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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du jeudi 9 novembre 2006

Séance de 9 heures 30
21ème jour de séance, 42ème séance

Présidence de M. Maurice Leroy
Vice-Président

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

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loi de finances pour 2007 -seconde partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007.

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Travail et emploi

M. Yves Jego, suppléant M. Alain Joyandet, rapporteur spécial de la commission des finances – En un an, le chômage a baissé de 10 %. Selon l’INSEE, son taux pourrait même s’établir à 8,6 % avant la fin de l’année, prévision qui nous semble réaliste tant le chômage aura régulièrement diminué au cours des douze derniers mois.

De tels résultats sont le meilleur indicateur de la politique menée en 2006, car ils résultent de la mobilisation accrue du service public de l’emploi, qui a poursuivi sans relâche sa mue tout au long de cette année. Si le suivi mensuel annualisé des demandeurs d’emploi restera sans doute l’une des dispositions phares de 2006, n’oublions pas non plus l’accroissement des synergies entre l’ANPE et l’UNEDIC, qui a permis de simplifier les démarches des demandeurs d’emploi. Le marché du placement s’est parallèlement amélioré, puisque de plus en plus d’entreprises se déclarent satisfaites des candidats envoyés par l’ANPE. J’ajoute que les demandeurs d’emploi adressés à l’AFPA accèdent également dans des proportions accrues à un parcours qualifiant qui leur permet d’échapper plus vite au chômage.

Avant d’entrer dans le détail de cette mission, je voudrais donc saluer l’engagement des agents du service public de l’emploi, qui s’acquittent d’une tâche difficile au service de nos concitoyens les plus démunis et les plus en difficulté.

En 2007, les dépenses en faveur de l’emploi devraient à nouveau croître de façon très significative, pour approcher 41,8 milliards d’euros, soit une hausse de plus de 6 % par rapport à 2006. C’est dire notre volonté que la politique de l’emploi soit à la hauteur des besoins et de nos ambitions ! J’en veux pour preuve la hausse de 7,3 % de la subvention accordée à l’ANPE, la montée en puissance des services à la personne, ou encore le renforcement du contrat de croissance signé avec les professions de l’hôtellerie et de la restauration. Sans revenir sur le rapport très complet d’Alain Joyandet, je citerai également le soutien à la création d’entreprise et l’essor des nouveaux contrats aidés.

La politique menée en faveur de l’emploi ne saurait toutefois se résumer aux crédits qui nous intéressent ce matin : à cette politique contribuent également les allègements des cotisations patronales de sécurité sociale, dont la compensation ne figure plus dans la mission « travail et emploi » malgré leurs effets sur le chômage, non plus que la prime pour l’emploi, dont l’augmentation massive aura des conséquences bénéfiques sur le marché du travail.

S’agissant de la subvention d’équilibre versée par l’État au fonds de solidarité, sa légère diminution sera compensée par un apport extrabudgétaire de 550 millions d’euros correspondant au transfert de la créance détenue par l’État sur l’UNEDIC au titre des 35 heures. Il s’agit donc d’un effort supplémentaire de l’État, déjà acté par notre Assemblée lors de l’examen de l’article 31 de la première partie du projet de loi de finances.

De la même façon, la baisse de la dotation allouée à l’AFPA devrait être compensée par l’article 61, que la commission des finances a pourtant souhaité rejeter à ce stade, dans l’attente d’explications plus complètes de la part du Gouvernement.

Il n’en reste pas moins que ce budget démontre, s’il en était besoin, la volonté sans faille du Gouvernement de poursuivre par tous les moyens sa lutte pour l’emploi. La dotation proposée pour la mission « travail et emploi » s’élève ainsi à 12,64 milliards d’euros de crédits de paiement et 12,45 milliards d’autorisations d’engagement. Je voudrais également exprimer tout mon intérêt pour les dispositions qui seront proposées à notre Assemblée en vue de permettre l’expérimentation locale de mesures destinées à faciliter le retour des érémistes vers l’emploi.

Lorsque les chiffres du chômage ne sont pas satisfaisants, c’est naturellement la qualité des politiques de l’emploi qui sont pointées du doigt ; mais quand le chômage diminue, comme ce fut le cas tout au long de cette année, l’honnêteté commande de conclure à l’efficacité des politiques menées. Le volontarisme politique est en effet une des clefs du succès : les dispositions que nous sommes appelés à voter ce matin en sont bien l’illustration.

Fort de ces premiers succès sur le front du chômage, je vous demande, mes chers collègues, d’adopter les crédits de la mission « travail et emploi », ainsi que les cinq articles qui lui sont rattachés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Perrut, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles – Les crédits de la mission « travail et emploi » s'élèvent à 12,64 milliards d’euros, montant auquel il faut ajouter d’autres crédits si l’on veut mesurer l'effort total de la nation en faveur de l'emploi : les allégements généraux de cotisations sociales patronales, la prime pour l’emploi, ou encore la réduction d’impôt au titre de l’emploi à domicile d’un salarié. Le total s’élève à 41,8 milliards, en progression de près de 6 % par rapport à l’année 2006.

Sans revenir sur la ventilation précise des crédits entre les cinq programmes de cette mission, je me concentrerai sur le thème retenu cette année dans mon avis budgétaire : l’entreprise, vecteur privilégié de l’insertion professionnelle des jeunes, notamment grâce à l’apprentissage et au contrat jeunes en entreprise.

Rappelons également que cette mission n’est que le prolongement de l’action engagée depuis 2002, en particulier par vous, Monsieur Borloo – je pense au plan de cohésion sociale, au développement des maisons de l’emploi, des contrats d’avenir et des contrats « initiative emplois », mais aussi aux 640 millions d’euros consacrés à l’accompagnement des jeunes en difficulté vers l’emploi durable. N’oublions pas non plus le développement des services à la personne, qui bénéficient d’allègements de charges spécifiques et du versement d’une subvention de 26 millions à l’Agence nationale des services à la personne.

Le retour à l’emploi, c’est aussi votre politique d’activation des minima sociaux et la création d’une prime de cohésion sociale au profit des demandeurs d’emploi de longue durée de plus de cinquante ans, qui devrait bénéficier en 2007 à 50 000 personnes, pour un montant total de 15 millions d’euros. C’est enfin l’application de la loi du 11 février 2005 relative à l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées – s’agissant de ce budget, je rappelle que l’aide aux entreprises « adaptées » devrait contribuer à l’emploi des travailleurs handicapés.

J’en viens à l’entreprise. Il faut traiter cette question de façon apaisée, sans polémique. Loin des clichés sur la fracture morale entre les jeunes et le monde professionnel, un récent sondage montre que 85 % des jeunes ont une bonne image de l’entreprise. Certes, le taux de chômage des moins de 25 ans a diminué de 11,6 % en un an, mais il s’élève encore à 21,6 %. Les divers types de chômage sont en l’occurrence nombreux, en fonction du niveau de formation, des diplômes, des disciplines, de l’environnement familial. Des études du Centre d’étude et de recherche sur les qualifications ont montré qu’il fallait se référer à l’entreprise pour mettre en évidence les différences d’insertion entre les jeunes, lesquelles ne sont pas uniquement de nature individuelle. L’entreprise a un grand rôle à jouer, certes en faveur l’emploi mais également pour l’acquisition d’une qualification professionnelle. Est-elle aujourd’hui à la hauteur de cette tâche ? Certains jeunes peuvent avoir des lacunes ou des comportements discutables, mais, selon moi, tous ont des talents et nous nous devons de les mettre en évidence.

L’entreprise est déjà le vecteur de l’insertion des jeunes dans un certain nombre de cas, je pense en particulier à l’apprentissage et au contrat jeunes en entreprises. Il s’agit là de vrais contrats qui accordent à la formation une place de choix. Le statut de l’apprenti a été amélioré et les aides aux maîtres d’apprentissage ont été accrues. Le contrat jeune en entreprises, ainsi, est un CDI comme un autre, assorti pour l’employeur d’un soutien de l’État. J’ai été, en 2002, rapporteur du texte qui l’a institué et ce dispositif a, depuis lors, été perfectionné puisqu’il s’adresse à tout jeune de 16 à 25 ans dont le niveau de formation est inférieur à celui d’un diplôme de fin de second cycle de l’enseignement général technologique ou professionnel, à un jeune résidant dans une zone urbaine sensible ou titulaire d’un contrat d’insertion dans la vie sociale. La logique est celle du gagnant-gagnant. Dans le cas de l’apprentissage, le jeune bénéficie d’une formation aboutissant à une qualification reconnue et l’entreprise bénéficie quant à elle d’exonérations ainsi que d’une indemnité compensatrice forfaitaire, voire d’un crédit d’impôt. À ce propos, Monsieur le ministre, l’article 61 du PLF nous inquiète puisqu’il tend à affecter à l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes la fraction de la taxe d’apprentissage due par les entreprises de plus de 250 salariés. Il faut trouver une solution, l’AFPA s’inquiétant de la pérennité des aides qui lui sont accordées et les entreprises de la non-affectation de ces crédits à l’apprentissage. Nous sommes convaincus que vous nous répondrez sur ce point.

Au total, les résultats quantitatifs et qualitatifs sont plus qu’encourageants : il y avait 364 000 apprentis en 2004 et 380 000 en 2005. Les flux d’entrées en 2005 et 2006 augmentent et l’on ne peut que s’en féliciter : plus 9,5 % du premier semestre 2005 au premier semestre 2006. De même, le contrat jeunes a eu un réel succès puisque, depuis 2002, on dénombre 293 843 entrées et au 30 juin 2006, 117 081 contrats jeunes en entreprise ont été recensés. Depuis 2002, plus de la moitié des salariés qui bénéficient du soutien des jeunes en entreprise –SEJE – sont employés dans des établissements de moins de dix salariés. Cette année encore, 318,13 millions de crédits sont budgétés, pour une base d'entrées prévisionnelle de 50 000 jeunes.

Il conviendra de déterminer les conditions dans lesquelles l'entreprise peut devenir cet acteur privilégié du « droit pour tous d'être accompagnés vers l'emploi » évoqué récemment par le Président de la République devant le Conseil économique et social.

Je souhaite faire quelques propositions qui rejoindront d’ailleurs certaines que M. Hetzel a formulées dans son rapport. Il me semble tout d’abord que l'on gagnerait à réformer véritablement le système d'orientation et en particulier les centres d'information et d'orientation.

En outre, de manière à assurer une meilleure adéquation entre formation des jeunes et besoins des entreprises, pourquoi ne pas créer un observatoire de l'insertion professionnelle et des débouchés qui permettrait de faire un état des lieux de ces besoins filière par filière et région par région ?

Dans le même état d'esprit, il est nécessaire de prévoir que la dernière année effectuée dans l'enseignement supérieur soit réalisée en alternance, avec conclusion d'un contrat de travail. Il serait aussi essentiel de renforcer l'information, la formation et l'accompagnement des repreneurs d'entreprise, notamment en systématisant l'enseignement d'une véritable culture de l'entreprenariat dans les écoles. Par ailleurs, le plan de développement de la validation des acquis de l'expérience annoncé cet été doit être poursuivi. De même, il est important d'évaluer avant le 31 décembre 2006 l'impact des premières mesures en faveur de l'encadrement de la pratique des stages.

