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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du mardi 24 octobre 2006

Séance de 15 heures

12ème jour de séance, 23ème séance

Présidence de M. Jean-Louis Debré

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La séance est ouverte à quinze heures.

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souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

M. le Président – Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation du conseil général de la principauté d’Andorre, conduite par son président, M. Joan Gabriel i Estany (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent).

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Temps de travail dans l’hôtellerie-restauration

M. François Sauvadet – Hôteliers, cafetiers et restaurateurs sont dans l’inquiétude la plus vive depuis que le Conseil d’État a annulé l’accord signé en 2004 qui portait à 39 heures hebdomadaires la durée légale du travail dans cette branche. L’incertitude est d’autant plus forte que la décision a un effet rétroactif. Le Conseil d’État a, d’autre part, annulé, pour vice de forme, un décret relatif au temps de travail dans le secteur des transports, là encore avec effet rétroactif. Cette situation intenable provient, Monsieur le Premier ministre, de ce que le courage politique a manqué au Gouvernement pour réformer l’application des 35 heures par le dialogue social, en l’adaptant à chaque secteur. Je n’ignore pas que le groupe UMP a prévu de déposer un amendement à ce sujet, mais chacun sait que, pour des raisons constitutionnelles évidentes, cette manière de procéder ne règlera rien définitivement. Ce bricolage législatif doit cesser. Il est de la responsabilité du Gouvernement de trouver une solution juridiquement stable pour apporter aux employeurs et aux salariés de ces secteurs la réponse claire et durable qu’ils attendent. Que comptez-vous faire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes Le secteur des hôtels, cafés, restaurants, qui compte 800 000 salariés et regroupe 90 000 entreprises, joue un rôle très important pour le tourisme mais aussi l’aménagement du territoire. Ses particularités tiennent au grand nombre d’entreprises de moins de dix salariés ; au fait que plusieurs chaînes ont créé des filières de formation ; à ce que l’amplitude de travail est très grande dans l’hôtellerie et les horaires décalés dans la restauration. Pour tenir compte de ces spécificités, un accord a été signé en 2004 qui étendait à toutes les entreprises du secteur un régime de 39 heures de travail hebdomadaires avec, en contrepartie, une sixième semaine de congés payés et, on le sait moins, un régime de prévoyance avantageux. C’est cet accord que le Conseil d’État a invalidé. La décision ayant un effet rétroactif pour 2005 et 2006, il convient de sortir dès maintenant de cet imbroglio pour sécuriser salariés et employeurs mais aussi de faire se réengager le dialogue social pour trouver une solution durable tenant compte à la fois des spécificités du secteur et des droits des salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

sncf

M. Frédéric Dutoit – À l’Élysée comme à Matignon où, pourtant, on ne cesse de clamer les vertus du dialogue social, un silence assourdissant a accueilli les déclarations de la nouvelle présidente de la SNCF, selon laquelle on en serait resté en matière de dialogue social dans l’entreprise publique « à l'époque de la guerre froide, avant la chute du Mur de Berlin ». Ce disant, l'ancienne ministre d'Alain Juppé et ancienne députée UDF s'est livrée à une déplorable opération politicienne visant à jeter le discrédit sur l'action syndicale et à déconsidérer des cheminots qui s'opposent à la casse programmée du service public ferroviaire. Par l’invective, Mme Idrac cherche surtout à détourner l'attention des responsabilités de la direction de la SNCF et du Gouvernement dans la dégradation de la situation du rail en France, où les lignes nationales Corail sont délaissées et où 14 000 emplois de cheminots ont disparu depuis fin 2001. Sous couvert de modernisation et de libéralisation, on démantèle la branche fret et, au nom d’une rentabilité exclusivement financière, on fait triompher le « tout poids lourd », avec son modèle de dumping social et ses dégâts pour l'environnement et la santé publique. En réalité, Mme Idrac a été nommée pour accélérer le démantèlement de la SNCF selon une logique purement financière, à coup de fermetures. Le 8 novembre prochain, la majorité des organisations syndicales de l’entreprise publique appellent à une riposte contre ces dérives et les propos de Mme Idrac ne suffiront pas à les faire taire. Je me fais d'ailleurs leur porte-parole.

Monsieur le Premier ministre, comment comptez vous faire droit aux inquiétudes et aux attentes des cheminots et de tous les usagers du rail ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Un député du groupe UMP – C’est un procès stalinien !

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer  Au-delà de la polémique que vous essayez de faire enfler (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste), les seules questions qui vaillent sont de savoir comment améliorer le dialogue social à la SNCF (Mêmes mouvements) et comment sauver l’activité « fret ». La grève ne peut être un point de départ, mais la traduction d’un désaccord profond demeuré irrésolu après la négociation. Or, ceux qui appellent à la grève le 8 novembre ne sont pas encore parvenus à se mettre d’accord sur des revendications communes ! (Huées sur bancs du groupe UMP) C’est le monde à l’envers. L’innovation sociale exige qu’on travaille autrement car il faut garantir à la fois le droit de grève mais aussi les droits des usagers. Et ce n’est, hélas, pas de cette façon-là qu’on y parviendra.

Pour le reste, l’économie du transport offre aujourd’hui une formidable opportunité de développement du fret ferroviaire. L’État, la direction de la SNCF, l’ensemble des cheminots et des organisations syndicales doivent y travailler ensemble. Vous avez évoqué d’autres problèmes que l’entreprise doit régler, parmi lesquels la modernisation de ses infrastructures. J’ai proposé un plan de 1,8 milliard d’euros pour leur rénovation. Il convient aussi de développer, en partenariat avec les régions, les systèmes de transports collectifs. C’est sur ces objectifs et ces objectifs-là seulement que les cheminots, la direction de la SNCF, l’État et les collectivités doivent se mobiliser pour faire réussir le ferroviaire dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

rÉforme de la justice

M. Jacques Remiller – Conformément à l’engagement pris par le Gouvernement devant la représentation nationale après l’acquittement des innocents de l’affaire dite d’Outreau, un projet de loi portant réforme de la justice a été examiné ce matin en Conseil des ministres. Ce texte cherche à répondre aux problèmes essentiels révélés par cette tragique affaire et soulignés par la commission d’enquête parlementaire : solitude du juge d’instruction, responsabilité des magistrats, contrôle du bien-fondé et de la durée de la détention provisoire, recueil des déclarations des personnes mises en cause et des victimes. Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous présenter les dispositions générales prévues par ce ou ces textes, très attendus des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – La parole est au Premier ministre. (« Et Clément ? » sur les bancs du groupe socialiste)

M. Dominique de Villepin, Premier ministre  Personne ici n’a oublié le drame d’Outreau. Nous avons vu la douleur, la souffrance d’hommes et de femmes. Nous avons vu le drame de la justice. La commission d’enquête parlementaire, à laquelle vous avez participé, Monsieur le député, a effectué un travail remarquable et de longue haleine, que je tiens à saluer. Une véritable prise de conscience s’est opérée et un appel à réformer notre justice en profondeur a été lancé. Cet appel, tous les parlementaires, tout le Gouvernement, le Président de la République l’ont entendu. Oui, la justice sera réformée pour répondre aux attentes des Français. La réforme que porte Pascal Clément est importante, utile et nécessaire (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Nous mettrons en place des pôles d’instruction pour éviter aux juges de se trouver seuls face aux affaires les plus complexes. Les conditions de la détention provisoire seront modifiées pour donner davantage de garanties aux justiciables : personne dans notre pays ne doit pouvoir être emprisonné à tort. Nous renforcerons le caractère contradictoire de l’instruction et des expertises, ainsi que le pouvoir de contrôle de la chambre d’instruction. Tout justiciable s’estimant victime d’un dysfonctionnement de la justice pourra saisir le Médiateur de la République. Enfin, nous traiterons de la question de la responsabilité des magistrats, sereinement, dans le respect de l’indépendance de la justice et de nos grands principes juridiques. Cette réforme prendra naturellement en compte la difficulté de leur travail. Nous voulons trouver l’équilibre juste.

Je sais que Pascal Clément a toujours défendu ces dispositions (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste), nécessaires et attendues. Je sais d’expérience que la critique est facile et l’action difficile. Je veux rendre hommage au Garde des Sceaux (Mêmes mouvements) qui, depuis des mois, travaille avec courage et détermination pour réformer la justice de notre pays. Vous le voyez, le Gouvernement est engagé et continuera de l’être, au service des Français, y compris sur les sujets les plus difficiles. Ce que j’ai promis au premier jour de ma nomination sera tenu jusqu’au dernier jour. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

situation en polynÉsie française

M. Victorin Lurel – Monsieur le Premier ministre, serviteur de la République, votre premier devoir est de faire respecter l’ordre public, les institutions et la démocratie, en tout premier lieu les verdicts populaires. À deux reprises, nos concitoyens ont massivement choisi le changement après des années de règne UMP en Polynésie française. Le Gouvernement doit respecter ce choix, qu’il lui plaise ou non. En effet, la République et la démocratie ne s’arrêtent pas à l’Hexagone. Or, en Polynésie, l’État n’a pas hésité, après les élections de 2004, à soutenir des motions de censure politiciennes en fermant les yeux sur l’achat de votes ; a cautionné la remise en cause de l’indépendance de la justice ; a, au plus haut niveau, planifié l’étranglement financier de la collectivité en modifiant les modalités d’affectation de la dotation globale de développement économique ; enfin a laissé prospérer, voire soutenu, des mouvements proprement insurrectionnels. Sa passivité coupable, et donc complice, est avérée dans les barrages mis en place depuis le 12 octobre par les membres de l’ancien service d’ordre de Gaston Flosse. Prévenues, les forces de l’ordre ont pourtant laissé bloquer Papeete tout comme elles sont restées passives lors de la prise d’assaut ce week-end des locaux de la présidence, de la vice-présidence, du conseil économique et social et de l’assemblée territoriale. Si, depuis cinq heures ce matin, ces locaux ont été libérés et les barrages enfin levés, sous la pression des Polynésiens excédés, c’est bien la rue que vous laissez gouverner outre-mer lorsque les élus ne vous conviennent pas (« La question !» sur les bancs du groupe UMP). Monsieur le Premier ministre, quand accepterez-vous enfin le verdict populaire en Polynésie française ? Quand vous déciderez-vous à y faire respecter l’ordre public et y laisser la justice sanctionner les délinquants ? Quand comprendrez-vous que l’État de droit doit également prévaloir outre-mer ? En un mot, quand rétablirez-vous la République dans le Pacifique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. François Baroin, ministre de l’outre-mer – Monsieur Lurel, jamais l’addition de vos mensonges ne fera vérité (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste). L’État de droit, c’est d’abord le respect de notre Constitution, du fonctionnement de nos institutions et du statut d’autonomie de la Polynésie française. De quoi parlons-nous ? D’une intervention de l’État pour faire respecter l’ordre public, et ce à la demande des institutions locales, de la présidence, de l’Assemblée territoriale et du Comité économique et social. Elle s’est faite cette nuit dans des conditions parfaitement républicaines et maîtrisées.

Elle a eu lieu à la suite d’un conflit entre une organisation syndicale et la présidence de l’Assemblée territoriale. La négociation s’était terminée sans qu’une perspective rapide se dégage. Il y a eu ensuite deux jours de libre manifestation, après quoi le Haut commissaire sur place a pris la décision qu’il devait prendre. L’État est dans son rôle en faisant respecter l’ordre public, il l’est aussi en invitant tout le monde à revenir à la table des négociations mais il n’a pas à intervenir comme interlocuteur desdites négociations. À chacun son métier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

tutorat

M. Jean-Claude Thomas – Monsieur le ministre de l’éducation nationale, à l’instar des cours personnalisés ou de soutien, le tutorat présente un double intérêt pour les élèves : tout d’abord, il les aide dans la préparation des devoirs, l’approfondissement des cours et l’acquisition des méthodes ; il permet ensuite de les aider à faire leurs choix d’orientation.

Vous avez lancé le 16 octobre dernier une campagne nationale de recrutement dans le cadre de l’opération dite « 100 000 pour 100 000 ». Grâce à ce nouveau dispositif, 100 000 étudiants d’universités ou de grandes écoles vont s’engager à accompagner 100 000 élèves. Pouvez-vous nous préciser le calendrier et les modalités de ce vaste plan de tutorat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche – Nous devons relever un double défi. Le premier est celui de la meilleure orientation possible. Il s’agit de faire en sorte que les jeunes puissent, à l’issue de leurs études, trouver le métier qui correspond le mieux à leurs goûts et à leurs capacités. Nous savons qu’actuellement beaucoup d’entre eux s’engagent dans des filières où il y a plus d’espérances que de débouchés professionnels. Le Premier ministre a donc confié au recteur Hetzel un rapport sur le sujet, qui sera remis tout à l’heure en Sorbonne, mais des premières mesures ont déjà été prises sur la base de son rapport d’étape, remis il y a trois mois.

Le deuxième défi est celui de l’égalité des chances, étant entendu que l’enseignement supérieur est encore trop réservé à une partie de la population, celle qui est « au courant » et qui est portée par son environnement social.

Nous y répondons avec l’opération « 100 000 pour 100 000 », par laquelle nous sollicitons la générosité des étudiants, afin qu’ils fassent bénéficier de leur expérience des collégiens et des lycéens. J’ai lancé la semaine dernière à Marseille le recrutement de ces étudiants. Vous ne pouvez pas imaginer leur mobilisation ! Ils s’attacheront à donner envie d’aller plus loin à toute une population, qui croit que l’enseignement supérieur n’est pas pour elle. Ils aideront les jeunes à trouver les disciplines qui leur assureront les meilleurs débouchés possibles afin, tout simplement, de s’accomplir dans leur vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Assurance maladie

M. Serge Roques – Monsieur le ministre de la santé, nous examinons cette semaine le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. Ce budget représente une masse financière de 402 milliards, presque deux fois le montant de la loi de finances, et touche les Français au plus près de leur vie quotidienne. Il constitue donc un enjeu fondamental.

La représentation nationale et les Français sont très soucieux de l’équilibre des comptes sociaux, en particulier celui de la branche maladie, car ils savent que cet équilibre conditionne la survie, à terme, d’une forme de protection sociale à laquelle nous sommes tous très attachés. La réforme de 2004 a permis un redressement spectaculaire, puisque le déficit est passé de 11,6 milliards en 2004 à 6 milliards en 2006. Quelles sont vos prévisions pour 2007 ? Comment comptez-vous consolider les recettes ? Les assurés sociaux vont-ils être davantage sollicités ?

L’assurance maladie va mieux, mais elle n’est pas totalement guérie. Nous devons donc continuer nos efforts. Pourrez-vous garantir aux Français l’accès à un système toujours plus moderne et performant, tout en donnant aux établissements de santé, publics et privés, ainsi qu’aux professions médicales les moyens de remplir au mieux leur difficile mission au service de tous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités Vous avez usé d’une formule qui résume bien la situation : oui, l’assurance maladie va mieux, mais elle n’est pas encore totalement guérie et il faut donc poursuivre nos efforts.

Sans la réforme que vous avez votée, le déficit aurait été fin 2005 de 16 milliards d’euros. Nous n’aurions pas pu continuer ainsi, sauf à casser notre système d’assurance maladie. Trois ans après, le déficit aura été divisé par quatre, puisque nous connaîtrons l’an prochain un déficit inférieur à 4 milliards d’euros.

Nos efforts auront donc permis de réduire le déficit. Ce n’est pas une fin en soi, mais cela signifie que nous pourrons préserver pour nous-mêmes comme pour nos enfants un système de protection sociale qui est le meilleur au monde.

Ils nous permettent aussi de mieux rembourser certains actes. En 2006, ce qui avait été promis a été tenu, qu’il s’agisse de la prise en charge de l’ostéodensitométrie ou des soins dentaires des enfants. Nous allons continuer l’an prochain sur d’autres axes, tels qu’une meilleure prise en charge des médicaments pour les maladies rares ou une consultation de prévention dès 70 ans. Sans oublier que 3 millions de personnes vont désormais pouvoir bénéficier d’une aide à la complémentaire.

Je veux aussi rappeler que nous avons signé la semaine dernière un accord d’une importance majeure avec cinq fédérations hospitalières représentant les personnels – FO, CFDT, CFTC, CGC et autonomes – qui va accroître l’attractivité de l’hôpital. C’est précisément ce PLFSS qui contribue à financer la modernisation de notre système de santé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

réforme de la justice

Mme Élisabeth Guigou – L’affaire d’Outreau, Monsieur le Premier ministre, a été une tragédie judiciaire et, vous l’avez rappelé, un drame national. Quatorze personnes ont passé des années en détention provisoire avant d’être innocentées et l’une d’entre elle est morte. Ce drame a donné lieu à une réflexion sans précédent sur la justice. La commission d’enquête créée à l'Assemblée nationale et excellemment présidée par M. Vallini a effectué un travail considérable…

Plusieurs députés UMP – Et le rapporteur ! Sectaire !

Mme Élisabeth Guigou – …et consensuel. Ces travaux ont été suivis par un grand nombre de Français et ont donné lieu à des propositions pour une réforme de grande ampleur de notre système judiciaire. Au lieu d’organiser un grand débat pour aller au fond des choses et de recueillir plus largement les témoignages de nos concitoyens, le Gouvernement donne le spectacle affligeant de l’improvisation, de l’incohérence et des cafouillages (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Il y a deux jours, Monsieur le Premier ministre, vous avez publiquement démenti M. le Garde des Sceaux quant au projet de réforme. La justice française mérite mieux qu’une réforme bâclée, des effets d’annonce contradictoires et des mesures d’affichage !

Pourquoi, avant toute nouvelle loi, ne pas faire réaliser une évaluation des conséquences des multiples textes sur la justice que votre majorité a votés ? Pourquoi ne pas remédier immédiatement à un problème majeur qui ne demande pas de loi nouvelle : la dramatique insuffisance des personnels des greffes ? C’est en effet en raison de cette pénurie que les justiciables ne sont pas accueillis convenablement dans les tribunaux ou que les avocats attendent parfois plusieurs mois pour obtenir copie des dossiers de leurs clients ! Pourquoi ne pas prendre sans attendre ces mesures concrètes et pourquoi ne pas reporter après l’élection présidentielle des modifications des lois et de la Constitution qui exigent un débat approfondi et serein afin que la réforme soit à la hauteur des attentes des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président – Le rapporteur, Madame Guigou, était M. Houillon, et j’ai toujours veillé à ce que l’équilibre politique, dans les commissions d’enquête en particulier, soit respecté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice  Il est clair que les travaux de la commission d’Outreau ont inspiré les trois projets de loi que j’ai présentés ce matin en conseil des ministres. Sur les 31 propositions d’ordre législatif faites par la commission, j’en ai repris 23. Le premier projet concerne la responsabilité des magistrats – et il n’a jamais été question de le retirer, à l’exception de la partie qui a été pointée par le Conseil d’État –, le deuxième concerne la saisine du Médiateur et le troisième répond de façon pragmatique aux questions posées par l’affaire d’Outreau : quid de la détention provisoire ? Quid de la solitude du juge d’instruction ? Enfin, comment faire en sorte que le juge d’instruction ne donne pas le sentiment de toujours instruire à charge ?

Je ne comparerai pas le budget de la justice à ce qu’il était lorsque vous étiez Garde des Sceaux, Madame Guigou…

Plusieurs députés UMP – Si !

M. le Garde des Sceaux  …mais je rappelle que M. Chirac a fait de la justice une priorité, et que parole a été tenue. Le budget de la justice, en moins de cinq ans, a augmenté de 38 % – quand le vôtre avait augmenté d’un peu moins de la moitié –, nous avons créé 700 postes nets de magistrats et 2 000 postes de fonctionnaires. D’ici un an, ce sont 900 greffiers qui travailleront sur le terrain ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) J’ajoute que ce budget est cette année le plus important budget de l’État, chose sans précédent : merci de m’avoir donné l’occasion de le rappeler ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

violences contre les policiers

M. Éric Raoult – Ma question s’adresse à l’actuel Garde des Sceaux et non, évidemment, à son prédécesseur. Mes collègues Robert Pandraud et Jean-Claude Abrioux s’y associent.

Depuis quelques semaines, nous assistons à une multiplication des agressions contre les forces de l'ordre.

M. Jean Glavany – Que fait M. Sarkozy ?

M. Éric Raoult – Pour ne citer que quelques exemples récents, des policiers ont été agressés à Corbeil-Essonnes, aux Mureaux, à Épinay-sur-Seine et enfin à Aulnay-sous-bois, en Seine-Saint-Denis – dans votre département, Madame Guigou – par vingt à trente personnes cagoulées et armées de barres de fer. Deux voitures de police avaient été prises pour cible dans le même quartier mardi dernier, et ce week-end un véhicule de la BAC a été pris pour cible par une trentaine de jeunes dans le quartier de la Source à Orléans. Ces embuscades organisées sont de véritables guet-apens dignes de séries américaines, comme disent certains jeunes. Ces actes sont inadmissibles et inexcusables ! Vous pourriez applaudir à ces propos, Madame Guigou ! Les auteurs de tels méfaits sont des voyous et des criminels qui doivent être traités fermement par la justice dans le cadre d’une action rapide ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Vendredi, avec mes collègues maires de Seine-Saint-Denis, nous avons rencontré les syndicats de policiers et M. le Garde des Sceaux nous avait quant à lui reçu voilà quelques semaines. Les policiers sont des pères et des mères de famille, des fonctionnaires et non des guerriers. Quand nous réclamons des policiers, nous nous devons de les protéger et quand on veut dialoguer avec la police, on ne jette pas des pierres, on ne casse pas les pare-brises ! Le Président de la République, puis Nicolas Sarkozy, ont récemment souhaité que ces bandes de délinquants qui s’attaquent aux forces de l’ordre, aux pompiers, aux élus – et donc à l’État – soient poursuivies avec la plus grande sévérité. Quels moyens donnerez-vous à la justice pour condamner et donc dissuader ces individus ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; huées sur les bancs du groupe socialiste)

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice – Je vous remercie de l’hommage que vous rendez aux forces de l’ordre (« Heureusement ! » sur les bancs du groupe socialiste) et m’y associe. Mais il ne suffit pas : il faut aussi les protéger. C’est pourquoi le Premier ministre m’a demandé de déposer un amendement au prochain projet de loi sur la prévention de la délinquance pour créer une infraction spécifique de violences sur agent de la force publique avec arme, en bande organisée ou lors d’un guet-apens. Ces faits sont aujourd’hui punis de dix ans d’emprisonnement – ils relèvent de la correctionnelle ; demain, ils seront passibles de quinze ans d’emprisonnement, donc criminalisés (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP). Les malfaisants et les délinquants doivent savoir que s’ils tendent un guet-apens à un membre des forces de l’ordre – policier, gendarme, douanier, surveillant d’établissement pénitentiaire –, ils seront jugés par une cour d’assises. La France ne peut tolérer que l’on tende des pièges à ceux qui la protègent et que l’on exerce sur eux des violences.

