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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

3ème séance du jeudi 23 novembre 2006

Séance de 21 heures 30
29ème jour de séance, 64ème séance

Présidence de M. Yves Bur
Vice-Président

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

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prévention de la délinquance (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance.

Rappel au réglement

M. Michel Vaxès – Rappel au Règlement sur le fondement de l’article 58, alinéas premier et 4. Depuis le début de cette discussion, nous subissons des modifications de l’ordre du jour extrêmement gênantes pour la bonne organisation de nos travaux : une autre loi est venue en discussion de façon imprévue, loi sur laquelle porte en fait un amendement déposé sur le présent projet, puis la discussion sur l’article 12 a été programmée avant celle de l’article premier… Je peux comprendre qu’il existe des contraintes de calendrier, mais il ne faudrait pas nous priver de la possibilité de répondre aux critiques – c’est pourtant ce qui s’est passé au cours de la précédente séance.

Par ailleurs, je demanderai à mon collègue Bénisti de faire preuve d’une plus grande modération qu’il ne l’a fait tout à l’heure. À la suite de la parution de son rapport, une des principales sources d’inspiration de ce projet de loi, j’ai effectivement organisé avec Patrick Braouezec un colloque sur la prévention de la délinquance. Loin d’avoir réuni un « quarteron de syndicalistes », comme le prétend M. Bénisti, ce colloque a fait appel à des personnalités aussi diverses que reconnues : un psychiatre spécialisé dans le monde de l’adolescence, plusieurs magistrats, dont certains enseignent à l’École de la magistrature, des juges pour enfants, des sociologues, un écrivain, un philosophe, une directrice départementale de la protection judiciaire de la jeunesse, un directeur départemental de l’enfance et de la famille, un docteur en droit international, le secrétaire général de la défense des enfants…

Nous avons mené un travail particulièrement sérieux, qui nous a conduits à des conclusions diamétralement opposées à celles retenues dans le rapport de M. Bénisti et dans le présent texte.

AVANT L'ARTicle premier (suite)

M. le Président – Conformément à notre Règlement, je donnerai la parole, pour chaque amendement, à un orateur chargé de le présenter, puis au rapporteur et au Gouvernement, et enfin à un orateur contre, et à un autre pour. Si vous estimez que le débat mérite d’être plus développé, je compte sur vous pour me le faire savoir. Avançons, tout en laissant à chacun la possibilité de s’exprimer !

M. Jean-Pierre Blazy – Nous avons eu un excellent président au cours de la précédente séance, mais nous vous faisons également confiance …

M. le Président – Je tâcherai d’être, moi aussi, excellent !

M. Jean-Pierre Blazy – Afin de clarifier la situation, je souhaiterais faire à mon tour un rappel au Règlement. Nous avons appris que nous examinerions l’article 12 avant l’article premier, auquel on nous pressait tout à l’heure d’arriver, nous accusant presque d’obstruction. J’ajoute que nous aimerions avoir connaissance de l’amendement déposé par le Gouvernement, dont la teneur ne nous a été dévoilée que par la presse.

M. le Président – Après avoir été distribué, cet amendement a été soumis à rectification. Nous vous transmettrons le texte définitif dès que possible, et je vous accorderai une suspension de séance s’il vous faut un peu de temps pour en faire l’analyse. Abordons ce débat dans un bon esprit !

M. Noël Mamère – Nous poursuivrons ce débat dans un bon esprit, Monsieur le président, c’est-à-dire dans un esprit critique, mais constructif – telle est en effet la fonction de l’opposition.

Le ministre de l’intérieur est venu s’exprimer cet après-midi devant l’Association des maires de France, puis au journal de TF1 ce soir, mais il est resté désespérément absent de l’hémicycle. Nous sommes ainsi contraints de nous informer par l’intermédiaire de la presse et des élus locaux : une dépêche de l’AFP nous apprend que le ministre s’est attaché à rassurer les maires, précisant qu’ils ne deviendraient ni des shérifs ni des procureurs. C’est que l’AMF, présidée par un élu de la majorité, M. Pélissard, partageait nos craintes.

Le ministre a par ailleurs confirmé qu’il maintenait le conseil pour les droits et des devoirs de la famille. Il a également confirmé que le maire pourrait centraliser toutes les informations nécessaires – qu’elles proviennent de l’inspection académique ou des caisses d’allocations familiales – sur l’assiduité scolaire. Cette dérive très grave, qui fait du maire une sorte de garde-chiourme, s’inscrit dans tout un ensemble inquiétant. Je pense par exemple à ce rapport sur les fichiers de police et de gendarmerie, que le ministre de l’intérieur a commandé à l’Observatoire national de la délinquance, cette instance présidée par M. Bauer où M. Pasqua vient d’être nommé – un symbole de l’honnêteté et de l’intégrité…

M. Philippe Pemezec – Qu’insinuez-vous ?

M. Noël Mamère – Vous pouvez aboyer, mais chacun sait à quoi s’en tenir. Je note d’ailleurs que ce projet ne parle pas de la délinquance économique.

Le rapport dont je parlais souligne les dangers du croisement des fichiers, en particulier les fichiers STIC, dans lesquels on peut se retrouver pour avoir été simple témoin d’un accident de la circulation ! Il y a des gens que ce fichage intempestif a ensuite empêchés de trouver un emploi.

Mon amendement 25 a pour objet de créer un conseil interministériel de la délinquance, présidé par le Premier ministre. Il y a aujourd’hui un comité interministériel de prévention de la délinquance, mais dirigé par le ministre de l’intérieur, alors que la prévention de la délinquance est évidemment un thème transversal, qui ne saurait être accaparé par le ministre de l’intérieur, même s’il se prend pour un vice-Premier ministre.

M. le Président – L’amendement 25 peut être mis en discussion commune avec les trois suivants, qui sont identiques.

M. Jean-Pierre Blazy – Le ministre d’État parle de la prévention de la délinquance depuis 2003, mais c’est seulement depuis janvier 2006 qu’il existe un comité interministériel de la délinquance. Étrange… Ce comité interministériel, qui est présidé par le Premier ministre, s’est réuni deux fois.

La prévention de la délinquance est forcément une politique interministérielle, car elle concerne aussi la justice, l’éducation, l’emploi, la santé, la politique de la Ville… Il faut donc qu’elle soit pilotée par le Premier ministre, comme c’était d’ailleurs le cas entre 1997 et 2002. C’est ce que nous proposons dans nos amendements.

M. Philippe Houillon, Président et rapporteur de la commission des lois – L’amendement 25 a été repoussé par la commission, pour la bonne raison qu’il est satisfait puisque le conseil interministériel de la délinquance existe déjà. C’est un décret de janvier 2006 qui l’a créé.

