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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du mardi 21 novembre 2006

Séance de 15 heures

27ème jour de séance, 58ème séance

Présidence de M. Jean-Louis Debré

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La séance est ouverte à quinze heures.

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souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

M. le Président – Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation du groupe d’amitié Chine-France de l'Assemblée nationale de la République populaire de Chine conduite par son président, M. Shi Guangsheng (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent).

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

croissance

M. Didier Migaud – « La croissance forte est au rendez-vous. Tout porte à croire que notre économie continuera de progresser aux troisième et quatrième trimestres de cette année. » Tels étaient vos propos, Monsieur le ministre de l’économie, il y a moins de deux mois. Or, les premiers résultats du troisième trimestre, que l’INSEE publie aujourd’hui, les infirment totalement, puisque la croissance est égale à zéro. D’autres indicateurs ne se portent pas mieux : les créations d’emplois augmentent de 0,1 % seulement, la consommation ne tire plus la croissance, l’investissement des entreprises ralentit et le commerce extérieur se dégrade. Ni l’héritage, ni les 35 heures, ni bien sûr les congés de nos concitoyens n’expliquent cette situation : tout tient bien plutôt à votre politique, qui aggrave les inégalités et qui affaiblit le pouvoir d’achat.

Confirmez-vous ou non le chiffre de la croissance au troisième trimestre ? Comment évaluez-vous les performances de la France par rapport à celles de ses principaux partenaires ? Dès lors, peut-on conclure, comme vous le faites, que tout va bien ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l’industrie Votre question était un peu confuse (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), mais je vais m’efforcer d’y répondre de façon ordonnée ! Oui, l’INSEE a revu à la hausse les chiffres du premier trimestre, période pendant laquelle la France a fait la course en tête, et la croissance en tendance annualisée a ainsi atteint 3,4 % au premier semestre. En outre, l’INSEE a confirmé que la croissance était de 1,2 % au second trimestre – le plus fort taux de progression en Europe ! Au troisième trimestre, elle n’a pas été nulle, comme vous le soutenez : l’augmentation a également été de 1,2 % par rapport au premier trimestre. C’est vrai, les économistes s’attendaient à une croissance de 0,5 ou 0,6 % en sus de ces 1,2 %, mais nous en connaissons maintenant la raison : cela s’explique par le déstockage opéré par les entreprises afin de « digérer » l’accélération. L’INSEE, mais aussi la Banque centrale, la Banque de France et le Trésor prévoient une croissance comprise entre 0,6 % et 0,8 % pour le quatrième trimestre. La consommation se maintient comme jamais, même s’il est vrai que des réformes structurelles restent à accomplir car nous traînons encore deux boulets : les 35 heures et l’héritage de la dette, que vous n’avez pas soldé entre 1997 et 2002. Il reste que la croissance se situera entre 2 % et 2,5 % en 2006 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

liban

M. Michel Hunault – La session extraordinaire de notre Assemblée, au mois de septembre dernier, a été précédée d'un débat sur la situation au Liban. La France, sous l'autorité du Président de la République, a pris toute sa part dans l'arrêt des hostilités. Son action en faveur de la paix et son rôle essentiel au sein de la FINUL témoignent de la place qu'occupe ce pays dans notre cœur. Aujourd'hui, nous savons que la paix est particulièrement fragile et qu’il est urgent de reconstruire le Liban, alors que l'Europe s'interroge sur l'opportunité de créer une institution financière nouvelle en faveur de tout le bassin méditerranéen, institution qui pourrait précisément œuvrer à cette reconstruction du Liban.

Au nom de l’UDF, je vous demande, Monsieur le ministre des affaires étrangères, quelle initiative le Gouvernement entend prendre pour contribuer à maintenir la paix au Liban, mais aussi pour aider à la reconstruction du pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères  Trois constats s’imposent, s’agissant de la situation au Liban. Tout d’abord, la résolution 1701 est appliquée correctement, qu’il s’agisse du retrait des forces israéliennes – à l’exception de Ghajar –, du déploiement de l’armée libanaise dans le sud du pays ou du déploiement de la FINUL. Mais deux points noirs demeurent : les survols israéliens continuent, portant atteinte à la souveraineté du Liban, et l’embargo des armes à destination du Hezbollah n’est toujours pas respecté.

L’essentiel est l’accord politique, en germe dans la résolution 1701, pour régler aussi bien la question des fermes de Sheba que celle du désarmement des milices, y compris le Hezbollah. Le Président Chirac a donc proposé une conférence internationale pour la reconstruction du Liban, conférence qui aura lieu pendant la dernière semaine de janvier 2007. Nous devons être au rendez-vous de la souveraineté, de l’indépendance et de l’état de droit pour le Liban ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

réforme de la fiscalité locale

M. André Chassaigne – Monsieur le ministre délégué au budget, le Congrès des maires commence ses travaux aujourd'hui. Comme chaque année, les élus locaux « montent » à Paris avec leurs problèmes, leurs inquiétudes et leurs interrogations, mais aussi avec leurs propositions.

Leur problème à tous tient en une phrase : comment répondre aux attentes des populations et satisfaire des besoins de plus en plus criants, compte tenu des difficultés sociales grandissantes ?

Leurs inquiétudes, qu'ils soient de gauche ou de droite, ont trait aux moyens, qui rétrécissent année après année. Les collectivités territoriales sont étranglées par l'accumulation de charges nouvelles non compensées et par l'insuffisance de leurs recettes (Protestations sur les bancs du groupe UMP) : dotations de l'État limitées, taxe professionnelle scandaleusement plafonnée, foncier non bâti en voie de suppression, faible péréquation. En 2004, les collectivités se trouvaient en déficit pour la première fois depuis près de dix ans !

Leurs interrogations portent sur la nature des recettes à mobiliser en l'absence d'une réforme de la fiscalité locale. Chaque collectivité cherche des ressources, mais au final les contribuables locaux doivent toujours davantage mettre la main à la poche – les usagers aussi, par exemple les automobilistes, étant donné l'augmentation de la TIPP annoncée dans de nombreuses régions pour faire face aux charges nouvelles non compensées (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Quant aux propositions, elles sont nombreuses. J'en citerai une seule, de l'Association nationale des élus communistes et républicains, qui propose une réforme de la taxe professionnelle comprenant une taxation des actifs financiers. Celle-ci concernerait essentiellement le secteur bancaire et les assurances, l'objectif étant d'obtenir des moyens nouveaux au profit notamment d'une réelle péréquation.

Avez-vous donc ouvert le chantier de la réforme de la fiscalité locale, Monsieur le ministre, et que pensez-vous de cette proposition de taxer les actifs financiers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État - Alors que se tient leur Congrès, vous comprendrez que je commence par saluer le travail remarquable des maires de France (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Nous sommes bien heureux, les uns et les autres, de leur engagement, toutes tendances confondues, au service de la République.

Contrairement à ce qui est dit ici ou là, ils apprécient, croyez-moi, que l’État soit à leurs côtés au quotidien. Il l’est par les préfets et les sous-préfets, par les responsables des services déconcentrés, par les comptables publics. Il l’est aussi par ses concours financiers. L’État est aujourd’hui le premier contribuable local !

Vous comprendrez aussi, Monsieur Chassaigne, que je ne puisse vous suivre dans votre proposition de taxation. Décidément, vous ne changerez jamais. À gauche, il n’y a toujours qu’une manière de régler les problèmes : c’est d’augmenter les impôts ! On le voit d’ailleurs dans les régions et conseils généraux tenus par la gauche. C’est l’inverse de notre philosophie. Nous pensons, nous, que l’on peut gérer les finances publiques en maîtrisant les dépenses publiques et en baissant les impôts. Je sais que les électeurs, qui sont aussi des contribuables, sauront faire la différence dans quelques mois (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

récentes declarations du président de la région languedoc-roussillon

M. Paul-Henri Cugnenc – Ma question, qui s'adresse au Garde des Sceaux, concerne les récentes déclarations du président socialiste de la région Languedoc-Roussillon, lequel trouve qu’il y a « une trop forte proportion de noirs dans le Onze tricolore ». J'associe à cette question tous les parlementaires UMP du Languedoc-Roussillon, ainsi que de nombreux élus des territoires d'outre-mer, en particulier les maires de Guadeloupe qui ont dénoncé « ce racisme dégoûtant » et demandé réparation de cet affront.

Nous avons donc une nouvelle fois subi les outrances d’un président de région qui s'était déjà disqualifié en qualifiant les harkis de « sous-hommes ». Ses observations déplacées sur l'origine et la couleur des footballeurs de l'équipe de France traduisent non seulement une dérive ségrégationniste et raciste, qui suffirait amplement à justifier notre émotion, mais aussi une méconnaissance de ce qu'est aujourd'hui le sport de haut niveau dans le monde.

Qui oserait s'appuyer sur des critères aussi spécieux pour expliquer que le sprint américain et l'ensemble de l'équipe olympique des États-Unis ne respectent pas les quotas de M. Frêche ? Qui viendrait nous expliquer que l'équipe des Springbocks avantage outrageusement et injustement les Afrikaners blancs ?

Au-delà de ces considérations sportives, ce que nous attendons aujourd'hui, c'est la condamnation d'une attitude humainement et philosophiquement inqualifiable. Des déclarations aussi honteuses resteront-elles impunies, Monsieur le Garde des Sceaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe socialiste )

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice – Je partage votre émotion. Les propos du président de la région Languedoc-Roussillon ont blessé tous ceux qui les ont entendus. (« Hou ! » sur les bancs du groupe UMP)

Hier, je représentais le Gouvernement à l’Institut de France et j’assistais à la dernière séance de l’Académie des sciences morales et politiques. Des jeunes d’un lycée de Seine-Saint-Denis avaient été invités. Lorsque le secrétaire perpétuel a fait savoir que sous la coupole, symbole de la France depuis des siècles, se trouvaient des jeunes lycéens issus de l’immigration, il y a eu un tonnerre d’applaudissements. Ce tonnerre d’applaudissements m’a ému et me semble être un heureux contrepoint aux propos de Georges Frêche.

La sélection en équipe de France s’appuie sur un seul critère : il s’agit de recruter le meilleur.

Le procureur général près la cour d’appel de Montpellier a décidé d’ouvrir une enquête pour déterminer si les propos de M. Frêche relèvent du code pénal. Pour l’heure, je rappelle que l’équipe de France n’a qu’une couleur : c’est le bleu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

Enfants d’outre-mer hospitalisés en métropole

M. Bertho Audifax – Monsieur le ministre de la santé, lors de votre dernier passage à la Réunion, je vous ai alerté sur les difficultés que rencontrent les parents d’enfants en très bas âge devant subir des opérations chirurgicales graves en métropole. Outre leur souffrance, ces familles ne peuvent assumer le coût d’un billet d’avion – 6 000 euros – surtout s’il y a plusieurs interventions ou contrôles successifs. La sécurité sociale prend en charge l’accompagnement médical, et, depuis la reconnaissance de la continuité territoriale, le Conseil régional peut prendre en charge 50 % du prix du billet d’un parent une fois par an. Mais les aides du conseil général ne suffisent pas, non plus que celles des associations, et les familles, en plein désarroi, s’endettent lourdement avec des conséquences parfois dramatiques. Quelle solution pouvez-vous envisager pour libérer les parents de ce souci matériel afin de leur permettre de se consacrer pleinement à leur enfant qui souffre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités Il y a deux semaines en effet, à la Réunion, vous m’avez parlé du cas précis de cet enfant qui allait être hospitalisé en métropole et qu’une seule personne pouvait accompagner, et vous avez décrit le parcours du combattant des parents pour trouver des aides. J’ai décidé que désormais toute personne de moins de 18 ans pourra, lors d’un rapatriement en métropole, avoir un accompagnant médical et un accompagnant familial. Tout enfant, quel que soit son âge, a droit au suivi médical, et plus encore peut-être, car les soins ne sont pas toujours l’essentiel, droit à conserver un entourage proche, en qui il a confiance. Cela vaudra pour toutes les collectivités d’outre-mer. Il y a là une question de justice sociale et d’équité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Conférence de nairobi

M. Robert Lamy – Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’écologie. Deux cents pays viennent de participer à Nairobi à la douzième conférence internationale sur le climat, avec pour objectif de mieux lutter contre le réchauffement de la planète, dont les effets sont dévastateurs selon le rapport Stern, confirmé par celui du groupe de travail « facteur 4 » que préside Christian de Boissieu.

La conférence de Nairobi a suscité l’espoir : le monde attend de nouvelles mesures pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. En même temps, se déroulaient la négociation au titre de la convention des parties signataires du protocole de Rio, signé par 189 des 192 membres des Nations unies, et la deuxième réunion sur la révision du protocole de Kyoto, ratifié par 156 pays.

La France, par la politique volontariste qu’elle mène, est en position de mobiliser ses partenaires. Face à l’urgence, quelles mesures a-t-elle proposées, et quel bilan tirez-vous de cette conférence ?

Mme Nelly Olin, ministre de l’écologie et du développement durable À l’occasion de cette conférence, j’ai, au nom du Président de la République, appelé les États à prendre des engagements ambitieux pour combattre la menace que fait peser le réchauffement climatique. Les pays ayant ratifié le protocole de Kyoto, y compris les pays en développement, ont reconnu qu’il était nécessaire de diviser au moins par deux les émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale, ce qui est décisif pour arrêter des politiques en vue de l’après-2012.

Le protocole de Kyoto sera totalement revu en 2008. La France, qui présidera alors l’Union européenne, pourra jouer à cet égard un rôle de premier plan. J’ai également signé deux accords bilatéraux avec la Corée du sud et le Gabon pour favoriser le développement des investissements « propres » de nos entreprises dans ces pays ; un troisième accord est en préparation avec le Sénégal. J’ai également défendu le projet de taxe « carbone » annoncé par le Premier ministre le 13 novembre dernier, et qui viserait les importations en provenance des pays qui refuseraient de s’engager sur l’après-2012.

Enfin, à la demande du président de la République, j’ai annoncé la réunion à Paris, en février prochain, d’une grande conférence internationale sur l’environnement.

Le bilan de la conférence de Nairobi est positif, mais beaucoup reste à faire. La France est totalement engagée dans ce combat essentiel pour le devenir de la planète. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Cohésion sociale

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont – Monsieur le ministre de l’emploi, hormis les déclarations de bonnes intentions, pour lesquelles ce gouvernement fait preuve d’un indéniable talent, la politique de cohésion sociale est devenue un miroir aux alouettes.

Où est la politique de cohésion sociale quand vous infligez des coupes claires aux associations qui oeuvrent dans nos quartiers, et qui n’ont pour seul recours que les collectivités locales ? Où est-elle quand les caisses d’allocations familiales cessent de subventionner les contrats petite enfance, laissant, là encore, les élus locaux les financer seuls – et ce alors que vous dénoncez les hausses de fiscalité locale ?

Où est-elle quand l’État se désengage des actions pour l’accès à l’emploi de ceux qui en sont les plus éloignés, les érémistes ? En effet, dans le calcul de la part de TIPP allouée aux départements pour compenser le transfert de la charge du RMI, il exclut, par une imposture magistrale, les allocataires qui passent en contrat d’avenir, ce qui signifie que ces derniers restent à la seule charge des départements. Comment dès lors, pouvez-vous annoncer une bonification pour les départements qui mènent la politique d’insertion la plus ambitieuse ? Plus ils signent de contrats d’avenir, plus la compensation de l’État diminue !

Allez-vous renoncer à cette politique sociale en carton-pâte, au détriment du contribuable local ? Ou faudra-t-il que les élus locaux sifflent la fin de la partie, et que les départements par exemple refusent de signer les contrats d’avenir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité  Entre la caricature et les faits, il y a souvent un abîme ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Comme nous ne semblons pas avoir les mêmes lectures, je dois vous rappeler quelques chiffres : la cohésion sociale et la politique de la ville, toutes lignes budgétaires confondues, ne bénéficiaient que de 800 millions en 2002, contre 1,6 milliard aujourd’hui. Vous parlez de recul ? C’est un doublement ! Les associations, les habitants des quartiers en bénéficieront sur le terrain, au plus près de leurs préoccupations ! Nous avons tout simplement changé d’échelle !

S’agissant du RMI, il est vrai que nous avions besoin d’un partage plus clair des compétences entre l’État et les départements. L’État a prévu des compensations pour l’ensemble des départements, pour un montant de 4,9 milliards (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Henri Emmanuelli – Mensonge !

Mme la Ministre déléguée – …sans compter la dotation supplémentaire de 500 millions par an décidée par le Premier ministre. Je peux comprendre que ces chiffres vous dérangent !

Pour ce qui est du handicap et du vieillissement, vous vous étiez contentés de lancer des missions et d’élaborer des projets ; de notre côté, nous avons eu le courage de trouver des financements : plus de 400 millions pour la petite enfance dans le budget de Philippe Bas, et plus de 165 millions pour le handicap. Voilà la réalité des chiffres ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Nos concitoyens en constateront les effets ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

hausse de la TIPP

M. Jean-Pierre Soisson – Monsieur le ministre du budget, la plupart des régions socialistes ont lancé une grande offensive contre le Gouvernement et contre les Français (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) à travers l’augmentation abusive des prix de l’essence et du gazole.