Un amendement au même texte sera déposé sur la rébellion. Le quantum de la peine d’emprisonnement passera de six mois à un an, ce qui permettra, en particulier pour les mineurs, de profiter de la présentation immédiate devant le juge. Quant à ceux qui encouragent à l’émeute, ils pourront désormais être gardés à vue. Ces mesures sont des protections que la France doit à ses forces de l’ordre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

loi de finances pour 2007

M. Jean-François Mancel – Nous allons voter tout à l’heure, Monsieur le ministre délégué au budget, la première partie de la loi de finances pour 2007. Son contenu, excellent, a permis à notre débat de l’être aussi. Je tenais à en remercier le ministre des finances et vous-même.

Ce budget est le dernier de la législature. Pour la bonne compréhension de nos concitoyens et à la veille d’échéances électorales majeures, il serait utile et démocratique que vous vous livriez à une comparaison entre les principales dispositions de cette loi de finances et celles qui caractérisaient la loi de finances pour 2002, dernière loi de finances du gouvernement Jospin (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean Glavany – Les leçons de morale de M. Mancel nous intéressent !

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État (« À l’euro près ! » sur les bancs du groupe socialiste) La discussion de cette première partie du projet de loi de finances s’est en effet déroulée dans des conditions apaisées, sans commune mesure avec ce que j’entends à présent. Chacun était dans son rôle : la majorité, qui a su s’engager pour soutenir un budget qui met en œuvre les grands engagements que nous avons pris devant les Français ; l’opposition, dont la courtoisie donnait à penser qu’elle était peut-être un peu nostalgique de ce qu’elle aurait rêvé de faire – la comparaison entre les lois de finances pour 2002 et pour 2007 en est une nouvelle preuve ; l’UDF un peu perdue…

M. François Sauvadet – Non, Monsieur Copé !

M. le Ministre délégué – …devant l’obligation qui lui était faite de ne pas voter un texte qui répond pourtant aux attentes de ses électeurs comme de ceux de l’UMP, avec une baisse de la dépense, des impôts et du déficit (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Le plus concret reste à venir avec le volet dépenses. Ce sera l’occasion pour la deuxième fois, grâce à la nouvelle constitution budgétaire qu’est la LOLF et aux indicateurs qu’elle met en place, de mesurer l’efficacité de l’action des ministres et de leurs administrations. C’est la mission des parlementaires jusqu’à la fin de l’année. Profitez-en bien : si par malheur Ségolène Royal devenait Présidente de la République, ce ne seraient plus les parlementaires qui se pencheraient sur l’efficacité des ministères, mais des tribunaux populaires : ce ne serait plus de la démocratie, mais de la démagogie ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

ouverture à la concurrence du secteur postal

M. François Brottes – Ma question aurait pu s’adresser au ministre de l’éducation nationale, afin qu’il commence dès maintenant à actualiser nos manuels scolaires – il paraît qu’il aime cela. Avant Villepin, Breton et Sarkozy, il y avait dans notre pays de grandes entreprises publiques de l’énergie, qui nous permettaient de maîtriser les tarifs du gaz et de l’électricité (Protestations sur les bancs du groupe UMP) et de desservir tout le territoire ; aujourd’hui, après un accord « perdant-perdant » avec Suez, c’est le Russe Gazprom qui augmente pour nous : il a tout racheté. Voilà ce que diront les manuels ! Avant Villepin, Breton et Sarkozy, il y avait une grande banque publique, qui ne refusait aucun client, où chacun, quels que soient ses revenus, avait droit à un livret d’épargne, le livret A ; aujourd’hui, ils ont fait de la Poste une banque comme les autres : le livret A est banalisé – toutes les banques le proposent, mais elles font le tri entre « bons » et « mauvais » clients. Avant Villepin, Breton et Sarkozy, il y avait une distribution du courrier six jours sur sept, et le facteur venait jusqu’au domicile de chacun ; aujourd’hui, c’est chacun qui va chercher son courrier à la poste principale ou au chef-lieu du canton (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), parce que la Poste doit réduire ses coûts pour affronter des concurrents qui ont récupéré les marchés les plus rentables sans aucune contrepartie en termes de service public ou de desserte du territoire. Avant Villepin, Breton et Sarkozy, un principe simple, issu du Conseil national de la Résistance, a longtemps été l’un des fondements de la République : l’égalité d’accès aux services publics. Il valait tant pour le raccordement aux réseaux d’électricité et de téléphone fixe que pour l’expédition du courrier. À cette époque, il y avait un prix unique du timbre pour tout le monde.

La semaine dernière, la France a cédé à Bruxelles en acceptant de renoncer, pour la Poste, à tout monopole pour les envois les plus nombreux, ceux qui pèsent moins de 50 grammes. Cette décision annonce l’abandon de la péréquation, que nous avions su préserver jusqu’ici (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Oserez-vous dire, Monsieur le Premier ministre, que vous venez de décider de la fin du prix unique du timbre? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie  Avant, Monsieur Brottes, on pouvait s’entendre, parler, se comprendre. La Poste est une belle et grande entreprise, qui mérite autre chose que vos vociférations (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP). La Poste est une entreprise qui marche bien (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste) ; ses performances économiques sont bonnes ; la Poste crée de l’emploi dans les quartiers difficiles et dans le monde rural ; elle vit avec des directives européennes. La Poste est aujourd’hui une entreprise dont nous pouvons être fiers.

M. Augustin Bonrepaux – Il n’y a que vous qui en êtes fier !

M. le Ministre délégué  Vous vous inquiétez de l’ouverture à la concurrence du secteur postal. Ce n’est pas une nouveauté : ce secteur est ouvert à la concurrence depuis plusieurs années, et la Poste gère aujourd’hui un secteur réservé pour les envois de moins de 50 grammes.

La Commission a préparé une nouvelle directive qui sera examinée en Conseil des ministres au mois de décembre. À ce conseil, la France défendra l’emploi ainsi que le financement du service public universel. Mais notre priorité absolue sera la défense du service postal public, que nous voulons de très grande qualité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Julien Dray – Baratin !

hôtellerie-restauration

M. René Couanau – La situation de l’hôtellerie et de la restauration est extrêmement confuse depuis l’annulation par le Conseil d’État du décret de 2004 portant à 39 heures la durée de la semaine de travail dans ce secteur. Les 100 000 entreprises et 800 000 salariés du secteur s’interrogent sur le régime juridique applicable, mais aussi sur leur avenir, dans une période où le secteur connaît des difficultés qui menacent la survie de beaucoup d’entreprises. Nous ne pouvons laisser subsister un tel vide juridique, et seul le Parlement est en mesure de combler ce vide, qui ne saurait durer.

M. Maxime Gremetz – Vive le Conseil d’État !

M. René Couanau – Silence, le jury populaire ! (Rires sur les bancs du groupe UMP)

Les trois présidents des commissions des affaires sociales, des affaires économiques et des finances ont déposé, en accord avec le groupe UMP, un amendement à la loi de financement de la sécurité sociale, dont nous entamerons la discussion tout à l’heure.

M. Maxime Gremetz – C’est un cavalier !

M. René Couanau – La fixation de la semaine de travail à 39 heures dans ce secteur spécifique résultait d’un accord collectif de juillet 2004 ; on ne peut donc invoquer l’absence de concertation ! Toutefois, l’amendement prévoit le rétablissement des 39 heures dans l’attente d’un nouvel accord de branche. Il convient d’intervenir très rapidement pour dissiper le flou juridique et recréer la confiance des entreprises et des salariés.

M. Maxime Gremetz – Vous nous avez habitués à mieux !

M. René Couanau – Monsieur le ministre, nous souhaiterions connaître la position du Gouvernement concernant cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes Le secteur de l’hôtellerie et de la restauration est un secteur important, mais également fragile. C’est pourquoi le Premier ministre a souhaité mettre en place un contrat de croissance pour développer l’emploi et moderniser ce secteur. À la suite de la décision du Conseil d’État, portant sur le fruit de la négociation entre les partenaires sociaux, il apparaît nécessaire de sécuriser la période depuis janvier 2005, car cette annulation pourrait entraîner une situation où entreprises comme salariés se retrouvent perdants. Le Gouvernement souhaite donc qu’une disposition législative puisse sécuriser la situation, et nous sommes prêts à travailler avec vous sur la proposition de l’Assemblée.

Parallèlement, cette disposition législative doit nous permettre de réunir dans les meilleurs délais les partenaires sociaux, autour de la commission mixte, pour retrouver les voies du dialogue social, construire l’avenir avec le contrat de croissance et donner au secteur de l’hôtellerie et de la restauration les moyens de se développer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

jurys populaires

M. Marc-Philippe Daubresse – Ma question, qui s’adresse au ministre délégué aux collectivités territoriales, concerne l’élection présidentielle, car nos compatriotes veulent être éclairés sur la pertinence des mesures proposées par les uns et les autres. Ce week-end, une candidate à l’élection présidentielle a proposé la création de jurys populaires tirés au sort devant lesquels les élus devraient rendre des comptes (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP). De nombreux élus locaux nous ont aussitôt interrogés sur la portée d’une telle mesure, et de nombreuses réactions ont également eu lieu dans cet hémicycle. S’agit-il de mettre en place des jurys populaires à la Pol Pot ou à la Mao Tsé Toung ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) S’agit-il, au contraire, d’un simple gadget populiste ? (Même mouvement)

M. Julien Dray – Mais quelle intelligence, ce Daubresse !

M. Marc-Philippe Daubresse – J’ai en mémoire une grosse colère de M. Pierre Mauroy, président de la commission sur l’avenir de la décentralisation, qui s’indignait, devant le bureau de la communauté urbaine, que la démocratie participative remette en cause la légitimité de la démocratie représentative ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Monsieur le ministre, pouvez-vous vous exprimer sur cette mesure abracadabrantesque ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDF)

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales – Ce n’est pas un médiocre sujet que l’évaluation des politiques publiques ; nous avons des progrès à faire, et il n’est pas interdit de montrer de la créativité. Malheureusement, si l’intention est louable, la solution proposée – la mise sous surveillance des élus locaux par des jurys tirés au sort – n’est pas la plus appropriée, tant s’en faut. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Julien Dray – Vous avez des antisèches ! Quelle question téléphonée !

M. le Ministre délégué – C’est d’ailleurs un sentiment largement partagé, y compris dans l’opposition. Mme Buffet s’est exprimée ce matin ; Dominique Strauss-Kahn également, qui a dit que cette mesure entraînerait un énorme désordre (Brouhaha sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). M. André Laignel, secrétaire général de l’association des maires de France, a dénoncé un populisme qui s’inscrit dans la veine de l’anti-parlementarisme le plus sommaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Julien Dray – Ils ont peur du peuple !

M. le Ministre délégué – Laurent Fabius a affirmé, à juste titre, qu’utiliser la démocratie participative pour démolir la démocratie représentative serait une énorme faute.

Et ce ne sont pas seulement les élus qui s’élèvent, mais aussi les historiens ! M. Max Gallo, qui était des vôtres il y a peu, a fait part ce matin de son inquiétude devant une proposition qui lui rappelle les funestes années de Mao et de la révolution culturelle. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Toutes les fois que, dans notre histoire, on a voulu s’en prendre aux élus, c’est la République qu’on a attaquée ! (Mêmes mouvements ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Du général Boulanger à Paul Déroulède, des protagonistes du 6 février 1934 à ceux qui, sous Pétain, voulaient mettre en place des comités chargés de dénoncer les autorités locales qui faisaient preuve d’esprit républicain…

M. Julien Dray – Ça suffit ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre délégué – …tout ceci doit nous encourager à ne pas mépriser mais à honorer les règles de la démocratie représentative, la seule qui ne conduise pas aux larmes et au sang, la seule qui respecte les droits et la volonté du peuple ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de M. Leroy.
PRÉSIDENCE de M. Maurice LEROY
vice-président

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Loi de finances pour 2007 (suite)

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2007.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État Ce budget prolonge, par l’esprit qui l’a inspiré, les efforts engagés depuis le début du quinquennat, mais avec une inflexion sensible : dans le respect des engagements souscrits devant l’ensemble des Français, nous parvenons, pour la première fois, à baisser non seulement les dépenses, mais également les impôts, le déficit et la dette !

M. Didier Migaud – Tout est faux !

M. le Ministre délégué – Dans le même temps, nous finançons tous nos engagements en matière d’éducation, de santé, d’emploi, de défense, de sécurité et de justice – autant de domaines dans lesquels les Français attendent des moyens, mais aussi des actions et des résultats.

Nous le faisons dans la plus grande transparence grâce la LOLF, cette nouvelle constitution budgétaire que devons à l’ensemble de la représentation nationale. Majorité comme opposition souhaitaient en effet que les Français puissent avoir une parfaite connaissance de la gestion de l’État – qui fait quoi ? Qui décide ? Et qui paie quoi ? Toute démocratie moderne doit présenter, en toute transparence, l’utilisation des fonds publics. Ce qui vaut aujourd’hui pour l’État, vaudra demain, je l’espère, pour les collectivités locales.

S’agissant de ces dernières, ce budget honore la totalité des engagements souscrits par l’État, qu’il s’agisse du contrat de croissance et de solidarité, reconduit pour un montant d’un milliard d’euros, du FCTVA et des crédits octroyés au titre du RMI, dont les montants progressent respectivement de 700 et de 400 millions, ou encore de l’ensemble des dégrèvements et exonérations d’impôt. Tout cela sera payé à l’euro près.

M. Jean-Claude Sandrier – Il manque pourtant des fonds !

M. le Ministre délégué – L’ensemble de nos engagements envers les collectivités locales sera tenu.

Permettez-moi enfin de vous remercier, Mesdames et Messieurs les députés, en mon nom et en celui de Thierry Breton. Nous avons travaillé dans la plus grande efficacité, mais aussi avec courtoisie. Je veux remercier la majorité pour sa présence au cours de nos débats et pour son soutien total à ce budget, qui tend à respecter nos engagements communs. Je voudrais également remercier l’opposition, même si nous avons eu des désaccords qui s’expliquent aisément par la divergence de nos lignes politiques.

À ceux qui veulent, à gauche, changer ce budget, je poserai une question : que changeriez-vous ? Voulez-vous augmenter la dépense de l’État, les impôts, les déficits ou la dette ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Voilà des sujets sur lesquels nous serions heureux de vous entendre !

M. Patrick Roy – Quelle caricature !

M. le Ministre délégué – Avant de passer au scrutin public, je demanderai aux députés de l’UDF de réfléchir : ne devraient-ils pas voter un budget qui correspond exactement aux valeurs des électeurs de l’UDF et de l’UMP ? Nous avons fait campagne commune en 2002 ! J’espère que vous aurez envie de soutenir un budget qui respecte nos engagements et nos convictions, et qui est au service de l’intérêt général.

M. Patrick Roy – C’est plutôt un budget pour les nantis !

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances – Ce budget est inspiré par une stratégie d’ensemble : le rétablissement des comptes publics, que nous avons trouvés extrêmement dégradés en 2002 (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Pour y parvenir, nous maîtrisons la dépense, dont la progression est limitée en 2007 à 0,8 %, soit un point de moins que l’inflation, tout en respectant strictement nos priorités : sécurité, défense et justice.

Du côté des recettes, nous avons réformé la fiscalité. Une fois prise en compte l’augmentation de la PPE, les trois quarts de la baisse de l’impôt sur le revenu profiteront aux revenus modestes et moyens, tandis que la réforme de la taxe professionnelle améliorera la compétitivité de nos entreprises.

Quant au déficit, sa baisse est spectaculaire : son montant sera limité à 41,6 milliards, ce qui en fait le déficit le plus faible de cette législature, en baisse de 5 milliards par rapport à celui prévu pour 2006. J’ajoute que le sérieux et la fiabilité de nos prévisions sont appuyés, non par de simples promesses, mais par la réalité : depuis quatre ans, l’exécution des dépenses a été réalisée à l’euro près, dans le strict respect des engagements que nous avions ouverts au Gouvernement.

M. Augustin Bonrepaux – C’est faux !

M. le Rapporteur général – Depuis 2004, la totalité du surplus de recettes a en outre été affectée à la baisse du déficit, et il en ira de même cette année. La fiabilité de ce budget n’a rien à voir avec celle du budget pour 2002 que nous avons trouvé !

Je voudrais à mon tour saluer la qualité du travail accompli en compagnie du ministre et de ses collaborateurs. Je rappelle que nous avons pu travailler bien en amont, puisque nous avons préparé les grande lignes de ce budget pendant les mois de l’été – je vous en remercie, Monsieur le ministre. Je voudrais remercier également tous nos collègues qui ont pris part au travail sur ce budget, soit en commission, soit dans l’hémicycle, et remercier nos présidents de séance, même si nos travaux n’ont duré que quatre jours et demi ! Je voudrais enfin saluer la contribution très importante du président de la commission des finances, Pierre Méhaignerie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Nous sommes très satisfaits de l’approche collégiale et harmonieuse qui a prévalu.

Je voudrais enfin remercier la presse, qui a rendu compte de nos travaux, ainsi que tous les personnels de l’Assemblée, qui nous ont accompagnés dans ces débats.

Dans ces conditions, la commission des finances vous invite, chers collègues, à voter la première partie de ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

explications de vote

M. Hervé Mariton – Le groupe UMP votera la première partie du projet de loi de finances. Ce budget, crédible et utile, n’est pas un acte mécanique de fin de législature ni une projection irréaliste de campagne électorale comme celle dont nous avons dû, hélas, subir les effets en 2002, mais le choix politique de l’action, la poursuite de quatre années d’efforts. C’est un budget crédible parce que construit sur une meilleure maîtrise de la dépense publique et de la dette, ce qui est indispensable à la confiance. C’est un budget utile à la compétitivité de notre économie, grâce à des mesures telles que le plafonnement de la taxe professionnelle, mais aussi parce qu’il accroît le pouvoir d’achat. Dans la conjoncture économique actuelle, le premier levier sur lequel un gouvernement et sa majorité peuvent intervenir est celui de la baisse des impôts et des prélèvements obligatoires ; c’est ce que nous avons fait. Mesurons, donc, les progrès accomplis, et retenons les mesures fortes prises au cours de cette législature, même s’il est exact que nous devons poursuivre le rétablissement des finances publiques. Nous approuvons la première partie de ce projet de loi de finances, qui traduit quatre années d’efforts continus et de choix partagés avec nos concitoyens. Ce budget est un bon signe pour l’avenir de la France. Nous y croyons, nous le voterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Didier Migaud – Le groupe socialiste ne partage pas ce point de vue (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Ce projet de budget s’inscrit dans la continuité de la politique économique et fiscale conduite depuis juin 2002 qui a eu pour effet à la fois une forte dégradation de nos comptes publics et une aggravation des inégalités. En restant sur la même ligne, pourquoi réussiriez-vous en 2007 ce que vous n’êtes pas parvenus à faire depuis 2002 ?

La dette a explosé. Quant aux impôts, ils ont globalement augmenté, contrairement à ce que vous alléguez. Certes, l’impôt sur le revenu a baissé, mais ce mouvement se fait au détriment du plus grand nombre. La dépense publique n’a pas baissé. Vous annoncez un déficit public aux alentours de 2,6 ou de 2,7, alors même que, selon votre propre audit, il s’établissait entre 2,4 et – dans le pire des cas – 2,6 en 2002. En résumé, ces cinq années ont malheureusement été perdues pour notre pays. (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Tout aussi malheureusement, les inégalités se sont accrues depuis juin 2002, comme le montre l’augmentation continue du nombre de érémistes, avec les conséquences que l’on sait pour les collectivités locales, notamment les départements. Quant au pouvoir d’achat, il a sensiblement moins augmenté au cours de la législature finissante qu’au cours de la précédente. D’évidence, vous avez mené une politique injuste et inefficace que ce budget va encore aggraver. La réforme fiscale que vous avez décidée se traduira par une économie d’impôt de centaines de milliers d’euros pour quelques-uns et de quelques euros pour le plus grand nombre – qui sera, pour eux, annulée par les augmentations de taxes et de prélèvements que vous prévoyez par ailleurs. Telle que vous en avez eu le dessein, la baisse d’impôt profitera pour 60 % à 10 % des ménages. Quant au bouclier fiscal, il aura des effets évidents sur le paiement de l’ISF, cependant que les collectivités locales subiront les conséquences du plafonnement de la taxe professionnelle. Notre collègue Augustin Bonrepaux les a décrites ce matin au Comité des finances locales, qui s’est trouvé contraint d’exprimer un avis défavorable sur le projet de décret qui lui était soumis (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Je saisis l’occasion qui m’est donnée de rendre hommage à M. Bonrepaux, qui s’est exprimé pour la dernière fois sur le projet de budget, puisqu’il a décidé de ne pas se représenter devant les électeurs. Cet orateur respecté et redouté manquera au groupe socialiste. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Comment, encore, passer sous silence l’augmentation du nombre des niches fiscales, sans plafonnement, contrairement aux engagements qui avaient été pris, tant par le ministre que par vous-même, Monsieur le rapporteur général ? Et que dire de l’augmentation des réductions de cotisations sociales qui créent de formidables effets d’aubaine ?

