Ce que je veux démontrer dans ce budget, c'est qu'il est possible d'avoir un État qui dépense moins, tout en étant présent sur les priorités auxquelles sont attachés les Français. Il doit, pour cela, se moderniser en permanence pour offrir un meilleur service public, au meilleur coût.

Dans ce budget, nous démontrons qu'il est possible de concilier une dépense publique en baisse et le financement intégral de tous nos engagements. Fin 2007, nous aurons exécuté 90 % de la LOPSI en emplois et 100 % en crédits ; la loi de programmation militaire aura été respectée à 100 % ; la loi de programmation pour la justice sera exécutée à hauteur de 100 % dans son volet crédits ; s’agissant de l’aide publique au développement, nous serons au rendez-vous de la conférence de Monterrey, en y consacrant un effort de 0,5 % du revenu national brut. Enfin, je n’oublie pas notre effort pour la recherche : un milliard de moyens nouveaux en application de la loi de programme pour la recherche et 2 000 emplois créés dans les universités et les établissements de recherche.

Troisième conviction : la fiscalité a un rôle majeur à jouer pour améliorer le pouvoir d'achat.

On le sait, les Français placent ce sujet au cœur de leurs préoccupations. À travers ce budget, nous leur apportons plusieurs réponses : 2007, c'est le rendez-vous fixé pour la réforme fiscale votée l'an dernier. Elle se traduit par un allégement de 4,9 milliards pour les ménages. Alors, j'entends bien ceux qui tentent d'accréditer l'idée que les impôts des Français n'ont absolument pas diminué. Je profite donc de l'occasion pour préciser les choses. Depuis 2002, l'impôt sur le revenu aura baissé en moyenne de 20 %...

M. Augustin Bonrepaux - Au profit de qui ?

Plusieurs députés UMP - De ceux qui le payent !

M. le Ministre délégué - Et pour 3,7 millions de contribuables, cette baisse aura été supérieure à 30 %. Et je m'empresse de préciser que ces contribuables sont, dans leur quasi-totalité, des personnes dont les revenus sont inférieurs à 3 500 euros par mois. En clair l'État a fait le boulot ! L'évolution du poids de ses prélèvements l’atteste, puisqu’il est passé de 15,5 % du PIB en 2002 à 14,6 % en 2007…

M. Charles de Courson - Allons ! Ce n’est pas sérieux.

M. le Ministre délégué - Mais, l'État n'est pas le seul acteur : depuis 2002, le poids des prélèvements de sécurité sociale a augmenté, et, surtout, ce sont les impôts locaux qui ont explosé. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Marie-Hélène des Esgaulx - Eh oui ! Merci les régions !

M. le Ministre délégué – Dans la période 2002-2006, le produit voté des quatre impôts directs locaux – taxe d’habitation, taxe professionnelle, foncier bâti et non bâti – enregistre une hausse moyenne annuelle de 5,3 %.

M. Didier Migaud - Évidemment, si vous raisonnez en produit !

M. le Ministre délégué - Et sur les deux dernières années, les régions ont augmenté leur taux de taxe professionnelle de près de 30 % ! Or il n’a échappé à personne que la quasi-totalité des régions sont administrées par la gauche. Il est bon que les Français sachent que si par malheur une alternance arrivait, ce qui est advenu pour les régions se produirait, en pire, au niveau national, ce qui remettrait en cause la compétitivité de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Cela étant, en matière de pouvoir d'achat, la fiscalité ne peut pas tout faire. La vraie question, c'est celle de la place du travail dans notre pays. On ne pourra pas résoudre le problème du pouvoir d'achat sans poser franchement la question de la feuille de paye. Ce qui suppose d'ouvrir plusieurs chantiers.

Le SMIC, d’abord, qui ne doit pas devenir un plafond de verre. Et le problème, ce n'est pas, comme le propose Laurent Fabius, de promettre un SMIC à 1 500 euros ; c'est de pouvoir garantir qu'on n'est pas rémunéré toute sa vie au SMIC, et donc de mettre en place des dispositifs tendant, par la qualification tout au long de la vie et les heures supplémentaires, à ce que l’on puisse gagner plus en travaillant plus et en progressant dans son parcours personnel. Ce sont là des rendez-vous majeurs pour l’avenir et il convient d’autant plus de les méditer que la plupart des grands pays occidentaux – y compris ceux gouvernés par la gauche – se sont engagés dans cette voie.

Quatrième conviction : on peut faire baisser le chômage à travers une politique de l'emploi efficace.

On a fait la preuve qu'une politique de l'emploi misant sur la « flex-sécurité » pouvait contribuer de manière significative au recul du chômage, de même que le soutien aux entreprises qui embauchent, à travers les allégements de charges. Cette année, sur les 260 000 emplois créés en France, 80 % l’ont été dans le secteur privé. Voilà qui fait une forte différence avec la baisse du chômage des années Jospin, artificielle puisque opérée pour l’essentiel dans le secteur public.

Cette politique porte ses fruits et nous invite à aller plus loin. Nous allons devoir débattre de ce que nous souhaitons pour l'avenir en matière d’allégements de charges et d’aides versées aux entreprises, afin de s'assurer de l’efficacité de tous les dispositifs.

Je ne terminerai pas sans un mot sur le bilan car, comme le dit l’adage, à se regarder, on s'inquiète, mais à se comparer, on se rassure. J’ai donc décidé de mettre en regard les deux périodes 1997-2002 et 2002-2007.

M. Didier Migaud - Nous l’avons fait également et n’avons pas la même analyse que vous.

M. le Ministre délégué – Je peux le comprendre, car celle que je vais faire vous gênera sans doute beaucoup.

Alors que le déficit était de 40 milliards d’euros à votre arrivée au pouvoir en 1997, vous l’avez, malgré une croissance très favorable, laissé filer à 49 milliards en 2002. Lionel Jospin l'a d’ailleurs explicitement reconnu, avouant par un bel euphémisme qu'il avait décidé de « laisser légèrement dériver les comptes publics » – appréciez le «légèrement»... Pour notre part, en 2007, nous aurons lourdement amélioré le solde budgétaire de presque huit milliards en cinq ans, le ramenant à 41,6 milliards d'euros.

M. Jean-Pierre Brard - En bazardant les bijoux de famille !

M. le Ministre délégué – S’agissant des recettes, seul un tiers des dix milliards d’euros de surplus enregistrés en 1999 a été affecté à la réduction du déficit, l'essentiel l’ayant été à des dépenses nouvelles. Pour notre part, nous affectons l’intégralité des cinq milliards d'euros de recettes fiscales supplémentaires au désendettement.

Pour ce qui est des dépenses, le dernier budget de la législature socialiste affichait une progression en volume des crédits de 0,5 %. La réalité a été tout autre, avec une dérive de près de 10 milliards d'euros de dépenses supplémentaires, ce qu’a parfaitement établi le rapport Nasse–Bonnet. Là encore, nous faisons le choix inverse. Avec des dépenses en baisse pour la dernière année de législature, nous apportons la preuve de notre détermination à tenir les comptes quelles que soient les circonstances.

S’agissant des effectifs enfin, de votre côté, on constate 30 000 créations de postes de fonctionnaires d’État en 2001-2002 ; du nôtre, 20 000 non-renouvellements de postes en 2006-2007, avec, grâce aux audits, une politique permettant d’affecter les effectifs là où on en a réellement besoin.

M. Augustin Bonrepaux – Vous ne dites rien du niveau des prélèvements obligatoires !

M. le Ministre délégué – J’ai fait la démonstration que ceux de l’État avaient diminué.

Une dernière remarque pour conclure. Mes oreilles ont en effet quelque peu bourdonné lorsque j'ai entendu récemment certains, à gauche, soutenir que ce budget était « virtuel ». J’invite ceux qui voudraient qu’il ne soit pas exécuté en l'état à dire clairement aux Français en quoi ils souhaitent le remettre en cause. Oseront-ils annoncer qu’ils cesseront de réduire le déficit, qu’ils aggraveront la dette, qu’ils mettront un terme à la baisse des impôts, qu’ils stopperont les audits qui visent à la modernisation de l’État pour offrir un meilleur service public à moindre coût ?

Comme il est de tradition dans un débat budgétaire, vous allez beaucoup me questionner. Sachez que je vous répondrai mais que je ne manquerai pas de vous questionner à votre tour, faisant en quelque sorte du Bonrepaux à l’envers. Et vous en aurez pour votre argent… (Sourires)

M. Jean-Louis Idiart - Attendez d’être dans l’opposition !

M. le Ministre délégué - À ceux qui seraient tentés de fuir le débat, je rappelle que ce projet de budget fixe un cap clair, celui du désendettement ; comporte des priorités précises : la réduction du déficit et la baisse des impôts ; assume franchement les valeurs de notre famille politique : la modernisation de l'État, le soutien au pouvoir d'achat de ceux qui travaillent et la préparation de l'avenir, aussi bien dans la continuité que dans la rupture (Sourires).

Au terme de cette présentation, j’adresse mes remerciements à l’ensemble d’entre vous, en particulier aux membres de la commission des finances dont le concours nous a été précieux. C’est parce que nous avons bien travaillé ensemble dès l’amont que nous pourrons avoir ici un débat de qualité, un bon vieux débat droite-gauche nous permettant, à quelques mois de l’élection présidentielle, de prendre date. Je suis impatient qu’il s’ouvre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - Tout d’abord, Messieurs les ministres, félicitations pour ce projet de budget 2007 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). En effet, bien que 2007 soit une année électorale, il poursuit le rétablissement indispensable des comptes publics avec une nouvelle réduction du déficit de plus de cinq milliards d’euros.

M. Augustin Bonrepaux - Il comporte quand même quelques beaux cadeaux fiscaux !

M. le Rapporteur général – À ceux qui prétendent que ce budget serait « virtuel », destiné de toute façon, quel que soit le résultat des élections, à n’être pas exécuté, à ceux qui seraient tentés, comme par le passé, de multiplier les dépenses à crédit, ou de financer des baisses d’impôt par la dette…

M. Augustin Bonrepaux - Et vos baisses d’impôt à vous, comment sont-elles financées ?

M. le Rapporteur général - …, à tous ceux-là, je dis que ce projet de budget est exemplaire par la prudence, la sincérité et le réalisme de ses estimations de recettes, fiscales ou non fiscales. Il est exemplaire également par ses prévisions de dépenses, qu’il s’agisse de dépenses au sens strict ou de dépenses financées par prélèvement ou affectation de recettes – la progression est limitée à 1 % en volume dans le premier cas, à peine à l’inflation dans le second. Si le sérieux et l’esprit de responsabilité qui le caractérisent étaient maintenus pendant cinq ans, les comptes de l’État reviendraient à l’équilibre et le déficit aurait disparu (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Mme Marie-Hélène des Esgaulx - Nous allons l’expliquer aux Français.

M. le Rapporteur général – Nous payons aujourd’hui le prix des mauvaises habitudes prises en 1981. C’est à partir de là que notre pays a commencé de vivre à crédit (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Il y a certes eu des politiques courageuses d’assainissement en 1986, en 1993, puis de nouveau depuis 2002, mais aucune n’a jusqu’à présent bénéficié de la durée nécessaire pour retourner les résultats désastreux des différentes législatures socialistes.

M. Jean-Louis Idiart - Vous ne dites rien de l’action d’Édouard Balladur !

M. le Rapporteur général – Le rétablissement des comptes de l’État est aujourd’hui en marche (Interruptions sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Monsieur Brard, les résultats sont tangibles. En 2004, les dix milliards d’euros de recettes supplémentaires par rapport aux prévisions ont été intégralement affectés à la diminution du déficit. Il en a été de même en 2005 pour trois milliards et en 2006 pour cinq milliards, et peut-être même davantage.

M. Augustin Bonrepaux - Pourquoi la dette augmente-t-elle alors ?

M. le Rapporteur général – Jamais une telle performance n’avait été enregistrée. De 57 milliards d’euros en 2003, le déficit va passer à moins de 41 milliards cette année. Nous le devons à la ténacité du Gouvernement mais aussi au soutien constant de notre majorité qui a adhéré sans réserve à cette stratégie de rétablissement des comptes publics (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Quel contraste avec la dilapidation de la « cagnotte » de 1999 en dépenses non financées et baisses d’impôts à crédit !

M. Didier Migaud - M. le Rapporteur général devient M. le flatteur général !

M. le Rapporteur général – Notre courageux travail de pédagogie auprès des Français commence de porter ses fruits. Sur ce point, deux étapes ont été décisives. Vous avez eu raison, Monsieur Breton, à votre prise de fonctions, de mettre l’accent sur la question de la dette. Une prise de conscience s’est opérée après le travail de la commission Pébereau et dès la fin de cette année, le pourcentage de la dette aura baissé de trois points par rapport au PIB.

M. Augustin Bonrepaux - Vous ne dites pas à quel point elle avait augmenté avant !

M. Didier Migaud - Ni au prix de quels tripatouillages vous arrivez à ce résultat !

M. le Rapporteur général – La seconde étape décisive date de janvier 2006, lorsque le Premier ministre s’est engagé devant la Conférence des finances publiques au rétablissement progressif des comptes non seulement de l’État, mais aussi de la sécurité sociale et des collectivités.

M. Jean-Louis Idiart - Facile avec tous les transferts en direction des collectivités !

M. le Rapporteur général – Dès 2005, le déficit était tombé en dessous de 3 % du PIB. En 2006, il tournera autour de 2,7 %. La procédure engagée par la Commission européenne à l’encontre de notre pays pour déficit excessif sera d’ailleurs très probablement abandonnée dans les prochaines semaines.

