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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du mardi 5 décembre 2006

Séance de 15 heures
36ème jour de séance, 79ème séance

Présidence de M. Jean-Louis Debré

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La séance est ouverte à quinze heures.

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

privatisation de gdf

M. Jean-Marc Ayrault - La privatisation de GDF doit être tranchée par le peuple français lui-même : c'est l'exigence démocratique que nous n'avons cessé de défendre durant tout le débat parlementaire et c’est la conséquence de la décision du Conseil Constitutionnel. En reconnaissant que la privatisation ne peut entrer en vigueur avant l'ouverture du marché du gaz le 1er juillet 2007, le Conseil a fait échouer votre stratégie du fait accompli. Il revient aux Français, lors des élections présidentielle et législatives, de décider d'arrêter ou de poursuivre le processus de privatisation et de fusion. Voilà pourquoi nous vous demandons solennellement, Monsieur le Premier ministre, de désavouer votre ministre des finances qui veut imposer immédiatement le décret de privatisation ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Nous vous demandons solennellement d'interdire à GDF de signer tout protocole avec Suez qui ouvrirait droit à indemnisation des actionnaires en cas d'échec de la privatisation et de la fusion ! Cette prise en otage de l'État et des contribuables serait un scandale démocratique aux conséquences incalculables. Ni les Français ni vos successeurs n'ont à payer vos échecs industriels, non plus que la disparition du service public et des tarifs réglementés qu'impose votre privatisation ! Si les Français le décident en mai 2007, les socialistes s’engagent ici à annuler tout décret de privatisation de GDF.

Je n’accepterai pas de réponse dilatoire comme le font trop souvent vos ministres (Protestations sur les bancs du groupe UMP) : renoncez-vous à signer le décret de privatisation avant l’élection présidentielle ? Empêcherez-vous GDF d'établir un protocole d'indemnisation avec Suez ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l’industrie Vous avez jugé utile de déférer devant le Conseil constitutionnel le texte sur l’énergie voté de façon démocratique par les deux assemblées. Tel est votre droit, et je vous dis trois fois « bravo » parce que vous êtes pris à votre propre piège !

Bravo, parce que pendant 45 jours de débat, vous n’avez cessé de dire qu’il ne se passerait rien le 1er juillet 2007. Or, le Conseil constitutionnel vous a démentis de façon cinglante : le 1er juillet 2007, c’est l’ouverture des marchés de l’énergie, et il convient de s’y préparer !

Bravo, parce que pendant 45 jours, vous n’avez cessé de dire que la Constitution de 1946 et la loi de 1948 protégeaient le monopole de l’énergie. Or, le Conseil constitutionnel vient de vous démentir de façon cinglante en estimant que GDF pouvait être privatisée afin que l’entreprise puisse aller de l’avant !

Un bravo attristé, enfin, parce que, si le Conseil constitutionnel vient de valider le fait qu’il fallait une loi pour pouvoir maintenir les tarifs règlementés, votre saisine interdit aux Français qui déménagent de pouvoir continuer à bénéficier de ceux-ci.

Le Gouvernement et la majorité assument quant à eux leur responsabilité. Le Conseil constitutionnel a validé cette loi, et il convient maintenant de l’appliquer afin que les Français puissent bénéficier des tarifs règlementés. Parce qu’il y a des échéances électorales, une loi dûment votée par la représentation nationale et validée par le Conseil constitutionnel ne devrait pas être appliquée ? Ce serait un déni de démocratie !

GDF devra désormais présenter un nouveau calendrier pour tenir compte de ce nouveau cadre règlementaire, dans l’intérêt des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

privatisation de gdf

M. Jean Lassalle - Jeudi dernier, le Conseil constitutionnel a annulé certaines dispositions concernant les tarifs réglementés protecteurs des ménages et des entreprises. Or, les conséquences d’une telle annulation peuvent être très graves. En effet, d'après les meilleurs juristes, les six millions de personnes qui chaque année emménagent dans un nouveau logement seraient directement concernées par cette décision. Si l'ancien propriétaire ou locataire a opté pour un prix « libre », le nouveau locataire ou le nouveau propriétaire n'aurait pas le droit de bénéficier des tarifs réglementés. Six millions de personnes sont menacés d'une hausse considérable de leur facture énergétique, les cours s'étant envolés ces dernières années en dépassant de 30 % les plafonds déterminés par l'État dans l'électricité.

Mais les incertitudes juridiques ne s'arrêtent pas là. En effet, toujours d'après ces juristes, se pose la question du renouvellement des contrats de tarifs réglementés, dont nombre de familles et d'entreprises risquent de perdre le bénéfice. Les analystes et les investisseurs ne s'y sont d'ailleurs pas trompés, puisque le titre EDF ne cesse de s'envoler depuis jeudi dernier. Ce matin encore, il a augmenté de 3,65 %, soit une hausse de plus de 10 % depuis jeudi. MM. de Courson et Dionis du Séjour ont alerté à de nombreuses reprises le Gouvernement, lors de l’examen du projet de loi relatif à l'énergie, quant au risque de hausse de la facture énergétique pour les familles et les entreprises.

Si cela est confirmé, que compte faire le Gouvernement afin de les protéger d'une hausse très forte ? Quelles mesures envisage-t-il de prendre pour que la rente nucléaire d'EDF continue à profiter aux familles et aux entreprises plutôt qu'aux actionnaires d'EDF ? Enfin, la loi relative à l'énergie n'ayant toujours pas été publiée au Journal officiel, le Président de la République envisagerait-t-il de demander au Parlement une deuxième délibération comme le permet l'article 10 de la Constitution ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l’industrie Votre question renvoie à mon troisième « bravo », en l’occurrence attristé. En effet, le Conseil constitutionnel a conforté le Gouvernement quant à la nécessité de la loi pour que nos compatriotes puissent continuer à bénéficier des tarifs règlementés. Néanmoins, il a ajouté que ceux qui déménageraient dans un local non agrémenté aux tarifs règlementés ne pourraient plus en bénéficier. Cette bévue embarrasse évidemment l’opposition et nous allons voir avec la majorité comment il est possible de la corriger.

Quoi qu’il en soit, tous les Français bénéficient aujourd’hui de tarifs règlementés et ils continueront à pouvoir le faire après le 1er juillet 2007 grâce à la loi que nous avons votée. Seuls sont concernés par un éventuel changement ceux de nos compatriotes qui déménageraient dans un local ne disposant pas du gaz à l’origine. Oui, c’est là une bien triste bévue à laquelle nous devrons remédier ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

démocratie sociale

M. Maxime Gremetz - Hier, deux centrales syndicales ont lancé un appel solennel aux parlementaires et au Gouvernement. Dans le cadre de la réforme du dialogue social, les secrétaires généraux de la CFDT et de la CGT demandent au législateur d’inscrire dans la loi la réforme de la représentativité. Nous souscrivons sans réserve à cette démarche, car la démocratie sociale exige une réforme de grande ampleur. C'est du reste ce que propose le groupe communiste et républicain depuis vingt ans. On ne peut plus rester dans le système actuel, qui décourage ceux qui veulent une négociation collective vivante, au contenu plus riche, portée par des acteurs vraiment légitimes et ayant vocation à déboucher sur des accords conformes aux intérêts de la majorité des salariés.

Nous déposerons donc deux amendements principaux, qui s'inscrivent pleinement dans le sens d'une réelle démocratie sociale. Le premier vise à organiser une élection de représentativité, le même jour, à laquelle participeraient tous les salariés, quel que soit leur statut, avec maintien du salaire pendant l'absence nécessaire pour aller voter. Le second tend à subordonner, à tous les niveaux, la validité des accords au principe de l'accord majoritaire car c’est l’abc de la démocratie !

Monsieur le ministre, hier, vous avez pris connaissance du rapport du CES et vous avez entendu l'appel de la CFDT et de la CGT. Dès lors, êtes-vous prêt à inscrire immédiatement dans la loi la réforme de la représentativité et le principe des accords majoritaires, soit autant de gages d'un dialogue social dynamique et démocratique ? Puisque tout le monde l’attend, pourquoi reculer encore en renvoyant la question à un autre projet de loi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes La semaine dernière, au sein de votre commission des affaires sociales, nous avons échangé sur le projet de loi de modernisation du dialogue social que nous allons commencer d’examiner aujourd’hui. Conformément au vœu du Président de la République, ce texte prévoit que nulle réforme ayant une incidence sur les relations du travail, la formation professionnelle ou l’emploi ne pourra être soumise à la représentation nationale avant que les partenaires sociaux aient été mis en mesure de le négocier. Vous avez du reste vous-même admis, Monsieur Gremetz, que ce texte constituait une étape importante et je souscris pleinement à votre analyse, puisque j’ai indiqué à votre rapporteur, M. Perrut, que cette première étape en appelait d’autres.

Au terme d’un travail approfondi, le CES a présenté au Premier ministre, à M. Borloo et à moi-même, un rapport intéressant sur l’évolution de la représentativité syndicale dans notre pays, la validation des accords et le financement du dialogue social. Sur ces différents points, les rapporteurs relèvent de profondes mutations. Dès lors, il est apparu naturel au Premier ministre de nous demander d’engager un dialogue avec les partenaires sociaux pour élaborer un avant-projet de loi tendant à dégager des solutions concrètes sur les différents points que vous soulevez : quelle élection privilégier, comment l’organiser, quel critère de représentativité retenir, etc.

Ce qui est certain, c’est que c’est bien le gouvernement actuel qui a lancé une vraie réforme du dialogue social et que nous sommes au rendez-vous de la modernisation des relations avec les partenaires sociaux (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

CONTRATS D’avenir

M. François Vannson – L’emploi reste la principale préoccupation des Français et la priorité du Gouvernement. Parmi toutes les initiatives qui ont été prises pour faire accéder à une vie professionnelle stable ceux qui en sont le plus éloignés – soit les titulaires de minima sociaux comme le RMI, l’ASS, l’API ou l’AAH –, le contrat d’avenir, ouvert aux secteurs public et marchand, constitue une piste particulièrement prometteuse, car il profite aussi bien à l’employeur qu’au salarié, en faisant passer ce dernier de l’assistance à l’activité. Pourriez-vous, Monsieur Borloo, dresser un premier bilan des contrats d’avenir et nous rappeler leurs principaux avantages ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement – La semaine dernière a été signé le 100 000e contrat d’avenir conclu depuis douze mois. Ces contrats visent à offrir au titulaire d’un minimum social une rémunération basée sur le SMIC horaire, soit sensiblement supérieure à celle qu’il avait l’habitude de percevoir. Nombre de collectivités, d’associations, d’établissement publics et parapublics ont accompli un effort important pour faire aboutir ce dispositif d’insertion particulièrement performant. Las, l’effort reste inégalement réparti : si la moitié des départements ont su réorienter 50 % de leurs érémistes vers un contrat d’avenir, certains font beaucoup moins, et d’autres n’ont encore presque rien fait ! J’en appelle donc à la solidarité nationale en faveur des personnes les plus éloignées de l’emploi. Chacun doit se mobiliser pour éviter la perte de substance que génère leur inactivité. Un pas a été fait, mais il faut aller encore beaucoup plus loin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

APPRENTISSAGE DE LA GRAMMAIRE

M. Jean-Louis Christ – Monsieur de Robien, face au nombre de jeunes qui quittent le système scolaire sans aucune qualification, face à la montée de l’illettrisme, vous avez lancé plusieurs réformes visant à donner à tous les élèves les moyens de réussir leur scolarité. Parmi elles, il y a celle du socle commun qui commande un important travail d'adaptation des programmes du primaire et du collège. Le développement de l'apprentissage et la réforme des méthodes d’acquisition de la lecture participent également de votre ambition.

En parallèle, vous avez confié au professeur Bentolila, à l'académicien Erik Orsenna et à plusieurs spécialistes, une mission de réflexion sur la rénovation de l'enseignement de la grammaire, dans le cadre du socle commun. Le rapport afférent vous a été remis mercredi dernier. Pouvez-vous nous faire part de son contenu et des propositions que vous allez retenir pour améliorer l’apprentissage de la grammaire, fondamental pour celui de la langue et pour une bonne insertion professionnelle et sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche – M. Alain Bentolila, professeur de linguistique à l’Université Paris V, m’a remis son rapport la semaine dernière. Il a travaillé avec Erik Orsenna, de l’Académie française, et un autre professeur de linguistique de Paris V, M. Desmarchelier. Je retiendrai le meilleur de ce rapport afin de prendre des dispositions pour que tous les élèves connaissent la langue française, ce qui est le moins qu’on puisse demander. Dans cette intention, j’ai tenu à ce que commence dès la maternelle l’acquisition du vocabulaire et dès le CP l’apprentissage de la lecture. Il en ira de même désormais pour celui de la grammaire, qui structure la langue, et cela sans jargon, de manière à ce que les parents comprennent ce que les enfants apprennent. Dès le début de 2007, je proposerai donc aux professeurs des programmes rénovés pour que l’apprentissage de la grammaire soit progressif et systématique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF)

LUtte contre l’excision

M. Philippe Vitel – La loi d’avril 2006 sur les violences faites aux femmes a renforcé la répression en cas de mutilation génitale. Pourtant, cette tradition barbare n’a pas disparu et, selon les associations, 60 000 femmes sont encore concernées en France. C’est parce qu’un lourd silence pèse sur ces pratiques et qu’on ne connaît pas assez les associations auxquelles peut s’adresser toute personne ayant connaissance d’une menace d’excision pour une fillette. Par ailleurs, les possibilités de réparation chirurgicale sont aussi très mal connues.

Pour améliorer la prévention de ce type de violences aux conséquences physiques et psychologiques dramatiques, vous avez, avec le ministre de la cohésion sociale, réuni des professionnels, hier, à l’institut Pasteur. Quelles sont les conclusions de ce colloque ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDF)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités En effet, dans notre pays 60 000 femmes et fillettes ont été excisées ou risquent de l’être. Si cette pratique barbare a régressé en France, elle est parfois subie lors d’un retour au pays. Il est important d’abord de parler de ces traditions d’un autre temps. Il faut d’abord mieux informer les professionnels de santé et les enseignants qui peuvent être en contact avec une victime potentielle. Il faut aussi soutenir davantage les associations qui, depuis des années, ont fait évoluer les mentalités.

D’autre part, il faut permettre la réparation physique, même si nous savons bien que le dommage est aussi psychologique. Nous avons la volonté de prendre en charge tous les actes de réparation nécessaires, et des praticiens comme le professeur Foldès font un travail remarquable. Il faut aussi porter le combat sur le terrain européen et international. Lors de la réunion d’hier, des représentants européens étaient présents. Des pays africains modifient leur législation. Nous devons à tout prix accélérer cette évolution et modifier le regard sur la femme. Le silence sur la tradition est d’un autre temps. Aujourd’hui, nous devons aider ces femmes et ces fillettes (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Polémiques autour du Téléthon

M. Manuel Valls – Monsieur le Premier ministre, les accusations d'eugénisme formulées par plusieurs évêques concernant l'utilisation d'une partie des dons faits à l'Association française contre les myopathies pour financer la recherche génétique, sont scandaleuses. Elles affligent les familles et jettent le trouble dans l'esprit de futurs donateurs à quelques jours du vingtième téléthon.

Depuis sa création, l'AFM est engagée dans un combat pour défendre la vie, pour lutter contre les maladies rares et contre la souffrance. Les critiques se concentrent sur les diagnostics préimplantatoires et prénatals qui « instrumentaliseraient » l'embryon. Mais je rappelle que les diagnostics génétiques autorisés depuis 1995 permettent d'éviter des avortements systématiques.

Ces questions, qui ont fait l'objet de débats de grande qualité à l’occasion des lois sur la bioéthique, doivent être traitées avec méthode, comme l’a fait notre collègue Alain Claeys à propos de la recherche sur le fonctionnement des cellules vivantes dans le cadre des travaux de l'Office des choix scientifiques.

M. Jean Glavany – Très bon travail.

M. Manuel Valls – Une autre critique porte sur la transparence des dons. Or, l'action de l'AFM s'inscrit pleinement dans le cadre de la loi et des autorisations de l'agence de biomédecine.

Nous ne pouvons pas tolérer qu’on porte atteinte au principe de la laïcité. L’Église catholique a un rôle à jouer, mais son point de vue doit être entendu au même titre que celui d'autres religions, institutions, philosophies ou organisations. Elle n’a pas à exercer une quelconque pression sur une association reconnue d'utilité publique et sur les familles qui ont recours aux diagnostics génétiques ni à culpabiliser l'ensemble des donateurs.

À quelques jours d’un nouveau Téléthon, il est intolérable qu'une partie des évêques, influencés par des réseaux ultraconservateurs – et en particulier le mouvement anti-avortement lié à la fondation Lejeune –, puissent prendre l’événement en otage, en invitant les catholiques à ne plus encourager l'action de l'AFM. (Murmures sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Jacques Descamps – C’est faux !