Pourquoi, enfin, ne pas élaborer une charte de l'entrepreneur solidaire qui favoriserait une implication concrète des entreprises en prônant un certain nombre d'engagements en faveur du développement du recours à des référents, de la professionnalisation du tutorat ou encore de l'enrichissement des dispositifs de parrainage ?

Schumpeter, dans Capitalisme, socialisme et démocratie, a démontré que l'entreprise est le lieu de « l'exécution de nouvelles combinaisons ». Oui, il s’agit d’exécuter de nouvelles combinaisons plutôt que de créer systématiquement de nouveaux dispositifs de sécurité juridique.

M. Maxime Gremetz – Il a osé ?

M. le Rapporteur pour avis - C'est là, je crois, la vraie innovation.

La commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « travail et emploi » pour 2007.

Une entreprise qui n’attendrait rien des jeunes serait sans avenir. N’oublions pas que c’est le travail qui crée le travail, la productivité qui permet le développement de l’activité et les règles d’organisation du travail qui encouragent l’embauche. Je sais que nous sommes sur la bonne voie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz – Un homme jeune, père de six enfants, a engagé une grève de la faim et risque de mourir. Il ira jusqu’au bout. Son employeur lui a écrit qu’il avait apprécié son travail, mais… qu’il ne renouvelle pas son contrat. Dans le secteur privé, l’affaire serait portée devant les Prud’hommes, mais que faire lorsque l’employeur est la région Picardie et que celle-ci dispose de 200 contrats temporaires ? On lui a proposé un marché : si tu quittes Maxime Gremetz, on renouvelle ton contrat, dans le cas contraire, non. Or, il a sa dignité et ses convictions et on ne l’achètera pas. Le jour où il a engagé sa grève de la faim, on a fait venir 30 policiers pour le faire sortir manu militari du conseil régional et on l’a jeté sur le trottoir. La précarité, les petits boulots, les petits contrats « tempos » sont un drame. Aucune perspective pour ceux qui sont dans ce cas : pas de prêts, pas d’accès au logement ! Quid de la dignité humaine ?

M. Chirac doit venir à Amiens mardi prochain. Je lui parlerai du cas de cet homme dont j’ai transmis hier le dossier à M. Hortefeux, comme il me l’avait demandé. J’espère apprendre comment le préfet a accepté de mettre à disposition du conseil régional de Picardie trente policiers qui, je le pense, auraient bien d’autres choses à faire, pour déloger cette personne et la jeter sur le trottoir.

Depuis plusieurs mois, dans une mise en scène bien rodée, le Gouvernement annonce la baisse continue du chômage. Mais cette affirmation mérite d’être décryptée à la lumière des chiffres. Comme en conviennent tous les observateurs, la baisse du chômage n’est avérée sur le plan statistique que depuis février 2006 et doit peu à la politique du pouvoir en place. Elle résulte surtout d’une démographie favorable, avec une arrivée moindre de jeunes sur le marché du travail, et de la multiplication des mesures faisant sortir artificiellement les chômeurs des statistiques officielles : diminution du montant des indemnités, contrôle de la recherche d’emploi, déréglementation du droit du travail, instauration de nouveaux contrats de travail jetables – car si le CPE a disparu, le CNE, lui, existe toujours avec les mêmes effets nocifs.

Comment expliquer l’écart considérable entre le nombre de chômeurs en moins et le nombre de créations d’emplois ? Ce qui compte en effet n’est pas le nombre de chômeurs, car il est facile d’occuper tout le monde à n’importe quoi – souvenons-nous des TUC ! – mais les créations d’emplois effectives. Les gens n’admettent plus qu’on se moque d’eux en leur serinant que le chômage diminue quand, tous les jours, en Picardie par exemple, de nouveaux plans de licenciement sont annoncés. D’ailleurs en Picardie, en dépit de tous les artifices, le chômage ne diminue pas – regardez les chiffres, Monsieur le ministre.

Comment expliquer que le nombre d’allocataires de minima sociaux augmente quasiment dans les mêmes proportions que diminue celui des chômeurs officiels, dont le nombre tomberait bientôt en dessous de deux millions ? On compte dans notre pays 1 110 000 érémistes et plus de trois millions de personnes perçoivent un minimum social. Avec les ayants droit, conjoints et enfants, ce sont plus de six millions de personnes qui vivent d’un minimum social.

Le nombre des contrats aidés et précaires se multiplie : plus de 210 000 CIVIS, 66 000 contrats d’avenir, 166 000 contrats d’accompagnement vers l’emploi… Ces contrats, largement subventionnés, alimentent le chômage caché sans donner à leurs titulaires aucune perspective sérieuse de retour à l’emploi.

Selon deux études de l’INSEE et de l’ACOSS, en 2006, près de huit recrutements sur dix ont été effectués en CDD. Les CDD de moins d’un mois représentent désormais 50 % des intentions d’embauches, contre 35 % en 2000. Pour ce qui est du CNE, jour après jour se vérifie ce que nous dénoncions lors de sa création. Les 400 000 CNE signés entre août 2005 et avril 2006 se sont substitués à des recrutements en CDI, qui de toute façon auraient eu lieu. Quelle aubaine pour les patrons ! Voilà la réalité de votre bataille pour l’emploi.

Par ailleurs, moins de la moitié des chômeurs sont aujourd’hui indemnisés. Loin d’être universelle, l’assurance chômage prive un nombre croissant de chômeurs de toute indemnisation. Il est de plus en plus difficile d’en bénéficier et on en sort de plus en plus rapidement. Dans ces conditions, certains chômeurs ne s’inscrivent même plus à l’ANPE ou ne maintiennent plus leur inscription. Ils disparaissent alors des statistiques. Comme il est facile ainsi de faire diminuer le nombre de chômeurs – et, accessoirement, s’envoler celui des allocataires de minima sociaux. En 2006, on enregistre 35 000 à 40 000 radiations mensuelles contre 5 000 en 1995. Sur les six premiers mois de 2006, alors que seuls 100 000 emplois ont été créés, on dénombre 300 000 chômeurs de mois. Mystère ? Non, je l’ai démontré.

Si la bataille pour l’emploi est loin d’être gagnée, vous êtes près de battre tous les records en matière de précarité et d’exclusion.

Le budget du travail et de l’emploi pour 2007 diminue de 4 % par rapport à 2006. C’est un comble pour un Gouvernement qui a fait de l’emploi sa priorité ! Vous avez été mal servi, Monsieur Borloo, ou alors vous vous êtes mal défendu devant Bercy ! Les crédits destinés à l’indemnisation des demandeurs d’emploi baissent de 9 %, alors même que les conditions actuelles d’indemnisation auraient dû être améliorées. De même, les crédits destinés à « la mise en situation d’emploi des publics fragiles » s’effondrent de 18,5 %, écoutez ce chiffre, Monsieur Borloo, vous qui êtes le Monsieur Social du Gouvernement. L’accompagnement des publics en difficulté, quant à lui, voit ses moyens diminuer de 23,6 %.

Trêve des grandes déclarations ! C’est au pied du mur qu’on voit le maçon, et les chiffres sont accablants. Les crédits de la mission « travail et emploi » pour 2007 s’élèvent à 12,64 milliards d’euros contre 13,7 en 2006. Ceux du principal programme du ministère qui regroupe les mesures de lutte contre le chômage – service public de l’emploi, suivi des chômeurs, orientation et accompagnement des jeunes et des seniors, contrats aidés… – reculent même de 14 %, passant de 7,1 à 6,1 milliards d’euros.

En revanche, en dépit des réserves émises par tous les experts, notamment la Cour des comptes, sur l’efficacité des exonérations de charges, le Gouvernement les accroît encore puisqu’elles atteindront 20,23 milliards d’euros en 2007 contre 18,9 en 2006, soit 7 % de cadeaux supplémentaires au patronat ! Et encore ne s’agit-il là que de la part des exonérations compensées car le montant total des exonérations pour 2007 sera en réalité de 25,6 milliards d’euros. Certaines exonérations en effet, on le sait, ne sont pas intégralement compensées, ce qui alourdit d’autant le déficit de la Sécurité sociale. Sur les trois dernières années, manqueraient ainsi quelque sept milliards d’euros, soit l’équivalent du déficit de la branche maladie. L’engagement du Premier ministre de supprimer totalement les cotisations patronales sur les salaires au niveau du SMIC accentuera encore cette tendance, favorisant l’effet de trappe à bas salaires. À ces exonérations générales, s’ajoutent en outre des allègements spécifiques pour certains secteurs comme l’hôtellerie-restauration.

Un mot pour terminer sur l’AFPA. Par l’article 61 de ce projet de budget, l’État, une nouvelle fois, se défausse. Une partie de la subvention de fonctionnement de l’établissement est en effet sortie du budget de l’État, 200 millions d’euros devant être financés par une source extrabudgétaire, par nature incertaine.

On comprend que les syndicats de l’AFPA s’inquiètent ! Nous partageons leur inquiétude et sommes d’accord avec leurs propositions : il faut préserver – et même renforcer – ce service public.

Nous nous expliquerons tout à l’heure, chiffres à l’appui, mais il est impossible de vous croire lorsque vous affirmez que la lutte contre le chômage et la précarité est une priorité : plus vous parlez, plus vos crédits diminuent ! Le groupe communiste et républicain ne pourra donc que voter contre ce budget régressif.

M. Daniel Garrigue – Les moyens consacrés à la politique de l’emploi augmentent de 6 % dans ce projet de loi de finances, ce qui montre que cette action est une priorité absolue pour le Gouvernement. Cet effort intervient au moment où les mesures du plan Borloo et du plan d’urgence pour l’emploi portent leurs fruits : le taux de chômage a diminué de 1 % en un an, et ce sur l’ensemble du territoire national.

Certains contestent la réalité de cette évolution, arguant que c’est la conjoncture qui est favorable. C’est vrai, mais la France réalise tout de même la meilleure performance en matière d’emploi en Europe occidentale. Ils invoquent aussi l’argument démographique. Or le nombre total des emplois salariés a continué à progresser en 2006 – l’impact de la démographie ne sera sensible qu’à partir de l’an prochain. M. Gremetz a invoqué pour sa part les radiations de l’ANPE. J’ai pu le vérifier au niveau local avec l’ANPE, il n’y a aucune corrélation possible entre le nombre des radiations et la baisse du nombre des demandeurs d’emploi.

