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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du mercredi 15 novembre 2006

Séance de 9 heures 30
24ème jour de séance, 50ème séance

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann
Vice-Président

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

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LOI DE FINANCES POUR 2007 -seconde partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007.

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anciens combattants

M. Jean-Claude Mathis, rapporteur spécial de la commission des finances – Il y a quelques jours, dans nos villes et nos villages, la France s’est souvenue des combattants de la première guerre mondiale. Cette journée nationale nous a permis de rendre hommage à nos quatre derniers poilus et, à travers eux, à tous ceux qui ont combattu pour défendre les valeurs de notre République.

Les crédits de la mission « anciens combattants, mémoire et liens avec la nation » s’élèveront en 2007 à 3,752 milliards d’euros, dont 3,484 milliards iront directement au monde combattant ; cela représente 8 % des crédits du ministère de la défense. Ils sont répartis en trois programmes : liens entre la nation et son armée ; mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant ; indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale. Si ce budget baisse de 3,6 % par rapport à 2006, la dotation moyenne par pensionné, compte tenu de l’évolution démographique, augmente de 2,25 %. Depuis 2002, cette dotation a augmenté de 12 %, passant de 7 830 à 8 628 euros. En outre, de nouvelles mesures viennent renforcer les droits des anciens combattants.

Je me félicite d’une nouvelle hausse de deux points de l’indice de la retraite du combattant, qui passera ainsi de 35 à 37 points. Ce relèvement fait suite à une première hausse de deux points intervenue le 1er juillet 2006. Ces deux augmentations successives représentent un geste fort, l’indice étant resté inchangé de 1978 à 2006 ! La retraite est ainsi portée à 490 euros par an, soit une revalorisation de plus de 12 % en six mois.

La carte du combattant a été attribuée, je le rappelle, à ceux qui justifient de quatre mois de présence en AFN. Les appelés du dernier contingent de la guerre d’Algérie atteignant 65 ans en 2007, le nombre de bénéficiaires augmentera de 34 000, après avoir crû de 50 000 en 2005-2006. Au total, 116 millions d’euros seront consacrés à la retraite du combattant, ce qui traduit la bonne volonté du Gouvernement dans un contexte budgétaire difficile. Je souhaite que la revalorisation se poursuive dans les années à venir.

M. Jacques Desallangre – Il était temps !

M. le Rapporteur spécial – Par ailleurs, 635 000 euros sont ouverts au titre de l’appareillage des mutilés de guerre, en augmentation de 7 %. C’est une action très importante pour le quotidien des anciens combattants handicapés.

Pour la troisième année consécutive, les crédits de l’ONAC augmentent : avec 500 000 euros supplémentaires, ils atteignent 36 millions en 2007, dernière année d’application du contrat d’objectifs et de moyens.

L’Institution nationale des invalides, qui est sur la voie de la certification, reçoit une subvention de 10 millions d’euros, et 850 000 euros sont inscrits au titre de l’alignement des pensions militaires d’invalidité des différentes armes sur celles de la marine.

En outre, à la demande du Président de la République, le Gouvernement a décidé d’engager une nouvelle étape dans la décristallisation des prestations versées aux anciens combattants citoyens des États anciennement placés sous souveraineté française.

M. Patrick Roy – Enfin.

M. le Rapporteur spécial – Un amendement du Gouvernement proposera un alignement de la valeur du point, de façon à ce qu’à partir du 1er janvier 2007, les retraites du combattant, pensions militaires d’invalidité et pensions de réversion soient toutes à égalité en valeur nominale. Cette mesure, d’un coût de 110 millions d’euros, concernera 56 000 titulaires de la retraite du combattant et 28 000 pensionnés, issus de 23 pays. Je me réjouis de cette mesure d’équité…

Plusieurs députés socialistes – Nous aussi !

M. Jacques Desallangre – On aurait préféré que cela se fasse autrement !

M. Christian Vanneste – La gauche n’a rien fait pendant quinze ans !

M. le Rapporteur spécial – ...Son financement devrait faire appel à la solidarité interministérielle et non au seul budget des anciens combattants.

M. Jean-Claude Sandrier – C’est-à-dire ?

M. le Rapporteur spécial – Un groupe de travail sur la situation des veuves d’anciens combattants a associé des parlementaires – dont votre rapporteur spécial –, les associations et l’administration.

M. François Rochebloine – Il n’y avait pas beaucoup de parlementaires !

M. le Rapporteur spécial – Pour améliorer la situation de ces veuves, deux solutions étaient envisageables. Soit la création d’une indemnité différentielle par la loi…

M. François Rochebloine – Ce serait très bien !

M. le Rapporteur spécial – …soit la prise en charge par l’ONAC de cette indemnité à partir de son enveloppe de crédits sociaux, abondée en conséquence. Cette dernière solution ayant eu la préférence des membres du groupe de travail, notamment parce que sa mise en œuvre prendra moins de temps qu’un passage par la loi (Exclamations sur divers bancs) et qu’elle est le prolongement de l’action de l’ONAC. C’est donc cette voie que le Gouvernement étudiera. Elle a le mérite d’être simple, de conforter l’ONAC et d’être cohérente avec l’action du Gouvernement et de la majorité depuis 2002.

M. Alain Néri – Que de contorsions !

M. le Rapporteur spécial – Les crédits de la majoration des rentes mutualistes s’élèvent à 217,4 millions d’euros. Ces rentes ont été décidées après la première guerre mondiale en vue de créer un lien de solidarité entre les anciens combattants et la nation, par l’intermédiaire d’un concours financier de l’État. Le nombre de bénéficiaires s’élève en 2007 à 438 444. Le plafond de cette retraite est déterminé par référence à un indice de point de pension militaire d’invalidité, qui a été porté par la loi de finances pour 2003 à 122,5 points. Des amendements de la commission des finances et de la commission des affaires sociales proposant de revaloriser ce plafond vous seront présentés tout à l’heure.

En vue de répondre à l’attente de nombreux parlementaires et associations d’anciens combattants de la guerre d’Algérie, le ministre délégué aux anciens combattants a décidé de conduire une étude sur l’éventuelle attribution de la « campagne double » aux fonctionnaires et agents publics ayant participé à ce conflit. Cette étude a été confiée à M. Christian Gal.

M. Alain Néri – Il a fait son travail, lui !

M. le Rapporteur spécial – Ses travaux ont permis d’actualiser les données disponibles sur la question. Avant d’en communiquer les conclusions, le Gouvernement a saisi pour avis le Conseil d’État. La saisine, longtemps différée, venant d’aboutir, j’invite le ministre délégué à informer la représentation nationale dès que l’ensemble des éléments sera en sa possession.

M. Alain Néri – Ce serait la moindre des choses !

M. le Rapporteur spécial – J’en arrive aux principales actions de ces trois programmes. D’abord, 2,72 milliards sont consacrés à la rente viagère. Les crédits destinés à la retraite du combattant augmentent donc de 18 %, pour les raisons évoquées plus haut. Avant de décroître, le nombre de bénéficiaires devrait atteindre un record et dépasser un million et demi. Les crédits affectés à la majoration des rentes mutualistes augmenteront de 3,4 millions, pour se porter 217,4 millions. Quant à l’ONAC et à l’institution des invalides, le soutien de l’État s’élèvera à 45,5 millions au titre des charges de service public.

J’ajoute que la pérennité de ces deux institutions est dorénavant assurée, la modernisation de ces deux opérateurs touchant à son terme. Les écoles de conversion de l’ONAC offrent ainsi des formations d’avenir, pour un montant de 1,2 million en 2006, avec l’objectif de former 1 000 personnes par an.

Dotés de 150 millions d’euros, les crédits destinés à l'indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie durant la seconde guerre mondiale sont en baisse notable, car la quasi-totalité des orphelins a déjà fait valoir ses droits et une majorité d'entre eux a opté pour le versement d’un capital au lieu d’une rente annuelle. Le nombre de dossiers instruits pour l'indemnisation des victimes de spoliations augmente en revanche de 30 %, pour une indemnisation moyenne de 22 000 euros.

À ce jour, plus de 17 000 demandes déposées par des orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites ont été traitées ainsi que 18 000 émanant d’orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la seconde guerre mondiale.

J’en viens à la journée d'appel et de préparation à la défense. Ses crédits sont en légère baisse – seulement 169 millions d'euros en 2007 – mais c’est le fruit des efforts de rationalisation et d'automatisation déjà engagés : la direction du service national a reçu pour mission de sensibiliser chaque classe d'âge à l'esprit de défense grâce à une JAPD de qualité, mais au coût maîtrisé.

Toutes ces mesures s’accompagnent d’une ambitieuse politique de la mémoire, dotée de 5,7 millions. Si les crédits de cette action sont en baisse, c’est notamment à cause de l’imputation – que je regrette – des dépenses de personnel au sein du programme 212, « soutien à la politique de défense ».

Conformément aux recommandations de la Cour des comptes et du Parlement, le pilotage de la mission a été modifié grâce à l’introduction de bonnes pratiques de gestion publique. Le nombre d'objectifs et d'indicateurs a été réduit et ceux-ci ont été recentrés sur la performance. En application de l’article 51-5 de la LOLF, la commission des finances souhaite néanmoins qu’il soit porté remède à l’absence totale d’indicateurs dans le programme « indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale », notamment sur le délai de traitement des dossiers.

Cette législature aura été placée sous le signe d’une politique ambitieuse, destinée à répondre aux aspirations des anciens combattants (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Soyez-en remercié, Monsieur le ministre.

Nous avons notamment mis fin à des situations inéquitables, parfois vieilles de plusieurs dizaines d'années, et nous avons ouvert des droits nouveaux (Mêmes mouvements).

M. Christian Vanneste – Il y a des vérités qui fâchent !

M. le Rapporteur spécial – Si de nombreux dossiers ont été réglés, d'autres restent en suspens, mais nous parviendrons à des solutions dans l’esprit de responsabilité et de partenariat avec les associations qui est le nôtre. Les consultations menées ont permis d’engager de nouvelles actions tout en modernisant et en pérennisant les institutions du monde combattant.

C'est pourquoi je vous invite à adopter, comme l’a fait la commission des finances, les crédits de la mission « anciens combattants, mémoire et liens avec la nation ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Marc Bernier, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles – C’est pour moi une fierté et un honneur de présenter cet avis. Si ce budget n’est pas le plus important en volume, il revêt en effet à mes yeux une valeur essentielle, puisqu'il nous permet de nous acquitter d'une dette éternelle : celle que nous avons à l'égard de tous ceux qui ont risqué leur vie pour défendre la patrie en danger, et qui restent les témoins de notre histoire. Mais nous avons également une dette à l’égard de tous leurs camarades morts au champ d’honneur et qui reposent dans nos nécropoles nationales, dans de modestes cimetières communaux, ou le long des routes qui sillonnaient l’ancienne Union française.

De cette Union française, autrefois gloire de notre pays, il reste de nombreux soldats, surnommés « indigènes » par les civils. Leurs frères d’armes métropolitains les appelaient plus respectueusement « tirailleurs », « spahis », « goumiers » ou « turcos » ; ils faisaient la fierté d'une armée qui n'a jamais renié la vaillance et le courage de ses soldats.

M. Maxime Gremetz – Elle les payait moins pourtant !

M. Marc Bernier, rapporteur pour avis – Nous pouvons donc nous réjouir de l'amendement gouvernemental qui harmonise enfin le montant de la retraite du combattant et des pensions militaires d'invalidité, afin de le rendre égal pour tous les soldats de l'ancien Empire français. Il faudra 110 millions pour financer cette mesure phare du budget, qui répond à une suggestion faite par le Président de la République le 14 juillet dernier.

Le devoir de réparation se traduit également par une augmentation de deux points de la retraite du combattant, dont le niveau sera porté à 37 points PMI à compter du 1er janvier 2007. Cette mesure est insuffisante selon le monde combattant, mais elle sera complétée par une augmentation de 500 000 euros des crédits sociaux de l'ONAC, afin de venir en aide aux plus démunis des anciens combattants, des pupilles de la nation ou des conjoints survivants.

La situation financière de cette dernière catégorie nous préoccupant tous, plusieurs amendements ont été déposés pour créer une allocation différentielle, dont l’objet est d'apporter une aide aux veuves ou conjoints survivants vivant en dessous du seuil de pauvreté ou disposant de bas revenus. Je précise que les crédits sociaux de l’ONAC suffiraient à financer cette mesure nouvelle, sur laquelle votre arbitrage est très attendu.

L'ONAC fête aujourd’hui son 90e anniversaire, et son contrat d'objectifs et de moyens s'achève. Une vingtaine d’auditions et trois déplacements sur le terrain m’ont permis de découvrir le travail réalisé par tous ceux qui oeuvrent au service du monde combattant et du reste de la société, parfois dans le silence, mais toujours par une action de proximité bienveillante.