M. Manuel Valls – Après la prise de position du Président de la République, il est essentiel que le Parlement et le Gouvernement manifestent leur attachement à la laïcité et leur soutien à l'AFM, lors de la manifestation nationale des 7 et 8 décembre prochains. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités Sur un tel sujet, laissons de côté la polémique (Plusieurs applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Elle n’a pas sa place quand il s’agit de la santé, moins encore à propos du Téléthon. Le Président de la République l’a rappelé très clairement hier en recevant les bénévoles et les responsables de l’AFM : le Téléthon se déroule dans le strict respect de la loi. Dans notre pays, les recherches dont il s’agit ici se font dans le cadre de la loi de bioéthique votée par le Parlement, à la suite de débats passionnants où se sont exprimées toutes les convictions, mais aussi la volonté que la recherche soit encadrée et ne se fasse pas dans n’importe quelles conditions. Nous avons publié les décrets appropriés ; en outre, le Conseil national d’éthique et l’Agence nationale de biomédecine veillent au respect des protocoles.

Il n’y a pas de place pour l’eugénisme en France. Les questions que vous posez ont trouvé leur réponse voici deux ans. La seule question qui vaille est celle du rassemblement de chacun autour des valeurs de partage et de solidarité, autour de la défense de la vie elle-même. Les Français auront à cœur de les défendre en fin de semaine à l’occasion du Téléthon ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe socialiste)

bilan de la loi sur les parcs nationaux

M. Jean-Pierre Giran – En avril dernier, la loi sur les parcs nationaux, très attendue, nous a permis d’adapter la loi fondatrice de 1960 en démocratisant le fonctionnement de ces établissements – leur existence est désormais le fruit d’une adhésion locale bien plus que d’une contrainte venue d’en haut. L’Assemblée l’a adoptée à l’unanimité : c’est dire la place qu’occupent aujourd’hui ces espaces d’exception dans la conscience nationale.

Outre l’évolution des sept parcs existants, la loi prévoit aussi la création de deux établissements publics – l’un chargé de la mutualisation de certains services, l’autre de l’harmonisation des règles s’appliquant à notre territoire maritime, le deuxième au monde – ,ainsi que la naissance de deux parcs ultramarins, en Guyane et à la Réunion.

Huit mois après la promulgation de la loi, où en est son application ? L’effort budgétaire consenti cette année sera-t-il poursuivi, voire accru ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Nelly Olin, ministre de l’écologie et du développement durable Les décrets d’application de cette loi ont été publiés le 29 juillet dernier. Conformément aux engagements du Président de la République, la création des parcs de Guyane et de la Réunion – pour lesquels des enquêtes publiques ont été conduites dès le mois de septembre – aura lieu d’ici trois mois. Une telle diligence a également permis la création rapide de Parcs nationaux de France, dont vous venez d’être élu président – et je vous en félicite. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Ceux qui n’ont pas été capables de créer des parcs feraient mieux de se taire ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

En outre, le décret sur l’agence des aires marines protégées et sur les parcs naturels marins a été publié le 17 octobre. L’enquête publique sur le parc naturel de la mer d’Iroise a été lancée le 20 novembre.

Quant aux crédits affectés aux parcs nationaux, les engagements du Premier ministre ont été tenus : ils sont en très forte augmentation ! En 2007, la France consacrera 47 millions à ses parcs nationaux et 4,8 millions à ses parcs marins. À n’en pas douter, le budget de mon ministère sera, dans les prochaines années, doté en conséquence.

M. Albert Facon – Super mamy !

Mme la Ministre – Certains hurlent alors qu’ils n’ont rien fait ; au contraire, le Gouvernement a agi en y consacrant les moyens nécessaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

grève des internes et des enseignants de médecine

M. Alain Marty – La médecine générale est essentielle à notre système de soins. Après l’examen national classant, passé en sixième année, certains étudiants choisissent une spécialité, d’autres optent pour la médecine générale ; leur cursus comporte six semestres de formation et un semestre de stage chez un praticien de ville.

Aujourd’hui, ces praticiens sont en grève, et les internes qu’ils accueillent en stage organiseront après-demain une journée d’action nationale. Ils demandent la création d’une filière universitaire de médecine générale. Ainsi, la discipline pourrait disposer d’enseignants universitaires et de chefs de clinique ambulatoire, les maîtres de stage seraient dotés d’un véritable statut et des thèses de médecine générale pourraient contribuer à la recherche médicale.

Des avancées importantes ont déjà été consenties. Aujourd’hui, quels sont les engagements concrets du Gouvernement en matière de calendrier et de moyens, afin de développer ces départements universitaires de médecine générale si importants pour la formation des praticiens et l’attractivité de la filière ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche Le Gouvernement travaille à un statut qui apporterait à la médecine générale la reconnaissance qui est accordée aux autres spécialités. Un diplôme d’études spécialisées a été créé dès 2004, et la médecine générale est désormais une option de médecine interne. Nous sommes actuellement engagés dans la création de la filière que vous souhaitez, avec la création de postes de chefs de clinique, de maîtres de conférence et de professeurs des universités – en 2006, nous avons déjà créé vingt postes de professeurs associés. Le décret relatif à cette filière sera publié en mars prochain. En outre, dès 2007, cinq millions supplémentaires seront affectés à la rémunération des maîtres de stage et vingt nouveaux postes de chefs de clinique seront créés. Une commission de nomination pourvoira aux autres postes évoqués.

Vous le voyez : le mouvement est lancé. Et pour cause : il ne s’agit de rien de moins que de la reconnaissance de la médecine générale au sein de notre système de soins ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

hausse du chômage

Mme Martine David – Le chômage a de nouveau augmenté en octobre : il frappe aujourd’hui 2,4 millions de personne, soit 8,8 % de la population active. Après celui du mois d’août, ce raté démontre que la machine à créer des emplois est en panne. Nos concitoyens souffrent au quotidien des défaillances d’entreprises, des plans sociaux et des délocalisations. Qu’il s’agisse de Suchard, Rhodia, Reynolds, Dim, Aubade, Saint-Gobain ou encore Valeo ou Faurecia, nombreuses sont les entreprises qui ont marqué l’actualité de ces dernières semaines !

Le chômage reste donc à un niveau préoccupant et la politique conduite par votre Gouvernement est un échec. Les largesses fiscales consenties aux plus riches, sans contreparties en termes d'emploi, n'améliorent le sort que de quelques-uns.

Non, ce n'est pas en laissant les patrons voyous procéder à des licenciements boursiers que l'on s'attaquera durablement au chômage ! Non, ce n'est pas en imposant une augmentation de la durée du travail que l'on incitera les entreprises à embaucher ! Non, ce n'est pas en favorisant la précarité que l'on relancera la consommation !

Monsieur le Premier ministre, vous ne pouvez utiliser la panne de la croissance française pour justifier cette nouvelle dégradation. Le temps n'est plus aux moulinets mais à un engagement ferme en faveur de l'emploi. Quelles mesures comptez-vous prendre pour faire reculer durablement le chômage ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement  Je ne vous autorise pas, Madame David, à lancer tous ces noms d’entreprises à des fins polémiques (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), alors que ce sont des drames industriels, sur lesquels nous intervenons immédiatement et le plus massivement possible, notamment avec des contrats de sites. Les utiliser ainsi est indigne de la représentation nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste) Je n’aurai pas l’outrecuidance de vous rappeler Vilvoorde.

Nous faisons en sorte que les demandeurs d’emplois soient reçus dignement, tous les mois, par les mêmes référents. Nous donnons des moyens considérables à l’ANPE, alors que vous avez naguère vidé les caisses des Assedic ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Oui, le chômage a baissé depuis deux ans…

Mme Martine David - Ce n’est pas vrai.

M. le Ministre - …mais je ne me satisfais pas pour autant du nombre actuel de demandeurs d’emplois. Je ne connais aucun ministre de l’emploi, qu’il soit de droite ou de gauche, qui pourrait en être joyeux. Mais la vraie question, c’est la mutation de notre pays et son offensive économique. Si vous croyez que c’est en répétant « dormez tranquilles, travaillons moins, ne nous adaptons pas » que l’on améliorera la situation de l’emploi, vous faites erreur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

journée de solidarité

M. Alain Gest – Le vieillissement de la population et la prise en compte du handicap réclament des moyens considérables. En 2002, nous avons trouvé d’une part une allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, mise en place dans la précipitation et non financée (Protestations sur les bancs du groupe socialiste), d’autre part d’immenses retards dans la construction d’hébergements pour personnes handicapées – c’est d’ailleurs devenu l’un des trois chantiers prioritaires du Président de la République.

Il y avait trois solutions pour financer les investissements nécessaires. La première consistait à faire comme nos prédécesseurs socialistes : décider quelque chose ici, le faire payer par les collectivités territoriales (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). La seconde consistait à créer une taxe ou un impôt supplémentaire. M. Raffarin en a retenu courageusement une troisième : faire appel à la solidarité de l’ensemble des Français, grâce à une journée de travail supplémentaire.

La création d’une caisse nationale de solidarité pour l’autonomie a également été décidée, mais l’existence de cette caisse, son fonctionnement et ses moyens sont mal connus des Français. Elle a pourtant permis un certain nombre de réalisations. Pouvez-vous, Monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, nous dire où en sont les programmes que financent cette caisse et la journée de solidarité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la familleComme vous avez raison ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) La situation que nous avons trouvée en 2002 se caractérisait par un très grand retard, tant pour nos personnes âgées que pour nos personnes handicapées. La journée de solidarité a été une bonne nouvelle pour tous nos compatriotes âgés ou handicapés, car elle permet de rattraper ce retard. Les 2,1 milliards d’euros que nous récoltons grâce à elle sont intégralement utilisés à cet effet. Ce n’est pas moi qui le dis, mais la Cour des comptes dans son rapport de juillet – car nous avons voulu que cet argent soit contrôlé à l’euro près par elle (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Ce rapport est public. Même les membres de l’opposition peuvent le lire.

Grâce à la journée de solidarité, l’APA est encore servie aujourd’hui aux Français qui en ont besoin. Sans elle, cette allocation aurait disparu, car elle n’était pas financée (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Ce sont 410 millions d’euros que lui procure chaque année la journée de solidarité ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Sans cette journée, il n’y aurait pas non plus 550 millions d’euros pour la prestation de compensation du handicap. Sans elle, il n’y aurait pas eu les maisons départementales des personnes handicapées, qui regroupent dans un même lieu tout ce qui permet à celles-ci de connaître et de faire reconnaître leurs droits. Sans elle, nous n’aurions pas eu les 820 millions qui ont permis de conduire un effort sans précédent pour la création de places en maison de retraite médicalisées et en établissements spécialisés (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Regardons le bilan, tout simplement : entre 2002 et 2007, 180 000 places de plus en maisons de retraite médicalisées, alors que la gauche n’en avait fait que 45 000, malheureusement ! (Bruit sur les bancs du groupe socialiste, auquel répondent de vives exclamations sur les bancs du groupe UMP) Nous préférons la solidarité par le travail à la solidarité par l’impôt. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

politique de la montagne

M. Daniel Spagnou – Ma question s’adresse au ministre de l’aménagement du territoire, que je remercie, ainsi que M. Loos, pour leur soutien sans faille à l’implantation dans mon département d’une usine de silicium. C’est le plus beau cadeau de Noël que l’on pouvait nous faire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Ce n'est un secret pour personne, et surtout pas pour vous, Monsieur le ministre, qui êtes un élu de la montagne : nos massifs souffrent de nombreux handicaps structurels et naturels, qui freinent leur développement économique. Les caprices de la nature liés à l'effet de serre et les catastrophes naturelles n'épargnent pas la montagne. La présence de grands prédateurs comme le loup (« Hou ! » sur quelques bancs du groupe socialiste) remet en cause les équilibres socio-économiques et la biodiversité. Les entreprises de nos régions délocalisent comme les autres, tandis que la pression foncière exclut de plus en plus les populations locales et les jeunes en particulier.

Après des années d'inaction, la loi relative au développement des territoires ruraux, qui a permis, sous le gouvernement de M. Raffarin, de conforter la politique montagne et de reconnaître enfin la spécificité de nos massifs, a constitué une avancée, mais les élus de ces territoires restent partagés entre espérance et inquiétude. Le Gouvernement a relancé sous votre impulsion, au titre de l’aménagement du territoire, la politique de développement économique de la montagne. Pouvez-vous nous en donner les premiers résultats ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire  La montagne est un espace à nul autre pareil, d’une grande richesse naturelle et d’une grande biodiversité. Mais la montagne française, le talent, le bon sens et l’intelligence des hommes et des femmes qui font son histoire, ses traditions et sa culture ont trop longtemps été méprisés. Pour la première fois depuis longtemps, le Gouvernement a donc pris des mesures particulièrement énergiques pour lui apporter la considération qu’elle mérite. Ces politiques sont fondées pour l’essentiel sur l’allégement des contraintes à l’investissement. Ce sont les zones de revitalisation rurale…

M. Michel Bouvard – Ah !

M. le Ministre délégué – …dans lesquelles nous avons obtenu l’exonération de charges fiscales, de taxe professionnelle, de taxe d’habitation dans certains cas et de taxe foncière, pour favoriser l’investissement et l’extension d’un certain nombre d’activités. C’est aussi l’aide aux initiatives économiques locales, notamment les pôles d’excellence rurale, qui viennent reconnaître le bon sens et l’intelligence de nos territoires ruraux, et dont 75 % sont dédiés à la montagne.

C’est enfin l’égalité d’accès à tous les services, avec la charte que nous avons signée avec l’Association des maires de France et 15 opérateurs de services au public. Les investissements dans ce domaine se soldant par des bénéfices dans les grands centres urbains, mais par des déficits dans les zones de montagne, il était du devoir de l’État et de la collectivité de mettre en œuvre une politique de compensation juste et équitable. Je pense notamment à la couverture numérique du territoire : d’ici la fin du mois de juin 2007, l’ensemble de notre territoire aura accès à la téléphonie mobile, à l’internet haut débit et à la télévision numérique terrestre.

Oui, la montagne est une chance pour la France. Nous avions un devoir de justice et d’équité à l’égard des hommes et des femmes qui font sa richesse. Merci pour votre soutien et votre engagement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean Lassalle – Très bien !

observatoire des prix dans les dom

Mme Huguette Bello – Le débat général sur le pouvoir d’achat, notamment sur le décalage qui existe entre sa réalité et sa mesure, concerne aussi l’outre-mer, où il est récurrent. Les raisons en sont multiples : une plus grande précarité, qui n’épargne plus le monde du travail ; un seuil de pauvreté nettement inférieur à celui de la France continentale et des écarts de salaires plus importants, avec des prix à la consommation élevés en raison d’un marché intérieur restreint ; de nombreuses importations soumises aux variations du fret et aux taxes ; l’existence de monopoles défavorables à une autorégulation du marché.

Les parlementaires du parti communiste réunionnais ont donc présenté en 2000 un amendement qui prévoyait de créer dans les départements d’outre-mer un observatoire des prix et des revenus, afin d’aboutir à une plus grande transparence sur la formation des prix. Cet amendement est devenu l’article 75 de la loi d’orientation pour l’outre-mer. Mais faute de décret d’application, cet outil n’existe toujours pas. La dégradation du pouvoir d’achat a suscité plusieurs initiatives, parmi lesquelles, à la Réunion, une pétition citoyenne réclamant sa mise en place, qui a recueilli des milliers de signatures.

Si la lutte pour le pouvoir d’achat passe d’abord par une action sur les revenus, la nécessité de disposer de cet observatoire est désormais reconnue. Il semblerait que votre ministère ait lancé une étude de faisabilité de cet outil spécifique à l’outre-mer, qui répond aussi à la volonté exprimée par le Premier ministre de disposer de nouveaux instruments de mesure, plus transparents et plus fiables, de l’évolution du pouvoir d’achat des Français. Pouvez-vous nous préciser où l’on en est pour le cahier des charges, les modalités de la réalisation et le calendrier retenu ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jérôme Lambert – Très bien !

M. François Baroin, ministre de l’outre-mer – Le constat est partagé par la majorité de nos compatriotes ultramarins, mais pas assez par nos compatriotes métropolitains : la réalité du coût de la vie et du pouvoir d’achat outre-mer est sans commune mesure avec ce qu’elle peut être en métropole. L’éloignement, le coût du fret et les taxes locales renchérissent en effet le coût de la vie. C’est pourquoi je suis favorable, comme le Premier ministre s’y est engagé lors de son déplacement à la Réunion, à la mise en place de cet outil par la voie réglementaire dans les meilleurs délais. Il faut le faire de façon durable et incontestable, car cet instrument permettra d’éclairer les débats autour des politiques publiques menées outre-mer.

