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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du mardi 28 novembre 2006

Séance de 21 heures 30
32ème jour de séance, 70ème séance

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann
Vice-Président

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

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prévention de la délinquance (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance.

Art. 6 (précédemment réservé) ( suite)

M. le Président – J’ai été saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public sur le vote de l’article 6.

M. Pierre Cardo – L’alinéa 15 dispose que les parents, à l’issue du parcours d’accompagnement, reçoivent une attestation comportant un engagement solennel à se conformer aux obligations liées à l’exercice de l’autorité parentale. À quoi servira cet engagement, alors que ces obligations figurent déjà dans le contrat de responsabilité parentale et ont, de ce fait, valeur légale ? En outre, les parents ne risquent-ils pas de l’interpréter comme un certificat de bonne conduite ?

Demander un tel engagement à l’issue d’une démarche d’accompagnement par ailleurs très constructive n’apporte rien. C’est pourquoi je propose, par l’amendement 127, de supprimer l’alinéa 15 de l’article 6.

M. Philippe Houillon, président et rapporteur de la commission des lois – Avis défavorable.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille – Même avis. On ne peut certes pas attendre que cet engagement conduise toutes les familles à modifier leur comportement, mais les quelques familles qui le feront suffisent à justifier son utilité.

M. Noël Mamère – Cette attestation n’a pas sa place dans le dispositif prévu par l’article 6 – dont j’ai par ailleurs demandé la suppression – et ce n’est en aucun cas le rôle du maire de la délivrer. En effet, elle revient à attribuer une note de bonne ou mauvaise conduite aux parents. Au nom de quel principe le maire est-il en droit de le faire ?

Plus généralement, le conseil des droits et des devoirs des familles est une création inutile. Très souvent, les maires ont créé dans leurs communes des lieux de parentalité qui fonctionnent très bien dans le respect des rôles de chacun. Au contraire, vous proposez de transformer le maire en arbitre, apte à juger les familles. Voilà qui justifie la suppression non pas du seul alinéa 15, mais de l’ensemble de l’article !

M. Michel Vaxès – M. Lagarde nous accusait tout à l’heure de faire de la politique : c’est bien pour cela que nous sommes réunis. Mais c’est aussi d’une disposition législative que M. Mamère demande la suppression. Croit-on vraiment, en effet, que le conseil des droits et des devoirs que vous créez changera la vie de familles quotidiennement confrontées à la pauvreté ? Je revois le visage marqué par les difficultés de certains parents : un logement décent, un emploi, un meilleur pouvoir d’achat, voilà ce dont ils ont vraiment besoin ! L’expérience montre que nous disposons déjà de centres sociaux capables de fournir une aide aux devoirs ou aux relations familiales. Augmentez leurs moyens, plutôt que de créer cette structure inutile qui ne fera que donner des conseils de gestion à des parents qui n’ont presque plus rien à gérer ! Les aider à sortir de la pauvreté : voilà ce que devrait être notre priorité. Au lieu de cela, vous allez les culpabiliser en leur demandant de prendre un engagement solennel. Certes, ils ont besoin de conseils ; mais une loi ne se justifie pas !

M. Jean-Pierre Blazy – Nous avons également proposé la suppression de l’article 6. La loi, en effet, a une portée normative. Quelle est celle d’une attestation ? En outre, l’autorité morale du maire ne risque-t-elle pas d’être remise en cause ? Le maire est un médiateur essentiel, surtout dans les banlieues où, très souvent, il doit plus qu’ailleurs mouiller sa chemise pour résoudre les difficultés qu’éprouvent de nombreuses familles. Or, avec ce dispositif, vous le mettez en difficulté, et les familles avec lui !

M. Jean-Christophe Lagarde – S’il y a dans cette loi un alinéa totalement déplacé et incongru, c’est bien celui-ci. Ce texte vise à placer le maire au cœur du dispositif de coordination et d’alerte, le conseil des droits et des devoirs des familles, incitatif et non coercitif, allant également dans ce sens. Or, cet alinéa décrédibilise le maire au lieu de le conforter dans son rôle : il faudra donc que je délivre une attestation selon laquelle « les parents s’engagent à » quand le parcours d’accompagnement éducatif est achevé ? Je soutiens bien entendu l’amendement de M. Cardo.

M. Jacques-Alain Bénisti – Cet article 6 est fort utile, Monsieur Vaxès, mais je reconnais que ce ne serait pas le cas si tout allait bien dans nos communes.

M. Michel Vaxès – Donnez donc les moyens nécessaires pour que cela aille mieux !

M. Jacques-Alain Bénisti – Nous travaillons certes avec les centres sociaux culturels pour aider les familles, mais que faire si l’une d’entre elles manifeste de la mauvaise volonté ? Cet article 6 confère au maire toute l’autorité nécessaire.

M. le Président – Je mets aux voix l’amendement 127.

L'amendement 127, mis aux voix, n'est pas adopté.

(Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Blazy – Je demande la parole !

M. Noël Mamère – Moi de même.

M. le Président – Nous en venons au scrutin public sur l’article 6. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

À la majorité de 25 voix contre 18, sur 46 votants et 43 suffrages exprimés, l’article 6 modifié est adopté.

M. Jean-Pierre Blazy – Rappel au Règlement. Je souhaitais demander un vote par assis et levés sur l’amendement 127 car des vérifications minutieuses s’imposaient. Vous n’avez pas cru utile de le faire, Monsieur le président, et vous avez précipité dans de très mauvaises conditions le scrutin public.

M. le Rapporteur – Ce n’est pas vous qui présidez.

M. Jean-Pierre Blazy – Je demande donc une suspension de séance puis un nouveau vote sur l’amendement 127.

M. le Président – La suspension de séance est de droit mais je ne vous permets pas de mettre en cause la présidence : j’ai compté scrupuleusement le nombre de votants et l’amendement 127 a été repoussé. Le vote par assis et levés est une prérogative du président et non d’un délégué de groupe.

M. Jean-Christophe Lagarde – Rappel au Règlement fondé sur l’article 58, alinéa premier, du Règlement.

Je condamne les conditions de travail qui sont les nôtres depuis la résolution du 7 juin 2006 s’agissant en particulier du droit de rectification des amendements par les parlementaires, désormais caduc. Outre qu’un délai nous est imparti pour déposer des amendements – ce qui est logique – nous ne pouvons désormais plus les rectifier comme nous le faisions auparavant afin de trouver un accord après échanges de vues avec la commission ou le Gouvernement.

Notre capacité de légiférer s’en trouve ainsi réduite, alors même que le Règlement n’a pas été modifié. Seule l’interprétation qui en est faite a changé. Il y a là une inégalité de traitement par rapport au Gouvernement qui peut amender, modifier, rectifier des amendements quand il le souhaite (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Je suggère que nous travaillions ensemble à rétablir un droit d’amendement plus équilibré au profit des parlementaires.

D’autre part, nous allons aborder l’article 7 qui donne le pouvoir au maire de saisir le juge en cas de difficulté. Dans cette hypothèse, l’article 6 prévoyait la saisine du conseil général ! Cette incohérence explique que le groupe UDF se soit abstenu sur l’article 6 alors même qu’il approuve la création du conseil des droits et devoirs des familles.

Attaché aux droits du Parlement et à la capacité d’amendement des députés, je souhaite qu’on revienne à l’interprétation traditionnelle du Règlement ou, à tout le moins, que l’on nous informe de ses évolutions.

La séance, suspendue à 21 heures 55, est reprise à 22 heures 5.

après l'Art. 6 (amendements précédemment réservés)

Mme Patricia Adam – Les deux articles additionnels que je vais proposer traduisent une autre façon de concevoir la prévention de la délinquance et la protection de l’enfance. L’article 6 qui vient d’être voté va semer la confusion et stigmatise les populations en difficulté, alors que pour éviter la montée de la violence, l’important est de créer un environnement favorable aux familles. J’aurais d’ailleurs aimé que ces deux amendements soient examinés avant l’article 6.

Le premier, l’amendement 682, reprend une disposition qui figure dans le projet de loi sur la protection de l’enfance, que nous espérons examiner au mois de janvier. Il concerne le partage d’informations à caractère secret et précise que celui-ci ne peut se faire que dans le cadre de la protection de l’enfance – donc de la prévention des risques : il s’agit de permettre aux professionnels de partager des informations qui leur sont nécessaires pour prendre les bonnes décisions. Il précise aussi que le père, la mère et toute autre personne exerçant l’autorité parentale sont préalablement informés, selon des modalités adaptées, sauf si cette information est contraire à l’intérêt de l’enfant.