L'ONAC a su apporter la preuve qu'il pouvait s'adapter aux évolutions du monde contemporain et se moderniser. Spécificité bien française, disposant du statut d'établissement public administratif à caractère national, l'ONAC est devenue la « maison du combattant ». Plus qu'une administration, elle est reconnue comme une véritable institution et ce statut particulier se traduit par une gestion paritaire des conseils d'administration. L'ONAC dispose d'un budget propre, qui s'élevait en 2005 à 110,8 millions exclusivement consacrés à l'exercice de ses missions – reconnaissance, réparation, solidarité, mémoire.

La mission « solidarité » se caractérise par une grande diversité des types d'interventions, qui ne sont pas exclusivement financières, et par la multiplicité des publics concernés : en 2005, plus de 60 000 dossiers ont été instruits dans les différents départements et 58 804 entretiens individuels conduits.

Afin de s’acquitter de sa mission de mémoire, grandement développée à partir des années 1980, l'ONAC coopère avec d'autres acteurs, tels que le Haut conseil à la mémoire combattante, dont l'ONAC assure le secrétariat, ou encore la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère de la défense. Comme je l’ai constaté à Rennes ou près de Laon, sur le « Chemin des Dames », l'action de terrain des délégués à la mémoire combattante est également très dynamique. Il faut toutefois regretter que les directions départementales ne disposent pas des moyens d’assurer l'entretien et la rénovation des lieux de mémoire, et doivent recourir sans cesse à des expédients.

Il n’en reste pas moins que l'ONAC semble paré pour les défis du XXIe siècle. En matière de solidarité tout d’abord : sur la base des conclusions d’un groupe de travail, la question de la situation des conjoints survivants les plus démunis semble avoir trouvé une réponse. Comme j’ai pu le constater à l'école Jean Janvier de Rennes, les écoles de reconversion professionnelle de l’ONAC mènent en outre une action considérable en faveur des personnes handicapées et participent pleinement à la « bataille pour l’emploi ».

Autre exemple d’adaptation : la transformation des neuf maisons de retraite de l'ONAC, notamment à Boulogne-Billancourt. Grâce à des conventions tripartites entre les établissements, les conseils généraux et les directions départementales des affaires sanitaires et sociales, ces maisons ont su s’adapter aux évolutions législatives en matière médicosociale, et la politique de labellisation des établissements va dans le sens d'une amélioration accrue de la réponse aux nouveaux besoins résultant de l'évolution démographique.

La politique de mémoire se transforme, elle aussi, au gré des mutations du temps présent – je pense en particulier à deux concepts novateurs : le « tourisme de mémoire » et la « mémoire partagée ».

Alors que la pérennité de l’ONAC ne semblait pas assurée en 2002, un premier bilan du contrat d'objectifs et de moyens 2003-2005 a montré que l’office avait su se moderniser et améliorer ses sources de financement. Au terme d’une première réorientation des missions de reconnaissance et de réparation vers la politique de mémoire, on peut se demander si les missions de l’ONAC ne pourraient pas se limiter à l’avenir à la mémoire et la solidarité, voire à la seule mémoire.

Encore faudra-t-il répondre à un certain nombre de questions en suspens. Comment l'ONAC peut-il affronter seul ce défi, sans un partenariat avec l'éducation nationale ? Quels moyens budgétaires accompagneront cette évolution ? Quelles que soient les réponses, la mémoire n'en restera pas moins un héritage commun que nous devrons conserver, faire vivre, mais surtout entretenir pour que le sacrifice des générations successives du feu ne tombe pas dans l'oubli.

Or, j'ai le regret de constater que la mémoire reste le parent pauvre de ce budget, qui honore à juste titre les survivants, mais semble ignorer les morts. Si nous sommes unanimes à vouloir augmenter la rente mutualiste ou la retraite du combattant, aucun d'entre nous n'a proposé d'amendements visant à augmenter les crédits nécessaires à l'entretien et à la restauration des sépultures de soldats, parfois laissées à l'abandon – voyez les cimetières français de Diego Suarez et de Bir-Hakeim, mais aussi le monument Pershing-Lafayette de Versailles.

Les 1 400 000 combattants morts entre 1914 et 1918, les 535 000 victimes françaises de la seconde guerre mondiale, les soldats tués en Indochine, en AFN ou dans le cadre des OPEX, j'ai l'impression que nous les avons oubliés.

Je sais que ce genre d'argument pèse peu en termes électoraux (Exclamations sur divers bancs)

M. François Rochebloine – Ne parlez pas en termes électoraux !

M. Jacques Desallangre – Il y songe beaucoup.

M. Marc Bernier, rapporteur pour avis – Pourtant, il est de notre devoir d'élus de nous fixer pour les prochaines années de véritables objectifs…

M. Alain Néri – Vous ne serez plus là pour les appliquer !

M. Marc Bernier, rapporteur pour avis – Sinon, l'œuvre des associations sera restée vaine, l'avenir de l'ONAC remis en question et notre identité effacée, puisque comme l’écrivait Lamartine, « c 'est la cendre des morts qui créa la Patrie ».

Si l'État ne dispose pas de crédits suffisants pour entretenir les tombes de ses soldats morts au champ d'honneur, encourageons la générosité publique, comme savent le faire les Britanniques avec l’œuvre du Coquelicot, dont les recettes assurent l'entretien de l'ensemble des cimetières du Commonwealth. C'est la raison pour laquelle, avec certains collègues, j'ai souhaité soutenir la noble action du Bleuet de France. Il faut réfléchir à l’avenir de cette action déclarée cette année grande cause d'utilité publique.

Enfin, la nation doit avoir la même reconnaissance pour les combattants de toutes les générations du feu. Le prix du sang est le même, quel que soit le conflit. Dès lors, ayant pris des mesures sur l’attribution de la carte du combattant aux Anciens combattants d'Algérie, peut-on la refuser à des soldats ayant servi entre mai et juillet 1940 dans des unités déclarées combattantes et s'étant battus entre Sedan et Bordeaux, au seul motif qu'ils ne justifient pas de 120 jours de combat en raison de l'armistice demandé par Pétain ? Peut-on refuser de l’attribuer dans les mêmes conditions aux unités engagées depuis 25 ans en Afrique, en ex-Yougoslavie ou en Afghanistan ?

De telles mesures ne figurent pas au budget. Je ne le reproche pas au Gouvernement, car ce budget a le mérite de gommer enfin les inégalités qui existaient entre anciens combattants, il réévalue la retraite du combattant et assure une nouvelle augmentation des crédits sociaux de l'ONAC. Toutes les réformes, aussi importantes et aussi justes soient-elles, ne peuvent se faire en une seule fois. (Murmures sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Alain Néri – C’est vrai, mais en quatre ans, vous avez fait du sur-place !

M. Marc Bernier, rapporteur pour avis – Je voterai donc ce budget, en espérant que nous-mêmes ou nos successeurs auront à cœur de réparer l’injustice qui demeure entre les générations du feu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Claude Viollet, rapporteur pour avis de la commission de la défense  Après la suspension du service national en 1997, on peut s’inquiéter quant au maintien, dans le long terme, d'un lien étroit entre l'armée de la République et la nation, même si les Français ont une très bonne opinion de leur armée. De ce point de vue, c’est donc un progrès que la création, d'un programme Liens entre la nation et son armée, décrivant les quatre principales politiques menées dans ce domaine par le ministère de la défense : journée d'appel et de préparation à la défense, politique de mémoire, promotion et valorisation du patrimoine culturel et communication.

Les crédits restent très modestes, mais ne doivent pas être négligés pour autant. Pour la rénovation des locaux de stockage des archives par exemple, ils semblent trop limités, car celle-ci est souvent urgente sous peine de dommages irréversibles.

En 2007, les crédits du programme 167 baissent de 6,6 % en autorisations d'engagement et de 3 % en crédits de paiement. La prudence s’impose néanmoins, en raison des transferts intervenus depuis loi de finances pour 2006. Et le périmètre retenu n’est pas toujours pertinent car il prive d’une vision exhaustive de l'ensemble des moyens mis au service de certaines politiques, comme les musées ou la communication.

S'agissant de l'action communication, l'établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense a mené un important travail pour la sauvegarde des films et photographies. L'établissement cherche à enrichir son fonds exceptionnel en faisant appel aux donateurs. Mais les documents photographiques anciens atteignant un cours élevé sur le marché de l'art, il ne serait pas inutile de réfléchir à une dotation permettant certaines acquisitions. Par ailleurs, il faut consentir un effort pour doter le pôle archives des moyens humains nécessaires.

En ce qui concerne la Délégation à l'information et à la communication de la défense, on ne peut se contenter comme actuellement d’un indicateur de performance purement financier. Il faut poursuivre la réflexion pour en créer de nouveaux.

S'agissant du patrimoine et de la mémoire, je signale simplement que le service historique des armées manque d’infrastructures pour faire face à l'engorgement et pour assurer des conditions de conservation conformes aux normes. Trois grands projets sont envisagés d'ici à 2010 pour plus de 20 millions. Quel est le degré de priorité accordé à ce programme ? On pourrait également réfléchir à une réduction du nombre des implantations du SHD, certaines d'entre elles n'accueillant plus de dépôts nouveaux.

La JAPD est de loin la plus importante des quatre actions du programme, la plus connue, et parfois la plus critiquée. En une journée, on ne peut mener qu’un travail de sensibilisation. Néanmoins, il s'agit d'une occasion exceptionnelle pour l’armée de se faire mieux connaître. Elle doit donc être très attentive au message qu'elle adresse aux jeunes à cette occasion. Il faut également rendre cette journée plus attractive même si, semble-t-il, l’accueil est bon chez les jeunes. Enfin, pour réduire le coût, on peut réfléchir à une autre solution que la sous-traitance pratiquée actuellement pour le module secourisme.

La JAPD a également une fonction sociale, notamment pour détecter l'illettrisme et les difficultés des jeunes. Désormais, on cherche à repérer les jeunes susceptibles d'être volontaires pour l'insertion dans le cadre du dispositif « défense - deuxième chance ». Néanmoins, l'établissement public d'insertion de la défense recourt plus au réseau des missions locales, des PAIO et des maisons de l'emploi qu’a la JAPD pour recruter. Étant donné la montée en charge rapide du dispositif « défense - deuxième chance », la pérennité de l'EPIDe exige qu’on lui accorde les ressources adaptées à des objectifs très ambitieux ainsi qu'une véritable dimension interministérielle.

S’agissant de l’ensemble du programme « liens entre la nation et son armée », il conviendra de mener d’abord une réflexion pour évaluer la « qualité » de la dépense, dans la mesure où les indicateurs de performance utilisés restent strictement comptables. Il faut réfléchir de même à la cohérence des politiques menées, en raison de la trop grande dispersion des moyens entre les différents programmes, missions et actions.

En présentant mon rapport, je m'en suis remis à la sagesse de la commission. Elle a émis un avis favorable au programme « liens entre la nation et son armée » ainsi qu'à l'adoption des crédits de la mission « anciens combattants, mémoire et lien avec la nation » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Nous en arrivons à la discussion générale.

M. Alain Néri – Ce dernier budget de la législature repose, comme les précédents, sur des tours de passe-passe. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Vous annoncez sans rire que la dotation augmente. Mais elle était de 3 613,6 millions en 2006 et elle n’est plus que de 3 484 millions, soit une diminution de 3,58 % et en tenant compte de l’inflation, de 5,4 %. Il n’y a donc pas lieu de se réjouir. Il y a bien, il est vrai, la mesure de décristallisation annoncée, dont nous nous réjouissons tous. Mais elle aurait pu être prise dès votre arrivée en 2002 (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). En effet, la commission mise en place par la majorité précédente et présidée par M. Le Pors, avait remis ses conclusions en février 2002. Vous aviez donc tous les éléments pour agir dès juin. Mais il a fallu attendre cinq ans, et le film Indigènes pour que Bernadette dise à Jacques : « Il faut faire quelque chose ».

M. Patrick Roy – Vive le cinéma !

M. Alain Néri – Faudra-t-il remplir la cinémathèque pour obtenir des résultats ?

De plus, vous nous avez encore dit des « menteries ». Au congrès de la FNACA à Lyon en juillet, vous nous aviez dit prévoir la décristallisation. Alors comment se fait-il que les 110 millions correspondants ne figurent pas au budget ? Et nous attendons toujours l’amendement du Gouvernement à ce sujet.

Mme Martine David – C’est bien une menterie.

M. Alain Néri – Vous nous mentez constamment.

M. le Rapporteur spécial – Mais ce n’est pas sur ce budget !

M. Alain Néri – Autre sujet qui fâche, la retraite du combattant. L’an dernier, vous avez dit qu’elle augmentait de deux points, mais au budget vous n’avez inscrit que 18 millions, ce qui correspond à un point : la mesure s’appliquait en effet à partir de juillet. Cette année, vous faites deux points d’un coup. Quel effort ! Le point étant à 13,98 euros, vous donnez donc à chaque ancien combattant 2,19 euros par mois, soit de quoi acheter deux baguettes – et il restera 19 centimes pour la noisette de beurre !