Ce projet de budget, de surcroît profondément maquillé, est pour une large part virtuel, et le Gouvernement n’a pas été avare de contrevérités, dont l’une a été démontrée par le rapporteur général lui-même. Aussi le groupe socialiste demande-t-il qu’un audit des comptes publics soit réalisé avant les prochaines élections, ce qui permettrait aux Français de se faire une idée précise de la situation.

Le groupe socialiste votera contre la première partie d’un projet de loi de finances pour 2007 qui aggravera la dégradation des comptes publics et renforcera les inégalités. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Charles de Courson – La discussion du projet du budget pour 2007 est l'occasion de dresser le bilan de la gestion des finances publiques pendant les cinq ans de la législature. Alors que les candidats de l'UDF, comme ceux de l'UMP, s'étaient engagés, lors des élections de 2002, à baisser les prélèvements obligatoires, les dépenses publiques, les déficits publics et, en conséquence, la dette publique, c'est largement l'inverse qui s’est produit. (Approbation sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Ainsi, entre 2002 et 2007, les prélèvements obligatoires se sont accrus de 144 milliards, soit presque un point de richesse nationale, et 57 % de la croissance de la richesse nationale aura été utilisée pour financer la hausse de 169 milliards des dépenses publiques. Pendant la même période, le poids des dépenses publiques dans la richesse nationale s'est accru pendant trois ans et a commencé à baisser lentement à partir de 2006, demeurant toutefois, en 2007, supérieur à son niveau de 2002. (« Et voilà ! » sur les bancs du groupe socialiste)

Entre 2002 et 2004, les déficits publics se sont fortement accrus et n'ont commencé à se réduire qu'en 2005 pour revenir en 2007 à 2,5 %, soit un niveau encore supérieur à celui de 2001 tant en valeur qu'en pourcentage de la richesse nationale. Entre 2002 et 2005, l'endettement public s'est considérablement accru, passant de 58,2 % à 66,6 % de la richesse nationale. Le taux s'est stabilisé en 2006, avant prise en compte des cessions massives d'actifs et d'opérations de trésorerie. En 2007, hors cessions d'actifs, la baisse, très faible, n’est que de 0,3 % de la richesse nationale.

Aussi l'UDF, fidèle aux engagements pris devant le peuple français, n'a cessé d'alerter le Gouvernement et l'opinion publique sur la gravité de la situation, mais elle n'a pas été entendue. Après s'être abstenue sur le budget 2005, l'UDF a voté majoritairement contre le budget 2006. Le budget 2007, même s'il est moins mauvais que les précédents, n'est toujours pas à la hauteur, pour quatre raisons.

En premier lieu, la hausse des dépenses de l'État est encore excessive. Le Gouvernement prétend que les dépenses nettes de l'État n'augmenteront en 2007 que de 0,8 %, mais le rapporteur général évalue la hausse des dépenses au double, et le groupe UDF a démontré, sans être démenti, que, si l'on tient compte des artifices de présentation, la hausse réelle de la dépense brute atteint en réalité 2,9 %. C’est certes mieux que l'année dernière, où la hausse atteignait 3,8 %, mais c'est toujours excessif.

Ensuite, la baisse prétendue des impôts n'est qu'un leurre (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Ce n'est, en fait, qu'une moindre hausse, puisque les recettes fiscales brutes de l'État s'accroissent de 3,5 %. Même la promesse présidentielle de baisser d'un tiers l'impôt sur le revenu n'a été tenue que pour un peu plus de la moitié.

De plus, en matière de finances locales, le Gouvernement persévère dans les errements du gouvernement Jospin. Il y a toujours moins d'autonomie fiscale locale, toujours pas de réforme de la fiscalité locale, des mécanismes incitant à la dépense publique locale et sanctionnant les gestionnaires rigoureux sont maintenus.

Enfin, ce budget est porteur d'injustices sociales à l'égard des classes moyennes. Certes, l'UDF a soutenu l'effort de revalorisation d'un milliard de la prime pour l'emploi en faveur de nos concitoyens ayant les salaires les plus modestes, mais elle déplore que cette aide ne soit toujours pas liée à la feuille de paie.

Quant au plafonnement de l'impôt sur le revenu, il profitera pour les deux tiers, soit plus de 300 millions, à 14 000 familles assujetties à l'ISF et la réforme du barème de l'impôt sur le revenu, dont le coût est de 3,5 milliards, profitera pour près d’un tiers à 1 % des familles. N'entendez-vous pas les classes moyennes gronder, en ayant le sentiment justifié d'être les victimes d’une grande injustice ?

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF ne votera pas le projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Jean-Claude Sandrier – Monsieur le ministre, trois points vous ont fâché durant les cinq jours d’examen du volet recettes de ce projet de budget. Tout d’abord, lorsque nous avons démontré votre responsabilité dans l’aggravation des inégalités ; ensuite, lorsque nous avons dénoncé la façon dont vous utilisez la dette comme alibi ; enfin, lorsque nous avons pointé l’insolent enrichissement d’une caste de nantis.

Oui, vous avez aggravé les inégalités dans notre pays. C’est sans doute pourquoi, d’après le dernier sondage BVA réalisé pour Les Échos, 64 % des Français se disent mécontents de la politique économique et sociale du Gouvernement. En cinq ans, vous avez fait 23 milliards d’euros de cadeaux aux plus riches, soit l’équivalent de la moitié du déficit budgétaire. La Cour des comptes elle-même relève qu’en 2002, 10 % des contribuables ont bénéficié de 69 % des allègements fiscaux, en 2003, 4,5 % de 56 % et en 2004, 2,9 % de 45 %. Dans le même temps, vous avez augmenté les impôts les plus injustes comme la CSG, les taxes et forfaits de toute nature, sans parler des hausses de prix qui ont alourdi les dépenses obligatoires des ménages comme le logement, l’énergie, les médicaments dont beaucoup ont été déremboursés. Tout cela ne pèse guère sur les plus riches, mais lourdement sur les ménages moyens et modestes. De même, les transferts de charges sur les collectivités sans contreparties financières suffisantes ont accru la fiscalité locale, particulièrement injuste. Vous avez contribué, en cinq ans, à alourdir les prélèvements obligatoires de 0,6 %, en déplaçant les prélèvements des plus aisés sur les moins aisés. Depuis cinq ans, le budget est devenu un système de vases communicants par le biais duquel l’argent public va à la sphère privée. Vous qui aimez tant à donner des leçons sur la dépense publique, êtes en réalité les champions du gaspillage de l’argent public. La Cour des comptes elle-même relève que sur les 20 milliards d’euros d’exonérations de charges patronales, 17 milliards ne servent à rien pour l’emploi !

Le coût social de ce transfert est, hélas, terrible. L’État est devenu le plus grand casseur d’emploi et dégrade chaque jour davantage les services publics. Le nombre des érémistes a augmenté de plus de 10 % et en 2005, 100 000 personnes de plus ont dû percevoir les minima sociaux. La précarité de l’emploi a crû de 10 % en deux ans et le pouvoir d’achat des salariés ne cesse de diminuer. Alors que les salariés payés au SMIC représentaient 11,2 % des salariés en 1995, ils en représentent aujourd’hui 16,8 % et si le SMIC a doublé en dix ans, les dividendes ont été, dans le même temps, multipliés par neuf. Quant au nombre de retraités vivant en-dessous du seuil de pauvreté, il a augmenté de 63 % en dix ans.

Vous invoquez la dette pour freiner les revendications des salariés, empêcher la progression de leur pouvoir d’achat et laisser sans réponse leurs demandes légitimes en matière de santé, de retraite et d’emplois. Là encore, vous n’avez pas de leçons à donner ! Lorsqu’on s’est permis de faire 23 milliards d’euros de cadeaux fiscaux, essentiellement aux plus riches, et d’accroître ainsi la dette de huit points, selon les calculs mêmes de la Cour des comptes, il n’est pas très digne d’invoquer la dette sur un ton larmoyant et culpabilisant, d’autant que la dette nette de la France est largement inférieure à celle des pays de l’OCDE et de la zone euro.

La troisième vérité qui vous fâche est lorsque nous dénonçons la sous-fiscalisation d’un montant considérable de ressources. Un seul exemple : les 500 millions d’euros supplémentaires de la prime pour l’emploi, laquelle bénéficie à neuf millions de nos concitoyens, représentent le montant des dividendes engrangés par trois personnes dans notre pays en 2005 : Mme Bettencourt, M. Pinault et M. Arnault. La revue Capital de ce mois-ci explique parfaitement que si les profits croissent plus vite que les salaires, l’inflation et le PIB, les dividendes croissent eux-mêmes plus vite que les profits et sont moins taxés que les salaires. On ne peut mieux décrire le parasitisme d’une caste qui s’enrichit sur le travail du plus grand nombre, et ce sans commune mesure avec l’évolution de la richesse du pays.

De l’argent, il y en a. Il coule même à flots. Il serait temps de taxer les plus-values boursières, à commencer par celles, scandaleuses, de Total – cela rapporterait 20 milliards d’euros ; de taxer à 1 % les actifs financiers qui ont augmenté de 107 en dix ans – cela rapporterait 35 milliards d’euros ; enfin, de réorienter les 20 milliards d’euros d’exonérations de cotisations, aujourd’hui gaspillés. De l’argent, il serait facile d’en trouver pour augmenter le pouvoir d’achat, créer des emplois, soutenir la recherche et l’éducation, renforcer la protection sociale, protéger l’environnement..., bref, tout ce qui fait croître la richesse réelle d’un pays, assure sa croissance et son efficacité économique, donc soutient l’emploi.

Le groupe communiste et républicain votera contre ce projet de budget qui va exactement à l’inverse de ces objectifs et lance une grande pétition nationale pour un budget de justice fiscale au service du progrès social. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

À la majorité de 348 voix contre 189 sur 544 votants et 537 suffrages exprimés, la première partie du projet de loi de finances pour 2007 est adopté.
M. Debré remplace M. Leroy au fauteuil présidentiel.
PRÉSIDENCE de M. Jean-Louis DEBRÉ

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Éloge funèbre d’Édouard landrain

M. le Président – C’est avec tristesse et émotion que nous avons appris le 24 juin dernier le décès de notre collègue et ami Édouard Landrain. Il nous laisse le souvenir d’un collègue rieur qui prenait la vie au sérieux, sans l’ombre d’une prétention, mais avec conviction.

Prodigue en cordialité, en geste, comme en paroles, Édouard Landrain était la synthèse parfaite de la bienveillance et de la malice, jamais dupe, mais toujours généreux, trouvant à chacun les circonstances qui atténuent les travers.

Né breton, à Lorient le 1er juillet 1930, dans une famille qu’il se plaisait à qualifier de modeste – son père termina sa carrière comme chef de gare à Vannes –, c’est à Nantes qu’il fera ses études de médecine dentaire et c’est à Nantes qu’il vous rencontrera, Madame.

Édouard Landrain était un homme du grand large, un marin qui effectua son service militaire sur le Richelieu et qui réalisa en 1970 le plus cher de ses rêves d’enfance en traversant l’Atlantique à la voile avec deux de ses amis. Parce qu’il aimait la mer, il mena un farouche combat pour la répression des navires polluants.

Mais Édouard Landrain fut, avant tout, un sportif, non seulement un grand amateur de sport, mais aussi un champion, une figure du basket-ball français dans les compétitions internationales interuniversitaires. Plus encore, il était un homme habité par les qualités que nous enseigne le sport, la persévérance, la combativité, l'endurance, l'esprit d'équipe, le sens de l'effort, l'humilité et cette formidable envie d'aller toujours de l'avant.

Ce sont les hasards d'un remplacement professionnel saisonnier chez un collègue dentiste, qui le conduisent en novembre 1956 dans cette terre d'adoption que fut son cher pays d'Ancenis, territoire qu'il considérait comme breton, en dépit de la géographie administrative.

De là naquit une histoire extraordinaire entre un homme et une ville. Sans la moindre inclinaison naturelle pour la politique, et sans aucune ambition personnelle, Édouard Landrain accepta pourtant de rejoindre, à l'invitation de nombre de ses amis, une liste aux élections municipales de mars 1965, date à laquelle il entra au conseil municipal d'Ancenis où il siégea sans discontinuité jusqu'en mars 2001.

Maire d'Ancenis pendant près d'un quart de siècle, de 1977 à 2001, il constata rapidement que pour porter plus haut les intérêts de ses concitoyens et l'avenir de sa ville, il lui fallait prendre de nouvelles responsabilités. C'est ainsi qu'il se présenta pour la première fois aux élections cantonales de 1979 où il fut élu conseiller général de la Loire-Atlantique, puis réélu, là encore sans interruption, jusqu'en mars 2004. Édouard Landrain aimait à rappeler que cette confiance toujours renouvelée, jamais entamée par les grandes alternances politiques, était non seulement sa plus grande fierté mais aussi ce qui donnait du sens à son action inlassable pour faire du pays d'Ancenis un modèle de développement. Ce chef-lieu d'arrondissement paisible se réveilla sous son impulsion pour devenir le centre d'un riche bassin d'emploi de 80 000 habitants, à la croisée de quatre grandes villes, Nantes, Angers, Rennes et Cholet.

Rapidement, Édouard Landrain fut reconnu comme un des acteurs marquants de la vie politique locale. Dès 1982, il fut élu vice-président du conseil général de la Loire-Atlantique et c'est en juin 1988 qu'il fut élu pour la première fois député de la cinquième circonscription de son département.

Édouard Landrain était un homme du centre, par mesure au moins autant que par prudence. Sur le terrain politique, il fut donc légitimement un pilier du centre droit, proche de Jean Lecanuet et membre du Centre des démocrates sociaux dès son élection à la mairie d'Ancenis en 1977. Il resta toujours attaché à ce grand courant humaniste et chrétien dont il partageait les valeurs, les combats et les ambitions.

Pour tout programme, Édouard Landrain écrivit à ses électeurs ces deux simples phrases qui me semblent parfaitement résumer son action politique : « Je ne vous fais qu’une seule promesse, celle de continuer à me battre toujours à vos côtés. Il y a tant à faire ! ».

Dans cet hémicycle, il fut un ambassadeur remarquable du monde sportif. Il n’était pas seulement un excellent expert de ce dossier qu'il connaissait intimement dans toute sa diversité, il sut aussi nous rappeler inlassablement ce que le sport représentait dans notre pays où le baron de Coubertin réinventa la forme la plus élaborée de l'esprit sportif, loin des paillettes, plus loin encore des excès de l'argent dont il dénonçait régulièrement les conséquences désastreuses.

À la tribune de cette assemblée, Édouard Landrain savait merveilleusement nous convaincre, au-delà des clivages politiques, des valeurs profondément républicaines que portait l'esprit sportif : école de l'effort, de l'apprentissage, du dépassement, de la solidarité et du respect de l'autre. Le sport retrouvait toute sa dimension lorsque Édouard Landrain nous rapportait combien il était un facteur prodigieux d'intégration qui permettait, à un moment donné, à tout un peuple de savoir profondément ce qui le rassemble. Édouard Landrain rendait évidente cette certitude que le sport est d’abord l'école de la vie, une école qui intègre, pacifie et reconstruit.

Durant ces quatre dernières législatures, Édouard Landrain ne manqua aucun débat relatif au sport. Il fut en particulier un précurseur dans l'ardent combat législatif qu'il mena contre toutes les formes de dopage – celui-ci fit d’ailleurs l'objet de sa toute première intervention dans cet hémicycle.

Nous nous rappelons tous aussi de l'hommage vibrant qu'il rendait en permanence à ce million et demi de bénévoles qui font vivre le sport en France en faisant partager aux plus jeunes leur passion.

Édouard Landrain fut un collègue généreux, un opposant toujours respectueux, un partenaire exigeant avec ses propres amis. Il acceptait mal le temps perdu, l'immobilisme ou les réformes insuffisantes. Certains, dans cette assemblée, se souviennent comme moi-même de cette apostrophe lancée à un ministre de la jeunesse et des sports : « Alors qu'il aurait fallu légiférer de façon coordonnée, on le fait par petits bouts, en chapelet. Un grain par-ci, un grain par-là : on psalmodie la réforme ».

Oui, Édouard Landrain fut un parlementaire rigoureux, profondément attaché aux prérogatives de cette assemblée et par là même attentif à ce qu’elle légifère à bon escient.

Et je voudrais encore citer deux brèves interventions qu’il prononça dans cet hémicycle et qui illustrent, il me semble, cette bonne pratique qui caractérise ceux qui ont une haute conscience de notre responsabilité. « À trop vouloir aller dans le détail, disait-il, nous sombrons dans notre péché mignon qui est de faire ici de la petite réglementation. » Et d’ajouter dans un autre débat : « De grâce, que notre assemblée ne se mêle pas de ce qui ne doit pas relever d’elle, tant qu’il n’est pas question de l’intérêt général. » Oui, occupons nous de l’intérêt général et non des petits intérêts particuliers !

Édouard Landrain était un de ces hommes qui savent vivre toute chose avec passion, une passion intérieure et un enthousiasme contagieux, un plaisir singulier et un bonheur de vivre, autant de choses qui n’entamaient jamais pour autant sa faculté à rester mesuré dans l’expression et le respect de l’autre.

Aujourd’hui, c’est un ami que nous honorons, un collègue que nous saluons et un élu de la nation que nous regrettons.

À vous, Madame, son épouse, à ses enfants, Martine, Pierre et Françoise, à ses proches et à ses amis, je renouvelle, au nom de l’Assemblée, l’expression de notre émotion et de notre profonde sympathie.

M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement  Le Gouvernement s'associe à l'hommage qui est aujourd'hui rendu à Édouard Landrain, député de Loire-Atlantique.

Au-delà des clivages politiques, chacun sur ces bancs regrette l'homme de grande qualité, qui savait être fidèle à ses convictions et les exprimait sans équivoque. Jusqu'au bout, il se sera investi dans sa tâche. Jusqu'au bout, il aura défendu ses idées avec sérénité.

Avec Édouard Landrain disparaît un élu de la nation comme la République sait les forger. Un homme respectueux, attentif aux autres, une personnalité toujours accessible, disponible, soucieuse de servir son pays.

Breton de naissance, Édouard Landrain a été très vite adopté par le département de la Loire-Atlantique et la commune d'Ancenis, où il s'était installé. Son métier de chirurgien-dentiste le conduit à rencontrer chaque jour beaucoup de ses concitoyens. Il aime écouter, comprendre, proposer et surtout agir. C'est tout le sens de son engagement politique. Pour lui, les mandats viennent moins récompenser le travail accompli qu’encourager à servir davantage encore l'intérêt général. Il faisait sienne la maxime de Guillaume d'Orange selon laquelle « point n'est besoin d'espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer ».

En 1965, Édouard Landrain entre au conseil municipal d'Ancenis. II sera élu maire de cette commune, dont il connaît chaque habitant, en 1977. Jusqu'en 2001, les Anceniens lui renouvelleront sans discontinuer leur confiance et leur estime.

Au conseil général de Loire-Atlantique ou encore au conseil régional, il multiplie les initiatives pour améliorer le cadre de vie de ses concitoyens. Profondément attaché au développement de la culture, il a permis à la maison de la culture de Loire-Atlantique de devenir un centre exemplaire de diffusion culturelle en milieu rural.

Le Premier ministre a rappelé que, tout au long de sa carrière, Édouard Landrain avait « fait preuve d'un engagement et d'une activité inlassables, tant sur le terrain local que dans ses travaux parlementaires ».

Lorsqu'il entre à l'Assemblée nationale en 1988, Édouard Landrain manifeste le même enthousiasme et le même dévouement au service des autres. Ses collègues, à quelque groupe qu'ils appartiennent, apprécient unanimement son ouverture d'esprit et son humanisme.

Homme de dévouement et d'engagement, il exerçait avec passion ses responsabilités publiques. Membre assidu de la commission des affaires culturelles, il était écouté et respecté par l'ensemble de ses collègues, en particulier en raison de son excellente connaissance des milieux sportifs.

Pleinement impliqué dans la vie de votre Assemblée, ce passionné de sport, ancien basketteur, président du groupe d'études sur le sport et l'éducation sportive, avait fondé puis présidé l'Amicale parlementaire du football, regroupant plus de 150 députés et sénateurs.

Le travail de fond qu'il a réalisé sur le sport et son sens de la persuasion lui ont permis de convaincre ses collègues et de réaliser de nombreuses avancées, notamment en matière de financement des activités sportives. La dernière loi sur la réforme du sport professionnel, adoptée en 2004, lui doit beaucoup.

Toute sa vie, quelles qu'aient été les épreuves qu'il aura dû affronter, Édouard Landrain aura été un homme d'action, sincère, se dépensant sans compter pour tous ceux qu'il aimait. Son humanisme et sa joie de vivre nous ont marqués.

À son épouse, à ses enfants, à toute sa famille, à ses collègues, j'exprime, au nom du Gouvernement et en mon nom personnel, notre profonde tristesse et notre solidarité dans l'épreuve qu'ils traversent. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence)

La séance, suspendue à 17 heures 5, est reprise à 17 heures 25, sous la présidence de M. Leroy.
PRÉSIDENCE de M. Maurice LEROY
vice-président

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projet de loi de financement
de la sÉcuritÉ sociale POUR 2007

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités Ce PLFSS est conforme à la feuille de route tracée depuis 2004 qui vise à redresser les comptes de la sécurité sociale et, plus particulièrement, à rééquilibrer ceux de la branche maladie. Cette législature a été marquée par plusieurs réformes majeures visant à pérenniser et à améliorer notre système de sécurité sociale qui est au cœur du pacte républicain. Toutes ces réformes ont été mises en œuvre par les gouvernements de MM. Raffarin et de Villepin, conformément à la volonté du Président de la République et avec l’appui de la majorité.

