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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

3ème séance du mercredi 15 novembre 2006

Séance de 21 heures 30
24ème jour de séance, 52ème séance

Présidence de Mme Hélène Mignon
Vice-Présidente

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

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LOI DE FINANCES POUR 2007 -seconde partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2007.

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direction de l’action du gouvernement
(programme coordination du travail gouvernemental)

M. Jean-Pierre Brard, rapporteur spécial de la commission des finances – En 2007, ce sont 383,7 millions d’euros en autorisations d'engagement et 358,3 millions en crédits de paiement qui seront consacrés au programme « coordination du travail gouvernemental ». Ces moyens sont globalement stables, s'agissant, pour l'essentiel, de crédits de fonctionnement destinés aux services rattachés au Premier ministre, qui représentent la continuité de l'État, et dont les structures évoluent donc peu.

Le Premier ministre exerce, tout d’abord, une fonction d'état-major liée à la direction du Gouvernement. Le nouveau secrétaire général du Gouvernement, M. Lasvignes, est aussi le responsable du programme. J'ai rencontré également la secrétaire générale des affaires européennes, Mme Andréani, qui m'a démontré la très grande efficacité de ce service. L’an dernier, j’avais exprimé certaines critiques, qui étaient méritées, comme l’est aujourd’hui la louange. La question d’un rattachement direct du ministre chargé des affaires européennes auprès du Premier ministre est posée, car il s'agit d'un travail de coordination interministériel qui ne concerne pas uniquement les affaires étrangères.

Le Premier ministre joue ensuite un rôle de coordination sectorielle, disposant notamment pour cela de la direction générale de l'administration et de la fonction publique, ou encore de la commission d'indemnisation des victimes de spoliations. Votre commission des finances a toujours considéré que les crédits de fonctionnement devaient être directement rattachés aux programmes correspondants, conformément à l'article 7 de la LOLF. Elle a adopté un amendement sur ce point, et j'en ai déposé un en mon nom propre, qui seront débattus vendredi, avec les crédits de la fonction publique.

Le Premier ministre doit, en outre, disposer d'un véritable outil technique de stratégie et de prospective, qui l'aide à préparer les décisions gouvernementales, pour ne pas dépendre uniquement de l'expertise des services ministériels. Le Centre d'analyse stratégique a donc été créé en mars, à la fois pour redynamiser le Commissariat général du Plan et mutualiser le fonctionnement des nombreuses instances existantes. Il me semble que certains thèmes évoqués par le Conseil d'analyse de la société pourraient être traités par le centre. Ce conseil a été créé à propos lorsque la présence de M. Luc Ferry au Gouvernement ne parut plus opportune. Monsieur le ministre, faut-il conserver cette ANPE de luxe ? Jugez-en de façon objective, en appréciant le travail de cet organisme.

La directrice générale du Centre d’analyse, Mme Boissard, est consciente de la nécessité de garantir l'indépendance intellectuelle des chercheurs et de tenir compte des demandes du Parlement. À ce titre, il faut déplorer l'absence de saisine du Centre par les présidents des deux assemblées, pourtant permise par les textes. Pour faciliter ces saisines, peut-être serait-il préférable qu'elles émanent des commissions compétentes, qui pourraient aussi procéder à des auditions du Centre.

Figurent également dans le programme « coordination du travail gouvernemental » les crédits destinés aux autorités administratives indépendantes, rattachées budgétairement au Premier ministre. Parmi celles-ci, le Médiateur de la République mène, dans l'esprit de la LOLF, une démarche de rationalisation de la gestion et de mesure de la performance interne de ses services. Il exploite à fond les compétences que la loi lui confère, en usant même de son pouvoir d'injonction vis-à-vis des administrations. Nos commissions gagneraient à être en contact régulier avec M. Delevoye, qui peut nous soumettre des propositions de réformes répondant à nombre de difficultés et iniquités subies par nos concitoyens, par exemple en matière de fiscalité des couples et des concubins.

Les autorités administratives indépendantes sont rattachées au programme dont relève leur domaine d'intervention. La commission des finances a toujours refusé de fonder une nomenclature budgétaire sur une structure administrative, fût-elle indépendante, et elle ne saurait donc soutenir la création d'une mission « régulation et protection des libertés » regroupant toutes ces autorités, ou un programme par autorité administrative indépendante. En revanche, j'estime possible, et même souhaitable, de regrouper au sein de la mission « direction de l'action du Gouvernement » sur un nouveau programme intitulé « défense et protection des droits et des libertés », les crédits des instances indépendantes qui concourent à cet objectif. Ces crédits sont actuellement dispersés sur trois actions du programme « coordination du travail gouvernemental », alors qu'ils ne concourent pas à une telle politique publique. La taille réduite d'un tel programme, de l'ordre de 14 millions d'euros – 24 millions avec la CNIL –, n'est pas dirimante, car aucune fongibilité n'est envisageable entre services ministériels et autorités indépendantes ; la garantie d’indépendance de ces dernières consiste justement en ce que leurs crédits ne sont pas soumis à l’arbitrage des autorités ou services contrôlés.

De même, la commission des finances a toujours souhaité le rattachement du CSA à la mission « médias », sous la forme d'un programme autonome « régulation de l'audiovisuel ». Nous aborderons tous ces sujets vendredi, à l'occasion de la discussion des amendements.

J'en viens maintenant aux Journaux officiels et à la Documentation française. À partir de 2007, les moyens consacrés aux actions d'information et de renseignements administratifs sont regroupés avec ceux de la direction des Journaux officiels dans un nouveau budget annexe, qui constitue la mission « publications officielles et information administrative ». Cette mission comprend deux programmes, comme la commission des finances l'avait demandé l'an dernier et conformément à la décision du Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 2006. Elle sera dotée de 190,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 196,9 millions en crédits de paiement.

L'adaptation aux nouvelles technologies est le maître mot de la construction de ce budget annexe. Le rapprochement entre les deux directions doit garantir un niveau d'activité suffisant pour maintenir un service de qualité. Il faut à cet égard se féliciter des 15 millions d'investissement programmés pour poursuivre l’adaptation de l'outil de production à la numérisation de l'administration.

En ce qui concerne le personnel, un accord a été signé entre le syndicat et la direction des Journaux officiels au début octobre, prévoyant une réduction progressive des effectifs d'ici à 2010 par des départs volontaires en préretraite. Les départs dès cinquante ans peuvent avoir des conséquences humaines très lourdes, et les hommes n'ont pas à payer à ce prix le passage à l'ère numérique. Il faut espérer qu'un accompagnement social et psychologique sera prévu pour ces personnes. Mais ce sacrifice volontaire doit permettre de préparer l'avenir, non de le fermer, comme à l'Imprimerie nationale : le Gouvernement devra garantir à ces deux directions une activité à la mesure de leur très haut potentiel.

Pour conclure, la commission des finances vous demande, mes chers collègues, d'adopter les crédits de la mission « publications officielles et information administrative ». Sur les crédits de la mission « direction de l'action du Gouvernement », nous nous prononcerons vendredi. Ceci n’étant pas très cohérent en termes d'organisation des débats, j'espère qu'une solution plus satisfaisante sera trouvée l'an prochain. Monsieur le ministre, vous ne serez peut-être plus alors à la place que vous occupez aujourd’hui…

M. Michel Piron – Ce serait dommage !

M. le Rapporteur spécial – …mais vous savez qu’il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Louis Giscard d'Estaing – Comme vient de le souligner le rapporteur spécial, le programme « coordination du travail gouvernemental » peut sembler – et c’est un euphémisme ! – quelque peu hétéroclite. Cela vient du fait que, contrairement à ce qui était fait dans les lois de finances antérieures, l’ensemble des organes institutionnels censés accompagner l’action du Premier ministre ont été réunis autour du SGPM, et font donc l’objet d’un programme unique. Si cet important changement de périmètre rend les comparaisons d’un exercice à l’autre un peu hasardeuses, le souci de rationalisation dont il témoigne marque la volonté d’optimiser la gestion des services, notamment pour ce qui concerne les emplois budgétaires.

Les crédits alloués à chaque organe restent globalement stables, pour permettre de poursuivre l’action engagée, tant en matière de publications officielles que de services aux administrés, via le Médiateur de la République, le CSA et les diverses autorités administratives chargées de défendre les libertés.

Les crédits de paiement sont ramenés de 397 à 358 millions, sans que le service au public s’en trouve affecté. C’est pourquoi, au nom du groupe UMP, j’invite la représentation nationale, fortement mobilisée ce soir (Sourires), à voter ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Dufau – Alors que la LOLF est censée proposer une nomenclature simplifiée du budget de l’État, le découpage des crédits gérés par les services du Premier ministre entre quatre missions budgétaires n'aide pas à leur bonne compréhension, les débats au sein de la mission direction de l'action du gouvernement étant saucissonnés. Ce ne sont pas moins de cinq rapporteurs spéciaux qui ont la tâche de présenter les crédits afférents, et ceux qui nous intéressent aujourd'hui sont relatifs à dix actions.

À défaut d'une réelle cohérence dans la présentation, permettez-moi, Monsieur le ministre, d'adresser aux services un satisfecit : le document budgétaire de cette année est beaucoup plus précis et mieux rédigé que celui de l'année dernière. Le Premier ministre connaît donc parfaitement l'organisation et la structure de ses services, ce qui est plutôt rassurant ! On ne peut pas en dire autant des documents retraçant la vérité budgétaire des autres missions du Gouvernement !

Je ne m'attarderai pas sur la baisse globale des crédits, mineure mais bien réelle. À périmètre constant, les crédits du programme « coordination du travail gouvernemental » régressent de 367 à 358 millions. En effet, les moyens consacrés à l'information administrative sont désormais regroupés avec ceux de la direction des Journaux officiels dans un nouveau budget annexe. Pour ce qui concerne l'analyse budgétaire des différents services du Premier ministre – notamment en termes d'emplois – je renvoie au rapport spécial de notre excellent collègue Brard.

Quelques observations. À l'action 1, les crédits d'équipement de la commission interministérielle de la politique immobilière de l'État n'apparaissent plus en dépenses d'investissement. Ils ont été transférés à un compte d'affectation spéciale, et relèvent de dépenses de fonctionnement, ce qui est heureux puisque les opérations concernées sont pluriannuelles. Les opérations de mise en conformité – liées à la conservation du patrimoine, d'aménagement, d'extension ou de réhabilitation ne peuvent souffrir, comme c'est malheureusement le cas pour les monuments historiques, d'à-coups budgétaires liés à une régulation annuelle trop sévère.

S'agissant de l'action 3, les dépenses de fonctionnement connaissent une augmentation impressionnante de 3224 % ! Outre les dépenses désormais obligatoires relatives aux frais d'interprétation des réunions des instances communautaires, pour 1 million , le secrétariat général des affaires européennes se voit doté de 250 000 euros, en vue de préparer la présidence française de l'Union européenne au deuxième semestre 2008, dont 200 000 euros – excusez du peu – au seul titre de la phase de développement du site internet de cette présidence. Internet coûte cher, et il ne reste pas grand-chose pour couvrir les autres charges – échanges, déplacements, séminaires… Cette pingrerie à l'endroit du futur Président de la République est-elle révélatrice des doutes de l’actuelle majorité ?

Je déplore aussi que les crédits du CSA stagnent en cette année électorale où le Conseil ne manquera pas d’être très sollicité. Il serait plus prudent de prévoir un surcroît de moyens pour lui permettre de remplir au mieux sa mission.

Pour conclure, je voudrais souligner la qualité du travail effectué par notre rapporteur spécial. Son rapport donne une vision exhaustive des missions assurées par les services placés sous l'autorité du Premier ministre. J'en reprendrai les conclusions, en particulier pour ce qui concerne le vote des crédits.

M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique – Je suis heureux de vous présenter les crédits de ce programme et de la mission « publications officielles et information administrative ». S’agissant de la coordination du travail gouvernemental, les crédits soumis à votre approbation s’élèvent à 384 millions en AE et 358 millions en CP, sachant que le périmètre du programme a sensiblement évolué.

Les moyens mobilisés permettront de faire vivre les différents organes chargés d’assister le Premier ministre dans des fonctions d’état-major – au travers du SGG, du SGDN et du SGAE –, d’analyse prospective et stratégique – via différents conseils – et de coordination sectorielle, avec la DGAFP. Ils tendent aussi à faire fonctionner huit autorités administratives indépendantes et plusieurs organes consultatifs.

Doté de 190 millions d’AE et de 197 millions de CP – contre respectivement 142 et 149 millions en 2006 –, la mission « publications officielles et information administrative » recouvre les crédits destinés à La Documentation française et aux renseignements administratifs.

Je remercie votre rapporteur spécial et les deux orateurs des groupes de leurs analyses pertinentes. M. Brard s’est interrogé sur les moyens dévolus au conseil d’analyse de la société. Je considère que le regroupement des différents organes consultatifs sous un seul budget opérationnel permettra de mieux piloter l’ensemble du dispositif et facilitera la concentration des moyens sur les actions les plus utiles. Avec un seul budget opérationnel, on pourra mieux éviter les doublons et prévenir les risques de déperdition de la ressource. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Présidente – Les crédits de la mission « direction de l’action du Gouvernement » seront mis aux voix à la suite de l’examen des crédits relatifs à la fonction publique.

Les crédits de la mission « publications officielles et information administrative », mis aux voix, sont adoptés.

APRÈS L'ART. 62

M. le Ministre – L’amendement 304 autorise La Documentation française à percevoir, à compter du 1er janvier 2007, les rémunérations de services rendus instituées par le décret du 3 octobre dernier. L’article 4 de la LOLF dispose en effet que le décret doit être ratifié par la loi de finances pour 2007.

M. le Rapporteur spécial – J’ai apprécié, Monsieur le ministre, vos propos sur le conseil d’analyse de la société. Il est impératif d’avoir, en tout domaine, le souci de la dépense publique, et je me réjouis qu’il soit prévu de mettre un peu d’ordre dans ce système.

S’agissant du CSA, je partage la préoccupation de M. Dufau. Avec la TNT, les chaînes se sont multipliées et les agents du conseil passent leur temps à suivre les programmes. Il faut donc aussi leur donner les moyens d’exercer leur mission de contrôle du pluralisme politique, en ne laissant pas stagner la dotation, comme c’est le cas actuellement.

La commission des finances n’a pas examiné l’amendement 304. À titre personnel, j’y suis favorable, puisque qu’il s’agit d’une mesure de cohérence pour faire suite à l’intégration de la Documentation française dans le budget annexe des JO.

L'amendement 304, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente – Nous en avons terminé avec l’examen de la mission « direction de l’action du Gouvernement ».

La séance, suspendue à 22 heures, est reprise à 22 heures 10.

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culture

Mme la Présidente – Nous abordons l’examen des crédits de la culture.

M. Olivier Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances pour la création et pour la transmission des savoirs et la démocratisation de la culture – Contrairement aux apparences, un budget n’a rien d’un document comptable : c’est plutôt un examen de santé, une sorte de radioscopie. Conformément à la Constitution de 1958, qui a confié au Parlement la tâche d’ausculter l’action menée par le Gouvernement, à la recherche d’éventuels manques ou de carences, nous examinons ce soir l’état de santé de la politique culturelle en France.

Grâce à une hausse sans précédent, la culture bénéficiera l’an prochain de 3,2 milliards d’euros, si l’on ajoute aux crédits entrant dans le champ de mon rapport ceux qui sont ouverts au titre du programme « patrimoines », objet de toute l’attention de notre collègue Perruchot. Pour les programmes « création », « transmission des savoirs et démocratisation de la culture », les crédits s’élèveront à 1 653 millions d’euros en 2007.

