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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

3ème séance du jeudi 30 novembre 2006

Séance de 21 heures 30
34ème jour de séance, 76ème séance

Présidence de Mme Hélène Mignon
Vice-Présidente

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

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prévention de la délinquance (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance.

rappel au Règlement

M. Jean-Pierre Blazy – Nous avons la chance d’avoir le ministre de la santé avec nous ce soir, mais je regrette que le ministre d’État, le principal auteur du projet de loi de prévention de la délinquance, ait préféré débattre à la télévision plutôt qu’à l’Assemblée.

M. Pierre Hellier – Il est bien représenté !

M. Jean-Pierre Blazy – Certainement, mais j’aurais aimé l’interroger sur la décision que vient de prendre le Conseil constitutionnel et qui repousse la fusion entre Suez et Gaz de France jusqu’au 1er juillet, après la présidentielle donc – lui qui avait promis juré, lorsqu’il était ministre de l’économie, que cette fusion n’aurait pas lieu. La décision du Conseil donne raison, même si ce n’est pas sur le fond, à ceux qui ont combattu la fusion. Quoi qu’il en soit, c’est aux citoyens qu’il appartient désormais de se prononcer. Mais pour en revenir à mon rappel au Règlement, nous espérons donc la visite du ministre d’État d’ici la fin du débat, et peut-être tout de suite après son émission de télévision.

Art. 18 (précédemment réservé)

Mme la Présidente – Nous en arrivons aux articles 18 à 24 précédemment réservés.

M. Jean-Marie Le Guen – Avec ces articles, nous allons discuter de ce dont nous ne sommes pas censés discuter.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités Ça ne tient qu’à vous ! (Sourires)

M. Jean-Marie Le Guen – Les mieux intentionnés à votre égard, Monsieur le ministre, ont longtemps cru que l'Assemblée nationale n’aurait jamais à débattre de ces articles, car vous aviez laissé entendre qu’ils seraient retirés. Un amendement voté il y a quelques jours, dans un texte par ailleurs assez anodin, a en effet autorisé le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur ce sujet. Continuer à discuter de ces articles est donc tout à fait surréaliste. Mais je vous ne ferai pas l’injure de penser que ce débat ne pèsera pas dans l’élaboration des ordonnances. Nous sommes donc tout prêts à discuter maintenant des problèmes de la santé mentale, fût-ce dans le cadre de ce projet de loi sur la prévention de la délinquance et des annonces du ministre de l’intérieur, qui essaye d’épingler, de dépister des personnes susceptibles de devenir, un jour, des délinquants.

Comme nous, l’ensemble des professionnels du secteur ont protesté – psychiatres, directeurs d’établissements, associations de malades – contre cette idée saugrenue d’assimiler maladie mentale et potentiel délinquant. Formellement, on peut considérer que l’ordonnance est une sorte d’excuse du Gouvernement à l’égard des malades, de leurs familles et des professionnels mais, même déplacées, ses idées demeurent. Nous allons donc mener maintenant la discussion qui aurait dû avoir lieu bien en amont. Le problème est que les critères que vous voudrez faire prévaloir, Monsieur le ministre, sont bien différents de ceux qui fondent ces articles, qui sont fortement marqués par la vision du ministère de l’intérieur. L’article 18, par exemple, prévoit la divulgation d’informations concernant le malade. Nous considérons, pour notre part, que l’hospitalisation d’office n’est pas un signe de dangerosité, en tout cas pas permanente et pas pour les tiers. La menace que représente le malade pour lui-même peut être une de ses raisons, mais assimiler l’hospitalisation d’office à un facteur de risque pour la société est parfaitement inconvenant – et l’amalgame entre maladie mentale et potentialité de délinquance est illégitime.

Rien de cela ne peut masquer le retard important que notre pays connaît indiscutablement en matière de santé mentale.

M. le Ministre – Quelles sont, dans l’article 18, les dispositions qui ne visent pas à renforcer les garanties en faveur des patients ? Jamais les associations n’en ont critiqué le fond : ce qu’elles ont contesté, c’est la forme, c’est-à-dire le choix du véhicule législatif. Depuis le début des discussions, en septembre, Monsieur Le Guen, nous avons toujours été dans la même logique que les associations. Et nous avons reçu leur message sur la forme puisque nous avons changé de texte.

Si je suis là ce soir, c’est pour que le débat sur le fond ait lieu – et à ce propos, je vous prie de m’excuser d’avoir dû demander la réserve de ces articles. S’ils avaient été retirés, le Parlement aurait été privé de ce débat. Enfin, Monsieur Le Guen, je regrette que vous ayez traité le projet qui a été voté il y a quelques jours d’« anodin ». Sachant le temps et le talent que vous déployez dans la lutte contre l’obésité, je suis persuadé que vous n’avez jamais voulu dire que ce texte, qui contient des avancées pour les diététiciens, serait « anodin », et je suis sûr que cette profession ne vous en voudra pas un seul instant.

M. Jean-Marie Le Guen – Si les associations ne se sont pas exprimées sur le fond du texte, c’est parce qu’elles refusaient par principe de discuter dans le cadre du projet de loi sur la prévention de la délinquance. Sur le fond, vous connaissez très bien leurs positions sur la problématique de l’hospitalisation sans consentement, et de son évolution vers les « soins » sans consentement. L’une des réformes fondamentales serait en effet de ne plus considérer l’hospitalisation comme point d’entrée unique du parcours de soins. J’espère que dans l’ordonnance, vous parlerez moins d’hospitalisation que de soins à la demande de tiers. Au demeurant, il ne faut pas considérer que toutes les personnes hospitalisées d’office sont dangereuses.

Faut-il, s’agissant des sorties d’essai – d’une durée de trois mois renouvelable –, informer le maire ? Cela peut se justifier dans des cas très particuliers, mais il ne faut certainement pas que cela soit systématique. Il n’y a aucune raison, par exemple, d’informer le maire lorsqu’une personne en phase dépressive est hospitalisée parce que le risque est très fort qu’elle fasse une tentative de suicide. Il faut freiner la tendance des maires à vouloir tout savoir…

Voilà pourquoi nous proposons la suppression de l’article par notre amendement 654.

