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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du mardi 24 octobre 2006

Séance de 22 heures
12ème jour de séance, 24ème séance

Présidence de M. Maurice Leroy
Vice-Président

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La séance est ouverte à vingt-deux heures.

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projet de loi de financement
de la sécurité sociale pour 2007 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.

Question préalable

M. le Président – J’ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe communiste et républicain une question préalable, déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

Mme Jacqueline Fraysse – Le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale de cette législature, qui ne comporte aucune perspective durable de redressement des comptes, poursuit le travail de démantèlement de notre protection sociale entamé voici cinq ans. Au lieu de proposer de nouvelles sources de financement afin de garantir un avenir à la protection sociale solidaire, le Gouvernement, fidèle à sa logique purement comptable de compression des dépenses, en prépare la privatisation. Certaines compagnies d’assurances, comme la MMA, l’y encouragent d’ailleurs en inscrivant la règle du bonus-malus dans des contrats qui foulent aux pieds le principe de solidarité.

Ce texte ne répond ni aux préoccupations de nos concitoyens, ni aux inquiétudes des professionnels de santé à qui l’on assigne des objectifs de dépense irréalistes. En 2002, le solde du régime général était excédentaire depuis trois ans. En juillet 2004, la situation s’était déjà largement dégradée. M. Douste-Blazy, qui présentait alors sa réforme de la sécurité sociale, promettait de résorber le déficit en 2007.

Vous affichez une belle autosatisfaction, mais les résultats n’en sont pas moins sévères : un déficit de 9,7 milliards cette année ! Mais c’est un peu mieux que l’année dernière, ce dont vous ne manquez pas de vous féliciter, en oubliant de prendre en compte les effets de la très légère reprise de la croissance, de la diminution des arrêts de travail, de la restriction des arrêts de longue durée et de la multiplication des déremboursements – rien de très pérenne donc. Et ce déficit ne prend pas non plus en compte ceux du fonds de solidarité vieillesse et du fonds de financement de la protection sociale agricole : au total, comme le dit la Cour des comptes, le déficit de l’ensemble est passé de 14,2 milliards en 2004 à 14,4 en 2005 et, à l’horizon 2009, le besoin de financement du régime général et des fonds de financement excédera 37 milliards !

Pourtant, des modes de financement pérennes de la sécurité sociale existent. Devant la confédération des syndicats médicaux français, M. Bertrand a déclaré qu’il faudrait bien un jour se poser la question du financement de la protection sociale. Que ne la pose-t-il ici ! Si vous voulez des pistes, relisez donc nos interventions.

M. Jean-Pierre Door – On les lit !

Mme Jacqueline Fraysse – Vous y découvrirez qu’une contribution sur les revenus financiers des entreprises permettrait à la fois d’accroître les ressources de la sécurité sociale et de pénaliser les placements effectués au détriment de l’investissement productif et de la création d’emploi, ou alors qu’avec une réforme de l’assiette de cotisation, fondée sur le ratio entre la masse salariale et la valeur ajoutée, les entreprises qui développent l’emploi et la formation bénéficieraient d’un taux de cotisation plus bas que les autres, afin de favoriser la croissance de la masse salariale, source de cotisations.

Il faudra bien que vous trouviez le courage d’affronter la réforme du financement de la sécurité sociale et de prendre l’argent là où il abonde, si vous voulez tenir vos promesses, car il n’y a pas d’autre moyen d’équilibrer les comptes. Sinon, jusqu’où irez-vous dans la réduction de la couverture des dépenses de santé ? D’après M. Bas, le niveau de participation de la sécurité sociale est passé, de 2002 à 2005, de 75,7 à 77,1 %, le reste à charge des ménages se réduisant de 10,6 à 8,7 %. Mais la direction des recherches et études économiques et statistiques a fait apparaître qu’en 2004 – date de début d’application de la réforme – ces deux chiffres étaient respectivement de 77,3 et 8,5. Ainsi, il est clair que depuis la réforme, la sécurité sociale rembourse moins bien les dépenses de soins : les faits sont têtus !

Ce refus obstiné d'envisager d'autres modes de financement de la protection sociale ne résulte pas d'une erreur d'appréciation : il s'inscrit dans une logique limpide qui mène à la privatisation rampante de la protection sociale. Car, à bien y regarder, le trou de la sécurité sociale n'existe pas. Il n'y a pas de déficit de l'assurance maladie. Il n'y a qu'un transfert d'argent public vers des poches privées. Ainsi, les exonérations des charges sociales patronales vont coûter plus de 25 milliards en 2007 : autant d’argent qui pourrait être utilisé pour satisfaire les besoins collectifs ou apurer le déficit de la sécurité sociale. Un certain nombre de députés de votre majorité vont jusqu’à poser la question dans une de leurs propositions de loi : les exonérations de charges patronales correspondent-elles réellement aux besoins de notre économie ? Leurs effets pervers – effet de seuil, ralentissement des augmentations salariales – ne pèsent-ils pas sur la croissance ? L’argent public ne pourrait-il pas être mieux utilisé ? La Cour des comptes, elle, écrit que dans certains secteurs, ces exonérations sont venues « conforter les marges des entreprises ». Ce sera la seule utilité des nouvelles exonérations prévues dans ce PLFSS.

Autre exemple de ce transfert de l'argent public : l’équilibre factice de la branche accidents du travail-maladies professionnelles. Les lecteurs des rapports de la Cour des comptes n'ignorent plus que la contribution versée par cette branche à la branche maladie, du fait de la sous-déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles, est manifestement sous-évaluée. C'est ce qui explique l'équilibre de cette branche, obtenu aux dépens de ceux qui cotisent à la branche maladie – mais un équilibre fort utile à l'heure où le Medef négocie une diminution des cotisations des entreprises à cette branche…

Autre exemple encore : l'aide à la complémentaire santé. Votre réforme, en réduisant la couverture de base, a transféré le remboursement de certaines dépenses aux complémentaires, qui ont logiquement augmenté leurs tarifs. Aussi ce PLFSS prévoit-il à son tour de nouvelles aides à la complémentaire. Admirons le raisonnement : l’État finance une augmentation de tarif dont il est la cause en réduisant le périmètre de prise en charge !

Dernier exemple : vous avez décidé que l'assurance maladie financerait deux tiers de l’augmentation des assurances médicales, sans même vous interroger sur les causes de cette augmentation. Pourquoi n'existe-t-il aucune étude sérieuse sur la responsabilité civile médicale en France ? Craignez-vous de devoir reconnaître qu'il serait plus judicieux d’instituer une caisse publique et de mutualiser le coût de la réparation des erreurs médicales ?

Et ce texte, loin d’assurer un mode de financement pérenne de la sécurité sociale, ne répond pas non plus aux préoccupations des citoyens et des professionnels et comporte d'importantes lacunes. En ce qui concerne la formation, il serait temps tout d'abord de solder la question des praticiens à diplômes extérieurs à l’Union européenne, qui sont venus compléter leurs études en France au moment où l'on pensait qu'il suffirait de baisser le numerus clausus pour réduire l'offre de soins et ainsi économiser en réduisant la demande. Face à la pénurie qui en a résulté, ils ont dû boucher les trous dans les hôpitaux. Leur nationalité et leur statut précaire leur ont offert la chance d'accumuler les gardes dont personne ne voulait à un salaire dont personne ne veut.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales  C’est un peu vrai !

Mme Jacqueline Fraysse – Ce PLFSS entrouvre une perspective de règlement, avec la création d'un examen que les praticiens passeraient devant la commission d'autorisation d'exercice du Conseil de l'Ordre. C’est un pas que nous apprécions, mais pourquoi un examen théorique pour des médecins qui ont été diplômés en France et qui exercent dans nos hôpitaux depuis de nombreuses années ? Nous proposerons par amendement que les praticiens ayant suivi en France une formation équivalente à nos deuxième et troisième cycles et ayant occupé un poste soient dispensés de cet examen. Ce n’est que justice – et c’est aussi indispensable pour faire face à la pénurie que la France va connaître d’ici à dix ans, une pénurie sans précédent, qui risque d'être dramatique dans certaines régions et certains quartiers. À ce propos, il convient de revoir la procédure de répartition et de choix des postes d'internes. Ainsi, l'association des étudiants en médecine de France invite à une répartition pluriannuelle, sur la base d'une étude qui recense les besoins réels et les capacités de formation de chaque spécialité, dans chaque région.

La médecine générale sera tout particulièrement touchée par cette pénurie. Selon certaines analyses, 686 postes d'interne en médecine générale manqueront cette année, s’ajoutant aux 1 500 non pourvus en 2004 et 2005. Il est vrai que les étudiants ont une perception négative de la médecine générale, discipline non officiellement reconnue. Il y a quelques jours, M. Bertrand a signé les décrets instaurant une filière universitaire de médecine générale, unanimement réclamée par les syndicats de généralistes. Mais les décrets ne suffisent pas, et nous aurons à cœur de vérifier le budget dégagé et le nombre de professeurs associés de médecine générale titularisés.