Doté de 801 millions en crédits de paiement et de 793 millions en autorisations de programme, le programme « création » subit une baisse apparente de 15% par rapport à 2006. Loin d’être une hémorragie, cette évolution résulte de plusieurs transferts de crédits : dès la loi de finances, 169 millions d’euros versés au titre de la dotation globale de décentralisation seront désormais inscrits dans la mission « relations avec les collectivités territoriales », dont le ministère de l’intérieur assume la charge ; les crédits du Centre national de la cinématographie, d’un montant de 8 millions, seront transférés sur le programme « transmission et démocratisation » afin de simplifier la gestion budgétaire ; des virements ont enfin été réalisés en cours d’année afin d’adapter la masse salariale du programme « création », qui n’avait pas été répartie avec suffisamment de finesse.

Avant de porter tout jugement, il faut garder à l’esprit que de tels tâtonnements étaient inévitables pour la première année d’application de la LOLF, et que ce budget évolue dans le sens que nous souhaitions. Réjouissons-nous de la hausse de 3,3 % des crédits du programme « création », obtenue malgré un contexte budgétaire très tendu.

Première évolution notable, la direction de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles est en cours de restructuration. Le ministère a également lancé un audit sur l’aide aux compagnies, qui devrait désormais échapper aux gels de crédits. La Comédie française devrait bénéficier d’un effort particulier de 850 000 euros, qui permettra notamment de réaliser des travaux sous les colonnes de Buren afin d’aménager deux salles de répétitions pour les sociétaires. Les autres projets d’investissement sont tout aussi remarquables, qu’il s’agisse du chantier très attendu du Grand auditorium de la ville de Paris, d’un montant de 3,15 millions, de la première tranche de travaux dans la salle Favart de l’Opéra comique ou du lancement du futur Centre européen de création contemporaine dans l’île Séguin, pour un million d’euros.

Par ailleurs, 5 millions sont affectés au fonds de professionnalisation et de solidarité, comme prévu dans le cadre du protocole d'accord 2006.

Suite à la réforme de l'assiette, le produit de la taxe affectée au Centre national du livre devrait passer de 20 à 35 millions, ce qui permettra de renforcer ce secteur économique en première ligne pour le renouveau du lien social, mais aussi d’éduquer les esprits sur le cancer de l'intelligence que constituent le piratage et la contrefaçon. Il s'agit également de financer le projet de bibliothèque numérique européenne, dont la Bibliothèque nationale de France a la responsabilité. Nous vous soutenons dans cette démarche.

Le programme « transmission des savoirs et démocratisation de la culture » – intitulé un peu complexe – est doté de 853 millions en crédits de paiement et de 841 millions en autorisations d'engagement. Parmi les chantiers que vous comptez mener à bien, citons l'adaptation des établissements publics d'enseignement supérieur au nouveau système LMD pour 2,7 millions d'euros supplémentaires, la concrétisation de la numérisation, et la poursuite des travaux de rénovation menés par les écoles d'architecture et les écoles d'art.

Compte tenu des différents transferts, dont celui relatif au regroupement des crédits du CNC, et de la participation du ministère à l'expérimentation sur les loyers budgétaires à hauteur de 15 millions, les crédits du programme diminuent d'un peu plus de 3 % à structure constante. Quant aux dépenses de personnel, leur diminution de plus de 7 %, traduit les efforts significatifs du ministère en faveur d'une meilleure gestion de ses effectifs. Nous l'avions appelée de nos vœux, il convient donc de la saluer chaleureusement. Vous avez su convaincre vos directions tout en expliquant vos projets : avec de la pédagogie et de la volonté, nulle réforme n’est impossible. Comme le dit avec justesse Aimé Césaire, avec qui vous vous entreteniez, en septembre dernier, dans sa maison de la Martinique : « L'homme de culture doit être un inventeur d'âmes ».

Vous avez montré votre détermination. Il n'y a pas de raison qu'elle faiblisse pour accélérer l'entrée en fonction d'un secrétaire général au ministère. Nous l'avions également appelée de nos vœux ardents, et vous l'aviez promise l'an dernier.

Je ne souhaite pas revenir sur le respect des engagements du ministère en matière immobilière…

M. Michel Bouvard – Et pourtant !

M. Olivier Dassault, rapporteur spécial – En effet, hier après-midi, vous avez tenté de rassurer la commission des finances. Votre volonté garantit le calendrier des cessions de bâtiments rendus vacants par le regroupement de vos services dans l'immeuble des Bons Enfants.

La confiance que je vous fais, Monsieur le ministre, n'a d'égale que la vigilance du contrôle auquel le Parlement soumettra votre administration. Vos agents sont aussi les artisans de notre rayonnement culturel. Nous attendons d'eux un comportement un peu plus responsable. Nous continuerons à vous aider à affermir votre autorité légitime afin de les guider sur la voie de la réforme au service de notre politique culturelle.

Enfin, le compte spécial « cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale » contribue à aider une filière professionnelle qui concourt à la diffusion de l'image de la France et au maintien de savoir-faire de qualité dans des métiers artistiques. Le cinéma français est un pôle d'excellence culturelle, mais aussi d'attractivité économique. Je souhaite donc vivement que les efforts engagés soient encore accrus.

La dotation du programme « industries cinématographiques » devrait passer de 264  à 270 millions, celle du programme « industries audiovisuelles » de 232 à 236 millions, soit 224,5 millions hors fonction support. Enfin, la dotation relative au soutien à l'expression radiophonique locale atteindra 24,1 millions.

Notre politique culturelle est donc en assez bonne santé. Elle le doit indéniablement au régime et aux exercices de musculation auxquels vous avez soumis votre département, Monsieur le ministre. Des progrès sensibles ont été faits, même si je décèle encore quelques rhumatismes fâcheux et des ankyloses d'un autre âge dans certains de vos services. Tout cela est en bonne voie, j'en suis certain. Néanmoins, grâce à Marcel Aymé, je me souviens que « tout homme bien portant est un malade qui s'ignore ».

Le pouls du ministère – comprenez son budget – est bon. Reste à vérifier la tension, c’est-à-dire à examiner les progrès accomplis dans l'application des principes posés par la LOLF. Voici le moment où, hélas, il me faut froncer le sourcil. En effet, malgré les observations formulées l'année dernière, les crédits relatifs aux personnels des services déconcentrés du ministère sont encore rattachés au programme « transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». La commission des finances le déplore vivement car la loi organique prône une présentation des crédits par finalité et une logique de coût complet. Par ailleurs, le regroupement prévu des crédits destinés au CNC répond davantage à une logique de destinataire qu'à une logique de programme.

Enfin, certaines pratiques ne sont pas conformes aux principes de souplesse de gestion et de responsabilité posés par la loi organique. Nous souhaiterions que les responsables de programme retrouvent les prérogatives et les moyens nécessaires pour gérer les programmes dont ils ont la charge et agir sur la gestion de la masse salariale. Nous le signalons afin d'aider les fonctionnaires de vos services qui furent des précurseurs de l'expérimentation de la LOLF, grâce à l'impulsion donnée par M. Aillagon et à votre engagement en la matière.

Enfin, nous sommes satisfaits qu’un certain nombre de chantiers que nous jugions prioritaires soient menés à bien cette année. S’agissant des monuments historiques, dotés de 140 millions supplémentaires, soit 380 millions en 2007, du livre et de la lecture, du développement de grands établissements culturels hors de Paris, nous avons été entendus.

Avec ce budget, le Gouvernement veut servir une ambition culturelle pour la France. À partir du 6 décembre, les émissions de France 24, la chaîne d'information internationale pour laquelle nous avons tant œuvré ensemble, Monsieur le ministre, la relaieront partout dans le monde.

Notre politique culturelle est claire, directe et compréhensible par tous. Elle met nos trésors au service de notre attractivité et de notre rayonnement – deux termes qui nous sont chers. « La culture, c'est ce qui fait l'humain » ; en répondant cela récemment à un journaliste, l'actrice Monica Bellucci a donné la preuve qu'elle avait eu connaissance de votre projet de budget. (Exclamations et rires)

Je vous demande d'adopter les crédits soumis à votre examen, pour faire entrer le beau et l'intelligent dans la vie de chaque Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Bouvard – Très bien.

M. Nicolas Perruchot, rapporteur spécial de la commission des finances pour les patrimoines  Le programme « patrimoines » est doté de 1,04 milliard en crédits de paiement et 1,4 milliard en autorisations d’engagement. Hors dépenses de personnel, les CP, à 894 millions, augmentent de 12,7 %. L’effort est louable. Il s’y ajoute 140 millions par affectation d’une partie des droits de mutation au centre des monuments historiques. Contestable sur le plan budgétaire, cette mesure permet de diversifier et d’accroître les sources de financement d’un organisme dont les missions ont été élargies.

Une autre source de diversification utilisée l’an dernier est difficilement reconductible : c’est l’affectation de 100 millions de recettes de privatisation à des chantiers culturels. L’engagement pris a été tenu, et je vous en félicite. Ces crédits ont permis de réaliser des opérations comme la construction de la cité de l’architecture et du patrimoine, d’achever les travaux de la cinémathèque française et de poursuivre le schéma directeur du Grand Versailles.

Ce sont 75,6 millions qui vont au programme « patrimoines », 5,1 millions au programme « créations », pour rénover le théâtre de l’Odéon, et 19,3 millions au programme « transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». À ce dernier titre, 15 millions vont aux écoles d’architecture, mais aussi 3 millions à l’immeuble des Bons Enfants, ce qui est plus contestable, étant donné sa destination.

En 2006, trois cents chantiers ont été interrompus ou différés. L’indispensable mobilisation de moyens en faveur du patrimoine monumental associée au dégel, en septembre dernier, de 24 millions consacrés aux monuments historiques, permettra la relance de plus de 160 chantiers dont 70 cathédrales, 10 abbayes et plus de 60 châteaux. Plusieurs grands projets d’investissement seront poursuivis : le schéma directeur du grand Versailles, la rénovation des façades du Grand Palais ou encore la restauration du quadrilatère Richelieu de la Bibliothèque nationale de France, dont j’avais l’an dernier souligné l’urgence. De même, les travaux de la Cité d’architecture et du patrimoine seront achevés en début d’année et le chantier du musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée à Marseille sera poursuivi avec, notamment, la restauration du fort Saint-Jean.

Les moyens consacrés aux musées devraient progresser de plus de 5 % pour atteindre 340 millions. Ainsi, la dotation du Louvre passera de 112 à 125 millions afin de financer la création du département des arts de l’Islam, de mettre en place le schéma directeur incendie et d’aménager les espaces d’accueil. L’augmentation de 12,7 à 16,1 millions des subventions accordées à Orsay doit notamment couvrir la restauration de la façade orientale et du pavillon amont.

Je note que le rythme de travail des gardiens de nuit des musées pourrait être accru : ils ne travaillent que 93 jours par an à Orsay et 95 au Louvre ! Par ailleurs, que pensez-vous, Monsieur le ministre, du rôle de la direction des musées de France – qui n’exerce pas vraiment sa mission de tutelle sur les établissements publics – et de la répartition assez floue des compétences entre la réunion des musées nationaux et les musées ayant le statut d’établissement public ?

Si les grands musées ont connu l’évolution statutaire la plus importante – le Louvre faisant figure de modèle en la matière – la modernisation des établissements publics n’est pas pour autant oubliée : la Bibliothèque nationale de France, par exemple, sera désormais responsable de la gestion de ses personnels – soit une masse salariale de plus de 77 millions. Ce type de transfert dynamise les établissements publics, mais le projet annuel de performance, principale source d’information du Parlement, devrait être mieux renseigné et comporter notamment le nombre d’emplois rémunérés par les opérateurs à partir d’une subvention pour charges de service public, plutôt que l’ensemble des emplois.

Enfin, après une forte chute l’an dernier, les crédits destinés à l’enrichissement des collections sont consolidés à hauteur de 19 millions. C’est très insuffisant au regard des prix du marché mais, dans le même temps, la loi de 2003 relative au mécénat semble avoir porté ses fruits, notamment en matière d’acquisition de trésors nationaux : sept opérations ont été réalisées en 2004 – pour 29 millions –, contre une seule en 2002 – pour 3,3 millions. Nombre de grandes entreprises françaises ont, depuis longtemps, intégré le mécénat dans leurs stratégies, sans d’ailleurs que les mesures fiscales les y aient vraiment incitées – sauf dans certains cas comme la fondation Louis Vuitton du groupe LVMH.

Le dispositif actuel, pourtant, reste limité : d’une part, les PME et PMI demeurent mal informées des avantages qu’offre la loi et, d’autre part, les musées, inégalement armés, se retrouvent souvent en concurrence pour séduire les mécènes. Par ailleurs, la faiblesse de l’exposition médiatique décourage certains dirigeants d’entreprendre des opérations de mécénat. En somme, le mécénat ne peut remplacer l’action de l’État en matière d’enrichissement des collections, même si l’on doit lui donner davantage de retentissement et continuer d’y inciter les entreprises, au besoin en créant des fonds de dotation sur le modèle américain.

Quoi qu’il en soit, la commission des finances vous demande d’adopter les crédits de la mission « culture ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Kert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles – La commission des affaires culturelles est favorable à ce projet de budget pour quatre raisons. Tout d’abord, il est en nette augmentation. Ce n’est certes pas une condition sine qua non de la qualité d’un budget mais, en l’occurrence, les enjeux et les retards accumulés en faisaient une nécessité.

Ensuite, il répond à la baisse de plus en plus inquiétante des crédits qui touchait depuis quelques années la sauvegarde du patrimoine. Le Premier ministre a ainsi annoncé en septembre l’affectation pérenne de 70 millions par an aux opérations de sauvegarde, d’entretien et de restauration du patrimoine conduites par le Centre des monuments nationaux, qui bénéficiera en 2007 de 140 millions. Un programme cohérent et pluriannuel de restauration pourra ainsi être établi et, à ce titre, la vigilance des parlementaires s’exercera dans différentes missions d’information qui contribueront à fonder une nouvelle politique patrimoniale.

Troisièmement, vous affirmez ici, Monsieur le ministre, votre volonté de sauver le régime d’assurance des intermittents du spectacle, après les longues polémiques qui se sont déchaînées à ce sujet, puisque 70 % des crédits de ce programme sont consacrés au spectacle vivant. L’augmentation de 7 % permettra de financer le fonds de professionnalisation et de solidarité des intermittents du spectacle. On voulait nous faire croire que les partenaires sociaux ne signeraient jamais l’accord et que la profession y était hostile, et de nombreux faux procès vous ont été faits. Le temps n’est plus aux querelles, mais au financement de l’accord : là encore, vous tenez vos engagements.

Enfin, ce budget consent un effort de réorientation des crédits vers les régions. La poursuite de grands chantiers parisiens tels que la salle de répétition de La Comédie française ou la salle Pleyel ne se feront pas au détriment des chantiers de province.

M. Michel Françaix – Il faut le dire vite !

M. le Rapporteur pour avis – Ainsi, l’État contribuera à plusieurs projets d’investissement tels que le théâtre de l’Archipel à Perpignan et le théâtre national de Bretagne, ou encore les auditoriums d’Aix-en-Provence et de Bordeaux.