M. Philippe Houillon, président et rapporteur de la commission des lois – La commission l’a rejeté.

M. le Ministre  Avis défavorable.

L'amendement 654, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – Le Sénat a étendu aux procureurs l’information sur les sorties d’essai des personnes hospitalisées sans consentement. Cette information se justifie pleinement lorsqu’il s’agit de personnes qui ont été hospitalisées après avoir commis une infraction et bénéficié d’un classement sans suite, d’un non-lieu, d’une relaxe ou d’un acquittement en raison de leur trouble mental. Dans les autres cas, rien ne justifie l’information du procureur. L’amendement 257 modifie l’alinéa 4 en ce sens.

L'amendement 257, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Christophe Lagarde  Je propose par l’amendement 576 que l’on informe le maire quarante-huit heures avant la sortie d’essai, afin qu’il puisse prendre les mesures nécessaires, notamment quant à la sécurité du logement.

M. le Rapporteur – La commission ne l’a pas examiné, mais à titre personnel j’y suis défavorable : il n’y a pas de raison que le régime de la sortie d’essai soit différent de celui de la sortie définitive – pour laquelle le maire est informé sous vingt-quatre heures.

M. le Ministre  Avis défavorable également, même si je comprends votre souci, Monsieur Lagarde, d’assurer l’accompagnement matériel du retour à domicile. J’ajoute à l’argument du rapporteur le fait que votre amendement paraît très difficilement applicable.

M. Jean-Christophe Lagarde  La navette permettrait d’aligner les délais. Actuellement, la préfecture informe plusieurs semaines, voire plusieurs mois après… Vingt-quatre heures après, cela peut être déjà trop tard ; il est plus facile d’intervenir dans le logement quand la personne n’y est pas encore.

L'amendement 576, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'article 18 modifié, mis aux voix, est adopté.

après l'Art. 18 (amendements précédemment réservés)

M. Jean-Marie Le Guen  Notre amendement 416 vise à introduire dans le code de la santé publique un chapitre intitulé « obligation de soins et période d’observation », précisant les cas dans lesquels une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être soignée sans son consentement, étant entendu qu’on ne saurait s’abstraire de la logique de la loi sur les droits des malades. Il tient compte de la situation particulière de la ville de Paris en matière de pouvoirs de police, que nous n’approuvons pas pour autant.

Mme la Présidente  Je suis saisie par le groupe socialiste d’une demande de scrutin public sur cet amendement.

M. le Rapporteur – Avis défavorable.

M. le Ministre  De même. Je ne comprends pas bien, Monsieur Le Guen : vous nous avez reproché d’inclure dans ce texte des dispositions sur l’hospitalisation d’office, et voilà que vous voulez en introduire sur l’hospitalisation à la demande d’un tiers ! Le rejet de cet amendement vous évitera des ennuis avec les associations, qui souhaitent une refonte complète de la loi du 27 juin 1990 et ne veulent surtout pas de confusion entre hospitalisation d’office et hospitalisation à la demande d’un tiers.

M. Jean-Marie Le Guen  Nous sommes là, Monsieur le ministre, pour parler du projet qui nous est soumis, même s’il est détestable…

À la majorité de 14 voix contre 6, sur 20 votants et 20 suffrages exprimés, l’amendement 416 n’est pas adopté.

ART. 19 (précédemment réservé)

M. Serge Blisko – Le groupe socialiste – et pas seulement lui – souhaite ardemment que cet article dangereux soit supprimé, dans la mesure où il tend à faire un amalgame entre malade psychiatrique et délinquant. Régies par plusieurs lois fondatrices – celle de 1838, celle de 1990 et la loi « droits des malades » de 2002 –, ces questions sensibles appellent un débat de fond, que nous ne pourrons certainement pas avoir ce soir. Elles nous concernent d’autant plus, en tant que législateurs, que le nombre de femmes, d’hommes et d’enfants de notre pays ayant besoin d’un suivi psychiatrique est en constante augmentation. Las, avec ce texte, plutôt que d’introduire de nouvelles pistes de réflexion, nous fermons le débat et je considère pour ma part qu’une telle évolution est parfaitement détestable. MM. Bertrand et Dubernard l’ont bien ressenti, la semaine dernière, à l’occasion du débat sur l’ordonnance concernant plusieurs professions de santé : sans vouloir offenser quiconque, force est d’admettre que l’on ne peut pas concevoir de la même manière le statut des diététiciennes et celui des médecins psychiatres !

Après, parmi tant d’autres, les drames de Pau et de Nanterre, nous avions une bonne occasion de repenser la chaîne de soins, pour éviter que des personnes qui sont écartelées entre les soins de ville et l’hôpital de jour ne soient perdues de vue et risquent de devenir dangereuses, pour elles-mêmes comme pour le reste de la société.

En intégrant la problématique psychiatrique dans un texte sur la délinquance et en faisant planer la menace d’un grand fichier des malades mentaux, votre projet va encourager les conduites d’évitement, les personnes en souffrance psychique préférant renoncer à se faire soigner de peur d’être signalées à leur maire, au procureur de la République ou au commissariat de leur quartier !

Malgré toutes les précautions que l’on croira de bonne foi avoir prises, l’existence même d’un fichier va à l’encontre de nos principes humanistes et du mouvement de libération de la psychiatrie à l’œuvre depuis 1945. Nous ne pouvons accepter que l’on tende à faire de la psychiatrie un instrument du contrôle social. Il y a là une rupture épistémologique que nous ne sommes pas les seuls à dénoncer, puisque toutes les organisations professionnelles de psychiatres et l’ensemble des associations de malades s’élèvent contre la présence de dispositions relatives à la maladie mentale dans un tel texte.

