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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du mardi 31 octobre 2006

Séance de 15 heures
15ème jour de séance, 31ème séance

Présidence de M. Jean-Louis Debré

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La séance est ouverte à quinze heures.

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vingt-cinquième anniversaire de la première retransmission télévisée des séances de questions au Gouvernement

M. le Président – Mes chers collègues, je voudrais saluer en votre nom tous les téléspectateurs qui depuis vingt-cinq ans, assistent à nos séances de questions au Gouvernement. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement applaudissent longuement) En effet, le service public retransmet nos séances depuis le 28 octobre 1981 à quinze heures. Je remercie en votre nom le personnel de la société France 3 pour la qualité de son service, et je salue tout particulièrement M. Fernand Tavares, qui a commenté nos séances pendant très longtemps, et Mme Martinaud qui a pris sa succession. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent)

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

incendie d’un autobus À marseille

M. Dominique Tian – Dans la soirée de samedi à dimanche, à la suite d’un incident avec une conductrice de la Régie des transports marseillais, de jeunes voyous incendiaient un bus pour se venger, transformant en torche vivante une étudiante franco-sénégalaise, Mama Galledou. Ce geste odieux a profondément révolté la France entière et les Marseillais. Marseille a en effet une longue tradition d’accueil et de tolérance, et la municipalité de Jean-Claude Gaudin a fait de l’intégration et de la mixité sociale une priorité absolue. Vous avez organisé hier, Monsieur le Premier ministre, une réunion de crise à Matignon avec Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur, Dominique Perben, ministre des transports, et les présidents d’entreprises de transports publiques et privées. Quelles sont les principales mesures qui ont été décidées pour lutter contre l’insécurité dans les transports publics ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique de Villepin, Premier ministre  Comme tous les Français, j’ai été profondément choqué par l’agression barbare de Marseille. Vous me permettrez d’avoir une pensée émue pour Mama Galledou, cette jeune femme qui se trouve toujours entre la vie et la mort. Face à ces violences inacceptables, le Gouvernement a immédiatement réagi. Dès hier, j’ai présidé une réunion de travail avec Nicolas Sarkozy, Dominique Perben et les principaux responsables des transports publics. La priorité, c’est bien l’interpellation : les auteurs présumés ont été arrêtés ce matin à Marseille, et il y a quelques jours à Grigny. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe socialiste) Nous avons pris de nouvelles mesures opérationnelles lors de la réunion : renforcement des forces de police, organisation de patrouilles sur les lignes de transports urbains les plus sensibles, développement de la vidéosurveillance et de la localisation par GPS. Concernant Marseille, je vous confirme que l’unité de sécurisation des transports en commun sera renforcée. Nous avons prévu par ailleurs une nouvelle incrimination pour guet-apens, afin de poursuivre tous ceux qui participent à une embuscade et qui l’encouragent. La police spécialisée en matière de transports, créée en 2002 en Île-de-France et aujourd’hui déployée dans plusieurs villes, sera renforcée. Le Gouvernement poursuivra sa mobilisation en matière de sécurité sur tous les fronts. Depuis 2002, avec leministre d’État Nicolas Sarkozy, la délinquance générale a baissé de près de 9 % (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) et le taux d’élucidation a progressé de plus de 40 % (Mêmes mouvements) Nous devons encore améliorer ces résultats. Le projet de loi de prévention de la délinquance ouvrira des perspectives nouvelles : il renforcera la coordination des acteurs locaux autour du maire et adaptera les dispositifs pour les mineurs, en créant une présentation immédiate devant le juge des enfants. Il nous faut aussi encourager les comportements citoyens.

La lutte contre l’insécurité est bien l’affaire de tous. Le recours aux témoignages, la mesure d’appel à témoin sous X avec un anonymat et une protection totale du témoin, démontrent leur efficacité dans les enquêtes judiciaires. Cette action va de pair avec une politique ambitieuse de réduction des inégalités : jamais gouvernement n’aura tant œuvré en ce sens; jamais nous n’aurons consacré autant de moyens à la cohésion sociale. Face à l’insécurité, il faut nous rassembler. Ce que les Français attendent, ce sont des solutions et des résultats propres à garantir à tous la sécurité et la tranquillité publiques, c’est-à-dire le respect de nos libertés fondamentales. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDF)

incendie d’un autobus À marseille

Mme Sylvie Andrieux – Samedi soir, Monsieur le Premier ministre, les Français ont été bouleversés par l’horreur de ce guet-apens tendu, dans le treizième arrondissement de Marseille, à un bus piloté par une conductrice particulièrement courageuse qui ramenait des étudiants de la faculté de Saint-Jérôme. En proie aux flammes, le véhicule a transformé Mama Galledou, une jeune et sérieuse étudiante française d’origine sénégalaise vêtue d’un survêtement en acrylique, en torche vivante. Brûlée à 70 %, Mama lutte toujours contre la mort à l’hôpital de la Conception. La communauté étudiante et enseignante de sa faculté s’est réunie ce matin, à l’initiative du doyen, pour lui témoigner son émotion et sa solidarité ; et elle mérite l’hommage de la représentation nationale. (Applaudissements sur les tous les bancs) Nous apprenons par le Premier ministre que la police a arrêté les auteurs de ce crime, et nous nous en félicitons. Les peines encourues et méritées pour ce type de crimes – quinze ans de prison pour les moins de seize ans, trente ans pour les plus de seize ans, perpétuité pour les majeurs – n’ont pas suffi à les dissuader. Dès lors, on peut se demander si tout a été tenté, d’autant que la police de proximité, qui agissait au cœur de la cité de la Savine, a été supprimée. Il y a quelques jours à peine, sur le village de Sainte-Marthe, le bijoutier de la Rose a été assassiné à l’ouverture de son magasin.

Hier, c’était le boulanger du Canet… Nous constatons, au-delà de la crise des banlieues, une montée de la violence dans notre société. Comme l’ont suggéré nombre d’élus de tous bords, il est urgent de créer une commission d’enquête sur la situation dans les banlieues.

Monsieur le Premier ministre, quelles mesures entendez-vous prendre pour lutter efficacement contre la violence devenue insupportable pour nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président – La parole est à M. Estrosi. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. François Hollande – C’est au Premier ministre de répondre !

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire  Je vous prie d’excuser Nicolas Sarkozy, qui est retenu par des impératifs internationaux.

Plusieurs députés socialistes – Il est ministre à mi-temps !

M. le Ministre délégué – Je vous remercie, Madame Andrieux, pour la mesure de votre question…

M. Jean Glavany – Vous n’en faisiez pas preuve lorsque vous étiez dans l’opposition !

M. le Ministre délégué – Je m’associe aux propos du Premier ministre…

Mme Martine David – Il devrait faire l’effort de répondre à tous les groupes !

M. le Ministre délégué – …et je voudrais à mon tour avoir une pensée pour Mlle Galledou, qui souffre, en cet instant, au plus profond de sa chair. De telles agressions sont inqualifiables.

Depuis 2002, nous avons créé des services spécialisés dans les transports ferroviaires, en Île-de-France, à Marseille, à Lyon et à Lille, et, au début de cette année, nous les avons renforcés en créant un service national de police ferroviaire. Le Premier ministre réunissait hier l’ensemble des autorités organisatrices de transports, qui ne sont pourtant pas de nos amis politiques,… (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Hollande – Qu’est-ce que cela veut dire ?

M. le Ministre délégué – … lesquelles se réjouissaient de voir que, grâce à ces initiatives, la délinquance dans les transports avait baissé de 8 %... !

M. Jean-Louis Bianco – Mais oui, tout va bien !

M. le Ministre délégué – …alors qu’elle avait augmenté de 30 % entre 1997 et 2002. Dans le prolongement de l’action du Premier ministre, jeudi soir, le ministre d’État a réuni l’ensemble des organisations de transports pour proposer que les bus circulant dans les quartiers difficiles soient accompagnés de patrouilles de policiers et de gendarmes. Des liaisons permanentes des machinistes avec les salles de commandement sont également prévues. Enfin, des contrats locaux de sécurité spécifiques aux transports pourront être conclus dans tous les départements. À Marseille, ce matin, conformément aux engagements du ministre d’État, qui avait promis que, sous moins de 48 heures, des suspects seraient interpellés, cinq individus ont été appréhendés. Trois ont à peine plus de 17 ans et les deux autres ont à peine plus de 15 ans. Cela démontre, Madame la députée, qu’il ne faut pas que vous vous étonniez qu’à force d’entretenir le culte de l’angélisme et celui de l’excuse (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) à l’égard des délinquants, fussent-ils mineurs, nous en arrivions à de tels actes de barbarie. Nous veillerons à ce que les poursuites engagées soient menées sans faiblesse et à ce que des sanctions appropriées soient prises. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Réchauffement climatique

M. Gilles Artigues – Après de multiples appels émanant de spécialistes et de personnalités – comme l'ancien vice-président américain Al Gore –, c’est au tour de M. Nicholas STERN d'alerter l'opinion publique internationale sur le risque majeur que représente, pour la planète, le réchauffement climatique. Dans le rapport qu'il vient de publier à la demande de Tony Blair, cet ancien économiste de la Banque mondiale estime que « le réchauffement climatique va aboutir à des dérèglements de l'activité économique et sociale comparables à ceux qui ont suivi les plus grandes guerres et la grande dépression de la première moitié du XXe siècle ». Il évalue, d'ores et déjà, la facture à 5 500 milliards d'euros.

Ce rapport place aussi « la responsabilité de l'action entre les mains de ceux qui gèrent l'économie et la politique étrangère », et non plus dans celles des scientifiques. Le ministre britannique de l'économie, M. Gordon Brown, a annoncé une loi fixant un nouvel objectif de 60 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050 et appelant à la naissance d'une « économie mondiale à faible teneur en dioxyde de carbone ».

Monsieur le Premier Ministre, le groupe UDF souhaite connaître les initiatives que la France compte prendre, sur son territoire, au sein de l'Union européenne et dans le cadre des relations internationales, pour que nous puissions léguer à nos enfants une planète vivable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l’industrie Le Gouvernement salue la parution du rapport de M. Stern, même si ses conclusions ne sont guère surprenantes. Comme chacun le sait, au sommet de Johannesburg, en 2002, le Président de la République avait été l’un des premiers à alerter les nations sur ces enjeux en lançant une phrase que nul n’a oubliée : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. »

M. François Hollande – Avant qu’il agisse, elle sera consumée !

M. le Ministre – Nous sommes heureux que d’autres partagent désormais nos préoccupations. Le Premier ministre a souhaité que nous menions une politique volontariste…

Mme Chantal Robin-Rodrigo – Baratin !

M. le Ministre – Et nous sommes du reste bien placés. La France est en effet aux tous premiers rangs pour ce qui concerne les émissions de dioxyde de carbone par habitant, avec un taux inférieur de 40 % à la moyenne mondiale. L’engagement de notre pays dans le nucléaire y est pour beaucoup. Elle s’est en outre clairement engagée à respecter les exigences de Kyoto et l’étape de 2012. Bien entendu, nous continuons à préparer l’avenir. À ce titre, nous nous sommes engagés à diviser par quatre nos émissions de GES d’ici à 2050. Par ailleurs, à la demande de Nelly Olin et de François Loos, Christian de Boissieu a remis un rapport dont les conclusions sont comparables à celles de M. Stern.

Le Gouvernement poursuit son action en faveur des énergies alternatives. Ainsi, je rends hommage à votre Assemblée d’avoir approuvé à l’unanimité la mise à disposition du flex fuel, le cycle de l’éthanol permettant de réaliser 60 % d’économie sur le cycle du carbone. Bien entendu, nous n’en resterons pas là. Il faut renforcer la coopération internationale pour inciter la Chine, l’Inde ou les États-Unis à partager l’effort avec l’Union européenne. À la demande du Premier ministre, c’est la position que défendra la France dans quinze jours, à la conférence de Nairobi sur le climat. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

INCENDIE D’un AUTOBUS À marseille

M. Frédéric Dutoit – En ce moment, Mlle Mama Galledou est toujours entre la vie et la mort. Elle a été victime d'un acte ignoble, barbare, samedi soir, à Marseille. Un acte que je condamne avec la plus grande fermeté. Les auteurs doivent être sévèrement condamnés, à la mesure de l'atrocité qu'ils ont commise. Aussi, Monsieur Estrosi, arrêter et condamner les coupables, c’est bien ; éviter les drames, c’est mieux ! (« Démago ! » sur les bancs du groupe UMP)

À l'instant où je m'adresse à vous, j'ai une pensée pour cette jeune étudiante, pour sa famille dont la dignité force le respect face à l'épreuve sans nom qu'elle traverse. Je pense à tous ces jeunes révoltés par cette haine qui leur est étrangère. Les habitants de ces quartiers n'en peuvent plus. Les citoyens de France sont légitimement excédés. Oui, notre pays a besoin d’une police républicaine assurant la sécurité au plus près de nos concitoyens et non d’une politique qui stigmatise des jeunes des quartiers populaires dans une surenchère nauséabonde, propre à entretenir la violence.

À Marseille, il manque 200 fonctionnaires de police, et 50 agents à la régie des transports pour renforcer la présence humaine sur les réseaux.

Oui, il faut décréter l’urgence sociale dans les quartiers populaires.

M. Guy Teissier – Récupération politique !

M. Frédéric Dutoit – Il faut dégager les moyens financiers et humains exceptionnels d’un vaste plan de reconquête et de modernisation des services publics dans l’éducation, l’emploi, le logement, la santé et la police de proximité. Il faut investir dans la jeunesse, lui faire confiance et le lui dire pour qu’elle retrouve foi en elle et en son pays, qui lui tourne trop souvent le dos. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Engager le pays dans cette nouvelle direction est une urgence républicaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur certains bancs du groupe socialiste)

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire  Tout comme vous, nous souhaitons des sanctions exemplaires. Mais ce n’est pas la politique que vous avez toujours soutenue, loin s’en faut ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) Vous parlez de la jeunesse en général. Mais ce que ne supportent plus les habitants de nos quartiers, c’est qu’une minorité de caïds leur rende la vie impossible. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Roy - Vous avez eu cinq ans !

M. le Ministre délégué  N’essayez pas de faire croire qu’il y aurait eu une augmentation de la délinquance, quand, sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy et de Dominique de Villepin au ministère de l’Intérieur, elle a baissé de 9 % depuis 2002, alors que sous votre majorité, elle avait augmenté de 14,8 %. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Grâce aux groupements d’intervention régionaux, nous avons commencé à démanteler les réseaux mafieux dans les cités, les trafics de drogue, de voitures, d’êtres humains (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) lesquels sont le fait d’une toute petite minorité qui rend impossible la vie d’honnêtes citoyens qui se lèvent tôt pour aller au travail.

Monsieur Dutoit, vous avez refusé de voter la loi de sécurité intérieure dans laquelle nous cherchions à compenser la suppression de 9 000 postes de policiers qui était la conséquence du passage aux 35 heures, la loi contre le terrorisme, la loi pour l’immigration choisie. Le Sénat examine en première lecture le projet de loi contre la délinquance des mineurs. Il viendra devant l’Assemblée nationale fin novembre. J’espère que vous voterez ces dispositions proposées par le Premier ministre et le ministre de l’Intérieur pour que, là où la police fait son travail, de véritables sanctions s’appliquent contre les mineurs délinquants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Recul du chômage

M. Yves Censi – Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Le chômage recule (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), celui des jeunes, celui des chômeurs de longue durée, et cela depuis plus d’un an. 340 000 personnes ont retrouvé le chemin du travail. C’est le fruit de la mobilisation de tout le Gouvernement pour l’emploi, cette priorité absolue comme l’a dit le Président de la République. Le plan de cohésion sociale, la relance de l’apprentissage, le développement des services à la personne traduisent cette volonté. Les contrats d’avenir et les contrats d’accompagnement vers l’emploi connaissent un succès réel, comme le CNE qui a répondu aux attentes des toutes petites entreprises.

Nous avons eu la confirmation ce matin que le chômage est revenu à son plus bas niveau depuis 2001. C’est un succès pour les Français, pour le Gouvernement, pour toute la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Comment transformer ce succès en victoire pour tous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique de Villepin, Premier ministre  C’est vrai, l’emploi est la priorité absolue du Gouvernement, et nous avons des résultats : 30 000 chômeurs en moins en septembre, 340 000 en moins en un an et demi,…

M. Maxime Gremetz – Et combien d’intérimaires en plus ?

M. le Premier ministre – …et une baisse du taux de chômage à 8,8 %.

Nous sommes sur la bonne voie, mais nous ne nous satisfaisons pas des résultats. L’objectif est de revenir à moins de 2 millions de chômeurs et à moins de 8 % en 2007.

