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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du mercredi 8 novembre 2006

Séance de 15 heures
20ème jour de séance, 40ème séance

Présidence de M. Jean-Louis Debré

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La séance est ouverte à quinze heures.

M. le Président – Après trente-cinq ans de carrière à l'Assemblée nationale, le chef des huissiers de séance, M. Jacques Racot, prend aujourd’hui sa retraite. En votre nom à tous, je lui exprime tous nos remerciements et, à travers lui, notre reconnaissance à l’ensemble des huissiers de séance.

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

M. le Président – Comme chaque premier mercredi du mois, les quatre premières questions porteront sur des thèmes européens.

biocarburants

M. Jean Dionis du Séjour – L’UDF et moi-même sommes heureux d’associer à cette question, qui concerne les huiles végétales pures, tous ceux qui ont ici, sur tous les bancs, plaidé cette cause, à commencer par mes collègues élus du Lot-et-Garonne, Michel Diefenbacher et Alain Merly (M. Yves Cochet s’exclame). Je vous y associe également, Monsieur Cochet.

Les huiles végétales constituent la filière la plus simple de biocarburants. Il suffit de presser à froid des graines de tournesol ou de colza et de filtrer l’huile obtenue pour pouvoir l’utiliser dans son moteur. C’est une filière très intéressante sur le plan énergétique comme sur le plan écologique. L’Union européenne ne s’y est d’ailleurs pas trompée qui a tout naturellement, dans une directive de 2003, considéré les huiles végétales pures comme des biocarburants à part entière. Ces huiles représentent à la fois un espoir pour nos agriculteurs et un outil d’avenir pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Or, aussi étonnant que cela puisse paraître, la France interdit leur utilisation. La loi d’orientation agricole ne les a autorisées, à ce jour, qu’en auto-consommation agricole. Mais, dans le Lot-et-Garonne, des élus font circuler, illégalement, les camions de leurs collectivités en partie aux huiles végétales (Exclamations sur divers bancs). Monsieur le ministre de l’économie, vous avez en cette affaire le choix entre l’anarchie et l’audace. Du fait de votre timidité excessive en ce domaine, c’est aujourd’hui l’anarchie qui prévaut. Avant l’été, la justice avait suivi le préfet du Lot-et-Garonne en annulant la délibération de la communauté de communes du Villeneuvois qui autorisait les camions de la structure intercommunale à rouler aux huiles végétales. La communauté a immédiatement interjeté appel de cette décision. Or, le 31 octobre, le commissaire du Gouvernement a plaidé pour la poursuite de cette expérience, tandis qu’une semaine auparavant, le ministre des transports, avait déclaré « avoir bon espoir d’obtenir le feu vert interministériel pour permettre à des camions-bennes de rouler à l’huile végétale ».

M. le Président – Posez votre question, je vous prie.

M. Jean Dionis du Séjour – Comme on dit chez nous, tout cela fait « un peu pagaillous ». Il est grand temps de faire preuve d’audace. Quand le décret autorisant la commercialisation des huiles végétales pures dans le monde agricole sera-t-il publié ? Quand le feu vert interministériel sera-t-il donné pour que des véhicules de collectivités puissent rouler à l’huile végétale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie  Sur une question devant porter sur un thème européen, vous avez su, Monsieur le député, vous rappeler à votre région qui, en matière énergétique, fait en effet preuve d’audace, fût-ce au prix d’une certaine pagaille. Si nous appliquions strictement la directive européenne, nous serions contraints d’interdire ces expérimentations, pour des raisons à la fois techniques de compatibilité avec les moteurs et environnementales. Le problème aujourd’hui est que de nombreuses huiles végétales ne respectent pas les normes environnementales imposées par la directive. En revanche, si on estérifie ces huiles, le résultat est bien meilleur. C’est pourquoi nous avons autorisé 2,8 millions de tonnes d’esters d’huiles végétales qui, allant être produites dans quinze usines, permettront d’incorporer 7 % de biocarburants dans le gazole.

Cela étant, comme la loi d’orientation agricole a autorisé les agriculteurs à utiliser les huiles végétales comme carburants pour leur consommation propre, comme nous avons fixé au 1er janvier 2007 la date limite pour tirer les leçons de l’expérience, comme les conclusions du rapport Herth–Poignant sur le sujet ont été adoptées en commission, y compris par vous-même, Monsieur Dionis du Séjour, d’autres expérimentations seront vraisemblablement lancées. Vous aurez alors toutes les réponses à vos questions, aussi bien sur le plan technique que fiscal et environnemental. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

crise de la viticulture

M. François Liberti – La viticulture française traverse la crise la plus grave de son histoire. Les méventes et l’effondrement du revenu qui s’ensuit sont devenus le lot commun de milliers de viticulteurs, en particulier en Languedoc-Roussillon, où nombre d’entre eux ne survivent déjà plus que grâce au RMI. La baisse de la consommation explique certes la crise actuelle des débouchés en France mais s’y ajoute la dérégulation du marché qui favorise sur le plan international une viticulture capitalistique sans contraintes ni de production, ni de commercialisation. Comment, dans ces conditions, nos viticulteurs pourraient-ils vendre leurs vins, pourtant de grande qualité et en constante amélioration depuis des années ? La remise en cause des appellations d’origine contrôlée, laissant le champ libre à des pratiques œnologiques douteuses, et l’arrachage de 400 000 hectares de vignes, qui constituent les deux mesures-phares du plan européen d’aide, vont aggraver la crise alors que, dans le même temps, les vignobles du Nouveau monde ne cessent de s’étendre.

Ma question est simple. Je la pose au nom de tous les parlementaires communistes et républicains, notamment de Marie-George Buffet, André Chassaigne et moi-même qui avons cosigné une lettre solennelle adressée au Gouvernement demandant la convocation dans les plus brefs délais d’états généraux de la viticulture réunissant l’ensemble des acteurs de la filière sur le plan national. Il y a urgence. Monsieur le ministre de l’agriculture, donnerez-vous une réponse favorable et une suite concrète à cet appel du monde viticole tout entier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche  Monsieur le député, vous avez raison d’insister sur les difficultés de notre filière viticole, particulièrement sensibles dans votre région du Languedoc-Roussillon. Le plan de l’Union européenne, tel qu’il a été présenté, est bien entendu inacceptable. On ne peut accepter ni l’arrachage de 400 000 hectares, ni qu’il soit impossible de moduler les arrachages en procédant à de l’arrachage provisoire. Et l’on ne peut pas davantage accepter l’ultralibéralisme que traduirait un droit de plantation totalement libéré, alors que nous souhaitons réguler l’offre par rapport à la demande. Enfin, on ne peut pas tolérer l’importation de moût venant de l’étranger.

Cela étant, qu’ils soient ou non en grande difficulté, tous les viticulteurs français savent qu’il est indispensable de réformer l’OCM vitivinicole. Nous avons notamment besoin d’instruments de gestion de crise, et, par exemple, de pouvoir continuer à utiliser la distillation de manière ponctuelle. De même, nous devons nous doter de nouveaux instruments de promotion pour accéder aux débouchés offerts par le marché international. Nous allons donc discuter d’une réforme à partir de nos propres propositions – que soutiennent d’autres États membres –, en refusant d’accepter en l’état le projet qui nous est soumis.

Bien entendu, je suis prêt à poursuivre les discussions avec les professionnels – notamment pour développer nos exportations, en valeur comme en volume. La forme des états généraux est peut-être un peu trop spectaculaire pour être vraiment efficace, mais d’accord pour des réunions de travail avec tous les vignobles. Avec le Premier ministre, nous y sommes tout à fait disposés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

adhésion de la turquie à l’ue

M. Hervé de Charette – Ma question porte sur les rapports entre l’Union européenne et la Turquie. D’abord, la Turquie va-t-elle se décider à appliquer à Chypre l’accord douanier, qui la lie à l’UE ? En septembre 2005, les Vingt-cinq ont fixé un ultimatum à Ankara, lui intimant d’ouvrir ses ports et aéroports aux navires et avions chypriotes avant la fin 2006, faute de quoi la poursuite des pourparlers d’adhésion serait compromise. Où en est-on, à quelques semaines de l’échéance ?

Ensuite, la publication du rapport d’étape de la Commission européenne sur l’état des négociations et la situation turque a de quoi inquiéter. S’agissant de la liberté d’expression, le rapport indique que l’article 301 du code pénal turc, qui réprime les atteintes à l’identité nationale turque, a été utilisé de manière répétée, pas moins de 67 fois en 2006. Par ailleurs, les droits des femmes ne sont pas respectés dans les régions les plus pauvres du pays ; les crimes d’honneur continuent, et, dans le Sud-Est, il est encore fréquent que les filles ne soient même pas déclarées à la naissance. S’agissant des droits des minorités et de la torture, la situation ne progresse pas : le nombre de cas de tortures et de mauvais traitement a certes baissé, mais ceux-ci sont toujours signalés, notamment en prison et au Kurdistan. Les forces armées continuent d’exercer une influence politique majeure et la corruption est généralisée, dans le secteur public comme dans le monde judiciaire. Le système judiciaire ne fonctionne toujours pas de manière impartiale et efficace. Enfin, la situation des droits de l’homme reste éminemment préoccupante au Kurdistan, surtout depuis les émeutes du printemps dernier : plus de 550 personnes ont été emprisonnées, dont 200 enfants.

Quelles conclusions le Gouvernement entend-il tirer de ce rapport ? Comment sera préparée la réunion des chefs d’État et de gouvernement du 15 décembre prochain, où cette question sera placée au cœur des débats ?

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères  La Commission européenne a, en effet, présenté ce matin son rapport annuel sur l’élargissement de l’Union européenne. S’agissant de la Turquie, la Commission estime que le rythme des réformes qui lui permettraient d’adhérer reste beaucoup trop lent, qu’il s’agisse de l’article 301 du code pénal turc relatif à la liberté d’expression, de la liberté religieuse ou du droit des minorités.

En septembre 2005, le Conseil européen des ministres des affaires étrangères avait décidé à l’unanimité de subordonner l’adhésion de la Turquie à l’UE à la reconnaissance des 25 États-membres, donc, en particulier, de Chypre. Or, la Turquie n’accepte toujours pas d’ouvrir ses ports et ses aéroports aux navires et avions en provenance de Chypre, qu’ils soient ou non chypriotes. Il est donc évident qu’elle ne satisfait pas à ses obligations. Il reste deux mois d’ici à l’échéance et la présidence finlandaise fera tout pour que la Turquie tienne ses engagements.

J’entends être très clair devant vous : si, à la fin de cette année, la Turquie ne reconnaît toujours pas les 25 États-membres – dont, évidemment, Chypre –, il sera nécessaire de revoir le calendrier d’adhésion de ce pays à l’Union européenne. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

EADS

M. Jean-Marc Ayrault – Monsieur le Premier ministre, EADS est une réussite technologique et humaine dont la France peut être fière. C'est l'État qui a été à l'origine du projet, et c’est lui qui doit en garantir la pérennité. Or le plan de restructuration que vient de présenter la direction du groupe pour sa filiale Airbus commande que le Gouvernement s'explique devant la représentation nationale. La première annonce qui inquiète, c’est l'abandon de 80 % des entreprises sous-traitantes d’Airbus. Sans la moindre concertation, des centaines de PME innovantes et leurs salariés se verraient brutalement menacés et des territoires entiers risquent de subir une véritable saignée économique.

Plus choquante encore est l'apathie de l'État actionnaire, alors qu’EADS prévoit de délocaliser une partie de sa production dans des pays à bas salaires. Quel est ce patriotisme économique que celui qui autorise une firme, née d'une volonté politique et financée partiellement par des fonds publics, à organiser un véritable dumping social ? Et que dire enfin de la décision des deux actionnaires de référence, le groupe Lagardère et le groupe Daimler Chrysler, de se désengager au moment où le groupe s'enfonce dans les difficultés ?

Monsieur le Premier ministre, que de légèreté, que d'irresponsabilité dans le traitement gouvernemental de ce dossier ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Vous allez nous dire que le pacte d'actionnaires interdit à l'État d'intervenir dans la gestion du groupe. Mais ce pacte a déjà volé en éclats et vous-même l'avez violé en faisant nommer M. Forgeard. Nous n’acceptons pas cette attitude de non-assistance à entreprise stratégique en danger. (« Baratin ! » sur les bancs du groupe UMP) Nous vous demandons de prendre l’initiative d’un plan concerté entre les gouvernements français et allemand. La réussite industrielle se bâtit sur le temps, la recherche, l'investissement, la stabilité de l'actionnariat et du management.

Votre gouvernement va-t-il rester passif et avaliser ce plan de restructuration, sans dire son mot sur ses conséquences économiques, sociales, territoriales et pour la stratégie de ce grand groupe industriel, français et européen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Dominique de Villepin, Premier ministre  Merci, Monsieur Ayrault, de la confiance que vous accordez au Gouvernement. Vous avez raison sur un point : EADS traverse effectivement, avec l’ensemble de la filière aéronautique, une période difficile. Mais force est de constater que nous avons immédiatement pris le problème à bras-le-corps : au titre de l’État actionnaire, Thierry Breton a contribué à la réorganisation du groupe…

Plusieurs députés socialistes – Très mal !

M. le Premier ministre – …et Dominique Perben a reçu l’ensemble de la filière, avec laquelle il travaille.

Je veux le dire solennellement devant la représentation nationale : je crois en la filière aéronautique, et je crois en l’avenir industriel de la France, qu’il nous appartient de défendre ensemble. Pourquoi cette confiance ? Parce que ce sont cinq millions d’emplois qui sont en jeu, parce que nous sommes le cinquième exportateur mondial, et parce que l’industrie est au cœur de notre identité !

Plusieurs députés socialistes – Blablabla !

M. le Premier ministre – C’est en restant une grande puissance industrielle que la France restera tout simplement une grande puissance ! Beaucoup avaient renoncé à cette ambition, que nous portons avec détermination sous l’impulsion du Président de la République (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Les pôles de compétitivité, c’est nous ! La création de l’agence pour l’innovation industrielle, c’est nous ! Et la modernisation de notre système de recherche, c’est encore nous ! Nous redonnons à la France une véritable stratégie industrielle ! (Mêmes mouvements)

Dans les mois qui viennent, je continuerai à défendre cette ambition : après avoir réussi à sauver 600 emplois à la Sogerma, nous ne laisserons tomber ni Airbus, ni ses salariés, ni les PME qui travaillent dans cette filière. Je recevrai dès la semaine prochaine le président Louis Gallois et je me rendrai mardi prochain à Toulouse pour trouver des solutions.

Pour l’avenir d’Airbus et celui de toute notre industrie, il existe deux solutions : l’innovation et l’Europe. Si nous savons, nous autres Européens, nous protéger et défendre nos intérêts économiques, il faut également que nous fassions place à une véritable stratégie d’excellence européenne, qui doit se bâtir autour des deux plus grandes nations, la France et l’Allemagne. Nous avons déjà remporté de grands succès, mais nous devons aller plus loin, par exemple dans le secteur de l’énergie et de l’espace. Rassembler nos forces, c’est tout le sens du patriotisme économique français et européen, que je me réjouis de retrouver dans vos propos. C’est ainsi que nous redonnerons confiance et fierté à nos compatriotes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Plusieurs députés socialistes – Quel baratin !

politique de cohésion sociale

M. François Grosdidier – Monsieur le ministre de l'emploi, voici trente ans que les habitants des quartiers mal construits ont été marginalisés, relégués et paupérisés. Pendant vingt ans, on a beaucoup discouru et disserté, mais on a peu agi, sauf à la marge. Cela fait cinq ans que ce gouvernement a pris le taureau par les cornes !

Sous la direction de Nicolas Sarkozy, les forces de l'ordre sont désormais clairement mandatées : au lieu de jouer aux animateurs sportifs, elles doivent exercer leur métier de policiers ! Nous rétablissons ainsi le droit à la sécurité, mais aussi les droits sociaux pour tous et l’égalité des chances. Vous avez fait rentrer la République dans les quartiers, Monsieur le ministre de la cohésion sociale (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Vous nous avez fait passer du virtuel au réel grâce à une action sans précédent en faveur des habitants des quartiers dits « sensibles » (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), qui doivent enfin redevenir des citoyens à part entière !

Pour un droit à un cadre de vie digne, vous avez physiquement changé les quartiers, en les désenclavant, en abattant des tours et des barres pour les remplacer par un habitat à taille humaine ; vous avez également œuvré pour le droit à l'intégration culturelle et à l'insertion sociale et professionnelle en créant les « écoles de la deuxième chance » ; pour le droit à l'éducation, grâce à un accompagnement individualisé des enfants qui souffrent de handicaps sociaux ou culturels, mais aussi grâce à votre programme de réussite éducative ; vous avez enfin œuvré pour le droit à l'emploi sans discrimination d’origine ou de résidence.

C’est en effet l'objectif de la HALDE, qui a été instituée par ce Gouvernement, mais aussi celui des zones franches urbaines, créées en 1995 par Éric Raoult. Alors que la gauche voulait supprimer ces dernières, vous les avez développées et étendues ! Tel est enfin l'axe principal de votre plan de cohésion sociale.

Il reste que ce volet humain est nécessairement moins visible que les démolitions, les reconstructions et les grands travaux qui ont eu lieu, et que même en mettant les bouchées doubles, nous ne pourrons pas rattraper complètement en cinq ans trente années d'abandon.

M. le Président – Pouvez-vous poser votre question, Monsieur Grosdidier ?

M. François Grosdidier – Je vois déjà les premiers résultats tangibles de votre action dans ma commune, qui compte 70 % de logements sociaux. Pourriez-vous, Monsieur le Ministre, faire le point sur votre travail et nous en dresser les perspectives ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Bataille – La machine de propagande est en route !

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement  Il y a trente ans déjà se déroulait la marche pour l’intégration – souvenons-nous-en ! Force est de constater qu’en trente ans notre pays n’avait pas pris la mesure de la gravité de la situation, de la ségrégation urbaine, ni du déni collectif qui porte sur la discrimination, soit par habitude, soit par indifférence. Nous avions l’impression que si l’emploi se portait mieux dans notre pays, la situation s’améliorerait dans les mêmes proportions dans les quartiers sensibles. Or, c’était faux, Monsieur Grosdidier !

Il a donc fallu un plan de 35 milliards d’euros, qui est aujourd’hui en place. Mais ce n’était pas suffisant, car nous avons dû engager également la lutte contre la discrimination de tous les jours… Notre pays s’est enfin doté d’une autorité de lutte contre les discriminations, le service public s’est emparé de ce sujet et les grandes entreprises ont signé des chartes en faveur de la diversité et sont venues directement dans les quartiers pour recruter. Sans tout cela, jamais l’amélioration globale de l’emploi n’aurait touché les « quartiers » !

Le rapport sur la politique des ZUS doit nous interpeller et nous inciter à la modestie. Pour la première dans l’histoire de notre pays, nous avons enfin engagé la lutte contre les discriminations et le chômage a plus baissé dans les « quartiers » que dans le reste du territoire ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) – 22 % de baisse contre 11 % dans l’ensemble ! La palme revient à Clichy-sous-Bois, avec 22 % de baisse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés socialistes – C’est faux !

contrôle des bagages dans le transport aérien

M. Georges Fenech - L'Union européenne a décidé de renforcer la sécurité des transports aériens : depuis le 6 novembre, un nouveau dispositif restreint l’apport des liquides ou gels en cabine. Seuls les flacons de liquides d’une contenance inférieure à 100 ml sont autorisés, s'ils tiennent dans un sac plastique transparent. Les passagers doivent par ailleurs ôter leurs vestes et manteaux et faire passer leurs ordinateurs portables au scanner. Ces mesures, si elles sont nécessaires, sont assez contraignantes et s’appliquent à l'ensemble des vols, y compris à l’intérieur de l'Union. Quelles mesures comptez-vous prendre pour ne pas perturber le confort, ou en tout cas la fluidité des activités, ni l'activité de commerce dans les aéroports ? Qu’en sera-t-il en particulier des médicaments et aliments pour enfants en très bas âge ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer  La menace terroriste reste élevée, et nous en sommes au niveau rouge du plan Vigipirate. Le fait que, pendant l’été, nos amis britanniques aient été confrontés à une tentative d’attentat qui aurait utilisé pour la première fois des explosifs liquides a donc donné lieu à des discussions entre pays européens et avec les États-Unis pour trouver des réponses adaptées. J’ai personnellement rencontré mes homologues britannique et allemand ainsi que Jacques Barrot et la Commission a édicté une nouvelle réglementation, en harmonie avec les règles américaines et qui s’applique aux bagages cabine – rien ne change pour les bagages en soute. Cette réglementation semble bien comprise par nos concitoyens. On pourrait craindre qu’elle ne gêne les formalités d’embarquement, mais, alors qu’elle est en vigueur depuis lundi dans toute l’Europe, on n’a compté que quelques retards au décollage lundi matin et tout s’est régularisé depuis. J’avais veillé à ce qu’un très important travail d’information soit mené par les compagnies aériennes et les aérodromes et à ce que les sacs en plastique désormais nécessaires soient mis à la disposition des passagers. Quant aux médicaments liquides, il faut penser à se munir de son ordonnance médicale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

réchauffement climatique

M. Jean-Yves Le Déaut – La conférence sur le climat vient de s’ouvrir à Nairobi. Le changement climatique sera le défi majeur du XXIe siècle. La mission parlementaire que j'ai présidée, et dont Nathalie Kosciusko-Morizet était le rapporteur, a été unanime : l’illusion de l’abondance énergétique nous a conduits à une politique d’insouciance. En six générations, les pays développés auront dilapidé la moitié des réserves de la planète. Les effets en sont déjà perceptibles, mais le changement climatique affectera, si nous n'agissons pas vite, des éléments plus fondamentaux : accès à l'eau, production alimentaire, santé, grands équilibres naturels… Le pire est à venir : pénuries d'eau, inondations, cyclones, engloutissement de zones côtières. Tant que ce sont les écologistes qui le disent, on ne les écoute pas. Mais Sir Nicholas Stern, ancien économiste en chef de la banque mondiale, a estimé que le laisser-faire pourrait coûter de 5 à 20 % du PIB mondial, soit une somme astronomique de 2 000 à 5 000 milliards de dollars par an – 100 milliards d’euros au moins pour la France. Nous avons vingt ans pour agir et pour convaincre nos concitoyens. Il faut que la France et l'Europe soient exemplaires. Il faut négocier l’après-Kyoto. Lutter dès à présent coûtera beaucoup moins cher que ne rien faire.