M. Jean-Marie Le Guen – Notre amendement 655 demande la suppression de cet article, dans la mesure où, comme vient de le dire M. Blisko, nous ne comprenons pas l’utilité de créer un fichier sur la base des hospitalisations d’office. Trop d’information tue l’information ! Nous ne contestons pas que certains malades soient potentiellement dangereux. Mais si les autorités médicales décident de les laisser sortir, c’est bien qu’une stabilisation de leur état a été constatée. Dès lors, à quel titre les pouvoirs publics peuvent-ils intervenir ? D’accord pour protéger la société de ceux qui présentent une dangerosité exceptionnelle, mais faut-il pour autant créer un fichier ? Pour nous, cela ressemble à de la gesticulation, de la part de personnes qui appréhendent ces problèmes d’une manière tout à fait extérieure. Va-t-on inscrire dans le fichier tous ceux qui ont été victimes d’une « cuite » carabinée ou ceux qui ont fait une tentative de suicide à l’adolescence, à la suite d’un chagrin d’amour ?

M. le Rapporteur – La commission a rejeté cet amendement.

M. le Ministre – Même avis. M. Le Guen veut nous entraîner sur le chemin du médical alors que le fichier dont nous parlons a une vocation exclusivement administrative. J’indique en outre qu’à la demande de la CNIL, nous avons prévu qu’aucune interconnexion ne soit possible et que les données ne puissent pas être rapprochées d’autres fichiers. Je le répète : ce fichier ne contiendra que des données administratives.

M. Jean-Marie Le Guen – À quoi servira-t-il ?

L'amendement 655, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Marie Le Guen – Notre amendement 417 vise à déconstruire le texte du Gouvernement en proposant, au lieu de créer un fichier national, de relier entre eux les fichiers départementaux Hopsy, gérés par les DDASS.

M. le Rapporteur – Rejet. Vous avez dit vous-même, Monsieur Le Guen, que trop d’information tuait l’information, et voilà que vous proposez, au risque de porter une atteinte grave aux libertés publiques fondamentales, d’interconnecter les fichiers existants. Je ne suis pas un spécialiste de ces questions, mais votre proposition me semble aux antipodes de ce que vous avez défendu par ailleurs. Sans doute seriez-vous bien inspiré de le retirer.

M. le Ministre – Même avis.

M. Jean-Marie Le Guen – Tout dépend de la manière dont s’opère l’interconnexion… (Rires sur les bancs du groupe UMP) Vous pouvez rire, mais le fond du problème, c’est que ni le ministre ni le rapporteur ne sont capables de dire clairement à quoi servira le fichier sur les hospitalisations d’office qu’ils demandent au législateur de créer.

M. le Ministre – La loi en vigueur ne permet pas de disposer d’informations sur les hospitalisations d’office intervenues dans les autres départements. Votre amendement aboutirait surtout à violer le secret médical puisque les fichiers départementaux pourraient être plus largement consultés. (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

L'amendement 417, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 258 vise à permettre aux préfets et aux personnes désignées par eux d’accéder au traitement national automatisé des mesures d’hospitalisation d’office. Le Sénat l’avait réservé aux DDASS alors que celles-ci n’assurent pas de permanence et ne peuvent donc pas toujours apporter les informations en temps utile.

L'amendement 258, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 259 est de conséquence.

L'amendement 259, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente – Cela fait tomber les amendements 577 et 428.

M. Jean-Christophe Lagarde – Je souhaiterais néanmoins dire un mot de mon amendement 577. L’amendement 259 dispose que « l’autorité judiciaire est destinataire des données enregistrées dans ce traitement » Je proposais, dans le mien, que le maire puisse être informé des hospitalisations d’office des personnes habitant sa commune. Il peut lui être utile, avant de prononcer une hospitalisation d’office, de savoir si la personne a des antécédents psychiatriques.

M. Jean-Marie Le Guen – Cela part d’un bon sentiment, mais ce n’est pas possible.

M. Jean-Christophe Lagarde – Ce qui se passe alors le plus souvent est que le maire, dans la difficulté d’apprécier la situation, appelle les pompiers. Il serait préférable qu’il puisse avoir accès à ce traitement national.

M. le Rapporteur – Nous ne pouvons pas discuter des heures sur des amendements qui sont tombés !

M. Jean-Christophe Lagarde – Je ne crois pas avoir abusé de mon temps de parole. Ce sont des sujets importants et si vous le souhaitez, Monsieur le rapporteur, je peux m’exprimer sur tous les amendements.

Mme la Présidente – Allons !

M. Jean-Marie Le Guen – Je comprends la préoccupation de M. Lagarde mais le secret médical interdit qu’un maire soit informé des antécédents médicaux d’une personne. À votre intervention, Monsieur Lagarde, on mesure d’ailleurs le danger de ce projet de loi qui laisse à penser à nombre de nos collègues maires qu’ils pourront désormais disposer de ce type d’informations.

M. le Rapporteur – L’amendement 260 vise à permettre la consultation du traitement automatisé par certains agents des préfectures, désignés et habilités par les préfets, dans le cadre de l’instruction des mesures d’autorisation de port d’arme.

M. le Ministre – Avis favorable.

M. Jean-Marie Le Guen – Les médecins ne sont pas des magiciens. Aucun d’entre eux ne peut garantir absolument que telle personne n’aura pas à un moment donné une bouffée délirante…

M. le Rapporteur – Ce n’est pas de cela dont il est question ici.

M. Jean-Marie Le Guen – En matière d’hospitalisation d’office, il existe des abus. Ce n’est pas moi qui le dis, mais le président de la commission des affaires sociales du Sénat, Nicolas About. Il rapporte ainsi le cas d’une personne handicapée venue mardi dernier dénoncer devant l'Assemblée nationale le traitement injuste dont elle s’estimait victime de la part de l’UNEDIC, et qui a été immédiatement saisie par neuf policiers, conduite à l’Hôpital Georges Pompidou, puis transférée à l’infirmerie psychiatrique de la rue Cabanis où elle a été déshabillée, fouillée, et où elle est restée enfermée jusqu’au lendemain matin à neuf heures. Alors seulement un psychiatre a pu l’examiner et constater qu’elle n’avait rien à faire là, son état psychique étant parfaitement normal. Il est regrettable que les policiers ne s’en soient pas aperçus plus tôt, conclut M. About. Devant de tels faits, on est autorisé à douter de la façon dont l’hospitalisation d’office est organisée, notamment à Paris.