Si nous sommes d’accord sur le constat, le calendrier et la méthode, nous pourrons aborder sereinement des débats qui, une fois encore la semaine dernière, ont surgi de façon collatérale. Le directeur général de l’INSEE est saisi : il fera des propositions dans les toutes prochaines semaines. Dans l’intervalle, nous travaillons sur l’étude des prix et des revenus. Je souhaite que la proposition faite aille au-delà du coût de la vie et englobe la définition du pouvoir d’achat. Cet outil devrait être mis en place d’ici la fin de la législature, ce qui nous permettra de travailler dans le consensus à l’avenir.

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 20.

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prévention de la délinquance (suite)

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance.

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire  Je vous présente les excuses de M. Sarkozy, qui participe en ce moment à une réunion interministérielle sur l’immigration, à la demande du Premier ministre.

Nous voici parvenus au terme d'un riche et long débat qui aura permis de faire la distinction entre ceux qui se complaisent dans des postures idéologiques, ou qui, faute de solutions, prétendent qu'il n'y a pas de problèmes, et ceux qui, parce qu'ils connaissent les réalités du terrain et mesurent les attentes de nos concitoyens, ont décidé de ne pas renoncer. Je remercie tous ceux qui ont suivi ce débat, en particulier votre rapporteur et président de la commission des lois, M. Houillon, pour la rigueur et la justesse qui lui sont unanimement reconnues (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), ainsi que le président de la commission des affaires sociales, M. Dubernard, rapporteur pour avis, qui a mis dans nos discussions toute sa vigueur et sa franchise. Je veux remercier également les membres du Gouvernement dont la présence a manifesté le caractère interministériel de ce projet : le Garde des Sceaux, M. Clément, le ministre de la santé, M. Bertrand, celui de la famille, M. Bas, sans oublier M. Perben.

M. Pierre Cohen – Et le ministre de la ville ?

M. le Ministre délégué – Le Gouvernement a fait une large part aux amendements de votre Assemblée, puisque 204 ont été adoptés, dont 133 de la commission des lois, 19 de la commission des affaires sociales, 25 du groupe UMP, 10 de l'UDF, et six de l'opposition. Quatre amendements parlementaires, présentés respectivement par MM. Tian, Lagarde, Woerth et Caresche, ont été adoptés à l'unanimité.

M. Pierre Cohen – En l’absence du ministre d’État !

M. le Ministre délégué – Comme je l’ai dit, M. Sarkozy participe en ce moment à une réunion interministérielle sur l’immigration. Ce qui vous gêne, c’est qu’entre les résultats que vous avez obtenus de 1997 à 2002, et les nôtres, la comparaison n’est guère flatteuse pour vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Les débats ont permis de renforcer le projet. Les échanges avec l'Association des maires de France ont permis de clarifier le rôle de ces derniers. C'est donc en confiance qu’ils pourront poursuivre leur action quotidienne pour prévenir la délinquance. Quant aux moyens des collectivités territoriales, ils font l'objet des nouvelles dispositions que vous avez adoptées concernant le fonds de prévention de la délinquance. Enfin, votre Assemblée a adopté des dispositions relatives à la lutte contre la toxicomanie dans des termes très proches de ceux retenus par le Sénat, ce qui montre que nous partageons tous l’objectif de nous montrer moins durs en théorie pour être plus efficaces dans la pratique.

Le texte est également clarifié, en particulier sur la présence controversée de dispositions relatives aux hospitalisations d'office. Je veux saluer le travail conjoint qu'ont effectué, en plein accord avec moi, le président de la commission des affaires sociales et le ministre de la santé. L'attente légitime des professionnels et des familles pour une réforme complète de la loi de 1990 se trouvera donc prochainement satisfaite.

Enfin, à l'issue de cette première lecture par votre Assemblée, le projet de loi est complété. Nous avons d'abord voulu répondre aux violences dont sont victimes les forces de l'ordre. Désormais, grâce à l'amendement que vous avez adopté, ceux qui s'en prendront à elles seront passibles de la cour d'assises.

Nous avons, en outre, avancé sur deux sujets majeurs, dont le premier tient à l'excuse de minorité. Aujourd'hui, sous prétexte que des jeunes sont mineurs, nous attendons leur majorité pour réagir. Grâce à l'amendement présenté par votre rapporteur, les magistrats pourront écarter plus facilement l'excuse de minorité pour les mineurs de plus de seize ans. Lorsqu'il s'agira de récidivistes, ils n'auront pas à motiver cette décision.

Second sujet, l'écart entre les peines prévues et celles prononcées. Nos concitoyens ne comprennent pas pourquoi certains délinquants peuvent commettre des infractions à répétition sans que la peine prévue par la loi soit jamais appliquée. Désormais, grâce à un autre amendement de votre rapporteur, la juridiction, en cas de récidive, devra motiver le choix de la peine qu'elle prononce. (Approbations sur les bancs du groupe UMP)

Les pas que nous avons faits ne sont que des étapes. Ils n'en sont pas moins des avancées réelles, pour lesquelles je remercie votre rapporteur ainsi que tous ceux qui, comme Mme Morano et M. Goasguen, ont permis à ce débat d'avoir lieu. C'est un débat que nous devons à nos concitoyens.

Au moment où chacun d'entre vous va se déterminer pour ou contre, j'espère que ces quelques propos auront pu vous rappeler les enjeux de la prévention de la délinquance, l’ambition de ce projet de loi et la responsabilité qui incombe à la représentation nationale. Il s'agit de faire reculer, jour après jour, la délinquance, pour reconstruire, étape après étape, une société apaisée (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Cohen – C’est l’échec de Sarkozy !

explications de vote

M. Jean-Christophe Lagarde – Ce projet de loi est paradoxal. Il s’intitule « prévention de la délinquance », mais on pourrait tout aussi bien l’appeler « mesures diverses relatives à la sécurité et à la justice ». Certes, ces mesures sont utiles et recueillent notre adhésion – nous en avons même fait adopter d’autres pour améliorer le texte. Mais la prévention de la délinquance ne saurait se limiter aux domaines de la police et de la justice. La prévention la plus efficace se situe en amont, et elle repose sur trois piliers.

Tout d’abord, l’urbanisme, pour briser la spirale des ghettos, qui alimente la délinquance et la violence. Face à la France des ghettos de riches et des ghettos de pauvres où se concentrent toutes les difficultés sociales, l’UDF veut une France de la diversité et de la mixité. Quelles que soient leurs origines ethniques ou leurs difficultés sociales, nos concitoyens doivent vivre dans des quartiers socialement équilibrés et bénéficier d’un environnement à taille humaine favorisant le mélange, la rencontre, l’échange.

Le second pilier est l’éducation. Notre système scolaire rejette chaque année 100 000 jeunes sans aucune formation, et des dizaines de milliers d’autres dont les diplômes ne mènent qu’à l’impasse. L’éducation devrait se fixer trois priorités pour contribuer à la prévention de la délinquance : former des citoyens responsables, donner les moyens d’appréhender le monde par la maîtrise de notre langue, et offrir une formation suffisamment professionnalisée.

Le troisième pilier, c’est la façon dont s’exerce la justice, qui doit retrouver sa crédibilité, notamment en termes d’accessibilité, de rapidité, de souplesse et d’intelligence dans les sanctions, pour que celles-ci soient adaptées à la faute et à l’auteur, et que l’on sorte enfin du choix débile entre le retour au pied de l’immeuble après un sermon, et la prison qui endurcit les petits délinquants.

Nous soutenons sur ce point les avancées de ce texte, tout comme nous avons soutenu le rôle de coordonnateur de la prévention donné au maire ainsi que tout ce qui était relatif aux chiens dangereux, aux centres commerciaux abandonnés, à la délinquance et à la violence sur internet, mais également tout ce qui concerne l’alternative aux poursuites, y compris les centres éducatifs fermés et le stages de responsabilité parentale.

Tout ceci constitue une « boîte à outils » utile mais ce n’est pas le projet d’architecte que nous attendions. Ce projet global ne pouvait d’ailleurs être discuté dans le cadre d’un texte de loi, car c’est l’affaire de tout un gouvernement et de toute une nation. Votre texte ne permet pas d’oeuvrer au rééquilibrage des populations dans les quartiers grâce à l’urbanisme et à une véritable mixité sociale, non plus qu’il ne permet à l’éducation nationale de promouvoir une éducation citoyenne encourageant l’insertion par le travail. Nous aurions également aimé que les maires aient autorité sur les corps urbains de la police nationale.

Au final, le groupe UDF s’abstiendra donc sur cette « boîte à outils » en attendant de faire approuver le nécessaire projet d’architecte par l’ensemble du peuple français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Michel Vaxès – Si ce projet a été rédigé dans le respect de la légistique, cette science qui cherche à déterminer les meilleures modalités d'élaboration et de rédaction des normes, alors notre inquiétude est particulièrement vive. En effet, dans cette hypothèse, l'intitulé d'un texte dit « relatif à la prévention de la délinquance » devient déterminant. Cette loi viserait donc à promouvoir des mesures de prévention. Devraient donc être considérées comme telles, pour ses auteurs, le fait de signaler au maire tous les habitants de la commune en difficulté sociale, matérielle, familiale ou morale tenus pour potentiellement dangereux ; la création d’un fichier des élèves absentéistes ou des personnes hospitalisées pour raisons de santé mentale eux aussi potentiellement dangereux ; les fermetures de portes dans les copropriétés, la résiliation d'un bail locatif en cas de troubles de voisinage ou encore l'évacuation forcée des gens du voyage… Enfin, nous ne devrions plus ignorer que la répression accrue de la délinquance est le nec plus ultra de la prévention. En revanche, les politiques publiques en matière d'éducation, de santé, de culture, de formation, d'emploi, de requalification urbaine, de qualité de logement, d'action sociale, de suivi éducatif et psychologique ne doivent plus être considérées comme des mesures de prévention de la délinquance puisque ce texte ne propose rien dans aucun de ces domaines.

Si, seconde hypothèse, l'intitulé de ce projet a été choisi sans se soucier de la légistique mais retenu uniquement parce qu'il peut donner l'impression de répondre aux attentes de la population en matière de sécurité publique, il exprime alors un simple souci d'affichage politique et démagogique. Je pencherais d'ailleurs pour cette hypothèse puisque le ministre de l'intérieur a reconnu lui-même être embarrassé pour définir le concept de prévention. Mais cet affichage a de graves conséquences symboliques. Ce texte dénature en effet le sens de l'action préventive et témoigne d’un renoncement à combattre l'insécurité, l'injustice sociale et la misère culturelle. Il aurait été plus honnête et sans aucun doute moins dangereux qu'il s'intitulât « projet de loi relatif à la présomption de la délinquance et à sa répression ».

Ce projet prétend faire du maire le pivot de la politique de prévention de la délinquance mais le seul pouvoir dont il disposera sera celui de surveiller, d’admonester, de rappeler à l’ordre et de signaler. Aucun moyen ne lui est donné pour mettre en place une véritable politique de prévention. Des responsabilités lui sont en outre généreusement distribuées afin que l’État puisse se défausser des siennes propres.

Je regrette, enfin, de ne pas avoir pu débattre avec le ministre de l'intérieur, son absence étant d’ailleurs hautement significative.

Le groupe des députés communistes et républicains votera contre ce texte dont les effets seront contreproductifs : il ajoutera en effet des tensions à des tensions et fera du maire, dont il brouille l'image et la fonction, le principal responsable de l'insécurité dans sa commune. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Jacques-Alain Bénisti – Après plus de 56 heures de débats jours et nuits et plus de 700 amendements examinés, la représentation nationale peut être fière du travail accompli.

Ce texte est novateur car il est en grande partie issu du travail parlementaire réalisé depuis plus de trois ans par la commission prévention du groupe d'étude sur la sécurité intérieure dont j'ai la responsabilité. Il est également novateur car il est le fruit de longues réflexions et propositions émanant des acteurs de terrain eux-mêmes : enseignants, travailleurs sociaux, magistrats, associations, médecins spécialisés, maires. C’est en effet nous, les maires, qui sommes en contact quotidien avec ces problèmes de délinquance ! Ce texte, enfin, est novateur car il constitue le premier projet transversal sur la prévention de la délinquance (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), porté par un ministre de l'intérieur qui a su tirer les leçons des échecs des politiques menées ces vingt dernières années en matière de prévention.

Nous n’avons jamais dit qu'il ne se passait rien sur le terrain mais que l'ensemble des actions menées souffrait d’un manque de coordination, sans qu’il y ait jamais un suivi personnalisé ni aucune gouvernance pour les animer. Ce texte répond à ces exigences en faisant du maire le chef d'orchestre de cette nouvelle politique. Sans qu'il soit juge, procureur, policier, assistant social ou chef d'établissement…

M. François Liberti – C’est un shérif !

M. Jacques-Alain Bénisti - …il pourra désormais piloter et organiser avec ses partenaires une vraie politique de prévention grâce au renforcement des CLSPD, à la création des conseils pour les droits et devoirs des familles, au partage d'information avec les travailleurs sociaux mais aussi avec les procureurs quant aux suites judiciaires données aux infractions et, enfin, avec les responsables des CAF s’agissant des mesures d'accompagnement des prestations familiales.

Mais tout ceci n'aurait pas été complet si nous n'avions pas également mis en œuvre les moyens nécessaires pour répondre plus explicitement et plus rapidement aux actes délictueux commis par certains mineurs. Ainsi, six articles modifient l'ordonnance de 1945. Les juges auront désormais plus de latitude pour juger des sanctions à appliquer en cas de récidive ou de faits graves. Ils disposeront également d’un panel élargi de mesures transitoires pour apporter des réponses proportionnées aux délits commis et à leur escalade. Ils devront aussi motiver la non-décision de la peine normalement encourue. Désormais, chaque délit aura une réponse judiciaire adaptée à la hauteur des faits commis. La rapidité de la sanction constitue bel et bien une prévention en soi. Quel parent punit son enfant six mois après qu’il a fait une bêtise ?

Nous attendons enfin avec impatience le texte sur la protection de l'enfance qui constituera la nécessaire et prochaine étape : en effet, il faut agir précocement car c’est ainsi que nous parviendrons non seulement à prévenir la délinquance, mais à protéger nos enfants.

En tant qu'élu de la nation, je vous suggère de dédier ce texte à la mémoire d'Ilan Halimi (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), mais aussi à tous ceux et toutes celles qui ont été victimes de cette délinquance guerrière qui, si ce texte avait été voté voilà une dizaine d'années, seraient peut-être toujours en vie. Le groupe UMP, qui a mesuré les enjeux immenses de ce projet, le votera sans hésitation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Blazy- Deux semaines de débats ont permis de mettre en évidence l'échec de la politique de sécurité du Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) : la délinquance générale reste à un niveau élevé et les violences aux personnes ont fortement augmenté en quatre ans.

Monsieur le ministre d’État, dont je note l’absence, prétend avoir réduit la délinquance mais il a surtout échoué à juguler la violence (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Les objectifs que ce gouvernement affiche dans ce projet sont ceux-là même qu’il a été incapable d'atteindre pendant quatre ans. Ce texte porte mal son nom : au lieu de s'attaquer aux racines de la violence, vous proposez d'adopter un sixième projet sur la sécurité pour en fait dissimuler votre échec !

Ce texte est à la fois inutile, confus et dangereux. Inutile car, à quelques mois des élections, vous faites de l'affichage. La loi ne sera pas appliquée : il faudrait une quinzaine de décrets. Confus, sur la forme, car il a été sans cesse modifié par le Gouvernement et le président de la commission ; le débat s'est parfois enlisé, le Gouvernement ne parvenant pas à mobiliser sa majorité et peinant à répondre à nos interpellations. Confus, sur le fond, car les différents niveaux de compétence sont brouillés. Dangereux, enfin, car au prétexte de faire du maire le « pivot » de la prévention de la délinquance, l’État se défausse sur lui. Cependant, celui-ci ne saurait pallier les insuffisances de l’État qui, en premier lieu, doit assurer la protection du citoyen.

Inacceptable et dangereux, ce texte l’est aussi pour tout ce qui concerne l’hospitalisation d’office. Si les dispositions qui en traitent n’ont pas encore été retirées malgré l’opposition unanime des psychiatres et des associations d’usagers, elles pourraient l’être ultérieurement puisque le Gouvernement a été autorisé à légiférer par ordonnance, grâce à une loi d’habilitation fort opportune…

Ce texte ne procède rien moins qu’à la quatrième réforme en quatre ans de l’ordonnance de 1945, pour – une fois encore ! – tendre à aligner le droit applicable aux mineurs sur celui des majeurs. Purement électoralistes, ces mesures seront sans effet. La misère actuelle de la justice des mineurs reste le principal obstacle à son efficacité et à sa capacité de réaction rapide. Ouvrant une nouvelle brèche dans l’ordonnance de 1945, vous remettez en cause l’excuse de minorité alors que celle-ci n’a jamais empêché de sanctionner comme il se doit un mineur délinquant.