M. le Président – Monsieur Le Déaut, posez votre question.

M. Jean-Yves Le Déaut – Vous n’avez pris que des mesurettes.

M. Jean-Marc Roubaud – Ce n’est pas une question !

M. Jean-Yves Le Déaut – Acceptez-vous la création d’une délégation climatique à l'Assemblée nationale ? La France va-t-elle soutenir une position courageuse à Nairobi, proposer une tarification des émissions de dioxyde de carbone et aider les pays en voie de développement à s’adapter ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie  Au nom de Nelly Olin, qui assiste à une conférence à propos de l’arc alpin, je vous remercie, Monsieur Le Déaut, de l’excellent travail que vous avez fourni avec Mme Kosciusko-Morizet sur cette question. En la matière, nous avons de grandes ambitions, et nous mettons des moyens à leur service.

Nos émissions de gaz à effet de serre sont plutôt raisonnables : 6,2 tonnes de gaz carbonique par an et par habitant, contre 10,3 pour l’Allemagne et 19,7 pour les États-Unis. Une grosse partie de notre production électrique est en effet nucléaire, et nous avons la meilleure production d’électricité renouvelable en Europe, grâce notamment à l’hydroélectricité. Nos bases sont donc solides. Ainsi, si la croissance a été de 2 % en 2005, la consommation d’énergie a diminué cette même année. Les efforts qui ont été faits dans tous les domaines produisent donc déjà des effets. La loi d’orientation sur l’énergie de 2005 a fixé des objectifs encore plus élevés et, tous les ans, nous prenons des mesures nouvelles. Ainsi, en 2006, le Premier ministre a renforcé la défiscalisation des biocarburants, nous avons pris des arrêtés sur le rachat d’électricité produite par des énergies renouvelables – les investissements dans ce domaine deviennent ainsi rentables, et nous sommes parmi les pays les plus avancés dans ce domaine – et nous avons mis en place le livret de développement durable.

M. le Président – Merci, Monsieur le ministre…

M. le Ministre délégué – Il y a aussi les obligations liées au certificat d’économie d’énergie. Appeler cela des mesurettes, c’est de la mauvaise foi (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

attractivité de la fonction publique

M. Jean-Pierre Gorges – Beaucoup d’agents publics, qu’ils travaillent pour l’État, pour les collectivités locales ou pour la fonction publique hospitalière, se plaignent de blocages de carrière. Il n’est pas rare qu’au bout de dix ou quinze ans, ils n’aient plus de perspective d’avancement ou d’augmentation de leur rémunération.

Un tiers des fonctionnaires devant partir en retraite au cours des dix ans qui viennent, la question prend une importance particulière. Pouvez-vous nous indiquer, Monsieur le ministre, les mesures que vous avez prises pour répondre à des attentes légitimes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique – L’ampleur des départs à la retraite nous obligeait à renforcer l’attrait de la fonction publique. Nous nous y sommes employés en actionnant trois leviers. Le premier est celui des rémunérations, et nous avons modifié les grilles pour offrir de plus grandes perspectives, particulièrement aux agents de la catégorie C, pour lesquels un échelon supplémentaire a été créé en fin de carrière, avec, à la clef, cent euros mensuels supplémentaires. La grille a également évolué, dans une moindre mesure, pour les fonctionnaires des catégories B et C. Le deuxième axe de notre action a été d’agir sur les promotions et, à partir de 2007, le nombre de passages de catégorie C en catégorie B et de catégorie B en catégorie A doublera. Enfin, nous avons cherché à développer l’offre. Cela suppose une plus grande mobilité dans les fonctions publiques et au sein des administrations, en multipliant les détachements et les mises à dispositions, et cela suppose aussi la fusion des corps, cette Arlésienne… (Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Or, dès cette année, la fusion des corps aura progressé de 25 %.

Si tout cela a été possible, c’est grâce à l’accord trouvé avec les syndicats de la fonction publique, alors que, depuis huit ans, aucun accord sur le pouvoir d’achat n’avait été obtenu. (Exclamations sur les mêmes bancs) En matière de dialogue social, là où vous avez échoué, le Premier ministre a réussi, et vous devriez l’encourager. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Le bleuet de France

M. Marc Bernier - À la fin de la Grande Guerre, les pays alliés les plus meurtris choisirent chacun une fleur comme symbole de la mémoire et de l'espoir d'un monde en paix renaissant de la cendre des champs de bataille. Pour la Grande-Bretagne ce fut le coquelicot, pour la Belgique la marguerite. La France choisit le bleuet, la fleur qui repoussait la première sur le front après des semaines de pilonnages d'artillerie. C’est ainsi que le bleuet – que je porte aujourd'hui, comme quelques-uns de mes collègues – est devenu pour nous un symbole de mémoire et de solidarité à l'égard des combattants de tous les conflits et de toutes les origines. Depuis le 11 novembre 1934, le bleuet est vendu chaque année dans toutes les communes de France, pour financer les actions de solidarité de l'Office national des anciens combattants – l’ONAC –, dont nous fêtons cette année le quatre-vingt-dixième anniversaire – et pour assurer l’entretien et la restauration des lieux de mémoire. Mais si les Britanniques ont su conserver toute la symbolique du coquelicot, la pratique est progressivement tombée en désuétude en France, comme s'il était devenu insultant d'honorer la mémoire de celles et ceux qui firent le sacrifice suprême pour libérer la patrie. Cette année, à l’initiative du Président de la République, il a été décidé de la faire revivre et, le 11 novembre, les membres du Gouvernement, les parlementaires et les élus arboreront le bleuet comme ils l’ont fait le 8 mai. Pouvez-vous, Monsieur le ministre, préciser le rôle de l'œuvre nationale du « Bleuet de France », et son lien avec l'ONAC ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants  Votre question me donne l’occasion de rappeler toute l’importance de l’Oeuvre du Bleuet de France, institution exemplaire et indispensable qui, comme vous l’avez indiqué, a la double mission de venir en aide aux anciens combattants en difficulté et de soutenir des actions de mémoire. Elle a ainsi alloué 17 millions d’aide sociale en 2006, qui s’ajoutent aux 13 millions versés par l’ONAC, et financé plus de 350 manifestations de mémoire. Ces actions sont rendues possibles par la générosité des Français lors des collectes réalisées le 8 mai et le 11 novembre. Contrairement aux idées reçues, l’institution, affiche donc un grand dynamisme. L’ONAC en assure la gestion et la pérennité. On célèbrera cette année le quatre-vingt-dixième anniversaire de l’Office. Le Président de la République recevra à cette occasion, le 11 novembre, une délégation conduite par une jeune ancienne combattante invalide, championne d’escrime handisport. Enfin, le monde combattant se félicite que l’Oeuvre du Bleuet de France ait reçu le label « campagne d’intérêt général ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Lutte contre l’effet de serre

Mme Geneviève Gaillard – Ma question s’adressait à Mme Olin, à laquelle je souhaite un bon voyage. La réponse que vous avez faite à mon collègue Le Déaut, Monsieur le ministre délégué à l’industrie, suggère que la France est une bonne élève, mais je maintiens que les dispositions prises par le Gouvernement ne sont que mesurettes au regard des enjeux. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Si la France est effectivement en mesure d’atteindre le premier objectif auquel elle a souscrit, c’est parce qu’elle se repose sur ses « lauriers nucléaires » : c’est en raison de notre niveau élevé de nucléarisation que nous donnons l'impression de satisfaire à nos engagements, et aussi grâce aux efforts impératifs de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. Mais, nucléaire excepté, les résultats de notre pays en matière d'économie d'énergie et de développement d'énergies renouvelables ne sont aucunement suffisants. Or, ni le budget de la recherche ni ceux des transports, du logement, de l’industrie, de l'aménagement du territoire, de l'agriculture n'opèrent le changement de cap indispensable ! De même, de par sa timidité, le plan national d'affectation des quotas des émissions de CO2 n'a pu être à l’origine d’un cercle vertueux. Quelle sera donc la constitutionnalité du projet de loi de finances 2007 au regard de la charte de l'environnement ? La ministre s’engagera-t-elle à demander au Premier ministre une rallonge budgétaire dans le cadre du pacte national pour le développement durable et l'environnement qu'il a présenté ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie  Dans ce domaine, notre action et nos moyens sont plus ambitieux que ce que vous semblez croire. Nous sommes engagés dans l’application du protocole de Kyoto de façon très efficace. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Il dispose qu’en 2012 les émissions de gaz à effet de serre ne doivent pas être plus importantes qu’en 2010. Or depuis 1990, l’industrie française a réduit de 22 % ses émissions. J’ai déjà indiqué à M. Le Déaut la liste des mesures que nous avons prises pour les économies d’énergie et les énergies renouvelables. Pour 2006, cela correspond à un milliard. Jamais un Gouvernement n’y a consacré un tel montant. Donc nous avons une ambition, et nous la réalisons.

M. Augustin Bonrepaux – C’est faux !

M. le Ministre délégué – Lundi, au comité interministériel sur le développement durable, nous prendrons des mesures complémentaires concernant le plan climat. Enfin, nous portons l’effort sur le plan international pour que les pays européens aient la même exigence et pour que les pays émergents ainsi que les États-Unis qui n’ont pas encore ratifié le protocole de Kyoto nous rejoignent afin de lutter ensemble contre le réchauffement climatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Politique de la petite enfance

M. Jean-Pierre Nicolas – Permettre aux femmes de concilier vie familiale et vie professionnelle est une priorité de notre majorité depuis 2002. Nous avons créé la prestation d’accueil du jeune enfant, revalorisé le statut des assistantes maternelles, augmenté de façon considérable le nombre de places de crèches. Allant plus loin, vous avez annoncé hier un plan ambitieux d’accueil de la petite enfance qui vise à trouver une solution de garde pour les 240 000 enfants de moins de 3 ans dont les parents n’ont pas pu trouver de solution. Dans notre société, où le taux d’activité féminin est important et le taux de natalité un des plus élevés d’Europe, offrir cette possibilité est essentiel. Dans quel délai et par quel moyen ce programme ambitieux sera-t-il mis en œuvre ?

Par ailleurs les caisses d’allocations familiales jouent un rôle essentiel en finançant la PAJE et en aidant, par l’intermédiaire du fonds d’action sociale, les collectivités locales à investir. Le Gouvernement a décidé en juillet d’augmenter de 2,4 milliards le budget d’action de la CNAF. Mais certaines collectivités s’inquiètent en raison de procédures qui aboutiraient à réduire l’aide des CAF, notamment en ce qui concerne les contrats avec les halte-garderies. C’est le cas à Évreux et dans ma circonscription. Pouvez-vous lever ces inquiétudes ?

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la familleEffectivement, j’ai eu hier la joie de présenter, à la demande du Premier ministre, un plan pour la petite enfance ambitieux et complet. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Augustin Bonrepaux – Financé avec quoi ?

M. le Ministre délégué – Pour répondre aux besoins des femmes, il faut augmenter l’offre de garde des jeunes enfants, la recherche d’une solution s’apparentant encore souvent à un parcours du combattant. C’est l’objectif de ce plan, grâce à une augmentation de l’offre, une diversification des services d’accueil, et le renforcement de la qualité et de la sécurité pour l’accueil des enfants de moins de 3 ans. Après l’effort accompli au cours des quatre dernières années, cela signifie d’offrir 40 000 places de crèches supplémentaires en cinq ans et de recruter 20 000 professionnels de la petite enfance…

Plusieurs députés socialistes – Avec quels moyens ? Mensonge !

M. le Ministre délégué – …de créer des micro-crèches et des crèches rurales, et aussi des crèches pour les salariés des très petites entreprises.

Pour cela, il faut des moyens. Nous les mobilisons, par l’intermédiaire des CAF, (« Faux ! » sur les bancs du groupe socialiste) avec le nouveau contrat enfance. Les CAF aideront les collectivités qui devraient payer plus de 22 % pour le financement des crèches. Lorsque ce plan sera réalisé, une solution de garde sera offerte pour chaque enfant de moins de 3 ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Politique du logement

M. Axel Poniatowski - La France manque de logements. Actuellement, le parc de résidences principales se répartit en 56 % de propriétaires occupants, 24 % de logements locatifs privés et 20 % de résidences sociales. La répartition est acceptable, le nombre total de logements insuffisant. Notre majorité a engagé une vaste politique d’aide et d’incitation à la construction qui commence à porter ses fruits, puisque cette année seront réalisés près de 450 000 logements dont 100 000 logements sociaux, soit deux fois et demi plus que la moyenne annuelle pendant la période du gouvernement Jospin.

L’insuffisance de la période socialiste explique en partie la bulle immobilière actuelle, notamment en Île-de-France. Les jeunes sont les plus touchés, mais aussi les familles séparées ou recomposées, et les plus modestes. Nous mesurons tous la souffrance des mal-logés et la spirale infernale dans laquelle ils peuvent être entraînés. C’est pourquoi la majorité a pris le problème à bras-le-corps depuis quatre ans. Combien de logements a-t-on construit ou réhabilité, et dans quel délai pensez-vous, Monsieur le ministre, que les besoins seront globalement satisfaits ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement  La crise du logement que nous ont léguée nos prédécesseurs au terme de cinq années noires était d’une gravité sans précédent depuis la guerre (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Mauvais !

M. le Ministre – Logements indignes ou inadaptés à la taille des familles, mobilité professionnelle freinée, pouvoir d’achat des foyers entamé jusqu’à 30 %... Il nous a fallu doubler la capacité de l’ensemble de la chaîne du logement pour affronter une crise qui en a touché tous les maillons : location et accession, social et résidentiel, individuel et collectif. Aujourd’hui, les résultats sont là : 450 000 mises en chantier, 550 000 permis de construire, doublement des constructions de logements sociaux cette année et même triplement l’année prochaine !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Ce sont des chiffres bidon !

M. le Ministre – En outre, le plan de rénovation urbaine s’imposait : notre pays comptait 600 000 logements indignes, qui sont pourtant à la source de l’échec scolaire. Voyez donc la gravité de la crise qui nous a été léguée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

La séance, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 20, sous la présidence de M. Bur.
PRÉSIDENCE de M. Yves BUR
vice-président

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loi de finances pour 2007 - seconde partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007.

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défense

M. Bernard Carayon, rapporteur spécial de la commission des finances pour l’environnement et la prospective de la politique de défense – Le programme Environnement et prospective de la politique de défense comprend six actions que j'ai regroupées, dans mon rapport, en trois pôles : la préparation de l'avenir, le renseignement et les relations internationales. Ses crédits s’élèvent à 1,66 milliard d'euros, en progression de 1,4 %.

La préparation de l'avenir, c'est d'abord l’analyse stratégique. Il s'agit, pour l'essentiel, de crédits d'études gérés par la Délégation aux affaires stratégiques, qui ne mobilise que 0,22 % des crédits de paiement du programme. L'essentiel de ces 3,7 millions d’euros est consacré aux études politico-militaires, économiques et sociales. Je note avec satisfaction que la Délégation aux affaires stratégiques sélectionne davantage les thèmes d'études et contrôle mieux la qualité des résultats de ces études. L'action « Prospective des systèmes de forces » comprend notamment les moyens des études opérationnelles et technico-opérationnelles. Elle finance également, à hauteur de 4,25 millions d'euros, l'Agence européenne de défense. L'essentiel des crédits demandés pour le maintien des capacités technologiques et industrielles est consacré aux études amont, pour lesquelles est consenti un effort considérable, avec au total 637,6 millions d'euros, soit une hausse de 6 %. L'effort de recherche aura progressé de près de 80 % depuis 2001, où la précédente majorité n’y consacrait que 355 millions d'euros, alors même que la recherche est essentielle pour l'avenir de notre défense et de notre industrie.

La DGA devrait concentrer sur les PME 10 % de ses autorisations d'engagement pour les études amont, soit 70 millions d'euros. Cette démarche, engagée depuis deux ans, est indispensable pour soutenir notre réseau de PME innovantes en matière de technologies. Je me félicite de ce volontarisme politique et industriel et souhaite que l’effort soit encore amplifié. De la qualité du tissu de nos PME dépend en effet la compétitivité des grands groupes français, et, au-delà, européens. À ce propos, je m'interroge, Madame la ministre, sur le moyen de vérifier, au sein de votre ministère, que le niveau des crédits d'études amont accordé à chaque industriel est bien proportionnel aux technologies-clés qu'il détient. En matière d'innovation technologique, j'insiste sur la nécessité de mutualiser les ressources publiques qui y sont affectées. Ce soutien doit reposer sur un fonds d'investissement à capitaux mixtes public-privé destinés aux PME évoluant sur les marchés à forte densité technologique. Dans le récent rapport que j'ai remis au Premier ministre, j'ai souhaité que soient créés des fonds populaires d'investissement au service du financement des PME-PMI. Un effort tout particulier doit être consenti en faveur de nos PME qui constituent la richesse future de notre pays.

Le secteur des technologies de l'information, de la communication et de la sécurité doit constituer une priorité nationale, comme le fut en son temps le nucléaire. Je réitère mon souhait que soit créé un « CEA » des technologies de l'information, de la communication et de la sécurité, non sous la forme d'une structure nouvelle mais d'un processus de mutualisation des moyens et des expertises existants, actuellement dispersés. Cette politique doit être conduite à l'échelle européenne : une Small Business Administration européenne devrait aider les PME innovantes, au sein d'un périmètre stratégique défini à l’échelle européenne.

J'en viens aux crédits du renseignement. Les budgets de la Direction générale de la sécurité extérieure et de la Direction de la protection et de la sécurité de la défense représentent 538,7 millions d'euros, dont 445,4 millions pour la DGSE et 93,2 millions pour la DPSD. Après une création nette de vingt emplois de catégorie A à la DGSE l’an passé, 16,5 équivalents temps plein devraient être créés en 2007. Madame la ministre, cette progression, notable, n’en reste pas moins dérisoire au regard des objectifs assignés à la DGSE. Les moyens de fonctionnement de la DGSE progressent légèrement en 2007 pour atteindre 34 millions. Mais cette progression correspond, en fait, aux frais de fonctionnement d'un nouveau centre. À périmètre constant, son budget de fonctionnement demeure stable. Les dotations en crédits de paiement des dépenses d'investissement progressent de 0,2 % seulement mais les dotations en faveur des équipements augmentent de 5,4 %. Le budget de fonctionnement de la DPSD s’élève à 7,6 millions d'euros en 2007 tandis que les dotations en crédits de paiement de ses dépenses d’investissement représentent 5,1 millions d'euros. Une part de ces crédits, qui ne figurent pas à son budget, proviennent du programme Soutien de la politique de défense.

J’en viens aux relations internationales, en commençant par le soutien aux exportations d'armement, assuré notamment par les attachés d'armement, avant d'aborder la diplomatie de défense, assurée par les attachés de défense. Le soutien aux exportations d'armement mobilise 17,9 millions d'euros, dont 12,3 millions au titre des dépenses de personnel de la direction du développement international de la DGA. Je souhaite qu'une initiative soit prise pour harmoniser les procédures européennes d’exportations d’armement. La diplomatie de défense est déterminante pour appuyer les ambitions internationales de la France face à l'évolution des risques. Elle contribue à la stabilité de l'environnement international et permet à la France de s'impliquer efficacement dans la prévention et la résolution des crises. Les postes permanents à l'étranger regroupent 409 personnes. Je salue les efforts de rationalisation de ce réseau et les redéploiements de personnel réalisés en 2005 et en 2006. Je relève la volonté de renforcer notre présence au sein des grandes enceintes européennes et internationales. Les frais de fonctionnement de l’ensemble de la diplomatie de défense, que la commission des finances avait critiqués, ont été ramenés à 30,5 millions d'euros.

Dans un contexte international marqué par la lutte contre le terrorisme et la multiplication des menaces, vous nous proposez, Madame la ministre, de renforcer les moyens de préparation de l'avenir de nos systèmes de défense et de consolider les dotations des services chargés du renseignement, sans pour autant, il est vrai, conduire les efforts budgétaires et organisationnels que nos grands partenaires ont engagés.

La commission des finances, adoptant les crédits de la mission Défense, a donc approuvé les crédits du programme Environnement et prospective de la politique de défense. Je vous invite à faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Cornut-Gentille, rapporteur spécial de la commission des finances pour la préparation et l’emploi des forces, pour le soutien de la politique de défense et pour l’équipement des forces Les crédits de la mission Défense s’élèvent à plus de 36 milliards d’euros en crédits de paiement. Avant de les analyser en détail, je tiens, lors de ce dernier débat budgétaire de la législature, à souligner que, pour la première fois, une loi de programmation militaire a été intégralement respectée. La portée politique, diplomatique et militaire d’une telle constance n’échappera à personne.

La loi de programmation 2003-2008 avait été accueillie avec un certain scepticisme. Rares étaient ceux qui, à vos côtés, Madame la ministre, soutenaient à l’époque qu’elle serait respectée. La plupart des observateurs disaient plutôt, avec le brin de condescendance qui sied aux spécialistes, qu’il s’agissait au mieux d’un effet d’affichage volontariste. Il est vrai que les expériences antérieures avaient été particulièrement décevantes. Si l’exécution était toujours conforme la première année, dès la deuxième année, les dérives commençaient.