M. Jean-Pierre Blazy – Tardivement.

M. le Rapporteur – Les amendements 599 à 603 n’ont pas été examinés, mais ils sont également satisfaits, cette fois par la Constitution, puisqu’aux termes de son article 21, le Premier ministre dirige l’action du Gouvernement, dont vous conviendrez que la prévention de la délinquance est un sous-ensemble. J’ai donc un avis personnel défavorable : n’alourdissons pas inutilement le texte de loi.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire  M. Mamère nous propose de créer quelque chose qui existe déjà. Sans doute ne lit-il pas suffisamment les dossiers et préfère-t-il venir faire des effets de tribune. Comme l’a rappelé le rapporteur, un décret de janvier dernier a créé un comité interministériel de prévention de la délinquance, qui est présidé, comme le souhaite M. Mamère, par le Premier ministre…

M. Noël Mamère – Je parlais d’un conseil…

M. le Ministre délégué – Ah ! Vous voulez un conseil plutôt qu’un comité ! En tout cas, l’interministériel relève toujours, par principe, du Premier ministre. Ayez donc la modestie de reconnaître que vous avez fait une erreur et retirez cet amendement qui n’a pas de sens.

Les autres amendements sont satisfaits, Monsieur Blazy. Vous demandez un délégué interministériel placé auprès du Premier ministre. Or, nous avons mieux que cela : un comité interministériel présidé par le Premier ministre. Avis défavorable, donc.

Vous saisissez toutes les occasions de caricaturer l’action du ministre d’État, Monsieur Mamère. L’Observatoire national de la délinquance, qui avait été créé à la suite d’un rapport de MM. Pandraud et Caresche…

M. Michel Vaxès – Mais aujourd’hui il y a Pasqua !

M. le Ministre délégué – …a remis ce jeudi un rapport préconisant un certain nombre d’améliorations pour éviter des dérives sur les fichiers de police et de gendarmerie. Il préconise notamment de renforcer les garanties individuelles permettant d’écarter des informations inexactes ou non actualisées. Le ministre de l’intérieur a décidé de suivre toutes les préconisations de ce rapport.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Votre mépris, Monsieur Estrosi, n’est pas digne d’un ministre de la République, surtout lorsqu’il s’exprime devant l’Assemblée.

Le comité interministériel de la ville s’est réuni deux fois en quatre ans et demi, l’une sous le gouvernement Jospin et l’autre quatre ans plus tard avec M. de Villepin, M. Raffarin ayant passé son tour. Il dépend donc très directement du bon vouloir politique. Cela ne suffit donc pas pour construire la démarche transversale dans laquelle doit s’inscrire la politique de la prévention de la délinquance, comme d’ailleurs celle de la ville. En voulant inscrire cette démarche interministérielle dans la loi, ces amendements affirment que l’action transversale est primordiale. Si elle ne l’est pas au niveau de l’État, comment l’instituer au niveau des communes ?

Dans les communes, l’idée est d’associer, en matière de prévention de la délinquance, les principaux de collège, les services de police et de santé, les acteurs sociaux, les équipes de prévention spécialisée et les représentants des juridictions, sous la conduite du préfet. Il n’est donc pas saugrenu d’inscrire une telle démarche transversale dans la loi, avec l’ensemble des ministères concernés, sous l’autorité du Premier ministre. Je rappelle que le Conseil national de prévention de la délinquance, qui était ouvert aux représentants du Parlement, a été supprimé au profit du Conseil de sécurité et de prévention, auquel participent plusieurs ministères. L’idée est donc d’inscrire dans la loi l’exigence, que doit porter le Gouvernement mais que doit vérifier le législateur, de l’engagement transversal des pouvoirs publics à tous les niveaux, du local au national.

M. le Président – Je veux bien accepter d’autres interventions, mais je vous demande d’être brefs.

M. Michel Vaxès – Soumettre ces amendements à une discussion commune était faire preuve de clairvoyance, Monsieur le président : ils sont en effet inspirés par une même volonté. Je regrette que le rapporteur et le ministre n’aient pas eu la même perspicacité, puisqu’ils n’ont porté qu’un jugement sur la forme et non sur le fond. Ces amendements posent la question de la prévention de la délinquance sur son véritable terrain. J’avais imaginé, naïvement sans doute, que seraient présents pour ce débat les ministres des affaires sociales, du travail, de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports… Bref, tous ceux qui peuvent contribuer à la politique de prévention. L’action transversale est indispensable. C’est en tout cas l’esprit de ces amendements. C’est pourquoi je les soutiens sans réserve.

M. Jacques-Alain Bénisti – Sur le fond, nous sommes tous d‘accord : si les politiques de prévention de la délinquance, tant de droite que de gauche, n’ont pas fonctionné jusqu’à présent, c’est à cause de carences de coordination, de suivi et de gouvernance. Le projet de loi règle ces trois problèmes au niveau local et départemental.

Reste le niveau national. M. Mamère propose un conseil interministériel et M. Blazy un délégué interministériel. Je leur propose de retirer leurs amendements au profit de celui que j’ai déposé, qui viendra en discussion plus tard et qui propose la création d’un secrétariat d’État à la prévention de la délinquance, regroupant les différents ministères qui ont été énumérés – car il est important qu’ils continuent à se répartir les actions à mener – et rattaché directement au Premier ministre.

M. Noël Mamère – Je ne vois pas très bien comment on pourrait instituer un secrétariat d’État par la loi. Par ailleurs, si nous savons tous que, selon l’article 21 de la Constitution, le Premier ministre conduit la politique du Gouvernement, il faudrait que M. Houillon m’explique si c’est vraiment le cas pour tout ce qui concerne le domaine réservé, en particulier la politique africaine de la France – une action conduite par le Président de la République et sur laquelle le Parlement n’a aucun contrôle. Et le Président de la République, ce n’est pas le Gouvernement.

Le ministre m’a tourné en dérision en parlant du comité présidé par le Premier ministre, mais de qui donc dépend le secrétaire général de ce comité ? Du ministre de l’intérieur ! Or, si vous aviez lu mon amendement, vous vous seriez rendu compte qu’il proposait que ce secrétaire général soit rattaché au Premier ministre. Vous ne dites pas non plus que votre comité interministériel, créé en janvier 2006, n’a pour l’instant aucune mission.

M. François Grosdidier – Ségolène va le rattacher au ministre de la défense !

M. Noël Mamère – Il ne rend pas compte au Parlement, ne coordonne aucune action ni aucun moyen budgétaire, même pas ceux qui pourraient provenir d’un fonds interministériel pour la prévention de la délinquance.

