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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du jeudi 19 octobre 2006

Séance de 9 heures 30
9ème jour de séance, 18ème séance

Présidence de M. René Dosière
Vice-Président

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

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LOI DE FINANCES POUR 2007 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2007.

après l'Art. 2

M. le Président – Je suis saisi de l’amendement 118.

M. Didier Migaud - Notre amendement 118 pose la question des réductions de l’impôt sur le revenu grâce aux niches fiscales. S’ajoutant aux mesures générales prises pour diminuer le poids de l’impôt sur le revenu, un certain nombre de dispositions fiscales, les niches, produisent le même effet. Pris un à un, chacun de ses dispositifs peut être justifié. Mais la question reste posée de la différence entre une incitation et ce qui peut devenir un véritable privilège fiscal. Le dispositif pour les emplois à domicile, qui avait été proposé par Martine Aubry et que nous ne renions pas, par exemple, permet désormais de réduire abusivement son impôt. Pour résoudre cette question, le Gouvernement avait proposé un dispositif de plafonnement des niches fiscales à la fois d’une grande hypocrisie, puisque très peu de niches étaient en fait concernées, et d’une complexité telle que le Conseil constitutionnel lui-même a dit qu’il n’y comprenait rien et l’a annulé.

Malgré la volonté affichée, le nombre de niches fiscales a sensiblement augmenté depuis juin 2002, de même que les dépenses fiscales, comme cela a été dénoncé par la Cour des comptes. Conscient que cette situation pouvait engendrer des injustices impossibles à assumer, le Gouvernement a donc pris des engagements en la matière, notamment à la demande du président de la commission des finances. Ainsi, l’an dernier, M. Copé tenait ces propos : « Je m’engage solennellement devant vous à créer d’ici à la fin de l’année un groupe de travail comprenant des membres des commissions des finances de l'Assemblée et du Sénat auxquels pourraient être associées des personnalités extérieures, notamment étrangères. Il travaillera sur la base de votre amendement – M. Copé s’adressait à M. Méhaignerie – et rendra ses conclusions courant 2006, sachant que la réforme proposée – celle de l’impôt sur le revenu – n’est de toute façon applicable qu’en 2007. Vous le savez, je n’ai pas l’habitude de ne pas tenir mes engagements. Ce fut le cas pour la réforme de la taxe professionnelle, mais aussi pour la grande réforme fiscale dont nous débattons ce soir. Monsieur le président Méhaignerie, je vous demande donc, si vous l’acceptez, de retirer cet amendement, au bénéfice de cette proposition. » Or, si le groupe de travail a bien été mis en place, il n’a débouché sur rien !

La sincérité du président de la commission des finances, qui n’est pas en cause, s’apparente pourtant parfois à de la naïveté, et il n’a nullement obtenu satisfaction. Ainsi disait-il : « Vous avez rappelé, Monsieur le ministre, que, dans une démocratie, tous les citoyens doivent contribuer à l’impôt à proportion de leurs revenus et que les détenteurs des revenus les plus hauts ne devaient donc pas pouvoir échapper à l’impôt sur le revenu. Je mesure la complexité de la mise en œuvre du dispositif que je propose, car le plafonnement ne porte pas sur 17 niches mais sur 400. J’accepte l’engagement politique que vous venez de prendre. » Cet engagement n’a été valable que pour celui qui l’a cru !

M. Méhaignerie est cependant revenu à la charge, et nous partageons son idée fixe de vouloir plafonner les niches fiscales. Le 15 mai 2006, il disait : « Je déposerai à nouveau un amendement en ce sens si rien n’est prévu dans le budget 2007. Il est à la fois juste et cohérent de prévoir que, pour les contribuables les plus aisés, aucun dispositif quel qu’il soit ne pourra diminuer leur impôt de plus de la moitié pour la partie de leurs revenus correspondant à la tranche la plus élevée ». Chiche, Monsieur le président ! Où est cet amendement ? Nous sommes prêts à le soutenir.

Les engagements pris n’ont pas été tenus. De nouvelles mesures de réduction d’impôt seront décidées en 2007 et de plus en plus de personnes aisées ne paieront plus d’impôt sur le revenu. Telle n’est pas notre conception de la justice fiscale. Si nous voulons que nos concitoyens nous écoutent, nous devons tenir nos engagements, passer du discours aux actes. J’espère que M. Méhaignerie nous rejoindra sur cette argumentation.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - La commission des finances a repoussé cet amendement. Monsieur Migaud, vous nous avez fait une grande leçon, mais sur la période 1997-2002, aucune niche fiscale n’a été remise en cause.

M. Augustin Bonrepaux - Comment ! Vous perdez la mémoire !

M. le Rapporteur général – Vous n’avez adopté aucun dispositif de plafonnement et vous avez créé de nouvelles niches. Je ne citerai que celles qui avaient été proposées par le rapporteur général de l’époque. Deux me viennent à l’esprit : la niche au titre du pacte Migaud–Gattaz, une belle niche, nécessaire, qui prévoit un abattement de 50 % des droits de succession sur certaines conventions, et celle sur les investissements locatifs en zone rurale de montagne.

De 1997 à 2002, la question des niches fiscales vous a donc beaucoup préoccupés et je ne vous jette pas la pierre, Monsieur Migaud : ce plafonnement est si difficile à concevoir que vous n’y êtes pas parvenus en cinq ans. Nous avons, quant à nous, beaucoup travaillé pour élaborer l’article 78 du PLF pour 2006 visant précisément à plafonner les niches. Ce fut très délicat car il a tout d’abord fallu opérer une conversion en une même unité de compte, transformer les déductions du revenu imposable en réductions d’impôt et déterminer les secteurs pouvant bénéficier de ce dispositif. Finalement, nous sommes parvenus à une avancée spectaculaire.

M. Augustin Bonrepaux – Sans aucune valeur !

M. le Rapporteur général – Et qu’avez-vous fait ? Vous avez déféré cet article au Conseil constitutionnel, lequel a estimé qu’une loi trop complexe en matière fiscale ne pouvait être acceptée.

M. Augustin Bonrepaux - Que faites-vous de cette décision ?

M. le Rapporteur général – Le principe d’égalité était en outre méconnu parce que le contribuable ne pouvait connaître précisément les conséquences de cette disposition, et l’article a donc été annulé. Si vous n’aviez pas saisi le Conseil constitutionnel, nous disposerions aujourd’hui d’une bonne mesure et nous ne serions pas dans une telle situation.

M. Didier Migaud - C’est vous qui vous y êtes mis !

M. le Rapporteur général – Il ne faut certes pas abandonner la partie…

M. Michel Bouvard - Très bien.

M. le Rapporteur général – …et nous devons trouver une solution.

M. Augustin Bonrepaux - Quand ?

M. Didier Migaud - Au XXIIe siècle !

M. le Rapporteur général – Soit nous restons dans le dispositif dit de plafonnement qui pourrait par exemple se greffer sur la tranche marginale de l’impôt sur le revenu, soit nous instaurons un impôt minimal parallèlement à l’impôt sur le revenu. M. le ministre délégué au budget a opéré des simulations mais ces dispositifs seraient si complexes que nous n’avons pu aboutir, même si nous avons travaillé d’arrache-pied.

M. Didier Migaud - C’est touchant !

M. le Rapporteur général – Vous observerez d’ailleurs que ce PLF est très économe en matière de nouvelles niches fiscales : nous avons seulement étendu la réduction d’impôt aux frais d’hébergement dans les établissements pour personnes dépendantes. Ce sujet demeure pour nous à l’ordre du jour, mais nous avons besoin d’un peu de temps pour le traiter le mieux possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Augustin Bonrepaux - Combien de temps ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État Si vous ne m’aviez pas cité, Monsieur Migaud, je l’aurais fait moi-même. L’an dernier, j’ai dit à M. le président de la commission des finances combien j’étais favorable à une réflexion sur des processus visant à empêcher une défiscalisation totale des revenus, même si cela est très complexe. Il faut trouver une solution. Le système de plafonnement que nous avions proposé fonctionnait parfaitement mais il est vrai, comme l’a rappelé M. Carrez, que le groupe socialiste à saisi le Conseil constitutionnel, lequel l’a annulé car jugé trop complexe. Dès après l’adoption du budget, nous nous sommes mis au travail et nous avons fait une série de simulations. En conscience, j’affirme que nous l’avons fait avec la meilleure volonté du monde, mais nous n’avons pas voulu présenter un dispositif qui aurait été peut-être pire que le mal tant il était juridiquement complexe. Je suis par ailleurs très favorable aux niches fiscales, mais je récuse leur accumulation.

M. Didier Migaud – Nous sommes d’accord.

M. le Ministre délégué – Ce sont des outils de politique publique très intéressants dont les résultats sont remarquables. Néanmoins, un bon équilibre reste à trouver. Les États-Unis ont mis en place l’alternative minimum tax que vous proposez mais ils envisagent sa suppression, faute de résultats probants. Nous avons travaillé à une nouvelle technique de plafonnement et nous nous sommes heurtés aux mêmes difficultés que l’an dernier. J’ajoute que vous auriez également saisi le Conseil constitutionnel et que nous nous serions retrouvés au même point. Le débat doit se poursuivre et je n’ai aucune objection à formuler pour que vous y soyez associé, Monsieur Migaud.

Avis défavorable à l’amendement.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances La question de la justice fiscale se pose en effet sous la forme soit d’un plafonnement des niches fiscales, soit de l’institution d’une cotisation minimale. Nous avons beaucoup travaillé et nous ne sommes pas parvenus à proposer une réforme simple. Nous nous sommes réunis avec le président de la commission des finances et le rapporteur général du budget du Sénat et nous sommes arrivés à la même conclusion. Ce problème, en outre, n’est pas neuf puisqu’en 1991, Adrien Zeller et Yves Fréville l’avaient soulevé dans les mêmes termes. Le gouvernement d’alors, en dix ans, n’a pas réussi à appliquer de tels dispositifs.

M. Didier Migaud - Nous avons réduit les niches fiscales.

M. le Président de la commission – Je suis persuadé que cette question sera au cœur du projet politique que nous défendrons.

M. Didier Migaud - Toujours demain !

M. le Président de la commission – Nous avons beaucoup travaillé mais sachant qu’un tel dispositif ne pouvait être appliqué, j’ai demandé au Gouvernement de proposer une mesure significative en matière de justice fiscale.