M. Didier Migaud - Aucune procédure de la sorte n’a jamais engagée alors que nous étions au pouvoir !

M. le Rapporteur général – Ce projet de budget 2007, le dernier de la législature, est emblématique de notre souci de sincérité et de transparence, à l’inverse de celui de 2002 où les dépenses avaient été systématiquement sous-évaluées et les recettes surévaluées de façon irresponsable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Les dépenses sont maîtrisées, progressant d’un point de moins que l’inflation, soit de 2,2 milliards d’euros seulement – sur un total de 270 milliards. Et même si l’on effectue une consolidation en ajoutant, j’y insiste à l’intention de notre collègue de Courson, le prélèvement sur recettes au profit des collectivités, les recettes affectées à différents opérateurs de l’État, comme l’Agence nationale de la recherche ou OSEO, ou bien encore la contribution du budget de l’État aux comptes sociaux, la progression égale à peine l’inflation, performance unique jusqu’à présent. Vous n’avez donc pas à rougir, Messieurs les ministres.

Qui se plaindra ici de la reconduction du contrat de croissance et de solidarité au profit des collectivités ? De la préservation des capacités d’investissement de l’État par affectation de recettes à divers opérateurs dans le domaine de la recherche, de l’innovation, des transports ? De l’effort exceptionnel consenti en direction des comptes sociaux, quand on sait que les dépenses de santé liées au vieillissement de la population augmentent nécessairement plus vite que la richesse nationale ?

Nous avons intérêt à une présentation aussi transparente et aussi exhaustive que possible de la dépense publique. Nous gagnerions à éviter les polémiques stériles qui ont lieu à chaque discussion budgétaire en nous mettant d’accord sur un agrégat consolidé. Mais, même en considérant l’agrégat le plus large, incluant les transferts que je viens de mentionner, nous restons dans la limite de l’inflation.

De plus, la LOLF s’étant mise en place progressivement, nous maîtrisons mieux l’exécution de la dépense. Il y a un an, j’étais sceptique sur l’intérêt des audits, je l’avoue. Mais je salue leur qualité et le fait qu’ils ont permis un débat public avec l’objectif de dépenser mieux en dépensant moins. S’y ajoute une baisse substantielle des reports : à 14 milliards, en 2002, ils faussaient complètement les comptes ; nous n’en avons plus que 5 milliards. De même pour les opérations extérieures, les fameuses OPEX qui se présentent chaque année, le financement était nul jusqu’à ce qu’en 2004 on y affecte 24 millions, puis un peu plus en 2005, 175 millions en 2006…

M. Michel Bouvard – On aurait pu faire plus !

M. le Rapporteur général - On aurait pu faire plus, c’est vrai. En 2007, les OPEX sont financées à hauteur de 375 millions

M. Charles de Courson – Pour 700 millions de dépenses.

M. le Rapporteur général - Quel contraste avec la sous-estimation des dépenses au budget 2002. Je tiens la liste à la disposition de M. Migaud, mais il la connaît mieux que moi.

M. Jean-Louis Idiart - Qui a dit qu’il fallait cesser les polémiques stériles ?

M. le Rapporteur général – Quant aux prévisions de recettes, elles s’appuient sur une base 2006 très solide, et reposent sur des hypothèses de progression très raisonnables, avec un coefficient d’élasticité de 1,2 par rapport à la croissance. La progression probable est de 13 milliards, et je suis certain qu’elle sera respectée. Or que n’a-t-on entendu depuis 2004 sur les prévisions !

M. Jean-Pierre Brard - Pourquoi 2004 seulement ?

M. le Rapporteur général – L’an dernier, Charles de Courson évaluait la sous-estimation à 2 milliards, et nous aurons 5 milliards de plus.

M. Charles de Courson - Grâce aux acomptes !

M. le Rapporteur général – Quant à M. Migaud, il jugeait utopiques les hypothèses de 2,9 % de déficit et 2,25 % de croissance. Les 2,25 % de croissance, nous y sommes, et le déficit est de 2,7 %. Alors, ce type d’exercice convenu, épargnez-le nous cette année ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

D’autre part, la commission des finances a apprécié de préparer ce budget avec le Gouvernement depuis pratiquement un an. Nous avions dit qu’après la réforme de l’impôt sur le revenu et celle de la taxe professionnelle en 2006, qui ont permis de diminuer les impôts de 6 milliards, il faudrait avoir la sagesse de s’en tenir là. Et ce budget 2007 est exemplaire puisque les 500 millions supplémentaires pour la prime pour l’emploi sont gagés par des recettes fiscales supplémentaires et légitimes, concernant notamment les plus-values sur les titres de participation. Je pense que nous avons joué un rôle positif en vous accompagnant dans cette voie et je prends le pari qu’en 2007, en exécution, les recettes seront supérieures aux prévisions, comme en 2004, en 2005 et en 2006. D’autant que, grâce à la LOLF, nous avons mis en place des instruments de régulation avec la mise en réserve de crédits à hauteur de 0,15 % pour les crédits de personnel et de 5 % pour les autres crédits. Surtout, le Parlement vote cette régulation ; elle n’est plus pratiquée de façon opaque par le Gouvernement, et cela donne une visibilité aux responsables de programme pour gérer leurs crédits.

À l’occasion de ce dernier budget de la législature,…

M. Jean-Louis Idiart - Et de votre majorité.

M. le Rapporteur général - …je souhaite revenir sur les quatre ans écoulés. En 2002, nous avons commis une erreur d’appréciation sur la gravité de la situation que nous léguait la précédente majorité et sur le retournement de conjoncture, qui avait commencé en fait dès juillet 2001, une erreur enfin sur les marges de manœuvre. Nul ne se rendait compte que les 35 heures, cela signifiait 15 milliards en plus dans le budget de l’État de façon structurelle…

M. Michel Bouvard - Un tiers du déficit !

M. le Rapporteur général - …ni que la frénésie de baisses d’impôts du précédent Gouvernement à partir du printemps 2000 – 30 milliards en deux ans – n’était financée que par l’emprunt.

M. Augustin Bonrepaux - Et les vôtres, elles sont financées comment ?

M. le Rapporteur général – Bien sûr, il y avait eu le rapport Bonnet–Nasse, mais il ne prenait pas en compte le retournement de conjoncture. L’INSEE prévoyait d’ailleurs à l’époque un simple « trou d’air passager ». En votant le collectif de juillet 2002, nous avons aggravé la situation budgétaire puisqu’il a fallu compléter pour 2,5 milliards des crédits insuffisants, inscrire 2,5 milliards pour nos priorités – justice, police, défense – et nous avons baissé immédiatement de 2,5 milliards l’impôt sur le revenu.

M. Augustin Bonrepaux - Erreur monumentale !

M. le Rapporteur général - C’est d’ailleurs pourquoi je me méfie dorénavant des collectifs de milieu d’année, et Didier Migaud devrait s’en méfier aussi, quand on se souvient de celui du milieu de l’année 2000.

Rendons hommage au gouvernement Raffarin qui a su mettre en place dès 2003 la règle du « zéro volume », c’est-à-dire la stabilisation des hausses de dépenses au niveau de l’inflation, qui a permis de rétablir les comptes.

Quels enseignements tirer de ces expériences ? D’abord que l’assainissement des comptes publics en une législature n’est pas une mission impossible. Pour cela, il faut stabiliser la dépense, dépenser mieux, et avoir une prudence de père de famille en ce qui concerne les recettes. C’est bien ce qu’ont fait en premier le Canada et les pays scandinaves face à la crise de leurs finances publiques dans les années 1990 : tabler sur le bas de la fourchette pour les recettes et, en cas de surplus, l’affecter systématiquement à la baisse du déficit. Depuis 2004, c’est ce que nous avons fait. D’autre part, les dépenses fiscales sont trop dispersées dans de nombreux textes ; il faudrait peut-être les regrouper en loi de finances. Une autre règle d’or, que tous mettent en œuvre, est de n’emprunter que pour investir, sinon dans un cadre annuel, du moins sur le cycle économique.

Enfin, il faut atteindre le plus vite possible l’équilibre primaire, obtenu en faisant table rase du passé, c’est-à-dire de la dette et des frais financiers. En 2006, ces derniers s’élèvent à 38,5 milliards et le déficit pourrait être à peine supérieur à 40 milliards : nous sommes presque à l’équilibre primaire, et en exécution pour 2007, on pourrait se donner comme objectif de l’atteindre.

M. Michel Bouvard - Très bien !

M. le Rapporteur général - Dernier point, il faut absolument nous donner en début de législature une loi de programmation pluriannuelle sur l’équilibre des finances de l’État. On le fait bien pour certaines dépenses. Ne serait-il pas aussi important de nous engager sur cinq ans à réduire la dette qu’à programmer l’augmentation des dépenses militaires ?

M. Pierre Hériaud - Très bien.

M. le Rapporteur général – J’évoquerai le contenu du budget pour 2007 pour souligner la grande cohérence de notre action depuis 2002.

S’agissant des ménages, ce budget 2007 se traduit par la réforme de l’impôt sur le revenu qui rend notre pays plus attractif, et une volonté de justice sociale amplifiée par l’abondement de 500 millions de la PPE – elle a doublé depuis 2002, et nous sommes tous conscients qu’il faut la réformer pour mieux la lier à la rémunération du travail. Beaucoup d’autres mesures bénéficient aux ménages : l’extension du prêt à taux zéro, la simplification des plus-values immobilières, la TVA à taux réduit sur les travaux, le crédit d’impôt pour les gardes d’enfant afin de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle, la réduction d’impôt accrue, dans ce budget de 2007, pour les personnes dépendantes en établissement de long séjour. Nous avons aussi beaucoup avancé pour baisser les droits de succession…

M. Hervé Novelli - Très bien !

M. le Rapporteur général - …et pour encourager les donations.

Pour les entreprises, il n’y a pas de mesure spectaculaire, sauf la prolongation des allégements de charges et la suppression de la cotisation de 2,1 % qui subsistait pour les entreprises de moins de vingt salariés.

M. Hervé Novelli - Ce n’est pas le mieux.

M. le Rapporteur général - Mais que d’efforts accomplis depuis 2002 ! Le taux de l’impôt sur les sociétés est revenu à 33,33 %. La taxe professionnelle a été assortie de divers dégrèvements et plafonnée à 3,5 % de la valeur ajoutée dès 2007. Nous avons aussi facilité les transmissions en supprimant les plus-values professionnelles…

M. Hervé Novelli - Très bien !

M. le Rapporteur général - …ainsi que l’impôt sur les plus-values sur les titres de participation. Et je ne crains pas de le dire, la réforme de l’ISF a permis de limiter les délocalisations et de faciliter la transmission des PME grâce au pacte d’actionnaires. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Augustin Bonrepaux - Avec quel résultat ? Prost est revenu ?

M. le Rapporteur général - Certes, il faut aller plus loin, notamment en ce qui concerne la prise en compte de la résidence principale.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx – C’est sûr.

M. le Rapporteur général - Enfin, toujours pour les entreprises, la mesure favorisant les « gazelles » aura un effet très important.

Quant aux ressources non fiscales, leur progression prévue pour 2007 s’appuie sur des éléments solides que sont le dynamisme des versements de dividendes en provenance du secteur public et le versement exceptionnel de la Caisse des dépôts en raison de la plus-value faite à l’occasion de la sortie du capital de la Caisse nationale des caisses d’épargne. À cette occasion, je rends hommage à l’excellent travail de MM. Auberger et Hériaud et de la commission de surveillance de la caisse qui ont su mener une négociation très difficile. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

S’agissant des dépenses, nous avons poursuivi nos efforts en faveur de la cohésion sociale et de l’emploi – je pense notamment aux mesures en faveur de l’emploi des jeunes et de l’apprentissage, ainsi qu’aux allégements généraux des cotisations sociales. Quant au logement social, ce sont 100 000 unités nouvelles qui seront financées en 2007 !

Enfin, les lois de programmation relatives aux missions régaliennes ont été parfaitement respectées. En matière de défense, nous allons ainsi consacrer un effort supplémentaire de 15,7 milliards d’euros, pour un total de 75 milliards en cinq ans. Nos engagements ont donc été tenus ! Il en est de même pour la sécurité intérieure, qu’il s’agisse de police ou de gendarmerie, et pour la justice – 3,8 milliards de crédit entre 2002 et 2007 .

Comme l’ont souligné les ministres, nous recherchons également une plus grande efficacité de la dépense publique, ce que nous permettent la loi organique, mais aussi les audits qui ont été engagés. La réforme de la redevance audiovisuelle, qui a trouvé son origine dans cet hémicycle, et dont chacun salue la réussite, a bien montré que des redéploiements étaient possibles. Il en est de même quant aux effectifs : ce budget prévoit 4 000 créations de postes, contre 19 000 suppressions.

M. Hervé Novelli - Ce n’est pas assez !

M. le Rapporteur général – Nous avons cessé de raisonner en termes d’emploi total : chaque évolution a été justifiée et fondée sur des analyses objectives. Dans l’éducation nationale, par exemple, nous réduisons les emplois dans le secondaire parce que les effectifs baissent, contrairement au primaire et, plus encore, au supérieur où nous les renforçons. C’est cela, la bonne gestion de la dépense publique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Des marges de manœuvre existent donc, chers collègues, à condition de dépenser mieux. Avec de la ténacité, du travail et des réformes, nous pouvons durablement tenir dans la norme générale de stabilité des dépenses tout en faisant progresser la qualité et l’efficacité du service public !