M. le Président – Monsieur Mamère, je vous prie de conclure.

M. Noël Mamère – Je réponds à un ministre qui ne lit même pas mes amendements, et qui voudrait faire croire que l’opposition n’est pas sérieuse ! La proposition d’un Conseil interministériel s’inspire de l’esprit de la LOLF, qui impose de mesurer la performance des politiques budgétaires autour de trois critères : l’efficacité socio-économique, la qualité du service rendu et l’efficacité de la gestion des ressources. L’ensemble s’appelle l’évaluation. Or, notre pays n’a aucune politique d’évaluation, ni des lois que nous votons, et elles sont nombreuses, ni de nos nombreux comités Théodule.

M. Jean-Pierre Blazy – La Constitution est la Constitution, mais les arguments que vous en tirez ne s’appliquent pas en l’espèce. Entre 1997 et 2002, il y avait un conseil de sécurité intérieure, présidé par le Premier ministre et qui réunissait tous les ministres concernés – car, si l’on veut faire de la prévention de la délinquance un enjeu de la nation, il faut bien que le Premier ministre en soit le pilote. Puisque, selon vous, M. Sarkozy s’attache à tirer tout le bénéfice des rapports qu’il commande, j’aimerais qu’il étudie celui qui émane de cinq inspections générales sur la mise en place des contrats locaux de sécurité de nouvelle génération, qui date de juillet 2005. Il propose très clairement qu’une structure nationale de suivi soit constituée auprès d’un délégué interministériel à la prévention de la délinquance, lequel, nommé en Conseil des ministres, pourrait, comme le délégué à la sécurité routière, être directement placé auprès du Premier ministre tout en disposant de l’appui fonctionnel que peut conférer un poste de direction dans l’un des grands ministères concernés. C’est précisément le sens de nos amendements, et vous devriez les adopter.

L'amendement 25, mis aux voix, n'est pas adopté.
Les amendements 599, 600, 601 et 603, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Lilian Zanchi – Les amendements 609, 610, 611 et 613 sont identiques. Nous voulons, avant d’en venir à la discussion des articles, poser les fondements d’une politique de prévention partagée par tous les partenaires. Depuis sept ans existent les contrats locaux de sécurité, lancés par le gouvernement Jospin, et qui doivent aujourd’hui être rénovés et modernisés, comme le préconise Jean-Pierre Blazy dans le rapport remis au ministre de l’intérieur.

Ces contrats doivent, selon nous, s’appuyer sur de véritables diagnostics d’enquêtes de victimation cofinancés par tous les contractants, et non plus seulement par les seules villes, comme c’est souvent le cas aujourd’hui. Ils doivent ensuite définir des actions précises de coproduction de sécurité et de prévention, sur la base, là encore, de co-engagements financiers et humains. Il n’est plus possible que les partenaires, notamment l’État, demandent aux maires de mener telle ou telle action sans participer à leur financement. Je pense par exemple aux moyens consacrés par le ministère de la justice aux maisons de justice et du droit ou à ceux consentis par les conseils départementaux d’accès au droit en matière d’aide aux victimes : c’est peau de chagrin !

Il faut donc que soient engagées régulièrement, par exemple tous les trois ans, des évaluations de l’efficacité des politiques et actions menées. Le maire, le préfet, le procureur de la République, l’inspecteur d’académie, le président du conseil général, qui s’engagent à signer ce contrat, poseront les bases d’un diagnostic d’enquête de victimation, d’actions précises de coproduction de sécurité et de prévention, et d’évaluations périodiques. Ces contrats locaux de sécurité pourraient ainsi être une politique pertinente de prévention.

M. le Rapporteur – Ces amendements n’ont pas été examinés par la commission. À titre personnel, je ne vois pas ce qu’ils apportent par rapport à l’existant. Ils prévoient de créer des contrats locaux de sécurité « rénovés » signés par le maire, le préfet, le procureur de la République, ce qui est déjà le cas…

M. Lilian Zanchi – Pas pour le président du conseil général !

M. le Rapporteur – Par ailleurs, le conseil pilote les actions prévues dans le contrat.

M. Lilian Zanchi – Il n’y a pas d’indicateurs !

M. le Rapporteur – Je ne vois pas ce qu’apportent ces amendements. Avis défavorable.

M. le Ministre délégué – Ces amendements sont totalement satisfaits par une circulaire interministérielle relative aux contrats locaux de sécurité de nouvelle génération, destinée aux préfets, procureurs et recteurs, qui a été signée hier par le ministre d’État.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – C’est dans les couloirs que certains d’entre nous en ont été informés !

M. le Ministre délégué – Vous savez pertinemment qu’on ne va pas faire entrer dans la loi quelque chose qui vient d’être décidé par voie de circulaire !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – On pourrait ! Il vaut mieux faire entrer une circulaire dans la loi qu’une loi dans la circulaire !

M. le Ministre délégué – Les autres ministères sont en voie de la signer. Je suis en mesure d’apporter à la représentation nationale les éléments suivants. Les contrats locaux de sécurité de nouvelle génération reposent sur quatre principes : évaluation préalable de la situation, coordination des actions, priorité au traitement des difficultés concrètes plutôt qu’au traitement de zones, coordination avec la politique de la ville. Les actions, définies pour trois ans, seront financées par le Fonds interministériel de prévention de la délinquance que nous proposons de créer à l’article 2 bis du présent projet de loi.

M. Jean-Pierre Blazy – La circulaire précède la loi !

M. le Ministre délégué – Il vous appartiendra de dire à l’article 2 bis si vous êtes favorables à ce fonds.

Vous demandez de nombreuses suspensions de séance pour réclamer la présence du ministre de l’intérieur, qui n’a eu de cesse, pourtant, de rappeler que lui, le ministre délégué aux collectivités territoriales et moi-même formions une équipe dans laquelle chacun est qualifié pour défendre les textes présentés. M. Blazy a tout à l’heure fait référence aux contrats urbains de cohésion sociale, qui relèvent de ma délégation et de la délégation interministérielle à la compétitivité des territoires qui dépend de mon ministère. Cette circulaire prévoit que, dans un souci de simplification, la plupart de ces CLS de nouvelle génération seront intégrés aux contrats urbains de cohésion sociale, que doivent conclure entre le 15 décembre et le 15 janvier les préfets et les maires. Il importe donc que la circulaire soit diffusée très rapidement dans les départements.

La représentation nationale est donc pleinement informée. Vos amendements ont permis d’aborder ce débat et d’apporter ces précisions, avant même que tous les ministres aient signé la circulaire. Nos démarches sont identiques, si ce n’est que le Gouvernement recourt à une circulaire interministérielle, qui satisfait vos demandes.

M. Jean-Pierre Blazy – Je demande une suspension de séance. Nous sommes dans un monde parlementaire irréel, de plus en plus virtuel ! Quelle étrange journée : nonobstant la loi d’habilitation votée ce matin, nous discuterons encore des articles 18 à 24 demain ; puis il faut discuter de l’article 12 avant l’article premier, au nom d’une urgence que nous avons du mal à comprendre – elle est sans doute médiatique ; enfin, nous apprenons qu’une circulaire a été signée par le ministre d’État avant même que la loi soit promulguée ! C’est tout de même étrange ! En tout cas, nous aimerions prendre connaissance de cette circulaire.