Notre politique est pragmatique. Avec Jean-Louis Borloo et Gérard Larcher, nous mobilisons tous les moyens en faveur de l’emploi marchand, de l’emploi aidé, de la modernisation du service public de l’emploi, d’une politique active des services à la personne et du logement, avec en même temps un engagement sans précédent, résolu, en faveur du désendettement. C’est une grande première pour la France.

M. François Hollande – C’est une mystification dans les deux cas.

M. le Premier ministre – Pour consolider la baisse du chômage, nous voulons mieux accompagner le parcours professionnel, en particulier pour ceux qui rencontrent le plus de difficultés. Trop de femmes travaillent encore à temps partiel ou avec des horaires décalés.

M. Maxime Gremetz – Qu’on leur impose !

M. le Premier ministre – La loi sur l’égalité salariale a apporté de premières réponses, mais nous devons aller plus loin. Trop de jeunes passent d’un emploi à l’autre…

M. Maxime Gremetz – Interim, interim !

M. le Premier ministre – …Sans trouver la stabilité nécessaire pour construire leur vie. Le service public de l’orientation et le développement de l’apprentissage facilitent l’accès à l’emploi. Trop de seniors sont écartés de l’emploi alors qu’ils voudraient continuer à travailler.

M. Alain Néri – Et trop de érémistes aussi !

M. le Premier ministre – Avec les partenaires sociaux, nous avons établi un plan d’action en leur faveur.

Pour progresser encore, nous avons choisi la voie du dialogue et de la concertation. Je réunirai en décembre la conférence sur l’emploi et les revenus avec les partenaires sociaux. Nous mettrons sur la table toutes les questions essentielles pour l’emploi. Je souhaite que cette conférence permette d’élargir les réponses sur des préoccupations majeures que sont le SMIC et l’emploi peu qualifié, la prime pour l’emploi, la précarité et les inégalités salariales. De mémoire de dirigeant, je ne crois pas qu’il y ait eu sur l’ensemble de ces questions du revenu et de l’emploi un vrai débat en place publique.

M. François Hollande – Cela restera à l’état de débat !

M. le Premier ministre – C’est une véritable innovation. Apporter des solutions nouvelles pour l’emploi, dans un esprit de dialogue, c’est le défi que nous devons, tous ensemble, relever tous les jours. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Durée du travail dans les transports routiers

M. Serge Poignant – Ma question s’adresse à M. le ministre des transports.

Par décision du 18 octobre, le Conseil d'Etat a annulé les articles 4 et 11 du décret du 31 mars 2005 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport routier de marchandises. Ce décret, pris en application de l'ordonnance du 12 novembre 2004 portant transposition des directives communautaires et modifiant le code du travail en matière d'aménagement du temps de travail dans le secteur des transports, conciliait les garanties relatives aux durées maximales de travail et de repos des salariés avec les nécessités de gestion des entreprises, dans un secteur où l’application des 35 heures était très difficile.

Par ailleurs, le caractère rétroactif de cette annulation crée une insécurité juridique pour les entreprises qui ont, de bonne foi, appliqué les dispositions du décret de 2005.

Le groupe UMP a donc pris l’initiative de déposer un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007…

M. Maxime Gremetz – Un cavalier !

M. Serge Poignant – …afin de combler ce vide juridique. Pour des raisons de procédure, cet amendement n’a malheureusement pas pu être retenu. Ce sont pourtant des milliers d’entreprises et des dizaines de milliers de salariés qui sont concernés !

Quelle initiative comptez-vous prendre, Monsieur le ministre, pour résoudre le problème posé par cette annulation, qui a été prononcée pour vice de forme, et non pour des raisons de fond ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer  Vous avez raison de rappeler que le décret a été annulé pour des raisons de forme et non de fond.

Cette annulation pose néanmoins un problème de sécurité juridique aux entreprises de transport routier, l’objet du décret étant de transposer deux directives communautaires et d’étaler le calcul du temps de travail hebdomadaire sur une période de trois mois, disposition qui accordait une certaine souplesse aux entreprises de transport. L’annulation de ce décret exige que nous rétablissions au plus vite un cadre juridique. C’est pourquoi j’ai fait reprendre la concertation entre les professionnels et les organisations représentatives des salariés.

S’agissant de la rémunération, en particulier celle qui est due à compter du mois de mars 2005, il ne semble pas que l’annulation du décret emporte des conséquences financières aussi graves qu’on pouvait le craindre, puisque le calcul des heures supplémentaires portait sur une période d’un mois, conformément à un accord professionnel.

Nous devons toutefois aller au plus, et c’est bien mon intention. Nous devons élaborer, dans la concertation, un nouveau décret qui donnera aux entreprises la sécurité juridique dont elles ont besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

EADS

M. Pierre Cohen – Contrairement à ce que prétend le ministre de l'économie et des finances, le plan de restructuration proposé par la direction d'EADS n'est ni réaliste ni crédible, car il obéit plus à une stratégie plus financière qu'industrielle. Non, la crise n'est pas derrière nous ! Malgré de véritables prouesses techniques et technologiques, des menaces pèsent sur tous les salariés d’Airbus, en France comme en Europe, sans parler des difficultés auxquelles s’exposent sous-traitants et équipementiers.

La création d’une commission d'enquête, conformément à la demande formulée par les députés socialistes, permettrait d'évaluer le management sous la présidence de M. Forgeard et d’analyser ses responsabilités dans la chaîne de décision et de production. Le gouvernement français ne peut rester passif ; ce serait commettre une faute contre l'emploi, contre les entreprises et contre les territoires !

Nous savons que le gouvernement allemand envisage de soutenir activement Airbus, Monsieur le Premier ministre. Puisque l'État est un actionnaire de référence d'EADS, êtes-vous prêt à aller plus loin que vos déclarations d'intention, qui se contentaient de minimiser la crise ? Face aux difficultés considérables auxquelles les mesures prises par la direction d’EADS vont exposer tous les sous-traitants, allez-vous décider un plan de soutien spécifique ? Soutiendrez-vous toutes les initiatives envisageables, qu’il s’agisse d’avances remboursables, de financement de l’innovation ou de recherche duale, civile et militaire ? Merci de répondre à toutes ces questions, Monsieur le Premier ministre (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l’industrie L’A 380 est un projet essentiel pour la France et pour l’Europe. Le PDG d’Airbus, qui est désormais co-président d’EADS, a accompagné le Président de la République en Chine, où il a signé un contrat très important…

M. Jean-Pierre Brard – Heureusement que les Chinois sont là !

M. le Ministre – …portant sur cent cinquante A 320. La Chine est un des plus gros marchés au monde : ce pays ne comptait que 29 Airbus en service en 1995, contre 300 aujourd’hui, et demain 150 de plus !

Plusieurs députés socialistes – Et la question ?

M. le Ministre – C’est une très bonne nouvelle pour l’entreprise, mais aussi pour l’emploi et pour les sous-traitants.

M. Henri Emmanuelli – Pas du tout !

M. le Ministre – L’ensemble des pièces sera fabriqué dans les usines européennes, notamment à Toulouse. Airbus est, reste et demeurera un grand succès européen.

M. Henri Emmanuelli – Et les trois questions qui vous ont été posées ?

M. le Ministre – L’A 380, le plus gros porteur au monde, a effectivement nécessité des ajustements. Mais tout est aujourd’hui sur la table, et il existe un projet de restructuration très clair, qui a été discuté avec les uns et les autres. Le Gouvernement fait toute confiance au PDG d’Airbus, Louis Gallois, pour mener à bien ce projet, qui a été approuvé par tous les actionnaires et qui permettra à Airbus de rester le premier constructeur aéronautique au monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Henri Emmanuelli - Vous n’avez répondu à aucune des questions !

PLFSS

M. Jean-Pierre Door – À l'issue de cette séance de questions, nous allons voter un texte essentiel pour l'avenir de nos comptes sociaux : le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.

Ce texte est une étape importante dans le redressement des comptes, en particulier ceux de l'assurance maladie. Ses objectifs sont ambitieux, mais réalistes, compte tenu de la mobilisation de l'ensemble des acteurs de santé. Le déficit du régime général sera ainsi ramené à 8 milliards d'euros et celui de l'assurance-maladie sous la barre des 4 milliards. Ce spectaculaire redressement confirme le succès enregistré par la réforme de 2004, qui est un des grands acquis de cette législature.

Je me réjouis, Monsieur le ministre, que vous ayez entendu l'appel lancé par un grand nombre de députés sur le taux de progression de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie pour les soins de ville. Nous avons en effet estimé qu'il ne permettrait pas de répondre aux nouveaux besoins de soins dans certains domaines. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

Avant que nous votions ce texte, pourriez-vous nous apporter des précisions sur les principales mesures qui sont destinées à amplifier la dynamique déjà engagée, et ainsi assurer l'avenir de notre système d'assurance-maladie ? Dans quelle mesure les assurés bénéficieront-ils de l'augmentation de l'ONDAM ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités Le projet de loi de financement de la sécurité sociale est conforme à la feuille de route tracée par la réforme de 2004 : rétablir l’équilibre des comptes tout en continuant à améliorer notre offre de soins. Nous avons réussi à relever l’ONDAM en soins de ville sans toucher aux objectifs que nous nous étions fixés. (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

En trois ans, de 2005 à 2007, le déficit de l’assurance maladie est passé de 16 à moins de 4 milliards. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Dans le même temps, nous améliorons notre système de soins : après la prise en charge de l’ostéodensimétrie, qui concerne trois millions de Français, puis un meilleur remboursement des soins dentaires pour les enfants à compter de cette année, nous allons mieux prendre en charge près de 250 000 personnes atteintes de diabète. En développant la prévention, nous pourrons éviter des actes aussi dramatiques que des amputations – dans l’île de la Réunion, ce ne sont pas moins de 138 personnes qui sont amputées chaque année, faute de prise en charge de la prévention !

J’ajoute que nous allons rembourser de nouveaux médicaments, ce qui est une réelle avancée pour les familles, notamment celles qui comptent des enfants atteints de maladies rares.

C’est ainsi, également, que nous pourrons prendre en charge le dépistage de l’hémochromatose.

M. Maxime Gremetz – Quid de l’amiante ?

M. le Ministre – Enfin, nous donnerons des moyens aux infirmières, aux sages-femmes et aux médecins pour que la négociation conventionnelle soit vraiment fructueuse. Réduire les déficits et améliorer le système de soins, telle est notre méthode ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

dialogue social

Mme Arlette Grosskost - C'est avec beaucoup de satisfaction que nous enregistrons une nouvelle baisse significative du taux de chômage résultant sans nul doute du traitement social du chômage. En effet, de nombreuses initiatives ont été prises en ce sens profitant aussi bien aux seniors qu'aux jeunes à la recherche d'un premier emploi. Certes, le traitement social du chômage est nécessaire mais il est également indispensable de favoriser une approche autre qu’interventionniste. Ainsi, l'expérience de pays étrangers démontre qu'un dialogue social de qualité favorise de meilleures performances économiques, donc de meilleurs résultats en faveur de l'emploi. Le Gouvernement propose une avancée notable en ce sens avec l'annonce du projet de loi de modernisation du dialogue social. Celui-ci semble a priori pouvoir satisfaire et le patronat et les syndicats quant à l’organisation d’une concertation préalable des partenaires sociaux avant tout projet de réforme portant sur le dialogue social, les relations individuelles et collectives du travail, l'emploi et la formation professionnelle.

Monsieur le Ministre délégué à l’emploi, pourriez-vous décliner les grandes lignes de ce principe de concertation obligatoire ainsi que le calendrier envisagé pour sa mise en œuvre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes M. le Premier ministre l’a dit : s’agissant du chômage, la route est encore longue. Le traitement social du chômage n’est pas la seule voie possible : ce sont par exemple plus de 200 000 emplois qui ont été créés dans le secteur marchand, notamment grâce aux PME. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Le contrat nouvelle embauche a également joué un rôle déterminant (Mêmes mouvements). Nous continuerons à nous mobiliser en faveur de ces jeunes qui, dans certains quartiers, sont désespérément sans emploi.

Concernant le dialogue social, trois dates sont à retenir : le 12 décembre 2005, M. le Premier ministre a confié à Dominique-Jean Chertier la rédaction d’un rapport sur la modernisation du dialogue social ; le 10 octobre 2006, M. le Président de la République a fixé un principe devant le Conseil économique et social : aucune réforme du code du travail ne sera envisagée sans que les partenaires sociaux ne puissent engager une négociation interprofessionnelle ; le 6 novembre prochain, enfin, devant la commission nationale de la négociation collective, nous présenterons un avant projet issu d’une longue et large concertation menée par M. le Premier ministre, M. Borloo et moi-même avec les partenaires sociaux certes mais également les régions, désormais en charge de la formation professionnelle. Le principe est simple : aucun projet de réforme ne sera décidé sans que les partenaires sociaux n’en soient saisis. Ils diront alors s’ils souhaitent engager une négociation et dans quels délais. L’avant projet de loi sera ensuite présenté à la commission nationale de la négociation collective puis la représentation nationale sera saisie d’un projet de loi, le dernier mot étant bien entendu à la démocratie politique. Voilà ce qui contribuera à modifier sensiblement les rapports sociaux dans notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

sanction d’un inspecteur de l’éducation nationale

M. Serge Janquin – Si, comme nous l’a appris le maître Jean Fourastié, l'âge d'or de l'humanité n'a jamais existé, il n’existe pas davantage un âge d'or de l'éducation nationale. Le développement de ce mythe et la caricature que vous faites des pratiques des enseignants cachent mal une volonté de mise au pas. La question de l'apprentissage de la lecture est complexe : elle fait référence à des compétences, à des expériences, elle demande des nuances et sûrement pas à être traitée de façon autoritaire.

Pierre FRACKOWIAK, inspecteur de l'éducation nationale à Douai, fait l'objet d'une procédure disciplinaire. Il a toujours appliqué les textes mais, responsable syndical et citoyen engagé, il prétend pouvoir conserver sa liberté d'appréciation par rapport aux discours médiatiques, fussent-ils ceux d'un ministre. La question n'est donc pas celle du respect des textes, comme l'écrit fort justement le maire de Douai Jacques Vernier, mais celle de nos libertés publiques. Ce pays, Monsieur le Ministre délégué à l’enseignement supérieur, c'est celui de Voltaire et de Gavroche, de Beaumarchais et de Coluche. Voudriez-vous changer son expression parfois frondeuse contre le « politiquement correct » que vous n'y arriveriez pas ! Ce serait tellement facile de gouverner l'éducation nationale sans les syndicats, bien plus facile encore s'il n'y avait pas les enseignants, et si formidable de gouverner la France s'il n'y avait pas le peuple ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche Votre réaction m’étonne. Un ministre de l’éducation nationale, M. de Robien, a entrepris avec courage et lucidité de s’attaquer à des problèmes majeurs. 15 % des élèves qui entrent en classe de sixième ne maîtrisent ni la lecture, ni l’écriture ! Dès lors, M. le ministre a prôné des méthodes d’apprentissage qui ont fait leurs preuves. Il a pris une circulaire en début d’année et il est normal qu’il veille à ce qu’elle soit appliquée : c’est cela l’État de droit et la République ! Il se trouve qu’un inspecteur de l’éducation nationale a cru devoir dire dans la presse qu’il n’était pas en phase avec les directives qu’il est précisément chargé d’appliquer. Dès lors, conformément au droit, une procédure de sanction a été engagée. L’inspecteur en question a alors exprimé publiquement ses regrets et a protesté de sa loyauté. M. le ministre en a pris acte. Je sais, Monsieur le député, que vous êtes attaché à ce que l’éducation soit véritablement nationale. Pour qu’il en soit ainsi, il faut des règles qui s’appliquent sur tout le territoire et il convient de veiller à leur respect. Le respect des règles, c’est aussi une mission fondamentale de l’éducation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

pôles d’excellence rurale

M. Jean Auclair – Depuis longtemps, Monsieur le ministre délégué à l’aménagement du territoire, les députés des circonscriptions rurales attendaient un signe fort de l’État. Ils ont repris espoir avec Nicolas Sarkozy, Ministre d'État, chargé, notamment, de l’aménagement du territoire.