Tout aussi dangereuses et inutiles sont les dispositions que vous introduisez pour faire croire aux policiers victimes de violences urbaines et d’agressions inacceptables qu’ils seront mieux protégés si les auteurs passent en cour d’assises.

Hormis l’amendement gouvernemental sur la réforme du permis à points, que nous avons voté, ce texte nous mène à nouveau dans une impasse. Il contribuera immanquablement à aggraver la violence, l’insécurité et la crise de confiance envers les institutions démocratiques. En créant un désordre injuste, votre politique est foncièrement laxiste. Pour la contrer, nous avons fait plusieurs propositions très constructives, que vous avez obstinément repoussées. Au choix de la compassion – incarné par M. Bénisti –, de l’agitation ou de la réaction, nous avons tenté d’opposer celui de l’action, de la réflexion et de la raison.

Pour être efficace, la lutte contre la violence appelle une démarche globale, fondée sur la précocité de la prévention et sur la rapidité de la sanction. C’est pourquoi nous proposons un débat national sur la délinquance des mineurs, comprenant – nous ne l’excluons pas – la réforme de l’ordonnance de 1945, en vue, notamment, de la rendre plus lisible pour nos concitoyens. Nous avons aussi proposé une définition de la politique de prévention de la délinquance, que le Gouvernement a rejetée sans motif valable.

La prévention de la récidive constitue à l’évidence un volet important de la prévention de la délinquance, mais elle ne saurait s’y substituer. Un véritable renouveau de la politique de prévention consisterait à trouver un point d’équilibre entre les réponses aux causes des comportements déviants et les réponses à leurs effets, lesquelles concernent à la fois les auteurs et les victimes.

Pour nous, la prévention de la délinquance relève d’une politique interministérielle animée par le Premier ministre, en non par le ministre de l’intérieur. Nous considérons en effet qu’être dur avec le crime ne suffit pas : il faut aussi être dur avec les causes du crime et aucune politique de prévention ne peut être envisagée sans une action forte et globale contre les inégalités sociales et urbaines.

Nous nous opposons à ce texte inutile, confus et dangereux, parce que nous croyons en une véritable solution démocratique pour la sécurité. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Plusieurs députés socialistes – Et le ministre d’État, il est où ?

M. le Président – De toute façon, il ne vote pas !

À la majorité de 340 voix contre 163, sur 531 votants et 503 suffrages exprimés, l’ensemble du projet de loi est adopté.
La séance, suspendue à 16 heures 50, est reprise à 17 heures sous la présidence de M. Warsmann.
PRÉSIDENCE de M. Jean-Luc WARSMANN
vice-président

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Participation et actionariat salarié (Cmp)

L’ordre du jour appelle la discussion du texte de la CMP sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié et portant diverses dispositions d’ordre économique et social.

M. Maurice Giro, président de la commission mixte paritaire – Je salue d’abord le travail conjoint des deux assemblées qui a permis qu’un large accord se fasse sur un certain nombre des questions en discussion, avant même la réunion de la commission mixte paritaire le 28 novembre dernier. Voyons les principaux résultats de celle-ci.

À l’article premier, elle a consacré le principe de plafonnement du supplément de participation ou d’intéressement après avoir précisé le dispositif.

À l’article 6, relatif notamment à la pratique du report des déficits antérieurs pour le calcul du montant de la réserve spéciale de participation, la CMP s’est finalement rangée aux arguments du Sénat : les entreprises qui n’ont pas conclu d’accord de participation dérogatoire pourront y recourir, prenant en compte les déficits des cinq exercices antérieurs à celui en cours.

Elle a décidé, à l’initiative de la rapporteure du Sénat, de rendre illimitée la durée d’application du dispositif de «provision pour investissement» prévu à l’article 6 bis A, pour en rétablir l’esprit initial.

Pour des raisons de coordination juridique ainsi que pour ajuster le régime retenu à la compétence traditionnelle de l’Autorité des marchés financiers, elle a précisé le dispositif prévu à l’article 14 relatif à l’adaptation des règles de liquidité des fonds communs de placement d’entreprise.

À l’article 14 bis C, elle est revenue sur la possibilité, ouverte par le Sénat, de faire bénéficier les ouvriers de l’État de DCN de la participation, car cela créait une inégalité entre les différentes catégories de personnels de DCN.

Elle a rétabli l’article 15 bis dans la rédaction de l’Assemblée nationale, qui précisait le seuil en deçà duquel ne peut varier, à l’occasion d’une modification des statuts de la société, le nombre de membres d’un conseil d’administration ou de surveillance représentant les salariés ou les salariés actionnaires d’une société dont le transfert au secteur privé a été décidé en application de la loi du 3 juillet 1986. L’Assemblée avait également prévu que ce seuil serait de un membre dans le cas où le conseil d’administration ou de surveillance compterait moins de quinze membres, pour tenir compte des cas de rapprochement des entreprises françaises avec des entreprises étrangères.

À l’initiative de la rapporteure du Sénat, elle a supprimé l’article 15 ter adopté par le Sénat, qui recouvrait un cas de figure déjà prévu par le code du travail.

Aux articles 21 bis et 21 ter, le Sénat avait substitué à la référence aux actions de formation à l’épargne salariale la référence aux actions de formation relatives à l’économie de l’entreprise. La CMP a retenu les deux en ajoutant au dispositif adopté au Sénat une référence à l’ensemble des plans d’épargne et d’actionnariat salarié.

À l’article 22, l’Assemblée nationale avait limité la mise à disposition entre entreprises et organismes au sein des pôles de compétitivité aux seuls titulaires de contrats à durée indéterminée. Le Sénat était revenu sur cette restriction au motif qu’elle créerait des inégalités de situation. En CMP, plusieurs députés, de tous bords, ont souligné les risques d’abus qui avaient justifié le choix de l’Assemblée. Le président Jean-Michel Dubernard a néanmoins observé que cela exclurait les agents publics des universités et des laboratoires de recherche qui sont sous un régime statutaire ou en contrat à durée déterminée long. La CMP a finalement élaboré une rédaction de compromis couvrant à la fois les titulaires de CDI et les agents publics, mais excluant du dispositif les contrats temporaires de droit privé.

La CMP s’est ralliée au choix du Sénat de supprimer la contribution Delalande, traitée à l’article 27, dès 2008 et non en 2010 comme prévu dans le texte initial.

Elle a par ailleurs entériné le rétablissement par le Sénat de nombreuses dispositions supprimées par l’Assemblée qui souhaitait recentrer le texte sur la participation. Il en est ainsi des mesures concernant l’indemnisation des conseillers prud’homaux, l’établissement des listes pour l’élection de ceux-ci, l’enregistrement des contrats d’apprentissage, la récupération des indus d’allocation de solidarité spécifique ou encore le décompte des effectifs dans les entreprises, sous réserve dans ce cas d’un ajustement visant à garantir la création de comités d’hygiène et de sécurité dès lors que cinquante personnes, sous-traitants compris, travaillent dans une entreprise et d’une amélioration rédactionnelle.

Elle a enfin conservé les nombreux ajouts du Sénat : transposition aux salariés agricoles des règles du code du travail relatives au temps de déplacement professionnel, nouvelles dispositions relatives aux élections prud’homales, dispositions relatives à l’hygiène et à la sécurité dans les chantiers sylvicoles, ratification et codification de diverses réglementations financières, définition des « assurances sur la vie à capital variable immobilier », etc. Mais elle l’a fait après un large débat. Certaines de ces mesures sont en effet justifiées par l’actualité, et une certaine forme d’urgence. C’est le cas, à l’article 35 quater, de la sécurisation des heures supplémentaires dans les transports routiers après que le Conseil d’État a annulé, pour des raisons de forme, le décret du 31 mars 2005. Mais l’argument ne vaut guère dans d’autres cas. La CMP a néanmoins suivi la position pragmatique du président Jean-Michel Dubernard qui a fait valoir la difficulté, en fin de législature, de trouver un cadre législatif pour nombre de mesures utiles. Il faut donc accepter un certain affadissement du projet, que traduit l’ajout dans l’intitulé d’une référence aux « diverses dispositions d’ordre économique et social ». Néanmoins, plusieurs membres de la CMP ont souhaité que le Gouvernement s’explique sur le rétablissement de certains articles et les ajouts qu’il a suscités ou acceptés au Sénat sans en avoir informé la commission des affaires culturelles de l’Assemblée.

Je vous invite à adopter le texte de la CMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire - Je vous prie d’excuser le président Dubernard, retenu à Lyon pour la visite du Président de la République. En tant que rapporteur pour avis de ce texte, je remercie M. Giro qui a su présider la CMP de façon à aboutir rapidement.

Même si certains ont critiqué l’ajout de diverses dispositions, ce texte sur l’actionnariat salarié représente un progrès énorme. Sur mon initiative au Parlement et la vôtre au Gouvernement, Jean-Pierre Raffarin avait accepté la notion de dividende du travail. En changeant les relations entre salariés et capital dans l’entreprise, elle permet des évolutions essentielles. Sans revenir sur tous les combats que nous avons menés depuis que le général de Gaulle a conçu l’actionnariat salarié comme un projet de société, qui est toujours d’une brûlante actualité, ni sur les excellents rapports de MM. Godfrain et Cornut-Gentille, je voudrais souligner que l’application de ce texte introduira trois modifications essentielles. D’abord, l’actionnariat salarié peut changer la nature même du dialogue social dans l’entreprise. Ensuite, il créera du pouvoir d’achat, qu’on veut nous faire croire lié au seul salaire. Enfin il renforcera le noyau dur de l’entreprise, ainsi mieux à même de résister à des OPA hostiles.

À cet égard, je vous remercie d’avoir accepté nos amendements, Monsieur le ministre. Il est vrai que notre complicité dans la défense de certaines valeurs ne date pas d’hier.

Toutefois, il faut encore aller plus loin. Ce texte, certes consensuel, n’est qu’un minimum.

M. Guy Geoffroy – C’est une base !

M. Patrick Ollier, président de la commission Sur la base de sa mise en œuvre, il faudra, dans une phase ultérieure, étendre le souffle de la participation aux PME et aux PMI, aux entreprises nationales – n’est-il pas aberrant que l’État n’applique pas ce dispositif à ses propres entreprises ? – et aux différentes branches de la fonction publique. J’espère d’ailleurs que vous veillerez auprès de M. Jacob à ce que le Gouvernement tienne les engagements en échange desquels nous avons retiré plusieurs amendements.

Malgré tout, ce texte permettra aux salariés de se sentir un peu propriétaires de leur outil de travail. Au sein de l’entreprise, il permettra aux hommes d’être partenaires plus qu’adversaires : la confiance doit remplacer la contrainte. Je tiens à remercier l’Assemblée d’avoir soutenu un texte de progrès, qui lui fait honneur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes Voici un texte qui nous tient particulièrement à cœur, car il propose à la mondialisation une réponse française fondée sur une approche collective des relations du travail. À court terme, son effet sur le pouvoir d’achat des salariés sera sensible. À long terme, la gestion participative sera renforcée.

Les débats parlementaires ont permis, notamment grâce aux travaux des rapporteurs, de faire preuve de plus d’audace encore. Le texte s’organise autour de deux priorités : d’une part, l’amélioration de la participation des salariés aux résultats de leurs entreprises, et notamment un meilleur partage des bénéfices exceptionnels. C’est une véritable vision de l’entreprise que nous proposons ainsi : celle de la cohésion entrepreneuriale fondée sur la prime collective, face à la culture anglo-américaine du bonus individuel. Deuxième priorité : un accès plus large à la participation. Une part encore trop faible des huit millions de salariés des PME y ont accès. Nous mettons fin à cette injustice en la démocratisant.

À cette fin, le texte propose plusieurs outils novateurs, dont l’intéressement de projet qui permet aux sous-traitants de partager les bénéfices exceptionnels de l’entreprise donneuse d’ordres, la reprise d’entreprise par les salariés et les accords « clef en main », pour lesquels je souhaite d’ailleurs qu’une négociation s’engage sans délai.

Le débat parlementaire a renforcé la portée de ce texte, tout en respectant le nouvel équilibre auquel nous étions parvenus avec certains partenaires sociaux jusque là réticents. Ainsi, l’amendement de M. Ollier introduit la notion essentielle de dividende du travail, qui faisait cruellement défaut et qui permettra le partage des bénéfices exceptionnels.

Quant à l’amendement de M. Dubernard, il prévoit que la diffusion de l’information soit améliorée en échange d’un accord sur la participation. C’est très important : depuis vingt ans, aucun texte de loi n’avait abordé le dialogue social sous l’angle de la concertation au sein même de l’entreprise. C’est désormais par la négociation que les entreprises pourront adapter l’information directe des salariés : nous passons ainsi d’une logique d’information unilatérale à un échange de vues autour d’un document unique.

Les deux assemblées ont souhaité à juste titre placer au cœur de la participation la question de la formation à l’économie de l’entreprise. La compréhension du financement de l’entreprise par les marchés et de sa place dans l’économie mondialisée donne en effet tout son sens au travail quotidien de chacun. L’inclusion de cet apprentissage dans les dépenses de formation professionnelle incitera les chefs d’entreprise à le proposer à leurs salariés.

Enfin, le débat parlementaire a encouragé la diffusion de la participation dans les PME, en en simplifiant le régime et en instituant un crédit d’impôt qui en réduira le coût de 50 % pour celles qui l’adopteront d’ici trois ans. À ce titre, Monsieur Ollier, je vous confirme que les engagements du Gouvernement seront bien tenus !

M. Patrick Ollier, président de la commission Merci !

M. le Ministre délégué – La commission mixte paritaire, réunie le 28 novembre dernier à la demande du Premier ministre et sous la présidence de M. Giro, a permis de préciser plusieurs points et d’harmoniser l’ensemble. Aujourd’hui, le texte dont nous disposons constitue une étape majeure du développement de la participation et de l’actionnariat salarié.

Je suis reconnaissant à la commission mixte de n’avoir pas remis en cause les grands équilibres trouvés au cours du dialogue social. Ainsi, le rôle des salariés actionnaires est renforcé et la question du report des déficits est mieux traitée. Je me réjouis de même que le blocage des sommes n’ait fait l’objet d’aucune contestation.

La commission mixte a également renforcé le titre III qui, s’il peut sembler éloigné du sujet, permet pourtant de sécuriser la situation des salariés en leur garantissant des droits et en clarifiant certaines règles. Par ailleurs, ce projet a permis la ratification de l’ordonnance créant le contrat de transition professionnelle, une expérimentation importante – à laquelle vous avez beaucoup contribué dans les Ardennes, Monsieur le président – que le Sénat a souhaité adosser aux garanties de salaires existantes. De même, la contribution Delalande, qui freinait le retour à l’emploi des seniors, sera définitivement supprimée au 1er janvier 2008. Enfin, plusieurs mesures relatives aux prud’hommes ont été adoptées.

Une nouvelle étape nous attend désormais : la mise en œuvre. La plupart des dispositions trouveront à s’appliquer dès le 1er janvier prochain. Le succès de cette loi, dont le Conseil supérieur de la participation assurera le suivi, dépend de la mobilisation de chacun. Je tiens, pour finir, à remercier M. Guillaume, dont le rapport sur les comparaisons internationales nous a été très utile lors d’une récente réunion des ministres européens de l’emploi qui, même sans consensus, ont utilement confronté leurs démarches en matière de gouvernance des entreprises. Enfin, je remercie mes collègues M. Breton et Mme Lagarde, dont la coopération étroite sur ce texte montre combien la dimension économique et la dimension sociale peuvent être conciliées. C’est ainsi que nous sommes parvenus à un texte équilibré, d’abord enrichi par le Conseil supérieur de la participation, puis par le travail passionné de nombreux parlementaires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Nous en venons à la discussion générale.

M. Jean Le Garrec – Je serai d’autant plus sévère sur ce texte que j’entretiens des relations très cordiales tant avec M. le ministre qu’avec M. Ollier : leur personne n’est naturellement pas en cause, et je travaille parfois très efficacement avec eux – sur les maladies professionnelles, par exemple. Quant à M. Giro, sa personnalité est unanimement appréciée.

Je ne doute pas de vos convictions, Monsieur le président Ollier, mais ne nous faites pas croire que ce texte et celui sur le dialogue social sont les réponses qu’appelle la situation ! Vous avez d’ailleurs subi l’introduction de dispositions qui relevaient davantage d’un DDOS, au point que vous parlez, pudiquement, de texte a minima, tandis que le rapporteur déplore, tout aussi pudiquement, l’affadissement de celui-ci.

