Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2006-2007)

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit

Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

Séance du lundi 23 octobre 2006

Séance de 16 heures 30
11ème jour de séance, 22ème séance

Présidence de M. René Dosière
Vice-Président

Consulter le sommaire

La séance est ouverte à seize heures trente.

Retour au haut de la page

loi de finances pour 2007 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2007.

art. 32 (Prélèvement au titre du budget européen)

M. le Président – Nous allons examiner, dans les conditions arrêtées par la conférence des présidents, l’article 32 relatif à l’évaluation du prélèvement européen.

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes Je suis heureuse de vous présenter, pour la deuxième fois, le projet de budget de l'Union européenne pour l'année à venir, dans le cadre d’un rendez-vous important, le débat sur le prélèvement sur recettes au profit de l'Union, qui nous donne l’occasion, au-delà des questions financières, de poursuivre l'échange désormais régulier que nous avons sur l'Union européenne. Permettez-moi de saluer votre implication dans les dossiers européens, dont témoigne notamment le succès des sessions de sensibilisation organisées auprès des institutions européennes, et de remercier tout particulièrement M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial de la commission des finances, M. Roland Blum, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, ainsi que le président de votre délégation pour l'Union européenne M. Pierre Lequiller.

Le budget communautaire pour 2007 est le premier établi dans le cadre de l'accord sur les nouvelles perspectives financières 2007-2013 dont sont définitivement convenus le Parlement européen, le Conseil et la Commission le 17 mai dernier. Il s'agit d'un bon accord, qui permettra tout à la fois d'assurer la solidarité à l'égard des nouveaux États membres, de préserver les politiques communes existantes et d’en lancer de nouvelles. Ainsi, le montant total des perspectives financières pour la période atteint 864,3 milliards en crédits d'engagement, soit 55 milliards de plus, en euros constants, que la période précédente. Plus de 158 milliards seront investis dans les nouveaux États membres, ce qui représente plus de 3 points de leur PIB annuel. Nous aiderons ainsi à la modernisation de nos nouveaux partenaires et à leur rattrapage économique, meilleur antidote contre le dumping social. Le cas de l’Espagne démontre amplement que cette politique de solidarité profite à tous. En outre, le budget consacré aux politiques de croissance sera en forte augmentation : environ 40 % de plus pour la recherche, par exemple. Enfin, le futur fonds d'ajustement à la mondialisation permettra de financer la reconversion ou la formation des salariés les plus touchés par la mondialisation – voilà qui permettra de corriger quelques idées reçues. Avec l'Europe, il faut savoir être lucide, mais également juste.

Ce paquet financier 2007-2013 préserve les intérêts français, notamment en ce qui concerne la PAC et la politique de cohésion. Le Gouvernement y a veillé. La dotation française au titre des fonds structurels s'élève ainsi à 12,7 milliards sur la période, dont 9,1 au titre de l'objectif « Compétitivité régionale et emploi », qui concerne l’ensemble de la France métropolitaine, et 2,8 pour nos départements d'outre-mer. Par ailleurs, nous recevrons 6,4 milliards pour financer des actions de développement rural. Nous bénéficierons naturellement aussi des retours d’autres politiques – concernant la recherche par exemple, ou les grands réseaux – mais ils sont toujours difficiles à chiffrer ex ante.

Enfin, l'accord pour 2007-2013 pose les bases d'un financement équitable de l'élargissement, tant de 2004 que des suivants. Il comporte en particulier, pour la première fois depuis 1984, une réforme profonde et durable du rabais britannique, qui sera diminué de 10,5 milliards sur la période. De surcroît, la participation britannique au financement de l'élargissement est devenue un acquis définitif. Le taux de contribution de la France au fonds européen pour le développement sera, lui, abaissé de près de cinq points, ce qui représente une économie pour le budget national de près d'un milliard sur sept ans.

L'accord prévoit un rendez-vous en 2008-2009 pour préparer le budget de l'après 2013, réflexion qui aura lieu bien sûr dans le respect des engagements pris pour la présente période. Il reviendra au Conseil européen de prendre, à l'unanimité, les décisions qui s'avéreront nécessaires. Ce rendez-vous entre dans la réflexion plus générale sur l'avenir de l'Union élargie : tout n’est pas parfait, loin s'en faut. Nous devons chercher les moyens de mieux l’adapter au monde d'aujourd'hui, comme l’ont fait les chefs d'État et de gouvernement au sommet informel de Lahti le 20 octobre en abordant les questions de migrations, d'énergie et d'innovation. Ce qui vaut pour les politiques vaut naturellement pour le futur budget européen. Sans doute faudra-t-il aussi, à terme, doter ce budget d'une ressource propre pour clore enfin ces marchandages récurrents entre pays sur qui finance quoi et pour combien.

M. Jacques Myard - Il n’en est pas question !

Mme la Ministre déléguée - Je sais que votre commission des finances et votre délégation pour l'Union européenne y travaillent déjà avec Alain Lamassoure, ancien ministre et député européen, dans le cadre des travaux communs entre le Parlement européen et les parlements nationaux. Je suis cette réflexion avec attention et j'en attends beaucoup.

La contribution française au budget communautaire devrait s’établir, en 2007, à 18,7 milliards, contre 17,8 en 2006 selon la prévision d’exécution dont nous disposons. Cette hausse s'explique pour l'essentiel par l’application du nouveau cadrage financier et par l'achèvement progressif des programmes de la période 2000-2006. La France sera ainsi en 2007, derrière l'Allemagne et comme les années précédentes, le deuxième contributeur du budget communautaire, pour 16 % de son total. Elle est également le deuxième bénéficiaire du budget, derrière l'Espagne, avec des retours estimés à 13,5 milliards en 2005 – derniers chiffres disponibles. Cela mérite d’être mieux connu. À la demande du Premier ministre, Nicolas Sarkozy, Christian Estrosi et moi-même travaillons donc à ce que nos concitoyens soient mieux informés sur les aides européennes. À partir du 1er janvier 2007, chaque projet qui aura vu le jour grâce, en partie, à des financements européens fera l’objet d’un dispositif d'information.

Au total, la France est contributrice nette au budget européen à hauteur de 2,9 milliards, soit 0,17 % de son revenu national brut. Ce solde net devrait passer en moyenne à 0,37 % du RNB sur la période 2007-2013, c'est-à-dire environ 109 euros par an et par habitant. Cet investissement est d’autant plus raisonnable que le raisonnement comptable n'est pas suffisant : il faut aussi tenir compte de tous les autres gains, économiques d'abord, grâce à l'existence d'un grand marché européen, et aussi politiques, qui sont sans prix, grâce à l'enracinement de la paix et de la démocratie sur l'ensemble du continent.

Le projet de budget communautaire pour 2007, le premier à 27 États membres, a été adopté par le Conseil en première lecture le 14 juillet. Le Parlement européen se prononcera en première lecture le 26 octobre. La seconde lecture aura lieu en novembre pour le Conseil et décembre pour le Parlement européen. Des changements peuvent donc, comme chaque année, intervenir entre le présent projet et sa version finale.

M. Jean-Claude Lefort - Alors, à quoi servons-nous ?

Mme la Ministre déléguée - Au total, c'est un projet de 125,7 milliards en crédits d'engagement et de 114,6 en crédits de paiement qui a été proposé par le Conseil, soit des hausses respectivement de 3,7 et de 2,3 %. Le projet de budget s'établit ainsi à 1,08 % du revenu national brut de l'Union en crédits d'engagements.

Les dépenses en faveur de la croissance et de la compétitivité s'élèvent à 8,8 milliards, en hausse de 11,3 %. Au sein de cette rubrique, les dépenses consacrées à la recherche sont majoritaires – et la banque européenne d’investissement accordera dès 2007 une facilité de financement pour la recherche qui permettra de soutenir jusqu'à 30 milliards de projets supplémentaires. Mais les autres volets de la rubrique sont également en forte progression : plus 27 % pour l'éducation, qui recouvrent notamment les bourses Erasmus et Leonardo, plus 18 % pour les réseaux transeuropéens et plus 52 % pour le programme innovation-compétitivité, qui bénéficie notamment aux petites et moyennes entreprises. Les actions structurelles, quant à elles, sont dotées d'une enveloppe de 45,5 milliards, soit une augmentation de près de 15 %, ce qui en fait le deuxième poste du budget de l'Union. Cette politique bénéficie aux nouveaux États membres, mais aussi à l'ensemble des régions de l'Union.

La rubrique 2 regroupe l'ensemble des dépenses en matière de ressources naturelles. Pour les dépenses agricoles de marché, le projet de budget prévoit une enveloppe de 42,95 milliards, soit une baisse de 0,84 % par rapport à 2006.

Il convient cependant de rappeler que le niveau des dépenses allouées à l'agriculture sera réexaminé sur la base de la lettre rectificative agricole, présentée par la Commission avant la deuxième lecture du budget par le Conseil. Par ailleurs, s’agissant toujours de la rubrique 2, les crédits consacrés au développement rural augmentent de 3 % et l'instrument financier en faveur de l'environnement « LIFE+ » voit ses moyens croître de 15 %.

Les actions concernant la justice et les affaires intérieures – décrites dans la rubrique 3A – augmentent de 150 % par rapport au budget précédent, à périmètre constant, soit en dehors des facilités Schengen et Kaliningrad, lesquelles expirent à la fin de cette année. Au sein de ce budget, la priorité est donnée à la protection des frontières et à la gestion des flux migratoires, au profit desquelles sont mobilisés plus de 50 % des crédits.

Les crédits dévolus aux programmes culture, médias, jeunesse, santé et protection des consommateurs – qui figurent sous la rubrique 3B – s'élèvent à 587 millions, soit une diminution globale de 4,06 % par rapport à 2006. Toutefois, les crédits de paiement progressent de 3,79 %.

Les actions extérieures de la rubrique 4 bénéficient d’un budget de 6,6 milliards. Leur forte baisse apparente par rapport à 2006 s'explique par un changement de périmètre, du fait de la sortie des crédits destinés à la Bulgarie et la Roumanie. Compte tenu de cette évolution, la dotation progresse de 1,4 %. Et, comme nous le demandions, les crédits consacrés à la PESC – 159,2 millions – progressent de 55 % par rapport à 2006, conformément aux dispositions du nouvel accord inter-institutionnel.

La cinquième rubrique concerne les dépenses administratives, lesquelles s'élèvent à 6,8 milliards, ce qui traduit une progression maîtrisée de 3,4 %, pour une Union passée à 27 membres.

Comme vous le constatez, notre projet de budget 2007 reflète fidèlement les priorités de l'accord sur les perspectives financières.

J’en viens à la question des migrations, que votre rapporteur pour avis a évoquée et qui figurait à l'ordre du jour du Conseil européen informel de Lahti, auquel j’ai participé la semaine dernière. Depuis le début de l'année, l'Espagne, l'Italie, Malte et la Grèce font face à un afflux important de clandestins. Ce problème, par son ampleur et ses conséquences, appelle une réponse européenne. À cet effet, il est indispensable de renforcer la coopération opérationnelle entre les États membres. Telle est du reste la vocation de l'agence Frontex, dont les moyens humains et matériels doivent être renforcés. En outre, les États membres devront mieux coordonner leurs mesures nationales, en particulier dans l'espace Schengen. Compte tenu de la levée des contrôles en son sein, une stricte discipline commune est de mise.