M. Augustin Bonrepaux - C’est la méthode Coué !

M. le Rapporteur général – Il y a toutefois une condition à respecter : informer le mieux possible les fonctionnaires concernés et les faire participer à notre démarche. La réussite des audits résulte en effet de l’association des fonctionnaires, et je vous rappelle que la loi organique permet cette responsabilisation des acteurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Je voudrais enfin évoquer deux sujets de préoccupation. Les relations entre l’État et les collectivités locales, tout d’abord…

M. Hervé Novelli - Il existe en effet un problème !

M. le Rapporteur général – Du fait de la prolongation pour un an du contrat de croissance et de solidarité, mais aussi de l’augmentation du FCTVA, de certains concours ainsi que des dégrèvements d’impôts locaux, les montants consacrés aux collectivités progressent de 4,5 %, atteignant près de 70 milliards cette année. Personne ne pourra dire que l’État ne fait pas un effort exceptionnel en faveur des collectivités locales !

M. Augustin Bonrepaux - Il ne fait que son devoir !

M. le Rapporteur général – Il faudra toutefois que nous nous interrogions à l’avenir sur la maîtrise de la dépense locale.

M. Hervé Novelli et Mme Marie-Hélène des Esgaulx – Tout à fait !

M. le Rapporteur général – J’en viens maintenant aux relations entre le budget de l’État et celui de la sécurité sociale. M. Copé aurait pu souligner l’effort considérable consenti cette année encore par l’État – transfert de droits sur le tabac pour un montant de 300 millions, abandon de l’excédent de 300 millions au titre de la compensation des baisses de charges en 2006, sans compter les effets positifs sur la sécurité sociale de la réforme de l’impôt sur le revenu, qui a généré 500 millions de recettes supplémentaires.

Il n’y a pas lieu de regretter cet effort, Messieurs les ministres, mais nous devons faire preuve de vigilance : le budget de l’État ne peut pas tout ! L’obligation de maîtrise des dépenses de l’État doit s’appliquer également, même si c’est un autre niveau, à la dépense sociale.

Enfin, je voudrais rappeler que la commission des finances s’est montrée très raisonnable dans ses amendements, conformément aux souhaits de Pierre Méhaignerie (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP) : nous n’avons adopté que des amendements peu coûteux pour le budget de l’État et respectant la perspective retenue pour le déficit.

Si nous avons par exemple demandé la suppression de l’article 31, qui est relatif au transfert de la dette de l’UNEDIC au fonds de solidarité, sujet en suspens depuis des années, ce n’est pas parce que nous sommes en désaccord sur le fond, mais parce que nous voulons avoir connaissance du montant exact de la créance transférée…

M. Charles de Courson - …et annulée !

M. le Rapporteur général – Nous avons par ailleurs adopté un amendement tendant à aménager l’impôt forfaitaire annuel. J’espère que nous serons suivis sur cet amendement présenté par Louis Giscard d’Estaing, car nous ne faisons que répondre aux souhaits des PME.

M. Hervé Novelli - Très bien !

M. le Rapporteur général – Ce budget pour 2007 est donc bien plus que le dernier de cette législature. Il devra servir d’exemple pour l’avenir s’agissant de la maîtrise des dépenses, de la cohérence de la politique fiscale et du rétablissement des comptes publics. Pour toutes ces raisons, la commission des finances vous propose d’adopter la première partie du projet de loi de finances pour 2007. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Brard - Rappel au Règlement sur le fondement de l’article 58. Puisque nous devons discuter du budget de la nation, mieux vaudrait partir de la réalité. Je suis très étonné des propos que j’ai entendus. Malgré toute l’estime que je porte à M. Carrez, je pense qu’il devrait consulter le médecin de notre assemblée : il me semble en pleine schizophrénie !

Mme Marie-Hélène des Esgaulx - Est-ce vraiment un rappel au Règlement ?

M. Jean-Pierre Brard - Lors de la préparation du budget, Gilles Carrez affirmait que les chiffres du Gouvernement étaient faux ; pourquoi ne l’a-t-il pas rappelé clairement à la tribune ? En écoutant les orateurs précédents, je pensais aux plus modestes habitants de ma circonscription, ceux pour qui la fin du mois commence le 10, voire avant. Que nous avez-vous servi ? Des « agrégats consolidés », des « instruments pour l’exécution » et de l’« équilibre primaire ». Avez-vous seulement entendu parler des érémistes, des chômeurs et des gens qui ne parviennent pas à s’en sortir, ceux que vous avez appauvris alors qu’ils n’avaient déjà pas grand-chose ? Vous n’en parlez pas ! Vous nous entretenez des ménages, mais sans nous dire de qui il s’agit : ceux qui ne savent pas ce qu’est une fin de mois ; ceux dont vous avez allégé l’impôt alors qu’ils ne savaient déjà pas quoi faire de leur argent ; ceux dont vous êtes les fondés de pouvoir, pour certains d’entre vous !

M. le Président – Monsieur Brard…

M. Jean-Pierre Brard - J’en termine : vous vous vantez de scores, mais il faudrait nous avouer comment vous les avez atteints – en organisant une grande braderie nationale : Air France, Aéroports de Paris, France Télécom, la SNECMA ou encore les autoroutes.

M. le Président – Il faut conclure !

M. Jean-Pierre Brard - Vous avez tout bazardé à vil prix pour beurrer la tartine des privilégiés. Aucun des trois orateurs précédents n’a eu un mot, ni une pensée, pour ceux qui souffrent de votre politique et que vous avez rendus encore plus pauvres !

M. le Président – Je rappelle que vous aurez vingt minutes pour vous exprimer demain, Monsieur Brard.

M. le Président de la commission - Je voudrais remercier mes collègues de la commission des finances, majorité et opposition, pour la qualité des débats que nous avons eus, mais aussi pour leur apport à l’intérêt public tout au long de ces dernières années. Saluons en particulier le rapporteur général, Gilles Carrez, pour le sérieux de son travail et son sens du travail en équipe (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Merci pour toutes ces années que nous avons passées ensemble.

Il n’est pas dans mes habitudes d’être très laudatif (Sourires), mais je voudrais convaincre Charles de Courson que ce budget marque une étape importante sur un chemin de crête difficile. Il permet en effet de maîtriser la dépense publique et de réduire les déficits, tout en soutenant le pouvoir d'achat des familles et la compétitivité des entreprises.

Cet équilibre difficile a été, cette année, réalisé dans de bonnes conditions. Je voudrais également souligner nous avons eu de bonnes relations avec les ministres lors de la préparation de ce budget.

M. Hervé Novelli - Très bien !

M. le Président de la commission – Malgré ces satisfecit, la béatitude n’est pas à l’ordre du jour. Si une critique systématique serait mal venue, regardons les efforts qui nous restent à faire.

Le premier point de repère pour les années à venir, même si tout le monde n’en est pas encore convaincu, c’est la maîtrise des déficits publics. Nous sommes passés à 2,9 %, 2,7 %, puis 2,5 % du PIB, réussite qu’il faut saluer ! C’est en effet une nécessité si nous voulons faire preuve de solidarité avec nos enfants et nos petits-enfants, mais aussi restaurer la confiance dans l'avenir et respecter nos engagements européens.

Autre point positif de ce budget : la réduction du stock des dettes de l'État, réalisée grâce à la cession de près de 20 milliards d'euros de cessions d'actifs non stratégiques et à la réaffectation des surplus fiscaux au désendettement.

Deux mesures ne nous semblaient pas toutefois prioritaires : la suppression des 2,1 points de cotisations sociales patronales qui subsistaient au niveau du SMIC…

M. Hervé Novelli - Tout à fait.

M. le Président de la commission - …et pour les seules entreprises de moins de vingt salariés, quand la Cour des comptes conseillait une pause et une réflexion sur le devenir de l’allégement des charges sociales (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). Je pense également que le chèque transport suscitera des frustrations et des inégalités.

À cette maîtrise de la dépense publique s’ajoute en 2007 la réforme largement positive de notre système fiscal : intégration dans le barème de l’abattement de 20 %, réduction des tranches, application du bouclier fiscal, plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5 % de la valeur ajoutée. Cette dernière mesure en particulier apportera une extraordinaire visibilité à nos entreprises.

M. le Ministre délégué – Très bien.

M. le Président de la commission – Président d’une communauté d’agglomération où 65 % des bases sont plafonnées, je pourrais également la critiquer mais dans mon département, où les équipementiers automobiles doivent baisser leurs prix de 5 % par an tandis que leur volume de production se réduit, ce plafonnement constitue un grand progrès. Ceux qui le remettraient en cause prendraient un grave risque pour notre compétitivité.

Cette maîtrise des déficits et de l’endettement s’accompagne d’une double amélioration du pouvoir d’achat à travers deux mesures fondamentales: la baisse de l’impôt sur le revenu – même si elle aurait pu s’accompagner d’un plafonnement des niches fiscales –…

M. le Rapporteur général – À qui la faute si ce n’est pas le cas ?

M. le Président de la commission - …et l’amélioration de la PPE. Le maintien d’un allègement de 23 milliards des charges sociales constitue un élément essentiel pour favoriser la compétitivité de nos entreprises – même si peut-être cet allégement aurait pu être ramené à 20 milliards : il existe en effet une quarantaine de petites exonérations dont l’efficacité n’est pas prouvée. La PPE témoigne quant à elle de l’effort gouvernemental en faveur de ceux qui sont exemptés de l’impôt sur le revenu. Elle est un élément d’équilibre entre l’exigence de compétitivité des entreprises et la nécessaire amélioration du pouvoir d’achat. Nous souhaitons tous que cette prime soit désormais intégrée dans la fiche de paie, afin qu’elle soit bien perçue comme résultant du travail du salarié et non plus comme une énième prestation de l’État.

Il n’y a pas néanmoins de quoi être béat. En effet, il reste beaucoup à faire et d'abord sur un plan pédagogique. Nous devons rappeler sans cesse que les politiques publiques ne souffrent pas d'une insuffisance de moyens mais d'une confusion de leurs objectifs et d'une extrême complexité des procédures. Il existe encore des marges de productivité fantastiques lorsque l’on sait que plusieurs administrations s’occupent de la même chose, par exemple dans les secteurs de l’eau ou des politiques sociales. L’affaire d’Outreau a fait apparaître que certaines familles étaient suivies par six structures différentes, qui n’échangeaient pas d’informations ! Le benchmarking s’impose. D’autre part, la France, malgré les avancées, reste vice-championne de l'imposition sur le travail et sur le capital. Les conférences de presse de nombreux ministres montrent d’ailleurs que, si l’on additionnait la progression des dépenses qu’ils affichent pour leurs budgets respectifs, une augmentation globale de 0,8 % serait impossible ! (Sourires sur plusieurs bancs du groupe UMP.) La France reste droguée à la dépense publique, et c’est même le cas de certains membres du Gouvernement.

M. le Ministre délégué – La situation s’améliore tout de même.

M. le Président de la commission - La culture de la performance exige encore de nombreux efforts. Ainsi, il existe des centaines d'agences, d'établissements publics, de monopoles publics ou privés, qui rendent des services pour un coût trop élevé. Quand EDF a proposé sur le marché dérégulé des augmentations de prix de 70 % supérieures à celles de l’Allemagne, je ne peux que constater la protection dont bénéficient certains monopoles. Je souhaite en l’occurrence que l’augmentation ne soit pas supérieure à 25 % du prix du marché régulé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jean-Louis Dumont - Cette entreprise doit faire face à de nombreuses charges.

M. le Président de la commission - Les finances de l'État s'inscrivent dans un ensemble plus vaste qui comprend les finances sociales et les finances locales. J’ai lu avec intérêt le livre de Timothy Smith qui qualifie notre État-providence de corporatiste alors qu’il devrait être solidaire. Quant à l’évolution des finances locales, elle est préoccupante. Il est deux vérités qui ne se rejoignent pas : si l’État ne fait pas suffisamment d’efforts pour maîtriser ses dépenses et transfère parfois des responsabilités sans transférer les moyens nécessaires…

M. Jean-Louis Dumont - Tout à fait.

M. le Président de la commission - …il prend également de plus en plus en charge une partie des impôts locaux à travers les dégrèvements et les exonérations.

M. Jean-Louis Idiart - Il le décide lui-même !

M. le Président de la commission – Non ! Ce sont les partis socialiste et communiste qui les ont accumulés.

M. Jean-Louis Idiart – Pourquoi ne les avez-vous pas supprimés ?

M. le Président de la commission – C’est très difficile, vous le savez bien. Nous n’acceptons pas quant à nous le procès qui ne manquera pas d’être fait à l’État concernant les impôts locaux. Certains collectivités locales ont pris l’habitude de vivre sur un rythme élevé de dépense publique. L’État n’a pas à supporter le coût de la hausse des impôts locaux.

M. Augustin Bonrepaux - Pourquoi ont-ils baissé entre 1997 et 2002 ? Et pourquoi augmentent-ils maintenant ?

M. le Président de la commission – M. Brard, comme d’ailleurs un député socialiste lors des questions au Gouvernement, a caricaturé notre politique en disant que nous donnions toujours plus à ceux qui ont plus et moins à ceux qui ont moins. L’honneur de la politique, c’est de partir des faits même si dans notre pays nous leur préférons souvent le débat d’idées.

M. Jean-Pierre Brard - En tant que marxiste, je pratique les deux.

M. le Président de la commission – Je rappelle que les deux tiers de l’impôt sur le revenu sont payés par 10 % des Français. Selon le conseil d’analyse économique, un célibataire qui, en France, voudrait 68 000 euros de revenus nets de cotisations sociales et d’impôts sur le revenu coûterait 220 000 euros à son employeur contre 130 000 en Allemagne et en Suisse. Ne soyons pas surpris d’assister à des déplacements de sièges sociaux !