M. Didier Migaud - Vous avez capitulé !

M. le Président de la commission – Le Gouvernement a accepté…

M. Didier Migaud - La constitution d’un groupe de travail !

M. le Président de la commission - …de consacrer 500 millions supplémentaires à la PPE…

M. Didier Migaud - Ce n’est pas pareil.

M. le Président de la commission – …témoignant ainsi de son souci de justice fiscale. Nous continuons en outre à travailler sur un système de plafonnement ou d’impôt minimum alternatif.

M. Augustin Bonrepaux - Voilà cinq ans que vous êtes au pouvoir !

M. Hervé Mariton - Ce qui montre bien que nous avons besoin de cinq ans de plus !

M. le Président de la commission – Qu’avez-vous fait en dix ans, Monsieur Bonrepaux ? J’espère que les Français nous permettront d’appliquer un tel dispositif. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Je donne la parole à un nombre important d’orateurs car nous discutons d’un problème particulièrement important mais cela ne fera pas jurisprudence pour l’ensemble de nos débats.

M. Michel Bouvard – Je me réjouis que M. le ministre délégué ait reconnu l’utilité des niches fiscales. Il importe surtout de les évaluer, car elles doivent d’abord favoriser les investissements. Tout le monde est attaché à l’équité fiscale…

M. Augustin Bonrepaux - Ce sont des mots !

M. Michel Bouvard - …et il n’est pas normal que des contribuables à hauts revenus échappent à une contribution minimale. Cette situation existe depuis longtemps et je mets au défi le parti socialiste de montrer qu’il n’en était pas de même au cours de la législature précédente.

Le problème est complexe. Le projet du parti socialiste ne comporte d’ailleurs aucune proposition précise sur ce point.

M. Augustin Bonrepaux - Si : on revient sur les niches !

M. Michel Bouvard - Il serait donc souhaitable, Monsieur le ministre, que les études qui ont été menées par vos services soient communiquées à la commission des finances : il faut jouer la transparence. Et bien que nous soyons en fin de législature, il serait bon qu’un groupe de travail réunissant tous les groupes politiques se penche sur ces documents pour envisager des solutions, en s’appuyant notamment sur les exemples étrangers. Il faut une totale transparence, d’autant qu’il peut y avoir consensus et que la majorité est très attachée au principe de l’équité fiscale.

M. Didier Migaud - Il s’agit là d’un débat de fond. Nous pouvons certes donner l’impression d’être tous d’accord – il paraît si juste de plafonner les niches fiscales ! Mais le moins qu’on puisse dire est que le Gouvernement ne se distingue pas par ses propositions en la matière. Le rapporteur général et le président de la commission des finances nous reprochent de ne pas avoir nous-mêmes établi ce plafonnement. Nous ne sommes pas opposés aux niches fiscales, dès lors qu’elles peuvent être une incitation utile ou que la réduction d’impôt peut se transformer en crédit d’impôt pour tous les contribuables. Mais durant la dernière législature, nous avons remis en cause ou plafonné un certain nombre de ces niches fiscales. Nous avons par exemple fortement diminué la réduction d’impôt accordée pour les emplois à domicile et moralisé le dispositif applicable outre-mer – ce que vous vous êtes empressés de remettre en cause. Nos conceptions sont donc différentes, et nous le disons dans le projet socialiste.

M. Michel Bouvard - Il n’y a pas de propositions précises sur ce point !

M. Didier Migaud - Vous n’ignorez pas, Monsieur Bouvard, qu’un projet ne constitue pas un programme législatif. Il s’agit simplement d’orientations, et celles-ci sont claires : nous proposons une réduction des inégalités fiscales et une remise en cause de certaines niches fiscales. Nous entendons également revenir sur la réforme de l’impôt sur le revenu, en particulier sur la concentration des avantages sur les tranches supérieures.

Nous comprenons mal qu’il ne soit pas possible d’élaborer un dispositif moins hypocrite que celui qu’avait proposé le Gouvernement l’an dernier.

M. Michel Bouvard - Il existait !

M. Didier Migaud - Vous saviez si bien qu’il était inopérant que vous aviez estimé son coût à seulement quelques millions d’euros ; et il était si complexe que le Conseil constitutionnel l’a annulé.

M. Hervé Mariton - Pourquoi alors en avoir débattu si longtemps ?

M. Didier Migaud - Il est tout de même anormal qu’au delà d’un certain niveau de revenus, on puisse ne plus payer d’impôt sur le revenu pour peu que l’on soit bien conseillé et les exemples ne sont pas si rares que cela.

M. Michel Bouvard - C’était déjà le cas avant 2002.

M. Didier Migaud - Est-ce juste ? Non. Cela pose aussi, d’ailleurs, la question du rapport entre fiscalité de l’État et fiscalité locale. Un nombre croissant de contribuables qui ne sont pas imposables sur leurs revenus payent des impôts locaux élevés, or ce sont les plus injustes. On ne peut s’en satisfaire, et c’est pourquoi le projet socialiste comporte aussi des propositions sur la fiscalité locale. Nous insistons donc. Après en avoir fait un point essentiel et avoir pris des engagements solennels, le président Méhaignerie a capitulé en rase campagne. Il est regrettable qu’il n’ait pas plus de poids.

M. Augustin Bonrepaux - Avec un peu de bonne volonté, nous pouvons moraliser notre fiscalité. Henri Emmanuelli nous a démontré hier que pour peu qu’il bénéficie de toutes les niches fiscales, un parlementaire pourrait ne payer que 14 euros d’impôts par mois ! Est-ce normal dans la situation financière de notre pays, alors que nous avons tant besoin de moyens nouveaux et que la plupart des contribuables modestes payent bien davantage ? Non. Il est inutile d’attendre pour moraliser notre fiscalité. Le bouclier fiscal que vous avez établi est déjà particulièrement injuste. De fait, il protège ceux qui auraient été touchés par le plafonnement que vous vouliez instituer l’année dernière. Pourquoi donc avez-vous peur ?

Nous ne sommes pas contre les niches fiscales lorsqu’elles favorisent l’emploi ou l’investissement. Mais vous les transformez en cadeaux fiscaux, votre préoccupation étant en réalité de diminuer l’impôt des plus aisés. Nous avions créé, à l’initiative de Martine Aubry, une niche fiscale pour encourager l’emploi à domicile. Dès 1993, M. Sarkozy a triplé l’avantage en prétextant que c’était préférable à une réduction des tranches supérieures de l’impôt sur le revenu. Bref, d’une niche efficace, vous avez fait un cadeau fiscal. En 1997, nous avons diminué l’avantage, son seul objectif devant être d’encourager l’emploi. Vous l’avez augmenté à nouveau, pour le seul profit de moins de 50 000 contribuables ! C’est une insupportable injustice. M. le rapporteur général a dit que nous avions créé des niches fiscales. C’est vrai ; nous en avons en particulier créé une pour stimuler l’investissement dans les régions touristiques. Il s’agissait d’encourager la création de résidences de tourisme. Vous avez doublé l’avantage à l’initiative de M. Bouvard !

M. Michel Bouvard - Et nous l’avons tous voté en commission, Monsieur Bonrepaux !

M. Augustin Bonrepaux – Je reprends la proposition de M. Bouvard. Puisque vous dites que le plafonnement est impossible, ou qu’il vous faudrait encore cinq ans…

M. le Président – Veuillez conclure.

M. Augustin Bonrepaux - …il faut que la commission des finances ait connaissance des études du Gouvernement qui concluent à l’impossibilité d’instaurer un tel plafonnement. Cela nous permettrait de juger de la pertinence de l’amendement présenté l’année dernière par le président de la commission. Une autre solution consiste à examiner les niches les unes après les autres pour évaluer leur efficacité et revoir les niches des emplois à domicile et des investissements touristiques. La commission pourrait faire des propositions pour moraliser notre fiscalité. Je demande une suspension de séance d’une demi-heure afin qu‘elle puisse en discuter. Vous ne pouvez terminer la législature en laissant croire que les revenus élevés peuvent échapper à l’impôt.

M. le Président – Avant de faire droit à votre demande, je vais mettre aux voix l’amendement 118.

M. Augustin Bonrepaux - Non ! Ma demande de suspension est de droit !

M. le Président – Vous ne souhaitez donc pas que je mette l’amendement aux voix ?

M. Augustin Bonrepaux - Bien sûr que non, puisque ma demande de suspension doit permettre d’étudier le dispositif.

La séance, suspendue à 10 heures 15, est reprise à 10 heures 20.

M. Didier Migaud - Tout le monde voit bien que nous n’avons pas, les uns et les autres, la même conception de la justice fiscale.

M. le Ministre délégué – Ce n’est pas si sûr.

M. Didier Migaud - Quoi qu’il en soit, je voudrais que deux engagements soient pris, l’un par le ministre, l’autre par le président de la commission des finances et le rapporteur général. Nous voudrions tout d’abord que tous les documents qui ont fait l’objet d’un échange entre vous, Monsieur le ministre, et la commission des finances soient communiqués à l’ensemble des membres de celle-ci afin que nous puissions travailler en toute transparence. Nous voudrions ensuite que M. Méhaignerie accepte qu’un petit groupe de travail soit constitué au sein de la commission pour examiner ces documents et faire, d’ici à la fin de l’année, des propositions, qui pourraient être reprises dans le collectif.

M. Philippe Auberger - Au cours de la discussion générale, j’ai moi-même fait des propositions sur ce sujet et j’espère que le ministre me répondra. Mais si je prends la parole, c’est surtout pour dénoncer le double langage de nos collègues de l’opposition, qui soutiennent ici qu’il faut limiter les niches fiscales mais qui ont eu une autre position lorsqu’il s’est agi, par exemple, de l’outre-mer. En tant que rapporteur de la loi de programme sur l’outre-mer, j’avais essayé de limiter les possibilités de déduction, mais j’ai été battu par des collègues socialistes !

M. le Rapporteur général – C’est vrai.

M. Philippe Auberger - Trêve de double langage, donc !

M. Marc Le Fur - Très bien.

M. Augustin Bonrepaux - Je regrette que le président de la commission des finances n’ait pas jugé bon de réunir immédiatement la commission pour examiner les documents dont on nous a parlé…

M. Michel Bouvard – On ne va pas travailler à la sauvette ! Le sujet est trop sérieux.

M. Augustin Bonrepaux – En tout cas, au lieu de remettre à plus tard un plafonnement général des niches, nous pourrions déjà remettre à un niveau juste la niche que constitue la déduction pour emploi à domicile !

Je souhaite moi aussi que l’engagement soit pris de nous communiquer tous les documents nécessaires et de constituer un groupe de travail en vue de moraliser, d’ici au collectif, l’impôt sur le revenu.