Il est tout aussi indispensable de redonner de l’attractivité à la profession d'infirmier : là aussi, la pénurie est prévisible et si des postes de formation ont bien été créés, ils ne sont pas tous occupés – sans parler des étudiants qui abandonnent avant d'obtenir leur diplôme, tant les conditions d'exercice de leur profession sont perçues comme pénibles. C’est pourtant un beau métier, mais très mal rémunéré compte tenu de l'importance des responsabilités exercées et des astreintes. Pourquoi, alors que les études durent trois ans et demi, le diplôme d'infirmier est-il considéré comme bac+2 ? Il est impératif de revaloriser cette profession en prenant en compte le niveau de formation, les contraintes et les responsabilités exercées. Au passage, je veux relayer l'inquiétude exprimée par les praticiens hospitaliers quant à la réforme de leur rémunération et de leur statut. Asseoir une partie de la rémunération sur le rendement n’est pas admissible.

M. le Président de la commission – Le mérite, plus que le rendement !

Mme Jacqueline Fraysse – La rémunération de la pratique médicale ne peut se concevoir ainsi, en particulier à l’hôpital. Je suis extrêmement attachée à l’hôpital.

M. le Président de la commission – Nous le sommes aussi !

Mme Jacqueline Fraysse – Je reste pantoise devant une telle proposition. Il est inconcevable de transformer nos professeurs de médecine de si haut niveau en producteurs de soins ! Je regrette que l’on ose faire de telles propositions.

Concernant l’accès aux soins, Médecins du Monde observe un fort recul en 2005, dû essentiellement aux mesures limitant le nombre de bénéficiaires de la CMU et de l’AME. En outre, selon une enquête du fonds CMU, plus de 44 % des gynécologues et la moitié des psychiatres refusent la CMU complémentaire. Un tel comportement, contraire à toute déontologie, est scandaleux. Il faut les rappeler à leurs responsabilités.

Enfin, je suis très inquiète sur l’avenir des hôpitaux publics. Cette année encore, selon la Fédération hospitalière de France, il leur manquera environ 780 millions pour boucler leur budget, dont 240 millions pour les seuls CHU. Puisque désormais ils ne pourront plus reporter leur déficit sur l’exercice suivant, comment équilibreront-ils l’exercice 2006 et a fortiori celui de 2007 ? C'est impossible, vous le savez, et vous les asphyxiez sciemment. C’est irresponsable. Les travaux de modernisation et de remise aux normes prévus au début d’année seront donc repoussés à des jours meilleurs.

Vous prévoyez bien une augmentation de 3,5 % de l’ONDAM hospitalier. Mais c’est une croissance en trompe-l’œil car, dans le même temps, outre les déficits accumulés, les missions de l’hôpital s’élargissent, par exemple avec les plans de santé publique. C’est peu dire que l’avenir est sombre pour l’hôpital public. La Fédération hospitalière de France va jusqu’à prévoir pour l’année prochaine, un déficit compris entre 800 et 900 millions.

Cette pénurie organisée a des conséquences sur la qualité des soins. Dans ma circonscription, l’hôpital Foch de Suresnes va supprimer 60 postes d’infirmières pour réduire le déficit, alors qu’il en manque 55 pour satisfaire aux besoins. L’État préfère subventionner un plan de licenciement, plutôt que de verser les 7,5 millions qu’il doit à cet établissement au titre des conventions qu’il n’a pas honorées. À l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches, le service de restauration, important, et apprécié pour sa qualité dans un établissement où les séjours sont de longue durée, va être supprimé au nom d’une logique comptable qui ne s’embarrasse pas des patients.

Or les 400 millions d’allégement de l’ISF grâce au bouclier fiscal correspondent au double du déficit des CHU, à la moitié du déficit de l’ensemble des hôpitaux pour cette année. La politique est affaire de choix et les vôtres sont inquiétants.

De même, en voulant corseter les dépenses de médecine de ville, vous fixez de façon irréaliste à 0,8 % l’évolution de l’ONDAM, alors que l’augmentation de 2,5 % à 3 % des honoraires est certaine, la diminution de 3 % des prescriptions beaucoup moins !

D’ailleurs, vous avez dû lâcher du lest... J’espère que ce ne sera pas au détriment des moyens pour l’hôpital, car les deux secteurs sont insuffisamment dotés. Plutôt que de les opposer, il vaudrait mieux leur donner les moyens de travailler en réseau.

La commission a adopté une proposition pour l’ONDAM de ville. Nous demandons une démarche similaire pour l’hôpital.

Ce dernier PLFSS de la législature ne répond pas aux défis posés à notre système de sécurité sociale et n’assure pas la pérennité de son financement. Le patchwork de petites recettes – de mesurettes, a-t-on dit –, la compression des dépenses utiles, les économies de bout de chandelle, continuent d’aggraver les inégalités d’accès aux soins et font le lit de la privatisation, sans résoudre en rien le problème du financement dont pourtant vous parlez tous, y compris le Président de la République.

De surcroît, l’amendement UMP remettant en cause l’arrêt du conseil d’État sur la réduction du temps de travail dans l’hôtellerie-restauration est un véritable déni de justice pour le monde du travail. Le chef de l’État peut avoir plein la bouche du dialogue social, l’attitude cavalière de la majorité empêche les syndicats d’ouvrir de nouvelles négociations en vue d'un accord majoritaire sur une réduction du temps de travail progressiste, créatrice d’emplois et sans modération salariale dans ce secteur.

Aussi n’y a-t-il pas lieu de discuter d’un tel texte. Nous vous invitons donc à adopter cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille – Chaque année, le bon jardinier taille sa haie, pour stimuler sa vitalité. De même, chaque année le Gouvernement présente un nouveau PLFSS pour renforcer la vitalité de la protection sociale. Nous sommes tout particulièrement attachés à notre modèle social, qui est au cœur de l’idéal républicain, et le patrimoine commun de tous les Français. C’est pourquoi il faut le préserver de la marée montante des déficits que nous avons connus en raison des dépenses débridées de la législature précédente. Mais nous n’avons pas tardé à réagir, avec la grande réforme de l’assurance maladie dès 2004.

Réduire les déficits n’est pas pour nous une fin en soi. Il s’agit de défendre notre sécurité sociale et d’éviter de diminuer la couverture des dépenses de santé. Et comme je vous l’ai dit lors du débat d’orientation budgétaire et confirmé par lettre du 6 octobre, le taux de couverture des dépenses remboursables des soins de ville hors indemnités journalières est passé de 77,7 % en 1994 à 79,9 % en 2004. Sur l’ensemble des dépenses remboursables, y compris d’hospitalisation hors dotation globale aux établissements, ce taux est même de 82,8 % en 2006. Selon la commission des comptes de la santé, dans la consommation des biens et services médicaux, le niveau de participation de la sécurité sociale est passé de 75,7 % en 2002 à 77,1 % en 2005, le reste à charge des ménages se réduisant de 10,6 % à 8,7 %. Ces chiffres suffisent à prouver que votre question préalable, étant donné la motivation que vous lui avez donnée, est sans objet. J’invite donc l’Assemblée à la rejeter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Nous en venons aux explications de vote.

M. Bernard Perrut – Si nous pouvons nous accorder, Madame, c’est pour parler d’opiniâtreté. Oui, le Gouvernement et la majorité en font preuve lorsqu’ils mettent tout en œuvre pour redresser les comptes sociaux. Et comme le disait récemment Xavier Bertrand, nous n’accentuons pas, mais nous ne relâchons pas l’effort.

Nous ne serons pas d’accord en revanche sur les autres termes que vous avez utilisés. Vous voudriez faire accroire qu’il n’y a pas lieu de débattre alors que de grandes réformes ont été entreprises – retraites, journée de solidarité, CNSA, loi d’août 2004, loi organique de 2005 – et que nous devons poursuivre ce long parcours. Si, en 2004, les comptes de la sécurité sociale étaient mauvais, ils étaient préoccupants en 2005 et ils se sont nettement améliorés en 2006. Cette année, le déficit du régime général devrait être ramené à 9,7 milliards et celui de la branche maladie à 6 milliards grâce à des efforts importants afin d’infléchir le rythme de progression des dépenses. Il faut saluer un tel engagement collectif. Ce PLFSS doit nous permettre d’aller plus loin, et vous n’en voulez rien savoir ! Grâce aux mesures proposées, le déficit du régime général devrait être ramené à 8 milliards et celui de la branche maladie à 3,9 milliards en 2007. L’ONDAM proposé est quant à lui réaliste, tout comme les principaux postes d’économies.

