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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

3ème séance du mercredi 6 décembre 2006

Séance de 21 heures 30
37ème jour de séance, 83ème séance

Présidence de M. René Dosière
Vice-Président

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

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projet de loi de finances rectificative pour 2006

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2006.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État Je tiens à faire part de mon émotion au cercle d’intimes réunis ce soir : nous abordons le dernier collectif budgétaire de la législature.

M. Didier Migaud Et le dernier de M. Bonrepaux !

M. Augustin Bonrepaux Peut-être même le dernier tout court !

M. le Ministre délégué Il parachève une exécution fiscale vertueuse, dans le respect de tous nos engagements.

M. Didier Migaud N’exagérons rien !

M. le Ministre délégué Les temps, certes, ont bien changé depuis quatre ans.

M. Augustin Bonrepaux En effet !

M. le Ministre délégué Autrefois, le collectif budgétaire était considéré comme le « match retour » de la loi de finances, dont on profitait pour ouvrir de nouveaux crédits qui entraînaient des reports – en 2002, de sinistre mémoire, ceux-ci atteignirent 14 milliards ! Depuis, nous avons remis de l’ordre dans nos pratiques budgétaires en respectant strictement la règle du « zéro volume », en rénovant les modalités de mise en réserve de crédits et en limitant au minimum vital les ouvertures de fin d’année.

Le projet que je vous présente aujourd’hui est l’illustration concrète de tous ces efforts. L’équilibre des dépenses est atteint : les ouvertures de crédits, qui s’élèvent à un milliard environ, sont intégralement gagées par des annulations de crédits équivalentes. C’est ainsi que nous pourrons supprimer la bulle des reports.

D’autre part, ces ouvertures sont strictement consacrées à des besoins apparus en cours d’année, s’agissant de l’emploi, de l’agriculture, de la défense et d’engagements financiers de l’État. Le Gouvernement vous proposera certes par amendement de financer trois mesures, pour un montant de 464 millions, mais cela aussi sera entièrement gagé par des annulations de crédits : il s’agit de la prime de Noël pour les bénéficiaires du RMI et de l’ASS annoncée par le Premier ministre, de la dotation pour calamités publiques et de la dotation spécifique aux communes forestières, et enfin du complément nécessaire aux opérations de maintien de la paix.

En somme, nous respectons à la lettre l’autorisation parlementaire initiale : pour la troisième année consécutive, l’évolution des dépenses ne dépasse pas celle de l’inflation.

Ce collectif budgétaire illustre aussi tout le parti que nous avons su tirer de la LOLF. Je tiens à ce titre à saluer la qualité du rapport de MM. Lambert et Migaud…

M. Michel Bouvard Tout à fait !

M. le Ministre délégué  …et j’en retiens que, si le démarrage ne fut certes pas exempts de quelques inévitables difficultés – l’expérience nous suggèrera d’indispensables améliorations –, cette première année est un véritable succès. En matière de dépenses d’abord, l’excellent amendement adopté l’an dernier à l’initiative de la MILOLF a profondément rénové les modalités de mise en réserve de crédits en y associant le Parlement et en donnant plus de visibilité aux gestionnaires. Nous avons ainsi pu parer aux imprévus tels que les crises sanitaires, tout en respectant nos objectifs initiaux. De même, les ministères ont parfaitement assimilé la souplesse qu’offre le dispositif de fongibilité des crédits entre programmes. En matière de recettes ensuite, la LOLF impose que l’on annonce par avance l’affectation d’éventuels surplus. Nous prévoyions cette année d’en affecter l’intégralité, soit plus de cinq milliards, à la réduction du déficit : ce sera chose faite !

Ce collectif comporte deux mesures techniques découlant de la LOLF : d’une part, alors que les pensions étaient, depuis les années 1980, toujours imputées avec un décalage d’un an, nous régularisons dès cette année celles de décembre 2005. D’autre part, la réouverture d’autorisations de paiement – pour un montant de 22 milliards – qui ne pouvaient être reprises sous forme d’autorisations d’engagement permettra de mener à terme les opérations d’investissement engagées avant l’entrée en vigueur de la loi organique.

Nous sommes donc au rendez-vous de tous nos engagements. La maîtrise de la dépense d’abord : nous la limitons à l’inflation. La réduction des déficits ensuite : le solde budgétaire s’établit à 42,5 milliards, soit une amélioration de 4,4 milliards par rapport à la loi de finances initiale. En trois ans, nous aurons ainsi réduit le déficit budgétaire de plus de 14 milliards : c’est en grande partie grâce à cela que la France est le premier des grands pays européens à avoir ramené son déficit sous la barre des 3 % du PIB. Les collectivités locales, enfin, bénéficieront de 700 millions supplémentaires de prélèvements sur recettes par rapport à la loi de finances initiale – ils seront notamment consacrés au fonds de mobilisation départementale pour l’insertion.

Non seulement nos engagements sont respectés, mais ce collectif poursuit également l’adaptation de notre fiscalité à une économie moderne.

Les questions écologiques sont désormais au cœur du débat public. Nous devons nous inspirer de ce qui se fait de mieux à l’étranger : à cet égard, le rapport de M. Landau est un outil précieux. Il ne s’agit pas de créer de nouveaux impôts, mais de moderniser notre fiscalité environnementale afin de favoriser les énergies alternatives et de réduire les activités les plus polluantes. À cet effet, le projet de loi permettra d’encourager le développement du superéthanol, de mettre en place le livret « développement durable » et d’instaurer l’indexation de la taxe générale sur les activités polluantes. Bien entendu, il faut être à l'écoute des acteurs économiques, qui peuvent avoir besoin de temps pour s'adapter, mais je compte sur notre discussion pour apporter, le cas échéant, les aménagements qui seraient nécessaires.

Le collectif comporte également des mesures ciblées en faveur de l’économie aussi bien que de certaines professions. Ainsi, il proroge pour 2006 le dispositif de remboursement de TIPP et de TICGN en faveur des agriculteurs, et pourvoit aux mesures de soutien prévues par le contrat de croissance conclu avec les hôtels, cafés et restaurants. Il adapte en outre – tout en le limitant à trois ans – le dispositif des SOFICA à la réforme de l'impôt sur le revenu adoptée l'an dernier, avec un double objectif : préserver le financement de notre industrie cinématographique et démocratiser l'accès aux SOFICA, puisque l’on passe d'une déduction d'impôt destinée aux ménages les plus aisés à une réduction d'impôt ouverte à tous. Je sais que le président Méhaignerie est très attentif à cet aspect de la question.

Enfin, ce collectif conforte la modernisation de l'administration fiscale et de l'impôt, au travers de trois mesures.

La première consiste à renforcer la lutte contre la fraude à la TVA dite « carrousel ». Les dispositions actuelles permettent de lutter contre la fausse facturation et les livraisons fictives, mais pas contre la fraude carrousel, type de fraude dans laquelle les entreprises réalisent, dans la très grande majorité des cas, des livraisons effectives du bien. J'ai donc souhaité donner à l'administration les moyens de lutter efficacement contre ces agissements, et, comme dans plusieurs autres États membres, la capacité de refuser le droit à déduction de la TVA quand l'acquéreur d'un bien sait qu'il participe à un schéma frauduleux.

La deuxième mesure tend à aider l'administration dans sa tâche d'évaluation de la valeur des entreprises en étendant la possibilité de faire appel à des experts extérieurs. Cette mesure législative sera accompagnée d'une professionnalisation de la mission d'évaluation au sein de l'administration fiscale, avec, notamment, la publication d'un guide de l'évaluation, le précédent datant de 1982. Dans ce domaine aussi, nous nous inspirons des meilleures pratiques étrangères.

Enfin, nous poursuivons la réforme du régime des acomptes d'impôt sur les sociétés. Entamée l’an dernier, elle avait pour but de réduire le décalage entre la perception de l'impôt et la conjoncture. Nous continuons sur la lancée, avec une augmentation de l'acompte minimal payé en fin d'année. Ce dernier est ainsi porté de 66 % à 80 % de l'impôt dû estimé au titre de l'année en cours pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 1 et 5 milliards, et de 80 % à 90 % au dessus de 5 milliards. J’insiste sur le fait qu’il ne s’agit en aucun cas d’impôts nouveaux, mais bien plutôt d'une mesure de bonne gestion, qui vise à avoir des rentrées fiscales cohérentes avec la santé des entreprises et avec les cycles économiques.

Au total, vous le voyez, ce collectif pourrait être qualifié de « loi de conclusion de la gestion budgétaire », destinée, d'une part, à solder les opérations budgétaires de l'année dans le strict respect de l'autorisation parlementaire initiale, et, d'autre part, à poursuivre la modernisation de notre fiscalité. On est ainsi bien loin des collectifs « session de rattrapage » ou « match retour » du budget annuel, qu'Alain Lambert et Didier Migaud souhaitent, avec raison, supprimer dans leur rapport sur la mise en œuvre de la LOLF.

Dernier collectif donc, ce texte traduit notre souci constant de bien gérer les finances de l’État. Les gains de productivité, obtenus au terme d’une démarche non idéologique de recherche systématique des économies possibles via les audits, permettent de mieux gérer la ressource, et, au final, cette bonne gestion retrouvée profite directement à nos concitoyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances – Convenez, Monsieur le ministre, qu’en nous présentant un collectif aussi excellent, vous ne nous incitez guère à nous priver à l’avenir d’un tel exercice ! (Sourires)

Dernier collectif de la législature, ce texte est aussi le premier qui achève une gestion en mode LOLF. Dans quelques mois, au printemps 2007, lorsque nous serons tous réunis pour examiner la loi de règlement, il faudra que nous soyons très attentifs à la manière dont la loi organique a été appliquée au cours de cette année 2006. Didier Migaud a insisté sur la nécessité de limiter les budgets opérationnels de programme et de réduire le nombre d’indicateurs, mais il faudra également vérifier si la déconcentration a bien joué, si la fongibilité des crédits a profité aux responsables de programme. En résumé, les rapports annuels de performance devront faire clairement apparaître si, oui ou non, cette première année « lolfique » a bien été exécutée. Rendez-vous donc, chers collègues, à la fin du printemps ou au début de l’été de l’année prochaine !

Ce dernier collectif de la législature prolonge la démarche, engagée dès 2002, de maîtrise de la dépense et de grande prudence dans l’évaluation des recettes. En 2006, cela nous conduit à nouveau à constater des excédents par rapport à la prévision.

C’est du reste une stratégie payante, puisque nous en touchons les dividendes avec la demande d’abandon de la procédure pour déficit excessif, conduite depuis quelques années à l’encontre de la France. Elle va s’éteindre, au vu des excellents résultats enregistrés.

S’agissant des dépenses, nous avons le plaisir de constater une stricte maîtrise de leur évolution puisqu’elles restent strictement contenues dans l’enveloppe que nous avons votée en loi de finances initiale, ce qui marque le respect du Gouvernement pour l’autorisation parlementaire : 266 milliards, pas un euro de plus ! Et cette exécution rigoureuse a été rendue possible au travers de quatre décrets d’avance, lesquels ont ouvert 1,6 milliard de crédits nouveaux par rapport aux 266 milliards votés et, en contrepartie, annulé un montant équivalent. Les crédits nouveaux visent à faire face à des dépenses imprévisibles. Je pense notamment au financement des crises liées au chikungunya et à la grippe aviaire – lesquelles ont fait l’objet du premier décret –, aux OPEX et aux opérations de maintien de la paix. Il a par ailleurs été nécessaire, comme souvent, de compléter les crédits destinés à l’emploi et à l’hébergement d’urgence.

Au final, l’équilibre budgétaire a été préservé. Dans le cadre de la LOLF et des compléments que nous lui avons apportés, nous nous sommes dotés d’instruments de pilotage de la dépense : les réserves de crédits. Pour la première fois, le Parlement a voté des taux de mise en réserve : 5 % pour tous les crédits ne concernant pas le personnel ; 0,1 % pour les crédits de personnel. Cela nous a permis de mettre de côté 5,5 milliards dès le début de l’année, qui ont été partiellement dégelés au fur et à mesure que s’en exprimait le besoin ; 1,2 milliard de crédits ont été annulés, pour gager les ouvertures de nouveaux crédits que j’ai précédemment évoquées. Cette année, le pilotage des crédits a donc été tout à fait remarquable.