Sur la législature, vous vous étiez engagé à augmenter de quinze points la retraite du combattant. Vous n’en avez fait que quatre, soit 0,80 point, ou 10,55 euros par an. C’est une aumône ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Et même une insulte envers le monde combattant !

L’an dernier, nous avions voté un amendement sur l’allocation différentielle pour les veuves. Vous nous l’avez fait retirer en disant que vous alliez créer une commission. Sans doute pensez-vous comme Clemenceau que lorsque l’on veut enterrer un problème, on crée une commission ! Aujourd’hui, vous nous dites que vous allez confier la décision à l’ONAC, ce qui est un peu cavalier envers la représentation nationale, et reporte à plus tard la solution. Si vous acceptiez notre amendement, qui affecte 20 millions à cette allocation différentielle, on pourrait immédiatement agir en faveur des 94 000 veuves qui attendent !

Si vous manquez d’argent, je vous propose une solution. Rappelez-vous, nous avions créé pour les anciens combattants d’Algérie chômeurs, comptant quarante annuités de cotisations et ayant moins de soixante ans, une allocation différentielle qui leur permettait de percevoir 5 700 francs par mois. Les anciens combattants d’Algérie ayant tous atteint l’âge de la retraite, cet argent ne sert plus. Prenez-le donc pour aider les veuves, Monsieur le ministre !

Autre sujet qui fâche : la campagne double. Vous aviez été fâché, Monsieur le ministre, lorsque j’avais dit que vous aviez fait à ce sujet un mensonge d’État. (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Georges Colombier – Il ne faut pas exagérer.

M. Alain Néri – Mais je le maintiens ! Vous aviez en effet assuré que vous transmettriez au Conseil d’État, dès que vous l’auriez, le rapport que devait vous remettre sur ce sujet la commission créée à cet effet. Nous vous avions cru, mais ne voyant toujours rien venir, nous avions interrogé le Conseil d’État, et là, stupéfaction ! Nous apprenons que le Conseil d’État n’a rien reçu !

M. Patrick Roy – Incroyable !

M. Alain Néri – Là, vous y êtes allé un peu fort, Monsieur le ministre ! Vous auriez dû avoir le courage de dire la vérité.

L’Algérie, c’était la guerre. Nous, socialistes, l’avons fait reconnaître dans la loi de 1999, adoptée à l’unanimité. Il faut en tirer les conclusions et donner aux anciens combattants d’Algérie les mêmes droits qu’aux combattants des autres conflits, en particulier sur la campagne double ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Autre sujet délicat : le plafond de la retraite mutualiste. Nous, nous l’avions augmenté de 5 points par an, soit 25 points en une législature. Quand vous êtes arrivé aux responsabilités, Monsieur le ministre, vous avez annoncé que l’on allait voir ce qu’on allait voir ! Et vous avez octroyé 7,5 points d’un coup. Nous nous sommes dit : il est fort ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste) Mais après, vous vous êtes totalement arrêté! Et cette année, vous n’accordez qu’une hausse homéopathique de 2,5 points. L’engagement d’arriver à 130 points ne sera donc pas tenu. « Paroles, paroles », comme disait Dalida…

Le rapporteur nous a dit que nous ne devions pas nous inquiéter pour la pérennité de l’ONAC. J’en suis heureux, mais alors, pourquoi la majorité a-t-elle régulièrement refusé nos amendements tendant à ce que cette pérennité soit assurée au-delà des contrats d’objectifs et de missions ?

S’agissant des orphelins de guerre, des progrès ont été faits, mais il faut aller au bout, et en particulier traiter de la même façon tous les orphelins victimes de la barbarie nazie. Ceux dont les parents sont tombés, les armes à la main, dans les combats de la Résistance ne doivent pas être exclus.

Jusqu’à notre texte de 1999, la guerre d’Algérie a été une guerre sans nom. Il ne faudrait pas maintenant qu’elle soit une guerre sans date ! Pour le recueillement, le souvenir, la mémoire, une seule date, historique et symbolique, s’impose : le 19 mars. Nous ne pouvons pas accepter plus longtemps la mascarade du 5 décembre, qui ne correspond à rien d’autre qu’à un trou dans l’agenda du Président de la République, qui se trouvait libre ce jour-là ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Les anciens d’Algérie ont aussi contribué à sauver la République en s’opposant au putsch des généraux félons d’Alger. Je souhaite que tous ceux qui sont tombés en Algérie soient déclarés « morts pour la France », à condition qu’ils soient tombés dans le respect des institutions de la République.

En conclusion, le groupe socialiste votera contre ce budget, qui est indéfendable. Finalement, Monsieur le ministre, le principal reproche que je vous adresse n’est pas de n’avoir pas fait grand-chose, même si je vous avais dit l’an dernier que vous étiez d’une inefficacité jamais égalée (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Non, ce que je vous reproche le plus aujourd’hui, c’est de n’avoir pas dit la vérité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Rochebloine – Nous examinons ce matin les crédits de la mission « anciens combattants, mémoire et liens avec la nation ». Au-delà de cette importante discussion budgétaire, l'heure est au bilan. Nous arrivons en effet au terme de la législature, et nous sommes donc en mesure d'évaluer les avancées enregistrées durant cinq années, en les comparant aux engagements pris et aux attentes des anciens combattants.

Si mes propos sont parfois sévères, je reconnais aussi que les contraintes sont nombreuses, les marges étroites, les arbitrages souvent défavorables. Cependant, je persiste à penser que là où il y a une volonté, il y a un chemin. Et n'oublions jamais que la nation a une dette envers les anciens combattants. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UDF)

Ce ne sont pas les effets d'annonce et la médiatisation à outrance d'une politique spectacle qui doivent nous faire changer d'opinion. Sur le dossier de la décristallisation, que nous suivons tous depuis de nombreuses années, que constatons-nous ? Qu’il a fallu la sortie d'un film – par ailleurs remarquable – pour rendre enfin possible ce que l'on nous avait dit impossible ! Vous m'accorderez qu'il y a là de quoi méditer sur l'état de notre démocratie parlementaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe socialiste)

Certes, pendant la précédente législature, sous la pression conjointe des associations du monde combattant et des parlementaires et, après l'arrêt Diop du Conseil d'État, le Gouvernement avait enfin accepté la création d'une commission chargée d'étudier la décristallisation. Le processus était engagé, vous l'avez poursuivi, Monsieur le ministre, mais timidement. Sur ce point, l'histoire retiendra l'existence d'un consensus et d'une réelle continuité de l'action gouvernementale, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir. Nombre d'organisations du monde combattant avaient défendu dès le début le principe de l'égalité des droits, montrant ainsi qu'elles n'étaient pas enfermées dans des revendications à caractère catégoriel. Aujourd'hui, les choses s'accélèrent avec le film Indigènes, qui est un bel hommage aux tirailleurs africains de la seconde guerre mondiale. Je m’en réjouis, car il s'agissait, pour la France, d'une question d'honneur : 110 millions de crédits non prévus initialement viendront compléter, par voie d’amendement, le présent budget, lequel devrait donc ne baisser que de 0,54 % au lieu de 3,58 %. Mais cette nouvelle baisse vient s'ajouter aux 8,51 % résultant des quatre exercices précédents.

En clair, la décristallisation ne doit pas occulter les insuffisances du budget 2007, non plus que celles des exercices passés, dénoncées de manière unanime par les associations du monde combattant. Si le budget diminue cette année encore, je précise qu’il n'a jamais été dans nos intentions de demander l'augmentation des crédits de la mission dont vous avez la responsabilité. Monsieur le ministre : nous demandons simplement son maintien, de manière à régler, une fois pour toutes, les principaux points de contentieux.

Il est du devoir de la nation de prendre en considération les divers problèmes en suspens, en préférant la réparation à l’assistanat. Les quelques mesures nouvelles programmées vont dans le bon sens, mais elles sont nettement insuffisantes. S’agissant du relèvement de la retraite du combattant, l'objectif des quinze points que vous vous étiez fixé en début de législature ne sera pas atteint. Certes, après les deux points accordés au 1er juillet 2006, vous proposez deux nouveaux points à compter du 1er janvier prochain. Considérant que cette avancée n’est pas suffisante, j’ai déposé un amendement – modeste – en faveur de deux points supplémentaires, ce qui ferait six points de gagnés pour la législature.

Pour ce qui concerne le plafond majorable de la rente mutualiste, les 130 points auraient dû être atteints en 2007, alors qu’on en reste à 122,5 points. Aussi, j'espère que vous accepterez l'amendement de 2,5 points supplémentaires que j'ai déposé, comme l'a d'ailleurs fait notre collègue Colombier, dont l'amendement a été accepté en commission. Ce serait un acte positif pour le monde combattant.

Le troisième point concerne plus particulièrement l'aide en faveur des conjoints survivants les plus démunis, avec l'attribution d'une allocation différentielle de solidarité. Un groupe de travail a été constitué : je me dois de le saluer, en soulignant la contribution du monde combattant, et, en particulier, celle de mon ami ligérien Michel Huet, déjà auteur d'une réflexion pertinente sur le coût de la retraite anticipée en fonction du temps passé en Algérie. Je regrette que vous n’ayez pas jugé utile d’inscrire une mesure de financement dans votre budget. J'ose espérer que vous prendrez en considération les amendements tendant à inscrire 5 millions pour la première année.

M. Alain Néri – Allez, un petit effort ! C’est 20 millions qu’il faudrait prévoir.

M. François Rochebloine – Enfin, je regrette la polémique qui s'est développée au cours de l'année 2006 autour de la campagne double pour les anciens combattants en AFN. Comment ne pas considérer, comme on le dit dans le jargon sportif, que le Gouvernement « joue la montre » ? Et quel triste parcours que celui du fameux rapport Gal de 2004 ! Alors que M. Gal avait rendu ses conclusions, le Gouvernement a tardé à consulter le Conseil d'État suite à un obscur problème d'embouteillage à la porte du secrétariat général du Gouvernement… (Murmures sur divers bancs)

M. Alain Néri – C’est un gag !

M. François Rochebloine – …de sorte qu'aujourd'hui, nous ne savons toujours pas ce que contient le rapport. Est-il si difficile, de nos jours, de chiffrer une mesure et d'en informer les intéressés ? Nous voulons bien admettre que le retard ne résulte pas de votre fait…

Mme Martine David – De qui, alors ?

M. François Rochebloine – …mais, sur le fond, nous savons bien, Monsieur le ministre, que vous avez toujours été réservé par rapport à cette demande. N'avez-vous pas écrit, encore récemment, qu'il y avait, au mieux, « à conduire une démarche de clarification relative à une attribution éventuelle » de la campagne double aux intéressés ? Difficile de faire plus vague, vous en conviendrez ! Aussi demandons-nous plus que jamais la mise en place d'une commission tripartite, les chiffres les plus fantaisistes circulant sur ce dossier. C'est une question d'équité entre les générations du feu.

Par ailleurs, on ne peut que regretter que les dispositifs d'indemnisation des victimes de persécutions et de la barbarie nazie pendant la seconde guerre mondiale laissent subsister des situations inéquitables et créent un sentiment d'injustice entre certaines catégories de pupilles de la nation et d'orphelins de guerre.

M. Jean-Christophe Lagarde – Très bien.

M. François Rochebloine – J’en viens à la demande des anciens militaires français ayant participé aux missions et aux opérations extérieures que leur soit reconnue la qualité de combattant. Monsieur le ministre, vous aviez indiqué qu'une étude était lancée. Où en sommes-nous aujourd'hui ? Au moment où notre pays est présent sur de nombreux théâtres d'opérations, nous aimerions connaître les intentions du Gouvernement sur cette importante question.

S'agissant des cérémonies commémoratives du 19 mars, vous avez semblé jouer l'apaisement lors du dernier congrès national de la FNACA. Je ne peux que m'en féliciter. Encore faut-il que les consignes gouvernementales à l'adresse des préfets soient claires et ne laissent pas de liberté d'interprétation ; il est bon, en effet, que les autorités civiles et militaires puissent participer aux cérémonies du 19 mars sur l'ensemble du territoire national. Une telle directive constituerait un geste d'ouverture et d'apaisement.

Mme Martine David – Ce serait un geste responsable.

M. François Rochebloine – N'oublions pas qu'une très forte majorité de Français retient aujourd'hui la date du 19 mars, qui tend à s'imposer dans la conscience nationale comme la seule date historique. Des milliers de communes ont déjà des lieux publics qui lui sont dédiés et des milliers de conseils municipaux ont reconnu cette date par l'adoption de vœux.

Disant cela, je ne porte pas de jugement sur les événements et ne souhaite pas participer à des polémiques indignes au regard des 30 000 soldats tués et des 300 000 soldats blessés lors des combats en Algérie, au Maroc et en Tunisie. Ne confondons pas commémoration et célébration. Il ne s'agit pas de consacrer la victoire des uns ou la défaite des autres. Le 19 mars 1962, c'est la proclamation, en Algérie, d'un cessez-le-feu, fruit des accords d'Évian – lesquels furent approuvés à 90,71 % par le peuple français, lors du référendum du 8 avril 1962 proposé par le général de Gaulle.