Il ne s’agit pas pour nous de ne pas discuter. Ce PLFSS permettra de tenir des engagements importants pour les entreprises, avec la suppression de toutes les charges sociales au niveau du SMIC pour celles qui comptent moins de vingt salariés. Il comporte également un certain nombre de mesures pour nos concitoyens les plus fragiles : application des préconisations du plan de solidarité grand âge, amélioration du dispositif d’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, actions de prévention pour les plus de 70 ans. Vous ne pouvez ignorer non plus que les mesures décidées dans le cadre de la conférence de la famille seront appliquées – je pense au congé de soutien familial ou aux prêts pour les jeunes. En crèche, ce sont 10 000 places qui seront créées en 2006 quand seulement quelques centaines l’avaient été en 2000. Le groupe UMP ne votera donc pas cette question préalable : il faut être responsables ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Muguette Jacquaint – Le groupe communiste et républicain votera évidemment cette question préalable. D’après M. Perrut, nous refuserions de discuter. Mais non ! Nous voulons au contraire parler de l’avenir de la protection sociale, qui est l’une de nos préoccupations essentielles depuis des années. Nous faisons d’ailleurs des propositions, et en particulier concernant les recettes car ce sont elles qui font défaut à la protection sociale. C’est le Gouvernement qui refuse d’en discuter ! Tant que nous ne parlerons pas d’un nouveau financement de la protection sociale, les inégalités ne feront en effet que s’accroître, de même que les difficultés pour les plus modestes.

M. Jean-Luc Préel – Je suis perplexe, Madame Jacquaint : vous prétendez vouloir discuter alors que Mme Fraysse vient de défendre une question préalable dont l’objet est précisément l’inverse. Il faudrait vous mettre d’accord ! Il est au contraire selon moi urgent de débattre puisque le PLFSS sert à financer à la fois la politique de santé, les retraites et la politique familiale. Nous ne voterons donc pas cette motion.

Certes, Mme Fraysse a soulevé de graves problèmes, notamment en ce qui concerne le financement de la protection sociale. M. Perrut s’est quant à lui montré fort discret alors que l’équilibre des comptes était, me semble-t-il, annoncé pour 2007. Les reports sur la CADES s’arrêtent d’ailleurs en 2006 et à partir de 2007, rien n’est prévu pour financer le déficit. Celui du régime général est évalué à 8 milliards, auxquels s’ajoutent les 6 milliards cumulés du FIPSA. Comment les financer ? Les ministres n’ont rien dit.

Mme Fraysse a également évoqué le problème de la démographie médicale, en particulier concernant les infirmières. Celles-ci, ainsi que les sages-femmes, demandent en outre depuis longtemps la prise en compte de leur niveau de formation, ce qui me semble tout à fait justifié. Pourquoi n’est-ce pas le cas ? À cela s’ajoutent également les problèmes des praticiens à temps partiel : rémunération – 6/11ème du temps passé –, retraite, pas de prime d’exercice exclusif à l’hôpital, six jours de formation continue seulement. Pourquoi toutes ces questions n’ont-elles pas été encore traitées ?

Si ce PLFSS n’est pas parfait, il est néanmoins nécessaire pour assurer la prise en charge de notre protection sociale et j’espère que nos débats contribueront à l’améliorer.

M. Jean-Paul Bacquet – Après M. Mattei et son libéralisme flamboyant qui devait nous conduire à la privatisation de la sécurité sociale (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), après les certitudes et la suffisance de M. Douste-Blazy, nous avons maintenant M. Bertrand, qui, il est vrai, se montre compétent et prudent. Mais vous, Monsieur Bas, n’êtes pas encore à sa hauteur (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Seule certitude que nous ayons : contrairement à ce qui avait été promis, les comptes ne seront pas équilibrés en 2007. Alors que la protection sociale a reculé avec une hausse des cotisations et une baisse des remboursements, alors que les plus faibles ont de moins en moins accès aux soins, alors que, concernant les professionnels de santé, les contrôles tatillons se sont multipliés, comme l’a dit M. Rolland, M. le ministre aborde cette discussion en demandant aux hôpitaux de vendre leurs biens immobiliers le plus vite possible afin d’accélérer, dit-il, les investissements. Mais alors que 250 millions manquent à l’appel, vendre l’argenterie ne servira qu’à payer le loyer ! De même, la commission a modifié l’ONDAM comme l’y incitaient d’ailleurs les professionnels de santé. Ce PLFSS sans ambition s’inscrit dans un contexte préélectoral plus qu’il ne préconise des dispositions sociales et médicales. C’est un coup pour rien et le groupe socialiste votera cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

Mme Danièle Hoffman-Rispal – Ce PLFSS est le dernier de cette législature. Vous avez pris des engagements en faveur des personnes âgées et dans le domaine médicosocial, mais qu’en est-il vraiment dans ce texte ?

M. le Ministre délégué – Il constitue un grand progrès.

Mme Danièle Hoffman-Rispal – L’acte fondateur de votre politique à destination des personnes âgées consista d’abord, en 2002, à réduire le montant de l’APA pour un grand nombre de bénéficiaires, et notamment ceux dont les revenus sont les plus modestes. L’effet a été immédiat avec une moins bonne prise en charge des personnes à domicile.

C’est d’autant plus dommage que, grâce à l’APA, les personnes âgées peuvent vivre en moyenne deux ans de plus à leur domicile. L’âge moyen d’entrée en établissement est ainsi passé de 85 à 87 ans. Certes, l’APA a un coût, mais le coût financier n’est rien à côté du bonheur de nos aînés. Je tiens donc à remercier Mme Guinchard pour cette merveilleuse mesure. L’allongement de la durée de la vie reste une chance.

Vous avez annoncé de nombreuses mesures, mais vous avez laissé de côté plusieurs problèmes : le manque de places en hospitalisation à domicile – HAD – ; l’absence de coordination entre l’HAD, les services de soins infirmiers à domicile – SSIAD – et l’aide à domicile ; le besoin de centres d’accueil de jour – même lorsqu’ils existent, ils sont vides, car avec 1 000 euros d’APA, on ne peut assumer ce coût et celui du transport pour s’y rendre.

Après la canicule de l’été 2003, vous avez changé d’approche. Nous contestons toujours la suppression d’un jour férié pour financer le plan « vieillissement et solidarité » – cette mesure est injuste –, mais les professionnels voient d’un bon œil la création de la CNSA. L’effort réalisé est pourtant loin d'être à la hauteur de l'enjeu et des engagements pris. Je nourris en particulier deux griefs auxquels vos propositions n’apportent aucune réponse.

Il faut renforcer les pouvoirs du Parlement, afin qu’il définisse des orientations et soit destinataire d'un bilan des crédits gérés par la CNSA. Ce PLFSS est muet sur le sujet. Comme souvent depuis 2002, en particulier en matière sociale, vous dépossédez le Parlement de ses prérogatives. C'est une erreur : nous avons besoin de davantage de transparence et de démocratie.

J’ai lu avec attention le plan « vieillissement » que vous avez présenté en juin dernier – le deuxième en moins de trois ans. Malgré des avancées incontestables, les ressources n'y sont pas : nous ne trouvons pas la traduction budgétaire de ces plans sur le terrain. En attestent les déclinaisons au plan départemental des crédits d'assurance maladie dédiés au fonctionnement des structures œuvrant dans le champ médicosocial, SSIAD et établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – EHPAD. Vous annoncez la création de places en SSIAD ; mais nous connaissons la difficulté à recruter des infirmières, et les orientations fixées par le ministère limitent leur taux d'activité en fin d'année. Il faut que vos annonces se traduisent en actes ! De même, les départements investissent dans des EHPAD mais, au moment du passage en comité régional de l’organisation sanitaire, sociale et médicosociale, les budgets soins ne sont pas affectés. Les exemples sont nombreux.

Les budgets soins affectés aux EHPAD sont trop limités. La DOMINIC+35 % n’est plus acceptable, car elle aboutit à un manque de prise en charge sanitaire. Les personnels sanitaires sont en sous-effectifs, alors que les personnes accueillies sont de plus en plus dépendantes : elles entrent en établissement à 87 ans, avec une moyenne de sept pathologies. Les personnels des EHPAD sont épuisés. Si le secteur est peu attrayant, nous avons le devoir collectif de relever le défi du vieillissement de la population française. Vous citez souvent l’exemple du Canada ; or le premier poste sollicité par les infirmières dans ce pays est généralement en service de gérontologie. Ni votre plan, ni le PLFSS ne proposent de solutions pour rendre ces métiers plus attractifs. Vous avez parlé d’une meilleure formation des personnels sur le handicap. Qu’il en soit donc de même pour nos aînés !

J'avais dénoncé l'année dernière votre volonté de transformer les unités de soins de longue durée en lits relevant des EHPAD, financés par la CNSA. En effet, ces lits hospitaliers sont mieux dotés en budget soins que les maisons de retraite. Je prends acte que la réforme annoncée pour le 1er janvier 2007 est désormais étalée jusqu'en 2009. Mais pour l’appliquer, vous avez effectué dans les unités de soins de longue durée des coupes dites transversales, en utilisant le référentiel PATHOS. Ces coupes devaient vérifier quels malades nécessitaient des soins techniques médicaux importants et quels malades n'en avaient pas besoin. Mais le choix du référentiel est contesté par de nombreux gériatres, car il ne tient pas compte de la perte d'autonomie. Les résultats oublient donc, comme on le voit avec l’étude réalisée à l’AP, les démences sévères ou les troubles neuropsychiatriques. Certains patients peuvent certes être accueillis en EHPAD, mais pas ceux qui exigent des soins importants.