Avec le collectif lui-même, ce sont 966 millions de crédits qui sont ouverts, mais ils vont être totalement gagés par des économies conduisant à des annulations. Ces moyens sont mobilisés au profit de la défense, des primes d’épargne logement, des aides à l’agriculture et de la mission emploi. Toutefois, Monsieur le ministre, vous savez bien qu’il y a encore un effort à faire, puisque n’est pas inscrite – mais elle ne l’est jamais à cette époque de l’année – la dépense récurrente liée à la prime de Noël pour les érémistes et les titulaires de l’ASS. Cela représente un montant très important – 370 millions –, auquel il faudra ajouter quelques dizaines de millions au profit des opérations de maintien de la paix. Dans le droit fil de ce qui a été fait, en exécution, depuis le début de l’année, je suis sûr que vous nous proposerez de nouvelles contreparties sous forme d’annulations, pour bien montrer que ce collectif – comme la loi de finances pour 2007 – ne laissera aucun héritage, que les comptes seront sains et que nos successeurs, quels qu’ils soient, n’auront pas, comme cela avait été le cas en juillet 2002, à financer trois primes de Noël « oubliées »…

Je tenais aussi à indiquer une ouverture de crédits de 3,3 milliards pour payer les pensions du mois de décembre 2005. Pour des raisons techniques sur lesquelles je ne m’étends pas, nous sommes en effet conduits, en cette première année d’application de la LOLF, à payer treize mois de pensions. Bien entendu, cela est sans effet sur le déficit réel.

M. le Ministre délégué – Et nous le faisons à la demande de la Cour des comptes !

M. le Rapporteur général – Que ne ferions-nous pas pour lui donner satisfaction ! (Sourires)

S’agissant des recettes, l’évaluation révisée retenue en loi de finances pour 2007 est confirmée. Nous constatons une bonne tenue des recettes d’impôt sur les sociétés, grâce aux bons résultats des entreprises en 2005 et 2006. La consommation restant dynamique, les recettes de TVA excèdent de 1,2 milliard la prévision, et celles de l’impôt sur le revenu la dépassent de 700 millions. Au total, la plus-value fiscale est de l’ordre de 4 milliards. Il convient cependant d’être prudent. En 2005 et cette année, nous avons bénéficié d’une élasticité des recettes fiscales à la croissance assez favorable mais nous devons toujours garder à l’esprit qu’une croissance autour de 2 % ou 2,2 % rapporte spontanément 10 à 12 milliards de recettes supplémentaires et que cela ne nous donne pas le droit de transformer ces surplus en nouvelles baisses d’impôts ou en dépenses supplémentaires, sauf à alimenter le déficit.

M. Michel Bouvard – Très bien !

M. le Rapporteur général – Merci, Monsieur Bouvard, de me soutenir, car il faut rappeler cette règle de bonne conduite inlassablement !

Nous enregistrons 4 à 4,5 milliards de surplus et, selon la règle d’or qui doit trouver à s’appliquer définitivement, ces surplus vont en totalité alimenter la réduction du déficit. Initialement fixé à 47 milliards, le déficit réalisé sera de 42,5 milliards, et ce chiffre est très important, puisque si l’on y ajoute le besoin de financement des collectivités locales et celui des comptes sociaux, on se rapproche – avec un ratio de 2,6 ou 2,7 % du PIB – d’un déficit stabilisant…

M. Charles de Courson – Il manque 2 milliards.

M. le Rapporteur général – Vous avez raison. Mais l’on s’en rapproche, et le déficit stabilisant, c’est le seuil à partir duquel on ne subit plus l’effet boule de neige qui augmente le poids de la dette d’année en année. En 2007, il faut se fixer l’objectif de rester en deçà du solde stabilisant de la dette de l’État.

Un dernier mot sur les positions prises par notre commission des finances à l’initiative de notre président. Nous avons eu une discussion assez longue sur la mesure consistant à modifier à nouveau le dernier acompte d’impôt sur les sociétés. Nous avons certes hésité à ajouter une nouvelle modification, après celles du collectif pour 2005 et de la loi de finances pour 2007, mais cet ajustement du dernier acompte est vraiment nécessaire. C’est une réforme structurelle : il est de l’intérêt général que l’impôt sur les sociétés épouse au plus près la réalité des bénéfices des entreprises. En revanche, comme ce dernier acompte doit représenter au moins 80 % de l’impôt que les entreprises sont censées devoir, pour celles dont le chiffre d’affaires est compris entre 1 et 5 milliards, et 90 % pour celles qui dépassent 5 milliards, il a paru sage à la commission d’assouplir un peu le seuil des pénalités. Nous proposerons donc de porter la marge d’erreur de 10 à 20 % et, en valeur absolue, de 1 à 5 millions.

La commission a eu des discussions très nourries sur la fiscalité écologique : elle est unanime pour souhaiter poursuivre les efforts dans ce domaine, car il s’agit d’une modernisation au service de l’intérêt général. Mais, s’agissant de l’augmentation, sensible, de la TGAP et de la mise en place de la taxe sur la filière d’utilisation du charbon, nous pensons qu’il est sage de laisser un peu plus de temps aux entreprises pour se retourner. Un amendement proposera donc de différer d’un an l’entrée en application de ces mesures, qui interviendrait alors au 1er janvier 2008, ce qui ne remet absolument pas en cause notre attachement au développement de la fiscalité écologique.

Nous avons aussi eu des discussions nourries sur les dépenses fiscales liées aux sociétés de financement du cinéma et de l’audiovisuel, les Sofica. Si l’intérêt économique de ce dispositif apparaît pleinement, il ne semble pas aller dans le sens de l’excellente réforme de l’impôt sur le revenu qui entrera en vigueur dès 2007.

Sous ces quelques réserves, je voudrais à nouveau saluer la grande qualité de ce collectif et vous appeler à le voter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Charles de Courson – Dans ce projet de loi de finances rectificative pour 2006, je voudrais tout d’abord m’arrêter sur la qualité des prévisions économiques retenues par le Gouvernement. J’ai toujours plaidé pour que l’hypothèse de croissance retenue soit la moyenne du consensus, et pour que les ministres cessent de faire croire à l’opinion publique qu’ils sont des démiurges capables de commander à la croissance. Selon l'INSEE, celle-ci a été nulle au troisième trimestre. Pour m’être intéressé, pendant mes études, à la fiabilité de ces comptes trimestriels, je peux vous dire qu’elle est exécrable : en matière de prévisions sur les stocks, on ne peut même pas être sûrs du signe ! Et l’on constate des écarts énormes sur les prévisions concernant les investissements. Elles ne sont à peu près correctes que pour la consommation des ménages et la balance commerciale. Les triomphes du Gouvernement au deuxième trimestre comme sa « déprime » d’aujourd’hui appellent donc une appréciation prudente. Ce qui est plus sûr, c’est que votre récente contre-performance ne vous a pas poussés à réviser vos prévisions de recettes. Or, au vu des résultats acquis à ce jour, il eût été plus sage de ramener le taux à 1,8 %, soit la moyenne du consensus pour 2006, plutôt que de le laisser à 2,25 – le taux même qui avait été retenu en 2005, alors que nous avons fini à 1,2 % !

La morosité ambiante se ressent également dans la production industrielle française, repartie à la baisse en septembre. C’est attribuable en grande partie à la baisse de 2,1 % de l’un des fleurons de notre industrie, le secteur automobile. L’économie française commencera l'année 2007 avec un très mauvais acquis de croissance. L’hypothèse de croissance retenue pour 2007 apparaît donc elle aussi comme manquant de prudence. Or, l’un des graves problèmes de l’économie française est sa perte de compétitivité. La France a perdu des parts de marché. Notre mauvaise balance commerciale obère notre croissance. La plupart des économistes estiment que l’euro fort n’en est que légèrement responsable : ceux qui essayent d’utiliser l’euro comme bouc émissaire des difficultés de notre balance commerciale font de l’illusion.

M. Hervé Novelli – Il a raison !

M. Charles de Courson – En effet, s’ils avaient raison, notre balance commerciale avec les pays de la zone euro, qui représentent environ 60 % de nos échanges, ne continuerait pas à se dégrader. Nos difficultés ne sont pas plus la conséquence d’une mauvaise spécialisation géographique. L’étude récente de Patrick Artus et Lionel Fontagné montre qu’elles sont plutôt dues à nos insuffisances dans le domaine des exportations à haut contenu technologique : à part le domaine de l’aéronautique, nous ne sommes pas assez bons – ce qui pose le problème de la recherche.

Je voudrais examiner maintenant certaines des dispositions fiscales de ce projet. D’abord, le Gouvernement continue d’aggraver la pression fiscale sur les entreprises. En ce qui concerne la réforme de la taxe sur les véhicules de société, vous avez eu tort, Monsieur le ministre, de céder au Sénat sur cette incroyable affaire des véhicules détenus par des salariés, qui nous a mis dans une situation épouvantable. La véritable réforme était simple : il suffisait d’abroger purement et simplement cette mesure. On n’a jamais fait du bon avec un mauvais concept. Quant à la nouvelle modification du régime d’acompte de l’impôt sur les sociétés, qui prévoit le versement du dernier acompte pour le 15 décembre prochain et modifie sa composition, c’est non seulement un bien mauvais tour joué aux entreprises, mais également une bien mauvaise manière de gouverner. Vous parlez de modernisation, mais c'est la troisième fois en un an que vous changez ces règles ! Pour l’UDF, la modernisation est justement le contraire : rien n'est pire, pour un entrepreneur qui prend déjà tant de risques, que de se sentir en outre menacé dans son environnement fiscal ou social.

La modernisation, c'est la stabilité du droit. C’est l’une des clés du dynamisme de l'économie et de la bonne santé de nos entreprises. Nous sommes fermement opposés à ce nouvel impôt. D’abord, il va aggraver la pression fiscale sur les entreprises – car c’est loin d’être seulement une mesure technique. Ensuite, nous n’avons toujours aucun détail sur la façon dont vous avez estimé son produit à 500 millions : la dernière modification, évaluée à 500 millions, a fini à plus de 2 milliards ! Je crains fort que l’estimation doive se rapprocher plutôt du milliard – autant dire qu’on reprend d’une main ce qu’on avait donné de l’autre ! Le caractère rétroactif de la mesure est également choquant, ainsi que le renforcement de l'insécurité juridique. Enfin, l’assiette de l’impôt sur les sociétés est la plus sensible à la conjoncture. Si les acomptes se montent à 90 % – pourquoi pas 100 %, pendant qu’on y est ! –, le jour où la conjoncture s’inversera, vous aurez un effondrement immédiat du produit de l’IS. Vous me direz que ce sont vos successeurs qui y feront face, mais tout de même…

Certaines dispositions fiscales dans le domaine de l’environnement montrent la même mauvaise gouvernance. Ainsi, la taxe sur le charbon n’a donné lieu à aucune concertation avec les milieux professionnels : cela dure depuis trois ans et il aura fallu être à la veille d’une condamnation pour non-application des directives communautaires pour qu’on décide précipitamment d’instaurer cette taxe – et au taux plafond encore, sans en discuter ! L’un de vos collègues, Monsieur le ministre, n’est même pas au courant des conséquences que cela peut avoir dans son secteur ! On ne peut pas gouverner comme cela.