M. Augustin Bonrepaux – Parce que vous avez décentralisé en masse !

M. Jean-Pierre Soisson – M. Bonrepaux nous a expliqué qu’il s’agissait de compenser les effets de la réforme de la taxe professionnelle. Or, nous avons voulu protéger les entreprises en limitant celle-ci à 3,5 % du montant de la valeur ajoutée.

M. Augustin Bonrepaux – Vous avez protégé les plus riches d’entre elles !

M. Jean-Pierre Soisson – Cette taxe avait augmenté en Bourgogne de 75 % ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Les régions socialistes ont choisi d’utiliser comme arme la taxe intérieure sur les produits pétroliers, transférée en 2005, avec une possibilité de modulation des taux à compter de 2007. Ces régions ont augmenté les taux autant qu’elles le pouvaient légalement, poussant abusivement à la hausse les prix de l’essence et du pétrole. (« Hou ! » sur les bancs du groupe UMP )

M. Augustin Bonrepaux – C’est vous qui en êtes les responsables !

M. Jean-Pierre Soisson – Huit conseils régionaux ont déjà délibéré en ce sens, notamment celui de Bourgogne – hier – et c’est pourquoi Jean-Pierre Anciaux s’associe à ma question.

Quelle est la réalité ? Ce que les régions ne peuvent plus ponctionner sur les entreprises par le biais de la taxe professionnelle, elles le prélèvent sur tous les Français !

M. le Président – Posez votre question, Monsieur Soisson.

M. Jean-Pierre Soisson – Les socialistes aiment l’impôt pour l’impôt, et ce pour la vie entière ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Ils le prouvent à chaque occasion ! Quelle sera votre réaction face cette nouvelle offensive socialiste, Monsieur le ministre ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; M. Bonrepaux manifeste son désir de répondre, cependant que le groupe socialiste continue de protester)

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État Je partage votre consternation, Monsieur Soisson (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Grâce à la hausse de la TIPP, ces régions vont prélever 500 millions dans la poche des automobilistes ! (« Hou » sur les bancs du groupe UMP)

Est-ce la conséquence des transferts de compétences, comme certains l’affirment ? Les transferts s’élèvent à 1,4 milliard selon la commission chargées de les évaluer et l’État a signé un chèque de 1,4 milliard ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) On a ensuite prétendu qu’il fallait financer les TOS – mais pourquoi les régions dépenseraient-elles plus que l’État, un an plus tard et dans les mêmes conditions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La réalité est très simple : les socialistes, comme les communistes, commencent par augmenter les impôts et ils discutent après ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste) Ils l’ont bien montré avec leurs augmentations scandaleuses de la taxe professionnelle, que nous avons dû réformer en conséquence ! Quant à la carte grise, les socialistes l’ont fait croître de 13 % en 2005 et 17 % en 2006. Et voilà qu’ils recommencent avec la TIPP ! Ce petit jeu ne peut pas être éternel !

Songez un instant à la dernière perle de Georges Frêche, président de la région Languedoc-Roussillon : « Ce n’est pas avec des discussions sur le budget et la TIPP que vous influencez l’électeur, qui n’y comprend rien et s’en moque comme de l’an 40 ». Quel beau résumé de la pensée socialiste ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Pour ma part, j’ai l’opinion inverse : les contribuables, qui sont aussi des citoyens, diront un jour ou l’autre leur fait aux socialistes. Et puisqu’il est question de « jurys populaires », commencez donc par Georges Frêche ! (Mêmes mouvements)

chômage dans les Ardennes

Mme Bérengère Poletti – J’associe à ma question mon collègue Jean-Luc Warsmann, lui aussi député des Ardennes. Dans ce département, ce sont mille emplois qui ont été perdus en quelques mois et mille autres qui sont aujourd’hui en danger, alors que le taux de chômage – 13 % – dépasse la moyenne nationale depuis des décennies. Trois habitants quittent notre département chaque jour ! Une nouvelle fois, les Ardennes traversent une crise économique de grande ampleur.

Confrontés aux crises du textile et de la fonderie, nous nous étions réorientés vers l’équipement automobile, secteur désormais soumis à une concurrence impitoyable. Comment répondrez-vous à l'inquiétude justifiée des Ardennais ?

Les 320 salariés des ateliers Thomé-Génot, récemment touchés par la crise, pourront certes bénéficier de contrats de transition professionnel, dispositif ambitieux en cours d’expérimentation dans une partie du département – encadrement important, maintien du salaire, formation, suivi individualisé. Mais c’est une véritable solidarité nationale que les Ardennais espèrent : un nouvel élan, un plan ambitieux et réaliste pour développer de nouvelles entreprises. L'économie ardennaise doit en effet se diversifier…

Les Ardennaises et les Ardennais nous écoutent ; ils attendent des mesures qui leur redonneront l'espoir, Monsieur le ministre. Pouvez-vous nous indiquer celles que vous pouvez déjà leur proposer, dans l’attente du plan de redynamisation mis à l’étude par le Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes Le département des Ardennes souffre car aux difficultés du textile et de la fonderie ont succédé celles des équipementiers automobiles. Le conseil général, les parlementaires et le Gouvernement se sont mobilisés et des réponses ont déjà été apportées, qu’il s’agisse de contrats de transition professionnelle, de contrats territoriaux ou des deux importants dossiers de l’ANRU concernant Sedan et Charleville-Mézières. Vous le savez, une très longue réunion s’est tenue le 10 novembre dernier pour évoquer les conséquences de la défaillance de l’entreprises Thomé-Génot, et l’objectif fixé, avec l’aval du Premier ministre, est : « zéro chômeurs en douze mois » ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Déjà, la mobilisation générale a abouti, hier soir, à un accord entre toutes les parties. Plus largement, priorité sera donnée à l’élaboration d’un plan de redynamisation des Ardennes, ce à quoi pourvoira le prochain CIADT. La mise en service du TGV Est, l’année prochaine, et les liaisons autoroutières vers le Benelux y contribueront.

Par ailleurs, à la demande du Premier ministre, le Gouvernement s’attache à définir un ambitieux plan de soutien au secteur de l’automobile et des équipementiers, plan qui sera rendu public dans les prochaines semaines. Dans ce domaine comme dans les autres, il n’y a pas de fatalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

sapeurs-pompiers

M. Bernard Derosier – La séance des questions au Gouvernement ne peut être conçue par des ministres incapables de justifier leur action comme une occasion de se défouler sur les présidents socialistes des régions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; exclamations sur les bancs du groupe UMP) Si M. Copé avait un minimum d’honnêteté intellectuelle (Huées sur les bancs du groupe UMP), il aurait rappelé que c’est le gouvernement de M. Raffarin qui a permis aux collectivités territoriales d’utiliser la TIPP pour accroître leurs recettes (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Ma question concerne les sapeurs-pompiers. Ils sont en grève, ils manifestent aux portes de notre Assemblée et vous avez une lourde responsabilité dans le déclenchement de ce mouvement, Monsieur le Premier ministre. Vous avez en effet instauré une nouvelle bonification indiciaire que les départements et les conseils généraux auraient dû payer sans compensation. Vous n'aviez pas mesuré les conséquences financières de votre décision, et vous avez dû l'annuler, ce qui a provoqué la colère des sapeurs-pompiers professionnels car, dans le même temps, vous n'avez donné aucune suite à la reconnaissance de la dangerosité de leur métier qui figure pourtant dans la loi de 2004. Votre ministre de l'intérieur fait de belles déclarations devant les sapeurs-pompiers, mais il est incapable de les traduire en actes pour satisfaire leurs légitimes revendications ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP) Il y a quelques jours, les représentants syndicaux ont été reçus par le ministre des collectivités locales sans que les discussions aboutissent. Comment allez-vous sortir de l'impasse dans laquelle vous vous êtes fourvoyé ? Comment allez-vous compenser les conséquences financières de vos décisions pour éviter qu’elles ne pèsent, une fois de plus, sur les contribuables locaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales – Je le rappelle, les sapeurs-pompiers se divisent en trois groupes (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) : les 11 800 sapeurs-pompiers militaires de Paris et de Marseille, les 204 000 sapeurs-pompiers volontaires des zones rurales et les 36 000 sapeurs-pompiers professionnels auxquels vous faites allusion. Je tiens à rendre hommage, car il me semble que vous avez oublié de le faire (Huées sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), à leur sang-froid et à leur courage (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) – je rappelle que onze d’entre eux ont péri au feu cette année. Les syndicats demandent une bonification indiciaire, l’application du protocole Jacob et l’ouverture de discussions sur la fin de carrière. Que leur avons-nous proposé ? (« Rien ! »sur les bancs du groupe socialiste) Si vous le pensez, c’est que vous êtes mal informés par vos amis ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) En effet, en présence de M. Lebreton, président de l’Assemblée des départements de France, et de M. Eric Doligé, président de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours, nous avons proposé à leurs représentants le rétablissement, à hauteur de 50 %, de la nouvelle bonification indiciaire – ce qui n’est pas rien –, la revalorisation de l’échelle indiciaire et l’ouverture de discussions sur la fin de carrière. Ni M. Doligé ni M. Lebreton ne pouvaient aller plus loin. Mais, ce matin – et de cela, je vous l’accorde, vous ne pouviez être informé –, une organisation syndicale importante m’a proposé, sans doute au nom de l’intersyndicale, la reprise des négociations. J’y suis prêt à condition que l’on évoque uniquement la situation particulière des sapeurs-pompiers et la préservation du service public et que l’on n’oublie pas que ce seront les contribuables qui, à la fin, assumeront le coût des mesures nouvelles. Ces éléments sont indissociables car régler des inégalités ne peut conduire à créer plus d’injustice (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

ITer

Mme Maryse Joissains-Masini – Ce matin, l’accord ITER a été signé à l’Élysée par les représentants de la Commission européenne pour Euratom, de la Chine, de la Corée du Sud, des États-Unis, de l’Inde, du Japon et de la Russie. Le budget de ce projet de recherche, qui tend à la fourniture d’une énergie propre et inépuisable, est estimé à 10 milliards. La signature marque l’aboutissement de plusieurs années de négociations internationales. Comme l’a souligné le Président de la République, c’est une main tendue aux générations futures, et la victoire de l’intérêt général. Le choix du site de Cadarache témoigne de la qualité et de la compétitivité de nos équipes et de notre environnement. Pouvez-vous préciser, Monsieur le ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche, les retombées de ce traité en termes économiques, ainsi que ses bénéficiaires pour la recherche de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche Le traité signé ce matin à l’Élysée revêt en effet une importance considérable. Avec plus de dix milliards d’investissements, 1 900 emplois créés pour sa construction et 3 500 autres affectés à son fonctionnement, le réacteur ITER est le résultat d’un effort commun sans précédent, consenti par six pays et l’Union européenne qui rassemblent plus de la moitié de la population mondiale, et il permettra de produire une véritable énergie d’avenir, inépuisable et non polluante.

Comment avons-nous réussi à obtenir l’implantation d’ITER à Cadarache ? Grâce à l’Europe, d’abord, dont l’influence a été décisive face aux États-Unis et au Japon (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). Grâce à l’excellence de la recherche française ensuite, dont la performance est ainsi reconnue. C’est donc une victoire pour notre pays, une victoire pour l’Europe, mais aussi une victoire pour l’avenir du monde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP)

pôles de compétitivité concurrents dans le secteur aéronautique

M. Hugues Martin – Aerospace Valley, labellisé par le CIADT du 12 juillet 2005, est l’un des six pôles de compétitivité mondiaux consacrés à l’aéronautique, à l’espace et aux systèmes embarqués. Avec 94 000 emplois, il conforte la première place mondiale du Sud-ouest dans l’aéronautique civile et permet surtout d’innover en matière de systèmes embarqués. Dans une filière confrontée à de nombreuses difficultés, sa vitalité est donc essentielle. Pourtant, son avenir est menacé par le projet concurrent dit Astec : il s’agirait de constituer, cette fois en Île-de-France, un autre pôle de compétitivité généraliste et de rang mondial dans le domaine de l’aéronautique. La viabilité d’Aerospace Valley en serait compromise. Pourquoi, en effet, créer un second pôle qui affaiblirait sa position internationale et qui, de surcroît, augmenterait la dépendance des établissements provinciaux à l’égard de leurs sièges parisiens – en totale contradiction avec la logique industrielle qui a inspiré la création de ces pôles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe socialiste et du groupe UDF)

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire  La France peut-elle se permettre d’avoir deux pôles de compétitivité dans le domaine de l’aéronautique ?

Plusieurs députés socialistes – Non, un seul suffit !

M. le Ministre délégué – Loin de toute posture idéologique, je suis favorable à tout projet innovant qui renforce la compétitivité de la France, mais opposé à ceux qui entraîneraient une dispersion des initiatives et des financements et, à terme, un désengagement des entreprises concernées.

M. Jean Glavany – Pour une fois qu’il dit quelque chose d’intelligent !

M. le Ministre délégué – Aerospace Valley, conjuguant les énergies d’universités, de laboratoires publics et privés, de grands groupes industriels et de centaines de PME, est aujourd’hui une réussite de rang mondial. J’ai expliqué à ceux qui défendent le projet Astec que le Gouvernement soutiendrait un projet complémentaire, mais en aucun cas un projet concurrent. Je vous le confirme aujourd’hui : Aerospace Valley restera le seul pôle aéronautique mondial de France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 15, sous la présidence de M. Leroy.
PRÉSIDENCE de M. Maurice LEROY
vice-président

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LOI DE FINANCES POUR 2007 (suite)

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble du projet de loi de finances pour 2007.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État Avec Thierry Breton, nous adressons nos remerciements à l’ensemble des parlementaires. La discussion à l’Assemblée s’est achevée dans la nuit de vendredi à samedi : souvent passionnée, toujours passionnante, elle a permis de faire le point sur les grandes orientations budgétaires du moment. Des remerciements tout particuliers à Pierre Méhaignerie et à Gilles Carrez, ainsi qu’à l’ensemble des commissaires des finances, dont les observations très pertinentes – et parfois les critiques – ont enrichi le texte initial… sans renchérir la dépense publique, ce dont je me réjouis !

Pour la première fois en effet, nous présentons un budget avec un déficit en baisse : le solde final s’établit à moins 41,7 milliards, soit 5,3 milliards de mieux qu’en 2006 et, surtout, près de 15 milliards de mieux qu’en 2003. Quant à la dette, elle diminuera encore d’un point en 2007, après avoir baissé de deux points cette année, et elle représentera par conséquent 63,6 % du PIB. Parallèlement, les impôts et la dépense publique diminuent aussi.

La dépense de l’État baisse…

M. Patrick Roy – Le moral des Français aussi !

M. le Ministre délégué – …du fait, notamment, des audits ministériels, et non par choix idéologique.

Parmi les mouvements intervenus en cours de discussion budgétaire, je note les 110 millions mobilisés au profit des pensions des anciens combattants des ex-territoires français et l’abondement de 100 millions du FNADT, destiné à répondre aux préoccupations des élus locaux.

Mais l’année prochaine sera aussi marquée par la poursuite de notre grande réforme fiscale, laquelle concerne, pour l’essentiel, la taxe professionnelle, l’impôt sur le revenu et la fiscalité des plus-values. Au cours de la mandature, nous avons largement modifié le paysage fiscal, allégé les impôts d’État et lancé plusieurs réformes de fond, dont les premiers effets bénéfiques sont d’ores et déjà perceptibles, en particulier pour ce qui concerne la consommation et l’investissement. Bien entendu, ces évolutions ne sont pas neutres pour la croissance, qui continue d’augmenter de manière ininterrompue.

Ce budget traduit notre volonté de faire bouger les lignes, en respectant les principes de bonne gestion, de responsabilité et d’efficacité de la dépense publique que nous avons posés au début de la législature. À l’occasion de la campagne présidentielle de 2007, nous aurons l’occasion de rappeler que l’on peut tout à la fois mieux gérer, baisser les impôts, contenir la dette et maîtriser le déficit. Et nous nous attacherons à poursuivre dans cette voie, pour préserver l’avenir de nos enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances – Le projet de loi de finances pour 2007, que la commission des finances vous invite à adopter, est un bon, et même un excellent budget (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Il met en œuvre les principes de bonne gestion que nous nous sommes attachés à promouvoir tout au long de la législature, parce qu’ils garantissent une exécution sans surprise du budget que nous votons. Ainsi, le présent projet est fiable, parce qu’assis sur une prévision de recette prudente. Son exécution respectera strictement le plafond que nous votons. Enfin, la réduction systématique du déficit reste une priorité absolue et les éventuels surplus de recettes liés à la croissance y seront obligatoirement affectés.