Il y a une distance énorme entre la question, fondamentale, de la place des salariés dans l’entreprise et la nature des mécanismes d’intéressement et de participation mis en place ici. Dire que les actions des salariés permettent de créer un noyau dur n’est pas sérieux ! Vous savez très bien que ce ne sont pas elles qui vont arrêter les prédateurs financiers ! Rien n’est pire que de ne pas décrire la réalité comme elle est…

M. Ollier, président de la commission Je ne suis pas d’accord.

M. Jean Le Garrec – Bien sûr que vous n’êtes pas d’accord, Monsieur Ollier, mais j’ai le devoir de dire ce que je pense.

Il est clair que nous vivons une situation tout à fait nouvelle et que nous avons changé de planète. Lisez à ce sujet La terre est plate de Thomas Friedman ou Les trois leçons sur la société post-industrielle de Daniel Cohen, qui décrit fort bien la coupure actuelle entre l’économique et le social.

J’ai la désagréable impression que nous allons aborder ce problème de fond avec des textes qui n’auront donné lieu qu’à une seule lecture et auxquels on aura ajouté des dispositions sans rapport avec le sujet. Un tel sujet de société méritait pourtant une autre approche.

Prenons l’exemple de la prise en compte des déficits antérieurs dans le calcul de la participation. Le Gouvernement avait prévu un an. La majorité parlementaire a exigé trois ans. Brouhaha, suspension de séance, négociations dans les couloirs : le Gouvernement s’est incliné. Et puis, au Sénat, on est passé à cinq ans ! Ne venez pas me dire que c’est en cohérence avec la volonté affichée au début par le Gouvernement ! J’ajoute qu’une entreprise qui aurait cinq ans de déficit à imputer sur le total à prendre en compte relèverait peut-être plus d’un plan de sauvegarde que de participation !

Autre exemple : la formation. Former des salariés à la participation et à l’intéressement, pourquoi pas ? Mais la formation à la complexité de l’entreprise et à ses contraintes devrait passer par le comité d’entreprise, qui est l’instrument prévu par la loi – et voulu par le général de Gaulle – pour ce genre de choses. J’ai quelques doutes, sinon, sur la façon dont une telle formation peut être assurée.

Autres exemples : le congé de mobilité, prévu à l’article 23, permet d’échapper aux problèmes de reclassement. Je note aussi qu’il a été décidé d’avancer à 2008 la suppression de la contribution Delalande, alors que le Gouvernement avait d’abord dit qu’il se donnait le temps de la réflexion, jusqu’à 2010.

S’agissant de l’indemnisation des activités prud’homales, seize décrets sont prévus, dont trois au moins en Conseil d’État. Ils n’ont pas été soumis pour information à l’Assemblée ni au Sénat et les organisations syndicales ont toutes fait part de leur désaccord, en particulier parce que le temps retenu pour la préparation d’un jugement – trois heures – n’est pas suffisant. Mais tant pis, le Gouvernement passe outre !

M. Gérard Bapt – C’est le dialogue social !

M. Jean Le Garrec – M. Dubernard et vous, Monsieur Ollier, aviez d’ailleurs présenté des amendements de suppression portant sur quatorze article. Le Sénat a réintroduit ces derniers et la majorité va vouloir les garder, mais ce premier mouvement montre bien que le texte a dévié de sa logique initiale.

Au lieu d’aborder la question clé de la place du salarié dans l’entreprise et de sa contribution au développement, sujet cher au général de Gaulle, vous l’escamotez ! J’ai beaucoup travaillé avec des gaullistes de gauche et je partage nombre de leurs convictions, mais là, je ne peux que constater que vous esquivez ce débat, pourtant déterminant pour l’avenir économique du pays.

Non, Monsieur le ministre, non, Monsieur le président de la commission, je ne peux pas partager votre enthousiasme, car la réflexion a été bâclée. C’est une occasion manquée. En lisant ce projet me revenait en mémoire l’épigraphe d’un beau livre de José Saramago, prix Nobel de littérature : « Hurlons, dit le chien. » Ce chien, c’est vous, c’est moi, c’est nous tous. Oui, hurlons, car la crise est grave et l’on n’y répondra pas par des faux semblants hâtifs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Balligand – Il y a encore un gaulliste dans l’hémicycle.

M. Maxime Gremetz – Bien que le Gouvernement s’en défende, son projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié n'a pas d'autre objectif que de tenter de faire croire qu’il se préoccupe de la demande pressante du monde du travail : l'augmentation du pouvoir d'achat. Mais plutôt que de contraindre le patronat à négocier sérieusement sur les salaires, il préfère cette fuite en avant dans la participation, l'intéressement et la distribution d'actions gratuites. Moi qui ai été actionnaire d’un grand groupe, dénommé aujourd’hui Valeo, je peux vous dire que cela ne m’a pas empêché d’être licencié par un ministre du travail, contre l’avis de l’inspection du travail et du comité d’entreprise. Être propriétaire de son entreprise ne protège de rien, vous voyez. Aujourd’hui, ce sont d’ailleurs tous ses sites français que Valeo veut liquider.

Avec cette fuite en avant, Monsieur le ministre, outre que vous pervertissez considérablement ces mécanismes, vous allez accentuer les inégalités entre les salariés. En effet, toutes les études, en particulier une de l’INSEE, montrent que cette orientation est davantage source d'inégalités que de progrès social. Le fait est d’autant plus inquiétant que ces compléments de rémunération ne cessent de se développer, souvent au détriment des salaires. Ainsi, entre 2000 et 2004, l'épargne salariale a bondi de 6,7 % par an, alors que les salaires progressaient fort peu. Mais sur quoi cotise-t-on pour sa retraite, et plus généralement, pour sa protection sociale ? Sur les salaires, pas sur l’épargne salariale.

Seuls les salariés des entreprises de plus de 50 salariés peuvent aujourd’hui bénéficier du dispositif, qui est surtout mis en œuvre par les grandes entreprises. Seuls 8,5 millions de salariés – soit un sur trois – en bénéficient donc, tandis qu’un salarié sur 7 est actionnaire de son entreprise.

Faire croire qu’on augmentera le pouvoir d’achat des salariés en développant la participation, c’est donc répondre à la préoccupation de moins de la moitié d’entre eux. Les salariés des petites entreprises resteront au bord du chemin, comme les agents des fonctions publiques qui attendent toujours une revalorisation de leurs traitements et sont exclus de ces dispositifs. C’est pourtant à l’État de montrer l’exemple !

Selon une récente étude du cabinet Hay Group, les primes et bonus, qui compenseront l’absence de véritables augmentations de salaire en 2007, semblent devenir une seconde nature pour les entreprises. La rémunération des salariés non cadres dépend aujourd’hui à près de 20 % de ces primes variables, la proportion atteignant 30 % pour les cadres et plus du tiers pour les cadres supérieurs !

Ce texte encouragera encore davantage ce salariat à plusieurs vitesses.

Selon une étude du CERC remise récemment au Premier ministre, le développement de l’épargne salariale a creusé les inégalités salariales. Les dispositifs d’intéressement, de participation et d’épargne salariale ont en outre des incidences directes sur notre régime de protection sociale. Le CERC évalue ainsi le manque à gagner pour les finances publiques et sociales à près de 3 milliards d’euros pour l’année 2000, soit la moitié du déficit prévisionnel de la branche maladie pour 2007. Le « trou de la Sécu » est donc une construction idéologique !

Nous ne pouvons approuver un texte qui amplifie la modification de la construction du salaire. Nous nous en tenons à un principe intangible : la participation financière vient en plus des salaires, elle ne peut en aucun cas s’y substituer. C’est pourquoi nous avons proposé – sans succès – que tout système de participation ou d’intéressement soit conditionné à un accord préalable sur une augmentation des salaires.

La seconde partie et les diverses dispositions d’ordre économique et social constituent pour leur part un « filet garni » gagné par le Medef. Au moment même où nous entamons l’examen du projet de loi sur le dialogue social, nous nous apprêtons à adopter des dispositions qui vont dans le sens contraire. Prêt de main-d’œuvre par dérogation au marchandage, congé de mobilité, suppression anticipée de la contribution Delalande par le Sénat, remise en cause des prud’hommes, autorisation du cumul temps partiel-intérim : autant de mesures funestes, sans compter l’amendement transport ou la remise en cause sans concertation de la définition du temps de travail effectif des salariés agricoles.

Comment prétendre améliorer le dialogue social et la participation des salariés à la vie de l’entreprise quand vous précarisez encore le salariat ? Comment rénover les règles sociales quand, mesure après mesure, vous rognez le droit aux institutions représentatives du salarié ? Après les ordonnances de juillet 2005, qui excluaient du décompte des effectifs les salariés de moins de 26 ans, l’article 32, qui exclut de ce décompte les salariés intervenant dans l’entreprise en exécution d’un contrat de sous-traitance ou de prestation de service, a été rétabli.

Ce n’est pas tout : votre réforme des conseils de prud’hommes accompagne ce schéma d’ensemble. Les décrets d’application menacent gravement l’activité prud’homale, notamment en ce qui concerne la forfaitisation des activités et la possibilité de rectifier les relevés autoritairement. Tout est fait pour décourager cette juridiction – et je ne parle même pas de ce que touche un conseiller prud’homal ! Aussi les conseils de prud’hommes nous ont-ils demandé de faire barrage à vos projets. Ils sont déterminés à se faire entendre. Ils ont raison : il faut renoncer à ces décrets et ouvrir des négociations.

Quant à la sécurisation des parcours professionnels, elle ne concerne que ceux qui mènent à la précarité, au sous-emploi et au chômage.

Nous renouvellerons donc notre vote contre ce texte, qui allonge la liste des coups bas portés au monde du travail et poursuit la mise en pièces du code du travail à laquelle vous vous livrez depuis cinq ans.

M. François Cornut-Gentille – Sans revenir sur les travaux de la CMP, qui ont permis de préciser le texte, je souhaite rendre hommage à la détermination et à l’esprit de dialogue de nos rapporteurs, Jean-Michel Dubernard et Patrick Ollier.

Ce projet de loi marque une étape importante. Il est le résultat d’un long processus qui a commencé en avril 2005, lorsque Jean-Pierre Raffarin a confié à Jacques Godfrain et à moi-même une mission auprès du Gouvernement sur la participation. Le rapport que nous avons remis en septembre 2005 ne contenait pas de grandes propositions législatives : pas de grand soir, mais un refus tout aussi déterminé de l’immobilisme. Nous rappelions que depuis 1967, date de sa mise en place à l’initiative du général de Gaulle, la participation restait une idée neuve, qu’il convenait d’adapter ponctuellement à l’évolution des relations sociales.

Le texte est l’expression de cette modernisation maîtrisée. Il réaffirme d’abord les grands principes de la participation : distinction entre la participation et l’intéressement, blocage de la participation pendant cinq ans, obligation faite aux entreprises de plus de 50 salariés de mettre en place un dispositif de participation. Il innove aussi. J’évoquerai ainsi une idée qui m’était chère, l’extension du livret d’épargne salariale, créé à l’initiative de notre collègue Balligand en 2001 et dont la portée avait été limitée par le ministre des finances de l’époque. Il nous est apparu que ce livret était une clé du développement de la participation et de son appropriation par les salariés. Nous en avons donc proposé la généralisation. Aussitôt, nous avons été la cible de critiques. Impossible, irréaliste, trop cher : que n’avons-nous entendu ! Le Gouvernement – et je salue l’esprit d’ouverture de Gérard Larcher – et les rapporteurs ont finalement soutenu notre proposition. Le livret d’épargne salariale a été considérablement amélioré : c’est pour nous une grande satisfaction.

Autre mesure emblématique de cette modernisation maîtrisée de la participation, le dividende du travail cher à Patrick Ollier, qui s’inscrit dans l’esprit des promoteurs de la participation. L’intéressement de projet sera quant à lui fort utile aux entreprises.

Je formule enfin une recommandation pressante pour l’avenir. La participation est devenu l’instrument à la mode pour répondre aux préoccupations de nos concitoyens. Plus de pouvoir d’achat ? Débloquons la participation ! Moins de délocalisations ? Généralisons la participation ! De meilleures relations sociales dans l’entreprise ? Faisons donc de la participation ! Ne nous y trompons pas : la participation n’est pas le remède miracle à nos maux économiques et sociaux. Il est trop tentant d’y recourir, en la dénaturant, pour prétendre résoudre nos problèmes. Certains appellent à une véritable refonte de la participation. On entend fuser des propositions qui dénatureraient en fait tout l’édifice : fusion de l’intéressement et de la participation, déblocage immédiat des sommes versées… Gardons-nous de toute approche simpliste. La participation n’est pas un « bon coup » dans un plan « com » : c’est un édifice qui dépasse les clivages politiques, une idée ambitieuse et généreuse qui fait l’objet d’un consensus politique et syndical. Le Conseil supérieur de la participation, organe conçu par notre collègue Godfrain en 1993, réunit syndicats, organisations patronales, actionnaires salariés et administrations sous la présidence de Franck Borotra. Rares sont les institutions de ce genre. Ce consensus a également bénéficié de l’action de Jean-Pierre Balligand et de la loi de 2001. Je mentionnerai aussi la création des plans d’épargne retraite collectifs – PERCO – en 2003. Il nous faut préserver cet état d’esprit. Le remettre en cause serait aller contre les salariés. La participation, c’est une association des salariés à la vie de leur entreprise. Elle crée un nouveau climat social. C’est davantage un esprit qu’une réglementation, un projet de société qu’un pourcentage de pouvoir d’achat.

À la veille d’échéances électorales majeures, je ne peux donc qu’inviter à la retenue et au pragmatisme : la participation, et à travers elle les salariés, mérite mieux que le dogmatisme ou les effets d’estrade.

Le texte issu de la CMP est équilibré. Il respecte l’esprit de l’épargne salariale, tout en contribuant à la moderniser. C’est avec satisfaction et conviction que le groupe UMP le votera (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme Anne-Marie Comparini – Nous allons clore notre débat sur le projet de loi relatif à la participation tel qu’il nous revient du Sénat. Le groupe UDF avait apprécié le travail réalisé par les deux commissions de l'Assemblée nationale, qui avait permis de compléter le dispositif de la participation en incitant à son ouverture aux salariés des PME, trop souvent oubliés. En même temps, ce travail en profondeur avait permis de rejeter tout cavalier sans lien direct avec la participation. Vous ne serez donc pas étonnés de ma stupéfaction de voir à nouveau le thème noyé au milieu de dispositions qui nuisent à la clarté du signal que nous sommes nombreux, sur tous les bancs, à vouloir donner pour promouvoir le rôle irremplaçable des hommes et des femmes qui travaillent en entreprise.

La participation est un grand projet : la motivation, l’intéressement, la meilleure information et la formation des salariés sont une condition majeure du progrès. C’est un projet symbolique, qui se suffit à lui-même, et qui ne saurait être un élément parmi d’autres dans un train de mesures diverses, qui n’ont, en outre, fait l’objet d’aucune saisine, alors que certaines, concernant le droit du travail, auraient mérité un examen approfondi, en liaison avec les partenaires sociaux. Étrange conception du dialogue social, le jour même où l'Assemblée nationale examine une réforme visant à accorder toute leur place aux partenaires sociaux et alors que, il y a quelques jours seulement, le Président de la République rappelait la nécessité de ce dialogue !

En ce qui concerne le contenu de ces diverses mesures sociales, les questions que j’avais posées – concernant le prêt de personnel, les garanties offertes aux bénéficiaires du congé de mobilité, l’expérimentation du contrat de transition professionnelle, ou encore les inquiétudes exprimées par les conseillers prud’homaux sur l’exercice et l’indemnisation de leur activité –, sont restées sans réponse précise, ce qui montre la précipitation qui a présidé à leur élaboration. Il aurait été plus sage de recueillir l’avis des partenaires sociaux.

D’autres mesures, comme le chèque transport ou le doublement de la prime pour l’emploi, ont été prises dans l’urgence, en lieu et place d’un traitement de fond de la question du pouvoir d’achat. Le groupe UDF, qui a été le premier à tirer la sonnette d’alarme en 2003 sur les difficultés des ménages à petit budget, ne se plaint certes pas de telles mesures, mais la méthode choisie – le soutien ponctuel à la consommation – offre un appui fragile à l’activité, alors qu’une production industrielle en zigzag et une croissance nulle au troisième trimestre confirment la mauvaise orientation de nos exportations. L’augmentation du pouvoir d’achat requiert une production sur le long terme. Il faudra un jour avoir le courage d’ouvrir ce débat essentiel.