La réforme des retraites tout d’abord, si longtemps différée et que notre majorité a eu le courage d’adopter en août 2003. Visant à préserver l’équilibre financier du régime de répartition à moyen terme, cette réforme a également permis à 350 000 personnes de prendre leur retraite avant 60 ans parce que ces salariés avaient commencé à travailler à 14, 15 ou 16 ans.

Pour relever le défi de la dépendance des personnes âgées ou handicapées, la loi du 30 juin 2004 a créé la journée de solidarité, qui finance la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie – CNSA. La dimension solidaire de notre système de sécurité sociale a aussi été renforcée par la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, par la création de la prestation d’accueil du jeune enfant – PAJE – et par l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé prévue dans la loi d’août 2004.

Cette loi a entrepris la réforme de l’assurance maladie, qui a permis d’améliorer la gestion et l’organisation de notre système de soins, dans une perspective de retour à l’équilibre financier. La loi organique du 2 août 2005 a pour sa part réformé la présentation et le contenu des lois de financement de la sécurité sociale, ce qui renforce à la fois leur crédibilité et le contrôle du Parlement sur les finances sociales.

Ces réformes ne sont pas derrière nous : tant qu’elles ne sont pas entrées dans le quotidien de nos concitoyens, elles n’existent pas vraiment. Il nous faut donc conforter leurs résultats. C’est pourquoi le PLFSS pour 2007 s’inscrit dans la continuité de ces réformes structurelles, qui ont su préserver les principes républicains de notre protection sociale tout en la modernisant.

Permettez-moi de rappeler les principes qui fondent notre action. Continuité, tout d’abord, dans la mise en œuvre des réformes engagées. Le PLFSS conforte cette dynamique, et je me félicite que les Français adhèrent à cette réforme, qui repose avant tout sur une évolution des comportements. Détermination, ensuite, afin de parvenir au redressement des comptes. La réduction du déficit du régime général se poursuit en 2006 : il devrait passer de 11,6 à 9,7 milliards d’euros. Le PLFSS pour 2007 prévoit de le ramener à 8 milliards. Rappelons qu’une diminution du déficit de 2 milliards par an est déjà un effort important, puisque la seule évolution tendancielle des dépenses nous amène à solliciter un effort de l’ordre de 5 milliards.

La branche maladie poursuit son redressement, avec un déficit de 3,9 milliards. Sans la réforme, il aurait atteint près de 16 milliards à la fin de l’année 2005. Fin 2007, il sera inférieur à 4 milliards. C’est du jamais vu : les efforts des Français portent leurs fruits. Voilà le bilan que nous pouvons présenter !

Le déficit de la branche vieillesse devrait en revanche s’élever à 3,5 milliards sous l’effet du succès des départs anticipés à la retraite pour les carrières longues et de l’arrivée à l’âge de la retraite des premières générations du baby-boom.

La branche famille enregistrera quant à elle un redressement significatif de ses comptes, réduisant de près de moitié son déficit, tandis que la branche ATMP sera légèrement excédentaire.

La réduction du déficit n’est pas notre seul objectif. Ce qui compte, c’est de pouvoir mieux prendre en charge les assurés et répondre aux attentes des professionnels.

Le troisième principe qui guide notre action est celui de la solidarité. Conformément au souhait du Président de la République, le dispositif d’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé sera étendu, le nombre des bénéficiaires potentiels passant de 2 à 3 millions de personnes. Je pense aussi à la mise en place du plan « solidarité grand âge » et à l’amélioration de la qualité de vie des personnes handicapées.

Cette année encore, nous rembourserons pour plus d’un milliard d’euros de nouveaux traitements, notamment de traitements innovants. Je suis particulièrement fier que nous prenions en charge intégralement – ce qui n’est pas le cas dans tous les pays européens – un traitement comme celui de la polyarthrite rhumatoïde, qui coûte 1 375 euros par mois.

Le PLFSS rend également possible la prise en charge des produits ne disposant pas d’une autorisation de mise sur le marché en France, mais l’ayant obtenue dans un autre État membre de l’Union européenne, ce qui évitera de recourir à une procédure complexe et permettra de soulager plus vite les patients.

Les marges de manœuvre que nous dégageons nous permettent d’investir dans la prévention. J’ai ouvert le 16 octobre les États généraux de la prévention, qui détermineront de nouveaux chantiers prioritaires et sensibiliseront de nouveaux acteurs de la prévention. Après l’ostéodensitométrie – depuis le 1er juillet – et les visites prévues pour les enfants de 6 et 12 ans en matière bucco-dentaire – avec prise en charge de tous les soins consécutifs –, ce PLFSS permettra les consultations de prévention pour les plus de 70 ans.

Parce que la solidarité ne va pas sans la responsabilité, et parce que la sécurité sociale est un bien commun, nous renforcerons la lutte contre les abus et contre les fraudes. J’ai donc installé ce matin un comité national de lutte contre les fraudes, qui rassemble tous les organismes de sécurité sociale et les administrations concernées. Les moyens de contrôle des caisses seront également accrus. Le Gouvernement vient de déposer deux amendements importants au PLFSS. Ils visent à améliorer le contrôle des ressources des demandeurs de prestations sous conditions de ressources, en permettant aux caisses de prendre en considération le train de vie et les ressources patrimoniales, et à s’assurer que seuls les assurés sociaux résidant en France bénéficient de notre couverture sociale – toute personne qui quitte la France pour installer sa résidence à l’étranger doit rendre sa carte Vitale. À l’initiative de Pierre Morange et suite au rapport de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale présenté en novembre 2005 par Jean-Pierre Door, un amendement visant à créer un répertoire unique, commun à tous les organismes de sécurité sociale, a également été déposé. Nous cotisons pour notre santé, non pour cautionner les abus et les fraudes de quelques-uns. Nul n’est plus attaché que moi à la gratuité des soins pour les plus démunis ; mais il est normal de vérifier qu’ils sont les seuls à bénéficier de la CMU. C’est pourquoi nous avons déposé ces amendements, qui permettront d’ailleurs de faire fi des idées fausses qui circulent.

La politique de l’emploi, priorité du Gouvernement, permet d’améliorer la situation de la sécurité sociale, qui bénéficiera en 2007 d’une augmentation de la masse salariale plus rapide que les années précédentes. Ces bonnes nouvelles ne sont pas le fruit du hasard, mais l’effet de la réussite de notre politique dans le domaine de l’emploi.

Afin d’amplifier le redressement de la situation de l’emploi, ce PLFSS propose plusieurs mesures importantes : poursuite de l’allégement des charges sociales pour les entreprises de moins de vingt salariés, extension et simplification du dispositif d’aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprise, mesures d’incitation à la poursuite d’activité pour les seniors ou d’encouragement au développement des services à la personne…

Je reviens sur quelques mesures proposées pour la branche maladie. Fin 2005, le déficit aura été de 8 milliards, contre 8,3 prévus dans le PLFSS ; pour 2006, il devrait s’établir à 6 milliards, légèrement inférieur à la prévision du PLSS. Cela montre que les efforts engagés portent leurs fruits et que les prévisions étaient sincères. Le redressement est dû à l’infléchissement du rythme de progression des dépenses – ce qu’il y a de plus durable et de plus efficace. Pour la première fois depuis des années, le niveau de l’ONDAM voté par le Parlement – 135 milliards – a été quasiment respecté en 2005. En 2006, il ne devrait progresser que de 2,7 %, ce qui constitue une nouvelle – et remarquable – inflexion de tendance. Celle-ci est spectaculaire sur les soins de ville, dont la croissance, de l’ordre de 6 à 7 % en 2002 et 2003, a été limitée à 3 % en 2005 et ne devrait pas dépasser 1,5 % en 2006. Après des années de hausse de près de 10 % par an, les dépenses d’indemnités journalières ont décru de 1,4 % en 2005 et de 2,9 % sur les huit premiers mois de 2006. Les dépenses de produits de santé enregistrent un ralentissement historique, avec une prévision d’évolution nulle pour 2006, au lieu de plus de 5 % en 2005.

Chacun a donc pris conscience de la nécessité de faire évoluer les comportements. Mais si l’assurance maladie va mieux, elle n’est pas encore guérie. Il faut maintenir fermement le cap et continuer à réorganiser l’offre de soins. Par leur adhésion au parcours de soins, les assurés sociaux ont montré leur adhésion à une réforme structurelle. Selon une enquête menée par la DRESS en septembre, plus des deux tiers des Français estiment que le dispositif du médecin traitant permet d’améliorer le suivi des patients. Cette année, les assurés ne seront pas sollicités davantage que ce qui était prévu : mieux vaut qu’ils choisissent leur médecin traitant et jouent le jeu des génériques.

Je salue l’implication des professionnels de santé dans la réforme. Il faut qu’ils poursuivent l’effort de maîtrise médicalisée, à laquelle beaucoup se refusaient à croire. L’engagement conclu en 2005 dans le cadre de la convention médicale a permis d’économiser près de 800 millions et de revaloriser les honoraires. En 2006, les objectifs de limitation des prescriptions sont atteints – c’est aussi vrai des psychotropes que des antibiotiques. La maîtrise médicalisée s’applique aussi à l’hôpital : grâce aux accords de bonne pratique hospitalière, une économie de 100 millions est attendue sur les prescriptions hospitalières en ville. La mise en œuvre du référentiel sur les transports sanitaires – dont plus de 60 % sont prescrits à l’hôpital – devrait dégager une économie de 100 millions. Les mesures relatives à la tarification de certains actes de biologie devraient quant à elles entraîner un effet report de 60 millions sur 2007.

Le PLFSS est aussi l’occasion de faire évoluer les pratiques. Il consacre ainsi le nouveau droit des infirmiers à prescrire des dispositifs médicaux. Il propose également une adaptation de la procédure d’autorisation d’exercice des professions médicales à diplôme hors Union européenne. On nous avait promis en 1999 que le problème serait réglé.

M. Pascal Terrasse – Il l’avait été !

M. le Ministre – Ça se saurait ! C’est un sujet qui fait consensus dans les déclarations publiques ; nous verrons ce qu’il en sera dans les débats. Il faut sortir ces professionnels de l’impasse ; il est important de ne pas manquer ce rendez-vous.

Le secteur du médicament continuera à être impliqué dans la réforme de l’assurance maladie. Les dépenses de médicaments sont pratiquement stables en 2006, ce qui montre le changement des comportements qui est intervenu. La part des génériques dans les prescriptions est passée de 10,8 % à 16,7 %. L’accord entre l’UNCAM et les syndicats de pharmaciens prévoit un objectif de taux de substitution de 70 % en décembre : cet objectif sera également atteint. Au total, les mesures sur les génériques ont permis d’économiser 750 millions en 2006. Les baisses de prix de certains médicaments sous brevet auront en outre leur plein effet en 2007. Nous devons conforter ces bons résultats, en veillant à l’application des mesures prises.

Le présent projet prévoit également de réduire le taux de la taxe sur le chiffre d’affaires des médicaments remboursables, qui sera ramené à 1 %. La taxe sur le chiffre d’affaires 2006 de la vente en gros fera l’objet d’une augmentation exceptionnelle, pour un rendement de 50 millions. Parallèlement, une réflexion est engagée avec les grossistes pour adapter leurs obligations de service public aux contraintes du marché.

Les mesures d’économie sont dans la continuité : sur 1,8 milliard d’économies attendues dans le secteur du médicament, 1,670 milliard correspond à des effets de report ou à l’engagement de mesures déjà décidées, et seulement 150 millions à des mesures nouvelles.

La politique du générique nécessite de clarifier la question de la propriété intellectuelle. Certains d’entre vous m’ont alerté sur le risque de mise sur le marché de génériques avant l’expiration des brevets de princeps. Il faut trouver une solution qui garantisse à la fois le respect des brevets et la fluidité de l’arrivée des génériques. Après les négociations en cours avec les différentes parties, elle devrait figurer dans l’accord-cadre.

Le projet initial prévoyait une progression de l’ONDAM « soins de ville » de 0,8 %. La commission des affaires sociales a adopté des amendements qui augmentent les recettes, permettant de porter cette progression à 1,1 %, ce qui reste neutre pour le solde de la CNAMTS. L’objectif est d’améliorer la prise en charge des assurés sociaux. Ainsi l’assurance maladie prendra-t-elle en charge les actes de prévention des pédicures-podologues pour les diabétiques, ce qui devrait concerner 250 000 personnes. Cela nous donnera en outre des marges de manœuvre dans la négociation collective, pour les infirmières, pour les sages-femmes, pour la reconnaissance de la médecine générale comme spécialité, qui crée de nouvelles responsabilités.

Ces nouveaux moyens nous permettront également de poursuivre notre politique ambitieuse concernant la démographie des professions de santé. Déjà, l’augmentation du numerus clausus a été portée à 7 000, et je pense qu’il faudra le revoir encore avant 2010, en raison du développement du temps partiel. L’alignement de la durée du congé de maternité pour les femmes professionnelles exerçant en libéral a été réalisé, ainsi que l’augmentation d’un tiers du montant du cumul entre les retraites et les revenus d’activité. L’assurance maladie a préparé une stratégie d’information des étudiants et d’accompagnement des nouveaux installés. J’ai demandé aux partenaires de négocier enfin les aides versées dans les zones sous-médicalisées. Trouvant qu’ils passaient trop de temps sur le sujet, j’ai demandé aux ARH et aux URCAM de redéfinir ces zones conformément aux besoins sur le terrain.

Mme Maryvonne Briot – Très bien !

M. le Ministre – Je suis prêt à mieux payer les professionnels pour qu’ils s’installent dans ces zones, sur la base de l’incitation et du volontariat, et j’ai été stupéfait de voir que certains candidats socialistes à l’investiture pensent qu’il faut les y obliger ! Quelle méconnaissance de l’aspiration de ces professionnels et du fonctionnement libéral de notre système ! L’obligation ne pourrait d’ailleurs être imposée que dans dix ans, et ce serait alors trop tard, il ne nous resterait que nos yeux pour pleurer. Je comprends que les spécialistes de la santé au sein du parti socialiste ici présents soient gênés par ces propositions.

Je recevrai prochainement le rapport que j’ai demandé au doyen Berland sur la démographie hospitalière. Nous voulons étendre les dispositions dont j’ai parlé aux autres professions : chirurgiens-dentistes, infirmières, masseurs-kinésithérapeutes. Je me félicite en outre de l’initiative de Jean-Claude Lemoine qui a présenté un amendement étendant la possibilité pour les collectivités territoriales d’accorder des aides aux étudiants en médecine et en chirurgie dentaire.

Le monde hospitalier a connu depuis 2003 des réformes de grande ampleur : gouvernance, planification, gestion, tarification…, et un temps d’adaptation est nécessaire pour tous les acteurs. Je n’ignore rien de la situation financière de nombreux établissements, ni le défi que représentent ces réformes. Je souhaite donc que nous accompagnions les établissements. La part de TAA dans les établissements financés jusqu’alors par dotation globale a été fixée en 2006 à 35 % ; comme je m’y étais engagé, l’effort sera poursuivi, puisqu’elle passera à 50 % en 2007. Les moyens des établissements de santé augmenteront de plus de deux milliards en 2007, soit une progression de l’ONDAM hospitalier de 3,5 %, bien supérieure à celle des dépenses de santé. Cela montre notre souci de modernisation de ces établissements.

Ces ressources supplémentaires permettront de poursuivre l’effort d’investissement, notamment grâce à une meilleure valorisation du patrimoine de ces établissements. Une partie des produits de cession sera reversée à l’assurance maladie, en étant dédiés aux investissements du FSMESPP. Des amendements de la commission des affaires sociales et de la commission des finances précisent les modalités de cette mesure.

Ces ressources seront également destinées au personnel hospitalier. 2007 sera la première année d’application d’un accord ambitieux signé avec les organisations syndicales – FO, CFDT, CFTC, CGC et les autonomes – permettant d’améliorer les conditions de travail et de rendre les métiers plus attrayants. Cet accord, qui était très attendu par les 900 000 agents de la fonction publique hospitalière, donnera envie de rentrer dans ces établissements et d’y rester. Nous savons que dans les dix ans, 40 % de ces agents partiront à la retraite ; il faut donc surtout éviter une crise des vocations. Les infirmières en fin de carrière fin 2006 toucheront une prime de 400 euros. Les besoins d’accords sociaux dans les établissements privés seront également pris en considération dans l’ONDAM.

En ce qui concerne la gestion hospitalière, la politique des achats sera améliorée et des économies de gestion seront réalisées en interne à hauteur de 275 millions. Nous financerons les plans de santé publique : urgence, cancer, addictologie, périnatal, santé mentale et maladies rares. Nous devrons doubler les dépenses d’investissement en informatique hospitalière d’ici à 2012. La nouvelle carte Vitale, qui sera distribuée en novembre en Bretagne et ensuite sur l’ensemble de la France, représentera une porte d’entrée vers le dossier médical personnalisé, lequel sera au rendez-vous de juillet 2007 moyennant un investissement d’un milliard sur cinq ans.

Ce projet de loi de financement s’inscrit dans la continuité d’une politique ambitieuse. Il nous permettra de poursuivre la maîtrise médicalisée, d’approfondir notre politique du médicament, sans remettre en cause la politique d’innovation, sans demander d’efforts supplémentaires aux assurés et en dégageant des marges de manœuvre supplémentaires. Réduire le déficit, c’est garantir un avenir à notre système de santé, en nous donnant la possibilité d’investir. C’est ce que nous faisons avec ce projet que je vous demande d’approuver. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille – Je voudrais à mon tour souligner la très nette amélioration de nos comptes et la réduction du déficit de 20 % en 2006, comme en 2005. Ceci a été réalisé en préservant un haut niveau de protection sociale, puisque 77 % des dépenses de santé sont prises en charge par l’assurance maladie, ce qui fait de notre système de protection sociale l’un des plus performants au monde. En misant sur la responsabilité de tous, nous avons fait le bon choix : des comportements jugés immuables changent, qu’il s’agisse des arrêts de travail ou de la prescription de médicaments. Dans ce domaine, nous savons toutefois que rien n’est jamais acquis. C’est pourquoi nous devons impérativement poursuivre nos efforts dans la durée.

Réserve faite de l’assurance vieillesse, l’amélioration est particulièrement nette du côté des dépenses : le déficit de l’assurance maladie a été divisé par quatre depuis la réforme de 2004, tandis que celui de la branche famille devrait diminuer de moitié en 2007. Cette année, la branche « accidents du travail » reviendra enfin à l’équilibre, et devrait être légèrement excédentaire l’an prochain.

Une telle réduction des déficits est d’autant plus notable que nous continuons à renforcer la solidarité envers les personnes très âgées, les handicapés et les familles. Ce budget intègre en effet le plan « solidarité grand âge » que j’ai présenté le 27 juin. Les personnes de plus de 85 ans sont un peu plus d’un million aujourd’hui, nombre qui devrait doubler avant dix ans. Nous devons donc adapter notre système de santé.

Pour cela, nous allons mobiliser des moyens financiers très importants : les crédits augmenteront en 2007 de 13 %, soit 650 millions de plus. Ces crédits s’ajouteront naturellement aux 587 millions d’euros de mesures nouvelles qui ont déjà été financées cette année. Si nous pouvons réaliser un tel effort, c’est grâce à la journée de solidarité et à la réduction des déficits de l’assurance maladie. C’est donc le fruit des efforts de tous nos compatriotes !

Pour donner aux personnes âgées le choix de rester chez elles, nous proposons de créer 6 000 places supplémentaires dans les services de soins infirmiers à domicile. Cette mesure coûte plus cher que la création de places en milieu hospitalier, mais nous devons avant tout répondre aux attentes des Français. Ceux-ci souhaitent rester le plus longtemps possible à leur domicile, et telle est notre priorité.

Le maintien à domicile n’étant pas toujours possible, nous prévoyons également un effort très important en faveur des personnes les plus dépendantes : 5 000 places seront créées en établissement, 2 125 en accueil de jour et 1 125 en hébergement temporaire.

Les progrès ne sauraient toutefois se limiter aux seuls aspects quantitatifs : afin de mieux adapter notre prise en charge, je propose que l'assurance-maladie prenne désormais en considération, non seulement le degré de dépendance, mais aussi les besoins médicaux qui résultent des maladies du grand âge. Alors que les moyens des maisons de retraites demeurent aujourd’hui figés pendant cinq ans, ils seront désormais ajustés chaque année en fonction des besoins de santé des personnes accueillies. Cela signifie concrètement des moyens financiers nouveaux pour augmenter le personnel disponible.

J’ajoute que nous devons moderniser nos maisons de retraite. En 2006, vous m'avez autorisé à lancer un plan d'investissement exceptionnel de 350 millions – soit 500 millions en comptant les établissements pour personnes handicapées. Mais nous devons aller plus loin en permettant aux établissements d’engager, année après année, les travaux dont ils ont besoin. Hélas, les maisons de retraite hésitent trop souvent à engager des travaux de modernisation, par crainte d'augmenter le prix de journée. Afin d’éviter des hausses insupportables de tarifs, je vous propose des prêts à taux zéro.

Enfin, pour mieux prévenir la dépendance, les personnes de plus de 70 ans pourront bénéficier, dès 2007, d’une consultation gratuite de prévention chez leur médecin généraliste.

Ce projet de loi de financement traduit également la priorité accordée à la politique du handicap, comme l'a souhaité le Président de la République. L’effort de l'assurance maladie en faveur des personnes handicapées sera porté à 7,2 milliards d'euros, soit une augmentation de 5,5 % des crédits, et 385 millions d'euros supplémentaires. L'année 2007 verra ainsi l'achèvement du plan ambitieux engagé en 2003 : plus de 40 000 places en établissements auront été créées en cinq ans – deux fois plus que sous la précédente législature ! Il est vrai que la France avait un retard très important. Nous devrons poursuivre cet effort au cours des années à venir.