Si, comme je le souhaite, nous respectons ces principes au cours de la prochaine législature, dans cinq ans, le déficit sera à zéro… (Murmures sur les bancs du groupe socialiste)

Bon, ce budget l’est aussi en ce qu’il marque une nouvelle étape dans la maîtrise de la dépense publique, laquelle ne progresse que de 0,8 point, soit un point de moins que l’inflation. Nous marquons ainsi notre détermination de dégager dès à présent de nouvelles marges de manœuvre, alors que notre pays est confronté au défi du vieillissement de la population. Ce n’est pas faire de l’idéologie que de le rappeler. Nous nous efforçons simplement d’être lucides…

M. Augustin Bonrepaux – Il vous a quand même fallu cinq ans pour vous en apercevoir !

M. le Rapporteur général – Excellent, ce budget l’est encore en matière fiscale, puisqu’il confirme les réformes de la taxe professionnelle et de l’impôt sur le revenu, réformes qui visent à renforcer la compétitivité de nos entreprises et à rendre plus juste notre système fiscal… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

En définitive, le budget pour 2007 est l’exacte antithèse du calamiteux budget pour 2002. C’est l’honneur de notre majorité que d’avoir tout fait pour que ne se reproduise pas le dérapage d’il y a cinq ans, qui est à l’origine de la dérive des dépenses publiques à laquelle nous avons dû remédier.

Messieurs les ministres, je salue votre sens du dialogue et votre esprit d’ouverture. Nous avons bien travaillé ensemble et je vous en remercie. Merci, également, à Pierre Méhaignerie et à Michel Bouvard, si actif dans nos débats, tant diurnes que nocturnes. Merci aux différents présidents de séance d’avoir veillé à ce que notre discussion reste harmonieuse et constructive. Merci à tous les collègues qui ont participé à nos échanges. Merci, enfin, à la presse et à tous les services de l’Assemblée.

Bien entendu, la commission des finances vous invite à adopter cet excellent budget (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

explications de vote

M. Hervé Mariton – C’est bien volontiers que le groupe UMP approuvera le projet de loi de finances pour 2007. Les priorités qu’il dégage traduisent une volonté politique sans faille en faveur de l’emploi, de la recherche, de l’investissement dans les infrastructures et de la compétitivité des entreprises. En matière de défense et de sécurité, les engagements pris dans les lois de programme sont tenus, ce qui mérite d’être souligné.

Fiable, construit sur des hypothèses crédibles, ce budget va créer un climat de confiance dans le pays. Il s’agit aussi d’un budget prudent, l’amélioration – sensible, quoique encore fragile – de la conjoncture économique ayant été prise en compte de manière raisonnable.

Au reste, le chemin à parcourir reste encore long. S’agissant de la dépense, des efforts ont été accomplis, mais les documents budgétaires transmis par les ministères montrent que la tentation de répondre aux problèmes en augmentant cette dépense est encore bien présente. Or, tout ne se résout pas par la dépense publique ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

Le cap des indispensables réformes fiscales est tenu, y compris pour ce qui concerne la taxe professionnelle, la réforme de l’imposition forfaitaire annuelle permettant d’exonérer 65 000 petites entreprises. Conforme à nos choix politiques, la baisse des prélèvements obligatoires est à poursuivre.

Au total, la baisse des déficits permettra d’atteindre l’équilibre plus rapidement qu’on ne le pense, même si cet objectif demeure très ambitieux. Des progrès ont également été réalisés s’agissant de la maîtrise de la dette, il faut en donner acte au Gouvernement, même si nous devrons en particulier relever le défi de la dette ferroviaire.

Parce que les progrès doivent être durables, nous devons veiller à la bonne application de la LOLF, en particulier s’agissant de l’évaluation de la performance dans l’exécution budgétaire.

Un long chemin a été parcouru depuis 2002. Les budgets que nous avons votés ont contribué à mettre notre pays en mouvement et à résoudre les problèmes des Français. Ce n’est donc pas sans fierté que le groupe UMP votera celui-ci ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Didier Migaud – Nous arrivons aujourd’hui au terme d’un exercice trop convenu dont la procédure me semble dépassée : nous ne pouvons pas exiger de l’État plus de transparence et de visibilité sans que nous réformions nous-mêmes nos méthodes de travail. Nous disposons en effet de pouvoirs que nous exerçons peu, faute de volonté. La projection d’un film ou l’intervention de Mme Chirac sur la cristallisation des pensions…

M. Jacques Godfrain – Respectez les anciens combattants !

M. Didier Migaud – …ont eu, semble-t-il, plus d’influence que nos propos. Le groupe UMP s’est montré discipliné et M. le ministre délégué au budget a même refusé des assouplissements nécessaires de la réforme de la taxe professionnelle alors que nombre de nos collègues en constatent les effets négatifs sur le terrain. Il a d’ailleurs également refusé les préconisations du président de l’association des maires de France.

Ce budget est-il aussi bel et bon que vous le prétendez ? Non. Il accentue votre politique ultralibérale, injuste, inefficace, inégalitaire, défavorable au pouvoir d’achat. La pression fiscale a quant à elle augmenté pour la majorité des Français tandis que la croissance patine depuis 2002. Votre réponse à ma question sur les mauvais résultats de la croissance au troisième trimestre, Monsieur le ministre de l’économie, ne nous satisfait pas car nous sommes en deçà des résultats obtenus par nombre de nos partenaires.

Si l’impôt sur le revenu baissera pour un petit nombre de Français, les dépenses publiques augmentent beaucoup plus que vous ne l’avouez. Nos priorités en la matière divergent d’ailleurs considérablement puisque les crédits seront insuffisants pour le logement, les transports, la politique de la ville, l’aménagement du territoire, l’emploi.

Ce budget n’a pas vocation à être exécuté et nous souhaitons que la nouvelle majorité le corrige dès le PLFR. Le groupe socialiste ne le votera pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Charles de Courson – À l'issue du débat sur la cinquième et dernière loi de finances de la législature, le groupe UDF fait un quadruple diagnostic.

Premier constat : le secteur public en général et l'État en particulier dépensent trop. En cinq ans, le poids des dépenses publiques dans la richesse nationale s’est accru de plus d'un point de la richesse nationale, portant la France au deuxième rang des pays développés avec encore 52,9 % de la richesse nationale consacrés à la dépense publique en 2007 contre 51,6 % en 2001. Les dépenses de l'État, quant à elles, n'augmentent pas de 0,8 %, soit 2,2 milliards, comme le prétend le Gouvernement, mais de 2,9 %, soit 10,5 milliards, si l'on tient compte des prélèvements sur recettes, des dégrèvements et remboursements sur tiers, des débudgétisations, des fonds de concours et des dépenses fiscales. Même les effectifs publics n’ont pas diminué entre 2001 et 2006 puisque la réduction de 5 000 à 6 000 emplois par an a été compensée par la création de 10 000 à 11 000 emplois chaque année dans les organismes dépendant de l'État. En 2007, la prévision de réduction de 15 000 emplois dans le budget de l'État est compensée par plus de 10 000 créations d'emplois dans ces mêmes organismes.

Second constat : malgré des baisses d'impôt financées à crédit et socialement déséquilibrées, la pression fiscale et sociale s'est accrue de presque un point de la richesse nationale, passant de 42,8 % en 2001 à 43,7 % en 2007. En fait, le Gouvernement n'a pas baissé les impôts mais a freiné une hausse spontanée très forte.

Troisième constat : la réduction des déficits publics n'a pas été une priorité. Comme le rapport Carrez l'a montré, seulement 6 % des plus values de recettes fiscales y ont été consacrés entre 2002 et 2007. Globalement, les déficits publics ne se réduisent que très lentement, soit d’environ 2 milliards par an : ils s’élevaient en 2005 à 50 milliards, ils seront en 2006 de 48 milliards et de 46 milliards en 2007. Le déficit prévisionnel de l'État, avec 41,6 milliards en 2007, est pour plus de la moitié un déficit de fonctionnement. Avec un tel rythme de réduction, il faudra encore 23 ans pour parvenir à l'équilibre !

Quatrième constat : de 2001 à 2005, le poids de la dette dans la richesse nationale n'a cessé de croître pour atteindre 66,6 %. La baisse de deux points, en 2006, sera entièrement imputable à 35 milliards de cessions d'actifs et d'opérations de trésorerie et non à la réduction des déficits publics ; en 2007, les deux tiers de la réduction, estimée à un point de richesse nationale, seront dus à 18 milliards de cessions d'actifs et d'opérations de trésorerie.

Face à ce quadruple constat, l'UDF rappelle que seule la réalisation des quatre grandes réformes – retraites, assurance maladie, État, collectivités territoriales – permettra de redresser les finances publiques. Fidèle aux engagements pris devant les électeurs en 2002 de réduire les dépenses publiques, les déficits, la pression fiscale et sociale ainsi que l'endettement public, elle ne votera pas ce PLF. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Jean-Claude Sandrier – Nous arrivons au terme d'un débat budgétaire qui aura permis de démontrer que le Gouvernement mène une politique en complète inadéquation avec les exigences et les urgences de la vie de millions de nos concitoyens.

Le résultat de vos cinq années de gouvernement, ce sont : une aggravation sans précédent des inégalités, une précarité accrue, un endettement supplémentaire des ménages… Face à cela, il y a l'insolent enrichissement d’une caste de nantis, à laquelle vous réservez les cadeaux financiers. Ainsi, en cinq ans, vous aurez fait 23 milliards d'euros de cadeaux aux plus riches, soit l'équivalent de la moitié du déficit budgétaire ! La Cour des comptes elle-même a relevé que l'essentiel des allégements fiscaux a bénéficié à une toute petite minorité de Français, les plus aisés.

Dans le même temps, vous avez augmenté les impôts les plus injustes, tels que la CSG, les taxes et forfaits de toute nature, sans parler des hausses de prix qui ont alourdi les dépenses obligatoires des ménages – énergie, logement, médicaments…

Les transferts de charges vers les collectivités locales sans compensations financières suffisantes ont, quant à eux, accru une fiscalité locale particulièrement injuste. Lisez à ce sujet le rapport du sénateur Doligé. En cinq ans, les prélèvements obligatoires ont ainsi augmenté de 0,6 %.

Vous êtes les champions du gaspillage de l'argent public. C'est la Cour des comptes qui le dit lorsqu’elle explique que sur les 20 milliards d'euros de cadeaux de cotisations sociales patronales, 17 ne servent à rien pour l'emploi.

Le transfert de l'argent public vers la sphère privée a un coût social terrible : l'État est devenu le plus grand casseur d’emplois et il dégrade les services publics. Le nombre de érémistes a augmenté de plus de 10 %. En 2005, 100 000 personnes de plus ont dû percevoir les minima sociaux. La précarité de l'emploi a augmenté de 10 % en deux ans et le pouvoir d'achat des salariés ne cesse de diminuer depuis trois ans. En dix ans, le SMIC a certes été multiplié par deux, mais les dividendes par neuf, cependant que le nombre de retraités vivant en dessous du seuil de pauvreté augmentait de 63 % !

Vous invoquez la dette pour freiner les revendications des salariés. Mais c’est vous qui l’avez accrue de huit points en quatre ans. Rappelons qu’elle reste toutefois inférieure à celle des pays de la zone euro et de l’OCDE.

Enfin, il y a une autre vérité qui vous fâche, c'est lorsque nous disons que vous oubliez une masse considérable de ressources sous-fiscalisées. La revue Capital du mois dernier nous explique que les profits croissent plus vite que les salaires, l’inflation et le PIB, et que les dividendes croissent davantage que les profits. En plus, ils sont moins taxés que les salaires. On ne peut pas mieux décrire le parasitisme d’une caste qui s’enrichit sur le travail du plus grand nombre, sans commune mesure avec l'évolution des richesses du pays.

Oui, de l'argent, il y en a, et il coule à flots ! Il est temps de taxer les plus-values boursières, à commencer par celles, scandaleuses, de Total. Il est temps de taxer à 1 % les actifs financiers, qui ont augmenté de 107 % en dix ans : cela rapporterait 35 milliards d'euros. Il est temps de réorienter les 20 milliards gaspillés vers l'emploi, la recherche, l'éducation, la protection sociale et l'environnement, bref tout ce qui fait progresser les richesses réelles d'un pays.

Mais, cette année encore, les moyens consacrés à l'emploi, au logement, à l'éducation, aux transports sont en baisse. Le décalage entre vos discours et la réalité est abyssal. Je n'en donnerai que deux exemples. À l'heure de la semaine pour l'emploi des personnes handicapées, quelle décision majeure avez-vous prise ? Celle de réduire brutalement de 20 % les crédits alloués à la rémunération des stagiaires des centres spécialisés. Par ailleurs, l’État se désengage du financement de l’AFPA, en totale contradiction avec les engagements pris et les affirmations du Premier ministre.

Nous voterons évidemment contre ce budget (« Ah ? » sur les bancs du groupe UMP), qui creuse les inégalités et qui, pour tenter de faire oublier les cadeaux aux riches, cherche à opposer entre elles les différentes catégories sociales que votre politique pénalise. Nous appelons nos concitoyens à se rassembler pour une autre répartition des richesses, pour la justice fiscale et le progrès social.

Il est temps de promouvoir une nouvelle politique de gauche, qui soit à la hauteur des attentes et des besoins de l'immense majorité de nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

À la majorité de 356 voix contre 189, sur 551 votants et 545 suffrages exprimés, l’ensemble du projet de loi de finances pour 2007 est adopté.
La séance, suspendue à 16 heures 50 est reprise à 17 heures 5.

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prÉvention de la dÉlinquance

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance.

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire Ce texte est l’expression d’une conviction : la France a besoin d’une vraie politique de prévention de la délinquance. Depuis 30 ans, des actions ont été menées par tous les gouvernements. Pourtant, il reste tant à faire pour que la violence recule sur l’ensemble du territoire ! Je le dis d’autant plus fermement que nous avons engagé depuis quatre ans et demi, un effort sans précédent pour la sécurité des Français.

Et nous avons obtenu des résultats incontestables et incontestés. Je ne me lasserai pas de rappeler cette vérité, qui ne peut faire mal qu’à ceux qui ne veulent pas entendre, que de 1997 à 2002, avec des indicateurs qui n’ont pas changé depuis le lendemain de la guerre, la délinquance avait augmenté de 14 %. C’est d’ailleurs ce qui a conduit à la déroute du parti socialiste et à son absence du second tour de l’élection présidentielle. Après une telle condamnation par les Français, ils seraient bien mal inspirés de nous dire de faire comme eux.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Nous devrions nous taire ?

M. le Ministre d’État – De 1997 à 2002, plus 14 %, et, avec le même indicateur, de 2002 à 2006, moins 9 %. Telle est la réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Marie Le Guen – Changez de disque !

M. Michel Herbillon – La réalité les gêne.

M. le Ministre d’État – C’est que nous avons accordé des moyens à la police et à la gendarmerie.

M. Jean-Marie Le Guen – C’est la France d’hier.

M. le Ministre d’État – Moins 9 %, cela ne suffit pas, mais cela n’a rien à voir avec plus 14 %.

M. Jean-Pierre Blazy – Et 25 % de violences en plus !

M. le Ministre d’État – Depuis 2002, nous avons créé 6 200 postes de fonctionnaires de police.

M. Jean-Pierre Blazy – Pas dans les banlieues !

M. Alain Claeys – Cent de moins dans ma circonscription !

M. le Ministre d’État – Quand je suis devenu ministre de l’intérieur, les fonctionnaires de police et de gendarmerie n’étaient même pas dotés de gilets pare-balles individuels (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Nous avons changé l’armement, modifié les communications sécurisées. J’ai organisé les services différemment car la place des policiers et des gendarmes est sur le terrain, pas dans les bureaux.

M. Jean-Pierre Blazy – En tout cas, ils ne sont pas dans les banlieues !

M. le Ministre d’État – J’ai procédé à la réforme des corps et des carrières, signée par toutes les organisations syndicales. Le redéploiement des services, attendu depuis 62 ans, a été opéré. Nous avons créé la main courante informatisée pour la police, qui permet de connaître le temps passé par un fonctionnaire sur le terrain et dans le commissariat. Nous avons donné des moyens de travailler à la police scientifique, pour passer d’une culture de l’aveu à une culture de la preuve. Nous avons développé le fichier national des empreintes génétiques En 2002, il comportait 4 024 empreintes.

M. Jean-Pierre Blazy – Évidemment, on venait de le créer !

M. le Ministre d’État – Aujourd’hui, il en comporte 350 000. Cela nous a permis de confondre 5 300 coupables. Mais le parti socialiste s’y est opposé, au nom de la défense des libertés, en oubliant que la première liberté à garantir, c’est celle de la victime potentielle de tueurs en série et de violeurs multirécidivistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Quel amalgame !

M. Michel Herbillon – C’est la vérité !

M. le Ministre d’État – Ces résultats, il faut les amplifier. Pour ce qui est de la prévention, l’opposition nous demande de la définir depuis 2002, mais que ne l’a-t-elle fait entre 1997 et 2002 ?