M. Charles de Courson - Il faut le marier (Sourires).

M. le Président de la commission – PPE, amélioration du SMIC, politique en faveur de la petite enfance, logement social, revalorisation des prestations sociales et des petites retraites agricoles : ce que nous avons fait en faveur de la justice sociale est loin d’être négligeable (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). La comparaison entre ce quinquennat et les deux septennats de M. Mitterrand serait éloquente sur ce point.

Il est heureux que ce budget allie maîtrise des dépenses publiques et amélioration équilibrée du pouvoir d’achat (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

exception d’irrecevabilité

M. le Président – J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d’irrecevabilité déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Didier Migaud – Mon intervention rompra avec les précédentes : trop, c’est trop !

M. le Ministre délégué – Vous êtes jaloux !

M. Didier Migaud – Tant d’autosatisfaction ne laisse pas de me surprendre ! J’ai connu M. le rapporteur général moins flatteur et plus pertinent. Je comprends d’ailleurs que MM. les ministres soient comblés d’aise devant tant de fleurs qui leurs sont jetées ! J’invite tout de même le rapporteur général à relire certaines fables de La Fontaine, comme Le Corbeau et le Renard.

M. Jean-Pierre Brard - La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf !

M. le Ministre délégué – Et vous, méditez sur La Cigale et la Fourmi !

M. Didier Migaud - Nous ne portons pas la même appréciation sur votre projet de loi de finances, et nous déplorons ce fossé entre la réalité que vous décrivez et celle vécue par nos concitoyens.

Au sujet de la LOLF – sur laquelle, Monsieur le ministre, nous allons, avec Alain Lambert, vous remettre un rapport – je salue le travail accompli par l’ensemble des administrations et des ministères, en particulier le ministère de l’économie et des finances. Il s’agit d’un outil très utile qui rend possible une présentation plus transparente et plus lisible du budget, et nous permet d’exercer notre esprit critique avec plus de pertinence.

Ce projet de loi de finances est le dernier de la législature. Ce sera l’occasion pour nous de faire un bilan et d’apprécier vos résultats, dans l’esprit de la loi organique, à savoir : afficher des objectifs pour évaluer ensuite les résultats par rapport à ceux-ci.

Or, contrairement à ce que vous affirmez, la situation des comptes publics s’est dégradée depuis juin 2002. Vous vous étiez engagés sur trois grands indicateurs : la dette publique, la dépense publique, les impôts, cotisations et taxes ; pour chacun d’eux, les résultats sont moins bons qu’au moment de l’alternance.

M. le Ministre délégué – Il vous faudra vous accrocher pour le démontrer !

M. Didier Migaud - La dette publique est plus importante sous cette législature que ce qu’elle était sous la précédente, si l’on raisonne, comme il convient, par rapport au PIB. Le solde primaire a constamment été négatif depuis 2002, alors qu’il était positif en 1999, en 2000 et en 2001. Monsieur le ministre, vous avez dit qu’il serait presque positif en 2006, mais la baisse de la dette affichée est plus optique que réelle, obtenue par des cessions d’actifs et des « tripatouillages », pour reprendre le terme d’un collègue de vos propres rangs. De même, les niveaux de cotisations sociales et de dépense publique sont aujourd’hui plus élevés que sous le gouvernement Jospin.

M. Philippe Rouault - Vous êtes en pleine contradiction !

M. Didier Migaud - Je vous ai posé la question la semaine dernière, Monsieur le ministre délégué, et j’ai trouvé votre réponse très timide, pour ne pas dire très langue de bois, ce que vous dénoncez pourtant dans votre ouvrage.

M. le Ministre délégué – Dont vous assurez la promotion avec une constance qui me touche !

M. Didier Migaud - Cette dégradation se retrouve au niveau de plusieurs indicateurs : le nombre de titulaires du RMI est aujourd’hui plus important, et l’augmentation du pouvoir d’achat est moindre que sous la législature précédente. La majorité a en fait contraint les salariés à travailler davantage sans gagner plus, du fait de la réduction des majorations pour heures supplémentaires, de la possibilité accrue d’y recourir et de la création de la cotisation Raffarin, qui n’est autre que la réinvention de la corvée.

M. Copé, en réponse à une question au Gouvernement, disait : « Si, par malheur, il devait y avoir une alternance dans quelques mois, on changerait tout ça. La dépense augmenterait, les impôts augmenteraient, les déficits augmenteraient. » Pas besoin d’attendre une alternance : votre cauchemar s’est réalisé sous votre propre responsabilité ! Le docteur Copé dit une chose et M. Jean-François fait le contraire.

L’échec du Gouvernement est patent : la dépense publique n’est pas maîtrisée, la dette a explosé. Pour noircir l’héritage de la gestion socialiste, M. Raffarin avait fait progressé les dépenses, dans le collectif de 2002, dans des proportions inégalées depuis le début de la législature. Puis il a calculé la norme de progression sur un montant rebasé, pour masquer ensuite cette progression. Ceci a fait exploser les dépenses et déficits et a déclenché l’effet boule de neige de la dette publique. La régulation budgétaire n’a pas empêché le poids de la dépense publique de progresser de deux points de PIB depuis 2002.

Le Gouvernement s’est livré à diverses manipulations budgétaires : manœuvres comptables, délestage de dépenses sur les collectivités locales, transformation de dépenses budgétaires en dépenses fiscales. Et malgré cela, la dépense publique ne diminue pas, puisque son poids par rapport au PIB a augmenté depuis 2002, alors qu’il avait diminué sous la législature précédente. La raison en est que les trois leviers utilisés par le Gouvernement pour réduire artificiellement le périmètre de la dépense, soit augmentent les autres postes de dépenses, au détriment de la sécurité sociale ou des collectivités locales, soient masquent certaines dépenses budgétaires – et le rapport de la Cour des comptes est à cet égard éloquent.

La principale manipulation a été le transfert des allégements de cotisations vers la sécurité sociale en 2006. Le rapporteur général, dans un méritoire effort de transparence, réintroduit certaines dépenses dans la norme, mais il s’arrête en chemin, car il n’inclut dans le calcul que les mesures nouvelles : les 320 millions d’euros de nouveaux allègements pour 2007 aux PME, alors que la manipulation effectuée en 2006 a un effet beaucoup plus important : les allégements transférés ont été transformés en moindre recette et non plus en dépense budgétaire, laquelle a dans les faits un caractère dynamique. Ainsi, l’augmentation de la dépense publique est en fait beaucoup plus proche de 2,5 % que de 1,7 %, comme le prétend M. Carrez, et a fortiori que de 0,8 %, comme le prétend le Gouvernement. Les économies que prétend réaliser le Gouvernement ne sont que de pure façade et n’ont aucune réalité, comme nous en avons fait la démonstration ce matin lors d’une conférence de presse.

Les dépenses de l’État progressent en effet beaucoup plus rapidement à partir du moment où l’on ne fait pas que réintégrer les mesures nouvelles mais qu’on mesure également les conséquences des manipulations passées. Le raisonnement est valable pour tous les postes budgétaires identifiés par le rapporteur général, qui, par exemple pour les transferts de recettes aux agences, ne mesure pas l’effet en 2007 des transferts massifs réalisés en 2006. Je note d’ailleurs que vous omettez de prendre en compte les transferts de dépenses dans le cadre de la décentralisation, sachant que les dépenses liées au RMI progressent beaucoup plus vite que l’inflation. Ces évidences se retrouvent dans l’indicateur global de la dépense publique, qui fait état d’une progression substantielle depuis le début de la législature.

Autre manœuvre : la transformation de dépenses budgétaires en dépenses fiscales. Chaque année, de nouvelles niches fiscales sont créées, alors même que le président de la commission des finances ne cesse de dire qu’il faut en finir avec elles. Voilà un comportement bien centriste, qui consiste à afficher des objectifs sans se préoccuper des résultats ! Vous avez en la matière une marge de progression considérable.

La forte progression de la dépense fiscale est très préoccupante. Malgré le souci affiché par le Gouvernement de ne pas les multiplier, le nombre de niches a augmenté de plus de 20 % entre 2000 et 2006. M. Séguin, premier président de la Cour des comptes, le rappelle lui-même : en 2005, alors que les dépenses budgétaires ont augmenté de six milliards, les dépenses fiscales ont augmenté de trois. M. de Courson, quant à lui, fait observer qu’entre 2004 et 2005, le nombre de niches fiscales est passé de 381 à 420 et leur coût de 51,6 à 54,8 milliards.

L’explosion de la dette publique, qui a augmenté de plus de huit points de PIB entre 2001 et 2006, vient en partie de votre incapacité à maîtriser la dépense publique. Comme vous, Messieurs les ministres, je crois que cette tendance est insoutenable à terme, mais elle n’est pas linéaire : vous choisissez de créer une psychose et de culpabiliser les Français les plus modestes, et refusez d’adopter une démarche responsable et rigoureuse qui a pourtant fait ses preuves par le passé, entre 1999 et 2001 par exemple.

Vous prétendez, Monsieur le ministre, avoir fait baisser la dette de deux points de PIB. Quel défi à l’arithmétique : vous reconnaissez donc qu’en deçà d’un déficit de 2,5 %, il serait impossible de réduire notre endettement !

M. le Ministre – Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Didier Migaud – Vous y êtes donc parvenu par des mesures ponctuelles et artificielles.

M. le Ministre – Non : dans la transparence ! Vous n’aviez qu’à le faire avant !

M. Didier Migaud – Or, les recettes vous permettant de réduire la dette se résument à la vente des autoroutes et à une ponction sur la trésorerie de l’État.

M. Jean-Pierre Gorges - C’est de la bonne gestion !

M. Didier Migaud - Non, ce sont deux opérations critiquables et critiquées : la commission des finances a elle-même constaté que le rendement des autoroutes est supérieur au coût de la dette rachetée, et que leur cession appauvrirait l’État ; quant à la ponction sur la trésorerie, elle n’est pas reproductible chaque année.

M. le Ministre – Quelle caricature !

M. Didier Migaud - Au lieu, comme vous tentez de le faire croire, de baisser la dette par une bonne gestion des finances publiques, vous puisez dans des réserves de précaution.

M. le Ministre – Absolument pas !

M. Didier Migaud - Nous considérons que cette politique de terre brûlée est néfaste. Les chiffres sont incontestables : votre politique a provoqué une forte hausse de la dette publique depuis juin 2002.

M. le Ministre – Et l’augmentation de 170 milliards sous M. Jospin ?

M. Didier Migaud - Mais cela n’a aucun sens de raisonner en valeur : il faut envisager les chiffres à l’aune de la richesse nationale !

Vous avez mené une politique fiscale injuste et inefficace en faveur des plus aisés et au détriment de la croissance et de la solidarité. La pression fiscale a augmenté pour le plus grand nombre.

M. Jean-Pierre Gorges - C’est faux !

M. Didier Migaud – Non : renoncez enfin à la méthode Coué !

M. Philippe Rouault - Vous n’avez fait que nous reprocher la baisse de la fiscalité !

M. le Ministre délégué – Cela vous va bien de passer votre temps à contester nos chiffres !

M. Didier Migaud - Ce sont les documents du ministère de l’économie lui-même qui attestent de l’augmentation des prélèvements obligatoires ! Les contestez-vous ? En outre, ces exonérations et allégements ont surtout profité à quelques catégories, notamment les personnes qui paient l’impôt sur la fortune.

M. Jean-Pierre Gorges - Ils ont profité à ceux qui paient des impôts !

M. Didier Migaud - La baisse de ces cotisations n’est pas due qu’à l’augmentation du nombre de personnes redevables, mais aussi à des mesures délibérées de votre part : l’extension du pacte d’actionnaire à l’ISF, le relèvement de 50 à 75 % de l’exonération au titre des biens professionnels, l’exonération de certains investissements et des actions de dirigeants retraités, et ainsi de suite.

De même, le bouclier fiscal, forgé sur mesure pour les dix mille foyers les plus aisés qui vont bénéficier de 250 millions d’allégement, illustre l’injustice de votre politique. Un couple de salariés modestes avec deux enfants, quant à lui, n’aura presque pas bénéficié de vos mesures fiscales, qui profitent en revanche à ceux qui gagnent vingt fois le SMIC et au-delà pour qui le rapport entre l’augmentation de la CSG et la baisse de l’impôt sur le revenu est beaucoup plus rentable.

M. Jean-Pierre Gorges - On ne peut tout de même pas baisser les impôts de ceux qui n’en paient pas !

M. Didier Migaud – En outre, la TIPP et les droits sur le tabac affectent avant tout nos concitoyens les plus modestes. En somme, la pression fiscale a augmenté pour la majorité des Français, cependant que les foyers les plus aisés profitaient de baisses ciblées.

Le Gouvernement, indigne, a tenté de rejeter la responsabilité de cette situation en faisant un faux procès aux collectivités locales.

Plusieurs députés UMP - Les régions, surtout !