M. le Rapporteur général – Un groupe de travail a été constitué avec les deux présidents des commissions des finances de l’Assemblée et du Sénat et avec les deux rapporteurs généraux. Nous nous sommes réunis à trois reprises au premier semestre et un certain nombre de documents nous ont alors été remis. Nous vous les communiquerons sans problème. Mais je veux déjà indiquer que la décision du Conseil constitutionnel rend délicate la piste du plafonnement des niches. Il faut que nous mesurions bien les conséquences de la décision du Conseil.

M. le Ministre délégué – Avant de vous répondre sur le fond, Monsieur Migaud, permettez-moi une remarque : il n’y a pas d’un côté la gentille opposition qui lutte contre les injustices, de l’autre la méchante majorité qui veut favoriser les riches.

M. Augustin Bonrepaux - C’est pourtant bien le cas.

M. le Ministre délégué – J’ai fait l’effort d’une contrition, Monsieur Migaud, ce qui est chez moi assez rare. Nous avons travaillé longuement, rigoureusement, pour trouver le meilleur équilibre possible.

M. Didier Migaud - On n’en sait rien.

M. le Ministre délégué – Je peux espérer que ma parole vaille quelque chose.

Vous me demandez de voir les résultats de ces travaux. Je les tiens bien volontiers à votre disposition et je vous donnerai tous les éléments sur lesquels nous avons travaillé, car je n’ai absolument rien à cacher, sur ce sujet comme sur le reste. Je vous demande en contrepartie de reconnaître que j’ai été de très bonne foi, comme l’ont fait M. Carrez et M. Méhaignerie. Vous savez que s’ils n’avaient pas été d’accord, ils l’auraient dit.

Je tiens donc les études à votre disposition, et je suis même prêt à travailler avec vous. Vous verrez alors que le sujet est très compliqué. Je vous mets d’ailleurs au défi de trouver la bonne solution, pour la bonne raison que vous avez vainement essayé, durant les années où vous avez été au pouvoir. Nos objectifs sont les mêmes, nous sommes républicains comme vous, nous essayons comme vous de concilier justice et équité. Je vous propose donc de travailler ensemble sur ce sujet, en ayant à cœur de veiller à la simplicité du système.

L'amendement 118, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – Je vous signale que nous avons traité un amendement en une heure. Dorénavant, les temps de parole seront plus stricts.

M. Marc Le Fur - Si quelque chose doit tous nous rassembler, c’est le souci de la neutralité fiscale. Quel que soit le choix de nos concitoyens concernant l’organisation de leur vie affective, il doit rester neutre sur le plan fiscal. J’ajoute que si une catégorie ne doit pas être défavorisée, c’est celle des couples mariés. Or, en l’état du droit, il existe une possibilité d’optimisation fiscale pour les concubins avec enfants, notamment pour les personnes aisées.

Les couples mariés ou pacsés sont soumis à une déclaration commune. Les concubins peuvent déclarer chacun de leur côté. Dans ce cas, l’un peut déclarer l’enfant, donc bénéficier du quotient familial, ce qui est parfaitement normal, mais l’autre peut aussi déduire une pension alimentaire. Autrement dit, ces deux avantages se cumulent. Cette situation ne résulte pas de la loi, mais de la simple doctrine administrative. Il s’agit donc d’une décision qui n’a pas été débattue ici et qui s’applique pourtant en droit objectif – en l’occurrence, il s‘agit d’une réponse à une question écrite datant de 1976. Je trouve cela choquant, non seulement parce qu’il s’agit d’une question majeure qui nous a échappé, mais surtout parce que de ce fait, l’optimisation fiscale est réservée aux initiés. Si vous vouliez conserver ce dispositif, il devrait bénéficier à tous.

L’amendement 36, qui a été repris par la commission des finances, a donc pour objet non pas d’interdire le versement d’une pension, mais de la plafonner – comme l’est d’ailleurs le quotient familial. Pourquoi ce dispositif serait-il le seul à ne pas l’être ? Nous devons légiférer sur cette question et rétablir le principe de la neutralité fiscale.

M. le Rapporteur général – La commission veille toujours à éliminer les distorsions fiscales, notamment au détriment des couples mariés. Le sujet a soulevé de nombreuses questions. Dans le doute, nous avons adopté cet amendement, en attendant les lumières du ministre.

M. le Ministre délégué – La question est intéressante, même si j’ai été quelque peu surpris de la voir arriver dans cette discussion. Il me semble qu’un sujet aussi vaste que les choix de vie des Français ne peut être traité sous le seul angle fiscal. Il est donc difficile de répondre aujourd’hui, d’autant que cet amendement poserait une légère difficulté dans le sens où il s’appliquerait aux revenus 2006. Nos concitoyens devraient donc refaire d’un coup tous leurs calculs, ce qui va à l’encontre de la philosophie générale du texte qui tente de nous projeter dans l’avenir et d’instituer la plus grande transparence possible. Je vous propose donc de tenir ce débat, de façon plus globale, en d’autres circonstances et je serais sensible au fait que vous acceptiez de retirer cet amendement, sans quoi je demanderais à l’Assemblée de le rejeter.

M. Philippe Auberger – Je n’ai pas voté cet amendement en commission, car je ne le comprends pas. Si les concubins vivent ensemble, il n’est nullement besoin de déclaration de concubinage notoire pour qu’ils fassent une déclaration commune : l’administration se base sur la situation de fait. Dans ces conditions, le quotient familial s’applique à eux et ils ne peuvent pas déduire de pension alimentaire.

M. Marc Le Fur - Ils le font !

M. Philippe Auberger – Mais ce n’est pas légal. Selon un principe constant, le droit fiscal tient compte des situations de fait et non de droit. Si les concubins ne vivent plus ensemble, le juge décide qui a la garde de l’enfant et fixe le cas échéant la pension alimentaire, mais elle est toujours très faible et l’avantage fiscal est donc très réduit. Je ne vois pas l’intérêt de cet amendement.

M. Hervé Mariton - Il me semble que tout le monde à raison. Le principe qui doit prévaloir, c’est que, quelle que soit la situation du couple, il ne doit faire qu’une déclaration. L’administration doit y veiller, et le ministre pourrait peut-être le rappeler à ses services.

M. Marc Le Fur - Il y a des concubins qui vivent ensemble et qui ne sont pas soumis à l’obligation de déclaration commune.

M. Hervé Mariton - Si !

M. Marc Le Fur - Mais ils sont 90 000 à ne pas le faire !

M. le Rapporteur général – Comment les a-t-on comptés ?

M. Marc Le Fur – Je souscris totalement aux principes énoncés par Philippe Auberger, mais ils ne sont tous simplement pas appliqués. Dans les faits, il existe des concubins qui optimisent leur situation fiscale. Si le ministre nous assure qu’il sera mis un terme à cette anomalie, je m’inclinerai volontiers.

M. le Ministre délégué – Nous allons déjà perdre Augustin Bonrepaux, heureusement que nous gardons Marc Le Fur !

Si vous me demandez de dire à mes services de continuer à faire leur travail, je vous confirme qu’ils le feront, notamment dans leur activité de contrôle pour éviter les tricheries. Pour le reste je vous invite à nouveau à retirer votre amendement.

M. le Président de la commission – Le problème que vient de soulever Marc Le Fur est encore plus important en matière de distribution des prestations. Il serait souhaitable, peut-être en commun avec la Cour des comptes, de se pencher sur l’ensemble du problème du contournement des système de prestations et de fiscalité. Mais cela demande un travail approfondi, que nous pourrions accomplir ensemble.

M. Marc Le Fur - Si je comprends bien le ministre, la doctrine qui est appliquée aujourd’hui sera remise sur l’ouvrage. Je retire donc l’amendement 36.

M. Didier Migaud - L’amendement 119 est de repli. Il propose de plafonner à 7 500 euros l’avantage fiscal tiré de l’addition de différentes niches fiscales.

Je ne partage pas le point de vue de Philippe Auberger sur les dispositifs fiscaux en faveur de l’outre-mer. Sous la législature précédente, nous avons réformé et moralisé la loi Pons. Les propositions que j’avais formulées dans mon rapport ont été reprises en loi de finances, et Christian Paul les a complétées. Dès l’alternance, vous êtes revenus sur le sujet pour augmenter encore les possibilités de défiscalisation outre-mer. Nous sommes pourtant plusieurs, au sein de la commission des finances et sans tenir compte des clivages politiques, à nous interroger non pas sur l’intérêt de ces dispositifs – les politiques d’aménagement du territoire peuvent être utilement aidées par des incitations fiscales – mais sur les montants et sur l’efficacité de ces mesures. Il est vrai qu’il est difficile de se retrouver seul face à nos collègues d’outre-mer pour en parler.

M. Philippe Auberger - C’est ce qui m’est arrivé, pour la loi de programmation ! Vous n’étiez pas là !

M. Didier Migaud – Il faut faire preuve de pédagogie et discuter avec eux, mais lorsque j’étais rapporteur général, j’avais pu obtenir leur accord sur le dispositif revu et corrigé. C’est la preuve qu’il est parfaitement possible d’échanger utilement avec eux, pour remettre en cause des avantages qui ne sont économiquement pas justifiés et qui sont contraires à la justice fiscale.

Je maintiens donc l’amendement et confirme que nous sommes prêts à améliorer le dispositif.

L'amendement 119, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Hervé Mariton - Notre système fiscal est fondé sur la familialisation. Pourtant, la décote – entre autres dispositifs – y échappe. L’amendement 226 tend à rectifier cette incohérence. Compte tenu des obstacles techniques et financiers – cet amendement coûte cher – notre objectif n’est pas tant de résoudre le problème que de le poser : il faut envisager comment, à terme et à coût constant, familialiser la décote qui, en l’état, n’est pas satisfaisante.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable pour trois raisons : notre impôt sur le revenu est déjà le plus familialisé au monde, votre amendement en exclurait 2,8 millions de ménages supplémentaires et il coûterait la bagatelle de deux milliards d’euros.

M. le Ministre délégué – Même avis.

M. Marc Le Fur - Ni la CSG ni, bien sûr, la TVA ne sont familialisées. L’impôt sur le revenu l’est, mais il comporte encore plusieurs scories qui excluent de la familialisation les revenus les plus faibles. Ainsi, la décote – qui consiste à éviter un ressaut d’imposition pour les travailleurs gagnant le SMIC – est calculée par foyer fiscal, et non par part comme nous le proposons dans notre amendement. Du coup, seuls les célibataires en profitent ! En l’état, notre amendement coûte cher, et pour cause : seul le ministère des finances peut calculer un montant de décote plus faible à coût constant. Cependant, l’idée est viable, pourvu que le ministre nous apporte son concours.