M. le Rapporteur – La commission n’a pas examiné cet amendement mais à titre personnel j’y suis défavorable dans la mesure où, comme Mme Adam l’a dit elle-même, il reprend une disposition du projet sur la protection de l’enfance, dont nous débattrons très prochainement. Il ne faut pas mélanger les sujets.

Mme Patricia Adam – C’est pourtant ce qu’on fait depuis le début de la discussion de ce texte !

M. Philippe Bas, ministre délégué – Avis défavorable également, pour la même raison : les deux textes n’ont pas le même objet, et toutes les dispositions concernant dans celui-ci la coordination des travailleurs sociaux portent sur tous les domaines de compétences de ces derniers à l’exclusion de la protection de l’enfance. Celle-ci, qui relève principalement du président du conseil général, fait l’objet d’un texte spécifique, et il faut éviter la confusion entre les deux sujets. Cela dit, je vous suis très reconnaissant de l’hommage que vous rendez au projet du Gouvernement sur la protection de l’enfance : je prends note de votre impatience à l’approuver.

M. Noël Mamère – Monsieur le ministre, sans éprouver de compassion pour vous car ce n’est pas notre rôle, j’observe que vous êtes en train de défendre un projet de loi qui n’est pas le vôtre, que vous êtes convaincu qu’il y a de la part du ministre de l’intérieur une déviance par rapport à la protection de l’enfance, convaincu que nous aurions dû examiner votre projet sur le sujet avant celui sur la prévention de la délinquance, lequel entretient la confusion sur le rôle du maire et sur les compétences du conseil général. Quant à nos collègues de l’UDF et d’une partie de l’UMP, ils ont bien noté que l’article 6 contenait un tissu d’erreurs et vous ont demandé, au nom de l’intérêt général et de la protection des familles, de retirer ces dispositions. En tant que maires, en effet, ils savent bien comment les choses se passent, et ils ont compris que le dispositif que vous cautionnez, Monsieur le ministre – mais je suis sûr qu’au fond de vous-même vous n’êtes pas d’accord avec le ministre de l’intérieur –, va mettre le maire dans une situation pénible et renforcer la stigmatisation de certaines familles.

Le groupe socialiste a raison de présenter ces amendements, et Mme Adam a raison de dire que la logique politique aurait été de les présenter avant l’article 6. Nous verrons bientôt que l’article 7 accroît encore la confusion sur les pouvoirs du maire, qui devient quasiment un juge pour enfants, à tout le moins le supplétif du procureur.

M. Jean-Marc Roubaud – C’est scandaleux de dire cela !

M. Noël Mamère – Expliquez-nous pourquoi, et dites-nous ce que vous trouvez de bon dans ce texte !

M. le ministre délégué à la famille nous promet que son texte va être débattu bientôt à l'Assemblée nationale. Quand ? On ne le sait pas. Or je constate que, déjà, le Gouvernement a repoussé sine die l’examen du projet sur les OGM, qui a été examiné en première lecture par le Sénat, ainsi que celui du projet sur l’eau. Et nous entendons des membres de la majorité et du Gouvernement nous expliquer qu’il n’y a pas de plus grande priorité que la lutte contre l’effet de serre !

M. Jacques-Alain Bénisti – Hors sujet !

M. Noël Mamère – Et nous entendons le ministre de l’intérieur nous dire qu’avec ce projet de loi, il n’y a d’autre priorité que la sécurité. Eh bien, nous verrons si ce texte mal ficelé, qu’on passe son temps à amender, pas seulement sur les bancs de l’opposition, ira plus loin que l’affichage. Je crains, pour le travail législatif et l’image que les Français se font du Parlement, que ce texte ne voie jamais le jour. Il est déjà passé au Sénat, ne donnera pas lieu à une CMP, et la navette ne fera qu’entretenir la confusion. Mais le ministre de l’intérieur s’en fout pas mal ! Il a déjà fait son annonce, a obtenu son effet politicien, et, nous prenant pour une armée des ombres ou une bande d’imbéciles, se garde bien de venir s’expliquer. De sorte que nous, parlementaires soucieux de l’intérêt général, venons faire notre travail sans que cela serve à rien sinon à favoriser les visées électorales d’un ministre de l’intérieur, qui devrait démissionner de ses fonctions pour se consacrer à ses ambitions présidentielles (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Marc Roubaud – Pitoyable !

M. Philippe Bas, ministre délégué – Nous devrions poursuivre ce débat sans recourir à l’insulte, en respectant les personnes, leur action et leurs fonctions,…

Mme Patricia Adam – À condition qu’on nous respecte !

M. Philippe Bas, ministre délégué – …et en évitant les anathèmes et procès d’intention qui, à coups de grandes envolées verbales, voire verbeuses, nous éloignent du texte. Nous faisons du sur-place depuis tout à l’heure, pour des raisons qui n’ont que fort peu à voir avec les amendements appelés en séance (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Je vous invite donc à vous référer au texte plutôt qu’à vous lancer dans des généralités un peu creuses (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Blazy – Ces généralités un peu creuses, Monsieur le ministre, l’article 6 en donne un très bon exemple !

Monsieur le Président, sans mettre en cause votre probité, il me semble que ce qui s’est passé avant la suspension de séance, tout à l’heure, démontre une certaine précipitation. Je vous en laisse juge.

Monsieur le ministre, nous voudrions vous rendre hommage à propos de votre texte sur la protection de l’enfance, que nous aurions aimer discuter, comme cela a été le cas au Sénat, avant celui sur la prévention de la délinquance. Nous reconnaissons que vous avez su pratiquer la concertation, et d’ailleurs, les sénateurs socialistes se sont abstenus ; c’était, même, une abstention positive. C’est toute la différence avec ce texte, qui n’a fait l’objet d’aucune concertation, ni des maires, ni des différents ministères, ni des organismes compétents ; ainsi, le Conseil national des villes a dû s’auto-saisir. S’il y avait eu consultation, nous n’aurions pas à discuter de généralités creuses.

Tout en étant creux, le texte n’en est cependant pas moins dangereux. L’alinéa 8, concernant le pouvoir du conseil pour les droits et devoirs des familles de proposer au maire une réaffectation des prestations familiales, manque cruellement de précision. Le Conseil constitutionnel nous dira si le principe de légalité des délits et des peines en droit pénal, s’applique au droit social, ce que nous pensons.

Si nous proposons, après l’article 6, de réintroduire votre texte, c’est qu’il nous paraît plus équilibré, et qu’il faut être clair sur ce qui relève de la protection de l’enfance et ce qui relève de la prévention de la délinquance. Le flou des périmètres emporte un risque, en particulier pour les maires.

M. Jacques-Alain Bénisti – La commission prévention du groupe d’étude parlementaire sur la sécurité intérieure a entendu 75 professionnels de l’enfance, enseignants, travailleurs sociaux, magistrats… Le travail de consultation a donc été mené. Ces professionnels nous ont demandé de ne pas confondre protection de l’enfance et prévention de la délinquance. C’est pourquoi nous avons scindé les dispositions en deux textes.

Mme Patricia Adam – Nous n’avons pas entendu les mêmes personnes !

M. Jacques-Alain Bénisti – Je ne parle évidemment pas des syndicats gauchistes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), qui n’ont d’autre position que critique. Je parle des vrais professionnels, que l’on retrouve sur le terrain ! (Même mouvement)

L'amendement 682, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Patricia Adam – L’amendement 684 propose un travail commun des maires, chargés des politiques de prévention, et des présidents de conseils généraux, à qui reviennent la protection de l’enfance et l’action sociale dans son ensemble.

Nous avons accepté à l’article premier que les deux puissent se coordonner, mais les articles 5 et 6 ont introduit une grande confusion. Nous proposons d’apporter clarté et cohérence. Il s’agit d’inscrire dans la loi que les présidents de conseils généraux organisent territorialement leurs services, et qu’ils ont l’obligation de travailler, par voie conventionnelle, avec les maires pour définir des politiques en matière d’action sociale et de protection de l’enfance, ainsi que de tout ce qui relève de la prévention de la délinquance, de manière coordonnée.

Cet amendement va même plus loin, puisqu’il propose que le recueil des informations puisse être organisé de manière territoriale. Ce qui importe, ce n’est pas qu’un tel assume telle responsabilité, mais de garantir une bonne coordination des services, dans le respect des missions des uns et des autres…

M. Jacques-Alain Bénisti – Cela ne peut pas se passer comme cela !

Mme Patricia Adam – …et des déontologies de chacun, par voie de contractualisation. C’est de cette façon que nous pourrons éviter des drames comme celui qu’a évoqué M. Lagarde.