La commission des affaires culturelles a, dans son rapport, souhaité explorer plus avant les raisons des deux millions supplémentaires accordés aux actions de politique internationale, qui l’intriguaient. Nous avons sous-titré cette action « Répondre à un désir de France ». Cette augmentation de 11,5 % est certes louable, mais elle ne permet pas à ce programme, en apparence, d’atteindre 1 % du budget de la culture : il ne dépasse pas 0,7 %. Pourquoi cette faiblesse ? D’année en année, l’habitude a été prise de procéder à des abattements en cours d’exercice pour abonder des actions parfois très éloignées – une exposition sur l’eau et le développement durable, par exemple. Pourtant, des crédits affectés à d’autres missions concernent l’action internationale du ministère : ceux de certains opérateurs comme Cultures France ou l’Académie de France à Rome, par exemple. En réalité, les crédits internationaux dépassent 1 %, mais seule une vision d’ensemble pourrait nous le confirmer.

Quoi qu’il en soit, la faiblesse apparente des crédits ne reflète pas la diversité des actions, qui s’organisent autour de cinq axes principaux : la défense de la diversité culturelle, la diffusion des cultures étrangères en France, l’accueil des professionnels de la culture et des artistes étrangers en France, la coopération technique et l’aide à la sauvegarde du patrimoine et, enfin, la valorisation de l’expertise et du savoir-faire culturels français. Le ministère de la culture et celui des affaires étrangères se partagent traditionnellement deux compétences complémentaires : l’accueil des cultures étrangères en France pour l’un, le rayonnement de la culture française dans le monde pour l’autre.

Mais si la distinction a une pertinence budgétaire, elle tend à s'effacer dans les faits et la complémentarité prévaut. L'exemple de Cultures France en est une bonne illustration. Cet organisme, qui disposera d'un budget de 30 millions en 2007, devra également développer les échanges entre les régions françaises et l'étranger, en se gardant de certains travers des deux associations dont il est issu et que nos collègues sénateurs avaient dénoncés.

La commission des affaires culturelles à pris pour exemple l'action culturelle de la France au Sénégal, un de ces pays où s’exprime un puissant « désir de France ». Même si un voyage au Sénégal peut conduire à s’interroger sur le sens d’une offre « culturelle » pour ceux qui n’ont même pas l’essentiel (Mouvements divers), on ne peut nier l’importance du rôle que jouent les instituts culturels français de Dakar et de Saint-Louis du Sénégal, dans ce pays auquel nous attachent des liens si forts. Faire connaître la culture française mais aussi soutenir les musiciens d’un pays qui compte trois mille groupes de rap, contribuer à l’organisation du festival de jazz de Saint-Louis, faire jaillir la confrontation des idées entre intellectuels des deux pays, voilà les missions de ces instituts.

Par ailleurs, le Sénégal attend beaucoup de nous en matière de sauvegarde du patrimoine. La ville de Saint-Louis, bâtie au XVIIe siècle par des colons français sur l'estuaire du fleuve Sénégal, est inscrite depuis 2000 au patrimoine mondial de l'UNESCO et un partenariat s’est engagé entre l'État sénégalais et la municipalité de Lille pour la restaurer ; les conseils des experts français sont appréciés. D’autre part, le président Wade souhaite la réalisation, sur la superbe île de Gorée, d’une Villa Médicis d'Afrique, la Villa Senghor. Il faut, pour cela, commencer par sauver d’une ruine complète un des bâtiments majeurs de l'île, puis le transformer. Les travaux prévus coûteront trois millions ; on ne demande pas à la France de les financer, mais au ministère de la culture de jouer un rôle de conseil.

Je ne m’appesantirai pas sur le volet « audiovisuel », traité en détail par notre collègue Olivier Dassault, sinon pour souligner que des efforts sont nécessaires. Ainsi, nous avons failli perdre TV5 Monde en Roumanie alors que la demande est forte dans ce pays francophone où les téléspectateurs souhaiteraient continuer de recevoir France 2 et France 3, comme ils le pouvaient précédemment.

Je me suis interrogé, comme l’avait fait M. Bloche dans son rapport, sur le rayonnement culturel et scientifique de la France. Il demeure, j’en suis convaincu, un fort « désir de France » dans le monde et le budget du ministère doit permettre d’y répondre pour partie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Présidente – Nous arrivons à la discussion générale.

M. Frédéric Dutoit – Si l'on s'en tient à vos annonces, les moyens du ministère de la culture, à périmètre constant, progressent de 7,8 % avec les nouvelles taxes affectées. Ce serait, selon vous, un effort considérable, « jamais atteint en termes de progression et de niveau », et un effort pérenne. Pourtant, dans bien des domaines, votre politique se caractérise par des promesses non tenues ou par des tours de passe-passe budgétaires. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) La réalité est donc bien différente de ces effets d'annonce. Ainsi, l’application de la LOLF a entraîné de graves disfonctionnements. Le gel des crédits a retardé les notifications, entraînant le versement d’agios qui ont considérablement grevé les budgets.

Les monuments historiques sont la principale priorité de votre budget. En 2007, plus de 380 millions seront consacrés à la restauration et à l'entretien du patrimoine monumental. Or, cette somme correspond à peu près aux dépenses annuelles nécessaires. De surcroît, cette dotation sera pour partie le produit des droits de mutation à titre onéreux, ce qui interdit de parler de ressources budgétaires. L’association Vieilles maisons de France a d'ailleurs dit ses réserves. Vous aviez annoncé pour janvier 2006 une allocation de 100 millions, mais la réalité, tout autre, a été une baisse de 30 % en régions. De même, vous aviez annoncé 300 millions de crédits pour la restauration, mais les sénateurs ont souligné que moins de 200 millions ont été engagés. Par ailleurs, la suppression des crédits de report a amputé de nombreux versements, ce qui a immobilisé de nombreux chantiers, au grand dam des entreprises, des propriétaires et des collectivités.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication - C’est de l’histoire ancienne.

M. Frédéric Dutoit – Dans ce contexte, quel crédit vous accorder ?

M. Michel Françaix – De crédits, il n’y en a plus…

M. Frédéric Dutoit – Votre seconde priorité – le livre et la lecture – est également financée par des mesures extrabudgétaires car le passage de 21 à 35 millions que permettra la réforme de la taxe sur la reprographie affectée au Centre national du livre ne peut être considéré comme relevant du budget de l'État. (M. le ministre s’exclame)

Vous semblez d’autre part oublier la mobilisation du corps chargé de l’archéologie préventive. En sous-effectif, ses membres n'arrivent plus à assumer leurs missions et ils redoutent la destruction de centaines de sites inexplorés. Il faut dire que, considérant les fouilles archéologiques comme une activité marchande, vous avez supprimé la maîtrise d'ouvrage publique et le financement des fouilles par redevance pour ouvrir ce « marché » à la concurrence.

Alors que quelque 70 000 hectares sont retournés chaque année en France par des pelleteuses pour permettre la construction d’infrastructures diverses (« Et alors ? » sur les bancs du groupe UMP), le principe de l'archéologie préventive est aujourd'hui remis en cause par les difficultés que rencontre l'INRAP. Tandis que le nombre de projets d'aménagement s’envole, celui des agents stagne, si bien que les projets d'aménagement prennent du retard. Les diagnostics prescrits en 2006 ont peu de chance d'être réalisés avant 2007 ou 2008, s'ils le sont, car l'heure est à la réduction du nombre de diagnostics. Outre que les conditions de travail des archéologues s’aggravent, une menace pèse donc sur le patrimoine.

Je tiens aussi à appeler l’attention sur la multiplication de rachats d'entreprises par des fonds financiers, par le biais de LBO. Ces opérations s'accompagnent de restructurations synonymes de destructions d'emplois et de capacités, de dégradation des conditions d'embauche et de travail des salariés, et parfois d'abandon d'installations ou d'activités. La situation préoccupante de TDF me conduit à vous alerter à nouveau sur ces méthodes, car le premier groupe diffuseur audiovisuel en Europe, acteur national stratégique dans la communication, secteur où l'intérêt général devrait primer sur les enrichissements particuliers, est en proie, pour la seconde fois, à un LBO. Sa valorisation supposée est passée de 1,9 milliard en 2002 à près de 5 milliards aujourd’hui, ce qui aiguise l’appétit de plus-value de Charterhouse et de la CDC, ses propriétaires actuels. Ce nouveau LBO doublera l'endettement de TDF et renforcera les pressions sur l'emploi, les salaires, la formation et la croissance interne de l'entreprise.

Face à des pratiques aussi néfastes sur les plans social et industriel, il est de la responsabilité du Gouvernement d’assurer la pérennité de l’entreprise par des financements pérennes, autres que ceux des marchés. La Caisse des dépôts, établissement à caractère public, au lieu de participer activement à ces dérives affairistes, doit jouer un rôle actif en ce sens. J'aimerais, Monsieur le ministre, connaître votre avis sur cette question.

Enfin, avec la question des intermittents, nous passons de la tartufferie à la trahison. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) L'épisode pitoyable du refus de voter une proposition de loi signée par 472 parlementaires – dont une centaine de députés du groupe UMP – demeure inacceptable. Face à la mobilisation des intermittents du spectacle qui ne désarment pas et à cette menace d'une proposition de loi sur les annexes 8 et 10 du régime d'assurance chômage que vous ne voulez pas, la troisième priorité est donnée au spectacle vivant. Évidemment, l'abrogation du protocole d'accord du 26 juin 2003 et la remise à plat du système d'indemnisation du chômage des professionnels du spectacle ne sont toujours pas à l'ordre du jour, alors que vous vous étiez engagé à légiférer au cas où les partenaires sociaux n'arriveraient pas à se mettre d'accord avant la fin de l'année 2005. Ce n'est pas la pérennisation du fonds de solidarité, abondé par 5 millions, qui permettra de refonder la mutualisation interprofessionnelle de l'assurance chômage. Cette mesure permettra sans doute de limiter les situations les plus désespérées mais ne réglera rien sur le fond.

Il faut bien le rappeler : en relevant leurs conditions d'accès à l'indemnisation chômage et en abaissant la durée d'indemnisation, les partenaires sociaux ont programmé la disparition d'un tiers des professionnels de la culture qui ont perçu au moins une allocation chômage durant l'année 2002. L'accord, dont les syndicats signataires ne représentent qu'une petite minorité des intéressés, a bien conduit au licenciement collectif de plus de 30 000 salariés, sans aucun plan social. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Monsieur le ministre, depuis trois ans, vous mettez en avant la discussion et la négociation, et vous saluez l'excellent travail que nous avons fourni dans le cadre du comité de suivi des intermittents du spectacle et lors de missions parlementaires qui furent, selon vos propos, d'une très grande qualité. Allons-nous enfin sortir de cette impasse en votant notre proposition de loi ?

Pour finir, ce projet de budget semble bien ambitieux mais à qui fera-t-on croire qu'avec 26 emplois en plus pour l'ensemble du ministère, ses agents pourront assumer leur mission de service public culturel dans les meilleures conditions ? Même si l’on prend en compte les 63 postes supplémentaires affectés aux établissements publics culturels, qui peut croire sérieusement que 32 postes pour le Louvre, 22 pour la future Cité internationale de l’histoire de l’immigration et quatre pour renforcer la Cité de l’histoire et du patrimoine, suffiront ?

Les arts et la culture sont un puissant facteur de cohésion sociale, d’émancipation et d’identification pour nos concitoyens. C’est pourquoi les pouvoirs publics ont le devoir de les soutenir. N’étant pas dupes de la présentation en trompe-l’œil de ce budget d’attente électorale, nous ne le voterons pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Michel Françaix – Très bien.

M. Michel Herbillon – C’est lors de l’examen du budget de la culture que se mesure concrètement l'ambition de la politique culturelle du Gouvernement. À cet égard, l'année 2007 s'annonce sous de bons auspices (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Je tiens à féliciter les rapporteurs, et en particulier le rapporteur pour avis pour son enthousiasme et la pertinence de ses propositions, notamment sur la nécessité de renforcer la coopération interministérielle et de rechercher de nouvelles sources de financement.

L’année 2007 s’annonce sous de bons auspices, disais-je. Voici les chiffres : outre une hausse de plus de 2 % des autorisations d’engagement et des crédits de paiement, les crédits de la culture seront abondés en 2007 du produit de nouvelles taxes, ce qui portera à près de 7,8 % la hausse des moyens. Cet effort important s'inscrit dans le prolongement de la politique menée depuis 2002 en faveur de la culture. En cinq ans, cette majorité aura augmenté de 570 millions d'euros les crédits dédiés à la création et aux artistes, soit deux fois plus que ce qu’avait fait le gouvernement Jospin (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).

M. Patrick Bloche – Personne ne vous croit !

M. Michel Herbillon – Ces moyens nouveaux n'ont rien de superflu. Ils répondent au contraire à des priorités qui devraient faire consensus au sein de notre Assemblée.

Au premier rang de ces priorités figure le patrimoine, et plus spécialement les monuments historiques. L'effort consenti est aujourd'hui vital pour la sauvegarde des 44 000 monuments classés ou inscrits que compte notre pays, dont beaucoup ne sont plus ou sont mal entretenus depuis des décennies. Il est vital également pour la survie de milliers d'entreprises et d’artisans d'art, au savoir-faire inestimable. Nous nous félicitons donc de l’affectation d’une recette pérenne de 70 millions d'euros provenant des droits de mutation, en sus des crédits budgétaires. Ce sont ainsi 380 millions d'euros qui seront consacrés à la restauration des monuments historiques, permettant de relancer 160 chantiers en province, dont 71 concernent des cathédrales, et de financer la poursuite de grands projets, parmi lesquels les travaux du Grand Palais, ceux de la Cité de l'architecture et du patrimoine et du théâtre de l'Odéon.

Cette action en faveur des monuments historiques devant s'inscrire dans la durée et être encore amplifiée, il conviendrait d'élargir la loi sur le mécénat de 2003 aux propriétaires privés de monuments historiques.

M. Olivier Dassault, rapporteur spécial – Tout à fait.

M. Michel Herbillon – Les crédits dédiés aux musées nationaux augmentent de plus de 7,5 %. Outre l’application du contrat de performance signé en avril dernier avec le musée du Louvre, qui comprend la réalisation du département des arts de l'Islam, cette hausse substantielle des crédits va permettre de rénover, de moderniser et d’accroître notre parc muséal en région et en Île-de-France.

Si 2006 a été riche, notamment avec l'ouverture du musée des Arts premiers quai Branly, et la réouverture du musée des Arts décoratifs, 2007 s'annonce tout aussi prometteuse, avec l’ouverture du musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée à Marseille et le lancement des travaux de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration au Palais de la Porte Dorée à Paris.

En matière de création et de diffusion, trois points méritent d'être plus particulièrement soulignés. Tout d’abord, le plan d'action en faveur de l'art contemporain. Par la création d'événements et de lieux nouveaux, en particulier le Centre de création contemporaine de l'Île Seguin, mais aussi diverses mesures fiscales et de relance du 1 % artistique, le renouveau de la création contemporaine sera conforté, et Paris pourra redevenir une place forte du marché de l'art. Nous ne pouvons que soutenir votre ambition en ce domaine, Monsieur le ministre.

Le spectacle vivant est une autre priorité. En hausse de 3 %, son budget continue de progresser. De 2002 et 2007, il aura crû ainsi de près de 14 %. Ces moyens nouveaux profiteront, entre autres, aux établissements publics nationaux notamment à La Comédie Française, et permettront de financer de grands projets d'investissement, qu'il s'agisse du Théâtre national de Strasbourg ou des auditoriums d'Aix-en-Provence et de Bordeaux. L'auditorium de Paris, situé à La Villette et désormais sur les fonts baptismaux, bénéficiera également de cet effort.

S’agissant de la délicate question de l'assurance chômage des artistes et techniciens, vous avez eu raison d'inscrire dans ce budget cinq millions d'euros pour abonder le fonds de professionnalisation et de solidarité. L'annonce récente par la CFDT et la CFTC de leur décision de signer le protocole d'accord qui redéfinit les annexes VIII et X prouve que nous avons eu raison, en dépit de toutes les difficultés, de donner jusqu’au bout toutes ses chances au dialogue social.