M. le Rapporteur pour avis – Très bien.

M. Maxime Gremetz – Vous n’avez aucun document pour le prouver ! C’est une affirmation gratuite !

M. Daniel Garrigue – Prétendre que les radiations expliqueraient la baisse du chômage est donc malhonnête. (M. Gremetz proteste)

M. le Président – Personne ne vous a interrompu tout à l’heure, Monsieur Gremetz. M. Garrigue s’adresse à l’Assemblée.

M. Maxime Gremetz – Il dit n’importe quoi ! Moi aussi, je peux parler trois heures…

M. Daniel Garrigue – Vous avez parlé longuement !

M. Maxime Gremetz – Vous n’avez rien à dire, alors vous prenez votre temps !

M. Daniel Garrigue – En réalité, la donne est profondément changée. Vous avez joué la croissance, en vous appuyant sur le développement des entreprises et sur les nouveaux emplois dans le secteur des services. Vous avez joué la souplesse, notamment grâce au contrat nouvelles embauches – 600 000 ont été signés, dont 200 000 correspondent à des emplois entièrement nouveaux. Il faut bien sûr contrôler les conditions dans lesquelles ces contrats sont utilisés, mais il reste qu’ils ont permis le développement de l’emploi dans les petites et très petites entreprises, c'est-à-dire là où se trouve le plus fort potentiel de création d’emplois. Vous avez enfin joué l’accompagnement, qui est l’un des aspects essentiels de la flexi-sécurité dont on a tant parlé ces dernières années. Nous étions loin d’être aussi performants en la matière que les pays d’Europe du Nord, mais nous avons fait des efforts : rapprochement des ASSEDIC et de l’ANPE, fréquence des entretiens avec les demandeurs d’emploi – désormais un par mois.

Je note d’autre part le succès relatif de la réactivation des crédits du RMI à travers les contrats d’avenir et les contrats insertion – revenu minimum d’activité – CI-RMA. Il y a eu une polémique avec certains présidents de conseils généraux, qui estiment qu’on leur fait financer la baisse du chômage. Mais on ne peut se contenter d’une approche comptable en la matière. Vous nous proposez du reste un amendement qui devrait répondre à leurs préoccupations, et il faut rappeler que la lutte pour l’emploi est l’affaire de tous.

L’installation des maisons de l’emploi se poursuit au rythme prévu. J’attire néanmoins votre attention sur la difficulté qu’il y a parfois à trouver sur place, surtout dans les villes moyennes et les régions rurales, les compétences nécessaires en matière de gestion programmée des effectifs et des compétences – GPEC. Comment envisagez-vous de remédier à cette difficulté ?

Sous ces réserves, je ne puis qu’approuver, au nom du groupe UMP, les crédits du travail et de l’emploi.

M. Frédéric Reiss – Très bien !

M. Gaëtan Gorce – Une fois de plus et avec le talent que chacun vous reconnaît, Monsieur le ministre, vous allez vous efforcer de faire passer le plomb de votre budget pour l’or de l’emploi, et de nous faire croire que les moyens qui vous sont donnés vous permettent d’obtenir des résultats bien supérieurs à ceux que nos concitoyens observent sur le terrain.

Il nous appartient donc de rétablir certaines vérités. La politique de l’emploi menée depuis quatre ans est une politique de montagnes russes. Un jour, M. Fillon, désormais conseiller du président de l’UMP, nous explique que les contrats aidés non marchands sont inacceptables dans leur principe ; le lendemain, M. Borloo affirme qu’ils sont plus que jamais nécessaires. Cela s’est traduit par une évolution bien différente de vos déclarations : de 500 000 contrats aidés en 2002, nous sommes passés à moins de 400 000 l’année suivante et à moins de 300 000 aujourd’hui. Au-delà des grands discours, les moyens sont loin de répondre à l’ambition affichée.

Cette politique des montagnes russes se retrouve dans vos budgets, avec un paradoxe : le budget de l’emploi diminue à mesure que le chômage augmente – moins 6 % dans la loi de finances pour 2003, moins 3 % les années suivantes, y compris en 2006, moins 4 % aujourd’hui. Les rapporteurs ajoutent certes aux crédits de la mission travail et emploi les allégements de cotisations sociales. Mais sont-ils au service d’une politique de l’emploi ? S’ils continuent à croître, ils ne sont en effet assortis d’aucune contrepartie en matière d’emploi. On peut donc s’interroger sur l’impact réel de ces 25 milliards d’euros, comme nous y invite d’ailleurs un récent rapport de la Cour des comptes.

Non seulement vos crédits diminuent de 4 %, soit 500 millions, mais vous faites une impasse de 200 millions sur l’AFPA, à qui l’on promet des ressources extrabudgétaires dont nous ignorons pour l’instant la provenance. Je m’interroge d’autre part sur les 500 millions affectés au Fonds de solidarité, qui proviennent de la reprise par l’État de sa créance sur l’UNEDIC, recette non reconductible. Au total, il manque au bas mot un milliard d’euros sur les 12,4 milliards de votre budget.

Ce constat est aggravé par l’évolution que nous observons s’agissant des moyens des contrats aidés. Vous nous annoncez un maintien des contrats d’avenir à 100 000 entrées et, semble-t-il, une décélération des contrats initiative emploi. Quant aux contrats d’accompagnement dans l’emploi, les nouvelles entrées – 160 000 – sont inférieures à celles constatées en 2006 – 260 000. Les crédits correspondants sont du reste en quasi-stagnation. Votre successeur devra donc faire voter un collectif pour assurer les six derniers mois de l’année. Je fais le pari que ces crédits ne vont pas au-delà de l’élection présidentielle : vous nous inventez une loi de finances trimestrielle !

Voilà le constat que l’on peut dresser de votre politique.

Vous pourriez peut-être nous objecter que, même si les moyens n’augmentent pas, les résultats sont là. Il est vrai que la récente amélioration de la situation du chômage nous rappelle les belles années de 2001-2002. Il vous a fallu cinq ans pour parvenir au même résultat que vous aviez trouvé en arrivant : ce sont cinq années de perdues !

En outre, il faut voir dans quelles conditions intervient cette baisse du chômage. M. Garrigue a écarté d’un revers de main l’argument démographique, mais le retournement démographique explique pour au moins un tiers cette baisse : chaque années, il y a de 100 000 à 150 000 personnes en moins qui entrent sur le marché du travail. Un autre tiers est dû à la politique de contrats aidés et à la frénésie du Gouvernement en la matière ces six derniers mois. Le dernier tiers tient à des créations nettes d’emplois : 76 000 l’an passé, 50 000 au premier semestre de cette année, peut-être un peu plus de 100 000 au total en 2007 ; encore faut-il bien voir que beaucoup de ces créations sont liées au développement des services à la personne, où les emplois sont fragiles. Pour rendre hommage à Marcel Pagnol, j’ajouterai un quatrième tiers, correspondant aux radiations administratives, qui ont augmenté de 33 % par rapport à la précédente législature. Voilà les quatre tiers du pastis de cette politique liée à vos changements d’humeur, politique de montagnes russes, aux résultats en trompe-l’œil et guère rassurants.

Il conviendrait de définir une véritable stratégie, cohérente, offensive, en faveur de l’emploi, dont la priorité doit être le retour à l’emploi de ceux qui en sont le plus éloignés. Ce qui pose la question du contrat unique et qui surtout implique de concentrer l’effort de formation sur ces personnes, c’est-à-dire sur les moins qualifiés.

Ensuite, il faut mener une politique du marché du travail, que vous n’avez fait qu’esquisser, et même qu’improviser. Les agences pour l’emploi doivent recevoir davantage de moyens. Il faut d’autre part un véritable pilotage des politiques de l’emploi, en lieu et place de la conduite cahotante menée sur le terrain par les maisons de l’emploi. Il n’y a pas de pilote dans votre petit avion de tourisme social !

Il s’agit, en outre, de concrétiser la sécurité sociale professionnelle, ce que vous appelez la « sécurisation des parcours ». Cela implique d’assurer un véritable droit à élever sa qualification, à construire de nouveaux projets professionnels, bref à se mettre dans une situation de mobilité professionnelle, qui permette, chacun progressant, de libérer les emplois pour les moins qualifiés, et de créer, pour ceux qui perdent leur emploi, un droit de retour à l’emploi dans les six mois.

Enfin, cette politique de l’emploi doit être liée à une politique de croissance et d’innovation, ce qui suppose que le pays reprenne confiance en lui, et, pour cela, qu’il commence par se séparer de vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Francis Vercamer - L’examen du budget de la mission « travail et emploi » intervient après l’annonce de la poursuite de ce qui nous a été présenté comme une amélioration durable de la situation de l’emploi. Avec un taux de chômage de 8,8 % en septembre, le plan de cohésion sociale produirait ses effets. Si nous ne pouvons que saluer cette baisse, il convient de noter l’écart existant entre la réalité statistique et la réalité sociale ressentie par nos concitoyens. Dans les ZUS, tout d’abord, la situation reste très dégradée : c’est là que l’on trouve les plus forts taux de jeunes au chômage. La baisse annoncée, d’ailleurs contrastée en fonction des villes, reste à confirmer. En outre, les problématiques du travail précaire, des travailleurs pauvres, de l’instabilité de l’accès au travail des jeunes demeurent vivaces. Enfin, la situation reste variable selon les bassins d’emplois.

Dans un bassin d’emplois comme celui de Roubaix-Tourcoing, le risque de défaillances d’entreprises reste très élevé, dans un contexte de restructurations industrielles qui ont abouti à la suppression de 5 000 emplois durant ces cinq dernières années. Les salariés de ce bassin ont donc besoin d’anticipation et de sécurisation des périodes de transition entre deux emplois, ce qu’est venu proposer le plan de cohésion sociale, que le groupe UDF a soutenu.

Si les crédits de ce dernier sont constants par rapport à 2006, son volet emploi connaît des difficultés financières. Ainsi, les départements estiment insuffisante la compensation accordée par l’État pour la mise en œuvre des contrats d’avenir. La charge serait à ce point élevée que le conseil général du Nord a décidé de ne plus signer de contrats de ce type. Monsieur le ministre, vous avez annoncé un amendement par lequel l’État devrait reprendre une partie de cette charge ; j’en attends l’examen avec intérêt. Député de l’agglomération roubaisienne, je souhaite en effet un déblocage rapide de la situation, pour qu’il soit possible de recourir de nouveau à cet outil de retour à l’emploi.

J'insiste, par ailleurs, pour que, dans le cadre de l'allocation CIVIS, une meilleure coordination entre les directions départementales du travail et les missions locales dans la programmation des crédits permette de tenir compte de la spécificité des bassins d'emplois, de façon à éviter que certaines missions locales n’épuisent leurs crédits en milieu d’année.

Les maisons de l’emploi sont un élément de modernisation du dispositif local de retour ou d’accès à l’emploi, qui privilégie l’accompagnement et l’anticipation des besoins de main-d’œuvre. Les compétences de chacun gagneraient à être clarifiées, en vue d’une meilleure coordination.

Au titre du programme « accompagnement des mutations économiques, sociales et démographiques », 6,495 millions d’euros sont consacrés à l’expérimentation du contrat de transition professionnelle. Le ministre peut-il nous préciser dès à présent ses intentions sur l’avenir de ce dispositif, dont l’extension a été évoquée cet été.

En ce qui concerne la sécurisation des phases de transition professionnelle, le plan de cohésion sociale a, là aussi, apporté des améliorations avec la convention de reclassement personnalisé. Mais l’expérimentation du contrat de transition professionnelle montre qu’il ne s’agit que d’une étape vers un parcours véritablement sécurisé pour le salarié.

En matière de formation professionnelle, des inquiétudes se sont fait jour concernant les ressources extrabudgétaires du budget de l’AFPA. La commission des finances ayant supprimé l’article 61 du projet de loi concernant l’utilisation par l’État des fonds issus de la surtaxe sur la taxe d’apprentissage pour les entreprises d’au moins 250 salariés, nous souhaitons savoir comment le Gouvernement compte maintenir cette ressource dans le budget de l’AFPA.