On peut penser que 10 à 15 % de nos 400 000 lits d'EHPAD accueillent des personnes relevant d'une prise en charge sanitaire lourde, ou hospitalo-requérants. Or vous ne prévoyez de transformer en lits d’EHPAD que la moitié des 80 000 lits d'USLD. C’est d’autant plus problématique que la reprise des naissances consécutive à la Grande guerre date de 1924 : c'est donc au tournant de cette décennie que les besoins vont devenir plus importants. Est-ce le moment de supprimer des lits de soins de longue durée ? On ne peut accueillir en EHPAD des personnes polypathologiques avec un médecin coordinateur présent seulement quelques heures par semaine, des soignants en nombre limité et une absence de permanence de soins la nuit. On peut d’ailleurs envisager une meilleure coordination entre les hôpitaux gériatriques et les maisons de retraite – je pense à une forme d’HAD en maison de retraite.

Je vous ai demandé à plusieurs reprises– et c'est l'objet de plusieurs amendements – que soit étudié le profil des personnes accueillies en EHPAD, afin d'engager une politique adaptée à l'égard de ceux qui souffrent. Je prends acte de votre circulaire du 17 octobre. Cette étude doit être réalisée rapidement : c’est une demande de nombreux conseils généraux et de nombreux gériatres.

Deuxième réserve : vous annoncez des augmentations de personnel, mais toujours au delà d'un GIR moyen pondéré de 800. Fréquentant de nombreux établissements pour personnes âgées, je pense qu’un GIR moyen pondéré de 700 serait plus adéquat.

Nous avons en outre reçu avec mon collègue Denis Jacquat, dans le groupe d'études qu'il préside, le docteur Vetel, inventeur du modèle PATHOS. Lui-même reconnaît que pour appliquer votre réforme, il nous faut donner les moyens nécessaires aux EHPAD. Nous veillerons donc, au moment du renouvellement des conventions tripartites, à ce que nos établissements soient dotés d'un budget soins à la hauteur.

Si nous ne voulons pas qu'ils deviennent des mouroirs, il faut satisfaire le besoin de psychologues, qui relèvent du forfait dépendance. Il en va de même pour les animateurs, indispensables à la convivialité et à la vie même, dont le coût se reporte sur le « reste à charge » des résidents. Vous êtes souvent interpellé sur ce point, Monsieur le ministre. Vous l’évoquez dans le plan solidarité, mais je ne vois aucune mesure concrète.

Vous avez bien voulu – et c’est à votre honneur – engager un premier pas pour limiter l'impact des prêts sur travaux sur le prix de journée des résidents. Timidement, certes, puisque voilà quatre ans que j’interpelle le Gouvernement sur ce point. Lorsqu'une collectivité accorde une subvention pour travaux à une maison de retraite, celle-ci est amortie par l'établissement – ce qui ne serait pas le cas s’il s’agissait d’une crèche ou d’une piscine – et se répercute sur le prix de journée. Le contribuable paye donc deux fois – Mme Vautrin me l’avait confirmé il y a deux ans. J’ai déposé un amendement pour régler ce problème – il ne s’agit que d’une règle comptable à changer –, amendement qui a été adopté par la commission.

Sans céder à la polémique, nous voyons bien que la situation est souvent éloignée des annonces faites à grand renfort de communication. Notre rôle est de veiller à ce que les financements suivent. Nous aimons nos aînés : comptez sur notre vigilance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Luc Préel – La discussion de la loi de financement de la sécurité sociale est un événement majeur de la vie parlementaire. Nous sommes appelés à nous prononcer sur la somme considérable de 402 milliards d’euros. Le contexte en 2007, avec la tenue d’élections présidentielles et législatives, est particulier : un quinquennat s’achèvera qui aura vu le Gouvernement et l’UMP posséder les plein pouvoirs. Qu’en ont-ils fait ?

M. Pascal Terrasse – Rien !

M. Jean-Luc Préel – Il avait été annoncé, par exemple, alors que les déficits de 2006 avaient été confiés à la CADES, donc mis à la charge de nos enfants, que nous atteindrions l’équilibre en 2007 et qu’il n’y aurait donc plus de déficit à financer.

M. le Président de la commission – C’est de la mauvaise foi !

M. Jean-Luc Préel – 2004 a été une année de déficit historique, à 11,9 milliards ; en 2005, celui-ci a été de 11,6 milliards ; en 2006, de 9,7 milliards, cette légère amélioration étant surtout due à des recettes nouvelles, à hauteur de 4,5 milliards, dont 2,1 milliards issus de la mesure exceptionnelle concernant les plans d’épargne logement. Diminuer les déficits en augmentant les recettes n’est pas difficile, et vous n’êtes pas très bavard là-dessus, Monsieur le ministre. Enfin, cette année, au lieu de l’équilibre, vous prévoyez un déficit de 8 milliards.

Sans doute sera-t-il dépassé, car le niveau de l’ONDAM n’est guère réaliste. Il convient de ne pas oublier les déficits prévisionnels du FSV et du FFIPSA. En outre, le régime agricole, du temps du BAPSA, était équilibré par une subvention, qui a disparu aujourd’hui. Le Gouvernement autorise le FFIPSA à emprunter ; ne ferait-il pas mieux d’apporter les financements nécessaires à son équilibre ? Les déficits de l’année prévus par le Gouvernement s’élèvent en conséquence à 10,7 milliards.

Comment seront-ils financés ? Il n’y aura pas, paraît-il, de transfert à la CADES, et c’est heureux : le report sur les générations futures est en effet inacceptable. Monsieur le ministre, je vous ai posé la question en commission, sans recevoir de réponse. Ce ne saurait être par des emprunts, bien sûr ; encore que vous prévoyez une ligne de trésorerie de 28 milliards d’euros, dont je ne sais pas à quoi elle correspond.

Vos prévisions de recettes sont quelque peu optimistes. Mais il est vrai qu’il est toujours difficile de prévoir l’avenir, surtout en économie. Acceptons donc l’augure, en cette année électorale, d’un relatif optimisme. Pour améliorer les comptes sociaux, il suffirait que l’État honore ses dettes, que la Cour des comptes estime à 5 milliards. Au lieu de cela, vous avez rédigé un article 21 par lequel le Gouvernement demande à surseoir à la compensation des exonérations de cotisations sociales qu’il accorde au titre de sa politique de l’emploi. L’UDF a déposé un amendement de suppression de cet article.

En ce qui concerne les dépenses de l’assurance maladie, je ne pense pas que la réforme de 2004 ait permis de combler les déficits.

M. Pascal Terrasse – Nous non plus !

M. Jean-Luc Préel – Monsieur Bertrand, vous « vendez » bien votre réforme, avec un air convaincu et souriant qui pourrait être contagieux. Vous choisissez trois critères. Le premier : les Français ont choisi leur médecin traitant. Avaient-ils une autre possibilité pour être normalement remboursés ? Ensuite : le taux de pénétration des génériques. Le seul intérêt des génériques est d’être moins chers que les princeps, ils n’ont aucune incidence sur la qualité des soins ni l’organisation du système.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités Ils contribuent à la responsabilisation !

M. Jean-Luc Préel – Enfin : la diminution du déficit. Or vous vous étiez engagé à atteindre l’équilibre en 2007.

M. le Ministre – Non ! Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Luc Préel – Nous en sommes loin. La diminution du déficit est surtout liée à l’augmentation des recettes, à l’instar des 2,1 millions des plans d’épargne logement.

M. le Ministre – Pour le régime général, pas pour l’assurance maladie !

M. Jean-Luc Préel – La réduction des dépenses est, quant à elle, due pour l’essentiel à la diminution des indemnités journalières, grâce aux contrôles renforcés ; d’après le directeur général de la CNAM, cette diminution ne se poursuivra pas au même rythme en 2007, en raison de la reprise économique. L’ONDAM 2006 sera dépassé de 700 millions d’euros. Le contexte demeure tendu pour l’ensemble du secteur de la santé.

Monsieur le ministre, vous défendez votre réforme en expliquant que vous avez opéré une réforme médicalisée, par opposition à une réforme comptable.

M. Jean-Pierre Door – C’est vrai !

M. Jean-Luc Préel – Quels sont les critères qui les différencient ? De même, vos critères de la fin août sont-ils ceux d’une maîtrise médicalisée ?

L’ONDAM n’est toujours pas médicalisé. Il s’agit d’un ONDAM économique décidé en octobre par Bercy de manière pifométrique. Depuis la réforme de 2004, un comité d’alerte doit demander au Gouvernement de prendre des mesures pour revenir dans les clous si les dépenses dépassent l’objectif de 0,75 %. Or, en août, les clignotants étaient au rouge ;…

M. le Ministre – J’assume mes responsabilités !

M. Jean-Luc Préel – …ne souhaitant pas que le comité sonne l’alarme, vous avez pris, sans concertation,…

M. le Ministre – Mais si !

M. Jean-Luc Préel – …trois trains de mesures : baisse de 3 % du tarif des cliniques, gel de crédits destinés aux hôpitaux et mesures sur les médicaments. S’agit-il de maîtrise comptable ou de maîtrise médicalisée ? J’ai ma petite idée là-dessus. Les effets psychologiques en ont été désastreux, d’autant que les chiffres manquent de transparence.