M. Didier Migaud - Pourtant, regardons-y de près : plus de la moitié de l’augmentation de 0,7 % du PIB des prélèvements des collectivités locales est liée aux transferts décidés par le Gouvernement dans le cadre de la décentralisation. Cette augmentation n’est due que pour 0,2 % du PIB à une hausse des taux d’imposition. De surcroît, dans cette hausse, les régions pèsent finalement très peu face aux départements et aux communes qui ont voté des augmentations quelle que soit leur couleur politique (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Depuis quatre ans, le Gouvernement a donc appliqué une stratégie de réduction optique du périmètre budgétaire et fiscal de l’État. Entre 2003 et 2006, les débudgétisations ont représenté 0,8 point de PIB, soit 14,5 milliards. Les collectivités locales ont augmenté leurs prélèvements obligatoires de 0,4 % et la sécurité sociale de 0,1 %. Ceux de l’État ont faussement diminué de 0,2 point de PIB : en tenant compte des changements de périmètre, on constate en effet que l’État a augmenté son prélèvement global sur les Français.

La décision des collectivités locales d’augmenter leur taux, surtout liée aux transferts de décentralisation, a un impact minime. Par ailleurs, l’État a accumulé à l’égard des départements une dette de 850 millions d’euros au titre du RMI. Quant à la sécurité sociale, ses prélèvements ont augmenté de 0,6 point – soit 11 milliards – et ont intégralement été décidés par le Gouvernement.

Ainsi, les décisions des collectivités locales n’ont pesé que pour moins d’un quart dans la hausse globale de près d’un point des prélèvements obligatoires. Vos propres chiffres le prouvent : le Gouvernement est le premier responsable de l’augmentation de la pression fiscale.

Vous prétendez, Monsieur le ministre, avoir la culture de l’audit.

M. le Ministre délégué – Vous aussi !

M. Didier Migaud - Tout à fait : c’est pourquoi je ne comprends pas que vous refusiez notre demande d’audit sur les comptes publics.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx - À quoi servent donc les députés et la commission des finances ?

M. Didier Migaud - Si vous êtes si fier de votre bilan, pourquoi ne pas accepter qu’un audit indépendant soit effectué avant les élections ?

Mme Marie-Hélène des Esgaulx – Ce que vous dites est grave : vous réduisez le rôle du Parlement ! Je suis fière d’être députée, et de pouvoir participer au contrôle des finances publiques !

M. Didier Migaud – Moi aussi ; il ne s’agit pas de mette en cause le travail de la commission des finances, mais le Parlement lui-même pourrait profiter d’un tel audit.

Ce qui est grave, c’est que vous refusez systématiquement le débat contradictoire (Protestations sur les bancs du groupe UMP) et que vous assenez de pseudo-vérités sans jamais les démontrer…

Plusieurs députés UMP - Et vous, qu’êtes-vous en train de faire ?

Mme Marie-Hélène des Esgaulx - Notre commission des finances remplit sa mission. Il n’y a pas besoin d’audit !

M. Didier Migaud – Pourquoi refuser de recourir à une expertise indépendante sur nos comptes publics alors que vous l’avez fait en juin 2002 ? Au reste, nous serions très intéressés à ce que vous commandiez une actualisation de l’audit demandé par M. Raffarin avant les prochaines élections…

M. le Ministre délégué – N’oubliez pas de rappeler qu’il était accablant pour la majorité sortante !

M. Didier Migaud - Oh, dans la pire des hypothèses, il évaluait le déficit des comptes publics à 2,4 ou 2,6 points de PIB. Après cinq ans, nous n’arriverons même pas à un tel résultat…

M. le Ministre – Merci les 35 heures !

M. le Rapporteur général – Il n’aura pas fallu moins de cinq ans pour digérer l’héritage !

M. Didier Migaud – Nous avons perdu cinq ans et nos comptes publics ont continué de se dégrader alors même que la croissance mondiale n’a jamais été aussi forte depuis dix ans. De cela aussi nous aimerions débattre mais vous fuyez la confrontation et refusez de solliciter un œil indépendant. En auriez-vous peur ?

Mme Marie-Hélène des Esgaulx - Ce serait nier notre rôle de députés !

M. Didier Migaud - Je veux bien croire, chère collègue, que vous remplissez votre mission de contrôleur avec constance mais permettez-moi de vous faire modestement remarquer que, dans ce cas, vous auriez dû alerter le Gouvernement sur certaines dérives qu’il peine aujourd’hui à dissimuler.

S’agissant du présent PLF, j’observe que certains orateurs, et, en particulier, notre rapporteur général, ont pris quelques libertés avec la réalité et je me dois de les relever. S’agissant des prévisions présentées l’an dernier par le Gouvernement, je n’ai jamais déclaré qu’elles étaient « utopiques » ou même optimistes. Je ne me suis pas placé dans ce registre car je ne suis pas choqué qu’un gouvernement puisse faire preuve d’un peu de volontarisme…

M. le Rapporteur général – Je tiens à votre disposition le compte rendu des débats !

M. Didier Migaud - Je me suis également reporté à mes propos. Je disais simplement qu’il aurait été étonnant que la croissance ne soit pas meilleure cette année, la plupart des prévisionnistes tablant sur une croissance mondiale plus soutenue que jamais. Dans la mesure où tel n’est pas le cas pour 2007, je considère qu’il serait sage de rester prudent.

Et puis, il faut tenir compte de la réalité telle que la vivent nos concitoyens, et, en particulier, les plus défavorisés, dont la situation ne s’améliore pas. Vous le savez bien : la relative bonne tenue de la consommation n’est pas liée à une hausse du pouvoir d’achat des ménages mais bien plutôt à une diminution du taux d’épargne. Mais pour puiser dans son stock d’épargne, encore faut-il avoir les moyens d’en constituer un ! Et c’est loin d’être le cas pour tous les ménages français ! Selon l’OFCE, les taux de croissance anticipés pour 2006 et 2007 resteront nettement en deçà des rythmes supérieurs à 3 % enregistrés à la fin des années 1990 et au début des années 2000.

En 2005, le revenu disponible brut porte la marque de la faiblesse de l’évolution de la masse salariale : plus 1,2 % en termes réels, liés à un ralentissement des salaires horaires individuels – plus 1,1 % contre 2,2 % en 2004 –, non compensé par la reprise de la croissance et, dans une certaine mesure, de l’emploi.

L’enjeu principal est donc bien de revaloriser fortement les salaires et le pouvoir d’achat. À défaut, la consommation ne pourra pas s’installer au-delà de 2,5 %. Or force est de constater que les mesures du présent PLF ne répondent pas à cette exigence.

Derrières les annonces électorales, la stratégie fiscale du Gouvernement reste la même. Nous considérons que cette politique est injuste, que vous refusez de financer un certain nombre de politiques publiques essentielles pour l’avenir et que les comptes publics se sont continûment dégradés du fait de vos cadeaux fiscaux aux plus favorisés. Dans le rapport Pébereau que vous citez volontiers, il était recommandé de ne pas baisser l’impôt…

M. le Ministre – À partir de 2007, et c’est ce que nous faisons !

M. Didier Migaud - Vous prenez ce qui vous arrange et oubliez le reste ! Cela donne le résultat que chacun peut vérifier : 10 % des contribuables captent 60 % de la baisse de l’IR et 10 00  contribuables, parmi les plus aisés puisque redevables de l’ISF, se verront offrir 250 millions en 2007 grâce au bouclier fiscal !

S’agissant des dépenses, on peut noter un effort pour effacer les remises en cause les plus brutales du début de la législature concernant l’emploi aidé. Mais force est de constater que les retards pris dans des domaines aussi essentiels que la recherche, les transports, l’environnement ou la politique de la ville ne seront pas rattrapés. Les moyens mobilisés ne sont pas du tout à la hauteur de vos promesses préélectorales !

Loin de préparer l’avenir, ce budget devra être corrigé dans l’hypothèse d’une alternance, quelle que soit du reste la majorité élue.

Plusieurs députés UMP - Dites-nous dès à présent ce qu’il faudrait faire !

M. Didier Migaud - Cinq années ont été gâchées et vous nous présentez un budget maquillé (Protestations sur les bancs du groupe UMP), injuste et inadapté à la situation économique et sociale de notre pays.

Nous ne voterons pas le PLF. Nous en contestons les orientations et la sincérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre délégué – Bien entendu, j’invite votre assemblée à repousser cette motion. Pour bien connaître Didier Migaud, j’ai du reste été un peu surpris du manque d’enthousiasme qu’il a mis à la défendre, la lecture de ses notes m’ayant paru un peu trop appliquée… (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Augustin Bonrepaux - Répondez plutôt sur le fond !

M. le Ministre délégué – Mais pouvait-il en être autrement ? Quel argument opposer à un bon budget, dans lequel la dette diminue et les impôts aussi ? (Même mouvement)

La vraie question, cher Monsieur Migaud, c’est de savoir ce que vous feriez à notre place. Augmenteriez-vous les dépenses, les impôts et les déficits comme vous avez si bien su le faire entre 1997 et 2002 ? Voulez-vous répéter les mêmes erreurs alors qu’il nous a fallu des années pour tenter de remettre les choses à niveau ?

J’invite fermement votre assemblée à repousser avec ardeur cette motion mollement défendue.

M. le Président – Dans les explications de vote sur l’exception d’irrecevabilité, la parole est à M. Dumont.

M. Jean-Louis Dumont - Pendant plus de deux heures, nous avons entendu les orateurs du Gouvernement et de notre commission défendre ce PLF et le bilan de la mandature d’une façon très tournée vers l’autosatisfaction. Nous avons entendu, Monsieur le rapporteur général, un véritable laudateur et il faut noter que si un peu plus d’ardeur a été mise que d’habitude à cet exercice convenu, c’était sans doute pour tenter de dissimuler quelques insatisfactions.

À la fin de cette législature, les seuls Français pouvant trouver quelque motif de satisfaction à votre politique budgétaire et fiscale sont vos amis des classes les plus favorisées. Et il fallait bien que Didier Migaud, avec la force tranquille qui le caractérise,…

Un député UMP - Le slogan est un peu daté !

M. Jean-Louis Dumont - …dresse un tableau sans complaisance de la situation, au travers d’une analyse nourrie…

M. le Ministre délégué – Vous ramez encore plus fort que Maud Fontenoy !

M. Jean-Louis Dumont - Je vous laisse le soin d’écoper ! (Sourires) Alors, bien sûr, nous savons bien que nous ne vous ferons pas bouger d’un millimètre mais cela ne nous décourage pas de dénoncer une nouvelle fois les mesures inéquitables que vous prenez au profit d’une infime minorité. Dans nos circonscriptions, nous rencontrons chaque jour ceux que votre politique laisse au bord du chemin de la croissance. Rien, dans ce projet de budget, n’est prévu pour eux.

A l’exception d’une allusion aux difficultés d’application de la loi portant revalorisation des petites retraites agricoles, pourtant votée à l’unanimité, il n’y a pas eu un mot pour les retraités, ces petits retraités qui perdent chaque année du pouvoir d’achat et qui trop souvent lorsqu’ils se retrouvent seuls, sont contraints de réduire leur train de vie et parfois de vendre leur pavillon, et que personne n’entend. Personne n’entend non plus les petits salariés des secteurs en perte de vitesse, où l’emploi régresse et où les salaires stagnent, quand ils ne diminuent pas.

Une loi de finances se devrait pourtant d’être globale, traitant certes du développement économique et de la création d’emplois, mais sans oublier celles et ceux auxquels nous devons notre solidarité.

M. le Président – Il faut conclure, Monsieur Dumont.

M. Jean-Louis Dumont - Nous ne cesserons, tout au long de ce débat, de vous rappeler la nécessité de cette solidarité pour que nul ne soit oublié. C’est au nom de la solidarité que je vous demande de voter cette exception d’irrecevabilité.

Je ferai encore plusieurs observations (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Veuillez conclure, je vous prie.

M. Jean-Louis Dumont – La LOLF, tous les orateurs l’ont souligné, pose une nouvelle exigence de transparence et nous donne des responsabilités nouvelles. Elle doit être l’occasion pour nous de ne pas oublier l’essentiel, à savoir qu’il convient d’expliquer à l’ensemble des acteurs économiques, sociaux et culturels du pays le contenu de la loi de finances que la majorité vote et que l’opposition critique afin que, dans la perspective des prochaines échéances électorales, chacun d’entre eux puisse en mesurer l’efficacité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Brard – Jean-François Copé, sans doute envieux devant la pertinence du propos de Didier Migaud, a peiné à le critiquer de manière convaincante. Contrairement aux orateurs qui l’ont précédé, Didier Migaud n’a en effet pas usé de la langue de bois. J’ai noté votre indifférence tout à l’heure, Monsieur Breton, lorsque notre collègue Jean-Louis Dumont a évoqué le sort des petits retraités contraints de vendre leur pavillon (Dénégations de M. le ministre). Je vous observais, vous étiez occupé à autre chose !

M. le Ministre – Et vous, vous lisiez Capital.

M. Jean-Pierre Brard - Oui, parce qu’on y parle précisément de vous !

À écouter le président de la commission des finances, on croirait que le peuple français a été condamné à faire vœu de pauvreté et, sans doute pour accéder au salut, à vivre toujours ici-bas dans la privation. Il va jusqu’à proposer que la prime pour l’emploi figure désormais sur les feuilles de paie, comme si elle faisait en quelque sorte partie du salaire, et ce afin de limiter la pression à la hausse sur les salaires. L’un des problèmes de notre pays réside pourtant dans la persistance de ces petits salaires, qui s’accompagnent d’une déqualification des emplois et d’un chômage de masse. On en arrive au paradoxe de manquer de travailleurs qualifiés, notamment dans l’industrie, quand dans le même temps, trois millions de personnes n’ont pas de travail.