La réponse européenne commande aussi de mieux utiliser les moyens disponibles. Le programme-cadre sur la solidarité et la gestion des flux migratoires de la rubrique 3A finance quatre fonds, soit un total de 4 milliards pour la période 2007-2013. Ces fonds sont destinés respectivement à améliorer les contrôles aux frontières, soutenir les efforts d'accueil des demandeurs d'asile et réfugiés, favoriser l'intégration et aider au retour. Par ailleurs, nous mobiliserons une partie des instruments d'aide extérieure pour inciter à une bonne coopération en matière de gestion des flux migratoires : plus d’un milliard supplémentaire pourrait être mobilisé à cet effet.

Telle est l’approche globale qui a été définie par le Conseil européen de décembre 2005. Elle repose sur une collaboration dynamique entre les pays d'origine, de transit et de destination. La même philosophie a inspiré, en juillet dernier, la conférence ministérielle euro-africaine de Rabat sur la migration et le développement et sera étendue à d'autres routes migratoires – concernant notamment l'Afrique orientale –, dans le cadre, en premier lieu, de la conférence de Tripoli entre l'Union européenne et l'Union africaine de fin novembre, consacrée, précisément, aux migrations et au développement.

S’agissant des questions migratoires, l'Union européenne dispose désormais d'une méthode – agir ensemble à Vingt-cinq de façon solidaire –, d'une stratégie globale et d'un plan d'action – arrêté à Rabat – qui permet de traiter conjointement le contrôle des frontières et la coopération au développement ; en outre, elle bénéficie enfin de moyens financiers et matériels renforcés, indispensables pour faire émerger une véritable politique européenne de l'immigration.

Le 25 mars prochain, nous célébrerons le cinquantième anniversaire du traité de Rome. Depuis un demi-siècle, malgré des hauts et des bas, la construction européenne a constamment progressé. Nous savons bien quelles sont les interrogations de nos concitoyens à son égard. Mais nous savons aussi quelles sont leurs attentes. Et nous savons enfin que la meilleure manière d'y répondre, c'est d’agir. Le budget européen est le reflet de cette volonté. (M. Jacques Myard s’esclaffe) C'est pourquoi je vous demande d’adopter la présente proposition de prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne pour 2007. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances - Comme chaque année, nous sommes appelés à nous prononcer sur la contribution de la France au budget européen et il appartient au rapporteur général de rapporter le prélèvement sur recettes qui constitue cette contribution. Ce prélèvement représente un élément important de notre difficile équation budgétaire. L’on me pardonnera donc de parler avant tout finances, même si, s’agissant de l’Europe, il faudrait aussi savoir faire rêver…

Le budget national pour 2007 poursuit résolument l’effort de redressement de nos finances publiques. Avec une progression de la dépense limitée à 0,8 % – soit seulement 2,2 milliards de marge de manœuvre supplémentaire –, il permet même de franchir une nouvelle étape significative dans la maîtrise des charges. Comment le prélèvement européen s’inscrit-il dans cette dynamique contrainte ?

La France consacrera 18,7 milliards au financement du budget européen pour 2007, soit 4 milliards de plus qu’en 2002. En cinq ans, le prélèvement représente donc le poste de dépenses qui a le plus progressé. Dans la présente législature, notre contribution au budget européen a augmenté d’un tiers, alors que durant la période 1997-2002, le prélèvement s’était stabilisé autour de 14 milliards. Quatre milliards supplémentaires, cela équivaut au budget annuel de l’aide française au développement, aux deux tiers des moyens dévolus à la justice et à plus de la moitié des crédits de la ville et du logement. Ces rapprochements témoignent de la réalité de l’effort accompli en faveur de l’Europe.

Quelles sont les principales raisons de cette croissance spectaculaire ? Elles tiennent, évidemment, à l’évolution du budget européen dans son ensemble, augmenté d’un tiers au profit exclusif des nouveaux entrants. Les pays les plus riches de l’UE ont fait le choix de la solidarité à l’égard de nos concitoyens de l’Est de l’Europe et ils l’assument au plan financier.

À l’échelle de l’ensemble de l’Union, près de 50 milliards d’euros ont été accordés aux nouveaux adhérents entre 2004 et 2006, pour un budget communautaire qui ne dépassait pas 100 milliards d’euros en 2000.

Les nouvelles perspectives financières pour 2007 à 2013 sont également fondées sur le respect de nos responsabilités à l'égard des pays de l'élargissement. En vue de dégager des moyens à leur profit – fonds structurels et aides agricoles – les Quinze ont accepté de réduire leur part des dépenses communes. De même, les institutions communautaires prendront leur part de l'effort commun.

Les politiques internes qui n'ont pas atteint la taille critique qui leur permettrait d'échapper à la critique du saupoudrage ont ainsi subi des coupes importantes. Quant aux dépenses administratives – qui subissent la pression de l'élargissement et de la montée en charge des pensions – elles ont été maîtrisées puisqu’elles ne progressent que de 15 % entre 2004 et 2013. En outre, contrairement à ce que disent certains, les dépenses de fonctionnement ne représentent que 6 % du total. Bien des budgets publics envieraient une telle performance !

Sous l’effet de ces efforts conjugués, le budget européen ne dépassera pas 1,05 % du revenu brut de l'Union. C'est à la fois modeste et considérable : modeste dans le montant global, considérable dans les évolutions. En moyenne, le budget augmentera de 1 % par an en volume entre 2007 et 2013, soit un chiffre que d’aucuns, au cœur de notre débat budgétaire national, pourraient regarder avec envie ! Dès lors, était-il possible d'aller plus loin, au moment où les grands pays de l'Union sont résolument engagés dans un effort d'assainissement de leurs finances publiques ? Je ne le crois pas. Du reste, je ne regrette rien de cet effort et je tiens à rappeler que la France en a assumé une part décisive.

Depuis 2002 – et jusqu’en 2013, les dépenses agricoles sont gelées en volume. Quant aux fonds structurels destinés à nos régions, ils seront réduits d'un tiers pour passer, en sept ans, de 18 milliards à moins de 13 milliards. Enfin, notre pays a accepté d’augmenter d'un tiers sa contribution financière.

Cependant, Mme la ministre a rappelé avec raison qu’il fallait relativiser cet effort en le rapprochant de ce que nous rapporte le budget européen. (M. Jacques Myard s’exclame) Entre 2007 et 2013, le « coût net » de l'Union – ce que verse la France amputé de ce qu'elle reçoit – ne dépassera pas 109 euros par an et par Français. Nous continuons à bénéficier des aides agricoles, et nos régions, en particulier celles d’outre-mer, sont loin d'être oubliées par les fonds structurels !

Venant d'un rapporteur du budget obsédé par la maîtrise de la dépense, vous pardonnerez ces comptes d’apothicaire qui font peu de cas du profit considérable que tire chaque État membre des progrès des politiques d'avenir que fédère un peu plus chaque jour l'Union, en dépit de moyens encore limités. Ils négligent aussi le rôle décisif de l'Union dans l'ouverture des marchés et, par conséquent, dans la compétitivité de nos économies. Cette approche comptable passe sous silence l'essentiel, soit, Mme Colonna l’a excellemment rappelé, l'expression d'une solidarité au profit d’États et de régions en retard de développement, une solidarité qui fait tant pour la paix et la prospérité de l'Europe. L'Irlande, l'Espagne, le Portugal et la Grèce sont là pour en témoigner, et, dans notre balance commerciale, nous bénéficions nous aussi de retours très importants.

J’insiste sur le fait que l'accord relatif au budget des années 2007-2013 nous a donné du temps, ce qui, à l'échelle de l'Europe, constitue un avantage décisif. Nous avons ainsi le temps de réfléchir avant de prendre des décisions sur deux questions essentielles.

La première tient à la nature même du budget européen. C'est la question de la légitimité de la dépense publique. La France a accompli des progrès décisifs à cet égard au cours des cinq dernières années. La contrainte de la maîtrise budgétaire a forcé les gestionnaires à se poser les questions clés : la dépense est-elle toujours utile ? Ne peut-elle pas être plus efficace ? Ne doit-elle pas être redéfinie et réorientée ? Quelle priorité accorder aux dépenses du futur par rapport aux charges de fonctionnement et d’assistance du présent ?

Dans le même esprit, les perspectives financières européennes pour 2007-2013 concilient la réduction d’ensemble des politiques internes et une augmentation de 75 % des dépenses de recherche.

Enfin, une clarification s’impose sur le budget européen. Le système actuel est à bout de souffle. La part prépondérante de la contribution non fiscale des États ouvre la voie aux calculs étriqués sur « le juste retour »…

M. Jacques Myard - Heureusement !

M. le Rapporteur général - …ce qui n’est plus compatible avec un budget de solidarité et d’avenir. Le énième rabais britannique en est l’illustration. Il appartiendra donc à la prochaine majorité de dégager pour l‘Union des ressources solides, légitimes et pérennes.

M. Jacques Myard - C’est une fuite en avant !

M. le Rapporteur général - La commission des finances a adopté l’article 32 et vous demande de faire de même.(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jacques Myard - Non !

M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial de la commission des finances - Le prélèvement sur recettes au bénéfice de l’Union, soit 18,7 milliards en 2007, comporte les ressources propres, la contribution assise sur la TVA, la contribution assise sur le PNB, et tient compte du chèque britannique et des reports des années antérieures.

Le projet de budget communautaire pour 2007 est le premier dans le cadre des nouvelles perspectives financières pour une Europe élargie à 27 avec l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie. Ce budget est stabilisé à 1 % du PIB communautaire et, finalement, les dépenses prévues sont de 864,3 milliards sur sept ans. Le Parlement européen a obtenu 2 milliards supplémentaires « sous le plafond », jouant ainsi un rôle utile pour combler le déficit démocratique de l’Europe.

Mais ce budget manque singulièrement d’ambition. Faire des calculs sur les « retours » pour chacun est le symbole d’un système usé. Comme l’a dit Mme Colonna le 29 août dernier devant les ambassadeurs, « on ne devient pas une puissance en y consacrant 1 % de son PIB ».

M. Jacques Myard - La puissance de l’Europe, c’est un mythe !

M. le Rapporteur spécial - J’interviendrai sur trois grand sujets, la politique agricole commune, la politique régionale et la stratégie de Lisbonne, qui aurait pu être une très grande ambition.

S’agissant de l’agriculture, le Conseil a introduit une clause de réexamen en 2008-2009. Il faut s’y préparer. Or les responsables syndicaux de l’agriculture sont réticents. Il faut peut-être leur rappeler qu’en 2007 il y a des présidentielles mais que demain sera différent d’hier. Ne pas se préparer, comme ce fut le cas lors de la période précédente, serait très dangereux. La clause de réexamen couvre l’ensemble du budget communautaire et mentionne explicitement la PAC et le chèque britannique.