M. Patrick Bloche – Vous savez bien qu’il n’en est rien !

M. Michel Herbillon – Il faut enfin saluer les moyens supplémentaires alloués au livre et à la lecture. L'élargissement de l’assiette de la taxe sur la reprographie permettra de renforcer le soutien au secteur du livre, notamment aux libraires indépendants, et de financer le projet stratégique de la bibliothèque numérique européenne, voulu et soutenu par la France auprès de ses partenaires européens.

Évoquant en conclusion l'enseignement supérieur et l'éducation artistique, je vous poserai deux questions. La première porte sur l’intégration des diplômes de nos écoles d'architecture et écoles d'art, qui comptent aujourd'hui 35 000 étudiants, dans le cadre européen de l’enseignement supérieur. Où en est la mise en place du LMD dans ces écoles et quels moyens y sont consacrés ? Enfin, où en est le plan de relance en matière d'éducation artistique que vous aviez lancé en 2005, notamment pour ce qui est des partenariats avec l’éducation nationale ?

M. Patrick Bloche – Il est au point mort.

M. Michel Herbillon – Quarante millions d’euros seront dédiés l'an prochain à l’éducation artistique. Pouvez-vous nous indiquer quelles seront vos priorités ?

Puisque, s’il faut en croire Jean Cocteau, « il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour », notre passion pour la culture doit se traduire par des preuves, c’est-à-dire des actions fortes et des crédits budgétaires suffisants. Ce projet de budget reflète la politique ambitieuse engagée depuis cinq ans par le Gouvernement en faveur du développement culturel, de la création, des artistes, de l’emploi dans le domaine culturel et de l’image culturelle de notre pays.

Vous pouvez compter, Monsieur le ministre, sur le soutien actif des députés UMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Bloche – Comment ne pas regretter, Monsieur le ministre, que vous ayez été, à deux reprises depuis le débat budgétaire de l'année dernière, le ministre des occasions manquées ? Les députés socialistes font ce triste constat avec d'autant moins d'esprit partisan qu'à chaque fois, ils ont défendu des convictions partagées par des députés de tous les autres groupes, de l’UMP en particulier.

Ainsi aurions-nous pu sortir ensemble par le haut, ici même le 12 octobre dernier, de la grave crise de l'emploi culturel que connaît notre pays depuis juin 2003. Il existait en effet une majorité dans l’hémicycle pour poser les nouvelles bases d'un système pérenne et équitable d'indemnisation chômage des artistes et techniciens du spectacle vivant, du cinéma et de l'audiovisuel. Les manœuvres de procédure du président du groupe UMP, que vous avez au mieux accompagnées, Monsieur le ministre, ont privé la représentation nationale de cette opportunité législative. Et même si, depuis un mois, certains syndicats ont évolué, il n’en reste pas moins que le mauvais protocole d'accord du 18 avril 2006 ne résout en rien les problèmes de fond qu'a révélés le conflit des intermittents du spectacle.

Il y a eu, par ailleurs, l'interminable débat parlementaire sur le droit d'auteur dans la société de l’information : autre occasion ratée, fiasco législatif même, avec une loi mort-née dont le volet répressif a encore été durci par le juge constitutionnel.

M. le Ministre – À cause du recours déposé par les socialistes !

M. Patrick Bloche – La ligne Maginot que vous avez vainement tenté d'édifier a déjà été enfoncée, notamment par les puissants lobbies industriels qui vous ont poussé à la faute. Aujourd'hui, les auteurs et artistes-interprètes sont moins que jamais assurés de retirer une légitime rémunération de la diffusion de leurs œuvres sur Internet. Et une épée de Damoclès menace toujours la copie privée et le développement du logiciel libre dans notre pays.

J'en viens au budget de la culture pour 2007. Comme chaque année, au début de l'automne, vous avez convoqué les médias pour le présenter avec triomphalisme et autosatisfaction. Mais une fois de plus, il faut aller au-delà des apparences et dissiper les illusions. Vous annoncez ainsi une hausse de 7,8 % de votre budget en 2007, présenté dès lors comme exceptionnel. Qu'en est-il au juste ? D’après le bleu officiel, le budget de la culture, à périmètre constant, est en effet en hausse – mais de 2,2 % en autorisations d'engagement et de 2,6 % en crédits de paiement. Autant dire qu’il stagne, si l’on déduit l’inflation.

Pour faire apparaître un budget en hausse, vous avez introduit dans sa présentation des ressources extrabudgétaires : 140 millions pour les monuments historiques de l'État par affectation d'une partie du produit des droits de mutation à titre onéreux, et 15 millions par l'élargissement de l'assiette de la redevance sur la reprographie aux imprimantes et télécopieurs. Ces deux mesures sont du reste positives,…

M. le Ministre – Ah !

M. Patrick Bloche – …mais le patrimoine a été tellement sacrifié ces dernières années qu'il ne s'agit que d'un rattrapage très partiel des crédits perdus.

M. Michel Françaix – Démasqué !

M. Patrick Bloche – En outre, les 140 millions affichés pour les monuments historiques de l’État ne sont atteints que par le cumul de deux années : 70 millions en 2006, et la même chose en 2007. Ce cumul d’exercices budgétaires distincts pour faire apparaître une hausse, purement optique, est une première ! Si le Gouvernement peut néanmoins plaider que cette somme sera dans les caisses du Centre des monuments nationaux en 2007, le budget 2008 subira alors automatiquement une baisse de 70 millions ! Un vrai cadeau empoisonné pour le prochain ministre.

M. le Ministre – Rassurez-vous : ce sera moi ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Bloche – En outre, est-on sûr que cette ressource nouvelle, présentée comme pérenne, le sera bel et bien ? Enfin ces mesures n’accroissent nullement le budget des autres secteurs : spectacle vivant, musées, arts plastiques, etc.

Une autre évolution se confirme cette année. Malgré un budget contraint, le ministère de la culture poursuit ou lance de grandes opérations à caractère national, toutes situées à Paris ou en région parisienne. Seule exception : le musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée, à Marseille. Il ne s'agit pas de contester l'opportunité de telles opérations, pleinement justifiées, et qui seront réalisées sur plusieurs années, d’où un certain étalement de la dépense, mais, dès lors que le budget n'augmente pas, ou à peine, ces investissements pèseront inévitablement sur les autres interventions de l'État, qui sera obligé de se désengager de beaucoup d’actions.

Monsieur le ministre, vous présentez le patrimoine monumental comme la première des priorités. C'est à vrai dire la seule, et son sort n'est guère glorieux ! Ce secteur se trouve dans une situation catastrophique en raison de la baisse des crédits de restauration que lui fait subir le Gouvernement depuis 2002, suscitant la colère des professionnels. Ne pouvant nier le désastre, le Premier ministre lui-même a annoncé l'affectation d'une partie de la taxe sur les droits de mutation à la restauration des monuments historiques de l'État. Ce dernier retrouverait dès lors, d’après vous, des marges de manœuvre pour financer la restauration des monuments des propriétaires privés ou des collectivités territoriales. Or, si les dépenses d'intervention destinées à ces propriétaires augmentent effectivement de 40 millions en autorisations d'engagement, soit de 32 %, les crédits de paiement, eux, diminuent de 23 millions, soit de 23 %. La conséquence en sera l’impossibilité de payer les travaux !

Je vais maintenant me livrer, faute de temps, à un inventaire budgétaire à la Prévert. Notre collègue Frédéric Dutoit a tout dit sur l’archéologie préventive, et je ne puis qu’approuver son analyse pertinente. Les crédits de l'architecture destinés aux espaces protégés et à la promotion de la qualité architecturale, urbaine et paysagère baissent de 23 %. Les moyens destinés aux musées nationaux étant maintenus ou augmentés, les crédits consacrés aux actions en régions chutent de 30 %.

La création est de nouveau sacrifiée cette année, mais cette fois, le spectacle vivant n’est plus épargné, comme c’était relativement le cas jusque là, pour des raisons politiques. Vous n'avez même plus les moyens de faire semblant ! L'augmentation de 1,2 % des dépenses d’intervention pour le spectacle vivant est inférieure à l'inflation. Les compagnies et jeunes groupes de création verront en fait le soutien de l'État se réduire, compte tenu de leurs charges croissantes.

Les aides aux collectivités territoriales pour les constructions de nouveaux équipements en région baissent pour la deuxième année consécutive : une diminution de presque 50 % en deux ans. L'État se désengage sans le dire, au détriment des collectivités territoriales.

Les crédits des arts plastiques, en dépit des annonces, baissent à nouveau. Les aides aux industries culturelles dans les domaines du spectacle vivant, du livre et du cinéma, baissent de 2 millions, soit de 12 %. La transmission des savoirs et la démocratisation de la culture chutent d'au moins 3 % ; c’est une baisse continue depuis 2002. Une telle dégradation est, hélas, encore peu connue, car ces actions de terrain sont moins médiatiques que d'autres. Il y va pourtant de la démocratie culturelle et de la lutte contre les inégalités.

M. Michel Françaix – Très bien !

M. Patrick Bloche – Les dépenses d'intervention pour l’éducation artistique et culturelle augmentent de 1,8 %, au même niveau que l'inflation. On sait pourtant que le ministère de l'éducation nationale a, depuis 2002, réduit ses interventions dans ce domaine. Les subventions aux conservatoires et écoles de musique des communes baissent de 5,3 % en autorisations d’engagement, ce qui n’est nullement fortuit : ces crédits étant appelés à être décentralisés, l'État, qui n’en aura plus la responsabilité, programme leur baisse, au détriment, encore une fois, des collectivités territoriales. Les actions spécifiques en faveur de la diversification des publics et de la mise en œuvre des politiques territoriales voient leurs crédits s'effondrer de 20 %.

À l’évidence, vous ne pouvez plus agir, Monsieur le ministre, qu'en prenant à Pierre pour donner à Paul. Il reviendra donc a une autre majorité de mettre en œuvre, en 2007, une volonté politique forte dans le domaine culturel, pour redresser la barre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Claude Leteurtre – La mission « culture » recouvre trois programmes : « patrimoine » ; « création et transmission des savoirs » ; « démocratisation de la culture ». Il s’agit donc de politiques variées, qui ont en commun la volonté de préserver et de développer l’accès de tous à la culture. Au-delà de ses aspects purement créatifs, la culture représente une richesse économique.

Votre première priorité, Monsieur le ministre, a trait aux monuments historiques. Vous annoncez des financements pérennes pour le Centre des monuments nationaux. Des moyens importants seront accordés aux collectivités locales et aux propriétaires privés pour les chantiers de restauration. J’ai longtemps été maire d’une commune dotée d’un riche patrimoine historique. Posséder sur sa commune le château de Guillaume le Conquérant est une chance ; mais confronté à l’intolérance de certains inspecteurs généraux et accablé par les charges, j’en suis venu à ressentir cette chance comme un fardeau. J’espère que les mesures que vous annoncez changeront cette vision qu’ont les maires et les propriétaires.

Il faut préserver et embellir ce patrimoine historique de notre pays, non seulement pour sa beauté et le témoignage historique qu’il représente, mais aussi pour sa valeur touristique. En outre, la restauration historique exige un savoir-faire, qui est en lui-même un vrai patrimoine, et que vos mesures vont permettre de conserver.

Qu’est-il advenu de votre proposition de label européen du patrimoine, que le groupe UDF souhaite voir aboutir ? Attribué selon des critères définis dans une charte, et soutenu par une fondation européenne du patrimoine, il renforcerait les moyens des monuments labellisés. Puisque nous parlons d’Europe, je m'interroge également sur ce que nous pouvons attendre de l'éligibilité, dans le cadre de l'objectif « convergence » du FEDER, des opérations de promotion et de préservation du patrimoine culturel.

Sur votre deuxième priorité, le livre et la lecture, vous prévoyez de nombreuses mesures en faveur de tous les acteurs de la chaîne du livre, ainsi qu’une réforme de la dotation globale de décentralisation pour les bibliothèques. À l'heure où l'image est de plus en plus présente, l'écrit doit retrouver sa place dans la transmission des savoirs, son utilisation sur les nouveaux supports technologiques doit être favorisée. En termes de coût, le livre est le bien culturel le plus accessible, par le biais des bibliothèques. Il a donc tout son rôle à jouer dans une politique de cohésion sociale.

Nous nous félicitons de l'augmentation des crédits et de la réorientation sur les régions de l'investissement pour le spectacle vivant, un domaine important en termes de cohésion sociale et d'animation des territoires. Avec la décentralisation culturelle en cours, une montée en puissance des régions est indispensable. Elles devront prendre leur part du travail des départements et communes dans ce domaine.

À l'occasion du débat sur le spectacle vivant, en 2004, nous avions demandé une loi ambitieuse, comme celles qui existent pour les musées, les monuments historiques et les archives. Une telle loi constituerait une base juridique solide pour l'intervention de l'État et des collectivités territoriales, et permettrait, par le biais de règles de conventionnement, d'assurer la liberté et l'indépendance des créateurs.

Dans ce domaine du spectacle vivant, il faut affirmer la nécessaire démocratisation culturelle, encourager la diversification des publics et développer l'éducation artistique, trop souvent sacrifiée.

Notre réflexion doit aussi porter sur l'emploi culturel, en repensant l'entrée dans les métiers artistiques, l'évolution de la carrière et sa sortie. Par ailleurs, ce que nous faisons déjà avec les dispositifs comme le crédit d'impôt pour le cinéma devrait trouver à s'appliquer aussi au spectacle vivant. En effet, si la question ne se pose pas pour le spectacle lui-même – qui ne peut être délocalisé –, elle vaut pour tout ce qui l'entoure, que ce soit avant le spectacle ou après, et je pense notamment aux produits dérivés.

S’il est un sujet qui nous préoccupe particulièrement, c'est bien la dotation budgétaire destinée au fonds de soutien à l'expression radiophonique pour les radios associatives. L'UDF est attachée à ce que la diversité des radios puisse être assurée sur l'ensemble du territoire. Les radios associatives participent très largement à la démocratie locale et au pluralisme, et il importe donc qu'elles disposent de moyens suffisants. Or, depuis 2002, le barème de l'aide publique réglementaire aux radios associatives est inchangé et, à valeur nominale égale, les subventions ont perdu 11 % de leur valeur réelle.

Au nom du groupe UDF, M. Lassalle a déposé un amendement en première partie tendant à inscrire une recette de 28 millions pour le fonds de soutien à l'expression radiophonique locale, au lieu des 24,1 millions budgétés. Pour des raisons de procédure, cet amendement a été rejeté. Nous le redéposerons donc au Sénat. Quel est, Monsieur le ministre, votre position sur cette demande d’augmentation des crédits FSER ciblée vers les radios associatives ?

S’agissant du mécénat d'entreprise, il nous semble important de le moderniser, pour tenir compte de l'essor actuel des expositions d'art, lesquelles contribuent largement à la création et à la diffusion artistiques. C'est une idée qui tient particulièrement à cœur à notre collègue Anne-Marie Comparini, inspirée par le succès de la Biennale d'art contemporain de Lyon. Pouvons-nous envisager l’éligibilité au régime du mécénat des grandes expositions d'art ?