Les ministres se sont tout à l’heure livrés à un exercice de propagande visant à nous faire prendre des vessies pour des lanternes, et en ce domaine, Jean-François Copé s’est, comme à l’accoutumée, montré le plus habile, possédant le gros avantage sur son collègue M. Breton d’avoir subi l’épreuve du suffrage universel. Car même si M. Breton s’en défendait récemment à la radio, affirmant être « un homme politique », il n’est rien d’autre que l’agent du grand capital.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx - Cela ne veut rien dire.

M. Jean-Pierre Brard – Cela ne voudrait donc rien dire, Madame des Esgaulx ? Eh bien, savez-vous ce que représente la rallonge de 500 millions d’euros de la prime pour l’emploi, évoquée tout à l’heure par Pierre Méhaignerie ? Quatre fois les revenus annuels des vingt-cinq plus grands patrons de notre pays ! Vous les connaissez tous personnellement, Monsieur Breton. Voulez-vous que je les cite ?

M. le Ministre – Monsieur Brard ! Jean-François Copé et moi allons nous cotiser pour vous rembourser ce numéro de Capital.

M. Jean-Pierre Brard - Cinq cents millions d’euros, cela représente 55 euros pour chaque bénéficiaire de la prime pour l’emploi, autant dire une aumône. Mais cinq cents millions d’euros, c’est aussi le montant cumulé des dividendes touchés par les trois plus gros capitalistes du pays, en tête desquels une amie à vous, Monsieur Breton, Mme Bettencourt, suivie de M. Pinault et de M. Arnault. Voilà ce que ceux-ci ont empoché grâce au travail de ceux qu’ils exploitent, de ceux que votre politique condamne à vivre dans la misère (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). À eux seuls, ces trois patrons pourraient financer la rallonge de la prime pour l’emploi. Et croyez-vous, Monsieur Breton, que Mme Bettencourt et consorts fassent 35 heures par semaine, vous qui n’avez que ce mot à la bouche ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Vous avez affirmé être un homme politique.

M. le Ministre – J’ai été élu en 1986. Avant vous sans doute !

M. Jean-Pierre Brard - Il y a fort longtemps que je suis élu. C’est d’ailleurs ce que me reprochent mes adversaires. Mais en 1986, vous n’étiez qu’un jouvenceau en politique et je constate que M. Copé vous a beaucoup appris. Il vous est en ce domaine une précieuse béquille. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Mais puisque vous affirmez être un homme politique, je vous lance un défi. Venez dans ma bonne ville de Montreuil débattre, devant ses victimes, de la politique dont vous êtes responsable. Nous verrons alors si vous êtes un homme politique digne de ce nom. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Charles de Courson – Ce débat budgétaire de fin de législature est fort intéressant. Certains se demandent en effet quelle est finalement la différence entre une politique de gauche et celle menée ces cinq dernières années par l’actuelle majorité, soutenue par une large partie des députés UMP. La gauche a assurément mené une mauvaise politique entre 1997 et 2002. Sur 80 milliards d’euros de surplus de recettes fiscales et non fiscales, elle en a affecté 48 à des dépenses supplémentaires, 39 à des cadeaux fiscaux, dégradant de sept milliards le déficit budgétaire. Au fond, la gauche a mené une politique… (« De droite ! » sur les bancs du groupe UMP), non pas de droite, mais une politique irresponsable et laxiste.

Les gouvernements qui lui ont succédé n’ont, hélas, pas fait beaucoup mieux de 2002 à 2007. Sur 68 milliards d’euros de surplus de recettes, 41 milliards ont servi à accroître les dépenses, 23 à réduire les impôts – soit beaucoup moins que ce qu’avait fait la gauche –, et quatre seulement, autant dire rien, à réduire le déficit budgétaire. Si la gauche mérite une très mauvaise note pour sa gestion des finances publiques, l’actuelle majorité n’obtiendrait pas non plus la moyenne.

Un extra-terrestre qui débarquerait dans l’hémicycle (Rires et exclamations sur divers bancs) pourrait légitimement se demander quelle est la couleur politique d’un gouvernement qui a fait passer le poids de la dépense publique dans la richesse nationale de 51,6 % en 2001 à 52,9 % en 2007 ; qui a augmenté les prélèvements obligatoires de 42,8 % en 2002 à 43,6 % en 2007 ; qui, ayant hérité d’un déficit représentant quelque 2,9 % du PIB, l’a laissé filer jusqu’à 3,7 % en 2004 avant de le ramener, on l’espère, à 2,5 % en 2007 ; qui a fait passer la dette publique de 58,2 % du PIB en 2002 à 66,6 % fin 2005 et ne l’a réduite en 2007 de trois points que grâce à des cessions massives d’actifs publics et des opérations de trésorerie. Tous nos collègues de l’UMP diraient qu’un gouvernement ayant agi de la sorte ne peut être que de gauche (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Le véritable problème dans notre pays est de savoir pourquoi, après l’extrême dégradation des comptes publics dans les années 1981-1983, la gauche, lorsqu’elle est au pouvoir, continue de dépenser sans compter et de distribuer des cadeaux fiscaux, et pourquoi la droite ne parvient jamais à redresser la barre. La raison en est que la gauche n’a jamais voulu engager les réformes structurelles nécessaires et que cette majorité n’en a fait que de petites…

Plusieurs députés socialistes – Aucune !

M. Charles de Courson - Si, la réforme des retraites par exemple, même si celle-ci a été insuffisante.

Nous ne voterons pas pour autant cette exception d’irrecevabilité qui ne sert à rien. Mais c’est cette question que posera le candidat UDF à la prochaine élection présidentielle.

M. Michel Bouvard - Je m’étonne une fois de plus d’entendre défendre une motion d’irrecevabilité sans qu’à aucun moment, l’orateur ne prenne même la peine d’évoquer cette irrecevabilité.

M. Jean-Pierre Brard - Elle est morale !

M. Michel Bouvard - On ne fait même plus cet effort. Il faudra peut-être modifier notre Règlement, en ce qui concerne la loi de finances. Cela éviterait que, sur de telles motions, le groupe socialiste explique qu’il va voter en raison de ce que l’orateur de son groupe a dit, et que les orateurs d’autres groupes anticipent sur la suite du débat.

Cela étant, je comprends les regrets de Didier Migaud de n’avoir pu présenter un tel budget comme rapporteur général en 2002. Quand on se souvient comment, à l’époque, on privatisait en catastrophe ASF pendant la nuit tant on courait après les recettes perdues des licences UMTS… Le budget de cette année apparaît beaucoup plus fiable.

Pour me limiter à quelques observations, où est l’injustice, quand le produit de l’ISF continue à augmenter ?

Plusieurs députés communistes et républicains - Pas assez !

M. Michel Bouvard - Nous avons permis qu’un certain nombre de contribuables ne « s’évadent » pas et ne contribuent plus du tout. Où est l’injustice quand la prime pour l’emploi s’accroît et que la convergence des SMIC traduit l’effort de la nation pour ceux qui travaillent et ont les ressources les plus faibles ? Où est l’incohérence, Monsieur de Courson, quand par ailleurs on augmente les investissements depuis cinq ans en permettant un rééquilibrage entre investissement et financement, même si ce n’est pas assez peut-être, et si c’est sur les fonds d’agences hors budget ?

M. Charles de Courson - Ce ne sont pas des ressources permanentes.

M. Michel Bouvard – Bref, c’est un bon budget, et, pour le groupe UMP, il n’y a pas lieu d’adopter une telle motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

L’exception d’irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

question préalable

M. le Président - J’ai reçu de M. Bocquet et des membres du groupe communiste et républicain une question préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Jean-Claude Sandrier – L’an dernier, défendant une motion de procédure sur le budget 2006, j’avais été vilipendé car je livrais des exemples précis sur l’accroissement des inégalités et de la pauvreté. Or voilà que Noëlle Burgi, du centre de recherches politiques de la Sorbonne, a repris mes propos dans une récente publication de l’Institut de recherches en économie sociale. Elle souligne que c’est dix jours avant l’embrasement des banlieues que j’appelais votre attention sur les risques que faisait courir l’aggravation des inégalités et des frustrations en dénonçant des choix budgétaires favorables aux couches aisées. Et elle s’étonnait que, au-delà du rituel parlementaire, les députés de la majorité m’accusent de misérabilisme et de démagogie, alors que je citais des exemples qui n’ont rien d’exceptionnel. Vous devriez vous inquiéter, car votre négation de la réalité fait l’objet d’études à la Sorbonne !

Or cette réalité ne fait qu’empirer et vos budgets y contribuent. Dans son ouvrage Sept millions de travailleurs pauvres, la face cachée des temps modernes, Jacques Cotta cite des cas plus poignants les uns que les autres. Pour illustrer cette détresse, je ne citerai qu’un chiffre : 900 000 personnes ont fréquenté les bains-douches parisiens en 2004 ; elles étaient 300 000 en 1999. Certes, entre-temps la gratuité a été rétablie. Mais surtout, des dizaines de milliers de famille en région parisienne, des centaines de milliers en France, n’ont pas les conditions d’hygiène les plus élémentaires. Cette législature a été celle d’une explosion sans précédent de la précarité et des inégalités. La fréquentation du Secours populaire, du Secours catholique, des Restos du Cœur le confirme, de même que le témoignage des associations qui participent aujourd’hui à la journée mondiale de lutte cotre la misère. Il n‘y a que vous qui ne le voyez pas !

Ce processus est dangereux. Vous contribuez à détruire le pacte social en favorisant la captation des richesses par les nantis et en cassant les services publics.

M. Alain Bocquet - Tout à fait !

M. Jean-Claude Sandrier - Pour faire passer la pilule, vous opposez salariés et chômeurs, public et privé, classes moyennes et défavorisés. Cette stratégie risque d’alimenter les aventures populistes, démagogiques, voire néo-fascistes.

M. le Ministre délégué – C’est inacceptable !

M. Jean-Claude Sandrier - Voyez ce qui se passe dans d’autres pays. Vous pratiquez la division pour faire oublier qu’une caste de parasites richissimes s’engraisse du travail des autres à coups de dividendes exorbitants, de stock-options ou de retraites en or. Jamais vous ne les convoquez devant ce tribunal de l’égalité que vous êtes prompts à instituer pour les retraites par exemple !

Vous vous targuez de présenter un budget de croissance, de soutien à l’emploi et au pouvoir d’achat. Les Français n’en croient pas un mot. Selon un récent sondage, 64 % jugent la politique du Gouvernement mauvaise. Depuis 1983, la part des revenus du travail dans le PIB a reculé de 10 %, au profit du capital. Tel est le véritable enjeu.

Ce qui structure votre budget, en réalité, c’est le choix de l’inégalité. Vous ne cessez de parler de diminution de l’impôt. Mais les prélèvements obligatoires ont augmenté de 0,9 % depuis 2002 et notre système fiscal est de moins en moins progressif, donc moins juste.

Pour 2007, vous tentez de faire passer 6 milliards de cadeaux fiscaux pour les plus aisés derrière la hausse de la prime pour l’emploi ! Vous cassez définitivement le principe de juste contribution de chacun aux charges de la nation, instauré par l’article 13 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

En effet, la réduction du nombre de tranches d’imposition, la baisse du taux marginal, le bouclier fiscal profitent aux plus aisés. Selon le SNUI, reconnu comme plus que fiable (M. Copé éclate de rire), 25 % de la baisse profitent à 0,4 % de nos concitoyens. Vous-même, Monsieur Copé, annoncez un jour que les allégements profitent pour 68 % à ceux qui gagnent moins de 3 500 euros par mois, un autre jour pour 80 %. Mais de toute façon, 90 % des salariés gagnent moins de 2 900 euros par mois ! En fait, depuis 2002, vos mesures fiscales ont profité pour l’essentiel aux 10 % de contribuables les plus riches. En effet, vous avez diminué l’impôt le plus juste, et augmenté les recettes provenant du plus injuste, la TVA. De plus, en transférant les charges sans compensation vers les collectivités territoriales, vous faites payer vos cadeaux fiscaux par une augmentation de la fiscalité locale, plus injuste elle aussi – pour ne pas parler des augmentations de la CSG, qui n’a rien de progressif.

M. le Ministre délégué – C’est vous qui l’avez créée.

M. Jean-Claude Sandrier - Certainement pas les communistes.

M. le Ministre délégué – Vous étiez dans la majorité.

M. le Rapporteur général – Et vous l’avez votée.

M. Jean-Claude Sandrier - Et je ne parle même pas des hausses de prix qui pénalisent les revenus les plus faibles, qu’il s’agisse du logement, du fuel, de l’essence ou des mutuelles. À cela s’ajoute le déremboursement sans fin des médicaments, dont le prix ne cesse pourtant d’augmenter. C’est un véritable scandale, car ce sont les personnes âgées les premières victimes !

Autre inégalité, les cinq milliards d’euros de recettes supplémentaires que vous affectez au remboursement de la dette… L’essentiel de ces recettes provient en effet de la TVA acquittée par les ménages sur leur consommation. Or, l’augmentation de cette consommation provient, comme toutes les études l’ont montré, d’un endettement croissant des Français et de la baisse de leur épargne. C’est donc par l’appauvrissement de nos concitoyens que vous allez rembourser une partie de la dette – dette que vous avez aggravée en distribuant des cadeaux aux plus riches, pour un montant de 23 milliards en quatre ans !

À ces cinq milliards, il faudrait en outre ajouter la baisse d’un point en volume du budget, soit 2,5 milliards d’euros… De telles sommes devraient aller aux dépenses d’avenir, comme la recherche, l’éducation, la formation, les hôpitaux, l’aménagement ou encore le pouvoir d’achat. Comme la Cour des comptes vient de le rappeler, nous devrions soutenir un investissement aujourd’hui exsangue, dont « la faiblesse est l’une des causes de la faible croissance ». Votre budget contribue à l’inverse à transférer les richesses du travail vers le capital !