M. le Rapporteur – La commission n’a pas examiné cet amendement, auquel je suis, à titre personnel, défavorable, pour les mêmes raisons que sur l’amendement précédent.

L'amendement 684, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Nicolas Perruchot – L’amendement 371 fait suite à une visite du ministre Christian Estrosi dans ma ville, où il a rencontré les correspondants de nuit qui travaillent dans la ZUP de Blois.

Même si certains bénéficient de contrats de droit commun, la plupart des correspondants de nuit ont un statut de contrat aidé, sans perspective de carrière, alors qu’ils jouent un rôle de médiation sociale de grande proximité très utile – on l’a vu à l’automne 2005. En privilégiant les contacts, ils contribuent de manière importante à la prévention de la délinquance. Il est donc nécessaire de leur conférer un statut plus digne. Ces hommes et ces femmes des quartiers sensibles, qui sont le plus souvent employés par des réseaux associatifs, travaillent à partir de 17 heures, jusqu’à minuit, voire 2 heures du matin, pour que chacun se sente en sécurité et comprenne la nécessité du dialogue. Il serait légitime qu’ils bénéficient d’une évolution de carrière au bout de quelques années. Ce serait à la fois une juste reconnaissance de leur travail et un signe fort.

M. Jean-Christophe Lagarde – Très bien !

M. le Rapporteur – La commission a repoussé cet amendement (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). C’est une bonne idée, mais nous sommes là dans le domaine réglementaire. Il ne s’agit en effet que d’accorder un label. L’amendement renvoie d’ailleurs au décret pour la définition de ce qu’est un correspondant de nuit. J’ignore enfin – mais M. le ministre pourra nous le dire – si une concertation a été organisée sur le statut de cette profession.

M. Nicolas Perruchot – M. Estrosi s’est engagé !

M. Philippe Bas, ministre délégué – Cet amendement est en effet de nature réglementaire. Si le rôle des correspondants de nuit doit être reconnu, cette activité relève de la médiation sociale, qui compte déjà neuf « compartiments ». Mieux vaudrait, dans une optique de professionnalisation des médiateurs sociaux, rattacher les correspondants de nuit à l’une des certifications existantes que créer un statut particulier applicable aux seuls correspondants de nuit. Le Gouvernement n’est donc pas favorable à cet amendement.

M. Jean-Pierre Blazy – Nous soutenons cette proposition, qui est aussi celle de nombreuses associations d’élus, notamment le Forum français pour la sécurité urbaine. Il y a certes plusieurs métiers, Monsieur le ministre. Mais l’expérience des correspondants de nuit, lancée dans un premier temps à Rennes, s’est généralisée. Les communes ont voulu qu’un service public soit au contact des habitants la nuit pour contribuer à assurer la tranquillité publique. Un véritable métier est né : il faut le reconnaître et lui donner un statut. Qui plus est, cet amendement a toute sa place dans une loi qui prétend faire du maire le pivot de la politique locale de prévention.

M. Lilian Zanchi – La définition du correspondant de nuit étant renvoyée au décret, nous dit le rapporteur, son statut ne relève pas de la loi. J’observe que la définition du coordinateur, que nous avons nommé tout à l’heure, sera également précisée par décret. Ce qui vaut pour l’un doit valoir pour l’autre.

Un colloque sur l’expérience des correspondants de nuit s’est tenu il y a quelques mois à Rennes à l’initiative du Forum français pour la sécurité urbaine, qui regroupe 140 villes de toutes tendances politiques. La conclusion a été qu’il fallait reconnaître le métier de correspondant de nuit. La nuit, les policiers ne sont pas toujours les mieux placés pour répondre à la demande sociale. Ils font alors appel aux correspondants de nuit. Bailleurs sociaux, villes, conseils généraux et régionaux ont donc élaboré des programmes d’emploi et de formation. Tout cela existe. Il reste à reconnaître officiellement cette profession. Je rappelle que le CNFPT travaille sur la question. Je souhaite donc que cet amendement soit voté.

M. Jacques-Alain Bénisti – Nous sommes tous d’accord sur le fond. Mais le grade de médiateur social, avec le « sous-grade » de correspondant de nuit, existe déjà dans les cadres d’emploi de la filière médiation sociale – qui sont au nombre de six, Monsieur le ministre.

M. Jean-Pierre Blazy – C’est une armée de l’ombre ! (Sourires)

M. Jean-Christophe Lagarde – On peut comprendre que cet amendement relève du domaine réglementaire – encore que ce soit le cas de bien d’autres dispositions du texte. Mais votre collègue Christian Estrosi, Monsieur le ministre, a reconnu sur le terrain qu’il fallait faire quelque chose. On ne peut exercer cette fonction, essentielle dans les quartiers difficiles, sans avoir un minimum de perspectives. Sinon, on est renvoyé aux « grands frères ». Bref, cet amendement pourrait être retiré si le Gouvernement prenait l’engagement de reconnaître cette profession. Nous ne sommes qu’en première lecture : il a le temps de se prononcer.

L'amendement 371, mis aux voix, n'est pas adopté.

art. 7 (précédemment réservé)

M. Noël Mamère – Nous avions déjà demandé la suppression de l’article 6. Nous demandons à présent celle de l’article 7, qui ne fait qu’ajouter à la confusion et porte atteinte au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs. Il autorise en effet le maire à saisir le juge des enfants pour déléguer à un professionnel le contrôle des prestations familiales, dans le cadre de la mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial. Il y a là une confusion manifeste entre les missions de la justice, acteur à part entière de la prévention de la délinquance, et celles du maire. Il n’appartient pas à ce dernier de déclencher une procédure judiciaire de mise sous tutelle des prestations familiales, ni même de proposer au juge des enfants que le coordinateur soit désigné pour exercer cette tutelle aux prestations familiales. Cela ne ferait que stigmatiser davantage les familles en difficulté. Avec ce conseil des droits et des devoirs, on montre du doigt des familles qui ont déjà de grandes difficultés sociales.

M. Jacques-Alain Bénisti – Vous préférez les abandonner !

M. Noël Mamère – Au lieu de faire de la prévention, on préfère regarder les choses sous l’aspect de la sanction, comme si une famille en difficulté était d’abord une famille fautive, et ses enfants, dès le plus jeune âge, des délinquants.

Ces pouvoirs supplémentaires conférés au maire ne sont donc pas de sa compétence. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 7.

Le maire ne doit être ni un shérif, ni un éducateur, ni un procureur, ni un travailleur social, ni un garde-chiourme, …

M. Claude Goasguen – Caricature !

M. Noël Mamère – …ni celui qui décide qui sont les bons et qui sont les mauvais immigrés, rôle que lui confie la loi sur l’immigration. Quant on met en perspective les différentes lois que fait voter le ministre de l’intérieur, on s‘aperçoit qu’il y a danger pour la République. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Lilian Zanchi – Avec cet article, le maire qui a désigné un coordonnateur, lequel est un professionnel de l’action sociale, éducative, sanitaire ou un agent de collectivité territoriale, peut proposer qu’il soit aussi délégué, c’est-à-dire tuteur des prestations familiales. C’est donner au maire le rôle du responsable de la caisse d’allocations familiales, même si le professionnel dépend d’une autre autorité hiérarchique. On introduit une confusion dans les missions du coordonnateur d’une part, du délégué aux prestations sociales d’autre part.

Il est également prévu que le délégué aux prestations exercera sa fonction dans le cadre des règles posées à l’article L. 167-5 du code de la sécurité sociale, selon lequel c’est un décret en conseil d’État qui précise les conditions d’agrément des tuteurs et les choix des délégués à la tutelle. Dès lors, le maire choisira-t-il lui-même ou sur une liste préalablement encadrée par le Conseil d’État ? Auquel cas, on ne peut parler de son libre choix et, dans cette rédaction, l’article n’a aucune portée. De toute façon, le rapporteur va proposer par amendement que le maire se contente d’informer le juge de l’existence d’un coordonnateur qui peut être désigné comme délégué, sans proposer lui-même sa désignation. Ce sera un premier recul.

Enfin, cet article 7 fait référence à l’article L. 552-6. Or vous allez nous proposer dans quelques semaines un projet relatif à la protection de l’enfance dans lequel cet article sera modifié de sorte que le délégué aux prestations familiales percevra tout ou partie des prestations.

M. Jacques-Alain Bénisti – Mais non.

M. Lilian Zanchi – Il faudrait au moins mettre ces deux projets de loi en cohérence et préciser dès cet article 7 que le délégué va percevoir les prestations familiales. Sinon, cet article est vide, et il faut le supprimer.