La séance, suspendue à 22 heures 25, est reprise à 22 heures 35.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Notre affliction est grande, car ce qui vient de se passer témoigne qu’aux yeux du Gouvernement l’Assemblée n’a plus aucune utilité.

M. Lilian Zanchi – C’est inacceptable !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Récapitulons : alors que nous examinons un texte que le Gouvernement a jugé nécessaire de soumettre en premier lieu au Sénat, l’opposition entend le ministre dénier la pertinence d’un de ses amendements au motif qu’hier, une circulaire a été signée, par un seul des ministres auxquels il revient de le faire, et que cette circulaire satisferait notre amendement. De qui se moque-t-on ? On se livre à des manipulations répétées de la procédure législative, non pour empêcher l’opposition de s’exprimer car il y a longtemps qu’on ne l’écoute plus, mais uniquement par souci d’affichage et de communication. La seule considération qui vaille, c’est que ces dispositions soient rendues publiques au moment où les maires sont réunis en congrès, ce congrès devant lequel le ministre s’exprime, face à toutes les caméras, au lieu d’expliquer dans cet hémicycle sa position sur nos amendements. (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

Outre qu’il est parfaitement désobligeant à notre égard, ce comportement l’est aussi pour le président de la commission. Dans l’ignorance où il se trouvait, comme nous, de ce qu’une circulaire a été signée hier au ministère de l’intérieur, et parce qu’il ne sait rien de sa teneur, il a repoussé nos amendements en usant d’arguments qui n’en sont pas. Sous prétexte qu’une disposition a fait l’objet d’un décret, elle ne devrait pas figurer dans la loi ? Mais si c’est cela, que devra-t-on laisser dans ce texte ? Soit la politique de prévention est jugée primordiale et les mesures qui la caractérisent figurent dans une loi que le Gouvernement met en œuvre et dont le Parlement évalue l’application, soit vous décidez de vous en tenir aux décrets et l’on ne touche à rien. Mais, dans ce cas, ce projet est de pur affichage.

M. Jacques-Alain Bénisti – Vous vous répétez.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Produire cette circulaire « interministérielle », signée par le seul ministre de l’intérieur, pour réfuter la pertinence de nos amendements, c’est proclamer que le ministre d’État n’a que faire des débats parlementaires. C’est le plus grand des scandales. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jacques-Alain Bénisti – La sérénité des débats demande que vous arrêtiez de répéter inlassablement les mêmes arguments. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Le débat doit aller de l’avant, et nous devons enfin examiner l’article premier…

M. Jean-Pierre Blazy – Si ce n’est qu’à la demande du Gouvernement, il nous faudra au préalable examiner l’article 12…

M. Jacques-Alain Bénisti – Vous ne cessez de réclamer la présence du ministre d’État, alors que le ministre délégué a expliqué à maintes reprises que le projet est le fruit d’un travail d’équipe…

M. Jean-Pierre Blazy – Ce pourquoi la circulaire a été signée par le seul ministre de l’intérieur…

M. Jacques-Alain Bénisti – Du reste, je note l’absence de M. Dray (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) qui est pourtant votre spécialiste de la sécurité !

Mme Patricia Adam – C’est honteux !

Les amendements 609, 610, 611 et 613, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Pierre Blazy – Nous sommes scandalisés de la manière dont vous traitez l’opposition. Alors que plusieurs d’entre nous sont là pour défendre les positions de notre groupe, M. Bénisti trouve l’absence de notre collègue Julien Dray plus préoccupante que celle du ministre de l’intérieur !

M. Jacques-Alain Bénisti – M. Dray serait-il là, un débat de fond pourrait avoir lieu. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Blazy – Les intéressantes propositions contenues dans le rapport des cinq inspections générales n’ont pas toutes été reprises par le Gouvernement, qui manipule, tergiverse et empêche le Parlement de légiférer dans de bonnes conditions. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) C’est une véritable journée des dupes, et l’attitude du Gouvernement est proprement scandaleuse. (Mêmes mouvements) Pourtant, le Parlement doit assumer ses responsabilités. Nous proposons donc, par les amendements 614, 615, 616 et 618 la constitution d’une délégation parlementaire d’évaluation des actions conduites par l’État et les collectivités locales en matière de prévention et de lutte contre la délinquance, chargée de publier un rapport d’évaluation tous les deux ans.

Il y a bien un institut de la sécurité intérieure, un comité interministériel et un observatoire, mais ces organes sont placés sous la tutelle directe du ministre de l’intérieur. Ils peinent à faire reconnaître la moindre indépendance. Au reste, j’ai été choqué des remaniements intervenus à la direction et dans les équipes de recherche de l’ISI, que Pierre Joxe avait créé pour bénéficier d’une expertise indépendante. J’ai posé une question à ce sujet lors de l’examen du budget de l’intérieur mais je n’ai pas obtenu de réponse. Peut-être m’éclairera-t-on ce soir ?

Quant à l’observatoire, il ne peut prétendre à plus d’autonomie, même s’il semble que le ministre d’État se résolve enfin à suivre ses recommandations judicieuses sur les fichiers.

M. le Rapporteur – Je ne peux pas vous laisser dire, Monsieur Blazy, que nous vivons une journée de dupes. Considérons plutôt les derniers amendements défendus par votre groupe : le premier visait à créer un comité interministériel de prévention de la délinquance. Manque de chance pour vous, il existe déjà !

M. Jean-Pierre Blazy – Mais il n’est inscrit dans aucune loi !

M. le Rapporteur – Ensuite, vous demandez qu’il soit précisé que c’est le Premier ministre qui pilote la politique de prévention : en sa qualité de chef de l’action gouvernementale, il le fait déjà !

M. Lilian Zanchi – C’est le ministre de l’intérieur qui s’en charge.

M. le Rapporteur – S’agissant des CLS rénovés, cela relève du domaine réglementaire. Vous voyez donc que nous opposons des réponses de bon sens à vos demandes.

M. Noël Mamère – Et le fait qu’une circulaire présume des décisions de la représentation nationale, cela ne vous dérange pas ?

M. le Rapporteur – La commission n’a pas examiné les amendements identiques 614, 615 et 618. À titre personnel, j’invite l’assemblée à ne pas les adopter car ils mettent en cause le travail habituel de nos commissions permanentes, et, en particulier, celui de la commission des lois.

Mme Patricia Adam – Pas du tout !