J’en viens à la régulation budgétaire. Vous êtes très fiers d’avoir procédé à des annulations à due concurrence des dépassements de crédits qui ont été constatés. C’est très bien, mais lorsque l’on va dans le détail, comme l’a d’ailleurs fait la Cour des comptes, on se rend compte que plusieurs ouvertures de crédits ont été rendues nécessaires du seul fait d’une sous-évaluation manifeste et volontaire en loi de finances initiale, sous-évaluation que le groupe UDF avait d’ailleurs dénoncée. En ce qui concerne les OPEX par exemple, le rapporteur général se félicite parce que, si elles sont encore sous-évaluées dans la loi de finances pour 2007, c’est moins pire que sous le précédent gouvernement. J’ai calculé l’écart entre le montant des inscriptions et le montant constaté en fin d’année : 365 millions en 2003, 539 en 2004, 421 en 2005, 452 en 2006 ; soit 445 millions par an en moyenne. Certes, vous commencez à inscrire des crédits, mais les interventions extérieures sont de plus en plus nombreuses, et le coût croît ; l’écart ne se résorbe donc pas. La Cour des comptes a constaté à plusieurs reprises cette sous-évaluation persistante.

Je peux vous donner d’autres exemples : les dépenses de l’aide médicale d’urgence sont chaque année sous-évaluées de 200 millions. Pour la prime de Noël, vous ne faites certes pas aussi mal qu’un de vos prédécesseurs socialistes, qui a trouvé le moyen de ne pas en budgéter deux,…

M. Hervé Novelli – Quel Père fouettard !

M. Charles de Courson – …mais vous avez fini, Monsieur le ministre, par déposer un amendement de 375 millions. Et plusieurs autres ouvertures de crédits supplémentaires par décret d’avance trouvent leur origine directe dans la même sous-évaluation. Or, certaines auraient pu être couvertes par les disponibilités existantes, par simple redéploiement ou par mobilisation de la réserve de précaution.

Bien que ne mettant pas en cause l’équilibre budgétaire global établi par la loi de finances initiale, bon nombre d’annulations intervenues en 2006 pour assurer le financement des ouvertures de crédits supplémentaires ont porté sur des crédits devenus sans objet au sens de l’article 14 de la LOLF. Il n’y a pas grand mérite à réaliser de telles économies de constatation.

En conclusion, ce collectif est fondé sur des hypothèses trop optimistes. Ne continuons pas à faire croire que nous allons réaliser ces prévisions économiques, car ce sont des problèmes structurels qui expliquent que la France n’a connu que 2 % de croissance en moyenne ces dix dernières années. Par ailleurs, certaines dispositions fiscales sont inadaptées et contradictoires avec des mesures prises en lois de finances initiales pour 2006 et 2007. Enfin, l’utilisation des décrets d’avance a été pour partie irrégulière et la sincérité des mêmes deux dernières lois de finances insuffisante (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Jean-Claude Sandrier – L'examen de ce projet de loi de finances rectificatives ne vaut pas tant par les mesures annoncées que par la confirmation de choix économiques et sociaux qui conduisent à déconstruire notre pays. Pas un jour ne se passe sans l'annonce de plans de licenciement, qui brisent hommes et territoires.

Face à cette déferlante, le Gouvernement, comme tous ceux qui se couchent devant la mondialisation capitaliste, évoque la fatalité, explique que de telles purges sont nécessaires à la compétitivité, au nom d'on ne sait quelle loi non écrite qui ferait de la guerre économique la règle sacro-sainte des rapports entre les hommes et les nations. Mais le « non » à votre projet de Constitution européenne ultra-libérale a démontré que de moins en moins de nos compatriotes vous croyaient.

Ne nous y trompons pas : il n'y a pas que des vaincus. C'est d'ailleurs pour cette raison que le système survit encore. Les pressions sur l'emploi, par le chômage, la précarité, la remise en cause des services publics, sont autant d'armes aux mains des pouvoirs financiers transnationaux. Les tenants de cette mondialisation capitaliste expliquent que le SMIC, les dépenses publiques et sociales utiles, les « rigidités », nous pénalisent ; les chercheurs de rendements financiers, comme le relève l’économiste Laurent Cordonnier, prétendent que, pour secourir les pauvres, mieux vaut ne pas les aider !

En lisant le dernier ouvrage de Jean-François Kahn, Les Bullocrates, je n'ai pu qu’apprécier la perspective historique éloquente qu’il nous offre : « Lors d'un certain débat à la Chambre, en 1847, à propos du travail des enfants, qu'affirmèrent la plupart des orateurs ? Que la compétitivité exacerbée par la concurrence internationale exigeait que l'on réduisît le coût du travail » Les époques changent, mais les recettes restent les mêmes ! Vous ne pouvez guère vous parer de l'habit de la nouveauté.

Il n'y a pas de fatalité, cette situation est due à des choix de gestion capitaliste visant à maximiser la rentabilité à court terme, stratégie qu’illustrent à merveille les fonds d'investissement, qui prennent le contrôle de groupes entiers en empruntant les sommes nécessaires, puis en les faisant rembourser au détriment de l'emploi, de l'investissement et des territoires. Le groupe TDF est ainsi passé de 3 600 à 2 600 salariés après le passage du fonds d'investissement Chaterhouse. Les mêmes recettes sont appliquées chez Noos, Pages Jaunes, Picard... La rentabilité exigée par ces fonds – au moins 20 % – est surréaliste. Les voilà, les vrais privilégiés, les parasites qui s’enrichissent dix à vingt fois plus vite que ne croît la richesse de notre pays et du monde, et ce sur le travail du plus grand nombre ! Une telle exigence est de la pure folie, qui conduit à des destructions d'emplois massives et au gaspillage du crédit bancaire dans des opérations spéculatives. Dans la zone euro, entre 1997 et 2004, la quantité d’argent injectée dans l’économie par les banques a augmenté de 55 %, tandis que la croissance n’était que de 14 %.

Le grand problème est que cette stratégie déteint sur toute l'économie. Désormais, tous les grands groupes affichent de telles exigences. Les profits de ceux du CAC 40 n'ont fait que croître : 58 milliards en 2004, 84 milliards en 2005, sans doute 100 milliards en 2006. Pour plus de la moitié, ils ont été engloutis en dividendes versés aux actionnaires et en intérêts bancaires.

Par qui les fonds d’investissement font-ils payer leurs dégâts ? Par la collectivité ! C’est ce qui s’appelle privatiser les profits et collectiviser les coûts. Ce scandale doit cesser. La France, qui a donné au monde la Déclaration des droits de l'homme, peut être l'un des premiers pays à proposer la primauté de l'homme sur le rendement financier. Pour cela, il suffit que les fonds spéculatifs et autres assument les conséquences de leurs choix. Ceux qui cassent doivent payer pour la réparation sociale et territoriale. Leur contribution aujourd’hui est sans commune mesure avec les dommages qu’ils causent.

Le groupe communiste et républicain aura l’occasion, au mois de janvier, de présenter ses propositions pour enrayer les délocalisations et rééquilibrer les conditions de la concurrence. Aujourd'hui, en effet, la concurrence joue entre les salariés des différents pays, mais pas entre les tenants du capitalisme mondialisé. Pour sortir de ce cercle vicieux, nous proposons d'instaurer un droit d'accès aux marchés, calculé en fonction des écarts de salaires et de protection sociale entre les pays importateurs et exportateurs.

Les Restos du Cœur viennent de rouvrir leurs portes. Loin des statistiques enjolivées, on assiste à une augmentation de la précarité, nous disent leurs responsables : 6 % de nouveaux inscrits ! Les inégalités, du fait de votre allégeance à ce capitalisme sans foi ni loi, et à une politique fiscale injuste, n'ont fait que croître. À qui peut-on faire croire que, si nos concitoyens peinent à boucler les fins de mois, c'est parce qu'ils ne travaillent pas assez, alors que des charrettes de licenciements sont organisées, que « l'argent coule à flots », selon l'expression juste de Patrick Artus, et que les actifs financiers ont augmenté de 107 % en dix ans ! Et ne parlons pas de toutes celles – car ce sont d'abord des femmes – et tous ceux qui subissent les horaires incomplets, le temps partiel, les petits boulots qui ne permettent pas de s'en sortir.

Pour mieux faire passer la pilule, pour faire oublier les milliards qui valsent, de Neuilly à Auteuil, ainsi que les véritables privilégiés de votre politique, ces 5 % d’entre les plus riches qui bénéficient de la moitié des baisses d'impôts directs, vous leur opposez les allocataires des minima sociaux, les fonctionnaires... Vous pariez sur la division dans la population pour protéger les vrais privilégiés, ceux dont les dividendes, les stock-options et les salaires battent tous les records.

Et comme vous n'êtes pas sûrs du poids de vos arguments, vous nous ressortez l'argument de la dette ; le projet de loi de finances rectificative est à cet égard un cas d'école. Cette dette est alimentée par des moins-values fiscales, dans le but exclusif de peser sur les dépenses sociales utiles et de faire accepter la situation comme une fatalité.

Limiter votre propos à la dette brute est une mystification. Vous avez les larmes aux yeux en évoquant les 17 600 euros de dette par habitant et l'avenir de nos enfants, mais vous ne parlez jamais des 166 000 euros d'actifs par habitant ! En matière de dette nette, l'OFCE a remis, en janvier 2006, les choses à leur juste place : « En matière de dette nette, c'est-à-dire la dette brute moins les actifs financiers détenus par les administrations, la France est à 44 % du produit intérieur brut, nettement en dessous de l'ensemble de l'OCDE – 48 % – et des États-Unis – 47 %. Il n'y a donc pas de singularité française ». Cette obsession de la dette au nom de laquelle vous tentez de casser les services publics s'avère dangereuse pour l'économie ; c’est ce que souligne le rapport d'information du Sénat présenté par notre collègue Bourdin il y a deux semaines : « La réduction de la dette publique est un objectif qui n’est pas sans risque macro-économique alors que ses bénéfices sont plutôt incertains, car dépendant largement d'hypothèses exogènes, comme le niveau des taux d'intérêt ». Et de poursuivre : « La réduction de la dette publique, décrite dans la programmation pluri-annuelle est particulièrement importante. Elle rapporte 0,2 point de charges d'intérêt mais coûte 2,1 points de croissance ».

Voilà qui est limpide : votre dogmatisme et la tromperie que vous entretenez sur la dette publique et le déficit public sont de plus en plus flagrants.

Dans le cadre de ce collectif, il vous aurait été possible de redéployer les crédits et, en premier lieu, ceux qui sont destinés aux collectivités locales. Pourquoi elles ? Parce que les dotations qui leur sont allouées ne respectent pas le principe de compensation à l'euro près et que, de plus, en tant que principaux investisseurs publics, elles contribuent au premier chef à la croissance économique et à l'emploi.

En dépit des affirmations réitérées du Gouvernement, nous avons, sur tous les bancs de l’Assemblée, des exemples de transferts non compensés. Ainsi pour l’APA, dont le taux de couverture par l’État ne cesse de se dégrader. Ainsi pour le RMI : pour le seul département du Cher, la différence entre le montant des allocations et celui des transferts venant de l'État atteint 8 millions pour 2005 et 2006, soit 12 % de l’impôt des ménages ! Ainsi, encore, pour les transferts de personnels TOS et DDE. Le sénateur Éric Doligé écrit d’ailleurs dans un rapport d'information publié par le Sénat, que « les conditions d'application des compensations annoncées et l'évolution des charges constituent des sources sérieuses d'inquiétude. La question qui se pose est même de savoir si cette réforme ne va pas se transformer en « bombe à retardement » financière pour les collectivités ».

On aurait pu espérer que le collectif serve à réduire le contentieux avec les collectivités territoriales contraintes, pour assumer leurs missions, d'accroître la charge sur les familles par le biais d'impôts injustes. On aurait pu espérer, aussi, que des moyens supplémentaires soient dégagés pour la recherche, source d'une compétitivité saine et efficace.

L'autre volet de ce projet consiste en un arsenal de mesures prises, est-il dit, en faveur de l'environnement, mais il s’agit d’une posture plus que d'autre chose. Le sort réservé aux transports ferroviaires, particulièrement au fret, montre que nous sommes loin du compte, et le choix du « tout routier », assorti de la production limitée de biocarburants, est un danger majeur. Dans l'habitat, dans le transport, dans la maîtrise publique de l'eau, des déchets, de l'assainissement, il faut bien davantage que des mesurettes, ce qui exigerait de combattre le principe du profit immédiat.