M. Alain Néri – Très bien !

M. Pierre Cohen – On voit ici que, même s’il refuse de le reconnaître, le ministre de l’Intérieur a reculé par rapport à sa première version. Il voulait faire du maire un shérif.

M. Jacques-Alain Bénisti – Et ce n’est plus le cas. Faites-le comprendre à M. Mamère !

M. Pierre Cohen – Les associations de maires s’y sont opposées et depuis trois ans, le texte a donc évolué.

Cette version est peut-être moins mauvaise. Mais le maire a déjà un rôle de prévention et il coordonne déjà les acteurs de terrain dans les différents dispositifs. Avec cette loi, on crée l’illusion qu’il va régler les problèmes, et intervenir dans les domaines de l’éducation, de la police, de la justice même, alors qu’on ne lui en donne pas les moyens réels.

Cet article 7 lui donne un pouvoir répressif, celui de proposer la nomination d’un tuteur des prestations familiales. Quand une famille posera des problèmes, beaucoup de citoyens s’attendront donc à ce que le maire intervienne avec force. Mais en réalité, il n’a pas les moyens de le faire, et d’ailleurs beaucoup d’entre nous n’accepteraient pas de jouer ce rôle. On sera encore dans l’illusion. Mais heureusement, ce texte ne sera probablement pas appliqué.

M. Alain Néri – Une grande illusion qui causera une grande désillusion.

M. Jean-Christophe Lagarde – À l’article 6, le maire, dans son rôle de coordonnateur de la prévention de la délinquance peut, s’il pense que l’accompagnement parental ne se passe pas bien, saisir le président du conseil général. Et voilà que l’article 7 lui donne le pouvoir de saisir le juge des enfants ! Il ne peut pas mener ces deux actions concurrentes, ce serait au détriment de l’enfant. La seule solution est que le Gouvernement, qui est seul en mesure de le faire, rétablisse par amendement la cohérence entre ces deux articles.

Mme Patricia Adam – Nous voici donc parvenus au terme du débat (Rires sur les bancs du groupe UMP) puisque nous en sommes arrivés à une démonstration par l’absurde de l’incohérence absolue de ce texte, qui n’est que supercherie et affichage (Exclamations et protestations sur les bancs du groupe UMP). Il est tout bonnement inapplicable et d’une confusion si poussée que les ministres eux-mêmes ont du mal à se mettre d’accord. On lit ici que le maire pourrait proposer une mesure au juge des enfants ! Mais enfin ! Que devient l’heureux principe de l’indépendance de la justice ? Une suspension de séance est assurément nécessaire pour permettre au Gouvernement de se mettre d’accord avec lui-même.

M. Jacques-Alain Bénisti – Il suffit de lire le texte pour comprendre ce qui est proposé.

M. Alain Néri – Rien !

M. Jacques-Alain Bénisti – La simple énumération des institutions consultées… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Blazy – Mais justement ! Tout cela est illusoire ! Cet édifice est une usine à gaz !

M. Jacques-Alain Bénisti – M. Cohen a souligné que le texte a évolué. M. Mamère devrait donc cesser de répéter que le projet fait du maire un shérif puisque le maire n’est plus un shérif… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Alain Néri – Il l’était donc, vous le reconnaissez !

M. Jacques-Alain Bénisti – L’article organise la complémentarité entre les acteurs, l’objectif étant d’analyser complètement la situation des familles pour apprécier si la mise sous tutelle des prestations familiales est nécessaire. Le maire n’est pas un shérif, il est celui qui permet le dialogue. Le texte est on ne peut plus clair ; c’est vous qui en compliquez la lecture par la multiplicité de vos interprétations (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Fort heureusement, les articles 6 et 7 du projet donnent au maire un éventail de possibilités diverses.

M. Jean-Christophe Lagarde – N’ayant pas obtenu du ministre les éclaircissements que j’attendais, je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 23 heure 5, est reprise à 23 heures 20.

M. le Président – Nous en venons aux amendements de suppression de l’article. L’amendement 35 est défendu. L’amendement 305 l’est-il également ?

M. Michel Vaxès – Oui : cet article, qui permet au maire de saisir le juge des enfants afin qu’il ordonne une mise sous tutelle des prestations familiales et de proposer que celle-ci soit confiée au coordonnateur des professionnels de l’action sociale, nous pose deux problèmes.

Tout d’abord, le maire pourra saisir le juge dans les cas où le suivi social a révélé que sont compromises l’éducation de l’enfant, la stabilité de la famille et la tranquillité et la sécurité publiques. La mise sous tutelle, véritable contrainte imposée aux familles, ne dépendra donc plus de l’intérêt supérieur de l’enfant, mais de la sécurité publique ! Là encore, vous souhaitez surveiller et punir, quand nous préférons aider et prévenir.

D’autre part, autoriser le maire à confier la tutelle au coordonnateur de l’action sociale porte atteinte à l’indépendance de l’autorité judiciaire.

Nous proposons donc, par l’amendement 305, de supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Blazy – Nous proposons un amendement 685 identique, tout comme Mme Boutin d’ailleurs, qui, absente, ne pourra malheureusement pas défendre le sien. C’est dire combien votre texte suscite des réticences par-delà les clivages traditionnels !

Cet article est inutile et dangereux. Le droit commun, en l’état, est suffisant. En outre, votre dispositif crée une confusion entre les missions de la justice et celles du maire, à qui il n’appartient pas d’enclencher une procédure judiciaire de mise sous tutelle des prestations.

Les amendements 35, 305 et 685, repoussés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur - L’amendement 179 demande que la saisine du juge des enfants, ouverte au maire, soit faite conjointement avec la CAF.

L'amendement 179, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – En conséquence, les amendements 283, 128, 107 et 284 tombent.

Sur le vote de l’article 7, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

M. Dominique Tian – L’amendement 461 vise à confier au procureur de la République plutôt qu’au juge pour enfants la capacité d’ordonner une mise sous tutelle des prestations. La disposition permettra de mieux lutter contre les fraudes organisées aux prestations familiales.

M. Georges Colombier, suppléant M. Michel Dubernard, président et rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles – Avis défavorable : le juge des enfants doit rester compétent pour décider de la mesure la plus adaptée en cas de défaillance de l’autorité parentale.

M. Jean-Pierre Blazy – Rappel au Règlement. Le débat va si vite que même la majorité s’y perd. Si vous continuez à vous emballer de la sorte, Monsieur le Président, nous devrons saisir un conseil des droits du Parlement ! (Sourires)

L'amendement 461, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.
À la majorité de 47 voix contre 15, sur 65 votants et 62 suffrages exprimés, l’article 7, modifié, est adopté.

après l'Art. 7 (précédemment réservés)

M. Jean-Pierre Blazy – L’amendement 686 vise à supprimer l’article 44-1 du code de procédure pénale, introduit par la loi sur l’égalité des chances, votée, je le rappelle, grâce à la procédure du 49-3, et qui, sur ce point, annonçait déjà la dérive actuelle, qui consiste à faire du maire un délégué du procureur. En effet, elle a permis à celui-ci de proposer à un contrevenant de réparer son préjudice avant toute action publique – un pouvoir jusqu’alors réservé au procureur – sous forme de travail d’intérêt général, par exemple. Il s’agit pourtant d’une peine : l’intervention du juge est nécessaire.

Lorsqu’une de ces contraventions n’a pas été commise au préjudice de la commune, mais sur le territoire de cette dernière, le maire peut encore proposer au procureur de la République d’user de l’une de ses prérogatives telles que le rappel à la loi ou la composition pénale. En outre, le champ des infractions concernées sous le titre d’« incivilités » peut être très large et dépasser le champ des dégradations matérielles dont les bâtiments municipaux auront pu être l’objet. Il ne convient pas de confier de tels pouvoirs aux maires et de les transformer en auxiliaires de justice. Parce que nous sommes toujours dans la confusion des pouvoirs, l’article 44-1 du code de procédure pénale doit être supprimé.

L'amendement 686, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre Cardo – L’amendement 129 est défendu.

L'amendement 129, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 8 (précédemment réservé)

M. Noël Mamère – La possibilité, pour le maire, de faire un rappel à l’ordre nous ramène à nouveau dans le champ de la morale alors que le rappel à la loi, auquel il ressemble fort, relève de l’autorité judiciaire. Une fois de plus, c’est le principe constitutionnel de séparation des pouvoirs qui est mis à mal. En cas d’infraction de faible gravité, en effet, seul le procureur de la République peut ordonner un rappel à la loi. Le risque de confusion institutionnelle est encore accru par le cumul des pouvoirs qui pourraient être confiés aux maires : rappel à l'ordre prévu par l'article L. 212-2-1 du nouveau du code général des collectivités territoriales, pouvoirs et informations en matière d'hospitalisation psychiatrique… Après avoir donné au maire le pouvoir de s'immiscer dans le traitement de certaines infractions pénales – article 50 de la loi sur l’égalité des chances –, il est proposé de lui reconnaître un pouvoir de rappel à l'ordre verbal « lorsque des faits sont susceptibles de porter atteinte au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité, ou à la salubrité publique ».