Aujourd'hui, l'action culturelle ne peut se limiter au seul cadre de nos frontières. Au-delà de notre propre patrimoine culturel, entendu au sens le plus large, il y a celui de l'humanité toute entière. Notre pays a le devoir de défendre aussi les cultures qui ne sont pas les siennes, car elles ne peuvent que nous enrichir. Nous devons aussi tenir compte de la dimension européenne de la culture et promouvoir la diversité culturelle dans le monde. Nous souhaitons par conséquent que le Gouvernement soutienne, au sein des instances internationales et européennes, notre proposition de créer un instrument juridique international contraignant sur la diversité et les échanges culturels. Enfin, il convient aussi de fixer des règles claires pour le commerce des biens et services culturels.

Même si, comme vous sans doute, Monsieur le ministre, nous voulons plus encore pour la culture, l'UDF votera ce budget.

M. Michel Françaix – Votre budget, Monsieur le ministre, serait en hausse ! Je n’y reviens pas, Patrick Bloche ayant bien démontré la part des apparences et celle de la réalité… Je désespère un peu de vous faire percevoir le décalage entre vos affirmations et la réalité que vivent les professionnels, sans doute collectivement frappés d’un trouble de la vision !

Alors, bien sûr, on peut se féliciter du musée du quai Branly, de la rénovation du Grand Palais, de la construction du grand auditorium de Paris à la Villette ou du projet de centre européen de création contemporaine sur l’île Seguin. Mais comment ne pas être frappé par le fait que tous ces projets sont parisiens, et qu’ils vont peser durablement sur les capacités d’intervention de l’État dans le champ culturel ?

C’est du reste le cas dès cette année pour ce qui concerne le patrimoine, le spectacle vivant – plus menacé que jamais – et les arts plastiques. Et que dire des actions en région ou du soutien aux initiatives des collectivités locales ?

Une augmentation très importante du budget est donc indispensable dans les années à venir, et il nous appartiendra sans doute de la prévoir, une fois que nous serons revenus aux responsabilités…

Plusieurs députés UMP – Alors, ce n’est pas pour demain !

M. Michel Françaix – …pour éviter que la politique culturelle ne se replie sur quelques institutions nationales, au détriment de tout le reste du territoire. Si l’on veut éviter de nouvelles fractures, il faut prendre conscience de la nécessité d’inscrire les politiques culturelles dans les projets de territoire, quitte à ce que l’État donne un coup de pouce au travers d’une dotation de solidarité culturelle pour les territoires les plus défavorisés. Avec l’émergence du fait territorial dans la culture, on assiste à une très importante mutation du paysage culturel national. Il ne faut pas se contenter d’une situation où seulement 15 % de la population fréquentent les lieux de culture cependant que tous les autres sont condamnés au petit écran ! Décentralisation culturelle et exigence artistique peuvent faire bon ménage. Il faut irriguer l’ensemble du territoire pour réduire les inégalités d’accès à la culture. Et l’émergence d’une véritable démocratie culturelle passe aussi par la promotion de la culture dans l’audiovisuel.

Il convient aussi de faire preuve de beaucoup plus de détermination pour relancer la présence artistique en milieu scolaire.

L’analyse des publics s’enrichit aujourd’hui de la pluralité des pratiques et des démarches individuelles. Comment faire fructifier ces nouveaux terrains d’analyse pour construire une politique culturelle ? Il faut tenir compte de la rencontre permanente des pratiques culturelles socialement reconnues et des champs moins académiques comme le roman policier ou la bande dessinée. Il incombe aux politiques publiques de faire une place à ces nouvelles pratiques, dont l’essor témoigne d’une amorce de démocratisation de la culture. Il s’agit de partager quelque chose qui n’est pas de l’ordre de la consommation mais de la construction. Porter une ambition artistique sans concession et toucher au plus profond les habitants des zones rurales n’a rien d’impossible. En témoigne l’audience des scènes de musique actuelle de Poligny, de jazz à Marciac ou du festival des petits riens, dans les Côtes-d’Armor… L’un des défis majeurs, c’est que la population des villes et des banlieues s’approprie l’offre culturelle, car la politique culturelle génère du lien social.

Tout le monde s’accorde pour reconnaître aux artistes un rôle central dans la vie culturelle. L’artiste, c’est le passeur qui nous fait accéder à la richesse du monde sensible. La présence du créateur au cœur de la cité est une chance dont notre pays ne peut se priver. Je sais que vous le pensez, Monsieur le ministre ; aussi votre position sur le régime d’assurance chômage des intermittents m’apparaît-elle aussi incompréhensible qu’inacceptable.

Au-delà de cet affichage budgétaire trop optimiste pour être honnête, de la non assistance à patrimoine en danger, de la stagnation des crédits dévolus à la création et du compte d’affectation spéciale pour l’audiovisuel, de la non prise en compte du rôle essentiel des radios associatives, c’est la hiérarchisation systématique des priorités au bénéfice des institutions nationales qui nous choque le plus. Dans une société qui se fracture, l’État doit se situer aux avant-postes du lien avec la population et savoir faire preuve d’audace. Il doit investir dans la formation d’une citoyenneté éclairée.

Soyons conscients, Monsieur le ministre, de la montée des populismes et extrémismes de tout poil. Les conquêtes de la culture marquent aussi une reconquête du politique. À vous, pour peu de temps je l’espère – surtout pour les artistes ! – , de mettre l’art à l’épreuve de la vie et la vie à l’épreuve de l’art. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

La discussion générale est close.

M. le Ministre – Tout d'abord, je tiens à vous remercier, Messieurs les rapporteurs spéciaux et Monsieur le rapporteur pour avis, pour votre travail et pour vos observations, qui font honneur au Parlement. Tout en ayant pris bonne note de vos remarques sur lesquelles je reviendrai dans un instant, je tiens à vous remercier, Monsieur le rapporteur spécial, d'avoir jugé au nom de votre commission des finances, que le projet de budget pour 2007 est « globalement satisfaisant ». Monsieur le rapporteur pour avis, je vous remercie d'avoir pris acte de la reconquête des marges de manœuvre dont témoigne le projet qui vous est soumis, et j'y vois un signe d'attachement de la représentation nationale à l'action de l'État dans ce domaine essentiel. Je tiens également à vous féliciter pour votre analyse de l'action internationale du ministère de la culture. Et je reprendrais volontiers à mon compte l'objectif que vous lui assignez : « répondre à un désir de France ». Cette définition me paraît aussi valoir, au fond, pour l'action menée par le ministère de la culture et de la communication, non seulement au-delà de nos frontières, pour assurer le rayonnement culturel international de la France, mais aussi, au coeur de nos territoires, pour réussir l'alliance, que je crois féconde, du patrimoine et de la création.

Il y a en effet, au cœur de nos missions, ce sentiment largement partagé dans le monde, et souvent prouvé au cours de l'histoire, ce sentiment exprimé par André Malraux que « la France n'est jamais aussi grande que lorsqu'elle l'est pour les autres ». Et le ministre d'État du général de Gaulle, auquel le Président de l'Assemblée nationale a rendu hier un très bel hommage et auquel je rendrai hommage à mon tour, rue de Valois, le 23 novembre, à l'occasion du trentième anniversaire de sa mort, ajoutait qu'il y a, au cœur de la culture, cette très belle mission de « faire prendre conscience aux hommes de la grandeur qu'ils ignorent en eux ».

Avant de répondre en détail aux observations des rapporteurs, puis aux questions précises des orateurs, je tenais à revenir ici, pour le dernier budget de cette législature, à cette ambition fondatrice, non pas pour dresser un bilan, mais pour tracer les perspectives et le contexte d'une action que j'ai, avec votre concours, Mesdames et Messieurs les députés de la majorité, tenu à inscrire pour ma part toute entière dans le cadre du décret qui a fixé, le 24 juillet 1959, les objectifs de l'action du ministère de la culture : « rendre accessibles les œuvres capitales de l'humanité, et d'abord de la France, au plus grand nombre possible de Français ; assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel, et favoriser la création des œuvres d'art et de l'esprit qui l'enrichissent... ».

En dépit des contraintes pesant sur les finances publiques, ce projet de budget est à la mesure de cette ambition, dans le cadre d’un État moderne, soucieux d’efficacité, de bonne gestion et d’un meilleur service rendu à la population. Voilà qui donne tout son sens au jugement favorable de votre rapporteur spécial !

À périmètre constant et compte tenu des nouvelles taxes affectées, les moyens du ministère de la culture progressent en effet de 7,8 % cette année. Peu de ministères peuvent se vanter d’une telle progression – 3,2 milliards d’euros – et d’une telle continuité budgétaire. Sans triomphalisme ni autosatisfaction, vous pouvez en être fiers !

Si le budget de la culture ne cesse d’augmenter depuis 2002, l’accélération est encore plus marquée depuis 2004. Au risque de déranger certains, les moyens de la culture n’avaient progressé que de 300 millions de 1997 à 2002, contre 600 entre 2004 et 2007 !

M. Patrick Bloche – Vous oubliez de préciser que le périmètre a changé !

M. le Ministre – Malgré certains fantasmes, il n’y aucun désengagement de l’État, ni dans les chiffres ni dans l’action.

M. Patrick Bloche – Donnez-nous plutôt les vrais chiffres !

M. le Ministre – Dans le contexte actuel de tensions, on aurait pu espérer que la gauche républicaine saurait se rassembler autour de certains objectifs partagés, au lieu de se lancer dans de vaines querelles politiciennes…

M. Patrick Bloche – Ne nous faites pas de procès d’intention. Nous sommes dans l’opposition, et vous nous présentez un mauvais budget, voilà tout.

M. le Ministre – Peut-être préparez-vous des jurys populaires chargés de juger les artistes !

Parce que ce ministère engage notre avenir, j’ai veillé à ce qu’au moins 20 % des crédits soient consacrés à l’investissement et à ce que les dépenses de fonctionnement de l’administration soient stabilisées. Pour préciser le périmètre, je note que mon budget est minoré par le transfert de la dotation générale de décentralisation, qui conduit à rattacher 179 millions à la mission « soutien des collectivités locales ». La hausse des crédits annoncée est réelle, car calculée à périmètre constant. J’ajoute que nous avons pris en compte de nouvelles recettes fiscales – le produit de la taxe affectée au Centre des monuments nationaux, pour un montant de 140 millions, mais aussi l’augmentation de la redevance, pour 14 millions, dont bénéficie le Centre national du livre, deux nouvelles recettes qui viennent accroître les crédits de la culture.

Comme l’a montré le succès populaire des Journées européennes du patrimoine, nous nous battons chaque année pour faire de la richesse extraordinaire de notre patrimoine un atout pour le pays. Ma première priorité porte en effet sur les monuments historiques. J’indique à M. Leteurtre que le label du patrimoine européen est en passe de devenir une réalité : pour le cinquantième anniversaire du traité de Rome, nous pourrons présenter une première liste de monuments, destinée à devenir une sorte de guide du Routard de la culture, recensant les lieux les plus emblématiques – châteaux, lieux de culte, places de village, cafés littéraires et politiques, tous monuments que nous devons mettre en réseau.

MM. Claude Leteurtre et Michel Herbillon – Très bien.

M. le Ministre – En complément des crédits budgétaires, nous avions affecté l’an dernier une partie des recettes de privatisation aux grands chantiers patrimoniaux. Cette année, ce sont encore 320 millions d’euros qui iront au financement de quelque 4 000 chantiers partout en France. Comme le Premier ministre l’a annoncé le 14 septembre à Amiens, les chantiers de restauration bénéficieront de 140 millions d’euros supplémentaires entre la fin de cette année et le début de l’an prochain, effort dont les collectivités territoriales profiteront pleinement, de même que les propriétaires privés, grâce aux redéploiements que permettront ces moyens nouveaux. Le Centre des monuments historiques bénéficiera enfin de la maîtrise d’ouvrage sur les monuments qui lui sont remis en dotation et sur d’autres monuments appartenant à l’État.

Grâce à ces nouveaux moyens, nous pourrons affecter 10,7 millions au schéma directeur de Versailles, 89,3 millions à l’EMOC, l’établissement public de maîtrise d’ouvrage des travaux culturels, notamment en vue de solder les travaux de la cinémathèque, des Arts déco, de l’Orangerie et de poursuivre les travaux du Palais de Chaillot ou du MUCEM. Sur l’ensemble du territoire, plus de 160 projets seront ainsi relancés. J’ajoute que 100 millions d’euros issus des recettes de privatisation ont été immédiatement attribués, avant la fin de l’exercice 2005.

Sur tous ces sujets, il faudrait que nous fassions preuve d’un esprit de rassemblement. Qui peut en effet ignorer la nécessité politique de conforter dans leur identité et leur fierté tous nos concitoyens, quels que soient la couleur de leur peau, leur religion éventuelle ou leur situation sociale ? Pour que notre pays s’ouvre à la création et qu’il accepte toutes les diversités, nous devons œuvrer en faveur de notre patrimoine et de l’expression de toutes les identités. Tous les républicains et tous les démocrates devraient en convenir…

En 2006, les chantiers en régions ont bénéficié de 24 millions d’euros grâce au dégel des crédits, et d’une dizaine de millions grâce aux reports. Ces crédits ont permis de relancer 103 chantiers appartenant à l’État, dont 94 en régions et 9 en Île-de-France. J’espère que vous ferez part de ces chiffres au président de la commission des finances, qui fait une priorité d’un tel rééquilibrage

M. Michel Bouvard – C’est une priorité légitime !

M. le Ministre – Au titre du plan de relance annoncé par le Premier ministre, 140 millions seront débloqués en 2007, dont 70 au titre de la taxe versée au Centre des monuments nationaux en 2006 et 2007. Ces crédits seront rapidement mobilisés grâce à la loi de finances rectificative qui vous sera prochainement soumise.

Cet engagement notable de l’État est complété par le succès de notre politique de mécénat, notamment grâce au développement des fondations pour le patrimoine. Sachez que nous veillons à ce que cet effort ne se limite pas à quelques individus et à quelques groupes renommés. De tels partenariats permettent en effet une addition fort utile des énergies. J’ajoute que nous veillons à la bonne répartition des fruits de ces opérations sur l’ensemble du territoire.

Pour répondre à une préoccupation exprimée par la commission des finances, nous ne disposons pas encore d’outils statistiques permettant de chiffrer l’impact des incitations fiscales…

M. Michel Bouvard – Ce serait pourtant fort intéressant !

M. le Ministre – …mais les dépenses prévues à ce titre ont fait l’objet d’un chiffrage dans le bleu budgétaire – dix millions au titre des charges foncières afférentes aux monuments historiques et 50 pour la déduction des dépenses engagées dans le cadre du dispositif Malraux. Chacun connaît par ailleurs l’effet de levier de ces mesures en faveur du tourisme, de la croissance, de l’attractivité et du rayonnement des collectivités locales dans l’ensemble de nos territoires.

On a posé la question de la maîtrise d’ouvrage de l’État. L’ordonnance du 8 septembre 2005 a consacré le principe selon lequel le propriétaire a la maîtrise d’ouvrage des travaux sur son monument. Il peut toutefois bénéficier sous certaines conditions d’une assistance de l’État. Le décret d’application est en cours d’élaboration, mais le nombre d’opérations dont la maîtrise d’ouvrage revient à l’État pour des monuments qui ne lui appartiennent pas a déjà été considérablement réduit dans les DRAC. Cette tendance sera poursuivie en 2007, et nous nous mettrons en place l’assistance prévue par l’ordonnance.

J’en viens à l’application de la LOLF au ministère de la culture, qui reste effectivement à améliorer. Il faut toutefois rappeler que nous avons volontairement retenu des périmètres de programmes qui ne recoupent pas l’organisation administrative. Afin d’assurer un pilotage cohérent des politiques publiques dans le respect des métiers de chacun, nous avons placé un collège auprès de chaque responsable de programme. Une charte de gestion définissant le rôle de tous les acteurs a par ailleurs été adoptée en février 2006.