En 2007, 6 800 places seront créées, dont 1 800 pour les enfants, et on ouvrira 44 centres d'action médicosociale précoce et centres médico-psycho-pédagogiques. L’engagement en faveur des personnes âgées handicapées se traduira par d'importants recrutements – 20 000 emplois dans le secteur médicosocial, dont 14 000 dans les maisons de retraite ou les services de soins infirmiers à domicile et 5 500 dans les établissements consacrés au handicap. La sécurité sociale vient ainsi soutenir la politique de l'emploi. À ce titre, je veux appeler votre attention sur une mesure très importante : la création d'un fonds spécifique pour le financement de la formation des professionnels intervenant auprès des personnes handicapées.

Nous poursuivons également notre effort en faveur des familles, tout en réduisant de près de moitié le déficit de la branche. Structurellement excédentaire, celle-ci avait financé, année après année, la trésorerie du reste de la sécurité sociale. Le déficit des dernières années était donc exceptionnel : de nature purement conjoncturelle, il résultait de la relance de la politique familiale engagée en 2002, et du succès d'une réforme très positive pour les familles : la prestation d'accueil du jeune enfant. Par rapport au dispositif antérieur, ce sont aujourd'hui 250 000 familles supplémentaires qui bénéficient d'une aide pour la garde de leur enfant. Au total, plus de 90 % des familles ayant un enfant en bas âge ont accès à la PAJE. J’ajoute que l’augmentation de l’aide consentie aux couples au SMIC ayant un enfant est de 54 %.

Nous avons également conforté notre modèle familial en augmentant fortement le nombre de places en crèches depuis 2002. Aujourd’hui, les couples ne demandent pas nécessairement davantage de prestations, mais surtout davantage de services pour pouvoir travailler à deux en faisant garder les enfants. Entre 2002 et 2008, 72 000 places supplémentaires de crèches auront donc été créées dont 8 500 l’an dernier et 10 000 cette année, contre seulement 264 en 2000 ! C’est un changement radical par rapport à la législature précédente !

Je tiens à souligner que cet effort sans précédent ne dégrade pas pour autant les comptes de la branche famille. Comme je l’avais annoncé l’an dernier, ceux-ci reviennent au contraire à l’équilibre, malgré le scepticisme de l’opposition.

À cela s’ajoute l’effet positif des mesures prises, en accord complet avec la CNAF, pour le Fonds national d'action sociale. Les nouvelles règles sont très favorables au développement des crèches, plus des trois quarts des dépenses devant continuer à être prises en charge par la branche famille. J'ai apporté la garantie de l'État à une augmentation de 7,5 % par an des crédits d'action sociale et familiale des caisses. Une telle garantie donne à chaque caisse les moyens de financer de nouvelles actions et de respecter tous ses contrats. Si des difficultés sont apparues ici ou là, elles tiennent à des problèmes ponctuels de gestion. Il appartient aux responsables des caisses locales de les surmonter, avec l'aide de la Caisse nationale. Ils pourront compter sur mon plein appui.

Je soumets enfin à votre examen une mesure de bonne gestion : nous prévoyons de verser l'allocation de base de la PAJE à compter du premier jour du mois suivant la naissance de l'enfant, comme c'est déjà le cas pour la totalité des prestations familiales. Une telle mesure permettrait une économie de 100 millions d'euros pour la branche famille.

Nous allons par ailleurs continuer de renforcer la solidarité à l'égard des jeunes, des personnes âgées et des personnes handicapées. Pour cela, je vous propose de reprendre les mesures décidées par la Conférence de la famille de juillet 2006. Pour aider les jeunes qui entrent dans la vie active et dont les parents disposent de peu de moyens, il vous est proposé de créer un prêt à taux zéro d’un montant maximal de 5 000 euros, garanti par le Fonds de cohésion sociale.

Pour nos concitoyens – de plus en plus nombreux – qui veulent s'occuper d'un parent dépendant ou d'un enfant handicapé, nous vous proposons également un congé de soutien familial. Le bénéficiaire sera assuré de retrouver son emploi au bout d'un an, et continuera d'acquérir des droits à la retraite pendant cette durée. Nous répondrons ainsi à la revendication principale des familles.

Enfin, nous prévoyons d'organiser le partage des allocations familiales entre le père et la mère en cas de garde alternée, ce qui permettra de garantir l’équité entre les deux parents.

J’en viens maintenant à la branche vieillesse, la seule dont le déficit s’accroît en 2007. Comme l’a dit mon collègue Xavier Bertrand, le déficit devrait atteindre 3,5 milliards l’année prochaine, au lieu de 2,4 cette année. Plusieurs facteurs expliquent cette évolution. Tout d’abord, les départs à la retraite anticipée sont plus nombreux que prévu, ce dont nous nous réjouissons. Cette mesure de justice sociale avait été refusée par le gouvernement Jospin, qui ne disposait d’aucune marge de manœuvre, faute d’avoir réformé les retraites. C’est la réforme des retraites, décidée en août 2003, qui a rendu possible ce grand progrès social. À la fin de l’année, en auront bénéficié près de 320 000 personnes qui avaient commencé à travailler entre 14 et 16 ans. Ce dispositif a toutefois un coût – il est de 2 milliards d’euros !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis de la commission des finances – C’est un grand progrès social !

M. le Ministre délégué – Le deuxième facteur n'a rien d’une surprise : c'est lui qui rendait si nécessaire la réforme des retraites – je veux parler de l’arrivée à l'âge de la retraite des classes nombreuses de l’après-guerre. Depuis 2005, nous sommes en effet entrés dans le « papy-boom » ! À cela s’ajoutent l’indexation des retraites sur les prix, mais aussi la garantie qu’aucune pension ne peut être inférieure à 85 % du SMIC pour une carrière complète.

Sur tous ces sujets, la loi de 2003 avait prévu qu'une conférence nationale se tiendrait en 2007. Un décret précisera son fonctionnement avant la fin de l'année. Si le Gouvernement est profondément attaché à toutes ces garanties, car elles ne sont que la juste contrepartie des efforts demandés aux Français pour sauver leur assurance vieillesse, ces garanties ont naturellement un coût. En outre, nous avons sans doute sous-estimé les mécanismes destinés à inciter ceux qui le souhaitent à prolonger leur activité. C’est pourquoi nous vous proposons un renforcement de ces dispositifs dans le cadre du plan pour l'emploi des seniors.

Je rappelle enfin qu’à chaque départ en retraite, l’assurance maladie s’engage sur plusieurs décennies. Une réforme des retraites ne peut produire ses effets qu'à moyen terme, les évolutions étant par nature progressives. La montée en régime de la réforme de 1993 a pris dix ans, et il faudra cinq ans pour que les principaux éléments de la réforme de 2003 soient intégralement appliqués. Progressive, la réforme des retraites l’est aussi dans ses effets financiers, et elle ne sera complète que lorsque les pensions de vingt classes d’âge auront été calculées selon les nouvelles règles. L’objectif, qui est de sécuriser les pensions à l’horizon 2020, sera tenu.

La retraite par répartition repose sur la confiance, qui suppose elle-même des garanties loyales. Je vous propose donc d’en adopter de nouvelles. La première mesure est individuelle : le Gouvernement prend l’engagement auprès de ceux qui accepteraient de retarder leur départ en retraite d'un ou deux ans, que leur pension sera calculée en application des règles actuelles, sans tenir compte des changements qui pourraient intervenir en 2008. La deuxième garantie est collective : nous proposons une nouvelle ressource d'appoint pour consolider le Fonds de réserve des retraites. J'ai tenu à ce que le Fonds conserve les ressources pérennes qui lui sont affectées, et le prélèvement social de 2 % sur les revenus du capital lui rapporte ainsi 1,5 milliard par an. En outre, la loi de finances rectificative pour 2005 a prévu que les produits des privatisations pourraient lui être affectés. Cette année, nous voulons encore renforcer ses ressources en le dotant des avoirs en déshérence de l'assurance vie. Enfin, pour garantir l'avenir de notre système par répartition, nous agissons sur les comportements grâce au plan national d'action concerté pour l'emploi des seniors préparé avec mon collègue Gérard Larcher.

Le cap est donc tenu, la réforme se poursuit et le rendez-vous de 2008 se présente dans des conditions plus favorables que nous ne pouvions le prévoir en 2003, grâce à deux évolutions encourageantes. La première est la forte réduction du chômage depuis près de dix-huit mois, ce qui facilitera le redéploiement progressif d'une partie des cotisations de l'assurance chômage vers l’assurance vieillesse tout en favorisant l'activité des seniors, sur un marché du travail devenu plus porteur.

Le second facteur encourageant, c'est notre natalité, qu’encouragent notamment le succès de la prestation d'accueil du jeune enfant et les très nombreuses créations de places en crèche. Notre pays, où 807 000 enfants ont vu le jour en 2005, connaît une meilleure santé démographique que tous ses voisins. Cette vitalité a permis à l'INSEE de revoir ses prévisions à la hausse. En 2002, on estimait qu'il y aurait, à l'horizon 2050, 1,1 cotisant pour un retraité ; on prévoit désormais 1,4 cotisant pour un retraité, ce qui change la donne et nous encourage à maintenir une politique familiale ambitieuse.

Un mot, enfin, sur les régimes spéciaux. Nous avons pris l’engagement que l’adossement des régimes spéciaux, qu’il s’agisse de la RATP ou de la Poste, se ferait de façon neutre pour le régime général, principe que nous avons inscrit dans la dernière loi de financement. Il ne peut être question que les actifs et les retraités du régime général supportent le financement, même partiel, de ces adossements. Cette garantie est absolue, et le Gouvernement la confirme.

J’en viens aux ressources de la sécurité sociale. Le débat sur l'avenir de son financement est aujourd'hui ouvert et, avec le Centre d'analyse stratégique et le Conseil d'orientation de l'emploi, nous l'avons fait avancer. C'était aussi la volonté de votre mission d'évaluation des comptes de la sécurité sociale. L’exigence de maîtrise des dépenses est plus que jamais d'actualité. Parce que nous aurons su les maîtriser durablement, grâce aux réformes de l'assurance maladie et des retraites, nous serons plus forts pour exiger aussi, dans la fidélité aux principes fondateurs de notre sécurité sociale, que lui soient affectées des recettes progressant au même rythme que les dépenses de solidarité. La conférence nationale des finances publiques installée par le Premier ministre devra se pencher tout particulièrement sur les financements à mobiliser pour affronter les coûts sociaux liés au vieillissement de la population. Ce serait une illusion de croire que nous pourrons assurer l'avenir de notre protection sociale sans lui assurer des ressources plus dynamiques qu’aujourd'hui.

Je voudrais cependant souligner un effort de l’État d'autant plus méritoire que la situation des finances publiques est tendue. Pour la première fois en 2007, l’État paiera, à hauteur de 160 millions, des intérêts pour sa dette à l’égard du régime général, qui s’établit actuellement à 5 milliards.

Je souhaite par ailleurs évoquer la situation du Fonds de solidarité vieillesse et celle du Fonds de financement des prestations sociales agricoles. Nous continuons de réduire le déficit du FSV, qui était de 2 milliards en 2005, revient à 1,2 milliard cette année, et ne sera plus que de 660 millions en 2007. Quant au déficit du FFPSA, il reste stable à 1,9 milliard. Cette situation n’est pas satisfaisante, mais l’État continue à garantir le versement des prestations sociales agricoles dans l’attente d’une solution définitive. La Cour des comptes a justement rappelé que la dette de l’État à l’égard de ces deux fonds atteint 9 milliards. Nous souhaitons donc qu’en réduisant sa dette publique, l’État donne la priorité à son désendettement vis-à-vis de la sécurité sociale et, en particulier, à l’égard du FSV, car rendre confiance aux Français, c’est d’abord les rassurer sur leurs retraites et sur leur protection sociale. Ils pourront alors envisager l’avenir avec sérénité et éviter d'épargner au risque de pénaliser la consommation, la croissance et l’emploi.

Ce projet n’a pas d’autre objectif que de maintenir un très haut niveau de protection sociale tout en réduisant très nettement les déficits, celui de la sécurité sociale, mais aussi celui de l’État. La sécurité sociale continue en effet, bien au-delà de sa vocation initiale, à contribuer directement au financement de grandes politiques publiques, qu’il s'agisse de la santé, de l’emploi ou du logement, en acceptant de renoncer à une petite partie des ressources qui lui sont normalement affectées et en prenant à sa charge des dépenses publiques importantes. Le Gouvernement reconnaît pleinement la contribution essentielle de la sécurité sociale à l’objectif de diminuer de 1 % en volume les dépenses de l’État en 2007. En réduisant son déficit de près de 20 % l’an prochain, la sécurité sociale contribue aussi à ramener les déficits publics au-dessous de 2,5 % de la richesse nationale, ce qui est notre objectif. En trois ans, son déficit aura ainsi diminué de moitié. Ces bons résultats doivent nous encourager à continuer.

La sécurité sociale fait partie du patrimoine de tous les Français, comme l’école de la République. Sa sauvegarde et son avenir doivent tous nous rassembler. Je compte sur votre Assemblée pour apporter à la poursuite des réformes le soutien politique qui leur est nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour les recettes et l’équilibre général – L’examen de ce projet imposant nous donne l'occasion de dresser le bilan des quatre précédentes lois de financement de la sécurité sociale et de souligner que la majorité peut être fière de la politique sociale qu’elle a menée au cours de la présente législature.

D’abord, elle a eu le courage d'adopter en 2003 la réforme des retraites, réforme indispensable mais toujours repoussée car réputée impossible, et qui a notamment permis à des milliers de salariés ayant commencé à travailler très jeunes de partir en retraite de manière anticipée. Ensuite, la loi de 2004 relative à l’assurance maladie a permis de sauvegarder les finances de l’assurance maladie et de les orienter de manière plus vertueuse. La prise en charge de la dépendance a été renforcée, la création de la prestation d’accueil du jeune enfant a amélioré la situation de milliers de familles et les difficultés des personnes handicapées commencent enfin à trouver des solutions dignes d’un grand pays comme la France. La gouvernance du système de la sécurité sociale a été modernisée, qu’il s'agisse de l'assurance maladie, de la création du régime social des indépendants ou des conditions de la discussion parlementaire des projets de loi de financement de la sécurité sociale.

Le présent projet s’inscrit dans cette continuité. S’agissant des finances de la sécurité sociale pour 2007, je dirais que le patient a entamé une convalescence très encourageante, mais que la surveillance et les soins doivent rester constants (Sourire). Je vois deux causes principales à ce redressement spectaculaire. Ce succès reflète en premier lieu les efforts et les succès de la majorité dans la bataille pour l’emploi, la croissance économique ayant un impact sur le nombre d’emplois créés, ce qui permet d'envisager 2007 avec sérénité du point de vue des recettes. Je voudrais d’ailleurs souligner que les prévisions de recettes 2007 me paraissent tout à fait sincères.

M. Jean-Marie Le Guen – J’allais le dire !

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur – S’agissant des dépenses, le projet confirme le vigoureux redressement des comptes de l’assurance maladie, au prix d'efforts partagés de manière équitable par tous : les caisses, les professionnels de santé et les assurés. La réforme, n’en déplaise aux Cassandre de tout poil, si vous voyez ce que je veux dire, Monsieur Le Guen (M. Jean-Marie Le Guen s’exclame), porte ses effets. Les dépenses d'assurance maladie ont désormais retrouvé le chemin de la maîtrise, comme en témoigne le respect de l’ONDAM en 2005 et 2006. Le déficit 2007 de la branche maladie du régime général passe en dessous de la barre des 4 milliards d’euros, ce qui devrait réjouir tout le monde.

S’agissant de l’ONDAM, je me dois d’évoquer une des décisions principales de la commission, en félicitant nos collègues Rolland et Door de leur excellente initiative et en remerciant les ministres qui ont su nous entendre. Compte tenu du vieillissement de la population et de la maîtrise médicalisée des dépenses, il était difficile de contenir à 0,8 % l’augmentation de l'ONDAM de ville. Je présenterai donc un amendement destiné à augmenter les recettes de 200 millions sans dégrader le solde budgétaire.

Je terminerai en abordant deux points. Tout d’abord, le financement de la sécurité sociale. Une réflexion s’impose pour préparer les conditions da sa réforme. Sur ce point, je rejoins mon prédécesseur, Jean-Pierre Door, qui avait fait adopter l’an passé un amendement tendant à la création d’un groupe de travail sur le sujet.

M. Pascal Terrasse – Quel courage !

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur – Au moment où l’Allemagne décide d’augmenter son taux de TVA et d’abaisser certaines cotisations, pourquoi notre pays serait-il condamné au statu quo ? En matière de financement de la sécurité sociale, j’avoue être toujours à la recherche des solutions proposées par nos collègues socialistes, toujours plus imaginatifs en matière de dépenses que de recettes (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

Cette réforme du financement, rendue nécessaire par la mondialisation des échanges et la concurrence des pays à faible coût de main-d'oeuvre, devra répondre à un triple impératif : solidité, pour répondre aux besoins ; équité, pour être acceptée de tous ; et simplicité, pour être comprise de tous. C'est ce cahier des charges qui a sans doute conduit à abandonner la modification de l'assiette de la cotisation employeur, initiative lancée au début de l'année et qui avait fait l'objet d'une expertise particulièrement intéressante. La piste de la création d'une TVA sociale est intéressante. Qu'en pensent les ministres ?

M. Jean-Marie Le Guen – Très bonne question !

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur – Préalablement à cette réforme, l’État devrait apurer sa dette à l’égard des régimes de sécurité sociale. Et j’en viens là à mon second point. Il concerne l’amputation des recettes de la sécurité sociale par des décisions de l'État, à quoi s’ajoutent les dépenses qu’elle assume au nom de l'État et que celui-ci ne lui compense pas, comme celles de l'aide médicale d'État, qui sont en constante augmentation. Sur ce sujet délicat, où les compétences de Bercy et de Ségur convergent, il faut se garder de s'en prendre au messager... Pourtant, Messieurs les ministres, la commission propose de supprimer, contre mon avis, l'article 21 du projet, lequel prévoit la non-compensation de trois mesures. Je ne sais pas si tous les partisans de la suppression de l'article ont été jusqu'au bout de leur raisonnement, qui devrait les conduire à se demander comment la loi de finances procédera à la compensation qu'ils appellent, légitimement, de leurs vœux. Veulent-ils accroître les dettes de l'État vis-à-vis de la sécurité sociale, qui atteignent 5 milliards d'euros et devraient encore augmenter en 2006 et 2007 ?

Débattre des allégements de cotisations sociales est-il devenu aujourd'hui impossible ? Je le crains, alors même que les éléments de réflexion sur cet aspect de la politique de l'emploi « à la française » ne manquent pas et que beaucoup commencent à douter de l’efficacité de ces allégements. J'ai ainsi lu avec intérêt la communication que la Cour des comptes a transmise à notre commission des finances sur le sujet. S’agissant des allégements généraux, la Cour conclut à « une efficacité globale » mais à des « effets très faibles dans nombre de secteurs ». L'effet net sur l'emploi se traduirait plutôt par de moindres destructions que par des augmentations nettes. Pour ce qui est des dispositifs ciblés, « nombreux, instables et d'efficacité très inégale », la Cour plaide pour une réduction de leur nombre afin de ne conserver que les plus efficaces. La Cour démontre également que les exonérations n'ont pas profité aux secteurs les plus exposés à la concurrence internationale, en particulier celle des pays à bas coût de main-d’oeuvre, mais plutôt à des entreprises du secteur tertiaire, comme la restauration collective et la grande distribution. Ce dernier secteur, note la Cour, bénéficie, d'un taux élevé d'exonérations alors même que le coût salarial ne semble pas y être le facteur déterminant de l'emploi. Le coût est en revanche élevé pour les finances publiques. Que pensez-vous, Messieurs les ministres, de ces conclusions qui ne traitent pas d’un autre effet négatif des exonérations de charges sur le travail peu qualifié, la trappe à bas salaires ? Quand, et où discuterons-nous de l'utilité de ces dispositifs ?

À ce sujet, la proposition d'un des candidats à l'investiture socialiste pour les présidentielles d'augmenter de 100 euros le SMIC au 1er juillet 2007, soit une augmentation de près de 8 %, aurait de très lourdes conséquences sur les finances sociales, le coût de beaucoup de dépenses des régimes étant largement indexé sur cet indice. Cette proposition irresponsable coûterait des milliards d'euros à la sécurité sociale et à l'État. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

Je conclurai en évoquant le Fonds de financement des prestations sociales agricoles. Il est inquiétant que les pouvoirs publics semblent se satisfaire de la situation actuelle. La triple tutelle exercée sur le FFIPSA par les ministères du budget, des affaires sociales et de l’agriculture ne facilite sans doute pas une décision rapide. Pourtant, chacun sait que les prestations des exploitants agricoles non salariés risquent d'être financées par l'emprunt, ce qui est déraisonnable ! Les ministres pourraient-ils nous donner leur avis sur les pistes ouvertes par le rapport Chadelat ?

Les finances de la sécurité sociale s'améliorent. Force est de reconnaître pourtant que la situation des finances sociales exigera à moyen terme des mesures de redressement, tant conjoncturelles que structurelles, en raison du caractère préoccupant des déficits cumulés, comme le montrent d'ailleurs les évolutions pluriannuelles annexées au projet de loi.

Dès 2007, la nouvelle majorité, quelle qu'elle soit, devra prendre des décisions difficiles si elle souhaite sauvegarder notre système de sécurité sociale. Elle devra notamment affronter la question du financement de la sécurité sociale. Espérons qu'elle ne choisira pas la voie de la facilité en reportant la dette sociale sur les générations futures, solution que la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale rend d'ailleurs plus difficile, et je m’en félicite. Sauver la sécurité sociale exigera plus que jamais du courage politique, une forte détermination et un sens aigu de l'intérêt général.