En effet, conscient des problèmes du monde rural, il a su répondre à leurs attentes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) que les socialistes avaient si longtemps négligées (Mêmes mouvements). C’est ainsi qu’ont été lancés les pôles d’excellence rurale pour soutenir les initiatives et encourager l’innovation dans le milieu rural. Le premier appel à projets a rencontré un vif succès, avec 176 projets labellisés par le Gouvernement. Le second appel vient de se clore, qui a lui aussi suscité de très nombreuses candidatures. Or, il était prévu de labelliser au total 300  projets, ce qui n’en laisserait que 124 à retenir au titre de ce second appel. Tous les députés, en particulier ceux qui, comme moi, sont élus de circonscriptions très rurales où ces pôles représentent une chance en matière d’emplois et de dynamisme économique, s’inquiètent légitimement du sort des dossiers déposés.

Monsieur le ministre, en restera-t-on strictement à l’objectif de trois cents pôles fixé initialement, ce qui, au vu de l’enthousiasme suscité et des fortes attentes du monde rural, casserait la dynamique que vous avez su impulser, sous l’autorité de Nicolas Sarkozy (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) ou augmentera-t-on le nombre de ces pôles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire  Vous avez raison (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), le Gouvernement souhaitait reconnaître le talent, la compétence, le savoir-faire, l’intelligence, le bon sens des hommes et des femmes du monde rural qui oeuvrent dans des domaines aussi divers que la culture, le patrimoine, les énergies renouvelables, l’innovation industrielle parfois, et bien d’autres encore où il convenait de décloisonner l’action des collectivités et de l’ensemble des acteurs économiques – commerçants, artisans, PME… – C’est ce que nous avons fait en labellisant 176 pôles d’excellence rurale en juin dernier, pour lesquels ont été dégagés 120 millions d’euros qui sont en train de générer 600 millions d’investissements et conduiront, à terme, à la création de 25 000 emplois. Alors que, conformément aux engagements pris, il resterait 120 pôles à labelliser, nous avons reçu 418 dossiers, dont bien plus de 120, d’excellente qualité, méritent d’être étudiés avec la plus grande attention. Je l’ai indiqué au Premier ministre. Celui-ci fera dans les prochains jours une ouverture importante pour qu’un plus grand nombre puisse être retenu et les moyens seront au rendez-vous.

Vous le voyez, nous avons voulu réduire la fracture territoriale entre zones urbaines et zones rurales. Là où d’autres, pendant des années, l’ont laissée s’aggraver, nous avons choisi de rétablir la justice et l’équité en reconnaissant la valeur du monde rural et de ses acteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

dÉremboursements et prix des mÉdicaments

M. Denis Jacquat – Monsieur le ministre de la santé, à la suite de l’avis de la Haute autorité de santé rendu la semaine dernière, vous avez décidé de diminuer pendant un an de 35 % à 15 % le remboursement de 41 médicaments au service médical rendu insuffisant, et de maintenir à 35 % le remboursement de 48 médicaments, essentiellement des vasodilatateurs, faute d’alternative thérapeutique. Cette troisième vague de déremboursements s’inscrit dans le cadre du redressement des comptes sociaux engagé avec la réforme de l’assurance maladie de 2004. Dans le même temps, et face à la très forte augmentation du prix de certains médicaments, vous avez annoncé l’ouverture de négociations sur les prix avec les laboratoires pharmaceutiques. Quelles sont les raisons qui ont motivé ces décisions ? Quelles économies sont-elles attendues des déremboursements ? Quel est le calendrier de la négociation engagée avec les industriels du médicament ? Beaucoup de nos concitoyens qui subissent les hausses du prix de certains médicaments attendent vos réponses. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités J’ai choisi de ne pas suivre l’avis de la Haute autorité de santé, instance d’expertise scientifique qui a jugé insuffisant le service médical rendu de 89 médicaments. Mais pour les vasodilatateurs, il n’existe pas d’autre choix thérapeutique. Leur déremboursement aurait donc pénalisé les patients, ce qui aurait été particulièrement injuste. J’ai donc décidé que ces produits continueraient d’être remboursés mais ai demandé aux laboratoires de réduire leur prix. Quarante et un autres médicaments au SMR insuffisant eux aussi peuvent en revanche être remplacés par des spécialités remboursées. J’ai donc décidé de ramener de 35 % à 15 % leur remboursement en même temps que leur prix serait diminué, et ce durant un an. Je suis en effet convaincu qu’une année laissera le temps de la pédagogie pour que le médecin et le patient décident ensemble s’ils préfèrent conserver le médicament auquel tous deux sont habitués ou utiliser un nouveau médicament, remboursé.

S’agissant des économies attendues, il faut être prudent. J’ai souhaité tirer toutes les leçons de la deuxième vague de remboursements car nous avons constaté que le prix des médicaments déremboursés avait explosé, ce que les patients ne comprennent ni n’admettent. Le problème est que nous n’avons aucun moyen de réguler le prix d’un médicament dès lors qu’il n’est plus remboursé. J’ai donc demandé aux laboratoires pharmaceutiques de parvenir par voie conventionnelle à un accord d’ici à la fin janvier 2007. Si tel n’est pas le cas, le Gouvernement, bien entendu, prendra ses responsabilités. Ne perdons jamais de vue que d’un autre côté, de nouveaux médicaments innovants sont chaque année remboursés pour un montant d’un milliard d’euros. C’est le cas de ceux destinés à traiter la polyarthrite rhumatoïde, si douloureuse pour les personnes âgées, dont le coût s’élève à 1 375 euros par mois. La fierté de notre système de santé est que ces médicaments-là puissent être intégralement remboursés.

M. le Président – Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 25, sous la présidence de M. Leroy.
PRÉSIDENCE de M. Maurice LEROY
vice-président

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financement de la sÉcuritÉ sociale POUR 2007 (suite)

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités Je suis heureux que l'Assemblée nationale procède au vote solennel du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Les discussions ont été riches, laissant la polémique de côté.

Le PLFSS pour 2007 souligne le bilan de notre législature en matière de réforme. L’indispensable réforme des retraites, tout d’abord, que notre majorité a eu le courage d’adopter, avec la loi de 2003. La réforme de l’assurance maladie, ensuite, avec la loi du 13 août 2004, qui, grâce à l’amélioration de la gestion et de l’organisation de notre système de soins, en assure la pérennité, tout en lui permettant de relever les défis de demain, comme le vieillissement. La dimension solidaire de notre sécurité sociale a été renforcée, avec la création de la PAJE, l’aide à l’acquisition d’une complémentaire de santé, la loi sur la dépendance du 30 juin 2004 et la loi sur le handicap du 11 février 2005. Par ailleurs, le pilotage financier du système a été renforcé avec la loi organique du 2 août 2005.

Ce PFLSS se situe dans la droite ligne de ces avancées. Il marquera une nouvelle étape dans la réduction du déficit, ramené à huit milliards d’euros, en particulier grâce au redressement de la branche maladie, dont le déficit, de 3,9 milliards en 2007, a été divisé par quatre en trois ans.

Vous avez souhaité améliorer ce texte. En médecine de ville, vous avez ainsi décidé de relever l’ONDAM, ce qui va nous permettre de mieux prendre en charge les assurés, avec, par exemple, la couverture de la prévention du pied du diabétique ou du dépistage de l’hémochromatose. Cette hausse dégagera également des marges de discussion pour la négociation collective, notamment avec les infirmiers, les sages-femmes et les médecins.

Les moyens consacrés à l’hôpital progressent de plus de deux milliards d’euros, soit une hausse de 3,5 %. Vous avez souhaité la création d’un observatoire économique de l’hospitalisation publique et privée, pour répondre à la demande d’approfondissement et de partage d’informations économiques du secteur hospitalier. Vous avez également souhaité préparer la tarification à l’activité en soins de suite et de réadaptation et en psychiatrie, en permettant d’expérimenter dès 2007 de nouvelles formes de financement pour ces secteurs.

Ce PLFSS règle la question du statut des praticiens à diplôme hors Union européenne. Alors que le sujet était resté en suspens durant de trop longues années, le Gouvernement a voulu adapter la procédure relative à leur autorisation d’exercice. Ceci nous permettra de prendre en considération l’expérience acquise par les praticiens recrutés dans les établissements publics avant juin 2004, tout en s’inscrivant dans une réforme plus globale des formations proposées aux étudiants étrangers, dans le cadre, notamment, des projets de coopération avec les pays en développement.

Nous avons fait le choix de renforcer la lutte contre la fraude : aucun abus ne doit être toléré. Il ne s’agit pas de stigmatiser certains, mais de vérifier que personne ne met en cause, par son manque de responsabilité, une solidarité dont nous sommes tous garants. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

Je souligne la pertinence des amendements du MM. Dubernard, Morange et Door, renforçant les efforts de mutualisation au sein des caisses de sécurité sociale et créant un répertoire national unique des organismes de sécurité sociale, conformément aux recommandations de la MECSS.

Nous avons voulu privilégier l’innovation thérapeutique, en favorisant les médicaments innovants rendant un véritable service médical. C’est ainsi que nous admettons chaque année au remboursement, pour un milliard d’euros de plus, des médicaments contre des affections comme le cancer. Ce PLFSS facilite l’accès aux médicaments des patients atteints de maladies rares. Une telle politique implique le développement de molécules innovantes ; c’est pourquoi je compte poursuivre notre réflexion sur le droit de propriété intellectuelle. Nous pourrons bientôt, au terme d’échanges avec le CEPS, proposer une solution satisfaisante avec l’industrie pharmaceutique.

Vous avez souligné votre attachement à la politique conventionnelle, notamment avec un amendement de la commission, qui renforce cette politique en matière de régulation des autorisations temporaires d’utilisation.

En ce qui concerne la démographie médicale, nos discussions témoignent de l’attachement de tous à l’égal accès aux soins sur notre territoire. Vous avez adopté deux amendements dans ce domaine. L’un, à l’initiative de M. Lemoine, repris par le Gouvernement, permet aux conseils généraux et régionaux de proposer des bourses aux étudiants qui s’installent sur leurs territoires ; l’autre autorise les hôpitaux locaux à recourir à des médecins libéraux lorsqu’ils éprouvent des difficultés de recrutement.

Nous voulons également, et Philippe Bas s’y consacre tout particulièrement, poursuivre une politique familiale qui nous place au premier rang des pays européens. Vous avez ainsi souhaité que l’allocation de base de la PAJE soit perçue dès le jour de la naissance. Nous avons aussi prévu le partage des allocations familiales en cas de résidence alternée, un prêt avenir jeunes à taux zéro pour les jeunes qui entrent dans la vie active et un congé de soutien familial pour les aidants familiaux de personnes âgées et handicapées très dépendantes. Les engagements pris dans le cadre de la Conférence de la famille sont donc concrétisés.

Pour la deuxième année consécutive, l’augmentation des crédits de l’assurance maladie pour les personnes âgées est de 13 %, soit 650 millions d’euros supplémentaires. Pour les personnes handicapées, la hausse est de 5,5 %, soit 385 millions supplémentaires. Au total, les moyens consacrés au secteur médico-social permettront l’embauche de 20 000 personnes en 2007, en sus des départs à la retraite.

Nous relevons également le défi des risques sanitaires majeurs, en créant le Fonds de prévention des risques sanitaires exceptionnels, qui permettra notamment de financer le plan de lutte contre la pandémie grippale d’origine aviaire.

Ce PLFSS s’inscrit dans la continuité de réformes structurelles qui ont su conserver les principes républicains de notre protection sociale tout en la modernisant. Nous pouvons nous en féliciter, tout comme de la qualité des débats, qui a contribué à améliorer le texte. Gardons cependant à l’esprit que ces mesures ne sont pas derrière nous. Il nous reste à les faire entrer dans le quotidien des Français : c’est ainsi que nous assurerons l’avenir de notre protection sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Dionis du Séjour – Très bien !

M. le Président – Nous en venons aux explications de vote.

M. Jean-Marie Le Guen – Notre discussion n’aura guère permis d’améliorer un texte qui ouvrait lui-même bien peu d’espoirs à notre protection sociale. Les chiffres sont là, et tous les tours de passe-passe ne pourront pas faire oublier le niveau du déficit et de la dette sociale ni la réalité des perspectives de financement de la protection sociale. Le déficit du régime général de l’assurance maladie a certes diminué par rapport aux abysses atteints par votre prédécesseur, mais pour la cinquième année consécutive, le déficit de la sécurité sociale sera supérieur à 10 milliards d’euros. Il semble que vous ne puissiez pas faire moins pour nos finances sociales !

À vos successeurs de trouver les 27 milliards nécessaires pour boucler les comptes sociaux de l’année 2007 et combler le passif des deux années précédentes, ainsi que les 40 milliards que la Cour des comptes attend à l’horizon 2009.

Cette situation n’est pourtant pas l’effet d’une générosité abusive. Notre politique familiale laisse toujours de côté ces 2 millions d’enfants pauvres, et ce million d’enfants qui auraient dû, selon M. Raffarin, pouvoir bénéficier d’une couverture universelle et qui ne l’ont toujours pas. Vous laissez aussi de côté la question des retraites. Celui-là même qui fut à l’origine de la prétendue réforme de 2003 en dénonce aujourd’hui les insuffisances. La réforme Fillon est en effet en pleine débâcle : le déficit de l’assurance vieillesse se creuse à un rythme bien plus élevé que prévu, car les Français, n’ayant pas confiance dans cette réforme, préfèrent profiter au maximum de leurs droits. L’État, quant à lui, ne fait pas son devoir : le Fonds de réserve des retraites, sur lequel devait s’appuyer la puissance publique pour assurer la pérennisation de nos régimes par répartition, est abandonné par le Gouvernement. Les assurés sociaux assumeront donc seuls les ajustements nécessaires.

Quant à l’accès aux soins, parlons-en ! Ce n’est plus seulement l’accessibilité financière qui pose problème, avec la généralisation des dépassements, mais aussi l’accessibilité territoriale : combien d’élus ne peuvent se contenter de votre promesse que les collectivités locales pourront financer des bourses pour les étudiants en médecine, quand l’urgence commande d’avoir une offre sanitaire de premier secours infiniment plus dynamique que celle que vous mettez en place ! Des pratiques d’exclusion sociale se développent au sein même de l’exercice médical, comme on le voit avec les patients de la CMU ou de l’aide médicale d’État exclus des consultations.

Tout cela laisse un goût amer. Au-delà des cavaliers, notamment sur l’hôtellerie-restauration – et le Conseil constitutionnel devra statuer sur votre tentative de revenir en arrière –, je voudrais insister sur le vote symbolique de ces 200 millions d’euros en plus pour l’ONDAM de ville. Pour avoir été saisis par un syndicat médical, nous savons tous de quel marchandage ils résultent. On vous demandait 500 millions, vous en avez donné 200. Est-ce avec cette somme que l’on pourra répondre aux demandes corporatistes d’une partie du corps médical ? Je n’en sais rien. Mais qu’on ne nous fasse pas croire que c’est ainsi qu’on réglera le problème des ALD et celui de l’accès aux soins ! C’est manquer de responsabilité et de considération pour les personnes concernées.

Dès juin prochain, le comité d’alerte sera contraint de se saisir du dépassement des dépenses d’assurance maladie qui interviendra immanquablement. Nous ne voterons donc pas ce texte, et nous saisirons le Conseil constitutionnel si nos collègues de la majorité persistent dans leur erreur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Luc Préel – La loi de financement de la sécurité sociale prévoit la somme considérable de 402 milliards d’euros pour financer les retraites du régime général, notre politique familiale et notre politique de santé. Le contexte est bien particulier : un quinquennat s'achève, au cours duquel le Gouvernement et l'UMP ont eu les pleins pouvoirs. Qu'en ont-ils fait ? Après les réformes des retraites en 2003 et de l'assurance maladie en 2004, on nous avait annoncé que l'équilibre serait atteint en 2007. Nous en sommes loin.