L'amendement 226, mis aux voix, n'est pas adopté.

Art. 3

M. Jean-Claude Sandrier - Vos propositions relatives à la prime pour l’emploi n’ont de social que l’apparence : les 55 euros mensuels supplémentaires que percevront ses bénéficiaires auront été vite absorbés par la hausse des taxes, de la CSG et des prix. Certes, la PPE fournit un complément de revenus à ceux de nos concitoyens que votre politique met en difficulté, mais son augmentation est une mesure purement électoraliste. Les 500 millions que vous lui affectez représentent le seul montant des dividendes perçus par les trois plus grands capitalistes de France en 2005 !

En outre, la PPE est versée de façon inégalitaire : 40 % seulement du dixième le plus pauvre de la population la perçoit, car les autres sont trop précarisés pour être éligibles. Vous brandissez encore et toujours le vieil argument réactionnaire selon lequel la PPE aurait vocation à ramener à l’emploi ceux qui se dorent la pilule grâce aux minima sociaux.

M. Michel Bouvard - Ils existent !

M. Jean-Claude Sandrier - Peut-être, mais vous en faites la règle alors qu’ils sont l’exception ! Ceux de nos concitoyens que les emplois précaires ou sous-payés empêchent de payer les frais de garde ou de transport ont besoin de cette prime, et pourtant ils en sont exclus !

En outre, la PPE est une véritable trappe à précarité qui affaiblit notre croissance et notre compétitivité. Elle vous permet d’éluder le débat urgent sur le montant des salaires et la lutte contre le travail précaire, et de compenser avec des fonds publics la réticence du privé – à qui vous offrez par ailleurs de somptueux cadeaux – à revaloriser les salaires. L’intégrer à la fiche de paie, comme le propose le président de la commission, revient à éviter au patronat toute négociation salariale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Nous dénonçons vigoureusement cette politique des bas salaires.

M. Éric Besson - Je suis navré d’entendre que M. le ministre vit mal le fossé qui sépare la gentille opposition de la méchante majorité, mais l’accroissement des inégalités et l’injustice fiscale sont des faits, et vous ne pourrez plus les nier durant les prochains mois ! D’ailleurs, l’injustice fiscale était inscrite dès 2002 dans le programme de campagne du candidat Chirac qui ciblait la baisse de l’impôt sur le seul impôt progressif – l’impôt sur le revenu. Assumez vos décisions !

D’autre part, M. le rapporteur général nous reprochait hier de ne pas voir que, malgré sa baisse, le rendement de l’impôt sur la fortune avait augmenté.

M. le Rapporteur général – C’est vrai !

M. Éric Besson - (L’orateur brandit un graphique) Peut-être, mais ce tableau montre que les cotisations moyennes ont baissé !

M. le Rapporteur général – Raisonner en termes de cotisations est absurde : votre tableau est spécieux !

M. Michel Bouvard - La tranche supérieure a augmenté tandis que la tranche inférieure a baissé !

M. Éric Besson - Permettez-moi donc d’achever ma démonstration par l’absurde : je remarque que vous ne contestez plus la baisse de la cotisation moyenne.

M. le Rapporteur général – Mais l’impôt a augmenté de 50 % !

M. Éric Besson - Quant à la prime pour l’emploi, qui peut être considérée comme une trappe à bas salaire pesant trop lourdement sur l’évolution des revenus, nous considérons qu’elle doit, à terme, être éliminée dans le cadre de la fusion entre l’impôt sur le revenu et la CSG. Néanmoins, elle existe, et c’est même aujourd’hui le seul outil susceptible de renforcer sans délai le pouvoir d’achat des plus modestes et réparer ainsi l’injustice créée par vos budgets successifs. C’est pourquoi nous vous proposons son augmentation substantielle par l’amendement 129.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable. Depuis 2002, la majorité a doublé la PPE, et son montant mensuel atteindra 950 euros en 2007 pour les salariés rémunérés au SMIC, soit presque l’équivalent d’un treizième mois ! Même s’il faudra en modifier certaines modalités, c’est un dispositif qui augmente le pouvoir d’achat. À ce titre, je rends hommage à M. Méhaignerie qui a beaucoup œuvré à sa majoration et qui souhaite avec raison son intégration à la feuille de paie.

M. le Ministre délégué – Il faut bien sûr repousser cet amendement. En me félicitant, en introduction à ce débat, de la qualité des travaux menés en amont, j’avais en particulier à l’esprit la contribution décisive de Pierre Méhaignerie pour aller le plus loin possible dans la revalorisation du travail. Il faut en effet marquer clairement une différence entre les revenus du travail et les revenus qui n’en proviennent pas : sans remettre en cause ni le RMI ni les minima sociaux, on ne peut accepter que reprendre un travail se traduise par une perte de revenus. Augmenter la PPE, c’est contribuer à revaloriser le travail. Elle a d’ailleurs été créée par la gauche ; je m’étonne donc qu’il n’y ait pas unanimité sur ce point, d’autant que les travailleurs au SMIC bénéficient ainsi d’un treizième mois. Cela n’enlève rien à la fragilité du système, mais c’est un autre débat.

M. Michel Bouvard - Curieusement, chaque fois qu’il est question de la PPE, nos collègues socialistes parlent de l’ISF. Ce sont deux sujets totalement différents. Mais, Monsieur Besson, le fait même que le rendement de l’ISF diminue justifie la mise en place du bouclier fiscal. En effet, c’est pour la tranche des très hauts revenus qu’on constate une évasion fiscale qu’il faut freiner, tandis qu’à la base, la hausse des prix de l’immobilier fait grossir le nombre de ceux qui disposent d’une plus-value latente, qu’ils ne réaliseront d’ailleurs jamais puisqu’elle concerne leur résidence principale. Je vous invite donc à être plus objectif.

M. Jean-Pierre Brard – Avec l’écrasante majorité que vous donne le système électoral, vous ferez voter ce que vous voulez en loi de finances. Tout l’exercice consiste pour vous à enrober de miel une pilule amère et, pour nous, à faire preuve de pédagogie pour faire percevoir aux Français toute l’amertume qui se cache sous le sucre !

Monsieur Bouvard, vous qui avez la fibre gaulliste – les jours pairs du moins (Sourires) – pensez donc au joli village de Bonneval, dans votre circonscription. Si ses habitants vous entendaient ainsi défendre les redevables de l’ISF,…

M. Michel Bouvard - Avec la hausse de l’immobilier, certains y sont assujettis !

M. Jean-Pierre Brard - …ils seraient bien étonnés.

M. le ministre mentionne la « fragilité » du système. Que non ! Il est en béton. Le rapporteur général met en avant les 950 euros de PPE, qui donnent un treizième mois aux smicards.

M. le Rapporteur général – Mais c’est bien !

M. Jean-Pierre Brard - C’est formidable, bien sûr ! Seulement, vous oubliez les 14 000 plus gros assujettis à l’ISF, qui reçoivent en cadeau chacun 18 500 euros en moyenne, soit vingt fois ces 950 euros ! Eux peuvent vraiment dire : « C’est formidable ! Nous n’avons rien demandé, et ils remplissent notre auge quand même. »

Le ministre nous dit, avec raison, qu’il faut faire la différence entre ceux qui vivent de leur travail et ceux qui n’en ont pas.

M. le Ministre délégué – Vous progressez.

M. Jean-Pierre Brard - Oui. Seulement, là où vous ne voyez que les gens au RMI et les chômeurs, je vois aussi ceux auxquels vous réservez toutes vos attentions, dont les revenus ne proviennent nullement du travail, ces gens dont un Président de la République disait qu’ils s’enrichissent en dormant. Serge Dassault par exemple, ce n’est pas 950 euros qu’il a touchés en 2005, mais 80 millions de dividendes. Il faut faire de la pédagogie à ce sujet, car nos compatriotes, grâce aux chaînes parlementaires, suivent nos discussions plus que vous ne l’imaginez. Vous ne pouvez plus dissimuler si facilement vos coups tordus !

M. le Rapporteur général – Serge Dassault a quand même enlevé une mairie communiste.

M. Jean-Pierre Brard – Qu’il se soit emparé d’une municipalité ne prouve absolument rien.

M. le Ministre délégué – C’est quand même un fameux constat d’échec pour vous !

M. Jean-Pierre Brard - N’essayez pas de nous éloigner du sujet. Le fond de l’affaire, c’est bien que vous gratifiez les smicards d’une obole de 950 euros par an, tandis que M. Dassault, avec nos impôts, puisque c’est surtout l’État qui achète ses avions, a empoché 80 millions de dividendes en 2005. Telle est votre politique. Mais nous ferons tomber vos masques, car la loi de finances, ce n’est pas le carnaval, et nous montrerons quels intérêts vous servez.

L'amendement 129, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général – L’amendement 142 est rédactionnel.

M. le Ministre délégué – Favorable.

M. Didier Migaud – Je reviens sur la PPE. Si elle a doublé, comme on nous l’affirme avec insistance, pourquoi les crédits ne sont-ils toujours que de 4 milliards ? C’est que depuis trois ans, vous jouez sur les mots. Ce qui double, c’est la participation de l’État, passée effectivement de 2 à 4 milliards entre 2002 et 2007. Encore faudrait-il tenir compte de l’inflation et de l’augmentation du nombre de bénéficiaires. En tout cas, très nombreux sont ceux qui ne perçoivent pas le treizième mois dont on parle. Je tenais donc à relativiser l’effort fait par ce gouvernement, par rapport à tous les avantages qu’il accorde aux plus aisés.

M. Philippe Auberger - Après les propos de M. Migaud et de M. Brard, je me dois de revenir sur des inexactitudes flagrantes. Il y a 8 millions de bénéficiaires de la PPE, ce qui enlève tout sens à la comparaison avec un ou deux cas à l’autre bout de l’échelle sociale. On ne peut donc minimiser l’effort, qui se poursuit cette année avec l’octroi d’un milliard supplémentaire pour au titre de cette prime.

M. Didier Migaud – À diviser entre 8 millions de bénéficiaires !

M. Philippe Auberger – S’agissant toujours de la PPE, je remercie le ministre d’avoir accepté les trois pistes de réforme que j’avais suggérées. Néanmoins, je m’inquiète de voir ce sujet entrer dans le champ de la cinquième vague d’audits lancée par le ministère. La Cour des comptes a déjà rendu en septembre un rapport tout à fait éclairant. Il faut désormais préparer la réforme pour l’appliquer au 1er janvier 2008, à défaut de pouvoir le faire au 1er janvier 2007.