M. le Ministre – Pas du tout ! Merci pour la Cour des comptes !

M. Jean-Luc Préel – L’UDF avait préconisé un « INSEE santé », organisme indépendant chargé de recueillir toutes les données, de les traiter et de les diffuser. Nous manquons cruellement d’un tel outil, car vous l’avez refusé. Ce n’est pas l’ersatz prévu qui pourra jouer ce rôle.

La maîtrise médicalisée implique un ONDAM établi sur des données médicales, des relations de confiance avec les professionnels, des contrats passés dans la transparence et respectés par tous, notamment l’État. Le nouvel ONDAM est en augmentation de 2,5 %, avec notamment un objectif « soins de ville » qui augmente de 0,8 % et un autre « établissements » de 3,5 %. Le vote de sous-objectifs est regrettable, en raison de la séparation inopportune qu’il crée entre prévention et soins, ambulatoire et établissements, sanitaire et médicosocial. Au nom de l’UDF, j’avais proposé, à la place, des sous-objectifs régionaux établis sur des critères objectifs. Ensuite, l’ONDAM ne discute que des dépenses remboursables par le régime général. Il conviendrait de les recadrer dans les dépenses de santé du pays, notamment parce qu’un grand nombre de nos concitoyens n’ont pas facilement accès à des médecins du secteur 1 et supportent donc des dépassements d’honoraires, plus ou moins bien remboursés selon les régimes complémentaires. Nos discussions sont donc déconnectées de la réalité.

Cet ONDAM, je l’ai dit, ne sera vraisemblablement pas tenu. L’ONDAM « ville » de 2006 était en progression de 0,9 % et sera dépassé de 700 millions malgré une baisse importante des indemnités journalières. Proposer en 2007 une augmentation inférieure est quasiment de la provocation !

Les syndicats médicaux, qui attendent l’alignement du C sur le CS – puisque la médecine générale devient une spécialité – ainsi que le lancement de la deuxième phase de la CCAM technique et la mise en œuvre de la CCAM clinique, vont maintenir la pression. Ceux qui avaient soutenu votre réforme et signé une convention incompréhensible créant une médecine à plusieurs vitesses ont été désavoués lors des élections du printemps aux URML.

M. le Ministre – Ce n’était pas un référendum sur la convention !

M. Jean-Luc Préel – Les autres professions de santé, notamment les infirmiers, attendent la revalorisation des actes infirmiers et des frais de déplacement.

M. le Ministre – C’est légitime !

M. Jean-Luc Préel – La croissance du secteur des médicaments aura été proche de zéro en 2006. Vous prévoyez en 2007 une croissance négative, avec 1,8 milliard d’économie et le maintien de la surtaxe exceptionnelle sur le chiffre d’affaires à 1 %...

M. le Ministre – Nous la diminuons !

M. Jean-Luc Préel – …alors qu’elle aurait dû revenir à 0,6 %. Pensez-vous ainsi rétablir des relations de confiance, et dynamiser la recherche pour découvrir les médicaments du futur ? En outre, se pose le problème majeur de la protection des brevets.

Quant à l'ONDAM « établissements », il augmente de manière asymétrique. Pour les hôpitaux, l'augmentation annoncée est de 3,5 %, mais quelle somme sera effectivement déléguée à chaque établissement ?

M. le Ministre – Celle-là !

M. Jean-Luc Préel – Permettez-moi d’en douter. En 2006, Monsieur le ministre, vous aviez fixé à 3,43 % le taux d’augmentation, mais vous n'avez pas délégué la totalité de cette somme…

M. le Ministre – Nous ne sommes pas encore à la fin de l’année.

M. Jean-Luc Préel – Il est curieux de garder une partie des crédits en réserve et de ne les déléguer qu’en fin d'année, tout en demandant aux établissements de voter des EPRD entre mars et juin, sans qu’ils connaissent la totalité des recettes qu'ils pourraient percevoir. La logique ne serait-elle pas de voter un EPRD prévoyant une subvention d'équilibre pour attendre les 3,5 % annoncés ? Finalement, quelle somme attribuerez-vous réellement aux établissements ?

M. le Ministre – Celle qui est prévue.

M. Jean-Luc Préel – La T2A, qui devait remplacer le budget global si décrié, était très attendue, mais son application technocratique est d'une telle complexité que tout le monde déchante. L'EPRD, je l’ai dit, est voté sans que l’on connaisse toutes les recettes ; de multiples forfaits sont prévus sans transparence ; les contrats d'objectifs, signés sous la contrainte des ARH, brident les bonnes volontés. Si l'activité augmente plus que prévu, les tarifs baissent. La convergence tarifaire n'est pas pour demain, ni même pour après-demain, la Cour des comptes préconisant de ralentir, voire de suspendre sa mise en œuvre. J'en suis à me demander si vous n'allez pas tuer une bonne idée.

Le volet investissement du plan Hôpital 2007 était intéressant, mais vous demandez aux établissements de reverser à l'assurance maladie le prix de la vente de l'immobilier qui contribue habituellement au financement de l'investissement. Quelle logique est-ce là, alors que l'État perçoit déjà la TVA ?

M. le Ministre – Ce n’est pas la même chose, et vous ne l’ignorez pas.

M. Jean-Luc Préel – L'hospitalisation privée demande plus de transparence dans les données comptables et la prise en compte de son rôle réel. Elle souhaite la convergence des tarifs, ce que devait permettre la T2A en intégrant, bien entendu, les honoraires, ce qui permettrait d'harmoniser les rémunérations des personnels.

Au terme de ce quinquennat, notre système de santé est-il sur la bonne voie ? L'UDF ne le pense pas. La crise demeure profonde, les défauts anciens aussi. Le dispositif est toujours très orienté vers le curatif, la prévention et l'éducation à la santé sont toujours aussi négligés, la séparation entre médecine de ville et hôpital et entre sanitaire et médicosocial a été aggravée. Tous les professionnels sont désabusés et inquiets, et les élections aux URML sont à cet égard très éclairantes, et les 2 500 réponses au questionnaire que l'UDF a adressé aux pharmaciens confirment leur grande inquiétude.

L’UDF considère donc qu'il est nécessaire de revoir la réforme, de manière que chacun puisse s'impliquer au niveau régional en étant associé en amont aux décisions et en aval à la gestion dans des conseils régionaux de santé élus. Où en sont les ARS expérimentales que chacun appelle des ses vœux, l'idée étant d'avoir un responsable régional unique pour la santé ? L'UDF souhaite une décentralisation véritable, et récuse absolument l'idée saugrenue d'une agence nationale présidée par le ministre ; où serait le progrès ? On vous attribue pourtant une grande déclaration à ce sujet, Monsieur le ministre.

Pour l'hôpital, nous souhaitons une réelle autonomie des établissements, l'essentiel étant la prise en compte des besoins de la population, une politique de santé de proximité et l'égal accès de tous à des soins de qualité. Nous avons donc encore un long chemin à parcourir pour y parvenir.

La branche retraite sera déficitaire de 2,4 milliards en 2006 et le FSV de 1,2 milliard. En 2007 les déficits prévus sont respectivement de 3,5 milliards et 0,6 milliard. Ils devraient s’aggraver encore au cours des prochaines années pour atteindre quelque 5 milliards en 2009. La réforme des retraites de 2003 n'a donc pas résolu le problème de financement, d'autant qu'elle a ignoré les régimes spéciaux.

Je rappelle que l'UDF avait proposé une gestion paritaire du régime de base et l’extinction progressive des régimes spéciaux. Cette dernière proposition avait été refusée par M. François Fillon ; il est piquant de l'entendre aujourd'hui en réclamer la mise en œuvre. Surtout, l'UDF préconise l'évolution vers une retraite par points, qui permettrait à la fois le libre choix de la date du départ à la retraite et l'équilibre financier du régime.

La prise en charge de la dépendance est un défi majeur. La création de la caisse « autonomie », dans laquelle certains voient l'amorce d'une cinquième branche, a encore compliqué un système qui l’était déjà fortement. Il convient de définir clairement les responsabilités, de se donner les moyens de favoriser le maintien à domicile, en privilégiant la qualité des soins et en l'évaluant. Il faut aussi permettre l’hébergement en établissement adapté lorsqu'il devient indispensable, et financer les soins et la dépendance en fonction de l'état de chaque personne.

En son article 42, le projet prévoit de mieux répartir les crédits des unités de soins de longue durée entre le secteur sanitaire et le secteur médicosocial. Ne devrait-il pas être complété, symétriquement, pour prendre en compte l'état des personnes hébergées en EHPAD alors qu’elles relèvent d’un hébergement en unités de soins de longue durée ?