L'amendement 260, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 261 est rédactionnel.

L'amendement 261, accepté par le Gouvernement,mis aux voix, est adopté.
L'article 19 modifié, mis aux voix, est adopté.

Art. 20 (précédemment réservé)

M. Serge Blisko – Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire tout à l’heure, la problématique des hospitalisations sans consentement n’a rien à faire dans un projet de loi de prévention de la délinquance. Notre inquiétude à voir de telles dispositions dans ce texte est largement partagée, y compris par des députés de votre majorité.

Peut-être pensez-vous avoir raison parce que vous êtes majoritaires mais pouvez-vous avoir raison contre les médecins, contre les malades, contre les associations ? Votre vision de la psychiatrie est extrêmement réductrice : vous ne l’abordez que par le biais de l’hospitalisation, en outre sa forme la plus grave, l’hospitalisation d’office.

Nous avons adopté tout à l’heure un amendement 260 disposant que le traitement national pourrait être consulté par des agents des préfectures. En réalité, votre objectif est d’organiser le contrôle social de toutes les personnes ayant des antécédents psychiatriques. Et le résultat paradoxal auquel vous aboutirez est que des personnes qui auraient besoin d’un suivi psychiatrique se garderont de consulter par peur de cette diffusion des informations et de la porosité des fichiers, et elles ne feront plus l’objet d’aucun contrôle.

M. Jean-Marie Le Guen – L’article 20 est sans doute celui qui illustre le mieux ce dont nous ne voulons pas. Aujourd’hui, il existe deux procédures d’hospitalisation sans consentement, l’hospitalisation d’office demandée par un représentant des pouvoirs publics – le maire ou le préfet – et l’hospitalisation à la demande d’un tiers, plus souple. Cet article transforme totalement l’architecture actuelle. La distinction entre hospitalisation d’office et hospitalisation à la demande de tiers ne s’opère plus selon le mode d’entrée, mais en fonction de la prétendue dangerosité de la personne pour la société.

Je comprends maintenant l’objet de l’article 19. Vous ne m’avez pas répondu quand je vous ai demandé à quoi servait le fichier des hospitalisations d’office, Monsieur le ministre : on va transformer l’hospitalisation d’office en hospitalisation de personnes présentant un danger particulier pour la société, alors qu’il faudrait au contraire rapprocher les deux. S’agissant des hospitalisations à la demande de tiers, le problème est aujourd’hui l’absence de tiers. Il faudrait que des personnes privées – associations de malades par exemple – puissent faciliter les hospitalisations à la demande de tiers, pour limiter le recours à l’hospitalisation d’office, lequel fait régulièrement l’objet de contentieux – il ne faut pas oublier que c’est une atteinte aux libertés individuelles. Il n’est donc pas impossible que la France soit condamnée un jour par la Cour européenne des droits de l’Homme.

Il faut à tout prix éviter de « ghettoïser » dans l’hospitalisation d’office toutes les personnes dangereuses pour la société. C’est pourquoi l’amendement 656 propose de supprimer cet article.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé cet amendement.

M. Jean-Christophe Lagarde – Si l’article 20 est adopté ou repris dans l’ordonnance, les personnes pouvant porter atteinte de façon grave à l’ordre public ne relèveront plus de l’hospitalisation à la demande de tiers. Le texte en vigueur dispose ensuite que « cette demande doit être manuscrite et signée par la personne qui la formule. Si cette dernière ne sait pas écrire, la demande est reçue par le maire, le commissaire de police ou le directeur de l’établissement qui en donne acte. » En pareil cas, comment serai-je en mesure – si cet article est adopté – de savoir si la personne qui me demande de recevoir sa demande représente une menace pour l’ordre public ?

M. le Ministre – Je ne suis pas sûr de vous comprendre. Ce sont des demandes qui émanent de la personne elle-même ou de sa famille.

M. Jean-Christophe Lagarde – Je m’explique. L’article L. 3212-1, qui est visé par l’article 20, dispose qu’une fois décidée l’hospitalisation à la demande de tiers, « cette demande doit être manuscrite et signée par la personne qui la formule. Si cette dernière ne sait pas écrire, la demande est reçue par le maire, le commissaire de police ou le directeur de l’établissement qui en donne acte. » Or, les personnes pouvant porter atteinte de façon grave à l’ordre public ne relèveront plus de cette procédure. Comment le maire pourra-t-il juger si la personne concernée est susceptible de porter atteinte à l’ordre public ?

M. le Ministre – Il n’y a rien de changé !

M. Jean-Christophe Lagarde – Si : on exclut une catégorie de patients de l’hospitalisation à la demande de tiers.

M. le Ministre – Ils relèvent donc de l’hospitalisation d’office.

M. Jean-Christophe Lagarde – Mais comment puis-je le savoir ?

M. le Ministre – La personne le demande. Nous sommes bien dans la procédure qui existait déjà.

M. Jean-Christophe Lagarde – Je vais essayer d’être plus clair. Aujourd’hui, une personne qui demande à être hospitalisée ou à faire hospitaliser un tiers et ne peut formuler sa demande par écrit doit le faire oralement auprès du maire. C’est le texte en vigueur. L’article 20 exclut de l’hospitalisation à la demande de tiers les personnes qui risquent de porter une atteinte grave à l’ordre public. Or, je ne sais pas, en tant que maire, si la personne qui me présente sa demande est dangereuse pour l’ordre public.

M. Jean-Marie Le Guen – C’est le déclassement de l’hospitalisation à la demande de tiers qui…

Mme la Présidente – Je ne vous ai pas donné la parole, M. Le Guen ! Je la donne à M. le ministre.