Or, voici qu’aujourd’hui, pour la cinquième fois consécutive, nous votons des crédits conformes à la programmation initiale. Cela signifie que les choix du Parlement sont enfin respectés et ont retrouvé la force qu’ils n’auraient jamais dû perdre. Sur tous les bancs, nous ne pouvons que nous en féliciter.

À l'approche de l'élection présidentielle, certains exigent une plus grande implication du Parlement en matière de défense. Mais que serait une plus grande implication sans le respect des lois par le Gouvernement ? Madame la ministre, je tiens à saluer votre souci d'associer étroitement le Parlement – et pas uniquement notre commission de la défense – à la vie de votre ministère. Au cours de ces cinq ans, vous avez déployé l'énergie et la conviction nécessaires pour éviter les coupes claires qui, auparavant, faisaient du budget de la défense la principale variable d'ajustement budgétaire. Soyez en remerciée !

Ensuite, le respect de la programmation militaire permet de renouveler les équipements de nos armées. De reports budgétaires en gels ou annulations, les nouveaux programmes d'équipement étaient devenus de véritables Arlésiennes industrielles. Un seul exemple : le Rafale. Décidé en 1988, ce programme a pris dix ans de retard, principalement en raison du non-respect par l'État de son engagement financier. Résultat des courses : ce n'est qu'en juillet de cette année que l'armée de l'air a réceptionné son premier escadron, initialement prévu pour 1996. De tels décalages contraignent l'armée de l'air à maintenir en service les vieux appareils à un coût d'entretien anormalement élevé. Pour les industriels, les aléas budgétaires ont rendu la production de l'avion chaotique et ses chances à l'exportation quasi nulles pendant toute cette période de latence.

Le non-respect budgétaire des lois de programmation militaire est la victoire d'une logique comptable – au demeurant fort coûteuse – sur la cohérence militaire et industrielle. Aujourd'hui, fort heureusement, nous avons inversé l'ordre des choses. Désormais, les nécessités de défense nationale priment. C'est revenir à l’ordre logique des priorités.

Troisième conséquence du respect de la LPM dans la durée, les armées et les industriels ont désormais une vision à moyen terme de leurs moyens et objectifs respectifs. On ne gère plus par annuité mais avec une vision pluriannuelle. Cela permet de poursuivre les réformes de structures de nos armées, en adéquation avec leurs moyens et missions. Le renforcement des synergies entre armées a considérablement progressé, grâce au rôle accru du chef d'État-major des armées et à une utilisation pertinente des possibilités de la LOLF pour mieux identifier les responsabilités en interne.

Parmi les nombreuses réformes de structure, je souhaite évoquer le service unique des archives de la défense, le service unique d'infrastructure de la défense, la mise en place d'une formation commune des élèves commissaires, la création de la direction des réseaux interarmées et des systèmes d'information, le développement de la démarche qualité et la réorganisation de la fonction achat. Parallèlement, les externalisations se poursuivent pour la formation initiale des pilotes d'hélicoptères des trois armées et de la gendarmerie nationale, la gestion et la maintenance du parc de véhicules légers de la gamme commerciale et le transport aérien de longue portée.

Devenant un client plus fiable, l'État peut mieux négocier les prix. En respectant sa parole, il réalise des économies structurelles conséquentes ; les armées peuvent se réorganiser autour de leurs missions principales et les industriels se restructurer pour améliorer leur productivité.

En outre, comme la France tient ses engagements budgétaires sur les programmes, les coopérations internationales sont plus aisément envisageables. Et ce n'est pas un hasard si l'Europe de la défense a connu, au cours des dernières années, de réelles avancées concrètes.

Quatrième point à souligner : le respect budgétaire de la programmation militaire renforce le poids de la France dans le monde. Il ne suffit pas d'affirmer que nous avons l’une des meilleures armées du monde pour susciter le respect. Trop souvent, dans le passé, nos soldats ont dû préserver le rang de la France avec des matériels vieillissants. Aujourd'hui, grâce aux efforts budgétaires consentis par la nation, ils disposent – ou disposeront sous peu – d'équipements ultramodernes, leur permettant d'agir efficacement sur tous les théâtres. Je pense à nouveau au Rafale : lors de sa première participation à un exercice interarmées, cet été, en Espagne, il a passé avec succès toutes les épreuves. Cela permet à la France d’être de nouveau respectée en tant que grande puissance et de faire entendre sa voix. Grâce à la loi de programmation militaire et à notre constance budgétaire, près de 15 000 militaires français sont aujourd'hui déployés hors de nos frontières pour des missions de paix. C'est cela, la crédibilité de la France.

En respectant la loi de programmation militaire, le Gouvernement et le Parlement donnent du sens à la dépense budgétaire. Ils rendent compréhensibles les milliards d'euros dépensés pour équiper et soutenir nos armées. La justification au premier euro, nouveau principe budgétaire imposé par la LOLF, exige de préciser les objectifs poursuivis. LPM et budget annuel vont de pair : ne pas respecter l'un rend l'autre incohérent.

J’en viens aux crédits de la mission défense consacrés à l'équipement des forces : ils progressent de 1,9 % pour s'établir à 15,96 milliards en crédits de paiement et à 15,6 milliards en autorisations de programme. L'avancée de certains grands programmes se traduit par des baisses significatives des crédits affectés au développement et à la fabrication : moins 17,9 % en crédits de paiement. Par contre, l'entretien programmé des matériels croît sensiblement, en raison notamment de la concomitance de l'immobilisation pour entretien et réparation de trois bâtiments de la marine à propulsion nucléaire : le porte-avions Charles de Gaulle, le SNLE d'engin Le Téméraire et le sous-marin d'attaque Saphir.

Au cours de l'année 2006, le programme « équipement des forces » a fait l'objet de mesures de régulation budgétaire pour 625,28 millions. Rapportée au total, cette régulation a un impact limité, contrairement aux ajustements brutaux décidés avant 2002, qui avaient des conséquences immédiates sur la disponibilité des matériels. Les reports de crédits sur la gestion 2007 devraient être réduits d'environ 600 millions, ce qui constitue un progrès particulièrement remarquable. Cependant, je rappelle que l'article 15 de la LOLF limite à 3 % les crédits d'un programme susceptibles d'être reportés. Aussi, l'article 39 du projet de loi de finances pour 2007 propose-t-il, comme en 2006, de permettre le report des crédits du programme « équipement des forces ». C'est une invitation faite au Gouvernement de continuer à réduire les reports de crédits.

La traduction financière immédiate de ces régulations budgétaires est le paiement d'intérêts moratoires, à hauteur de 28 millions, qui sanctionnent le médiocre comportement budgétaire de l'État.

Les 15 milliards mobilisés pour l'équipement des forces commandent de veiller à la bonne gestion de ces crédits. Des échecs cuisants et certaines dérives financières passées nous invitent à la plus grande vigilance. Dans le cadre de la MEC, M. Viollet et moi-même avons piloté une mission consacrée à la conduite des programmes d'armements. Remis en juillet, notre rapport souligne l'apport très positif du conseil des systèmes de force pour la mise en cohérence des programmes. Le nouveau rôle dévolu au CEMA garantit une vision globale des besoins et des priorités.

Madame la ministre, si beaucoup reste à faire en matière de conduite des programmes – je pense notamment à la réforme en cours de la DGA –, vous avez lancé de nouvelles procédures de décision dès 2002, pour bousculer les habitudes prises et introduire une meilleure gestion des deniers publics.

Un mot rapide sur l'Europe de la défense, qui mériterait des développements plus conséquents compte tenu des enjeux. Les coopérations européennes progressent. La montée en puissance de l'OCCAR y est pour beaucoup, l'implication des politiques également, dans le cadre de l'agence européenne de défense. La France a beaucoup à gagner de ces programmes européens, en termes de mutualisation budgétaire et pour le développement de nos industries.

Quelques remarques rapides sur plusieurs programmes emblématiques. L’avion Rafale, déjà évoqué, est enfin mis en service dans notre armée de l'air. Souhaitons que les exportations permettent son développement, sans perturber le calendrier d'équipement de nos propres forces. Le second porte-avions entre dans une phase décisive, les discussions avec les Britanniques ayant permis de définir une configuration optimale. Ce second porte-avions permettra la disponibilité permanente d'un groupe aéronaval, malgré les longues périodes d'immobilisation pour révision. Les derniers chars Leclerc doivent être livrés à l'armée de terre en 2007, à l’issue d’un programme de développement un peu difficile. Soulignons toutefois que ces chars sont actuellement en position au Sud-Liban, dans le cadre de la FINUL, ce qui démontre leur efficacité en projection. Le VBCI est attendu avec impatience. En raison des retards accumulés, les premières livraisons auront lieu en 2008, et l'on se réjouit des efforts importants qui ont été accomplis pour relancer un programme essentiel pour l'armée de terre. L'A 400 M et l'hélicoptère NH-90 sont également très attendus. Souhaitons que les difficultés d'Airbus ne retardent pas la livraison de l’A 400 M.

Bien sûr, l'effort de la nation pour l'équipement de nos armées n'exempte pas le ministère de la défense de participer à la maîtrise de la dépense. À ce titre, les programmes « soutien de la politique de défense » et « préparation et emploi des forces » sont maintenus sous une forte contrainte. Comme chaque année, le ministère a d'ores et déjà demandé aux trois armées un effort de réduction supplémentaire de leurs dépenses de fonctionnement. L’économie à réaliser serait de l'ordre de 7 millions pour l'armée de terre, d'un montant équivalent – voire supérieur – pour l'armée de l'air et de 1,9 million d'euros pour la marine nationale.

S’agissant du personnel, le projet de loi de finances pour 2007 établit les effectifs du ministère de la défense à 436 994 équivalents temps plein. Avec toutes les précautions d'usage liées aux comparaisons statistiques du fait du caractère fluctuant des périmètres pris en compte, ce chiffre est inférieur de 8 754 unités au niveau requis par la loi de programmation. Je tiens donc à souligner l'effort constant du ministère en matière d'effectifs, malgré l’activité très élevée de nos armées.

Un mot sur le recrutement, enjeu crucial en raison de la professionnalisation des forces. Pour les trois armées, le taux global de sélection observé en 2005 s'établit à 1,9 candidat pour un poste. Cela traduit le pouvoir d’attraction de nos armées sur le marché de l'emploi et les efforts accomplis pour améliorer la condition militaire.

Concernant l'activité des forces, le niveau global apparaît satisfaisant. Les minima requis sont atteints. Les heures de vol, les jours en mer et les manœuvres permettent le maintien en condition opérationnelle des militaires. Mais, désormais, la marge de manœuvre est quasi nulle.

Aussi, je ne peux qu'exprimer mon inquiétude quant au risque d'utiliser l'activité des forces comme variable d'ajustement budgétaire. Cette tentation existe notamment lorsque les crédits destinés au carburant subissent des hausses mal anticipées du prix du baril. La dotation affectée aux carburants pour les trois armées s'élevait à 318,6 millions dans la loi de finances pour 2006 ; elle devrait atteindre 364,77 millions en 2007. Le ministère prend donc partiellement en compte le relèvement des cours du pétrole. Toutes choses égales par ailleurs, la dotation pour 2007 demeurerait cependant très inférieure aux besoins réels des armées. Si, en 2007, les besoins en carburants sont identiques à ceux de cette année, il manquera 86,7 millions pour acheter le carburant nécessaires aux trois armées. Il serait souhaitable qu’au moment de la construction budgétaire, les ministères des finances et de la défense raisonnent sur une anticipation réaliste de l'évolution des cours du pétrole et du marché des changes. Nous en sommes encore assez loin !

Pour conclure, je souhaite aborder deux points qui, traditionnellement, sont sujets à discussions : la dissuasion nucléaire et les OPEX. Les candidats à la présidentielle de 2007 aborderont immanquablement la question de la dissuasion nucléaire. Depuis 1965, elle a toujours fait débat. Certains candidats se sont déjà exprimés, laissant présager une révision de notre doctrine. Pour 2007, 3,269 milliards de crédits de paiement sont affectés à la dissuasion nucléaire, soit 10 % du budget de la mission défense. Ce montant est loin d'être négligeable, mais il est bien éloigné du taux de 50 % qui avait cours dans les années 1960. Ce crédit important est indispensable pour moderniser notre arsenal. Les crises iranienne et nord-coréenne démontrent en outre que la prolifération nucléaire est une réalité aussi actuelle que menaçante.

La France dispose de sa propre dissuasion nucléaire, ce qui lui permet de faire entendre sa voix au Conseil de sécurité des Nations unies, ainsi qu’auprès des puissances régionales qui aspirent à disposer de l'arme ultime pour affirmer leur place. Le droit international actuel ne permet pas de limiter la prolifération nucléaire et ne garantit pas contre un usage de l'arme nucléaire dans un conflit. Aussi notre pays doit-il, pour ses compatriotes mais aussi pour ses alliés, disposer des armes nécessaires pour dissuader tout adversaire de l'attaquer. Il s'agit, en quelque sorte, du principe de précaution appliqué à notre sécurité. Notre doctrine nucléaire est fondée sur le non-emploi. Certains souhaiteraient la modifier mais gardons-nous de franchir ce pas dangereux pour l'humanité.

Pour être efficace, la dissuasion impose de disposer de la technologie la plus performante, d'avoir les sous-marins et avions les plus opérationnels et, en raison de l'arrêt des essais nucléaires, de recourir aux outils de simulation les plus évolués. Bien sûr, tout cela a un coût mais celui-ci n'est pas aussi élevé qu'on le pense, si l'on prend en compte l'apport majeur pour notre sécurité. Comme l'a dit le Président de la République en janvier dernier : « Nous ne sommes à l'abri ni d'un retournement imprévu du système international ni d'une surprise stratégique ».

Un mot, enfin, sur les OPEX. Au nom de la sincérité des lois de finances, certains défenseurs de l’orthodoxie budgétaire souhaitent que le projet de budget précise le coût financier des opérations de l'année à venir. Je comprends leur souci de vérité et de justification au premier euro. Je comprends également leur volonté d'éviter les ajustements budgétaires d'urgence par la voie d’une loi de finances rectificative ou d’un décret d'avance, destinés à payer la facture de nos interventions extérieures. C'est bien pour répondre à cette aspiration à plus de sincérité que le Gouvernement a inscrit – pour la première fois, dans la loi de finances de 2004 – une dotation initiale pour financer les OPEX. Cette dotation s'est révélée insuffisante, mais un progrès significatif a été accompli, puisque nous sommes passés à 100 millions en 2005 et à 175,4 millions en 2006. Pour 2007, cette dotation est portée à 360 millions. Nul ne peut donc nier de bonne foi l'effort considérable accompli dans le sens de l'orthodoxie budgétaire.

Même si certains font encore grise mine et demandent de nouveaux progrès, nous devons être conscients qu’une sincérité budgétaire absolue n’a pas de sens en matière d’OPEX, car les OPEX sont par nature imprévisibles : lorsque nous débattions du projet de budget pour 2006, qui aurait pu envisager une intervention française au Liban ? La seconde raison est d'ordre diplomatique : si le Parlement imposait au Gouvernement un cadre strict de dépenses pour les interventions extérieures, il pourrait en résulter des décisions prises sans réelle considération du contexte géopolitique.

Permettez enfin moi de formuler un vœu. En cinq ans, nos armées ont retrouvé sous votre autorité, Madame la ministre, une efficacité qui donne une crédibilité nouvelle à la parole de la France. Sur l'Irak, sur l'Iran ou encore sur le Liban, le Président de la République a défendu des positions qui ont bénéficié d’un large soutien par delà les clivages politiques traditionnels politiques, ce qui est un atout incontestable. Cet atout serait toutefois resté sans effet sur la scène internationale sans la restauration de notre outil militaire. À l'approche de l'élection présidentielle, je souhaite que cet effort de défense soit maintenu et surtout qu’il fasse l'objet d'un accord non partisan. J’ai certes entendu hier soir, au cours d’un débat télévisé, des propos approximatifs et assez inquiétants, mais j’ai noté que personne ne remettait en cause notre effort de défense. Dans un monde qui devient de plus en plus périlleux, c'est une excellente nouvelle pour la sécurité des Français, mais c’est aussi une reconnaissance du travail accompli au cours de ces cinq dernières années. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Paul Quilès, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères – Une fois encore, c'est dans un contexte international très incertain que nous sommes amenés à examiner les crédits de notre défense. L'année 2006 a été marquée par une dégradation continue dans les zones de crises : au Moyen-Orient, en Afrique et en Afghanistan, les tensions se sont exaspérées. En Irak, les États-Unis commencent à admettre l'ampleur du désastre militaire, politique et humanitaire engendré par leur intervention, dont le bilan ne cesse de s'alourdir. En Afghanistan, la situation se dégrade fortement depuis quelques mois : comme en Irak, les forces internationales peinent à assurer leurs missions et le Gouvernement élu ne parvient pas à établir son autorité sur l'ensemble du territoire. L'Afghanistan est même redevenu un narco-État, qui fournit 90 % de l'approvisionnement mondial d'opium.

Si le déploiement au Liban de la FINUL renforcée se déroule jusqu’à présent de manière satisfaisante, nous ne devons pas nous départir d'une certaine prudence. Le bilan de l'intervention israélienne au cours de l'été 2006 est en effet hautement préoccupant : l'absence de stratégie claire de la part d’Israël a conduit au renforcement du prestige du Hezbollah, qui risque d’utiliser la FINUL comme bouclier.

La situation se dégrade enfin de manière préoccupante au Darfour, et ce dans la quasi-indifférence de l'opinion internationale. Dans cette région de la taille de la France, ce sont pourtant près de 10 000 personnes qui meurent chaque mois ! L'ampleur de la crise impose le déploiement d'une opération de maintien de la paix des Nations unies conformément à la résolution 1706 adoptée le 31 août 2006 par le Conseil de sécurité. Hélas, le gouvernement soudanais oppose un refus persistant au déploiement de cette force.

De ces crises, nous pouvons tirer au moins trois enseignements. En premier lieu, le système international n'a pas encore réussi à accepter les conséquences de la modification des conflits intervenue depuis la fin de la guerre froide. S’agissant de l’Irak, l'erreur fondamentale des États-Unis est d'avoir cru que la guerre éclair menée en Afghanistan pourrait servir de modèle pour toutes les interventions à venir et qu’il serait toujours possible de conjuguer avance technologique, effet de surprise et moyens humains très limités. Les États-Unis paient un lourd prix pour l'omission, dans les plans du Pentagone, des besoins liés à la reconstruction du pays.

Second enseignement : les États-Unis détiennent, qu'on le veuille ou non, les clés de la stabilité internationale. La focalisation américaine sur la « guerre contre le terrorisme » se fait au détriment d'une analyse politique de la situation sur terrain, qu’il s’agisse de l’Irak ou du Moyen-Orient en général, erreur qui est lourde de conséquences pour la stabilité internationale.

La crise du Liban doit enfin nous conduire à nous interroger : dans quel cadre peut-on conduire une action d’interposition efficace ? Quelle doit être l'articulation entre l'ONU, l'OTAN et l'Union européenne ? Les États-Unis choisissent de faire évoluer l'Alliance atlantique vers un rôle global de sécurité – nous en avons un nouvel exemple avec la préparation du prochain sommet de l'OTAN, qui doit se dérouler à Riga au mois de novembre 2006. Pouvez-vous nous dire, Madame la ministre, quelle réponse la France apportera à la proposition anglo-américaine de mars dernier, qui tend à créer d’ici à 2008 un partenariat global se superposant au cadre actuel, en réunissant les États-membres de l’OTAN, leurs alliés, leurs partenaires et enfin les pays « contacts » autour du Conseil de l'Atlantique.

Toutefois, c'est dans un autre domaine que risque de se jouer la crédibilité du système de sécurité collective : le régime de non-prolifération nucléaire, qui repose sur le TNP de 1968, est en effet remis en cause par le développement de l’arme nucléaire en Corée du Nord et en Iran. À l'évidence, la nucléarisation officielle de ces pays nous ferait basculer dans un contexte stratégique radicalement nouveau, avec un risque élevé de proliférations en chaîne, au Japon, à Taiwan, en Arabie Saoudite, en Égypte ou encore au Brésil.

Que peut-on faire pour sauver le régime de non-prolifération ? Même si le TNP manque de clarté, notamment en matière d’enrichissement, toute modification reviendrait à ouvrir la boîte de Pandore. Nous pourrions en revanche compléter ce texte par un traité de désarmement complet et progressif, en appliquant tout simplement les dispositions prévues à l’article 6 du TNP. Il faudrait de même poursuivre les efforts entrepris pour rendre effectivement applicable le traité d'interdiction complète des essais nucléaires signé en 1996. Une avancée dans la négociation du traité d'interdiction de la production de matières fissiles donnerait enfin corps aux engagements pris par les États disposant de l’arme nucléaire. Pouvez-nous dire, Madame la ministre, où en sont les propositions américaines ? J’ajoute qu’il serait bon de revaloriser le rôle joué par l'Agence internationale pour l'énergie atomique, en renforçant les dispositifs de vérification et de contrôle en vigueur. Nous devons par exemple pousser à l'universalisation des protocoles additionnels.

Le projet de budget de la défense pour 2007 est-il adapté à tous ces défis internationaux ? Sans revenir sur les chiffres déjà évoqués à cette tribune, j'observerai que ce projet est conforme aux montants annuels actualisés prévus par la loi de programmation militaire 2003-2008. Je me réjouis également que nous poursuivions la budgétisation des OPEX en loi de finances initiale, effort que j'appelle de mes vœux depuis longtemps !