Je rappelle également que votre réforme de la taxe professionnelle, qui instaure un plafonnement sur la valeur ajoutée et un dessaisissement des collectivités locales, provoquera un nouveau transfert de la fiscalité locale sur les ménages, c’est-à-dire une inégalité supplémentaire !

Il ne vous reste plus, Messieurs les ministres, qu’à soigner l’emballage et à diaboliser la dépense publique. L’application de la réduction de 8 % dès le début de l’année prochaine et l’accroissement de la PPE sont autant de bonnes nouvelles, mais en apparence seulement : chacun mesure bien le caractère éphémère et électoraliste de ces mesures !

Les allocataires des minima sociaux subiront en effet de plein fouet les hausses des autres prélèvements obligatoires. Non seulement, les 500 millions d’euros de PPE supplémentaires ne représentent que 55 euros de plus par bénéficiaire, mais ce montant sera en outre largement grevé par le surplus de TIPP, de CSG et d’impôts locaux qu’il faudra acquitter. Ce sont les plus modestes qui paieront leur propre PPE !

Votre politique fiscale ne fait donc qu’aggraver les inégalités et les injustices, tout en limitant la croissance. Les impôts justes, c’est-à-dire ceux qui sont progressifs, ont en effet reculé de façon dramatique : au sein de l’OCDE, la France a l’un des plus faibles impôts sur le revenu, celui-ci ne représentant plus que 3,2 % du PIB, contre 10 % en moyenne dans l’Union européenne. J’aimerais d’ailleurs que M. Méhaignerie nous explique comment les Allemands parviennent à prélever un montant trois fois supérieur tout en payant moins d’impôt sur le revenu…

Or, à quoi aboutit la réduction de la progressivité fiscale ? Comme le souligne la lettre de l’OFCE, les plus précaires des ménages, c’est-à-dire les 10 % les plus pauvres, ne perçoivent que 2 % du gain, contre 20 % pour les « classes populaires » – qui représentent 50 % de la population – et 38 % pour les classes moyennes – 30 % de la population. Les 10 % de la population restants, c’est-à-dire les couches supérieures, touchent en revanche 40 % du gain, dont 31 % pour les 5 % les plus riches. Ce calcul montre bien que vous ne cherchez qu’à répondre aux exigences des plus nantis, tout en faisant croire aux autres que vous consentez un geste en leur faveur, alors que vous ne faites que les ponctionner davantage par les hausses des taxes, des prix et des impôts locaux !

Quant aux exonérations et aux allégements de cotisations patronales, elles n’ont cessé de croître pour atteindre un montant record de 20 milliards en 2007. Et pourtant, leur efficacité n’a jamais été démontrée – ce n’est pas le groupe communiste qui le dit, mais la Cour des comptes dans le rapport qu’elle a remis en juillet dernier à la commission des finances. La Cour a en effet dénoncé le « résultat incertain » des allégements de cotisations patronales. Elle affirme même que 17 des 20 milliards concernés ne contribuent en rien à la création d’emplois !

Le rapport de la Cour explique également que nous devrions sortir du « vieux schéma » qui consiste à rechercher la baisse des coûts salariaux. En effet, « seule une politique résolument tournée vers l’innovation, c’est-à-dire la recherche, permettra à nos entreprises de résister à la concurrence des pays à bas salaires ». Merci à la Cour de nous donner raison, au bout de treize ans, en dénonçant après nous l’absurdité de la course à la baisse des coûts salariaux ! De cette guerre économique, les seules victimes seront les salariés du monde entier, et les seuls vainqueurs les prédateurs qui accumulent sans scrupule des fortunes considérables…

Sur la question des dividendes et des rémunérations déraisonnables des dirigeants des groupes transnationaux, je vous rappelle les propos tenus par le cardinal-archevêque de Lyon, qui n’est pas communiste : « Où va s’arrêter la valse des zéros ? L’argent rend fou ! Qui poussera enfin un cri ? Nous attendons des initiatives de la part des responsables politiques. »

M. le Ministre - Amen !

M. Jean-Claude Sandrier – Vous parlez de croissance, de pouvoir d’achat et d’emploi, mais c’est une tromperie ! Cette année, 75 000 emplois nets seulement seraient créés dans le secteur marchand, contre 72 000 destructions nettes dans l’industrie et l’intérim. Je vous invite à prendre connaissance de la lettre publiée le 3 octobre dernier par Natexis…

M. le Ministre - Après le clergé, la banque !

M. Jean-Claude Sandrier – Je cite Marc Touati : « D’ici le printemps 2007, le taux de chômage va encore baisser grâce au traitement statistique et social du chômage – il pourrait passer sous les 8,7 %. Pour autant, les créations d'emplois réelles resteront faibles et seront principalement le fruit d'un recours massif à l'intérim (...) Après avoir augmenté de 0,6 % cette année, l'emploi salarié pourrait donc croître d'à peine 0,5 %, ce qui sera suffisant pour faire reculer légèrement le chômage dans un premier temps, mais largement insuffisant pour permettre l'avènement d'un cercle vertueux de croissance. »

M. Philippe Auberger - On n’en sait rien !

M. Jean-Claude Sandrier - Je poursuis : « En conclusion, la baisse du chômage de ces derniers mois aura coûté très cher à la collectivité pour aboutir à une croissance molle du PIB et de l’emploi. »

J’ajoute que les gains de pouvoir d’achat annoncés par le Gouvernement ne sont qu’un artifice. Il est en effet question du revenu brut disponible des ménages et non du pouvoir d’achat des salariés. Ce sont hélas les plus aisés qui s’en sortiront le mieux, une fois encore, notamment grâce à leurs revenus mobiliers et immobiliers. L’INSEE nous indique en effet que les revenus de la propriété seront stimulés par le dynamisme des taux d’intérêt, puisqu’ils augmenteront de 4,4 % cette année après une hausse de 5,1 % en 2005, contre seulement 3 % pour les salaires bruts. 

Le mouvement en cours va donc se poursuivre, et l’INSEE ajoute que le pouvoir d’achat du salaire par tête va à nouveau diminuer de 1 %, après un recul de 0,7 % en 2005 et 1,4 % en 2004. L’État patron accompagne d’ailleurs ce phénomène, car le salaire moyen par tête devrait reculer de 0,2 % dans les administrations publiques, compte tenu de l’inflation. Voilà la réalité du pouvoir d’achat pour les ménages modestes et les classes moyennes ! La dégradation de leur situation sera d’autant plus sensible que les hausses des dépenses obligatoires dépasseront vos prévisions en matière de logement, de transport, d’alimentation ou de santé.

Contrairement à ce que vous affirmez, le maintien de la consommation, si essentiel à la croissance, ne résulte donc pas des gains de pouvoir d’achat, mais d’un endettement aggravé des ménages et de la baisse de l’épargne !

Comme le décrit le sociologue Louis Chauvel, auteur d’un ouvrage paru il y a quelques jours et intitulé : Les classes moyennes à la dérive, « les classes moyennes sont semblables à un sucre dressé au fond d’une tasse : si la partie supérieure semble toujours intacte, l’érosion continue de la partie immergée la promet à une déliquescence prochaine et inéluctable. Les catégories populaires ne vont pas bien en France, mais elles pourraient se sentir moins seules dans quelques années ».

M. Philippe Auberger - Voilà un ouvrage orienté…

M. Jean-Claude Sandrier – Les bénéfices nets des sociétés du CAC 40 ont atteint des records – 57 milliards en 2004 et 85 en 2006, mais « le capitalisme est sans projet » nous rappelle Patrick Artus. « …Faute d’investir ses milliards. Il ne prépare pas l’avenir. L’argent coule à flots, mais seulement pour alimenter la voracité des investisseurs et leur course aux rendements financiers à court terme. » C’est malheureusement une tendance que vous allez conforter en transférer l’argent public vers la sphère privée !

Comment parviendrez-vous à faire passer la pilule ? En divisant, de façon irresponsable, nos concitoyens, et en vous abritant derrière la dette, selon un rituel savamment orchestré.

M. Jean-Pierre Brard - Ah ! La dette !

M. Jean-Claude Sandrier - Que ne justifie-t-on pas en son nom ? Au nom de la dette, vous refusez de réinvestir dans des programmes d’avenir les 5 milliards de surplus fiscaux qui ont été prélevés sur nos concitoyens par des impôts de plus en plus injustes. Au nom de la dette, vous supprimez également plus de 15 000 fonctionnaires…

M. Philippe Auberger - C’est inexact !

M. Jean-Claude Sandrier - …au risque de faire de l’État le plus grand destructeur d’emplois en France. Votre compression des personnels dans l’éducation nationale est sans précédent !

M. Philippe Auberger - N’importe quoi !

M. Jean-Claude Sandrier - Au nom de la dette, vous instaurez, par le biais de la LOLF…

M. le Ministre délégué - … que vous avez votée !

M. Jean-Claude Sandrier - …des carcans qui ne visent qu’à diaboliser la dépense publique, à retirer aux élus du peuple tout pouvoir d’influence sur la politique budgétaire et à nous agenouiller devant le pacte de stabilité européen, qui ressemble de plus en plus à un pacte de déstabilisation sociale !

Le prétexte de la dette est fallacieux ! Il est indécent de l’invoquer quand vos choix l’ont accrue de près de dix points depuis le début de cette législature ? La baisse des impôts progressifs de plus de 23 milliards en quatre ans et vos cadeaux fiscaux ont provoqué des moins-values fiscales. Vous avez accordé des exonérations de cotisations sociales et refusé de taxer les plus-values boursières !

Épargnez-nous le discours moralisateur sur la dette du nouveau-né qui, selon le rapport Pébereau, serait de 17 500 euros ! C’est ainsi que vous justifiez les déremboursements de médicaments, la diminution du nombre de fonctionnaires d’État, la baisse des interventions publiques, ce qui ne manque pas d’ailleurs d’aggraver les inégalités. Mais ce raisonnement, outre qu’il est faux, est malhonnête par omission : il convient en effet de prendre en compte toute la richesse nationale, donc de comptabiliser les actifs liés à cette dette. Ainsi, la richesse nationale étant de 166 000 euros par habitant, la dette du nouveau-né n’en représente que 10 %. J’ajoute qu’il faut tenir compte non de la dette brute, mais de la dette nette. Dans une lettre de janvier 2006, l’OFCE explicite la situation de notre pays : « En terme de dette nette, c’est-à-dire la dette brute moins les actifs financiers détenus par les administrations, la France est à 44 % du PIB nettement en dessous des pays de la zone euro – 58 % –, un peu en dessous de l’ensemble des pays de l’OCDE – 48 % – et des États-Unis – 47 %. Il n’y a donc pas de singularité française ». Vous trichez avec la dette…

M. Alain Bocquet - Eh oui !

M. Jean-Claude Sandrier - …pour faire pression sur nos concitoyens afin qu’ils acceptent des mesures socialement régressives. Vous vous livrez à une mystification visant à nous faire oublier que l’argent coule à flots et que des masses considérables de ressources sont réputées intouchables : profits, dividendes, spéculation, autant de mots bannis de votre vocabulaire ! Lorsque nous en parlons, vous évacuez la question d’un : « Nous n’avons pas la même conception de la société ».

M. Jean-Pierre Brard - Ce qui est d’ailleurs vrai.

M. Jean-Claude Sandrier – C’est un peu court, mais cela nous rassure. Oui, il y a beaucoup d’argent, mais il est mal réparti et mal utilisé. C’est à partir de toutes ces ressources que nous devons élaborer un budget de reconquête économique et sociale où l’égalité et la solidarité seront respectés.

Il s’agit tout d’abord de retrouver des marges de manœuvre en arrêtant les cadeaux fiscaux et en revenant à une progressivité effective de l’impôt afin que l’impôt sur le revenu atteigne 8 % du PIB. Nous proposons pour cela d'augmenter le nombre de tranches et d'accroître les taux des deux plus hautes tranches. De même le rendement de l'ISF serait amélioré en augmentant le nombre de tranches et en accroissant le taux marginal. Cette plus grande progressivité doit s’accompagner d’une baisse concomitante des impôts les plus injustes que sont la TIPP et la TVA sur les produits de première nécessité, mais aussi d’une refonte des impôts locaux sur les ménages. Cela permettrait de dégager tout de suite 15 milliards. La suppression du bouclier fiscal, quant à elle, permettrait de combler plus de la moitié du besoin de financement des hôpitaux.

Il conviendrait de lier la taxation des entreprises à l’emploi et aux richesses créées. Une telle modulation sur les cotisations sociales patronales devrait conduire à revenir sur les 17 milliards d'exonérations et d’allégements divers que la Cour des comptes juge peu utiles à l'emploi. Il est nécessaire de réorienter ces crédits vers un Fonds national et des Fonds régionaux d'emploi et de formation en mettant en place des crédits bonifiés pour les PME ainsi que des programmes de formation. En vingt ans, les cadeaux offerts sur l'IS, la TP et les exonérations de cotisations sociales se sont élevés à 450 milliards, soit la moitié de la dette négociable !

M. Alain Bocquet - Eh oui !

M. Jean-Claude Sandrier - Concernant la fiscalité locale sur les entreprises, nous préconisons une taxation sur les actifs financiers, qui ont augmenté de 107 % en dix ans et s’élèvent à 3 500 milliards. Avec une taxe à 1 %, dans le cadre d'un fonds péréqué, 35 milliards seraient dégagés pour le développement des territoires.