M. le Ministre – Quel dommage que nous n’ayons pas eu ce débat en commission…

M. Jean-Christophe Lagarde – C’était rapide !

M. le Ministre – Nous avions tout le temps. Quoi qu’il en soit, je vous propose de faire suivre ce membre de phrase des mots « qui relèvent, eux, de l’hospitalisation d’office. »

M. Jean-Marie Le Guen – Mais comment fait-on le diagnostic ?

M. Jean-Christophe Lagarde – Je crois qu’il faut revoir le texte.

M. le Ministre – Ce point peut en effet être précisé.

L'amendement 656, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Ministre – L’amendement 741 est rédactionnel.

L'amendement 741, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.
L'article 20 modifié, mis aux voix, est adopté.

art. 21 (précédemment réservé)

M. Serge Blisko – Cet article renforce le rôle du maire dans la procédure de l’hospitalisation d’office. Or, cette extension de ses prérogatives accroît démesurément son pouvoir dans le déclenchement de la procédure. Jusqu’ici, la décision de l’hospitalisation d’office ne relevait du maire qu’en extrême urgence. Nous sommes en train de passer un cap : demain, il pourra mettre la procédure en branle dès qu’il y a aura un trouble à l’ordre public.

Au regard de la Convention européenne des droits de l’Homme, notre situation n’est pas des plus confortables. Un certain nombre d’organisations sectaires s’intéressent à l’hospitalisation psychiatrique. Elles trouvent parfois des relais dans notre assemblée, puisqu’un groupe de travail sur le sujet a été créé sous cette législature. J’avais appelé l’attention du président de notre assemblée sur l’ambiguïté de ce groupe de travail, qui a tout de même auditionné au début de l’année la commission nationale pour les droits de l’homme et du citoyen, émanation bien connue de l’église de scientologie. Cette secte puissante se sert de l’hospitalisation psychiatrique pour attaquer l’ensemble de notre système de santé. Les dossiers que je reçois de ces groupes ne font allusion qu’aux erreurs médicales – malgré la grande qualité des psychiatres, la psychiatrie est parfois affaire d’appréciation subjective.

Ne tombons pas dans le piège d’une augmentation des hospitalisations d’office. Ce serait rendre un bien mauvais service aux maires et à la psychiatrie. Notre système ne donne pas entière satisfaction, mais il peut être amélioré. Il a mis des limites à l’intervention « extra-psychiatrique ». La liberté d’aller et de venir des malades reste entière. On peut refuser de se faire soigner dès lors qu’on est éclairé. Il est très délicat de priver de sa liberté une personne parce qu’elle représente un danger pour autrui ou pour elle-même. L’extension des pouvoirs du maire dans le déclenchement de la procédure n’incitera pas les personnes qui en ont besoin à se faire soigner.

M. Jean-Marie Le Guen – Les glissements opérés dans ce texte sont catastrophiques. D’abord, la décision d’hospitalisation d’office passe du préfet au maire. Il y aura donc désormais non plus une centaine de préfets appuyés sur des services, mais 36 000 citoyens qui pourront la prononcer. Ensuite, ils le feront non plus sur certificat médical, mais sur avis médical, en urgence. À ce compte, un geste d’humeur d’un paysan, une provocation, une grève de la faim peut-être, risque d’être considéré comme justifiant une hospitalisation d’office. Et de plus, dans l’alinéa 3, on atteint un summum dans la confusion entre la santé et le pénitentiaire, j’y reviendrai. L’amendement 657 tend à supprimer l’article.

M. le Ministre – Se fonder sur la notoriété publique, ce n’était pas mieux !

M. le Rapporteur – Avis défavorable.

M. le Ministre – Même avis.

L'amendement 657, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Marie Le Guen – Par l’amendement 418, nous proposons de substituer à la notion d’urgence celle de danger imminent, qui est plus précise.

M. le Rapporteur – La commission a émis un avis défavorable.

M. le Ministre – Défavorable. L’urgence, avec en plus avis médical, c’est quand même beaucoup mieux que ce qui existait.

M. Jean-Marie Le Guen – Je ne défends pas l’hospitalisation d’office telle qu’elle existait auparavant. Nous sommes tous d’accord pour modifier la loi de 1990. Mais à l’hospitalisation d’office, on tentait de substituer l’hospitalisation à la demande d’un tiers. Cela ne se passe pas facilement, c’est vrai. Mais maintenant, vous revenez à l’hospitalisation d’office en élargissant son champ. Il y a bien avis médical, mais le médecin se fondera sur ce qu’on lui dira de l’histoire et des gestes de la personne. C’est une garantie bien plus mince qu’un certificat médical.

M. Serge Blisko – Tout l’effort du Conseil national de l’ordre des médecins est d’encadrer le certificat d’internement, en envoyant un vade-mecum aux médecins, et de faire reculer les certificats sur papier libre. Mais l’avis sera-t-il écrit ou oral, en trois lignes ou sous forme de diagnostic ? À mon avis, le risque de dérive et de contentieux est lourd.

M. le Ministre – Il y a un avis uniquement dans l’urgence, dans tous les autres cas il y a certificat médical. Mais dans l’urgence, le médecin ne va pas repasser à son cabinet remplir un certificat.

L'amendement 418, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Marie Le Guen – L’amendement 419 supprime l’alinéa 3. Selon ce dernier, lorsque l’avis médical ne peut être immédiatement obtenu, ou que l’arrêté d’hospitalisation ne peut être exécuté sur le champ, « la personne en cause est retenue, le temps strictement nécessaire et justifiée, dans une structure médicale adaptée ». Mais de quoi s’agit-il ?

M. le Ministre – C’est mieux qu’un commissariat.

M. Jean-Marie Le Guen – Peut-être, mais là n’est pas le problème. La médecine n’enferme pas les gens. Si une personne doit être retenue, c’est à la police de s’en charger. De toute façon, à quoi pensez-vous ? Aux urgences de l’hôpital ? Un service médical où l’on peut retenir les gens, cela n’existe pas ! Une personne qui veut sortir de l’hôpital le peut. On ne peut pas dire qu’on y sera mieux qu’au commissariat parce que les gens sont habillés en blanc.