M. le Rapporteur – Le recours à une délégation parlementaire doit être réservé à des sujets présentant une spécificité indiscutable. Ainsi, il est actuellement envisagé d’en créer une sur l’efficacité de nos services de renseignement. La prévention de la délinquance relevant du champ de compétence naturel de la commission des lois, il n’y a pas lieu de créer une délégation. J’ajoute que, depuis la réforme de notre Règlement inspirée par notre collègue Warsmann, l’article 86 instaure un droit de suite qui nous charge de veiller à la bonne application des textes que nous votons.

M. le Ministre délégué – Sincèrement, Monsieur Blazy, je ne comprends pas pourquoi vous polémiquez. Sur un sujet aussi sérieux que la lutte contre la délinquance, vous ne pouvez contester que le ministre d’État n’a eu de cesse d’associer l’ensemble de la représentation nationale…

M. Lilian Zanchi – Par voie de circulaire ?

M. le Ministre délégué – S’agissant de la mesure de la délinquance, nous pouvions raisonnablement espérer que les polémiques étaient closes. Bien qu’il soit très perfectible, nous n’avons pas modifié l’état 4001 pour ne pas être soupçonnés de manipulation et nous avons chargé deux parlementaires de bords opposés – MM. Pandraud et Caresche – de faire des propositions d’adaptation, lesquelles ont abouti à la création de l’Observatoire national de la délinquance. L’un des apports principaux tient au fait que nous croisons désormais les données de l’état 4001 avec les enquêtes de victimation.

Ensuite, vous nous reprochez une circulaire aux préfets…

M. Jean-Pierre Blazy – Disons surtout que nous la découvrons !

M. le Ministre délégué – Depuis toujours, les parlementaires – de tous bords – se plaignent qu’il se passe trop de temps entre le vote de la loi et son application…

M. Lilian Zanchi – Quelle mauvaise foi !

M. le Ministre délégué – Pour le ministre d’État, l’action gouvernementale s’exerce au quotidien…

M. Lilian Zanchi – Mais il faut respecter le travail parlementaire !

M. le Ministre délégué – Et je ne vois vraiment pas ce que l’on pourrait trouver de scandaleux à ce que les préfets soient priés de se mettre en condition d’appliquer sans délai la loi qui sera votée.

M. Jean-Pierre Blazy – Il manque dix textes d’application.

M. le Ministre délégué – S’agissant de la création d’une délégation parlementaire, je souscris bien entendu aux arguments du président Houillon. Votre commission des lois est le lieu naturel pour débattre de ces questions, et l’observatoire national qui a été crée en 2003 associe déjà des parlementaires de tous horizons…

M. Jean-Pierre Blazy – M. Pasqua vient même de le rejoindre !

M. le Ministre délégué – Quant au comité interministériel de prévention de la délinquance, il a été créé par le décret du 17 janvier 2006. Présidé par le Premier ministre, il rendra un rapport annuel qui sera débattu dans vos commissions. C’est donc bien parce que vos amendements ne semblent pas utiles que nous proposons leur rejet. Il n’y a pas d’arrière-pensées.

M. Michel Vaxès – Votre argumentation ne me semble pas très cohérente…

Mme Patricia Adam et M. Jean-Pierre Blazy – À nous non plus !

M. Jacques-Alain Bénisti – Il commence à se faire tard.

M. Michel Vaxès – Ce n’est pas moi qui suis en cause, mais bien la qualité de votre démonstration…

M. Lilian Zanchi – Pour le moins brouillonne !

M. le Ministre délégué – Je peux la refaire à l’envers !

M. Michel Vaxès – Les choses ont déjà été prises à l’envers, car pouvez-vous me dire ce qui se passerait si nos décisions devaient contredire la circulaire qui a été adressée aux préfets ? Seront-ils tout de même tenus de l’appliquer où la loi s’imposera-t-elle ?

M. le Ministre délégué – Les sujets qu’aborde la circulaire ne relèvent pas tous du domaine de la loi !

M. Lilian Zanchi – J’avais cru comprendre qu’il s’agissait d’une circulaire d’application… par anticipation !

M. Michel Vaxès – Quoi qu’il en soit, il faut respecter le Parlement et ne pas préjuger de ses décisions. Quant à l’amendement de nos collègues visant à mettre au point une évaluation organisée, je le soutiendrai sans réserve.

M. Noël Mamère – Je soutiens bien entendu ces amendements. Le ministre de l’intérieur veut décidément aller trop vite. Il fait preuve de la même précipitation dans son œuvre législative que pour sa candidature à l’élection présidentielle, puisque nous n’avons pas encore débattu de ce projet de loi qu’il a déjà signé une circulaire d’application !

Le président de la commission a objecté que les délégations parlementaires ont pour objet des champs très spécifiques. Il conviendra sans doute aisément avec nous que l’Assemblée n’évalue que rarement les lois qu’elle vote, notamment leur impact et les progrès qu’elles font faire à l’État de droit. Peut-il nous dire combien de lois ont fait l’objet d’une évaluation depuis qu’il préside la commission des lois ? L’idée de créer une délégation parlementaire sur des sujets dont le Gouvernement ne cesse de dire qu’ils sont de la plus haute importance, reste donc tout à fait pertinente, d’autant que cette délégation associerait les deux chambres.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Nous avons décidément eu bien raison de déposer ces amendements avant l’article premier : ils auront eu le mérite de faire tomber les masques. On aura mis ainsi au jour la façon dont vous manipulez les outils de l’action publique, lois, ordonnances, décrets, règlements, circulaires, au service de vos stratégies et des effets d’affichage que vous recherchez.

On nous a dit que les contrats locaux de sécurité étant déjà prévus dans un décret d’application, ils n’avaient pas besoin d’être mentionnés de nouveau dans la loi. Mais les CUCS, eux, ne figurent-ils pas dans la loi de cohésion sociale, de même d’ailleurs que le fonds de cohésion sociale, dont ils sont l’un des instruments ? Où est la cohérence, d’autant que le nouveau fonds de prévention de la délinquance figurera bien, lui, dans la loi ? Quelle est cette méthode consistant à choisir parmi les instruments de l’action publique, comme vous vous serviriez sur les rayons d’une supérette, celui-ci ou celui-là selon vos objectifs ? En réalité, vous choisissez d’inscrire dans la loi les mesures dont vous souhaitez qu’elles soient largement connues et dont certain ministre parle partout, à la télévision ou devant l’Association des maires de France, mais surtout pas dans cet hémicycle. Vous refusez en revanche qu’y soit clairement dit comment les cinq acteurs chargés de coordonner la prévention de la délinquance pourront travailler ensemble. Bien curieuse méthode, qu’on ne pourrait s’expliquer sauf à comprendre que vous vous moquez de la prévention de la délinquance ! Ces procédés donnent raison à tous ceux qui vous suspectent de ne pas défendre la prévention que beaucoup d’entre nous, sur tous les bancs, pratiquons pourtant quotidiennement dans nos communes. Vous cherchez seulement, à quelques mois d’une échéance électorale majeure, à rouler pour quelqu’un qui en a bien besoin car ce projet de loi marque, rappelons-le, un constat d’échec.