La commission vous propose d'adopter ce projet de loi de financement, sous réserve de ses amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie et les accidents du travail – L’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale constitue chaque année un temps fort des travaux du Parlement. Si la complexité de ce texte peut de prime abord dérouter, il faut garder à l'esprit qu’il concerne la vie quotidienne de tous les Français, avec l’assurance maladie notamment.

Notre ambition doit être que sa réforme réussisse. Dans la continuité de la réforme engagée à l'été 2004 et des efforts importants déployés depuis lors par l'ensemble des acteurs, le projet pour 2007 marque un progrès incontestable dans le redressement des comptes de la branche. Les résultats de la réforme sont aujourd’hui tangibles. Alors qu'en 2004 les prévisions les plus sombres laissaient craindre que le déficit ne dépasse les 16 milliards à la fin de l'année 2006, celui-ci devrait être limité à 3,9 milliards d’ici l'année prochaine.

Compte tenu de l’ampleur du déficit de l'ensemble des branches de la sécurité sociale, l'heure n’est certes pas au triomphalisme béat, car la partie n’est pas encore gagnée.

M. Jean-Marie Le Guen – C’est le moins qu’on puisse dire !

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur – Les résultats n'en sont pas moins encourageants et démontrent l’efficacité des principes-clés de la réforme que sont la maîtrise médicalisée des dépenses et le changement des comportements, non seulement pour redresser durablement les comptes de la branche maladie mais aussi, et surtout pour améliorer la qualité du système de soins.

Avant de poursuivre, je tiens à exprimer ici un regret. Alors que la dépense sociale représente près de 400 milliards d’euros en 2006 pour les seuls régimes obligatoires de base, soit davantage que les dépenses de l’État, le délai dont nous avons disposé pour examiner ce projet de loi, qui comporte 71 articles et quelque 850 pages d'annexes, a été particulièrement court : moins d’une semaine après adoption par le Conseil des ministres. Même si, cette année, un avant-projet de loi avait été transmis aux rapporteurs au lendemain de la réunion de la Commission des comptes, il faut encore améliorer le contrôle parlementaire des finances sociales.

Nous aurons l’occasion, lors du débat, d’aborder de nombreux sujets concernant l’assurance maladie, les accidents du travail et les maladies professionnelles. Je pense en particulier à l’aide à l'acquisition d’une assurance complémentaire, à la politique du médicament, au remboursement des produits de santé pour les personnes atteintes de maladies rares, à la prescription par les infirmiers, à l’amélioration de la tarification à l'activité dans les hôpitaux suite au rapport de la MECCS, aux praticiens ayant obtenu leur diplôme hors de l’Union européenne, au fonds de prévention des risques sanitaires, au fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante.

J’insisterai plus particulièrement sur cinq points : la prévention, la qualité des soins, l’amélioration de la relation entre l’assurance maladie et les professionnels de santé, le médecin de famille et le meilleur remboursement de certaines prestations.

S’agissant de la prévention de la dépendance, le projet organise une consultation pour les personnes de plus de 70 ans. Après le remboursement de l’ostéodensitométrie, une meilleure prise en charge des soins dentaires des enfants et la lutte contre le tabagisme, la prévention de la dépendance est un nouvel enjeu important dans une société où la durée de vie s'accroît de trois mois par an. La consultation de prévention, confiée au médecin généraliste formé à cet effet, reposera sur un protocole comprenant un questionnaire et une batterie d’examens standardisés. Son coût serait de l'ordre de 25 millions d’euros par an.

Le parcours de soins se met en place, il donne des résultats probants mais doit être encore amélioré. Des changements d’habitudes sont nécessaires, de même qu’une meilleure coordination entre les praticiens et entre les établissements. Le parcours de soins repose en effet sur la coopération de tous les acteurs de santé.

Il faut également améliorer les relations des professionnels avec les caisses d'assurance maladie. Personne ne conteste plus les contrôles ni la lutte contre les abus et le mauvais usage des soins. Les mesures à caractère pédagogique ont d’ailleurs fait la preuve de leur efficacité. Je pense ainsi aux échanges entre médecins et délégués de l'assurance maladie, lesquels n’existent actuellement que pour la médecine de ville et gagneraient à être étendus au secteur hospitalier. Le contrôle du bon usage du médicament, le respect de la procédure ALD, l’ordonnancier bizone, la plus grande utilisation des génériques ont toutefois entraîné une débauche de contrôles et une inflation de paperasses. Une simplification s’impose. Un médecin se voit aujourd’hui confronté à 33 formulaires différents à remplir. Les nouvelles technologies de la communication doivent être mises à profit pour faciliter les échanges entre caisses et professionnels de santé. Si ces échanges sont nécessaires, ils ne doivent pas aboutir à réduire le temps que les professionnels de santé consacrent aux malades.

M. Jean-Pierre Door – Très bien.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur – Je rends hommage à la qualité des soins dispensés dans l’immense majorité des cas par les équipes hospitalières, publiques et privées. Mais les obligations imposées à la médecine de ville en matière d’examens complémentaires, de prescriptions, d’arrêts maladie, de transport devraient également être expliquées, contrôlées, et leur non-respect éventuel sanctionné, dans tous les établissements de santé.

Notre système comprend un secteur public et un secteur privé. Vous avez souligné tout à l’heure, Monsieur le ministre, l’intérêt de l’accord historique que vous avez signé avec les représentants de la fonction publique hospitalière. Je vous rappelle que vous vous étiez engagé, lors de l’annonce de la baisse des tarifs des cliniques privées, à ce que le PLFSS permette un rattrapage de l’accord salarial.

M. le Ministre – Je l’ai indiqué tout à l’heure.

M. Jean-Marie Rolland, rapporteur – Permettez également à l'ancien médecin de campagne qu'est votre rapporteur d'insister sur la nécessaire revalorisation de la profession de médecin généraliste. Pour la troisième année consécutive, les nouveaux internes ont délaissé la médecine générale lors du dernier choix des spécialités : 324 postes n'ont pas été pourvus sur les 2 353 ouverts dans la discipline. Les étudiants en médecine ont changé. La féminisation de la profession, la recherche de rythmes de travail plus tranquilles, mais aussi l'ignorance d'un métier associant l'humain et le technique, la rencontre d'une confiance et d'une conscience, ont éloigné des générations de ce travail de terrain. Tout ce qui sera fait pour susciter des vocations sera un bon investissement pour l'organisation de notre système de santé, l'équilibre de nos territoires et l'avenir du monde rural, mais aussi pour préparer nos étudiants à exercer le rôle d'organisateur principal du parcours de soins.

Vous avez signé avec vos collègues de Robien et Goulard les textes – attendus depuis de nombreuses années – officialisant la reconnaissance de la médecine générale comme une spécialité universitaire, au même titre que les autres spécialités médicales. Cela va dans le bon sens.

Enfin, nous nous félicitons de l’amélioration du remboursement de certaines prestations aux assurés sociaux – je pense en particulier aux diabétiques.

Notre commission a accepté un amendement portant sur le montant de l'ONDAM médecine de ville, présenté par vos deux rapporteurs. Nous souhaitions que celui-ci soit augmenté de 300 millions d’euros afin de mieux travailler sur plusieurs points, d'améliorer les remboursements de certains soins pour des patients atteints de pathologies de longue durée, de permettre le fonctionnement correct des conventions avec les professionnels de santé, en particulier les infirmières.

Nous devons répondre aux grands enjeux de notre société en matière de santé, c'est-à-dire exercer notre responsabilité de prévenir, en utilisant au mieux chaque euro dépensé et en permettant à chaque Français de bénéficier des meilleurs soins. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires culturelles pour l’assurance vieillesse L’assurance vieillesse est aujourd'hui confrontée à l'arrivée à la retraite des générations du baby-boom. Ce papy-boom – ou mammie-boom ! - était attendu. Il a été préparé par la loi Fillon du 21 août 2003, qui a permis de lisser les départs en retraite en rendant possible les départs anticipés pour longue carrière.

M. Pascal Terrasse – Sans financement.

M. Denis Jacquat, rapporteur – Cependant le choc démographique se ressent sur les objectifs de dépenses votés en loi de financement de la sécurité sociale pour 2006. Un déficit de 1,4 milliard d'euro y était prévu. Il est aujourd'hui porté à 2,4 milliards. Ce milliard supplémentaire résulte de la combinaison d’un surcroît de dépenses de 1,6 milliard et d’un surcroît de recettes de 700 millions.

La hausse des recettes est un indicateur de la meilleure santé de l’économie française, puisqu'il traduit une meilleure rentrée de cotisations. La hausse des charges tient essentiellement à celle des versements de droits propres, qui ont crû de 5,6 % au lieu des 4,3 % prévus initialement. Le nombre des départs anticipés à la retraite a en effet été plus élevé que prévu. Par ailleurs, l’abaissement de 55 à 52 ans de l'âge d'ouverture du droit à la réversion a généré une dépense supplémentaire non prévue. Ces évolutions soulignent l'importance du maintien dans l'emploi des travailleurs qui sont en mesure de rester actifs. L’avancement d'un mois des liquidations de pension de retraite coûte, sur une année, 350 millions d'euros à la CNAV.

Le projet de loi propose donc un ensemble de mesures favorables à la poursuite de l'activité des seniors. Ces mesures, qui s'inscrivent dans une démarche concertée avec les partenaires sociaux et dans le plan national d'action présenté par le gouvernement le 6 juin 2006, consistent notamment à mettre un terme aux accords professionnel abaissant l'âge de mise à la retraite d'office ; à assouplir les conditions d'accès à la retraite progressive ; à élargir les possibilités de cumul d'une pension de retraite et d'une activité professionnelle rémunérée ; et à réévaluer le taux de surcote. Cette dernière mesure sera prise par décret. Pouvez-vous nous dire quand le décret sera publié, Monsieur le ministre, et si vous avez bon espoir que les régimes complémentaires s'alignent sur cette réforme !

Le projet de loi essaie donc d’influer sur le comportement des assurés des régimes de retraite et de corriger ainsi un facteur puissant de déséquilibre des comptes. La commission des affaires sociales vous apporte son entier soutien pour ce faire.

Les comptes du régime général sont par ailleurs affectés d’un déséquilibre grave tenant à l’aggravation des charges financières. La CNAV ne dispose d’aucune réserve de trésorerie du fait que ses excédents sont reversés au Fonds de réserve pour les retraites. Pour financer son déficit, ainsi que les retards de paiement de l’État au titre des exonérations de cotisations à compenser, et surtout le remboursement avec deux ans de retard des cotisations vieillesse correspondant aux périodes validées de chômage et de préretraite dues par le Fonds de solidarité vieillesse, elle est donc contrainte d'emprunter.

M. Pascal Terrasse – Et cela coûte très cher !

M. Denis Jacquat, rapporteur – Ses charges financières devraient augmenter de 278 % en 2006 et encore de 91 % en 2007 pour atteindre 488 millions. En 2006, 96,5 millions des 163,3 millions d’euros de charges supplémentaires supportées par la CNAV résulteront du financement de la dette du FSV.

Cette situation tient au sous-financement du FSV. Le Gouvernement prévoit qu’il sera de nouveau à l'équilibre fin 2009, Mais à cette date, son déficit cumulé atteindra 6 milliards d’euros. Or, de par la loi, ses excédents sont reversés au FRR. Dans ces conditions, comment le Gouvernement compte-t-il éponger la dette cumulée du FSV ?

Le Fonds de réserve pour les retraites a été mis en place en 1999. Son objet est de contribuer, en constituant des provisions, à la consolidation du financement des retraites servies par le régime général et les régimes alignés. Il a été conçu comme un fonds de lissage destiné à pérenniser le système par répartition et à faciliter le passage du cap démographique difficile. Mais aucune stratégie n’a été définie pour l'emploi dans le temps des actifs accumulés par le FRR, ni sur la période de mise en action des réserves. La constitution de réserves d'un montant de 152 milliards d'euros – valeur 2000 – en 2020 ne résulte que d’une déclaration gouvernementale. Mais quel que soit le montant des réserves atteint, le plus important est de déterminer leur utilisation à partir de 2020, C’est dès à présent qu'il convient de s’atteler à cette tâche.

Deux questions doivent être tranchées par la loi : quels sont les bénéficiaires des actifs placés auprès du FRR ? À quel financement seront affectés les fonds débloqués par le FRR à partir de 2020 ? La réponse à cette dernière question exige en outre de répondre à deux autres questions : quelles nouvelles réformes seront apportées aux régimes d’assurance vieillesse des salariés, artisans et commerçants ? À quel rythme seront décaissées les réserves du fonds ou à quelle échéance celles-ci seront-elles épuisées ?

Depuis la création de ce fonds en 1999, votre rapporteur est attaché à un périmètre d’intervention circonscrit au financement des retraites du régime général et des régimes des salariés agricoles, des artisans et des commerçants et industriels. L’élargissement du fonds aux exploitants agricoles, aux professions libérales et à la fonction publique non seulement diluerait fortement l’intervention en consolidation du FRR, mais créerait aussi une forme d'inégalité, car, contrairement aux salariés, les fonctionnaires ont les collectivités publiques pour consolider leurs pensions de retraite. De leur côté, les professions libérales ont fait le choix d'un système indépendant de retraite. En outre, si le régime des fonctionnaires était englobé, la séparation entre le FRR et le budget de l’État s'effacerait et la tentation d'une affectation d'une partie des actifs du FRR au Trésor public pourrait devenir une réalité.

La mission la plus claire qui pourrait être assignée à l'emploi des actifs du FRR à partir de 2020 pourrait être de financer une fraction des besoins de financement du régime général et des régimes des artisans, commerçants et industriels pour le paiement des pensions de retraite, sur une période à déterminer. À titre d’illustration, si l'on maintient la moyenne des abondements réalisés depuis 2000, le FRR serait en mesure de fournir les ressources nécessaires aux quatre régimes éligibles pour financer un tiers de leurs besoins de financement sur 2020-2040.

L’abondement annuel du FRR n'en reste pas moins important, car si aucune mesure n'est prise en faveur d'un abondement substantiel du FRR, la réforme à réaliser pour financer les besoins de l’assurance vieillesse pour les années 2020 à 2050 sera d'une ampleur très supérieure à toutes celles réalisées de 1993 à 2003.

Je voudrais maintenant évoquer la situation des veuves et des veufs et souligner que, si la réforme de l'ouverture des droits à pensions de réversion réalisée en 2003 est équilibrée, certains aspects du régime de la réversion mériteraient d'être revus. Il conviendrait en premier lieu de renforcer le soutien aux jeunes veuves, car le veuvage précoce n’est pas une réalité négligeable : en 1999, 1,3 million de personnes déclaraient avoir perdu leur conjoint avant l'âge de 55 ans, et 80 000 avant leurs 25 ans. Je propose donc plusieurs pistes. La première consisterait à ranger les veuves et veufs sans emploi, ayant un ou plusieurs enfants à charge ou ne bénéficiant pas d'une pension de réversion au moins égale à l'allocation aux vieux travailleurs salariés, parmi les publics prioritaires traités par l'ANPE pour la recherche d'un emploi. Une telle priorité d’inscription existait avant 2002 et elle ne coûte rien.

Seconde piste : assurer l’égalité de traitement des orphelins par rapport aux enfants des couples divorcés dont la situation matérielle est nettement meilleure. Le régime général accorde une majoration forfaitaire pour charge d’enfants aux conjoints survivants mais elle n'est que de 86,21 euros mensuels et ne varie pas en fonction du nombre d’enfants orphelins restant à charge. Une véritable assurance orphelin, distincte du droit dérivé de réversion ou de l’assurance veuvage, pourrait être mise en place au bénéfice des enfants de moins de 21 ans à la charge du parent survivant ou d’un autre membre de la famille. Elle existe au sein de la fonction publique, pour les cadres agricoles, et les professions libérales, ainsi qu’au sein des régimes de retraite complémentaire des salariés du régime général et des cadres du régime général et du régime agricole. Les couvertures de protection sociale facultatives fournissent une prévention de ce type mais tous les assurés n’en disposent pas. Il ne serait pas choquant qu’une cotisation ad hoc soit perçue pour couvrir ce risque.

Troisième piste : appliquer un plancher à la majoration de 10 % pour enfants à charge. Il serait équitable d’introduire une certaine forfaitisation de la majoration afin que les montants accordés ne soient pas ridiculement bas – vingt euros pour certains – au vu des charges qu'elle est censée aider à financer.

Plus ponctuellement, j’appelle l’attention du Gouvernement sur la détresse de nombreuses veuves de combattants et veuves de guerre qui vivent dans le dénuement le plus complet avec leur très faible pension de réversion.

Enfin, l’étude des réversions m’a amené à m’interroger sur les règles de calcul des liquidations de pension. Le salaire annuel moyen est en effet calculé sur des années civiles, ce qui pénalise les assurés ayant des carrières fractionnées entre plusieurs régimes, ainsi que les travailleurs frontaliers amenés à alterner les contrats de travail entre la France et les pays voisins. Il faudrait étudier la possibilité d’un calcul par trimestres et retenir ainsi les cent meilleurs trimestres d’une carrière. En outre, il est étrange qu’en application d’une circulaire ancienne, l’année de liquidation d’une pension de retraite ne soit pas prise en compte dans les 25 meilleures années de revenus. Il faut réétudier ces questions dans la perspective de la révision attendue pour 2008. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marie Le Guen – Très bien.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires culturelles pour la famille – Ce PLFSS affiche de grandes ambitions : rééquilibrer les comptes, préparer l’avenir, renforcer la solidarité. C’est en ces termes que M. le ministre a présenté ce projet à la commission, le 11 octobre. Affichant un optimisme surprenant, il a annoncé que ce texte permettait de renforcer la solidarité à l’égard des jeunes, des personnes âgées et des personnes handicapées tout en facilitant un retour rapide de la branche famille à l’équilibre. Selon lui, le déficit de la branche devrait diminuer de moitié en 2007, passant de 1,3 milliard à 700 millions grâce à des mesures d’économie et à la réforme des mécanismes de financement de l’action sociale.

De tels effets d’annonce masquent des réalités concrètes défavorables aux familles. En 2005, le Gouvernement s’était engagé à faire de la question des enfants pauvres sa priorité. Un groupe de travail présidée par M. Martin Hirsch avait été mandaté pour travailler sur le thème « Famille, vulnérabilité et pauvreté ». Un excellent rapport incitant à une approche nouvelle afin d’éradiquer la pauvreté a été publié. Il complétait d’ailleurs les travaux du CERC, qui en 2004 évaluait à près de 2 millions le nombre d’enfants vivant dans la précarité économique. Pourtant, aucune mesure significative n’a été annoncée.

Je regrette que les aides individuelles au logement n’assurent plus une solvabilisation correcte de l’accès au logement, les familles devant consacrer une part croissante de leurs revenus à ce poste. La dernière revalorisation de l’allocation logement, en septembre 2005, est nettement insuffisante pour compenser l’augmentation des loyers. J’espère qu’une réforme de ces aides sera possible dans un proche avenir pour prendre en compte les difficultés de logement des familles, et en particulier celles des jeunes en voie d’insertion professionnelle et des familles recomposées qui, proportionnellement aux autres familles, supportent des frais de logement supérieurs pour accueillir des enfants dont elles n’ont pas la charge à temps plein. Je réitère également ma demande concernant les aides personnelles au logement inférieures à 24 euros mensuels. La commission a adopté un amendement pour que les prestations logement de faible montant soient versées semestriellement, mais il ne sera pas discuté en séance en raison de son irrecevabilité financière. Je vous demande néanmoins de faire un geste en faveur des familles vulnérables et de respecter l’engagement de l’État sur cette question.

Les articles relatifs à la famille sont un véritable chèque en blanc, les parlementaires étant invités à se prononcer sur des principes sans qu’on sache comment ils seront appliqués. Ainsi de l’article 63, qui vise à permettre aux parents ayant recours à des modes de garde expérimentaux de bénéficier de l’allocation de complément de libre choix. La définition de ces modes de garde innovants étant renvoyée au décret, le législateur votera un article sans en connaître son champ d’application. L’UNIOPSS a d’ailleurs appelé l’attention sur le risque de dérive de ces établissements expérimentaux, et elle préconise qu’ils restent financés, comme tous les autres, par le biais de la prestation de service unique versée par la CAF. Quelles sont vos intentions quant aux microstructures, Monsieur le ministre délégué ? S'agit-il essentiellement de permettre à des assistantes maternelles de se regrouper dans un local mis à disposition par la commune ? Si tel est le cas, prévoyez-vous un encadrement de ces professionnelles par les services sociaux de la mairie ou par les services de la PMI ? Ces professionnels seront-ils payés par la collectivité locale ou par les familles ? Le risque est grand que ces établissements pratiquent soit des prix très bas, mais au détriment de la qualité de l'accueil, soit des tarifs élevés au détriment de la mixité sociale. Se dirige-t-on vers un système d'accueil de la petite enfance à deux vitesses ?

L'article 65 prévoit pour les parents séparés dont les enfants vivent sous le régime de la garde alternée la possibilité de se partager le droit aux allocations familiales. Il s'agit d'un principe louable mais dont les conséquences concrètes ne peuvent être évaluées en l'état. Un groupe de travail vient seulement d'être constitué pour étudier la faisabilité d'un tel partage. Il y a tout lieu de craindre que l'application de cet article soulève des difficultés considérables qui n'auront pu être détectées avant qu’il ne soit voté.

Le prêt à taux zéro pour aider à l’insertion professionnelle des jeunes risque d’être encore une coquille vide. En effet, l’article 67 du projet sera voté avant même que la Caisse des dépôts n'ait été en mesure de négocier avec la profession bancaire pour distribuer ce type de prêts de faible montant destinés à une clientèle considérée comme « à risques ».