Dans une rédaction antérieure, le texte prévoyait de permettre ce rappel à l'ordre « lorsque des faits portent atteinte aux règles régissant la vie sociale ». L'actuelle rédaction tente de mieux définir le champ de cette mesure en faisant expressément référence aux pouvoirs de police du maire, mais la nature des faits concernés reste indéfinie : l'exposé des motifs reste muet et vise d'ailleurs uniquement les faits qui seraient commis par les mineurs. Il apparaît ainsi qu'il s'agit de créer une énième forme de réponse aux « incivilités ». Le caractère flou du champ d'application de cette mesure exposera en outre les usagers à des réponses parfois incohérentes, l’application d'un rappel à l'ordre municipal n'excluant pas une réponse judiciaire. Enfin, le recours à ces dispositifs dans des communes de taille modeste exposerait les usagers à des risques d'atteinte à la vie privée. Les maires des petites communes, quant à eux, supporteront de lourdes responsabilités dont ils ne veulent d’ailleurs pas et qu’ils auront sans doute bien du mal à les assumer. Cet article 8 doit donc être supprimé.

M. Jean-Pierre Blazy – Avant que vous n’arriviez, Monsieur le ministre délégué à l’aménagement du territoire, nous avons déposé un amendement visant à supprimer une disposition contenue dans le Titre IV de la loi sur l’égalité des chances concernant la lutte contre les incivilités. Son article 51, devenu l’article 44-1 du code de procédure pénale, conférait en effet déjà aux maires, transformés ainsi en « délégués » du procureur, le pouvoir de proposer une transaction à un auteur de dégradation de bâtiment communal. Le décret en Conseil d’État a-t-il été en l’occurrence publié ? Si tel n’est pas le cas, pourquoi légiférer encore alors que des lois votées ne sont pas appliquées ? J’ajoute, à ce propos, que nous ne disposons toujours pas du projet de circulaire que vous deviez nous communiquer. C’est dire les conditions dans lesquelles nous discutons de ce projet !

Cet article 8 contribue un peu plus à la confusion, en l’occurrence entre les rappels à la loi décidés par l’autorité judiciaire lorsqu’a été commise une infraction pénale et le rappel à l’ordre qui semble porter sur des incivilités non pénalement répréhensibles. Le terme d’incivilité prête lui-même à confusion, certaines incivilités étant « infractionnelles » et d’autres non. L’article 8 dispose que le maire pourra rappeler à la loi dans le cadre de faits susceptibles de porter atteinte au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité ou à la salubrité publique. Quels sont donc précisément ces faits ne constituant pas des infractions pénales ? Les maires vont au devant de grandes difficultés !

M. Lilian Zanchi – Le Gouvernement a sans doute voulu rappeler aux maires qu’ils sont aussi des éducateurs, ce qui va dans le bon sens, mais cet article fait aussi référence au pouvoir de police du maire, conformément à l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. Cependant, comment le maire pourra-t-il l’appliquer ? Convoquera-t-il les familles ? Se rendra-t-il lui-même sur les lieux, par exemple en cas de tapage nocturne ? Les maires ne tendent-ils pas en fait à remplacer la police de proximité que vous avez supprimée ? Je vous rappelle que les juges considèrent que le maire, compte tenu précisément de son pouvoir de police, doit mettre en place les moyens nécessaires à l’exercice de celui-ci. Or, il sera seul !

M. Pierre Cohen – Quelle est la valeur réelle de cet article, Monsieur le ministre ? Soit on ne fait que reconnaître au maire un rôle qu’il exerce déjà en faisant savoir verbalement ou par écrit, dans le cas de nuisances de voisinage par exemple, qu’il y a des limites à ne pas dépasser ; soit on cherche à donner l’illusion que le maire, parce qu’il aura le droit de s’exprimer sur certains dysfonctionnements, va pouvoir régler les problèmes. Pour ma part, au début des années 90, quand les premiers tags sont apparus dans ma commune, j’ai cru opportun de rencontrer le jeune tagueur avec ses parents : je me suis aperçu que cela ne servait à rien, parce que le maire n’était pas considéré comme pouvant agir de la sorte.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire – Eh bien, justement !

M. Jean-Christophe Lagarde – Voilà un article sur lequel je suis en désaccord avec les intervenants précédents.

Lorsque j’ai eu l’honneur de me voir confier par mes concitoyens les clés de ma mairie, on m’a expliqué que je devenais officier de police judiciaire. Très sincèrement, j’aimerais qu’on m’explique un jour ce que cela veut dire concrètement. Tout ce que je sais, c’est que les habitants de ma commune me considèrent comme responsable de tout un tas de choses, au motif que je suis officier de police judiciaire, garant de l’ordre public et premier magistrat.

Cet article donne un semblant de contenu à cette qualité d’officier de police judiciaire reconnue au maire. M. Cohen, fort de son expérience, pense que cela ne sert à rien de convoquer les gens ; moi, j’aimerais pouvoir essayer, et cela en m’appuyant sur un texte de loi…

Mais je vous pose une question, Monsieur le ministre : si les gens ne répondent pas à la convocation, que se passe-t-il ? Est-ce que je saisis quelqu’un ? S’il ne s’agit pas d’un délit pénal, je ne saisis pas le procureur ; alors qu’est-ce que je fais ?

M. Pierre Cardo – Cet article me dérange dans la mesure où il évoque les « faits susceptibles de porter atteinte au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité ou à la salubrité publiques ». Moi qui me suis déjà retrouvé à plusieurs reprises au milieu d’émeutes, ou tout au moins de batailles rangées, je crains que ces dispositions ne conduisent à reprocher au maire de n’avoir rien fait alors qu’en réalité, il n’a pas les moyens d’agir. Rappeler à un gamin certaines règles de vie, c’est bien le rôle du maire ; en revanche, faire du rappel à l’ordre, c’est se substituer au délégué du procureur, et faire du rappel à la loi, c’est se substituer au juge. Je crois donc qu’il faut être prudent et rechercher une autre rédaction.

M. Jacques-Alain Bénisti – À cet article, il s’agit bel et bien de prévention, et non de répression. Mais en écoutant mes collègues, je constate que certains veulent rester des maires spectateurs, alors que d’autres veulent être des maires acteurs !

M. Lilian Zanchi – Nous voulons être acteurs de la prévention, et non acteurs de la répression !

M. Michel Vaxès – Par notre amendement 306, nous demandons la suppression de cet article, qui va contre le principe de la légalité des délits et des peines (M. le rapporteur s’exclame). En effet il reconnaît au maire la possibilité de procéder à des rappels à l’ordre pour des faits qui ne sont pas définis autrement que par leur caractère « susceptible de porter atteinte au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité ou à la salubrité publiques », ce qui laisse une grande marge d’appréciation. Ces rappels à l’ordre n’empêcheront pas une réponse judiciaire – réponse pénale pour les infractions pénales, rappel à la loi du procureur pour des infractions moins graves. Cet article participe donc de la confusion des rôles instituée par ce texte.

Par ailleurs, il ne rend pas obligatoire la présence des parents lorsque le rappel à l’ordre est adressé à un mineur, ce qui n’est pas logique si l’on se place dans une démarche éducative.

M. Jean-Pierre Blazy – Comme beaucoup de mes collègues ici, je suis un maire acteur. Mais acteur de quoi ? De la coproduction de la sécurité, dans le cadre du contrat local de sécurité et du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance. Le maire joue un rôle de pivot, mais certainement pas un rôle de délégué du procureur. Le rappel à la loi incombe à l’autorité judiciaire. En tant qu’autorité morale ou médiateur, le maire est véritablement acteur. Mais être acteur, ce n’est pas l’être à la place d’autres acteurs, à la place de la police ou de la justice. Ne créons pas la confusion, car cela aboutira à une « défausse » sur le maire, à qui nos concitoyens demanderont de répondre à tout, sur n’importe quel sujet. Si la chaîne des acteurs ne fonctionne pas, le maire n’aura pas les moyens, juridiques ou matériels, de se substituer aux uns et aux autres. Le problème est là. Si je demande la suppression de cet article par l’amendement 687, ce n’est nullement parce que je voudrais me contenter d’être spectateur.