M. Lucien Degauchy – La politique des socialistes était-elle meilleure ?

M. Jean-Luc Préel – Si le déficit 2006 a un peu diminué, c'est surtout en raison de recettes nouvelles – 4,5 milliards, dont 2,1 pour la mesure exceptionnelle concernant les PEL – et d’une légère diminution des dépenses de l'assurance maladie, qui concerne principalement les indemnités journalières. Le déficit 2007 atteindra au moins 10,7 milliards – 8 milliards pour les quatre branches, 0,6 milliard pour le FSV et 2,1 pour le FFIPSA. Comment sera-t-il financé ? Lors de la réforme de l'assurance maladie, la charge des déficits de 2002 à 2006 a été transférée à la CADES, c'est-à-dire financée par nos enfants. Mais rien n'a été prévu pour 2007. Le déficit devrait être financé par l’emprunt. Vous avez d'ailleurs prévu une ligne de trésorerie de 28 milliards d'euros pour le régime général. Ce montant est-il raisonnable ?

Le FFIPSA présente un déficit cumulé de près de 7 milliards parce que l'État n'assure plus la subvention d'équilibre. Ne pourrait-il au moins prendre à sa charge les intérêts de l'emprunt nécessaire pour assurer les prestations agricoles, y compris l'annonce bienvenue qui vient d’être faite sur les petites retraites ?

L'État n'honore pas ses dettes. Il doit 5 milliards à la protection sociale, ne compense pas 2,6 milliards d'exonérations de cotisations qu'il décide, et demande en plus, dans l'article 21, à ne pas compenser de nouvelles exonérations. Est-ce sérieux ?

L'objectif des dépenses d'assurance maladie sera sans doute dépassé. L'ONDAM n'est toujours pas établi sur des bases médicales. Certes, il a été abondé de 200 millions, mais il demeure irréaliste. L'ONDAM 2006, fixé à + 0,9 %, sera dépassé de 700 millions malgré une forte baisse des indemnités journalières et les mesures de maîtrise comptable prises en septembre – baisse du tarif des cliniques de 3 %, gel de crédits hospitaliers et mesures concernant le médicament. La diminution des indemnités journalières qui ralentit depuis quelques semaines, sera moindre en 2007. Des mesures sont très attendues : le C = CS pour les généralistes, puisque la médecine générale est devenue une spécialité ; la deuxième phase de la CCAM technique ; la mise en œuvre de la CCAM clinique ; le secteur optionnel. Les professions para-médicales, notamment les infirmières, attendent la prise en compte de leur niveau d'études dans le cadre du LMD et la revalorisation des soins infirmiers et des frais de déplacement.

Les établissements connaissent des difficultés financières – les cliniques après la baisse de 3 % des tarifs, et les hôpitaux dont le besoin de financement s’élève à 800 millions.

La T2A était très attendue, mais sa mise en œuvre s'avère d'une telle complexité – multiples forfaits manquant de transparence, contrats d'objectifs signés sous la contrainte – que tout le monde déchante. N'allez-vous pas tuer une bonne idée ?

Alors que notre système de soins est trop orienté vers le curatif, vous avez refusé le vote d'une ligne individualisée pour la prévention et l'éducation à la santé. Avec le vote de sous-objectifs, vous figez l'un des défauts majeurs de notre système : le cloisonnement entre prévention et soins, ville et établissements, sanitaire et médico-social. L'UDF réclame au contraire des enveloppes régionales.

Maintiendrez-vous le pouvoir d'achat des retraites ? Nous aurons en 2007 un déficit de 3,5 milliards, 5 milliards à l’horizon 2009. Il faudra donc revoir la réforme de 2003, en mettant en oeuvre un régime par points et programmant l’extinction des régimes spéciaux (M. Gremetz proteste). Deux amendements UDF votés en commission pour améliorer le sort des veuves, et notamment des jeunes veuves, n'ont pas été acceptés par le Gouvernement.

En conclusion, à la fin de ce quinquennat et après les réformes des retraites et de l'assurance maladie, rien n'est réglé. Alors que l'équilibre avait été annoncé pour 2007, le déficit de 10,7 milliards concernant toutes les branches n'est pas financé et notre système de santé connaît toujours une triple crise : financière, organisationnelle et morale. La réforme du financement de notre protection sociale, de sorte qu'il pèse moins sur le coût du travail dans une économie mondialisée, n'a pas été engagée. Quant aux débats, ils n'ont pas permis de prendre en compte nos suggestions et nos amendements.

C'est pourquoi les députés UDF ne voteront pas la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Jacqueline Fraysse – Le millésime 2007 du projet de loi de financement de la sécurité sociale n'est pas du meilleur goût, et il est même inacceptable à plus d'un titre. Inacceptable d'abord, parce qu’en dépit des promesses faites la main sur le cœur et des engagements répétés à l'envi sur la réforme du financement de la sécurité sociale, rien n'a été fait. On semble avoir oublié que le Président de la République, à l’occasion de ses vœux aux forces vives de janvier dernier, avait annoncé une réforme profonde du financement de la protection sociale. Reconnaissant enfin l'essoufflement du dispositif actuel, le chef de l’État avait en effet admis que l'on ne pouvait plus éviter une réforme des cotisations sociales patronales, visant notamment à intégrer la notion de valeur ajoutée, comme nous le réclamons depuis des années.

De même, le ministre de la santé, au congrès d'un syndicat de médecins, en septembre dernier, déclarait : « À un moment ou à un autre, il faudra se poser la question du financement de la protection sociale ». Manifestement, ce moment n'est pas venu...

Alors que nous étions en droit d'attendre un débat de fond sur cette question essentielle, nous avons assisté au vote d'une multitude de recettes de poche, non pérennes et qui fragiliseront encore un peu plus les comptes en renvoyant à des horizons lointains le retour à l'équilibre. Et je ne reviens pas sur les exonérations de cotisations sociales délibérément non compensées, malgré l'obligation inscrite dans la loi. Ce sont ainsi plus de 5 milliards d'euros que l'État ne versera pas à la sécurité sociale, soit à peu près le montant du déficit prévisionnel de l'assurance maladie pour 2007.

Avec de tels choix, les déficits chroniques vont perdurer. Au reste, toutes les branches sont aujourd'hui dans le rouge, à l’exception de la branche AT-MP mais cela tient au fait que vous laissez le patronat sous-déclarer les accidents du travail pour ne pas augmenter ses cotisations ! L'absence de ressources suffisantes favorisera encore un peu plus les dérives portant atteinte aux principes de solidarité et d'universalité de notre système.

Les moyens pour l'hôpital public restent insuffisants face aux besoins, et ces sous-dotations permanentes suscitent des préoccupations de plus en plus vives, de la part des soignants comme de l'ensemble du personnel, dont les conditions de travail continuent de se dégrader. Cette année encore, il manquera plus de 780 millions aux hôpitaux publics pour boucler leurs budgets et, à eux seuls, les CHU auront besoin de 240 millions.

Plusieurs députés UMP – Avez-vous des solutions à proposer ?

Mme Jacqueline Fraysse – Qu'en sera-t-il l'an prochain ?

Ce texte est également inacceptable parce qu'il sert de véhicule à un cavalier législatif contre les droits des salariés du secteur de l'hôtellerie-restauration. Par une manoeuvre peu scrupuleuse et peu respectueuse du dialogue social, vous avez sacralisé dans la loi l'accord minoritaire de 2004 de cette branche, pourtant cassé par le Conseil d’État parce qu'illégal.

Enfin, ce texte est inacceptable parce qu’il instaure un soupçon généralisé – et méprisant – à l'égard des plus fragiles, en renforçant l'arsenal législatif censé lutter contre la fraude « organisée et généralisée », cependant que le ministre admet qu'il n'en connaît pas le montant annuel, faute de statistiques !

Demander des justificatifs et les actualiser, c'est légitime, surtout lorsqu’il s'agit d'argent public. C'est, Messieurs les ministres, votre devoir – et le nôtre – et vous disposez déjà de tous les moyens nécessaires pour le faire. Mais vous avez fait adopter un amendement qui introduit la notion de « train de vie », comprenant, outre les véhicules et les biens immobiliers, le nombre et le coût des voyages à l'étranger.

Plusieurs députés UMP – C’est heureux !

Mme Jacqueline Fraysse – C'est indigne ! Tout comme, du reste, la mise en place d'un nouveau fichier des données sociales, pourtant formellement condamné par la CNIL. Vous remettez en cause le principe même du droit aux prestations familiales et à la solidarité nationale qui s’attache aux situations d'urgence et de précarité.

Décidément, l'empreinte que laissera cette majorité n'est pas glorieuse (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) : des déficits amplifiés, la fraude érigée en cause de tous les maux, un service public hospitalier sacrifié et une médecine à deux vitesses, devenue réalité pour un nombre toujours croissant d’assurés.

Pour toutes ces raisons, notre groupe votera contre le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-Pierre Door – Cette année, la discussion du PLFSS a été l'occasion d'un débat plus responsable que les années précédentes, probablement parce que les résultats sont au rendez-vous fixé dans la réforme de 2004. Comme on pouvait le craindre, certains arguments de l'opposition ont versé dans la caricature et nombre de contrevérités ont été proférées. Pour autant, après la réforme des retraites de 2003, celle de l’assurance maladie, en 2004, restera comme un acquis incontestable de cette législature : deux domaines que le gouvernement précédent n’avait pas eu le courage d’aborder.

Le redressement est spectaculaire, puisqu'en trois ans le déficit de l'assurance maladie est divisé par deux : 8 milliards en 2005 ; moins de 4 milliards en 2007. Maîtrise médicalisée, modification des comportements des assurés comme des acteurs de santé, développement de la prévention (M. Maxime Gremetz s’exclame) tout en maintenant un haut niveau de protection sociale : tel était l'enjeu de la réforme que l'opposition a eu grand tort de refuser de voter.

Créé pour réduire le déficit, le dispositif du médecin traitant convainc désormais 77 % des Français…

M. Maxime Gremetz – Évidemment, c’est obligatoire !

M. Jean-Pierre Door – Résultat : les soins de ville n’augmentent pas, pour la première fois depuis dix ans…

M. Maxime Gremetz – Évidemment, puisque certains renoncent à se faire soigner !

M. Jean-Pierre Door – Les dépenses de médicaments sont stabilisées et les indemnités journalières diminuent de 2,9 %.

Notre assemblée a adopté 121 des 273 amendements défendus en séance, ce qui constitue une proportion importante. A été notamment obtenu dans ce cadre le relèvement de 200 millions de l'ONDAM pour les soins de ville – soit de 0,8 % à 1,1 % –, l’opération devant bénéficier en priorité aux assurés sociaux, puis aux infirmières et aux médecins. Je m’étonne du reste de la remarque de M. Jean-Marie Le Guen à ce sujet puisque le parti socialiste s’était déclaré favorable à cette évolution. Il est vrai qu’il n’en est pas à une contradiction près…

Au titre des principales mesures adoptées, je tiens aussi à citer la création d'un observatoire économique de l'hospitalisation publique et privée, le renforcement des dispositifs de lutte contre les fraudes et la création d'un répertoire national commun interbranches, en vue d’optimiser la gestion de notre sécurité sociale. La validation de l'accord de 2004 sur le temps de travail dans l'hôtellerie-restauration – dans l'attente d'un accord collectif, au plus tard le 31 janvier 2007– était également attendue, de même que la revalorisation des petites retraites agricoles.

L'ambition de ce texte est de réduire le déficit de 10 milliards à 8 milliards pour le régime général, et de 6 milliards à 3,9 milliards pour la branche maladie. Notre ambition, c'est d'assurer l'avenir et de donner à la sécurité sociale cet avenir que les Français attendent. Maintenons la dynamique engagée et amplifions-la pour atteindre l’objectif du retour à l'équilibre.

C’est avec confiance, détermination et enthousiasme que le groupe UMP votera ce texte. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

À la majorité de 310 voix contre 101, sur 414 votants et 411 suffrages exprimés, l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale est adopté.
La séance, suspendue à 17 heures, est reprise à 17 heures 10.

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Loi de finances pour 2007 – Seconde partie – (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007.

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Aide publique au développement

M. le Président – Nous abordons l’examen des crédits de l’aide publique au développement.

M. Henri Emmanuelli, rapporteur spécial de la commission des finances pour l’aide publique au développement et pour les prêts à des États étrangers – L’aide publique au développement est une priorité – affichée, du moins – de la communauté internationale. Elle s’est fixé des objectifs ambitieux : les pays riches doivent consacrer 0,7 % de leur revenu national brut à l’APD, et les Objectifs du millénaire visaient à une réduction de la pauvreté pour 2015.

Ils ne seront pas atteints. L’Afrique n’arrive pas à sortir de la pauvreté, des pandémies et du sous-développement. Dans son tout récent rapport, la FAO constate qu’il n’y a pas eu d’amélioration depuis dix ans ; 854 millions de personnes dans le monde sont sous-alimentées, dont 820 millions dans les pays en développement. Aux frontières sud de l’Europe, la misère se heurte à l’absence de politique européenne et française. Ce n’est pas par la force que nous endiguerons la pauvreté, et le Président de la République a raison de dire que la solution aux problèmes posés par l’immigration n’est pas dans la fermeture des frontières, mais dans le développement des pays du sud, à terme. Mais une fois de plus, si le diagnostic est juste, les moyens ne sont pas à la hauteur.

Le Président de la République s'est engagé à ce que l'APD atteigne 0,5 % du revenu national brut en 2007 et 0,7 % en 2012, soit l'objectif fixé par les Nations unies. Effectivement, la contribution française totale à l'APD devrait représenter 0,5 % du RNB en 2007, soit 9,2 milliards. J'aimerais pouvoir me réjouir de cette progression, mais une analyse plus fine en révèle le caractère artificiel.

L'ensemble des dépenses considérées par le CAD, le comité d'aide au développement de l'OCDE, comme de l'aide publique au développement recouvre un champ plus large que la seule mission Aide publique au développement. Celle-ci représente un tiers des dépenses d'APD. Si les crédits de paiement augmentent de 4,7 % pour s'établir à 3,12 milliards, les autorisations d'engagement diminuent d'un tiers, ce qui n'augure rien de bon.

La mission APD est composée de deux programmes dont l'un dépend du ministère des affaires étrangères, et l'autre du ministère de l'économie. Pour le premier, le programme Solidarité à l'égard des pays en développement, l’augmentation des crédits tient principalement à celle, de 75 millions, de la contribution au Fonds mondial pour le sida, la tuberculose et le paludisme et d’une rectification à hauteur de 40 millions d’une erreur de comptabilisation des dépenses de personnel dans la loi de finances pour 2006.

Les deux programmes de cette mission comportent des subventions à l'Agence française de développement. Alors que celle-ci a été désignée opérateur-pivot de l'APD, elle fera l'objet de restrictions budgétaires en 2007. La baisse des crédits de paiement pour les subventions-projets, pour les bonifications de prêts ainsi que pour l'indemnisation des annulations de dette devra être compensée par des prélèvements sur le résultat de l'Agence, qui n'est pas suffisant pour combler le manque de crédits.

Nous examinons également aujourd'hui les crédits du compte spécial Prêts à des États étrangers. Il devrait être à l’équilibre en 2007, les remboursements compensant les crédits de paiement.

S'agissant à la fois de la mission APD, du compte spécial et de l'Agence, la croissance des dépenses de l'aide-projet et de l'aide-programme résulte essentiellement de celle des prêts, au détriment des dons. Le Gouvernement peut ainsi afficher une hausse très importante de l'aide, pour un coût budgétaire limité, alors que l'impact pour les pays récipiendaires n'est bien sûr pas le même que s’il s’agissait de dons.

Par ailleurs, sont déclarées en APD des dépenses qui figurent dans d'autres missions, notamment les dépenses d'écolage et d'accueil des réfugiés. On peut douter de leur apport au développement. Or, avec respectivement 932 millions et 440 millions en 2007, elles représentent 15 % des dépenses d'APD ! Le CAD de l'OCDE autorise certes la comptabilisation de ce type de dépenses, mais il n'est pas certain que la France respecte les critères prévus. J’ajoute que rares sont les pays qui déclarent leurs dépenses d'écolage, et qu’il est bien difficile de déterminer dans quelle mesure les études suivies en France par les étrangers contribuent au développement de leur pays d’origine. La France ferait donc bien de renoncer à déclarer les coûts correspondants en APD !

Le montant prévu pour les annulations de dette – deux milliards d’euros – me paraît en outre très surestimé. Il me semble en effet bien improbables que certaines annulations aient lieu dès 2007, notamment celles en faveur de la Côte d'Ivoire et de la République démocratique du Congo.