C’est ce que Nicolas Hulot exprime clairement en disant qu'« il n'y a pas de compatibilité entre le système économique tel qu'il fonctionne et la mutation à laquelle nous sommes conviés », ajoutant que « nous devons nous orienter vers des changements structurels auxquels le logiciel du libéralisme, à base de laisser-faire et de logique marchande, n'échappera pas ». Or, vous faites tout le contraire !

D'autres choix sont pourtant possibles, s’agissant notamment des prélèvements et c’est pourquoi les députés du groupe communiste et républicain plaident en faveur d’une fiscalité juste, ce qui suppose la progressivité de l’impôt – accrue pour les hauts revenus – et un impôt indirect diminué pour les produits de première nécessité, mais aussi que les masses financières sous-fiscalisées contribuent à l'effort collectif. À cela, on nous répond : « Oui, mais ailleurs ? » comme si, « ailleurs », paradis fiscaux exceptés, chacun n’avait pas les mêmes problèmes à résoudre pour arrêter la fuite en avant d'un capitalisme prédateur !

En cette année 2006, les bénéfices nets des entreprises cotées au CAC 40 seront d'environ 100 milliards, dont plus de la moitié vont être engloutis en dividendes versés aux actionnaires et en agios. Cette masse financière est supérieure au déficit du budget 2006 !

M. le Président – Il vous faut conclure.

M. Jean-Claude Sandrier – De même, les politiques successives de cadeaux fiscaux aux entreprises ont diminué de plus de 20 milliards les cotisations sociales des entreprises mais, selon un récent rapport de la Cour des comptes, seuls trois de ces vingt milliards servent réellement à l'emploi. Oui, notre société est malade d'une petite caste de financiers qui s'engraissent comme des parasites du travail du plus grand nombre, et les choix affichés dans ce collectif vont continuer d'aggraver les inégalités. C’est pourquoi le groupe des députés communistes et républicains s’y opposera.

M. Michel Bouvard – Ce projet de loi de finances rectificative nous donne l'occasion de vérifier la pertinence des orientations de la loi de finances initiale, de nous assurer de son exécution conformément à l'autorisation parlementaire, de valider les modifications de crédits engagées par l'exécutif et de nous prononcer sur les mesures nouvelles regroupées dans le titre IV.

Pour commencer, je salue un projet qui témoigne d’une gestion responsable des finances publiques pour ce qui est, en premier lieu, de la maîtrise de la dépense. En effet, l'exercice 2006 ne déroge pas à la règle, fixée au début de la législature par Alain Lambert, du strict respect de l'autorisation parlementaire : en 2006, le plafond voté par notre Assemblée en loi de finances initiale n'aura pas été dépassé d’un euro.

Pour procéder aux ajustements nécessaires dans ce cadre contraint, le Gouvernement a eu recours à trois décrets d'ouverture et d'annulation de crédits ; un quatrième est en préparation. Le montant en a été limité à 0,9 milliard en crédits de paiement. Dans le respect des dispositions de la LOLF, ils portent notamment sur des dépenses dont l'évaluation était difficilement prévisible au moment du vote de la loi de finances initiale, qu’il s’agisse de financer la lutte contre le chikungunya, de pallier les conséquences de diverses crises sanitaires agricoles, de favoriser la distillation pour la viticulture, d’ajuster les besoins de financement pour l'indemnisation des descendants des victimes de la déportation ou de financer la nouvelle allocation d'installation étudiante votée par notre majorité.

Cette année encore, un complément est apporté aux OPEX du ministère de la défense. Si une partie de ces crédits supplémentaires est due à la nouvelle crise que traverse le Liban, pays auquel notre groupe témoigne à nouveau sa solidarité, une autre partie s’explique par la sous-dotation en loi de finances initiale. Cela justifie a posteriori la position responsable de la commission des finances, qui avait considéré que le redéploiement de crédits des OPEX en faveur du « plan banlieues » n'était pas opportun. Il faut mettre de l’ordre dans le financement des OPEX ! La Cour des comptes le souligne : comme l’année précédente, la réalité des besoins a été fortement sous-évaluée, ce qui oblige à recourir à la formule dérogatoire du décret d’avance, dispositif malsain et qui écorne sérieusement le principe de la sincérité budgétaire. La nécessaire budgétisation des OPEX doit se faire sur la base des dépenses constatées. Ce problème central devra être traité.

Les décrets d'avances et les ouvertures de crédits du collectif sont financés par des annulations de crédits portant essentiellement sur les mises en réserve auxquelles il a été procédé en début d'exercice, et par des annulations de crédits qui ne seront pas engagés d'ici à la fin de l'exercice.

La pratique des mises en réserve a gagné en lisibilité puisque l'information figurait dès le vote du projet de loi de finances, conformément à l'article 51 de la LOLF. L'autorisation parlementaire a pu se dérouler en 2006 avec un volume de crédits gelés inférieur à celui des exercices précédents, ce qui est une bonne chose. En revanche, notre groupe reste attentif à ce que le Gouvernement respecte strictement l'article 14 de la LOLF concernant la transmission à la commission des finances de « tout acte, quelle qu'en soit la nature, ayant pour effet de rendre des crédits indisponibles ». Il apparaît en effet que certains gels auraient échappé à cette notification. De même, compte tenu des nouvelles règles s'appliquant aux reports, dont le volume est limité à 3,5 %, et de la mise en réserve initiale, il n'est pas souhaitable que des gels supplémentaires interviennent sur les reports.

Je tiens enfin à saluer la gestion de ce premier exercice « en format LOLF », avec ce que cela a suscité de difficultés liées au passage des autorisations de programme aux autorisations d’engagement, alors que certains ministères disposaient d’un volume des premières très important, au regard de leur capacité budgétaire. Trente-six milliards d’autorisations de programme « dormantes » n’ont pas été repris dans la gestion 2006, ce qui dit assez la difficulté de l’exercice. Je rends hommage au ministre et à ses services, qui ont permis que le passage au nouveau dispositif se fasse dans de bonnes conditions. Je me félicite également que la fongibilité ait commencé à trouver application, pour 196 milliards.

Notre groupe trouve une autre source de satisfaction dans le niveau des recettes, qui confirme la sincérité de la prévision. Au total, les ressources nettes du budget sont réévaluées de 4,3 milliards. En y ajoutant les mesures de ce collectif, elles atteignent 4,5 milliards. La progression de l’impôt sur les sociétés s’établit à 2,3 milliards, celle de l'impôt sur le revenu à 0,7 milliard, celle de la TVA à 1,7 milliard. L'ISF progresse également de 0,4 milliard, sans doute encore en partie en raison de la hausse des prix de l'immobilier, ce qui devra conduire, au cours de la prochaine législature, à s'interroger sur l’assujettissement de la résidence principale à cet impôt.

Dans la continuité de ce qu'avait préconisé Nicolas Sarkozy, lorsqu'il occupait les fonctions de ministre des finances, à l'occasion de la réforme de la loi organique, et conformément à l'article 66 de la loi de finances pour 2006, l'intégralité de ces recettes supplémentaires sera affectée à la réduction du déficit de l'État, ramené à 42,5 milliards, en diminution de 9,5 % par rapport à la prévision et de 2,3 % par rapport à la loi de règlement pour 2005. En s’attachant ainsi à maîtriser l'endettement, dont le déficit est la source, le Gouvernement et la majorité assument leurs responsabilités vis-à-vis des Français.

J'en viens au titre IV. Pour le groupe UMP, les mesures nouvelles prises lors d'un collectif budgétaire de fin d'année doivent être orientées vers l'ajustement ou l'adaptation de dispositifs existants, afin de favoriser le développement économique, et leur impact doit avoir été apprécié. L’aménagement de la taxe sur les véhicules de société, la reconduction du remboursement de la TIPP ou de la TICGN accordé aux agriculteurs en raison du prix élevé de l’énergie, ou bien encore l’adaptation de l’abattement sur les bénéfices imposables des jeunes agriculteurs s’inscrivent dans cette logique, et nous les soutenons. Nous approuvons de même les mesures de modernisation de l’administration fiscale, qu’il s’agisse de l’expertise ou de la lutte contre la fraude à la TVA. Celles prises en faveur du financement du Centre national du livre ainsi que la simplification de la taxe sur les entrées de cinéma vont également dans le bon sens. Nous nous félicitons de même des dispositions de l’article 26 en faveur de la modernisation du secteur des cafés–hôtels–restaurants : elles faciliteront la mise aux normes d’hygiène, de sécurité et de confort des établissements, et permettront d’améliorer la formation et la valorisation des compétences des professionnels.

Je m’interroge en revanche sur la modification apportée au régime des Sofica. Alors que notre groupe a toujours souhaité qu’on réduise le nombre et la nature des dispositifs de défiscalisation et qu’on en évalue l’efficacité, je souhaite que le débat nous éclaire sur les intentions du Gouvernement à ce sujet.

Plusieurs mesures visent à mieux prendre en compte les exigences environnementales et de développement durable, auxquelles notre groupe est bien sûr très attentif. Il a d’ailleurs milité par le passé et cette année encore dans le projet de loi de finances initiale en faveur de dispositions allant en ce sens, dont plusieurs ont été introduites par voie d’amendement.

Il nous paraît en revanche indispensable, en matière fiscale comme dans d’autres domaines, de respecter deux principes que le Président de l’Assemblée nationale a lui-même rappelés lors de la présentation des vœux au Président de la République, qui ne l’a pas démenti. Tout d’abord, garantir la stabilité des textes et donc laisser le temps à une mesure de produire ses effets, de façon que ceux-ci puissent être évalués avant toute modification – sauf bien sûr erreur flagrante. Ensuite, procéder à une étude préalable de l’impact de toute disposition.

Plusieurs des mesures du texte à visée prétendument écologique ne tiennent, hélas, pas compte de ces recommandations et nous paraissent devoir être sinon abandonnées, du moins reportées. Ainsi faut-il déjà légiférer sur le super-éthanol alors que le projet de loi de finances initiale pour 2007 comporte plusieurs mesures en faveur des biocarburants ? De même, n’aurait-il pas fallu étudier préalablement l’impact qu’aura dans certains secteurs agricoles et industriels la taxe intérieure de consommation sur le charbon, la houille et les lignites créée à l’article 24, qui peut être lourde de conséquences dans des situations de vive concurrence ? Nous ne nous opposons pas à ces mesures mais demandons qu’elles soient expertisées et que leurs conséquences soient discutées avec ceux qui les subiront.

De même, l’augmentation de la TGAP, laquelle aurait d’ailleurs pu être débattue dans le cadre du projet de loi de finances initiale, aurait sans doute dû tenir compte des efforts consentis par les industriels recherchant les certifications environnementales ISO 14001, par rapport à ceux qui n’ont rien fait en ce sens.

M. Michel Piron – Tout à fait.

M. Michel Bouvard – S’il convient d’encourager les constructions économes en énergie ou de favoriser les travaux dans l’habitat allant en ce sens, au travers d’incitations fiscales à l’isolation et à l’équipement en appareils de chauffage ou chauffe-eau solaires par exemple, est-il vraiment opportun de prendre une mesure dont le coût sera supporté par les collectivités locales, au travers d’une exonération de la taxe foncière sur le bâti ? Les promoteurs seront les premiers bénéficiaires de l’aubaine, alors que l’attention des consommateurs a déjà été largement appelée sur la performance énergétique des logements par de récentes dispositions.

Au-delà de ces interrogations sur quelques-unes des mesures de ce projet, le groupe UMP, satisfait des résultats positifs qu’il traduit pour nos finances publiques comme des mesures d’incitation économique et de modernisation de la gestion de l’État qu’il comporte, approuvera ce dernier acte budgétaire de la législature, qui témoigne d’une démarche de responsabilité, et donc de respect de nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Didier Migaud – Ce projet de loi de finances rectificative est un bel exemple de mauvaises pratiques (Interruptions sur les bancs du groupe UMP).