Je crois qu'une cérémonie commémorative doit d'abord servir la paix, comme c'est le cas chaque année, par des rassemblements dignes et recueillis devant les monuments aux morts ou les plaques commémoratives de nos villes et villages de France. Au-delà des anciens combattants d'Algérie, j’ai une pensée particulière pour les appelés du contingent : la date du 19 mars appartient à notre peuple, à notre histoire et à tous ceux qui sont épris de paix. Nous avons un devoir de mémoire à remplir ; il doit s'accomplir dans le respect des convictions et des choix individuels de nos concitoyens.

Monsieur le ministre, la position du groupe UDF se veut constructive et parfaitement claire. Il ne s'agit pas de s'enfermer dans une attitude de critique systématique ou de se contenter d'approuver aujourd’hui ce que nous dénoncions hier. Nous jugeons aux actes.

M. Maxime Gremetz – Bravo !

M. François Rochebloine – En conséquence, si nos deux amendements – relatifs à la revalorisation de 2,5 points de la rente mutualiste et à une première inscription de 5 millions pour l'allocation différentielle destinée aux veuves les plus démunies – sont adoptés, notre groupe s'abstiendra, ce qui montre son ouverture. Dans le cas contraire, nous serons dans l'obligation de voter contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Jacques Desallangre – Monsieur le ministre, votre difficile parcours va enfin prendre fin, puisque vous défendez aujourd’hui le dernier budget de la législature. C’est donc sans doute la dernière fois que vous aurez à défendre l’indéfendable. En un peu moins de cinq ans, vous pourrez vous vanter d’avoir réussi à entamer le droit à reconnaissance des anciens combattants, en dépit de la mobilisation des associations sur laquelle vous auriez pu vous appuyer. Et si vous avez fait preuve de constance, cela n’aura été que dans vos prêches tendant à affirmer que tout allait bien, que les moyens progressaient et que les anciens combattants devaient se satisfaire de leur sort. Constance aussi, dans les promesses non tenues et la fonte de vos crédits, que les divers artifices budgétaires dont vous avez usé ne peuvent masquer. Les anciens combattants sont une nouvelle fois sacrifiés au nom de l’intérêt supérieur des petits calculs budgétaires ! Et même si des mesures de dernière heure sont aujourd’hui proposées pour tenter de sauver la face une dernière fois, elles n’atténueront pas la sévérité de notre jugement sur votre action. Et encore faudrait-il que vous précisiez l’origine des fonds. Au reste, cette sévérité sur le bilan, toutes les associations d’anciens combattants la partagent avec nous.

Dressons d’abord le bilan financier de la législature. Votre budget a régressé de 6 % dès votre arrivée, puisque vous l’avez amputé de plus de 200 millions. Et si l’arrêt Diop vous a obligé à abonder les crédits de 60 millions, vous n'avez opéré qu'une décristallisation partielle, décevante et discriminatoire. L'année suivante, vous avez poursuivi sur la même pente, avec 3 % de régression, soit encore 100 millions économisés sur le dos des anciens combattants. En 2004, vous avez semblé stopper l'hémorragie, grâce à des mécanismes comptables reportant sur l'exercice suivant des mesures déjà votées en 2003. Mais cette stabilisation fut de courte durée, puisque dès 2005, vous présentiez un budget à nouveau en baisse de 1,5 %, soit 53 millions. Nous voilà maintenant en 2006 avec une nouvelle dégradation de près de 4 %, et une nouvelle ponction de 130 millions. On ne peut pas dire que votre dernière année soit la meilleure !

Vos résultats, sur l'ensemble de la législature, sont accablants : à périmètre constant, vous avez fait reculer de 14 % le budget dont vous aviez la charge. Les anciens combattants ont vu près de 480 millions d'euros s'évaporer.

Venons-en à votre bilan moral, en examinant la manière dont vous avez respecté les engagements pris solennellement, devant la représentation nationale ou les associations d'anciens combattants. Vous vous étiez engagé à « sanctuariser » votre budget. Nous venons de voir que vous avez échoué. Première promesse non tenue.

Puis vous vous étiez solennellement engagé à poursuivre le relèvement, entrepris sous la précédente législature, du plafond majorable de la rente mutualiste. La gauche avait en effet institué la coutume de le revaloriser de cinq points l’an, pour atteindre 130 points en janvier 2006. La première année, vous avez fait de l’esbroufe en accordant une revalorisation de sept points et demi ; depuis, plus rien ! Et ce au prétexte que seuls les nantis profiteraient de cette mesure ! Les anciens combattants sont représentatifs de la population française, Monsieur le ministre : ils sont, hélas, plus souvent pauvres que riches. Je proposerai par amendement de réparer ces errements en portant la rente à 130 points dès le 1er janvier prochain.

Vous vous étiez engagé à porter la retraite du combattant à 48 points avant la fin de la législature – encore une promesse non tenue. Vous proposez de la faire passer de 461 à 488 euros : les anciens combattants, pourtant, ne demandent pas l’aumône, mais le respect de la parole donnée. Leur pouvoir d’achat, qui a baissé de 25 %, doit être revalorisé : je proposerai par amendement de faire passer cette retraite à 48 points dès cette année.

De même, vous deviez apaiser les passions qu’a suscitée la création d’une journée nationale du souvenir, mais, malgré le vote majoritaire de l’Assemblée pour le 19 mars, vous n’avez fait que les raviver en choisissant une date dépourvue de tout sens historique, le 5 décembre.

Je fus l’un des premiers à exiger une décristallisation totale, pour que soit respecté le principe d’égalité. Dans un premier temps, la décristallisation partielle a certes minimisé les coûts, mais au prix de l’honneur de la France. Il a suffi qu’un couple monarco-républicain verse une larme sur un film pour que l’on se décide à agir (Protestations sur les bancs du groupe UMP) ! Vivement un film sur le sort des veuves d’anciens combattants ! Cette procédure de type monarchique est affligeante.

M. Alain Néri – Très bien !

M. Jacques Desallangre – Votre bilan ne l’est pas moins, malgré les mesures de dernière minute que vous improvisez par peur de la sanction électorale. L’attente des associations est grande face aux lacunes de votre politique, que le prochain gouvernement devra combler par une action volontariste. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Georges Colombier – Cette année encore, je poursuis sans relâche mon action en faveur des quatre millions d’anciens combattants.

M. Marc Le Fur – C’est vrai !

M. Georges Colombier – Dans l’adversité, certains se demandaient ce que la France pouvait faire pour eux. D’autres au contraire se demandaient ce qu’ils pouvaient faire pour la France : souvenons-nous de leur dévouement et de leur courageux sacrifice.

Les crédits consacrés aux anciens combattants s’élèvent en 2007 à près de 3,5 milliards. Chaque année, je regrette l’absence de reports de crédits passés, mais je note que, compte tenu de l’évolution démographique, la dotation moyenne par pensionné progresse cette année de 2,25 %.

Dans la continuité des efforts engagés par le ministre depuis cinq ans, ce budget comporte plusieurs mesures positives. Ainsi, la carte du combattant AFN, ouvrira le bénéfice de la retraite du combattant à 65 ans à tous ceux qui ont combattu plus de quatre mois en Afrique du Nord avant le 2 juillet 1962.

La retraite du combattant témoigne de la reconnaissance de la nation pour les services rendus. C’est pourquoi j’ai, avec plusieurs collègues, opiniâtrement défendu son augmentation de deux points au 1er juillet 2006 (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Nous avons ainsi ouvert la voie à sa revalorisation, attendue depuis 1978 – même si j’eusse souhaité un geste plus rapide plus fort. En augmentant l’indice de deux points supplémentaires, le Gouvernement poursuit néanmoins son effort.

M. Alain Néri – À ce rythme, il ne risque pas de se fatiguer !

M. Georges Colombier – Nous sommes parfois d’accord, Monsieur Néri…

M. Alain Néri – Oui, sur le 19 mars, par exemple.

M. Georges Colombier – …mais lorsque vous avez parlé de tour de passe-passe et de mensonge d’État, vous avez manqué de respect au ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Alain Néri – C’est lui qui manque de respect à l’égard des anciens combattants !

M. Georges Colombier – La démagogie ne paie pas toujours : pourquoi n’avez-vous pas fait tout ce que vous proposez aujourd’hui lorsque vous étiez majoritaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Néri – Confrontons donc nos bilans !

M. Georges Colombier – Vos déclarations pourraient bien, un jour, se retourner contre vous ! Quoi qu’il en soit, la revalorisation que propose le Gouvernement est une mesure forte qui concerne tous les anciens combattants des différents conflits.

Autre dossier que nous avons longtemps défendu : la décristallisation, décidée en 2002 par le gouvernement de M. Raffarin. Je me réjouis qu’elle soit étendue à tous les combattants en 2007 : vous leur rendez ainsi justice, honneur et dignité, Monsieur le ministre. Enfin, l’augmentation des crédits sociaux de l’ONAC, l’harmonisation des pensions militaires d’invalidité des sous-officiers et la meilleure prise en compte de l’appareillage des mutilés de guerre sont d’autres mesures positives de ce budget.

Néanmoins, certaines revendications restent insatisfaites, comme l’allocation différentielle pour les veuves ressortissantes de l’ONAC, pourtant les plus démunies.

L’ONAC – sur lequel a remarquablement travaillé M. Bernier – parachèvera sa modernisation l’année prochaine. Nous sommes tous attachés à sa pérennisation : j’y reviendrai lors de la discussion d’amendements. D’autre part, la loi de finances pour 2003 prévoyait un relèvement exceptionnel du plafond majorable de la rente mutualiste de 115 à 122,5 points. Depuis, je vous sollicite, Monsieur le ministre, pour qu’une telle augmentation ait lieu chaque année. J’en connais le coût ; toutefois, un relèvement de 2,5 points est souhaitable.

Je suis, comme d’autres, préoccupé par la non-publication du rapport de M. Gal sur la campagne double.

M. Jean-Christophe Lagarde – Très bien !

M. Georges Colombier – Je ne doute pas que vous informerez au plus vite la représentation nationale des suites que vous donnerez à cette revendication.

M. Alain Néri – Qui manque de respect à qui, en l’occurrence ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Georges Colombier – Quant au rapport constant, le mode de calcul complexe de la revalorisation du point d’indice de PMI est simplifié : c’est bienvenu, à condition de ne pas léser les anciens combattants en veillant à ce que cette évolution ne soit pas inférieure au coût de la vie.

M. François Rochebloine – Très bien !

M. Georges Colombier – Enfin, il faudra prendre en compte d’autres revendications telles que l’abaissement à 70 ans de l’âge d’accès à la demi-part fiscale accordée aux anciens combattants, l’octroi de la mention « Mort pour la France » à tous les militaires morts pour la République en Afrique du Nord entre 1952 et 1962, l’indexation des pensions militaires d’invalidité correspondant à l’évolution du coût de la vie, le déblocage de fonds publics d’indemnisation des anciens incorporés de force dans le RAD et le KHD (M. Floch s’exclame) et la reconnaissance aux militaires de la quatrième génération du feu ayant participé à des opérations extérieures de leur qualité de combattants.

Malgré ces quelques remarques, et compte tenu des points positifs qu’il comporte, le groupe UMP votera ce budget.

À titre personnel, je souhaiterais terminer par la journée du 19 mars. Vous connaissez ma position sur ce problème, que ne partagent pas certains de mes collègues. Vous avez, Monsieur le ministre, exprimé en octobre votre souci d’y trouver une solution : où en est-on ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Christophe Lagarde – Un sentiment de déception immense a de nouveau envahi le monde combattant lorsqu’il a constaté la diminution des crédits du budget pour 2007. Je ne verserai pas dans des propos insultants, comme on en a entendu tout à l’heure : j’ai du respect pour vous, Monsieur le ministre, et pour votre fonction. Mais votre regrettable bilan doit être dénoncé.

Ce budget, à périmètre constant, est donc en baisse de 3,6 %, compte non tenu de l’inflation. Au cours des 18 derniers mois, vous avez relevé de quatre points d’indice la retraite des combattants. Vous pouvez vous en satisfaire, mais vous vous étiez engagé à le porter à 48 points en 2007 : il manque onze points et les intéressés se sentent à nouveau spoliés.

M. Alain Néri – Votez mon amendement !

M. Jean-Christophe Lagarde – Mais, Monsieur Néri, l’indexation du point n’avait pas bougé depuis 1978, et vous en êtes responsable autant que les autres. Ce n’est pas parce qu’on approche des élections qu’il faut faire la danse du ventre devant les tribunes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Et les gouvernements auxquels nous avions participé n’ont rien fait non plus. Il faut regarder la réalité en face.