En matière agricole, l’enveloppe des dépenses de marché est conforme aux conclusions de l’accord de Bruxelles d’octobre 2002, mais les dépenses de développement rural ont été fortement réduites par rapport aux propositions initiales de la Commission. La France reste le premier bénéficiaire, avec un retour de 10 milliards en 2005 qui ne devrait guère baisser jusqu’en 2013. Pour la réforme de la PAC qui devra intervenir après la clause de réexamen, on évoque plusieurs pistes : abandon d’une logique productiviste, diversification économique, soutien de la qualité, protection sanitaire, respect de l’environnement. Il faudra en particulier renforcer la sécurité alimentaire à nos frontières. Actuellement, certaines régions frontalières semblent servir de bouclier sanitaire. J’ai à l’esprit la fièvre catarrhale : on n’a retrouvé aucun moucheron vecteur de cette affection dans les pièges disposés sur notre territoire, mais quelques bovins ont été touchés et l’on parle de zone d’interdiction et de limitation de déplacements. C’est grave pour tout l’est de la France. Mme Poletti a posé une question à ce sujet la semaine dernière. J’insiste à mon tour pour que la solidarité européenne joue pour contrôler ces problèmes sanitaires, afin que les efforts de qualité de nos éleveurs sélectionneurs ne soient pas remis en cause. Les crédits investis dans l’agriculture doivent soutenir un développement d’avenir.

Deuxième poste de la politique communautaire, les crédits de politique régionale, s’élèveront pour la période à 308 milliards en prix 2004, dont 60 % à 75 % orientés vers les priorités de la stratégie de Lisbonne. Une grande avancée est la suppression des zonages, qui étaient sources de complication. La France devrait bénéficier de 12 ,7 milliards de retours, contre 15,7 milliards sur la période précédente.

Le comité interministériel sur l’aménagement et la compétitivité du territoire a arrêté les modalités d’emploi des fonds structurels. Un cadre de référence stratégique national, en cours de concertation, servira de matrice à l’élaboration de programmes opérationnels pour chaque région. Malheureusement, le Gouvernement a maintenu la gestion des fonds structurels au niveau de l’État,…

M. Jacques Myard - Heureusement plutôt !

M. le Rapporteur spécial - …seule l’Alsace poursuivant une expérience de décentralisation. Ailleurs des délégations de crédits pourront être accordées aux conseils régionaux dans la limite de 40 % de l’enveloppe globale, que le Gouvernement envisage de porter à 50 %. Cette attitude centralisatrice est contradictoire avec le vote de la loi « libertés et responsabilités locales » du 13 août 2004. Pourtant les conseils régionaux ont fait preuve de leur compétence, et la Commission incite les États à mieux impliquer les régions dans la gestion des fonds structurels. Certains le font. Mais le gouvernement français a décidé de faire coïncider la programmation des fonds structurels avec les contrats de plan État–région pour la période 2007-2013. Il y a là un souci de cohérence. Mais on peut craindre aussi que les fonds européens ne suppléent le manque de crédits d’État, comme on l’a déjà vu pour les monuments historiques, au détriment de la réhabilitation. Il faudra aussi éviter les coups d’accordéon de la période précédente. Mais on sent qu’il existe une volonté politique d’éviter le saupoudrage de crédits pour privilégier des projets structurants et pour être à pied d’oeuvre dès le premier semestre 2007. Dans le cadre de la stratégie de Lisbonne, les crédits sont concentrés sur la rubrique « compétitivité pour la croissance et l’emploi ». Ces dépenses d’avenir qui incluent la recherche, l’innovation, l’éducation, la formation, les réseaux transeuropéens de transport et d’énergie, ont malheureusement été la variable d’ajustement de la négociation et, de ce fait, ont été ramenés de 114,6 milliards à 74 milliards en crédits d’engagement pour toute la période. On a ainsi sacrifié l’avenir.

Dans le cadre de cette stratégie, le Conseil a adopté en juin 2005 des lignes directrices intégrées pour la croissance et l’emploi. En France, le programme national de réforme met l’accent sur trois priorités, la croissance économique, l’emploi et la connaissance. C’est un début de coordination des politiques économiques et sociales plus satisfaisant que l’aspect purement monétaire du pacte de stabilité et de croissance. Le rapport de suivi que le Gouvernement vient de présenter a tenu compte en grande partie des observations de la Commission, mais donne trop l’impression d’être un plaidoyer pro domo destiné aux institutions européennes.

En conclusion, la limitation du budget communautaire à environ 1 % du PIB montre la frilosité de l’Europe. Il faudra bien un jour que celle-ci se dote d’un budget digne de ce nom, pour porter des projets à la hauteur de ses ambitions. Il faudra de même réfléchir, dès 2007, à l’instauration d’un volet recettes qui ne soit plus la simple addition de contributions nationales, mais soit constitué de véritables ressources européennes représentatives de la richesse de l’espace européen.

M. Jacques Myard - Voilà comment on se fait hara-kiri !

M. le Rapporteur spécial - Il s’agit ainsi de marquer une volonté de développement et de solidarité, et d’affirmer un élément essentiel de la citoyenneté européenne. En conséquence, la commission des finances a donné un avis favorable à l’article 32, qu’elle vous demande d’adopter.

M. le Rapporteur général - Très bien.

M. Roland Blum, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères L’examen de la contribution française au budget de l’Union européenne est l’occasion de revenir sur la situation de l’Europe. Si 2005 fut une année mouvementée, 2006 fait apparaître une Europe figée, davantage marquée par la montée en puissance de nouveaux problèmes – questions énergétiques et migratoires –, que par celle de projets.

À l’image de l’Europe, ce budget 2007 progresse sur sa vitesse acquise, sans novation profonde. La négociation des perspectives pour 2007-2013 a abouti à un compromis convenable : la France a consenti des efforts sans abdiquer sur l’essentiel ; le chèque britannique a été remis en cause ; l’accord sur les dépenses agricoles de 2003 a été respecté ; la solidarité avec les nouveaux États membres a été préservée. La clause de rendez-vous, que la France, qui sera présidente de l’Union fin 2008, pourrait prendre en main, est une bonne chose pour tenter de voir plus loin ; en espérant que le projet européen aura été relancé sur le plan institutionnel d’ici là, car l’Europe des projets, attendue par les Européens, ne sera pas possible sans réforme des institutions et des procédures.

La France a exprimé sa réticence à voter le projet de budget en l’état, notamment en raison de la baisse trop importante des dépenses agricoles. Nous aimerions, Madame la ministre, des éclaircissements à ce sujet.

M’étant rendu récemment au Maroc et en Espagne, je mesure la nécessité d’aborder le problème migratoire au niveau européen. La crise des enclaves espagnoles au Maroc en 2005, puis les images de ces jeunes Africains échoués sur les côtes des îles Canaries, ont beaucoup ému. Les autorités des Canaries sont débordées par les 25 000 personnes arrivées sur leur territoire en 2006. Mais cette situation inquiétante ne doit pas masquer la réalité : l’Espagne est devenue un pays d’immigration, en raison de sa faiblesse démographique, et a régularisé 700 000 personnes ces deux dernières années. Il s’agit de personnes ayant un travail et dont beaucoup parlent espagnol et sont bien intégrées. Elles sont considérées comme contribuant à la bonne marche de l’économie.

Cependant, les autorités espagnoles, débordées, ont lancé un appel au secours, auquel l’Europe a mollement répondu. L’Italie a envoyé quelques navires sous l’égide de la nouvelle agence européenne Frontex, dont les moyens sont encore modestes. Les propositions du ministre de l’intérieur, M. Sarkozy, qui s’est rendu à Madrid il y a quelques semaines, y ont été bien accueillies. Il s’agit de constituer un pacte entre les pays de l’Europe méditerranéenne et de mettre en commun des moyens opérationnels sans attendre que les instances communautaires statuent. C’est une forme de coopération spécialisée telle que la conçoit le président de notre commission, M. Balladur. Il s’agit également d’éviter qu’un pays ne procède à des régularisations massives sans concertation avec ses partenaires européens. Avec Schengen, les régularisés espagnols peuvent venir en France librement, même s’ils ne peuvent y travailler sans notre accord. Ces propositions sont cohérentes avec l’accord conclu avec le Sénégal, qui contient un volet « aide au développement » indispensable. Bien que ce problème requière une approche globale, j’observe de grandes différences entre les pays européens.

Le Maroc reste un pays d’émigration, mais il est aussi devenu un pays de transit pour les candidats à l’entrée en Europe, et même un pays d’accueil pour des populations d’Afrique subsaharienne, ce à quoi les autorités marocaines ne sont guère préparées. Après la crise des enclaves espagnoles, le pays a renforcé le contrôle de ses frontières et signé un accord avec l’Espagne. Mais de nouvelles poussées sont possibles, et c’est pourquoi il ne faut pas que l’Union européenne délaisse ses voisins méditerranéens. La France a donc bien fait de défendre ces pays lors des négociations budgétaires relatives au nouvel instrument financier qui vient se substituer aux fonds MEDA. 70 % de ce nouvel instrument est consacré aux pays méditerranéens.

M. Jacques Myard - C’est insuffisant !

M. le Rapporteur pour avis – Cet effort doit être poursuivi.

Madame la ministre, que compte faire la France pour renforcer le dispositif de l’agence Frontex au large des côtes africaines ? Allons-nous envoyer des navires pour aider nos amis espagnols ? Quel est le bilan du transfert d’une partie de la politique migratoire dans le giron communautaire ? Certains aspects ne doivent-ils pas rester du ressort des États, dans le respect du principe de subsidiarité ?

M. Jacques Myard – Très bien !

M. le Rapporteur pour avis - Où en sont les négociations des accords de réadmission avec nos partenaires africains, sachant que l’absence de tels accords est l’un des principaux obstacles à une politique efficace de renvoi des étrangers en situation irrégulière ?

Mes chers collègues, je vous invite, au nom de la commission des affaires étrangères, à voter l’article 32 du projet de loi de finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Pierre Lequiller, président de la délégation pour l’Union européenne – Le budget 2007 sera le premier budget d’une Europe à 27 et la première étape de l’exécution du nouveau cadre financier pluriannuel. Les perspectives financières pour 2007-2013 ont prévu un montant de dépenses totales de 864,3 milliards d’euros sur sept ans en crédits d’engagement et de 820,8 milliards en crédits de paiement. Le volet recettes a introduit une révision du mode de calcul du rabais britannique afin d’en réduire le montant de manière significative. Le troisième point de l’accord interinstitutionnel est la clause de rendez-vous qui amènera l’Union européenne, sur la base de propositions de la Commission en 2008-2009, à une réforme d’ensemble de son système budgétaire.

Sur la période 2007-2013, la France demeure l’un des contributeurs nets et verra baisser les fonds communautaires, conséquence logique des derniers élargissements. Il ne serait en effet pas raisonnable d’exiger que la France reste l’un des trois plus importants bénéficiaires des dépenses communautaires en volume. Pour autant, l’accord sur les perspectives financières est globalement satisfaisant pour la France : respect des engagements sur la PAC, ainsi que des engagements de solidarité envers les nouveaux États membres, souci de maîtrise budgétaire, équilibre entre les politiques communautaires innovantes et les politiques traditionnelles que sont la PAC et la politique régionale, remise en cause du chèque britannique. Il importe à présent que les priorités définies par le Conseil européen et sur lesquelles les chefs d’État et de gouvernement se sont penchés la semaine dernière à Lahti – innovation, politique énergétique, immigration – se retrouvent dans chaque budget annuel de la période.