En effet, ce texte comporte une multitude de dispositions destinées à créer ou à renforcer des niches fiscales, sans que soit nulle part évaluée l’incidence budgétaire de ces largesses clientélistes, non sans lien avec l'imminence d'échéances électorales majeures... Il va donc accentuer la dérive des dépenses fiscales, dont l'efficacité reste à prouver mais qui aggrave les inégalités au profit des plus aisés.

La profusion de ces dispositions a d'ailleurs rendu ce projet obèse, avec pas moins de 45 articles au moment de son dépôt, et donc sans doute bien davantage lors de son adoption finale. Il s'apparente ainsi plus à un DDOF qu'à une loi de finances rectificative.

Il comporte également diverses mesures budgétaires destinées à pallier l'insincérité initiale, notamment – mais pas seulement – concernant les OPEX, sous-dotées à hauteur de plus de 428 millions d'euros !

M. Michel Bouvard – Auparavant, aucun crédit n’était inscrit à ce titre.

M. Didier Migaud – Certes, mais vous ne sauriez vous prévaloir des turpitudes des autres pour justifier les vôtres.

Compte tenu de tous ces éléments, je rappelle que, dans le rapport que nous avons remis au Gouvernement sur la mise en œuvre de la LOLF, Alain Lambert et moi-même préconisons la suppression du collectif de fin d’année. Lors de notre précédente mission, nous avions recommandé de « découpler le collectif de fin d'année du projet de loi de finances de l'année suivante », ayant constaté que le volet budgétaire du collectif constitue souvent une session de rattrapage du projet de loi de finances, dont l'examen se poursuit en même temps dans le cadre de la navette. Il nous paraît aujourd'hui nécessaire d'aller plus loin et de le supprimer purement et simplement.

Sa suppression éliminerait de facto la tentation toujours possible des abattements-reports, même si le plafond de 3 % fixé par la LOLF constitue un frein à cette pratique peu respectueuse du principe de sincérité. Elle renforcerait de même le caractère impératif des plafonds de dépenses, globales ou par programme, ce qui inciterait à calculer les enveloppes budgétaires au plus près des prévisions de dépenses. Le budget ne serait pas pour autant privé de toute possibilité d'ajustement, le Gouvernement conservant la possibilité de recourir aux virements et décrets d’avance prévus par la LOLF, qui constituent cependant un cadre plus contraint qu'une loi de finances rectificative. Cette suppression devrait en outre aller de pair avec le renforcement de la pluri-annualité et l'instauration d'une norme triennale de la dépense. Par ailleurs, la disparition de la « soupape de sûreté » que constitue le collectif de fin d'année permettrait de peser sur les annonces ministérielles concernant les politiques nouvelles décidées en cours d'année.

La suppression du collectif conduirait également, en fin de gestion à abandonner le pilotage du solde budgétaire par le biais des règlements réciproques pendant la période complémentaire. L'article 28 de la LOLF a déjà sensiblement réduit la portée de la période complémentaire. Il faut aller au bout de cette démarche et supprimer la notion même de règlement réciproque.

Le ministre et le rapporteur se sont félicités des excellents résultats obtenus. Le ministre de l'économie avait assuré ici, lors de la présentation du projet de loi de finances initiale, qu’une croissance forte était au rendez-vous. « Tout porte à croire que notre économie continuera de progresser aux troisième et quatrième trimestres de cette année », avait-il même conclu. Or, les premiers résultats du troisième trimestre de 2006 publiés par l'INSEE ont totalement infirmé ces propos. Au troisième trimestre, la croissance a malheureusement été nulle, la création d'emplois n'a augmenté que de 0,1 %, et le chômage n’a pas diminué malgré la reprise des emplois aidés et les évolutions démographiques. Nous avons également assisté à un recul de la consommation, et des investissements, ainsi qu’à une nouvelle dégradation du solde du commerce extérieur, ce qui limite la croissance annuelle à 1,9%.

Telle est la triste réalité. Ni l'héritage du passé, ni les 35 heures, ni les congés pris par nos concitoyens, comme a osé l'affirmer M. Breton, ne peuvent expliquer sérieusement cette situation. Celle-ci résulte en réalité de votre politique, qui aggrave les inégalités et affaiblit le pouvoir d'achat de nos concitoyens. Et ce collectif est une parfaite illustration de cette politique injuste et inefficace.

La plupart des économistes tablent aujourd'hui sur une croissance au mieux égale à 2 % en 2006, soit en-deçà de celle de l’Allemagne et même de la moyenne de la zone euro, estimée à 2,6 % en 2006. Nous sommes loin de « faire mieux que nos voisins », comme le prétend le ministre de l’économie. Au sein de l’OCDE, la France réalise même au troisième trimestre la plus mauvaise performance des sept grands pays – Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni.

Malgré des recettes dynamiques, notamment en matière d’impôt sur les sociétés, conséquence de l'importance des bénéfices réalisés par les grandes entreprises, nos comptes publics demeurent dans le rouge. Le déficit budgétaire s’élève à 42,5 milliards d'euros, en amélioration de 4,4 milliards seulement par rapport à celui affiché en loi de finances initiale. Ce mieux qui s'explique par les surplus de recettes fiscales nettes, d'un montant de 5,3 milliards d'euros, ne doit pas faire oublier que le déficit de l'État reste supérieur de 10 milliards d'euros aux 32 milliards atteints à la fin 2001. Le déficit public atteindrait au mieux 2,7 % du PIB en 2006, soit 0,1 point de plus que le haut de la fourchette fixée par l'audit des finances publiques réalisé en 2002. C’est pourquoi nous souhaiterions qu’un audit soit réalisé avant les prochaines élections et nous prenons en tout état de cause l’engagement d’y procéder quand les Français, qui souhaitent le changement, nous auront ramenés au pouvoir.

Malgré 17,8 milliards d’euros de recettes de privatisations, montant record sur lequel 13,3 milliards ont été affectés à la Caisse de la dette publique, la dette publique atteindrait encore 64,6 % du PIB en 2006, soit 8,4 points de PIB de plus qu’en 2001. J’ai déjà dit ce qu’il fallait penser de la baisse optique du ratio dette/PIB dans l’exception d’irrecevabilité que j’ai défendue lors de l’examen du projet de loi de finances initiale. Le rapporteur général forme le vœu que le solde primaire soit à l’équilibre fin 2007, mais force est de constater que jamais, de 2002 à 2007, vous n’y serez parvenus. Il y a donc, là aussi, des marges de progression importantes.

Au total, on l'a dit, les recettes fiscales nettes progressent de 5,28 milliards par rapport à la LFI 2006, mais le collectif budgétaire en « consomme » déjà 320 millions en dépenses fiscales nouvelles, dont 130 millions de remboursement partiel de TIPP et de taxe intérieure sur les consommations de gaz naturel au profit des agriculteurs et 70 millions d'allégement nouveaux de la taxe sur les véhicules de société. S’y ajoutent de nouvelles niches fiscales dont le coût est rarement chiffré. Bref, la progression de la dépense fiscale, que vous n’avez jamais maîtrisée, atteint ici son apogée.

Par ailleurs, le rapport de la Cour des comptes sur les mouvements de crédits en 2006 fait apparaître de graves manquements et peut faire douter de votre intention d'appliquer les dispositions de la LOLF qui encadrent l'exécution budgétaire. Ainsi, selon la Cour, le maintien au même niveau qu'en 2005 du volume de crédits déplacés atteste que le Gouvernement ne tire pas suffisamment parti des possibilités de redéploiement offertes par la fongibilité des crédits et leur globalisation au niveau du programme.

La réserve de précaution aurait pu et dû être mobilisée dans un grand nombre de cas où elle ne l'a pas été. De nombreux mouvements traduisent une sous-dotation initiale, à hauteur de plus de 400 millions dans le cas des OPEX et de 110 millions pour les crédits ouverts sur le programme des anciens combattants pour l'indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie durant la seconde guerre mondiale. Et un certain nombre d'annulations ne remplissent tout simplement pas les critères de la LOLF, certaines étant d'ailleurs compensées par des ouvertures dans le présent collectif, par exemple de 323 millions sur la mission Défense après une annulation de 491 millions. En revanche, on n’y trouve pas certaines ouvertures nécessaires comme les 300 millions environ nécessaires pour la prime de Noël des allocataires du RMI.

Au 1,6 milliard ouverts, et gagés par des annulations, par voie de décret d'avance, le présent collectif ajoute 966 millions également gagés par des annulations, soit un montant total de 2,7 milliards.

Comment a-t-on utilisé les 5,5 milliards de la réserve de précaution, officiellement constituée pour faire face à une éventuelle dégradation du solde budgétaire ou à des dépenses non prévisibles ? Sur ce total, 1,4 milliard de crédits, liés notamment à l'exercice de droits sociaux, devaient être dégelés en fonction des besoins. Restent 4,1 milliards gelés en début d'année sur les dotations des politiques publiques. Or les annulations n'ont pas toujours concerné cette réserve de précaution. Que vont devenir les crédits mis en réserve en début d'année et dont le Gouvernement n'a pas confirmé le dégel ou l'annulation ? S’il n’y a pas dégel, pourquoi les avoir mis en réserve ? Le rapporteur général a considéré comme moi en commission des finances – je le répète donc ici – que le Gouvernement nous devait des explications sur ce point très important.

Selon les indications fournies plus récemment par le rapporteur général, 400 millions ouverts par décrets d'avance ou par le présent collectif l'ont été sans mobiliser la réserve de précaution. Pourquoi, quelles sont les missions et programmes concernés ? S'agit-il de crédits de la mission Défense ?

En outre, il reste environ 1 milliard d'euros de crédits « réservés » dont, selon le rapporteur général, une moitié serait dégelée et l'autre probablement annulée. Finalement, le gel initial de crédits n'est donc pas utilisé pour faire face à des imprévus ou à une dégradation du solde mais tout simplement pour réduire l'autorisation parlementaire et respecter en apparence la norme de dépense affichée.

Pour faire la lumière sur la façon dont la réserve de précaution est utilisée en cours d'exercice, il serait souhaitable que, dans les rapports de motivation qui accompagnent les projets de décrets soumis pour avis aux commissions des finances, le Gouvernement indique systématiquement si cette réserve est mise à contribution, et à quelle hauteur, pour gager des ouvertures.

En résumé, ce texte ne paraît pas indispensable et ne mérite pas qu’on y consacre trop de temps. Dans ces conditions, je recommande à l’Assemblée de voter contre. Augustin Bonrepaux, dont ce sera vraiment la dernière intervention magistrale sur une motion de procédure…

M. Philippe Auberger – Cela fait quatre fois.

M. Michel Bouvard – C’est une tournée d’adieux !

M. Didier Migaud – …vous expliquera mieux encore pourquoi ce texte ne mérite pas un vote favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre délégué – Augustin Bonrepaux est à l’Assemblée nationale ce que Joséphine Baker était au music-hall !

M. Hervé Mariton – M. Migaud a eu du mal à conclure que nous ne devrions pas approuver ce projet…

M. le Ministre délégué – Ça le déchire !

M. Hervé Mariton – ...car il sait bien que ce collectif a pour première vertu de ramener le déficit à 42,5 milliards. C’est la poursuite d’un effort qui a permis, en quelques années, de diminuer le déficit de 14 milliards…

M. Didier Migaud – Et en pourcentage du PIB ?

M. Hervé Mariton – Et même quelques mois avant des choix majeurs, il faut poursuivre l’effort.

Charles de Courson et Didier Migaud ont posé la question des hypothèses de croissance et de recettes. En la matière, on n’a pas de certitudes, mais des évaluations, et il est de la responsabilité de l’exécutif de proposer des hypothèses raisonnablement volontaristes. Les discussions de ces dernières années montrent qu’il faut avant tout s’attacher, dans le groupe majoritaire comme dans le débat entre nous, au paramètre essentiel qu’est le taux de croissance et que les choix à ce sujet soient bien explicités, ainsi que la relation entre cette hypothèse et l’évolution des recettes.