Par ailleurs, il conviendrait que les conseillers prud’homaux soient consultés sur la réforme qui semble être envisagée de leur mode d’indemnisation.

L’amélioration des conditions de travail impose, selon nous, un renforcement des effectifs de l’inspection du travail, dont les missions doivent en outre être davantage orientées vers le conseil aux entreprises.

Le programme « accès et retour à l'emploi » met également en œuvre les dispositions de la loi du 23 mars 2006 sur les droits et devoirs des titulaires de minima sociaux. 100 millions d'euros sont consacrés à la prime d'intéressement au retour à l'emploi des bénéficiaires de l'AAH, de l'API et du RMI. Pour intéressant que soit ce dispositif, que notre groupe a voté, notre préférence va à une réforme globale des minima sociaux, conformément aux préconisations du rapport de la sénatrice Valérie Létard. Il s'agit de faire en sorte que les droits complémentaires liés aux minima sociaux bénéficient à leur allocataire, non plus en fonction du statut de bénéficiaire d'un minimum social, mais d'un niveau de revenus, ceci afin de supprimer les effets de seuil. Par ailleurs, le bénéfice d’une allocation devrait être systématiquement lié à l’exercice d’une activité, y compris d’utilité sociale. Nous sommes attentifs au souhait de certains conseils généraux d’expérimenter un contrat unique d’insertion.

Notre groupe s’interroge sur certains éléments de ce budget. L’impact de la prime pour l’emploi sur le pouvoir d’achat des salariés les plus modestes nous paraît douteuse. Mieux vaudrait, selon nous, une politique salariale active.

Par ailleurs, il faudra évaluer l’utilité, en termes de créations d’emploi, des exonérations de charges sociales, qui coûtent 20 milliards à l’État chaque année. La Cour des comptes a émis de sérieuses réserves, et la tendance de l’État à ne pas compenser ces exonérations aggrave, à hauteur de 2,6 milliards, le déficit des caisses de sécurité sociale. Les exonérations peuvent être intéressantes si elles sont strictement ciblées, et c’est pourquoi nous proposons d'exonérer de toutes charges, dans toutes les entreprises, deux embauches, sur une durée de cinq ans, et ce quel que soit le niveau de qualification du salarié recruté.

Ce type de mesures doit s’accompagner d’une redéfinition du financement de notre protection sociale, en précisant ce qui doit être financé par le travail, la solidarité nationale et l’assurance individuelle. Nous regrettons, à ce titre, que la TVA sociale n’ait pas davantage été explorée.

Enfin, la lutte contre les discriminations à l'embauche et dans l'emploi reste à notre sens à l'état des bonnes intentions.

L’accord interprofessionnel sur la diversité est, aux dires mêmes de l’une des organisations syndicales ayant participé à la négociation, totalement creux. Mais nous en reparlerons lors de l’examen de la mission « solidarité et intégration ».

En conclusion, ce budget nous apparaît, même s’il convient d’être très attentif à l’application effective des dispositifs qu’il soutient, comme une marche supplémentaire vers une plus grande cohésion sociale. La direction est bonne. C’est pourquoi le groupe UDF le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Michel Liebgott – Alors que nous examinons les crédits de la mission « travail et emploi », la question que nous devons nous poser est évidemment : que faire pour ceux qui n’en ont pas ? Aux raisons qui ont déjà été invoquées pour expliquer la baisse relative du chômage, j’en ajoute une, dont M. Préel, qui n’est pas suspect de socialisme, a parlé en commission : le départ en retraite anticipée de 300 000 salariés. En tant que député frontalier, j’évoquerai aussi les 60 000 Français qui vont travailler tous les jours au Luxembourg. Quoi qu’il en soit, la situation me paraît beaucoup plus dramatique qu’entre 1997 et 2002, période durant laquelle il y avait eu 2 millions de créations d’emplois.

Nous entendons beaucoup faire l’apologie des entreprises.

M. le Rapporteur pour avis – Ce sont elles qui créent les emplois !

M. Michel Liebgott – Bien sûr, nous sommes d’accord ! Mais l’on peut tout de même se demander si les milliards de réductions de charges sociales qui leur sont accordés sont efficaces. Malgré les moyens massifs dégagés depuis 2003, en particulier avec la loi Fillon, le chômage ne diminue qu’à peine, alors qu’il avait beaucoup plus diminué, sous la précédente législature, avec des aides bien moindres.

Nombre de nos concitoyens craignent de se retrouver au RMI. Il faut dire que vous battez tous les records en ce domaine, puisque nous comptons 1 260 000 érémistes.

En 1995, 40 % des salariés se situaient entre un SMIC et 1,6 fois le SMIC. Aujourd’hui, ce sont 50 % des salariés qui sont dans cette situation. Et les gens constatent bel et bien une baisse de leur pouvoir d’achat.

Au départ, vous estimiez que les emplois aidés n’avaient aucun intérêt. Seuls comptaient ceux que les entreprises n’allaient pas manquer de créer grâce aux réductions de charges. Vous avez donc tout laissé tomber. Puis, vous avez constaté que le CIVIS ne marchait pas et vous vous êtes aperçu qu’il était urgent, surtout à l’approche des élections, de prendre des mesures. Vous avez donc multiplié les dispositifs. Il n’en demeure pas moins que les crédits pour les emplois aidés baissent de 16 %. Vous ne réussirez pas à rattraper le retard que vous avez pris dans ce domaine. Rien ne sert de courir, il fallait partir à point. Souvenez-vous du lièvre et de la tortue !

Des conventions ont bien été signées entre l’ANPE et les associations. Mais les contrats signés avec les jeunes ne dépassent guère six mois, ce qui n’est vraiment pas sécurisant.

Vous mettez en avant les maisons de l’emploi, Monsieur le ministre, mais des structures comparables existaient depuis longtemps : les APRE ou ateliers permanents de recherche d’emploi. Pourquoi enlever des moyens à ce qui marche ?

Enfin, je constate que vous faites à nouveau appel aux collectivités locales. Mais celles-ci donnent déjà beaucoup et elles n’en peuvent plus ! C’est à l’État de mettre en œuvre la solidarité nationale.

Il faut rétablir la relation de confiance entre les gouvernants, les entreprises et les jeunes. Mais il faudrait d’autres signes que ceux que vous donnez pour que les jeunes retrouvent confiance en l’avenir et en la politique.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier - Le Gouvernement a déployé un arsenal de moyens très important pour mener sa bataille pour l’emploi. Je salue ses efforts, tout en sachant que la lutte contre le chômage est un travail de longue haleine. Il commence à porter ses fruits, comme en témoignent les chiffres toujours plus encourageants au fil des semaines.

Au total, les moyens affectés à la politique de l'emploi progressent de près de 6 % par rapport à 2006. Je note l’effort particulier en faveur de la baisse des charges, solution très attendue par les chefs d’entreprise. Je me réjouis de l’engagement du Premier ministre de baisser le coût du travail. À la suppression, inscrite dans le PLFSS, des cotisations patronales sur le SMIC dans les entreprises de moins de 20 salariés s’ajoute 1,3 milliard d’exonérations accordées à des zones ou à des publics particuliers.

Élu rural, je voudrais insister sur le maillage, très important pour le lien social, que forment les hôtels-cafés-restaurants. Il faut aider ce secteur fragile. La plupart des établissements de mon département n'ouvrent pas toute l'année, à cause des charges, des frais généraux liés à des conditions climatiques difficiles et de diverses difficultés, dont celle de recruter. Vous savez qu'ils sont durement mis à contribution avec la hausse du tabac, l'interdiction de fumer dans les lieux publics et l'échec des négociations sur la TVA à 5,5 %. C'est pourquoi je soutiens très fortement le contrat de croissance doté de 160 millions d'euros supplémentaires pour 2007. Et vous redis, Monsieur le ministre, que la petite hôtellerie rurale, a besoin de soutiens spécifiques. À cet égard, la création d'une aide pour l'emploi d’« extras », l'augmentation de l’aide à l'emploi, qui passe de 114 à 180 euros par mois quel que soit le niveau de salaire, et l’aide au conjoint collaborateur vont dans le bon sens.

Les services à la personne, que vous qualifiez à juste titre de « révolution », ont un impact spécifique sur le milieu rural. C’est pourquoi je ne peux que saluer les efforts budgétaires que vous faites et la montée en puissance de l'Agence nationale des services à la personne. Une attention particulière doit être portée aux publics les plus fragiles, notamment les personnes âgées et handicapées.

En pensant toujours au milieu rural, permettez-moi d'insister sur le fabuleux travail réalisé par les entreprises intermédiaires ainsi que par les associations d'insertion, et de plaider pour que le département de la Lozère, doté d'un budget très limité, bénéficie d'un soutien exceptionnel, afin d'assurer au mieux ses obligations en matière de contrats aidés.

Je salue la montée en puissance du plan de cohésion sociale et je note avec satisfaction l'effort supplémentaire que représentent les contrats d'avenir et la prime de 1 000 euros. Tout cela nécessite une mobilisation de tous. J’en profite pour féliciter les agents de l'ANPE, largement mis à contribution en 2006 et qui seront chargés en 2007 de consolider l'ensemble de ces réformes et de suivre les personnes à la recherche d'un emploi tous les mois, et non plus tous les deux mois comme auparavant. Le suivi personnalisé mensuel est une réforme qui était attendue, mais son application est quelque peu freinée par des problèmes d'effectifs. Permettez-moi donc de plaider en faveur de moyens supplémentaires à allouer au service de l'emploi pour parvenir aux objectifs qui lui ont été fixés dans une logique de résultat.

D'une manière générale, si je salue les efforts déployés pour accompagner personnellement chaque demandeur d'emploi, j'attire votre attention sur la complexité de l'application des dispositifs sur le terrain, du fait de leur multiplicité. Je sais que vous avez proposé de simplifier certains dispositifs d'aides à l'embauche. Des améliorations peuvent encore être apportées, notamment en matière de communication au public. En cela, les maisons départementales de l'emploi sont une bonne chose. Il conviendrait cependant de dresser un bilan de tous les dispositifs existants et de vérifier leur efficacité, en vue d’une affectation plus cohérente des crédits. À cet égard, les maisons de l'emploi devraient être liées aux dispositifs de relais de services publics, portés par le ministère de l’aménagement du territoire et la DIACT.

En conclusion, Monsieur le ministre, vous faites du bon travail et je soutiens totalement votre budget ainsi que votre plan de cohésion sociale.

M. Dominique Paillé - Je m’associe au soutien que vient d’apporter le précédent orateur à votre action, Monsieur le ministre, dont chacun peut mesurer les effets positifs. Mais je voudrais centrer mon intervention sur les lieux de vie et d’accueil, qui s’inscrivaient naguère dans un désert réglementaire total mais dont la loi de 2002 a consacré l’existence, les dotant d’un cadre juridique. Néanmoins, le décret de 2004 qui régit leur fonctionnement quotidien ne permet pas à leurs éducateurs d’accomplir toutes les missions qui leur incombent, et ce même en annualisant leur temps de travail.