Comme ce projet n'est que l'application annuelle d'une loi de programmation dont les choix, ou plutôt les non-choix, ne sont plus adaptés au contexte international, nous ne répondons pas aux besoins de notre défense, ni à notre volonté que la France joue tout son rôle dans la résolution des crises internationales. Je rappellerai seulement les propos tenus le 10 octobre dernier par le général Georgelin, chef d'État-major des armées, devant la commission de la défense : « Si le modèle d'armée 2015 avait été bâti en 2006, les choix auraient sans doute été différents ». Ce constat inquiétant est partagé par bon nombre d'experts. Pour transformer le modèle d'armée 2015 en modèle 2020, il faudrait injecter 70 milliards d'euros supplémentaires, c’est-à-dire porter les crédits d'investissement annuels de 14,7 milliards d’euros à 20 milliards ! Une telle augmentation du budget de la défense serait non seulement inenvisageable, mais également vaine, car ce sont les objectifs qu’il faut revoir, en particulier le format des effectifs et les choix d'équipement.

Malgré les réflexions approfondies menées au sein de la communauté militaire, ces questions ne semblent pas intéresser l’appareil gouvernemental. Il y a pourtant urgence à réviser les orientations de notre politique de défense ainsi que les choix d'équipement qui en découlent. La question posée n’est pas tant celle du niveau des dépenses que celle de leur affectation et de leur « euro-compatibilité ». Quel doit être le poids respectif des missions de projection, prévention et protection dans notre système de défense ?

Comme le reconnaît le chef d’État-major des armées, tous les clignotants sont passés à l’orange pour la capacité de projection des troupes françaises à l'étranger : plus de 35 000 femmes et hommes sont déjà déployés sur des théâtres d'opérations extérieurs, sans compter les 1 300 militaires qui interviennent sur le territoire national dans le cadre du plan Vigipirate.

Nous devons également réfléchir à la place de la dissuasion dans notre défense, en organisant enfin un véritable débat sur ce sujet. Interrogeons-nous sur les inflexions qui semblent se dessiner en creux dans les propos tenus par le Président de la République à l'île Longue, le 19 janvier dernier. Qu'en est-il notamment du lien entre dissuasion et terrorisme, évoqué en des termes ambigus ? J’aimerais que nous débattions du choix d'engager la France, au sein de l'OTAN, dans des études portant à un système de défense antimissile stratégique, traditionnellement jugé en France comme un facteur d’affaiblissement de la dissuasion, puisqu’il postule son échec.

En dépit d’apparences plutôt positives, le projet de budget de la mission Défense n’a donc rien de satisfaisant. J’ai invité la commission des affaires étrangères à donner un avis défavorable à l'adoption des crédits, mais je n’ai pas été suivi, la commission ayant au contraire émis un avis favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Yves Fromion, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour l’environnement et la prospective de la politique de défense  L'année dernière, lors de l'examen du programme 144, Environnement et prospective de la politique de défense, j'avais opté pour un optimisme raisonné, estimant que la grande diversité des actions qui le composent était compensée par les synergies à en attendre. Force est de constater que cette plus-value tarde à se manifester. Le fil rouge qui relie les six actions du programme n’apparaît pas encore très clairement, mais il faut s'attacher à l'essentiel, c’est-à-dire à l’heureux constat que les engagements pris dans le cadre de la loi de programmation militaire ont été tenus. Ce satisfecit n'est pas de pure forme : je viens de passer plusieurs jours au Liban, au cours desquels j'ai rencontré des détachements français de la FINUL, y compris dans une zone très exposée. À défaut d'avoir la conscience tranquille quant aux conditions d'engagement de nos soldats, ceux qui ont soutenu ici le redressement des crédits de la défense auront au moins fait preuve de responsabilité en équipant nos unités des meilleurs moyens pour accomplir leurs missions.

Pour en revenir plus strictement au budget, la préparation de l’avenir y est bien une priorité. Les actions Analyse stratégique et Prospective des systèmes de forces font l'objet de dotations convenables. Je ne m’y attarde donc pas. L'action Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France regroupe les crédits de deux services de renseignement dépendant du ministère : la DGSE et la DPSD, les moyens de la direction du renseignement militaire faisant partie, eux, du programme 178. La DGSE et la DRM mènent une politique de rationalisation et de mutualisation des ressources, avec notamment la création d'un centre d'interception commun en Nouvelle-Calédonie. Les crédits de paiement de cette action sont pratiquement stables, après une reprise vigoureuse en 2006. L’augmentation de la masse salariale de la DGSE correspond à 16,5 emplois civils et 47 transferts de militaires et les effectifs de la DPSD augmentent de 60 équivalents temps plein. Les crédits d'investissement de la DGSE ne progressent qu’à peine, mais comme la part consacrée aux infrastructures est en baisse, du fait de l'achèvement des travaux de rénovation du site parisien, celle des moyens techniques augmente de 5,4 %.

Les crédits de fonctionnement, eux, sont globalement stables depuis 1998. Il en résulte une faiblesse de la marge de manœuvre et d'adaptation qui devient alarmante. Nul ne peut contester que le renseignement soit une priorité absolue, d'autant que la coopération avec les autres services européens s'exerce largement sur le mode du donnant-donnant et que les comparaisons ne sont pas toujours à notre avantage. Au total, les services français emploient environ 9 500 personnes, pour un budget de 753 millions. Or, les services britanniques comptent un peu plus de 20 000 personnes, dont la moitié affectée aux écoutes et un tiers en poste à l'étranger – ce qui n’est sans doute pas sans lien avec les succès du Royaume-Uni en matière d’exportation – et leur budget s'élève à 2,5 milliards d'euros. La prochaine loi de programmation militaire devrait donc s'attacher à réduire cet écart – tout comme la loi actuelle a réduit celui qui existait en matière de recherche, toujours avec le Royaume-Uni.

En ce qui concerne l’action Maintien des capacités technologiques et industrielles, c'est-à-dire la recherche de défense, l'exercice 2007 devrait confirmer la hausse continue des crédits d'études amont de la DGA et permettre qu’ils atteignent en 2008 le niveau prévu par la LPM. Les crédits de paiement de cette action, qui devraient atteindre 966,7 millions, sont constitués pour l'essentiel par les études amont, lesquelles ont augmenté de 47,6 % depuis 2003. On mesure le chemin parcouru, mais ils restent encore légèrement inférieurs aux prévisions de la LPM. Nous n’en sommes donc qu’à une étape, et beaucoup reste à faire. Il faut toutefois rappeler que le retard accumulé antérieurement à la loi n'a pu être intégralement rattrapé, et que notre effort de recherche de défense doit être apprécié par rapport à celui de nos partenaires principaux. Hors nucléaire, la France se situe en deuxième position en Europe pour ce qui est des crédits de recherche et technologie, derrière le Royaume-Uni mais devant l'Allemagne. Si l’on ajoute la recherche en matière nucléaire, la France précède sensiblement le Royaume Uni.

La tendance de ces dernières années est donc satisfaisante. Cependant, l'effort d'ensemble pour la recherche reste encore en deçà de la « stricte suffisance » de nos ambitions. La prochaine loi de programmation doit mieux prendre en compte le caractère indispensable de la recherche de défense et de sécurité, avec un objectif d'un milliard annuel pour les études amont, y compris la participation au BCRD, qui apparaît parfaitement à notre portée. Des domaines majeurs sont concernés : l'espace, avec la relève du système Hélios, les dispositifs d'écoute électronique, les drones, qui s’imposent sur tous les théâtres d'opération et enfin les recherches en matière de laser.

Le programme contient encore deux actions : Soutien aux exportations d’armement et Diplomatie de défense. J’ai remis le 23 juin le rapport qui m’avait été commandé par le Premier ministre sur les exportations de défense et de sécurité de la France. Qu'il me soit permis de réaffirmer le caractère déterminant de la responsabilité de l'État dans ce domaine : même s’il n'a pas à se substituer aux industriels, il a le devoir de mettre en place une chaîne de la promotion et du contrôle des exportations aussi efficace que possible. Je souhaiterais avoir la confirmation de la volonté du Gouvernement d'aller de l'avant en cette matière.

Pour conclure, le programme 144 a le mérite d'avoir donné au Parlement une meilleure visibilité sur l'activité du ministère dans l'exercice collectif de prospective de défense. Cela pourrait être mis à profit afin que les réflexions sur l'avenir de notre outil de défense, qui sont indispensables au regard des échéances politiques et de l'élaboration de la prochaine loi de programmation militaire, ne restent pas cantonnées à un cercle trop étroit de responsables militaires et politiques. Je rejoins ainsi les propos de mon prédécesseur à cette tribune, encore que je n’aie pas le sentiment qu’il ait fait preuve de ce souci lorsqu’il était aux responsabilités. L'Assemblée nationale devrait se saisir plus activement de cette réflexion, dans le respect de ses attributions. La LOLF lui en donne l'occasion, puisque le programme 144 nous invite à nous projeter dans l'avenir. La préparation de la prochaine loi de programmation militaire pourrait constituer, pour le Parlement, l’occasion de retrouver en matière de défense un rôle plus conforme à ses responsabilités – et oserai-je dire à sa dignité.

En conclusion, en dépit de quelques réserves d’usage, mais en saluant une nouvelle fois la performance que constitue le respect fidèle de la loi de programmation militaire, j'engage notre assemblée à adopter les crédits du programme 144 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Antoine Carré, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour la préparation et l’emploi des forces Le programme 178, Préparation et emploi des forces, occupe une position centrale au sein de la mission Défense. Placé sous la responsabilité du chef d'État-major des armées, il regroupe cette année 57 % des crédits de paiement et près des deux tiers des ressources humaines. Avec 20,8 milliards de crédits d'engagement et 21 milliards de crédits de paiement, il connaît une stabilité satisfaisante, dans le respect, pour la cinquième année consécutive, de la loi de programmation militaire. Comme l'année dernière, le présent rapport pour avis ne portera que sur quatre actions, dont le montant total des autorisations d'engagement représente 11,5 % de l'ensemble du programme.

L'examen de l’action Planification des moyens et conduite des opérations permet de retracer l'activité de l'État-major des armées dans le domaine du commandement interarmées et interalliés. La France continue de mettre en place, conformément à ses engagements, le personnel nécessaire. Cette présence internationale se traduisait, à la mi-septembre 2006, par l'engagement de près de 14 500 militaires français, auxquels s'ajoutent les 16 700 personnes affectées au sein des forces de souveraineté dans les DOM-TOM et les 4 500 hommes des forces de présence déployées de façon permanente en vertu d'accords de coopération et de défense, en particulier en Afrique.

L’action Surcoûts liés aux opérations extérieures connaît une très nette augmentation. Le montant des surcoûts s’élève à 575 millions pour 2006, sans compter l'actuel déploiement complémentaire au Liban, qui peut être estimé à 120 millions : 50 pour l'opération Baliste et 70 pour l'engagement dans le cadre de la FINUL. À ce propos, où en sommes-nous de notre mission au Liban ? Quant à l’action Surcoûts liés aux opérations intérieures, le ministère réfléchit à la mise en place d’éléments de prévision budgétaire. Ces surcoûts sont estimés à ce jour à 25 millions annuels. Au seul titre du plan Vigipirate, plus de 1 350 soldats des trois armées sont mobilisés en permanence.

De son côté, l'action Logistique interarmées, qui recouvre les activités du service de santé et du service des essences des armées, est dotée de 1 142 millions en autorisation d'engagement, soit 5,5 % de l'ensemble du programme. Ces deux services assument des fonctions indispensables, en particulier dans les opérations extérieures. Le service de santé participe aussi à la médecine civile et à la plupart des plans d'urgence sanitaire de l'État. L’an dernier, j’avais appelé votre attention sur ses effectifs. C’est donc avec beaucoup de satisfaction que j'observe leur évolution. Le service a été particulièrement marqué par la professionnalisation et a connu de sérieuses difficultés pour conserver un nombre de médecins d'active et de personnels civils suffisant. La bonification des carrières et la réforme des études ont amélioré la situation des médecins. Grâce à cette dernière, les étudiants qui viendront combler les carences sont déjà au travail et le déficit de médecins sera comblé en 2010.

En ce qui concerne les personnels civils, la vacance, qui était de 6 % au 1er juin 2006, devrait être ramenée à 4,4 % à la fin de l’année. Pour ce qui regarde les militaires infirmiers techniciens des hôpitaux des armées, 400 postes ont été créés, qui permettent d'atteindre 86 % de l’effectif souhaité. Enfin, le médecin général qui commande le service de santé aux armées m'avait dit son inquiétude quant à la mise en oeuvre de la tarification à l'activité, jugeant nécessaire un délai d'adaptation. Notre assemblée a entendu cet appel et elle a adopté, dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, un amendement qui règle la question.

Le service des essences des armées assume toute la logistique pétrolière pour les armées, exception faite de la marine qui pourvoit à ses propres besoins. Ce service exerce aussi un rôle d'expertise dans le domaine des produits pétroliers. Cette année encore, il a été confronté à la sérieuse hausse du coût de la ressource. Cependant, même s'il n'a pas encore produit tous ses effets, le mécanisme de couverture des prix du pétrole institué l'an dernier, et qui fonctionne comme une assurance, est une réponse adéquate, dans un contexte qui demeure incertain. Les autorisations d'engagement s'élèvent à 146 millions pour 2007 contre 154 millions en 2006, et les crédits de paiement s'élèveront à 144 millions, contre 155 millions en 2006. C’est que des reports de crédits de l'exercice 2005 vers l'exercice 2006 ne se retrouvent pas dans le budget 2007.

En conclusion, le ministère de la défense bénéficie d'une dotation budgétaire satisfaisante. Son budget pour 2007 est un bon budget. Il a été adopté par la commission de la défense nationale et des forces armées, et je vous demande de le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Joël Hart, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour la préparation et l’emploi des forces : forces terrestres – L’exercice budgétaire 2007 constituera la cinquième annuité de la loi de programmation militaire. Compte tenu des contraintes économiques, le projet de loi de finances apparaît globalement favorable à l’armée de terre. Il s'inscrit dans la continuité du budget de 2006. Les effectifs prévus, stabilisés en 2007, correspondent aux besoins de la défense, et la masse salariale a été calculée en adéquation avec les effectifs annoncés. Cependant, les moyens de fonctionnement courant subissent une contrainte importante alors que le niveau d'activité ne doit pas diminuer. Le maintien en condition opérationnelle des matériels devrait être meilleur qu'en 2006, mais la modernisation des forces terrestres pourrait devenir difficile avec le report d’hélicoptères NH-90. Enfin, les crédits d'infrastructure sont fortement contraints. Je ne m’attarderai pas davantage sur ces éléments, détaillés dans mon rapport écrit, mais je souhaite appeler votre attention sur quelques points particuliers.

La disponibilité technique opérationnelle des matériels de l'armée de terre s’érode : son taux global, qui s’établissait à 75 % en 2002 et à 73 % en 2004 et 2005, est de 71,5 % au premier semestre 2006. On constate, en particulier, une nette diminution, de 2005 à 2006, du nombre d'heures de vol annuelles allouées par appareil, qu’il s’agisse des Gazelle, des Puma ou des Fennec, et la diminution est également importante si l'on considère le nombre d'heures allouées aux aéronefs d'un même parc. Dans ce contexte, l'arrivée des Tigre et surtout des NH-90 constitue un impératif absolu.

J'ai souhaité, cette année, me déplacer au sein de forces françaises engagées en opérations extérieures. Je me suis ainsi rendu en septembre en Côte d'Ivoire, où j’ai pu appréhender le dispositif Licorne sous ses différentes facettes. Cette opération exige des efforts considérables des militaires qui la conduisent, pour protéger nos ressortissants, soutenir l'ONUCI et, lorsque celle-ci est défaillante, veiller à l'application des résolutions de l'ONU et à la défense des intérêts de la France. Nos soldats, à tous les échelons, sont sensibilisés à la nécessité d'un usage adapté de la force, afin d'accomplir les missions demandées avec le minimum de moyens de coercition. J'ai été vivement impressionné par leur professionnalisme et leur sens des responsabilités. D'une manière générale, les moyens alloués aux forces françaises en Côte d'Ivoire sont supérieurs à ceux des unités de métropole et les militaires que j’ai rencontrés sont globalement satisfaits de leurs équipements et des possibilités de remédier aux difficultés d'approvisionnement. Je me ferai toutefois l'écho de quelques réflexions entendues le soir, au bivouac.

S’agissant d'abord de l'équipement vestimentaire de nos militaires, ne pourrait-on moderniser les rangers – dont le modèle est vieux de plus de trente ans – et les treillis ? Plus sérieusement, il m’a été rapporté que les munitions réelles utilisées pour l’entraînement sont en quantité insuffisante, et que des simulateurs de tir de missiles Milan seraient les bienvenus. Enfin, on sait que l'armée de terre fournit 70 à 80 % des troupes et des matériels engagés en OPEX, que les théâtres d’opération sont de plus en plus nombreux et divers, exigeant des techniques toujours plus individualisées. Nos militaires et nos matériels sont donc lourdement mis à contribution, et il devient nécessaire, voire vital pour leur sécurité, d'en tenir davantage compte dans l'équipement et le maintien en condition opérationnelle. Ce qu'il est courant de qualifier de « cannibalisation » de nos matériels en métropole a ses limites. Il devient urgent d'apporter une grande attention à cette question, si la France choisit de s'engager dans le monde comme elle le fait actuellement.

En conclusion, même si la vigilance doit rester de mise, en particulier pour ce qui concerne la disponibilité de certains matériels, qui conditionne directement l'entraînement des forces, je me dois de souligner que ce projet de budget respecte une nouvelle fois les dispositions de la loi de programmation militaire. C’est un bon budget pour les forces terrestres, et c’est pourquoi la commission de la défense a émis un avis favorable à son adoption. Je vous invite à suivre cet avis, en signe de respect et de reconnaissance pour l'action remarquable qu'accomplissent les hommes et les femmes de l’armée de terre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Vitel, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour la préparation et l’emploi des forces : marine Je rappellerai pour commencer le rôle essentiel de la marine, outil de dissuasion, de projection de puissance, de prévention et de protection de notre territoire. Ces missions fondamentales justifient que près de 20 % des moyens de la mission Défense soient consacrés à la marine, budget satisfaisant pour nos forces navales. Avec une action Préparation des forces navales dotée de 4,48 milliards en crédits de paiement, et une action Équipement des forces navales dotée de 2,194 milliards, la marine bénéficiera, en 2007, des financements dont elle a besoin, et si les effectifs de l'action Préparation des forces navales baissent de 1,7 %, cette évolution est due pour partie à des changements de périmètre auxquels s'ajoutent des mesures d'économie et de repyramidage. Je relève cependant que la dotation en carburants, bien qu'en hausse, apparaît limitée au regard de l'évolution du prix du pétrole ; il conviendra d'être vigilant sur ce point.

Les crédits alloués à l'entretien des matériels augmentent de près de 20 %, à 1,16 milliard, ce qui permettra de faire face à plusieurs opérations majeures, dont l'IPER du Charles-de-Gaulle, qui commencera en juin. Les efforts budgétaires consentis depuis à en faveur de l'entretien, conjugués aux réformes réalisées par le service de soutien de la flotte et au changement de statut de DCN, ont permis des progrès sensibles en matière de disponibilité des équipements. En 2006, celle-ci a atteint 74 % pour les bâtiments de surface contre 71 % l'année précédente, et la disponibilité des SNA s'est notablement améliorée depuis que des contrats d'entretien globaux sont passés avec DCN.

J’insisterai sur les défis auxquels la marine devra faire face pour assurer le maintien de ses capacités opérationnelles. Le premier enjeu est le renouvellement de ses matériels. Après la commande de huit frégates multimissions et des sous-marins Barracuda, le lancement, en 2007, du second porte-avions et du missile de croisière naval, concrétise la modernisation tant attendue de l’équipement de notre marine. Ces programmes doivent être scrupuleusement mis en oeuvre lors des prochains exercices budgétaires.

Les équipements de plus petite taille ne doivent pas être négligés pour autant. Or, le remplacement des Nord 262 vieillissants n'est pas prévu. Je rappelle que les BATRAL jouent un rôle majeur outre-mer et que les patrouilleurs sont essentiels aux missions de sauvegarde maritime. Leur remplacement, qui n'est pas inclus dans l'actuelle loi de programmation militaire, devra être envisagé dans les années à venir.

Le second enjeu est celui de la condition des personnels et, partant, de leur fidélisation. Depuis plusieurs années, des efforts ont été faits pour alléger ou compenser les contraintes et pour améliorer l'environnement social des marins. Mais il faut mieux tenir compte de leurs principales préoccupations : le logement, dont le coût, à Toulon particulièrement, est prohibitif, et la garde des enfants, question que la féminisation croissante de la marine rend toujours plus aiguë. Des efforts significatifs ont été réalisés, mais il est nécessaire d'aller plus loin.

La capacité d'investissement de la marine dans ses infrastructures constitue le troisième enjeu. Des travaux importants sont déjà engagés, mais d’autres devront l'être au cours des années à venir car les infrastructures portuaires et les casernements vieillissent.

Enfin, le dernier enjeu est industriel. Depuis son changement de statut, DCN a considérablement évolué, et ses résultats financiers sont très favorables. Il faut que se concrétise au plus vite son rapprochement avec Thales en prélude à des alliances européennes, voire extra-européennes.

Ces défis doivent être relevés pour garantir la cohérence du format de notre marine et pour conserver ses qualités opérationnelles. À ce propos, je souligne la contribution considérable de la marine aux opérations extérieures. Pour l’opération Baliste, elle a mobilisé huit bâtiments et 1 600 personnes depuis juillet, et elle a joué un rôle décisif pour l'évacuation des ressortissants, le transport de fret humanitaire et le ravitaillement de la FINUL sur place.