M. François Rochebloine – La France en a besoin !

M. Jean-Christophe Lagarde – Les anciens combattants attendent en outre une revalorisation du point, mais le Gouvernement n’a toujours pas jugé bon d’y donner suite.

L’UDF a déposé un amendement visant à relever le plafond majorable de la retraite mutualiste, qui reste, depuis 2003, bloqué à l’indice 122,5 du point de pension militaire d’invalidité. Vous vouliez le porter à 130 points.

M. Alain Néri – Eh oui !

M. Jean-Christophe Lagarde – Vous aviez suscité un grand espoir en début de législature, avec une hausse de 7,5 points la première année, mais depuis, rien n’a bougé. Un autre amendement, de la commission des finances, vient d’être adopté pour remplir cet engagement : nous espérons que vous l’accepterez. Ce serait enfin un signe positif pour le monde combattant. Par ailleurs, j'avais demandé au Premier ministre que le bénéfice de la loi Madelin, qui accorde une déduction fiscale pour l’acquisition d'une complémentaire santé, soit étendu à tous ceux qui ne bénéficient pas de contrat collectif obligatoire. Une incitation fiscale, pour ces personnes qui souscrivent un contrat dépendance partielle ou totale, serait de nature à rétablir l'égalité de traitement et soulagerait aussi les finances de l'État et des conseils généraux. Je n'ai pour l’instant reçu aucune réponse.

Mais bien d'autres sujets suscitent la déception et même la colère des anciens combattants. C’est le cas de l’allocation de solidarité en faveur des veuves d'anciens combattants les plus démunies : plus de 15 % d'entre elles vivent bien en dessous du seuil de pauvreté. Sans les services sociaux de l'ONAC, elles seraient abandonnées. Leur statut n’est pas plus satisfaisant : elles ressortent de l'ONAC, mais n’ont aucun droit spécifique découlant de cette qualité. L'an dernier nous avions exigé une allocation différentielle de solidarité dès 2007. La mise en place d'un système solidaire constituerait une véritable avancée sociale et permettrait de rendre leur dignité à ces personnes, sans que cela coûte si cher puisque l’aide qui leur est consentie grève déjà le budget de l’ONAC.

Par ailleurs, par équité, il serait juste que les fonctionnaires et assimilés puissent bénéficier, comme les autres générations du feu, du mode de calcul du temps passé en Afrique du nord. Mais la position de déni de votre gouvernement s’est confirmée sur ce point comme sur les autres dossiers. Vous aviez demandé à M. Gal d’étudier le coût d’une bonification de campagne double pour les anciens combattants d'AFN fonctionnaires et assimilés, mais depuis, vous avez cherché à gagner du temps. Surtout, vous avez menti. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste)

M. Alain Néri – On peut mentir à la représentation nationale, ce n’est pas si grave !

M. Jean-Christophe Lagarde – Ce rapport n'a été remis au Conseil d’État que le 30 mai 2006, contrairement à ce que vous aviez affirmé. Plusieurs membres de la représentation nationale vous ont interpellé à ce sujet, sur tous les bancs, mais en vain. Cette attitude n’est pas acceptable, et elle a été ressentie comme une véritable provocation.

J’ajoute que votre conception de la mémoire historique est à ce point contestable que votre gouvernement n’a pas réussi à éviter la polémique sur les dates de commémoration, alors même que le Président de la République, candidat à son deuxième mandat, s'était engagé à trouver un consensus. Depuis de nombreuses années, les anciens combattants d'Algérie demandent la reconnaissance du 19 mars comme date de commémoration de la fin de la guerre : le 5 décembre, que vous avez érigé en journée mémorielle, est une date farfelue qui ne correspond à aucune réalité. Non seulement les engagements du Président de la République ne sont donc pas tenus, mais vous avez pris le risque que cette date ne survive pas à votre présence au ministère. La date du cessez-le-feu, malgré les exactions commises ensuite, est bien la seule valable. Mais surtout, la moindre des choses serait que l’État prenne position sur la participation de ses représentants aux commémorations. Je ne vois pas pourquoi, même si vous ne reconnaissez pas la date du 19 mars, vous refuseriez la présence de ces représentants lors des rassemblements d’anciens combattants souhaitant commémorer le soulagement qu’a représenté le cessez-le-feu pour toute une génération (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains, ainsi que sur quelques bancs du groupe UMP).

Bref, vos engagements n’ont pas été tenus : rien pour la rente mutualiste, rien pour les veuves et si peu pour les retraites – et encore, en fin de parcours. Nous nous réjouissons bien sûr de la décristallisation, qui était réclamée depuis des décennies sur tous les bancs. Vous avez d’abord décristallisé les rentes, mais sans aller jusqu’à l’égalité entre combattants français et combattants issus des colonies. Aujourd’hui, la décristallisation est complète. Au-delà de toute polémique, je vous appelle à réfléchir sur ce que cela révèle de notre démocratie qui se dit parlementaire. Pendant des années, les députés et sénateurs, sur tous les bancs, ont réclamé cette mesure que les gouvernements successifs disaient légitime, mais qu’ils n’avaient pas les moyens de financer ; pendant des années, les associations ont dénoncé les conditions de vie indigne d’anciens combattants d’Afrique du nord qui avaient servi la France. Ils n’ont pas obtenu satisfaction et c’est un film, remarquable par ailleurs, qui fait bouger la République ! Parce qu’un film a ému le sommet de l’État, on trouve les moyens qu’on n’avait pas auparavant ! C’est la marque que la démocratie française est malade. Mais puisque après tout, on a trouvé les 110 millions nécessaires à la décristallisation complète alors qu’elle n’était pas inscrite dans votre budget, peut-être le débat parlementaire pourra-t-il aussi apporter quelques améliorations pour le monde combattant ! Ce ne serait que justice (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Maxime Gremetz – Permettez-moi d’abord de saluer toutes les associations qui sont venues observer ce débat. Parce que depuis le début de la discussion, on n’entend parler que de ce que certains ont fait et d’autres pas fait… mais toutes les avancées ont été obtenues grâce à ces gens qui se sont mobilisés et qui se battent ! Sans leur action, rien n’aurait bougé. La décristallisation, entre autres, est leur victoire. Le film y a sans doute aidé, mais pas plus. Attention à ne pas laisser croire que tout serait dû aux gouvernements et aux majorités. C’est toujours ce qui se passe à la veille des élections. À la fin de la dernière mandature par exemple, on avait fait voter la date du 19 mars, mais cela n’a servi à rien parce qu’on n’a pas voulu l’appliquer (Applaudissements sur divers bancs). C’est honteux. Quel que soit le parti politique, on n’a pas le droit de jouer avec les revendications et le droit à réparation des anciens combattants. Le sujet ne soulève aucun clivage politique, il s’agit de la reconnaissance de la nation à l’égard des anciens combattants. Les déclarations politiciennes sont donc inacceptables : on prône la révolution à la veille des élections, et le lendemain, on ne fait rien !

La décristallisation, qui n’était pas inscrite initialement dans le budget, représente 129 millions. C’est bien. Mais si le budget était tout simplement resté constant, on pouvait financer ces 129 millions ainsi que les 6 millions nécessaires pour porter le plafond majorable des rentes mutualistes à 130 points, et il restait encore 16 millions et demi ! Mais vous avez préféré une baisse de 3,58 %.

Sur la date du 19 mars, nous n’avons jamais changé, et nous avons toujours une proposition de loi déposée afin de faire reconnaître ce jour comme celui de la fin de la guerre d’Algérie. Mais sans doute ferions-nous bien de commander tous ensemble un beau film sur le sujet, et tout serait alors plus facile, comme pour la décristallisation…

Vous dites, Monsieur le ministre, que le rapport Gal a été retrouvé et qu’il est au Conseil d’État. Au Conseil d’État, on me dit qu’il n’y est pas ! Il y a un problème d’honnêteté, à l’évidence !

L’augmentation de la retraite du combattant de deux points, cela ne fait pas le compte, mais c’est déjà ça : nous verrons si le Gouvernement l’acceptera. Quant au relèvement de deux points du plafond de la rente mutualiste, il n’est pas prévu dans le budget : est-ce que les associations vont obtenir ce qu’elles voulaient ? La priorité du monde combattant, ce sont aussi les veuves : une mesure sera-t-elle prise pour les plus défavorisées d’entre elles ? Je ne sais pas si les amendements seront adoptés, et je ne crois que ce que je vois ! (Rires sur les bancs du groupe UMP)

Un député UMP – Saint Thomas !

M. Maxime Gremetz – Saint Thomas et Lagardère en même temps !

D’autre part, quelle honte de voir que le sort des orphelins des victimes de la barbarie nazie n’était pris en compte qu’à la veille d’une échéance électorale, et que seulement une partie d’entre eux bénéficierait d’une indemnisation ! Il a fallu que, par un amendement que j’avais proposé, soutenu par l’ensemble de l’Assemblée nationale, nous corrigions cette injustice, pour que tous les orphelins des victimes, quelle que soit leur origine, aient droit à une indemnisation.

M. Michel Voisin – Très bien !

M. Maxime Gremetz – Alors que 8 000 personnes étaient au départ considérées, la mesure en concerne aujourd’hui 30 000. Il reste des cas à régler, mais je me félicite que nous ayons avancé.

Ce n’est pas électoraliste : jamais je n’utiliserai les revendications des anciens combattants pour gagner des voix (Applaudissements sur divers bancs). Nous nous battons avec eux lorsque c’est juste. Ils savent qu’ils peuvent compter sur nous, parce que notre position est conséquente et que nous ne changeons pas d’attitude au moment des élections. Nous déterminerons notre vote en fonction du sort réservé aux amendements. Nous demanderons ainsi une suspension de séance avant le vote, pour demander leur avis aux associations d’anciens combattants (Applaudissements sur divers bancs).

M. Michel Voisin – Gremetz à l’UMP !

M. Patrick Beaudouin – Ce budget des anciens combattants est dans la lignée de ceux que vous nous avez présentés depuis le début de la mandature, Monsieur le ministre. Il témoigne de votre souci du droit inaliénable à réparation et de la mémoire. S’il baisse en volume, il reste que la dotation moyenne par pensionné, du fait des évolutions démographiques, augmente de 2,25 %.

Dans une période budgétaire difficile, je suis satisfait de voir confortés quatre éléments majeurs de la politique de solidarité. Tout d’abord, la retraite du combattant est revalorisée de deux points au 1er janvier 2007, après une première augmentation au 1er juillet 2006, et alors qu’elle était restée inchangée depuis 1978.

Ensuite, en 2003, la majorité avait adopté une première mesure de décristallisation des pensions des anciens combattants de l’Union française, en versant 130 millions de prestations avec quatre années d’arriérés, puis 30 millions chaque année. Répondant au souhait de tous, le Gouvernement propose aujourd’hui, par voie d’amendement, une mise à niveau de ces pensions. C’est une solution équitable et qui met définitivement fin à une injustice de l’histoire.

Les crédits sociaux de l’ONAC sont augmentés – pour la troisième année consécutive – de 500 000 euros, ce qui devrait permettre de prendre en considération la situation des anciens combattants les plus fragiles, ainsi que celle des veuves, en allant au-delà de l’augmentation de 15 points d’indice décidée en 2004. Je me réjouis que, conformément à l’amendement que j’avais déposé à la loi de finances pour 2004 et qui avait été repris par la commission des finances l’année suivante, le groupe de travail demandé ait pu travailler sereinement et nous apporter une réponse. Il semble que la solution retenue soit le versement par l’ONAC d’une indemnité d’allocation différentielle, en prenant sur ses crédits sociaux, abondés en conséquence ; la procédure a le mérite de la simplicité et notre amendement, présenté par M. Colombier, est une piqûre de rappel pour le Gouvernement, sur cette question essentielle. La mesure, estimons-nous, devrait être expérimentée en 2007, pour être appliquée définitivement en 2008.

S’agissant de la rente mutualiste, si nous avons relevé le plafond majorable de 7,5 points en 2003, j’espère, Monsieur le ministre, que vous accepterez notre amendement prévoyant une nouvelle revalorisation de 2,5 points.

Le Gouvernement poursuit son soutien aux établissements du monde des anciens combattants : l’ONAC et l’INI percevront 45,7 millions d’euros. Le contrat d’objectifs et de moyens, qui s’achèvera en 2007, a permis une rénovation des méthodes de travail de l’ONAC et un ajustement des emplois à ses nouvelles missions. Vous avez annoncé au conseil d’administration de l’office la signature prochaine du nouveau contrat pour 2008-2012 : nous y voyons un gage du maintien de cet instrument, au bénéfice du droit à réparation mais aussi de la politique de mémoire.