J’observe également que les annulations de créances commerciales garanties par la Coface représentent 60 % des annulations de dette comptabilisées en APD, soit plus de 1,2 milliard d'euros… Les prêts à l’origine de ces annulations n'ayant pas été déclarés au titre de l’APD, puisqu’il s’agit pour l’essentiel d'une politique de soutien aux exportations françaises, il me semble que leur annulation ne devrait pas, elle non plus, être considérée comme de l'APD.

La commission des finances vous proposera enfin d’adopter un amendement tendant à augmenter le plafond d'autorisation. Compte tenu des annulations massives de dette accordées au Nigeria et à l'Irak, le plafond de 11,1 milliards d'euros prévu depuis 2004 sera en effet atteint plus rapidement que prévu. Il est donc nécessaire d'augmenter ce plafond sans attendre un vote à la sauvette à l’occasion d’une prochaine loi de finances rectificative !

Si le Gouvernement se vante de la prétendue satisfaction des Français à l’égard de notre politique d’aide au développement, est-ce une preuve d’efficacité ? Nous avons certes atteint le chiffre de 0,5 % du PIB, mais il s’agit d’un pur agrégat comptable. Bien des dépenses recensées ne contribuent pas directement au développement des pays concernés ! Mieux vaudrait se pencher sur l'efficacité de l'aide…

Toute la question est effectivement la suivante : quel est l'impact de nos dépenses d'APD pour les pays qui en bénéficient ? Selon le rapport rendu en septembre 2006 par le Conseil d'analyse économique, notre politique souffre de la dispersion excessive des centres de décision, de la multiplicité des objectifs affichés, mais aussi de l’insuffisante dimension bilatérale de notre aide. Au lieu d’évoquer des sondages, mieux vaudrait méditer sur ce rapport !

Vous vous apercevriez que ce budget ne prépare aucunement notre aide publique au développement sur le moyen terme. Du fait de la répartition actuelle des dépenses, il sera en effet très difficile d’atteindre l'objectif de 0,7 % du revenu national brut en 2012. Si nous obtenons un montant de 9,2 milliards en 2007, c’est grâce aux annulations de dette, qui vont nécessairement décroître, une fois que l'initiative du Club de Paris pour les pays pauvres très endettés aura produit tous ses effets, et grâce à l'augmentation du volume des prêts, qui ont un coût budgétaire très faible, mais dont le remboursement générera des flux d'APD négatifs.

Comment dégagerons-nous donc les crédits nécessaires pour prendre le relais des annulations de dette ? En comptabilisant en 2007 des annulations dont la réalisation est pour le moins incertaine, vous ne faites que repousser le problème ! J’ajoute que la croissance des dépenses d'APD en 2007 est uniquement imputable aux mesures multilatérales. Ces dernières sont indispensables, mais nous devons également augmenter notre aide bilatérale.

Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas ce budget à titre personnel. Je précise néanmoins que la commission des finances a adopté les crédits de la mission Aide publique au développement et du compte spécial Prêts à des États étrangers. Je vous demande donc, en son nom, d'émettre un vote favorable à leur adoption – c’est le triste sort des opposants à cette tribune !

M. Jacques Godfrain, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour l’aide publique au développement – Les crédits de la mission Aide publique au développement ne représentent qu’une partie de l’aide française au développement. La fin de cette législature est pour moi un moment heureux, car les engagements pris au nom de notre pays sont devenus une réalité !

Notre pays est en effet exemplaire. J’ai pu le constater hier encore à Rome, à la FAO : la position de la France sort renforcée de la politique que vous avez menée depuis quelques années, Madame la ministre. Les chiffres sont en effet éloquents, même si on trouvera toujours des esprits chagrins pour les critiquer. Derrière l’aspect comptable de l’aide au développement, se cachent des réalités politiques et humaines, que vous connaissez, Madame la ministre, puisque vous rencontrez sans cesse des hommes et des femmes qui se battent pour améliorer leur sort avec le soutien de la « grande maison » que vous dirigez.

Grâce à l’action du Président de la République, la France a marqué des points au cours des dernières années, qu’il s’agisse de l'allégement de la dette, du rapport Landau, de la contribution sur les billets d'avion, d’Unitaid, ou de l'initiative sur la vaccination... Toutes ces initiatives sont à l'honneur de notre pays.

M. Jacques Myard – Exactement !

M. le Rapporteur pour avis – Toutes les personnes que je rencontre à l'étranger, notamment dans les pays du Sud, saluent l'attitude de la France, aussi bien dans ses discours que dans ses actes.

Les Français font en effet preuve d’un engagement sans faille. En ma qualité de président des Volontaires du progrès, je peux vous dire qu'ils sont des milliers à vouloir nous rejoindre pour s'engager dans les pays en développement, principalement en Afrique. Nous recevons jusqu’à 20 000 lettres par an ! Aucun de ces jeunes gens n'hésite à partir – dans des conditions souvent précaires – dans les plus petits villages du Mali, du Cameroun ou du Burkina. Ces milliers de volontaires valent autant que les millions d’euros de crédits dont nous débattons aujourd’hui !

Il y a cinquante ans, Raymond Cartier demandait qu’on préférât la Corrèze au Zambèze… Mais ce temps est révolu : le Président de la République a démontré que l'on pouvait être corrézien et s'engager pour l'Afrique ! Dans ma commune de Millau, je constate que l’aide apportée à Bamako compte pour nos concitoyens.

J’en viens à la question de la dette, déjà évoquée par M. Emmanuelli. En janvier dernier, la commission des affaires étrangères a repoussé une proposition de nos collègues communistes tendant à créer une commission d'enquête sur la question de la dette. Nous avions considéré qu’une telle procédure n'était pas adaptée, mais une réflexion sur ce sujet s’impose effectivement. J’ai donc souhaité traiter cette question de façon approfondie dans l’avis que j’ai rendu. Il ne doit y avoir aucun tabou sur ce sujet !

La dette des pays du Sud représente 2 800 milliards de dollars. C’est un chiffre énorme qu’il faut toutefois nuancer : dans ce total, la Chine représente 250 milliards de dollars de dettes, le Brésil 222, la Russie 197, et l'Argentine 169, tous pays qui ne comptent pas parmi les moins avancés. Ceux qui pâtissent le plus du poids de leur dette, ce sont les pays pauvres très endettés – les PPTE. Certains de ces pays, presque tous situés en Afrique subsaharienne, ont accumulé une dette qui représente jusqu’à six fois leur revenu national brut ! Le service de la dette les empêche de payer les médecins, les personnels de santé ou les instituteurs dont ils ont cruellement besoin pour lutter contre la pauvreté…

Des actions importantes ont certes été engagées depuis 1996, comme l’initiative PPTE sous l’impulsion de la France ou celle de Gleneagles sous l’égide du G8 et du Royaume-Uni. Mais tout cela semble insuffisant aux ONG, qui ont lancé une vaste mobilisation sur ce thème. Certaines de leurs critiques ne manquent pas de justesse : il est notamment vrai que le montant des annulations devrait être plus élevé. Il est également choquant que les pays du Sud aient remboursé l'équivalent de onze fois la dette qu’ils avaient contractée en 1980, alors que le volume global de leur endettement n’a été multiplié que par cinq dans le même temps.

La question demeure toutefois complexe. Des annulations de dette trop massives et immédiates conduiraient par exemple à mettre en difficulté certains bailleurs de fonds, comme la Banque mondiale. Est-ce souhaitable ? Certains pays emprunteraient à nouveau auprès de pays aussi peu scrupuleux que la Chine, qui impose souvent des livraisons de matières premières comme contrepartie aux prêts qu’elle accorde aux pays en délicatesse avec les institutions financières, tels que l'Angola ou le Soudan.

Au demeurant, il ne suffit pas d'annuler les dettes : il faut également s'assurer que les marges de manœuvres rendues aux pays endettés sont effectivement utilisées pour lutter contre la pauvreté.

M. Jacques Myard – Tout à fait ! Et vive la « coloniale ! »

M. le Rapporteur pour avis – Dans cette question complexe, il me semble que le Parlement a un rôle à jouer en association avec les ONG et les pays bénéficiaires. Je propose que nous améliorions nos pratiques parlementaires afin de nous pencher plus efficacement sur l'aide au développement. Ainsi, dans l’esprit qui a inspiré le président de notre commission, Édouard Balladur, pour les négociations d'adhésion avec la Turquie, il me semblerait utile de créer un groupe de suivi permanent de l'aide au développement et de la dette. Il me semble également utile d’associer les ONG à ce travail.

M. Jacques Myard – C’est ce qu’a fait le FMI, avec le succès que l’on sait.

M. le Rapporteur pour avis – Le FMI réunit périodiquement des parlementaires des pays du nord et du sud dont les rapports ont considérablement fait évoluer les institutions de Bretton Woods. Quant aux ONG, même si elles sont parfois maximalistes et se positionnent souvent sur le terrain moral, elles fournissent un travail d'expertise considérable. On pourrait instituer une sorte de forum permanent sur ces questions qui permettrait aux ONG d'intervenir régulièrement et d'échanger leurs expériences avec celle des parlementaires. Cette organisation et cette méthode nouvelles sur un sujet qui intéresse de plus en plus l'opinion pourraient d'ailleurs s'inscrire dans le cadre du suivi d'une loi d'orientation et de programmation sur cinq ans relative à l'aide ; elle permettrait de donner plus de visibilité à notre action et de mieux définir nos stratégies.

Durant la législature qui s’achève, notre effort en faveur des pays en développement aura continuellement augmenté. Beaucoup reste néanmoins à accomplir dans le domaine de la santé, de l'alimentation, de l'épargne des migrants, du co-développement, de l'accès à l'énergie. Le travail ne manque pas, non plus que les bonnes volontés.

Au nom de la commission des affaires étrangères, je vous invite à voter les crédits de la mission Aide publique au développement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Nous en venons à la discussion générale.

M. François Loncle – Le dernier exercice budgétaire d'une législature revêt une importance particulière car il permet de prendre la mesure d'une politique. Le groupe socialiste, en l’occurrence, ne votera pas ce budget.

M. Jacques Myard – Ô, surprise !

M. François Loncle - Le Président de la République et son gouvernement ont manifesté de louables intentions. Pendant cinq ans, nous avons entendu un discours sur la volonté française de réduire la fracture sociale internationale. Qui ne serait d'accord ? C'est un tel objectif qui est défendu par la communauté des pays du monde depuis bien longtemps pour deux raisons essentielles. La première est éthique : le sous-développement, comme le mal-développement, sont un scandale moral. Nous avons tous à l'esprit les images insupportables de femmes, d'hommes, d'enfants, victimes de catastrophes naturelles ou de désastres sanitaires. La seconde est politique : ils nourrissent les guerres civiles, les conflits interétatiques, la corruption, les mouvements migratoires incontrôlés. Aider le tiers-monde c'est donc aussi, comme le disait le Président François Mitterrand, s'aider soi-même. Les ambitions fixées aux peuples les plus riches par la conférence des Nations unies en 1976 et par l'ONU à travers les objectifs du millénaire relèvent du bon sens. Où en sommes-nous ? La France et les autres nations ont-elles fait ce qu'elles devaient ? Ont-elles réduit l'écart ou du moins contribué à mettre les moins favorisés sur la voie du progrès économique et social ? Le rappel des attentes signalées par la feuille de route des objectifs du millénaire permet de mesurer à quel point le développement du sud paraît encore bien lointain.

Le premier objectif vise à ramener en 2015 le nombre de pauvres à la moitié de ce qu'il était en 2000. Or, le PNUD, en 2005, a montré combien la pauvreté résiste puisque 40 % de l'humanité vit toujours avec moins de deux dollars par jour.

Le deuxième prétendait en finir avec l'analphabétisme dans les mêmes délais. Or, au rythme actuel, 47 millions d'enfants ne seront toujours pas scolarisés en 2015. Il manque 18 millions d'instituteurs pour réaliser une telle ambition.

L'égalité entre hommes et femmes, troisième objectif, passe par l'école. Or, selon les statistiques, 60 % des enfants non scolarisés sont des fillettes. En 2005, sur 880 millions de personnes qui ne savent ni lire ni écrire, deux tiers sont des femmes.

La réduction de la mortalité infantile, quatrième objectif, est loin d’être effective puisqu’elle augmente dans quatorze des pays les plus pauvres. Si l'effort engagé pour réaliser cet objectif n’évolue pas ce n'est pas en 2015 que ce fléau sera éradiqué mais en 2050.

Le cinquième objectif vise à réduire des trois quarts la mortalité maternelle. La tâche se révèle difficile en Afrique qui concentre la moitié des décès enregistrés dans le monde tandis que d'autres pays, comme le Nicaragua, ont décidé de rétablir la pénalisation de l'interruption de grossesse.

Le sixième objectif recommande une mobilisation forte pour tenter de contenir, en particulier en Afrique, la progression du sida. Faute de moyens, la pandémie continue sa progression et pourrait toucher 90 millions d'individus en 2025.

Le septième objectif concerne le développement durable, l'accès à l'eau potable et au tout à I'égout. Les chiffres là aussi sont particulièrement inquiétants puisque l’on estime à 650 millions les personnes qui n'auront toujours pas l'eau potable à domicile en 2015 et à plus de deux milliards celles qui ne seront toujours pas connectées à un réseau d'évacuation des eaux usées.

Enfin, le huitième objectif aborde les conditions économiques générales du développement, la dette et le contexte commercial. Or, en dépit d'annonces répétées, l'endettement des pays du sud se perpétue même si le fardeau financier des PMA a été allégé. En revanche, les pays à revenu moyen ou émergents peinent à s'en sortir en raison de leur difficulté d'accès aux marchés des pays du nord. Ce bilan n'est pas pessimiste mais réaliste.

L'enveloppe consacrée à la coopération par la France comme par les pays membres de l'OCDE est un préalable incontournable, mais annoncer que la France et ses partenaires remplissent leurs devoirs parce qu'année après année ils se rapprochent de l'objectif de 0,7 % du PIB consacré à l'aide n'a en soi pas de sens. La qualité de l'effort et son ciblage géographique importent bien davantage. L'aide française touche-t-elle pour l'essentiel les pays les plus pauvres ? Notre politique d’aide publique au développement permet-elle de s'attaquer aux inégalités et facilite-t-elle l'accès aux droits humains fondamentaux ? Contribue-t-elle à favoriser l'accès aux services publics essentiels, l'eau, l'électricité, la santé et l'éducation ? Une organisation non gouvernementale américaine – le Center for Global Development – a publié le 14 août un audit sur la qualité de l'aide accordée aux pays pauvres par 21 pays considérés comme riches. La France, qui était au 15e rang en 2005, aurait reculé à la 18e place en 2006. Sept critères ont été pris en compte par cette association : le volume de l'APD, l'accessibilité au marché des pays riches pour les produits des pays pauvres, les investissements réalisés par les pays en voie de développement, les politiques à l'égard des migrants de ces pays résidant dans les pays riches, la protection de la biodiversité, la contribution au maintien de la paix, la diffusion de technologies. La place de la France est surprenante mais pas tout à fait incompréhensible. Notre pays a en effet été jugé peu généreux, notre aide étant attribuée de plus en plus à des pays émergents. La part opérationnelle de plus en plus grande prise par l'Agence française de développement, institution à caractère bancaire, reflète cette tendance. L'APD française dérive de plus en plus sur le terrain du commerce extérieur et les annulations de dettes commerciales ne font que conforter cette orientation. L'aide sanitaire, abondée de 200 millions en 2007, est une bonne chose à condition de rappeler qu'elle ne doit rien à la solidarité de l'État mais qu'elle est financée par les passagers des compagnies aériennes, désormais assujettis à une taxe de solidarité sur les billets d'avions. La France a été par ailleurs jugée peu accueillante aux productions agricoles des pays du sud…

M. Jacques Myard – Comme par hasard ! Regardez donc qui finance cette association !

M. François Loncle – …tout en étant paradoxalement dissuasive, et de quelle manière, à l'égard des migrants non qualifiés. Alors que l'on sait que le mal développement est à l'origine des flux migratoires, le ministre de l'intérieur a proposé de verrouiller l'accès au territoire national, tout en captant les élites dont les pays du sud ont pourtant un besoin urgent.

M. Jacques Myard – Ce que ne font jamais les États-Unis…

M. François Loncle – L'inclusion dans notre APD de l'aide militaire, parfois à des régimes contestés et contestables, interpelle doublement.