La commission de la défense a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme Préparation et emploi des forces consacrés à la marine, et j'invite notre assemblée à la suivre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour la préparation et l’emploi des forces : air - Ce projet de loi de finances est satisfaisant pour l'armée de l'air. Les moyens inscrits au titre de l’équipement atteignent 2,56 milliards en crédits de paiement, en augmentation de près de 5 %, et ceux inscrits sur l'action Préparation des forces aériennes, à 5,118 milliards, augmentent de 4,3 %, essentiellement pour les crédits d'entretien des matériels et la dotation en carburant. En revanche, la masse salariale diminue parallèlement aux effectifs, suite aux transferts de postes vers d'autres actions ou programmes.

La dotation en carburant conditionne pour partie l'activité et l’entraînement de nos forces. Elle augmente de 21,4 %, pour atteindre 226,2 millions contre 186 millions en 2006, mais reste inférieure aux besoins, estimés à 302 millions si le prix du pétrole se maintient à son niveau actuel.

Pour l'entretien des matériels, l'effort soutenu engagé depuis 2002 est accentué avec près de 1,2 milliard en crédits de paiement, soit une hausse de 22 %. Cette dotation permet à la Structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de réaliser ses missions dans de bonnes conditions et d'assainir sa situation financière, dont je m’inquiétais l’an passé. La disponibilité des matériels est stable, à 63,4 % au premier semestre 2006. L’essentiel est de réaliser le contrat opérationnel des forces aériennes, ce qui suppose d'assurer une disponibilité optimale des appareils en opération, tout en ajustant si nécessaire les besoins sur les bases aériennes.

En ce qui concerne la modernisation des équipements, le premier escadron de Rafale est entré en service en juin dernier. Pilotes et mécaniciens sont très satisfaits de ce nouvel appareil, dont les livraisons vont se poursuivre, afin de constituer un deuxième escadron à la fin de 2008.

S'agissant des drones, le programme de démonstrateur d'avion de combat sans pilote Neuron, qui associe la France et plusieurs pays européens, est engagé. Les programmes de drones de type Male – moyenne altitude longue endurance – suscitent quelques inquiétudes dans la mesure où la livraison du SIDM – Système intérimaire de drones Male – ne devrait intervenir qu'au deuxième semestre 2007, avec plus de trois ans de retard. Pour la suite, des incertitudes subsistent et le projet Euromale ayant rencontré des difficultés à rallier nos partenaires, on étudie actuellement l'option d'un programme dît Advanced UAV. On ne peut que souhaiter l'émergence d'une solution européenne de drone Male.

Notre force aérienne de projection subit des tensions car le retrait des Transall a été engagé en 2005, tandis que les premiers exemplaires de l'A 400 M sont attendus en 2009. L'arrivée d'un deuxième avion à très long rayon d'action, en janvier 2007, va néanmoins accroître sensiblement les capacités de transport logistique. Enfin nos avions ravitailleurs, qui ont plus de quarante ans d'âge, doivent être renouvelés. Mais depuis plusieurs exercices budgétaires, on n’avance guère sur ce dossier, tout en envisageant d’acquérir trois unités et en étudiant un financement innovant pour le reste de la flotte.

L'armée de l'air a prouvé sa capacité à s'adapter : elle a réorganisé en profondeur ses structures de commandement, et recouru à l'externalisation pour ses avions-écoles basés à Cognac, ce qui réduit les coûts tout en optimisant l’outil de formation. Enfin, elle a pris une part active aux opérations extérieures en Afghanistan et au Liban.

La commission de la défense ayant émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme Préparation et emploi des forces consacrés à l'armée de l'air, je vous invite à voter ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Claude Beaulieu, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour le soutien de la politique de la défense Le programme 212, Soutien de la politique de la défense, retrace les fonctions transversales du ministère. Il est placé sous la responsabilité du secrétaire général pour l'administration.

Ses crédits s'élèvent à 3 117 millions d'autorisations d'engagement et 3 168 millions de crédits de paiement, soit respectivement plus 31 % et plus 37 % par rapport à 2006. Mais cette hausse n'est pas significative en raison de très nombreux reclassements budgétaires et transferts.

L'action Gestion centrale regroupe des moyens substantiels et rassemble les effectifs du secrétariat général pour l'administration et des organismes qui lui sont rattachés, à l'exception de quelques services spécifiques. Les frais de contentieux et de réparation d'accidents du travail, postes lourdement déficitaires en 2003, 2004 et 2005, lui sont rattachés.

L'action immobilière représente plus de 40 % des crédits du programme avec 1 266 millions d'autorisations d'engagement sur 3 117 millions au total. Toutefois, les crédits d'infrastructure inscrits au programme Soutien de la politique de la défense représentent moins de la moitié des crédits d'infrastructure totaux du ministère. Le SGA souhaite rapprocher la programmation et la gestion des crédits immobiliers ; cela ne peut passer que par des conventions avec les autres responsables de programme.

Sur les sept opérations érigées en programme d'infrastructure, j’insiste sur l'intérêt de la rénovation de l'hôpital d'instruction des armées Sainte-Anne à Toulon. Il s’agit d’une part de reconstruire cet hôpital sur l'emprise de la caserne Grignan, d’autre part de regrouper les autres organismes du service de santé de Toulon, dont l'école du personnel paramédical des armées, sur l'emprise Sainte-Anne. Ce site rassemblera des moyens hospitaliers très performants, des structures de formation, notamment pour les infirmiers et des logements mis à disposition des militaires de passage. De ce fait, l'îlot Sainte-Anne sera entièrement occupé et aucun espace foncier n'y sera disponible à l'achèvement de l'opération.

Le produit des cessions immobilières est passé de 27 millions en 2003 et 33 millions en 2004 à 118 millions en 2005.

L'action SIAG, Systèmes d'information, d'administration et de gestion, regroupe une partie des systèmes informatiques du ministère. Au sein de celui-ci, on distingue les systèmes d'information opérationnels et de commandement ; l'informatique scientifique et technique qui comprend l'informatique embarquée et les moyens de simulation technique et d'essais ; et les systèmes d'information, d'administration et de gestion, c’est-à-dire les SIAG.

Autrefois indépendantes, et dirigées par des responsables différents, ces trois structures doivent se rapprocher grâce à deux organismes susceptibles de rationaliser et mutualiser les efforts, la direction générale des systèmes d'information et de communication, créée en mai 2006 et directement rattachée au ministre ; et la direction interarmées des réseaux d'infrastructure et des systèmes d'information, rattachée à l'État-major.

Enfin l'action sociale est fondamentale, compte tenu des difficultés spécifiques au métier militaire : mobilité géographique, éloignement des familles, risques opérationnels. Elle comporte quatre orientations prioritaires, le soutien social, le soutien à la vie personnelle et familiale, le soutien à la vie professionnelle et enfin les vacances et les loisirs.

Le programme Soutien de la politique de la défense, a subi des modifications depuis 2006. La consolidation de son périmètre est un préalable indispensable à l'évaluation de sa cohérence et de l'efficacité de sa gestion. À la différence d'autres administrations, les structures du ministère de la défense ne sont pas supervisées par un seul secrétaire général ; le chef d'État-major des armées, le délégué général pour l'armement, en particulier font entendre leurs voix.

Ce programme est un instrument précieux de rationalisation et de mutualisation des moyens, et compte tenu des contraintes budgétaires actuelles, ses moyens sont satisfaisants pour notre défense nationale. J’appelle donc l’Assemblée à l’adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jérôme Rivière, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour l’équipement des forces – Alors que la législature et la loi de programmation militaire arrivent bientôt à échéance, le présent projet de budget consacre 10,81 milliards de crédits de paiement au programme « équipement des forces » – soit 29 % du total – et 10,18 milliards d’autorisations d’engagement. Un tel effort permettra de respecter la loi de programmation. Il ne s’agit pourtant là que du simple engagement indispensable à la consolidation de notre défense.

En Europe, seuls le Royaume-Uni et la Grèce consacrent plus de 2 % de leur PIB à la défense. La France est troisième, avec 1,7 % – contre 3,31 % aux États-Unis.

Si la LOLF permet de clarifier les intentions du Gouvernement, force est de constater que le temps et les moyens accordés aux rapporteurs parlementaires sont bien insuffisants pour examiner l’ensemble des crédits d’équipement de la mission. Néanmoins, l’action de la majorité et du Gouvernement étant très positive depuis cinq ans, je n’évoquerai aujourd’hui que deux problèmes.

D’une part, la question du remplacement de nos hélicoptères de transport Puma – disponibles à 55 % seulement – et Cougar demeure : la commande de 34 NH-90 entérinée en 2006 est ramenée cette année à douze appareils. Cette modification sera peut-être sans conséquence sur le nombre d’engins livrés, mais elle ne rassure pas sur la mise à disposition de nos forces des moyens nécessaires à l’accomplissement de leurs missions. En outre, l’armée française ne sera peut-être plus un client prioritaire d’Eurocopter en 2011.

Je souhaite ensuite évoquer la question des drones. Ces engins sophistiqués procurent aux armées d’indispensables renseignements, sans lesquels aucune puissance militaire n’est désormais concevable. Le marché des drones est estimé à dix milliards de dollars et plusieurs industriels français y sont présents. Pourtant, les États-majors éprouvent encore trop de difficultés à définir leurs besoins opérationnels en la matière. Ainsi la France a-t-elle renoncé à développer un programme de drone stratégique à haute altitude et longue endurance pour se concentrer sur les engins tactiques ou de moyenne altitude, jugés suffisamment complémentaires de nos moyens satellitaires. Cependant, depuis l’arrêt du drone Hunter, l’armée de l’air ne possède plus de drone MALE et attend la livraison du SIDM qui, avec trois ans de retard, a effectué avec succès ses premiers vols au mois de septembre. Le retard de sa mise en œuvre opérationnelle, prévue pour l’année prochaine, laisse douter des capacités du constructeur à tenir ses délais.

C’est d’autant plus regrettable que, dans le même temps, le drone EuroMALE connaît bien des péripéties : l’industriel israélien responsable de sa fabrication ne sera-t-il pas moins diligent, sachant que la DGA optera finalement pour un MALE sur plateforme allemande ? De même, nous devons avant la fin de l’année nous engager sur le programme AGS vis-à-vis de nos partenaires de l’OTAN. Ces investissements pourraient en effet obérer les capacités de financement du programme de MALE européen. Sur ces questions, l’indécision de la DGA et des États-majors reste trop perceptible et donne le sentiment désagréable que la France est engagée dans trois programmes de drones, dont l’un est en retard, l’autre au point mort et le troisième bien imprécis.

La modernisation des infrastructures et le renouvellement des matériels coûtent cher. Or, les matériels modernes n’ont de sens que si leur taux de disponibilité est élevé. C’est de plus en plus souvent le cas depuis 2002, et je vous félicite de ce progrès, Madame la ministre. Toutefois, les coûts de maintien en condition opérationnelle augmentent vite ; il est indispensable de trouver des pistes d’économie pour y faire face. J’en proposerai deux.

Tout d’abord, la France et la Grande-Bretagne ont-elles vraiment besoin de quatre porte-avions ? La France n’aurait-elle pas plutôt intérêt à négocier l’utilisation à échéance régulière et fixe de l’un des deux porte-avions britanniques lors de l’immobilisation du Charles-de-Gaulle ? La permanence à la mer serait ainsi garantie, et notre allié britannique s’arrimerait solidement à la politique de défense européenne.

De même, ne pourrions-nous pas partager avec les Britanniques la charge d’avoir en permanence un SNLE en mission, ce qui permettrait d’économiser l’acquisition d’un bâtiment ? La France disposerait donc d’un sous-marin à quai tandis que la Grande-Bretagne garantirait en mer l’invulnérabilité de la dissuasion nucléaire, et réciproquement, à condition de parfaitement coordonner les dates de patrouille. En effet, il est très improbable que l’un de ces deux pays soit contraint de riposter massivement sans que l’autre ne le soit aussi. L’indépendance de la France ne serait pas affectée, et l’économie réalisée serait équivalente au coût de l’entretien de la composante nucléaire aérienne. On en profiterait pour clarifier la stratégie européenne en matière de partage des tâches et faire progresser l’Europe de la défense.

Quoi qu’il en soit, le présent projet de budget permet de respecter les engagements pris dans la loi de programmation militaire, et je le voterai donc avec le sentiment de la parole tenue (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean Michel, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour l’équipement des forces : espace, communications, dissuasion – Même dans le cadre de la LOLF, un rapport consacré à l’espace, aux moyens de communication et à la dissuasion demeure nécessaire. Le poids budgétaire de ces domaines encore trop opaques est considérable : la dissuasion rassemble un cinquième des crédits d’équipement, et les systèmes de commandement, de communication et de contrôle un dixième. Surtout, le spatial militaire et la dissuasion sont des conditions essentielles de notre autonomie stratégique.

La modernisation de la dissuasion nucléaire se poursuit, de sorte que la France devrait être dotée d’un outil opérationnel jusqu’à l’horizon 2040. L’évolution du contexte international n’en remet pas en cause le bien-fondé : les arsenaux nucléaires ne sont pas près de disparaître. Au contraire, ils font l’objet de convoitise ici et d’efforts de modernisation là. Les crédits consacrés à la dissuasion ont connu un pic en 2006, mais connaissent cette année un allègement qui les ramène à 18,7 % du total des crédits d’équipement.

La construction du quatrième SNLE nouvelle génération de notre force océanique stratégique se déroule comme prévu, et le calendrier du programme M51 est respecté. Le développement d’un nouveau vecteur avec trois tirs d’essai seulement est pourtant un véritable défi. En matière de simulation, une étape importante a été franchie fin 2005 avec la livraison d’une nouvelle machine numérique.

D’autre part, les conflits récents ont confirmé le rôle désormais essentiel des moyens spatiaux sans lesquelles aucune évaluation indépendante de la situation n’est possible. Nous sommes actuellement dans la dernière phase de lancement de satellites d’observation et de communication tels que les prévoient les programmes engagés depuis les années 1990. La France, qui consacre chaque année 450 millions à l’espace, occupe la première place européenne, loin devant le Royaume-Uni qui n’en dépense que 200 millions. L’effort français représente d’ailleurs la moitié des crédits européens affectés à l’espace. En retour, nous disposons d’un outil d’observation et de communication d’excellence, nettement amélioré depuis 2004. Toutefois, des lacunes subsistent encore dans les domaines du renseignement électromagnétique, de l’imagerie radar tout temps et de l’alerte avancée. Elles ne sont qu’imparfaitement comblées par le développement de démonstrateurs technologiques et du renseignement électromagnétique. En matière d’observation radar, nous recherchons une complémentarité avec l’Allemagne et l’Italie.

En 2007, les autorisations d’engagement consacrées à l’espace augmentent de 0,9 % mais les crédits de paiement baissent de 4,1 %. D’ailleurs, les crédits votés en lois de finances initiales n’ont cessé de diminuer jusqu’en 2004, avant d’amorcer, il est vrai, une reprise en 2005 et 2006. Néanmoins, l’écart entre budgets votés et crédits consommés est de plus en plus préoccupant : de 90 % en 2002, le taux de consommation a été ramené à 79,7 % en 2005.

Vu l’intérêt que représente l’espace pour l’ensemble de la défense nationale, les crédits devraient correspondre davantage aux discours ministériels.

La préparation de l’avenir en matière spatiale passe aussi par la recherche de coopérations aussi larges que possible, notamment par le biais de l’Agence européenne de la défense, même si les différences de calendrier peuvent être source de difficultés. Il faut rechercher des partenariats et s’efforcer de développer une architecture et un segment sol communs à l’ensemble des utilisateurs, la dispersion actuelle étant source de surcoûts et de difficultés opérationnelles.

J’avais demandé à notre collègue Jean-Claude Viollet qui me suppléait en commission, lors de la présentation de ce rapport, de s’en remettre à la sagesse des commissaires. Ceux-ci ont donné un avis favorable aux crédits d’équipement des forces en matière d’espace, de communication et de dissuasion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Guy Teissier, président de la commission de la défense – Ce budget de la mission Défense, le dernier de la législature, constitue surtout la cinquième annuité de la loi de programmation militaire 2003-2008. Au terme de ces cinq années de travail, je tiens à dire quelle a été ma très grande satisfaction de présider la commission de la défense. Et je félicite bien sûr l’ensemble des rapporteurs pour la qualité de leur travail.

Il est tout à fait exceptionnel – c’est même un fait unique depuis plus de trente ans –, que les crédits prévus correspondent exactement à ceux que nous avions voté à l'automne 2002 dans la loi de programmation. Cette persévérance a permis de poursuivre l'œuvre de rattrapage, de redressement et de rééquipement engagée pour nos forces de défense, alors que la situation de nos finances publiques est encore difficile.

La poursuite de l'effort financier est sensible dans tous les domaines. Ainsi, les crédits de paiement pour l’équipement de nos armées, répartis entre les différents programmes, atteignent 15,7 milliards d’euros, en progression de près de 2 % par rapport à 2006, soit l'inflation, comme le prévoyait la LPM. Il faut y ajouter le reliquat des reports des années précédentes – 1,2 milliards d'euros –, conformément à l'engagement du Président de la République de mettre l'intégralité des ressources votées à la disposition du ministère de la défense avant la fin de 2007.

Au-delà de l'aspect comptable, il faut regarder les réalisations concrètes. L'effort se poursuit en vue d’améliorer la disponibilité opérationnelle des équipements. Les 3,4 milliards d'euros qui y sont consacrés en 2007 permettront à nos armées d'utiliser normalement leurs systèmes d'armes en OPEX. L'amélioration est aussi notoire sur notre territoire pour l'entraînement et la préparation des missions. On sait toute l'importance de ce facteur sur le moral et l'efficacité de nos unités, comme j’ai pu le constater lors de visites en Côte d’Ivoire et, récemment, au Liban.

Après de longues années d'attente, les matériels neufs arrivent enfin. Le premier escadron d'avions Rafale a été mis en place cette année à Saint-Dizier. Le rythme de livraison de cet appareil, avec treize prévus en 2007 dont six pour l'armée de l'air, permettra de constituer le deuxième escadron en 2008, conformément aux prévisions.

L’avenir est également assuré grâce à l’augmentation de l’effort de recherche, soulignée hier encore par le Président de la République à Istres. En 2007, cet effort atteindra 638 millions d'euros pour les études amont, portant souvent sur des domaines à la fois civils et militaires. Il nous faut demeurer au plus haut niveau technologique, gage d'efficacité pour nos armées mais aussi de compétitivité pour notre industrie d'armement.

La nouvelle contrainte imposée par le ministère des finances sur le niveau des autorisations d'engagement, la « norme d'engagement » dans le jargon de Bercy, inquiète en revanche pour l’avenir. Cette contrainte a conduit à réduire de 34 à 12 la commande d’hélicoptères NH-90 pour l'armée de terre, la différence restant optionnelle et devant être affermie en 2008. Pour les finances de l'État, cela ne change a priori pas grand-chose. Mais l'effet d'affichage est désastreux, aussi bien envers l'industriel qui les fabrique qu'envers les militaires qui doivent encore utiliser nos Puma hors d'âge. Je n’ose pas imaginer que les administrateurs de Bercy comptent sur un changement de majorité pour faire l'économie de l'acquisition de la tranche optionnelle. Quoi qu’il en soit, cette contrainte forte obère les commandes à venir, sans parler même de systèmes d'armes majeurs au coût très élevé comme le futur porte-avions. Alors que tout est fait pour garantir l'avenir de certains programmes, comme le sous-marin d’attaque Barracuda ou le missile de croisière naval, il est paradoxal d’accepter une telle contrainte.

Enfin, les crédits destinés à couvrir les surcoûts liés aux OPEX ont doublé, pour atteindre 375 millions d'euros. Cela donne à la fois une plus grande sincérité à la loi de finances initiale et un caractère irréversible à cette démarche pour les années à venir.

Hors des dispositions de la LPM, je ne retiendrai qu'un élément, déterminant pour nos armées et qui me tient particulièrement à cœur : l’amélioration des conditions de vie et de service de nos militaires, qu'ils soient en opérations à l'extérieur ou sur notre territoire à l'entraînement. C'est une exigence morale, en contrepartie de la disponibilité et des contraintes qui leur sont imposées. C’est aussi un élément déterminant de la constitution même et de l'efficacité des armées professionnelles. Nos armées doivent être attractives pour que leur recrutement soit satisfaisant, tant en quantité qu’en qualité. Les militaires et leur entourage proche souhaitent des conditions de vie correspondant aux standards de notre société. Ils veulent aussi, lorsqu’ils quittent le service actif, être accompagnés dans leur reconversion vers un emploi civil. Je me réjouis donc de la poursuite du bon déroulement du plan d'amélioration de la condition militaire qui avait dû être mis en place dans la précipitation au début de 2002, l'ancienne majorité n’ayant pas pris en compte cet important volet social lors de la professionnalisation totale de nos armées. Ce plan arrivera à son terme à la fin de 2007 mais les améliorations devront se poursuivre au-delà. Ainsi le Fonds de consolidation de la professionnalisation, dont l’objectif est d’attirer des spécialités rares, devra-t-il être préservé.

Bien que le budget pour 2007 ne marque pas la fin de la programmation en cours, je souhaite rappeler ici ce qui a été réalisé depuis 2002. Grâce au rapport d'exécution qui nous a été remis, j'ai pu aussi, tout au long des séances trimestrielles de contrôle de l'exécution du budget que j'ai instaurées, suivre au plus près les rattrapages entamés. Mes visites sur le terrain m’ont aussi permis de mesurer concrètement les progrès accomplis.