Si les crédits relatifs aux personnels des services déconcentrés sont aujourd’hui rattachés au programme « transmission des savoirs et démocratisation de la culture », ce choix avait été validé en 2005 par le comité interministériel d’audit des programmes. Cet organisme est certes revenu en 2006 sur sa décision, pour des motifs de lisibilité, mais je ne pense pas que le dispositif retenu soit contraire à l’esprit de la LOLF. L’analyse des coûts permet en effet une réaffectation complète des personnels dans les actions des programmes auxquels ils concourent.

S’agissant de l’équilibre entre Paris et la province, la part des investissements de l’État en régions s’est maintenue entre 2002 et 2007 à un niveau légèrement supérieur à 50 %. Nous donnons en effet la priorité à l’aménagement culturel du territoire – 52 % des crédits ont bénéficié aux régions en 2002 contre 57 % en 2007 et je suis fier que ce soit sous ce gouvernement qu’aient été lancé le chantier du Louvre à Lens et celui du centre Pompidou à Metz ! L’année 2007 permettra la réalisation de grands projets régionaux, comme le MUCEM de Marseille, qui recevra 15 millions en autorisations d’engagements et 6 en crédits de paiement. De nombreux projets d’équipements artistiques sont également en cours dans le domaine du spectacle vivant, autre priorité de notre action. Ainsi 24 millions iront à l’auditorium de Bordeaux, à celui d’Aix-en-Provence, au théâtre national de Bretagne ou encore au centre dramatique national de Montluçon.

Le budget du cinéma bénéficie lui aussi de notre politique active en faveur de la diversité culturelle, de la création et de l’emploi : dans le domaine de la production et de la création cinématographiques, nos efforts en faveur de la relocalisation des tournages et nos incitations à l’emploi portent déjà leurs fruits, qu’il s’agisse du crédit d’impôt élargi à l’audiovisuel ou des partenariats. Grâce au crédit d’impôt, le nombre de semaines de tournage en France des films français a augmenté de 20 %, passant de 880 en 2003 à un millier cette année.

Votre commission des affaires culturelles s’est intéressée en particulier à notre action culturelle internationale. Je félicite le rapporteur pour avis de la qualité de son analyse. Le cinéma français se porte bien. Pour la première fois, il a réuni plus de spectateurs à l’étranger que chez nous. La culture est donc un atout dans la mondialisation, alors même que la diversité culturelle est reconnue en droit international et que, ce dont je ne suis pas peu fier, l’Union européenne a validé notre système d’aides au cinéma, ce qui est la reconnaissance du talent de nos artistes et techniciens. La convention sur la diversité des expressions culturelles va entrer en vigueur le 19 décembre prochain. La diversité, valeur essentielle, se manifeste par exemple dans les radios associatives, dont six cents bénéficient d’un concours de l’État. C’est dans cette perspective que les crédits destinés au cinéma et à l’audiovisuel augmentent de 2 % dans le projet de budget du CNC pour 2007.

Grâce à la majorité, de nouveaux lieux culturels ont pu être ouverts sur l'ensemble de notre territoire, par exemple, dans les domaines de la musique et de la danse, le centre chorégraphique national d'Aix-en-Provence, en octobre 2006, avec une participation de l'État de 2,7 millions soit 45 % ; celui de Rillieux-la-Pape, en juin 2006, avec un investissement de l'État de 1 220 000 euros ; la Salle Pleyel, en septembre 2006. L'Opéra Comique a été transformé en établissement public et une importante campagne de travaux est engagée. À Radio France, les travaux se poursuivent et l'auditorium Olivier Messiaen a été modernisé. Pour le centre national du costume de scène à Moulins, l'État a assumé tout le coût de la réhabilitation, soit 18 millions. Enfin, le centre national de la danse a ouvert en juin 2004 à Pantin.

Grâce à la majorité, de nouveaux lieux emblématiques de la richesse de notre patrimoine se sont ouverts partout en France. Le Grand Palais, entièrement restauré, après dix ans de fermeture, est rendu à sa vocation culturelle et artistique ; il y a quelques semaines, les cultures urbaines y ont attiré 50 000 personnes, dont certaines n’étaient peut-être jamais venues au centre de Paris. La Cinémathèque française a ouvert dans ses nouveaux locaux de Bercy. Le musée Granet d'Aix-en-Provence a rouvert après un chantier de près de dix ans. Nous avons inauguré le musée national de l'Orangerie, après six ans de travaux, ouvert le musée du Quai Branly, rouvert le musée des Arts décoratifs. Citons encore le musée Fabre de Montpellier, le musée de Sarran ou le Musée de l'Évêché de Limoges qui font partie des grands projets en cours.

Dans le domaine des arts plastiques, les travaux sont lancés pour la Cité du design à Saint-Étienne et l'investissement sur les FRAC de deuxième génération se poursuit en Auvergne, Bretagne, Franche Comté, Picardie, et PACA.

Nous nous préoccupons en permanence du coût de fonctionnement des structures en cours de création. C’est le cas pour la cité de l'architecture et du patrimoine, que j'aurai le plaisir d'inaugurer au printemps prochain, le Grand Palais, pour lequel une mission de préfiguration étudie toutes les hypothèses de financement avant le lancement des travaux d'aménagement intérieur indispensables, et pour la cité nationale de l'histoire de l'immigration, symbole de cohésion sociale comme le projet de centre d’archives de Seine-Saint-Denis.

Vous vous êtes interrogés sur la baisse de crédits pour certaines actions. Il s'agit principalement de changements de périmètre. Ainsi, malgré le transfert de 7 millions à l'action « patrimoine monumental », l'action « architecture » augmente de 1 %. De même, 2,5 millions sont transférés, au titre du regroupement des crédits du CMC, de l'action « patrimoine cinématographique » sur le programme « transmission des savoirs », et 7,8 millions de l'action « industries culturelles » vers ce même le programme. Mais à périmètre constant, l'action « industries culturelles » est en reconduction. C'est un domaine essentiel de mon action. Les crédits de l'action « éducation artistique » augmentent de 500 000 euros hors masse salariale, soit une hausse de 1,7 % afin de poursuivre le plan de relance de l'éducation artistique. La baisse apparente ne concerne que les crédits de personnel en raison du recalibrage des programmes de la mission. Avec le ministre de l’éducation nationale, nous avons établi comme principe que chaque établissement a vocation à bénéficier d’un partenariat culturel et artistique.

J'en viens à l'emploi, qui est, depuis 2004, au cœur de ma politique culturelle, en particulier l'emploi dans le spectacle. Le Gouvernement a pris acte de l'intention des confédérations d'employeurs et de plusieurs confédérations de salariés de signer le protocole d'accord relatif au dispositif spécifique d'assurance chômage des artistes et des techniciens. Ce texte, qui sera examiné dans le cadre de la demande d'agrément de l'État, représente un résultat positif…

M. Frédéric Dutoit – Il est mauvais.

M. le Ministre – …parce qu'il est issu des négociations entre les partenaires sociaux, et surtout parce qu'il corrige les plus graves défauts du protocole de 2003.

L'ensemble des travaux conduits dans le cadre de la politique d'emploi, les expertises confiées à Jean-Paul Guillot, les travaux de la mission d'information de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et le rapport de celle du Sénat, les propositions d’organisations comme le comité de suivi, ont permis de parvenir à un système pérenne, articulant la solidarité interprofessionnelle et la solidarité nationale.

M. Patrick Bloche – Non, la solidarité nationale se substitue à la solidarité interprofessionnelle !

M. le Ministre – Le nouveau système repose sur le projet de protocole du 18 avril 2006, négocié par les partenaires sociaux, et sur le fonds de professionnalisation et de solidarité, financé par l'État. S'il ne reprend pas toutes les propositions qui avaient été émises, il assure aux artistes et techniciens une protection sociale et professionnelle d’un niveau jamais atteint.

Contrairement à ce que vous prétendez, Monsieur Bloche, il ne sape pas la solidarité interprofessionnelle.

M. Patrick Bloche – Si !

M. le Ministre – Il la conforte. En effet, il garantit le maintien du régime spécifique d'assurance chômage des artistes et techniciens au sein de la solidarité interprofessionnelle, ce qui est essentiel.

M. Patrick Bloche – Il n’est pas garanti.

M. le Ministre – C’est même la condition de l’activité professionnelle de ces catégories. Sinon, vous auriez à délibérer du financement du milliard de déficit des annexes 8 et 10 sur le budget du ministère.

M. Frédéric Dutoit – C’est faux !

M. le Ministre – Ce serait une politique de gribouille.

Le nouveau système permet aux artistes et aux techniciens de revenir, pour le calcul de leurs droits, à l’année comme période de référence, qui correspond au rythme de l'immense majorité d'entre eux, même si c'est au terme d'un mécanisme peut-être un peu complexe. Il maintient un niveau d'indemnisation élevé, de 51 euros par jour en moyenne pour les artistes et de 60 euros pour les techniciens, contre 33 euros en moyenne dans le régime général. Il maintient un seuil de 507 heures sur 12 mois tout au long de l'année 2007 soit pendant un an après la conclusion des premières conventions collectives.

M. Patrick Bloche – Et en 2008 ?

M. le Ministre – Il permet de déclarer dans les 507 heures 120 heures maximum de formation dispensée par les artistes et les techniciens. Il encourage à déclarer toutes les heures travaillées, l'indemnisation étant proportionnelle à la fois à la rémunération et à la durée du travail effectué et déclaré. C’est donc un mécanisme vertueux. Un artiste ou un technicien aura toujours intérêt à choisir de travailler et à déclarer tout son travail, plutôt que d'être indemnisé par l'assurance chômage, ce qui n'était le cas ni dans le système de 2003 ni dans les précédents.

Il prend en compte les congés de maternité, les congés de maladie dont le traitement est remboursé à 100 % par l'assurance maladie ou ceux dont la durée dépasse trois mois, les congés liés aux accidents du travail. Il garantit le maintien de leurs allocations jusqu'à l'âge de la retraite pour les artistes et techniciens qui ont dépassé 60 ans et demi.

Il prévoit enfin, et vous n’en parlez pas, ce qui est malhonnête envers les artistes et techniciens,…

M. Patrick Bloche – C’est vous qui êtes malhonnête depuis le début de votre intervention !

M. le Ministre – ...une allocation de fin de droits de 30 euros par jour, modulable en fonction de l’ancienneté, pour ceux qui ne sont pas éligibles à l'allocation spécifique de solidarité. Un artiste ou un technicien pourra en bénéficier jusqu’à six fois dans son parcours et son versement s’accompagnera d’un soutien professionnel.

Une page est tournée : nous engageons enfin une nécessaire et ambitieuse politique de l’emploi culturel. Je suis convaincu que la politique culturelle est l’une des clefs de l’avenir. Hier, l'Assemblée nationale rendait hommage à la grande voix d’André Malraux qui s’est tue il y a bientôt trente ans : l’ambition du fondateur de ce ministère continue, intacte, d’inspirer mon action. À l’ère numérique, « rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité, et d’abord de la France, au plus grand nombre possible de Français » demeure plus que jamais une mission nécessaire et urgente. Chacun doit pouvoir construire son propre musée imaginaire, ouvrir sa propre maison de la culture, puiser son énergie créatrice dans ses racines et ses rêves partagés. La mission est difficile, mais exaltante. La passion est exigeante, mais féconde – je n’en connais pas de plus belle. Je remercie ceux qui partagent cet engagement et, en votant ce budget, nous donneront les moyens de le mener à bien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

questions

M. Frédéric Dutoit – Les radios de catégorie A font face à une baisse drastique des subventions et des aides à l’emploi. Elles réclament le doublement du fonds de soutien à l’expression radiophonique. Quand et dans quelle mesure allez-vous l’abonder ?

Aucune politique d’aide n’a d’ailleurs été consacrée aux autres médias associatifs : ainsi, le fonds de soutien aux télévisions associatives, pourtant promis aux opérateurs, n’a jamais vu le jour. Or, dans le domaine de la culture, le marché ne peut tout régler seul. Une politique volontariste doit permettre aux médias indépendants d’exprimer leur richesse créative et de faire vivre le débat démocratique. Pourtant, les télévisions de proximité n’ont presque pas bénéficié de la TNT ; mais sans médias de proximité, pas d’encouragement des jeunes talents, et pas de démocratie locale. L’État doit leur donner les moyens de remplir ces missions. Comment assumerez-vous cette responsabilité ?

M. le Ministre – J’aime la liberté de ton des radios associatives. En 1981 par exemple, après le congrès de Valence, on tenait les propos suivants sur Radio Zinzine : « ce Donnedieu de Vabres, pas la peine de le guillotiner, on ne sait même pas s’il a une tête ». J’aime la vivacité et le pluralisme des radios associatives que nous devons encourager, tant leur rôle est primordial. Seuls médias de proximité présents sur l’ensemble du territoire, elles s’adressent en priorité à des populations isolées, animent la vie locale, offrent une tribune à des cultures minoritaires et de nouveaux talents, et relaient des campagnes d’intérêt général. Leur nombre et leur qualité en font un élément-clef du pluralisme de notre paysage radiophonique et garantissent aux auditeurs une grande liberté de choix.

Les conditions économiques et réglementaires de leur activité doivent donc être satisfaisantes. L’aide publique nationale qui leur est accordée depuis plus de vingt ans dans le cadre du FSER constitue aujourd’hui un tiers de leurs ressources en moyenne. Alors qu’elles étaient 442 en 1993, les radios éligibles étaient 562 en 2005 : c’est ce qui explique l’augmentation de 72 % de leurs subventions sur cette période. Pour équilibrer les comptes du FSER, il fallait donc augmenter le rendement de la taxe : six nouveaux paliers ont été ajoutés au barème en 2005. Ainsi, le montant prévisionnel des crédits disponibles pour 2007 est évalué à 24,1 millions, contre 23,75 l’an dernier. Si les recettes réelles dépassaient cette estimation en cours d’exercice, nous ouvririons des crédits complémentaires, comme en 2005. De surcroît, le succès des chaînes de la TNT devrait accroître le produit de cette taxe.

J’ai engagé une réforme du fonds visant à optimiser l’utilisation de ces ressources tout en en maintenant l’équilibre général. Certains ont annoncé des aides à la tête du client, mais cette polémique sur le fait du prince est derrière nous. Cette réforme concertée entrera en vigueur au début de l’année prochaine ; le décret est déjà signé. Quant aux problèmes de versement des crédits, ils ont tous été réglés.

M. Frédéric Dutoit – Comme vous, je me réjouis de la création du MUCEM à Marseille, et j’ai déjà engagé des partenariats pour qu’il devienne un véritable musée vivant et citoyen.

M. le Ministre – L’unanimité existe !

M. Frédéric Dutoit – J’en viens à ma question. La moitié des visiteurs de musée vont admirer des œuvres d’art antérieures au début du XXe siècle. Un quart d’entre eux seulement a visité un musée d’art moderne ou contemporain. C’est un public divers qui souffre de l’inégale répartition géographique de l’offre. Si la concentration parisienne s’estompe en faveur des métropoles régionales, de nombreux déséquilibres subsistent au détriment des périphéries et des petites villes. Or, une exposition est un lieu de rencontres et de partage ; l’art est un facteur de démocratie. Chacun doit pouvoir accéder aux richesses de notre patrimoine.

Le code général des impôts prévoit que les versements effectués au profit d’organismes publics ou privés désintéressés qui organisent des festivals ouvrent droit à une réduction d’impôt sur les sociétés. Les expositions d’art, pourtant, en sont exclues. Or, les organismes éligibles qui en organisent sont nombreux : la biennale nationale d’art contemporain de Lyon en est un parfait exemple. Le contexte international très concurrentiel dans ce domaine exige que l’on accompagne l’organisation de ces événements pour en assurer la pérennité. Il faudrait donc les inclure dans le champ d’éligibilité du régime du mécénat : envisagez-vous cette modification du code des impôts ?