M. Jacques Myard – Vous n’y avez rien changé !

M. François Loncle – Le budget de la coopération a-t-il vocation à participer au financement d'établissements militaires français en Afrique et aux opérations de paix ?

Je souhaite enfin signaler une interrogation plus fondamentale sur le sens donné par la majorité et son gouvernement à la relation entretenue par la France avec les pays du sud. La France fait-elle la charité à ses pauvres ou entend-elle, au delà de l'aide, construire un nouveau partenariat mutuellement profitable ? Certaines tentatives de réhabilitation de la colonisation, une immigration prétendument choisie, les difficultés croissantes mises à l'entrée d'intellectuels, d’étudiants, de responsables africains…

M. Jacques Myard – Caricature !

M. François Loncle – …ont créé un doute que ne parvient plus à compenser le discours présidentiel sur la fracture sociale mondiale. Pour toutes ces raisons, Madame la ministre, je revendique ici une place plus grande pour le Parlement et les citoyens dans la définition et le suivi de la politique française de coopération, ce que permettrait de faire une loi de programmation. Proposée par vos services, examinée en amont par les élus en concertation avec les associations de solidarité internationale, elle donnerait des garanties et une légitimité inédite à notre politique de coopération. Les ONG comme le Parlement sont tenues à l'écart des définitions essentielles et des lieux où s'élabore la politique d'aide et de coopération.

M. Jacques Myard – Saintes ONG, priez pour nous !

M. François Loncle – La place des ONG au sein du Haut conseil de la coopération internationale, organisme de concertation avec le Gouvernement créé par le gouvernement de Lionel Jospin, a été réduite.

M. Jacques Myard – Idiots utiles !

M. François Loncle – Quant au rapport sur les activités de la France au FMI et à la Banque mondiale qui doit être déposé devant le Parlement à la suite d'une initiative du groupe socialiste, en application de l'article 44 de la LFR pour 1998, il nous est remis de plus en plus tardivement. Où en est le rapport faisant le point de ces activités pour la période de juillet 2005 à juin 2006 ? Peut-on espérer son prochain dépôt sur le bureau de nos assemblées ?

Pour terminer, je voudrais évoquer le classement de la France pour ses contributions aux organismes spécialisés au sein de l’ONU. Notre pays se classe au onzième rang pour celle au Programme des Nations unies pour le développement – preuve que les engagements pris il y a un an par le président Chirac auprès du secrétaire général des Nations unies n’ont pas été tenus dans ce projet de loi de finances – ; au treizième rang pour le Programme alimentaire mondial ; au quinzième rang pour le Haut commissariat aux réfugiés ; au douzième rang pour l’UNICEF ainsi que pour l’Office de secours pour les réfugiés de Palestine et du Proche-Orient ; au dix-neuvième rang pour Onusida. Est-ce là la place normale de la France ?

M. Jacques Myard – Le multilatéralisme, c’est du temps perdu !

M. François Loncle – Vous l’aurez compris, favorable à une clarification du contenu et de la méthode de la politique française de coopération, soucieux d’une plus grande participation de la représentation nationale et des ONG dans la définition du rapport que notre pays entretient avec les pays en développement, le groupe socialiste ne votera pas ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean Lassalle – Nos concitoyens accordent une très grande importance au budget de l’aide publique au développement. Tel est aussi mon cas, moi qui, ayant la chance depuis plusieurs années de parcourir le monde en tant que président de l’Association des populations des montagnes du monde, ai pu constater combien était reconnu et apprécié le rôle de la France dans l’aide au développement. Les pays les plus pauvres éprouvent en effet une méfiance croissante à l’égard des États-Unis et des pays qui s’alignent sur eux. Ils redoutent également la montée de l’ultralibéralisme. La position de la France, particulièrement appréciée au moment de la guerre en Irak, a conduit de nombreux pays, parmi ceux qui sont privés de tout, jusqu’à l’espoir, à nous faire de nouveau confiance. Premier contributeur européen pour l’aide publique au développement, notre pays doit bien sûr poursuivre son effort et sans doute mieux coordonner ses interventions avec celles de l’Union européenne.

J’ai également pu constater l’extrême qualité de notre corps diplomatique et la très forte implication de ses membres dans tous les projets de développement. S’ils disposaient de davantage de moyens financiers, nul doute qu’ils feraient encore davantage, étant donné leur extrême compétence et leur excellente connaissance du terrain. Je tiens également à rendre hommage à l’ensemble de nos ONG, dont la très grande majorité réalise un excellent travail, lequel gagnerait toutefois à être mieux coordonné. Leur œuvre tient en outre souvent à la qualité de celui qui les dirige, et si d’aventure celui-ci, au bout d’un certain temps, se décourage, les projets de l’association s’effondrent trop souvent. Il faudrait que se nouent des relations plus fortes entre nos représentations diplomatiques et les ONG, ainsi que les experts d’organismes comme le CNRS, l’INRA… Une meilleure coordination des interventions serait gage d’efficacité.

Je ne conclurai pas sans évoquer le décrochage sans précédent qui a lieu actuellement dans les campagnes et les montagnes du monde. Si John Steinbeck devait réécrire aujourd’hui Les raisins de la colère, quinze volumes n’y suffiraient pas car c’est par centaines de milliers que des hommes et des femmes quittent aujourd’hui leur territoire pour des villes illusoires, puisqu’ils ne vivront jamais que dans des banlieues sordides où les attendent des « barbus » et où des jeunes sans avenir deviennent d’impitoyables chefs de mafias.

M. Jacques Myard – Il a raison.

M. Jean Lassalle – Si nous ne faisons rien, le concept d’immigration choisie est appelé à perdre tout sens car des millions d’individus pousseront alors à nos frontières, contre lesquels nous ne pourrons rien. Profitons de ce que l’image de notre pays est bien perçue des pays en développement pour essayer d’agir en amont.

Il ne faut pas non plus négliger la francophonie, à laquelle je vous sais, Madame la ministre, très attachée. Alors que l’anglais triomphe partout aujourd’hui, il importe de redonner toute sa place au français, non par esprit franchouillard, mais parce que nous savons, peut-être mieux que d’autres, aider les pays en développement, ayant bien compris que « mieux vaut apprendre quelqu’un à pêcher plutôt que de lui offrir un poisson ».

Madame la ministre, vous êtes appréciée à l’étranger, de même que nos ambassadeurs et nos ONG. Notre pays fait déjà beaucoup en matière d’aide au développement. Il faut encore renforcer notre action en ce domaine, car cela est vital pour le monde de demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz – Vous avez sans doute été frappé comme moi par ce titre d’un quotidien hier : « 854 millions de personnes souffrent de la faim dans un monde qui s’enrichit de plus en plus ».

Mme Henriette Martinez – Nous le savions déjà.

M. Maxime Gremetz – Ce titre tombe à point alors que nous examinons aujourd’hui le budget de l’aide publique au développement. Qui pourrait rester insensible à ce constat de la FAO ? Où qu’il vive de par le monde, tout être humain devrait avoir le droit de manger à sa faim. Cela devrait aller de soi à l’heure de la mondialisation, ce qui n’est, hélas, pas le cas.

Examinant ce budget, je souhaite vous faire part de mes plus vives préoccupations. Je regrette que le rapport sur les activités de la France au sein des institutions financières internationales ne nous ait pas été transmis dans un délai raisonnable nous permettant d’effectuer notre travail de contrôle. Ce gouvernement accorde décidément bien peu d'importance au principe de transparence. La transmission tardive des documents budgétaires au Parlement atteste du peu de considération pour le contrôle parlementaire. Ainsi, le document transversal sur la politique française en faveur du développement n'a été disponible que le 18 octobre, soit à peine une semaine avant l'examen des crédits en commission. Ce n'est pas sérieux !

S’agissant du budget lui-même, je déplore le manque d'informations sur le volume de l’aide française par grand secteur des objectifs du Millénaire pour le développement – santé, éducation, accès à l’eau… Il est invraisemblable de voter les crédits d’aide publique au développement sans une vision claire de cette ventilation sectorielle.

En matière de coopération sanitaire, vous avez récemment annoncé, Madame la ministre, que l'aide dépasserait 700 millions d'euros en 2007, soit plus de 7,5 % du total des crédits d’aide publique au développement. Mais, en réalité, cette progression s’explique essentiellement par les contributions de la France à des initiatives internationales pour des programmes verticaux centrés sur des maladies ou des actions spécifiques comme le Fonds mondial de lutte contre le sida, contre la tuberculose et le paludisme, l’Alliance GAVI ou encore Unitaid… L'aide bilatérale de notre pays en matière de santé ne devrait pas dépasser 110 millions d'euros en 2007, soit 1,2 % seulement du total des crédits. Or, si le Fonds mondial ou l'Alliance GAVI sont incontestablement utiles pour lutter contre les maladies transmissibles, ces programmes verticaux ne peuvent permettre de renforcer comme il serait nécessaire les systèmes de santé des pays en développement. Il est profondément regrettable que les crédits alloués pour l'achat de médicaments perdent de leur efficacité sur le terrain, faute de prescripteurs compétents et de personnel qualifié pour le suivi. Renforcer les systèmes publics de santé et remédier à la pénurie de personnel soignant constituent des conditions nécessaires au succès de toute politique sanitaire dans les pays du Sud. Or, c’est nous qui allons chercher des médecins à l’étranger, faute d’en avoir formé suffisamment, et nous les sous-payons, y compris dans nos hôpitaux publics :je les ai rencontrés, lorsqu’ils ont manifesté devant l'Assemblée nationale.

Il est essentiel que la France augmente dans une proportion notable son aide bilatérale pour la santé, plus spécifiquement à l’appui des politiques nationales de renforcement des ressources humaines dans le secteur. Le Gouvernement ferait bien de suivre les recommandations de l’OMS, en consacrant 50 % de l’aide publique sanitaire à ce dernier point !

Pour ne pas laisser ces pays en marge, l’aide publique au développement doit s’accompagner de profondes réformes structurelles de l’économie mondiale. Il faut que la France intervienne plus systématiquement sur la scène internationale afin de garantir des prix équitables et rémunérateurs pour les produits des pays en développement, qui ne veulent pas vivre de mendicité. Ce n’est pas de la charité qu’ils ont besoin, mais d’une nouvelle forme de coopération, libérée de tout esprit de domination et de tout paternalisme. On nous dit que c’est impossible, mais regardez la Bolivie ! Les grandes multinationales disaient qu’elle quitteraient le pays en cas de nationalisation. Eh bien, les Boliviens ont nationalisé et les multinationales sont venues quêter des accords de coopération. Voilà une vraie coopération, sur un pied d’égalité !

Malheureusement, la politique du Gouvernement n’est pas adaptée, les crédits sont insuffisants. Cela fait des années que l’on nous parle du 1 % pour le développement, comme d’ailleurs du 1 % pour la culture, et nous n’avons cessé de réclamer la réalisation de cette promesse. En vain. Or, qui n’avance pas, recule ; et c’est bien dommage !

M. Jacques Myard – Il aurait fallu lire les documents !

M. Maxime Gremetz – Madame la ministre, j’espère que vous avez entendu mon message, un message d’espoir et de responsabilité.

Mme Henriette Martinez – Le budget de la mission APD est satisfaisant pour l’UMP et conforme à la volonté du Président de la République de faire plus et mieux en faveur de nos partenaires du Sud. L’objectif fixé par le Président Chirac – 0,5 % du revenu national brut consacré à l’APD – est atteint, alors que nous étions partis de 0,31 % au début de la législature, et malgré les contraintes budgétaires, ce qui honore le Gouvernement et vous-même, Madame la ministre (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).

Connaissant votre engagement personnel en faveur de tout ce qui a trait à la santé, j’en ferai le thème de mon intervention. La santé est en effet, au même titre que l’éducation, le fondement du développement. Pourtant, elle est absente du projet annuel de performance qui accompagne la loi de finances pour 2007, alors même que trois des Objectifs du Millénaire pour le développement, qui constituent la feuille de route du Gouvernement en matière d’APD, lui sont consacrés. Ne pourrait-on envisager qu’elle soit mentionnée explicitement dans les indicateurs de performance ?

Le document budgétaire de votre ministère indique que « l’amélioration de l’accès à l’éducation de base joue un rôle essentiel en raison de ses incidences sur la démographie, la santé, la mobilité sociale, l’amélioration de la condition et du statut de la femme ». Je tiens à saluer vos efforts en faveur de la santé des femmes, dont témoigne la récente création d’une plateforme « genre et développement » ou encore le soutien à des programmes spécifiques comme celui de Kollo, au Niger, ou celui qui, en voie d’adoption au FNUAP, consacre tout un volet à la lutte contre les fistules obstétricales, fléau illustrant la difficile condition des femmes africaines.

Je sais également que vos services travaillent à une stratégie « santé des femmes dans les pays en développement ». La France n’afficherait-elle pas clairement sa volonté et sa différence en nommant ce travail « santé et droits des femmes », pour affirmer ainsi que l’accès aux soins est subordonné au libre exercice par les femmes de leurs droits, notamment en matière de santé reproductive ? Confirmez-vous, par ailleurs, que cette stratégie pourra être présentée en CICID avant la fin du premier trimestre de 2007 ?

L’action conduite à travers les canaux multilatéraux doit s’accompagner d’un renforcement de l’aide bilatérale. Dans le budget pour 2007, l’Agence française de développement ne consacre que 60 millions d’euros au secteur de la santé. La stratégie sectorielle santé adoptée par le CICID en 2005 fixait comme objectif l’alignement sur la moyenne des pays de l’OCDE, soit 11 %. Pour atteindre cet objectif, était préconisée une augmentation de la part santé, hors lutte contre le VIH, de 50 millions d’euros par an pendant trois ans, à partir de 2006. Les deux tiers de cette APD concernent le sida, notamment en soutien à l’action du Fonds mondial, mais aucun lien n’est fait entre le VIH, la santé sexuelle et la santé de la procréation. L’augmentation prévue par le CICID reste-t-elle d’actualité ? Concernera-t-elle en priorité le canal bilatéral et la santé hors VIH ?

Si nous nous félicitons que la nouvelle LOLF permette au Parlement de voter plus de 80 % des crédits budgétaires alloués à l’APD, le contrôle de l’utilisation de ces fonds par nos partenaires reste problématique. Par exemple, au Niger, nous pouvons considérer qu’un tiers des soutiens à la politique de santé devrait être affecté à la santé de la procréation ; si un tel engagement peut être à peu près contrôlé au niveau central, j’ai pu constater qu’il ne l’est pas du tout au niveau opérationnel des districts. Il faudra donc trouver des solutions pour suivre l’utilisation des fonds accordés dans le cadre d’aides et programmes sectoriels.

Enfin, une majorité de la représentation nationale souhaite depuis plusieurs années une loi de programmation pluriannuelle, pour rendre notre APD plus prévisible, pour garantir que l’objectif de 0,7 % sera atteint en 2012, et pour appliquer les stratégies adoptées en CICID. Parmi les quatre priorités budgétaires du quinquennat, seule l’APD ne fait pas l’objet d’une telle loi : pouvons-nous l’espérer ?

M. Jean Lassalle – Très bien !

Mme Henriette Martinez – La France est en tête des pays européens pour les dons d’APD en volume, et en tête des pays du G8 pour la part de sa richesse nationale consacrée à cette aide. Alors, madame la ministre, alors que trois milliards de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté, les députés du groupe UMP saluent votre engagement et celui de votre ministère. La France s’honore, par exemple, d’avoir pris l’initiative de la taxe de solidarité sur les transports aériens. Nous sommes donc fiers de voter les crédits de la mission Aide publique au développement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jacques Myard – Regardons la réalité en face. Malgré la montée en puissance des économies émergentes, le monde bascule structurellement dans une opposition entre riches et pauvres. En Europe, aux États-Unis, les économies deviennent duales, suscitant l’inquiétude. Mais la dualité est surtout dans les rapports Nord-Sud, et nous constatons une rupture grandissante avec un continent à la dérive, l’Afrique. Malheureusement, c’est un sujet qui n’intéresse que peu de nos collègues !

En 1950, l’Afrique comptait 250 millions d’habitants ; ils sont aujourd’hui un milliard, et, au rythme de croissance actuel de 3 % par an, ils seront un milliard et demi en 2040 ou 2050.