La volonté de conserver la mémoire des sacrifices consentis pour défendre les valeurs de la République n’est pas nouvelle. Hélas, le temps fait son œuvre et les témoins entrent un à un dans l’éternité. Leurs associations se regroupent maintenant en fondations qui, accueillant les générations nouvelles, garderont à leur tour le souvenir : fondation de la déportation, fondation de la Résistance, fondation de la France libre… La politique de la mémoire, qui associe ces fondations à l’État et aux collectivités locales, se dote d’outils nouveaux, comme la convention liant le ministère des anciens combattants et celui du tourisme pour organiser le tourisme de la mémoire. Un deuxième aspect concerne la coopération pour la création et l’entretien des monuments, mémoriaux et cimetières ; l’historial Charles de Gaulle aux Invalides sera inauguré en 2007 et le programme de rénovation 2007-2008 des nécropoles, notamment celle de Mers el-Kébir, monte en charge, ce dont je me félicite. Le troisième aspect tient au rassemblement des témoignages, essentiel sur le plan quantitatif : la réforme des services historiques des armées situés à Vincennes, la collecte des témoignages vivants, la création de sites internet doivent être salués.

Monsieur le ministre, vous souhaitez partager cette mémoire avec tous les pays, même nos ennemis d’hier, comme en témoigne la tenue du colloque international sur la mémoire partagée, à Paris, qui a été un moment de partage d’expérience et de partenariat, un hymne à la paix.

Votre action depuis cinq ans est marquée par le pragmatisme et l’équité, illustrés par exemple par les ajustements, même imparfaits, apportés à l’indemnisation des orphelins des victimes d’actes de barbarie commis pendant la seconde guerre mondiale et à l’octroi de la carte du combattant AFN à tous ceux qui ont servi plus de quatre mois. Pour tout cela, soyez remercié, ainsi que le personnel de votre ministère et de l’ONAC. Faisant fi du défaitisme comme des soucis électoralistes de certains, le groupe UMP votera votre budget réaliste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Charasse – Malgré l’interdiction constitutionnelle du mandat impératif, les parlementaires non inscrits sont à la peine dès lors qu’il s’agit pour eux de s’exprimer, bien qu’ils soient eux aussi détenteurs d’une parcelle de la souveraineté nationale.

M. Jean Dionis du Séjour – C’est vrai !

M. Gérard Charasse – C’est ainsi que je ne dispose que de cinq minutes pour m’exprimer sur un sujet – la mémoire des combats pour la liberté et la République – qui doit pourtant éclairer le présent et l’avenir. Or, je constate des comportements en contravention avec les principes qui nous ont portés ici. C’est pourquoi, Monsieur le ministre, si vous n’avez pas encore fait entièrement droit à ma demande de placer le régime de Pétain au cabinet noir des dictatures, je tiens à saluer la contribution que vous avez apportée au travail de mémoire sur le sujet, avec le film L’Année dernière à Vichy. Si celui-ci aide à ce que Vichy, l’Allier, la France regardent l’histoire en face, notre travail et celui de la DMPA placée sous votre responsabilité, n’auront pas été inutiles (Applaudissements sur divers bancs).

Les compliments ont une fin, et je souhaiterais maintenant évoquer trois de vos engagements.

Tout d’abord, le relèvement à 130 points du plafond majorable de la rente mutualiste, priorité du monde combattant. En compagnie d’autres collègues, je vous ai appuyé en juin dernier dans vos efforts pour obtenir enfin les crédits nécessaires. En dépit des promesses, aucun relèvement n'est, hélas, intervenu depuis 2002 !

Nous éprouvons la même amertume s’agissant de la retraite du combattant : nous passons de 35 à 37 points d'indice PMI, mais la promesse était de 48 points à la fin de la législature !

Il a beaucoup été question de mémoire et de réparation ce matin, mais il reste bien des injustices qui discréditent la parole politique. Dans les temps troublés que nous vivons, ne faisons pas l’impasse sur un seul combattant ! Il ne faudrait pas que certains tombent dans l’oubli tandis que d’autres reçoivent seuls l’hommage de la nation. Pensons par exemple à ceux qui ont continué à se battre sur le 17e parallèle après le 20 juillet 1954, se sacrifiant pour le respect du droit international et de la parole de la France.

Je soutiendrai naturellement les amendements tendant à améliorer la situation des anciens combattants et des veuves. Nous apporterons ainsi des corrections salutaires à ce budget ! J’insisterai également sur une exigence : la parole politique ne s’accommode pas du manque de transparence. Quand la représentation nationale aura-t-elle donc accès au rapport Gal ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et les bancs du groupe UDF)

M. Jean Dionis du Séjour – Comment pourrions-nous rester indifférents devant nos anciens combattants ? Comment pouvons-nous laisser dans l’oubli et la misère ceux qui ont servi notre pays ? Je suis surpris que nous ne soyons qu’une cinquantaine ce matin, alors qu’il y avait beaucoup de monde à Agen lors des commémorations du 11 novembre. Plus qu’un budget, cette mission est un symbole essentiel pour notre mémoire et pour la cohésion et l’identité de notre pays.

La baisse constatée – 130 millions d’euros, soit 3,6 % de moins que l’an dernier – n’a rien de choquant puisque le nombre des anciens combattants diminue. De ce simple fait, la dotation par ancien combattant augmente légèrement. On peut par ailleurs admettre que ce budget doive, lui aussi, contribuer à la réduction des déficits, mais le groupe UDF saisira toutes les possibilités offertes par la LOLF pour apporter des corrections, qui peuvent se faire même à volume constant. En effet, un budget n’est pas fait seulement de chiffres, mais aussi de choix !

Par voie d’amendement, le Gouvernement a décidé d’affecter 110 millions d’euros à la décristallisation des pensions d’invalidité des combattants issus de territoires autrefois placés sous la souveraineté française. On ne peut que se réjouir de cette mesure d’équité, réclamée depuis longtemps et objet d’un consensus national. Je m’interroge toutefois sur la méthode retenue : c’est l’émotion qui a emporté la décision après vingt ans de blocage ; après un visionnage du film Indigènes, la monarchie républicaine a donné un ordre d’application immédiate. Quelle curieuse façon de régler les problèmes !

J’ajoute que nos anciens d’Afrique auraient certainement compris que la mesure soit appliquée en deux ou trois ans, de façon à ce que nous puissions financer d’autres engagements. Vous aviez ainsi promis de revaloriser la retraite du combattant, figée à 33 points depuis 1978… En dépit des efforts de l’an dernier – deux points ! – et ceux que vous proposez aujourd’hui, nous sommes encore loin des 48 points promis en 2002 !

M. François Rochebloine – Il faut accepter nos amendements !

M. Jean Dionis du Séjour – Cet effort peut se faire à budget constant, je le répète, et nous vous y aiderons, Monsieur le ministre ! Nous savons que vous avez subi d’âpres arbitrages… Suivez donc le conseil de mes enfants, qui me trouvent souvent trop rigide : soyez open et flex !

Cela fait également quatre ans qu’un grand mouvement se dessine en faveur des veuves. Ainsi, la commission des finances a réalisé un important travail sur ce sujet, autour de Michel Bouvard. Il y a aujourd’hui des propositions réalistes sur la table. La gestion des ODAC ne saurait suffire à régler le problème ! Nous voudrions que cet effort se fasse au cours de cette législature car il ne serait pas crédible de tout renvoyer à 2008.

M. François Rochebloine – Absolument !

M. Jean Dionis du Séjour – Vous pouvez écouter sans peur le Parlement, Monsieur le ministre !

J’en finirai par la politique de mémoire, qui nécessite elle aussi une réflexion. Il y a aujourd’hui plus de neuf journées commémoratives, nombre trop important pour les associations, pour le public, mais aussi pour les services de l’État. À l’exception du 11 novembre dernier, les cérémonies sont en effet de moins en moins suivies ! (« C’est faux ! » sur divers bancs) Il faudrait examiner les chiffres de chaque journée de commémoration !

Je le répète : afin de satisfaire des revendications légitimes et de plus en plus consensuelles, nous devons répartir différemment les crédits. Soyez open et flex sur nos amendements et sur ceux du groupe UMP, qui a été particulièrement actif, notamment grâce à nos collègues Bouvard et Colombier. Je vous dis : chiche, Monsieur le ministre ! Il faut que ces amendements passent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Bernard Perrut – L’attention que nous portons à ce budget, sur tous les bancs, témoigne de notre attachement à tous ceux qui ont fait notre histoire commune. Les associations représentant les anciens combattants sont du reste nombreuses à suivre nos débats, ainsi que les jeunes venus de province.

Quelques jours après les commémorations du 11 novembre, nous ne devons pas oublier ceux qui se sont battus pour la République et pour notre liberté. Souvenons-nous des poilus de la Grande guerre ; souvenons-nous des témoignages sur l’atrocité des combats : « Les vivants sont sous la terre, les morts sur la terre »…

Rendons également hommage aux anciens combattants de la seconde guerre mondiale, de l’Indochine, de l’Algérie, des opérations extérieures, sans oublier tous ceux, femmes et enfants, dont la souffrance et l’implication méritent respect et soutien. C’est en assumant son passé que la France peut regarder avec confiance son avenir et vivre son présent en restant fidèle à ses valeurs.

Vous nous présentez un budget de 3,48 milliards, avec une dotation moyenne par pensionné en augmentation de 2,25 % par rapport à l’an dernier, et de 10 % par rapport à 2002. Certaines revendications légitimes demeurent toutefois : revalorisation de la retraite des anciens combattants, indexation des pensions militaires d’invalidité, relèvement du plafond majorable de la rente mutualiste du combattant, assouplissement des conditions d’attributions d’une demi-part fiscale au détenteur d’une carte du combattant. Bien des efforts restent à faire !

Il reste que le Gouvernement a su prendre des mesures d’équité en faveur des anciens combattants issus de pays autrefois placés sous la souveraineté de la France, mais aussi en faveur des orphelins des victimes d’actes de barbarie perpétrés pendant la seconde guerre mondiale. Tous ceux qui ont servi pendant au moins quatre mois en Afrique du Nord ont en outre obtenu une carte d’ancien combattant et les retraites ont été revalorisées : après une première hausse de deux points de l’indice, ce projet de budget organise un nouvel effort. Ainsi, en quelques mois, la retraite du combattant aura augmenté de 12 %. Il y sera consacré 755 millions en 2007, et le budget permettra également d’augmenter la pension des 130 000 veuves, même s’il faut encore faire davantage en leur faveur. Quant à la rente mutualiste, après le relèvement exceptionnel de 115 à 122,5 points, il faudrait, comme l’a proposé Georges Colombier, l’augmenter de 2,5 points. C’est un effort supplémentaire, mais il est nécessaire.

Le budget de l’ONAC offre un autre motif de satisfaction. J’en mesure toute l’importance puisque la maison de retraite des anciens combattent qui se trouve dans ma circonscription va être rénovée. Avec 13,6 millions en 2007, l’ONAC mènera une politique de solidarité, notamment à l’égard des veuves en détresse. Il faut aussi développer les services à domicile.

Je terminerai sur le devoir de mémoire. Pour certains, il y aurait trop de commémorations. Mais, à mes yeux, se retrouver autour des monuments où sont gravés les noms de ceux à qui nous devons tant est un moment fort. Le 90e anniversaire de la bataille de Verdun vient ainsi d’être célébré comme il le fallait. Sans doute faut-il des moyens supplémentaires pour préserver les lieux de mémoire et développer le tourisme de mémoire. C’est aussi, à côté de l’amélioration de leurs droits, une manière d’exprimer notre reconnaissance aux anciens combattants (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Didier Quentin – À mon tour, et même si l’on pouvait souhaiter plus, je me félicite de l’augmentation de deux points de la retraite du combattant. Aux 41 millions que coûte cette mesure, s’ajoutent 75 millions pour tenir compte des nouveaux ayants droit. Dans un contexte budgétaire contraint,…

M. Alain Néri – M. Breton dit pourtant que tout va bien !

M. Didier Quentin – …le Gouvernement tient son engagement de procéder à une revalorisation attendue depuis de si nombreuses années, puisque cette retraite n’avait pas évolué depuis 1978 lorsque, l’an dernier, le Gouvernement avait repris à son compte l’amendement que nous avions déposé, avec M. Colombier et de nombreux autres députés UMP, pour une revalorisation de deux points. Je note avec satisfaction que la revalorisation prend cette fois effet à compter du 1er janvier 2007.

À cette même date, il sera procédé, comme l’a annoncé Dominique de Villepin, à la décristallisation complète de la retraite du combattant et des pensions d’invalidité. Le Président de la République avait rappelé, lors de la célébration du 60e anniversaire du débarquement de Provence en 2004, que les anciens combattants des pays autrefois sous souveraineté française ont droit à notre reconnaissance éternelle, et dès 2002, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin avait amorcé cette décristallisation. Désormais, près de 57 000 bénéficiaires de la retraite du combattant et 27 000 titulaires de pensions d’invalidité percevront des prestations alignées sur celles de leurs camarades français. Une regrettable injustice est ainsi réparée. Bien avant le beau film Indigènes, nous étions nombreux à le demander et, en 1998 par exemple, lorsque le président de l’Assemblée nous avait sollicités pour une anthologie de la poésie française, nous étions deux, une collègue socialiste de l’Aisne et moi, à avoir choisi le poème de Léopold Sedar Senghor « Hommage aux tirailleurs sénégalais ».