Pour ce qui est des veufs et des veuves, la réforme de 2003 a pénalisé les jeunes veuves. La commission a fait siens deux de mes amendements, qui tendent à améliorer le sort des conjoints survivants. Je souhaite que vous les acceptiez.

Peu d'articles concernent la branche famille. Je retiendrai que vous voulez supprimer un mois de la PAJE, ce qui n'est guère acceptable.

Il resterait a débattre du financement de la protection sociale, vaste sujet. Le Président de la République avait annoncé une réforme importante pour cette année, mais nous ne voyons rien venir. Pour que notre système de protection sociale dépende moins de l'emploi et que les financements pèsent moins sur le coût du travail, il serait pourtant nécessaire de diminuer les cotisations pour relever le salaire net, et d'aller vers un système mixte fondé sur la CSG et sur une TVA sociale.

Malgré les réformes et l'annonce d'un équilibre en 2007, nous constatons que le projet prévoit un déficit de 10,7 milliards, FFIPSA compris, et que rien n'est prévu pour le financer. Pour la branche santé, l'ONDAM non médicalisé ne pourra être tenu et le conseil d'administration de la CNAMTS a rendu un avis négatif. Tous les secteurs de la santé sont en crise. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Voilà pourquoi, sauf s’il était profondément modifié au cours du débat, le groupe UDF ne pourra voter ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Jean-Pierre Door – Est-ce possible ?

M. le Ministre – Il est dommage que ce qui commençait si bien finisse si mal !

Mme Muguette Jacquaint – Face à la dégradation structurelle des comptes de la sécurité sociale, une campagne idéologique de grande ampleur a été lancée qui tend à réduire les régimes de protection sociale à un filet de sécurité minimal pour les plus modestes, les autres étant incités à recourir à des assurances privées. Voilà qui explique la multiplication des déremboursements et des franchises laissées à la charge des malades. Pourtant, les députés communistes et républicains maintiennent que la situation de la sécurité sociale ne s’améliorera pas tant qu'on se limitera à une maîtrise comptable des dépenses et qu'on se refusera à dégager de nouvelles sources de financement durables au nom de la sacro-sainte stabilité des prélèvements obligatoires.

Le résultat de cette politique nous est présenté aujourd'hui. Les prévisions de déficit pour 2006 restent toujours extrêmement élevées, à près de 10 milliards, dont 6 milliards pour la branche maladie. Comme l'an dernier, toutes les branches du régime général sont déficitaires, et la légère amélioration constatée depuis le déficit historique de l'an dernier est essentiellement due au léger frémissement de la croissance et au sursaut de l'emploi qui a procuré des rentrées fiscales et sociales supplémentaires.

Le président de la République et le Gouvernement avaient promis à l'unisson que 2007 serait l’année du retour à l'équilibre, notamment grâce à la récente loi relative à l'assurance maladie. Pourtant, même les prévisionnistes les plus optimistes sont contraints de constater que la promesse ne sera pas tenue. Dans ce contexte, les dernières préconisations de la Haute autorité de santé, rendues publiques jeudi dernier, sont inquiétantes. Cet organisme consultatif propose en effet le déremboursement total de 89 médicaments et partiel de 44 autres. Des molécules destinées à soulager les personnes âgées – notamment des vasodilatateurs – sont en ligne de mire. Si cet avis était suivi par le Gouvernement, ces nouveaux déremboursements s'ajouteraient à ceux qui ont eu lieu en 2003 et l’an dernier.

Faute de réformer en profondeur le financement de la sécurité sociale, le Gouvernement se limite à rechercher des recettes tous azimuts, sans grande cohérence, et le plus souvent au détriment des malades. Ainsi, alors que le forfait hospitalier n'était que de 10 euros il y a quelques années, il est prévu de le faire passer de 15 à 16 euros, et d’instaurer un « reste à charge » de 18 euros pour les actes lourds. Ces mesures sont très coûteuses pour les patients. De même, le Gouvernement poursuit sa politique de « maîtrise médicalisée » de la dépense, l'objectif étant de contenir les prescriptions de produits notamment pour les maladies de longue durée, sans prendre le moins du monde en considération l'avis de la Cour des comptes qui montre que, depuis 1999, ces mesures n’ont pas fonctionné.

En effet, les médecins ne tiennent pas les engagements souscrits par leur syndicats, malgré des revalorisations tarifaires représentant deux milliards d’euros par an.

Enfin, le Gouvernement se livre à un tour de passe-passe entre les comptes de la sécurité sociale et ceux de l’État afin de compenser la suppression de 370 millions de cotisations patronales au titre du SMIC. Et encore cette compensation n’est-elle que partielle : l’exonération des charges sociales continue de peser sur les comptes de la sécurité sociale, à qui je rappelle que l’État doit cinq milliards.

En outre, vous offrez un beau cadeau aux laboratoires pharmaceutiques en diminuant leur contribution de 1,76 % à 0,76 % de leur chiffre d’affaires, alors que leur situation financière est florissante !

J’en viens aux dépenses. La lutte contre les abus et les fraudes est un objectif louable, mais ce sont à nouveau les plus défavorisés qui souffriront du contrôle toujours plus strict de la condition de résidence. Et combien coûtera l’installation du comité national de lutte contre les fraudes ?

D’autre part, face à la situation dramatique de nos établissements de santé, dont les deux tiers sont en déficit, la Fédération hospitalière de France réclamait une progression de l’ONDAM de 4,21 % ; le Gouvernement la limite pourtant à 3,5 %, soit un écart de 700 millions d’euros. L’offre de soins poursuivra sa chute, des établissements de proximité fermeront, des emplois seront perdus et des carrières stagneront. Dans le même temps, vous persistez à développer la tarification à l’activité qui entraîne la sélection des malades et l’explosion des tarifs.

M. le Ministre – C’est faux !

Mme Muguette Jacquaint – Une ligne de faille se dessine entre le privé spécialisé, rentable et très technique, et le public cantonné à l’urgence et à la prise en charge des plus défavorisés.

Selon les propres chiffres du ministère de la santé, un tiers des chômeurs et 18 % des ouvriers renoncent souvent aux soins médicaux pour des raisons financières. Pourtant, vous proposez de réduire encore les dépenses et menacez ainsi notre régime de sécurité sociale. Au contraire, nous proposons de le soutenir en assurant un égal accès pour tous à une médecine de qualité et de proximité. Pour financer cet effort, il faut augmenter les cotisations patronales et créer une nouvelle cotisation sur les revenus financiers des entreprises et des banques – juste retour des choses, puisque les exonérations patronales atteindront 25,6 milliards en 2007 !

Le redressement de la sécurité sociale implique aussi l’augmentation des salaires et le recul de la précarité : la protection sociale, en effet, dépend des revenus du travail. Ainsi, la réforme Douste-Blazy, qui instaurait une médecine à deux vitesses en faisant le lit des assurances et des grandes cliniques privées, doit être abrogée. Pour rompre avec cette gestion libérale, nous défendrons également des amendements visant à instaurer un remboursement intégral, à abandonner le plan « Hôpital 2007 » et la tarification à l’activité, à lancer un plan d’urgence pour former 40 000 infirmiers et 9 000 médecins par an, et enfin à créer un pôle public du médicament. Leur rejet nous contraindra à voter contre votre texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Pierre Door – La réforme de la sécurité sociale de 2004, temps fort de cette législature, a permis le retour à l’équilibre du régime général et la modernisation de notre politique de santé : maîtrise médicalisée, évolution des comportements, développement de la prévention et maintien d’un haut niveau de protection sociale sont les clefs de sa réussite. Le Gouvernement a fait le choix de la responsabilité face à la démagogie. Le succès du parcours de soins et du médecin traitant est un pied de nez aux Cassandre de tous bords : un cinquième des consultations seulement se fait désormais hors parcours. Les Français, d’ailleurs, ne s’y trompent pas : ils sont fiers de leur système de santé.

Le déficit de la branche maladie était de 11,6 milliards en 2004 ; en 2007, il pourrait bien passer sous le seuil de 3,9 milliards, grâce à la réduction accélérée des soins de ville, des dépenses de médicaments et des indemnités journalières. Pour la première fois depuis neuf ans, l’implication de tous les acteurs de santé a permis de respecter l’ONDAM de soins de ville !

M. le Ministre – Tout à fait !

M. Jean-Pierre Door – Certains, pourtant, nous refusent toujours leurs encouragements… La feuille de route exposée par ce projet de loi permettra de poursuivre le redressement des comptes du régime général : l’accroissement de la masse salariale dynamisera les recettes, auxquelles s’ajouteront 160 millions au titre du transfert des droits du tabac – même si cette somme aurait pu être plus importante encore. La taxation de l’industrie pharmaceutique baisse de 1,76 % à 1 %, cependant que la contribution des grossistes répartiteurs augmente.

M. Jacques Desallangre – Cadeau !

M. Jean-Pierre Door – Fort de ses succès, le Conseil stratégique des industries de santé, outil essentiel à l’avenir de notre industrie pharmaceutique, reprendra bientôt ses travaux.