Enfin, j’espère que le ministre répondra à la question que je posais dans ma première intervention : quels sont les faits susceptibles de porter atteinte au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité ou à la salubrité publics qui ne seraient pas des infractions pénales ? Car s’il s’agit d’infractions pénales, il faut saisir les autorités concernées pour poursuivre leurs auteurs.

M. le Rapporteur – Avis défavorable.

M. Christian Estrosi, ministre délégué – Je précise qu’il n’est pas question de rappel à la loi, mais de rappel à l’ordre. On ne peut pas à la fois nous reprocher de faire dans le « tout répressif » et s’opposer à cette mesure de prévention par excellence !

M. Jacques-Alain Bénisti – C’est en effet parfaitement contradictoire !

M. Christian Estrosi, ministre délégué – N’est-ce pas de la prévention par excellence que de se rendre auprès d’un gamin et de sa famille pour faire un rappel à l’ordre ? Vous dites que vous le pratiquez depuis des années, tout en reconnaissant que vous n’êtes pas crédibles, parce que ce rôle ne vous est pas reconnu...

M. Pierre Cohen – Ce n’est pas ça !

M. Christian Estrosi, ministre délégué – Eh bien, nous donnons aux maires la crédibilité et la reconnaissance qui leur font aujourd’hui défaut à cet égard. En outre, il ne s’agit que d’une faculté. L’intérêt, toutefois, c’est que ces rappels à l’ordre seront répertoriés pour que la police, et surtout la justice, en cas de faits plus graves, disposent d’un élément de référence pour pouvoir intervenir en connaissance de cause, sans se réfugier derrière le fait que la personne n’était pas connue. Cette mesure préventive est fort utile, et il est bien dommage que certains d’entre vous la rejettent.

M. Jean-Pierre Blazy – Répondez donc à ma question ! Quels sont les faits portant atteinte au bon ordre, à la sécurité, à la sûreté et à la salubrité publics qui ne sont pas des infractions ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué – C’est le cas, par exemple, du tapage dans les cages d’escalier…

M. Jean-Pierre Blazy – C’est une infraction !

M. Christian Estrosi, ministre délégué – …ou le fait de jeter ses poubelles par les fenêtres. Vous avez suffisamment d’expérience pour savoir ce que sont ces additions de petites nuisances quotidiennes qui pourrissent la vie de nos concitoyens. En refusant cette avancée, vous adressez un message à tous ceux qui sont victimes de ces nuisances et qui se demandent quand une autorité interviendra enfin pour rappeler à l’ordre.

M. Philippe Tourtelier – Ça recommence avec les messages à nos administrés ! Laissez-nous gérer cela ! Nous n’avons pas besoin de cet article, qui augmente la confusion. Nous nous adressons souvent à des jeunes qui ont du mal à s’y reconnaître dans le fonctionnement des institutions et de la société, et qui, en particulier, ne savent pas où est la frontière entre l’incivilité et le délit. Vous entretenez la confusion entre le rappel des règles de vie et le rappel à la loi, qui n’est pas du ressort des maires.

M. Christian Estrosi, ministre délégué – Il ne s’agit pas d’un rappel à la loi !

M. Philippe Tourtelier – Vous n’avez pas répondu à la question de M. Blazy. Qu’est-ce qui, dans votre rappel à l’ordre, n’est pas déjà couvert par la procédure de traitement des infractions ? Ni à celle-ci : qu’est-ce que vous faites si les gens ne répondent pas à la convocation ? Il faudra prononcer une sanction. Un rappel à l’ordre plus une sanction : vous êtes dans le judiciaire !

M. Jacques-Alain Bénisti – Qui parle de sanction ?

M. Philippe Tourtelier – Ce sera nécessaire pour que le dispositif fonctionne.

M. Lilian Zanchi – Il s’agit de rappel à l’ordre, car le maire assure l’ordre, la sécurité et la tranquillité publics ; mais sur le fond, c’est la même chose qu’un rappel à la loi.

Le maire a des pouvoirs de police, qu’il exerce par le biais d’arrêtés municipaux ; s’il n’a pas compétence pour prendre des arrêtés, il réfère à la loi. En matière de bruits de voisinage par exemple, il ne peut pas prendre d’arrêtés, tout en conservant des moyens d’action, en application de la loi sur les nuisances sonores. Sur le site internet du ministère de l’intérieur, il est écrit que, dans les communes à police étatisée, il incombe à la police de réprimer les atteintes à la tranquillité publique, sauf en ce qui concerne le bruit de voisinage, qui relève d’une infraction que le maire doit constater. Le maire a le pouvoir de dresser des procès-verbaux, lui-même ou par délégation à un autre officier de police judiciaire, à l’exclusion d’un agent de police municipale. Lorsque l’intervention concerne un lieu privé, le maire peut pénétrer dans l’habitation du requérant si ce dernier l’y invite pour constater les nuisances, ainsi que se présenter au domicile de l’auteur de l’infraction pour lui enjoindre de cesser les nuisances. Voilà ce qu’est le rappel à l’ordre ! Dans la première version du projet de loi, figurait même un article additionnel après l’article 8 qui disposait que les agents de police municipale pouvaient accompagner les maires au domicile en application de la loi sur le bruit. Assumez : tout cela découle du pouvoir de police du maire.

Une question, Monsieur le ministre. Vous avez dit que les rappels à l’ordre seraient répertoriés. Or l’article dispose que le maire peut procéder verbalement. Un document sera-t-il donc établi, et si c’est le cas, sous quelle forme ? S’agira-t-il d’un procès-verbal ? S’il y a procès-verbal, c’est qu’il y a infraction, et il faut alors que le procureur soit saisi.

Mme Patricia Adam – Excellente démonstration !

M. le Rapporteur – Chaque fois que j’entends de très longues interventions de cette sorte, je me dis qu’on n’a pas lu mon rapport. Je vous invite donc à le faire, car vous y trouverez les réponses à toutes vos questions. Pour bien vous en convaincre, je vais vous lire ce qui concerne le rappel à l’ordre par le maire : « La procédure, inscrite dans un nouvel article L. 2212-2-1 du code général des collectivités territoriales au sein du chapitre sur les pouvoirs de police municipale du maire, ne pourra être mise en œuvre que pour certains faits bien délimités. En effet, ce nouveau pouvoir du maire s’inscrit dans ses missions de police administrative : seront donc seuls concernés les faits « susceptibles de porter atteinte au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité ou à la salubrité publiques ». Cependant, le lien avec les pouvoirs de police municipale du maire n’est pas direct : le rappel à l’ordre n’est pas uniquement destiné à assurer la bonne exécution des arrêtés de police du maire dans ces domaines.

L’ensemble des atteintes au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publics ne relève en effet pas du pouvoir de police municipale du maire, notamment quand la police est étatisée. Pour autant, l’article L. 2212-2-1 autorisera les maires à formuler des rappels à l’ordre dans ces domaines.

Néanmoins, les faits susceptibles de susciter un rappel à l’ordre devraient concerner des faits n’ayant pas vocation à entraîner une réponse pénale. Cette procédure ne saurait donc être considérée comme empiétant sur les compétences des magistrats. »

M. Jacques-Alain Bénisti – Voilà !

M. le Rapporteur – « En premier lieu, le rappel à l’ordre sera destiné à apporter une réponse aux faits n’entraînant pas de qualification pénale, parfois qualifiés à tort d’« incivilités » : il pourra s’agir par exemple d’un comportement d’indiscipline réitéré au sein de l’établissement scolaire.

En second lieu, le maire pourra formuler des rappels à l’ordre à propos de faits pouvant entraîner une peine contraventionnelle. En effet, l’article 40 du code de procédure pénale, rappelé à l’article L. 2211-2 du CGCT, fait obligation aux maires, comme à toute autorité publique, de signaler au procureur de la république les crimes et délits dont ils ont connaissance dans l’exercice de leurs fonctions. Ainsi, l’utilisation du rappel à l’ordre à l’encontre d’un délit, même peu important, entraînerait l’obligation du maire de le signaler au procureur de la République dans la mesure où sa connaissance du fait délictueux serait établie avec certitude.