Comme beaucoup, j’appelle de mes vœux une Europe renouvelée, qui affirme son rôle à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières, en alliant innovation, compétitivité, solidarité, dans le respect du principe de subsidiarité. Il faudra sans doute envisager après 2013 une augmentation du budget. L’avant-projet de budget a mis l’accent sur la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne – croissance, emploi, recherche – et sur l’allocation dès 2007 d’une part croissante des fonds structurels et des fonds de cohésion aux nouveaux États membres. Je me réjouis des 885 millions affectés aux actions en faveur de la jeunesse et des 400 millions pour la culture.

M. Jacques Myard - Propagande !

M. le Président de la délégation – Madame la ministre, vous connaissez mon combat en ce domaine, et je voudrais que nous poursuivions nos efforts en faveur de la jeunesse et de la culture. L’Europe se fait pour les jeunes et par les programmes d’échange, comme le programme Erasmus, de stages…

L’avant-projet de budget communautaire pour 2007 s’élève à 125,7 milliards d’euros en crédits d’engagement et à 114 milliards en crédits de paiement. Le Conseil a révisé à la baisse la progression des crédits de paiement proposée par la Commission pour tenir compte de façon plus réaliste des besoins : adhésion de deux nouveaux États et lancement de nouveaux programmes pluriannuels, tout en évitant une surestimation des contributions nationales. La France est toutefois opposée à des coupes trop importantes dans les dépenses agricoles.

Au-delà de ce budget, il convient d’engager dès à présent une réflexion sur la future réforme d’ensemble du budget communautaire, pour laquelle les budgets 2007 et 2008 serviront de référence. Le Parlement européen, en association avec les Parlements nationaux, a commencé ses travaux sur ce sujet. À cet égard, comme l'a fait remarquer la semaine dernière devant notre Délégation M. Alain Lamassoure, rapporteur du Parlement européen, et Mme Catherine Guy-Quint, députée européenne du parti socialiste européenne, qui sont venus devant la délégation, il faut souligner l'importance qu'aura nécessairement la présidence française du second semestre 2008.

En concertation avec nos partenaires du Parlement européen, nous devons dès maintenant formuler des propositions, qu’il s’agisse des recettes ou des dépenses de l’Union. L’accord interinstitutionnel du 17 mai dernier prévoit en effet que la Commission devra prendre en compte les contributions au débat apportées par les Parlements nationaux.

S’agissant du volet « recettes », le système actuel de financement de l’Union a fait la preuve de son inadaptation, de son opacité, mais aussi de son caractère inéquitable. Les négociations budgétaires sont en outre polluées par les réflexes nationaux des États, qui se soucient avant tout de leur solde net et du principe de « juste retour ». La préparation laborieuse des perspectives pluriannuelles pour 2007-2013 l’a – hélas – bien montré ! Comme vous l’avez vous-même affirmé devant nos ambassadeurs, Madame la ministre, de tels comportement ne traduisent pas un véritable esprit européen !

M. Jacques Myard - Cet esprit européen est mort !

M. le Président de la délégation - Ne vous réjouissez pas trop vite, Monsieur Myard !

Nous reviendrons sur tous ces points lors des conférences interparlementaires des 4 et 5 décembre, qui réuniront en congrès les parlementaires nationaux et européens, ainsi que nous l’avons déjà fait les 8 et 9 mai derniers.

Quelles que soient les modalités de la réforme, celle-ci devra impérativement rendre le budget de l’Union plus juste, plus transparent et plus directement en phase avec les attentes des citoyens européens. N’attendons pas la déclaration du 25 mars prochain, dont l’objet sera de proclamer solennellement les valeurs de l’Union, à l’occasion de la commémoration du traité de Rome !

Il faut que l’action communautaire se traduise par des projets aussi concrets que le manuel d’histoire franco-allemand, désormais étudié des deux côtés du Rhin ! À l’image des initiatives destinées à la jeunesse, qui sont effectivement essentielles, toutes les actions communautaires doivent être plus aisément identifiables et plus visibles. Vous avez prévu, Madame la ministre, la mise en valeur systématique, à partir du 1er janvier prochain, de tous les investissements réalisés grâce à des fonds européens. Je me réjouis de cette décision, déjà appliquée dans de très nombreux États membres, notamment l’Espagne…

J’espère enfin que nous aurons trouvé une solution à la crise institutionnelle avant 2009 : comme le président Balladur, je considère en effet qu’il s’agit d’un préalable à tout nouvel élargissement.

Sous le bénéfice de ces observations, la délégation à l’Union européenne a émis un avis favorable à l’adoption de l’article 32 du projet de loi de finances (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La séance, suspendue à 17 heures 35 est reprise à 17 heures 45.

M. Christian Philip - Nous avons besoin d'une Europe des projets, d'une politique commune en matière énergétique mais aussi de recherche et d'innovation, d’industrie, de développement durable. Il en va de l'intérêt des États et des peuples européens : si tel n’était pas le cas, dans quelques dizaines d’années, l'Europe ne comptera plus. Nous devons réconcilier nos concitoyens avec l'idée d'Europe, il faut les convaincre que l’Europe est un plus grâce à des projets communs lisibles, concrets, utiles. L'instrument principal d'une Europe des projets, c'est le budget de l'Union européenne, lequel, aujourd’hui, ne permet pas de concrétiser l'ambition que nous devrions avoir.

M. Jérôme Lambert - Vous m’enlevez les mots de la bouche.

M. Christian Philip – S’il est certes loin d’être inutile en favorisant en particulier l’exercice d’une solidarité effective avec les États et les régions les moins favorisés, il est néanmoins insuffisant. Alors que les États membres doivent faire un effort pour mieux maîtriser leurs dépenses publiques, il était difficile d'accepter une augmentation du budget communautaire et de prôner autre chose qu’une stabilisation en volume. Toute augmentation du budget européen provoquerait évidemment une hausse du prélèvement que nous allons voter ce soir, lequel excède déjà 18 milliards. Mais nous ne pourrons en rester là, même si l'accord sur les orientations budgétaires 2007-2013 a confirmé cette stabilisation. Nous nous sommes fixé une sorte de nouveau plafond à 1 % du revenu national brut alors qu’un accord déjà ancien entre les États membres avait retenu le pourcentage de 1,27 %. Avec lucidité et courage, Madame la ministre, vous avez vous-même soulevé devant nos ambassadeurs cette question du 1 %.

Il faut augmenter le budget de l’Union sans se limiter à prôner une hausse des prélèvements. Si tel était le cas, nous ne pourrions guère espérer sa progression et obtenir les résultats recherchés pour développer les projets communs nécessaires. Il faut donc poser la question du transfert de certaines recettes des budgets des États membres vers le budget européen, qui selon moi aurait un double effet vertueux : pour l'Europe, en accroissant sa capacité à agir, pour les États membres, en les contraignant à diminuer leurs dépenses publiques. Plusieurs solutions peuvent être envisagées ; le Parlement européen élabore des propositions à ce sujet et M. Lamassoure, rapporteur de la commission des finances, a déjà exposé certaines idées. Je serais heureux, Madame la ministre, de connaître la position du Gouvernement. Nous devons donner à l'Europe de nouvelles ressources propres, mais créer un impôt européen n'est pas la bonne solution, plus d'Europe ne pouvant se traduire par une pression fiscale accrue. Mais il faudrait montrer à nos concitoyens que les États membres croient vraiment à l'Europe et pour cela, il faut choisir : faut-il affecter une part de l'impôt sur les sociétés au budget européen ou une partie de la TVA ? Faut-il envisager une autre solution ? Il importe en tout cas de ne pas attendre.

S’agissant du calendrier, le rendez-vous de 2008-2009 pour réfléchir sur les finances communautaires doit être préparé dès maintenant. Je souhaiterais que la France profite de sa présidence au deuxième semestre de 2008 pour faire des propositions. Cela passera nécessairement, outre une progression modérée du prélèvement, par un transfert de recettes nationales mais aussi par une évolution de la structure des dépenses communautaires telle que le traduit aujourd'hui le budget européen. Une telle évolution ne sera pas facile pour la France car elle touchera la PAC mais nous devons à nos agriculteurs d’avancer afin de ne pas être réduits à une stratégie défensive.

Je souhaiterais que notre assemblée réfléchisse – des travaux sont déjà engagés au sein de la commission des finances et de la Délégation pour l'Union européenne – sur les recettes et la structure du budget communautaire afin de faire des propositions au Gouvernement avant le début de cette clause de réexamen des finances communautaires décidée pour 2008-2009. La France doit être un moteur pour montrer à nos partenaires comme à nos concitoyens que nous voulons vraiment plus et mieux d'Europe. Quand on voit, par exemple, les moyens réduits dont disposera pour 2007-2013 Jacques Barrot dans le domaine des grandes infrastructures de transports – 8 milliards sur les 20 dont il lui aurait fallu disposer – on mesure l'urgence de ne pas en rester au budget européen tel qu'il est aujourd'hui et tel que nous allons y contribuer par ce prélèvement, que nous voterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Claude Lefort - C’est incompréhensible.

M. Jérôme Lambert – L’examen de la contribution française au budget de l’Union européenne est en effet l’occasion de revenir plus généralement sur la politique européenne. Comme l’a indiqué un de nos rapporteurs, 2006 aura plus été marquée par la montée en puissance de nouveaux problèmes que par celle de nouveaux projets européens. Qu’attendre pour 2007, première année de l’application des perspectives financières 2007-2013 ? Après la stagnation constatée sur la période 1998-2002 – qui reflète en particulier la sous consommation des fonds structurels – le budget communautaire connaît à nouveau une progression nette de 3,7 % par rapport au budget de 2006 en crédits d’engagement et de 2,26 % en crédits de paiement, cela correspondant à 1,08 % du RNB européen. Notons cependant la légère diminution des crédits consacrés à la PAC, en particulier pour les dépenses de production laitière, mais les crédits de la politique de cohésion, en revanche, augmentent de près de 15 %. Notons également que la Bulgarie et la Roumanie devraient bénéficier de 16,2 milliards entre 2007 et 2009.

La contribution française sera de 18,7 milliards, soit 16 % du budget européen. En 2005, la France a reçu de l’Europe 13,5 milliards, dont plus de 9 milliards au titre de la PAC et plus de 2 milliards au titre des fonds structurels. En données brutes, notre pays est le deuxième contributeur derrière l’Allemagne et reste le deuxième bénéficiaire de la dépense communautaire derrière l’Espagne. En pourcentage du PNB, nous serions le sixième contributeur. Cependant, la France devrait être moins bénéficiaire à partir de 2009 avec la montée en puissance des aides directes de la PAC dans les nouveaux États membres. Après 2013, notre pays cessera d'être bénéficiaire net de la PAC.