M. Jean-Pierre Blazy – On l’a mise en application.

M. le Ministre d’État – Cette politique, je vous la propose aujourd’hui, à tous. La société française, dans son ensemble, n’a pas été assez ferme. Or la prévention n’a pas de sens sans une dissuasion préalable par la fermeté.

Si la fermeté fait défaut, nous n’arrêterons jamais la délinquance même en corrigeant toutes les injustices du monde ! La sanction est non seulement indispensable, mais elle doit être plus ferme. La tolérance des dernières décennies, soit par générosité, soit par naïveté, soit par pure négligence, a en effet conduit à une véritable escalade de la violence.

Nous sommes aujourd'hui confrontés à des actes sauvage commis pour des motifs gratuits, comme l'incendie d’un bus à Marseille, il y a un mois – six mineurs ont bloqué l'entrée du véhicule avant d’asperger d’essence une jeune fille et d’allumer le feu.

M. Jean-Pierre Blazy – Cela s’est passé aujourd’hui, pas sous la législature précédente ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre d’État – Ayez au moins un peu de respect pour cette jeune fille brûlée à plus de 62 % ! Cet acte ignoble a choqué tous les Français et je note qu’aucune voix ne s'est élevée pour demander la clémence. La société se doit de réagir en mettant des bornes à la violence.

M. Yves Bur – Très bien !

M. le Ministre d’État – Nous devons éviter à tout prix la contagion de tels actes. Je rappellerai seulement que nous avons arrêté à Lille, au lendemain de l'agression de Marseille, des jeunes qui voulaient brûler un bus pour faire « comme à Marseille »...

Or, ce n’était pas un coup de tonnerre dans un ciel bleu : au cours des derniers mois, une bande de jeunes a séquestré, torturé, puis tué un jeune homme pour de l'argent ; un père de famille a été abattu devant sa femme et sa fille parce qu'il prenait des photos dans un quartier ; un retraité a été frappé à mort devant chez lui par des voyous dont il avait simplement croisé le regard. Tous ces événements récents, sans liens entre eux, n’ont hélas rien de faits divers : ils traduisent une marche graduelle vers la sauvagerie. Si l’on excuse aujourd’hui la violence, il faut s'attendre à trouver demain la barbarie à nos portes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Frédéric Dutoit – Personne n’excuse la violence !

M. le Ministre d’État – Nous sommes en effet au pied du mur : nous devons enfin adapter la sanction à la gravité de l'acte. Si nous continuons à ne rien faire, nous exposerons notre société à d’immenses périls, et nous ne rendrons pas service à ceux qui sont tentés par une telle escalade.

Le premier pilier de ce projet de loi est donc une modification de l'ordonnance de 1945 sur la délinquance des mineurs. Au prétexte que des délinquants sont mineurs, nous devons aujourd’hui attendre avant d’agir. Or, c'est une vraie décision que nous prenons sans le dire : celle de les laisser dériver sans retour dans une vie déstructurée.

Au Sénat, la gauche n'a cessé de m'objecter qu'il fallait laisser leurs chances aux mineurs, parce qu’ils ne sont pas des adultes. Je pense au contraire que laisser sa chance à un jeune, ce n'est certainement pas le laisser dériver !

M. Jean-Pierre Blazy – Nous ne le souhaitons pas non plus !

M. le Ministre d’État – Or, depuis dix ans, la délinquance des mineurs a augmenté de 80 %, gâchant la vie de ces jeunes, comme celle de leurs victimes. Refuser de sanctionner – par principe – un mineur, c’est le conduire sur le chemin de la délinquance et se rendre complice. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Nous ne faisons que notre devoir en donnant la priorité aux victimes, qui ne constituent pas une catégorie à part, dépourvue de rapport avec nous. Pour le comprendre, il faut avoir, comme je l’ai fait, expliqué pendant des années à des familles dévastées que personne n'a pu éviter leur malheur. La victime n'est pas un malchanceux lointain qui se trouve au mauvais endroit au mauvais moment. Ce peut être, un jour, chacun d'entre nous, ou bien un parent, un de nos enfants. C'est une vie brisée et mutilée, une famille détruite, que ce soit par la faute d’un mineur ou d’un majeur. La priorité absolue des pouvoirs publics doit être la protection des victimes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

C'est pour mettre un terme à cette violence de plus en plus dure, allant parfois jusqu'au crime, que je demande des sanctions adaptées aux mineurs d'aujourd'hui, qui n’ont plus rien en commun avec ceux de 1945 – cela, la majorité des Français le comprend. Qui, dans cet hémicycle, pourrait prétendre qu'un adolescent actuel doit être traité comme un adolescent de l'après-guerre ? Ni l'éducation, ni les repères sociaux ne sont identiques. Le plus souvent sûrs de leur impunité, les mineurs commettent des actes de plus en plus graves, tandis que certains « grands frères » font commettre des délits à leur place par les plus jeunes.

Devons-nous continuer à feindre l’ignorance ? Je demande que la société française ouvre enfin les yeux sur une violence commise par des délinquants de plus en plus jeunes, pour des motifs de plus en plus gratuits. Même si elle a été retouchée à plusieurs reprises, l'ordonnance de 1945 passe à côté de cette réalité nouvelle et conforte un sentiment d'impunité qui pousse les plus jeunes à s’enfoncer dans une délinquance dont on ne revient pas, avec des conséquences insurmontables.

À défaut de réponse appropriée, nous ne faisons que répéter les mesures, ce qui est en soi une faute, car la répétition affaiblit toute sanction, quelle qu'elle soit. J’ajoute que les sanctions actuelles sont inadaptées, car calibrées pour des incivilités, telle l'admonestation ou la remise à parents. Ces fausses réponses sont parfois sans commune mesure avec les faits commis – agressions à main armée ou viols. L’effet est contraire à l’objectif premier, car l’action de la police et celle de la justice en sont discréditées. L’autorité perd ainsi le respect qui lui est dû, au prix de graves conséquences pour la cohésion de notre société. Il n’y a pas de société libre sans autorité ni respect ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Pour enrayer ce mouvement, nous devons agir dans trois directions. Tout d'abord, diversifions les réponses à la délinquance des mineurs, en les adaptant autant que possible à l’âge de ses auteurs et à la gravité des faits : pour un enfant de onze ans, une obligation de devoirs scolaires ; pour un jeune soumis au caïdat dans son quartier, un éloignement pendant un temps fixé par la justice.

Nous devons ensuite, je le répète, réagir avec une plus grande fermeté. Voilà pourquoi le Garde des Sceaux a souhaité instituer l'avertissement judiciaire et l'obligation de réparer le dommage causé, mesures auxquelles il faut ajouter le placement extérieur dans un internat scolaire, de nature à redonner au mineur un environnement sain et stable.

La délinquance des mineurs doit enfin recevoir une réponse rapide, laquelle sera facilitée par la diversification des mesures. Pour des comportements particulièrement lourds de conséquences, dont les auteurs sont des mineurs de plus de 16 ans, la procédure de présentation immédiate devant la juridiction pour mineurs doit pouvoir être appliquée avec l'accord du mineur ou de ses représentants légaux. Les jeunes ayant commis à plusieurs reprises des actes graves ne doivent plus recevoir, pour unique réponse, une convocation six mois plus tard, et ce pour une simple admonestation ? Qu’en pensera un mineur quand il en sera à la huitième admonestation pour la huitième répétition du même acte ? La démission de la société pousse à l’impunité. C’est de la complicité avec une jeunesse en danger ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Notre réforme de l'ordonnance de 1945 n’a d’autre objectif que d’apporter une réponse à chaque acte de délinquance, tout en respectant ses principes fondateurs que sont la spécificité du traitement des mineurs et la priorité donnée aux mesures éducatives. L'éducation n'interdit en rien la fermeté ! Bien au contraire : elle en fait partie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Blazy – Tous les parents le savent !

M. le Ministre d’État – Ce n’est parce qu’un jeune construit son identité en disant « non » qu’on doit dire « oui » à tous ses actes. Ce serait une autre forme de démission.

M. Jean-Marie Le Guen – Revoici M. Prud’homme !

M. le Ministre d’État – Deuxième grande innovation de ce texte, nous voulons instaurer une nouvelle méthode de travail sur le terrain, autour d'un acteur essentiel : le maire. Les politiques menées par tous les gouvernements se sont jusqu’à présent adressées à des quartiers ou à des catégories en difficulté dans leur globalité. Une telle logique du zonage n’est pas la nôtre : nous nous adressons à des hommes, à des femmes, à des situations qui sont par nature divers. C'est plus difficile mais c'est indispensable.

Par exemple, nous n’avons pas encore pris toute la mesure de l’absentéisme scolaire – selon un récent rapport de l'éducation nationale, la proportion d'élèves absentéistes, c'est-à-dire absents une semaine par mois, va de 10 à 16 % dans un établissement sur dix.

M. Jean-Marc Ayrault – Vous le découvrez ? On le sait depuis longtemps.

M. le Ministre d’État – C'est devenu un véritable fléau, faute de réponse appropriée.

M. Jean-Pierre Blazy – Allez le dire au ministre de l’éducation nationale !

M. Jean-Marc Ayrault – Qu’avez-vous fait ?

M. le Ministre d’État – Les socialistes britanniques l’ont fait, mais vous ne voulez même pas en entendre parler ! C'est aujourd’hui le maire qui est responsable du recensement des enfants en âge d'être scolarisés, mais il ne peut pas assurer cette mission faute d’information.

M. Jean-Pierre Blazy – Que faites-vous de la veille éducative ?

M. le Ministre d’État – Il faut lui donner la possibilité de centraliser toutes les informations disponibles, qu’elles proviennent de la CAF ou de l'éducation nationale. Afin de mieux partager l’information et d’améliorer la concertation, nous allons mobiliser tous les acteurs de terrain autour du maire, nouveau pivot de la politique de prévention. Cette mobilisation générale nécessite deux changements : une adaptation aux réalités du terrain, à rebours de la logique de guichet ; le travail en équipe, à l’inverse de la logique des corps.

Au cœur du nouveau dispositif, il faut une autorité qui soit un interlocuteur crédible…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Comme si cela n’était pas déjà le cas !

M. le Ministre d’État – …pour tous les publics en difficulté et un interlocuteur pour les acteurs de la prévention…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Vous insultez les maires !

M. le Ministre d’État – Il n'y a pas d'hésitation à avoir : seul le maire peut jouer ce rôle central. Je précise d'emblée, pour éviter de faux débats, que le maire ne devient ni un shérif, ni un procureur – aucun pouvoir de sanction ou de coercition ne lui est confié. En revanche, il ne peut rester simple spectateur... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Blazy – Mais il ne l’est pas !

M. le Ministre d’État – Le maire doit avoir les moyens juridiques d'agir afin que son action soit reconnue non seulement par les citoyens mais aussi par les autres institutions. Il ne s'agit pas qu’il se substitue à la police ou à la justice mais qu’il anime la prévention de la délinquance. L’article premier du projet précise donc que le maire « anime et coordonne » la politique de prévention de la délinquance, dans le respect des compétences du préfet et de l'autorité judiciaire...

Un député socialiste – Voilà qui ne coûte pas cher !

M. le Ministre d’État – Pour exercer ces responsabilités, le maire ne sera pas seul. D'abord, nous proposons de rendre obligatoires les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, présidés par les maires depuis juillet 2002, dans toutes les villes de plus de 10 000 habitants. D’autre part, le maire présidera le conseil des droits et devoirs des familles. En milieu rural, convoquer des parents, cela paraît naturel, en ville ce n'est pas le cas… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Blazy – Comment cela ?

M. le Ministre d’État – …et ce l’est évidemment encore moins dans les grandes villes… (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Mais nous le faisons ! Vous parlez sans savoir !

M. le Président – Veuillez laisser s’exprimer le ministre d’État.

M. le Ministre d’État – Ils ont si peu fait qu’ils doivent faire du bruit… (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) De très nombreux maires de communes urbaines ont exprimé le souhait d'un cadre formel permettant de rappeler aux parents leurs devoirs d’éducateurs et de proposer des mesures d'accompagnement – et l’on ne peut laisser chaque maire inventer sa propre structure.

Cette tâche est très délicate. La composition du conseil et ses modalités de fonctionnement seront définies par le maire, en concertation avec ses partenaires. Chaque conseil définira également son mode d'intervention auprès des familles, dans le respect de la libre administration des collectivités locales. Je suis favorable à l'amendement disposant que le conseil des droits et des devoirs des familles sera créé par une délibération du conseil municipal car, pour que les conseils puissent valablement fonctionner, il faut que les maires aient envie de s'impliquer. La délibération du conseil municipal sera un acte solennel qui renforcera la décision. Dès lors, le conseil sera le cadre d'une compétence nouvelle pour le maire, graduée – j'insiste sur ce mot – en fonction de la gravité des faits et du profil des familles. L'objectif étant d'aider et non de punir, toute la gamme des interventions est prévue, sachant que jamais le maire n'aura à se substituer à la justice ou à la police.

Le maire pourra faire un rappel à l'ordre, sans pour cela se substituer au procureur de la République. Il pourra proposer un accompagnement parental. Il pourra saisir le président du conseil général en vue d'établir un contrat de responsabilité parentale. Il pourra demander au directeur de la caisse d’allocations familiales – la CAF – de définir un dispositif d'accompagnement assurant une utilisation des prestations familiales conforme à l'intérêt de l'enfant – ce qui est une nouveauté formidable quand on sait les difficultés que l’on a, actuellement, à obtenir le moindre renseignement des caisses. Enfin, conjointement avec le directeur de la CAF, il pourra saisir le juge des enfants pour faire mettre les prestations familiales sous tutelle, en cas de difficultés graves et persistantes dans leur gestion. Je maintiens que les familles doivent, en particulier, signaler l’absentéisme de leurs enfants car, ne pas le faire, c’est s’en rendre complice, et complice, aussi, des difficultés futures de ces enfants. Il n’y a donc, selon moi, rien d’anormal à ce que, si les parents ne le font pas, les allocations familiales soient mises sous tutelle (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Le maire pourra toujours saisir le procureur de la République en cas de mise en danger de la santé, de la sécurité, de la moralité ou de l'éducation des enfants mineurs.

M. Jean-Pierre Blazy – Où est la nouveauté ?

M. le Ministre d’État – À cet égard, je suis favorable à l’amendement du président de votre commission proposant que le procureur soit tenu d'informer les maires, à leur demande, des suites judiciaires données aux infractions causant un trouble à l'ordre public commises sur le territoire communal. Je n’apprécie pas, en effet, que le journaliste local soit mieux informé que le maire des délits commis sur le territoire communal (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Votre majorité a rejeté cet amendement lorsqu’il a été présenté il y a deux ans !

M. le Ministre d’État – Ce que nous voulons, c'est donner aux maires des instruments gradués leur permettant de « passer la main » à d'autres autorités. Ils doivent, pour cela, être pleinement informés. Je tiens à préciser que les compétences des départements ne seront en aucune façon diminuées. Le Sénat en a débattu avec une particulière attention. Le président du conseil général reste chef de file en matière d'aide sociale. Le maire peut agir en matière d'aide sociale facultative mais le département reste pleinement responsable de la protection de l'enfance. Si certaines communes le souhaitent, elles pourront demander à exercer ces compétences par convention avec le département. C'est une grande responsabilité, je le sais. Certaines communes, si elles sont équipées pour le faire, notamment avec les CCAS, ou si elles s’estiment les mieux placées pour intervenir, pourront demander à exercer ces compétences, naturellement en accord avec le département. Mais je vous plains, Monsieur Lagarde, car je connais l’ouverture de certains départements… (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Ce type de conventions existe déjà, pour l'insertion des bénéficiaires du RMI ou l'aide aux familles en difficulté par exemple. Désormais, la délégation de compétences pourra se faire en tout ou partie, ce qui la rendra plus accessible.

La nouvelle méthode d'action que nous souhaitons encourager passe aussi par une meilleure coordination du travail social…

M. Jean-Marie Le Guen – Vous êtes bien placé pour en parler !

M. le Ministre d’État – …donc par le partage du secret professionnel (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) car, faute de communication, la coordination du travail social ne peut pas se faire. Nous ne souffrons pas d'un manque de travailleurs sociaux, mais d'un manque de coordination (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), dont il arrive parfois que des enfants meurent. Le partage de l'information a pour objet la coordination, donc l'efficacité du travail social. Il s’agit là de l’intérêt de l’enfant, qui n’est ni de droite, ni de gauche, et qui doit passer bien avant les questions de statut de telle ou telle institution.

Le dispositif, qui a fait l'objet d'une concertation approfondie avec les professionnels du travail social, est minutieusement organisé. Si une personne ou une famille fait l'objet de plusieurs interventions, le maire désignera parmi les intervenants un coordonnateur du travail social, qui sera son interlocuteur. Il assurera l'efficacité et la continuité de l'action des travailleurs sociaux, organisera la circulation de l'information entre eux et rendra compte au maire de ce que celui-ci doit connaître pour l'exercice de ses compétences. Dans tous les cas, le respect du secret professionnel est garanti.