Il faudrait donc leur permettre d’appliquer la même réglementation que celle en vigueur pour les éducateurs et aides familiaux des associations gestionnaires de villages d’enfants. Les lieux de vie et d’accueil font un travail remarquable et méritent qu’on les aide.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement  Il n’y a ni désinformation, ni traficotage des chiffres, ni étalage d’autosatisfaction. Ces polémiques sont indécentes : comment imaginer un ministre de l’emploi heureux alors que des gens qui cherchent activement un emploi sont dans la désespérance ? Et puisque l’on en a si fortement appelé à l’INSEE pour étayer une argumentation démographique, je tiens à clarifier ce qui doit l’être, en rappelant ce que dit précisément l’INSEE dans sa publication INSEE Première, n° 1092, de juillet 2006 : « À l’horizon 2015, la population active pourrait encore gagner près de 700 000 personnes, atteignant 28,3 millions. Elle se stabiliserait ensuite autour de ce niveau. Entre 2015 et 2050, elle se maintiendrait entre 28,2 et 28,5 millions de personnes. Jusqu’en 2007, la croissance annuelle de la population active devrait continuer sur le rythme observé en moyenne depuis 1970. » Voilà ce qu’il en est. Je sais que cela dérange, mais il y a effectivement 350 000 chômeurs en moins en France, et 345 000 cotisants en plus, et il est terrible que cette évidence continue d’être niée ou détournée.

Quant à alléguer que j’ignorerais les drames des personnes sans emploi, ou les difficultés que certains secteurs éprouvent à recruter, et à prétendre que, le taux de chômage étant désormais de 8,8 %, je serais euphorique, non, évidemment pas ! Le budget qui vous est présenté a été établi de façon responsable, avec l’objectif de passer d’une gestion administrative à une gestion de ressources humaines, pour faire progresser notre économie et permettre le retour à l’emploi des chômeurs grâce à un accompagnement de qualité, en nous efforçant d’améliorer l’adéquation entre l’offre et la demande.

Cessons de parler des contrats aidés en général, comme s’ils étaient tous les mêmes. Il est exact qu’il y en avait 600 000 en 2002, Monsieur Gorce – mais c’est sans doute à M. Gremetz que vous vous adressiez en disant cela, puisqu’il critique ceux qui ont été créés en Picardie ! Il est exact qu’il y en a beaucoup moins aujourd’hui, mais ceux qui sont signés sont assortis d’une obligation de formation et fondés sur un partenariat réel. Oui, Monsieur Liebgott, il faut davantage de visibilité, ce pourquoi nous incitons à des contrats qui, parce qu’ils sont d’une plus longue durée et prévoient des formations mieux adaptées à la demande, favorisent le retour à l’emploi. Nous souhaitons encore que la validation des acquis de l’expérience vaille dans ces cas aussi.

Formation, expérimentation, accueil, mutualisation des moyens, telles sont les priorités en fonction desquelles le budget a été défini. C’est par là qu’il faut en passer, et vous le savez aussi bien que nous. Tous les pays qui ont retrouvé le plein emploi sont passés d’une gestion administrative de l’emploi à une gestion des ressources humaines. Lorsque le taux de chômage est de 40 % dans certains territoires alors qu’il est de 7 % ailleurs, ce n’est pas de modèle social qu’il est question, mais de capacités. J’ai eu l’occasion de participer à l’un des forums « égalité et compétences » organisés par la SNCF pour recruter 600 jeunes, une assemblée très différente de la vôtre… Quand on voit les difficultés qu’éprouve cette entreprise à recruter et le temps qu’elle y consacre, on comprend que là est le vrai problème de notre pays.

Oui, le Fonds de solidarité aura des recettes extrabudgétaires, puisqu’il bénéficiera du transfert de la créance détenue par l’État sur l’UNEDIC. La question est tranchée, et il n’y a pas lieu de douter de la parole de mes collègues de Bercy. Je compte bien voir les ressources du Fonds augmentées, au cours de la navette, des 160 à 180 millions supplémentaires qui m’ont été promis, et je ne céderai pas sur ce point.

L’AFPA est au service de l’emploi. Non seulement elle le demeurera, mais son rôle sera renforcé, en particulier par les expérimentations des contrats de transition professionnelle prévues sur sept sites, et pour lesquelles 6 millions sont prévus. Il s’agit de permettre de passer d’un emploi à un autre sans rupture de revenu. Dans le même esprit, il nous faut garantir contre les risques locatifs pour faciliter la mobilité professionnelle. Là sont les enjeux et, bien davantage que le nombre des contrats, c’est leur durée qui importe.

Le budget du ministère a une singularité : il est à l’origine de politiques qui tendent à améliorer l’emploi mais il finance aussi les échecs et les succès des politique antérieures. C'est-à-dire que la réduction des crédits signe la baisse du chômage et, en corollaire, celle des indemnisations. Pour le reste, les questions techniques ont été longuement évoquées en commission. Je rappellerai seulement que 3 500 recrutements ont eu lieu à l’AFPA, et 2 100 dans les missions locales. Quels élus, il y a quelques années, n’y allaient de leurs anecdotes vipérines sur le service public de l’emploi, mettant en cause des formations inadaptées, un accueil de mauvaise qualité, l’absence de suivi des demandeurs d’emploi ? Oui, il faudra un suivi hebdomadaire et des bilans de compétence. Je viens d’inaugurer la maison de l’emploi de Nancy, un rêve de maison de l’emploi, plus belle qu’une médiathèque, et où l’ensemble des prestataires sont réunis derrière un même comptoir pour informer sur les métiers et les possibilités, dans un environnement de grande qualité qui exploite au mieux les technologies modernes de communication. Quant aux plates-formes de vocation, elles permettront de détecter les talents que les formations académiques – et parfois trop académiques – laissent sur le carreau. Voilà ce que doit être la gestion des ressources humaines, et si nous savons créer ces « cathédrales de l’emploi », je suis convaincu que nous retrouverons le plein emploi.

C’est pourquoi je tiens aussi à ce qu’une partie massive du budget de l‘emploi soit consacrée à la résorption des inégalités territoriales, ce qui contribuera à apaiser les malentendus qui se créent parfois entre les institutions et certains territoires qui se sentent oubliés. Nous ferons tout pour que l’égalité des chances soit à peu près la même dans tous les territoires car, pour rejoindre la République, chacun doit penser que, quelle que soit son origine culturelle ou ethnique, il a les mêmes chances de succès (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

questions

M. François Asensi - Le Gouvernement a l’ambition de promouvoir l'emploi dans les régions à faible attrait économique, mais qu'envisage-t-il de faire pour l'Île-de-France et, singulièrement, pour la Seine-Saint-Denis, département des paradoxes ? En effet, entre 1995 et 2000, 15 000 postes y ont été créés, soit l'équivalent d’une usine Toyota de Valenciennes chaque année, et nous sommes le deuxième département d'Île-de-France par le nombre de créations d'emplois. Pourtant, les habitants de Seine-Saint-Denis, notamment les jeunes, ont les pires difficultés à trouver un travail et ceux qui y travaillent, notamment les cadres, n'y vivent pas, ou cherchent à en partir. En dépit de ces créations d'emplois, le taux de chômage y reste de 14 %, et le nombre des jeunes de moins de 25 ans inscrits à l'ANPE y reste une fois et demie supérieur à la moyenne régionale ; 18 % de la population départementale vit au-dessous du seuil de pauvreté. Nous avons donc de plus en plus d'emplois pour des salariés qui habitent ailleurs, mais les habitants de nos villes s'en trouvent exclus.

Les raisons de cette situation sont connues : la faiblesse de la formation, puisque 70 % des jeunes de Seine-Saint-Denis demandeurs d'emploi ont un niveau inférieur ou égal au CAP-BEP ; l’insuffisance de l’offre de transports publics, notamment pour accéder aux 80 000 emplois de l’aéroport Charles-de-Gaulle ; et enfin l’explosion des contrats précaires. À tout cela, le Gouvernement ajoute depuis quelque temps des discriminations à l’emploi, avec le retrait des badges décidé à Roissy pour des raisons assez obscures !

Le découplage persistant entre emploi et lieu de résidence déforme le développement de ce département tout en accentuant le décrochage territorial. Surtout, il désespère toute une jeunesse en quête d’emploi stable, d’intégration et d’avenir.

Quelles sont donc les pistes que compte suivre le Gouvernement pour combattre cette double fracture, à la fois sociale et territoriale, et pour offrir aux habitants de Seine- Saint-Denis la possibilité d’accéder aux emplois qui se créent dans leur département ?

M. le Ministre – Si les chiffres du chômage baissent plus dans ce département que sur le reste du territoire, il existe effectivement des contrastes, notamment des distorsions entre le logement et l’emploi, une persistance de certaines poches de chômage, et enfin un problème de transport et d’accessibilité.

Gardons en mémoire cette phrase entendue il y a quelques mois : « Diplômé de Seine-Saint-Denis, j’ai quatre fois moins de chances que les autres ». Pour remédier à cette situation, nous avons pris des mesures d’accompagnement personnalisé : après deux premières campagnes de cinq mille places, nous lançons un nouvel appel d’offres visant 10 000 jeunes diplômés. Si la première opération n’a pas été sans difficultés, puisque nous avons eu du mal à toucher plus de 1 500 jeunes, la deuxième a été un succès.

À côté des actions de préparation au recrutement ciblées sur des offres précises, nous avons instauré tout un ensemble de dispositifs, comme l’ACCRE, qui a été adaptée aux « quartiers », ou encore les contrats de professionnalisation confiés à l’AFPA. Cette bataille pour l’équité territoriale est essentielle, car rien ne serait pire qu’une amélioration globale de l’emploi sans effets dans les quartiers en difficulté, où l’amélioration devrait au contraire être deux ou trois fois plus rapide qu’ailleurs ! Dans moins de cinq ans, je veux que la République redevienne vraiment une et indivisible !

M. Maxime Gremetz – J’espère que vous voudrez bien pardonner mon absence tout à l’heure, Monsieur le ministre : je recevais les syndicalistes de l’AFPA, dont les salariés manifestent aujourd’hui, inquiets qu’ils sont face au risque de démantèlement du service public de la formation. Ils craignent que l’État ne se décharge de ses responsabilité sur les collectivités locales : que deviendrait ce grand service public si son unité était ainsi brisée ?

J’aurais pu être à ma place pour vous écouter, Monsieur le ministre, si mes collègues Asensi et Chassaigne avaient été disponibles pour cette rencontre au lieu d’arriver au moment de leur intervention !

M. le Président – Comme c’est élégant de le faire remarquer, Monsieur Gremetz.

M. Maxime Gremetz – C’est la vérité !

M. le Président – C’est ce qu’on appelle la fraternité de groupe (Sourires).

M. Maxime Gremetz – J’en viens à ma question : notre Assemblé a supprimé l'article 30 du projet de loi relatif au développement de la participation et de l'actionnariat salarié, qui concernait la réforme des prud'hommes. Il ne s’agissait, hélas, que d'une manœuvre de la majorité pour différer le vote de cette mesure et les conseillers prud’homaux restent donc inquiets, car votre intention demeure : la réforme est sur les rails, puisque les décrets d’application sont déjà prêts !