Un budget, ce sont avant tout des données chiffrées mais celles-ci doivent nous éclairer sur les orientations d'une politique. Or, ce budget ne semble être pour l'essentiel que la copie du précédent qui lui-même était la copie de celui d’avant, etc. Il faut pourtant donner un nouveau cap à la politique européenne. Nous sommes nombreux à penser que si l'Europe doit se doter des moyens nécessaires à la mise en ouvre de nouvelles politiques, elle devrait notamment intervenir plus avant dans le domaine de la recherche et des investissements, même si le budget, en l’occurrence, augmente. Il ne s'agit pas pour autant de jeter le bébé avec l'eau du bain en cessant de poursuivre les politiques qui ont produit des effets positifs, comme la PAC ou les fonds de cohésion. L'accord interinstitutionnel du 17 mai 2006 qui a finalisé les négociations sur les dépenses pour les années 2007-2013 nous oblige à un budget et à une politique a minima. Alors que la Commission européenne avait initialement proposé un budget européen atteignant 1,26 % du RNB de l'Union européenne en moyenne sur la période 2007-2013, ce qui représentait une hausse de l'ordre de 30 % en volume par rapport à 2006, la France s'était alors jointe à cinq autres gros contributeurs nets – Royaume-Uni, Allemagne, Autriche, Pays-Bas et Suède – pour demander un budget limité à 1 % du RNB communautaire, ce qui correspond à un maintien en volume mais qui interdit, de facto, tout progrès dans l’application de politiques nouvelles. Je rappelle que le maintien en volume est à rapprocher du passage de 15 à bientôt 27 États. En définitive, la décision adoptée par le Conseil après un réel échange avec le Parlement européen, qui de ce point de vue a joué un rôle important, prévoit des dépenses à hauteur de 864,3 milliards en crédits d'engagement sur la période 2007-2013.

Cependant, rien n'est acquis avec ce maigre résultat, car notre gouvernement a accepté l'introduction d'une clause dite « de réexamen » en 2008-2009 pour lancer une réflexion approfondie sur les finances communautaires à un moment où la Commission européenne devra présenter un rapport d'orientation. Cette clause de réexamen couvrira l'ensemble du budget communautaire ; elle mentionne explicitement la PAC et le « chèque » britannique, sans toutefois lier les deux, avec une superbe ambiguïté sur la période de mise en œuvre – avant ou après 2013 !

Au total, le solde net de la France s’établira à – 0,37 % du revenu national brut sur la période 2007-2013, contre – 0,2% en 2005. Bien qu’elle en ait approuvé les orientations générales, la France n’a pas donné son accord définitif au projet de budget, jugeant excessives les économies sur les dépenses agricoles – 746 millions d’euros en crédits d’engagement et 788 millions en crédits de paiement – qui affectent en outre des secteurs sensibles – aides aux plus démunis et soutien aux producteurs de lait, en particulier.

Le débat d'aujourd'hui aurait pu nous éclairer sur les intentions du Gouvernement. Ce n’est pas le cas, mais nous pouvons encore l'inciter à proposer un meilleur compromis.

En effet, la politique européenne joue un rôle croissant dans notre politique intérieure. Notre actualité politique ne témoigne pourtant guère qu’on en ait pris conscience, y compris dans la perspective des échéances électorales de 2007, alors que nos concitoyens ne peuvent plus être tenus à l'écart des orientations européennes. La récente position prise par la Commission sur la libéralisation totale du marché des services postaux en 2009 devrait ainsi être au centre de nos préoccupations : quand la décision s'imposera, il sera trop tard pour réagir – et il est déjà bien tard. Ce n’est, hélas, pas une réflexion – toujours attendue – sur le devenir des services publics qui réparera les dégâts constatés !

Oui, il faut que nos concitoyens s'approprient le débat européen, pour orienter celui-ci au lieu d’être contraints de refuser, comme nous l'avons fait en 2005 lors du référendum, les choix que l'on veut nous imposer !

M. Jean-Claude Lefort - Très bien !

M. Jérôme Lambert – Notre Parlement peut ici jouer un rôle majeur. Depuis près de cinq ans, je participe assidûment aux travaux de la Délégation pour l'Union européenne. Notre cadre de travail a beaucoup évolué : les relations que nous entretenons avec les Parlements des autres nations permettent des échanges enrichissants et renforcent l'influence de notre pays au sein de l'Union. Les réunions européennes sont nombreuses ; des instances nouvelles apparaissent, qui ouvrent des espaces pour échanger et répondre aux attentes des citoyens. Enfin, la prise en compte de l'avis des Parlements, dans le domaine de la subsidiarité – même s'il s'agit d'une avancée informelle – est réelle.

Nous avons réfléchi sur la subsidiarité, avec Didier Quentin, dans le cadre d'un rapport de la Délégation, et nous avons fait des propositions pour une organisation du travail du Parlement en la matière. J'espère qu’elles seront suivies, pour que nous puissions renforcer l'influence de notre pays dans l'Union.

S’agissant de notre contribution au budget européen, le groupe socialiste émettra un vote négatif, non sur le principe de cette contribution, mais en raison de la position du Gouvernement sur l'évolution du budget de l'Union et de l'absence de visibilité au delà de 2008-2009, date fixée pour la clause de réexamen – sans compter que le budget qu’on nous demande de financer n’est pas encore connu.

M. Jean-Claude Lefort - Les recettes ne sont pas votées !

M. Jérôme Lambert - Les socialistes souhaitent une plus grande clarté dans les politiques de l'Union et dans leurs modalités de financement. La création d'une ressource budgétaire propre pour le financement de l'Union, en sus de celles existantes qui sont très insuffisantes – droits de douane entre autres – doit être envisagée. Les citoyens ont le droit de savoir – et plus encore de déterminer – ce que fait l'Europe et comment cela est financé. Ce n’est pas encore le cas, et cela influe sur la perception négative que peuvent avoir nos concitoyens de l’Union. Je souhaite ardemment que la campagne électorale à venir ouvre la voie à des avancées nouvelles : ne plus avancer serait en effet nous condamner. Encore faut-il que cela se fasse dans la bonne direction, celle d'une Europe plus protectrice de l'intérêt de nos concitoyens dans un monde où les intérêts financiers deviennent dominants. Cette situation est désormais insupportable : il nous faut trouver les moyens d'offrir un cadre nouveau au développement économique, et à un développement économique respectueux de la personne humaine et de la planète. C'est cette politique que les socialistes soutiendront – et, je l’espère, conduiront – dans un proche avenir.

M. Jean-Claude Lefort - Très bien !

Mme Anne-Marie Comparini - La participation de la France au budget européen – 18,7 milliards d'euros – fait de notre pays le deuxième financeur de l'Union, ce qui nous autorise à demander ce que fait l'Europe sur des sujets brûlants où elle brille plutôt par son absence. Ce constat d’une Union figée, pour reprendre le terme de M. Blum, nous sommes nombreux à le faire – et vous le dressiez vous-même en août dernier, Madame la ministre, devant nos ambassadeurs. L’actualité de l’été démontre d’ailleurs que ce constat est fondé : la guerre du Liban a souligné les faiblesses diplomatiques de l’Europe dans la recherche d'une solution au conflit ; l’Europe n’a pas su lutter contre l'afflux d'immigrés irréguliers dans les îles espagnoles et italiennes ; sa dépendance énergétique à l'égard de la Russie s’affirme, sans qu’elle se montre capable d’établir des partenariats énergétiques avec ses voisins, comme l'Algérie – dont elle finance pourtant une bonne partie de l'aide au développement.

Depuis 2005, les États membres recherchent le moyen de relancer la machine européenne. Il en existe un simple, mais qui suppose une vraie volonté : revenir au fondement de la construction européenne, à savoir l'harmonisation des règles par des politiques communes. Par facilité ou par manque de vision, cette méthode communautaire est trop souvent remplacée par des coopérations renforcées ou par la démarche intergouvernementale, pratiques qui au mieux assurent une gestion des dossiers au jour le jour, avec des compromis a minima, au pire donnent l'impression d'une lente agonie de l'Europe.

Comment l'Europe des résultats, celle qu’attendent nos concitoyens, pourra-t-elle se mettre en ordre de marche si les institutions européennes ne reviennent pas à cet esprit d’origine ? Je profite de notre débat pour avancer quatre propositions en ce sens.

La première concerne les ressources énergétiques. Lorsqu'une ressource est vitale, elle peut devenir une arme, entraîner des tensions sur les marchés – nous en avons eu un avant-goût avec le dernier envol du cours du pétrole – et des tensions diplomatiques, comme l’ont montré les coupures des livraisons de gaz russe à l'Ukraine. L’Europe, qui est née de l'énergie avec la CECA et l'Euratom, ne peut donc rester impuissante face à la stratégie hégémonique de la Russie. Les sommets – formels ou informels – ont posé les bases des stratégies possibles : le problème n'est plus de se plaindre, mais d'être convaincants ensemble. Il y a urgence à déboucher sur un plan d'action. La politique européenne est encore embryonnaire ; ses bases juridiques sont fragiles, noyées sous un grand nombre de directives techniques, sans perspective commune en matière d’énergies renouvelables. L'Europe ne donne pas davantage l'impression d'avancer sur les grands chantiers – transit libre des matières et produits énergétiques, recherche de relations équilibrées avec la Russie.

Ma deuxième proposition a trait à l'immigration. Certes, la politique d'immigration à l'échelon européen est une création récente ; mais elle peine à trouver une force juridique contraignante. Surtout, elle laisse certains États membres faire face seuls aux flux d'immigration. Il est temps de s'inspirer du traité constitutionnel, qui disposait que « l'asile et l'immigration sont des domaines où la nécessité d'une politique commune n'est plus à démontrer ». C'est une remarque de bon sens. Dès lors qu’on supprime les frontières intérieures au sein de l'Union, un État ne peut à lui seul contrôler les flux migratoires.

M. Jacques Myard - Il faut réviser Schengen !

Mme Anne-Marie Comparini - Avec le développement de l'immigration et l'élargissement à de nouveaux États membres – Bulgarie et Roumanie –, seule une politique commune aboutira à la cohérence, au contrôle et à la régulation.

M. Jacques Myard - À un peu plus de pagaille !

Mme Anne-Marie Comparini - L’UDF regrette donc qu'au moment où l'Espagne n'était pas assez soutenue par ses partenaires dans ses efforts pour lutter contre l'afflux d'immigrés, le président de la Commission se soit contenté d'écrire aux chefs d'État pour leur demander un peu plus de solidarité. Il aurait mieux valu qu'il prenne l'initiative de définir les moyens communs nécessaires à la gestion des flux, au traitement équitable des ressortissants des pays tiers et à la prévention de l'immigration. J’avais d’ailleurs demandé l’an dernier la mise en œuvre d’une nouvelle politique – urgente, humaine et réaliste – de co-développement des pays du Sud.

Nous constatons aujourd'hui, après la conférence de Rabat, que la présidence finlandaise de l'Union insiste sur l'importance des actions à long terme pour agir durablement sur les causes de l'immigration au lieu de tenter de l'endiguer ! Le prochain conseil de décembre devra donc arrêter de nouvelles initiatives concrètes.

Ma troisième proposition concerne la sécurité et la défense. L'Europe de la défense – Eurofor, Euromarfor et la FGE – progresse, mais en fonction de l'héritage de la décennie passée, pendant laquelle les pays européens n'ont pas su gérer les crises, dépourvus qu’ils étaient d'une diplomatie commune et d'une capacité à manœuvrer ensemble des forces militaires. Il faut faire davantage si l'Europe veut servir la paix, assurer son indépendance et devenir un acteur stratégique dans un jeu mondial complexe. Un système européen de défense n’est cependant pas concevable tant que le budget européen ne représentera qu'1 % du PIB ! À tout le moins, utilisons l'année 2007 pour construire une défense européenne où les capacités militaires nationales seront mutualisées et coordonnées.