Nous attendions un texte dans la continuité du projet historique qui favorise la concertation et la participation directe des salariés, pour en faire de véritables partenaires, informés, responsables de l’organisation de leur travail. En raison du refus de faire droit à la demande de la commission des affaires économiques de rejeter toute mesure sans lien avec la participation, ce texte affaiblit non seulement les avancées en la matière, mais aussi les espoirs que nous mettons dans le dialogue social. Le groupe UDF s’abstiendra donc…

M. Francis Delattre – Courageusement ! (Rires sur les bancs du groupe UMP)

M. Maxime Gremetz – Soyez tolérants !

Mme Anne-Marie Comparini – …en déplorant cette méthode qui le force à s’abstenir, car nous n’avons aucune réserve sur la participation et le dialogue social, bien au contraire.

M. Maxime Gremetz – Très bien !

La discussion générale est close.

M. le Président – Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire. Conformément à l’article 113, alinéa 3, du Règlement, je vais appeler l’Assemblée à statuer, et ce d’abord sur l’amendement 1 du Gouvernement, qui lève le gage à l’article 21 ter.

L'amendement 1, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.
L'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.
La séance, suspendue à 18 heures 10, est reprise à 18 heures 15.

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modernisation du dialogue social

L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi de modernisation du dialogue social.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement  Ce texte bref, général et de principe va à l’essentiel afin de changer les pratiques. Comme tel, il serait sans doute apprécié par M. le président du Conseil constitutionnel (Sourires).

Le 12 décembre 2005, M. le Premier ministre a souhaité, lors de la commission nationale de la convention collective qu’une réflexion puis un texte soient élaborés et a désigné M. Dominique-Jean Chertier afin qu’il rédige un rapport. Remis en avril 2006, les partenaires sociaux ont été invités à le discuter avec le Gouvernement dès le début du mois de juillet. M. Larcher et moi-même avons alors adressé aux partenaires sociaux des documents d’orientation de manière à ce que nos échanges soient les plus constructifs possible. Deux séries de rencontres bilatérales ont ainsi été organisées, ces documents évoluant au fil du temps. C’est finalement le 6 novembre que la Commission nationale de la convention collective s’est réunie pour donner un avis avant que le texte ne soit adressé au conseil d’État. La procédure a été constructive, riche, intéressante et c’est aujourd’hui M. le rapporteur Perrut qui porte ce travail pour la commission. Finalement, nous avons procédé comme nous souhaitons que ce soit le cas demain s’agissant de l’élaboration des normes relatives au droit du travail individuel et collectif. M. Larcher, qui a travaillé avec les équipes de la DGT, va maintenant vous présenter le contenu de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes Depuis trente ans, notre économie a connu de profondes mutations : la globalisation modifie les rapports sociaux et lance de nouveaux défis aux entreprises ainsi qu’aux pouvoirs publics. Si les premières doivent à chaque instant innover pour demeurer compétitives, il revient aux seconds de moderniser notre modèle social afin de conforter notre cohésion sociale. Dans les deux cas, il est une méthode qui permet de réussir les réformes dont nous avons besoin : le dialogue social. C’est là un préalable indispensable aux réformes importantes, c’est le choix de l’ouverture, de la confiance, de la responsabilité. C'est pour ces raisons que ce projet traduit, dans un chapitre préliminaire de notre code du travail, les principes exposés par le Président de la République le 10 octobre dernier devant le Conseil économique et social : il faut franchir une étape décisive en plaçant les partenaires sociaux au cœur de l'élaboration des normes et des réformes sociales ; il ne sera plus possible de modifier le code du travail sans que les partenaires sociaux aient été mis en mesure de négocier sur le contenu de la réforme engagée ; aucun projet ne sera présenté au Parlement sans que les partenaires sociaux soient consultés sur son contenu.

Ce projet s'inscrit dans la continuité de la politique gouvernementale visant à donner davantage de place au dialogue social et à la négociation collective. Cette évolution s'est concrétisée par une extension de la négociation collective dans la plupart des textes intéressant le champ des relations du travail : lois sur le temps de travail ou loi de cohésion sociale par exemple. Ces textes organisent, selon des modalités diverses, un renvoi à la négociation collective, le plus souvent au niveau de l'entreprise, tout en préservant les exigences de l'ordre public. Ceci se traduit d'ailleurs par une activité conventionnelle soutenue : 44 accords interprofessionnels, 1 144 accords de branches et près de 20 000 accords d'entreprise ont été conclus selon le bilan annuel 2005 de la Commission nationale de la négociation collective.

La deuxième étape de cette évolution a été la loi du 4 mai 2004. Dans la ligne de la « position commune » signée par la plupart des partenaires sociaux, ce texte introduit un principe majoritaire dans la signature des accords et donne davantage de place et d'autonomie aux accords d'entreprises.

Pour franchir une troisième étape, il était impératif d'associer étroitement les partenaires sociaux. Nous avons donc choisi d'élaborer ce projet en concertation avec eux. S’agissant du dialogue social, M. Perrut établit dans son excellent rapport des comparaisons entre l’Allemagne, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et l’Espagne notamment. Accompagné d'une délégation des partenaires sociaux, je me suis précisément rendu dans ces deux derniers pays afin d’examiner, 24 ans après les accords de Wassenaar, comment s’organise le dialogue social et ce, quels que soient les gouvernements.

Si les pouvoirs publics ont le sentiment d'être très souvent en concertation ou en consultation s’agissant des textes sociaux, ce n’est pas le cas des partenaires sociaux. Notre réforme constitue un acte de confiance à l'égard du dialogue social puisqu'elle repose sur la conviction que les partenaires sociaux sont à même de porter les évolutions nécessaires de notre modèle social. Il fallait donc imaginer de nouvelles règles du jeu, en l’occurrence inspirées en partie de celles applicables au niveau de l'Union européenne. Elles donneront un cadre clair et organisé au dialogue social articulé autour de trois axes : concertation, consultation et information.

La concertation : lorsque le Gouvernement envisage une réforme concernant les relations individuelles et collectives du travail, l'emploi et la formation professionnelle, il devra dans un premier temps se concerter avec les organisations syndicales et professionnelles représentatives au niveau national et interprofessionnel. Cette concertation se fera sur la base d'un document d'orientation. Les partenaires sociaux pourront alors indiquer s'ils envisagent ou non de négocier, dans un délai imparti, un accord interprofessionnel. II appartiendra au Gouvernement de tirer toutes les conséquences de la réponse qui lui sera ainsi donnée. Il y sera particulièrement attentif, notamment quant aux délais et au contenu de la négociation.

La consultation, aussi : les textes législatifs et réglementaires, élaborés par le Gouvernement au vu des résultats de la concertation et de la négociation, devront être présentés devant les instances habituelles du dialogue social que sont la Commission nationale de la négociation collective, le Comité supérieur de l'emploi et le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie. Ainsi, nous comblons un vide de notre droit du travail, lequel ne prévoyait aucune consultation préalable obligatoire en cas de réforme portant sur le contrat de travail. La compétence de la Commission nationale de la négociation collective n'est donc plus cantonnée aux règles de la négociation, mais étendue aux relations individuelles du travail.

M. Jean-Pierre Soisson – Très bien !

M. le Ministre délégué – Par ailleurs, la compétence consultative du Comité supérieur de l'emploi – jusqu'alors facultative – devient obligatoire. Il avait été envisagé de revoir l’architecture globale de nos instances de dialogue, mais, après concertation, il a semblé inopportun de le faire dans le présent texte, l’enjeu étant manifestement différent.

Au titre de l’information, il est enfin prévu d’honorer un rendez-vous annuel entre le Gouvernement et les partenaires sociaux devant la Commission nationale de la négociation collective, au cours duquel les pouvoirs publics et les organisations représentatives feront part de leur calendrier respectif de réformes et de négociations. Il s'agit d'une avancée importante dans la modernisation du dialogue social. Aux Pays-Bas, de telles rencontres ont lieu avant l’ouverture de chaque session parlementaire et elles constituent un temps fort du dialogue entre partenaires.

J’en viens aux grands équilibres auxquels répond le projet qui vous est soumis.

D’abord, le texte tend à respecter les équilibres de la négociation collective. Il vise le champ de la négociation nationale et interprofessionnelle, ainsi que les organisations interprofessionnelles représentatives dans ce champ. À cet égard, le lien entre les organisations visées et le niveau de la négociation est essentiel. La procédure de concertation – soit le fait de demander aux partenaires sociaux s'ils veulent négocier – n'a de sens que si elle vise des matières susceptibles de faire l'objet d'une négociation et présentant un caractère général plutôt que sectoriel.

Ensuite, le projet respecte les équilibres institutionnels. Il donne une portée normative aux principes fixés dans l'exposé des motifs de la loi du 4 mai 2004, sans pour autant modifier les équilibres institutionnels. Il n'affecte donc pas les attributions constitutionnelles du Gouvernement et du Parlement en matière d'initiative des lois et de procédure législative. Je tiens à le préciser clairement dans cet hémicycle.

Bien entendu, il appartient au seul Parlement de voter la loi. Le projet de loi se situe très en amont de la procédure législative, et ne vise pas le dépôt des projets, propositions de loi et les actes qui leur sont postérieurs.

Le projet n'affecte pas davantage les règles résultant des règlements des deux assemblées du Parlement quant aux moyens d'instaurer un dialogue entre les parlementaires et les partenaires sociaux à l'occasion d'une loi transposant un accord interprofessionnel.

Enfin, pour le Gouvernement, se pose la question liée à la réserve que fait le texte en cas d'urgence. J’ai pu constater, devant votre commission, que ce point avait suscité bien des interrogations. Soyons clair : la mention de l'urgence procède non pas de la volonté de réduire la portée du texte, mais, au contraire, de celle de prendre en compte le principe de réalité. Ce principe exige de se donner la possibilité de déroger à la norme, dans les cas où l'urgence déclarée interdit de respecter la procédure de concertation préalable. En cela, le présent projet s’inspire d'un principe constant de notre droit public. Du reste, la plupart des textes de procédure font une dérogation en faveur de l'urgence. À titre d'exemple, la loi du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, réserve les cas d'urgence, de même que la loi du 11 juillet 1979 sur la motivation des actes administratifs. La référence à l'urgence n’a donc rien exceptionnel.

En réalité, ce n'est pas tant le principe de l'urgence qui est en cause, mais les risques d'une utilisation abusive qui priverait la réforme de toute portée. À cet égard, les garanties contre les possibilités de dérive sont prévues dans le texte lui-même, et votre rapporteur proposera de les renforcer encore.

Au reste, le dialogue social est, par nature, dynamique et vivant. Ce projet ne prétend par conséquent pas à l’exhaustivité. D'autres questions devront être traitées dans un avenir proche. Je pense, notamment, aux sujets abordés dans le rapport du président Hadas-Hebel, à propos desquels le Conseil économique et social vient de rendre un avis.

Cet avis donne des orientations sur les évolutions qui devront intervenir pour ce qui concerne les règles en vigueur en matière de représentativité des organisations syndicales, de validité des accords collectifs, de négociation collective dans les PME et de financement des organisations syndicales. Il constitue une étape importante, pour poursuivre la recherche de compromis sur le choix des solutions à retenir.

Si le Gouvernement est conscient que ces questions devront faire l'objet de réformes, il ne paraît pas opportun de les traiter dans le texte qui organise les rapports entre les partenaires sociaux et les pouvoirs publics. Du point de vue de la méthode, il serait paradoxal de faire figurer dans un texte organisant un nouveau mode de dialogue social des dispositions qui n'auraient pas été examinées de manière suffisamment approfondie avec les partenaires sociaux et avec les commissions parlementaires ! Sur le fond, les propositions du CES ne sont pas simplement techniques ; elles impliquent une transformation profonde du paysage syndical. Pour autant, elles se limitent à fixer des orientations encore trop générales pour faire, en l'état, l'objet d'une transposition législative. Nous devons donc procéder par étape.

C'est la raison pour laquelle le Premier ministre a annoncé ce matin, lors de la remise de l'avis du CES, qu'il demandait à Jean-Louis Borloo et à moi-même de travailler, avec l'ensemble des organisations syndicales et professionnelles, à la résolution des questions en suspens. Comme j’ai eu l’occasion de l’indiquer cet après-midi en répondant à la question d’actualité de M. Gremetz : le critère de l'élection doit-il être exclusif ? Sur quelles élections fonder la représentativité ? Quel seuil faut-il retenir ? Quelle organisation et quel financement ? Ce sont des interrogations majeures, à propos desquelles nous devons encore rapprocher les points de vue. Et encore la question des PME n’est-elle pas évoquée, alors qu’il faudra bien un jour se préoccuper de la situation des quelque huit millions de salariés concernés. Les réunions de travail que nous organiserons prochainement avec Jean-Louis Borloo permettront d'aborder tous ces sujets,

Le projet que nous vous proposons aujourd'hui pose le socle indispensable à la modernisation du dialogue social dans notre pays. Il a été conçu pour être adaptable aux réformes futures. Loin de constituer un frein aux prochaines réformes, il permettra d'être mieux armés pour les aborder.

Pragmatique et fondé sur la confiance, ce texte fera franchir au dialogue social une nouvelle étape qualitative. Cela n’exclut pas les divergences d’appréciation et le débat. Mais la confrontation doit être constructive et porteuse d’avenir : la nouvelle approche que nous vous proposons de retenir y contribuera. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Perrut, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales – À l’évidence, le présent projet de loi n’est pas un texte comme les autres. Si nous engageons cette étape décisive dans l'histoire de nos relations et de nos réformes sociales, c'est pour changer les pratiques. Cette ambition peut sembler humble : en réalité, c’est un pari gigantesque ! Passer d'une logique de conflit à une culture de la négociation, du compromis et de la responsabilité, conformément à l’ambition fixée par le Président de la République devant le Conseil économique et social, c'est un enjeu incroyable ! Mais nous y croyons, et les partenaires sociaux aussi !

La méthode retenue en préalable à la présentation du texte mérite d’être saluée car elle tend à l'exemplarité. En effet, tout au long de l'élaboration du projet, la concertation avec les partenaires sociaux a été privilégiée, au point que je crois sincèrement que nous assistons à un réel bouleversement. Et je sais combien le travail mené ces derniers mois par M. Larcher n'y est pas étranger. Discuter ligne à ligne un projet de loi, abandonner certains thèmes, en redessiner d'autres en commun, partir à Madrid ou à La Haye ensemble pour s'imprégner des bonnes pratiques : tout cela entrouvre la porte de la confiance. J'ai lu cette confiance dans nos échanges avec les partenaires sociaux, et il est bien sûr de notre devoir de ne pas la trahir aujourd’hui.

Nous sommes à un tournant de l'histoire de notre dialogue social. Voyons le contexte dans lequel s’inscrit le présent projet. Il y a quelques semaines, nous avons célébré les cent ans du ministère du travail et cet anniversaire a permis de rappeler les grandes étapes du dialogue social dans notre pays. En 1906, donc, le ministère du travail est créé pour accompagner les réformes et le dialogue social. Comme le soulignait le premier ministre du travail, René Viviani, dans son discours inaugural du 6 novembre 1906, « cette maison n'a pas été fondée pour préparer la révolution sociale, ni même pour résoudre la question sociale, mais, d'abord, pour être le préparateur des réformes sociales ». Et il est certain que l'histoire des réformes sociales s’est nourrie du dialogue social à tous les niveaux, pour entériner des usages locaux anciens et des logiques sectorielles de conception plus moderne : du national – interprofessionnel, par branches d'activité – au local, jusqu'à l'obligation de négocier au niveau de l'entreprise.

Par la suite, la loi du 25 mars 1919 a constitué un moment important dans la formalisation du cadre du dialogue social, ce texte conférant un statut légal aux conventions collectives.

Citons ensuite la loi du 24 juin 1936 qui relance le dialogue social et plus encore celle de 1950, qui élargit le champ à tous les salariés des conventions collectives et que vient prolonger la loi du 13 juillet 1971 qui reconnaît le droit des travailleurs à la négociation collective de l’ensemble de leurs conditions de travail et de leurs garanties sociales ; puis encore les lois Auroux portant sur le pouvoir disciplinaire, le droit d’expression sur le lieu de travail, les instituions représentatives du personnel, mais aussi la relance de la négociation collective. Votre projet de modernisation du dialogue social s’inscrit bien dans cette lignée.

Au fond, la France n’est donc pas inapte au dialogue social, et dans l’avis qu’il a remis aujourd’hui même, le Conseil économique et social le reconnaît. Certes, la notion est plus souvent utilisée que définie avec précision. Comme l’a mis en évidence le Président de la République dans son discours devant le Conseil économique et social le 10 octobre dernier, ce qui importe, c’est une culture qui permette de passer du conflit au compromis. Cependant, le droit du travail français n’a jamais véritablement consacré cette notion sinon dans l’intitulé de la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social. Assurément, le dialogue social est avant tout une pratique. Encore faut-il qu’un cadre formel lui permette de se déployer. Ne soyons pas injustes avec la France en sous-estimant sa capacité à changer ses habitudes.