Ainsi, le rappel à l’ordre est d’abord destiné à rappeler les dispositions qui s’appliquent lorsqu’une personne a enfreint un arrêté de police municipale du maire, ou toute mesure de police administrative, ou encore lorsqu’elle a commis un acte contraventionnel de nature à porter atteinte à l’une des composantes de l’ordre public, tels la divagation d’animaux dangereux, les bruits ou tapages injurieux ou nocturnes, les violences légères, les destructions, dégradations et détériorations ayant entraîné un dommage léger, l’abandon d’épaves, d’ordures, de déchets…

Pour autant, le choix fait par le maire d’utiliser ce dispositif ne saurait faire obstacle à la mise en œuvre de l’action publique s’il y a lieu. Il ne s’agit en effet pas d’une mesure pénale alternative aux poursuites, contrairement à la procédure du « rappel à la loi », prévue à l’article 41-1 du code de procédure pénale. Le rappel à la loi est une procédure juridictionnelle permettant au procureur, éventuellement par l’intermédiaire d’un délégué du procureur, de rappeler à l’auteur d’une infraction les dispositions de la loi, plutôt que de déclencher des poursuites. Cet « avertissement » concerne généralement des infractions de faible gravité, commises pour la première fois. Il n’est pas inscrit au casier judiciaire.

Un fait ayant donné lieu à un rappel à l’ordre par le maire pourrait donc théoriquement également entraîner un rappel à la loi par le procureur si ce dernier en a eu connaissance. »

J’en viens aux modalités du rappel à l’ordre (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Je peux encore lire longtemps ! « Même s’il ne s’agit pas d’une mesure juridictionnelle, le rappel à l’ordre constitue une procédure qui n’est pas anodine. Il est donc utile qu’elle soit encadrée par des dispositions législatives. »

M. Jacques-Alain Bénisti – C’est on ne peut plus clair !

M. le Rapporteur – Voilà la réponse à vos questions. Si vous le souhaitez, je peux poursuivre la lecture du rapport : mon temps de parole n’est pas limité.

M. Lilian Zanchi – Vous ne m’avez pas répondu !

M. Michel Vaxès – Je remercie le rapporteur pour cette lecture instructive. Il est vrai que la date de dépôt du rapport nous a contraints à le parcourir un peu vite… Quoi qu’il en soit, c’est encore plus grave que ce que je pensais ! (Rires sur divers bancs) Cela se fait déjà, nous a dit le ministre.

M. Christian Estrosi, ministre délégué – Ce sont vos collègues qui l’ont dit !

M. Michel Vaxès – C’est vous, Monsieur le ministre. Si donc cela se fait déjà, pourquoi ne pas l’inscrire dans le texte ? Pensez-vous que les jeunes feront la différence ? Vous avez dit que l’on n’imposerait rien aux maires. Mais lorsque leur attitude ne sera pas conforme à votre philosophie, on les accusera de ne pas utiliser les possibilités que leur donne ce texte. Bref, on fera porter au maire la responsabilité de problèmes qui devraient être réglés par l’État ! Je ne vois pas en quoi cela préviendra la délinquance. Cela ne fera que brouiller davantage l’image du maire : vous en avez déjà fait un adjoint de la police, vous en faites maintenant un adjoint de la justice. Vous en faites le shérif annoncé par M. Marsaud en commission des lois !

M. Jean-Christophe Lagarde – M. le rapporteur a fort bien répondu en lisant son rapport. J’ajoute que, lorsqu’il n’y a pas de poursuite possible parce qu’aucune constatation ne peut être faite, Monsieur Blazy, quand bien même tout le monde sait de qui il s’agit, le maire pourra convoquer les enfants concernés et leurs parents – car cette disposition s’adresse en réalité aux mineurs. Rien ne lui interdit d’ailleurs de faire part de ce rappel à l’ordre au président du conseil général ou au juge pour enfants. Ce peut être un moyen de les alerter sur la dérive d’un jeune.

M. Pierre Cohen – Non seulement Pierre Cardo a raison, mais l’intervention du rapporteur ajoute à la confusion, car on nous a dit tout et son contraire. Soit on est vraiment dans la médiation, et dans la mesure où les maires contribuent déjà à ramener l’apaisement dans leur commune, cet article ne sert à rien. Soit, comme l’ont dit le ministre et le rapporteur, c’est en quelque sorte un préalable au jugement, et l’on s’inscrit dans la prévention-sanction. Lilian Zanchi s’est interrogé sur la forme de l’entretien. Si le rapporteur était allé plus loin dans sa lecture, il nous aurait dit que « le rappel à l’ordre doit être formulé verbalement » et ne doit donc pas « se matérialiser par un écrit remis à l’auteur des faits », se distinguant ainsi d’une procédure à caractère juridictionnel. Le ministre nous a dit le contraire ! Vous êtes en train de faire du maire un délégué du procureur !

M. le Président – Sur le vote de l’article 8, je suis saisi par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public.

M. Pierre Cardo – Ce que j’ai entendu de la bouche du rapporteur ne me rassure pas. Il n’est déjà pas facile d’être maire, mais cela risque d’être bien pire avec cet article 8 ! Certains se défausseront sur nous de leurs responsabilités. Je me demande si on ne réorganise pas complètement les pouvoirs de police : à l’État le maintien de l’ordre et la police d’investigation, au maire la police de proximité !

Ce qu’on demande au maire dans cet article relève en fait du « boulot » de la police. Avec quels moyens pourrait-il le faire ? On nous conteste sans arrêt notre compétence dans d’autres domaines, et dans celui-ci nous l’aurions ? Les maires sont déjà appelés à la rescousse dans toutes sortes de circonstances. Une nuit, on m’a fait venir alors qu’un homme avait pris plusieurs personnes en otage dans un appartement. Je me suis retrouvé seul devant une porte – le commissaire et les policiers, équipés de gilets pare-balle et armés, étaient en retrait. C’est seulement là qu’on m’a expliqué que l’homme était armé et menaçait de tirer ! Il s’agit certes d’un cas extrême ; mais combien de fois nous trouvons-nous dans une situation où nous ne savons pas très bien quel rôle nous jouons ! Le maire doit exercer une autorité bienveillante pour tenter de renouer le dialogue quand tout le reste a échoué. Qu’on ait la maladresse de lui confier un tel pouvoir, et il s’en trouvera d’autres qui seront trop heureux de se décharger sur lui. Je ne suis pas contre le principe, car je suis prêt à assumer mes responsabilités. Mais je ne peux voter l’article tel qu’il est rédigé.

Les amendements identiques 306 et 687, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Jean-Pierre Blazy – Je suis conduit à demander une suspension de séance pour que le ministre puisse nous répondre.

M. Jacques-Alain Bénisti – Obstruction !

M. Jean-Pierre Blazy – Non, vous avez entendu ce qu’a dit M. Cardo, qui n’est pas socialiste, mais est le maire expérimenté d’une ville où il est confronté à la délinquance. L’article 51 de la loi relative à l’égalité des chances, soit l’article 44-1 du code de procédure pénale, donne des pouvoirs importants au maire. La loi a été promulguée il y a plusieurs mois, mais les décrets d’application de cet article ne sont toujours pas parus. Nous avons besoin de savoir quel en sera le contenu. Par une sorte de fuite en avant, on nous demande de légiférer, pour se défausser de nouveau sur le maire. J’espère qu’après la suspension, le ministre pourra nous éclairer.

M. le Président – La suspension est de droit.

La séance, suspendue à 0 heure 35 le mercredi 29 novembre, est reprise à 0 heure 40.

M. Jean-Christophe Lagarde – Où le maire va-t-il procéder à ce rappel à l’ordre verbal ? Pour éviter à M. Cardo de le faire devant une porte derrière laquelle un tireur est embusqué, pour nous éviter de le faire un peu n’importe où, je propose par mon amendement 531 que le maire puisse convoquer par écrit l’auteur du fait pour procéder à ce rappel à l’ordre plus sereinement, dans son bureau. En outre, il y aura ainsi une trace de ces convocations au cas où il serait besoin un jour d’en faire état en justice.

M. le Rapporteur – La commission n’a pas examiné l’amendement. À titre personnel, j’émets un avis favorable, sous réserve de modifier ainsi la rédaction : « convoquer l’auteur afin de procéder verbalement ».

M. Pierre Cardo – C’est d’accord.

L'amendement 531 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Pierre Cardo – Je considère qu’il n’est pas dans mon rôle d’adresser un rappel à l‘ordre. Par l’amendement 159 je propose de confier plutôt au maire la tâche de rappeler au mineur les règles de vie en société. D’ailleurs, qui m’informera de ce qui s’est passé, sinon la police à la suite d’une main courante ? Le rappel à l’ordre est de son ressort.

M. le Rapporteur – Avis défavorable.

M. Christian Estrosi, ministre délégué – L’intention du Gouvernement est que le maire intervienne en cas d’incivilité pour rappeler les dispositions régissant l’ordre et la tranquillité publiques. Dans le cas d’un mineur, cela signifie lui rappeler les règles de la vie en société. Mais cette admonestation du maire a un nom dans le langage courant : c’est un rappel à l’ordre. Utiliser un terme moins fort serait en diminuer par trop l’effet. Je vous demande donc de retirer l’amendement.