M. le Rapporteur – Monsieur Le Bouillonnec, vous qui êtes juriste, ne pouvez pas ignorer qu’on inclut les contrats dans la loi pour les rendre obligatoires.

Monsieur Mamère, depuis que je préside la commission des lois, celle-ci a présenté plusieurs rapports d’application : deux de notre collègue Warsmann sur la loi Perben, un de notre collègue Mariani sur la loi relative à l’immigration, un de notre collègue Gest sur la loi relative aux libertés et responsabilités locales. Notre collègue de Roux nous présentera avant la fin de l’année son rapport sur l’application de loi relative à la sauvegarde des entreprises, et notre collègue Mariani le sien sur la loi relative à la sécurité civile. Vous le voyez, notre commission assure parfaitement sa mission d’évaluation.

M. Noël Mamère – Tous les rapporteurs sont de la majorité !

Les amendements 614, 615 et 618, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Président – À la demande du Gouvernement, les articles premier à 12 ainsi que l’amendement 190 portant article additionnel après l’article 12 sont réservés jusqu’après l’amendement 293 rectifié portant article additionnel après l’article 12.

M. Jean-Pierre Blazy – Nous avons tout à l’heure demandé une suspension de séance pour prendre connaissance d’un projet de circulaire que nous n’avons d’ailleurs toujours pas. J’espère, Monsieur le ministre, que vous le communiquerez à la représentation nationale.

Nous sommes contraints maintenant d’en demander une autre pour lire dans le détail l’amendement du Gouvernement, dont nous n’avons eu connaissance qu’il y a peu et qui vient d’être rectifié.

M. le Rapporteur – La rectification tient en l’intégration de trois sous-amendements de la commission des lois.

M. le Président – Je suspends la séance pour trois minutes.

La séance, suspendue à 23 heures 10, est reprise à 23 heures 13.

après l'Art. 12

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer – L’amendement 293 rectifié reprend les mesures à caractère législatif annoncées par le Premier ministre à l’issue du comité interministériel de sécurité routière du 8 novembre dernier. Il est en effet apparu nécessaire de toiletter le permis à points, institué en 1992. La politique de sécurité routière que nous menons depuis 2002 a incontestablement porté ses fruits, permettant d’éviter 8 700 morts et 110 000 blessés.

Quatre mesures vous sont aujourd’hui proposées. La première consiste à aligner le statut des organismes de stages de sécurité routière sur celui des auto-écoles. C’est un gage de qualité.

La deuxième mesure que nous avons retenue tend à attribuer progressivement, et non plus en une seule fois, des points supplémentaires aux titulaires du permis probatoire, afin d’inciter les nouveaux conducteurs à une meilleure conduite. Les intéressés passeront ainsi de six à douze points en trois ans, à raison de deux points par an.

En troisième lieu, nous prévoyons que les démarches administratives seront incluses dans le décompte du délai de six mois applicable au recouvrement du permis après retrait. Enfin, la mesure « un point, un an » permettra aux conducteurs qui n’ont perdu qu’un point de le récupérer au bout d’un an s’ils n’ont pas commis de nouvelles infractions entre-temps. Les auteurs d’infractions graves ou multiples ne pourront donc en bénéficier, par définition.

Je précise que nous avons examiné les sous-amendements de la commission dans un esprit positif, avec pour seul souci la bonne application de la loi. S’agissant des stages de sensibilisation, nous avons ainsi retenu la date d’entrée en vigueur figurant dans le sous-amendement 627 et, pour le permis probatoire, celle du 31 décembre 2007, conformément au sous-amendement 628. Pour le délai de six mois, nous avons également fait nôtre le dispositif prévu par le sous-amendement 629. Toutefois, s’agissant du sous-amendement 630 et suivant en cela les conclusions d’une étude approfondie menée avec le service du ministère de l’intérieur gérant le permis à point, nous avons conservé la rédaction initiale de notre amendement 293, en la complétant par la mention des infractions non définitives ; pour le reste, c’est-à-dire pour le stock des infractions, nous nous heurterions à des difficultés techniques pour appliquer la loi. Je propose donc de continuer nos travaux sur ce point avant de statuer.

Je le répète, l’amendement 293 rectifié intègre les suggestions de la commission, sous réserve des points techniques que je viens de mentionner.

M. Jean-Christophe Lagarde – Je n’ai pas l’habitude de demander des suspensions de séance pour le principe, mais j’ai besoin de quelques minutes supplémentaires pour comprendre le dispositif qui nous est proposé.

Par exemple, pourquoi prévoir l’application de ces mesures à Mayotte sans faire mention du reste de l’outre-mer ? Pourquoi remplacer l’expression « passible d’une amende forfaitaire » par « des quatre premières classes » ? L’amendement aurait pu nous être soumis plus tôt. Je ne voudrais pas voter en aveugle : j’ai besoin de consulter le code de la route à la bibliothèque de l’Assemblée.

M. Jean-Pierre Blazy – Rappel au Règlement. Je ne peux que soutenir la demande de notre collègue. Je voudrais par ailleurs interroger le ministre : on nous pressait tout à l’heure d’en venir à l’article premier, nous reprochant d’avoir multiplié les amendements avant l’article premier, et voilà que vous surgissez pour nous demander de commencer par les articles additionnels après l’article 12 ! Pourquoi une telle hâte ? Y a-t-il urgence ?

M. le Rapporteur – Je ne peux accepter vos propos, Monsieur Lagarde. L’amendement du Gouvernement a été examiné et accepté par la commission des lois.

M. Jean-Christophe Lagarde – Il a depuis lors été rectifié !

M. le Rapporteur – S’il a été rectifié, c’était pour intégrer les sous-amendements acceptés par la commission. Comment pouvez-vous donc prétendre que vous découvrez la teneur de cet amendement ?

M. le Ministre – Comme je dois participer demain au sommet franco-italien, je ne pourrais assister à vos débats. Étant chargé de la sécurité routière, j’ai donc demandé que cet amendement soit examiné ce soir.

M. Jean-Pierre Blazy – Nous l’ignorions !

M. Noël Mamère – Rappel au Règlement. Je remercie M. Perben de sa présence devant la représentation nationale. Puisse M. Sarkozy l’imiter ! Ma question porte sur la présence de ces dispositions dans un texte consacré à la prévention de la délinquance. D’autre part, en réaction à l’agression d’une femme par plusieurs Rottweiler, le ministre de l’intérieur souhaitait, nous dit-on, présenter un amendement sur le sujet. De quoi discutons-nous donc ? Des sanctions ou de la prévention ? À qui ce texte s’adresse-t-il ? Aux propriétaires de chien ? Aux conducteurs ? En présentant ce projet fourre-tout et de circonstance,…

M. Lilian Zanchi – …Un projet électoraliste !

M. Noël Mamère – …vous démontrez que vous faites vraiment peu de cas de la prévention. Pourquoi ces mesures ? Nous savons tous qu’il est bon pour un gouvernement, à la veille des élections, d’annoncer la réduction des sanctions applicables à certains délits, notamment ceux qui impliquent des automobilistes.