La dernière proposition concerne l’emploi. Les défis lancés à l’Europe – faiblesse de la croissance, vieillissement de la population, déficiences industrielles, insuffisance de la recherche, inégalités territoriales – exigent des États membres un important effort de solidarité financière. Le budget 2007-2013, laborieusement adopté, n’y pourvoit pas : seuls 11 % des crédits seront destinés à la compétitivité. C’est donc en mobilisant nos énergies que nous devrons recoller à la croissance mondiale. Dans cette perspective, si les objectifs de la stratégie de Lisbonne sont pertinents, c’est aux États qu’il revient de les mettre en œuvre.

M. Jacques Myard - Heureusement !

Mme Anne-Marie Comparini - Il manque des règles communes. Pourquoi ne pas relancer l’harmonisation dans ce secteur ? Les idées ne manquent pas : un Small Business Act européen…

M. Jacques Myard - En français ?

Mme Anne-Marie Comparini - Une stratégie pour les petites et moyennes entreprises : cela nous permettrait d’investir dans les PME, de les aider à innover, de leur faciliter l’accès au capital investissement ou de traiter de l’assiette de l’impôt sur les sociétés. Veillons à ce que notre focalisation sur l’achèvement du marché unique ne nous fasse pas oublier de nous préparer à la confrontation avec le reste du monde.

L’Union traverse une période cruciale : elle ne pourra pas continuer à décider de ne pas décider. D’ailleurs, l’Europe est le continent le plus proche des théâtres de conflits et des zones de grande pauvreté : cela crée des obligations, notamment celle de construire un « pouvoir doux », un soft power qui s’appuie sur ces quatre orientations – qui ont également été traitées au sommet européen de Lahti. L’UDF votera le prélèvement européen pour 2007, mais maintenant, il faut en finir avec les déclarations et les sommets, et passer aux actes (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP).

M. Jean-Claude Lefort – « On ne devient pas une puissance en y consacrant 1 % de son PIB » : ainsi parliez-vous, Madame la ministre, le 29 août, devant la conférence des ambassadeurs. Nous vous approuvons, au point que nous y voyons une sorte d'appel subliminal à voter contre cet article 32, qui consacre ce que vous dénonciez si légitimement. Nous regrettons que d’autres groupes ne nous suivent pas, d’autant que nos deux commissions saisies ont émis des appréciations convergentes : pour Jean-Louis Dumont, ce budget manque singulièrement d'ambition pour l'Europe et pour Roland Blum, 2006 apparaît comme l’année d’une Europe figée.

D’où cela vient-il donc ? Du fait que l’Union se construit désormais selon un dogme, pourtant récusé par beaucoup, et par les Français en particulier : pour ceux qui la dirigent, l'Europe ne doit être qu'un grand marché où la concurrence est libre et non faussée. Mais si l'Europe n'est rien d'autre que celle des marchands, comme c'est le cas aujourd'hui, elle ne peut être porteuse de sens ou de valeurs. Qu’est donc le modèle social européen, lorsque 1 % seulement du PIB va au budget européen ? Moins d'argent pour davantage de pays, ayant entre eux des différences de niveau de vie considérables, aboutit à coup sûr à une compétition accentuée entre ces 27 peuples. Cela tire tout le monde vers le bas.

Ce budget n’est pas seulement insuffisant : il remet en cause la rubrique « compétitivité pour la croissance et remploi » qui concerne la recherche et l'innovation, mais aussi l'éducation, la formation et les réseaux transeuropéens de l'énergie et des transports. La funeste directive Bolkestein, amendée par le Parlement européen et qui a été soutenue ici, vient d'être revue par le Conseil, qui a étendu son champ d'application en réduisant tout simplement les exclusions concernant les services sociaux.

M. le Président de la délégation – Légère exagération !

M. Jean-Claude Lefort – C’est la vérité ! Et encore ne voit-on pas tout : les négociations se poursuivent à l'OMC sur l'accord général sur le commerce des services et, dans le plus grand secret, la Commission cherche à accentuer la privatisation des services – de tous les services, dont ceux rendus par les collectivités territoriales !

Et après le gaz, c’est maintenant au tour de La Poste d’être totalement privatisée. Une étude prospective de la Commission vient d'être publiée, qui conclut à la nécessité de mesures d'accompagnement pour assurer la pérennité du service universel dans un environnement libéralisé. Et de détailler ces mesures : réduire la densité des bureaux de poste, aligner les coûts salariaux des opérateurs historiques sur ceux de leurs concurrents, limiter l'offre de service universel afin d'en réduire le prix, augmenter le prix pour les petits utilisateurs… Le tarif unique du timbre sera supprimé en 2009. Il en sera ainsi terminé de toute péréquation en faveur des plus modestes, tandis que le service rendu comme le personnel de La Poste vont fondre comme neige au soleil. Vous appelez cela un projet pour l'Europe ? Les Français ont beau l’avoir rejeté, vous vous accrochez au funeste traité constitutionnel qui allait dans cette direction. Mais les candidats aux présidentielles qui promettront monts et merveilles sans remettre en cause le type actuel de construction européenne s’en trouveront déconsidérés : on ne peut promettre le bien-être en France sans toucher à la machine à fabriquer le contraire de Bruxelles ! Il faut impérativement un nouveau traité.

Mais le modèle social européen n’est pas le seul point à prendre en compte : il faut aussi parler de nos relations avec l’extérieur. Par exemple, 160 pauvres millions dans le budget seront consacrés, en 2007, à la politique étrangère et de sécurité commune – 160 millions sur 130 milliards : même pas 1 % ! La guerre au Liban a une nouvelle fois montré l'incroyable division des Européens, et l'Union se révèle incapable de peser dans le conflit israélo-palestinien. Et notre ministre des affaires étrangères en est venu à déclarer que le mur construit en Palestine a désormais ses faveurs ! Une médiocre et dangereuse allégeance aux USA : voilà où nous en sommes. Et c’est ainsi qu’on pense construire un monde multipolaire, en étouffant la voix de l'Europe ? Pauvre Europe, qui n'existe pas en propre et qui a peur d'elle-même !

Autre exemple : ce serpent de mer qu'est la défense européenne commune. À être dominé par les marchands, le secteur militaire ne peut pas produire de l'intérêt général. Certes, il génère des bénéfices colossaux, mais il n’a que faire de l'Europe. Le politique est dominé par l'économique : c’est affligeant.

Enfin, où est donc l'Europe de la solidarité? Le budget pour 2007, qui régresse globalement, prévoit une forte augmentation des dépenses du chapitre « Liberté, sécurité et justice », du fait de l’accroissement des phénomènes de migrations, particulièrement dramatiques. Mais comment accepter, à défaut d'une Europe puissance, une Europe forteresse ? Car le phénomène migratoire n'est que le reflet du monde : il est symptôme, et non cause, résultante et non responsable ; il est la misère en mouvement, la pauvreté en fuite. Et à toute cette misère du monde qui explose au grand jour, on répond « bâton » ou « mur », pas « humain » et « solidarité » !

Madame la ministre, la travailleuse et fourmillante délégation pour l'Union européenne a produit un rapport sur les négociations entre l’Union européenne et les pays ACP – c'est-à-dire 78 pays parmi les plus pauvres de la planète. À l'unanimité, elle a mis en garde contre des négociations qui ne visent ni plus ni moins qu'à instaurer un régime de libre échange entre l'Europe et ces pays. Cette conception déroge profondément à l'esprit des accords de Lomé et de Cotonou ; c'est un match entre un poids plume et un poids lourd qu’on organise ! Si cela devait continuer ainsi, on irait tout droit à la catastrophe, à un tremblement de terre social pour ces pays. Comment les populations pourraient-elles rester chez elles s’il y a encore plus de misère ? C'est impossible, d’autant que le FED régresse. Il est temps de dire stop à la Commission ! Et il faut le faire aussi pour des raisons géostratégiques : 27 pays plus 78, cela fait une force sérieuse pour peser sur les affaires du monde ! Une force que vous cherchez à détruire, plutôt qu’à renforcer… C’est une aberration.

Voilà, à grands traits, l’Europe actuelle… et vous persévérez. C'est diabolique ! Cette Europe, à n’être que celle des marchands, est à bout de souffle. Le marché dicte sa loi et le politique s'incline ou, au mieux, répare les dégâts. Vous décrédibilisez l’Europe, jusqu'à en faire un objet de rejet massif de la part des populations.

Il faut une autre Europe. Mais vous ne pouvez ni ne voulez la construire. L'Union européenne doit donc changer de mains pour devenir porteuse de sens, en son sein et partout dans le monde. La roue de l'histoire est décidément implacable et nous vivons un tournant historique, puisqu’il revient désormais aux tenants du « non » de dire l'Europe de demain ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

Mme la Ministre déléguée – Le temps me manque pour traiter de manière détaillée tous les sujets que vous avez évoqués et je m’efforcerai donc de répondre à vos questions précises.

Monsieur le rapporteur pour avis, vous m’avez interrogée sur les difficultés que nous avons rencontrées pour bâtir le projet de budget agricole. Il nous était proposé de procéder à une coupe de 0,84 % par rapport à 2006, et cela aurait directement affecté les secteurs sensibles que constituent le lait et l’aide aux plus démunis. Dès lors, nous n’avons pas, à ce stade de la discussion, approuvé cette proposition et nous attendrons la prochaine lecture du projet, le 21 novembre, pour nous prononcer définitivement, au vu de l’ensemble du budget.

S’agissant des migrations, j’ai indiqué d’emblée que nous considérions la question comme particulièrement sérieuse et appelant, d’évidence, une réponse globale. C’est du reste toute la stratégie du Conseil européen de décembre dernier, telle qu’elle a été déclinée à Rabat ; il convient à présent de la mettre en œuvre. Qu’ils soient pays de départ, de transit ou de destination, tous les États membres doivent s’impliquer dans la recherche de solutions adaptées, conjuguant nécessairement un renforcement du contrôle des flux et une intensification de l’effort de co-développement. L’objectif que nous partageons tous, c’est de régler les problèmes à la source, en sorte d’éviter les situations dramatiques.

M. Blum m’a également questionnée sur la participation de la France à Frontex. Deux opérations ont été conduites dans ce cadre, à Malte et aux Îles Canaries. Dans les deux cas, notre pays a apporté une aide logistique et humaine, des avions de surveillance des côtes et des personnels ayant été mis à disposition. L’Espagne a apprécié notre effort et n’a pas formulé de demande supplémentaire.

Bien entendu, l’action concertée en faveur d’une immigration maîtrisée passe par plus d’Europe, et le commissaire européen Franco Frattini, en charge du volet « Justice, liberté et sécurité », a fait à ce sujet des propositions très sérieuses visant, notamment, à renforcer l’information mutuelle des États membres avant toute décision de régularisation importante. Le conseil Justice et affaires intérieures du début de ce mois en a débattu, mais l’obligation qui nous est faite de trancher ces questions à l’unanimité constitue un facteur de blocage. La France avait du reste proposé que plusieurs sujets relevant de ce pilier puissent être traités à la majorité qualifiée, ce qui eût donné un surcroît de prérogatives bienvenu au Parlement et à la Cour de justice. Malheureusement, si la présidence finlandaise s’efforce de faire progresser les esprits, nombre de nos partenaires se montrent encore réticents.