Charles de Courson a évoqué l’évolution récente de la conjoncture et l’éventuel espoir de reprise. Les recettes pour 2007 sont sous-évaluées, espérons-le, après la sortie du trou d’air que nous avons traversé au troisième trimestre.

On peut certes se réjouir de l’amélioration de l’exécution budgétaire pour 2006. Mais sur les perspectives de croissance et de recettes, entourées de tant d’incertitude, nous pouvons attendre plus de rigueur dans la discussion.

Je reviens sur ce qui est pour moi un choix politique majeur, le niveau de prélèvements obligatoires. L’exécution budgétaire peut le faire varier considérablement. Mieux nous limiterons cette variation non souhaitée, mieux ce sera.

Chaque année, en loi de finances, on précise, comme le veut la LOLF, les modalités d’affectation du surcroît de recettes. Il serait important également, dans les années qui viennent, d’avoir une bonne évaluation du rythme de la baisse de l’endettement et du niveau de prélèvements obligatoires. Il faut trouver un bon équilibre si l’on veut diminuer à la fois le déficit et les prélèvements obligatoires.

S’agissant des dépenses, je ne saurais dire s’il faut renoncer à présenter un collectif. Celui-ci pourrait en tout cas devenir une occasion de faire un compte rendu intermédiaire sur les indicateurs de performance. Voter un collectif quelques semaines après la nouvelle loi de finances sans être bien renseignés sur les indicateurs de performance de l’exécution budgétaire n’est pas très satisfaisant.

En matière de fongibilité des crédits, nous sommes encore trop peu renseignés sur l’évolution des effectifs en cours d’année. La loi fixe certes des plafonds, et l’exécution budgétaire peut rendre possible des efforts supplémentaires. Mais, à l’heure du collectif, où en sommes-nous ?

J’en viens à la fraude sur la TVA : à l’échelle de l’Union européenne, elle représenterait 15 milliards d’euros : c’est considérable ! Tout effort pour la réduire sera le bienvenu, et votre action à cet égard est exemplaire.

Ce collectif budgétaire comporte plusieurs premiers pas encourageants en matière de fiscalité écologique, mais nos choix dans ce domaine doivent être bien pesés. Nous courons en effet le risque de mener une fiscalité punitive – et par là, d’associer l’écologie elle-même à cette approche. L’écologie, pourtant, doit être stimulante plutôt qu’intégriste : défions-nous de la deep ecology telle que l’a si bien présentée Luc Ferry, et réfléchissons à la place que doit prendre l’environnement dans notre politique fiscale.

En matière de décentralisation, le collectif propose un ajustement de la TIPP dans les régions. Faut-il rappeler qu’elle n’a cessé d’augmenter dans celles qui sont tenues par la gauche ?

M. Augustin Bonrepaux – Et l’augmentation du RMI, qu’en faites-vous ?

M. Hervé Mariton – Pour faire bonne mesure, je remarque que M. Doligé, pourtant sénateur de la majorité, a refusé de répondre à plusieurs questions légitimes que nous lui avons posées dans le cadre de la commission d’enquête sur l’évolution de la fiscalité locale : il porte seul la responsabilité de ce refus.

M. Augustin Bonrepaux – Il a pourtant commis d’excellents rapports !

M. Hervé Mariton – Quoi qu’il en soit, la priorité de la majorité est de diminuer le déficit, la dépense et l’impôt. C’est cette exigence qui guide son action, dont elle doit affirmer la cohérence dans la durée !(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Dumont – Ce n’est qu’en juin 2007, lorsque nous examinerons le règlement définitif du budget, que nous pourrons dresser un véritable bilan de l’application de la LOLF.

En attendant, permettez-moi quelques observations à titre personnel. Tout d’abord, que devient la convention fiscale relative aux circuits financiers qu’ont signée la France et le Luxembourg ? Je constate que le Gouvernement s’est, en début de mandature, beaucoup plus intéressé à la fiscalité des travailleurs transfrontaliers qu’à ces mouvements de fonds… Y aurait-il des raisons politiques à cela ?

En matière agricole, vous avez pris plusieurs mesures importantes pour aider les éleveurs à faire face aux crises sanitaires. Néanmoins, je dois vous rappeler que le Nord-est de la France est assiégé par l’épidémie de fièvre catarrhale ovine : nos voisins n’ayant pas pris de mesures suffisamment efficaces pour en enrayer la progression, nous courons à la catastrophe économique ! Ce désespoir se manifestera sans doute lors des prochaines échéances électorales, qui risquent de bouleverser notre assemblée… Or, tout retard pris dans l’application de mesures d’accompagnement menace nos travailleurs de la terre.

En matière de logement, d’importants crédits sont redéployés au profit de l’outre-mer, comme c’était d’ailleurs le cas lorsque j’étais moi-même rapporteur du budget du logement. Force est de constater l’échec des responsables successifs. Le droit au logement est pourtant fondamental, en métropole comme dans les DOM-TOM ! Depuis dix ans, les investisseurs institutionnels se sont désengagés de près de 600 000 logements, sans parler des ventes à la découpe : voilà de quoi faire réfléchir !

Quant à l’aide publique au développement, si l’on peut comprendre l’erreur informatique, reste qu’il faut s’interroger sur la capacité de la France à participer à la solidarité entre hémisphères, notamment dans les régions francophones où notre présence culturelle est grande.

Enfin, donnons-nous réellement à nos armées les moyens d’accomplir les OPEX dont elles sont chargées ? Compte tenu de l’utilisation qui est faite de nos chars Leclerc au Liban, on peut douter que la dotation budgétaire de nos armées suffise à leur conserver une véritable capacité de projection. Nos militaires doivent pourtant accomplir leurs missions dans les meilleures conditions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Philippe Auberger – Il est incontestable que le climat économique s’est sérieusement modifié depuis le début de notre session budgétaire : au troisième trimestre, la croissance a été nulle, la baisse du chômage s’est interrompue, l’augmentation du cours de l’euro par rapport au dollar affecte la compétitivité de notre économie, la faiblesse persistante des investissements des entreprises est le signe tangible d’un manque de confiance dans l’avenir et le déficit de notre commerce extérieur s’est fortement accru.

Néanmoins, les instituts de conjoncture comme l’OCDE ou le FMI restent encore optimistes et attribuent la situation actuelle à un simple « trou d’air ». Avec une croissance estimée autour de 2 % en 2006 et un chiffre similaire – ou en léger retrait – pour les deux années à venir, le pessimisme dont vient de faire montre l’un de nos collègues ne semble pas justifié.

La principale faiblesse de notre économie, c’est notre industrie. On le voit avec les sous-traitants de l’aéronautique ou du secteur automobile : effondrement des ventes au mois de novembre, multiplication des délocalisations, course à la baisse des prix… Pourtant, bien des efforts ont été consentis pour redonner du tonus à notre industrie. Las, l’agence pour l’innovation industrielle bénéficie surtout aux grandes entreprises et les dossiers semblent quelque peu enlisés dans les méandres de la procédure européenne. Quant aux pôles de compétitivité, ils ont un effet géographique assez limité et tardent à se mettre en place. Les fonds propres mis à la disposition des entreprises pour investir par France investissement ne sont parvenus à destination que très récemment et notre effort d’exportation reste insuffisant, notamment par rapport à l’Allemagne.

Le présent projet de collectif témoigne d’une gestion vertueuse de la dépense publique, laquelle est restée dans les limites de l’autorisation parlementaire. Quant aux plus-values fiscales, elles ont été, pour l’essentiel, affectés à la réduction du déficit, comme le prévoit la loi organique. Il semble donc, même si cela prend du temps, que l’on aille vers un rétablissement durable de nos comptes publics.

Je souhaite cependant faire deux critiques ponctuelles.

D’abord, la mesure relative au dernier acompte d’IS me semble confuse. Il est en effet de tradition que l’on ne traite pas du même sujet à la fois dans la LFI du prochain exercice et dans la LFR de l’année en cours. C’est une question de bon sens et de lisibilité. Dans la mesure où nous ne connaissons pas encore le résultat des discussions en cours au Sénat sur le PLF pour 2007, il n’est pas de bonne méthode de nous soumettre dans le collectif une disposition traitant du même sujet.

M. Charles de Courson – Très bien !

M. Philippe Auberger – Je souhaiterais donc que l’on refonde dans un même article les dispositions relatives aux acomptes d’IS, de manière à ce que chacun puisse y voir clair et se prononcer en toute connaissance de cause. Par ailleurs, la mesure est une nouvelle fois estimée à 500 millions, alors que, l’an dernier, elle a représenté 2,2 milliards : peut-on prendre le temps de nous expliquer les raisons d’un tel écart ? De telles anomalies ne peuvent qu’inciter notre assemblée à se doter d’une entité autonome d’évaluation, dans la mesure où Bercy ne daigne pas toujours nous donner les éléments d’information dont nous avons besoin, les notes d’impact ayant totalement disparu en lois de finances.

Ma deuxième réserve porte sur la forte majoration des taxes sur les pollutions qui nous est proposée dans ce texte. De mon point de vue, c’est une erreur de considérer que ces taxes doivent rapporter le plus possible…

M. Charles de Courson et M. Michel Bouvard – Tout à fait.

M. Philippe Auberger – Elles ont en effet plutôt vocation à inciter les acteurs économiques à renoncer aux pratiques les plus polluantes, et, dans l’optique du développement durable, leur assiette devrait tendre à se réduire sensiblement, voire à disparaître. En attendant, les recettes collectées dans ce cadre doivent être affectées à la lutte contre la pollution, à l’instar de la redevance d’assainissement perçue par les agences de bassin. C’est ainsi que l’on instaure un système vertueux, axé sur l’investissement plutôt que sur la sanction.

Sous le bénéfice des ces observations, nous approuvons ce collectif de fin d’année. La gestion 2006 s’inscrit dans la lignée des progrès accomplis depuis 2002 et nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Bertho Audifax – À cette heure déjà tardive, sans doute auriez-vous été déçus que l’on ne parle pas de l’outre-mer, que je souhaite évoquer au-delà de la crise sanitaire de l’année passée ou des problèmes de logement.

Ce projet de collectif me permet en effet de dresser un premier bilan de la loi de programme pour l’outre-mer, au terme de trois années d'application. Au reste, si je peux le faire aujourd'hui, tout le mérite en revient à l'ensemble de mes collègues de la commission d'évaluation de la loi de programme et je tiens à les remercier de leur implication dans ce travail.

Un premier constat s'impose, la loi de programme est une réussite pour l'outre-mer : accélération de la croissance, augmentation du nombre d'entreprises créées, augmentation des effectifs des entreprises et, pour la première fois à la Réunion, diminution modeste – mais réelle – du nombre d’érémistes. Mais un tel dispositif ne peut porter ses fruits qu'à long terme, et les chefs d'entreprises, dans le contexte difficile des économies insulaires, ont besoin de visibilité.

Cette première évaluation montre bien que toute menace sur la loi de programme ruinerait la confiance et les efforts de nos entrepreneurs. Aussi, tout ce qui pourra être fait au sein des deux assemblées pour que nos collègues de l’hexagone puissent se rendre dans les régions d'outre-mer au sein de missions socio-économiques me semble capital pour lutter contre certains préjugés, qui, hélas, ont la vie dure.

Le rapport d’étape a mis en avant quatre objectifs simples.

D’abord, rendre plus visible et plus transparente l'instruction des dossiers de défiscalisation : il nous paraît anormal qu'à ce jour, toutes les instructions fiscales relatives à l'article 199 b et à l'article 217 du CGI ne soient pas publiées. De même, une liste des pièces documentaires communes à toutes demandes d'agrément devrait être établie définitivement. Enfin, une charte de bonnes pratiques permettrait sans doute d'améliorer les relations entre les porteurs de projets et les cabinets de défiscalisation et l'administration des finances.

Le deuxième objectif consiste à réduire les délais d'instruction des dossiers de défiscalisation, par la dématérialisation et par une procédure d'agrément différenciée selon la nature et le montant du projet.