Ces décrets ont été sévèrement critiqués par toutes les organisations syndicales lors de leur présentation au Conseil supérieur de la prud'homie, au mois de mai dernier. Ce que vous proposez porte en effet atteinte au régime indemnitaire en fixant le nombre maximal d'heures indemnisables à une heure pour la rédaction d'une ordonnance de référé, à trois heures pour celle d'un jugement et à trente minutes pour celle d'un procès-verbal. Ces durées sont unanimement jugées insuffisantes si l’on veut des jugements de qualité ! La motivation des décisions risquerait d’être moins étayée, ce qui porterait préjudice aux justiciables, c’est-à-dire, pour l’essentiel, aux salariés. Les conseillers prud’homaux devraient en outre effectuer une partie de leur travail à titre bénévole pour traiter sérieusement leurs dossiers !

Deuxième inquiétude : le contrôle des actes. S'il est de la responsabilité des greffiers en chef de vérifier les relevés d'activité prud'homale et de signaler d'éventuelles anomalies, on ne peut accepter la rectification autoritaire des relevés. Ce sont les responsables de la juridiction, le président et le vice-président, chacun pour son collège, qui doivent être saisis par le greffe afin d’examiner le problème avec le conseiller concerné. Un tel contrôle doit avoir pour objectif, non de sanctionner financièrement le conseiller, mais de l'aider à surmonter d’éventuelles difficultés et d’adopter des mesures collectives appropriées face à des dossiers d'une particulière complexité.

S'agissant des frais de déplacement, l'alignement sur la situation des fonctionnaires n'est acceptable que si l’on prend en compte la spécificité des conseillers salariés : contrairement aux magistrats professionnels, qui se déplacent seulement entre leur domicile et le siège du tribunal, les conseillers prud’homaux naviguent entre leur domicile, leur propre lieu de travail et le siège du conseil.

Dans les grandes métropoles et dans l’hypothèse d’une mobilité professionnelle imposée en cours de mandat, il faut enfin revoir la limitation apportée au remboursement des trajets entre le conseil et « la commune la plus éloignée dans le ressort du conseil ou d'un conseil limitrophe ».

Quelles sont donc vos intentions sur tous ces points, Monsieur le ministre ?

M. le Ministre – Nous sommes très attachés à cette institution essentielle dans notre paysage juridictionnel. Je tiens également à souligner son professionnalisme !

M. Maxime Gremetz – Il est remarquable !

M. le Ministre – En effet, le taux d’infirmation des jugements rendus par les conseils de prud’hommes n’a rien à envier à celui des autres juridictions ! Mais c’est aussi un lieu de compréhension mutuelle.

Il est vrai que le Garde de Sceaux avait demandé un rapport sur le fonctionnement des conseils prud’homaux, dont les modalités ont été fixées pour l’essentiel en 1982. Compte tenu des observations formulées par le Conseil supérieur de la prud’homie, nous en sommes arrivés aux dispositions contenues dans le texte sur la participation, actuellement en discussion devant le Sénat. Pour l’essentiel, nous proposons le déplafonnement des heures et la revalorisation des indemnités par décret en Conseil d’État, conformément aux recommandations du Conseil supérieur.

M. André Chassaigne – Ma question concerne la mise en œuvre des actions de réactivation des bassins d’emploi.

L'article 118 de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 a obligé les entreprises à signer avec l'État une convention prévoyant des actions de réactivation dès lors qu'elles procèdent à une fermeture totale ou partielle dont l’ampleur a des conséquences sur l'équilibre du bassin d'emploi. Cette obligation a été reprise par la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 : à moins de faire l'objet d'une procédure de dépôt de bilan, les entreprises doivent contribuer à la création d'activités et d’emplois dans leur bassin. Le montant de leur contribution ne peut être inférieur à deux fois la valeur mensuelle du salaire minimum de croissance par emploi supprimé, soit environ 2 500 euros. Le représentant de l'État peut toutefois fixer un montant inférieur lorsque l'entreprise est dans l'incapacité d’assurer la charge financière de cette contribution.

Or, les licenciements concernés résultent le plus souvent de la fermeture de sites appartenant à des groupes industriels et financiers, qui ouvrent des procédures morcelées et individualisées par site, ce qui conduit à des dépôts de bilan successifs. Par le biais du Comité interministériel de restructuration – CIRI –, le ministère intervient régulièrement dans les procédures en accordant des moratoires destinés à aider ces groupes dans leur restructuration économique, mais sans souci du volet industriel et social.

Alors que leurs actionnaires accumulent des bénéfices gigantesques, ces groupes sont donc artificiellement exonérés de la contribution financière prévue par la loi ! Par exemple, le groupe EURODEC, détenu par l'Union des banques suisses, a déposé à plusieurs reprises le bilan de sociétés de son groupe – notamment, en 2005, des sociétés Camus dans le Rhône et Briffaz en Haute-Savoie – 140 emplois ont été supprimés. En 2006, c’est la société DAPTA SAS à Thiers qui a été liquidée avec à la clé la suppression de 190 emplois – alors qu’en 2003, l’effectif était de 570 salariés, il n’est plus aujourd’hui que de 250. Le groupe EURODEC, qui a signé un moratoire avec le CIRI en juillet 2005, continue d'envisager la fermeture ou la vente de nouveaux sites en étant finalement exonéré de la contribution financière prévue par la loi de cohésion sociale ! Avec le concours du ministère de l'industrie et du CIRI, l'État aide donc ces groupes à se réorganiser économiquement en participant financièrement à leurs restructurations. Comment pouvez-vous les obliger à acquitter la contribution financière, même en cas de dépôt de bilan de sites particuliers ?

M. le Ministre – Je vous remercie de demander l’application d’une loi que vous n’avez pas votée !

M. André Chassaigne – Ce n’est pas une réponse digne d’un ministre ! Ce n’est pas correct !

M. le Ministre – Nous avons prévu un texte visant à revitaliser les bassins industriels.

M. André Chassaigne - Qui reprend la loi de 2002 !

M. le Ministre – Il est différent et il la renforce.

La vraie question que vous posez est celle de la limite de la personne morale, ce qui ne justifie pas de vous mettre dans un tel état, Monsieur Chassaigne. Ce texte donne aux préfets, qui recueillent l’ensemble des compétences de l’État sur un territoire donné et qui disposent des capacités techniques et morales leur permettant d’agir, la possibilité de gérer ce délicat problème. Le guide pratique idéal n’existe pas, même si la loi nous donne des capacités d’intervention et de négociation. Dans la plupart des cas, l’État gagne, mais pas systématiquement – comme on a pu le constater malheureusement, dans le bassin minier, il y a deux ou trois ans.

Mme Martine Aurillac – Dans le cadre de la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005, puis de la loi du 26 juillet 2005, vous avez pris un certain nombre d’engagements pluriannuels, notamment en ce qui concerne les services à la personne. Le chèque emploi universel s’est inscrit dans cette démarche et les premiers résultats témoignent de son succès puisque 65 000 emplois ont ainsi été créés au premier semestre 2006. L’Agence des services à la personne œuvre quant à elle à leur professionnalisation et à leur valorisation.

Dans ce projet de loi de finances, la mission « travail et emploi » comporte un programme « développement de l’emploi » regroupant divers dispositifs destinés à stimuler la création d’emplois, dont l’allégement de cotisations patronales de sécurité sociale, en particulier pour les services à la personne.

Quelles mesures proposez-vous, Monsieur le ministre, pour intensifier cet effort, sachant que le gisement d’emplois dans ce secteur est particulièrement important?

M. le Ministre – Le plan de services à la personne est opérationnel, notamment en ce qui concerne la professionnalisation : c’est là que la bataille se gagnera ! Le budget de l’agence permet de réaliser les adaptations nécessaires de manière à organiser un soutien quasiment interministériel et ce, de façon permanente. J’ajoute qu’un certain nombre d’amendements, dont certains présentés par M. Jego, permettront aussi d’amplifier ce programme.

M. Robert Diat – Le développement d'un tissu économique varié et dynamique est bien difficile dans certains territoires ruraux ou isolés. Ces villes et villages, qui souffrent parfois de la proximité et de la concurrence de grandes agglomérations mais où le cadre de vie pourrait être amélioré par la présence de nouveaux services, attendent des mesures concrètes. Dans un souci d'aménagement harmonieux de notre territoire, il est donc indispensable de préserver ou de développer un tissu d'entreprises de proximité, qui ont un rôle important à jouer tant du point de vue de l'emploi que des services rendus aux populations rurales. Paradoxalement, le problème se pose presque en mêmes termes dans certaines zones urbaines conjuguant forte population et taux de chômage élevé, notamment parmi les jeunes.

Quelles mesures envisagez-vous pour favoriser le développement de l'emploi dans ces territoires ?

M. le Ministre – L’équité territoriale en matière de formation et d’emploi est cruciale. Nous l’avons vu dans le cadre du redéploiement des contrats d’apprentissage et de professionnalisation : si, par exemple, vous voulez faire de la plasturgie à Millau, le premier centre de formation est extrêmement éloigné. Il n’en va pas de même dans les grandes agglomérations où il est beaucoup plus facile de trouver une formation à distance raisonnable. Des dispositifs de financement ont donc été mis en place et nous travaillons dans cette direction pour tous les territoires.

M. Daniel Garrigue – Les maisons de l’emploi sont un élément clé de votre plan, Monsieur le ministre, non seulement parce qu’elles constituent un guichet unique mais parce qu’elles témoignent de la volonté gouvernementale de mener des actions d’anticipation et d’accompagnement, notamment à travers la GPEC. Néanmoins, dans beaucoup de régions, des structures telles que les maisons de l’économie et de l’emploi préfiguraient l’actuel dispositif et il est souvent malaisé de passer d’une formule à l’autre, parce qu’il est plus facile de faire du neuf que de reconfigurer un édifice existant. En outre, afin de ne pas pénaliser ces structures pionnières, les efforts déjà engagés devraient, me semble-t-il, être assimilés aux « actions nouvelles » exigées de ces maisons. Pourriez-vous rassurer les collectivités qui ont pris de l’avance, Monsieur le ministre ?

M. le Ministre – Je sais que ce sujet vous tient à cœur car vous-même avez été pionnier en la matière. Le programme se déroule à un rythme normal. Nous en sommes à 194 labellisations et nous devrions être aux 300 prévues dans trois ou quatre mois. Cela ne signifie pas pour autant que la réussite soit totale. Le financement de l’État en ce domaine a pour seule vocation d’inciter au travail en réseau et de le faciliter. En toute rigueur, nous ne devrions donc pas financer les structures déjà existantes mais, sachant que la bataille des ressources humaines n’est jamais définitivement gagnée, nous soutiendrons aussi les pionniers, sans doute à moindre échelle.