M. le Ministre – Le suivi médical, cela compte.

M. Jean-Marie Le Guen – Mais quelle est cette structure médicale adaptée où les médecins vont retenir les gens de force ?

M. le Ministre – Les urgences psychiatriques.

M. Lilian Zanchi – Aujourd’hui, pour demander une hospitalisation d’office, il faut l’intervention d’un médecin, demandée par la police et la gendarmerie, et ce médecin a sur lui un certificat qu’il signe. Je ne vois pas pourquoi, même s’il y a urgence, on veut se contenter d’un avis. De toute façon, il y a toujours des médecins de garde pour la préfecture de police.

Ensuite, quand le maire a signé l’arrêté sur avis médical, c’est à lui de trouver la structure adaptée. En ville il y l’hôpital psychiatrique. Mais en zone rurale ? Un de nos collègues, maire d’un village, m’a dit avoir passé des heures à chercher une structure parce que seul un hôpital psychiatrique peut accepter la personne hospitalisée d’office. En attendant, le maire doit garder la personne au CCAS ou dans une maison de retraite qui a un service de soins, et il est responsable pénalement.

M. le Rapporteur – La commission n’a pas donné son avis, Madame la présidente ! En revanche, deux personnes ont défendu l’amendement. Une nouvelle procédure, sans doute… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Il y a quand même un Règlement à respecter ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Normalement, seul l’auteur de l’amendement le défend.

Quoi qu’il en soit, l’article L. 3213-2 du code de la santé publique permet déjà au maire de prendre toutes mesures. Nous sommes ici un peu en retrait, puisque nous ne parlons que de retenue.

M. Lilian Zanchi – Dans quel lieu ?

M. le Rapporteur – Dans un établissement médical. En tout cas, ce n’est pas une nouveauté.

L'amendement 419, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Blazy – Je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.

La séance, suspendue à 23 heures, est reprise à 23 heures 15.

M. le Rapporteur – L’amendement 262 est rédactionnel.

L'amendement 262, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 21 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

Art. 22 (précédemment réservé)

M. Jean-Marie Le Guen – L’amendement 658 vise à supprimer cet article, car les garanties médicales qui y sont prévues sont insuffisantes. Le passage d’un à trois jours de la période d’observation d’un malade en crise est certes une amélioration, qui évite de prendre des décisions précipitées, mais ce n’est pas suffisant : il conviendrait de réfléchir avec les professionnels à des éléments de consolidation du diagnostic. Une rédaction plus fine permettrait une modernisation plus efficace et plus respectueuse du droit des malades.

L'amendement 658, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 263 institue un délai de 72 heures avant la confirmation de l’hospitalisation d’office, ce qui répond à une demande unanime : le délai de 24 heures est manifestement insuffisant pour établir un diagnostic.

L'amendement 263, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 22 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

Art. 23 (précédemment réservé)

M. Jean-Marie Le Guen – L’amendement de suppression 659 est défendu.

L'amendement 659, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 264 est rédactionnel.

L'amendement 264, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 23 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

Art. 24 (précédemment réservé)

M. Jean-Marie Le Guen – L’article 24 rend sensiblement plus difficile de sortir d’une hospitalisation d’office pour irresponsabilité pénale. Il prévoit en effet qu’il n’est mis fin à l’hospitalisation que sur l’avis convergent de deux psychiatres, au lieu, actuellement, de l’avis conforme de ces deux psychiatres et de l’avis de la DDASS – ce qui pousse à se demander si la décision ne reviendrait pas en fait au préfet.

M. le Ministre – Il me semble que cette formule des « avis convergents » est bien plus souple, puisque des avis conformes doivent être rigoureusement identiques !

M. Jean-Marie Le Guen – Tout ce qui est plus restrictif que la législation actuelle freine le processus de sortie. Ce n’est pas une garantie de bon fonctionnement de l’ensemble du système. C’est pourquoi l’amendement 660 propose de supprimer l’article 24.

L'amendement 660, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Marie Le Guen – L’amendement 420 rectifié est défendu.

L'amendement 420 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 265 vise à éviter une confusion.

M. Jean-Marie Le Guen – L’amendement 453 est défendu.

M. le Rapporteur – Avis défavorable.

M. le Ministre – Avis favorable sur l’amendement 265 et défavorable sur le 453.

L'amendement 265, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente – L’amendement 453 tombe.

L'article 24, modifié, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente – Nous en avons terminé avec ces articles réservés.

M. le Ministre – Je voudrais remercier l’ensemble des députés pour le climat dans lequel s’est déroulé cette discussion. Nous avons essayé de répondre au fond à des questions sincères, ce qui nous a permis de faire avancer le débat.

La séance, suspendue à 23 heures 25, est reprise à 23 heures 30.

Art. 29

M. Jean-Marie Le Guen – Cet article concerne l’injonction thérapeutique, qui n’a rien de novateur puisqu’une circulaire Peyrefitte du 7 mai 1978 la préconisait déjà.

Elle n’a de sens que pour les personnes dépendantes, ce que ne sont pas tous les consommateurs de cannabis. En outre, le corps médical reste dans le doute quant à la possibilité de soigner par la contrainte ; par ailleurs, il sera toujours attentif au respect du secret médical. Enfin, nous sommes très loin de disposer des ressources humaines permettant de répondre aux besoins.

J’ajoute que le président de la commission des affaires sociales avait souligné le caractère ambigu du mot « injonction » – qui fait penser à « injection » ! –. Mieux vaudrait parler d’obligation de soins.

M. Patrick Braouezec – Notre amendement 328 tend à supprimer l’article.

M. le Rapporteur – Avis défavorable.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice – Il est surprenant d’entendre demander la suppression de l’injonction thérapeutique… Je veux bien qu’on parle plutôt d’obligation de soins, mais proposer de la supprimer, c’est prendre une grave responsabilité ! Cette obligation de se soigner est un point fondamental de ce texte, la consommation de drogue, comme celle d’alcool, étant l’une des causes de la délinquance.