S’agissant des réadmissions, la France a conclu un accord bilatéral très important avec le Sénégal, en tout point conforme à la philosophie de Rabat. Quant à l’accord CE-ACP de Cotonou, il prend en compte la question des migrations, puisqu’il prévoit une réadmission d’effet direct, même en l’absence d’accord. Je précise au passage que l’accord bilatéral France-Maroc est toujours en cours de négociation.

Nombre d’entre vous ont évoqué la réforme des ressources de l’Union. Nous parlons bien, Monsieur Lefort, de l’après-2013. Bien entendu, cela se prépare dès aujourd’hui et je souscris pleinement à toutes les observations de M. Philip à cet égard. Je suis les travaux de M. Lamassoure avec la plus grande attention et nous avons eu l’occasion d’en débattre avec votre délégation à l’Union européenne la semaine dernière. Nous avons encore un peu de temps pour explorer toutes les pistes. L’essentiel est de maintenir l’équité du système et de retenir des modalités de calcul adaptées pour le chèque britannique.

Je ne puis vous laisser dire, Monsieur Lambert, que le budget européen stagne en volume : à partir des 809 milliards de 2006, une augmentation de 1 % aurait porté le total à 815 milliards ; là, nous en sommes à 864,3 milliards, ce qui représente une augmentation de 55 milliards. Nous sommes donc loin de la stagnation !

Ensuite, il ne doit y avoir aucune ambiguïté sur la durée de l’accord financier en cours : il est valable jusqu’en 2013 inclus. Cela ne fait l’objet d’aucune remise en cause.

Enfin, vous souhaitez, Monsieur Lambert, que les citoyens soient mieux éclairés sur les enjeux de la politique européenne et que l’Europe soit davantage présente dans la campagne présidentielle de 2007…

M. Jacques Myard - Chiche !

Mme la Ministre déléguée - Au sein de la majorité, et même, parfois, du Gouvernement, le débat existe : puisse l’opposition s’en saisir aussi et se montrer plus loquace sur son projet européen, si elle en a un !

Madame Comparini, vous avez parlé de l’énergie et de l’immigration : je me permets de réserver mes propositions sur ces deux sujets à ma prochaine rencontre avec votre délégation à l’Union européenne, qui aura lieu demain ! Comme vous, je souhaite ardemment que l’Europe de la défense continue de progresser. Nous partons de peu…

M. Jacques Myard - Pour arriver nulle part !

Mme la Ministre déléguée - …mais nous avançons résolument et la France prend toute sa part aux programmes en cours.

Monsieur Lefort, j’ai cru, l’espace d’un court instant, que je vous avais rallié à ma vision de l’Europe : las, vous ne déviez pas de votre ligne. Depuis toujours, vous êtes opposé à la construction européenne…

M. Jean-Claude Lefort - Allons, pas de caricature !

Mme la Ministre déléguée - …et cela vous conduit parfois à asséner des contrevérités. Ainsi, je rappelle que la directive Bolkestein n’a jamais existé, puisque nous avons fait en sorte qu’elle reste à l’état de projet.

M. Jacques Myard - Ça été moins une !

Mme la Ministre - Et il n’est pas davantage dans les projets de l’Union de privatiser La Poste ! Quant au budget de la PESC, vos chiffres sont faux et vos références aussi. Vous confondez les dotations annuelles et le programme pluriannuel et vous raisonnez sur des montants tronqués.

Vous souhaitez que l’Europe soit plus solidaire. Nous nous y attachons, en augmentant très sensiblement l’aide au publique au développement. Il faut savoir que 60 % des aides perçues par les pays africains au titre de l’APD – soit plus de 36 milliards en 2004 – sont versés par l’Europe. Et le FED a été porté à 22 milliards, soit une progression de 8 milliards ! Enfin, c’est l’honneur de la France que d’avoir créé la taxe sur les billets d’avion – que nombre de partenaires ont vocation à appliquer à leur tour – pour renforcer l’aide aux pays en développement. En année pleine, ce sont près de 200 millions qui devraient être dégagés par ce moyen (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

ART. 32

M. Jacques Myard – En versant 18,7 milliards au budget communautaire – soit 16 % du total et 6,9 % de nos recettes fiscales –, la France est le deuxième contributeur. C’est dire toute l’importance du présent prélèvement ! En outre, le solde, qui s’établissait à 0,21 % en 2004, passe à 0,37 % du revenu national brut, de sorte que nous assistons à une véritable fuite en avant !

Où est la cohérence, par ailleurs, dans ce budget ? C’est un vrai fourre-tout : l’Union européenne veut tout faire au lieu de s’en tenir à l’organisation d’une Union à 27 États. Il est urgent de passer ce budget au Kärcher du principe de subsidiarité ! Celui-ci est violé à tout propos. Ainsi, au titre de la politique de compétitivité, on multiplie les actions qui devraient relever des États et d’eux seuls. Le programme Comenius sur l’enseignement préscolaire répond-il vraiment à un enjeu européen ? On lui alloue pourtant la bagatelle de 7 milliards sur la période ! Sous la rubrique « liberté, sécurité, justice » les actions vont dans tous les sens. Ainsi, le programme Daphné encourage la lutte contre toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des enfants. C’est louable en soi. Mais chaque État doit lutter contre ces violences, ou il n’a pas sa place dans l’Union. C’est vraiment tout et n’importe quoi ! De même, sous la rubrique « citoyenneté », la Commission fait sa propagande, en faisant affecter 885 millions sur la période à un programme « jeunesse en action ». Je pourrais multiplier les exemples, et cela au moment où l’on parle de maîtrise de la dépense !

Il est urgent de remettre tout à plat et de dire non à des lobbies qui vivent au crochets de l’Union européenne avec la complicité active de la Commission qui a sa clientèle et soigne sa propagande. Il convient d’en revenir au principe originel du traité de Rome. L’Union peut fixer des objectifs, mais c’est aux États à les mettre en œuvre. Nul besoin pour cela d’envoyer de l’argent à Bruxelles pour le faire revenir ensuite. On peut être plus pragmatique.

Voyons par exemple les fonds structurels, qui représentent 36,8 % du budget, soit 42 milliards pour 2007 et 308 milliards pour toute la période 2007-2013. Pour la dernière période, la France a été contributrice nette pour près de 25 milliards dans ce secteur. Il y a beaucoup à dire sur la méthode : on envoie de l’argent à Bruxelles pour le faire revenir afin de construire des trottoirs à Salonique ou une piscine dans le Périgord ! Franchement, quel est l’enjeu européen ?

En réalité, les pays européens, en particulier les nouveaux entrants, n’en déplaise aux Roumains et aux Bulgares dont j’ai soutenu l’adhésion, ont-ils vraiment besoin de ces fonds ? Non, des fonds privés vont aller s’y investir par milliards et je doute qu’ils aient besoin, en plus, des fonds structurels. En revanche, ces crédits seraient utilement investis dans les pays en voie de développement. On se trompe donc d’intérêt géostratégique. Le développement va se faire naturellement en Europe, tandis qu’à notre porte le continent africain va à la dérive, et nous enverra des centaines de milliers d’immigrés. L’erreur sur les priorités est une faute historique. Pour la période 2007-2013, le Fonds européen de développement est crédité de 22 milliards contre 308 milliards pour les fonds structurels ! On trouvera peut-être mes propos iconoclastes, mais c’est notre avenir qui est en jeu.

S’agissant enfin de l’architecture européenne, il ne vous a pas échappé que, le 29 mai 2005, notre peuple a rejeté le traité constitutionnel, suivi par le peuple néerlandais, le plus europhile disait-on, qui l’a rejeté à 63 %. Or il nous revient aux oreilles que certains voudraient faire voter par le Parlement la première partie de la Constitution mort-née : un mini-traité en quelque sorte et une mini-pensée ! Essayer de contourner le verdict du peuple est inadmissible, alors que c’est cette première partie qui organisait la fuite en avant dans une Europe intégrée et intégriste, vassalisant les États souverains. Revenons à la réalité ! C’est une chose d’organiser les marchés, et je l’admets parfaitement. C’en est une autre d’organiser de la sorte la coopération entre États souverains dont les visions peuvent diverger totalement.

Il n’y aura pas d’Europe puissance. Cette « idée d’avenir » relève du mythe. Dans le village planétaire, la question européenne ne représente plus qu’une série d’enjeux régionaux. Or nos intérêts sont mondiaux. Nous devons coûte que coûte préserver notre indépendance, et surtout pas risquer la paralysie dans les palabres bruxelloises.

Enfin, j’ai déjà critiqué le laxisme du Gouvernement dans la défense de notre langue. Il n’est pas acceptable de ne recevoir que des documents en langue anglaise, y compris au Conseil de l’Union. Plus encore, la force de gendarmerie européenne, excellente initiative, aura pour langue de travail l’anglais, alors qu’elle est constituée par… la France, l’Italie et l’Espagne ! On marche sur la tête ! On ne peut pas dépenser des milliards pour la défense de notre langue et, dans des cas comme celui-là, se vautrer dans les délices de l’abandon. Un peu de cohérence ! Battez-vous ! Vous êtes plus forts que vous ne le croyez, mais c’est la volonté qui manque. Pour toutes ces raisons, je voterai contre ce prélèvement. Il est temps de tout remettre à plat pour préparer l’avenir.

L'article 32, mis aux voix, est adopté.

Art. 33 et État A annexé

Mme Anne-Marie Comparini - M. de Courson étant absent, il ne pourra défendre son amendement visant à réduire de 4 milliards le déficit du budget pour 2007. Pour le groupe UDF, il est important d’opérer cette réduction, et de mener une politique budgétaire rigoureuse. Nous souhaitions le répéter, car nos dirigeants ont si peu cette culture que bis repetita ne peuvent nuire. Notre pédagogie portera peut-être un jour des fruits...

Au cours du débat, M. de Courson et M. Perruchot se sont interrogés sur cet étrange mal qui conduit à utiliser les ressources nouvelles pour augmenter les dépenses, souvent de fonctionnement, ou pour financer des cadeaux fiscaux. Ainsi, de 2002 à 2007, sur 68 milliards de surplus de recettes, 41 milliards ont servi à accroître les dépenses, 23 à réduire les impôts et 4 seulement à réduire le déficit budgétaire. À la vérité, la gauche n’a pas fait mieux puisque de 1997 à 2002, sur 80 milliards d’excédents, elle en a affecté 48 à des dépenses supplémentaires et 39 à des cadeaux fiscaux.

Le groupe UDF y insiste parce que la situation financière est catastrophique. Celle de la dette s’améliore selon M. Breton. Pourtant, elle va passer de 1 152 milliards en 2006 à 1 180 milliards en 2007, estime-t-on. C’est beaucoup pour les générations qui nous suivent et devront la rembourser. En acceptant ainsi année après année le déficit, nous nous privons de marges de manœuvre dont nous aurions besoin pour investir dans les secteurs qui apportent de la croissance, les universités, les PME, l‘innovation. Nous aurions donc préféré ramener le déficit pour 2007 de 41,6 milliards à 37,6 milliards, comme le suggérait M. de Courson.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État - Les conseilleurs ne sont pas les payeurs.