M. le Ministre délégué – Les deux rapports ne sont pas de même nature. Celui de la Cour des comptes est général, et par exemple, n’évoque pas la feuille de paye. Celui des services sera plus directement opérationnel. Il n’y a pas de redondance.

L'amendement 142, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Pierre Brard - Rappel au Règlement. J’avais demandé à répondre au ministre…

M. le Président – Cela a été fait, sur un amendement rédactionnel, je le rappelle. On ne peut répondre chaque fois que le ministre prend la parole.

M. Jean-Pierre Brard - Je le ferai brièvement, ce qui m’évitera de demander une suspension de séance. Monsieur Auberger a raison : les pauvres sont plus nombreux que les riches. Aussi donne-t-on peu à chacun de ces pauvres que votre politique fabrique en trop grand nombre. En revanche, quand il prétend qu’il n’y a en face qu’un ou deux cas, non ! Je ne parlerai pas de Mme Bettencourt, de la famille Pinault, des Arnault, puisque cela vous agace. Mais la liste de ceux que vous maternez est longue : Romain Zaleski, 99,4 millions d’euros de dividendes en 2005 ; la famille Peugeot, 95 millions ; la famille Allais, 92 millions ; Serge Dassault, j’en ai déjà parlé ; Jean-Claude Decaux, 64 millions ; Martin et Olivier Bouygues, 56 millions ; de Wendel, 39 millions ; les familles Dumas, Guérant et Hermès, 33,2 millions ; Philippe Foriel-Destezet, 32,7 millions ; Pierre Bellon, 30 millions ; la famille Hériard-Dubreuil, 29 millions ; Marc Ladret de Lacharrière, 28 millions… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Si je mets le doigt là où ça fait mal, c’est pour montrer que les privilégiés ne sont pas, comme le prétend Philippe Auberger, un ou deux seulement ; il y en a des centaines, que vous bichonnez en plumant les autres ! Les 950 euros qui feront du bien à ceux qui les toucheront ne sont qu’un alibi pour mener votre politique en faveur des privilégiés.

M. le Président – Je suis saisi de l’amendement 303.

M. Marc Le Fur - La majoration forfaitaire pour personnes à charge appartient à la conception d’origine de la prime pour l’emploi. Mais alors que celle-ci est augmentée sensiblement – un milliard d’euros –, la majoration forfaitaire l’est à peine. Cela n’est pas satisfaisant. La prime pour l’emploi est un impôt négatif ; or l’impôt étant familialisé, l’impôt négatif doit l’être également. Ensuite, la prime pour l’emploi fait suite à une décision du Conseil constitutionnel censurant une mesure prise par la gauche relativement à la CSG parce qu’elle ne prenait pas en compte la familialisation. Nous nous exposons donc à notre tour à une censure. Enfin, pour le célibataire sans enfant à charge, la prime pour l’emploi représente véritablement une incitation à passer de l’inactivité au travail, mais, si la même personne a des enfants, l’incitation est moitié moindre et la prime ne joue donc plus son rôle.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable. Une majoration forfaitaire par enfant a été introduite dans la prime pour l’emploi, comme l’avait souhaité le Conseil constitutionnel. En outre, la prime pour l’emploi vise à encourager le retour au travail, bien avant de venir en appui de la politique familiale.

M. le Président de la commission – M. Le Fur parle à propos de la PPE d’incitation au retour à l’emploi mais, pour d’autres, cette prime est aussi un moyen d’améliorer les bas salaires, dans le contexte d’une mondialisation qui impose de maîtriser les coûts de production des entreprises,. Le formidable allégement des charges sociales sur les bas salaires a eu un effet très positif sur la compétitivité des entreprises et sur l’emploi, mais a provoqué également un certain malaise parmi les salariés gagnant entre 1 et 1,4 SMIC, qui ont l’impression de se rapprocher du SMIC. Il y a dix ans, 8 % des salariés étaient au SMIC, ils sont 15 % aujourd’hui. C’est pourquoi, au moment de la répartition du milliard d’euros, un effort aussi important doit être consenti pour ceux qui sont à 1,2 ou 1,3 SMIC que pour ceux qui sont à 0,7 ou 0,8 SMIC, afin d’atténuer ce sentiment de déclassement.

M. le Ministre délégué – Avis défavorable à l’amendement. Les questions que pose le président Méhaignerie sont fondées.

M. Jean-Pierre Brard - C’est un vrai sujet !

M. le Ministre délégué – M. Brard veut répondre à ma place ?

M. Jean-Pierre Brard - Ce ne serait pas pire !

M. le Ministre délégué – Je vous trouve très agressif ce matin. Cette façon de jeter aux piranhas les noms de personnes qui ont aussi quelques qualités et incarnent l’excellence française…

M. Jean-Pierre Brard - Qui s’enrichissent sur le dos des pauvres !

M. le Ministre délégué – Arrêtez : cela devient « too much », comme on dit.

L’augmentation de la prime pour l’emploi est satisfaisante dans l’immédiat mais ne nous exonère en aucun cas d’une réflexion plus approfondie sur ces questions. Ce sera certainement un beau sujet pour la campagne présidentielle.

L'amendement 303, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général – L’amendement 12 rectifié étend à la PPE la disposition adoptée il y a quelques années, aux termes de laquelle un contribuable à l’ISF ne peut toucher le RMI. C’est de bon sens.

M. le Ministre délégué – Avis favorable.

M. Michel Bouvard - Mon amendement 313 rectifié, qui doit venir plus tard, étant satisfait, je le retire et voterai l’amendement du rapporteur général.

M. Jean-Pierre Brard - Je suis saisi par le raccourci qui consiste à mettre sur le même plan l’assujetti à l’ISF et le titulaire du RMI.

M. le Rapporteur général - Vous avez mal écouté !

L'amendement 12 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur général – Il s’agit avec l’amendement 13 de demander un rapport sur le lien entre la prime pour l’emploi et la feuille de paie, ainsi que sur les différentes questions posées par M. Méhaignerie tout à l’heure.

M. le Ministre délégué – J’ai anticipé la demande, puisque cela fait partie de l’audit que j’ai demandé.

M. Jean-Pierre Brard - Vous voyez comment le Gouvernement est généreux avec les rapports ! Il faudrait tout de même nous dire si le rapport sera dématérialisé ou sur papier, pour que nous sachions si, en plus, ce sera un rapport qui ne coûtera rien.

M. le Ministre délégué – Il sera dématérialisé et sur papier. Tous les rapports d’audit sont mis en ligne. Ils ne restent pas, comme par le passé, dans les tiroirs et sont à la disposition de tous les Français.

M. Jean-Pierre Brard - Vous n’êtes pas aussi généreux quand il s’agit d’améliorer l’ordinaire des petites gens.

L'amendement 13, mis aux voix, est adopté.
L'article 3 modifié, mis aux voix, est adopté.

après l'Art. 3

M. le Président – Je suis saisi de l’amendement 131.

M. Didier Migaud - En même temps qu’il relève la prime pour l’emploi, le Gouvernement veut instituer un plafond de 30 euros en deçà duquel elle ne peut être versée. Ce seuil est particulièrement préjudiciable aux bénéficiaires de la prime puisqu’il est plus élevé que le seuil de 8 euros prévu par l’article 1965 L du code général des impôts. À travers cette disposition, le Gouvernement économiserait cinq millions d’euros et priverait du bénéfice de la prime 400 000 personnes.

Pour que la prime ait un réel effet incitatif, le Gouvernement serait mieux inspiré de reprendre le mécanisme introduit lors de la création de ce dispositif, en assurant qu’un titulaire ne peut percevoir un montant inférieur à 30 euros s’il est établi qu’il a droit à la prime. C’est ce que propose cet amendement.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable.

M. le Ministre délégué – Même avis.

M. Jean-Pierre Brard - Il saute aux yeux que ce qu’a dit M. Migaud est frappé au coin de la justice sociale. Monsieur le ministre, vous aviez institué un plancher de même nature pour l’APL. Le médiateur de la République, dans sa grande sagesse, a alors usé de son pouvoir d’injonction pour que cette mesure ne soit pas appliquée. Si l’amendement n’est pas retenu, nous le saisirons à nouveau.

M. Didier Migaud - Le silence de M. le rapporteur général et de M. le ministre délégué m’étonne. Pourquoi un seuil de 30 euros et pas de 8 ? Quelle économie cela représente-t-il ? Combien de bénéficiaires seront ainsi pénalisés ?

M. le Ministre délégué – Je ne peux vous donner immédiatement tous les chiffres, mais il me semble qu’il faut lever un malentendu : le seuil de versement ne s’applique pas aux bénéficiaires de la PPE qui ont les revenus les plus faibles. Le barème est conçu de façon que le montant minimum de la prime, à l’entrée dans le dispositif soit très supérieur à 30 euros. Ne sont donc concernés par le seuil de 30 euros que ceux dont le revenu est beaucoup plus élevé. Il nous semble en effet préférable de concentrer nos efforts sur les personnes dont les revenus sont les plus proches du SMIC, et je croyais d’ailleurs que nous étions d’accord sur ce point. La somme globale économisée est quant à elle extrêmement faible puisqu’elle s’élève à 5 millions.

M. Didier Migaud – Mais ce sont, je crois, 400 000 personnes qui seront privées du bénéfice de la PPE, et c’est beaucoup.

M. le Ministre délégué – Si tel est effectivement le cas, il faut d’une part rapporter ce nombre à celui des bénéficiaires – 9 millions – et, d’autre part, considérer que les montants individuels en cours sont faibles. Je le répète, il me paraît beaucoup plus important de concentrer le versement de la PPE sur les personnes dont les revenus sont les plus modestes.

L'amendement 131, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Augustin Bonrepaux - L’amendement 130 est de repli. Les sommes en jeu sont peut-être faibles, mais par rapport à quoi ? Les personnes qui bénéficient de la PPE ont des revenus modestes et 30 euros, ce n’est pas négligeable, surtout si on compare cette somme au seuil du droit commun qui est donc de 8 euros. Une économie de 5 millions est inacceptable après toutes les largesses accordées à ceux qui ont les plus hauts revenus. J’ajoute que, si vous êtes particulièrement discrets lorsque vous limitez la portée d’une mesure, vous faites grand bruit quand vous en adoptez une nouvelle comme ce chèque transport dont le montant n’est guère plus élevé que celui en cause ici !