De même, nous sommes favorables à une taxation des plus-values boursières au même taux que les salaires, ce qui dégagerait 20 milliards pour la protection sociale. Enfin, les profits des groupes pétroliers sont tels qu'une taxe exceptionnelle devrait être instaurée. Le Groupe Total a ainsi dégagé 19 milliards de bénéfices nets en dix-huit mois. Une taxation à 10 % relèverait de la simple justice. Nous proposons également une réelle maîtrise des dépenses fiscales, des niches fiscales et des régimes dérogatoires qui profitent aux plus aisés. Certains, comme le régime dit du Bénéfice mondial consolidé, sont de véritables encouragements à l'évasion fiscale !

En réorientant l'investissement vers la production et les dépenses d'avenir et non vers la spéculation, en agissant vraiment en faveur du pouvoir d'achat, c'est tout un pays qui pourrait se remettre dans le bon chemin ! S’agissant de la recherche, le Gouvernement a fait des annonces tonitruantes mais la hausse de 3,2 % du budget, si elle résulte de la simple application de la loi de programmation votée l'an dernier, est loin de répondre aux enjeux : ce sont en effet 17 milliards qui seraient nécessaires pour atteindre l'objectif dit de Lisbonne ! De plus, vous donnez la priorité aux agences de financement sur projets, donc au secteur privé. Ces agences totalisent 985 millions sur le milliard de crédits supplémentaires annuels promis aux chercheurs. Les emplois créés à parité entre l'Université et les organismes qui devaient s'élever à 3 000 ne seront finalement que de 2 000. Un effort bien supérieur pour l'innovation, la formation et l'éducation devrait être consenti car c'est à ce prix que l'on échappera à la course aux bas salaires et à la précarité. De même, il est nécessaire d’agir sur les salaires pour que le rapport entre salaires et profits redevienne plus favorable aux revenus du travail.

Les inégalités, les fractures sociales et sociétales exigent de véritables choix. Alors qu’il faudrait s'attaquer au problème fondamental de la répartition et de l'utilisation des richesses, ce PLF ne fera qu'aggraver les inégalités. Inadapté aux enjeux, il n'y a pas lieu d'en débattre. Il est urgent de proposer un autre budget qui privilégiera les hommes et non le capital. Pour ce faire, je vous propose d’adopter cette motion ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Alain Bocquet - Très bien.

M. le Ministre délégué – Même si je ne vous approuve pas, je reconnais que vous avez beaucoup travaillé votre intervention, fût-elle à sens unique – c’est d’ailleurs pourquoi je m’inquiète de la rhétorique qui résulte de citations tronquées. Il me semble qu’en tout état de cause, il faudrait retirer le mot « néofasciste » de votre intervention. Je ne peux imaginer un tel procès d’intention.

M. Jean-Claude Sandrier - Je ne vous accuse pas.

M. le Ministre délégué – Il est des mots qui sont blessants.

M. Jean-Claude Sandrier - Celui-ci ne vous visait en rien.

M. le Ministre délégué – Nous ne sommes d’accord sur rien. Vous pensez qu’une société peut se construire exclusivement autour des recettes publiques financées par des prélèvements sur les plus riches. Mais à force de vouloir les faire payer, ils partiront !

M. Michel Bouvard - Réfugiés fiscaux à Lausanne !

M. le Ministre délégué – Il faudra alors opérer des prélèvements sur les classes moyennes, c’est-à-dire sur ceux qui travaillent dur pour assurer l’essentiel de la solidarité nationale. C’est précisément l’inverse que nous faisons. Nous démontrons que l’on peut baisser les dépenses, les impôts, les déficits et les dettes tout en rendant aux Français du pouvoir d’achat et en finançant nos grandes priorités. Le désendettement est l’alpha et l’oméga de la politique que nous poursuivons au service de l’intérêt national. J’invite le Parlement à rejeter cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président - Nous en venons aux explications de vote.

M. Michel Bouvard – M. Sandrier est effectivement cohérent et persévérant. Le parti communiste tenait d’ailleurs le même discours lorsqu’il était dans la majorité et demandait au Gouvernement d’alors d’appliquer une politique dont on sait, par exemple avec la bombe à retardement des 35 heures, quelles ont été les conséquences. Je suis stupéfait par une lecture aussi partielle des choses. Si l’on considère le produit fiscal, M. Sandrier voit la hausse de la TVA mais pas celle, considérable, de l’impôt sur les sociétés. Le parti communiste recherchant une taxation de l’outil de travail…

M. Daniel Paul - Non ! C’est un amalgame.

M. Michel Bouvard - …il devrait se réjouir de ce surplus de recettes dont il pense qu’il pourrait financer les actions qu’il préconise.

Le groupe UMP ne votera pas cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Augustin Bonrepaux – M. le ministre du budget avait commencé à comparer la politique du gouvernement Jospin et celle appliquée à partir de 2002 mais il s’est arrêté brusquement avant d’en venir à la dette : passer de 58 % à 66 % du PIB, ce n’est évidemment pas facile. Vous dites que le chômage baisse, mais est-ce un exploit que de l’avoir ramené au niveau où vous l’avez trouvé ? J’ajoute que le nombre de érémistes, lui, a augmenté puisque 300 000 chômeurs de longue durée sont venus grossir les rangs des titulaires de minima sociaux suite au transfert que vous avez opéré. Quant au pouvoir d’achat, vous êtes bien les seuls à considérer qu’il augmente ! Interrogez les retraités et ceux qui ne perçoivent que de petits salaires, d’autant qu’une petite évolution en la matière est annulée par la hausse des prélèvements ! Tout le monde, ainsi, est assujetti à la CSG et les plus modestes, eux, ne bénéficient pas de l’allègement de l’impôt sur le revenu ou sur la fortune !

Votre seule préoccupation pendant ces cinq ans, à chaque budget, dans toutes les lois qui le permettaient, a été de diminuer l’impôt de solidarité sur la fortune. Alors, certes, il y a bien une baisse des prélèvements obligatoires pour ceux qui sont concernés par cet impôt, mais nullement pour les autres !

Vous vous en prenez maintenant aux collectivités locales. Je m’étonne que vous n’ayez pas songé à comparer la situation de 1997 à 2002 avec celle de 2002 à aujourd’hui. Entre 1997 et 2002, les collectivités locales se sont désendettées, et certaines ont diminué les impôts. Demandez-vous donc pourquoi ces impôts augmentent depuis 2002, dans les départements de gauche comme de droite, le Var, la Marne et d’autres ! C’est le transfert du RMI qui en est la cause, et d’ailleurs, le Gouvernement doit deux milliards d’euros aux collectivités : 850 millions au titre de 2005, et plus d’un milliard au titre de 2006.

M. le Ministre délégué – C’est n’importe quoi !

M. Augustin Bonrepaux - Quand allez-vous rembourser ? Le nombre de érémistes augmente, le montant du RMI augmente – et c’est normal – mais la compensation, elle, n’augmente pas.

M. le Ministre délégué – C’est ça ! Je signe des chèques tous les jours.

M. Augustin Bonrepaux - Pour votre information, la commission consultative d’évaluation des charges a reconnu à l’unanimité, majorité et opposition confondues, que le transfert des routes nationales augmenterait encore les dépenses des départements.

Vous êtes responsables de cette situation. La question préalable de nos collègues était tout à fait justifiée, et nous la voterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Pierre Brard – Monsieur le ministre, M. Sandrier n’a pas dit que vous étiez des néo-fascistes, mais que votre politique faisait le lit de l’extrême droite.

M. le Ministre délégué – Ce n’était pas son meilleur passage.

M. Jean-Pierre Brard - Vous devez reconnaître qu’il avait raison ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Vous fabriquez des pauvres par millions, en même temps que vous remplissez les coffres des privilégiés et que vous menez une politique sécuritaire, qui est en échec tous les jours. C’est cela, faire le lit de l’extrême droite ; mais nous n’avons jamais dit que vous en étiez.

Nous ne sommes pas du même monde, et nos inclinations et nos solidarités ne vont pas dans la même direction. Vous êtes du côté du Palais Brongniart, nous du côté du Panthéon, avec Jaurès et Jean Moulin ; vous, c’est le CAC 40, nous, les valeurs de l’éthique (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

En posant sa question préalable, notre collègue a dit qu’il fallait connaître la pauvreté. Or vous ne savez pas ce qu’est la pauvreté ; en tout cas, elle ne vous émeut pas beaucoup ! Vous parlez des classes moyennes, mais c’est une véritable auberge espagnole : vous mettez là-dedans les privilégiés, les grands bourgeois que vous fréquentez, en même temps que les couples d’enseignants ou de médecins hospitaliers, qui, eux, pâtissent de vos politiques. Les vraies classes moyennes sont prêtes à payer des impôts si elles en connaissent la destination, si ces impôts viennent à l’appui d’un véritable projet, par exemple pour l’éducation. Elles ne sont pas composées d’égoïstes.

M. Sandrier a évoqué les prévisions de M. Touati. Le fait que ce dernier quitte Natexis ne change rien à la qualité de son travail, et entre la boule de cristal de M. Breton et les prévisions de M. Touati, je ne balance pas un seul instant. Vous donnez une vision catastrophique de la situation, que seules les améliorations récentes prétendument dues à votre politique corrigeraient. Mais vous savez parfaitement que l’attractivité de notre pays n’a jamais été en cause et que la fiscalité n’a jamais fait fuir qui que ce soit, à l’exception de quelques-uns qui se réfugiaient autrefois à Koblenz et vont aujourd’hui à Francfort, Bruxelles ou Londres. Ne confondez pas ces quelques-uns, qui n’ont pas la fibre nationale, avec la masse des acteurs économiques de notre pays.

Je trouve significatif que nous ayons ce débat aujourd’hui, Journée mondiale du refus de la misère, alors qu’un rassemblement a lieu place du Trocadéro. Pendant que des militants combattent la misère, fidèles à la parole du Père Wresinski, d’autres, avec cynisme, conçoivent des politiques augmentant le nombre de pauvres et de miséreux. Lorsque la gauche reviendra au pouvoir, il faudra augmenter la fiscalité, supprimer les stock options, rétablir la progressivité, faire en sorte que l’impôt sur le revenu devienne la source principale du budget, et non la TVA, qui est un impôt sur les pauvres. Il faudra que le système fiscal soit plus juste.

La formation économique de notre collègue Michel Bouvard est quelque peu défaillante. Il ne faut pas confondre toutes les formes de capital, et je lui recommande donc, pour l’éviter, la lecture de quelques pages du Capital, dans lesquelles il apprendra la différence entre le capital mort, le capital vivant, le capital spéculatif et la plus-value extra sur laquelle surfent vos amis.

Votre politique, monsieur Breton, consiste à enrichir les plus riches et à fabriquer des miséreux. Pour en connaître les effets, il suffit de franchir le périphérique, ce que, de nouveau, je vous invite à faire ((Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Charles de Courson - Les explications de notre collègue Brard suffiraient, à elles seules, à faire voter le groupe UDF contre cette question préalable.

M. Jean-Pierre Brard - Les aristos frémissent !

M. Charles de Courson - Le groupe communiste serait plus crédible si, pendant les cinq années du gouvernement Jospin, il avait ne serait-ce qu’une fois voté contre un budget. Or ils se sont toujours couchés ! (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Nous avons, nous, voté contre le budget l’an dernier.

M. Jean-Pierre Brard - Cela n’avait aucune importance, car vous ne comptez pas !

M. Charles de Courson - Faites comme nous et vous serez respectés. Vous prétendez être proche du peuple, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard - J’en fais partie, pas comme vous !

M. Charles de Courson - Moi aussi, ne faites pas de racisme social. Si vous connaissiez un tant soit peu la réalité sociale du pays, vous sauriez que les retraités perdent un point de pouvoir d’achat depuis dix ans…

M. Jean-Pierre Brard - On vous l’a dit !

M. Charles de Courson - …et que 40 % des cadres subissent également une perte. Si vous augmentez les impôts, vous accentuerez la réduction du pouvoir d’achat pour ces catégories sociales. La seule solution, pourvu que l’on ait un tant soit peu de sens social, est de gérer avec rigueur les dépenses publiques.

Vous avez en partie raison en ce qui concerne les collectivités locales. Dans les conseils régionaux, les majorités de gauche ont augmenté les dépenses de façon abusive, par choix idéologique. Dans les conseils généraux, la situation est différente.

M. Augustin Bonrepaux - Le département de la Marne augmente les impôts !

M. Charles de Courson - Non, le conseil général de la Marne n’augmentera pas les impôts en 2007, de même qu’il ne l’a pas fait en 2006. Le fait que l’État utilise les conseils généraux pour distribuer des dépenses sociales, qu’il est le seul à définir, sans modulation possible au niveau local, a abouti dans tous les départements à une augmentation de 5 % des dépenses sociales. Le courage de moderniser la fiscalité locale a fait défaut. Le Gouvernement mène une politique thatchérienne, partagée d’ailleurs avec la gauche, qui n’a cessé de réduire l’autonomie fiscale des collectivités locales.

Notre collègue Mariton a tort de faire croire que tous les conseils généraux font de la mauvaise gestion et augmentent les impôts. car 48 d’entre eux sont dirigés par des coalitions de droite, du centre et des Verts. Enfin, les impôts des communes ne font l’objet d’aucun excès patent. Restons donc modérés dans nos propos : l’appréciation ultime ne sera pas le fait du Gouvernement, mais bien des électeurs !

La question préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu, ce soir, à 22 heures 30.
La séance est levée à 20 heures 15.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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