Troisième objectif : améliorer le dispositif statistique et créer une véritable évaluation économétrique, de sorte que l'évaluation de 2009 soit plus fiable et plus riche d'enseignements. C'est pour aller dans le sens d'une meilleure connaissance statistique que je défendrai un amendement portant obligation déclarative pour tous les investissements du « non-droit »

Dernier objectif : mieux encadrer la mise en œuvre des dispositifs de la loi de programme. L’ensemble de la commission, et, au premier rang, les élus d'outre-mer souhaitent que l'amélioration économique apportée par la loi s'accompagne d'une normalisation progressive de la lutte contre le travail clandestin et de l'apurement des dettes sociales et fiscales.

Les problèmes de la défiscalisation et du logement social méritent une étude beaucoup plus approfondie que celle que nous avons pu accomplir à ce jour. Si nous convenons que la défiscalisation doit mieux servir le logement social et que certaines dérives doivent être corrigées, nous sommes tout aussi soucieux de ne pas casser le boom de l'investissement immobilier et du BTP par des décisions hâtives ou insuffisamment maîtrisées. Pour ma part, je reste convaincu que la contribution de la défiscalisation à la résorption du problème du logement outre-mer restera partielle, et qu’elle doit s'adresser en priorité au logement intermédiaire.

En tout cas, ce collectif marque la volonté du Gouvernement de soutenir le logement outre-mer, puisque, conformément aux engagement du Premier ministre, 60 millions ont été mobilisés à cet effet en AE et 25 millions en CP.

Mes chers collègues, le temps nous a manqué pour traduire dans d'autres amendements les préconisations de la commission d'évaluation. Cependant, bon nombre d’entre elles peuvent être mises en application par la voie réglementaire, et j'espère donc qu'elles ne resteront pas lettre morte.

Ainsi, services de l'État, acteurs économiques et élus de la nation ont pu démontrer dans un premier travail que les efforts des deux gouvernements de ce quinquennat n'ont pas été vains pour l'outre-mer, que la loi de programme voulue par le Président de la République et mise en œuvre par Mme Girardin et M. Baroin est en mesure d'atteindre ses ambitions – pour peu que l'on respecte sa lisibilité à quinze ans, qu’enfin, on peut tordre le cou aux allégations d'irresponsabilité de l'outre-mer, puisqu'au premier rang de ceux qui demandent une application juste et sans faille de ce dispositif se trouvent les chefs d'entreprise et les élus d'outre mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre délégué – Message reçu.

M. Jacques Le Guen – Je ne voudrais pas que ce projet de collectif se résume à un simple ajustement des dotations budgétaires en fin d'exercice : il doit être aussi l’expression de choix politiques. En tant que parlementaire breton, deux sujets me tiennent particulièrement à cœur : l'activité agricole et l'activité maritime.

C'est bien entendu avec beaucoup de satisfaction que j'ai noté que ce collectif contient des mesures ciblées de soutien aux agriculteurs. Il proroge en effet le dispositif de remboursement de la taxe intérieure sur les produits pétroliers et de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel. De fait, les agriculteurs ont directement subi les hausses de l'énergie. Le Gouvernement l'a parfaitement compris, et il sait que l'agriculture comme l'activité maritime sont soumises à des situations de concurrence particulièrement fortes.

Aujourd'hui, les écarts de coûts entre les différents États membres de l'Union Européenne sont de véritables handicaps. C'est pour cette raison qu'il faut, en ce domaine, rester vigilants.

Dans le domaine maritime, je voudrais aborder deux sujets : le problème de la réparation navale et celui de compétitivité du pavillon français de transport de passagers. La concurrence internationale qui caractérise le secteur de la construction navale a nécessité une restructuration forte pour répondre notamment à l'agressivité des chantiers asiatiques. Le Gouvernement a d'ailleurs été très attentif à cette situation. Le secteur de la réparation navale en France se trouve dans une situation un peu différente puisqu'il n'a pas – pour l'instant – directement subi cette concurrence.

En France, quelques ports occupent une place prépondérante. C’est le cas de celui de Brest, qui a été lourdement touché, dans les années 1980, par la restructuration du secteur de la défense mais a été capable de s'adapter et est devenu le premier centre français de réparation navale, au savoir-faire reconnu dans le monde entier. Mais si nous voulons qu’il reste en pointe, il faut que le plan qui a été mis en place en 2002 soit appliqué. Indépendamment du contrat de plan, une convention a en effet été signée entre l'État, la région, le département, la communauté urbaine de Brest et la chambre de commerce et d‘industrie, qui prévoit la mise en œuvre entre 2002 et 2006 d'un Plan de pérennité de réparation navale. La participation de l'État à son financement a été arrêtée et c’est le ministère des finances qui doit procéder au versement de la subvention. Or, les crédits de paiement de la tranche 2002 n'ont pas été entièrement versés et aucune autorisation de programme n’a été inscrite en 2003, 2004 ni 2005. La chambre de commerce s’est donc vue contrainte de ralentir le rythme des travaux, mettant en péril la capacité opérationnelle du site. L’État doit tenir ses engagements. Je ne doute pas, Monsieur le ministre, que vous aurez à cœur de régler ce problème.

Par ailleurs, le Gouvernement a mis en place un dispositif global pour renforcer la compétitivité du pavillon français dans tous les secteurs exposés à la concurrence. L'enjeu est important, puisqu’il s’agit de préserver la flotte, les emplois et les lignes maritimes des armements français à passagers. Depuis le 1er janvier 2006, l'exonération des charges ENIM est en place – à savoir les charges de sécurité sociale et de retraite. Les armements à passagers bénéficient du remboursement des contributions des employeurs versées aux ASSEDIC et aux caisses d'allocations familiales – les charges non ENIM. Or, le remboursement des charges non ENIM pour les navires à passagers soumis à la concurrence internationale semble poser quelques difficultés. C’est pourquoi les sénateurs, à l’initiative de Josselin de Rohan, ont fait adopter dans la loi de finances pour 2007 un amendement étendant, dans un souci de simplification, le mécanisme d'exonération des charges ENIM aux charges non ENIM. Je remercie le Gouvernement de soutenir cette mesure, qui donne de la visibilité aux entreprises en étant neutre pour le budget de l'État. En effet, pour être sur un pied d'égalité avec nos concurrents européens, nous devons faire des efforts pour aligner les régimes fiscaux et sociaux.

Dans le domaine de l’agriculture comme dans le domaine maritime, je sais que le Gouvernement veille à ce que la réglementation française ne constitue pas un handicap supplémentaire pour les entreprises. Ce sera le rôle de l’Observatoire des distorsions de concurrence, créé par la loi d'orientation agricole et qui vient d’être installé par M. Bussereau. La première chose à faire est d’éviter d’entretenir des inégalités au sein de chaque filière. La filière légumière occupe une place toute particulière. Elle est performante et a su s'adapter à une concurrence très rude. Toutes les exploitations de cette filière doivent être traitées à égalité. C'est dans cet esprit que je proposerai de permettre aux communes qui le souhaitent d'exonérer de la taxe locale d'équipement les constructions de serres de productions dont le permis a été délivré entre le 1er janvier 1996 et le 31 décembre 1998 – les serres construites après le 1er janvier 1999 étant déjà exonérées.

Je remercie le Gouvernement de sa volonté de soutenir l'agriculture française et de valoriser l'économie maritime de notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Patrice Martin-Lalande – Je voudrais faire quelques observations sur des points qui me tiennent à cœur. D’abord, je me réjouis d’avoir pu obtenir, après deux années d’amendements et de questions au Gouvernement, une procédure exceptionnelle d’indemnisation des victimes de la sécheresse de 2003, d’autant que Brice Hortefeux a annoncé un crédit complémentaire de 38,5 millions pour mieux indemniser ceux qui en ont le plus besoin. Mais comment va-t-on prendre en compte le cas des victimes qui n’ont pas pu présenter leur demande en temps voulu, faute d’avoir obtenu un devis de la part d’entreprises qui ne voulaient pas s’engager dans des chantiers à haut risque ? Et comment va-t-on prendre en considération les dégâts qui se manifestent tardivement, en tout cas après l’expiration des délais initiaux de dépôt des dossiers ?

Je me réjouis de l’adoption en commission de mon amendement sur le crédit d’impôt pour la diffusion des programmes audiovisuels, qui s’inscrit dans la logique d’ensemble de notre action en faveur de la création audiovisuelle : plus on vend à l’étranger, mieux on finance la création française ! Le colloque que j’ai organisé ici en septembre sur le jeu vidéo français a mis en exergue les difficultés du secteur, qui a perdu 12 000 emplois en quelques années malgré une réputation mondiale, mais aussi l’engagement du Gouvernement. Renaud Donnedieu de Vabres y a confirmé sa volonté de mener à bien les négociations avec la Commission européenne sur le crédit d’impôt, qui est tout à fait justifié, non seulement parce qu’il est réservé à des jeux qui répondent à des critères de qualité, mais parce que les investissements concernés servent pour 75 % à la création culturelle – scénario, images et musique. Pourquoi introduire ce crédit d’impôt dès cette loi de finances rectificative ? Parce que la procédure d’enquête annoncée par la Commission devrait aboutir au cours de la deuxième moitié de 2007 et qu’en cas de décision favorable, les entreprises pourraient bénéficier de la mesure pour l’ensemble de l’année 2007. Un an de gagné sur les délocalisations au Canada, aux États-Unis ou en Asie, c’est important, tant du point de vue de l’emploi que du pluralisme culturel, auquel la création française contribue de manière remarquable.

Le cinéma, lui, a trois sources de financement principales : les Sofica, qui apportent environ 60 millions, l’avance sur recettes, pour 20 millions et les investissements des chaînes de télévision – environ 120 millions pour Canal + et autant pour France Télévisions, Arte et M6. La réduction d’impôt que le Gouvernement propose de substituer à la déduction de revenu actuelle est une mesure intéressante, et il serait dommage d’y renoncer. C’est un instrument vertueux, qui à la fois s’inscrit dans la logique du marché et est dirigé vers la production que les pouvoirs publics veulent soutenir : premiers films, films indépendants, films sélectionnés sur des critères artistiques sévères… Certes, de façon générale, il faut éviter les niches fiscales, mais tous nos voisins nous envient ce système de financement du cinéma. Nous pourrions en limiter la durée à deux ans et procéder ensuite à une évaluation.

Je n’ai pas le temps de parler de mon amendement sur la réduction de la TVA sur la presse en ligne, ni de celui visant à corriger une injustice dans la taxe d’habitation des personnes handicapées, âgées ou invalides. Nous en parlerons lors de la discussion des articles (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pascal Terrasse – Les lois de finances rectificative sont l’occasion, pour un gouvernement, d'ajuster sa politique à la conjoncture économique ou à l'urgence sociale. Hélas, celle-ci sacralise l'immobilisme. Elle ne contient rien sur la croissance, l'emploi, le pouvoir d'achat ni les finances publiques. Malgré un troisième trimestre catastrophique, marqué par le recul de la production industrielle, une nouvelle dégradation du commerce extérieur et une décélération de l'investissement – notamment public – et de la consommation, le Gouvernement ne propose rien de concret pour relancer la croissance française, lanterne rouge de la zone euro. Alors que la situation de l’emploi se dégrade et que la France crée deux fois moins d'emplois marchands que ses partenaires, il ne propose rien pour redresser la barre. Alors que la hausse du pouvoir d'achat est contestée par tous, y compris par le président de l’UMP, il ne propose rien pour lutter conte la vie chère.