C’est pourquoi j’insiste sur les efforts accomplis récemment. Certes, il y a six mois, nous vivions la crise du CPE. Pour autant, le bilan de la négociation collective pour 2005 témoigne de son développement considérable. Ainsi entre 1997 et 2004, le pourcentage de salariés couverts par une convention est passé de 93,7 % à 97,7 % et l’on négocie beaucoup au niveau interprofessionnel. Nombre d’accords importants ont été signés : sur la formation professionnelle en 2003, sur la mixité et l’égalité professionnelle en 2004, sur le télétravail et la convention de reclassement personnalisé en 2005, sur l’emploi des seniors et, récemment, sur la diversité. Pour y parvenir, les partenaires sociaux et le législateur ont beaucoup travaillé, que la loi renvoie à la négociation ou en reprenne les termes.

Ne sous-estimons pas non plus la capacité de notre pays à prendre en considération le dialogue social sur le plan institutionnel. La négociation s’est fortement développée dans les entreprises, et en 2005, si le nombre de conflits localisés a augmenté, la participation des salariés aux conflits a diminué de façon importante. D’ailleurs, un certain nombre d’institutions – Commission nationale de la négociation collective, Comité supérieur de l’emploi, Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie – favorisent le dialogue social.

Pour autant, la comparaison internationale nous révèle le retard français. La Grande-Bretagne, l’Allemagne, les Pays-Bas ou l’Espagne offrent autant d’exemples qui nous incitent à modifier nos pratiques. C’est ce que vous faites avec ce texte.

Il est le fruit d’une longue préparation qui a duré un an. En décembre 2005, le Premier ministre demandait à M. Chertier de faire des propositions que celui-ci remit en avril 2006. S’ensuivirent une première puis une seconde série de rencontres bilatérales, avec tous les partenaires sociaux, au cours de l’été, l’élaboration d’un avant-projet de loi en septembre, une troisième série de rencontres menées par M. Larcher, l’intervention du Président de la République devant le Conseil économique et social, le déplacement de M. Larcher avec les partenaires sociaux à La Haye et à Madrid en octobre et la réunion de la commission de la négociation collective de novembre. Ce travail fut exemplaire, même s’il fut décidé, dans un premier temps, de ne pas aborder certains sujets comme la restructuration des lieux de dialogue social ou la représentativité et le financement des organisations syndicales, dont traitent le rapport remis au printemps par M. Hadas-Lebel et l’avis du Conseil économique et social. Ces sujets exigent une concertation approfondie, et je me félicite que le Premier ministre ait annoncé ce matin que Gouvernement et partenaires sociaux vont y travailler ensemble.

Ce texte modifie profondément les règles du jeu en créant trois nouvelles procédures de dialogue social. D’abord, tout projet de réforme portant sur les relations de travail, l’emploi et la formation professionnelle fera l’objet d’une concertation avec les partenaires sociaux. Ensuite, avant la mise en œuvre de tout projet dans ces domaines, est instaurée une procédure systématique de consultation. Enfin, est institué un rendez-vous annuel au cours duquel le Gouvernement présentera ses grandes orientations et les partenaires sociaux l’avancement des négociations interprofessionnelles.

La commission a souhaité renforcer encore les garanties offertes par le projet, sans nuire à son équilibre ni à son efficacité, et a proposé cinq modifications principales.

Elle a d’abord adopté un amendement encadrant le recours à l’urgence qui permet de passer outre à la concertation. Sans en contester le principe, elle a voulu ainsi assurer le respect des prérogatives des partenaires sociaux. Pour éviter tout recours abusif à l’urgence, le Gouvernement devra donc motiver sa décision dans un document qu’il transmettra aux partenaires sociaux.

La commission a ensuite souhaité affirmer les prérogatives du Parlement, donc sa place dans la procédure. Elle a abandonné le mécanisme de commission mixte, trop rigide. Mais elle a adopté un amendement prévoyant que, parallèlement au rendez-vous annuel avec les partenaires sociaux, le Gouvernement remettrait au Parlement un rapport sur l’ensemble des procédures de concertation et de consultation ayant eu lieu durant l’année écoulée. Le rapporteur de la commission saisie au fond jouera un rôle important car il pourra recueillir les observations des partenaires sociaux sur ce document.

La commission a également adopté un amendement pour intituler le chapitre unique du titre nouveau « Dialogue social » inséré dans le code du travail « procédures de concertation, de consultation et d’information ».

Pour éviter toute interprétation ambiguë sur le champ de la procédure, elle propose de remplacer les termes utilisés dans le projet, à savoir les matières « susceptibles de donner lieu à une négociation nationale et interprofessionnelle » par les matières « qui relèvent » de cette négociation.

Enfin, elle a souhaité que soient rendus publics les échanges qui auront lieu à l’occasion du rendez-vous annuel devant la Commission nationale de la négociation.

Sur ce texte, avec les amendements proposés, il serait bon qu’il y ait une forme de consensus. Je souhaite en tout cas que la discussion soit fructueuse et reste fidèle à l’esprit réellement neuf de ce projet qui a, selon la formule de Jean-Louis Borloo, l’humilité des grandes ambitions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

exception d’irrecevabilité

M. le Président – J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d’irrecevabilité, déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Alain Vidalies – Le Gouvernement nous soumet aujourd’hui un projet de loi visant à accorder aux partenaires sociaux un temps de négociation avant tout examen parlementaire d’un texte portant sur le travail, l’emploi ou la formation professionnelle. La majorité a pourtant déjà voté un texte identique : la loi Fillon de 2004, en effet, portait réforme du dialogue social. Le même Gouvernement s’y engageait solennellement à renvoyer à la négociation interprofessionnelle tout projet de réforme du droit du travail, et à demander aux partenaires sociaux, avant même l’élaboration du texte, s’ils souhaitaient engager une négociation sur le sujet en question.

Même texte, même objectif : nous étions en mai 2004. Il est vrai que cet engagement solennel ne tint que quelques heures. Dans le même texte, en effet, le Gouvernement déposait sans concertation des amendements de dernière minute visant à remettre en cause le principe de faveur et la hiérarchie des normes : deux réformes majeures de notre droit du travail !

Cette ignorance systématique des partenaires sociaux a provoqué une suite d’événements édifiants. Après l’ordonnance régressive instituant le contrat nouvelles embauches, qui réformait le droit du travail en profondeur, vous avez tenté d’en étendre le champ avec le contrat première embauche. La crise sociale qui en découla résonne encore dans les mémoires comme une condamnation de vos pratiques. Décidément, votre engagement solennel est une promesse qui n’engage que ceux qui l’écoutent.

Pire encore : nonobstant ce projet de loi, vous ne cessez, par de petits coups fourrés, de vous attaquer aux droits des salariés. Il y a quelques instants encore, notre assemblée adoptait un texte sur la participation et l’actionnariat salarié, qui remet notamment en cause les prérogatives économiques des comités de grandes entreprises, qui exclut du calcul des effectifs les salariés sous contrat de sous-traitance ou de prestation de services, et qui autorise la détermination dérogatoire du calcul du temps de travail des transporteurs routiers. Autant de modifications du code du travail qui n’ont jamais fait l’objet de négociations et qui, par-dessus le marché, contredisent une décision de la Cour de cassation et une autre du Conseil d’État ! Alors même que vous nous proposez de réserver un temps au dialogue social, vous persistez à passer en force ! Comprenez notre perplexité : si votre engagement de 2004 était sincère, pourquoi l’avoir constamment bafoué au point que le présent texte sonne au mieux comme un acte de contrition et au pire, hélas, comme un acte de campagne électorale, soucieux que vous êtes de vous redonner un vernis social avant d’affronter le suffrage universel ? Ou bien est-ce de vous-mêmes que vous voulez vous protéger, incapables que vous êtes de respecter vos engagements ?

La rédaction de votre projet de loi suscite deux questions. La déclaration d’urgence, d’abord, qui permettra d’écarter la négociation. S’il faut certes envisager des circonstances exceptionnelles telles les crises sanitaires, faut-il pour autant avoir recours à une procédure constitutionnelle qui change la nature de l’exception ? Le texte devient ainsi une coquille vide. Qu’on en juge : depuis cinq ans, tous les textes portant sur le droit du travail sauf un ont fait l’objet d’une déclaration d’urgence. M. le rapporteur a heureusement proposé un amendement, que nous avons cosigné, imposant au Gouvernement de motiver l’urgence : espérons qu’il sera adopté.

Quelles sont, d’autre part, les conditions dans lesquelles les organisations syndicales feront connaître leur intention d’engager une négociation ? Vous maintenez le flou artistique le plus complet en la matière, et ne l’avez en rien levé lors de votre audition en commission. À ce jour, les syndicats de salariés ne peuvent arriver à former leur décision que si elles sont en nombre majoritaire. Or, chacun sait bien que trois organisations sur cinq ne représentent pas forcément une majorité de salariés. Nous touchons là au cœur du problème : la représentativité des organisations syndicales. En prenant le risque d’un accord minoritaire, vous détournez le dialogue social et affectez la relation entre la loi et le contrat.

Au contraire, le Parti socialiste défendra devant les Français une réforme profonde de la démocratie sociale. Naturellement, nous envisageons un temps pour la négociation, mais la décision doit reposer sur des règles nouvelles : représentativité résultat du vote des salariés et application du principe majoritaire en voix pour la validité des accords. Pourquoi ne pas franchir le pas dès aujourd’hui ?

Je tiens à saluer ici la qualité des rapports Chertier et Hadas-Lebel, qui ont remarquablement posé les problèmes et avancé des solutions. De son côté, le Conseil économique et social vient d’adopter un avis, qui retient le principe d’une modification des règles de représentativité et de validation des accords.

Les règles actuelles sont manifestement obsolètes et le débat pour une rénovation de la démocratie sociale a lieu partout, sauf à l’Assemblée nationale ! Comment continuer à appliquer un système qui repose sur une présomption de représentativité accordée par un arrêté de 1966 au profit de cinq organisations syndicales ? Comment accepter que la validité d’un accord soit établie par la seule signature d’une de ces cinq organisations ? Pouvons-nous continuer à parler de démocratie sociale quand les dispositions actuelles du code du travail privent, de fait, un salarié sur deux du secteur privé du droit de participer à la désignation de représentants ?

L’arrêté de 1966 a répondu à des circonstances historiques particulières, mais depuis quarante ans, le monde a profondément changé. Nous proposons donc son abrogation et l’organisation d’un grand scrutin de représentativité, qui s’appuierait d’abord sur les élections prud’homales, puis sur les élections de branches, et auquel participerait bien sûr chaque salarié de ce pays.

La représentativité des syndicats serait ainsi démocratiquement vérifiée et non plus administrativement octroyée. Toutes les organisations syndicales légalement constituées sur la base des critères prévus par la loi et dégagées par la jurisprudence pourraient participer à ce scrutin.

Nous proposons d’autre part que s’applique partout la règle de l’accord majoritaire. Pour être reconnu valide, tout accord devrait être conclu par une ou plusieurs organisations syndicales ayant obtenu la majorité des suffrages exprimés lors du scrutin de représentativité le plus récent. Cette règle s’appliquerait à tous les niveaux : interprofessionnel, branche et entreprise.

Nous défendrons des amendements reprenant ces propositions conformes à l’avis récent du Conseil économique et social.

Mais, manifestement, vous êtes décidé, Monsieur le ministre, à rester arc-bouté sur ce projet à l’objectif très limité et qui, en pratique, se heurtera au carcan des anciennes règles, notamment lorsqu’il s’agira de déterminer la volonté des organisations syndicales d’engager ou non une négociation sur un texte du Gouvernement. Faute de traiter de l’indispensable rénovation de notre démocratie sociale, votre réforme n’est pas à la hauteur des enjeux et n’est qu’un leurre.

Au XXIe siècle, tout salarié doit se voir reconnaître un droit effectif à la représentation syndicale et à la négociation collective. Ce principe, inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946, doit aujourd’hui devenir une réalité. Cette ambition d’une démocratie sociale forte et renouvelée doit concerner tous les salariés, notamment ceux des petites entreprises qui restent trop souvent les oubliés du dialogue social.

Ce constat est partagé par toutes les organisations syndicales et par les 800 000 entreprises représentées par l’Union professionnelle artisanale, qui, en décembre 2001, ont signé un accord sur la présence syndicale dans les très petites entreprises. Les gouvernements de droite, le Medef et l’UMP se sont opposés à l’extension de cet accord, donc à son application. Faute majeure, car cet accord était un formidable message d’espoir pour tous ceux qui aspirent et qui croient au développement de la démocratie sociale.

Votre refus de le voir s’appliquer éclaire votre frilosité d’aujourd’hui et votre refus d’utiliser l’avis du CES pour rénover la démocratie sociale. Le Premier ministre nous dit qu’un autre projet suivra. Mais quand ? La législature se termine bientôt. Nous ne pouvons que déplorer ce rendez-vous manqué ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Soisson – On ne peut pas accepter certains propos. Il n’y a de notre part aucun refus de traiter la question de la représentativité et de faire évoluer les choses…

Mme Martine David – Si !

M. Jean-Pierre Soisson – …mais ce débat s’engagera à l’occasion des élections qui viennent et nos positions ne seront d’ailleurs alors pas très éloignées de celles que vient d’exprimer M. Vidalies…

Mme Martine David – Évidemment, vous leur courez après.

M. Jean-Pierre Soisson – …en se fondant sur l’avis du Conseil économique et social. Mais il faut savoir que le vote du Conseil n’a pas été unanime.

M. Alain Vidalies – Ah, si vous attendez un vote unanime !

M. Jean-Pierre Soisson – Il y a eu en effet 132 voix pour et 58 contre. La Confédération générale des cadres, la CFTC, FO et le Groupe des entreprises privées et libérales ont voté contre. Par ailleurs, deux amendements de la CFTC ont été rejetés. Cela montre bien que les organisations syndicales sont divisées sur le sujet et que l’on ne peut pas trancher le débat aujourd’hui.

Les propositions de M. Vidalies ressemblent beaucoup – je dirais même au mot près – à un amendement de la CGT et de la CFDT, mais d’autres organisations, dont la CFTC, avaient aussitôt fait valoir des objections. Et si nous adoptions telles quelles vos propositions, Monsieur Vidalies, nous signerions la disparition programmée de certaines organisations, ce que personne ne peut souhaiter.

Nous devrons avoir demain, en 2007, un grand débat national sur cette question, mais de grâce ne soulevons pas aujourd’hui des questions que l’Assemblée ne peut pas trancher ! Un pas devant l’autre ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

M. Francis Vercamer – Si je fais à peu près le même constat que M. Vidalies, je ne suis pas d’accord avec sa conclusion, car nous demandons depuis longtemps que le principe d’une négociation préalable avec les partenaires sociaux soit inscrit dans la Constitution. Or, avec cette exception d’irrecevabilité, vous soutenez l’idée, Monsieur Vidalies, qu’un tel principe serait inconstitutionnel. Nous ne pourrons donc pas vous suivre.

Je note d’autre part que pratiquement tous les textes sociaux de cette législature, en tout cas tous ceux réformant le code du travail, ont fait l’objet – comme d’ailleurs le présent projet – d’une déclaration d’urgence de la part du Gouvernement, ce qui signifie qu’aux termes du texte que nous allons examiner, ils n’auraient de toute façon pas donné lieu à négociation avec les partenaires sociaux ! À cet égard, le CPE a été le bouquet, puisqu’il est arrivé par voie d’amendement, après quoi il a été supprimé par une proposition de loi du groupe UMP. Il y a eu certes du dialogue social…

Un député socialiste – Dans la rue !

M. Francis Vercamer – …mais pas celui qui est prévu ici.

Il manque dans ce projet le thème de la représentativité. On sait que le CES a demandé qu’un scrutin de représentativité soit organisé. Je pense pour ma part qu’un certain nombre d’autres critères doivent être pris en compte, tels que l’implantation territoriale, l’implantation dans le privé et le public et le nombre de représentants dans les entreprises.

N’oublions pas non plus que les TPE n’ont pas de représentants syndicaux, et que les organisations patronales devraient – elles aussi – être représentatives. Ce n’est pas un amendement comme celui qui a imposé le CPE qui pourra régler le problème. Le groupe UDF ne le votera donc pas, mais il ne votera pas pour autant cette exception d’irrecevabilité.

J’ajoute que la question du financement des organisations syndicales n’est pas abordée dans ce texte. Le Président de la République estime que nous légiférons trop sur le droit du travail. Il manque à mon avis dans le texte une délimitation du champ de la loi – les principes fondamentaux – et du champ du contrat – la négociation collective.