M. le Ministre – Le Gouvernement a pris de nombreuses dispositions pour soutenir la création contemporaine et encourager le mécénat privé. Les droits de donation et de succession, ainsi que le paiement de l’impôt sur la fortune, peuvent désormais être acquittés grâce à des œuvres d’artistes vivants. Le mécénat d’entreprise peut se développer pleinement grâce à la possibilité d’acquérir des œuvres, quel que soit leur prix, avec pour seule obligation de les exposer dans les espaces publics de l’entreprise. Pour adapter la création contemporaine aux nouvelles formes d’expression artistique, la TVA sur les installations audiovisuelles des œuvres sur support multimédia est ramenée de 19,6 % à 5,5 %. Enfin, les créateurs en arts plastiques débutant leur activité ou s’installant en France peuvent bénéficier d’un abattement de 50 % de leurs bénéfices imposables dans la limite de 50 000 euros au titre de leurs cinq premières déclarations.

Vous évoquez l’extension du champ du mécénat : c’est un projet qui n’a pas encore abouti. Comme vous le savez, face à ses collègues de Bercy, le ministre de la culture est un éternel mendiant. Notre soutien à la création contemporaine n’en demeure pas moins très important : souvenez-vous de l’exposition « La Force de l’Art » organisée à notre initiative au Grand Palais. Personne ne remet plus en cause cette initiative jadis tant décriée.

Nous devons explorer de nouvelles initiatives, à Paris comme ailleurs : à ce titre, le mécénat est une piste importante.

M. Dominique Caillaud – Nos rapporteurs l’ont souligné : le ministère a engagé un important effort de protection des bâtiments inscrits et classés. La préservation de ce patrimoine exceptionnel contribue fortement au développement de notre économie, mais la priorité donnée aux grands projets des villes décale les projets des champs… De plus, le gel des crédits a réduit de manière draconienne les subventions attendues par les propriétaires privés, qui se sont trouvés incapables de financer les travaux prévus. Les chantiers ont été suspendus, avec les multiples conséquences que l’on devine. J’ai été saisi de cette question par douze propriétaires en Vendée seulement. Je m’étais fait leur interprète auprès de vous, Monsieur le ministre, et vous m’aviez alors répondu qu’une solution favorable serait trouvée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2007. Nous y sommes…. Quelle sera donc l’évolution des crédits de la DRAC des Pays de la Loire ?

M. le Ministre – Dans les Pays de la Loire, le château de Saumur étant menacé d’écroulement, l’État a dû affecter prioritairement les ressources disponibles à sa restauration. D’autres opérations de restauration de grande envergure restent à mener, pour la cathédrale de Nantes, ou à Angers par exemple. Les crédits supplémentaires spécifiques annoncés par le Premier ministre permettront que de multiples chantiers redémarrent sur des sites propriétés de l’État, ce qui, par ricochet, détendra la situation pour les crédits déconcentrés. Voilà qui soulagera les propriétaires privés de monuments historiques, dont je salue la passion et l’abnégation. La DRAC des Pays de la Loire avait dû différer le financement par subventions de onze opérations en Vendée. J'ai le plaisir de vous annoncer que les crédits définis dans le budget 2007 et le déblocage des crédits en fin d'exercice 2006 permettront d’en subventionner neuf. Les travaux vont donc pouvoir démarrer aux châteaux de l'Audardière, de l'Hermenault, de Sainte Hermine, du Fief Milon, de Brétignolles-sur-Mer et de La Flocellière, ainsi qu’à Puyravault dans le domaine les Grands Greniers et sur l'enceinte fortifiée de Vouvant. Les deux opérations restantes, La Baugisière à Saint-Michel-le-Cloucq et la Chevillonnière à Saint-Hilaire-le-Vouhis, seront financées en 2007. Enfin, la restauration du château de Tiffauges et de l’abbaye de Maillezais, propriétés du département de la Vendée, est également prévue, au titre du contrat de plan État-région cette fois. Les travaux seront donc relancés, qu’il s’agisse de propriétés historiques privées, de celles de l’État ou de celles des collectivités territoriales. Je souhaite, je vous l’ai dit, que ces restaurations renforcent l’attrait des territoires et que chacune puisse éventuellement servir à des tournages ou au montage de spectacles vivants.

M. Serge Roques – Chacun s’est félicité de l’annonce faite par le Premier ministre qu’un financement supplémentaire serait destiné à la préservation des monuments historiques, car chacun est conscient de la valeur culturelle et économique de ce patrimoine exceptionnel. Mais ce témoignage du génie français est fragile, et les lenteurs de nos administrations n’améliorent pas les choses. Je puis en témoigner, pour travailler depuis cinq ans à la restauration de la place centrale, classée, de Villefranche-de-Rouergue, dont je suis le maire et dont vous connaissez la beauté, Monsieur le ministre, pour y être venu, fût-ce brièvement. L’architecte des Monuments de France a fini son étude en 2001, mais l’enveloppe initialement débloquée ne permettait de restaurer qu’un des quatre couverts de la place. Et j’apprends maintenant que sept mois supplémentaires seront nécessaires pour constituer le dossier destiné aux entreprises ! De même, je m’évertue depuis le début de mon mandat à faire restaurer une superbe chartreuse du XVe siècle en m’efforçant, sans succès à ce jour, d’y intéresser l’État ; mais, au rythme actuel, il y faudra quinze ans… Que pouvons-nous espérer, Monsieur le ministre, qu’il s’agisse de crédits ou d’allégement des procédures ?

M. le Ministre – Mes très nombreux déplacements m’ont empêché de visiter aussi longtemps que je l’aurais souhaité la belle ville dont vous êtes le maire, mais je sais que Villefranche-de-Rouergue compte, tous propriétaires confondus, seize monuments protégés au titre des monuments historiques. Je sais l’intérêt que vous portez à ce patrimoine. Vos deux chantiers prioritaires sont la restauration des couverts de la place Notre-Dame et la restitution du jardin du grand cloître de la Chartreuse.

On peut, certes, crier comme Antigone : « Je veux tout, tout de suite, et que ce soit entier, ou alors je refuse »… Mais je tiens à rendre hommage aux services techniques de l’État et à leurs compétences scientifiques exceptionnelles, qui permettent la réalisation de restaurations compliquées et qui doivent être mûrement réfléchies. Je sais que des retards ont été pris mais, à présent, les crédits sont disponibles et l’expertise peut redémarrer. Après tout, la durée de sept mois que vous annoncez n’est pas tellement plus longue que ce qui est nécessaire pour une construction neuve. Je suis certain que ces chantiers seront menés à bonne fin et je suis prêt à revenir pour m’en assurer. (Sourires)

Mme Juliana Rimane – La Guyane possède un patrimoine artistique et culturel important et très mal connu, transmis notamment par les Amérindiens et les Bushinengués. Cependant, les moyens financiers destinés à assurer sa conservation, sa restauration et sa mise en valeur sont très insuffisants si bien que de nombreux sites, bâtiments et monuments sont très mal entretenus, et leur dégradation s'accélère de jour en jour sous le climat équatorial.

Dans les négociations du contrat de projet 2007-2013, votre ministère n'a retenu que deux projets parmi les dizaines présentés par la DRAC de la Guyane et les collectivités locales, dont les réalisations sont plus que nécessaires. Or, ces deux projets consistent en une participation de l’État de 6 650 000 euros, dont 6 500 000 euros sont destinés à la construction d'une nouvelle DRAC, et 150 000 euros à un projet local à Saint-Laurent-du-Maroni. Les dossiers les plus urgents et les plus importants n'ont pas été retenus, notamment le nouveau centre d'archives départementales de la Guyane, lieu de mémoire pour la région, demandé depuis de nombreuses années et dont la réalisation requiert de 23 à 25 millions. L’accord semble n’avoir été trouvé que pour un crédit de 10 millions, 6 millions étant mis à la charge de l’État et 4 millions à celle du conseil général, ce qui ne permet pas de rendre l'opération viable alors que le projet est bouclé. Et qu’en est-il du site de l’hôpital Jean Martial à Cayenne ? Il serait fâcheux que les Guyanais doivent constater qu’aucun projet d’envergure n’est prévu pour le département dans le nouveau contrat de projet, exceptée la construction d’une nouvelle DRAC !

Par ailleurs, à l'heure où, grâce à l'engagement du Président de la République, les arts premiers sont enfin reconnus à leur juste valeur par la réalisation d'un musée qui leur est consacré à Paris, les très nombreuses richesses archéologiques, artisanales et culturelles laissées par les Amérindiens et les Bushinengués justifient la création d'un musée digne de ce nom en Guyane. La Guyane doit combler de manière urgente son très important retard au plan culturel. Quels moyens l'État compte-t-il allouer à cette fin ?

M. le Ministre – Je sais que le patrimoine de la Guyane est magnifique. Je souhaite m’y rendre pour mesurer l’ampleur des besoins que vous décrivez avec une juste passion, car la culture française doit s’exprimer dans sa diversité sur tout le territoire national, et en Guyane en particulier. Tous les dispositifs financiers – contrat de projet, FEDER – seront mobilisés à cette fin. Sachez, cependant, que la DRAC de Guyane mène une politique active de valorisation du patrimoine. Le patrimoine archéologique fera l'objet d'opérations prioritaires. L'avenir des collections du dépôt archéologique passera probablement par une dévolution à un musée local. Je souhaite qu’un partenariat s’instaure avec le musée du quai Branly. Le patrimoine ethnologique et linguistique fait l’objet d’un important travail de recensement. Le patrimoine immatériel n’est pas davantage négligé et la convention sur le patrimoine immatériel récemment adoptée par l'UNESCO offre de nouvelles perspectives. Enfin, le patrimoine industriel, très riche et qui est dans un état préoccupant, fera l'objet d'une politique de restauration et de mise en valeur, notamment celui lié à l'exploitation de la canne à sucre, qui a également une dimension immatérielle tant du point de vue technique qu’au regard de la mémoire douloureuse de l’esclavage. Comme vous le savez, le Président de la République m’a confié la mission de lancer un concours pour la construction d’un monument rappelant la mémoire du drame que fut l’esclavage et de son abolition. Enfin, au-delà de la mémoire du bagne de Cayenne lui-même, il faut préserver le patrimoine spécifique qu’il a contribué à créer, notamment les nombreux décors d’église réalisés par les bagnards.

Plusieurs opérations, certes en nombre insuffisant, figurent dans le contrat de projet État-région, où la part des crédits de l’État s’élève à 6,65 millions d’euros. La DRAC de Guyane elle-même est un monument historique, dont la restauration s’impose. D’autres projets existent, sur lesquels mon ministère travaille. Je veillerai en tout cas à ce que le centre des archives de Guyane fasse l’objet d’une attention particulière. J’ai bien compris que les financements prévus vous paraissaient insuffisants. Nous essaierons ensemble de faire en sorte de satisfaire l’ensemble des besoins. André Malraux écrivit un jour au Premier ministre : « Votre réponse me déplaît. M’en envoyer une autre. » Ce n’est pas mon attitude à l’égard de Dominique de Villepin qui rend d’excellents arbitrages en matière de culture et de patrimoine. Pour autant, tous les besoins ne peuvent être d’emblée satisfaits. Nous reprendrons donc ensemble notre bâton de pèlerin.

M. Claude Leteurtre – Je donne acte au ministre des efforts consentis en faveur du patrimoine monumental. Mais il conviendrait de trouver de nouvelles sources de financement. Le Gouvernement n’avait pas, dans un premier temps, souhaité que les futurs contrats de projet État-région comportent d’actions en faveur du patrimoine. Puis, le Premier ministre a laissé entendre qu’une ouverture serait possible au travers du volet territorial des contrats. Mais pour la Basse-Normandie, le président du conseil régional n’envisage de consacrer que 10 % du total des crédits au volet territorial du contrat. Autant dire que rien ou presque ne pourra être consacré au patrimoine ! Dès lors que les crédits du FEDER peuvent désormais être mobilisés pour des actions en faveur du patrimoine, pourquoi n’en irait-il pas de même des crédits des contrats de projet, hors volet territorial, ce qui donnerait tout de même plus de latitude ?

M. le Ministre – Dans toutes les politiques contractuelles de l’État, il doit y avoir un volet culturel et celui-ci doit être fermement défendu. J’ai donné des instructions claires en ce sens aux préfets de région. Si les actions en faveur du patrimoine ne figuraient pas initialement dans les contrats de projet, non plus qu’aucune autre action relevant de la mission « culture », elles y ont été introduites dans un second temps. Avant même qu’il ait été envisagé d’ouvrir à ces actions le volet territorial des contrats de projet, le Gouvernement avait prévu de mobiliser 188,7 millions d’euros au titre du seul programme « patrimoine ». À la suite des premières discussions avec les conseils régionaux, j’ai décidé de porter cette enveloppe à 212,5 millions d’euros, soit près de 19 % des crédits d’investissement du programme « patrimoine » en région. Cette augmentation est un premier pas. Permettra-t-elle de mener à bien tous les projets qui le mériteraient ? Bien évidemment, non.

M. Claude Leteurtre – À Lisieux, ville qui a été totalement détruite en août 1944, l’un des rares vestiges de l’habitat lexovien ayant échappé aux destructions est le manoir Desmares, qui date de la fin du XVe siècle, et dont les façades et toitures ont été inscrites à l’inventaire supplémentaire en 2003. Au-delà de sa stricte valeur historique, ce manoir est en quelque sorte la mémoire de Lisieux. Vu sa vétusté, sa réhabilitation s’impose d’urgence. Or, la ville de Lisieux, comme beaucoup d’autres, n’a que des moyens limités. Peut-elle compter sur l’aide de l’État pour la réhabilitation du manoir Desmares ?

M. le Ministre – Votre ville de Lisieux comporte en effet en son centre un magnifique manoir que vous souhaitez restaurer. Vous avez fait réaliser une étude préalable à cette restauration et à la réalisation d'une petite extension qui accueillerait les associations de votre ville œuvrant à la défense du patrimoine. Cette étude a été réalisée par un architecte du patrimoine, sans financement de la DRAC mais en concertation avec le conservateur régional des monuments historiques et l'architecte des bâtiments de France. Le projet est maintenant quasiment achevé. La DRAC avait réservé une somme représentant 30 % du montant des travaux, soit 120 000 euros, dans sa programmation 2006 de travaux de restauration subventionnables au titre des monuments historiques. Ce taux est celui habituel pour les monuments inscrits et je vous confirme que les services de l'État ont bien l’intention de soutenir ce projet.

M. Dominique Richard – Monsieur le ministre, je ne souhaiterais pas vous décevoir en ne vous interrogeant pas sur la restauration du clocher d’une commune de ma circonscription (Sourires). Ma question porte sur l’édition indépendante. Il y a deux ans, lors d’un déplacement en Haute-Vienne, vous avez affirmé votre souhait de veiller aux équilibres du secteur économique du livre, avec une attention toute particulière pour l'édition indépendante et l'édition en région. Vous mettez cette année, et c’est heureux, l'accent sur le soutien aux éditeurs qui font des choix exigeants sur le plan culturel mais dont la rentabilité est aléatoire ou envisageable seulement à plus long terme que pour les principaux opérateurs du marché. Le Centre national du livre continue, quant à lui, d’aider les éditeurs : prêts aidés, soutien à la prise de risque, à la trésorerie, aides à la traduction, à la numérisation...