M. le Rapporteur général – Avis défavorable. Il ne s’agit pas d’économiser, mais de lutter contre la dilution de la PPE.

L'amendement 130, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – M. Bouvard a déjà retiré l’amendement 131 rectifié. Quant aux amendements identiques 30 rectifié, 39 rectifié, 215 rectifié et aux amendements 3 et 64, ils ne sont pas défendus.

M. Didier Migaud – Que ces amendements ne soient pas défendus montre bien que l’UMP ne recherche qu’un effet d’affichage !

Alors que le Gouvernement est particulièrement prompt à remettre en cause la fiscalité des donations et successions, il refuse, s’agissant des droits de succession, l’alignement promis entre les personnes mariées et les partenaires d’un Pacs. Si les conditions de durée sont allégées, les tarifs restent notamment en défaveur des seconds. L’amendement 138 vise donc à aligner les taux applicables dans les deux situations.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable. L’abattement au bénéfice des couples pacsés a été sensiblement augmenté puisqu’il est de 57 000 euros.

M. le Ministre délégué – J’ajoute qu’en l’état du droit civil, il n’est pas possible d’aller au-delà, sauf à modifier plus globalement la législation en la matière, ce qui n’est évidemment pas l’objet de ce texte. Avis défavorable.

L'amendement 138, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Augustin Bonrepaux – L’amendement 133 vise également à aligner la fiscalité des successions des couples pacsés sur celle des couples mariés.

Le Pacs reconnaît et organise la solidarité au sein du couple. La loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et libéralités dispose qu’au 1er janvier 2007, les partenaires liés par un Pacs auront un devoir d'« aide matérielle et d’assistance réciproque », ce qui diffère peu du devoir de secours et d’assistance qui lie deux personnes mariées. Pourtant, les dispositions actuelles du texte ne permettent pas la pleine exécution de ce devoir au moment du décès d’un des partenaires : la solidarité qui fonde la relation entre deux personnes pacsées ne donne en effet pas lieu au même traitement que pour les couples mariés au regard des successions. Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, l’abattement est de 76 000 euros pour la part du conjoint survivant alors qu’elle n’est que de 57 000 euros pour la part du partenaire survivant d’un Pacs. Cette différence de traitement, difficilement justifiable, constitue même une discrimination dans la mesure où, aujourd’hui, le mariage n’est pas ouvert aux couples de même sexe, qui ne peuvent donc maintenir au-delà du décès de l’un d’entre eux le lien de solidarité qui fonde leur engagement dans un Pacs.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.

M. le Ministre délégué – Même avis.

M. Augustin Bonrepaux – Sur une question aussi importante, nous devons avoir des explications : comment, en effet, justifier pareille discrimination ?

M. le Ministre délégué – J’ai répondu à M. Migaud et, comme votre amendement est de repli, je ne pourrais faire que la même réponse.

L'amendement 133, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Nicolas Perruchot - Dans le prolongement de la loi Dutreil, en matière de droits de mutation à titre gratuit, la loi du 2 août 2005 en faveur des PME visait à faciliter la transmission d’entreprises par un relèvement du taux d’abattement à 75 % et grâce à l’extension du régime d’incitation aux transmissions avec réserve d’usufruit par le donateur. L’amendement 277 rectifié de M. de Courson vise à abaisser le taux d’abattement à 50 % afin que cette mesure nécessaire ne soit pas trop coûteuse pour l’État.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable. Le dispositif juridique est aujourd’hui parfaitement calibré et il convient d’encourager les véritables donations, ce qui est d’ailleurs le cas dans le cadre des réserves d’usufruit.

M. le Ministre délégué – Même avis, mais pourquoi avoir déposé un amendement qui constituerait un véritable retour en arrière alors que nous sommes, je crois, d’accord sur ce sujet ?

L'amendement 277 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Marc Le Fur - Je retire l’amendement 53.

L'amendement 53 est retiré.

M. Didier Migaud – Nous serions heureux de connaître la liste des amendements qui seront retirés. Cela faciliterait la distribution des autres !

M. le Président – Vous savez que les amendements dont les auteurs ne sont pas présents en séance ne sont pas défendus.

M. Didier Migaud - Mais ils peuvent être repris ! Ce serait en tout cas la preuve qu’ils répondent à une conviction de la part du groupe UMP.

Une grande partie des transmissions s’effectue aujourd’hui au travers de l’assurance vie, qui permet de léguer jusqu’à 152 500 euros en franchise de droits. L’abattement de 152 500 euros, au-delà duquel s’applique une taxation de 20 %, est accordé à chacun des bénéficiaires. Pour éviter que les avantages fiscaux au bénéfice des plus aisés ne conduisent à une totale défiscalisation des successions, l’amendement 132 tend à limiter le montant de cet abattement à 100 000 euros – montant comparable à celui retenu par le Gouvernement pour les successions proprement dites. La limitation de cette disposition aux contrats conclus à compter du 17 octobre 2006 mettra à l’abri de tout reproche de rétroactivité.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable. Les avantages fiscaux liés à l’assurance vie ont été sensiblement réduits depuis dix ans. Ce dispositif permet notamment à des couples pacsés de bénéficier d’un abattement de fait sur les successions. Votre proposition est donc contradictoire avec les thèses que vous souteniez il y a quelques minutes.

M. le Ministre délégué – Même avis. Cet amendement est contraire à l’objectif poursuivi, qui est de permettre aux Français de transmettre le fruit de leur travail à leurs héritiers.

L'amendement 132, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président - Vérification faite, Monsieur Migaud, les amendements qui ne sont pas soutenus en séance ne figurent pas au Journal officiel. Le nombre de personnes pouvant en avoir connaissance est donc très limité.

M. Michel Bouvard - L’amendement 312 vise à aligner les délais de prescription de tous les impôts sur le régime le plus courant, le délai de trois ans. Je défends en même temps l’amendement identique de mon collègue Denis Merville, le 38.

M. le Rapporteur général – La commission a repoussé cet amendement. En matière d’impôts patrimoniaux, un délai de six ans paraît plus approprié.

M. le Ministre délégué – La proposition est intéressante et mérite d’être regardée de plus près. L’alignement des délais de prescription aboutirait cependant à traiter de la même manière les contribuables qui ont régulièrement déposé une déclaration et ceux qui se sont abstenus, alors que les procédures fiscales opèrent toujours la distinction. Créer une prescription de trois ans pour tous ne serait pas un encouragement au civisme. Je vous propose de retirer cet amendement pour pouvoir y travailler en détail.

L'amendement 312 est retiré.

art. 4

M. Jean-Claude Sandrier – L’amendement 84 vise à supprimer cet article, qui a pour objet d'encourager les particuliers à utiliser le crédit hypothécaire.

L'échec de votre politique de l'offre commandait d’asseoir plutôt la croissance sur la demande et sur la consommation. N'assumant pas ce choix, vous avez préféré faire reposer la consommation sur l'endettement des ménages. Tout a été fait pour inciter les Français à puiser dans leur bas de laine, à emprunter, à débloquer avant terme la participation et, depuis l'ordonnance relative aux sûretés de mars dernier, à souscrire un crédit hypothécaire rechargeable.

Or qu'est-ce que l'hypothèque rechargeable, sinon un enrichissement sans cause de la panoplie des crédits ? En permettant de mobiliser le patrimoine immobilier, c'est-à-dire de réinjecter une part de la richesse accumulée dans la pierre, vous cherchez à doper la croissance sur le dos des Français, quitte à aggraver nombre de situations de surendettement. C'est d’autant plus inadmissible que la Banque de France vous alerte depuis décembre 2004 sur les risques qu’il y a à encourager l’endettement des ménages. L’UFC - Que choisir regrette pour sa part que l'emprunteur puisse désormais « mettre dans la balance son appartement pour financer à crédit une voiture, par exemple », estimant que « c'est totalement disproportionné ».

Nous dénonçons quant à nous l'absence de toute véritable politique de croissance, qui fait que vous n'avez rien d'autre à proposer que ce misérable et dangereux dispositif. Alors que seuls la hausse des salaires et le développement des capacités humaines pourraient favoriser la croissance et la compétitivité, vous maintenez que cette croissance viendrait de l’enrichissement des riches et de l’appauvrissement du plus grand nombre. Il n’y a pas plus ringard ! Comme le rappelle Joseph Stiglitz dans son dernier ouvrage Un autre monde, contre le fanatisme du marché : « Ce n’est pas une fatalité : nous pouvons faire fonctionner la mondialisation, pas seulement pour les riches, pour les puissants, mais pour tout le monde. » Hélas, vos choix accablent au contraire toujours les mêmes.

M. le Rapporteur général – Avis défavorable. Cet article permet de réduire les frais d’accès au crédit, ce qui est dans l’intérêt des petits emprunteurs. Prenons l’exemple d’un particulier qui a emprunté avec une hypothèque immobilière de 100 000 euros, a remboursé une partie de son emprunt et souhaite emprunter à nouveau à partir de cette hypothèque immobilière : les droits à payer seront réduits de près des trois quarts.

M. le Ministre délégué – Même avis.

L'amendement 84, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur général – L’amendement 143 est rédactionnel.

L'amendement 143, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 4 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

après l’art. 4

M. Jean-Claude Sandrier – L’amendement 86 vise à intégrer les biens professionnels dans l’assiette de l’ISF, selon un taux modulé en fonction des choix opérés par l’entreprise en matière d’emploi et de salaires, tels que permet de les apprécier le rapport entre masse salariale et valeur ajoutée. Cette proposition répond à un double objectif de justice et d'efficacité. Les cadeaux fiscaux sans contrepartie en termes d’emploi sont une absurdité coûteuse pour les finances publiques. Le dispositif que nous proposons inciterait au contraire à la création d'emplois, et plus précisément d'emplois bien rémunérés, donc qualifiés – ceux-là mêmes dont notre économie aura de plus en plus besoin.

Nos compatriotes sont légitimement attachés à l’ISF, car la solidarité est pour eux une valeur importante. Raison de plus pour l’améliorer, au lieu de le vider progressivement de toute substance comme s’y emploient certains. Contrairement à ce que l’on entend sur les bancs de la majorité, l'ISF n'est pas un impôt confiscatoire ou un impôt visant à punir les détenteurs de biens. Aussi cet amendement est-il soumis dans un esprit constructif : l'ensemble de la fiscalité, y compris l'ISF, doit contribuer à la dynamique de l'emploi, à la cohésion sociale ou à la réparation sociale. Il faut donc pénaliser ceux qui recherchent le profit à court terme et considèrent les salariés comme une simple variable d'ajustement, et favoriser les employeurs qui ont une politique d’élévation des qualifications et des salaires.