Face à cette réalité, Madame la ministre, vous nous présentez un budget qui s’améliore : 0,5 % du revenu national brut est consacré à l’APD, et nous tendons vers 0,7 % en 2012. Il faut saluer cet effort, en sachant que nous étions à 0,32 % en 2001. La France est maintenant en tête des pays du G8.

La mission comporte deux programmes. En crédits de paiement, l’augmentation est de 5 % en 2006. Malheureusement, la diminution des autorisations d’engagement est sensible.

L’aide publique au développement n’est pas une aumône : c’est la stabilité du monde et notre propre survie qui sont en jeu face à la rupture que je viens de décrire.

M. Jean Lassalle – Très bien.

M. Jacques Myard – Comment pourrait-on vivre en toute sérénité alors qu’à deux heures d’avion, un continent part à la dérive ? Je voudrais poser à ce propos deux questions. La première concerne le choix entre l’aide multilatérale et l’aide bilatérale. Nous ne ferions pas suffisamment d’efforts dans le cadre de l’ONU, ai-je entendu. Mais l’aide multilatérale n’est pas plus efficiente, et nous avons aussi une stratégie d’influence à préserver. Or le choix du multilatéral rend notre aide anonyme, la coule dans un moule, nous privant de tout retour politique alors même que nous consentons des efforts financiers importants.

M. Jean-Claude Guibal – Très bien.

M. Jacques Myard – 64 % des crédits de l’aide économique et financière empruntent la voie multilatérale. C’est une erreur, car nous pouvons être beaucoup plus efficaces avec l’aide bilatérale, comme le président Wade nous l’a dit en commission des affaires étrangères. L’aide multilatérale fait trop souvent l’objet d’une mainmise d’une technocratie internationale plus attentive aux statistiques qu’aux hommes.

M. Jean Lassalle – Très bien.

M. Jacques Myard – Or le programme dont vous avez plus particulièrement la charge, la solidarité à l’égard des pays en voie de développement, privilégie cette voie multilatérale, pour 41 % des crédits.

J’en viens à une question que certains jugeront plus iconoclaste – mais il faut parfois avoir le courage de parler fort. Il y a quelques décennies, on entendait dire que la Corrèze devait venir avant le Zambèze. Aujourd’hui, je me demande s’il faut privilégier l’Europe et ignorer l’Afrique, où se joue l’avenir du monde. De 2007 à 2013, nous consacrerons 340 milliards à des fonds structurels européens qui financent des pays où s’effectuent déjà des investissements privés colossaux, alors même que le FED n’est abondé que de 22 milliards par votre budget. C’est une faute géostratégique et historique que de privilégier les fonds européens au détriment de l’aide publique au développement : nous sommes en train de manquer un rendez-vous avec l’histoire ! Au cours de la période 2000-2006, la France a été contributrice nette de l’Union pour 25 milliards d’euros. J’ose dire que cet argent eût été mieux employé dans l’aide publique au développement en Afrique !

J’ai lancé il y a quelques mois une idée : celle d’instituer – sur le modèle du plan épargne logement – un plan « épargne retour » pour les étrangers désireux de rentrer dans leur pays d’origine afin d’y créer une activité. Je vous remettrai le texte de cette proposition de loi. Il faudrait bien sûr prévoir un abondement en crédits de développement et d’accompagnement. Il faut faire preuve d’imagination, car le temps presse. Notre survie passe par l’aide publique au développement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Lassalle – Très bien !

M. Jean-Claude Guibal – L'accroissement des flux migratoires est la conséquence et la mesure de l'écart qui se creuse entre le Nord et le Sud, entre les pays riches et ceux qui deviennent de plus en plus pauvres. Sous-développement et émigration étant liés, ils doivent être traités ensemble.

L'appauvrissement de certains pays a été accéléré par leur ouverture à la concurrence, qui a déstabilisé leur économie. L'ethnocentrisme, qui conduit les pays riches à identifier la modernité à leur modèle de développement, a accentué cette dérive. Les élevages industriels implantés en Côte d'Ivoire il y a plus de trente ans par Interagra, le groupe de M. Doumeng, avaient ainsi ruiné l'économie vivrière du pays.

Fernand Braudel observait que différentes formes d'économies coexistent en général dans un même espace : l'économie capitaliste, l'économie de marché et l'économie d'autosubsistance. On aurait pu s’inspirer de ce constat pour veiller à ce que le développement des premières ne se fasse qu'au rythme où elles peuvent distribuer les revenus qu'assurait la troisième. Ce n'est pas ainsi que les choses se sont passées. Pour acclimater ces sociétés à l'économie de marché, il faut donc les re-stabiliser en renforçant leur tissu de très petites, petites et moyennes entreprises – dans ces pays comme dans les nôtres, ce sont elles qui créent le plus d'emplois.

Parce que l'on émigre le plus souvent pour fuir la misère, se pose aussi le problème de la maîtrise des flux migratoires, dont l'ampleur menace l'équilibre des pays d'accueil tout en privant de leurs cadres les pays d'origine. L'intérêt de tous est de mener une politique d'immigration qui réduise les mouvements de populations tout en concourant au développement des pays sources. C’est l’un des objets de notre politique d'aide publique au développement. La France est exemplaire en la matière : conformément à l'objectif fixé par le Président de la République, elle y consacrera en 2007 0,5 % de son revenu national brut.

Je salue l'intelligence et la détermination avec laquelle, Madame la ministre, vous concevez cette politique et vous employez à la rendre plus claire et plus efficace. À titre personnel, je comprendrais fort bien que la part de l'aide aux personnes – c'est-à-dire du co-développement – soit accrue dans cette enveloppe globale. Promu par la France, le co-développement mérite en effet de passer du stade expérimental à une application plus large. Il permet de contourner les dysfonctionnements de gouvernances improbables et répond de manière à la fois humaine et efficace à la nécessité de maîtriser les flux migratoires. En valorisant les liens qui se tissent entre la France et les pays d'origine des migrants, il contribue enfin au rayonnement de notre influence.

Le 19 juin dernier, le Comité Interministériel de la Coopération Internationale et du développement – CICID – a décidé de soutenir davantage les initiative des migrants en faveur du développement de leur région d'origine, qu'il s'agisse du transfert de leur épargne ou de celui de leurs savoir-faire. Ces propositions ont été retenues à la conférence de Rabat des 10 et 11 juillet derniers. Les transferts d'épargne des migrants vers leur pays d'origine pourraient atteindre, selon la Banque mondiale, 220 milliards de dollars en 2006, soit plus du double de l'aide publique au développement. Or ils ne sont investis qu'à hauteur de 10 % dans des projets productifs. Comment entendez-vous faire participer ces fonds au développement des pays d’origine de leurs détenteurs ?

M. Jacques Myard – Très bien !

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie – La période 2002-2007 a coïncidé avec une forte augmentation de notre effort d'aide publique au développement. Vous avez bien voulu rappeler que celui-ci devrait passer de 0,3 % du revenu national brut en 2001 à 0,5 % en 2007, conformément à l'engagement pris par le Président de la République. N’en déplaise au groupe socialiste, notre aide a progressé régulièrement…

M. Jacques Myard – Exact !

Mme la Ministre déléguée – …passant de 4,7 milliards d'euros en 2001 à 9,2 milliards en 2007. Cette augmentation concerne toutes les composantes de cette aide. Ainsi, celle qui figure au budget du ministère des affaires étrangères sera passée de 1,7 milliard en 2002 à 2,5 milliards en 2007.

M. Jacques Myard – Très bien !

Mme la Ministre déléguée – Il ne s'agit donc pas, Monsieur Emmanuelli, d’« artifices budgétaires » ni d’« augmentation essentiellement due aux augmentations de prêts ». Il faut voir les choses en face : l’accroissement de notre aide est réel depuis 2002, et c'est une véritable rupture qui s'est produite à cette date puisque, sous la législature précédente, elle était tombée de 0,47 % en 1996 à 0,31 % en 2001 (Approbation sur les bancs du groupe UMP).

Notre aide est également portée par d'autres missions du budget de l'État, et j’ai veillé à vous fournir toutes les informations sur ces dépenses. La plus importante concerne les « écolages », c'est-à-dire l'accueil gratuit d'étudiants étrangers en France. Cette gratuité est une caractéristique de notre système universitaire. Si le nombre d'étudiants étrangers a fortement crû en France ces dernières années, c'est grâce à une politique menée avec constance sous les deux dernières législatures. J'y vois la preuve d'un consensus politique : s’agissant des flux migratoires, l'approche ne peut plus être purement sécuritaire. Cet accueil d'étudiants étrangers était un aspect important de la loi sur l'immigration votée en mai.

Afficher le chiffre de ces écolages, c'est faire acte de transparence. Cette transparence est récente, puisque c'est sous cette législature qu'elle a été établie, à la suite d'un travail difficile de recensement. Il est important que vous sachiez qu’environ 8 % des crédits des universités françaises, soit 900 millions, serviront à former des migrants qui viennent étudier en France. D’autres documents sont transmis au Parlement : le rapport sur les activités des institutions financières internationales, Messieurs Loncle et Gremetz, vous sera remis dès la semaine prochaine.

Pour répondre à M. Loncle, la part des allégements de dette dans notre aide diminuera de 800 millions entre 2006 et 2007. Nous ne comptons donc pas sur eux pour atteindre notre objectif de 0,5 %. Et s'il faut déplorer le surendettement qu'a généré une politique trop peu prudente en matière de garanties de la Coface, il faut avant tout dénoncer les politiques laxistes menées dans les années 1980 par des gouvernements que vous souteniez, Monsieur Emmanuelli, et non les annulations opérées aujourd'hui.

Qui oserait du reste mettre en doute que ces annulations sont tout à fait bénéfiques pour le développement ? Prenons l’exemple du Nigeria. Voilà un pays qui dispose d'importantes ressources pétrolières et qui se passe volontiers de l'aide internationale. C'est justement grâce à ces allégements de dette que le gouvernement nigérian a prévu d'augmenter d’un milliard par an les dépenses de santé et d'éducation des plus pauvres. Et je pourrais aussi évoquer les contrats de désendettement-développement, pour lesquels la France réaffecte les allégements de dette directement à des projets de développement, comme au Cameroun.

J'ai bien noté, Monsieur Godfrain, vos propositions en matière de suivi des annulations de dette. Je partage votre conviction quant à l'importance de ce sujet, tant pour les contribuables français que pour les pays débiteurs. Le Gouvernement a d'ores et déjà accompli des efforts pour fournir au Parlement une information plus complète et plus détaillée à ce propos, comme le souligne du reste votre rapport.

M. le Rapporteur pour avis – C’est vrai.

Mme la Ministre déléguée – Bien entendu, nous souhaitons continuer dans cette voie. J'approuve vos deux propositions concrètes : la première visant à créer un groupe de suivi permanent, composé de parlementaires et qui se réunirait régulièrement, et la seconde à installer un forum Parlement – ONG – pays bénéficiaires, chargé de travailler sur des thèmes précis.

Pour conclure sur le chiffrage de notre aide, je rappelle que l'objectif de 0,5 % sera atteint en 2007 sans prendre en compte la contribution de solidarité sur les billets d'avion que vous avez votée l'an dernier. Il en va de même de tous les transferts, y compris budgétaires, non comptabilisés dans l'aide publique au développement. Je pense en particulier aux 110 millions supplémentaires qui seront attribués aux anciens combattants.

Mme Henriette Martinez – Très bien.

Mme la Ministre déléguée – S’agissant de la contribution sur les billets d'avions, je tiens à souligner que notre initiative a déjà déclenché une dynamique internationale. L'introduction de nouveaux prélèvements ne va de soi dans aucun pays, et c'est déjà un succès qu’à quelques mois de l'instauration de sa version française – le 1er juillet dernier –, 45 pays se soient engagés dans la même voie. Je souhaite vivement que cette mobilisation diplomatique française sans précédent se poursuive dans la durée.

La France se place ainsi en tête des pays européens par le volume de son aide, et en tête du G8 pour la part de la richesse nationale qui lui est consacrée. M. Myard a raison d’insister sur le fait qu’il convient de le faire savoir et de rendre notre effort plus visible sur le terrain. C'est pourquoi nous avons tenu à regrouper toutes les actions financées par la France sous un logo unique, quel que soit le canal qu'elles empruntent, comme le souhaite légitimement M. Lassalle. Je présenterai ce logo lors de la semaine de la solidarité internationale le 17 novembre prochain (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean Lassalle – Très bien !

Mme la Ministre déléguée – Au-delà des engagements chiffrés, le Gouvernement a également à cœur de rendre l’aide plus efficace. À cet égard, le document de politique transversale que vous avez reçu rappelle deux objectifs fondamentaux : mettre en œuvre les objectifs du Millénaire adoptés par les Nations unies, lesquels visent à réduire de moitié la pauvreté dans le monde d'ici 2015 et promouvoir le développement à travers les idées et le savoir-faire français. C'est un objectif d'influence que de consacrer des sommes importantes à des dépenses réalisées en faveur de pays étrangers.

Ces deux objectifs sont aussi ceux de la partie culturelle de l'aide au développement. Je note que certains d'entre vous s'interrogent sur l'inscription de ce type de crédits dans notre aide. C'est pourtant ce que prévoient les règles de l'OCDE, et cela me semble parfaitement justifié. D’abord, parce que l'aide culturelle contribue au développement : la production artistique est une source de revenus directs pour les plus pauvres, mais également un moyen de renforcer l'identité des peuples et de contribuer à leur développement économique. C'est pourquoi nous nous sommes engagés à développer ce type de coopération à l'occasion de la récente signature de la convention de l’UNESCO sur la diversité culturelle.

Ensuite, la coopération culturelle vise, comme le reste de notre aide au développement, un objectif d'influence, qu'il est aisé de percevoir. À cet égard, la promotion de la langue française partout dans le monde constitue bien, Monsieur Myard, un objectif essentiel pour nous.

M. Jacques Myard – Oh, Madame la ministre, vous pouvez mieux faire !

Mme la Ministre déléguée – Je ne reviens pas sur la réforme de notre dispositif de coopération que je vous avais décrite l'an dernier. J’indique seulement qu'elle a permis de réaliser des progrès importants en matière de pilotage stratégique et de lisibilité de notre aide. Au cours de l’année, j'ai signé une vingtaine de documents cadres de partenariat, les DCP, qui constituent de véritables plans d'action, conclus pour cinq ans, entre la France et les pays que nous aidons. Ces documents permettent de concentrer notre aide, en vue de la rendre plus efficace et plus lisible. Ils permettent également de la rendre plus prévisible sur le moyen terme.

Cependant, tout cela doit se faire de manière souple. C'est pourquoi j'ai demandé à nos ambassadeurs – à qui reviennent la négociation et le suivi de l'application des DCP – d'en réaliser une revue annuelle. J'ai moi-même prévu de me rendre au Cambodge en janvier pour apprécier l'application du premier DCP que j'avais signé il y a un an.

Cette politique allie continuité et adaptation. C'est dans cet esprit que nous l'infléchissons et je voudrais insister sur cinq domaines d’action.

En premier lieu, les objectifs du Millénaire pour le développement restent le but premier de notre politique de développement. C'est pour les atteindre que nous avons mis l'accent, lors du dernier comité interministériel pour la coopération internationale et le développement – le CICID – du 19 juin 2006, sur le concept de biens publics mondiaux, en établissant trois priorités : la lutte contre les maladies transmissibles, la lutte contre le changement climatique et la préservation de la biodiversité. La perte de ces biens publics mondiaux affecte en effet les pays les plus pauvres encore plus durement que nous.

Deuxièmement, le développement de ces pays est la seule solution de long terme au problème des migrations incontrôlées. C'est pourquoi, en juin dernier, le Gouvernement a établi un plan d'action détaillé en ce sens. Le co-développement constitue effectivement, Monsieur Guibal, une piste prometteuse. En réponse à votre question, je vous précise que nous souhaitons diminuer le coût de transfert de l'épargne des migrants, en favorisant notamment la concurrence entre les opérateurs et en utilisant les nouvelles technologies, comme le mandat électronique. J'espère aussi être en mesure de lancer avant la fin de l'année un site Internet de comparaison des frais de transfert, ce qui correspond à une demande des associations de migrants ; on peut en attendre, grâce à la transparence accrue du marché qui en résultera, un impact favorable sur les coûts. Un autre de nos soucis consiste à orienter l'épargne des migrants vers des investissements productifs. La création en juin de cette année d'un compte d'épargne co-développement au bénéfice des travailleurs étrangers résidant en France, dont vous avez été, Monsieur Godfrain, l'un des promoteurs, répond à cet objectif. La création d'une mutuelle d'épargne et de crédit, au Sénégal et au Mali, permet également de faciliter l'accès des migrants à des prêts se situant entre le micro-crédit et des prêts bancaires classiques.