Cependant, le secteur de l'édition subit aujourd’hui un redoutable effet de ciseau : son chiffre d'affaires total a augmenté de 30 % en dix ans, alors que le nombre de titres édités augmentait, lui, de 71 %. D’où une baisse moyenne des tirages et une polarisation autour de quelques grands succès, au détriment de la diversité, mise à mal par les grands groupes d'édition. Deux de ces groupes réalisent à eux seuls près de 70 % du chiffre d'affaires du secteur quand, à l’autre extrémité, 2 800 éditeurs indépendants ne pèsent financièrement que 0,7 % du secteur. Leurs maisons d’édition manquent de capitaux propres et ont du mal à promouvoir leurs publications. Quelles mesures entend prendre le Gouvernement pour soutenir l'édition indépendante ?

Je propose, pour ma part, trois pistes : la mise en place de coopératives de lecteurs permettant aux auteurs et aux lecteurs d'entrer dans le capital des maisons d'édition grâce à des incitations fiscales ; la constitution d'un fonds d'aide aux écrivains contemporains, alimenté par un modeste prélèvement sur les ventes des œuvres tombées dans le domaine public ; la mise en place d'une plate-forme publique d'édition permettant à tout auteur, dont les ouvrages ne sont pas diffusés, de les mettre à la disposition du public et d'en obtenir une juste rémunération, comme cela est prévu dans la loi sur le droit d'auteur du 1er août 2006. Ce ne sont là que des propositions parmi d’autres, dans la droite ligne de l'action que vous menez rue de Valois. La représentation nationale aimerait connaître vos intentions en ce domaine.

M. le Ministre – L'édition indépendante et de création est naturellement au cœur de notre politique du livre. Afin d’en maintenir la vitalité, le Gouvernement entend développer les aides aux éditeurs, mais également aux auteurs et aux libraires, en réformant l’une des taxes alimentant le Centre national du livre. Cela est prévu dans le projet de loi de finances rectificative pour 2006. Grâce à des moyens accrus, le CNL développera ses aides aux auteurs et aux traducteurs. Par ailleurs, en étroite concertation avec le Syndicat national de l'édition et le Syndicat de la librairie française, le ministère entend favoriser la mise en place, à l'initiative des professionnels du secteur, d'un système de regroupement des commandes de livres auprès des petits éditeurs afin de favoriser la présence de ces derniers en librairie et de développer ainsi leur activité. Je crois en effet qu'avant de renforcer les capacités d'investissement, et donc le nombre des publications des petites maisons d'édition, par exemple par la création des coopératives de lecteurs que vous préconisez, il convient de s'assurer que leurs livres pourront être présentés au public et leur procurer les revenus qui leur font aujourd'hui cruellement défaut.

Enfin, dans un pays qui publie 55 000 nouveaux titres par an, il n’est pas de la responsabilité de la puissance publique d'accroître encore davantage cette production en mettant en place une plate-forme publique d'édition. Celle-ci pourrait rompre les équilibres déjà fragiles du monde de l'édition, dans lequel l'initiative privée doit jouer le premier rôle au service de la liberté et de la diversité culturelle, le problème étant moins celui de la production éditoriale que de sa diffusion et de la durée de présence des ouvrages en librairie.

Toutes ces questions sont actuellement examinées, sans tabous, dans le cadre de la mission « Livre 2010 » confiée à la direction du livre et de la lecture. Après avoir entendu tous les acteurs concernés, publics et privés, cette mission proposera des adaptations de la politique du livre, rendues nécessaires notamment par le développement du numérique. Notre projet de bibliothèque numérique européenne ne vise pas seulement à mettre en réseau les bibliothèques de l’Union européenne, mais à associer à ce travail les auteurs et les éditeurs.

Dans le domaine du livre, il convient enfin de prêter la plus grande attention à la cohérence des décisions. Ainsi la gratuité des ouvrages scolaires a, dans certaines régions, détruit la diversité du réseau des libraires et des éditeurs. Des décisions généreuses se retournent parfois contre ceux qu’elles sont censées aider…

M. Joël Beaugendre – La loi du 26 octobre 1946 qui a créé le Centre national cinématographique ne s’applique pas outre-mer. Ainsi les exploitants-distributeurs n’y sont-ils pas assujettis à la taxe spéciale additionnelle perçue sur les billets d’entrée dans les salles de cinéma, laquelle représente environ 12 % du prix du billet. Cela prive la production, la distribution et l’exploitation cinématographiques d’aides financières qui permettraient de développer et de moderniser les structures et les équipements, notamment ceux appartenant aux exploitants indépendants. Le vide juridique conforte des situations de monopole, pourtant dénoncées par le médiateur du cinéma et le Conseil de la concurrence, et pénalise les structures indépendantes, notamment les salles municipales.

Par ailleurs, le fonds d’aide au cinéma d’outre-mer, créé en 2004, ne dispose pas d’une dotation significative pour favoriser la production d’outre-mer, qui doit trouver toute sa place dans le cinéma français pour que s’exprime la diversité culturelle de notre pays.

Aussi, trois questions se posent, Monsieur le ministre. Quelles actions entendez-vous mener pour assurer une égalité de traitement, s’agissant de la production et de la distribution cinématographiques, entre l’outre-mer et la métropole ? L’exploitation des salles indépendantes fera-elle l’objet d’une attention plus soutenue ? Le fonds d’aide au cinéma d’outre-mer recevra-t-il des moyens supplémentaires ?

M. le Ministre – J’ai signé avec le président de la région de Guadeloupe un accord prévoyant de déclencher le soutien de l’État dès que la région engage une politique de soutien à la création cinématographique. À la demande du Président de la République, dix millions d’euros seront d’autre part libérés dans le but de soutenir l’expression de la diversité. Un président vient d’être nommé pour la commission spécifique établie à cet effet, M. Alexandre Michelin.

Vous posez la question de l’opportunité d’étendre une taxe perçue aujourd’hui uniquement en métropole. En 1963, c’est à la demande expresse des DOM que l’État en a exonéré les exploitants cinématographiques de l’outre-mer. Nous devons réfléchir à la possibilité de revenir sur une telle exonération et de permettre aux exploitants, en contrepartie, d’avoir accès aux aides du compte de soutien. Avant toute décision, il faut une étude d’impact sur le rendement de la taxe, qui devra établir si ce rendement sera supérieur au coût de gestion, si l’extension de la taxe ne se traduira pas par une augmentation du prix d’entrée dans les salles de cinéma, qui nuirait à leur fréquentation et à la démocratisation de la culture, et si le revenu créé permettra aux exploitants de financer leurs projets d’investissement, à savoir, notamment, s’il serait au moins égal aux crédits aujourd’hui ouverts par l’État. En effet, le ministère de la culture, via le CNC, finance des projets de films en outre-mer, ainsi que l’aménagement et l’extension des salles de cinéma sur ces territoires, pour des montants de 100 à 600 000 euros par an, en fonction des projets présentés.

J’attends les résultats de cette étude pour le début de l’année 2007, et vous en tiendrai informé. L’égalité des chances pour les talents doit être effective sur l’ensemble du territoire français. Le Président de la République vient d’ailleurs de nommer un très grand acteur à la tête d’un très grand établissement public, la Villette ; il s’agit du Guadeloupéen Jacques Martial.

M. Louis Giscard d'Estaing – Nous avons en Auvergne un patrimoine culturel remarquable, mais tel n’est pas l’objet de ma question.

On ne peut que se réjouir du succès que connaît la TNT en France. Pour compléter l’offre, et conformément à vos engagements, il convient de permettre aux stations de télévision locale d’accéder à ce mode de diffusion. Le multiplexe R1 apparaissant comme le plus adapté à la diffusion de ces services, il serait possible de tirer des gains en ressources permis par l’utilisation de la norme MPEG-4 pour les services payants de la TNT et de transférer une chaîne de service public nationale sur un autre multiplexe afin de libérer un canal pour des stations de télévision locale.

En tant que rapporteur du programme « politique des territoires » mais aussi vice-président du groupe d’études de l’Assemblée nationale sur la presse, je suis soucieux de l’accès à la TNT pour les stations locales. En associant à ma question mes collègues MM. Hamelin, Richard et Martin-Lalande, je souhaiterais savoir si vous pouvez annoncer à la représentation nationale que nos compatriotes pourront prochainement recevoir les programmes de ces stations sur un canal multiplexe de la TNT,…

M. Frédéric Dutoit – Question piège !

M. Louis Giscard d'Estaing – …et nous informer des dispositions budgétaires visant à ce que cette mise en place soit compatible avec les équilibres économiques de France Télévision et des opérateurs.

M. Frédéric Dutoit – On donnera une chaîne de plus à TF1 !

M. le Ministre – Avant de vous répondre, je tiens à vous dire qu’au titre des crédits supplémentaires débloqués par le Premier ministre, un million d’euros seront affectés aux travaux de restauration de la cathédrale de Clermont !

Le Gouvernement est attaché au développement rapide des télévisions locales en TNT. Le 19 janvier, j’ai donné mon accord au CSA pour un plan de lancement. Cette autorité est aujourd’hui en mesure de finaliser la recomposition des multiplexes nécessaires pour les chaînes privées concernées. J’ai ainsi accepté qu’une chaîne publique soit déplacée du multiplexe R1, plus adapté à la diffusion de chaînes locales, vers un autre multiplexe. Ceci libère un canal qui pourra être utilisé par des chaînes locales, ou par France Ô, ou, dans certains cas, par France 3 : aujourd’hui, plusieurs centaines de milliers de personnes, si elles optent pour la TNT, ne peuvent recevoir le bon décrochage de France 3. Cette solution le leur permettra.

Par ailleurs, le projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, qui sera discutée au Sénat la semaine prochaine, prévoit pour ces services un droit de diffusion intégrale et simultanée en mode numérique de leur programme analogique. Ils disposeront en outre d’une garantie de diffusion numérique jusqu’au 31 mars 2015 au moins. Toutes les conditions sont réunies pour que la diffusion des chaînes locales en TNT intervienne avant le printemps. Nous en débattrons, dans le cadre de la loi audiovisuelle, dès le mois de janvier.

M. Marc Le Fur – Avant de poser ma question, Monsieur le ministre, je voudrais vous adresser un satisfecit pour une politique que vous avez inaugurée, celle qui crée des liens entre le patrimoine et le cinéma. Nous avons, avec notre patrimoine, des décors extraordinaires, une mine longtemps négligée, puisque de nombreux réalisateurs allaient chercher des décors à l’étranger. Cette époque est heureusement révolue ; j’en veux pour preuve le feuilleton de Robert Hossein diffusé hier soir sur France 2, Petits meurtres en famille, qui prend pour décor des villes de ma circonscription. Ces sites sont ainsi mis en valeur, et nous en espérons des retombées économiques, car le patrimoine est non seulement un devoir sacré, mais aussi une opportunité économique.

Ma question porte sur le patrimoine non classé. Si c’est compliqué quand c’est classé, c’est très compliqué quand ça ne l’est pas ! Je pense en particulier aux églises paroissiales. Dans une commune de ma circonscription, La Ferrière, commune de 448 habitants, il y a une église, non classée, qui abrite, paradoxalement, du mobilier classé et pour laquelle le maire se voit imposer des travaux d’un montant de 860 000 euros, alors que les subventions auxquelles il a droit sont minimes. C’est un vrai problème. Que peut-on faire, en particulier pour l’église de La Ferrière ?

M. le Ministre – Vous avez raison de souligner la richesse du patrimoine de notre pays. En ce qui concerne l’église de La Ferrière, vous pourriez adresser une demande de classement à la direction régionale des affaires culturelles : ses qualités éminentes pourraient être reconnues.

En dehors du classement, la question du financement dépend pour une part des politiques menées par les conseils généraux et régionaux. Il existe également des soutiens de la Fondation du patrimoine, créée en 1996, et qui reçoit des successions vacantes.

Bref, il faut vérifier à chaque fois si le lieu mérite d’être classé et s’il est possible de conclure un partenariat avec les collectivités locales. Peut-être l’État devrait-il franchir une nouvelle étape pour aider à la sauvegarde des lieux non classés, mais cela nécessiterait de mobiliser de nouveaux moyens alors que nous avons déjà du mal à faire face à toutes nos obligations ! En tout cas, vous avez eu raison de souligner que les tournages permettent de valoriser les sites et que nous devons tout faire pour maintenir notre patrimoine en tenue d’attractivité, si nous voulons que la France reste la première destination touristique au monde. Cela signifie qu’au-delà de la préservation des trésors nationaux, il faut aussi prévoir des actions d’embellissement des sites, comme l’enfouissement des fils électriques.

Mme la Présidente – Nous en avons terminé avec les questions.

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Culture

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État B

ART. 34

M. le Ministre – De nature technique, l’amendement 262 tire les conséquences de l’ajustement du droit à compensation du transfert aux régions de la décentralisation de l’inventaire.

M. Olivier Dassault, rapporteur spécial La commission ne l’a pas examiné. À titre personnel, j’y suis favorable.

L'amendement 262, mis aux voix, est adopté.

M. Olivier Dassault, rapporteur spécial Alors qu’elle œuvre de manière très pertinente, l’association « Maison des cultures du monde » verrait, si le budget était adopté en l’état, sa subvention pour 2007 diminuer de 46 % sans que rien ne le justifie, ce qui signerait sans doute son arrêt de mort. L’amendement 200 vise à rétablir le montant initialement prévu, en augmentant de 400 000 euros les crédits qui lui sont destinés.

M. le Ministre – Je prends devant vous l’engagement formel que les 400 000 euros de subvention attendus par l’association lui seront intégralement versés, par redéploiement du programme 224 – moins 400 000 euros sur l’action 7 et plus 400 000 euros sur l’action 6. N’ayez donc pas peur pour le fonctionnement de cette association, sans doute chère au cœur du président de votre commission des finances puisque son siège est à Vitré. Afin que l’adoption de cet amendement, le cas échéant, ne se fasse pas au détriment du spectacle vivant, je vous demande de le retirer.

M. Olivier Dassault, rapporteur spécial J’accepte de le retirer, compte tenu de votre engagement et de ces précisions.

L'amendement 200 est retiré.
Les crédits de la mission « culture », mis aux voix, sont adoptés.

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Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale

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État D

Les crédits de la mission « cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale », mis aux voix, sont adoptés.

APRÈS L'ART. 62

M. Patrick Bloche – Déposé à l’initiative de François Brottes, l’amendement 224 majore de 20 % la taxe sur les publicités, en vue d’augmenter les crédits destinés à soutenir l’expression radiophonique locale. Faute d’actualisation de cette taxe, les crédits disponibles pour soutenir la pérennité des radios associatives – dont chacun ici a souligné le rôle – ont de fait diminué de 11 %. Je suis convaincu que le Gouvernement sera favorable à cette proposition et que notre assemblée la retiendra.

M. Olivier Dassault, rapporteur spécial La commission n’a pas examiné cet amendement. À titre personnel, je n’y suis pas favorable car le nouveau barème fixé dans la loi de finances pour 2005 a déjà permis d’améliorer sensiblement le rendement de la taxe. Il n’y a donc pas lieu de la relever à nouveau.

M. le Ministre – Même avis. Comme je l’ai indiqué à la suite de la discussion générale, nous avons déjà actualisé les taux et nous veillons à une répartition efficace des crédits, donnant toute leur chance aux radios associatives.

L'amendement 224, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Présidente – Nous en avons terminé avec l’examen de la mission « culture ».

La suite de la discussion de la seconde partie de la loi de finances pour 2007 est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, jeudi 16 novembre, à 9 heures 30.
La séance est levée à 1 heure 25.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Catherine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.
Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.
www.assemblee-nationale.fr

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