L'amendement 86, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Claude Goasguen - Quel plaisir de dire ce qu’il ne faut pas dire dans l’hémicycle, ce qu’on ne peut plus dire sans s’attirer les foudres de la gauche, de la droite et du Gouvernement réunis ! L’ISF n’est pas seulement un impôt absurde : c’est aussi un impôt confiscatoire et injuste. Même M. Brard, dont les administrés seront bientôt tous redevables de l’ISF compte tenu de la hausse considérable des prix du foncier à Montreuil, regrettera tôt ou tard que la résidence principale entre dans l’assiette de l’ISF !

Il ne s’agit pas de débattre de l’ISF, cela viendra en temps utile, nous oppose-t-on sans cesse. La gauche est d’ailleurs plus courageuse dans ce domaine que la droite : M. Brard a soutenu des initiatives libérales de la gauche.

M. Jean-Pierre Brard - Je n’ai pas le même souvenir que vous !

M. Claude Goasguen – La droite a en effet une peur extrême de déplaire à certain électorat et à M. Brard, qui arrive même à terroriser ceux des gens de droite qui défendent la justice.

Qui est responsable de la montée du foncier ? En Île-de-France, c’est la demande de logements. Or la faiblesse de la construction de logements est avant tout imputable à l’État, aux collectivités locales et au secteur public. On se retrouve donc dans cette situation extraordinaire : l’impéritie de la collectivité publique a pour effet que des gens se retrouvent, du simple fait qu’ils sont propriétaires de leur résidence principale, en situation de « nantis » redevables de l’ISF, et ce parfois sans même le savoir. Sans parler de l’insécurité juridique que crée la rétroactivité sur dix ans ! Je suis sûr qu’il y a beaucoup de « nantis » de ce type à Montreuil, Monsieur Brard !

Je sais que le sujet est tabou, mais il est tout de même temps d’en finir avec cette injustice ! Tel est l’objet de mon amendement 60.

M. Jacques Myard – J’ai déjà dénoncé, au cours de la discussion générale, cet impôt qui chasse le capital de France et qui organise le sous-investissement de nos entreprises. Nous sommes dans une situation digne d’Ubu roi quand nous constatons que les étrangers – non soumis à l’ISF, eux – viennent investir en France, tandis que les capitaux français partent à l’étranger. C’est un non-sens économique, qui de plus pousse certains à la fraude.

L’objet de mon amendement 34 est de retirer la résidence principale de l’assiette de l’impôt. Est-il normal que des personnes habitant dans des quartiers très populaires se retrouvent assujetties à l’ISF ? Non, c’est incompréhensible et cette injustice est rejetée par le peuple. Je connais d’ailleurs beaucoup de gens de gauche qui tiennent le même discours que moi. Ayez donc le courage, Monsieur le ministre, de mettre fin à cette injustice. Vous rendrez en même temps service à l’économie française.

M. Jean-Pierre Brard - Je remercie M. Goasguen de se soucier des Montreuillois. Pour ma part, je n’ai pas la prétention de représenter des archiduchesses décaties et je n’ai fréquenté le XVIe arrondissement que du temps où j’allais à l’École normale d’instituteurs, qui y était une sorte d’enclave républicaine ! (Sourires) Vous et M. Myard avez des trémolos dans la voix pour défendre les pauvres assujettis à l’ISF, mais croyez-vous qu’entre un modeste pavillon de banlieue, par exemple un pavillon loi Loucheur, et un 300 mètres carrés à Paris, il y ait une commune mesure ?

Le principe d’un abattement sur la résidence principale n’est pas infondé, mais le fait que cet abattement s’applique sans limite pose un problème majeur, car cela signifie que plus grande est la valeur de la résidence, plus grand est l’avantage fiscal dont bénéficie le contribuable ! Ce n’est pas conforme à l’esprit d’un impôt « de solidarité ». C’est pourquoi je propose, dans mon amendement 89, que cet abattement soit plafonné à cent fois la valeur du RMI.

Il faut reconnaître à M. Myard une qualité : il est fidèle à ses idées, même quand elles sont mauvaises. L’ISF, nous dit-il, chasse le capital de France. Que l’on nous donne des chiffres précis sur le sujet, et des noms !

M. Jacques Myard - C’est une évidence !

M. Jean-Pierre Brard – L’évidence n’est pas une preuve. Et puis qu’appelez-vous épargner ? Mettez-vous sur le même plan l’épargne de Mme Alexandre, habitante de Montreuil qui a un livret A, et celle de M. Bernard Arnault, dont le patrimoine représente 950 000 années de SMIC ?

M. Myard déplore que certains fraudent. Il a raison, mais il ne prescrit rien pour lutter contre cette fraude et soutient un Gouvernement qui ne cesse de limiter les moyens de l’administration. C’est ainsi que la mafia russe coule des jours paisibles chez nous et que la délinquance en col blanc prospère !

M. le Rapporteur général – La commission a repoussé ces amendements. J’ai trouvé le propos liminaire de M. Goasguen un peu injuste, car depuis trois ans, nous nous sommes efforcés de mettre fin à l’un des problèmes que pose l’ISF : son effet négatif sur l’emploi. Nous constations en effet que des entreprises familiales étaient vendues par centaines, à cause de l’ISF, à de grands groupes étrangers, qui ensuite délocalisaient. Pour remédier à cette situation, nous avons instauré les engagements de conservation, en échange desquels une réduction des trois quarts de l’ISF est accordée, et nous avons permis aux salariés et aux dirigeants de bénéficier, y compris quand ils partent à la retraite, du même abattement de 75 % s’ils gardent leurs actions. Les résultats sont là. Nous avons freiné l’hémorragie d’emplois. L’autre absurdité de l’ISF est celle qui a trait à la résidence principale…

M. Jacques Myard - Alors, que faites-vous ?

M. le Rapporteur général – Mais la position de la commission des finances a été de donner la priorité à l’emploi et à l’entreprise.

M. Claude Goasguen - La propriété, vous vous en moquez, donc !

M. le Rapporteur général – La question de la résidence principale reste donc à traiter…

M. Jacques Myard - Quand ?

M. Claude Goasguen – Aux calendes grecques ?

M. le Rapporteur général – Si le nombre de contribuables assujettis à l’ISF a doublé en quatre ans, c’est principalement à cause de la résidence principale. Et je voudrais dire à M. Brard que certains propriétaires de petits pavillons loi Loucheur se retrouvent, à Montreuil comme au Perreux, redevables de l’ISF à cause de la hausse de l’immobilier. Ils ne sont pourtant pas riches, Monsieur Brard. Si je suis disposé à vous suivre en ce qui concerne l’assiette et l’assujettissement des œuvres d’art, je vous invite en l’occurrence à faire preuve de pragmatisme de sorte que nous ayons un débat moins passionnel.

La meilleure manière de résoudre le problème consiste certainement à partir de l’abattement. Vos amendements vont trop loin : il faut cheminer par étapes.

M. le Ministre délégué – Je donne un avis défavorable à ces trois amendements. En ce qui concerne celui de M. Brard, il me semble que la réponse de M. Carrez est frappée au coin du bon sens. L’idée de plafonner l’abattement est disproportionnée. Il existe des verrous pour que les contribuables ne deviennent pas brutalement assujettis à l’ISF du fait de la propriété de leur logement. Cela concerne toutes les communes de France. La vraie question est de savoir s’il faut aller au-delà de ce qui existe aujourd’hui. Or, grâce à l’actualisation régulière du barème, le seuil de l’ISF sera au 1er janvier de 760 000 euros.

M. Claude Goasguen - Révolutionnaire !

M. le Ministre délégué – Hier, j’ai reproché à la gauche de se faire passer pour celle qui défend les pauvres face à la méchante droite protectrice des seuls riches…

M. Jacques Myard - Ils n’ont pas le monopole du cœur !

M. le Ministre délégué – Vous, vous faites comme si vous défendiez seuls le mérite et la réussite face au méchant gouvernement qui ne s’en préoccupe pas ! J’aurais aimé, puisque nous appartenons à la même formation politique et que nous venions il y a quelque temps encore les mêmes combats, que vous rappeliez que notre réforme de l’an dernier avait introduit un bouclier fiscal qui apporte des réponses à vos préoccupations.

M. Claude Goasguen - Cela n’a rien à voir !

M. le Ministre délégué – Nous avons aussi réformé en profondeur l’impôt sur le revenu, la taxation des plus-values et traité la question des successions d’entreprise. J’aurais aimé que vous preniez le temps de le glisser avant d’entamer votre réquisitoire.

Pour le reste, il s’agit d’un débat très large. Nous avons déjà travaillé sur l’ISF, et nous avons notamment bien avancé pour ce qui concerne l’outil de travail. Mais il faut tenir compte du contexte : nous sommes à quelques mois d’une élection présidentielle et devons travailler à notre projet. Vous pouvez faire entendre votre voix : le sujet est suffisamment intéressant pour être débattu, entre nous puis avec les électeurs. Mais nous avons eu l’occasion de discuter de propositions de ce genre tous les ans et la majorité ne les a pas acceptées, au regard de l’état d’esprit de beaucoup de nos compatriotes, y compris de ceux qui sont favorables à nos idées : les études d’opinion montrent en effet qu’une écrasante majorité de Français ne souhaite pas d’évolution sur ce point. Voyons leur réaction dans les mois qui viennent, mais pour aujourd’hui, je reste défavorable à vos amendements.

M. Didier Migaud - On voit que l’ISF est un sujet de débat essentiel au sein de la majorité, qui contribue largement à ce que nous en parlions longuement tous les ans. Il me semble qu’il faut garder à l’esprit que, compte tenu de l’abattement, les biens considérés sont en fait d’une valeur supérieure à 900 000 euros, et que le montant de l’ISF, pour des patrimoines de 900 000 ou un million d’euros, reste modeste. On prend souvent l’exemple parisien, mais les sommes payées au titre de l’ISF sont souvent très inférieures aux impôts sur le foncier bâti de beaucoup de communes de province ! Il faut donc relativiser les choses. On peut être choqué par l’insistance que mettent MM. Goasguen et Myard à plaindre des personnes qui doivent payer soixante, cent ou cent cinquante euros d’ISF pour un bien d’un million d’euros ! Il me semble que les situations plus précaires sont beaucoup plus nombreuses. Je redis donc l’opposition du groupe socialiste à ces amendements.