Ce dispositif de secret partagé est complémentaire de celui prévu par le projet de loi relatif à la protection de l'enfance et je remercie les commissions des lois et des affaires sociales d'avoir proposé des amendements précisant cette articulation. C'est aussi dans ce projet de loi sur la protection de l'enfance que se trouve une autre mesure importante, le dépistage précoce des troubles du comportement chez l'enfant (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), mesure à laquelle je suis très attaché. Je ne vois pas pourquoi laisser un enfant seul face à sa souffrance et je considère que ceux qui ne sont pas capables de s’attaquer à l’immobilisme ambiant se font les complices de cette souffrance. Il faut, dans ce domaine aussi, agir pour être plus efficace.

M. Jean-Pierre Blazy – Avec quels moyens ?

M. le Ministre d’État – J'en viens au troisième apport de notre projet : une meilleure protection de nos concitoyens contre la violence. Nous ne devons pas hésiter à adapter notre droit lorsqu'il apparaît de façon évidente qu'il n'est plus en phase avec la réalité. Je trouve insupportable de se retrancher derrière des textes anciens pour constater que des accidents mortels sont causés par l'usage de la drogue, que des crimes sont commis par des malades psychiatriques trop tôt sortis de l'hôpital. Nous n'avons pas à supporter tout cela sans réagir.

Je prendrai comme premier exemple la loi de 1970 sur la toxicomanie, devenue un tigre de papier.

M. Jean-Marie Le Guen – Et alors ? Que faites-vous ?

M. le Ministre d’État – Alors que la consommation, croissante, de cannabis, touche aujourd'hui plus de 3,5 millions de Français et de plus en plus jeunes, l'usage simple de stupéfiants est, selon nos textes, un délit passible d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d'amende. Il en résulte que la loi, disproportionnée, n'est aujourd'hui quasiment plus appliquée, avec les graves conséquences que l’on sait.

M. Jean-Marie Le Guen – Vous répétez cela depuis trois ans, mais vous n’agissez pas !

M. le Ministre d’État – Nous choisissons donc d'être moins durs en théorie pour être enfin efficaces en pratique. Pour cela, nous introduisons dans le traitement de l'infraction d'usage de drogue la composition pénale pour les mineurs et l'ordonnance pénale pour les majeurs. Ces procédures, qui sont assorties de toutes les garanties des droits de la défense, allient efficacité et respect du principe de proportionnalité. Cette réforme, mise au point avec le ministre de la santé, donne aussi une place centrale aux soins, avec la généralisation de l'injonction thérapeutique, l'organisation de stages de sensibilisation aux dangers des stupéfiants et la mise en place de médecins relais. Nous ne pouvons pas rester sans réagir face à ce fléau qu’est la consommation de cannabis.

Mon deuxième exemple portera sur les maladies psychiatriques, lorsqu’elles ont des conséquences sur la vie d’autrui ou sur l'ordre public. Il ne s'agit certes pas, dans ce projet, de réformer la médecine psychiatrique ou les procédures d'hospitalisation sous contrainte. Il ne s'agit en aucun cas d'assimiler les malades psychiatriques à des délinquants (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), mais d'éviter, autant que nous le pouvons, les drames liés aux maladies mentales.

Une hospitalisation d'office, une sortie à l'essai sont des décisions extrêmement graves. C'est pourquoi, avec le ministre de la santé, nous avons souhaité préciser la répartition des responsabilités en matière d'hospitalisation d'office. Le maire interviendra pour prendre la première décision d'hospitalisation parce qu'il est le plus proche…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Cela existe déjà !

M. le Ministre d’État – Il le fait déjà dans 60 % des cas, en effet, mais il agit sur des justifications médicales précises, sous le contrôle du préfet qui doit confirmer la décision au cours d'une période d'observation de 72 heures qui permettra un examen psychiatrique approfondi.

Nous voulons aussi qu'un fichier national des données administratives soit créé pour vérifier, par exemple, que l'on ne délivrera pas une autorisation de port d'arme à une personne qui a fait l'objet d'une hospitalisation d'office. Aujourd'hui, faute de recensement de ce type, c'est tout à fait possible (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Marie Le Guen – Quel incroyable amalgame ! Créer un nouveau fichier national sous ce prétexte-là !

M. le Ministre d’État – Quant aux sorties à l’essai, le maire compétent doit être informé des suites de l’hospitalisation d’office qu’il décide. Aujourd’hui, il ne l’est pas : c’est invraisemblable ! Là encore, il ne s’agit pas d’inquisition, mais de la protection minimale à laquelle tout citoyen a droit.

Je me réjouis que ces propositions, attendues par les psychiatres et les maires comme par l’ensemble des acteurs de terrain (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), recueillent le consensus (Rires sur les bancs du groupe socialiste). Néanmoins, certains se sont interrogés sur la pertinence de les présenter dans un projet de loi. À ce titre, le Gouvernement est sensible à la proposition de M. Dubernard : le ministre de la santé soumettra donc à l’Assemblée, lors de l’examen du projet de loi relatif aux professions de santé, un amendement gouvernemental visant à réformer par ordonnance la loi de 1990, après une large concertation déjà engagée.

M. Jean-Pierre Blazy – Voilà la manipulation !

M. le Ministre d’État – Dans le même temps, nous poursuivrons la discussion des articles 18 à 24 du présent projet.

MM. Jean-Marie Le Guen et Christophe Caresche – Quelle simplicité ! Quelle transparence !

M. Jean-Pierre Blazy – C’est abracadabrantesque !

M. le Ministre d’État – Le Gouvernement s’engage à disjoindre ces articles en commission mixte paritaire si l’amendement n’a pas été adopté d’ici là.

Plusieurs députés socialistes – Vive le Parlement !

M. le Ministre d’État – J’en viens à la lutte contre la délinquance sur internet. Les nouvelles technologies évoluent plus vite que le droit. À cet égard, la commission des lois a très utilement complété le projet en matière de protection des mineurs contre le démarchage sexuel en ligne par des adultes en facilitant la fermeture de sites causant un trouble à l’ordre public et en renforçant la lutte contre les jeux d’argent en ligne, qui touchent notamment les publics les plus fragiles.

De même, à l’initiative du sénateur Hérisson, la procédure d’évacuation forcée des gens du voyage pourra être réformée.

M. Jean-Marie Le Guen – Tiens, c’est à leur tour ! Reste-t-il donc encore des gens à stigmatiser ?

M. le Ministre d’État – Les gens du voyage ont les mêmes droits que les autres Français, mais ils ont aussi les mêmes devoirs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Le préfet pourra donc faire évacuer ceux d’entre eux qui occupent un terrain indûment. Je tiens à la disposition de ces messieurs du groupe socialiste l’abondante correspondance des maires de leur parti qui me demandent d’agir dans de tels cas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Nos concitoyens ne comprennent pas que la loi ne soit pas respectée par tous ! (Même mouvement) Si vous ne votez pas ce texte, vous en assumerez les conséquences devant eux et devant vos propres élus ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marie Le Guen – C’est Le Pen qui va y gagner !

M. le Ministre d’État – Le Sénat a également proposé de réagir plus efficacement aux troubles de voisinage, qui peuvent perturber un quartier entier, et de renforcer la lutte contre les chiens dangereux (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Enfin, le service volontaire citoyen de la police nationale permettra de jeter une passerelle entre la police et la population.

Je soumets aujourd’hui ce projet de loi à la représentation nationale, convaincu qu’il peut être amélioré – le Gouvernement acceptera d’ailleurs l’essentiel des amendements de MM. Houillon et Dubernard, que je remercie pour leur excellent travail – dans cinq domaines notamment.

Le financement de la politique de prévention d’abord : le Sénat a créé à cet effet un fonds interministériel de prévention de la délinquance...

M. Jean-Pierre Blazy – Un fonds sans fond !

M. le Ministre d’État – …dont un amendement gouvernemental permettra de préciser l’architecture, le financement et la répartition.

La lutte contre la délinquance routière ensuite : les comportements ont bien changé depuis 2002, de sorte que plus de 8 500 vies ont été épargnées. Plus que jamais, nous devons poursuivre dans la voie de la prévention, de la formation et de la répression. Certains ajustements s’imposent toutefois, car il ne faut pas confondre fermeté avec harcèlement : ainsi, le Gouvernement vous proposera de raccourcir le délai de récupération d’un point de permis de trois ans à un an et de faire bénéficier les conducteurs disposant d’un permis probatoire d’une augmentation progressive de six à douze points.

D’autre part, il faut mettre un terme à la spirale de violences dont sont victimes les forces de l’ordre. Depuis le début de l’année, 3 662 policiers ont été agressés dans l’exercice de leurs fonctions, tandis que gendarmes et pompiers doivent désormais intervenir sous protection dans certains quartiers. Cessons de considérer ces violences contre nos forces de l’ordre comme de simples circonstances aggravantes : elles doivent être plus sévèrement réprimées. Une nouvelle échelle de peines doit permettre aux auteurs des agressions les plus graves d’être traduits devant la cour d’assises. À nous d’assumer ce choix propre à endiguer cette surenchère de violences !

Par ailleurs, je comprends que la représentation nationale pose la question de la durée des peines – car enfin, si elle ne débat pas sans tabous, qui le fera ? J’observe toutefois que les juges peuvent prononcer des peines inférieures aux peines encourues prévues par le code pénal. Personne ne songe à remettre en cause le principe de l’individualisation des peines, bien au contraire ! Pourtant, la répression d’agresseurs récidivistes doit être plus ferme, et surtout plus certaine.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – La récidive est déjà dans la loi !

M. le Ministre d’État – En effet, un premier pas fut franchi avec la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales ; elle n’a pourtant pas assez amélioré la lisibilité des peines.

M. Jean-Pierre Blazy – Elle n’a été votée que l’an dernier !

M. le Ministre d’État – Faut-il établir des peines minimales, dites « plancher » ? À terme, oui ; mais les esprits ne sont peut-être pas encore assez mûrs pour cela. D’autres options existent : ainsi, le juge qui inflige à un récidiviste une peine inférieure à celle que fixe le législateur devrait motiver sa décision (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Quoi de plus simple, transparent et conforme au principe constitutionnel d’individualisation des peines ?

Enfin, j’aborde dans le même esprit la question de l’excuse de minorité : nous devons concilier l’atténuation de la responsabilité des mineurs avec la répression des actes les plus graves. Aujourd’hui, l’excuse de minorité consiste à diviser les peines par deux. Les juges ont la faculté de ne pas la retenir, mais ils le font presque toujours. Or, le juge applique la loi, mais le législateur la vote ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Comment s’étonner, dès lors, que des mineurs de seize ou dix-sept ans puissent commettre de véritables actes de barbarie avec un sentiment d’impunité ?

M. Jean-Marie Le Guen – Quel raisonnement !

M. le Ministre d’État – Les Français ne le supportent plus, à raison. Un mineur qui commet plusieurs agressions successives à l’intégrité d’une personne doit être puni comme s’il était majeur.

En somme, je vous présente ce texte sans craindre de heurter certains conservatismes, surtout s’ils viennent de gauche, certains corporatismes, certains conformismes. La société apaisée que nous voulons construire n’est pas une société faible, bien au contraire : elle refuse que certains de ses membres violent systématiquement la loi.

Pour construire cette société, le rassemblement des républicains de tous bords est indispensable, faute de quoi les extrémismes s’empareront de ces questions et proposeront aux citoyens excédés des solutions antirépublicaines ! (« Tout à fait ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Je souhaite dédier ce texte à Mama Galledou.

M. Jean-Marie Le Guen – Quelle honte ! C’est lamentable !

M. Philippe Vitel – Un peu de respect, M. le Guen !

M. le Ministre d’État – Cette jeune femme de vingt-six ans, d’origine sénégalaise, avait réussi ses examens. J’ai rencontré ses parents, remarquablement dignes. Pourquoi ces voix qui trouvent si souvent des excuses aux délinquants n’ont-elles pas eu un mot pour elle, alors qu’elle est aujourd’hui entre la vie et la mort ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent)

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice  Le projet de loi de prévention de la délinquance répond aux attentes des acteurs locaux de terrain et les dispositions nouvelles qu’il contient apportent des solutions efficaces aux problèmes posés par la délinquance. Depuis mon arrivée à la Chancellerie, j’ai rencontré un grand nombre de personnes qui luttent contre la délinquance, et, récemment, les acteurs de terrain en Seine-Saint-Denis : le préfet, les magistrats, les services de police, les éducateurs de la Protection judiciaire de la jeunesse – PJJ –, plusieurs élus du département. Le 7 novembre dernier, l’ensemble des procureurs, les préfets et les recteurs ont été réunis pour examiner les moyens de mieux coordonner leurs actions. Enfin, vendredi, je me suis rendu en Seine-Saint-Denis pour participer à un conseil départemental de prévention de la délinquance. J’ai poursuivi la rencontre que j’avais eue avec les élus de ce département en septembre, en réunissant une douzaine d’autres maires.

À cette occasion, j’ai été frappé par leur unanimité à dénoncer certaines situations qu'ils ont du mal à maîtriser. Au delà des clivages politiques, ils ont affirmé leur besoin d'informations sur les suites judiciaires données à telle ou telle affaire qui s'est déroulée dans leur commune et qui concerne leurs administrés. Analysant la délinquance des mineurs, ils ont souligné que celle-ci est avant tout constituée par un noyau dur de multirécidivistes, qui reviennent dans leurs cités en sortant du tribunal. Ils ont ajouté que ceux qui commettent des délits graves sont de plus en plus jeunes, que leur passage à l'acte est souvent très violent, que les vols à la tire et à la portière explosent et que les agressions contre les forces de l'ordre deviennent de plus en plus fréquentes.

Mme Maryse Joissains-Masini – C’est vrai !

M. le Garde des Sceaux  Ils ont souhaité que les mineurs soient sanctionnés dès le premier délit et ont rappelé que ce qui importe, c'est la rapidité de la sanction et l'effectivité de la peine, c'est à dire son exécution.

Évoquant la banalisation de la consommation et du trafic de drogues parmi les jeunes, ils ont indiqué que certains organisent des ventes à 150 mètres du commissariat et fument du cannabis dans la cour de leur collège ; le sentiment d'impunité qui en découle concourt au développement de la délinquance. Enfin, ils m'ont fait part de leur inquiétude, en précisant qu'en Seine-Saint-Denis, 15 000 enfants sont déscolarisés, et que leur absence de l'école, qui atteint parfois 20 jours par mois, conduit directement à la délinquance.

Face au découragement ou à la colère de certains, je suis convaincu que si la loi ne peut tout résoudre, le projet de loi que vous allez examiner aujourd'hui apporte des réponses à chacun des problèmes évoqués, en renforçant la lutte contre la délinquance des mineurs, en combattant la banalisation de la consommation de drogues qui conduit au trafic, en diversifiant la réponse pénale, grâce à la création de nouvelles infractions.

La délinquance des mineurs n'est pas une fatalité et n'est pas non plus le fruit du renoncement de l'État à exercer son autorité. Elle constitue une priorité que les magistrats ont prise en considération, en s'efforçant d'apporter une réponse pénale tout à la fois systématique, rapide et graduée. Deux chiffres illustrent cette volonté : en 2005, plus de 168 000 affaires concernant des mineurs ont été traitées par l'ensemble des parquets ; le taux de réponse pénale est en constante progression : de 77,7 % en 2000, il est passé aujourd'hui à 85,5 %.

Je voudrais vous présenter les mesures qui me semblent les plus significatives pour mettre un terme à la délinquance des mineurs. Il faut d'abord lutter contre le sentiment d'impunité qui prévaut chez certains mineurs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

La fin de l'impunité passe par des procédures judiciaires plus rapides. C'est pourquoi, un dispositif de présentation immédiate des mineurs de 16 à 18 ans, encadré par des conditions précises, sera institué. Actuellement, un mineur dispose d'un délai de dix jours à un mois avant sa comparution devant le tribunal pour enfants conformément à la procédure de jugement à délai rapproché. Le projet de loi prévoit la possibilité d'y renoncer, permettant ainsi de le juger à la première audience utile. Ainsi, un mineur interpellé le matin pourra comparaître dès l'après-midi, si le tribunal pour enfants est en mesure de se réunir. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP) J’ai lu, ici où là, que certains esprits s’en émouvaient. Mais enfin, un peu de bon sens ! Lorsqu’un père de famille punit son propre fils, il ne renvoie pas à trois mois la privation de sortie : elle s’applique dès le samedi suivant l’infraction ! (« Bravo ! Excellent ! » sur les bancs du groupe UMP)

Mettre fin au sentiment d'impunité, c'est permettre au parquet de recourir encore davantage aux alternatives aux poursuites, qui évitent les classements secs. La composition pénale, applicable jusqu'à présent aux majeurs, le sera aux mineurs de 13 à 18 ans. Mettre fin au sentiment d'impunité, c'est, comme le prévoit le texte, limiter le nombre d'admonestations et de remises aux parents. C'est aussi pouvoir éloigner durant quelques semaines un mineur dès l'âge de 10 ans d'un milieu délinquant. La mise en internat à l’autre bout de la France d’un mineur qui perturbe la vie de tout un quartier doit être rendue possible : c’est à la fois pédagogique et efficace. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

Mme Maryse Joissains-Masini – Bravo !