M. Jean-Christophe Lagarde – Excellent poème !

M. Didier Quentin – Mais le monde combattant attend encore d’autres avancées.

S’agissant d’abord de l’indexation des pensions militaires d’invalidité, il semblerait que l’indice INSEE utilisé, celui des traitements bruts de la fonction publique, ne prenne pas vraiment en compte le coût de la vie. Comment entendez-vous rétablir une juste indexation ?

Ensuite, vous aviez accepté l’an dernier notre proposition d’étudier la possibilité de faire attribuer par l’ONAC une allocation différentielle de solidarité aux veuves les plus démunies, pour qu’elles perçoivent 700 euros par mois. Un groupe de travail a été constitué avec les associations. A-t-il remis ses conclusions et qu’en résultera-t-il ? Il y a là une question de dignité, qui me conduira à voter les amendements à ce sujet.

Ensuite, vous avez exprimé à plusieurs reprises l’intention de porter à 130 points le plafond majorable des rentes mutualistes. Quelles sont vos intentions précises ?

Enfin, quelles sont les conclusions du rapport Gal sur le bénéfice de la double campagne, et quelles en seront les suites ?

Ce budget traduit bien notre ambition d’honorer le droit à réparation et le devoir de mémoire. Après la pose par le Président de la République de la première pierre du mémorial dédié à Charles de Gaulle, le chauffeur du car qui nous ramenait à la gare nous a simplement dit : « J’ai 24 ans, et de tout cœur, merci ! ». C’est un bel encouragement à poursuivre votre action. Je le ferai pour ma part en votant sans réserve vos crédits (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Voisin – Année après année, depuis une vingtaine d’années, sur tous les bancs, nous émettons les mêmes remarques. Cette année par exemple, je peux, une fois n’est pas coutume, être d’accord avec l’intervention de Maxime Gremetz. Cessons donc de nous déchirer lorsque nous exprimons notre reconnaissance et notre admiration aux anciens combattants pour ce qu’ils ont accompli.

M. Jean Lassalle – Très bien !

M. Michel Voisin – Se contenter d’observer, de façon très générale, que ce budget est passé de 3,61 milliards à 3,4 milliards pour en conclure qu’il diminue est aller trop vite en besogne. Il faut examiner chaque ligne budgétaire et ses composantes. On s’aperçoit de progrès notables dont, Monsieur le ministre, nous vous remercions.

M. Jean Lassalle – Très bien !

M. Michel Voisin – S’agissant du programme Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, depuis 1978, on n’avait rien fait pour la retraite du combattant. Il a fallu attendre que vous arriviez… (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Patrick Roy – Vous êtes d’une parfaite mauvaise foi !

M. Michel Voisin – Vous avez accordé deux points l’an dernier et deux points cette année.

Quant à la rente mutualiste, les demandes d’une revalorisation sont légitimes. L’amendement proposant qu’elle soit de 2,5 points est équitable. Nous devons l’accepter.

De même, pour les veuves qui sont en dessous du seuil de pauvreté, nous attendons vos propositions et nous y souscrivons par avance. Elles en ont besoin depuis longtemps.

M. Alain Néri – Il ne fallait pas retirer votre amendement l’an passé !

M. Michel Voisin – S’agissant ensuite du programme « indemnisation des orphelins de victimes de persécutions antisémites et d’actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale », le décret pris à titre clientéliste par M. Jospin ne visait qu’une catégorie.

Mme Martine David – Ou nous ne faisons rien, ou nous faisons du clientélisme ! Ça ne va jamais !

M. Michel Voisin – L’équité exigeait un décret concernant l’ensemble de ces orphelins. Le Président de la République s’y était engagé en 2002, vous l’avez fait en 2004, Monsieur le ministre. Mais les orphelins non juifs qui sont morts entre le décret de 2000 et celui de 2004 ont été lésés.

Je ne veux pas revenir sur le 19 mars et sur l’hypocrisie de certains, Monsieur Néri ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Mais je peux rappeler les faits ! Quand M. Floch, qui était ministre des anciens combattants, a proposé le 19 mars comme date de commémoration, cela a été accepté ici à 57 et quelque pour cent. Après quoi, on nous a dit qu’il fallait les deux tiers du Parlement ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Puis, au conseil régional de Rhône-Alpes, j’ai vu M. Queyranne défendre au nom de son groupe une motion sur le 19 mars, alors qu’en tant que ministre chargé des relations avec le Parlement, il aurait parfaitement pu imposer l’inscription à l’ordre du jour du Sénat du texte qui avait été voté ici ! Quelle hypocrisie ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jacques Floch – Vos amis auraient voté contre !

M. Alain Néri – C’est de votre côté qu’est l’hypocrisie !

M. Michel Voisin – Je conclurai en évoquant ces ambassadeurs de la France que sont les militaires français en opérations extérieures. Alors qu’ils accomplissent un travail remarquable et périlleux, ils ont des difficultés à se faire attribuer la carte du combattant. Je pense qu’ils ont droit à notre reconnaissance et qu’il serait donc juste qu’ils puissent eux aussi l’obtenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Pierre Morel-A-L'Huissier – La France vient de commémorer l'armistice, le 11 novembre, autour de ses monuments aux morts. Ce fut l'occasion de rendre hommage au doyen des poilus, Maurice Floquet, parti la veille, et à tous les autres braves qui se sont battus pour la France. Face à une mémoire des conflits qui s'éteint avec la disparition de leurs acteurs et de leurs témoins, le ministère des anciens combattants doit jouer un rôle accru et tout faire pour transmettre à nos enfants une vérité historique, qui construit notre identité française.

Aujourd'hui, le monde combattant compte plus de quatre millions de ressortissants dans l'hexagone. C'est dire le rôle fondamental de votre ministère, qui doit rester un ministère dédié spécifiquement aux anciens combattants. J’ai toujours défendu cette position, notamment au cours de la mission sur les sorties de crises internationales et sur la reconversion des anciens combattants que vous avez bien voulu me confier, Monsieur le ministre. J'ai également proposé que l'ONAC, notre « maison du combattant », soit à la fois confortée dans ses missions nationales et orientée vers l'international, afin d'exporter l'expérience française dans la prise en charge des anciens combattants.

J'ai eu l'occasion de réaffirmer ces positions à vos côtés, lors du colloque international sur la mémoire partagée, organisé à l'Unesco à votre initiative. Je vous remercie de promouvoir la mémoire partagée et de faire réfléchir au problème des enfants soldats et des femmes soldats dans le monde.

Je voudrais aussi saluer le travail accompli depuis 2002, qu’il s’agisse de l'augmentation de la retraite du combattant et du plafond majorable de la rente mutualiste, de l’institution d'un bilan médical gratuit, de l'augmentation des pensions des veuves de 15 points, de l'augmentation des crédits sociaux de l'ONAC, de l'égalité entre hommes et femmes dans le code des pensions militaires d'invalidité ou de l’amélioration de la prise en charge de l'appareillage des anciens combattants handicapés.

L’équité a aussi beaucoup progressé, en particulier avec la décristallisation, mesure attendue depuis 40 ans, et avec l'indemnisation des orphelins des victimes d'actes de barbarie. Les institutions ont quant à elles été confortées, que ce soit l’ONAC ou l’INI.

Je salue aussi, Monsieur le ministre, votre implication dans le domaine de la mémoire, avec l’institution d'une journée nationale pour les harkis le 25 septembre, d’une autre, le 8 juin, dédiée aux morts pour la France en Indochine, ainsi que d’une journée de commémoration de l'appel du Général de Gaulle.

Reste la question du 19 mars. Issu d'un département où la majorité des communes ont délibéré pour cette reconnaissance officielle, je souhaiterais que vous leviez certaines ambiguïtés quant à la présence du préfet, de la gendarmerie et des autorités militaires. En Lozère, peu de combattants se déplacent le 5 décembre, mais beaucoup le 19 mars. C'est un fait que l'on ne peut nier. Il est de mon devoir de vous le dire.

En ce qui concerne la retraite du combattant, une augmentation de trois points par an avait été souhaitée, de façon à arriver à l'indice 48. Nous sommes sur le bon chemin, mais un effort reste encore à faire, de même que pour indexer les pensions militaires sur le coût de la vie. J’aimerais d’autre part savoir où en est la réflexion sur la création d’une allocation différentielle de solidarité pour les veuves et sur l'attribution de la campagne double aux anciens combattants d'Afrique du Nord fonctionnaires et assimilés.

Enfin, j’appelle votre attention sur la situation des délégations départementales de l'ONAC. Avec les services à la personne, le volet social augmente beaucoup. Dans mon département, l'action sociale du service de l'ONAC va ainsi doubler en un an. Or ce service dispose d'un effectif réduit. Une attention de votre part serait très appréciée.

En conclusion, je voudrais vous dire, Monsieur le ministre, que beaucoup de choses ont été faites grâce à vous, et grâce à des personnes comme M. Guy Collet, directeur de l'ONAC. C'est pourquoi je soutiendrai encore une fois votre action en votant le budget des anciens combattants (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean Lassalle – C’est avec beaucoup d’humilité que je m’exprime aujourd’hui sur le budget de cette mission. Avec humilité, car j’ai l’immense chance d’appartenir à cette génération d’hommes qui n’ont jamais eu à partir au front, qui n’ont jamais eu à quitter la maison familiale au petit matin, la peur au ventre. Depuis les guerres d’Algérie, du Maroc et de Tunisie, nous avons connu une période de paix exceptionnelle. Nous devrions en tirer beaucoup de satisfaction.

Nous parlons ce matin de quatre millions de personnes, qui incarnent la France, la résistance et une certaine idée de la liberté. Je ne veux surtout pas être polémique, Monsieur le ministre, mais je crois que nous n’avons été, ni les uns, ni les autres, à la hauteur de ce que nous leur devons.

Le budget baisse de 3,6 %. Vous avez sûrement fait ce que vous avez pu, Monsieur le ministre, mais c’est regrettable, comme l’est le fait que le plafond majorable de la rente mutualiste reste bloqué à l’indice 122,5, alors que l’objectif était de le porter à 130 points. J’espère que nos amendements sur le sujet seront adoptés, et je salue le combat inlassable de M. Rochebloine.

Avec une retraite du combattant à l’indice 37, nous sommes loin de l’objectif de 48 points. En 28 ans, la retraite du combattant aura augmenté de 40 euros par an. Cela montre notre incapacité collective à nous hisser à la hauteur de nos responsabilités.

Comment parler des anciens combattants sans parler aussi de leurs veuves, qui vivent parfois dans la misère ? Sans les services sociaux de l’ONAC, elles seraient dans un abandon total, car elles n’ont aucun droit spécifique. Les associations réclament donc depuis longtemps la création d’une allocation différentielle de solidarité leur permettant de vivre décemment. Rien n’est fait. Certes, vous prévoyez 500 000 euros supplémentaires pour l’action sociale de l’ONAC, mais ce n’est pas suffisant pour répondre aux besoins.

Quant aux fonctionnaires et assimilés, il serait juste de leur attribuer, par équité avec ce qui a été fait pour les conflits précédents, le bénéfice des campagnes auxquelles ils peuvent prétendre, ce qui leur permettrait de tripler le temps passé en Afrique du Nord dans le décompte de leurs annuités. Or, rien n’est prévu à cet égard.

J’en viens à la politique de mémoire et aux décisions prises pour indemniser les orphelins de la déportation et les victimes de spoliations du fait des mesures antisémites en vigueur pendant l'occupation. Cette année, ce programme est revalorisé, et c’est bien. Cependant, il reste inéquitable que toutes les pupilles de la nation, orphelins de guerre ou du devoir n'aient pas accès à ce droit à réparation. J’ai rencontré à plusieurs reprises M. Kelly Eric-Guillon, président de l'association HOMEGA, qui se bat pour la reconnaissance de ce droit à réparation à tous les pupilles de la nation.

Je déplore vivement que les derniers décrets aient consommé cette rupture d'égalité. Toute personne reconnue pupille de la nation ou orphelin de guerre devrait pouvoir obtenir réparation du préjudice subi, quelles que soient les circonstances de la disparition de ses parents.

Mais la politique de mémoire, c'est aussi – et peut-être surtout – le choix des dates de commémoration. S’agissant de la guerre d’Algérie, je considère qu’il est indigne de continuer à laisser se battre des associations d’anciens combattants. Il faut tenir compte du fait que le cessez-le feu est intervenu le 19 mars 1962, qu’il a été reconnu en tant que tel par le Général de Gaulle et que les accords d’Évian ont été approuvés par plus de neuf Français sur dix.

Je sens aujourd’hui, dans le monde combattant, une blessure qui peine à se refermer. Les anciens d’Indochine ou d’Algérie ont souvent le sentiment de n’être pas pleinement reconnus, alors qu’ils ont tout quitté pour défendre une certaine idée de l’honneur de la France. Je suis très heureux que le Président de la République ait éclairci la position de la France sur Vichy. Le temps est venu de franchir d’autres étapes.