M. Maxime Gremetz – Une fois n’est pas coutume, je ne participerai pas au vote. Je n’aime ni la comédie, ni les tergiversations. Décider de défendre des motions de procédure, sur un sujet aussi important, sous prétexte que Maxime Gremetz en présente une, c’est de la politique politicienne ! En vingt-huit ans de mandat, je n’ai jamais vu cela ! Il y a des règles élémentaires que les parlementaires se doivent de respecter, surtout lorsqu’ils sont du même bord politique.

Je n’aime pas non plus que l’on fasse circuler des informations fausses. Qui a bien pu raconter à l’AFP que l’amendement souhaité par les syndicats sur la représentativité avait été rejeté en commission ? J’ai assisté à la réunion de la commission – et j’étais le seul représentant de l’opposition. Qui aurait pu défendre cet amendement ? Personne ! J’ai moi-même voulu le faire, mais il était trop tard. Il y a des méthodes que je ne supporte pas, qu’elles soient le fait de la droite ou de la gauche ! On nous dit que l’amendement déposé par Alain Vidalies, Jean Le Garrec et l’ensemble du groupe socialiste a été repoussé. La vérité, c’est qu’il n’a pas été repoussé, car il n’a pas été défendu – il n’y avait personne pour cela ! On peut raconter ce que l’on veut dans un tract ou en campagne électorale – même si je ne le fais pas pour ma part. Mais mettre ainsi en cause ses collègues de la commission et l’institution tout entière n’est pas admissible ! Qui sont les menteurs ? La politique est trop décriée aujourd’hui. Je ne peux accepter que ceux qui étaient absents en commission nous fassent parler, moi et ceux qui étaient là ! Peut-être est-ce cela, la rupture ou le modernisme. Mais quoi qu’il en soit, je ne prendrai pas part au vote sur cette exception d’irrecevabilité.

L’exception d’irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adoptée.

question préalable

M. le Président – J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable, déposée en application de l’article 91, alinéa 4, du Règlement. La parole est à M. Gaëtan Gorce.

M. Maxime Gremetz – Ils se sont alignés sur moi ! Ils avaient prévu de ne pas parler ! Cela prouve au moins que nous comptons dans la vie politique !

M. Gaëtan Gorce – Notre système de relations sociales est à bout de souffle. L’attitude du Gouvernement durant les quatre années qui viennent de s’écouler y a grandement contribué. On n’a jamais autant parlé de dialogue social, mais celui-ci ne s’est jamais si mal porté. Je ne fais même pas allusion au taux de syndicalisation ou à vos difficultés à faire aboutir des négociations interprofessionnelles qui font partie des engagements pris – par exemple sur la pénibilité. Je pense surtout à la loi Fillon, que vous avez fait voter le 4 août 2004, qui privilégie la négociation d’entreprise, mais qui a remis en cause le principe de faveur et est allée jusqu’à introduire dans notre législation l’opting out. Je pense encore plus à la confusion des rôles qui a prévalu au cours des dernières années. Comment espérer que le dialogue social se porte bien ? Le Gouvernement n’en a jamais eu cure ! Alain Vidalies a rappelé toutes les entorses que vous avez faites au principe que vous énoncez aujourd’hui, qui figurait dans l’exposé des motifs de la loi Fillon. L’exception est devenue le principe : vous décidez et les partenaires sociaux sont éventuellement consultés après, à moins qu’ils n’utilisent leur droit constitutionnel à manifester – comme ils l’ont fait dans le triste épisode du CNE et du CPE.

Est-il encore temps d’agir ? Sans doute, mais êtes-vous les mieux placés pour le faire ? Vous nous permettrez d’en douter. Notre pays a besoin d’une revitalisation de sa démocratie sociale. Le déséquilibre qui s’est instauré entre la loi et la négociation, entre les objectifs d’efficacité et de solidarité, menace aussi bien la cohésion de notre société que la compétitivité de notre économie. C’est seulement par une alliance étroite entre l’économique, le social et l’écologique que nous pourrons envisager les conditions d’un développement durable et solidaire. Que nous proposez-vous pour relever ce défi ? Deux malheureux articles mal fagotés, un texte qui s’est rétréci avant usage, perdant au fil des réunions de préparation son peu d’originalité. Le jugement qu’il appelle tient en deux phrases : c’est bien tard et c’est trop peu.

C’est d’abord bien tard. Il vous aura fallu pas moins de cinq années pour vous rendre compte de l’importance du dialogue social et de la nécessité d’organiser la consultation des partenaires sociaux. Alors que tant de textes ont été élaborés sans les syndicats, qu’un grand nombre de lois ont été votées dans l’urgence contre leur avis et que tant d’amendements sont venus modifier le code du travail – il y a ici des spécialistes –, vous vous décidez enfin à tenir un nouveau discours de la méthode !

Ayant pour ma part gardé un esprit un tant soit peu rationnel, j’imaginais que la consultation aurait lieu avant la décision. Compte tenu des changements importants qui ont été apportés au code du travail – remise en question des 35 heures, plus de flexibilité et moins de sécurité – ce texte aurait dû nous être présenté dès 2002. Vous attendez la fin de la législature pour vous doter de la méthode qui aurait pu vous éviter bien des erreurs.

Peut-on seulement vous faire crédit de vos intentions ? Un peu comme le délinquant revient sur les lieux de son forfait, revenez-vous sur le champ de ruines du dialogue social ? Certes, il n’est jamais trop tard pour bien faire, et peut-être est-ce là votre acte de contrition. Mais vous ne manifestez pas l’enthousiasme qui sied aux convertis ! Car si votre texte vient bien tard, c’est aussi bien peu. Il est d’abord incomplet, puisqu’il ne porte que sur les mécanismes du dialogue social, laissant de côté la question de la représentativité des partenaires sociaux. Comment ouvrir un champ plus large aux acteurs sociaux si leur légitimité n’est pas mieux assurée ? Comment ne pas revoir les modalités de signature des accords ? L’avis que vient de rendre le Conseil économique et social vous en offrait l’occasion. Dès lors qu’il a été voté à la majorité qualifiée – si l’on doit attendre l’unanimité, Monsieur Soisson, on risque d’attendre longtemps.

M. Jean-Pierre Soisson – Ce n’était même pas à la majorité qualifiée !

M. Gaëtan Gorce – Nous sommes presque à une majorité des deux tiers : cela donne tout de même une idée de ce que souhaitent les partenaires sociaux. Les principales organisations syndicales, dont un grand nombre qui ne sont pas représentatives aujourd’hui, se sont exprimées. Vous aviez là les bases qui vous permettaient d’engager une négociation. Nous sommes tous d’accord pour estimer que les règles de représentativité, qui datent de 1950 et de 1966, sont obsolètes. Pourquoi ne pas poser le principe de la représentativité fondée sur l’élection et inviter les partenaires sociaux à discuter sur ses conditions d’application ? (« Voilà ! » sur les bancs du groupe socialiste) Vous n’avez pas osé faire ce choix. Vous n’aviez pourtant pas hésité, en d’autres circonstances, à braver le front uni des organisations syndicales. Est-ce pour ne pas incommoder le Medef ? Certains pourraient penser que la tentation vous a effleurés. Je m’interroge pour ma part sur la cohérence de la grande organisation patronale, qui au moment même où elle propose de relancer la délibération sociale, conteste – et avec quelle énergie – au Conseil économique et social l’idée de modifier les règles de représentativité. M. Seillière était favorable à la négociation quand la gauche était aux responsabilités et y était opposé quand la droite est arrivée au pouvoir. Si Mme Parisot est favorable à la négociation pour demain, c’est de bon augure ! Je veux la rassurer : nous sommes déterminés à faire en sorte que la négociation et la consultation préalable aient droit de cité dans notre pays.

Reste la simple décence. Peut-être est-ce par décence que vous faites cette proposition, ou parce que vous n’y croyez plus vous-mêmes. Peut-être ne présentez-vous ce projet que contraints et forcés, convaincus que vous n’avez ni la légitimité de le présenter ni la possibilité, demain, de l’appliquer. Peut-être ne faut-il voir dans ce projet que l’expression d’une résignation, un aveu d’impuissance, ce qui expliquerait la faiblesse d’un texte à la fois incomplet, insuffisant et inapplicable.

Comment interpréter, autrement, le fait que les questions essentielles de la protection sociale soient sorties du champ de la consultation annuelle ? Comment expliquer l’absence de toute précision s’agissant des modalités selon lesquelles les partenaires sociaux feront connaître leur intention d’engager une concertation ? Une telle omission est d’autant plus grave que leur déclaration d’intention aura des conséquences juridiques précises. Comment sera-t-elle formalisée ? Est-ce que ce sera par le vote de l’organisme consulté ? Dès lors que vous avez renoncé à créer le Conseil du dialogue social, nous serons amenés à nous reporter à la composition de chacun des organismes consultés, dans lesquels figurent les représentants des administrations, qui, je suppose, ne seront pas invités à donner leur sentiment sur l’opportunité d’ouvrir des négociations. Seuls les partenaires sociaux seront invités à le faire ; mais selon quelles modalités ? S’agira-t-il d’une majorité numérique ou bien fondée sur les règles de représentativité ? Tout reste flou.

Nous avons lu attentivement le rapport Chertier, qui rappelle que ce que fait une loi, une autre loi peut le défaire. L’engagement que vous prenez avec ce texte ne liera nullement le futur législateur. Pour que cette procédure s’impose réellement, il aurait fallu présenter une loi organique, comme le rapport Chertier vous y invitait. Pourquoi cette solution a-t-elle été écartée ? Au fond, cette loi n’est-elle pas faite pour ne pas être appliquée ?

Mme Martine David – C’est bien ça !

M. Gaëtan Gorce – Il ne s’agit que d’une démarche d’affichage. Vous avez beaucoup à vous faire pardonner sur le dialogue social, et vous essayez d’effacer, par ce petit coup de publicité, tout le mal que vous lui avez fait. Comme sur la réforme des retraites et celle de l’assurance maladie, vous laissez aux autres le soin de finir le travail. Aucune de vos réformes n’est réellement financée, elles ne garantissent pas l’avenir de nos retraites ni celui de l’assurance maladie ; et le texte sur le dialogue social n’est ni fait ni à faire, il manifeste des intentions vagues, et devra être repris et retravaillé pour que nous ayons un mécanisme de concertation digne de ce nom.

Nous avons les uns et les autres péché en matière de dialogue social, mais vous plus que nous ! On se trompe sur la manière de réformer. Revitaliser la démocratie sociale, c’est la clé d’un changement discuté, accepté, négocié. Si nous voulons que ce pays bouge, qu’il sache utiliser au mieux ses talents et ses atouts, il faut que la réforme quitte les cabinets d’expert ou les majorités UMP pour rentrer dans un débat avec le pays, associant les partenaires sociaux. Sur ces bases, notre pays pourra montrer qu’il est prêt à la réforme.

Alain Vidalies a rappelé les éléments qui nous en paraissent indispensables. Il s’agit de fonder la représentativité sur l’élection, de valoriser l’accord majoritaire dans l’entreprise et dans la branche, de renforcer, non seulement les règles du débat ou de la représentativité, mais encore la présence et l’influence des syndicats dans les entreprises, en particulier dans les petites entreprises, ainsi que l’adhésion aux organisations syndicales. Alors que ces questions sont indispensables pour que ce débat soit pris au sérieux, elles ne sont nullement abordées. Il faudra attendre d’autres occasions, sans doute une autre majorité politique, décidée à construire le changement sur la concertation.

À la grande ambition de réformer notre système de relations sociales, vous apportez une bien frileuse concession. Comme c’est tout de même une concession, nous ne y opposerons pas. Nous nous efforcerons, simplement, au cours du débat, d’y insuffler, pour l’avenir, la foi qui vous manque. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Francis Vercamer – J’ai sursauté en entendant M. Gorce affirmer que ce gouvernement n’était pas légitime pour présenter un texte sur le dialogue social. Je rappelle que les 35 heures n’ont fait l’objet d’aucun dialogue social !

M. Gaëtan Gorce – Et les 70 000 accords ?

Mme Martine David – Ce n’est pas parce que vous répéterez toujours la même chose que cela deviendra vrai !

M. Francis Vercamer – Vous étiez rapporteur sur le texte des 35 heures, monsieur Gorce ; vous n’avez donc pas de leçon à donner en matière de dialogue social !

Je ne peux que regretter qu’un tel texte, extrêmement ambitieux, arrive en fin de législature, alors que, déjà, l’exposé des motifs de la loi de 2004 portait l’engagement solennel du ministre de légiférer. En outre, je ne suis pas sûr qu’une loi ordinaire sera appliquée par la législature suivante. J’aurais préféré une loi organique.

M. Jean-Pierre Soisson – Je voudrais convaincre nos collègues Vidalies et Gorce de voter ce texte avec nous. La question de la représentativité syndicale ne fait pas partie des questions que les organisations professionnelles et syndicales souhaitent aborder. Il a fallu une décision du Gouvernement, la remise du rapport Hadas-Lebel et enfin l’avis du Conseil économique et social. Cet avis, il faut le lire, pour voir les réticences des uns et des autres, et leurs difficultés pour parvenir à un compromis.

On ne peut donc pas traiter ce sujet au fond aujourd’hui, mais nous pouvons, et nous devons, inciter les organisations syndicales à le faire. C’est justement ce texte qui leur donnera un intérêt à changer les règles de la représentativité, car à partir du moment où nous renvoyons à la discussion entre les organisations, celles-ci auront un motif pour établir le dialogue. Ce texte sera le socle des débats de demain sur la représentativité : toutes les organisations professionnelles et syndicales auront un intérêt à modifier les règles, pour s’assurer d’une plus grande représentativité !

La seule assise de ces règles, actuellement, est l’arrêté de 1966 sur la présomption de représentativité irréfragable. Elle ne pourra être maintenue longtemps, M. Vidalies a raison de le dire ; il faudra la modifier, et pour cela, que les pouvoirs publics offrent aux partenaires sociaux l’occasion de nouer un dialogue. C’est ce texte qui donnera l’occasion dont nous avons besoin ; c’est le point de départ d’une réflexion globale sur la place des organisations dans notre pays et les conditions d’une meilleure représentativité de celles-ci. Chers collègues, encore un geste : votez ce texte avec nous !

M. Alain Vidalies – À mon tour, je vais essayer de convaincre notre collègue Soisson de ne pas voter ce texte en l’état et de demander encore un geste pour discuter d’un texte de véritable démocratie sociale.

M. Soisson a évoqué le vote du Conseil économique et social, mais en se gardant bien de dire que ceux qui ont voté contre ne manifestaient pas de cette façon leur opposition à de nouvelles règles de représentativité, mais plutôt à un texte qui ne prévoit rien en la matière. Depuis 1966, cinq organisations bénéficient d’une présomption irréfragable de représentativité. Or, de nouvelles organisations sont apparues depuis. Et nos tribunaux sont trop souvent occupés à trancher des litiges entre ces nouveaux syndicats, qui peuvent faire reconnaître leur représentativité à partir de critères reconnus par le code du travail, et ceux qui bénéficient d’une présomption irréfragable.

Il est de notre responsabilité de mettre fin à cette véritable gangrène qu’est cette compétition procédurale.

Enfin, Monsieur Soisson, nous ne considérons pas que le vote d’un amendement suffira à tout changer et que la question de la représentativité sera posée ensuite. Ce texte marche sur une seule jambe ! Il convient de poser la question de la légitimité des accords, donc de leur caractère majoritaire, sinon ce texte ne sera nullement à la hauteur des enjeux.

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Ministre délégué – Je ne discuterai pas ici de la relativité du péché car cela nous entraînerait trop loin de distinguer les péchés en parole, par action et par omission. Il est tout de même curieux d’entendre dire que ce texte serait mal fagoté, les fagots étant faits de bois morts alors que le projet, lui, est précisément plein de sève !

Monsieur Vidalies, une position commune a été définie en juillet 2001 et vous avez présenté un texte de modernisation sociale à l’automne suivant. Vous n’avez pas alors transposé les préconisations de la position commune ! En outre, nous ne sommes pas tétanisés par l’avis du CES, lequel pose un certain nombre de principes sur les élections, le dialogue social dans les PME, la validité des accords – il n’est pas question, à ce propos, d’un passage brutal au principe majoritaire – puisque c’est le Gouvernement lui-même qui l’a sollicité ! Ce texte ne marche pas sur une jambe : il constitue un socle sur lequel nous continuerons à bâtir des relations sociales apaisées. M. le rapporteur a auditionné les partenaires sociaux et aucun ne l’a rejeté ! Ceux qui parmi vous le soutiendront engageront un véritable changement. Il s’agit d’un rendez-vous très important ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.
La séance est levée à 20 heures 5.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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