Troisièmement, l'Afrique restera notre priorité et percevra les deux tiers de notre aide bilatérale. Son développement doit se construire sur la base du secteur privé, pour lequel le dernier CICID a annoncé une initiative d'un milliard d'euros sur trois ans. Tous ces efforts commencent à porter leurs fruits, puisque le taux de croissance économique du continent africain progresse, et atteindra 5 à 6 % par an dans la période 2005-2007.

Quatrièmement, le développement exige une amélioration de la gouvernance de ces pays. C'est la raison pour laquelle nous avons adopté une stratégie en la matière au sein de l'Union européenne, que nous avons examiné celle de la Banque mondiale lors de la réunion que nous avons tenue à Singapour en septembre et que nous adopterons une stratégie française avant la fin de l'année.

Cinquièmement, je suis d'accord avec vous, Madame Martinez et Monsieur Gremetz, pour dire qu’un effort particulier doit être réalisé en faveur de notre politique bilatérale en matière de santé. Nous avons augmenté très sensiblement nos contributions multilatérales à ce secteur : il convient désormais d'adapter notre politique bilatérale à cette nouvelle donne, ainsi qu'à la croissance du phénomène migratoire. Là encore, nous adopterons une nouvelle stratégie avant la fin de l'année. La fixation d'objectifs de performance en matière de santé – que vous évoquez également, Madame Martinez – a fait l'objet d'un examen approfondi et n'a pas été écartée par principe. Elle se heurte cependant à la difficulté d’élaborer des indicateurs d'impact et de performance à l'échelle de l'action d'un seul pays donateur, compte tenu de la complexité des actions de santé et de la multiplicité des intervenants.

Enfin, Madame Martinez, je partage vos préoccupations face aux nouveaux risques de régression des droits des femmes, qui s’accentuent malheureusement. Je souhaite que toutes nos actions de coopération prennent en compte systématiquement la question de l'égalité des sexes – ce que l'on appelle le genre. L'expérience montre en effet que cette démarche renforce l'efficacité de notre aide. Comme vous avez bien voulu le rappeler, j’ai créé un groupe de travail vers les voies et moyens permettant d’inclure la promotion de la femme et l'égalité des sexes dans les programmes de coopération et d’évaluer cette politique. Je m'efforce également de sensibiliser les acteurs non étatiques à la question du genre et de renforcer dans ce but l'appui aux ONG, aux collectifs et aux collectivités territoriales qui doivent pouvoir intégrer cette préoccupation dans leur action de coopération.

Mesdames et messieurs les députés, le projet de budget qui vous est soumis reflète l'augmentation continue des moyens de cette politique, qui dépassent pour la première fois les 3 milliards d’euros. Cette progression est en partie financée par un versement de dividendes de l'Agence française de développement. Il est du reste possible que ceux-ci soient encore supérieurs à ce qui était prévu lors de la préparation de ce budget. Si cela se confirmait, mon objectif serait que ces ressources supplémentaires soient affectées aux dons-projets de l'AFD, au cas où, comme le suggère l’un de vos rapporteurs, l'augmentation déjà importante de 9,2 % que nous avons prévue pour les crédits de paiement de ces dons-projets se révèlerait insuffisante en cours d'année.

Ce projet de budget reflète également les objectifs de notre aide, notamment l'équilibre entre aide multilatérale, pour laquelle nous poursuivons les efforts engagés, et aide bilatérale, pour laquelle un effort accru est réalisé. J’ai bien entendu les observations de M. Myard à ce sujet.

Nous augmentons bien nos contributions au Fonds mondial contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme de 75 millions. Nous restons les premiers contributeurs au Fonds européen de développement et au Fonds africain de développement. Et nous portons nos contributions aux Nations unies de 50 millions en 2004 à 110 millions en 2007, dont 90 millions de contributions non affectées. Ainsi, avec des dotations supplémentaires de 84 millions pour les contrats de désendettement et développement, et de plus de 50 millions pour les dons destinés aux projets du Fonds de solidarité prioritaire et de l'Agence française de développement, nous augmentons cette aide bilatérale de plus de 130 millions.

Nous prévoyons également d'augmenter de plus de 200 millions le volume de décaissement de prêts, en étant bien entendu très sélectifs pour éviter les crises de surendettement que l'on a connues dans le passé.

Avec plus de 300 millions d'aide bilatérale supplémentaire pour nos projets de terrain en 2007, on constate les premiers effets de la politique volontariste que je vous avais présentée l'an dernier. Dans un premier temps, l'augmentation de l'aide au développement a ainsi porté principalement sur des contributions multilatérales, dont les décaissements sont la traduction la plus rapide. Dans le même temps, nous avons lancé de nouveaux projets bilatéraux, qui commencent d’ores et déjà à générer des décaissements et des volumes d'aide accrus.

Quant aux autorisations d’engagement, Monsieur Emmanuelli, j’aurais pensé qu’un membre de la commission des finances s’apercevrait que leur diminution pour 2007 n’est qu’apparente. C’est qu’en 2006 nous avons mené plusieurs opérations exceptionnelles, par exemple la revalorisation des fonds multilatéraux, à laquelle nous procédons tous les trois ans. Sans cela, les autorisations d’engagement sont au même niveau qu’en 2006, et par souci de rigueur budgétaire, nous avons accru les crédits de paiement qui y correspondent.

Dans le cadre du système bilatéral, j’insiste sur trois priorités. D’abord, nous prévoyons un effort particulier en faveur des ONG ; ensuite nous allons privilégier les projets mis en œuvre par nos ambassades, comme le souhaite M. Lassalle ; enfin, comme beaucoup d’entre vous l’ont demandé, nous allons renforcer les moyens humains. Après deux décennies de décroissance, les effectifs d’assistance technique ont été stabilisés à 2 300 personnes en 2006 et, dès 2007, le nombre de volontaires passera de 2 300 à 2 500.

Nous tenons donc nos engagements d’augmenter notre aide, et l’appui du Parlement a été décisif. Notre pays est généreux et, selon un sondage, 61 % des Français considéraient qu’il fallait augmenter l’aide aux plus pauvres, même en cas de difficultés budgétaires. Je forme le vœu que les orientations que nous avons prises depuis cinq ans donnent lieu à l’avenir à une mobilisation consensuelle. Nous nous sommes engagés avec nos partenaires européens à porter notre aide à 0,7 % du revenu national brut d’ici à 2012, ce qui nécessitera de l’augmenter d’un milliard chaque année. Beaucoup d’entre vous ont souhaité une loi de programmation. Je partage ce souci, et c’est pour cette raison que j’ai souhaité que les documents cadres de partenariat deviennent un véritable outil de programmation de notre aide sur cinq ans. Seule la constance dans cette politique permettra un développement réel du Sud, garant de la prospérité et de la sécurité collectives ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

questions

Mme Martine Aurillac – Vous pouvez à juste titre être fière de ce budget qui permet à notre pays de tenir sa parole et son rang. Plus lisible, plus efficace, il reste centré sur l’Afrique.

Le programme Solidarité avec les pays en voie de développement contribue à porter notre aide de 0,5 % du RNB. C’est surtout l’aide multilatérale qui en profite, mais l’aide bilatérale augmente de 50 millions, auxquels s’ajoutent 122 millions de l’Agence française de développement. Les ONG en bénéficient particulièrement, avec plus de 16 millions supplémentaires venant du Fonds de solidarité prioritaire. Dans quel cadre et selon quels critères est assurée la répartition de ces fonds, et comment le contrôle en est-il assuré ?

Mme la Ministre déléguée – Le Président de la République s’est engagé à doubler la part de notre aide passant par les ONG entre 2005 et 2009. Je profite de votre question pour annoncer que, tous opérateurs et instruments confondus, nous allons porter cette contribution de 109 millions en 2006 à 157 millions en 2007. Le montant des crédits transitant par les ONG aura ainsi quasiment doublé depuis 2004.

Les crédits de la mission d’appui de l’action internationale des ONG passeront de 47,2 millions en 2006 à 74,9 millions en 2007, en partie sur le Fonds de solidarité prioritaire. Cette forte augmentation s’accompagnera d’exigences précises sur la qualité des projets et sur leur adaptation à la politique de la France. S’agissant des crédits de mon ministère, les orientations sont les suivantes : nous voulons développer la concertation et le partenariat avec les ONG, contribuer à la structuration de la société civile du Sud, encourager la sensibilisation au développement dans l’opinion française, mener à bien les projets de codéveloppement, en particulier avec les organisations de solidarité issues de l’immigration, et renforcer l’accompagnement du volontariat. Enfin, nous voulons continuer à donner la priorité à l’Afrique sub-saharienne, en particulier aux pays les moins avancés, tout en conservant un niveau d’intervention élevé dans les pays en crise, en particulier le Liban, Haïti, l’Afghanistan et le sud Soudan.

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Aide publique au développement

État B

Les crédits de la mission Aide publique au développement, mis aux voix, sont adoptés.

Art. 42

L'article 42, mis aux voix, est adopté.

après l'Art. 42

M. le Rapporteur spécial – Le Parlement relève régulièrement le plafond des annulations de dettes autorisées par le club de Paris. En 2004, ce plafond a été fixé à 11,1 milliards. Or, au vu des annulations accordées au Nigeria et à l’Irak, nous savons déjà que ce sera insuffisant. La modification se fait ordinairement en loi de finances rectificative, un peu à la sauvette. La commission a souhaité, en adoptant l’amendement 36 rectifié, que cela soit fait en loi de finances initiale.

Mme la Ministre déléguée – Le Gouvernement y est favorable. Sur le plan juridique, cela ne pose pas de problème. Il est même plus logique de modifier ce plafond lors de la discussion de l’APD. Sur un plan technique, fin 2005, ces crédits, plafonnés à 11,1 milliards, étaient déjà consommés à hauteur de 9,2 milliards. Or nos engagements correspondent à environ 3 milliards d’annulations en 2006 et 2 milliards en 2007, notamment au profit du Congo, de la République démocratique du Congo, du Mali, du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, du Nigeria et de l’Irak. Relever le plafond de 3,5 milliards permettra d’y faire face en conservant une marge d’environ 10 %. Le Gouvernement lève le gage.

M. le Rapporteur pour avis – J’approuve l’amendement de la commission des finances.

Mais au passage, je souhaite revenir sur les propos de M. Loncle. Je regrette qu’on puisse ainsi répercuter à la tribune de l’Assemblée nationale les propos d’une obscure ONG américaine qui a pris position contre la politique française. D’abord prétendre comme elle le fait que l’on importerait trop peu de produits agro-alimentaires des pays du sud, c’est tenir le discours ultralibéral du groupe de Cairns, que, toutes tendances politiques confondues, nous nous appliquons à démonter pour qu’on cesse de mettre la France et l’Europe en accusation. Ensuite, les Américains critiquent l’inclusion des crédits militaires dans les crédits pour le développement. Mais quand la France intervient, c’est à la demande des pays concernés, et ses soldats sont ceux de la paix, sans laquelle il n’y a pas de développement. Enfin, ce rapport met en cause la politique migratoire de la France. Je ne suis pas certain qu’aujourd’hui les États-Unis mènent une politique de co-développement et une politique de l’immigration très humaine. Je regrette de devoir faire une telle mise au point (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. François Loncle – Le groupe socialiste votera naturellement cet amendement, et je remercie le Gouvernement d’avoir levé le gage. Je n’ai pas l’intention de polémiquer avec mon collègue Godfrain, dont je connais l’engagement, mais je m’interroge : pourquoi ma référence le fait-elle bondir ? Je me suis contenté de citer une organisation non gouvernementale américaine… Est-ce sa nationalité qui l’irrite ?

En revanche, je me réjouis que M. Godfrain ait insisté sur un des aspects que je soulignais, et que la ministre a laissé dans l’ombre : la présence dans ce budget de notre participation aux organisations de maintien de la paix, dont la part continue à croître. Il me semble que certains aspects de notre présence militaire en Afrique ne relèvent pas de la philosophie dont nous entretenait M. Godfrain !

Le débat se poursuivra sans doute, mais je ne pense pas que de telles attaques contre des ONG soient justifiées.

Mme la Ministre déléguée – Je ne peux pas laisser passer ce type de remarque, Monsieur Loncle. M. Godfrain a éclairé la représentation nationale : quelle que soit la couleur politique du Gouvernement, la France a toujours retenu et respecté à la lettre les critères du CAD, dont personne ne conteste la validité au sein de la communauté internationale. Il se peut que certaines ONG souhaitent introduire de nouveaux critères, comme celui de la sécurité…

M. François Loncle – Pourquoi cela vous gêne-t-il autant ?

Mme la Ministre déléguée – Ce n’est pas que cela nous gêne ! Cela déforme tout simplement la réalité, avec des intentions qui ne sont pas bienveillantes. Il existe pourtant des critères simples, qui ont toujours été reconnus par la France et par tous les bailleurs de fonds…

M. François Loncle – Ils ne sont pas intangibles !

Mme la Ministre déléguée – Je ne vois pas pourquoi nous devrions subitement adopter de nouveaux critères inventés par une ONG ? Est-ce parce qu’ils ne sont pas favorables à la France ? Restons-en aux critères de l’OCDE, que l’opposition a toujours utilisés lorsqu’elle était au Gouvernement ! Si les critères actuels vous gênent, c’est sans doute parce qu’ils placent la France à un bon rang.

M. François Loncle – Nous ne sommes pas si bien classés !

Mme la Ministre déléguée – Nous devons être fiers de notre pays ! L’action menée par la France sous l’impulsion du Président de la République est unanimement reconnue par la communauté internationale. Il n’y a pas lieu de polémiquer.

L'amendement 36 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – À l’unanimité.

M. le Rapporteur spécial – J’ai du mal à m’expliquer la nervosité du Gouvernement et de la majorité….

M. François Loncle - Toute critique est interdite !

M. le Rapporteur spécial – S’il est une tentation fréquente, c’est bien celle qui consiste à rejeter la faute sur l’opposition… Je note en revanche, Madame la ministre, que vous n’avez pas répondu aux questions que j’avais posées dans mon rapport. Vous vous êtes contentée de me faire une leçon de droit budgétaire sur les crédits d’engagement, vous étonnant qu’un membre de la commission des finances regrette qu’ils diminuent d’un tiers. Je dois donc le répéter : nous allons devoir remettre les choses à niveau en 2007 !

Je répète également que les frais d’écolage figurent effectivement dans les critères retenus par le CAD, mais la plupart des gouvernements européens ne les incluent pas dans l’APD. Et ce ne sont pas des montants insignifiants : 840 millions d’euros ! Si l’on y ajoute les crédits alloués à l’aide aux réfugiés, sur lesquels vous ne m’avez pas davantage répondu, on obtient un total de 1,3 milliard sur les 9,2 que compte cette mission. Cela mérite quand même quelques explications…

S’agissant des annulations de dettes garanties par la Coface, la ministre m’a renvoyé au prétendu laxisme des gouvernements des années 1980. Pour avoir appartenu à ces gouvernements, je sais que vous ne répondez pas à ma question : nous n’avions pas comptabilisé les soutiens à l’exportation au titre de l’APD ! Il est vrai que ce n’est pas votre gouvernement qui a comptabilisé ces crédits en premier, mais je ne vois pas en quoi il s’agit d’une aide publique au développement…

Pour toutes ces raisons, et malgré l’autosatisfaction de la majorité, je ne suis pas convaincu que l’APD atteigne effectivement 0,5 % du revenu national brut l’an prochain.

Je reviens enfin sur une autre interrogation à laquelle vous n’avez pas répondu : je serais très surpris que les annulations de dettes prévues soient respectées. Ce n’est pas vous faire offense : compte tenu de la lourdeur des procédures et de la complexité de certaines situations, en particulier en Côte d’Ivoire, rien ne permet de penser que vos objectifs seront atteints.

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Prêts à des états étrangers

État D

Les crédits de la mission Prêts à des États étrangers, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président – Nous en avons terminé avec l’examen des crédits relatifs à l’aide publique au développement.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu jeudi 2 novembre, à 15 heures.
La séance est levée à 19 heures 10.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

© Assemblée nationale