M. Jean-Marie Le Guen – Le 12 mai 1987, la circulaire Chalandon préconisait l’injonction thérapeutique dans le cas d’usagers récidivistes. On peut dire que par ce ciblage, elle était en avance par rapport à ce que vous proposez. La circulaire interministérielle du 14 janvier 1993, en revanche, généralisait le recours à l’injonction thérapeutique pour les usagers n’ayant pas commis d’autre infraction.

Ce qui est sûr, c’est que l’injonction thérapeutique n’a rien de nouveau. Ce qui l’est aussi, c’est qu’on n’a jamais eu les moyens de cette politique, et que ce texte ne les donne pas davantage…

L'amendement 328, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 290 rectifié est de coordination.

L'amendement 290 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – Le Sénat a supprimé la limitation de la mesure d’injonction thérapeutique à une durée de six mois, renouvelable une fois, considérant qu’il est difficile d’évaluer la durée nécessaire d’un traitement au cours duquel les rechutes sont fréquentes. Compte tenu de la nature nouvelle de l’injonction thérapeutique, il nous semble toutefois indispensable que la loi fixe un délai ; si l’injonction pouvait se poursuivre indéfiniment, il ne serait pas possible de constater l’extinction de l’action publique qui en est la conséquence.

L’amendement 291 a donc pour objet de fixer une durée maximale ; nous proposons que ce soit six mois, renouvelables trois fois.

M. le Garde des Sceaux  Avis favorable.

Monsieur Le Guen, l’injonction de soins n’est pas une sanction, mais une chance, même si c’est une modalité d’application de la peine. La réserver aux récidivistes ne serait pas un progrès ! La drogue, c’est toujours dangereux – mais sans doute n’est-ce pas votre avis, c’est là le problème.

M. Jean-Marie Le Guen – Pitoyable ! Vous n’y connaissez rien !

M. le Garde des Sceaux  Et vous, vous faites des propositions inquiétantes ! Il n’y a que le Parti socialiste pour considérer que l’injonction de soins est une peine !

M. Gérard Bapt – Les données sanitaires annexées au PLFSS révèlent que la consommation de cannabis ne vire à la dépendance que dans une proportion inférieure à 10 %. Certes elle est dangereuse même lorsqu’elle reste occasionnelle, mais l’injonction thérapeutique ne doit à l’évidence concerner que les cas de dépendance.

L'amendement 291, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – Les amendements 223 et 224 réparent un oubli.

Les amendements 223 et 224, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur – Afin de ne pas alourdir inutilement le dispositif, l’amendement 225 vise à supprimer une mention réglementaire pour faire en sorte que le juge d’application des peines ne soit pas systématiquement chargé de la mise en œuvre de l’injonction thérapeutique.

L'amendement 225, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 226 est de coordination.

L'amendement 226, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 29 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 30

M. Jean-Pierre Blazy – L’article 30 nous fait entrer dans les dispositions relatives aux mineurs, puisqu’il prévoit d’étendre la composition pénale aux jeunes de 13 ans et plus. Créée dans la loi de 1999 pour les majeurs, la composition pénale apparaît explicitement comme une peine, puisqu’elle figure au casier judiciaire…

M. le Garde des Sceaux  C’est vrai.

M. Jean-Pierre Blazy – Cela fait du reste naître une certaine contradiction, dans la mesure où le ministre nous a affirmé que l’injonction thérapeutique – qui a désormais vocation à figurer dans les mesures relevant de la composition pénale – ne devait pas être considérée comme une sanction, et moins encore comme une peine, mais comme une mesure d’aide, voire comme une chance. Le Gouvernement peut-il nous éclairer à ce sujet ?

M. le Rapporteur – L’amendement 227 est rédactionnel.

L'amendement 227, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 228 répond à un souci d’orthodoxie puisque, s’agissant d’une proposition de mesure de composition pénale, le terme de « condamné » est à proscrire.

M. le Garde des Sceaux  Tout à fait favorable. Un mot pour répondre à M. Blazy : oui, la composition pénale est une peine, et l’injonction thérapeutique, qui en relèvera désormais sous certaines conditions, doit être considérée comme une obligation. Dans la mesure où tout ce qui entre dans la composition pénale peut être assimilé à une peine, il est logique, en droit, d’admettre que l’injonction thérapeutique est une peine. Je souhaite cependant insister sur l’idée qu’elle vise moins à sanctionner l’intéressé qu’à l’aider à surmonter ses difficultés. En outre, l’inscription au B1 du casier judiciaire – accessible aux seuls magistrats – ne vise qu’à éclairer le juge sur un éventuel état de récidive, pas à stigmatiser la personne dans la suite de son parcours.

M. Jean-Marie Le Guen  Vous parlez des jeunes qui fument du cannabis comme s’il s’agissait d’habitants d’une autre planète ! La vérité, c’est que ce sont nos enfants, qu’ils vivent au milieu de nous et que la moitié des jeunes d’aujourd’hui ont déjà fumé. Ouvrez les yeux et ne considérez pas avec hauteur tous ces jeunes comme des malades !

L'amendement 228, mis aux voix, est adopté.

M. Patrick Braouezec  Notre amendement 329 rectifié supprime le dernier alinéa de l’article, nos préoccupations rejoignant celles qui se sont exprimées sur les bancs socialistes. Cet article étend les mesures qui peuvent être prononcées dans le cadre de la composition pénale. Il ajoute trois sanctions à celles qui existent déjà : l'obligation d'accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage des produits stupéfiants ; l'obligation de se soumettre à la mesure d'activité de jour créée par l'article 39 du présent texte ; l’obligation de se soumettre à une mesure d'injonction thérapeutique, lorsque les circonstances de fait ou de droit font apparaître que le condamné fait usage de stupéfiants ou fait une consommation habituelle et excessive de boisons alcooliques.