M. Michel Liebgott – Je supplée ici notre collègue Christian Paul qui n’a pu être parmi nous. Avant d’en venir à sa question, il soulignait la diminution générale des moyens de la mission « travail et emploi », ceux destinés aux publics en difficulté chutant même de 8 %. Il rappelait que les objectifs fixés en matière de contrats aidés n’étaient pas atteints : certes, les crédits augmentent mais le nombre de contrats prévus diminue. Il se demandait enfin, non sans humour, si le contrat électoral de ce gouvernement était un contrat d’avenir…

L’ensemble des dispositifs spécifiques aidés n’ayant pas fait la preuve de leur pleine efficacité, ne faudrait-il pas, demandait-il, et comme le propose l’Association des départements de France, remettre à plat la politique de cohésion sociale, notamment avec les collectivités auxquelles on demande de prendre le relais sans qu’il y ait eu de véritables négociations avec elles sur le sujet ? Un grand débat sur l’organisation d’une action unique d’insertion devrait être mené avec l’ensemble des collectivités, non pour, une nouvelle fois, se défausser sur elles, mais pour examiner avec elles comment conduire ces actions uniques partout dans le pays, ce qui permettrait aussi d’atténuer les disparités de moyens entre territoires.

M. le Ministre – Le plan de cohésion sociale a fait l’objet d’une concertation approfondie avec l’Association des maires de France, l’Association des départements de France et l’Association des régions de France. Le Conseil économique et social a également, à ma demande, été saisi de ce plan. Son rapport a d’ailleurs permis de faire évoluer le texte lors de son examen au Parlement par le biais d’amendements émanant de tous les bancs. Il ne serait pas inconcevable d’organiser un nouveau grand débat sur le sujet. Mais un comité d’évaluation et de suivi du plan, où toutes les sensibilités sont représentées, a déjà été installé, comme j’en avais exprimé le souhait. En outre, nous examinerons tout à l’heure des amendements concernant diverses expérimentations, l’important en ce domaine étant de faire preuve de pragmatisme. Mais je ne suis pas du tout fermé à votre proposition.

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souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

M. le Président - Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation du Burundi, conduite par le Président de la République (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent).

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LOI DE FINANCES POUR 2007 -seconde partie- (suite)

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travail et emploi (suite)

Mme Marie-Renée Oget - En cette fin d'année, faute d'éléments pour élaborer leur budget prévisionnel 2007, les missions locales sont inquiètes. Elles connaissent des difficultés financières qui, dans de nombreux cas, pourraient les conduire, à court terme, à devoir licencier. Si leurs crédits en provenance de l’État demeurent à peu près stables, ceux du Fonds social européen diminuent fortement – de 31 % par exemple en Bretagne –, alors qu’ils représentent 35 % des ressources de certaines missions locales, comme celle du Centre-Ouest Bretagne que je préside.

Bien que M. Larcher ait déclaré partager ces inquiétudes sur la pérennité des fonds européens, comme en témoigne sa réponse d’avril dernier à M. Lepinay, président de l'Union nationale des missions locales, les services de l'État, interrogés plus récemment, ne garantissent pas de solution alternative, comme cela apparaît dans une réponse en date du 2 octobre dernier du directeur régional de la DRTEFP de Bretagne.

Or, sans compensation de l'État, les missions locales ne pourront pas poursuivre leur activité. Nombre d’entre elles risquent de se trouver rapidement en cessation de paiement et de devoir licencier les conseillers les plus récemment recrutés en CIVIS. Certaines, dont celle que je préside, ont d’ailleurs engagé une procédure de sauvegarde. Face à l'urgence de la situation, envisagez-vous, Monsieur le ministre, de compenser la baisse des crédits du FSE et, dans l'affirmative, dans quel délai ? Quelle garanties pouvez-vous donner aux missions locales ?

M. le Ministre – La meilleure garantie que nous pouvons leur donner est que nous avons besoin d’elles, que nous comptons sur elles, que nous apprécions leur travail et que nous leur en avons déjà apporté la preuve. Nous leur avons confié la gestion des CIVIS et avons financé directement 2 100 recrutements dans les quatorze derniers mois (Mme Oget s’exclame). Un tel effort est sans précédent dans l’histoire des missions locales.

Pour ce qui est des fonds européens, vous avez raison, nous devons anticiper leur évolution. Nous procédons actuellement à une nouvelle ventilation et à une redistribution des crédits du FSE. J’adresserai la semaine prochaine un courrier aux missions locales et aux conseils régionaux leur assurant que les financements seront bien les mêmes en 2007 qu’en 2006.

M. Alain Vidalies – Après le drame de Soussignac, après les états généraux de l’inspection du travail, après les travaux de la commission d’enquête parlementaire sur l’amiante qui ont mis en lumière le déficit en personnels de contrôle, un plan de recrutement de 700 agents sur quatre ans, dont 240 inspecteurs du travail, 420 contrôleurs et 40 ingénieurs de sécurité, a été annoncé. Cette annonce, en fin de législature, de recrutements financés sur les exercices budgétaires 2006-2010 n’a aucun caractère contraignant, ne s’inscrivant pas dans une loi de programmation. Elle résonne comme un aveu, tardif, de votre défaillance dans ce secteur. Votre seul engagement réel est de créer en 2007 70 postes d’inspecteurs, 120 postes de contrôleur et 10 postes de médecins et ingénieurs de sécurité, soit seulement 106 équivalents temps plein. L’absence de toute création d’emploi de secrétaire montre bien que vous souhaitez concentrer les effectifs nouveaux sur des missions spécifiques, et non renforcer les moyens des sections territoriales. Vous avez d’ailleurs déjà lancé un appel à projets auprès des directions régionales pour l’utilisation spécifique des moyens nouveaux. Cette politique ne correspond ni aux besoins de l’inspection du travail ni aux attentes des salariés. Quelle place réelle accordez-vous aux sections territoriales dans l’action de l’inspection du travail, et quels moyens nouveaux entendez-vous y affecter ?

M. le Ministre – Le plan de modernisation et de développement de l’inspection du travail, qui a fait l’objet d’une large consultation et est actuellement piloté par Gérard Larcher, comporte 650 créations d’emplois d’inspecteurs et de contrôleurs sur plusieurs années. Dès 2007, 204 agents seront affectés dans les douze régions pilotes volontaires. La mise en œuvre du plan Santé au travail 2005-2009 s’accompagnera de la généralisation de cellules pluridisciplinaires d’appui, composées de médecins du travail et d’ingénieurs de sécurité, pour améliorer la prévention des risques professionnels. Nous avons par ailleurs mis en place une direction générale du travail chargée d’animer et de soutenir l’action des services sur le terrain et exerçant les fonctions d’autorité centrale de l’inspection. Nous avons également créé un Conseil national de l’inspection du travail, de façon à encore mieux garantir les missions de l’inspection du travail, dans le sens des conventions internationales 81 et 189 de l’OIT. L’Institut national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, centre de formation du ministère du travail, sera, quant à lui, transformé en établissement public afin d’enrichir les formations des nouveaux agents et de mieux tenir compte de l’évolution de l’environnement et de l’organisation du travail. Nous envisageons enfin de diversifier les modes de recrutement en ouvrant une troisième voie d’accès aux cadres expérimentés du secteur privé ou du monde syndical.

Mme Anne-Marie Comparini – Je souhaite appeler l’attention sur la situation des personnes de plus de 50 ans à la recherche d’un emploi. Le taux français d’activité des plus de 50 ans est l’un des plus faibles d’Europe. Vous avez donc eu raison de lancer en juin dernier un plan seniors, comportant notamment une aide dégressive à l’employeur. Mais dans la pratique, tout n’est pas aussi simple. À Lyon par exemple, de nombreuses personnes m’ont fait part de leur découragement après qu’ayant trouvé une entreprise prête à les embaucher, l’ANPE leur répondait qu’il était impossible d’ouvrir un dossier ADE en raison de blocages administratifs, de la part notamment des ASSEDIC.

Vous allez peut-être m’opposer que le plan est un succès, puisque l'enveloppe annuelle de l'ASSEDIC Vallées du Rhône et de la Loire était totalement consommée en juillet, mais la difficulté que je signale est grave. Comment y remédier ? L’emploi des seniors est aussi un des éléments de la France de toutes les chances : il ne faudrait pas que cette situation se reproduise l'année prochaine.

M. le Ministre – Ce cas est heureusement isolé, mais il peut toujours se produire. L’emploi des seniors est un sujet crucial. Les partenaires sociaux se sont donc mis d’accord sur un plan seniors, que l’État accompagne de différentes manières. L’ADE est un outil très important. La difficulté pour les ASSEDIC est de budgéter une enveloppe suffisante en début d’année. Il ne faudrait pas que cette politique soit réduite à néant parce qu’on s’est trompé sur l’enveloppe ! J’ai saisi nos partenaires de l’ASSEDIC pour voir comment nous pouvons régler le problème. Le dispositif fonctionne manifestement très bien en Rhône-Alpes : il serait dommage d’y mettre un terme.

M. Francis Vercamer – L’égalité des chances et la lutte contre les discriminations sont des priorités du Gouvernement. Les testings effectués par l'observatoire des discriminations de l'université de Paris I ont confirmé la réalité du phénomène.

45 % des réclamations enregistrées par la HALDE concernent l'emploi. Ce type de discrimination a fait l'objet d'un rapport élaboré par une commission présidée par Roger Fauroux, qui préconise plusieurs mesures, parmi lesquelles l'anonymat du CV. Je suis particulièrement attaché à cette disposition, que j’avais proposée lors de la discussion du projet de loi de cohésion sociale – c'est d'ailleurs à la suite de ce débat que vous avez demandé un rapport à M. Fauroux. L'UDF a enfin obtenu que le CV anonyme soit inscrit dans la loi lors de l'examen du projet de loi pour l'égalité des chances au Sénat.

Est-ce à la loi ou à la négociation de faire appliquer cette disposition ? Vous avez choisi la seconde : M. Larcher a suspendu la publication du décret d’application dans l’attente du résultat des négociations. Mais cet accord risque d’être peu contraignant pour les entreprises. L'une des organisations syndicales l’a d’ailleurs qualifié de « totalement creux » il y a quelques jours.

Ou le dialogue social fait ses preuves, ou c’est au législateur de prendre ses responsabilités – ce qu’il a fait avec l’article 24 de la loi pour l’égalité des chances. Certes, un certain nombre de PME considèrent qu’elles ne pourraient pas appliquer cette mesure. Mais 51 % des salariés estimeraient que leur entreprise pratique la discrimination à l'embauche, et ils seraient 84 % à penser qu'il faut encourager les actions en faveur de la diversité sociale. S'il faut prendre ces chiffres avec prudence, ils mettent cependant en évidence la perception accrue du phénomène, tant il vrai que les facteurs de discrimination sont nombreux : âge, sexe, origine, handicap, apparence, lieu de résidence…

Vous savez l'importance de la question de l'emploi dans les quartiers. La réaffirmation des principes de la République et de l'égalité des chances requiert des mesures fortes. Devant l'insuffisance du résultat de la négociation collective, êtes-vous prêt à publier le décret d'application ?

M. le Ministre – Trente ans après le Canada et les États-Unis, notre pays a pris à bras-le-corps le sujet de la discrimination, avec la création de la HALDE et le débat sur le CV anonyme. Enfin, nous sortons du déni et de l’hypocrisie !

Je suis partisan du CV anonyme, mais aussi du dialogue social. Dès lors que les partenaires sociaux en acceptent le principe sous réserve d’une expérimentation dans quelques branches, il faut leur faire confiance – à condition bien entendu qu’ils aillent vite, sans quoi il faudra bien faire autrement.