M. Pierre Cardo – Je ne peux accepter cette rédaction. Le terme « rappel à l’ordre » ne convient pas car il sème la confusion en faisant jouer au maire le rôle de la police ou d’un délégué du procureur.

M. Jean-Pierre Blazy – Je n’ai pas eu du ministre la réponse que j’attendais. Nous ne savons donc toujours rien de la teneur des décrets d’application d’une loi qui date pourtant de plusieurs mois et nous ne pouvons vérifier comment ils s’articulent avec les dispositions du présent projet (Mouvements divers sur les bancs du groupe UMP). Je vois que mon intervention fait rire vos collaborateurs, Monsieur le ministre, ce qui me paraît inconvenant. Quand on prend des engagements, on doit les tenir ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Jacques-Alain Bénisti – Vous vous adressez à un ministre, Monsieur Blazy !

M. Claude Goasguen – C’est invraisemblable !

M. Jean-Pierre Blazy – Comment définit-on une incivilité ? Le terme est très ambigu. Certaines tiennent de l’infraction, d’autres sont bénignes. Comme le dit justement M. Cardo, il revient au maire de rappeler au mineur les règles de vie en société mais, quoi qu’il en soit, l’article n’a pas de consistance réelle. La sagesse serait de le réécrire.

M. Claude Goasguen – Eh bien, voyons !

M. Michel Vaxès – J’approuve l’amendement de M. Cardo, qui rétablit le maire dans ce que doit être sa fonction. Contrairement à ce que vous avez expliqué, Monsieur le ministre, il y a une grande différence entre « rappel à l’ordre » et « rappel aux règles de vie en société »…

M. Claude Goasguen – Hum…

M. Michel Vaxès – La différence, Monsieur Goasguen, tient à ce que M. Cardo vit, dans sa commune, les problèmes dont il parle, ce qui n’est pas le cas d‘un ministre qui habite Neuilly-sur-Seine. L’amendement de M. Cardo correspond à l’idée qu’il se fait de sa fonction, qui est d’aider les familles en difficulté, sans brouiller les représentations par l’usage d’un vocabulaire répressif.

L'amendement 159, mis aux voix, n'est pas adopté.
À la majorité de 38 voix contre 15 sur 55 votants et 53 suffrages exprimés, l’article 8 est adopté.

APRÈS L'ART. 8 (précédemment réservés)

Mme Patricia Adam – Je retire les amendements 690,693, 692 et 691, qui s’appliquent mal à cet endroit du texte.

ART. 8 bis (précédemment réservé)

M. Jean-Pierre Blazy – Cet article, introduit par le Sénat, dispose que le service public d’éducation doit contribuer à la lutte contre toutes les formes de violence. Soit. Mais si le ministre de l’éducation nationale était présent, nous pourrions lui demander comment il envisage l’application de cette mesure. L’éducation nationale peut contribuer à lutter contre la violence en milieu scolaire, ce qui n’est déjà pas mal. Mais comment ? Il est indiqué dans l’article qu’« à cet effet, les programmes d’enseignement, les activités complémentaires, post et périscolaires, ainsi que la vie scolaire elle-même prennent en compte cette exigence tant dans leur organisation que dans leur contenu. » N’est-ce pas déjà largement le cas ? Autrement dit, n’est-ce pas, une nouvelle fois, un article purement littéraire, et sans utilité ?

M. Lilian Zanchi – Dans le rapport qu’il a rédigé au nom de la commission, M. Houillon, traitant du champ d’application du rappel à l’ordre par le maire, indique que l’on peut parler d’« incivilité » lorsqu’on constate « un comportement d’indiscipline réitéré au sein de l’établissement scolaire ». Mais qu’en serait-il de l’indépendance des chefs d’établissement si les maires allaient y faire des rappels à l’ordre ? D’autre part, avec quels moyens l’éducation nationale peut-elle assurer les missions de prévention que l’on veut lui confier alors qu’en supprimant les emplois-jeunes vous avez supprimé les accompagnateurs scolaires ? (M. Goasguen proteste) L’important serait de rendre à l’éducation nationale les moyens nécessaires à l’accomplissement de ses tâches, dont l’enseignement de l’éducation civique. Mais le texte ne dit mot à ce sujet.

M. le Rapporteur – Par l’amendement 180, la commission propose la suppression de l’article adopté par le Sénat à la demande du groupe communiste, non pas parce qu’elle s’oppose au fond, mais parce que la demande est satisfaite par l’article L. 121-1 du code de l’éducation et par l’article 9 du présent projet. De plus, la commission des affaires sociales remarque à juste titre dans son rapport que la portée normative du texte est très limitée.

M. le Rapporteur pour avis suppléant – Je le confirme. La commission avait toutefois donné un avis favorable à l’adoption de l’article 8 bis.

L'amendement 180, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté et l’article 8 bis est ainsi supprimé.

APRÈS L'ART. 8 bis (précédemment réservés)

M. Jacques-Alain Bénisti – Les amendements 135 et 136 sont retirés.

Art. 9 (précédemment réservé)

M. Jean-Pierre Blazy – L’école, en dispensant une éducation civique, participe déjà à la prévention de la délinquance. Or, l’article 9 comporte deux dispositions très controversées dans ce domaine. La première concerne l’absentéisme : le maire pourra mettre en place un traitement automatisé. Pourtant, les textes actuels sont clairs : les cas d’absentéisme doivent être signalés au maire via le chef d’établissement et l’autorité académique. En pratique, ce n’est pas toujours le cas, mais faut-il pour autant que la loi s’empare de cette question règlementaire, alors que le dispositif de veille éducative, créé par la gauche, contient déjà des dispositions adaptées ?

M. Claude Goasguen – Non, il n’existe pas !

M. Jean-Pierre Blazy – D’autre part, vous ouvrez au maire la possibilité de tenir un fichier – encore un ! Est-ce vraiment nécessaire ? Encore une fois, vous risquez la stigmatisation : chacun sait que l’absentéisme ne conduit pas forcément à la délinquance, même si le décrochage scolaire peut être une circonstance facilitant le basculement d’un enfant vers une culture de rue. Mais surtout, vous imposez au maire un rôle qu’il ne souhaite pas forcément jouer. C’est en partenariat avec les établissements scolaires qu’il souhaite lutter contre l’absentéisme : à quoi bon un fichier ?

M. Claude Goasguen – Les fichiers existent déjà : ce sont ceux de l’éducation nationale !

M. Jean-Pierre Blazy – Les dispositifs actuels de veille éducative sont pertinents : le maire y est dans son rôle préventif, et non répressif. En revanche, la notion de fichier est si connotée qu’il y a là un vrai danger !

M. Lilian Zanchi – Le traitement automatisé des données personnelles constitue en effet un vrai danger. Pourquoi le maire devrait-il être renseigné sur toutes les prestations familiales, y compris pour des enfants ne posant aucun problème ? Qu’il soit informé des dispositions prises quant aux enfants qui ne sont plus scolarisés est logique. Mais pourquoi automatiser le traitement des données ? Les actuelles procédures relatives aux parents défaillants et à l’absentéisme suffisent : qu’elles soient respectées. D’autre part, le maire sera informé des avertissements sanctionnant les élèves, et effectuera en classe des rappels à l’ordre – acte préventif et non répressif, selon vous. Non contents de lui confier certains pouvoirs du juge ou du policier, vous lui donnez aussi une mission d’enseignant et de chef d’établissement ! Voilà qui justifie la suppression de cet article.

Enfin, les moyens actuels de la CNIL ne lui permettent pas de pleinement exercer la mission en la matière : les libertés individuelles ne sont plus garanties.

M. Pierre Cohen – Je reste très perplexe quant à l’opportunité d’un fichier mis à la disposition du maire et comportant des informations qui ne correspondent pas à ses compétences, d’autant que la CNIL ne s’y est pas encore déclarée favorable.

M. Christian Estrosi, ministre délégué Si : elle a donné son avis favorable.

M. Lilian Zanchi – Bien sûr ! Elle n’a même plus les moyens de travailler !

M. Pierre Cohen – Les dispositifs de veille et de réussite éducatives fonctionnent bien. Les enseignants savent identifier les dysfonctionnements – l’absentéisme, notamment – en amont et prévenir les difficultés de manière très précoce. Or, avec cet article dangereux, vous risquez de casser une dynamique efficace en mêlant le maire aux problèmes d’absences, alors que tant d’efforts ont été déployés pour établir un partenariat entre professionnels, sans l’intervention de décideurs.

La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.
Prochaine séance ce matin à 9 heures 30.
La séance est levée à 1 heure 15.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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