Ces nouvelles sanctions seront applicables aux infractions liées aux produits stupéfiants. Nous n'avons pas sur ce point de remarques particulières, sinon que nous regrettons qu’il soit proposé d’ajouter encore des mesures aux quatorze existantes dans le cadre de la procédure de composition pénale, laquelle ne garantit que très peu les droits de la défense, puisqu'elle est prononcée par le procureur de la République sans audience, sans débat contradictoire et, en particulier, sans dialogue préalable avec la personne à laquelle elle s'applique.

Par contre, nous sommes farouchement opposés au dernier alinéa de cet article qui autorise désormais la procédure de composition pénale pour les mineurs âgés d'au moins 13 ans. Nous y reviendrons lors de la discussion de l'article 35, mais nous tenions à préciser ici les raisons du dépôt de notre amendement de suppression de ce dernier alinéa.

M. le Rapporteur – Défavorable.

M. le Garde des Sceaux  Même avis. Monsieur Braouezec, la composition pénale, c’est excellent !

M. Jean-Pierre Blazy  Pour les majeurs, pas pour les mineurs !

M. le Garde des Sceaux  Mais si ! Au plan psychologique, cela permet au jeune de reconnaître ce qu’il a fait de répréhensible, et, par conséquent, de mieux accepter la peine. Ensuite, ce n’est pas le procureur qui décide seul, puisqu’un juge du siège, en l’occurrence un juge des enfants, homologue – ou pas – la décision d’y recourir. Les choses ne se passent donc pas dans l’obscurité des cabinets et la procédure permet de prononcer rapidement une peine qui sera sans doute plus facilement acceptée.

L'amendement 329 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'article 30 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 31

M. Patrick Braouezec  Notre amendement 330 tend à supprimer cet article qui étend la procédure de l'ordonnance pénale aux délits d'usage de stupéfiants. Cette procédure simplifiée, écrite et non contradictoire, ne prévoit pas d'audience de jugement. Le choix de l'étendre peut conduire à une condamnation à une amende et, le cas échéant, à une ou plusieurs peines complémentaires sans débat préalable. Il s'inscrit dans la volonté affichée d'organiser la répression de l'usage de stupéfiants. Cette approche pénale des problèmes d'addiction, en cas de simple usage, mérite quelques remarques.

L'utilisation de la voie pénale comme modalité de traitement d'un problème de santé publique nous interroge à plus d'un titre. Cette procédure ne va-t-elle pas empêcher une véritable orientation sanitaire et psychologique ? Les exemples étrangers n'ont-ils pas prouvé que la criminalisation de la toxicomanie était inefficace ? À l'inverse la médicalisation de la réponse et la prescription de produits de substitution n'ont-ils pas fait la preuve de leur efficacité au plan sanitaire et pour réduire la délinquance, notamment pour ce qui concerne la consommation d'héroïne ? Une politique tendant à réduire le nombre des consommateurs ne permet-elle pas de tarir le marché de l'offre illégale ?

C'est pourquoi nous considérons que seule la prévention sanitaire permettra d'obtenir des résultats satisfaisants.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé cet amendement.

M. le Garde des Sceaux  Même avis. L’ordonnance pénale, assez voisine de la composition pénale, ne concerne que les majeurs et ne requiert pas l’accord de l’intéressé. Si celui-ci la refuse, il va devant le tribunal. Ordonnance pénale pour les majeurs, composition pénale pour les mineurs, injonction thérapeutique à tous les stades de la procédure, voilà comment nous répondons à la non-application de la loi de 1970 pour les usagers de drogues.

L'amendement 330, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'article 31, mis aux voix, est adopté.

Art. 32

M. Patrick Braouezec – L’amendement 331 tend à supprimer cet article.

L'amendement 331, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'article 32, mis aux voix, est adopté.

Art. 33

M. Patrick Braouezec – L’amendement 332 de suppression est défendu.

L'amendement 332, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 229 prévoit qu’un décret définira les modalités d’agrément des associations dispensant le stage « stupéfiants », afin d’éviter certaines dérives.

L'amendement 229, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 230 est de coordination.

L'amendement 230, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 33 modifié, mis aux voix, est adopté.

Art. 34

M. Jean-Christophe Lagarde – Nous venons d’adopter toute une série d’articles modifiant la loi de 1970, dont chacun sait qu’elle n’est pas appliquée aujourd’hui. Le Gouvernement devra faire un effort important de communication auprès des publics concernés afin de leur faire savoir d’une part que la loi a été modifiée, d’autre part que dorénavant elle s’appliquera, faute de quoi se retrouveront en composition ou ordonnance pénale quantité de personnes qui ont pris l’habitude que la loi ne soit pas appliquée.

M. le Garde des Sceaux  Je ne suis pas aussi certain que vous que les usagers de drogues sachent que la loi de 1970 n’est pas appliquée.

M. Jean-Christophe Lagarde – Je vous jure bien que si ! Vous l’avez d’ailleurs dit vous-même tout à l’heure.

M. le Garde des Sceaux  Nous ferons savoir qu’il y aura maintenant une réponse pénale à l’usage de drogues. Nous ne cherchons pas la réponse la plus sévère, car c’est précisément en raison de son extrême sévérité que la loi de 1970 n’est pas appliquée, mais des réponses proportionnées et utiles, au premier rang desquelles l’injonction de soins.

M. Patrick Braouezec – L’amendement 333 de suppression est défendu.

L'amendement 333, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 231 vise à ne pas retenir comme circonstance aggravante pour les violences habituelles sur mineur ou personne vulnérable le fait d’avoir agi en état d’ivresse manifeste ou sous l’emprise de stupéfiants. En effet, il serait extrêmement difficile de démontrer qu’à chaque fait de violence, l’auteur était sous l’emprise de l’alcool ou de la drogue, surtout pour les faits les plus anciens. Par ailleurs, le caractère habituel des violences est déjà une circonstance aggravante qui s’ajoute à l’aggravation résultant de la qualité de la victime, mineur ou personne vulnérable.

M. le Garde des Sceaux  Avis favorable.

L'amendement 231, mis aux voix, est adopté.
L'article 34 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin vendredi 1er décembre, à 9 heures 30.
La séance est levée à 0 heure 10.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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