Mme Anne-Marie Comparini – Non, comme M. de Courson l’a expliqué, il faut faire un plan, et d’autres pays dans le monde en ont fait et sont parvenus, une année après l’autre, à réduire le déficit.

Voilà pourquoi l’UDF préconise un changement constitutionnel qui interdise au Gouvernement de creuser la dette avec des dépenses de fonctionnement.

M. le Ministre délégué - L’amendement 334, traditionnel, résume les modifications apportées à la première partie du projet loi de finances, au cours de débats dont je tiens à saluer la qualité.

Ainsi, les recettes fiscales brutes sont minorées de 168,4 millions d’euros du fait des mesures suivantes : pour 100 millions d’euros, l’incidence du relèvement du seuil de chiffre d’affaires à partir duquel les entreprises sont soumises à l’IFA ; la minoration de 55 millions d’euros au titre du raccourcissement de la durée d’amortissement des frais d’acquisition des titres de participation ; pour 20 millions, l’impact du correctif proposé par votre commission des finances en ce qui concerne les règles d’imputation des moins-values imposées à 15 % sur les plus-values à long terme ; l’effet net, à hauteur de 6,6 millions de recettes supplémentaires, des ajustements techniques apportés au transfert de la TIPP aux régions et de la TSCA aux départements. Les autres amendements adoptés ont chacun un impact financier atteignant au maximum un million d’euros, et se compensent globalement, le solde se limitant à 50 000 euros en plus.

Les prélèvements sur recettes sont majorés de trois millions d’euros, correspondant à la majoration de la DGF versée aux communes d’un parc naturel régional.

Les recettes non fiscales sont majorées de 149 millions. Il s’agit tout d’abord de tirer par anticipation les conséquences de l’affectation intégrale à l’AFSSA de la taxe qui sera créée au titre du contrôle des produits antiparasitaires à usage agricole, que vous présentera Dominique Bussereau, ministre de l’agriculture, à l’article 52 du projet de loi de finances. Il s’agit ensuite de réévaluer de 150 millions le montant du prélèvement perçu sur la Coface, le niveau de disponibilité présent sur le compte « État » à la Coface permettant une telle révision à la hausse.

S’agissant des dépenses, la baisse de 300 000 euros résulte de notre volonté de tirer par anticipation les conséquences des mesures adoptées en première partie qui auront un impact sur les dépenses. Il s’agit ainsi de tenir compte de l’amendement Bouvard prohibant le cumul de la PPE et de la qualité d’imposable à l’ISF, qui nous amène à diminuer d’un million d’euros le plafond des dépenses brutes, diminution qui se traduira en deuxième partie par l’abaissement à due concurrence du plafond de la mission « dégrèvements et remboursements ». Il s’agit, ensuite, d’anticiper le gage de trois millions d’euros au titre de la majoration de DGF pour les communes situées dans un parc naturel et, enfin, de relever de 3,7 millions d’euros le plafond de dépenses à hauteur des mouvements rendus nécessaires par les ajustements techniques intervenus dans ces amendements et qui seront imputés essentiellement sur les plafonds des missions « enseignement scolaire », « relations avec les collectivités territoriales » et « culture ».

Au total, le déficit de cette loi de finances est en augmentation de 22 millions d’euros, pour s’établir à moins 41,669 milliards, ce qui représente un progrès très substantiel, puisque le déficit aura été réduit de près de 15 milliards en quatre ans. Résultat spectaculaire, compte tenu d’une croissance très inférieure à celle de la fin des années 1990. Cela n’aurait pas été possible sans la méthode des audits, que je vous invite à conserver, quel que soit le résultat de l’élection présidentielle.

M. le Rapporteur général – Avis favorable à cet amendement qui reprend une semaine de travaux. Chers collègues, je tiens à vous remercier pour votre participation. La commission des finances a fait des propositions sérieuses, car nous sommes parfaitement conscients de la nécessité d’assainir nos finances publiques. Ce budget 2007 est exemplaire, par la maîtrise des dépenses, par l’appréciation prudente, sincère et réaliste des recettes, même si le déficit, bien qu’en diminution, reste important. Il nous est apparu indispensable de préserver cet équilibre.

Nos amendements concernaient essentiellement les entreprises, comme celui qui prévoyait l’augmentation du seuil de chiffre d’affaires à partir duquel les entreprises sont soumises à l’imposition forfaitaire annuelle, et qui exonérera de cet impôt 70 000 entreprises. C’était un geste important dans le cadre de la réforme de l’IFA engagée en 2006.

Nous serons conduits dans un instant à examiner un amendement d’ajustement, ce qui me permet d’évoquer un dispositif qui viendra en soutien des exploitants de brasseries, bars, hôtels et restaurants, leur permettant de bénéficier d’une baisse substantielle de la taxe sur les jeux, pour les aider à passer un cap difficile. Comme cette taxe est versée aux collectivités locales, il faudra que l’État compense.

Monsieur le ministre, je vous remercie, ainsi que vos collaborateurs, pour la qualité du travail que nous avons conduit ensemble. Nous avons travaillé très en amont, tout l’été, pour préparer ce budget. La commission a été entendue, nous avons eu un dialogue constructif, et l’apport des parlementaires à l’élaboration de ce budget aura été important. Merci, donc, pour votre écoute.

M. Jean-Louis Dumont - Je constate l’arrivée inopinée de ces amendements. Je constate également la satisfaction partagée par le Gouvernement et sa majorité. Nous ne doutons pas que, de même que nos travaux avaient commencé par un discours très fort du rapporteur général à destination des ministres, nous les conclurons de la même façon.

Monsieur le ministre, vous parlez de la croissance sous la onzième législature. Certes, une croissance ne se décrète pas, mais elle peut tout de même être soutenue, et c’est précisément ce qu’avaient fait les gouvernements de gauche ! Mais tout cela remonte à bientôt dix ans ! Si vous tenez tant à rappeler le passé, pourquoi donc n’en tirez-vous pas les leçons, sur le bénéfice d’une action sociale et de solidarité en faveur de ceux qui souffrent ?

C’est une première : aucun des amendements de notre groupe n’a reçu en première lecture un avis favorable. C’est bien dommage, car une fois de plus vous augmentez, même si ce n’est que symbolique, le déficit. Vous l’avez certes réduit, en proportion, en loi de finances initiale, mais vos amendements de cet après-midi changent la donne. Malgré vos discours, vous savez que le déficit peut donner du souffle à une politique économique qui en a besoin.

J’ai voté le prélèvement européen, car il est nécessaire de se doter de moyens pour l’Europe, pour que la politique agricole, la politique des régions soient soutenues. Puisque nous avons besoin de recettes parfaitement identifiées et que plusieurs orateurs ont dénoncé la semaine dernière les délocalisations au sein de l’Union européenne, il me semble que nous avons dans nos entreprises européennes de quoi abonder les ressources propres communautaires. Il reste encore beaucoup à faire dans cette voie. Votre budget ne résoudra pas les problèmes auxquels nous sommes confrontés.

L'amendement 334, mis aux voix, est adopté.
L'article 33 et l’État A annexé ainsi modifiés, mis aux voix, sont adoptés.

seconde délibération

M. le Président – En application de l’article 118, alinéa 4, du Règlement, le Gouvernement demande qu’il soit procédé à une seconde délibération de l’article 15 ainsi que de l’article 33 et de l’État A annexé. La seconde délibération est de droit.

ART. 15

M. le Ministre délégué – Il existe plusieurs sortes de secondes délibérations. Les secondes délibérations « killers » visent à remettre en cause des jours et des jours de négociations, et à revenir sur l’adoption d’amendements défendus par des parlementaires courageux. Les secondes délibérations « soft » tendent en revanche à régler des problèmes techniques mineurs, et sont inévitables si nous voulons respecter la Constitution.

Nous nous trouvons ce soir dans le deuxième cas, puisque le Gouvernement vous invite à corriger, à l’article 15, une omission portant sur les prélèvements sur recettes réalisés en faveur des collectivités locales. Par l’amendement 1, nous prévoyons ainsi une majoration de 9 millions du montant total des prélèvements sur recettes, afin de compenser les conséquences du transfert à l’État de la taxe portant sur les jeux traditionnellement installés dans les bars-tabac, comme les baby-foot, les flippers ou encore les fléchettes. S’agissant de ces dernières, je me demande toutefois si nous ne devrions pas attendre quelque temps, en cette période de tension, avant toute réintroduction dans les bars-tabac… (Sourires)

Par coordination, l’amendement 2 tendra à inclure un montant de 9 millions dans l’État A, annexé à l’article 33, ce qui dégrade d’autant le solde budgétaire. Il ne s’agit toutefois que de neuf millions d’euros… M. de Courson devrait pouvoir dormir tranquille !

M. Jean-Louis Dumont - C’est pourtant la deuxième fois qu’on corrige le solde dans le mauvais sens !

M. le Ministre délégué – Un tel montant ne devrait bouleverser ni l’équilibre général de la loi de finances, ni celui de Charles de Courson ! (Sourires)

Le déficit atteint ainsi 41 678 millions d’euros, soit 31 millions d’euros de plus que le montant prévu par le projet de loi de finances initialement déposé par le Gouvernement.

M. le Rapporteur général – La commission ne peut être que favorable à l’amendement 1, qui vise à compenser, à l’euro près…

M. Yves Censi - Quelle précision ! (Sourires)

M. le Rapporteur général - …le montant perçu par les collectivités locales au titre des flippers et des jeux de fléchettes. Nous devions naturellement inclure ce montant dans le prélèvement sur recettes ! Je remercie le Gouvernement de sa sollicitude constante à l’égard des collectivités locales.

M. le Ministre délégué – Certains la trouvent parfois excessive ! (Rires) !

M. Michel Bouvard - N’exagérons rien !

M. le Rapporteur général – En conséquence, nous devons corriger le déficit prévu. Compte tenu des allégements fiscaux supplémentaires que nous avons votés, mais aussi de nos mesures d’économie, nous en arrivons à une variation de 31 millions. Au total, le déficit atteindra 41,6 milliards, soit le niveau le plus faible jamais atteint au cours de la législature ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté, et l’article 15 est ainsi modifié.

ART. 33 et État A

M. le Ministre délégué – L’amendement 2 tire les conséquences de l’amendement précédent.

L'amendement 2, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.
L’article 33 et l’État A sont ainsi modifiés.

M. le Président – Nous en avons terminé avec l’examen des articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2007.

Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote, ainsi que le vote par scrutin par scrutin public sur l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances, auront lieu demain, après les questions au Gouvernement.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu demain, mardi 24 octobre, à 15 heures.
La séance est levée à 19 heures 20.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Retour au haut de la page

ordre du jour
du mardi 24 octobre 2006

QUINZE HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Explications de vote et vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2007 (no 3341).

3. Éloge funèbre d’Édouard Landrain.

4. Discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 (no 3362).

Rapport (n° 3384 tomes I à V) de MM. Pierre-Louis Fagniez, Jean-Marie Rolland, Mme Marie-Françoise Clergeau et M. Denis Jacquat, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Avis (n° 3388) de M. Yves Bur, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

© Assemblée nationale