M. le Président – Je suspends la séance pour quelques minutes.

La séance, suspendue à 23 heures 25, est reprise à 23 heures 35.

M. Jean-Pierre Blazy – Rappel au Règlement. Nous ne savions pas, Monsieur le ministre de l’équipement, car on ne nous l’avait pas dit, que vous deviez vous rendre demain au sommet franco-italien. Cela étant, vous auriez pu assister à ce sommet et en revenir à temps pour ces amendements portant articles additionnels après l’article 12, car je ne pense pas que nous arrivions demain à l’article 12 ! ( Sourires ) D’ailleurs, rassurez-nous, vous serez bien là pour l’article 12, Monsieur le ministre ?

M. Jean-Christophe Lagarde – Mon sous-amendement 711, qui tend à ce que le retrait des points et les contraventions correspondantes ne puissent faire l’objet d’une loi d’amnistie, rouvre un débat que j’avais déjà eu avec M. Perben, en 2002, alors qu’il était garde des sceaux et qu’il présentait une loi d’amnistie.

Nous sommes à six mois d’une élection présidentielle et nous pouvons donc craindre une de ces lois dites « de tradition républicaine » qui effacent toute une série d’infractions, dont certaines ayant trait au code de la route. Outre que je ne vois pas ce que cette tradition de l’amnistie a de républicain, je crois qu’il ne faudrait pas que le nouvel et subtil équilibre trouvé sur la récupération des points soit rompu par une loi d’amnistie. L’exclure dès maintenant éviterait aux candidats de faire des promesses électorales démagogiques.

Moi qui lis les rapports de la police municipale, je peux vous dire que depuis quelques mois, les contrevenants qui se font verbaliser pour un stop grillé, un feu rouge brûlé, un stationnement gênant, disent aux policiers qu’ils s’en fichent, car dans six mois, tout sera effacé.

M. le Rapporteur – La commission est favorable à l’amendement 293 rectifié du Gouvernement. J’avais déposé quatre sous-amendements, qui tendaient d’une part à sauver le permis probatoire, car la rédaction initiale du Gouvernement me donnait à penser qu’il était quasiment supprimé, d’autre part à déterminer la date d’entrée en vigueur des nouvelles dispositions concernant le permis probatoire et la récupération progressive des points. S’agissant enfin de la récupération annuelle d’un point pour les petites infractions, je proposais que la loi pénale plus douce s’applique immédiatement aux situations en cours. Tout cela a été intégré dans l’amendement rectifié. Le Gouvernement ayant pris en compte nos observations, j’ai retiré mes trois sous-amendements pour n’en conserver qu’un, Monsieur Lagarde, qui est mineur mais qui consiste, comme le veut l’orthodoxie, à employer le présent plutôt que le futur.

Je ne vais pas pouvoir être d’accord avec les sous-amendements de M. Lagarde…

M. Jean-Christophe Lagarde – Comme d’habitude !

M. le Rapporteur – Je ne me prononce pas sur le fond mais sur la forme, étant entendu que la commission est, je viens de le prouver, gardienne d’une certaine orthodoxie. Or, ces sous-amendements sont clairement en dehors des clous, car une loi ne peut pas encadrer l’action future du législateur, sauf s’il s’agit d’une loi constitutionnelle, ce qui n’est pas le cas.

M. le Ministre – Le Gouvernement est favorable au sous-amendement 627 de la commission, qui est en effet plus conforme à la tradition juridique concernant l’emploi des temps.

Concernant les sous-amendements 711 et 712 de M. Lagarde, je ne peux que répéter ce que vient de dire le président Houillon : on ne peut pas aujourd’hui encadrer le travail futur du législateur. Vous vous souvenez sans doute qu’en 2002, Monsieur Lagarde, nous avions exclu les infractions aux règles de la sécurité routière de la loi d’amnistie, n’y laissant que le stationnement non gênant.

M. Jean-Christophe Lagarde – Je me souviens bien de cette exclusion : c’est un des points du texte que j’avais approuvés. Je n’ignore pas que mes sous-amendements sont difficilement recevables, mais il me semblait utile d’ouvrir le débat avant l’élection présidentielle. J’ai vu des marques d’approbation sur tous les bancs. Il faut pouvoir dire aux Français que ce n’est pas parce qu’une élection présidentielle approche qu’on peut faire n’importe quoi sur les routes, et leur rappeler que la dernière loi n’a pas amnistié ces infractions, ce dont ils ne se souviennent pas toujours. Mais je retire les sous-amendements 711 et 712.

M. Jean-Pierre Blazy – Le permis à points a déjà une longue histoire. Il a été réformé à plusieurs reprises, dans un sens de plus en plus sévère. La dernière aggravation date de 2005. Mais il a certainement contribué à réduire très sensiblement le nombre de morts et de blessés sur les routes de France. Même les Nations unies ont reconnu ces bons résultats ! Aujourd’hui – est-ce le fait d’un excès de célérité, de l’approche des élections ou d’une pression de l’opinion ? –, vous proposez de faciliter la reconstitution du capital de points, ce qui évite la perte du permis et tout ce qui en découle : perte d’un emploi ou d’un stage, nécessité de repasser le permis… Cet assouplissement est bienvenu, à condition qu’il ne constitue pas un signal malheureux. L’amendement du Gouvernement paraît équilibré et le groupe socialiste le votera.

M. Philippe Edmond-Mariette – Je voterai volontiers cet amendement, mais suis pour le moins déconcerté par le fonctionnement de cette assemblée. Les articles premier à 12 ont été réservés. Or, l’article 12 commence par « Le code de la route est ainsi modifié »…, soit exactement comme l’amendement après l’article 12 que nous sommes en train d’examiner ! Par ailleurs, le ministre délégué a dit tout à l’heure que, puisqu’une circulaire avait été prise, l’Assemblée était dispensée de débattre d’un amendement. Enfin, en ce qui concerne les articles 18 à 24, je veux bien comprendre l’alchimie qui a pu permettre d’habiliter le Gouvernement à procéder par voie d’ordonnances, mais je rappelle que selon l’article 41 de la Constitution, le Gouvernement peut dès lors déclarer tout amendement irrecevable ! Cela n’est certes qu’une faculté, mais s’il l’utilise, le débat sur les articles 18 à 24 perdra tout intérêt.