Madame la ministre de la défense, puisque vous nous avez fait l’honneur de nous rejoindre, je tiens à vous dire que je suis très fier de la présence de la France sur la plupart des théâtres d’opérations, y compris les plus délicats, pour ouvrir la voie à la justice et à la démocratie. Parce que je considère que vous incarnez parfaitement la tradition d’honneur de l’armée française, je compte aussi sur vous pour démontrer aux quatre millions d’anciens combattants que la France est restée la France.

Monsieur le ministre délégué aux anciens combattants, gardez espoir et soyez courageux : il faut réussir à obtenir plus et nous vous y aiderons. Personne ne pourrait comprendre que la France n’honore pas ses aînés (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants  C'est la cinquième fois que j'ai l'honneur de présenter devant votre assemblée le projet de budget des anciens combattants et, à nouveau, je veux saluer l'intérêt que vous manifestez pour le monde combattant, comme en témoigne votre présence en nombre. Celle-ci traduit bien le respect de la représentation nationale pour celles et ceux qui ont donné le meilleur d’eux-mêmes et parfois consenti au sacrifice suprême pour notre pays.

Samedi dernier, 11 novembre, dans toute la France, mais aussi dans de très nombreux pays sur tous les continents, on s'est souvenu des combattants de la Grande guerre. Près de quatre-vingt dix ans après la fin des combats, c'est le signe, fort et émouvant, de la fidélité de nos peuples pour les combattants. C'est le signe de notre volonté commune de ne pas oublier les enseignements des grandes épreuves du XXe siècle.

Cette reconnaissance que nous devons aux anciens combattants et le devoir de transmettre la mémoire aux jeunes générations sont au cœur de notre projet de budget pour 2007.

Je veux remercier vos rapporteurs, Jean-Claude Mathis, Marc Bernier et Jean-Claude Viollet de l'avoir relevé. Messieurs les rapporteurs, vous avez présenté l'essentiel du budget. Qu'il me soit cependant permis de revenir plus particulièrement sur deux mesures que je n'hésite pas à qualifier d'historiques.

La première, c’est, bien évidemment, la décristallisation. Tout à l'heure, par voie d'amendement (Murmures sur les bancs du groupe socialiste, du groupe des députés communistes et républicains et du groupe UDF), vous allez mettre fin à une trop longue injustice, que vous aviez cependant déjà atténuée en 2002. Ce sera un moment qui restera gravé dans nos mémoires (Même mouvement). Sur ce sujet emblématique, je ne souhaite vraiment pas polémiquer. Suis-je forcé de rappeler ce que déclarait sur ce sujet le représentant d’un gouvernement précédent ? « S’agissant de la décristallisation, je ne pense pas que l’on puisse approcher la question en terme de sommes nominales et que l’on puisse servir les mêmes pensions que celles destinées aux anciens combattants français »…

Mme Martine David – Qui a fait cette déclaration ?

M. Jean-Louis Dumont – Dans le passé, vous nous avez servi des raisonnements très comparables !

M. le Ministre délégué – Mesdames et messieurs les députés, tout observateur de bonne foi sait à quoi s’en tenir, qui a réglé ce dossier et selon quelles modalités. Aucun propos de tribune, si brillant soit-il, ne pourra faire illusion et les anciens combattants en jugeront par eux-mêmes ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur quelques bancs du groupe UDF)

La vérité, c’est qu’il a fallu attendre 2002 pour que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin et l'actuelle majorité mettent fin à la cristallisation des pensions et retraites accordées aux anciens combattants de nos ex-colonies. En 2002, donc, en instaurant la parité de pouvoir d'achat entre tous les combattants, nous avons rétabli l'équité. C’est un premier pas qui nous honore. Mais il est vrai que la comparaison entre le montant des prestations versées en euros de part et d'autre faisait toujours apparaître des différences. D'où un sentiment d'injustice persistant.

C'est pourquoi, le 14 juillet, le Président de la République nous a demandé d'aller plus loin. Toute polémique sur l’effet du film Indigènes est donc inutile (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Dès le 27 septembre, le gouvernement de Dominique de Villepin a fait connaître sa décision. À compter du 1er janvier 2007, la retraite du combattant et les pensions militaires d'invalidité seront égales pour tous les anciens combattants de l'armée française, qu’ils soient ou non de nationalité française.

Je veux saluer publiquement les parlementaires et les associations françaises d'anciens combattants qui n'ont jamais oublié ce dossier, faisant preuve d'une remarquable co-fraternité d'arme. Avec l'achèvement de la décristallisation, avec cette égalité totale, nous rendons pleinement justice et dignité à ceux qui ont secouru la patrie lorsqu’elle était en danger.

La deuxième grande mesure de ce budget, c’est la nouvelle progression de la retraite du combattant (Rires sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP). Chacun sait, sur vos bancs comme dans les tribunes, que pendant près de trente ans, l'indice de référence de la retraite du combattant n'avait pas évolué. Une hausse est intervenue le 1er juillet dernier : c'était la première depuis 1978 ! Et une nouvelle hausse de deux points interviendra le 1er janvier prochain.

Messieurs Rochebloine, Dionis du Séjour et Lassalle, vous savez bien que ce passage de 33 à 37 points représente un effort majeur…

M. François Rochebloine – Allons, un point, c’est 20 millions !

M. le Ministre délégué – Sans surprise, d'autres que vous réclament « 48 points tout de suite ». Quel dommage qu'ils n'aient rien fait lorsqu'ils étaient au pouvoir ! Là encore, Monsieur Desallangre, je sais que le monde combattant connaît la vérité et saura apprécier l’action des uns et des autres.

Avec 3,484 milliards, ce projet de budget pour 2007 assure une croissance du crédit par pensionné de 2,25 %, par rapport à 2006.

M. Alain Néri – Pas par ressortissant !

M. le Ministre délégué – Il faut compter avec l’extinction naturelle de certains droits, du fait de la mort de leurs titulaires.

Je remercie MM. Colombier et Beaudouin d'avoir montré combien notre budget permet de prendre des mesures utiles et attendues. Je pense au meilleur remboursement de l'appareillage des invalides. Une enveloppe supplémentaire de 635 000 euros y est consacrée, pour faire face à l'augmentation des prix des prothèses du fait de l'arrivée de nouvelles technologies.

Nous allons également engager l'harmonisation des PMI des sous-officiers des armées de terre et de l'air sur celles des officiers-mariniers. Une enveloppe de 850 000 euros a été réservée à cet effet.

Enfin, nous allons à nouveau augmenter les crédits sociaux de l'ONAC. Pour la troisième année consécutive, ces crédits vont progresser de 500 000 euros pour atteindre le montant de 13,6 millions.

L’office, dont l’existence même était menacée en 2002, est désormais une institution moderne et dynamique dont l’avenir est durablement assuré grâce à cette augmentation régulière des crédits sociaux, à la préservation des services départementaux et au rôle confié aux écoles de reconversion dans le plan emploi.

Comme vous, je crois que l’ONAC doit être au cœur de la politique que nous menons en faveur des veuves d’anciens combattants (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF). Plutôt que de recourir à des mécanismes coûteux et lourds, le groupe de travail auquel participaient MM. Mathis et Colombier propose de s’appuyer sur les crédits sociaux de l’ONAC pour agir plus rapidement.

M. Alain Néri – Quand et combien ?

M. le Ministre délégué – Dès l’année prochaine.

M. Jean Dionis du Séjour – Nous abonderons les crédits par amendement !

M. le Ministre délégué – Ce ne sera pas nécessaire : les crédits prévus suffiront.

En outre, je rappelle que nous avons en 2005 augmenté de 15 points les pensions des veuves de guerre, d’invalides et de grands invalides. Ce budget est donc le point d’orgue de cinq années de progrès en faveur du monde combattant. Je tiens à remercier les députés de la majorité qui ont soutenu notre action.

M. Alain Néri – Ils ont eu du mérite !

M. le Ministre délégué – Personne ne peut contester les avancées majeures obtenues depuis 2002.

M. Alain Néri – Le peuple en jugera !

M. Jacques Desallangre – Les chiffres le démentent !

M. le Ministre délégué – Outre la retraite du combattant et la décristallisation, nous avons harmonisé les critères d’attribution de la carte du combattant au titre de l’Afrique du Nord à quatre mois pour tous.

M. Jacques Desallangre – C’était une obligation !

M. le Ministre délégué – Oui, une obligation morale.

M. Jacques Desallangre – Non, légale !

Plusieurs députés UMP – Dans ce cas, pourquoi ne l’avez-vous pas fait avant ?

M. le Ministre délégué – Nous avons rétabli le remboursement des cures thermales à cinq fois le taux de la sécurité sociale, alors que la majorité précédente l’avait ramené à trois fois le taux sans explication cohérente (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Nous avons indemnisé les orphelins de personnes déportées, fusillées ou massacrées, relevé le plafond majorable des rentes mutualistes de deux points par an en moyenne, et je pourrais citer bien d’autres mesures encore.

Plusieurs problèmes restent à résoudre : la campagne double, par exemple. Mais là comme ailleurs, si des solutions avaient été trouvées entre 1962 et 2002, nous n’aurions pas à faire du rattrapage !

Mme Martine David – Parlez plutôt de ce que vous n’avez pas fait !

M. le Ministre délégué – Nous attendons l’avis imminent du Conseil d’État sur la campagne double, et j’informerai les parlementaires et les associations de la décision que nous prendrons ensuite.

Le Gouvernement a entendu le message que lui ont adressé les députés de la majorité concernant le plafond majorable de la rente mutualiste : je vous confirme aujourd’hui que nous accepterons de le porter à 125 points lors de la discussion des amendement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

Les crédits de la mission attestent également l’importance que Mme la ministre de la défense attache au lien entre les armées et la nation. Ainsi, la journée d’appel et de préparation à la défense concerne chaque année une classe d’âge entière : 800 000 jeunes sont sensibilisés aux questions de défense et de citoyenneté. Elle permet aussi de détecter les problèmes de lecture, voire l’illettrisme, et complète le dispositif « défense - deuxième chance », qui permet déjà dans dix centres de resocialiser des jeunes en perte de repères.

M. Marc Le Fur – Très bonne chose !

M. le Ministre délégué – Depuis la fin de la conscription, la communication est essentielle au maintien d’un haut niveau de confiance des Français en leur défense. Je salue à ce titre la qualité du travail accompli par la DICOD et l’ECPAD en faveur de notre politique de mémoire. Enfin, en 2007, 58 millions seront consacrés au patrimoine culturel de la défense, notamment aux musées.

J’en viens à la politique de mémoire, précisément. Je reviendrai lors des questions sur les dates de commémoration. En 2006, nous avons commémoré Verdun et la Somme, inauguré le monument aux combattants musulmans morts pour la France pendant la Grande guerre, officialisé le 18 juin comme journée nationale, rendu plusieurs hommages aux combattants de la quatrième génération du feu et participé aux premières rencontres internationales de la mémoire partagée qui ont rassemblé 25 pays de tous les continents.

En 2007, nous poursuivrons notre action avec la même intensité. Je compte sur la représentation nationale pour ne pas amputer ces crédits indispensables à notre politique de la mémoire. Nous commémorerons l’année 1917 : le Chemin des Dames, l’entrée en guerre des États-Unis, l’arrivée au pouvoir de Clemenceau. Plusieurs cérémonies internationales seront organisées, notamment à Vimy avec les Canadiens.

Telles sont les remarques que je souhaitais soumettre à la représentation nationale sur le budget 2007 de la mission « anciens combattants, mémoire et lien avec la nation » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jacques Floch – Rappel au Règlement. Vous avez, Monsieur le ministre, cité un rapport dont j’ai été l’auteur lorsque, secrétaire d’État aux anciens combattants, j’ai ouvert le dossier de la cristallisation des pensions des combattants originaires de nos anciennes colonies et entamé des négociations avec les représentants des États concernés en Afrique, au Maghreb, au Vietnam ou encore à Madagascar. Or je constate que vous avez eu le même souci de respecter la parité entre les monnaies, de sorte que la valeur nominale des pensions versées soit égale dans ces pays à celle des anciens combattants métropolitains. J’aurais donc aimé que vous disiez que telle était l’idée émise dans ce rapport. J’aurais aimé aussi que vous rappeliez que c’est en 1958, lorsque la Guinée a refusé la toute nouvelle Constitution de la Ve République, que toutes les pensions, civiles et militaires, y ont été « stabilisées » ; et que c’est en 1959 que Michel Debré a proposé la cristallisation des pensions, dans la loi de finances pour 1960, alors que tous les pays africains n’avaient pas encore pris leur indépendance. Les arguments utilisés à l’époque étaient bien plus terribles que ceux que j’ai employés dans mon rapport, puisque la mesure était censée « servir de leçon » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.
La séance est levée à 12 heures 45.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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