Je ne comprends pas l’article 64 qui reporte d’un mois l'allocation de base de la PAJE. Le signal envoyé aux familles est incompréhensible : cette prestation vise à compenser le coût que représente un enfant et vous proposez qu’elle ne soit plus versée le mois de la naissance de l'enfant, alors même que les familles doivent faire face à des dépenses importantes à ce moment-là ! Cela va a l’encontre du bon sens, ce qui a d'ailleurs conduit notre commission à adopter à l'unanimité un amendement de suppression. Il s'agit d’ailleurs de la deuxième mesure de restriction de la PAJE puisque l'an dernier vous aviez déjà privé de son bénéfice les enfants nés avant le 1er janvier 2004. Pourquoi un tel acharnement ? Pourquoi de telles économies de « bout de chandelle » qui pénaliseront d'abord les allocataires les plus modestes ?

J’aurais pu me féliciter des amendements relatifs à la branche famille adoptés par la commission, et tout particulièrement de celui visant à réformer le congé de paternité, qui aurait pu mettre un terme à une discrimination à l’encontre des familles homoparentales. Il aurait permis aux couples de femmes homosexuelles d’être pleinement reconnues comme porteurs d’un projet parental même si l’enfant n'est biologiquement lié qu'à un seul membre du couple. Or, cet amendement ne sera malheureusement pas discuté non plus.

Je rappelle que c'est à l’initiative de Mme Ségolène Royal, alors ministre déléguée à la famille, que le premier plan en faveur de l’investissement des crèches avait été lancé à la fin 2000.

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur – Attention aux jurys populaires ! (Sourires)

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure – Son succès fut tel qu’il fallut augmenter très rapidement les crédits prévus au Fonds d’investissement à la petite enfance. Le deuxième plan, intitulé « aide exceptionnelle à l'investissement », fit l’objet d'un avenant à la COG en mai 2002, mais il avait été conçu en 2001. Au total, c’est bien grâce à une ministre socialiste chargée de la famille que 450 millions de crédits ont pu être consacrés aux équipements de la petite enfance, ce qui représente plus de 80 % des places de crèches financées entre 2000 et 2005. Ainsi, sur les 29 506 places financées au cours de cette période, plus de 26 000 relèvent de la précédente majorité et du gouvernement Jospin. L’actuelle majorité est loin de pouvoir avancer un tel bilan. Monsieur le ministre délégué, vous vous engagez jusqu’en 2008 sur des places non financées…

M. le Ministre délégué – Comme celles de 2001.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure – Non ! Le premier plan FIPE prévoyait un financement de 228 millions. J’évoque des places réellement financées en 2002, 2003, 2004, 2005, 2006. En 2008, ce ne sont pas 72 000 places qui auront été créées mais 55 000, et financées par les plans de l’ancienne majorité !

Je suis inquiète quant à la réforme de l’action sociale de la branche famille et à ses conséquences pour les collectivités locales. Le Gouvernement n’ayant pas répondu favorablement à la demande du Conseil d’administration de la CNAF d’augmenter de 12 % les dépenses d’action sociale afin de satisfaire aux besoins et aux engagements contractuels, la CNAF ne dispose pas des moyens suffisants et se trouve obligée de réduire les financements en faveur des collectivités qui ont déjà bénéficié des crédits d'action sociale. Elle recentre sa politique sur les territoires sous-dotés en équipement. Pourtant, les aides de la branche famille ont eu des résultats remarquables en termes d’amélioration des services aux familles, par la création de places de crèches et par l’accès à des loisirs de qualité pour la majorité des enfants. Ces crédits ont permis aux familles de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale. Le nouveau dispositif contractuel de la branche famille intitulé « contrat enfance jeunesse », qui fusionne les dispositifs préexistants du contrat enfance et du contrat temps libre, prévoit un taux de participation unique de 55 %, en forte baisse par rapport aux contrats précédents qui pouvaient aller jusqu'à 70 % du montant des dépenses. Ce désengagement de la branche famille sera préjudiciable aux collectivités locales déjà fortement pénalisées par d'autres transferts de charges du fait de l’État. Mesurez vous les risques d’un tel désengagement ? Je ne donnerai qu’un exemple. Nantes verra sa subvention au titre des activités de loisirs amputée de 300 000 euros pour 2006.

L'offre de modes d'accueil est déjà insuffisante. Qu'en sera-t-il si les collectivités locales ne sont plus assurées d'un concours de la branche famille? Ce risque est d'autant plus fort que, contrairement à vos prévisions optimistes, la Cour des comptes estime que le dérapage des dépenses d'action sociale de la branche famille sera difficile à maîtriser. La CNAF ne sera-t-elle pas contrainte de limiter encore ses interventions ?

Il faut donc revoir les compétences respectives de l'État, des collectivités territoriales et de la branche famille en matière d’accueil des jeunes enfants et d’activités socio-éducatives pour la jeunesse. Il n’est pas raisonnable de faire financer ces équipements par les seules collectivités locales.

Une seule question se pose : les familles continueront-elles à bénéficier d'équipements et de services de qualité pour accueillir leurs enfants ? Leurs besoins ne sont pas suffisamment pris en considération, qu'il s'agisse du logement, de l'accueil des enfants ou de la lutte contre la précarisation. Il est temps qu'une nouvelle politique familiale soit proposée aux Français ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales – Mes interventions sur le PLFSS ont longtemps privilégié l’homme en devenir – l’enfant –, l’homme dont la vie décline, l’homme handicapé, l’homme accidenté du travail et, bien sûr, l’homme malade. Ce sont les personnes les plus fragiles de notre société. Notre honneur est de les aider et de les protéger, quel que soit notre niveau de responsabilité politique. C’est pourquoi il est si important que, depuis dix ans, nous discutions du financement de la sécurité sociale dans cet hémicycle. Mais de grâce, sachons nous démarquer des aspects comptables pour rester dans l’esprit de solidarité et de générosité des fondateurs de la sécurité sociale.

La réforme des retraites en 2003, puis celle de l’assurance maladie en 2004, la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, et bientôt la loi pour la protection de l’enfance, sont autant de pas en avant. La réforme de l’assurance maladie porte déjà ses fruits en termes financiers. Surtout, elle dessine une amélioration de la qualité des soins qui prendra toute son ampleur lorsque des mesures comme le médecin traitant ou le dossier médical personnel seront appliquées.

Dans Sauvons la Sécu, ouvrage écrit il y a quatre ans avec un ami journaliste et un ami médecin, j’insistais sur la nécessité de réfléchir à l'organisation du travail des professionnels de santé. Dans un autre livre publié il y a dix ans, L’hôpital a oublié l'homme, j’évoquais des problèmes que le plan Hôpital 2007 permet de régler, mais aussi celui de l'organisation du travail des professionnels de santé dans les établissements publics, et notamment à l’hôpital. Il est temps de se pencher sur la vie professionnelle de ces femmes et de ces hommes qui prennent en charge notre santé : il faut qu’ils soient heureux, et le passage du C de 20 à 23 euros ou l’accélération du passage d’un échelon à l’autre ne sont pas de nature à apporter une vraie réponse.

M. Jean-Marie Le Guen – Très bien !

M. le Président de la commission – Comment mieux souder tous les professionnels concernés dans l’intérêt du malade ?

M. Jean-Marie Le Guen – Très bonne question !

M. le Président de la commission – En ville, les schémas traditionnels ne tiennent plus…

M. Yves Bur, rapporteur pour avis – Très bien !

M. le Président de la commission – Le système britannique, décrié pendant des années - système étatisé, avec des médecins fonctionnaires, mais dont le salaire est fixé par capitation ; solitude du médecin, à la disposition de ses patients 365 jours par an et 24 heures sur 24 - commence à faire figure de modèle.

M. Pascal Terrasse – L’avez-vous dit à la CSMF à Cannes ?

M. le Président de la commission – Les médecins britanniques se sont regroupés ; ils se sont vu associer des infirmières, des secrétaires ; la délégation de tâches comme la surveillance de la tension, le renouvellement de certaines ordonnances ou le deuxième pansement sont devenus la règle, et chacun y trouve son compte.

M. Jean-Marie Le Guen – Absolument !

M. le Président de la commission – Il y a cinq ans, le Livre blanc des internes d’Île-de-France révélait que 30 % d’entre eux envisageaient de travailler en cabinet de groupe, 25 % en établissement de soins pluridisciplinaire, et 3,7 % seuls – en majorité des psychiatres et quelques gynécologues. Les études plus récentes sur la démographie médicale montrent que les futurs médecins généralistes souhaitent pouvoir aménager leur temps de travail et consacrer un maximum de temps libre à leur famille. Leur choix d’installation privilégie les conditions de vie plus que le revenu espéré. L’aménagement du territoire pèse également dans la décision du lieu d’exercice – travail du conjoint, scolarisation des enfants… Le désir d'exercer en groupe domine désormais chez les jeunes médecins ; c'est un élément primordial pour lutter contre le sentiment d'isolement.

Les maisons de santé peuvent répondre à ces attentes, notamment en milieu rural.

M. Pascal Terrasse – Il en faut 500 !

M. le Président de la commission – Nul ne sait combien il en existe – sans doute une centaine. Un interlocuteur compétent m’a cité les expériences de Baume-les-Dames et de Besançon dans le Doubs, de Bréhand dans le Morbihan, de Saint-Amand-en-Puisaye dans la Nièvre et de Val-de-Reuil dans l’Eure. Une seule réunit les acteurs du sanitaire et du social – deux domaines dont la séparation artificielle est une erreur que l’on corrige trop lentement : celle de Pont-d’Ain. Depuis que j’ai eu l’honneur de l’inaugurer, je ne cesse de la citer en exemple, mais elle est citée aussi dans le rapport Berland.

Dans un même bâtiment cohabitent un groupe médical pluridisciplinaire, une pharmacie à financement privé et un centre social à financement public. C’est une opération blanche pour les contribuables. Le maire a accepté que le centre social, initialement situé dans la mairie, intègre la nouvelle structure. La commune a financé environ 25 % de la réalisation, mais le loyer que paye le conseil général pour le centre social couvre le remboursement de l'emprunt. Bref, c'est de la gestion municipale bien comprise. Depuis juin dernier, le centre médical regroupe quatre médecins généralistes, deux kinésithérapeutes, trois orthophonistes, un psychologue, deux infirmières, deux pharmaciens, une diététicienne, un podologue et un neuropsychiatre. Le centre social emploie trois assistantes sociales, une conseillère économique et sociale, une puéricultrice et un médecin de PMI. La cohabitation de tous ces professionnels facilite la solution de bien des problèmes.

L’architecte de cette institution, le docteur Pierre de Haas, dit qu’il est un généraliste heureux. Le maire de Pont-d’Ain, André Ferry, se félicite d’avoir aidé ce dossier à aboutir, mais regrette que le centre n’assure pas la permanence des soins.

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur – C’est le vrai problème aujourd’hui.

M. le Président de la commission – Les expériences de terrain peuvent donc devenir des modèles. Elles devraient pouvoir interférer avec les démarches administratives, trop souvent imposées d’en haut. Ce n’est pas une question de personnes ou de volonté ; ce qui est en cause, ce sont les mécanismes d’application des décisions politiques et leur logique organisationnelle. Nous devons nous pencher sur ces questions fonctionnelles : il y va de l’avenir des réformes que nous proposons.

Les ordonnances de mai et septembre 2005 ont répondu à la question de la gouvernance hospitalière, qu’il s'agisse du conseil d'administration et de son recentrage stratégique, du directeur et du conseil exécutif, de la commission médicale d'établissement et de ses sous-commissions, dont les missions sont mieux précisées, comme celles du comité technique d’établissement ou de la commission des soins infirmiers de rééducation et médicotechniques. Mais ce sont les pôles d'activité, dont la mise en place est en cours, qui devraient permettre aux professionnels de santé de mener une vie professionnelle heureuse. Enfin, cette idée venue des États-Unis, défendue par Claude Evin en 1991 puis par Alain Juppé en 1996, se concrétise ! Ces pôles sont hétérogènes – ce qui n'est pas choquant, car la situation d'un grand ou d'un petit hôpital n’est pas la même. La fonction du responsable, assisté par un cadre administratif et par un cadre de santé, se précise. Les conseils de pôle représentent bien les différentes catégories de personnel, avec un nombre d'élus qui peut aller jusqu'à 30. La contractualisation – avec son corollaire, l’évaluation – devient la règle. L’effort de rapprochement des décisions vers la base est manifeste, même s’il manque encore de lisibilité. Cet effort de communication doit se doubler d'un effort de formation.

Si l’administration hospitalière comprend qu’elle doit moderniser sa gestion, et si la réforme de la gouvernance s’applique pleinement, le rapprochement entre le corps médical et le corps gestionnaire pourra se faire. Apparaîtra alors une forme d’autorité dans l’application des décisions, différente de celle des technocrates ou des mandarins, dans le seul intérêt de la qualité des soins.

L’information de tous les personnels reste à organiser. La concertation doit être prioritaire. Se concerter, c’est s’entendre pour agir ensemble. C’est ce qui manque dans les services hospitaliers qui fonctionnent mal, et c’est ce qui explique le bon fonctionnement des services de pointe ; cela va bien au-delà de l’accord avec les principaux syndicats dont je salue la signature la semaine dernière.

La concertation doit être associée à des formes d’intéressement. Des réflexions sont en cours, et certaines formes d’intéressement existent déjà. Mais c’est vers des primes aux équipes, voire aux personnes, qu’il faut s'orienter. Concertation et intéressement sont les deux paramètres définissant la participation, qui doit s’implanter dans la fonction publique. Avec le président Ollier, nous avons lancé des appels pour aller plus loin dans cette direction. En ville comme à l’hôpital, la réflexion, l’expérimentation, l’action doivent porter sur la dimension humaine de l’organisation, sur l’association de tous les professionnels de santé au fonctionnement de la structure dans laquelle ils travaillent. (Applaudissements sur divers bancs)

M. Jean-Marie Le Guen – Très bien.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis de la commission des finances Deux réformes auront marqué cette législature : celle des retraites et celle de l’assurance maladie. Leur mérite aura été de rester fidèles à l’idéal de solidarité, marque de notre modèle social, face à la maladie, à la vieillesse, au chômage, ou pour aider les familles dans leurs responsabilités parentales. Nous pouvons être fiers d’avoir eu ce courage, pour engager les Français dans la rénovation d’un système de solidarité qui n’avait prévu ni le défi du vieillissement ni l’explosion du progrès médical pour tous. Grâce à la pédagogie de la réforme, les esprits ont évolué et sauront accompagner les ajustements nécessaires pour sauvegarder cette solidarité.

La faiblesse de ces réformes tient à leur caractère progressif. Nous nous accommodons encore des déficits et nous avons recours à l’endettement, et ce pour éviter de brusquer les Français, alors que ce système engendre de plus en plus d’inégalités qui ne semblent pas gêner les conservateurs de tous bords.

L’assurance maladie a engagé une réforme statutaire fondée sur le changement de comportement de tous les acteurs, dont les assurés, qui doivent prendre davantage conscience de leurs responsabilités respectives. Cette évolution sera renforcée lorsque l’assurance maladie participera pleinement à la gestion du risque, en devenant un acheteur de soins plutôt que de rester un guichet ouvert aux abus de consommation. La Haute autorité de santé sera amenée à jouer un rôle plus important pour garantir la qualité des soins et l’efficience du système.

La question du financement devra être posée, sans essayer de faire croire aux Français qu’obliger les médecins à s’installer à tel ou tel endroit suffira à régler les problèmes. Malgré les progrès, nous sommes confrontés à une insuffisance structurelle de financement. Ce sera le chantier prioritaire de la prochaine législature. Comment financer nos retraites durant la montée en puissance de la réforme, d’ici à 2020 ? Selon les hypothèses de chômage retenues, le coût varie entre 3 et 5 milliards d’euros par an, en intégrant le fait que même une baisse continue du chômage ne permettrait pas de faire basculer 0,2 point de cotisation UNEDIC avant 2011. La mise à plat du FFIPSA devra se faire en même temps que celle des régimes spéciaux, dans un souci d’équité. Mettre un terme aux expédients deviendra une priorité absolue. À défaut, le financement par la dette restera la signature de notre irresponsabilité collective, au détriment de nos enfants. Nous ne pouvons moralement pas nous y soustraire ; il faudra trancher pour répartir cette charge entre les contribuables, les actifs, les revenus du patrimoine et les entreprises.

Il convient de saluer la progression modérée des soins de ville dans l’ONDAM, sans que ce soit au détriment de la qualité des soins ni de l’accès aux soins. Avec le soutien des professionnels de santé, nous sommes entrés dans un cercle vertueux pour mieux dépenser.

Le respect des engagements conventionnels en matière de maîtrise médicalisée est fondamental. Nous sommes nombreux à souhaiter une revalorisation du rôle du généraliste. Or, la convention a lié celle-ci au respect des objectifs de maîtrise médicalisée, qui ne sont pas encore réalisés puisqu’il manque environ 80 millions d’euros, soit un tiers du coût d’une revalorisation d’un euro de la consultation.

Le respect du contrat doit également s’imposer dans la politique du médicament. Nul ne peut prétendre que dépenser mieux dans ce domaine mettrait en danger notre système. Au contraire, mettre fin à la surconsommation de médicaments et à la sous-consommation de génériques est un objectif légitime, qui nous permettra en outre de financer des innovations de plus en plus coûteuses, qui doivent être protégées par le droit des brevets. Le respect des engagements conventionnels doit conduire à la suppression des taxes qui ne seraient pas prévues dans un cadre conventionnel. La France n’a pas à avoir honte de sa politique du médicament : le ralentissement de la croissance dans ce secteur est mondial et ne lui est donc pas imputable.

Le secteur hospitalier peut être modernisé. L’hôpital public doit s’adapter à une organisation territoriale plus équilibrée, pour répondre à la demande de qualité et d’accueil des usagers, à l’évolution des modes de prise en charge, et relever le défi du progrès médical et du travail en réseau. Un tel mouvement est peu visible. Il est regrettable que l’hôpital ne se fasse entendre que pour réclamer toujours plus de moyens, sans jamais évoquer les freins à la modernisation.

M. le Président de la commission – Très bien.

M. le Rapporteur pour avis – Je regrette également l’impréparation de la mise en œuvre de la TAA…

M. Pascal Terrasse – Quelle lucidité !

M. le Rapporteur pour avis – …qui semble se réduire à un système de facturation alors qu’elle devrait permettre une meilleure performance de l’ONDAM hospitalier. J’ai le sentiment que l’on achète la paix sociale à coup de millions en essayant de ménager les conservatismes qui affaiblissent l’hôpital au nom d’une conception étriquée du service public. Comment expliquer, autrement, l’abondement de 3,5 % de l’ONDAM hospitalier, dans lequel les dépenses de personnel représentent 70 % des charges, alors même que le projet de loi de finances pour 2007 ne prévoit qu’une progression de 0,8 % des crédits de personnel pour la fonction publique d’État ? Les effectifs du personnel hospitalier ont augmenté de 10 % de 2001 à 2004, passant de 731 000 à 804 000 : on ne peut pas dire que l’hôpital manque de moyens !

La commission des finances a adopté 26 amendements, en vue principalement de renforcer l’équité des contributions sociales et de limiter les pertes de recettes induites par la multiplication des niches sociales. Nous avons également souhaité renforcer les actions de bon usage du médicament, et faciliter la gestion des flux de feuilles de soins en faisant de leur télétransmission la règle pour tous les praticiens conventionnés.

Dans ses relations avec la sécurité sociale, l’État joue le jeu de la transparence : il compense intégralement à cette dernière les nouveaux allégements de charges sociales, allant même parfois au-delà, comme cette année, Il faut donc arrêter de dire que les déficits de la sécurité sociale sont dus aux dettes de l’État et réclamer qu’il verse toujours plus à celle-ci, alors qu’il est lui-même en déficit.

Le budget de l’État participe en 2007 à hauteur de 49 milliards d’euros au financement de la sécurité sociale ; c’est plus de 12 % de ses ressources. Sa dette, de 5 milliards d’euros, ne pèse qu’en trésorerie : or, il a décidé de payer les frais financiers afférents.

Jean-Marie Le Guen – Il était temps !

M. le Rapporteur pour avis – Le remboursement de la dette ne diminuerait pas d’un euro le déficit de la sécurité sociale.

M. Pascal Terrasse – Ce n’est pas ce que dit M. Bapt !

M. le Rapporteur pour avis – L’essentiel est d’apurer le passé sur la base d’un contrat de confiance réciproque. C’est seulement alors que nous pourrons régler la situation très dégradée des finances sociales, ainsi que celle du FSV et du FFIPSA. Le recours au déficit de l’État ne saurait être la seule solution. Ayons le courage, après les prochaines échéances démocratiques, d’aborder ce débat pour sauvegarder notre système de solidarité. (Applaudissements sur divers bancs)

M. Pascal Terrasse – Tout n’est pas faux !

EXCEPTION D’irrecevabilité

M. le Président – J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d’irrecevabilité, déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Jean-Marie Le Guen Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est en effet irrecevable, non pas tant en raison de ce qu’il contient qu’en raison de ce qu’il ne contient pas. Il comporte trois défauts majeurs : il est dans l’incapacité de redresser nos comptes sociaux ; il ne respecte pas les engagements légaux et moraux de l’État vis-à-vis de la sécurité sociale ; il présente des prévisions peu fiables.

Si je n’arrivais pas à vous convaincre du bien-fondé de cette exception d’irrecevabilité, sachez que nous serions ultérieurement amenés à saisir le Conseil constitutionnel. Dans l’hypothèse où viendraient en discussion certains amendements dont la constitutionnalité serait fragile, le Conseil serait également conduit à s’en saisir. Sans préjuger de nos débats, je souhaite que cette donnée reste présente dans tous les esprits !

Premier défaut de ce projet de loi, vous ne parvenez nullement à sauvegarder nos finances sociales, faute de réelle ambition. Malgré les défis actuels, le Gouvernement reste passif, ne cherchant qu’à masquer l’échec de ses réformes. Mais il ne parviendra pas à escamoter totalement son bilan catastrophique !