M. le Ministre – Oui, dès le mois de décembre.

M. Jean-Pierre Door – Je vous rappelle enfin, Monsieur le ministre, la proposition que je vous avais faite l’an dernier de créer un groupe de travail parlementaire sur le financement de la protection sociale.

J’en viens aux dépenses. Je m’interroge sur la détermination à 0,8 % du sous-objectif de soins de ville.

M. le Ministre – Il était à 0,9 % l’an dernier !

M. Jean-Pierre Door – Ce sont les médecins et les infirmières qui font la médecine.

M. le Ministre – Nous avons toujours fait confiance aux professionnels !

M. Jean-Pierre Door – Je sais votre engagement à agir contre la désertification médicale, les inégalités territoriales et le déficit de la permanence des soins. Le secteur ambulatoire a pleinement participé à la maîtrise des prescriptions : l’objectif de 0,8 % doit être relevé. Je vous remercie, Monsieur le ministre, de nous avoir entendu et de desserrer l’étau, comme l’a proposé la commission.

L’ONDAM hospitalier, fixé à 3,5 %, permettra de faire face à l’accroissement de la masse salariale et de poursuivre le plan « Hôpital 2007 ». De même, la tarification à l’activité franchit une nouvelle étape avec l’objectif intermédiaire de 50 %. L’hospitalisation privée, quant à elle, souffre du prélèvement inattendu qu’elle a subi en octobre dernier, mais vous pourrez sans doute confirmer qu’il était exceptionnel. D’autre part, la commission a adopté un bon amendement visant à créer l’observatoire économique de l’hospitalisation publique et privée.

Vos services évaluent l’écart de rémunération nette entre personnels de la fonction publique hospitalière et personnels du secteur privé à 12 %.

M. le Ministre – Je l’ai déjà dit : ce n’est pas une fatalité !

M. Jean-Pierre Door – En effet, vous avez promis d’y remédier.

L’ONDAM médicosocial représente un effort considérable à l’endroit des personnes âgées et handicapées, avec une augmentation de 6,5 % qui permettra la création de 6 000 places en services de soins infirmiers à domicile et de 5 000 lits en établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes.

Ce PLFSS parfaitement équilibré comporte des mesures intéressantes, telles que l’assouplissement des obligations des assurés en cas d’arrêt de travail, qui leur facilitera le quotidien, ou l’autorisation pour les infirmiers de prescrire des dispositifs médicaux…

M. le Ministre – Enfin !

M. Jean-Pierre Door – …ce qui évitera des consultations itératives pour des renouvellements d’ordonnances. À quand la même possibilité pour les pharmaciens, surtout dans les zones fragiles ?

M. le Ministre – En ont-ils parlé avec les médecins ?

M. Jean-Pierre Door – Le plan médicament est également poursuivi, qu’il faut étendre aux prescriptions hospitalières. À propos de médicament, je proposerai un amendement visant à renforcer leur traçabilité tout au long de la chaîne, pour faire face à des cas soit de malfaçon, soit de fraude ou de trafic. La création d'un comité national de lutte contre les fraudes, qui s’intéressera, lui, aux malhonnêtetés volontaires et au trafic de médicaments, est aussi parfaitement légitime. La participation financière à la permanence des soins ou à la construction de maisons médicales ainsi qu’au développement des réseaux est maintenue dans le fonds d’aide à la qualité des soins de ville, et le fonds de modernisation des établissements soutiendra l'investissement dans le cadre du plan Hôpital 2007. Je ne peux aussi être que favorable à la création du fonds Biotox, pour les situations sanitaires exceptionnelles. C’est primordial pour permettre à la France de continuer sa préparation exemplaire face à des menaces telles que celle du virus H5N1.

La MECSS avait rendu en 2005 son rapport sur la gestion et l'organisation de la sécurité sociale, et je note avec satisfaction que certaines de ses préconisations ont été reprises dans la convention d’objectifs et de gestion 2006-2009. Pierre Morange et moi proposerons par amendement de créer un répertoire national identifiant avec numéro unique, afin de simplifier les démarches administratives interbranches et de mutualiser de nombreux moyens de fonctionnement pour améliorer la gestion et la qualité du service rendu aux assurés.

Nombreux sur le terrain, professionnels comme assurés, saluent votre courage, Monsieur le ministre, autant que votre ambition de vouloir remettre à flot notre système de santé. Votre approche est aux antipodes de celle de l'opposition. Il est vrai que le programme socialiste ne contient guère de propositions, à part des mesures de contrainte en matière d’installation ou l’ouverture de 500 maisons de santé – mais on ne sait pas sous quel statut… Comme le président Dubernard, j’ai l’exemple d’une maison médicale de garde, sur ma commune, qui associe 53 médecins libéraux. C’est une des premières en France et l’expérience est réussie, grâce à l’implication des médecins, que le maire que je suis ne peut que remercier.

Le groupe UMP, sans aucune autosatisfaction, constate les résultats encourageants de la réforme de 2004, notamment dans le domaine de l’ambulatoire. Continuons dans cette voie sans relâcher nos efforts et en privilégiant la maîtrise médicalisée, y compris dans le tissu hospitalier. C’est ainsi que nous permettrons à notre excellent système d’assurance maladie de perdurer. Le groupe UMP votera avec enthousiasme ce dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale d’une législature qui aura eu le courage de sauvegarder ce système cher à tous. Cette réforme restera dans l'histoire politique de la sécurité sociale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pascal Terrasse – À l’évidence, M. Door et moi n’avons pas lu le même texte. Il nous a décrit un projet équilibré.

M. le Ministre – C’est vrai !

M. Pascal Terrasse – Mais on nous demande de voter un budget en déséquilibre de 8 milliards ! Sans compter quelques autres milliards, comme pour le FSV par exemple… Il n’est pas sérieux de faire voter un ONDAM de 2,5 % alors que tous les spécialistes s’accordent sur un chiffre de 3 % : raisonnablement, en tenant compte du vieillissement de la population, des nouvelles technologies et de la croissance, descendre en dessous serait un recul. Ce chiffre de 3 % est fondé sur des dépenses objectives, contenues dans un panier largement partagé par les spécialistes. Votre ONDAM ne couvrira pas les besoins nécessaires au simple bon fonctionnement de l’assurance maladie.

La loi de 2004, cet « acte fondamental », devait résoudre le problème du déficit de l’assurance maladie. M. Douste-Blazy avait évoqué alors une triple crise : financière, de légitimité et d’organisation. Mais votre bilan est un triple échec : politique, social et financier. Du point de vue politique d’abord, les urgentistes étaient encore en grève aujourd’hui – un mouvement particulièrement suivi.

M. le Ministre – 1,21 % !

M. Pascal Terrasse – L’hôpital public est asphyxié par des sous-dotations : c’est la Fédération hospitalière de France qui le dit.

M. le Ministre – C’est faux ! On n’a jamais vu un hôpital fermer le 30 novembre !

M. Pascal Terrasse – Peut-être, mais nombre d’entre eux ont voté des budgets en déficit. Les médecins ont rejeté massivement les conventions relatives au médecin référent – je n’ai pas besoin de vous rappeler le résultat des élections aux unions régionales des médecins libéraux. Les pharmaciens et les laboratoires pharmaceutiques se plaignent de n’avoir aucune visibilité. Restent évidemment les cliniques privées : nous pensions qu’elles au moins seraient satisfaites de la réforme de la tarification, mais elles manifestaient leur mécontentement devant l'Assemblée il y a quelques instants ! Aujourd’hui, l’essentiel des professions de santé récusent donc votre politique.

M. le Ministre – C’est faux !

M. Pascal Terrasse – Un échec social ensuite : les assurés voient les praticiens dépasser les honoraires.

M. Jean-Paul Bacquet – C’est scandaleux !

M. Pascal Terrasse – Ils voient les files d’attente s’allonger. L’aide médicale de l’État a été remise en cause par vos propres services.

M. le Ministre – Démontrez-le !

M. Pascal Terrasse – Enfin, c’est un échec financier. Nous n’avons pas l’intention de comparer les ministres entre eux – MM. Bertrand, Douste-Blazy et Mattei.

M. Jean-Paul Bacquet – Il n’y a pas photo !

M. Pascal Terrasse – Il est vrai que le ministre actuel est sans doute le moins pire des trois, mais il n’est que l’exécuteur testamentaire d’un projet de loi porté par son prédécesseur. Nous ne comparerons pas non plus les déficits d’une année sur l’autre.

M. le Ministre – Pourtant, 4 milliards au lieu de 16…

M. Pascal Terrasse – Ce qu’il faut comparer, c’est le bilan de votre législature par rapport à celui de la gauche. Dans cette perspective, un audit indépendant sur les déficits serait fort utile.

M. le Ministre – Je ne demande que ça ! Comparons sans réforme et avec réforme !

M. Pascal Terrasse – Je serais très heureux que vous acceptiez le principe d’un audit indépendant.

M. le Ministre – Et la Cour des comptes, elle n’est pas indépendante ?

M. Pascal Terrasse – Justement ! Elle établit le déficit cumulé, sous votre législature, à 50 milliards, qui sont renvoyés à la CADES. Concrètement, nous nous faisons soigner à crédit et c’est l’enfant à naître qui paiera ! Vous avez inventé l’impôt sur les naissances.