M. Dominique Paillé – Mon intervention posait en elle-même une question simple sur la réglementation applicable au temps de travail des éducateurs dans les lieux de vie et d’accueil. Un de vos collaborateurs m’a dit que vous pouviez me donner satisfaction : je suis impatient de vous entendre.

M. le Ministre – Un groupe de travail réunissant les différents ministères concernés, des représentants des conseils généraux et la Fédération des lieux de vie s’est penché sur cette question. Un amendement au projet de loi sur la protection de l’enfance permettra de prévoir un dispositif de décompte de la durée du travail spécifique, adapté à la fonction exercée par les personnels responsables et ceux qui les aident ou les remplacent, selon des modalités de présence identiques, auprès des personnes accueillies.

M. Robert Diat – Les chantiers d'insertion et les associations intermédiaires jouent un grand rôle dans l’accompagnement de nos concitoyens en difficulté vers un retour à l'emploi durable, en leur permettant de se mettre en situation de travail. Le plan de cohésion sociale reconnaît les ateliers et chantiers d'insertion comme des outils de socialisation indispensables. Il est donc important que le taux de prise en charge des contrats d'accompagnement dans l'emploi soit durablement maintenu au niveau pratiqué jusqu’ici – 105 % du SMIC. Compte tenu des succès rencontrés par les professionnels de l'insertion, il me paraît également indispensable d'augmenter le nombre de personnes bénéficiaires de ces dispositifs d'aide.

Le Gouvernement a annoncé sa volonté de faire toute leur place aux associations dans le dialogue civil, de conforter les relations contractuelles entre pouvoirs publics et associations et de mieux reconnaître l'activité bénévole. Il a indiqué que des mesures seraient prises pour assurer la trésorerie nécessaire et verser au plus tôt les subventions dues au titre de conventions passées, notamment pluriannuelles.

Quelles sont les éléments de votre budget destinés à faciliter le travail remarquable accompli au quotidien par ces associations ?

M. le Ministre – Je voudrais rendre hommage à l’ensemble de ce secteur, mais aussi à ceux qui le représentent dans l’ombre, comme le président Alphandéry. Le plan de cohésion sociale a prévu un soutien massif à ce secteur décisif : adaptation de la durée des contrats, financement des structures, fixation du taux de prise en charge à 105 %, niveau qui sera maintenu en 2007. Le point sera fait dans le courant de 2007, ce qui nous permettra d’envisager une nouvelle étape.

M. Mansour Kamardine - Ma question a trait au développement de l'emploi à Mayotte, dont la situation défie toute comparaison, avec un taux de chômage supérieur à 35 % – encore davantage pour les jeunes – et une couverture sociale balbutiante. Ce sont là les principaux éléments qui ont conduit la commission des affaires sociales à créer au printemps une mission d'Information pour examiner la problématique des minima sociaux sur le territoire. Le rapport de cette mission, qui a été adopté à l'unanimité, propose diverses mesures pour encourager le développement de l'emploi. II s'agit d'étendre à Mayotte le dispositif d'exonération des charges de la loi Girardin et le dispositif d’enveloppe régionale unique, qui permet au préfet de moduler les contrats aidés et de les adapter aux différents publics, et enfin d’y mettre en place un dispositif adapté du RMA, en lien avec la lutte contre le travail non déclaré.

Ces propositions ont été faites à la mission par des fonctionnaires des ministères de l'emploi et de l'outre-mer, puis par les ministres, notamment par votre collègue de l'outre-mer, qui a reconnu qu'un système de revenu minimum d'activité pourrait représenter une alternative intéressante à l’inactivité pour une grande partie de la population. Ce dispositif permettrait de diminuer le coût du travail déclaré, a-t-il conclu, mais devrait être adapté à la situation de l'emploi et au droit du travail mahorais.

Ma question est donc simple, mais grave, car elle intéresse des hommes et des femmes qui demandent à travailler pour nourrir leur famille : le Gouvernement entend-il tirer les conséquences de ce rapport pour développer l'emploi à Mayotte, et introduire un dispositif de RMA dès le 1er janvier prochain ?

Je vous ai déjà invité à venir mesurer la gravité de la situation à Mayotte. C’est la troisième fois que j’appelle votre attention. Il faut agir : ce que nous refusons de donner par le travail finira par nous être demandé dans la rue, et je ne souhaite pas qu’on en arrive là.

M. le Ministre – Les dispositifs d’intéressement au retour à l’emploi fonctionnent selon le principe du CI-RMA et, par voie de conséquence, ne peuvent être envisagés à Mayotte – hormis l’AAH –, puisqu’il n’y a pas aujourd’hui de minimum social à Mayotte. La mission que vous avez menée, Monsieur le député, a souligné la nécessité de développer des dispositifs aidés propres au secteur marchand, notamment pour l’emploi féminin. Une mission conjointe entre le ministère de la cohésion sociale et celui de l’outre-mer a travaillé sur la base de votre rapport, afin de permettre la mise en place à Mayotte d’un tel dispositif. Nous prendrons contact avec vous, dans les semaines qui viennent, pour les modalités de mise en œuvre.

M. Gérard Bapt – Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur les conséquences de l’annulation par le Conseil d’État des textes validant l’accord relatif à l’application des 35 heures dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration. Un amendement de l’UMP a rétabli, à titre provisoire, les clauses de l’accord de 2004 prévoyant une semaine de congé ainsi qu’un jour férié supplémentaires. Or cet amendement est arrivé comme un cavalier dans la loi de financement de la sécurité sociale et risque fort d’être censuré.

Le secteur de l’hôtellerie et de la restauration a reçu des aides très importantes dans les années passées. Une aide à l’emploi de 500 millions d’euros prévue par la loi Sarkozy du 9 août 2004 n’a pas eu de traduction en termes de créations d’emplois. Au printemps 2006, le Gouvernement s’est engagé sur des allégements de charges sociales et fiscales qui devaient permettre 40 000 créations d’emplois par an. Le coût de telles mesures s’est élevé en 2006 à 530 millions d’euros, et le programme « développement de l’emploi » prévoit un nouvel engagement de 697 millions pour 2007, sans compter l’amendement que vous allez présenter, concernant les entreprises de moins de vingt salariés, qui va précariser davantage encore l’emploi dans ces entreprises.

Vous avez donc donné beaucoup d’argent public aux entreprises ; mais quelles demandes allez-vous formuler pour que la négociation collective aboutisse à un accord gagnant-gagnant, et que les salariés puissent en retirer un avantage, en termes de créations d’emplois et de rémunération ?

M. le Ministre – La négociation collective était en panne depuis une dizaine d’années. À tel point que certaines conventions étaient encore rédigées en francs ! Gérard Larcher a donc demandé aux différentes branches de reprendre les négociations.

Dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration, le temps de travail était très au-dessus de 40 heures, le nombre de semaines de congés payés très inférieur à ce qu’il est dans la plupart des autres branches, et il existait même un « SMIC hôtelier » inférieur au SMIC horaire national. Il était absolument nécessaire d’inviter les partenaires à négocier. La négociation s’est déroulée dans les règles et un accord est intervenu. Suite à la contestation d’une organisation, nous nous retrouvons aujourd’hui dans une situation de trouble. Il a bien fallu y remédier, tout en demandant que la négociation reprenne.

Il s’agit de métiers difficiles, avec des astreintes horaires pénibles. La fidélisation du personnel y est en outre faible : ce secteur connaît, pour les apprentis, les taux de départ en cours d’année les plus élevés. Il appartient aux partenaires sociaux de trouver le bon point d’équilibre, et le Gouvernement est très attaché à ce que l’accord soit effectivement gagnant-gagnant, et améliore tant les conditions de travail des salariés que la fidélisation du personnel dans les entreprises.

M. Gaëtan Gorce – En 2005, le rapporteur pour avis du budget de la formation professionnelle alertait déjà le Gouvernement sur les risques de démantèlement de l’AFPA, à travers la remise en cause des dotations de l’État et sa tentative, à peine dissimulée, de privatiser le service public de la formation professionnelle pour adultes. Le budget 2007 poursuit ce désengagement, puisqu’il manque de 150 à 200 millions d’euros pour équilibrer le budget de l’AFPA et qu’une partie de ces ressources manquantes devrait provenir d’une surtaxe de la taxe d’apprentissage, méthode contestée par l’ensemble des parlementaires.

Le président de la commission a ainsi déclaré que la destination première de la taxe d’apprentissage n’était pas de financer la formation professionnelle des adultes. Et d’ajouter : « De manière générale, le recours voilé à des ressources extrabudgétaires paraît peu respectueux des droits du Parlement puisqu'il altère la portée du vote des crédits. Sous l'empire de la nouvelle loi organique, ces derniers doivent former des ensembles cohérents au service de fins déterminées. En considérer seulement une partie ne peut qu'en altérer la bonne appréciation. » C’est dire si le Gouvernement est critiqué, à la fois sur l’insuffisance des moyens qu’il alloue à l’AFPA et sur la méthode utilisée pour tenter de trouver des ressources extrabudgétaires !

En outre, les régions ne savent toujours pas comment et sur quelle base sera garantie la compensation du transfert de la compétence de formation professionnelle. Aux termes de la loi du 13 août 2004, « ce n'est que sous réserve de la conclusion d'une convention entre le représentant de l’État dans la région, la région et l'AFPA définissant le schéma régional des formations et le programme d'activité régional de l'AFPA, que sera effectuée la compensation financière par l'attribution de ressources équivalentes aux subventions versées par l'Etat à l'AFPA pour l'exercice de ses compétences. » Or, non seulement le transfert de la part de recette de la taxe d’apprentissage, prévue à l’article 61, a été supprimée par un amendement en commission, mais en outre l’AFPA est confrontée à la concurrence d’entreprises privées, que vous avez voulue.

Allez-vous donc faire reposer l’avenir du service public de la formation professionnelle pour adultes sur une ressource incertaine et opaque ? Ou bien accepterez-vous les modifications que nous présenterons par voie d’amendement, consistant à abonder les crédits de l’AFPA grâce à une réduction de ceux alloués au secteur de l’hôtellerie et de la restauration, qui n’ont pas d’effet durable sur l’emploi ? Votre réponse importe à des millions de salariés !

M. le Ministre – Merci pour cette question, qui me permettra d’être clair. L’AFPA est un instrument essentiel. Un dysfonctionnement grave s’est produit l’an dernier. Certaines régions ont traîné des pieds pour assurer les « stages AFPA » qui leur avaient été transférés. La situation était suffisamment grave pour que nous prévoyions un financement exceptionnel pour ces stages, en lieu et place des régions. J’appelle ces dernières, comme pour les contrats d’avenir, à assumer leur part de responsabilité.

Pour un certain nombre de raisons, un financement possible par le FUP ne semblait pas constituer un signal positif. Nous prévoyons donc une recette complémentaire, extrabudgétaire et, j’insiste, pérenne. Le débat démocratique le confirmera, mais c’est d’ores et déjà l’engagement que j’ai reçu de Bercy, c’est aussi celui que je prends à votre égard et envers le personnel de l’AFPA.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, cet après-midi à 15 heures.
La séance est levée à 12 heures 30.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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