Chacun reconnaît le caractère exceptionnel de la mise en œuvre de cette programmation, pour la première fois depuis la constitution de notre force de dissuasion. Nous le devons à la détermination du Président de la République, ainsi qu’à votre très grande fermeté dans les moments difficiles, Madame la ministre. Je me dois de dire que la représentation nationale aussi y a eu sa part. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

Les crédits du ministère de la défense ont cessé d’être la variable d’ajustement. Les difficultés de gestion et quelques restes de mauvaises habitudes ont pu entraîner encore des reports nets de crédits. Nous espérons que les échéances électorales du printemps prochain ne remettront pas en cause l’emploi de ces reports en totalité – certains remontent à la LPM précédente !

Voulue comme une loi de rattrapage, la LPM 2003-2008 a mis sur de bons rails de grands programmes. Je pense tout spécialement au Rafale, à l'hélicoptère Tigre et au VBCI. Le rythme de livraison des Rafale n'a certes pas été conforme aux attentes, mais l'étalement excessif de ces programmes explique largement les difficultés rencontrées par les industriels pour satisfaire les commandes. Celles-ci se sont néanmoins poursuivies selon le calendrier prévu, préservant ainsi l'avenir. Ne manque plus que celle du PA2 pour que tous les grands objectifs soient atteints.

Le MCO a fait l'objet d'une attention particulière, la disponibilité opérationnelle des matériels s’étant fortement dégradée. La solution n’est pas facile car il ne suffit pas d’abonder les crédits. Il faut remettre en marche tout un processus administratif et industriel, et l'amélioration est forcément lente. Mais elle est désormais perçue par tous dans les unités, écartant une source profonde de découragement, voire de déception parmi les militaires.

Avant même l'entrée en vigueur de la LOLF, des réformes importantes avaient été engagées pour améliorer l'emploi des ressources de la défense et assurer la pérennité de notre industrie d'armement. Un effort sans précédent de mutualisation et de réorganisation des services transversaux a été entrepris au sein du ministère pour éviter les doublons et mieux rationaliser l'emploi des crédits. La mutation a été sans précédent pour nos entreprises. DCN, en changeant de statut, se trouve aujourd'hui en bonne position pour participer aux restructurations de l'industrie navale en Europe. Grâce à une opération vérité de la dernière chance, qui en avait laissé certains sceptiques, Giat Industries, devenu Nexter depuis peu, semble, enfin, tiré d'affaire puisqu’il réalisera même un léger profit cette année, pour la première fois depuis bien longtemps.

Pour autant, l'effort accompli depuis cinq ans n'est pas si important que certains voudraient le faire croire. Les dépenses d'investissement, pourtant les plus élevées, ne se trouvent jamais, en euros courants, qu’à leur niveau de 1991, soit 15,7 milliards d'euros. À partir de 2002, le choix a été fait de redonner à la défense les moyens de l'ambition internationale de la France. C'était indispensable car nous étions alors engagés dans une spirale fatale de déclin. Il faut écarter toute perspective de réduction des crédits de défense en 2007 et au-delà. Il convient au minimum de les maintenir dans l'immédiat, puis de se fixer, à moyen terme, l’objectif de les porter de 2 % à 2,2 % du PIB. Serait-il acceptable en effet, que notre pays rejoigne la cohorte des insouciants, qui s'en remettent à d'autres pour leur sécurité et la préservation de la paix ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) Serait-il tolérable de négliger les graves conséquences économiques et sociales qu'entraînerait le retour du budget de la défense au rôle de variable d'ajustement ?

Ce budget pour 2007 va à l’encontre d’aussi funestes perspectives. Je le soutiendrai donc avec le plus grand plaisir et la plus grande fierté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Folliot – Une fois n’est pas coutume, Madame la ministre, je ne monte pas à cette tribune pour parler de la gendarmerie nationale, mais du budget de la défense. En effet, dans le cadre de la LOLF, le budget de la gendarmerie fait désormais partie de la mission Sécurité, et nous en avons parlé hier dans ce cadre. Je tiens à vous dire, Madame la ministre, que nombre d’entre nous ont été très sensibles à vos propos sur la militarité de la fonction de gendarme. Il était essentiel de la rappeler et nous vous remercions de l’avoir fait.

Nous examinons donc une nouvelle fois ce projet de budget avec vous et autant vous dire d’emblée qu’il va dans le bon sens. Nous sommes satisfaits des perspectives qu’il trace. Le budget progresse et permet de respecter, pour la cinquième année consécutive, les objectifs de la LPM. Il mobilise des crédits supplémentaires pour les OPEX, après l’augmentation qui est intervenue l’an dernier. Il favorise le maintien en condition opérationnelle des hommes et des machines et les différents programmes continuent de se dérouler selon le rythme prévu.

Ceux qui considéraient que nos armées devaient réduire leur format parce que nous étions entrés dans une ère dépourvue de conflits majeurs se sont lourdement trompés. En effet, la situation internationale ne permet pas de constater un recul de la conflictualité dans le monde.

Nous saluons les efforts accomplis en faveur de l’équipement des forces : les crédits sont stables mais les programmes avancent. Le contrat de commande des sous-marins nucléaires d’attaque Barracuda sera signé avant la fin de l’année. Conduit avec les Italiens, le très important programme FREMM se déroule tout à fait normalement ; il permettra de renforcer l’efficacité de notre marine, et, point non négligeable, de créer 2 000 emplois en France. Nous fondons aussi de grands espoirs sur le satellite Syracuse III-B. Six avions Rafale seront livrés à l’armée de l’air en 2007 et huit en 2008, afin de constituer un deuxième escadron avant la fin 2008. Quant à l’A 400 M, il doit rester une priorité essentielle, eu égard à sa contribution à la capacité de projection de nos forces. Je n’oublie pas les nouveaux hélicoptères, également très attendus.

Il y a tout lieu de se féliciter des efforts concernant le maintien en condition opérationnelle de nos forces : dans l’armée de l’air, deux avions sur trois sont désormais disponibles et, dans la marine, le taux de disponibilité des bâtiments de surface atteint désormais 70 %.

Je tiens à présent à exprimer une réserve et à vous faire part de nos interrogations quand au second porte-avions. Pour nous, la montée en charge de ce programme très lourd ne doit en aucun cas se faire au détriment des investissements et des capacités de projection des autres armes en général et de l’armée de terre en particulier. N’est-il pas envisageable de mutualiser l’effort, dans le cadre d’une politique européenne de défense plus ambitieuse ?

Par ailleurs, l’une des rares inquiétudes exprimées au sein de nos armées concerne les effectifs. Achevée depuis quelques années, la professionnalisation force l’admiration de nos alliés. Elle a renforcé notre crédit, notamment pour ce qui concerne les opérations multinationales. Cependant, certains craignent que le manque de renouvellement des effectifs ne pose, à moyen terme, un réel problème d’efficacité. Dans l’armée de terre, ce sont plusieurs milliers d’hommes qui risquent de manquer rapidement. Si des efforts ciblés ont déjà été consentis – notamment pour le service de santé des armées, la DGSE et la gendarmerie –, il est impératif de poursuivre dans cette voie.

Globalement, vous parvenez une nouvelle fois, Madame la ministre, à maintenir votre budget à un excellent niveau, compte tenu des contraintes qui pèsent sur la dépense publique, et, bien entendu, nous vous en félicitons.

Un mot sur un sujet particulièrement cher à l’UDF : le lien armée–nation. Depuis soixante ans, l’image de l’armée a considérablement changé, le territoire métropolitain n’ayant pas connu de conflit majeur et nos forces intervenant de plus en plus souvent sous mandat international.

À ce sujet, je souhaite évoquer l’implication de nos forces armées, en appui à la gendarmerie, dans un département français : la Guyane. Une partie de son territoire échappe en effet à l’autorité de la République, et de véritables mafias y pratiquent l’orpaillage clandestin. Il faut réfléchir à cette action qu’on peut dire de souveraineté – bien qu’elle ait lieu en temps de paix et sur le territoire national – et aux moyens d’en accroître l’efficacité.

La menace – notamment terroriste – reste bien réelle mais la donne a changé. Répandu dans les années 1970, l’antimilitarisme n’est plus qu’un phénomène marginal puisque plus de 80 % des Français ont une bonne – ou une très bonne – opinion des forces armées. Le défilé du 14 juillet symbolise ce lien particulier entre l’armée et la nation, de même que la gendarmerie, présente au quotidien sur tout le territoire.

Pour maintenir et renforcer l’indispensable lien entre nos troupes et le pays, il faut encourager ceux qui y pensent à s’engager, en diffusant une image positive de l’armée. Censée y contribuer au premier chef, la JAPD reste, de l’avis des jeunes eux-mêmes, trop courte et trop théorique pour susciter des vocations. Vous aviez promis, Madame la ministre, de réfléchir à la rénovation de cette vitrine, en vue de rendre la journée moins formelle et plus incitative : où en sommes-nous ? Il avait été envisagé de faire participer les réservistes à la JAPD et cette piste me semblait extrêmement intéressante.

Parallèlement, la loi de 1997 dispose que les cours d’histoire-géographie et d’éducation civique doivent comporter des enseignements renvoyant aux fondements de la République et aux valeurs universelles qui l’animent. Las, il semble que ce texte soit peu ou mal appliqué. Sans véhiculer une image idyllique de l’armée ou tendre à enrôler les jeunes, l’enseignement doit véhiculer l’idée selon laquelle la grandeur d’un pays, son indépendance et sa capacité à œuvrer pour la paix dans le monde se mesurent aussi à la puissance et à l’efficacité de son armée. La place de la France dans le monde dépend étroitement de sa défense, et ce d’autant plus que le monde apparaît comme de moins en moins sûr.

La réserve a un rôle essentiel à jouer, notamment dans la gendarmerie, où elle est particulièrement opérationnelle. La loi de modernisation que nous avons adoptée va dans le bon sens puisqu’elle permet de mieux reconnaître le statut très particulier des réservistes. Au plan budgétaire, cette étape importante se traduit par l’ouverture de 19 millions supplémentaires et le nombre d’engagements dans la réserve pourra ainsi être porté à 62 000 hommes.

Il est également nécessaire qu’à l’image du 8ème RPIMa de Castres, les régiments s’ouvrent sur leur environnement et nouent des liens privilégiés avec la ville, le bassin d’emploi et le département où ils sont implantés. Enfin, toujours dans le cadre du lien armée–nation, le programme Défense deuxième chance donne un nouvel horizon à nombre de jeunes en difficulté, en échec scolaire, professionnel ou social. L’espoir est grand et même si quelques voix s’élèvent pour dénoncer certains dysfonctionnements, nous attendons beaucoup de l’ouverture de nouveaux centres.

Les questions relatives à la défense nationale devraient faire consensus et quitter le terrain politicien pour nous réunir. Pour l’heure, ce projet de budget pour 2007 nous inspire un sentiment très positif et nous le voterons avec conviction. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Jacques Brunhes – Les crédits militaires totalisent 47,7 milliards d'euros. Voilà donc un budget conséquent ! Pour autant, est-ce forcément un bon budget ? Tout dépend des options stratégiques qui le sous-tendent et de la politique de sécurité qu'il entend servir. Celles-ci sont-elles adaptées aux menaces du terrorisme, de la prolifération nucléaire et de la multiplication des crises régionales, qui mettent en cause la stabilité mondiale et peuvent affecter la sécurité nationale ? Notre réponse est clairement non.

Notre premier désaccord porte sur le choix de moderniser des armes nucléaires, auquel le budget consacre toujours 10 % des crédits totaux et près de 20 % des crédits d'équipements. Pourtant, chacun le sait, la puissance nucléaire ne dissuade pas le terrorisme international. Le fiasco des forces armées américaines et britanniques en Irak révèle également que les armes nucléaires ne sont d'aucune utilité dans les conflits régionaux. Reste le danger de la prolifération et du chantage nucléaire à l'égard de notre pays. Les essais nucléaires de l'Inde, du Pakistan, de la Corée du Nord, et, peut-être, demain, de l'Iran, montrent que le maintien du monopole nucléaire entre les mains d'une poignée d’États, alors que cette arme est légitimée comme facteur de puissance et de sécurité nationale, est un leurre. Comment interdire aux autres ce qu’on prône pour soi, en invoquant le traité de non-prolifération ? Ce serait oublier que ce traité demande la fin de la course aux armements et le déroulement de négociations de bonne foi en vue d’un « désarmement général et complet » ! De tels engagements n’ont jamais été respectés par les puissances nucléaires. N’oublions pas non plus la clause de retrait permanent utilisée il y a trois ans par la Corée du Nord : les essais effectués par ce pays ne violent pas l’accord, même s’ils pourraient lui porter un coup fatal dans l’hypothèse où l’Iran ferait de même.

La seule façon d’éradiquer la menace de prolifération et d’éviter que l’arme nucléaire se retrouve un jour entre les mains de terroristes, c’est donc, Madame la ministre, le désarmement nucléaire concerté, global et vérifié, et non plus unilatéral. Il nous semble urgent que la France prenne des initiatives en ce sens tout en arrêtant de moderniser son propre arsenal.

Au lieu de cela, le Président de la République n’a fait qu’accentuer dans son discours de l’Île Longue, en janvier dernier, la dangereuse dérive de la doctrine nucléaire française, déjà amorcée en 2001. Le concept d’intérêts vitaux a en effet été élargi à la sécurité de nos approvisionnements stratégiques et à la défense de nos alliés, éventuellement en dehors du continent européen, puisque ce terme reste géographiquement indéfini. Cela implique inévitablement le renforcement de la stratégie de « riposte flexible », c’est-à-dire l’élargissement du recours à l’arme nucléaire.

Le Président de la République a même indiqué que la dissuasion vaut pour les États qui se livreraient à des actes terroristes contre notre pays, ou qui envisageraient d’employer des armes de destruction massive. Faut-il comprendre qu’en cas de répétition des attentats des années 1980 et 1990, nous frapperions les commanditaires au moyen d’armes nucléaires ? La France partage-t-elle également la logique de frappes préventives adoptée par les États-Unis ? De telles modifications de notre doctrine nucléaire mériteraient un débat national ! Hélas, le Parlement a été totalement mis à l’écart de ces décisions…

J’en viens aux forces de projection, deuxième pilier de notre politique de défense. Ce ne sont pas moins de 15 000 militaires qui sont aujourd’hui engagés sur les théâtres extérieurs dans des conditions très dangereuses et parfois au prix de leur vie. Rendons-leur hommage ! Si les OPEX coûtent très cher en vies humaines, mais aussi au plan strictement financier, elles ne suffisent pas à modifier la situation sur le terrain. Comme l’a rappelé le général Georgelin, chef d’État-major de nos armées, « tous les clignotants des OPEX sont à l’orange ». Il ajoute que « sur la plupart des théâtres d’opération, la situation politico-militaire tend à se durcir » – c’est malheureusement un euphémisme si l’on songe à ce qui se passe en Côte d’Ivoire ou en Afghanistan ! Et selon le chef d’État-major de l’armée de terre, « les capacités de destruction françaises ne suffisent plus à emporter la décision », laissant entendre que l’action politique et diplomatique est tout aussi indispensable. C’est reconnaître ce que nous ne cessons d’affirmer : une approche seulement militaire ne suffit plus ; nous avons besoin d’une approche multidimensionnelle pour combattre à la racine le désordre actuel du monde, en particulier, les inégalités planétaires, les ravages d’une mondialisation non maîtrisée et l’application sélective du droit international.

Nous devons également interdire d’urgence les bombes à sous-munitions, largement utilisées au Kosovo, en Afghanistan, en Irak, au Sud-Liban et responsables de nombreuses ravages, notamment chez les enfants. Il faudrait également adopter un traité international sur les transferts d’armes, en particulier les armes légères et de petit calibre, sur lesquelles porte un groupe d’étude co-présidé par Jean-Claude Sandrier et par Roland Blum. Pouvez-vous nous dire, Madame la ministre, comment la France entend soutenir la proposition faite en ce sens au G8 par les Britanniques ?

Je relève enfin que ce budget 2007 donne une nouvelle fois la priorité aux équipements, au détriment de l’emploi et de l’activité des forces. Les dépenses de fonctionnement inscrites à ce dernier chapitre sont en effet en baisse de 6,3 %, et même bien plus compte tenu de l’insuffisance probable de la dotation prévue pour faire face à la hausse du prix du pétrole. J’ajoute que le plafond total d’emplois, fixé à 436 994 équivalents temps plein est inférieur de 8 754 ETP au niveau requis par la loi de programmation militaire. Et 3 790 emplois seront supprimés en 2007, malgré les fortes tensions sur les effectifs que nous dénonçons depuis plusieurs années. Ce quinquennat aura également eu des effets dévastateurs sur les emplois civils du fait de la suppression de 8 000 postes.

Ceci a de graves conséquences. Afin de pallier ces diminutions d’effectif, l’externalisation des tâches s’est accrue, de même que les restructurations industrielles, entraînant des pertes de compétences et une plus grande dépendance vis-à-vis des sociétés privées pour la réalisation de missions de nature régalienne. Sur ce point, les représentants des syndicats des personnels civils de la défense ont fait part de leurs fortes inquiétudes devant la commission de la défense : notre appareil militaire serait devenu incapable de produire un nouveau char Leclerc, et la DCN devrait rencontrer les pires difficultés pour réaliser ses programmes, au point qu’on peut se demander où pourrait être construit un deuxième porte-avions !

Je vous ai également informé, Madame la ministre, des préoccupations des salariés de SNECMA Services à Châtellerault, qui craignent la transformation de leur centre en simple site de maintenance et de réparation des moteurs d’avions. Je souhaiterais que vous répondiez à leurs propositions de sauvegarde des compétences qu’ils ont accumulées en quarante-cinq ans d’activité.

Tout aussi critiquable est le démantèlement de nos sociétés nationales de pointe au nom d’une rentabilité purement financière. J’observe enfin que la défense européenne n’a d’autonomie que théorique : comme l’a reconnu le général Georgelin, nos partenaires s’intéressent essentiellement à l’OTAN et il n’existe pas aujourd’hui de position commune en matière de politique étrangère, ce qui est pourtant une condition indispensable pour bâtir une défense commune. J’ajoute que notre pays ne remet pas en cause la légitimité de l’OTAN comme « organisation militaire garante de la sécurité collective des alliés européens et nord américains » – je cite la ministre – et qu’elle a renforcé sa participation en s’impliquant très activement dans la création de la force de réaction rapide de l’OTAN.

Pour toutes ces raisons, vous comprendrez que nous ne voterons pas ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Michel Voisin – Malgré un contexte contraint, les moyens alloués à la défense nationale augmentent de plus de 2 % cette année, pour se porter à 47,7 milliards d'euros, dont plus de 35 milliards au seul titre de la mission Défense. Au cours de cette législature, les crédits de la défense auront progressé de 7,2 % et la loi de programmation militaire sera respectée pour la cinquième année consécutive. Nous nous félicitons que la défense ne soit plus considérée comme une variable d'ajustement du budget de l'État !

C’est le résultat de la volonté politique du chef de l'État, de notre majorité, et surtout, Madame la ministre, de votre détermination constante, voire de votre force de dissuasion (Sourires). Au nom des hommes et des femmes qui composent nos armées, de tous ceux qui sont directement ou indirectement liés à la défense, des jeunes auxquels vous donnez des repères, pour la sécurité de notre pays et pour la préservation de la paix, et enfin au nom du groupe UMP, je tiens à vous remercier pour votre action à la tête de ce grand ministère.

Si la défense a été confortée, elle a également évolué. Depuis 2002, nous nous sommes en effet engagés dans un large processus de modernisation – je pense notamment à la nouvelle répartition des attributions au sein du ministère, à la mutualisation des moyens et à leur recentrage sur les missions indispensables à un fonctionnement optimal des armées. Pourriez-vous nous en dire plus sur la philosophie et le contenu précis du plan stratégique des armées, qui a été signé le 8 juin dernier ?

Je rappelle que nous avons déjà réalisé 568 millions d'euros d'économies tout en préservant la capacité opérationnelle des armées, en respectant les objectifs fixés par la loi de programmation militaire 2003-2008 et en poursuivant l’application du modèle « armée 2015 » : malgré quelques retards, aucun programme d'armement n'a en effet été remis en cause, et les livraisons et les commandes pour 2007 correspondent aux besoins de nos forces armées.

S’agissant du nécessaire maintien en condition opérationnelle des matériels, le niveau des moyens prévus me semble satisfaisant, mais on peut s’interroger sur les effets qu’entraînera la hausse du prix du pétrole. La dotation prévue à ce titre est certes très élevée – 415 millions d'euros – et certains mécanismes financiers permettront un lissage mais les besoins sont croissants, notamment du fait des opérations extérieures. Ne pensez-vous donc pas qu’il sera nécessaire, Madame la ministre, de redéployer certains crédits vers ce poste ? Plusieurs amendements ont été déposés en ce sens.

J’en viens à la dissuasion nucléaire, qui reste le pilier de notre politique de défense, comme l'a rappelé avec force le Président de la République dans son discours de l’Île Longue, le 19 janvier dernier. Notre dissuasion nucléaire s'inscrit dans une stratégie de prévention et tend à garantir nos intérêts vitaux, parmi lesquels figurent désormais l'approvisionnement énergétique et la défense des pays alliés. M. Brunhes s’en étonne, mais il s’agit seulement de l’application du Livre blanc voté il y a déjà douze ans !

Pour rester crédibles, nous devons poursuivre notre effort pour disposer d'un outil de dissuasion rénové et efficace. C'est encore plus vrai dans le contexte des événements iraniens et nord-coréens. Grâce à la dissuasion, à des équipements performants et à la compétence reconnue de ses militaires, la France est une puissance respectée. Les responsabilités qu’elle exerce au sein de la FINUL renforcée, de la FIAS ou de l'EUFOR par exemple en sont la preuve. Nos forces armées ont démontré leur réactivité, leur efficacité et leur humanité avec l’opération Baliste, au Liban, qui a permis l'évacuation de 11 000 ressortissants français et l'acheminement de fret dans les meilleurs délais et conditions possibles.