M. le Garde des Sceaux  Mettre fin au sentiment d'impunité, c'est s'assurer que la peine prononcée sera exécutée. À compter de janvier 2007, des bureaux d'exécution des peines pour mineurs seront installés dans toutes les juridictions…

M. Jean-Pierre Blazy – Pourquoi avoir attendu quatre ans ? Qui est au Gouvernement ?

M. le Garde des Sceaux  …pour faire en sorte que, dès la sortie de l'audience ou du cabinet du juge, le mineur soit pris en charge et commence à exécuter sa peine. Mettre fin au sentiment d'impunité, c'est, enfin, faire en sorte que les maires soient informés des suites données à une affaire lorsqu'ils le demandent, comme nous l'avons fait récemment en faveur des chefs d'établissements scolaires qui signalent des faits au parquet. Parmi les maires de Seine-Saint-Denis que j’ai rencontrés, beaucoup m’ont fait savoir que l’opinion vivait de plus en plus mal le fait que certains jeunes continuent de jouer au caïd quand ils reviennent dans leur cité après avoir été interpellés, en laissant croire – même si ce n’est pas le cas – qu’ils n’ont pas été sanctionnés par la justice. Étant informé, le maire pourra faire savoir que l’impunité n’est plus de mise et que le jeune délinquant a été effectivement puni. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

Mais je n'oublie pas que la réinsertion des jeunes passe aussi par l'insertion professionnelle. L'obligation de suivre une mesure d'activité de jour – un stage professionnalisant, un stage d’insertion… –, telle que la crée le nouveau texte, prend en compte cet impératif. Tout est préférable à l’inaction.

Agir contre la délinquance, c'est aussi œuvrer contre la banalisation de la consommation de stupéfiants et de leur commerce, activité qui concerne aussi bien les mineurs que les majeurs. Pour tout consommateur de drogues, je souhaite renforcer le dispositif des injonctions thérapeutiques, car celui qui est confronté à la drogue a besoin d'un suivi médical. L'injonction thérapeutique pourra être prononcée comme modalité d'exécution d'une peine. Elle prendra la forme d'une mesure de soins ou de surveillance médicale. Elle sera étendue aux personnes ayant commis une infraction dont les circonstances révèlent une addiction aux boissons alcoolisées. L'injonction pourra permettre de traiter la cause de cette délinquance afin d'éviter son renouvellement. Mais il faut aller plus loin que la mesure de soin.

L'usage de stupéfiants ou l'abus d'alcool ne doit plus jamais constituer une excuse lorsqu'il aboutit à la commission d'une infraction. L’excuse du « j’avais bu un coup de trop » n’aura plus cours. Cette période de tolérance est révolue. Commettre une infraction sous l'emprise d'un produit stupéfiant ou en état d'ivresse constituera une circonstance aggravante. Il en sera de même pour le délit de provocation à l'usage de stupéfiants se déroulant aux abords d'un établissement scolaire ou dans les locaux de l'administration.

Je souhaite également rendre la réponse pénale plus diversifiée et plus systématique en matière de consommation de drogues, en permettant l'utilisation de l'ordonnance pénale pour les majeurs et de la composition pénale pour les mineurs.

S'agissant des violences urbaines, je souhaite diversifier la réponse pénale en créant de nouvelles infractions et en renforçant certaines sanctions.

Une infraction spécifique sera créée en cas de violences volontaires graves sur les agents de la force publique, commise avec arme, en bande organisée ou avec guet-apens : elle sera punie de 15 ans de réclusion criminelle. Il faut que ceux qui s'attaquent aux forces de l'ordre, aux agents de l'administration pénitentiaire, aux pompiers, aux agents de transports publics, sachent qu’ils risquent, lorsqu’ils tendent un guet-apens ou s'organisent pour exercer des violences, de se retrouver devant une cour d'assises. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

Je souhaite également que l'on puisse punir les embuscades, alors même qu'elles n'ont pas atteint leur cible…

M. Jean-Pierre Blazy – Comme à l’UMP ?

M. le Garde des Sceaux  …et étendre la répression à tous ceux qui les organisent. Cette nouvelle infraction permettra de sanctionner tous ceux qui se trouvent sur le lieu de l'embuscade, s'il est démontré qu'ils ont participé à sa préparation. Je veux également aggraver les sanctions en cas de rébellion, en faisant passer le quantum de la peine applicable de six mois à un an d'emprisonnement : cette aggravation des peines permettra notamment d'appliquer aux mineurs ayant commis des faits de rébellion la nouvelle procédure de présentation immédiate.

Enfin, ceux qui appellent à l'émeute et qui incitent les habitants d'un quartier à s'opposer à l'action de la police doivent être passibles d'une peine d'emprisonnement de deux mois, et non pas d'une simple peine d'amende, ce qui permettra notamment de les placer en garde à vue.

Mme Christine Boutin – Et alors ?

M. le Garde des Sceaux  Comme vous le voyez, notre détermination à faire appliquer la loi et à protéger ceux qui la servent est totale. Mais cette politique dynamique ne peut prospérer que si nous cherchons à rendre nos sanctions plus éducatives.

C'est pourquoi, comme me l'ont demandé les élus de Seine-Saint-Denis, je souhaite que nous donnions un nouvel élan à la peine de travail d'intérêt général. Le projet de loi prévoit la possibilité d'accomplir des TIG au sein de structures gérées par des personnes morales de droit privé exerçant des missions de service public, comme les bailleurs sociaux ou les entreprises de transports en commun. Les maires ici présents mesurent sans doute la portée pratique d’une telle évolution.

Le projet de loi n'oublie pas les victimes, puisqu'il crée une peine de sanction-réparation, laquelle obligera le condamné à indemniser sa victime sous le contrôle du procureur de la République ou de son représentant. Son non respect sera sanctionné par une peine d'emprisonnement, dont la durée aura été préalablement fixée par la juridiction de jugement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Ça va tout régler !

M. le Garde des Sceaux  Enfin, je rappelle que ce texte institue l'obligation d'accomplir un stage de responsabilité parentale, pour aider les parents de délinquants éprouvant des difficultés dans l'éducation de leurs enfants.

Sans remettre en cause les principes fondateurs de notre justice des mineurs ou de notre procédure pénale, le projet de loi que nous vous proposons aujourd'hui permettra d'améliorer le dispositif de lutte contre la délinquance. Il complétera utilement les textes adoptés ces dernières années dans le domaine de la justice et de la sécurité. Résultat d'un travail interministériel intense,…

M. Jean-Pierre Blazy – En quatre ans, vous avez eu le temps !

M. le Garde des Sceaux  …il a été nourri de la concertation établie avec tous les partenaires impliqués dans les politiques de prévention de la délinquance et des multiples expérimentations mises en œuvre dans les quartiers les plus difficiles. Il nous permettra de répondre aux aspirations de nos concitoyens à la tranquillité et à la sécurité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDF)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités Ce projet vise, pour la première fois, à répondre de façon globale et cohérente aux problèmes d’insécurité. Adopté en première lecture au Sénat le 21 septembre, il met en place des procédures renouvelées permettant aux différents acteurs de partager l’information grâce à des mesures efficaces qui garantissent un juste équilibre entre la sécurité des Français et le respect du droit des malades.

On ne doit certes pas confondre délinquance et santé mentale, et le rapport Garraud sur la prise en charge des patients dangereux distingue ainsi la dangerosité psychiatrique de la dangerosité criminelle. Cependant certains troubles psychiatriques peuvent contribuer à expliquer des comportements violents. Nous devons avant tout améliorer la coordination entre l’autorité judiciaire et le système de soins. La nécessité de réviser la loi de juin 1990 sur les soins sans consentement fait l’objet d’un consensus.

Un premier axe de notre réforme concerne les hospitalisations d’office. Ce projet prévoit ainsi une clarification des procédures de prise en charge des personnes pouvant directement menacer la sécurité d’autrui. Désormais, une personne présentant un danger réel pour la société doit être prise en charge dans le cadre de la procédure d’hospitalisation des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sécurité des personnes ou portent gravement atteinte à l’ordre public – et non plus dans le cadre de l’hospitalisation à la demande d’un tiers.

La loi consacre également le rôle du maire comme acteur central de la prévention de la délinquance des personnes atteintes de troubles psychiques, en liaison avec le préfet et les autorités judiciaires. Il tire ainsi toutes les conséquences de la situation actuelle où, dans 60 % des cas, c’est le maire qui est à l’origine de la décision en urgence de l’hospitalisation d’office. La loi lui donnera l’autorité de prononcer ces hospitalisations d’office en dehors de l’urgence, procédure qui simplifie le dispositif existant mais donne aussi de nouvelles garanties pour la protection des droits de la personne. La notion de notoriété publique, qui pouvait motiver une hospitalisation d’office, est quant à elle supprimée. Désormais, le maire devra référer dans les 24 heures de la mesure d’hospitalisation d’office au représentant de l’État dans le département, à charge pour ce dernier de l’infirmer ou de la confirmer sur la base d’un examen psychiatrique. L’exigence d’un certificat médical dans les 72 heures qui suivent la décision d’hospitalisation d’office offre une possibilité supplémentaire de réexaminer la situation de la personne puisque actuellement les certificats sont établis à J+1 et à J+15. Les données concernant les hospitalisations d’office sont en outre parcellaires et recueillies uniquement sur le plan départemental : il est ainsi impossible de disposer d’informations sur les hospitalisations intervenues dans un autre département que celui dans lequel a lieu la demande d’hospitalisation d’office. Or, elles peuvent être indispensables pour évaluer l’état psychiatrique d’un patient dont on ne connaît pas les antécédents.

Le cloisonnement de l’information constitue donc souvent un obstacle à la prévention de la récidive. La création d’un traitement national des données à caractère administratif améliore le suivi sanitaire des personnes hospitalisées d’office. Sa mise en place s’accompagne de garanties afin de préserver le secret médical puisque seules les données administratives seront consignées. Ce traitement national bénéficiera bien entendu des dispositions prévues par la loi informatique et liberté et notamment du contrôle de la CNIL. Enfin, le projet prévoit pour les représentants de l’État la possibilité de recourir à une expertise médicale effectuée par un psychiatre n’appartenant pas à l’établissement de santé d’accueil du malade, ce qui garantira le bien-fondé de la mesure d’hospitalisation et permettra de conforter la décision du représentant de l’État.

Nous avons également entendu les interrogations des professionnels et des associations des familles quant à la nécessité d’une approche globale de ces sujets dans le cadre d’un texte qui serait porté par le ministère de la santé. Avec M. le ministre d’État, nous proposons donc au Parlement d’habiliter le Gouvernement à réviser par ordonnance l’ensemble de la loi de 1990 sur laquelle la concertation avec les professionnels est d’ores et déjà engagée. Nous avons fixé deux nouveaux rendez-vous, à la fin du mois de novembre et le 13 décembre, afin de la poursuivre.

Cette réforme globale clarifiera également la notion de tiers ainsi que la dissociation entre le caractère obligatoire du soin et les modalités d’exécution des soins sans consentement. L’évaluation clinique sera également améliorée dans les 72 heures qui suivent l’admission afin de définir les meilleures modalités de prise en charge. De même la composition et le fonctionnement des commissions départementales de l’hospitalisation psychiatrique seront réformés.

Le dispositif de l’injonction thérapeutique sera rénové, avec la mise en place de médecins relais qui joueront le rôle d’interface entre l’autorité judiciaire et le médecin soignant. Le médecin relais met en œuvre l’injonction thérapeutique en proposant ses modalités, en contrôlant son application et en donnant à l’autorité judiciaire un avis motivé sur l’opportunité médicale de cette mesure. Ces médecins pourront être formés dans le cadre de la formation médicale continue et du plan addictologie. Ce sont 6,5 millions qui seront consacrés à cette mesure.

M. le ministre d’État a évoqué le dépôt d’un amendement qui sera étudié jeudi et je tiens à ce propos à saluer le travail de M. Dubernard.

Nous n’avons qu’un objectif : mieux soigner les personnes atteintes de troubles psychiatriques tout en leur garantissant, ainsi qu’à la société, une protection plus grande. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Houillon, président et rapporteur de la commission des lois – La France s'est engagée depuis quatre ans et demi dans une politique résolue de lutte contre l'insécurité qui a connu des résultats incontestables. Pour autant, l'effort doit être maintenu, amplifié et diversifié. Les événements récents nous le rappellent ; ils confirment une réalité que beaucoup d'élus locaux connaissent : la transformation de la délinquance, qui est de plus en plus violente et qui est le fait de personnes de plus en plus jeunes. Face à cela, il serait vain de croire que la solution pourrait venir des seules forces de police et de gendarmerie. Il faut désormais mettre en œuvre une véritable politique de prévention qui concernera l'ensemble des acteurs sociaux, publics ou non. Si un consensus se dégage sur la priorité de la prévention, de nombreuses divisions persistent quant à ses modalités. Compte tenu du nombre d'acteurs concernés, il est primordial d'organiser tout d’abord leur coordination.

La sécurité était la priorité de la majorité élue en 2002 : les réformes annoncées ont été mises en œuvre, les moyens promis ont été débloqués, les forces de sécurité ont été remobilisées. Le bilan de cette politique est d'ailleurs flatteur : ainsi, alors qu'entre 1997 et 2002 la délinquance globale avait augmenté de 18 %, elle a depuis baissé de 8,5 %.

M. Jean-Pierre Blazy – Ce n’est pas le cas pour les violences !

M. le Rapporteur – Cela résulte de l'action déterminée des services de la police et de la gendarmerie, comme le montre l'augmentation de 25 % à 33 % du taux d'élucidation, celle du nombre de personnes mises en cause ou encore des faits révélés par l'action des services. Au-delà du bilan statistique, ces évolutions témoignent de la réorientation de l'action policière, davantage focalisée sur la recherche des auteurs d'infraction. La présence policière est dorénavant mieux adaptée aux heures et aux lieux de la délinquance, comme le montre par exemple la baisse de 21 % de la délinquance de voie publique.

Ce recul ne doit pourtant pas masquer deux phénomènes très préoccupants : la délinquance est le fait de personnes de plus en plus jeunes et de plus en plus violentes. Les « violences non crapuleuses », qui ne visent pas à accaparer un bien, augmentent de près de 10 % en un an, tandis que le nombre de mis en cause dans ces affaires s'accroît de près de 13 %.

M. Jean-Pierre Blazy – C’est énorme.

M. le Rapporteur – Le nombre de faits constatés de coups et violences volontaires a quant à lui doublé au cours des dix dernières années ; c’est aussi le signe que les services de police reçoivent plus systématiquement les plaintes. Les violences à dépositaires de l'autorité s’accroissent considérablement : après avoir augmenté de 7,6 % entre 2004 et 2005, elles ont augmenté de 25 % au premier semestre 2006. En 2005, plus de 190 000 mineurs ont été interpellés, soit 18 % des personnes mises en cause par les services de police et de gendarmerie. La hausse est de 5 % par rapport à 2004. Les jeunes deviennent délinquants de plus en plus tôt : tandis que la part des mineurs de 16 à 18 ans régresse régulièrement, celle des 14-16 ans reste stable et celle des moins de 13 ans augmente. Les mineurs de moins de 16 ans représentent la moitié des mineurs mis en cause. Ce phénomène est d'autant plus inquiétant que la gravité des actes est liée à la précocité de leurs auteurs.

M. Hervé Novelli – Tout à fait.

M. le Rapporteur – Au premier semestre 2006, près de 26 600 mineurs ont été mis en cause pour atteintes volontaires à l'intégrité physique, soit une augmentation de près de 20 % par rapport à l'année dernière à la même époque, c'est-à-dire un taux de progression trois fois supérieur à celui mesuré pour les majeurs mis en cause.

Face à l’augmentation de ces violences dites non crapuleuses ou gratuites, on voit bien que la réponse ne saurait être seulement policière, mais doit être protéiforme, pénale certes, mais aussi sociale et éducative, et modulée selon les caractéristiques des faits et la personnalité de leurs auteurs.

Le projet de loi s’inscrit pleinement dans une démarche visant à prendre toute la mesure de la transformation de la délinquance et à appréhender la notion de prévention dans toutes ses dimensions. En témoigne d’ailleurs le fait qu’il soit défendu par cinq ministres et qu’il modifie tant le code pénal que le code de procédure pénale, le code général des collectivités territoriales, le code de l’action sociale, le code de l’éducation, mais aussi le code de l’urbanisme, le code rural, le code de la santé publique. Dans le cadre qui m’est imparti, je m’attacherai seulement à présenter ses principales dispositions.