Je me demande si le Gouvernement n’attendait pas que nous ayons délibéré exactement dans les mêmes termes que le Sénat pour pouvoir faire tranquillement sa cuisine, au mépris des droits du Parlement. Je me demande également si, une fois l’article additionnel après l’article 12 voté, il ne serait pas utile que le ministre des transports reste pendant que nous délibérerions sur l’article 12, qui le concerne tout autant.

M. Noël Mamère – Il n’y a pas grand-chose à ajouter à cette démonstration. Je ne comprends pas pourquoi on a détaché cet article additionnel de l’article 12, puisqu’il concerne le même sujet. Nous avons proposé la suppression pure et simple de cet article, qui est la confirmation de ce que ce projet n’est qu’un fourre-tout. Plutôt que de dire à ceux qui commettent des infractions qu’ils vont récupérer plus vite leurs points, et puisque nous sommes dans le domaine de la prévention, il me semble que le ministre des transports aurait été bien inspiré de contrôler plus strictement les publicités des constructeurs, qui se vantent de fabriquer des automobiles pouvant rouler à 200 ou 250 kilomètres à l’heure…

M. Jacques-Alain Bénisti – Les automobilistes peuvent vouloir rouler en Allemagne !

M. Noël Mamère – …et de les pousser à brider les moteurs, ce qui aurait des conséquences heureuses à la fois sur la sécurité routière, car la vitesse est une des deux causes essentielles d’accidents, avec l’alcoolisme, et sur l’émission des gaz à effet de serre, que tous les partis se piquent de vouloir réduire.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Nous assistons à un dysfonctionnement manifeste de cette Assemblée. Pourquoi avoir disjoint cet article additionnel ? La seule explication raisonnable qu’on nous ait donnée tient à l’agenda du ministre. Elle est parfaitement acceptable, mais à ce compte-là, pourquoi ne pas examiner l’ensemble des articles concernés un autre jour ?

Cet amendement est toutefois l’occasion d’aborder le problème de la majoration des amendes, prélevées automatiquement par le Trésor public. Le médiateur a saisi les ministres concernés et un audit est en train d’être réalisé. Lorsque l’amende n’est pas payée dans les 45 jours – soit le délai du recours – elle est majorée de plein droit, mais le ministère public, lui, n’a pas de délai pour statuer. Lorsque la réclamation est acceptée, il y a restitution du montant de l’amende majorée, mais les frais de banque, eux, ne sont pas remboursés. Il faut donc créer un lien entre l’instruction des réclamations et le recouvrement de l’amende.

Le sous-amendement 627, mis aux voix, est adopté.
L'amendement 293 rectifié, sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – À l’unanimité !

M. Noël Mamère – Non ! J’ai voté contre !

M. le Ministre délégué – Je voudrais communiquer à la représentation nationale une information, qui a trait aux propos de Julien Dray hier. Je regrette donc qu’il ne soit pas là.

Plusieurs députés socialistes – Et M. Nicolas Sarkozy, est-il là ?

M. le Ministre délégué – Il n’a cessé d’annoncer la défaite aux élections professionnelles des syndicats de police qui ont pris position en faveur de la politique conduite par le ministre de l’intérieur. Or, ces deux syndicats, Synergie pour le corps de commandement et Alliance pour les corps d’encadrement et d’application, ont amélioré leur score par rapport à 2003, l’un de près de quatre points, l’autre de plus de quatre points.

Quant au syndicat UNSA, dont M. Dray a affirmé dans la presse qu’il soutenait activement Ségolène Royal, il enregistre, malgré sa fusion avec le syndicat SNPT, une baisse de sept points par rapport à 2003 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Noël Mamère – Rappel au Règlement. Je suis très choqué par la déclaration que vient de faire le ministre. Il existe une certaine obligation de réserve et de neutralité vis-à-vis des syndicats. Après qu’un de nos collègues a, tout à l’heure, parlé de « syndicat gauchiste », le ministre lève peu à peu le masque : il est tellement content que les syndicats qui lui sont proches aient réalisé ces scores qu’il s’est empressé de nous les annoncer.

M. François Grosdidier – Vous auriez été tellement contents des résultats contraires !

M. Noël Mamère – La représentation nationale peut lire la presse ; nous n’avons pas besoin qu’un ministre se fasse le petit télégraphiste des syndicats proches de la droite et de l’extrême droite. Vous venez de faire de la politique politicienne, de l’effet de manche, et vous êtes en train de flatter la partie la plus droitière de votre majorité en clamant haut et fort : « Vive les syndicats de droite et d’extrême droite ! Nous pourrons continuer notre politique répressive ! » – et les banlieues pourront à nouveau s’enflammer ».

M. François Grosdidier – L’amalgame avec l’extrême droite est diffamatoire !

M. Jean-Pierre Blazy – Rappel au Règlement. Est-ce le rôle du ministre de nous donner le résultat des élections professionnelles ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP) Monsieur le ministre, vous venez de franchir la ligne jaune (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et de perdre des points sur votre permis de ministre !

M. François Grosdidier – M. Blazy parle en état d’ivresse !

M. Jean-Pierre Blazy – L’esprit partisan l’a une fois de plus emporté sur votre fonction ministérielle.

Puisque vous teniez tant à donner à la représentation nationale la primeur de ces résultats, vous auriez pu communiquer ceux de tous les syndicats.

M. François Grosdidier – Vous voyez que cela vous intéresse !

M. Jean-Pierre Blazy – Cela aurait été intéressant avant que l’on aille se coucher !

M. le Ministre délégué – Il ne s’agit en aucun cas d’une annonce officielle.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Il aurait fallu attendre que les résultats soient homologués !

M. le Ministre délégué – À aucun moment, ni le ministre de l’intérieur ni moi-même n’avons pris l’initiative de faire référence aux élections professionnelles en cours dans la police nationale. Il se trouve, simplement, que vous-même, Monsieur Blazy, ainsi que M. Dray, avez voulu engager une polémique, en promettant l’échec à certains syndicats et le succès aux autres, tout en donnant une couleur politique à ces syndicats. Il était donc naturel que je vous apporte une information sur les résultats.

Monsieur Mamère, une fois de plus, vos propos étaient très excessifs à l’égard de certains policiers. Vous feriez mieux de respecter le libre choix qu’ils viennent de faire de leurs représentants syndicaux. Ils méritent le respect de tous ici pour l’engagement qui est le leur au service de la sécurité des personnes et des biens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Michel Vaxès – Monsieur le président, je tiens à dire mon attachement à l’indépendance des organisations syndicales.

M. François Grosdidier – C’est un gag ! Nous terminons sur une note d’humour.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, vendredi 24 novembre, à 9 heures 30.
La séance est levée à 0 heure 5.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
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Préalablement,
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