M. Jean-Pierre Brard - Si MM. Goasguen et Myard veulent de nous une attestation prouvant qu’ils défendent leurs électeurs, nous la leur signerons bien volontiers ! Mais n’oubliez pas que le ministre vous demande de ne pas vous montrer trop pressés, parce que cela pourrait vous desservir lors des prochaines échéances. Il a bien montré combien vous étiez sous les regards de l’opinion.

Cependant, les propos du rapporteur général me laissent espérer un compromis. Si j’ai bien compris, il adhère à ma proposition d’inclure des œuvres d’art dans l’assiette de l’ISF, ainsi qu’à l’idée, que j’avais formulée dans un rapport soutenu par M. Méhaignerie – même si c’était in petto – d’un élargissement de l’assiette et d’un abaissement du taux, afin que l’ISF soit véritablement un impôt sur les grandes fortunes et non pas sur les petites gens dont vous parlez – qui ne sont tout de même pas des érémistes, il faut le dire. J’ai proposé un abattement à cent fois le RMI : j’irai jusqu’à deux cents fois, ou même trois cents, et topons là ! Ainsi, les calculs ne se feront pas en pourcentage, ce qui revient à avantager les riches. Je suis sûr que le rapporteur général est d’accord, et peut-être le ministre suivra-t-il. En revanche, je ne pense pas pouvoir m’entendre avec MM. Goasguen et Myard, parce que leurs unités de compte ne sont pas des RMI, mais des dividendes et stock-options. Ils parlent une langue à laquelle je ne suis pas initié, pas plus que mes concitoyens de Montreuil, quoi qu’en dise M. Goasguen. Je comprends d’ailleurs que la tristesse des avenues désertes du XVIe arrondissement, le soir, l’accable et qu’il envie l’atmosphère vivifiante et la démocratie associative foisonnante de ma bonne ville. Il fait certainement moins bon vivre avec les bourgeois et les aristocrates de son arrondissement.

Mais je vois bien l’intérêt, pour vous, de ne rien faire pour ces gens modestes qui peuvent être assujettis à l’ISF : vous avez besoin d’eux comme alibi pour faire sauter l’ISF pour les autres, ceux qui en sont pourtant redevables de tous les points de vue de la justice et de la solidarité exprimés par la Déclaration des droits de l’homme et au principe de l’impôt progressif.

M. Jacques Myard - Le rapporteur général nous a dit que le problème de l’emploi avait été traité l’année passée. C’est vrai, même si c’est moyennant une usine à gaz qui crée une discrimination. Il n’est tout de même pas très normal que ceux qui possèdent un patrimoine mobilier dans un pacte d’actionnaires échappent à l’ISF, et pas ceux qui l’utilisent pour se loger. Il y a même là une injustice fondamentale et il est aujourd’hui urgent de sortir l’habitation principale du calcul de l’ISF. Quant aux commentaires de M. Brard sur les riches et les pauvres, si c’était aussi simple, on mettrait des ordinateurs à la place des députés ! En réalité, il existe dans ma circonscription des gens pauvres et de condition modeste qui, par un mécanisme de réévaluation foncière, sont aujourd’hui frappés par l’ISF alors qu’ils n’ont même pas de revenu. Les leçons que vous administrez restent insupportables, même dites avec le talent digne de la Comédie française que l’on vous connaît.

M. le Président – Je suis saisi d’un sous-amendement 331 de M. Le Fur à l’amendement 60 de M. Goasguen.

M. Marc Le Fur - Ce sous-amendement propose une solution de compromis entre des positions qui ne sont peut-être pas si éloignées que cela. En l’état, je ne peux pas voter les amendements Goasguen et Myard, parce qu’il serait inconcevable d’exonérer des résidences principales de quinze ou trente millions.

M. Jean-Pierre Brard – Tout de même, ils exagèrent !

M. Marc Le Fur - Mon sous-amendement propose donc d’exonérer la résidence principale pour la fraction de sa valeur inférieure à un million d’euros. Même M. Brard pourrait le soutenir, car il faut bien comprendre que le problème ne se pose pas que dans les grandes villes et les quartiers favorisés. La valeur immobilière augmente partout en France !

MM. Claude Goasguen et Jacques Myard – Bien sûr !

M. Marc Le Fur - Nombreux sont ceux qui, sans même le savoir, tombent sous les fourches caudines de l’ISF pour une maison pourtant bien modeste ! Limitons donc l’abattement à un million : ainsi, les deux tiers de la valeur d’une propriété d’un million et demi seront exonérés et le dernier tiers soumis au régime de droit commun. C’est un compromis raisonnable et respectueux des patrimoines que constituent les familles pour leurs enfants.

M. Jean-Pierre Brard - Nicolas III est-il d’accord ?

M. le Président de la commission – Avis défavorable. Nous venons de faire une réforme juste, efficace et longuement mûrie qui entrera en vigueur en 2007. Nous sommes les premiers à critiquer le Gouvernement lorsqu’il ne commande aucune étude d’impact sur les textes qu’il dépose, mais une réforme de cette ampleur requiert un temps pour la pédagogie.

M. Jacques Myard - Procrastination !

M. le Président de la commission – Ce n’est donc pas le moment aujourd’hui d’adopter un tel dispositif.

M. Jacques Myard - Ce n’est jamais le moment !

M. le Président de la commission – Nous en reparlerons lors de la campagne électorale et je défendrai la même position que vous, mais consentons d’abord un effort d’explication pour déjouer certains slogans en conciliant justice et efficacité.

M. Marc Laffineur - Très bien !

M. le Ministre délégué – Même avis : outre les arguments brillamment exposés par M. le président de la commission, je m’interroge sur la « faisabilité » d’un amendement qui accroît la complexité du dispositif en créant deux seuils d’entrée selon qu’il s’agit d’une résidence principale ou non, l’un à 760 000 euros et l’autre à un million.

M. Claude Goasguen - Je suis naturellement favorable au sous-amendement. Je tiens à rappeler à nos collègues socialistes qui ont la mémoire courte qu’ils sont responsables des seules réformes ayant porté sur l’ISF : jadis vous n’hésitiez pas à lui porter de profonds coups de canif, et aujourd’hui vous nous chantez la chanson de la solidarité !

M. Didier Migaud - Nous ne sommes pas au théâtre !

M. Claude Goasguen - Ce qui était vrai il y a dix ans l’est hélas encore plus aujourd’hui. L’augmentation du foncier et de l’immobilier pose un véritable problème de justice sociale.

J’ai bien lu le livre de M. le ministre sur la langue de bois, et c’est justement parce que je ne la pratique pas que je m’oppose parfois au Gouvernement ! Je lui souhaite de ne pas la pratiquer trop non plus. Cessons donc de dire que de tels débats n’ont pas lieu d’être en dehors des périodes électorales ! C’est le devoir de tout représentant du peuple de défendre avec courage ses opinions devant l'Assemblée nationale ! Et ne nous laissons pas impressionner par M. Brard, ce comédien qui n’est au fond qu’un tigre de papier défendant son commerce montreuillois !

M. Jean-Pierre Brard - Et vous n’êtes ni Deng Xiaoping, ni Mao Zedong !

M. le Ministre délégué – Je remercie M. Goasguen de la publicité qu’il fait à un livre qui, il est vrai, a remporté un certain succès, et me félicite de le compter parmi mes lecteurs.

M. Jean-Pierre Brard - L’aidant à être assujetti à l’ISF ?

M. le Ministre délégué – Je n’ai pas plus pratiqué la langue de bois que vous : je vous ai simplement invité à élever le débat en évoquant cette question à l’occasion de la réflexion programmatique qui aura lieu au cours des prochains mois.

M. Augustin Bonrepaux - Je remercie MM. Myard et Goasguen de confirmer mes propos d’hier : la seule obsession de ce gouvernement est de protéger ces quelques malheureux millionnaires que l’on taxe pour la valeur de leur résidence principale !

M. Jacques Myard - Idéologue !

M. Augustin Bonrepaux - C’est un débat essentiel, qui nous aurait manqué. D’ailleurs, le président du groupe UMP s’est déplacé en personne.

M. Claude Goasguen - Le vôtre n’est pas là !

M. Augustin Bonrepaux - Le Gouvernement a, inlassablement, choisi de baisser l’impôt sur le revenu et surtout l’ISF. N’y a-t-il pas ici deux poids, deux mesures ? D’une part, le million d’euros de l’amendement de M. Le Fur, une simple bagatelle pour certains, et d’autre part la suppression de trente euros pour les bénéficiaires de la prime pour l’emploi, que je ne vous ai pas entendu défendre ! Vous protégez toujours plus les privilégiés et n’accordez aucune sollicitude à ceux qui en ont besoin !

M. Philippe Auberger - Comme M. Goasguen, je pense qu’aucun sujet ne doit être tabou dans cet hémicycle. Toutefois, je crois comme M. Méhaignerie que la prochaine entrée en vigueur de la réforme de l’impôt sur le revenu et du dispositif improprement appelé « bouclier fiscal » doivent nous conduire à rechercher l’équilibre plutôt que d’engager dans l’urgence une réforme supplémentaire. En outre, nous avons déjà bien amélioré la situation en ramenant la franchise de l’ISF à 760 000 euros pour les résidences principales et en obtenant son indexation. Enfin, si la France est une et indivisible, elle est aussi diverse. Dans ma circonscription, par exemple, les rares résidences principales qui valent plus d’un million d’euros sont des monuments classés, et encore leur état de délabrement en fait-il plutôt une source d’endettement. Ce sous-amendement y serait donc ressenti comme une provocation ! S’il sert à certaines régions, il ne concerne pourtant pas une situation assez générale pour que j’accepte de le voter : c’est mon devoir d’élu local, mais surtout de représentant de la nation !

M. Jacques Myard - Le défaut de procrastination frappe régulièrement cette assemblée qui s’effraie de sa propre ombre. Il ne s’agit ici que de la résidence principale, et de rien d’autre ! De surcroît, le bouclier fiscal mis en place à juste titre par le Gouvernement ne concerne que les très grandes fortunes, et non pas la grande majorité des classes moyennes frappées par cette injustice. C’est aujourd’hui que se pose une question de justice, et c’est aujourd’hui qu’il faut agir !

L'amendement 34, mis aux voix, n'est pas adopté.
Le sous-amendement 331, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'amendement 60, mis aux voix, n'est pas adopté.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.
La séance est levée à 12 heures 45.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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