Le premier axe du projet consiste à faire du maire l’animateur et le coordonnateur de la politique de prévention de la délinquance sur le territoire de sa commune. Il cumule pour ce faire deux qualités particulièrement utiles : sa proximité avec les habitants et sa polyvalence.

J’ai pu constater que les maires sont très demandeurs d’un rôle de médiateurs et de fédérateurs, mais ne veulent pas pour autant qu’il y ait confusion avec le rôle des forces de sécurité et de la justice. Ils ne cherchent pas à participer au dispositif répressif, mais veulent plus de moyens d’information. Le projet est fondé sur cette recherche d’équilibre entre la reconnaissance du rôle du maire dans la prévention de la délinquance et le refus d’en faire un shérif. L’Association des maires de France et l'Association des maires de grandes villes de France considèrent que le projet de loi est parvenu à ce difficile équilibre.

Symboliquement, l'article premier du projet institue le maire comme le coordonnateur et l'animateur de la politique de prévention de la délinquance sur le territoire de sa commune. Cette disposition ne fera en fait que consacrer le rôle que bien des maires exercent déjà dans la pratique…

M. Jean-Pierre Blazy – En effet !

M. le Rapporteur – …mais qui bénéficiera désormais d'une légitimité incontestable.

Les maires pourront s'appuyer sur des instances partenariales telles que les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, qui sont rendus obligatoires dans les communes de plus de 10 000 habitants.

Le projet de loi crée par ailleurs, dans ces mêmes communes, un nouvel organe : le conseil pour les droits et devoirs des familles. Composé d'élus, de représentants de l'État et d'acteurs de terrain, ce conseil sera un lieu d'échange avec les familles en difficulté et les aidera à trouver des solutions concrètes à leurs problèmes. La commission a cependant estimé que le succès de cette instance reposerait sur l'implication des communes et qu’il était donc préférable de laisser chaque commune décider elle-même de sa création. M. le ministre d’État a exprimé son accord sur ce point.

De nombreux moyens d'information sont par ailleurs donnés aux maires afin qu’ils disposent d'une vue d'ensemble.

Le maire est ainsi placé au cœur du dispositif de secret professionnel partagé institué par le projet. L’efficacité de l’action sociale souffre en effet moins d'un manque d'intervenants qualifiés que d'un défaut de coordination de leur action et d'une carence dans l'utilisation de l'information existante. C'est pourquoi l'article 5 du projet autorise les professionnels de l'action sociale à partager les informations dont ils disposent sur une personne ou une famille qui connaissent une aggravation de leurs difficultés.

Le projet renforce aussi l'information du maire sur l'absentéisme scolaire, ce qui se justifie compte tenu des compétences dont le maire dispose déjà en matière de contrôle de l'obligation scolaire. L'article 9 autorisera les maires à mettre en place des traitements automatisés des informations en provenance des caisses d'allocations familiales et de l'éducation nationale.

Les sources d'information du maire plus directement en lien avec la délinquance sont également étoffées. Le projet prévoit ainsi qu’il sera informé par la police et la gendarmerie nationales de l'ensemble des infractions causant un trouble à l'ordre public, et non plus simplement considérées comme « graves ».

Considérant que l'implication des procureurs de la République est inégale et que certains d'entre eux n'apportent pas aux maires les informations qu’ils demandent sur les suites judiciaires données aux infractions commises sur le territoire de la commune, la commission a adopté un amendement pour remédier à cette situation.

Dans le domaine social, un nouvel outil est créé, celui de l'accompagnement parental, procédure à la disposition du maire pour agir en amont au bénéfice des familles qui connaissent des difficultés dans l'éducation de leurs enfants. En outre, le maire pourra dorénavant saisir le juge des enfants en cas de mauvaise utilisation des prestations familiales.

Enfin, le rôle du maire dans la lutte contre les incivilités sera renforcé par la consécration législative donnée à la pratique courante du « rappel à l'ordre » par le maire. Il ne s'agit nullement d'associer le maire à l'appareil répressif, mais de favoriser au contraire une gestion non pénale de certains actes de délinquance en s’appuyant sur l'autorité morale du maire.

Deuxième axe du projet : adapter la lutte contre la délinquance des mineurs à l’évolution de cette dernière. Face à des violences de plus en plus graves et qui sont le fait de mineurs de plus en plus jeunes, les instruments actuels de prévention et de répression semblent en effet largement dépassés.

Pour être efficace, la réponse pénale aux actes des mineurs doit être systématique, car la certitude de la sanction est le seul moyen de lutter contre le sentiment d'impunité ; elle doit être ensuite adaptée à l'âge et à la personnalité des mineurs, ce qui suppose une large palette de mesures ; enfin, elle doit être rapide, étant entendu que dans certains cas, l'instruction n'est pas indispensable et que seule une réponse rapide peut avoir un effet pédagogique tant à l'égard de l'auteur des faits que des autres mineurs qui pourraient être tentés de l'imiter.

Le projet de loi répond à ces exigences. Il apporte une réponse plus systématique grâce au plus grand recours aux mesures alternatives aux poursuites et à l'instauration de la composition pénale pour les mineurs, et une réponse mieux adaptée à la personnalité des mineurs grâce à l'extension de la palette des mesures pouvant être prononcées par le juge des enfants.

Le projet crée en effet quatre nouvelles sanctions éducatives, dont l'une consiste dans le placement dans une institution ou un établissement public ou privé d'éducation habilité permettant la mise en œuvre d'un travail psychologique, éducatif et social sur les faits commis. Le projet prévoit un placement d'un mois. La commission des lois a adopté à mon initiative un amendement permettant de moduler ce placement en allant jusqu’à trois mois.

Il apporte aussi une réponse plus rapide grâce à l'instauration de la procédure de présentation immédiate devant la juridiction pour mineurs. La procédure de comparution immédiate, prévue par le code de procédure pénale, n'est pas applicable aux mineurs. Il existe en revanche une procédure rapide qui s'applique déjà aux mineurs : la procédure dite de « jugement à délai rapproché ». Instaurée en 2002, elle permet au procureur de la République de saisir directement le tribunal pour enfants aux fins de jugement dans un délai de dix jours à un mois. Le projet lui substitue une « procédure de présentation immédiate devant la juridiction pour mineurs », qui reprend ses principaux aspects tout en l’accélérant et en élargissant son champ d'application par l'abaissement des quantums de peine encourues. Dans les grands tribunaux pour enfants qui tiennent une audience par jour, cela permettra de juger un mineur dans la journée même de sa présentation au procureur.

Ce texte propose, on le voit, des réformes de l'ordonnance de 1945 qui vont dans le bon sens. Il n'était évidemment pas question, à quelques mois d'échéances électorales, de procéder dans la précipitation à une réforme d'ampleur, mais ce projet amorce une réflexion qui devra se poursuivre en 2007. Notre pays ne saurait en effet se passer d'une grande réflexion sur les nouveaux visages de la délinquance des mineurs et sur les moyens de la contenir, réflexion qui passera à mon sens par une refonte d'ensemble de l'ordonnance de 1945, texte vieilli auquel de multiples modifications ont fait perdre toute cohérence et qui ne répond plus aux principes posés par les conventions internationales.

Les mineurs de 2006 ne sont plus les mineurs d'il y a soixante ans et nous devons prendre la mesure de ces évolutions profondes pour trouver les réponses adaptées à des adolescents en perte de repères, souvent manipulés par des adultes peu scrupuleux, qui utilisent l'excuse de minorité comme bouclier, des jeunes capables de commettre des actes d'une violence inouïe, comme en témoigne tristement l'affaire du bus de Marseille. Cette réflexion devra, à mon sens, être guidée par deux exigences : se conformer aux règles posées par les conventions internationales et aborder la question spécifique des multirécidivistes.

Nous ne pourrons pas éluder le problème crucial que pose le « noyau dur » de 5 à 10 % de multirécidivistes pour lesquels les réponses pénales actuelles sont totalement inefficaces. Nous devrons réfléchir à la maturité pénale. C'est tout notre système qui est à revoir, car on ne peut apporter la même réponse à des jeunes qui passent le cap de l'adolescence en commettant un ou deux petits délits et à des jeunes multirécidivistes ou multiréitérants, qui nécessitent un accompagnement spécifique, éventuellement élargi à l’ensemble de la famille. Il faut aussi traiter les phénomènes de bande, car les réponses judiciaires restent trop individuelles.

La commission des lois a adopté ce matin, à mon initiative, deux amendements. Le premier concerne l’excuse de minorité. Sans remettre en cause l’atténuation de responsabilité pénale des mineurs, il étend la possibilité pour les juges d’y déroger en ce qui concerne les mineurs de 16 à 18 ans au cas où ils auraient commis, en état de récidive légale, un crime ou un délit constituant une atteinte volontaire à l’intégrité physique ou psychique de la personne. Le second amendement prévoit que, pour les majeurs, les juges en correctionnelle devront motiver expressément le choix de la peine lorsque l’infraction est commise en état de récidive légale ou de réitération. Il y a là un souci pédagogique à l’intention des condamnés comme des victimes.

J’aborde maintenant deux points sur lesquels l’excellent rapporteur pour avis qu’est le président Dubernard reviendra certainement.

Il s’agit d’abord de la lutte contre la toxicomanie. Les comportements addictifs sont source de violences et de désocialisation. Étant donné l’importance de la consommation de drogues en France, il y a lieu d’être inquiets. Le projet comporte donc des dispositions dans ce domaine. Il s’agit en second lieu de la réforme de l’hospitalisation d’office des malades mentaux dangereux pour l’ordre public. Certes ce ne sont pas des délinquants. Mais les drames de Nanterre en 2002 et Pau en 2004 ont montré l’inadaptation de nos procédures. La commission des lois estime judicieuses les mesures proposées, qui garantissent le droit des malades mais protègent mieux l’ordre public.

Enfin, la commission a examiné cet après-midi l’amendement du Gouvernement qui met en œuvre la réforme du permis à points annoncée par le Premier ministre le 8 novembre dernier. En effet, le renforcement des contrôles a amélioré la sécurité routière mais aussi suscité quelques incompréhensions. Il est proposé notamment de ramener de trois ans à un an le délai pour récupérer un point lorsque aucune infraction n’a été commise dans cette période. La commission a souhaité que ces modifications, qu’elle approuve, bénéficient à l’ensemble des personnes concernées en application du principe d’application immédiate de la loi répressive plus douce, et par souci d’égalité.

Elle a approuvé le projet et vous demande de la suivre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Michel Dubernard, président et rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Après l’intervention pertinente de l’excellent juriste qu’est Philippe Houillon, je prendrai un peu de distance pour dire combien ce texte, qui a été si caricaturé, est nécessaire. Notre société ne peut accepter l’idée qu’il faut vivre avec une violence inéluctable. Mais plutôt que de perfectionner les moyens pour réprimer la violence et la délinquance, mieux vaut s’attaquer aux facteurs qui contribuent à leur banalisation.

Cette violence atteint chacun. L’absentéisme scolaire n’est pas de la délinquance, mais c’est un signal d’alerte. Et c’est dès le plus jeune âge que les enfants doivent être protégés contre la banalisation de la violence, du racisme, de la drogue, de la pornographie, véhiculés aussi par des jeux électroniques et internet.

Ce projet de loi ne manifeste aucune obsession sécuritaire. Il est simplement pragmatique et complémentaire d’autres politiques, avant tout la politique en faveur des quartiers sensibles. Les politique de la ville, la loi de cohésion sociale sont en effet des instruments essentiels pour prévenir la violence.

Malgré les efforts, certains quartiers sont en déshérence. Les conditions de vie y sont si dégradées que les habitants subissent au quotidien une forme de violence, et qu’en retour, ils réagissent violemment. Beaucoup reste à faire pour qu’ils ne se sentent plus les laissés pour compte de la République, que le lien social ne disparaisse plus avec les petits commerces, et en premier lieu les cafés, et les services publics tandis que centres sociaux et maisons de quartier ont du mal à survivre.

Certes, ne tombons pas dans le pessimisme. Jean-Louis Borloo a beaucoup fait avec la politique de cohésion sociale. Mais elle ne portera ses fruits que lentement, avec les restructurations immobilières et à mesure que, à partir des zones franches urbaines, se créera un cercle vertueux de la confiance et de l’emploi.

Lutter contre la délinquance, c’est mener d’une part une politique de sanction efficace, d’autre part une politique de prévention.

Les premières victimes des violences sont les habitants de ces quartiers que les dégradations privent de services. Comment inverser le cours des choses alors que les élus, travailleurs sociaux et enseignants se sentent abattus, voire impuissants ? Ce projet y répond de façon pragmatique en tenant compte des expérimentations et des dispositifs sociaux existants.

Il n’y a pas eu jusqu’ici de politique de prévention… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Marie Le Guen – Vous inventez la police, vous inventez tout !

M. le Rapporteur pour avis – ...qui soit globale. La politique de la ville et autres politiques sociales sont sectorielles et sans coordination.

Le projet propose une nouvelle méthode consistant à s’adresser directement aux personnes qui rencontrent ou vont rencontrer des difficultés. La logique de guichet qui a permis de répondre aux besoins pendant des décennies a trouvé ses limites. Elle était efficace lorsqu’on se tournait vers l’État pour obtenir une allocation, une subvention, un conseil. Mais les plus vulnérables dans notre société se sont détournés des services sociaux, dont les spécialistes continuent à les attendre dans leurs bureaux. Ce projet doit donc être l’occasion d’une réflexion en profondeur sur l’évolution des services sociaux, comme le demande le rapport annuel de l’IGAS pour 2005. Le travail social a du mal à dépasser une approche individuelle des personnes en difficulté. Il faut le réformer. M. Alain Sanchez, délégué général de l’ODAS, a fait également ce constat devant notre commission : les professionnels ont du mal à entrer dans une démarche collective…

M. Jean-Marie Le Guen – C’est fou !

M. le Rapporteur pour avis – …Et il faut revoir leur formation. Il faut donc renforcer le rôle du travailleur social, mais en l’impliquant, comme cela se fait à l’étranger, dans des équipes et dans le suivi de groupes d’habitants. En France, le travailleur social est trop centré sur la réparation, alors qu’ailleurs il travaille en réseau autour des familles.

Le projet de loi est également novateur en ce qu’il permet de revoir la répartition des compétences entre collectivités locales en fonction des besoins locaux, grâce à des délégations de compétences permettant de rapprocher les services publics de l’usager. Tout en préservant le rôle des départements pour ce qui est de la solidarité organisée, il faut confier aux communes la prévention primaire et le développement social. On pourrait, à titre expérimental, déléguer aux grandes villes la gestion de la PMI, de services sociaux spécialisés et de la médecine scolaire.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Toujours plus.

M. le Rapporteur pour avis – Je vous renvoie à ce qui se fait à Lyon.

M. le Ministre d’État – C’est très vrai.

M. le Rapporteur pour avis – En région parisienne, la taille des départements n’est guère compatible avec la proximité.

M. Jean-Marie Le Guen – Ne dites pas de mal du 92 !

M. le Rapporteur pour avis – Il faut renforcer le rôle du maire et du président de conseil général en cas de difficultés éducatives ou de carence parentale. Trop souvent le travailleur social, au lieu de conserver la responsabilité du dossier, préfère alerter la justice, elle-même déjà embouteillée. Je pense au cas survenu à Angers, où les services judiciaires n’ont pas réussi à détecter des maltraitances, mais cela vaut aussi pour les jeunes en voie de marginalisation. Nous devons instaurer un accompagnement renforcé, destiné à aider les parents à assumer leur autorité.

Premier changement, ce projet de loi vise à rapprocher la prise de décision du citoyen, au plus près du terrain, même si ce n’est pas la tradition de l’administration française. La prévention de la délinquance s’organisera ainsi autour des maires, premiers acteurs informés et sollicités. C’est autour d’eux que les compétences doivent s’articuler.

Deuxième nouveauté, le travail en réseau sera favorisé par l’institution du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance dans les communes de plus de 10 000 habitants.

Plusieurs députés socialistes – Cela n’a rien de nouveau !

M. le Rapporteur pour avis – Où en sommes-nous ? La protection maternelle et infantile, à la charge du département, veille à la santé de l’enfant jusqu'à l'âge de six ans ; la médecine scolaire, qui dépend de l'État, est censée prendre le relais, tandis que le maire est responsable de l'obligation scolaire et le conseil général de l'aide sociale à l'enfance ; la protection judiciaire de la jeunesse s’occupe enfin des jeunes en danger ou déjà délinquants. À aucun moment ces services ne se rencontrent pour travailler ensemble : le jeune concerné les rencontrera, mais successivement et séparément.

Parce qu’il est parfois utile de transmettre certaines informations, le projet de loi prévoit également le partage d’information dans le respect du secret professionnel. La désignation d’un coordonnateur auprès d’un même jeune ou d’une même famille créera en outre une interface utile entre les travailleurs sociaux et les élus.