J’ajoute que ce texte ne contient que des mesurettes conjoncturelles, que le rapporteur tente de compléter par des dispositions de nature électoraliste (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Malgré la croissance, que vous ne cessez de célébrer, et malgré l’amélioration de l’emploi que vous prédisez depuis cinq ans, vous présentez des comptes sociaux en déficit de 10 milliards d’euros – et ce, pour la cinquième année consécutive ! On finirait presque par s’y habituer… Ce sont pourtant des chiffres considérables !

Quelle est donc votre politique ? Celle du Sapeur Camember. En effet, vous ne parvenez à combler un trou qu’en en creusant un autre ailleurs ! Si le déficit de l’assurance maladie semble moins lourd cette année, c’est grâce à des recettes dont vous privez le FIPSA et le fonds de réserve des retraites, que l’État laisse s’enfermer dans les déficits. Par ces tours de passe-passe, vous ne changerez pourtant pas la réalité : comme le font remarquer tous les observateurs, nous aurons besoin, en 2007, de 25 milliards d’euros supplémentaires pour refinancer notre protection sociale. Le résultat de votre impéritie est patent : tous les comptes restent dans le rouge, branche par branche et année après année !

Second motif d’insatisfaction, et seconde raison de saisir le Conseil constitutionnel, l’État se défausse de son déficit sur la sécurité sociale. Comme l’a rappelé la Cour des comptes, mais aussi la Commission des comptes, il manquera 6,5 milliards en 2006, et sans doute encore 5 l’an prochain.

À ceux qui trouveraient mon jugement sévère, je citerai le jugement de nos collègues du Sénat. Comme le souligne Alain Vasselle, rapporteur de la commission About…

Plusieurs députés socialistes – Excellent rapport !

M. Jean-Marie Le Guen - …l’évolution globalement positive des comptes sociaux repose sur des projections optimistes, et cache une nouvelle dégradation du résultat de l’assurance vieillesse, dont le déficit progressera de plus d’un milliard, atteignant 3,5 milliards en 2007. Selon ce même rapport, le projet de loi n’apporte pas de réponse sérieuse aux obligations de l’État vis-à-vis des organismes de sécurité sociale, qui ne bénéficient d’aucune subvention pour combler des déficits structurels. Les auteurs du rapport ajoutent enfin que le Gouvernement n’a pas fait le moindre geste pour réduire, au moins partiellement, les créances détenues sur l’État, et qu’il est inadmissible que ce dernier améliore ses résultats en se défaussant de ses responsabilités à l’égard de la sécurité sociale, traitée ainsi en variable d’ajustement budgétaire. Voilà un diagnostic que je partage ! Chacun voit bien que ce Gouvernement est incapable de défendre les intérêts de la sécurité sociale.

Troisième motif d’irrecevabilité, les prévisions annoncées manquent de fiabilité. Tous les commentateurs ont effet dénoncé l’optimisme des évolutions retenues pour la croissance et la masse salariale. Pour ma part, je serais peut-être moins sévère, car il existe des marges de progression : on peut espérer que la France finira par bénéficier de la croissance mondiale et européenne !

S’agissant en revanche des dépenses, l’optimisme du Gouvernement me semble nettement exagéré, voire dangereux. Je ne fais pas référence aux critiques émises par votre propre majorité, Monsieur le ministre, qui vous reproche de ne pas respecter les objectifs affichés et de ne pas contrôler l’ONDAM – je pense plutôt aux interrogations qui pèsent sur la réalité de vos résultats.

Il est vrai que vous vous vantez beaucoup des fruits de votre action, mais ceux-ci sont malheureusement très incomplets. Si les progrès constatés en matière d’indemnités journalières ne sont pas négligeables, chacun sait que leurs effets ne seront pas éternels. Vos résultats sont fragiles et de portée limitée. À cela s’ajoute la baisse des crédits affectés à l’innovation : par exemple, les moyens dont bénéficient les réseaux de soins sont en recul de 20 %, pour des raisons purement administratives.

Il est vrai que certains facteurs structurels contribuent à une plus grande maîtrise des dépenses, comme le passage de nombreuses molécules du statut du « princeps » à celui de générique, dont le principe est par ailleurs de mieux en mieux accepté par notre population. De tels éléments ne sauraient toutefois cacher le bilan dévastateur de cinq dernières années : beaucoup de temps a été perdu, et nous avons enregistré de véritables reculs en matière d’égalité et de protection sociale. Cela se vérifie hélas dans tous les domaines, qu’il s’agisse de l’assurance maladie, de la vieillesse ou de la famille.

Par ailleurs, le poids de la dette s’est encore accru. La CADES, qui avait dû reprendre à son compte 35 milliards d’euros supplémentaires en 2004, supporte aujourd’hui une charge de 98 milliards. Selon les prévisions de la Cour des comptes, la dette sociale s’alourdira d’au moins 39 milliards supplémentaires d’ici à 2009, sans compter ce qui relève du FIPSA…

C’est que le déficit de l’assurance vieillesse croît plus vite que prévu, et que l’assurance maladie ne revient pas à l’équilibre aussi vite que vous le prétendiez. Rappelons seulement qu’on nous promettait en 2004, grâce à l’arrivée magique du DMP, un retour à l’équilibre dès 2007 ! Puisque vous n’avez pas les moyens de remplir cet objectif, Monsieur le ministre, malgré vos manipulations comptables, vous repoussez l’échéance à 2009. Qu’en sera-t-il donc à cette date, si nous nous référons aux prévisions annexées à ce projet de loi ? Il y aurait encore 3,5 milliards d’euros de déficit, malgré des prévisions conjoncturelles très optimistes – croissance de 2,5%, progression de 4,4% de la masse salariale et hausse limitée à 2,2% des dépenses.

Le chemin dans lequel s’engage notre protection sociale démontre bien l’échec de vos réformes. Malgré de nombreuses manifestations d’auto-satisfaction, chez M. Fillon notamment, le déficit des retraites s’accélère. La confiance des salariés est d’ailleurs si faible que le système de bonus et de malus est un échec. Les Français se précipitent pour valider leurs droits, pensant que les critères de demain seront plus défavorables pour eux.

Vous avez par ailleurs abandonné le Fonds de réserve des retraites, qui ne bénéficiera pas des 40 milliards prévus par M. Jospin afin de garantir l’avenir du système de répartition. Dans ces conditions, il ne peut échapper à personne que vous sacrifiez l’avenir, et qu’il faudra reprendre à zéro le dossier des retraites !

Nous ne souhaitons évidemment pas une loi aussi brutale et inéquitable que celle de 2003, mais nous tenons à ce que l’État assume ses responsabilités et que les accords trouvés entre les partenaires sociaux tiennent compte de la pénibilité des tâches, des faibles pensions, des petites carrières et des carrières discontinues.

Votre politique de la famille a beau s’inscrire dans une sorte de continuité nationale, Mme Clergeau en a souligné, à juste titre, les insuffisances et les incertitudes. De surcroît, cette politique ne peut être dissociée de votre politique fiscale et, à cet égard, nul n’ignore que ce sont les familles riches qui ont le plus profité des mesures que vous avez décidées.

Le temps de parole m’étant compté, j’évoquerai brièvement différentes questions qui inquiètent, à raison, nos compatriotes. En premier lieu, j’observe que l’on peut, certes, prendre à la légère le déficit de la sécurité sociale agricole en se disant que quelqu’un, un jour, le comblera. Seulement, ce déficit pèse très lourdement sur les comptes de la MSA et, d’une certaine manière, il décrédibilise le régime. Le Gouvernement doit dire qui, selon lui, règlera les dettes du FFIPSA. L’État prendra-t-il ses responsabilités, ou demandera-t-on aux régimes sociaux généraux d’assumer la reprise de cette dette au nom d’une prétendue solidarité professionnelle ? Cela doit être dit.

J’en viens à la branche accidents du travail-maladies professionnelles. J’ai été choqué d’entendre dire que l’on envisage de réduire les cotisations patronales au motif que la branche serait à l’équilibre. Comment imaginer pareille manœuvre alors que les victimes de l’amiante, pour lesquels la solidarité nationale doit jouer, seront indemnisées ? Baisser le taux des cotisations patronales de cette branche serait d’autant plus immoral que nombre de maladies professionnelles n’étant pas déclarées comme telles, des transferts massifs s’opèrent vers la branche maladie.

Pour ce qui est de la prise en charge de la dépendance, je ne m’appesantirai pas sur le fiasco qu’a constitué l’affaire du lundi de Pentecôte, mais je constate que si les déclarations se multiplient, il y a un grand décalage entre les promesses et les moyens alloués…

M. Claude Évin – Pour sûr !

M. Jean-Marie Le Guen – …et que les chiffres annoncés sont inférieurs à ceux de l’année dernière.

Comme l’a souligné le président de la commission, il est important de parler finances, mais il l’est tout autant de savoir comment les fonds sont utilisés. Je me dois donc de souligner l’insuffisance des politiques de nutrition et de santé au travail, la régression pour ce qui concerne la lutte contre l’alcoolisme, la lenteur de la mise en œuvre d’une politique anti-tabagique, et l’absence de priorité accordée à la santé publique dont témoigne la manifestation, hier, des médecins scolaires. Quant à avancer l’idée d’une consultation pour les personnes âgées de plus de 70 ans, c’est largement insuffisant au regard de l’ampleur de leurs problèmes.

S’agissant de la santé dans les prisons, la responsabilité du Gouvernement n’est pas plus grande que ne le fut celle de ses prédécesseurs, mais nous devons nous accorder pour reconnaître, ensemble, que la situation, dramatique, devrait être tout autre dans un pays comme le nôtre. Pour ce qui est de l’AME, en revanche, nous ne pouvons avoir que des divergences irréconciliables, vous ne l’ignorez pas. J’observe d’autre part l’absence complète de toute politique de santé mentale, exception faite de l’amendement Accoyer, qui vous aura donc occupés cinq années durant. J’ose espérer, Monsieur le ministre, que vous direz votre mot au cours de l’examen du projet de loi de prévention de la délinquance (M. le ministre acquiesce) et que vous défendrez une politique de santé publique que ce texte met sérieusement à mal.

J’en viens à un sujet de grave préoccupation : les difficultés croissantes d’accès aux soins. L’accès aux médecins spécialistes devient toujours plus compliqué et la situation ne cesse de se dégrader. Tous les élus vous le diront, et pas uniquement ceux des campagnes. Non seulement la permanence des soins n’est pas assurée, mais l’on ne peut passer sous silence la généralisation des dépassements tarifaires.

M. Pascal Terrasse – C’est exact, et c’est grave.

M. Jean-Marie Le Guen – Pire encore : les titulaires de la CMU et de l’AME sont victimes de discriminations intolérables. Nous devons hausser le ton, Monsieur le ministre, car il est politiquement, socialement et moralement inacceptable que des médecins se permettent de ne pas accueillir tous les patients dans les mêmes conditions. Il faudra agir contre ces comportements scandaleux.

S’agissant de la mutualisation, j’ai pris note que vous souhaitez en élargir la base ; soit, mais le problème est que ceux qui sont à la base ne cotisent à aucune mutuelle.

Je ne conclurai pas sans revenir sur l’annonce faite par M. Fagniez qu’il entendait proposer d’augmenter l’ONDAM de ville de 300 millions...

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur – Non, de 200 millions.

M. Jean-Marie Le Guen – Vous voyez, c’est une discussion de marchands de tapis à laquelle les organisations syndicales se sont livrées ! L’exposé sommaire de l’amendement est admirable. On explique qu’il s’agit de mieux payer les infirmières, décision magnifique, et de promouvoir l’hospitalisation à domicile, noble objectif s’il en est. Mais trêve d’hypocrisie ! Appelez un chat un chat, et si vous pliez devant des interpellations clientélistes, assumez-le ! (Protestations et exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur – Vous savez que c’est faux !

M. Jean-Marie Le Guen – Comme l’a souligné le président de la commission, cette mesure ne résoudra ni le malaise des médecins ni celui des assurés qui n’ont pas accès aux soins. Nous devons donc travailler à une réorganisation profonde de l’exercice médical, sans oublier aucun de ses volets, qu’il s’agisse du regroupement, bien sûr, mais aussi des conditions dans lesquelles les médecins peuvent faire face aux exigences administratives ou de la formation. Il faut aussi en finir avec l’idée que le paiement à l’acte serait le seul mode de rémunération possible.

M. Pascal Terrasse - Parfaitement.

M. Jean-Marie Le Guen – J’en viens au secteur optionnel pour la chirurgie, pour dire quelle erreur ce serait de l’instituer. On sait, d’une part, les difficultés que rencontrent les praticiens en matière d’assurance notamment, et le manque d’attrait pour la chirurgie qui en résulte. On sait aussi le développement des maladies iatrogènes. Mais, si la Haute autorité en avait eu le temps, elle se serait penchée sur le « surinterventionnisme » chirurgical qui sévit en certains lieux, pendant qu’ailleurs on traite la même pathologie en privilégiant la clinique et une réserve de bon aloi. Pourquoi cela ? Parce que la nomenclature des actes n’a pas été convenablement rééquilibrée. Si ces questions ne sont pas évoquées clairement, la fuite en avant continuera, et plus les chirurgiens opéreront, plus hauts seront leurs revenus, ce qui n’est pas satisfaisant.

Si d’aventure on devait en arriver là, le prix des assurances complémentaires deviendrait tel que se poserait un grave problème d’accès à la couverture complémentaire. Ou bien la sécurité sociale devrait intervenir massivement pour aider au financement de l’acquisition d’une complémentaire, ou bien, si elle ne le faisait pas, l’accès à la chirurgie deviendrait réellement problématique.

La question de la médecine générale et de la chirurgie sont stratégiques pour ce qui est de l’égalité d’accès aux soins. Ne le perdez jamais de vue au moment où des choix décisifs vont être faits. Vous ne pourrez pas faire l’économie d’une réflexion globale sur les soins primaires, ni d’une discussion approfondie sur l’avenir de leur exercice professionnel dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre délégué – Monsieur Le Guen, vous contestez les résultats obtenus grâce aux réformes engagées par les gouvernements soutenus par l’actuelle majorité pour redresser la sécurité sociale et assurer sa sauvegarde. Vous refusez de reconnaître le redressement des comptes. Mais qu’est-ce donc que passer d’une tendance, « inéluctable » disait-on à l’époque, de 16 milliards d’euros de déficit pour l’assurance maladie à un déficit de six milliards seulement cette année et un objectif de 3,9 milliards l’an prochain, soit une division par quatre, si ce n’est pas redresser les comptes ?

Vous contestez de même la fiabilité des prévisions de ce projet de loi de financement. Celles-ci ont pourtant recueilli l’aval de l’ensemble des prévisionnistes, et elles sont prudentes, comme l’étaient celles de l’an passé. La masse salariale progressera de 4,3 % en 2006, alors que nous n’avions tablé que sur 3,7 %.

Vous répétez ensuite, par facilité, que tout est de la faute de l’État. Vous n’êtes pourtant pas sur ce point le mieux placé pour critiquer le comportement de l’État. En effet, de 1998 à 2002, le gouvernement que vous souteniez a, entre autres, mis à la charge de la sécurité sociale la majoration de l’allocation de rentrée scolaire, soit un milliard d’euros ; aggravé le déficit du FSV en prélevant des recettes de CSG qui lui étaient destinées pour financer les 35 heures ; amputé les recettes de la CNAM pour financer le FOREC et les 35 heures. Permettez donc que l’on doute de votre sincérité lorsque vous prétendez que l’État se défausse sur la sécurité sociale, ce qui est naturellement faux.

S’agissant du Fonds de réserve des retraites, s’il avait été la réponse pour sauvegarder l’assurance vieillesse, cela se serait su depuis longtemps ! Si votre seule solution pour sauver les retraites consiste à mettre de côté quelques fonds qui bien entendu ne peuvent constituer qu’un appoint, les Français ont de quoi être inquiets. Le FSV, pour sa part, n’est pas à la dérive, comme vous le prétendez. En effet, alors que son déficit avait atteint deux milliards en 2004, il a été réduit à 1,6 milliard cette année, devrait l’être à 600 millions l’an prochain et l’équilibre est attendu pour 2009.

Pour ce qui est de la politique familiale dont vous prétendez qu’elle ne profiterait qu’aux riches, dois-je vous rappeler qu’avec la PAJE, les aides à la garde de jeunes enfants pour un couple de salariés payés au SMIC ont progressé de 54 %.

Mme Muguette Jacquaint – Tout va donc bien !

M. le Ministre délégué – Le nombre de bénéficiaires de l’allocation logement a considérablement augmenté ces dernières années, tandis que la construction de logements sociaux repartait à la hausse, après être tombée à 39 000 logements par an en 2001. Quatre-vingt mille logements sociaux ont été construits l’an passé et cent mille le seront cette année.

S’agissant enfin de l’effort en faveur des établissements d’hébergement pour personnes âgées, il ne diminue pas par rapport à l’an passé, passant au contraire de 587 à 650 millions d’euros.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement vous invite à rejeter cette exception d’irrecevabilité.

M. Jean-Pierre Door – M. Le Guen a mis moins longtemps que d’habitude pour défendre sa motion. Attendu à une autre réunion, il était pressé, et d’ailleurs, il est déjà parti ! Il a dénoncé des échecs, des catastrophes, des mesures électoralistes, des manipulations, et j’en passe. Il a cité avec délectation des déclarations faites l’an passé par un sénateur, oubliant que celui-ci, comme à l’accoutumée, votera ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Le Guen aurait mieux fait de s’attacher davantage à la vérité des faits. Pour la première fois, l’ONDAM sera dans les clous ; les indemnités journalières régressent ; la consommation de médicaments ne progresse plus ; le parcours de soins se met en place avec plus de 80 % de Français qui ont choisi leur médecin traitant…

Mme Muguette Jacquaint - Tout va bien !

M. Jean-Pierre Door – Je pourrais citer encore divers progrès : mise en place d’une consultation de prévention pour les personnes de plus de 70 ans, renforcement de la lutte contre les fraudes, extension de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire de santé. En réalité, le parti socialiste n’a aucune idée à proposer.

Ce projet n’ayant absolument rien d’inconstitutionnel, nous ne voterons pas l’exception d’irrecevabilité.

M. Pascal Terrasse – M. Le Guen a au contraire développé des arguments tout à fait pertinents sur la constitutionnalité de l’amendement que s’apprêterait à déposer le Gouvernement, concernant les 35 heures dans l’hôtellerie-restauration. Soit le Gouvernement souhaite répondre réellement aux demandes des organisations patronales et des chambres syndicales du secteur, et il dépose un projet de loi. Soit il présente un amendement à ce texte pour prétendument régler le problème, et il sait pertinemment qu’il n’en sera rien car ce sera un cavalier législatif. Nous vous aurons prévenus. Si vous persistez dans votre intention de déposer un tel amendement, c’est que vous ne voulez pas traiter le problème des 35 heures dans l’hôtellerie-restauration. En outre, de telles méthodes bafouent le dialogue social, que le Président de la République a pourtant récemment appelé de ses vœux.

Pour le reste, il ne s’agit pas aujourd’hui, comme l’a dit Jean-Marie Le Guen, de comparer le travail d’un ministre à celui d’un autre, mais bien de dresser le bilan de la législature.

M. le Ministre – L’heure est encore aux projets !

M. Pascal Terrasse – Outre que les mesures que vous avez prises ne correspondent pas à celles qui avaient été annoncées pendant votre campagne électorale, elles se soldent par un triple échec, politique, social et financier (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Lors du débat sur la réforme des retraites comme sur celle de l’assurance maladie…

M. le Ministre – Que nous avons eu le courage de faire, nous !

M. Pascal Terrasse – …vous assuriez que tout allait changer ! Qu’en est-il ? Les retraités dénoncent la baisse de leur niveau de vie. Les assurés sociaux vous adressent de toutes parts leurs récriminations. Les professionnels de santé font de même – 80 % des urgentistes étaient aujourd’hui en grève.

M. le Ministre – C’est faux !

M. Pascal Terrasse - Je ne parle même pas du désaveu que vous ont infligé les médecins lors des élections aux URML où vous avez été mis en minorité.

À cet échec politique et social, s’ajoute un désastre financier. Votre bilan, ce sont 50 milliards d’euros de déficit en cinq ans, dont vous avez renvoyé la charge sur la CADES. Vous venez de créer un impôt sur les naissances ! Les enfants à naître paieront les soins d’aujourd’hui quand ils entreront dans la vie active ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Le Gouvernement ne s’attaque donc en rien aux déficits tendanciels qui minent notre protection sociale. Avec un tel passif, difficile de lui accorder le moindre crédit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Luc Préel – M. Le Guen ne nous a pas convaincus de l’inconstitutionnalité du texte. Certes, quelques articles n’ont qu’un lointain rapport avec un projet de loi de financement de la sécurité sociale, et ils risquent à ce titre d’être « retoqués » par le Conseil constitutionnel, mais globalement le projet est conforme aux critères de constitutionnalité. M. Le Guen a surtout profité de cette motion pour dire tout le mal qu’il pense de la situation actuelle des comptes sociaux. De fait, l’équilibre n’est pas au rendez-vous, et l’on trouve dans le texte un chiffre qui donne le vertige : l’assurance maladie sera autorisée à emprunter 28 milliards d’euros !

Après ce quinquennat, la protection sociale est-elle sauvée ? Les retraites de base sont-elles garanties ? Le système de santé fonctionne-t-il correctement et assure-t-il un égal accès de tous à des soins de qualité ? Force est de constater que non : la crise demeure, elle est à la fois organisationnelle, financière et morale.

Il n’en demeure pas moins que cette loi de financement est attendue et qu’il importe de la discuter et de l’améliorer. C’est pourquoi le groupe UDF ne votera pas l’exception d’irrecevabilité.

Mme Muguette Jacquaint – Le groupe communiste la votera.

L'exception d’irrecevabilité, mise aux voix, n’est pas adoptée.
La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, ce soir, à 22 heures.
La séance est levée à 20 heures 35.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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