M. le Ministre – Nous avons inventé la PAJE !

M. Pascal Terrasse – C’est sur ce bilan que l’on jugera votre gouvernement.

Il faudra aussi vous expliquer sur certains de vos propos. Le président de la commission, Jean-Michel Dubernard, a un jour parlé du transfert des dettes pour 2004, 2005 et 2006 à la CADES en reconnaissant que ce n’était pas une bonne méthode de gestion, mais en disant que le retour à l’équilibre en 2007 permettrait de retrouver un peu de sérénité. Où on sommes-nous ? Et M. Douste-Blazy, répondant à Jean-Marc Ayrault, avait dit qu’il obtiendrait quinze milliards de ressources nouvelles ainsi que le retour à l’équilibre en 2007.

M. le Ministre – Le retour vers l’équilibre !

M. Pascal Terrasse – Il a bien parlé de 15 milliards de ressources nouvelles et d’un retour à l’équilibre dès 2007.

M. le Ministre délégué – Vers l’équilibre !

M. Pascal Terrasse – Quant à M. Bertrand, il a dit que d’ici à la fin 2006, chaque Français devait pouvoir disposer d’un dossier médical personnalisé.

M. le Ministre – Il y en a 30 000 !

M. Pascal Terrasse – 30 000 personnes, ce n’est pas 60 millions !

M. le Ministre – C’est pour 2007.

M. Pascal Terrasse – Où en est la mise en place du DMP, notamment après les amputations des crédits du FASQ qui devait y consacrer 195 millions ?

M. Bertrand disait aussi le 29 juin qu’il y aurait équilibre en 2007, et que tout transfert de charges entre l’État et l’assurance maladie devait être compensé. Ce n’est pas le cas. Pourquoi ?

À propos des rapports, difficiles, entre les professionnels et les caisses, comment allez-vous financer l’augmentation des honoraires, qui n’est pas prévue dans la loi ?

M. le Ministre – Et comment cela s’est-il passé cette année ?

M. Pascal Terrasse – Pensez-vous nécessaire de faire passer la consultation de généraliste au niveau de celle de spécialiste ?

M. le Ministre – Et vous, qu’en pensez-vous ?

M. Pascal Terrasse - M. Douste-Blazy avait aussi annoncé que les empreintes des titulaires figureraient sur toutes les cartes Vitale. Où en est-on ? (le ministre et le ministre délégué brandissent leur carte Vitale) Vous l’avez, mais peu de gens sont dans ce cas.

Ensuite, que pensez-vous des propositions du président de l’UMP, notamment sur l’application d’une franchise à tous les soins ? Partagez-vous aussi son opinion sur la mise en place des ARS ? Nous l’avions proposé, vous l’avez refusé.

M. le Ministre – Je n’ai jamais refusé !

M. Pascal Terrasse – J’en viens à quelques propositions socialistes. Pour nous, il faut en terminer avec le médecin traitant.

M. Pierre-Louis Fagniez, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour les recettes et l’équilibre général – Plus de médecin traitant ?

M. le Ministre – C’est démagogique.

M. Pascal Terrasse – Nous sommes pour un parcours de soins renouvelé avec un autre mode de rémunération, plus moderne que la rémunération à l’acte. M. Dubernard a essayé de vous l’expliquer.

Nous souhaitons aussi que les évaluations médicales se mettent en place rapidement, que la formation universitaire évolue, notamment pour la médecine de soins primaires.

M. le Ministre – Là-dessus, vous êtes en retard !

M. Pascal Terrasse – Il faut trouver un système permettant une meilleure répartition des professionnels de santé sur l’ensemble du territoire et poser la question de l’obligation de s’installer dans des zones déficitaires.

M. le Ministre – Vous n’en ferez pas une question, mais une réponse, et une mauvaise réponse.

M. Pascal Terrasse – Nous proposons la création d’une carte santé jeunes, d’un service public de la médecine du travail, la relance d’un véritable plan de santé mentale,…

M. le Ministre – Vous proposez de casser la médecine libérale !

M. Pascal Terrasse – …car ce n’est pas au ministre de l’intérieur d’en décider.

Nous récusons la tarification à l’activité, qu’il faut moduler…

M. le Ministre – C’est le contraire du programme socialiste !

M. Pascal Terrasse – C’est moi qui l’ai écrit, je vous le ferai livrer demain.

Nous voulons ouvrir des maisons de santé et des maisons médicales. Nous sommes favorables à une loi sur l’assistance médicale pour mourir dans la dignité. Nous rétablirons l’AME que vous avez supprimée.

M. le Ministre – C’est faux ! C’est une mystification !

M. Pascal Terrasse – Nous sommes pour une véritable politique contre les addictions et pour l’élaboration d’un plan de lutte contre les maladies chroniques et les cancers.

J’aurait grand plaisir à vous faire livrer l’ensemble des propositions du parti socialiste. Vous y vérifierez que ce que j’ai dit est ce que j’ai moi-même écrit. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre – De la main droite ou de la main gauche ?

M. Jacques Desallangre – Rappelons d’abord que l’accès aux soins de qualité pour tous et sur tout le territoire est un droit fondamental et un élément essentiel de notre pacte social. La sécurité sociale symbolise cet idéal de solidarité républicain.

Or, elle est en crise. Depuis cinq ans le déficit se creuse, alors qu'il se réduisait avant 2002. Depuis son arrivée, la droite a endetté la sécurité sociale de 56 milliards et cette année, plus de 11,4 milliards d'euros manqueront dans les caisses, tandis que les exonérations en tous genres s'élèvent à 25,6 milliards pour la seule année 2007 et progressent de 13 % en 2 ans.

Devant la crise du financement, par hausse continue des dépenses et difficultés pour les recettes, les logiques libérales de réduction des dépenses publiques sociales ont toutes échoué. Depuis plus de 13 ans, vous réduisez les remboursements, sans venir à bout du déficit. Gardons-nous de demander, comme Monsieur Bas, une nouvelle réduction des dépenses, ou de croire à la prévision de l’OFCE selon laquelle le plein emploi est de nouveau d’actualité.

L'égalité d'accès aux soins n'est pas un acquis, mais un combat et les inégalités se creusent à nouveau. L'assurance maladie couvre globalement 75 % des dépenses. Depuis 20 ans, la part croissante laissée à la charge des patients empêche une partie d’entre eux de se soigner. Faute de moyens financiers suffisants, 14 % de la population et 30 % des chômeurs ont déjà renoncé à des soins.

Si nous ne surmontons pas ces difficultés financières, certains proposeront d'instaurer un système inégalitaire, à l'américaine, où chacun se paie la médecine qu'il peut et non celle dont il a besoin.

Je proposerai donc deux réformes préservant nos valeurs et assurant l'équilibre.

En 1946, prélever des cotisations sur les salaires suffisait pour couvrir les dépenses. Mais le chômage de masse et la diminution de la part du travail dans la création de richesses ont réduit comme peau de chagrin l'assiette de financement du régime. Les gouvernements sont restés passifs face au déficit de recettes. Pourtant, le mal profond de la sécurité sociale est bien là. De 73 % il y a vingt ans, la part des salaires dans la valeur ajoutée est passée à 60 % et continue de décroître régulièrement. Dans le même temps, les gains de productivité ont quasiment permis de doubler le PIB, qui devrait encore doubler lors des vingt prochaines.

Dès lors, il est absurde de prétendre réformer le financement de la sécurité sociale en continuant à faire reposer les recettes sur la seule masse salariale. La seule solution à long terme consiste à élargir l'assiette de cotisations à la richesse produite.

Nous obtiendrions ainsi une meilleure répartition de l'effort et les entreprises participeraient à hauteur de leur réelle capacité contributive et non plus proportionnellement à leur intensité de main-d'œuvre.

En second lieu, j’ai présenté une proposition de loi pour créer une taxe sur les produits importés de pays extra-européens où se pratique le dumping social. Cette taxe différentielle freinerait aussi les délocalisations, et créerait les conditions d'une juste concurrence en compensant la différence de traitement social entre les salariés français ou européens et ceux de ces pays.

En prélevant une juste part de la solidarité sur la richesse là où elle se trouve et parfois là où elle se cache, nous aurions la sécurité sociale que cette richesse nationale permet de financer (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. le Ministre – Au moins, il y a des idées.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, mercredi 25 octobre, à 15 heures.
La séance est levée à 0 heure 30.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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ordre du jour
du mercredi 25 octobre 2006

QUINZE HEURES – 1re SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 (n° 3362).

Rapport (n° 3384 tomes I à V) de MM. Pierre-Louis Fagniez, Jean-Marie Rolland, Mme Marie-Françoise Clergeau et M. Denis Jacquat, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Avis (n° 3388) de M. Yves Bur, au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du Plan.

VINGT ET UNE HEURES TRENTE - 2e SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l’ordre du jour de la première séance.

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