Troisième novation, la présence sur le terrain : le renforcement du rôle des maires ne signifie aucunement le désengagement de l’État, qui reste responsable de la prévention de la délinquance, du choix des orientations et des réseaux de compétence. Il est normal et même indispensable que les préfets élaborent des plans départementaux, mais on peut regretter que bien des habitants des quartiers sensibles n’identifient l’État qu’à la police. Il faut donc que les délégués de l’État soient présents dans les quartiers, et les préfets et sous-préfets doivent donner l’exemple en se rendant eux-mêmes sur le terrain

Quatrième exigence, la responsabilisation des personnes nous permettra de sortir des logiques habituelles d’assistance et de sanction. Dans toutes les communes de plus de 10 000 habitants, il sera ainsi institué des « conseils pour les droits et les devoirs des familles », présidés par le maire ou son représentant. De telles structures existent déjà, mais sans base légale.

Autre innovation, ce texte se soucie tout particulièrement des victimes. Au risque de paraître angélique, je pense que certains jeunes en voie de marginalisation sont autant des victimes que des délinquants potentiels : certains jeunes glissent sans bruit vers la délinquance à cause de la permissivité de notre société et de l’absence de réaction face à certains comportements.

Nous devons donc nous montrer attentifs à tous les signaux, à commencer par l’absentéisme scolaire, premier indice de marginalisation. Ce projet de loi donne ainsi au maire, responsable du recensement des enfants en âge scolaire, les moyens de remplir sa mission : un fichier automatisé des enfants scolarisés sera créé et l’inspecteur d’académie sera autorisé à lui signaler les enfants particulièrement absentéistes.

Rappelons que face à la montée de la violence à proximité des établissements scolaires, la circulaire du 16 août 2006 a prévu que chaque établissement devra établir un plan de prévention de la violence et fera l’objet d’un diagnostic de sécurité pour éviter l’infiltration d’éléments étrangers. Chaque établissement dispose par ailleurs d’un correspondant « sécurité » auprès de la police ou de la gendarmerie.

Le projet de loi cherche également à protéger une autre catégorie de victimes : les enfants sollicités par internet ou attirés par des produits électroniques à caractère pornographique, violent, raciste ou incitant à l'usage de stupéfiants. En effet, l’encadrement administratif de la commercialisation des cassettes vidéo, des DVD, des boîtiers et des cartes de jeux électroniques, n'a pas fait la preuve de son efficacité. Par exemple, la commission consultative est complètement dépassée par les dizaines de milliers de produits électroniques qu'elle doit expertiser chaque année !

Une modification de la loi du 17 juin 1998 donnera au ministère de l'intérieur le pouvoir d'interdire sans procédure d'expertise inutile les supports électroniques qui nuisent à la santé de la jeunesse. Grâce à une signalétique adaptée, les familles pourront évaluer la dangerosité des documents contenus dans les supports électroniques vidéo et de jeux en fonction de l'âge de leur utilisateur, mesure demandée par les familles et de nombreux professionnels depuis des années.

Le projet de loi s'attaque également à une délinquance pernicieuse, car diffuse et sans visage, souvent méconnue des parents : les sollicitations sexuelles faites aux mineurs de moins de quinze ans par internet ou via des forums de discussion accessibles par un téléphone portable – les chiffres publiés en août dernier par l’université New Hampshire donnent froid dans le dos ! Le texte propose de sanctionner pénalement les propositions sexuelles faites à un mineur de moins de quinze ans au moyen d'un service de communication électronique, d’autoriser la police judiciaire à participer sous des noms d'emprunt aux échanges électroniques, à prendre des contacts et à conserver des contenus illicites comme preuves.

La gravité de la menace impose en effet de prendre des mesures exceptionnelles ; la commission des affaires culturelles les a approuvées tout en proposant de parfaire le dispositif technique.

Pour renforcer l’efficacité des politiques publiques menées contre les substances illicites, il vous est également proposé de renforcer la dimension sanitaire de la lutte contre la drogue, de généraliser l’injonction thérapeutique, désormais autorisée à toutes les étapes de la procédure, mais aussi d’instituer des médecins relais, interfaces entre l’usager interpellé et l’autorité judiciaire. À cela s’ajoute le stage de sensibilisation aux dangers de l’usage de produits stupéfiants.

L’alcoolisme ne devait pas non plus être négligé compte tenu du nombre de victimes : 69 % des homicides et près de la moitié des incestes sont commis par des personnes en état d’ébriété.

M. Jean-Pierre Blazy – C’est exact !

M. le Rapporteur pour avis – Il était donc nécessaire d’associer une réponse sanitaire à la répression des délits d’atteinte à l’intégrité des personnes. Une mesure de composition pénale pourra ainsi prévoir une injonction thérapeutique pour les consommateurs habituels et excessifs de boissons alcooliques et un délit sera considéré comme aggravé lorsque son auteur sera en état éthylique. Nous y reviendrons au cours de nos débats après l’article 27.

La société ne peut pas non plus rester impuissante face aux crimes et délits très graves commis par des personnes souffrant ou ayant souffert de troubles mentaux. Il s’agit toutefois de trouver un équilibre entre la prise en charge sanitaire des malades mentaux dans le respect de leur dignité et la prise en compte des exigences de la sécurité publique. Loin d'être attentatoires aux droits des patients, les dispositions des articles 18 à 24 du projet de loi apporteront de nouvelles garanties : l'hospitalisation d'office décidée en urgence ne pourra plus être justifiée par une simple « notoriété publique » ; un avis médical sera toujours nécessaire pour éclairer la prise de décision de l'autorité administrative ; le maire, ou à Paris le commissaire de police, devient responsable de la décision initiale d'internement, prise sur le fondement d'un avis ou d'un certificat médical établi par un psychiatre ; sa décision doit être confirmée dans les soixante-douze heures par le préfet, qui est informé de l'hospitalisation dans les vingt-quatre heures, après expertise médicale.

Le projet de loi clarifie également les critères de l’hospitalisation d'office et ceux de l'hospitalisation à la demande d'un tiers, tout en renforçant les modalités de suivi : information systématique des maires en cas de sorties d'essai ; création d'un fichier national rassemblant, pendant six ans, les informations administratives relatives aux personnes internées d'office ; renforcement du suivi médical du patient ; période de diagnostic étendue à 72 heures en cas d’hospitalisation.

Malgré toutes ces avancées, je comprends l’émoi suscité par ce texte chez les professionnels de la santé mentale et chez les patients eux-mêmes, qui comprennent, mais regrettent l’insertion dans un texte relatif à la sécurité publique de plusieurs articles portant sur l'hospitalisation sous contrainte. Le Gouvernement n'a jamais eu l'intention d'assimiler les personnes placées sous le régime de l'hospitalisation d'office à des délinquants : ce sont avant tout des malades qui ont besoin d'une prise en charge sanitaire.

M. Jean-Pierre Blazy – Nous en sommes d’accord !

M. le Rapporteur pour avis – Nous devons parvenir à parvenir à une réforme globale des soins psychiatriques en révisant la loi du 27 juin 1990.

M. Jean-Pierre Blazy – Que ne l’avez-vous fait plus tôt !

M. le Rapporteur pour avis Cette réforme est attendue depuis 1997 : ce que vous n’avez pas fait, nous le ferons avant la fin de cette législature. Nous avons obtenu l’engagement du Gouvernement en matière d’ordre public mais aussi en matière sanitaire. Compte tenu des délais restant, les ministres ont retenu la voie de l’habilitation par ordonnance et de la négociation avec l'ensemble de la profession et les associations de patients.

M. Jean-Pierre Blazy – Et que devient le Parlement ?

M. le Rapporteur pour avis – Si vous aviez pris vos responsabilités plus tôt, nous n’aurions pas à procéder ainsi. Nous n’éviterons aucun problème de fond, qu’il s’agisse de l'hospitalisation à la demande d'un tiers, d’une éventuelle obligation de soins dans le cadre ambulatoire, ou du renforcement des prérogatives de la commission départementale des hospitalisations psychiatriques. Pour que cette réforme attendue depuis plus de dix ans aboutisse enfin, nous déposerons un projet de loi de ratification avant la fin de la législature. Nous réformerons la loi de 1990 tout en respectant ses grands principes. Bien que justifiées aujourd’hui, les mesures prévues dans ce projet de loi sur la délinquance seront alors rapatriées dans un texte plus global. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

EXCEPTION D’irrecevabilité

M. le Président – J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d’irrecevabilité déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Jean-Pierre Blazy – Nous engageons enfin l'examen de ce projet de loi de prévention de la délinquance. « Enfin », dis-je, car promis à maintes et maintes reprises depuis 2002, ce projet est finalement déposé quelques mois avant les élections. Revenons sur ses vicissitudes. Le 14 janvier 2003 vous déclariez, Monsieur le ministre d’État : « Il doit y avoir une politique de prévention de la violence... J'annonce, dans les semaines qui viennent, des objectifs et un calendrier. » Le 4 septembre de la même année, vous annonciez votre intention de présenter dans les deux mois un projet de loi sur la prévention de la délinquance. Le 20 novembre, vous déclariez que « la prévention est une priorité nationale pour mettre un terme à la progression de la délinquance des mineurs » et que « pour la première fois en France, le Parlement va pouvoir débattre de cette question ». Le 13 octobre 2005 vous disiez encore : « de retour aux affaires, je proposerai ce plan début décembre ». Finalement, le Premier ministre n’installe le comité interministériel de prévention de la délinquance qu’en janvier 2006 – un comité qui s'est réuni deux fois au cours du premier semestre.

Pourquoi cette attente si longue ? D’évidence ce délai n'a pas été mis à profit pour la concertation. Ainsi, le Conseil national des villes, dont je suis membre, a dû s'autosaisir alors que la prévention de la délinquance est au nombre de ses compétences, au titre de la politique de la ville.

Sachant qu’une quinzaine de décrets d'application devront être préparés, nul ne peut sérieusement penser que ce texte a vocation à être appliqué. Ces doutes sont d'autant plus fondés que certains textes réglementaires relatifs à vos précédentes lois en matière de sécurité ne sont pas encore publiés. Il en est ainsi, par exemple, d’une partie des décrets concernant les fichiers, dans la loi pour la sécurité intérieure et la loi Perben II. Nous ne disposons pas non plus d'une évaluation sérieuse de l’application de l'arsenal pénal promulgué depuis 2002.

Malgré les enjeux, l'objectif n'est donc pas de faire une loi qui sera appliquée. Le fond et la forme montrent qu’il s’agit d’un texte d'affichage dont la visée est uniquement électoraliste. Mais la profession de foi du candidat Sarkozy ne saurait masquer l'échec évident du ministre Sarkozy dans sa lutte contre l'insécurité. Je défends cette exception d'irrecevabilité au nom du groupe socialiste car j'estime en effet, ce projet irrecevable, et pas uniquement par ses aspects inconstitutionnels.

Ce qui est irrecevable en premier lieu, c'est votre bilan après quatre ans place Beauvau. Jugeons sur les résultats, Monsieur le ministre d'État, comme vous aimez à le dire. Le constat est clair : depuis quatre ans, les lois Sarkozy et Perben ont été adoptées mais la violence s'est aggravée et enracinée. Votre agitation médiatique ne peut le masquer, l'insécurité générale s'est accrue, nous restons sur les hauts plateaux de la délinquance. Vous répétez sans cesse que vous faites mieux que nous n’avions fait en matière de délinquance générale…

M. le Ministre d’État – Ce n’est pas difficile !

M. Jean-Pierre Blazy – …alors que son niveau est aussi élevé qu'il y a six ans, avant le pic de 2001-2002 dont je conviens qu'il a bel et bien existé. Ainsi, 3 775 838 crimes et délits ont été constatés en 2005 contre 3 777 849 en 2000. Il n'y a pas lieu de tirer une grande gloire de cette évolution.

Une fois de plus, je m'alarme de l'augmentation considérable des violences contre les personnes. Mois après mois, je constate cette montée de la violence et votre échec à la combattre. Selon les chiffres de l'Observatoire national de la délinquance pour octobre, ces violences ont augmenté de 10 % sur les douze derniers mois – 10% ! – et les atteintes aux personnes de 6,6 %. Vous semblez faire peu de cas de ce que je vous dis, Monsieur le ministre d’État et pourtant les chiffres sont ceux-là. D’après les documents même de votre ministère, les violences contre les personnes ont augmenté de 27,5 % depuis 2002. Voici donc votre bilan : 27,5 % de hausse des violences gratuites depuis que vous êtes au pouvoir, ce dont vous n’avez dit mot.

Dans le même temps, les violences scolaires s'intensifient : 82 007 faits graves ont été recensés dans les collèges et lycées publics en 2005-2006 et neuf agressions de personnels de l'éducation nationale se produisent chaque jour. Les résultats ne sont pas plus probants concernant la délinquance des mineurs. Vous préférez vous gargariser du taux d'élucidation, artificiellement gonflé par la comptabilisation des infractions au droit du séjour des étrangers et du trafic de stupéfiants. Mais le taux d’élucidation est toujours très bas pour les vols de voiture et les cambriolages, ces délits qui empoisonnent la vie quotidienne. Plus inquiétant encore, un climat de tension latente est durablement installé dans certains quartiers abandonnés après la suppression de la police de proximité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), à Marseille par exemple. À ce sujet, nous ressentons, comme vous, une grande compassion pour la jeune femme tragiquement brûlée au cours de l’incendie criminel d’un autobus marseillais, mais l’expression de cette compassion n’aurait pas dû donner lieu au numéro lamentable et indigne d’un ministre de la République auquel vous vous êtes livré à l’issue de votre intervention (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Je ne reviendrai pas sur le constat fait par le préfet Cordet en Seine-Saint-Denis, mais la situation dans les banlieues reste explosive.

Nous constatons aussi la multiplication des agressions prenant pour cible des policiers – nous en sommes à 3 662 depuis le début de l’année. Je salue le travail des policiers et je déplore ce chiffre terrible. Mais s’il continue d'augmenter ce n'est pas, comme vous le prétendez, parce que les policiers vont dans les quartiers, – la police de proximité le faisait –…

Mme Arlette Franco – La police de proximité ne servait à rien !

Mme Maryse Joissains-Masini – Les policiers ne sont pas des assistants sociaux !

M. Jean-Pierre Blazy – …mais parce que vous avez échoué à juguler la violence. Vous préférez parler de renvoyer les agresseurs devant les assises, ce dont la majorité des syndicats ne veut pas. Il y a déjà eu des aggravations de peines pour sanctionner les agressions de policiers et de pompiers et, de toute évidence, elles ont été inefficaces. Comment peut-on penser que la menace de la cour d'assises sera dissuasive ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP) De plus, quels moyens supplémentaires prévoyez-vous pour les cours d'assises déjà surchargées ?

Qu'a fait la droite depuis quatre ans alors qu'explose la violence ? Elle a méthodiquement démantelé la politique de prévention en réduisant les budgets des services publics, en supprimant des milliers d'emplois jeunes dans les quartiers et des milliers de postes de surveillants et d'aides éducateurs dans les écoles, en coupant les moyens des associations... L'action de tous les acteurs de la prévention en a été profondément déstabilisée. Les promesses de votre Gouvernement, qui semblait redécouvrir la prévention après les émeutes de novembre dernier, ont fait long feu et nous subissons en réalité les conséquences de l'abandon de toute politique de prévention depuis 2002.

Aujourd'hui vous nous présentez enfin le texte promis depuis quatre ans mais ce n'est pas un texte de prévention : c’est un nouveau texte répressif, un texte irrecevable. Vous poursuivez votre fuite en avant électoraliste pour nous proposer la sixième loi répressive depuis 2002, alors que les précédentes n'ont fait l'objet d'aucune évaluation et que nous n’avons pas le recul nécessaire pour légiférer à nouveau. Une nouvelle fois, par cette gesticulation législative, vous nous proposez moins d'État social et plus d'État pénal. Ce texte fourre-tout, qui aborde le rôle des maires, la santé mentale, la toxicomanie, la justice des mineurs, l'éducation, la procédure pénale, leurre et entretient la confusion. (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

L'efficacité de la lutte contre la violence appelle pourtant une démarche globale fondée sur la précocité de la prévention et de la sanction, une approche globale à l'opposé des « coups » médiatiques que vous affectionnez.

Là réside un désaccord majeur. Si la prévention de la récidive constitue un volet important de la prévention de la délinquance, elle ne saurait s'y substituer. Certes, il est plus facile de rebondir sur des faits divers tragiques et de proposer sans cesse de nouvelles sanctions (M. Jean-Pierre Blazy, pris de malaise, s’interrompt).

M. le Président – Je propose à l’Assemblée d’interrompre ses travaux pour permettre à notre collègue de se remettre.

Il en est ainsi décidé.
La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, ce soir, à 21 heures.
La séance est levée à 19 heures 25.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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ERRATUM

au compte rendu analytique de la 3ème séance du vendredi 17 novembre 2006.

Dans le cinquième alinéa de la page 29, au lieu de :

« Les amendements 30, 31, 2, 3… »

lire :

« Les amendements 30, 31, 2, 34, 35, 3… »

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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