S'agissant des surcoûts générés par les opérations extérieures, une nouvelle étape est franchie, puisque la dotation inscrite, avec 375 millions, est particulièrement élevée. C’est un motif de satisfaction, même si, en ce domaine, les prévisions sont difficiles et qu'il faudra certainement des ajustements. Les surcoûts des opérations intérieures, Vigipirate par exemple, font également l'objet d'une action spécifique, mais aucun crédit n’y est inscrit. Peut-être font-ils partie de la mission Sécurité ?

Si nos forces armées sont reconnues et appréciées, c’est parce que nous disposons de matériels de qualité et que nous sommes présents sur la scène internationale, mais avant tout parce que nos militaires ont pour ambition de servir la France. Ils participent au rayonnement de notre pays, assurent notre sécurité, défendent nos idéaux et oeuvrent pour la paix dans le monde. L’institution de défense est le deuxième employeur de l'État, et la condition des personnels militaires et civils doit être au centre de nos préoccupations. La politique de recrutement est à la hauteur des enjeux. Au total, 1 012 postes seront créés cette année : 950 de gendarmes, 47 pour le service de santé des armées, qui intervient de plus en plus en OPEX, et 15 pour la direction générale de la sécurité extérieure. Par ailleurs, 19 millions supplémentaires sont affectés à la réserve, pour accroître le nombre des réservistes et mettre en application la loi du printemps dernier.

Les moyens destinés à l'amélioration des conditions de travail et de vie des personnels militaires, soit 66 millions, sont satisfaisants. L'excellent rapport de Bernadette Païx et Damien Meslot à ce sujet mérite une attention toute particulière. Un point me tient particulièrement à cœur : le retour à la vie civile des militaires. Le sujet est intimement lié à la professionnalisation des armées et je souhaiterais connaître vos réflexions dans ce domaine, pour les hommes du rang et les caporaux, bien sûr, mais aussi pour les sous-officiers et officiers contractuels, qui sont parfois confrontés à une réinsertion difficile. Au risque de démentir M. Brunhes, l’effort pour la reconnaissance des personnels civils est poursuivi : depuis 2002, 70 millions ont été mobilisés pour le plan de reconnaissance professionnelle. La défense est également impliquée dans la politique pour l'emploi des jeunes, et le dispositif « défense deuxième chance », créé en 2005 à destination des jeunes en difficulté, remporte un franc succès. Trois mille jeunes en ont bénéficié, dont 90 % sont sortis avec une formation et ont trouvé un emploi. Disposez-vous d’un premier bilan de cette action ? Au passage, je vous remercie, avec Lucien Guichon, Étienne Blanc et Jean-Michel Bertrand, pour la création d’un centre défense deuxième chance dans notre département.

La défense, et notamment la défense européenne, est aussi un acteur majeur dans notre économie. Le ministère va consacrer 3,5 milliards à la recherche et développement et son implication dans les pôles de compétitivité – pour 15 millions – et la recherche militaire et civile – 700 millions pour les études en amont – doit être soulignée. Quant au développement de la défense et de la recherche européennes, ce sont des nécessités si nous voulons disposer, dans le futur, de matériels performants au service de la paix en Europe. La France y joue un rôle de premier plan, par sa contribution au budget de l'Agence européenne de défense et à la coopération en matière d'armement, véritable moteur de la construction de l'Europe de la défense. De nombreux programmes sont en cours en partenariat avec nos voisins européens, concernant par exemple le deuxième porte-avions ou des drones de combat. Ils représentent un enjeu industriel majeur. Une coopération accrue dans le domaine de la recherche permettra de renforcer l’industrie européenne de défense. Il faut donc y affecter des moyens importants. La création d'un fonds européen pour stimuler la recherche dans le domaine militaire s'inscrit dans cette démarche. Où en est ce projet ?

Ce budget pour 2007 est donc excellent. Nous en sommes fiers, comme nous sommes fiers de ce que cette législature a entrepris en faveur de la défense. Chacun doit reconnaître que les décisions prises par la représentation nationale en matière de défense n’avaient pas été aussi bien respectées depuis des décennies. Un effort considérable a été réalisé pour combler le retard dans l'exécution de la précédente loi de programmation militaire et tenir les engagements pris pour la période 2003-2008. Un nouveau statut général des militaires a été mis en place. La réserve a été réorganisée et l'institution de défense modernisée. C’est pourquoi le groupe UMP votera avec enthousiasme les crédits de la mission Défense.

À la veille d'échéances électorales importantes pour la défense et alors qu’une nouvelle loi de programmation militaire doit être élaborée, on entend ici ou là des murmures qui me rappellent la fin des années 1990 et les « dividendes de la paix ». Je pense que l'effort consenti par la nation pour sa défense devra s'inscrire dans la durée. L’objectif est d'atteindre 2 % de notre PIB. Il me semble que c’est le prix minimum de l’assurance à souscrire pour notre sécurité, et c’est ce que les Français attendent, comme en attestent les résultats d'une récente enquête d'opinion.

Je ne terminerai pas sans tirer un grand coup de chapeau à ces femmes et à ces hommes qui, dans des situation difficiles, loin de chez nous, effectuent un travail remarquable. Ils font preuve d’abnégation, de dévouement et de professionnalisme. Ils font bien le métier qu’ils ont choisi. Ils font partie de ceux qui permettent à la France de tenir sa place sur l’échiquier mondial. Même s’ils ne demandent rien, la représentation nationale peut leur dire son admiration et sa reconnaissance (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Michel Boucheron – Le dernier budget d'une législature est autant l'heure des bilans que celle des projets. Pour les bilans, votre actif résidera indéniablement dans le maintien des crédits du ministère à un bon niveau, même s’ils ne sont pas tout à fait ce que vous en dites, puisque vous ignorez les lois de règlement pour ne parler que des lois de finances initiales – je passe sur cette dispute secondaire. À votre actif aussi, incontestablement, la réforme de l'État-major et de la Direction générale de l’armement, même si elles n’en sont chacune qu’à leurs débuts. La tenue, tant morale que technique, des armées françaises en opérations extérieures a été bonne. Les problèmes rencontrés en Côte d'Ivoire auraient pu, compte tenu de la situation, être plus importants. Globalement donc, la mission que la nation confie à son armée a été correctement remplie sous votre responsabilité. Que l'ensemble du personnel en soit félicité.

Dans le passif se trouve curieusement la conséquence des moyens dont vous avez disposé : une attente est née, qui n’a bien évidemment pas pu être satisfaite. Tout d’abord, l’amélioration du maintien en condition opérationnelle de nos matériels était votre priorité absolue. Vous y avez mis beaucoup d'argent, mais les résultats sont loin de vos espérances et dans certains secteurs, les améliorations ne sont pas mieux que marginales. Mais le point le plus faible de la gestion de votre gouvernement, sans savoir la part qui peut être imputée au ministre en particulier, est incontestablement la restructuration européenne des industries de défense. Votre bilan est sur ce point très inférieur à celui de vos prédécesseurs (Rires sur les bancs du groupe UMP).

M. Philippe Vitel – C’est de la mauvaise foi ou de l’amnésie ?

M. Jean-Michel Boucheron – On doit toutefois admettre que, dans certains dossiers, vous n'avez jamais trouvé à Bercy ni à Matignon le partenaire qui vous était nécessaire.

En matière industrielle, vous avez Madame la ministre, reçu de vos prédécesseurs un superbe héritage (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense  GIAT ?

M. Jean-Michel Boucheron – EADS et sa dynamique franco-allemande, le regroupement européen des industries d'hélicoptères, de missiles et de lanceurs spatiaux… J'espère définitivement clos le roman feuilleton qui a terni l’image d'EADS : nomination rocambolesque à la tête du groupe, affaire Clearstream – ce mauvais polar –, blocage de l’A380, dégradation de la confiance dans l'entreprise, des relations franco-allemandes et de l’image de l’État actionnaire… Il est vrai que vous n’avez été que spectatrice, mais quel champ de ruines ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Et que dire du surplace de la fusion Thalès-DCN, du désordre chez SAFRAN, des faibles progrès du marché européen de défense, des difficultés de développement de l’Agence, de la politique d'exportation ? C'est au Gouvernement que doivent être imputés ces échecs. Il faut relancer une grande politique européenne de rapprochement industriel, d'investissement, de protection commune des secteurs stratégiques, de recherche et développement et lancer de vastes coopérations vers la Russie et le Golfe.

Mais revenons à ce budget, qui est d’autant plus abondant que ce n'est pas vous qui allez ni le payer ni l'exécuter. Vous n’avez pas de financements de long terme : tout juste de quoi payer les premiers acomptes. Je sais déjà ce que dira le responsable de l’opposition qui sera à ma place dans un an : il nous reprochera de ne pas financer les programmes que vous aurez lancés ! (Rires sur les bancs du groupe UMP) En fait, et comme nous l’avions prévu, malgré un budget bien doté, vous n'avez pas de quoi équiper nos forces au niveau qui avait été programmé. Il est constant que l'évolution du coût de notre défense n'a pas été bien estimée. Les coûts réels des programmes ont-ils été sciemment minorés ? Je n'irai pas jusque là, mais vous êtes obligée de trouver 250 millions en loi de finances rectificative pour couvrir le programme des frégates multi-missions ! Or, une loi de finances rectificative n’a pas à financer autre chose que des dépenses imprévues. C’est un point de détail, mais révélateur de la panne sèche générale qui se prépare pour tous les grands programmes.

Madame la ministre, vous devriez rendre public le rapport 2020, réalisé il y a déjà deux ans, qui effectue la projection des coûts des dépenses d'armement d'ici à 2020. Ces chiffres éclaireraient nos débats, et sortiraient nos collègues de la majorité de la douce autosatisfaction dans laquelle ils se complaisent (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Que constate-t-on ? Des crédits d'investissements conformes à la loi de programmation militaire, la diminution des effectifs et une trésorerie qui, par des opérations qui s’apparentent à de la cavalerie (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) permettent de retarder à la fin 2007 la confrontation à la réalité (Protestations sur les bancs du groupe UMP). De plus, alors que 2006 aurait dû être l’année de la résorption des reports, ils persistent, et il n’est pas certain que la question sera réglée en 2007. D’évidence, les dépenses nécessaires à la réalisation du modèle 2015 sont hors de notre portée financière (Protestations sur les bancs du groupe UMP). En résumé, Madame la ministre, qu’il s’agisse d'investissements pour les grands programmes ou de trésorerie, toutes les décisions difficiles sont laissées à votre successeur. Je vous remercie de lui laisser une telle marge de décision (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Quelques points méritent que l’on s’y attarde, et pour commencer ce qui concerne les personnels. En dépit de la baisse des effectifs annoncée, les crédits de rémunération augmentent de 130 millions, alors même que le ministère de la défense est le seul dont la majorité des agents travaille sous contrat et qu’il vous est donc plus facile qu’à d'autres administrations de maîtriser la masse salariale.

Il y a certainement une réforme à venir pour une meilleure gestion des compétences des personnels de défense. Je saisis l’occasion pour dire notre satisfaction de la création de 900 emplois dans la gendarmerie. En revanche, la création de quinze postes à la DGSE est très insuffisante…

Un député du groupe UMP – Encore faut-il trouver les spécialistes !

M. Jean-Michel Boucheron – …compte tenu de la nécessaire montée en puissance de ce service.

La situation a une incidence sur le moral des armées, et des inquiétudes diverses s’expriment. L'armée de terre est très utilisée. Certes, les OPEX améliorent les revenus, mais les missions sont quelquefois très éloignées des métiers de base des hommes et même si c’est la loi du genre, ils en ressentent une sorte de déqualification. L'état de disponibilité des matériels en métropole est aussi source de démotivation. L'armée de l'air a un certain sentiment de pénurie qui engendre des frustrations, et il est maintenant évident que le plan Air 2010 devra être de plus grande ampleur que prévu. Il faut prendre garde à la disponibilité des matériels et à l'écart entre le discours officiel et la réalité.

S’agissant de l'équipement, le modèle 2015, désormais unanimement considéré comme financièrement inaccessible et en décalage complet avec les besoins de la période considéré, devra être entièrement revu. Pour la réalisation des seuls programmes principaux – VBCI, Félin, Tigre, NH 90, Rafale, A 400 M, porte-avion, frégates multi-missions, Barracuda – des milliards seraient nécessaires, sans même parler de la dissuasion. Voudrait-on donc éviter la révision du modèle 2015 qu'elle nous serait imposée par les contraintes financières. C’’est finalement salutaire : en refusant des corrections progressives, on a rendu nécessaire une réforme globale et ainsi obligé à redéfinir la pensée stratégique.

La marine doit acquérir de nombreux matériels neufs, mais la question se pose de savoir si la commande des dix-sept frégates ne souffrira pas du financement du deuxième porte-avions. L’armée de terre, qui attend la réalisation de différents programmes, craint qu’ils ne soient vulnérables. Lors de la passation des marchés, la logistique doit être systématiquement intégrée. À cet égard, la dernière innovation consistant à différencier les parcs de matériels selon leur destination entraîne le risque de que certains régiments se trouvent dépourvus de certains matériels. Or, notre politique extérieure ne peut tolérer que notre armée de terre se trouve dans l’incapacité d’agir.

Le modèle que nous nous sommes donnés étant inaccessible, nous devons le repenser. Je l'ai déjà dit : les Livres blancs fossilisent la pensée et leur rigidité est incompatible avec la vitesse de l'évolution stratégique dans le monde. Quant au plan prospectif à trente ans, c’est un document remarquable, mais il a l'inconvénient de ne pas être public. Le débat est donc confiné, ce qui est un peu dérangeant pour la représentation parlementaire, vous en conviendrez. Reste, évidemment, la loi de programmation militaire, à condition qu'elle soit réaliste. D’évidence, rien ne peut se faire avant la prochaine élection présidentielle, si bien que la révision stratégique nécessaire, bien qu’urgente, se fera lors de la prochaine loi de programmation militaire. Il faut donc mettre ce délai à profit pour préparer le futur débat. C'est au chef d'État-major des armées que revient la préparation de cette réforme. À ce sujet, j’approuve la réforme de l’État-major, mais je souhaite qu’elle ne soit pas interprétée à minima. Pour nous, le CEMA n’a pas un simple rôle de pilotage dont les compétences se définiraient par subsidiarité ; il a vocation à reprendre en propre certaines compétences actuellement dévolues aux États-majors d'armées. L’enjeu est « l'interarmisation », seule à même d’assurer la cohérence de l’action. Je déplore, à cet égard, que la répartition des grandes missions de défense n'ait pas présidé au découpage de la mission.

La redéfinition du rôle du CEMA est la première grande décision d'orientation qui devra être prise. Il est donc nécessaire que l'État-major des armées tienne prêtes plusieurs propositions de réorganisation des armées, de l'administration centrale et des relations avec la direction générale de l'armement, pour préparer l’avenir.

Oui, mes chers collègues, nous souhaitons une nouvelle politique de défense, ce qui suppose, au préalable, de clarifier nos priorités. La logique de sécurité est d'abord une logique géographique. Nous devons donner la priorité au monde euro-méditerranéen, être capables de garantir les accords de paix et la stabilité autour de la Méditerranée. C'est à nous, avant toute autre puissance, d'être l'interlocuteur de référence, celui qui rassure, qui favorise le dialogue, celui vers lequel on se tourne pour chercher l'aide à la paix. Les matériels à privilégier sont donc ceux qui permettent de réaliser cette mission politique.

Nous devons aussi être capables, sous mandat de l'ONU, de participer aux actions de paix lointaines, avec nos alliés, sans emboîter le pas à l'unilatéralisme et aux menaces dangereuses. N'entrons pas, demain, vis-à-vis de l'Iran, dans la logique dans laquelle s'est enfermé Tony Blair vis-à-vis de l'Irak. En d’autres termes, oui à une Europe alliée mais non alignée. Sachons imposer le respect du traité de non-prolifération par les grandes puissances nucléaires avant de pointer du doigt telle ou telle nation qu'on menace d’envahir, et étendons ce traité au trafic de matières fissiles et bactériologiques vers les groupes terroristes, car les vraies menaces sont là.

Organisons la confiance internationale en ouvrant le ciel à la libre observation aérienne, ce qui permettra d'anticiper les préparatifs de guerre, les génocides, la prolifération nucléaire et les catastrophes écologiques. Construisons un modèle de défense tel que la mutualisation européenne soit la règle et non l'exception, tel que les matériels ne soient plus conçus pour d'improbables conflits à haute intensité, tel que nos armées et leurs moyens soient associés à la défense civile de nos populations, tel que la règle soit la capacité d'adaptation à l'imprévisible grâce au renseignement.

La France doit avoir sa propre analyse des crises, et dire que la réponse au terrorisme ne peut être que globalisée, et non seulement américaine. Nous refusons une vision du monde tendant à maintenir la richesse des uns au détriment des autres. Nous devons apporter aux crises des réponses différenciées selon les lieux où elles se produisent ; seule cette approche différenciée permettra d’éviter le choc des civilisations auquel aspirent conservateurs et intégristes de tous bords. C'est à la victoire contre ce péril que l'histoire jugera l'action de notre génération politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Warsmann remplace M. Bur au fauteuil présidentiel.
PRÉSIDENCE de M. Jean-Luc WARSMANN
vice-président

Mme Bernadette Païx – Je traiterai de la politique sociale du ministère. Le projet de budget de la défense traduit la volonté de permettre à la direction de la fonction militaire et du personnel civil et à l'Institut de gestion sociale des armées de poursuivre l'effort engagé depuis 2002, dans le cadre du plan d'amélioration de la condition militaire et du fonds de consolidation de la professionnalisation. En 2007, 88,87 millions sont prévus pour l'action sociale. Ces crédits donnent les moyens de renforcer l’attrait des métiers des personnels civils et militaires du ministère, et de venir en aide aux agents victimes d’accidents de la vie et à leur famille. Je suis très sensible à l'attention que vous avez portée, Madame la ministre, à la couverture des risques professionnels, l'effort consenti pour l'indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles des ouvriers de l'État et des contractuels augmentant de 12 millions pour être porté à 78 millions.

L'action sociale prend également en compte les sujétions des agents du ministère de la défense. Cette année encore, des crédits seront mis à disposition pour compenser l'impact des contraintes de mobilité et de disponibilité sur leur vie sociale et familiale. Trois millions seront prévus pour les nouvelles orientations de l'action sociale de la défense, dont deux seront affectés à l'accroissement de la capacité d'accueil des jeunes enfants dans les crèches et haltes-garderies ; 950 000 euros seront consacrés à la création d'un chèque emploi service universel pour offrir des services à la personne adaptés aux familles des militaires séparées pendant de longues périodes ; enfin, des postes de travail supplémentaires seront aménagés pour les personnels handicapés.

Ce budget prévoit aussi des crédits de 39,43 millions destinés au remboursement de certains prêts. Ils seront notamment consacrés aux prêts destinés à l’accession à la propriété. Au logement, vous consacrez 24 millions, répartis entre l'aide au logement et la compensation des sujétions imposées aux militaires. Votre politique immobilière répond aux exigences de mobilité du personnel militaire et tient compte des difficultés des personnels aux revenus les plus modestes puisque plus de 63 000 logements seront réservés par convention auprès de sociétés ou pris à bail pour loger le personnel civil et militaire hors gendarmerie. Ces crédits s’ajoutent aux 70 millions consacrés chaque année à la construction, à la réhabilitation et l'entretien du parc immobilier des armées.

Des mesures spécifiques visent la région parisienne. L'indemnité pour charges militaires est majorée, 1,5 million viendra soutenir l'aide au logement locatif ; 400 logements de la caserne de Reuilly à Paris seront transformés, et quarante logements de la caserne d'Artois à Versailles ; l'ensemble des logements de la gendarmerie de Satory sera restauré, et le parc de logements sera externalisé.

Pour attirer et fidéliser le personnel, 3 millions seront consacrés en 2007 à étendre le bénéfice de la majoration de l'indemnité pour charges militaires aux partenaires d'un PACS. Cette mesure sera très appréciée. Pour mieux soutenir les familles, le réseau des cellules d'accompagnement vers l'emploi des conjoints sera dynamisé. Le fonds de consolidation de la professionnalisation permettra une revalorisation indiciaire de 2,7 millions et 1,25 millions seront affectés à la création du dernier contingent de 120 postes hors échelle lettre B, au profit des colonels et officiers de rang assimilé.

Est également créée une indemnité pour activités militaires spécifiques pour compenser l'absence de bonifications pour les militaires qui partent à la retraite sans droit. Grâce à une enveloppe de 5 millions, ils auront désormais droit à une pension militaire.

Sur le fonds de consolidation de la professionnalisation, 9,35 millions serviront à revaloriser certains taux de l'indemnité de résidence à l'étranger et à augmenter les soldes, qui n’ont pas évolué depuis 1997. La rémunération à la performance et au mérite se poursuit. Trois millions sur une enveloppe globale de 9 millions seront destinés aux militaires de la gendarmerie, et 0,64 million au personnel civil.

Améliorer les conditions de vie des personnels, c’est aussi leur manifester votre, notre, reconnaissance et renforcer leur moral et leur efficacité. Pour toutes ces raisons, je soutiens avec grand plaisir le projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Lemière – Ce projet de budget de la défense pour 2007 est satisfaisant d'abord, car, pour la cinquième année consécutive il se conforme aux annuités budgétaires prévues par la loi de programmation militaire.

Les crédits de paiement de 15,96 milliards et les autorisations d'engagement de 15,65 milliards vont permettre notamment le renouvellement et la modernisation de la marine avec le lancement des deux programmes majeurs que sont le chantier du second porte-avions, et la construction à Cherbourg d'une série de six sous-marins nucléaires d'attaque de nouvelle génération Barracuda, qui constituent un atout stratégique irremplaçable pour les quelques pays qui dans le monde sont capables de s'en doter. Et grâce à ses ouvriers, ses techniciens et ses ingénieurs, notre industrie de défense est autonome et permet une politique de défense indépendante, donc une politique étrangère souveraine.

Ce budget 2007 permettra en outre de poursuivre la construction par DCN Cherbourg du quatrième sous-marin nucléaire lanceur d'engins de nouvelle génération, Le Terrible, et les essais du missile Mer–Sol M51 qui doit équiper Le Terrible à partir de 2010, puis les trois premiers SNLE-NG après leur refonte à Cherbourg. Pour avoir passé trois jours à bord du Triomphant, je peux témoigner de l’excellence des équipages et de la fiabilité de l’outil. Mais étant donné les contraintes de maintenance et les limites humaines, on ne peut envisager de réduction du nombre de ces sous-marins.

Sont également prévus la poursuite du programme de frégates multimissions et le démarrage de la fabrication du missile de croisière naval qui équipera ces frégates et les sous-marins Barracuda. L’an 2007 sera donc un bon cru pour l'équipement de nos forces armées, et pour la Marine en particulier.

En second lieu, je suis également satisfait de constater que ce dernier budget de la législature marque la volonté renouvelée du Gouvernement et de la représentation nationale de se conformer aux engagements financiers pris en 2002 lors du vote de la loi de programmation, ce qui est d'autant plus méritoire que le cadre budgétaire de ces dernières années a été extrêmement contraint. C’est une rupture nette avec la très mauvaise exécution de la loi de programmation militaire 1997-2002, qui a affaibli considérablement notre outil de défense.

Aussi, afin de contrôler l'exécution des crédits militaires, fut créée en début de législature une mission d'information déposant, chaque année, au nom de la commission de la défense, un rapport sur l’exécution du budget militaire de l’année précédente. À ce propos, je salue l’excellente présidence de M. Teissier (quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Ce renforcement des prérogatives de contrôle du Parlement tranche lui aussi avec les pratiques antérieures, empreintes d'indifférence ou de fatalisme face aux décisions gouvernementales. Encore aujourd’hui, à en croire les orateurs socialistes qui se sont déjà exprimés, on ne doit pas ou on n’a pas l’argent pour construire le deuxième porte-avions.

J’approuve donc totalement ce budget de renouvellement et de modernisation de nos forces armées, et je remercie madame la Ministre pour la manière dont elle défend âprement les budgets successifs de la Défense et valorise l'image de nos armées, oeuvrant ainsi pour la sécurité du pays, la place de la France dans le concert des nations et la paix dans le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Sainte-Marie – Dans le désordre de notre monde, le terrorisme et le danger de prolifération nucléaire viennent s’ajouter aux risques traditionnels.

Pour ma part, je m’attacherai à la question de la dissuasion, qui me concerne comme citoyen et comme député d'une circonscription où est implantée une filière de production des propulseurs des missiles M51. Récemment, certains ont prétendu que le renouvellement des matériels français serait en contradiction avec les termes du traité de non-prolifération. Si la communauté internationale doit s’inquiéter, c’est devant les agissements de certains pays qui n’adhèrent pas à ce traité ou s’en retirent, non de ceux dont la politique de défense sert clairement la démocratie et la paix.

Pour les socialistes, la politique de défense de la France doit s’inscrire résolument dans une politique européenne de sécurité et de défense avec des coopérations fortes, et qui constitue une perspective d'avenir autrement plus cohérente que l'OTAN. Cette Europe de la défense que nous appelons de nos vœux exige un nouveau modèle d'armée, qui passe par une reconfiguration de l'armée de terre et une rationalisation des programmes d'Investissement.

Pour autant, il n'est pas question de désarmer, dans ce monde plus dangereux. Avec sa force de dissuasion, la France ne favorise pas la prolifération nucléaire, elle déploie des matériels nouveaux capables de garantir sa défense. Mais tout son passé prouve qu'elle ne fut jamais tentée d'utiliser ses forces stratégiques autrement que pour une frappe en second, en riposte à une attaque contre ses intérêts vitaux.

Cela étant, l’objectif est bien de parvenir à un désarmement généralisé et simultané. En la matière, la France a accompli les gestes nécessaires. Peu de pays ont fait autant pour le désarmement.

Dans ce contexte, moderniser nos matériels n’est pas aller contre le désarmement, mais simplement maintenir la crédibilité de notre outil de dissuasion. À mes yeux, l’évolution de nos matériels ne traduit pas une évolution vers une doctrine d’emploi, comme l’a laissé entendre de façon regrettable le Président de la République dans son discours de l’Île Longue du 19 janvier 2006, en évoquant une menace de chantage envers la France. Celle-ci doit en rester à une doctrine de frappe en second. Mais cette logique de dissuasion implique le maintien de l’outil stratégique en l’état, si nous voulons conserver notre crédibilité. Et aucun autre dispositif ne garantit nos intérêts vitaux.

En réalité, la dissuasion reste la meilleure garantie face à la prolifération. Aujourd’hui, la menace est diverse et imprévisible. L’abandon de la dissuasion serait néfaste : il ne faut donc pas abandonner unilatéralement les programmes en cours. Pourtant, nous n’avons aucune perspective à plus de dix ans : c’est une faiblesse que l’Europe de la défense pourrait transformer en chance.

Enfin, la reprise des négociations sur le traité de non-prolifération est urgente, mais pas sans risque : les zones d’influence sont appelées à évoluer – je pense notamment à la Chine et l’Inde – et l’Europe de la défense doit dès aujourd’hui s’affirmer : nous attendons des initiatives !

M. Bernard Deflesselles – Pour la cinquième année consécutive, le budget de la défense illustre la volonté du Président de la République, du Gouvernement et de la majorité de restaurer notre défense. Il est fidèle à nos engagements ainsi qu’à l’ambition de la France de défendre la paix entre les nations, comme le lui dicte son histoire. Il illustre, Madame la ministre, la réussite de votre politique qui mérite l’hommage de la représentation nationale.

C’est d’abord un succès doctrinal : la défense nationale s’adapte aux nouvelles menaces polymorphes et diffuses. La dissuasion nucléaire, pierre angulaire de notre sécurité, est pérennisée. Notre politique industrielle de défense et les concepts opérationnels de nos armés se fondent désormais sur une culture de partage des forces entre Européens, seule à même de nous doter d’un outil de défense crédible au XXIe siècle. Le Gouvernement a, depuis cinq ans, multiplié les initiatives : sans sa détermination, l’Agence européenne de défense n’aurait jamais vu le jour. Le renforcement de notre intelligence économique permettra d’éviter les prises de participations hostiles dans nos entreprises stratégiques.

C’est aussi une réussite capacitaire : espace, projection, commandement et maîtrise de l’information, maintien en conditions opérationnelles, activité des forces… Autant de domaines où les rattrapages nécessaires ont été effectués. Plusieurs grands programmes tels que l’aéromobilité et le rythme d’acquisition d’équipements majeurs n’ont pas avancé comme nous le souhaitions, mais la cohérence de notre système de défense est préservée : l’armée d’attente de jadis est désormais une véritable force d’emploi. Les nombreux chantiers engagés simultanément permettront de combler le passif accumulé par les socialistes qui, en cinq ans, ont amputé notre défense d’un cinquième de ses ressources.

M. Jean-Michel Boucheron – C’était la programmation de Léotard !

M. Bernard Deflesselles – Voilà la vérité : ceux qui dénoncent aujourd’hui les retards de certains programmes étaient hier les thuriféraires d’une défense ravalée au rang de variable d’ajustement du budget de l’État ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Vitel – Ils ont tout oublié !

M. Bernard Deflesselles – Ce sont eux qui ont usèrent et abusèrent des « dividendes de la paix » ! J’ai moi aussi, Monsieur Cornut-Gentille, écouté le débat d’hier soir, et je n’en suis pas sorti rassuré : derrière quelques poncifs sur la sécurité nationale se cache le souci de réaliser des économies sur le budget de la défense. Ce serait retomber dans les errements du passé !

M. Gilbert Le Bris – Vous avez mal écouté !

M. Bernard Deflesselles – Non : les quelques observations que nous adresse l’opposition concernent des expériences qu’elle n’a elle-même pas assimilées lorsqu’elle était au pouvoir ! Un seul exemple suffira : le gel ou le report des acquisitions de NH-90 et d’A 400 M ont considérablement limité notre aéromobilité tactique et stratégique, comme l’ont montré la première guerre du Golfe et les opérations du Kosovo.

Au contraire, nous donnons à la communauté de défense les ressources qu’elle est en droit d’attendre. Je tiendrai moi aussi le discours de la future majorité – la nôtre : programmation respectée, prise en charge des opérations extérieures par des financements ad hoc qui n’hypothèquent pas les crédits d’équipements, reports budgétaires consommés de manière adaptée. Ainsi, les sous-marins Barracuda et le second porte-avions ont été lancés cette année.

Je suis fier de l’effort que la nation consent en faveur du monde combattant. La décristallisation fondée sur le pouvoir d’achat de nos grands anciens est effective depuis 2003, et sera renforcée dès cette année par le respect de la parité en euros quel que soit le pays d’origine. Le coût de la mesure, soit 110 millions, ne sera pas à la seule charge du ministère de la défense, ce qui exprime un effort de solidarité nationale. En reconnaissant ainsi les hommes qui ont servi avec honneur et dignité les armes de la France, nous accomplissons un nécessaire devoir de mémoire. L’hémicycle peut en être fier ; je l’invite à voter ce texte en confiance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Louis Giscard d'Estaing – J’interviens dans ce débat non seulement en qualité de membre de la commission des finances, mais aussi par intérêt prononcé pour les questions de défense, qu’illustre depuis vingt-cinq ans mon engagement à servir dans la réserve active.

Plusieurs députés UMP – Bravo !

M. Louis Giscard d'Estaing – Le projet que vous nous présentez, Madame la ministre, a le mérite de respecter la loi de programmation militaire tout en incorporant au budget une estimation de plus en plus réaliste des coûts que représentent nos opérations extérieures. Cet effort de clarification des engagements internationaux de la France en matière de diplomatie et de défense doit se poursuivre : chacun sait que le coût des OPEX dépasse de loin les prévisions, comme l’illustrent les interventions effectuées cette année. Ainsi, notre présence au Liban nous aurait déjà coûté plus de 450 millions ; par ailleurs, 15 000 soldats sont déployés en Côte d’Ivoire, en Afghanistan, dans les Balkans et en République démocratique du Congo. L’ensemble de ces opérations devrait coûter plus de 650 millions d’euros en 2007 : félicitons-nous de la diplomatie ambitieuse et de la réactivité militaire de notre pays, mais ne sous-estimons pas les besoins opérationnels.

Vous savez, Madame la ministre, que nous maintenons les conditions de gestion des infrastructures et du matériel militaire à leur niveau critique, puisque les sommes allouées à leur entretien sont confinées au strict minimum. Certes, c’est souhaitable au plan de la dépense publique, mais la forte contribution demandée à nos forces doit nous y rendre très attentifs : le budget pour 2007 exigera de nos unités de l’armée de terre un effort supplémentaire de 7 millions, soit l’équivalent des frais de fonctionnement de cinq régiments. Pourtant, les économies réalisées sur les infrastructures de casernement peuvent entraîner des dégradations requérant à terme de lourds travaux.

J’en viens à la disponibilité technique opérationnelle de notre matériel. La rénovation des véhicules blindés légers, déterminants sur le terrain, est essentielle. Ainsi, l’AMX10P, qu’utilisent plusieurs de nos unités en mission, dont le 92e régiment d’infanterie de Clermont-Ferrand, et l’AMX10RC doivent être fiabilisés et leur capacité opérationnelle maintenue jusqu’en 2020, dans l’attente d’une nouvelle génération de véhicules.

L’application de la LOLF, du décret fixant les nouvelles attributions du chef d’État-major et de l’interarmisation a fait de 2006 une année charnière. Il ne faut pas pour autant négliger de parachever la professionnalisation de nos armées, en renforçant notamment la réserve. Ainsi, ce projet de budget prévoit de transférer 82 millions d’euros en diminution de la direction interarmées des réseaux d’infrastructures et des systèmes d’information de la défense, entraînant une légère augmentation des réserves à hauteur de 3,5 millions : ce montant nécessaire demeure insuffisant pour augmenter l’attractivité de la réserve, afin de faire face à la fin du service militaire obligatoire.

La gestion des crédits d’équipement pour 2005 a permis une réduction significative des reports de crédits. Je vous invite à mon tour à adopter ce projet de budget, tout en invitant le Gouvernement à veiller à l’optimisation de nos crédits en faveur de la disponibilité opérationnelle de notre réserve active, qui fait la fierté de nos concitoyens, et à maintenir l’effort de dépense indispensable au rôle de la France dans le monde (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Gilbert Le Bris – Ce budget, le dernier de la législature, est l’occasion de dresser un bilan, mais aussi de faire des projections, d’autant que la loi de programmation militaire arrive à son terme. Chacun fourbit ses armes intellectuelles pour définir notre défense du futur.

Je remarque que lors du débat d’hier soir, aucun des trois candidats n’a remis en cause le volume global du budget de la défense (« C’est vague ! » sur les bancs du groupe UMP). On ne peut que se réjouir du consensus national qui se fait autour du prix à payer pour notre sécurité nationale !

J’avais souligné l’an passé la sous-estimation des crédits nécessaires pour tenir les objectifs d’équipement prévus. J’évoquerai cette année plusieurs points.

Nous ne pourrons pas continuer à l’avenir de dépenser inconsidérément pour des listes pléthoriques de programmes. Il nous faudra avoir la volonté politique de concentrer notre action dans des pôles d’excellence. C’est inévitable à moyen terme si nous voulons garder des forces armées suffisamment bien équipées et entraînées pour intervenir sur les théâtres actuels d’opération, particulièrement complexes du fait de la nature des affrontements, mais aussi de la composition des coalitions – les opérations étant conduites sous l’égide tantôt de l’ONU, tantôt de l’OTAN, tantôt de l’Union européenne. Nous ne pourrons pas indéfiniment conserver une armée généraliste alors que le métier de militaire devient de plus en plus technique. Des choix s’imposeront.

Nos militaires s’inquiètent en ce moment de ce que jamais l’armée française n’a été présente sur autant de théâtres d’opérations extérieures. On en compte aujourd’hui vingt-six qui mobilisent quelque 15 000 hommes. Alors que des pays comme la Chine ou les États-Unis prennent une part de plus en plus importante dans l’économie africaine, la France a, elle, du mal à y tirer son épingle du jeu… alors même que nos forces sont très présentes sur ce continent, dans le respect des accords de défense conclus avec certains pays, qui paraissent bien obsolètes aujourd’hui. L’opération Licorne en Côte d’Ivoire s’enlise et le rôle de nos détachements ailleurs en Afrique est d’un flou embarrassant. Tout cela disperse nos moyens, coûte cher et obère la disponibilité de nos forces. Des choix, en cohérence avec l’Union européenne, devront être faits.

Le modèle d’armée 2015, issu du Livre blanc de 1994, n’est plus adapté au contexte stratégique actuel. Oui, il nous faut un deuxième porte-avions et ce choix a, je l’espère, atteint son point d’irréversibilité (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Oui, il nous faut maintenir une dissuasion nucléaire (Mêmes mouvements). Encore faut-il bien définir la doctrine et tenir compte des progrès technologiques qu’apportera le futur missile M51 pour décider du maintien en l’état de la composante aérienne. Oui, il nous faut, en liaison avec nos partenaires européens, chercher à maîtriser les applications spatiales et ne pas laisser les États-Unis creuser l’écart en ce domaine (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Oui, il nous faut continuer à privilégier le renseignement et à restructurer son organisation. Il faudrait, à terme, créer une délégation parlementaire permanente chargée du suivi des activités de renseignement et du secret défense. Composée dans le respect du pluralisme, elle devrait pouvoir contrôler les fonds alloués aux divers services de renseignements et enquêter sur leur fonctionnement. Oui, il nous faut une stratégie industrielle en matière de défense mais nous devons à tout prix éviter la cacophonie comme celle née autour de l’éventuelle alliance entre DCN et Thalès. Bien des zones d’ombre demeurent, tant sur la gouvernance envisagée que sur le prix estimé de DCN, alors que l’on serait en droit d’attendre de la clarté de la part de l’État, dans la mesure où il est actionnaire des deux sociétés.

On le voit, nous sommes face à des choix militaires cruciaux qui exigent que nous recherchions une intégration progressive des moyens militaires au niveau européen. Europe de l’armement bien sûr, mais aussi Europe militaire ; Europe militaire bien sûr, mais aussi Europe de la défense ; Europe de la défense bien sûr, mais aussi Europe de la diplomatie ; Europe de la diplomatie bien sûr, mais aussi Europe politique. Tels sont les chantiers qui nous attendent, dont certains sont en friche, mais qui tous sont des impératifs. (Applaudissements sur de très nombreux bancs du groupe UMP)

Mme Marguerite Lamour – Voici quatre ans presque jour pour jour, le 28 novembre 2002, nous votions la loi de programmation militaire 2003-2008. Ce fut un acte fort, notamment pour les membres de la commission de la défense. Chaque année, Madame la ministre, vous avez tenu à ce que l’annuité inscrite au budget soit respectée et nous vous en sommes reconnaissants.

Je n’évoquerai ici que les crédits de la marine puisque, députée de Brest, c'est le domaine que je connais le mieux. Cela n'ôte rien bien sûr à l'intérêt que je porte aux armées de terre et de l'air ainsi qu’à la gendarmerie.

Les moyens du MCO progressent de près de 20 %, pour atteindre 1,1 milliard d'euros, avec, entre autres, les deux IPER, celle en cours du sous-marin nucléaire lanceur d'engins Le Téméraire et celle, programmée, du porte-avions Charles de Gaulle. Grâce aux efforts consentis chaque année, Madame la ministre, le taux de disponibilité des matériels s’est très fortement accru alors qu’il état tombé, pour certains d’entre eux, à 50 % à la fin de la précédente LPM.

Les matériels, qu’il s’agisse des bâtiments de projection et de commandement, des frégates multi-missions, des six sous-marins nucléaires d’attaque en commande, ne doivent pas nous faire oublier la condition des milliers d’hommes et de femmes qui servent nos armées. L’armée évolue, elle se féminise. Pour répondre aux attentes des militaires et de leurs familles, il est de notre devoir de leur assurer de bonnes conditions de logement et de mettre à leur disposition des structures d'accueil pour leurs enfants. Ce souci vaut bien sûr pour toutes les armées, pas seulement pour la marine.

J’en viens au projet du second porte-avions, bâtiment indispensable pour assurer la permanence des capacités opérationnelles de notre force d'action navale. Sept cents millions d'euros figurent au budget 2007 pour le début de sa réalisation, en coopération avec les Britanniques. Au-delà des engagements financiers, que je ne sous-estime pas, il faut tenir compte de l’enjeu industriel. Élue d'une circonscription ou sont implantées DCN avec plus de 3 000 salariés et Thalès avec plus de 1 500, je pense, en toute modestie, être bien placée pour savoir l'importance des industries de défense dans l'économie de notre pays.

Madame la ministre, vous avez récemment déclaré que vous entendiez « rendre le projet franco-britannique de porte-avions aussi irréversible que possible ». Bien entendu, je partage vos propos. Lors des auditions auxquelles j’ai procédé à l’occasion de la rédaction d’un rapport sur le mode de propulsion, j'ai pu mesurer combien ce programme était attendu des militaires, mais aussi des industriels. Je lisais ce matin dans un quotidien du Finistère – mais je ne lis apparemment pas le même que mon collègue Gilbert Le Bris ! – que certains candidats à l’investiture pour de prochaines échéances électorales souhaitent diminuer les crédits de la défense, les « calculer au plus juste » – comme si, soit dit au passage, nous-mêmes ne les calculions pas au plus juste, soucieux que nous sommes des deniers publics. Le principe de la construction du second porte-avions pourrait même être remis en cause. Cela me laisse perplexe, comme, je le pense, tous ceux qui servent notre défense ou en vivent.

Dernier point que je souhaite aborder : l'armée est le premier recruteur en France, avec 33 000 embauches annoncées pour 2006. L’attrait des différents métiers proposés, notamment aux femmes désormais, l’évolution des technologies n’y sont bien sûr pas étrangers mais l'atout majeur de l’armée réside dans le fait qu'elle propose des emplois de tous niveaux, du CAP à bac+5. S'engager dans l'armée, c’est aussi une aventure humaine. Les jeunes que nous rencontrons lors de cérémonies sur le terrain nous disent leur passion et leur fierté de servir leur pays. J’en profite pour souligner ici l’intérêt du plan Défense deuxième chance : 90 % des jeunes qui en ont bénéficié trouvent ensuite une insertion.

Je suis de ceux qui pensent, ils sont nombreux, que notre pays doit disposer en permanence d’une défense forte, crédible en Europe et dans le monde. Nous avons, tout au long de cette législature, redonné espoir aux hommes et aux femmes de nos armées. Je formule le souhait que la prochaine loi de programmation militaire permette de poursuivre les efforts engagés.

En conclusion, je tiens à vous exprimer à nouveau, Madame la ministre, nos remerciements et notre reconnaissance pour votre opiniâtreté et votre efficacité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – La discussion générale est close.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.
La séance est levée à 19 heures 55.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.
Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.
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