Ce projet de loi de finances rectificative est toutefois instructif. D’abord, il dresse le constat de décès de la cagnotte, le Gouvernement organisant un transfert de sa cavalerie comptable sur les entreprises, au gré d'une nouvelle modification des règles de versement de l'impôt sur les sociétés. Il invalide aussi les discours du Gouvernement sur la compensation du RMI, majorant la compensation légale de 500 millions pour les deux années à venir. Bien qu'il manque toujours 350 millions, cet aveu valide les critiques des élus locaux. À propos de fiscalité locale, on sait que les agents de l’équipement seront à la charge des département à compter du 1er janvier, mais que les modifications de statut n’interviendront qu’un an après. Une partie de ces agents, ne souhaitant pas intégrer les départements et ayant opté pour les services de l’État, seront remplacés auprès des conseils généraux. Comment la compensation sera-t-elle assurée ? Nous avons cru comprendre que le Gouvernement ne s’engageait à financer ce personnel qu’à partir de 2010 !

Toujours sur les finances locales, derrière la prolongation de la durée de participation des communes au financement des SDIS, se cache en réalité un moyen technique pour ne plus autant compenser les charges des départements. Il y a quelques années, le ministre de l’intérieur laissait entendre aux SDIS qu’il maintiendrait une part non négligeable d’aide publique à la construction des casernes de pompiers. Aujourd’hui, cette aide a disparu. Est-il possible de faire appel à la dotation globale d’équipement ?

La réforme de la taxe professionnelle, plafonnée à 3,5 % de la valeur ajoutée, aura de lourdes conséquences sur certains départements. En Ardèche, nous devrions rétrocéder trois millions, ce qui équivaut à 3 % d’impôts en plus pour les contribuables ardéchois.

M. Jacques Le Guen – Et l’APA ?

M. Pascal Terrasse – Ce qui n’est pas sans poser des problèmes au vu des charges qui continuent d’être transférées aux collectivités.

Ce projet de loi de finances rectificative est également caractérisé par des mesures fiscales en faveur des agriculteurs. Votre administration a admis une rétrocession au titre de la taxe foncière non bâtie aux viticulteurs du Gard, du Vaucluse, de l’Hérault, alors que l’Ardèche et la Drôme, qui connaissent les mêmes difficultés, sont exclus de ce dispositif. Pourquoi cette différence de traitement ? Je présenterai un amendement sur ce sujet.

Enfin, je voudrais évoquer les mesures d’aide fiscale à l’hôtellerie et à la restauration au titre du contrat de moyens et de croissance. Comme je l’ai déjà dit, au titre de rapporteur spécial sur le budget du tourisme, certains hôtels familiaux devront se mettre en conformité aux normes de handicap prévues par la récente loi.

M. Patrice Martin-Lalande – Excellente loi !

M. Pascal Terrasse – Ce sera très lourd pour certains hôtels. Le contrat de moyens et de croissance répondra-t-il aux attentes de ceux-ci ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre délégué – Monsieur le président, je souhaiterais répondre aux orateurs à l’issue de la présentation de la motion de renvoi en commission par M. Bonrepaux.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

M. le Président – J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du Règlement.

M. Augustin Bonrepaux – Je ne parlerai pas de la taxe sur les véhicules de société, ni de l’exonération de TIPP au bénéfice de la défense, qui justifierait à elle seule un renvoi en commission, ni de l’exonération de TIPP pour les agriculteurs, qui devrait être étendue aux infirmiers, aux médecins, aux salariés qui se déplacent.

Je ne parlerai pas non plus de cette taxe intérieure de consommation sur le charbon, la houille et le lignite, qui pourrait, si nous revenions en commission, subir le même sort que l’ancienne TGAP : car comment voulez-vous lutter contre la pollution tout en continuant à produire de l’électricité avec du charbon ?

Il y a dans ce texte de nombreux cadeaux fiscaux, pour ne pas dire des cadeaux électoralistes. Vous avez à vous faire pardonner cette fâcheuse promesse que vous aviez faite aux restaurateurs et hôteliers. Vous feriez mieux de vous préoccuper de la situation de la petite hôtellerie…

M. Pascal Terrasse – Absolument !

M. Augustin Bonrepaux – …sur laquelle nous n’avons cessé, avec Michel Bouvard, de déposer des amendements, pour la sauver, alors qu’elle n’en finit pas de disparaître ! Mais vous vous préoccupez uniquement de ce qui peut avoir une incidence électorale.

Je ne parlerai pas non plus de la niche fiscale pour les SOFICA. Vous voulez bien mettre fin aux niches fiscales, mais vous en créez de nouvelles à la moindre occasion !

Je ne parlerai pas de tout cela et concentrerai mon propos sur les problèmes que vous avez créés depuis cinq ans pour les collectivités territoriales.

M. Jean-Louis Dumont – La liste est longue !

M. Augustin Bonrepaux – Comme le disait notre collègue Terrasse, vous n’avez pas eu le courage d’entreprendre une réforme fiscale. Vous n’avez même pas pensé à alléger la charge des entreprises, en réduisant, par exemple, l’impôt sur les sociétés, pour revenir dans la moyenne européenne. Non, vous avez choisi la réforme qui pourrait être financée par les collectivités, pour vous venger ainsi des résultats fâcheux de 2004.

Les collectivités locales subiront un prélèvement au même moment où elles recevront les bases, et elles n’auront ainsi d’autre solution que de répercuter ce prélèvement sur les impôts locaux, qui augmenteront. Ainsi vous avez choisi de transférer la TP sur les ménages. Il vous reste encore quelques jours pour revenir sur cette réforme ; peut-être voudrez-vous faire un cadeau aux sénateurs. Je rappelle que l’amendement de notre collègue Pélissard, président de l’Association des maires de France, avait été voté en commission, mais que vous avez réussi à persuader la majorité, en séance publique, de ne pas le voter.

M. Pascal Terrasse – Quel courage !

M. Augustin Bonrepaux – Si vous ne reportez pas cette réforme, je vous promets des surprises au mois de mars, quand les collectivités devront rembourser cette taxe et, pour cela, augmenter les impôts.

Vous vous étonnez que les régions aient maintenu le taux de TIPP. Or, vous aviez transféré cette TIPP en compensation d’un transfert de charges, tout en disant que cette taxe était très évolutive et qu’elle serait avantageuse aux régions. Il n’y a eu que la majorité pour vous croire ! Comme la TIPP n’augmente pas mais que les charges, elles, augmentent, les collectivités doivent maintenir le taux, que vous aviez vous-même augmenté avant de transférer la taxe, ce qui est d’ailleurs insuffisant.

Pour les départements, la situation est pire encore. Le RMI a coûté l’an dernier 850 millions, que vous avez promis de compenser à hauteur de 500 millions. Je vous accorde que c’est plus que ce que prévoit la loi. Mais c’est que la loi est mauvaise, qu’elle a été votée dans la précipitation ! Le RMI augmente tous les ans, la TIPP, quant à elle, ne suit pas, donc le déficit se creuse. Et la manœuvre que vous prévoyez, consistant à compenser deux années ensemble, pour jeter de la poudre aux yeux, ne changera rien au fait que le déficit est deux fois plus élevé ! Et il risque de croître encore en 2007.

Alors on nous a dit, faute de pouvoir faire évoluer la TIPP, qu’on ferait évoluer la taxe spéciale sur les conventions d’assurance. Or, la TSCA a évolué en 2005 de 1,1 %, soit moins que l’inflation. Il n’est donc guère étonnant que les collectivités locales se sentent grugées ! Vous devez 850 millions au titre de 2005 ; et ce sera certainement un milliard pour 2006. Quand allez-vous compenser ?

Je m’arrête un instant sur deux articles du projet de loi, l’un concernant le financement des TOSS pour les régions, l’autre ce même financement pour les départements, car je suis surpris que, trois mois après que les TOSS ont dû opter, vous n’ayez pas encore les chiffres de ceux qui l’ont fait. Car les montants dans vos tableaux ne correspondent pas à ce chiffre. Et, en plus, vous vous trompez au détriment des départements !

On cite souvent la commission consultative d’évaluation des charges, pour montrer qu’elle appuie le Gouvernement. Or, à sa dernière réunion, sous la présidence de Jean-Pierre Fourcade, celle-ci a adopté trois avis à l’unanimité.

Sa première remarque porte sur les contrats aidés, la commission souhaitant que l'État transfère aux collectivités l'ensemble des soutiens financiers qu'il consacre à sa politique d'emploi aidé et non uniquement ceux de l’éducation nationale.

Sa deuxième remarque a trait à l’obligation faite aux collectivités territoriales d’étendre aux TOS transférés les primes dont bénéficie leur propre personnel – parfois de moitié supérieures –, sans que l’État soit tenu de compenser les charges dues à cette extension.

S'agissant enfin des modalités de calcul des compensations, la commission a proposé que la compensation au pied de corps ne soit retenue que pour les emplois disparus et non pour les emplois vacants, pour éviter que les collectivités locales ne soient contraintes de ne recruter que des TOS en début de carrière.

Pour ce qui est du transfert des personnels de la DDE, je n’ai pas eu dans ce collectif la réponse que j’attendais de vous, Monsieur le ministre, après vous avoir interrogé à ce sujet au cours du débat sur la loi de finances initiale. Or, il n’y a « mise à disposition » que si les agents acceptent de venir au département. Si, en revanche, ils choisissent d’occuper un autre poste, vacant, de l’État, les départements devront recruter, et donc payer, de nouveaux agents, et ce collectif ne prévoit aucune compensation de ces frais nouveaux, considérables. Comment l’État compensera-t-il, à l’euro près, les postes occupés par des agents qui n’ont pas été mis à la disposition des départements ? Ne me dites pas que le remboursement aura lieu en 2009 ou en 2010 car, dans mon seul département, la charge annuelle non compensée s’élève à 834 000 euros, ce qui correspond à 1,5 % d’impôt ! Comment fera-t-on pour payer ces agents pendant trois ans ? À ces questions précises, je souhaite, Monsieur le ministre, des réponses qui le soient tout autant. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Ministre délégué – Je remercie tous les orateurs, et en particulier votre rapporteur général, qui a eu l’amabilité de souligner la qualité de ce collectif, à laquelle, comme le président de votre commission et les commissaires, il a apporté une contribution majeure. On se rendra compte, très vite, que la LOLF est une incitation à bien gérer, ce dont je me félicite.

S’agissant de la croissance attendue en 2006, M. de Courson a dit douter des outils de prévision ; mais l’essentiel n’est-il pas de fixer un objectif de croissance réaliste ? Or, celui que nous avons défini sera très probablement atteint et tous les indicateurs montrent des prévisions de recettes « en ligne » avec nos prévisions. Je confirme que les 5 milliards de surplus seront affectés au désendettement. Je tiens par ailleurs à souligner que les nouvelles modalités de versement de l’acompte de l’impôt sur les sociétés ne constituent aucunement une hausse du prélèvement : il s’agit de permettre aux entreprises de moduler leur versement.

S’agissant des décrets d’avance, le débat avec la Cour des comptes est constant et je me permets de noter que son dernier rapport est plutôt moins critique qu’il ne le fut d’autres années. Quoiqu’il en soit, je me réserve de discuter avec la Cour des points sur lesquels nous sommes en désaccord. Des progrès ont été accomplis, qu’il s’agisse des mises en réserves ou des gels. Il est vrai que, pour les OPEX, le processus est encore inachevé, et que l’on peut encore progresser.

J’espérais, Monsieur Sandrier, plus de nuances de votre part…

M. Michel Bouvard – Mais ce fut le son de la balalaïka…

M. le Ministre délégué – Non, plutôt celui de l’orgue électronique, faiblesse qui nous réunit… (Sourires) Je ne vous surprendrai pas en vous disant que nous ne faisons pas tout à fait la même analyse de la dette, puisque vous évoquez la théorie keynésienne, qui s’appliquait à une économie fermée, alors que la France vit désormais dans une économie ouverte. Jamais, d’ailleurs, Keynes n’aurait imaginé pareil déficit, mais sans doute se serait-il au moins félicité des progrès que nous avons réalisés, après s’être horrifié du déficit accumulé pendant les années Jospin. Vous avez d’autre part évoqué la situation des collectivités locales. Nous avons, je le répète, respecté la compensation. Admettez que l’APA n’est pas l’exemple le plus éclatant de bonne gestion de la part du Gouvernement auquel vous participiez !

Monsieur Michel Bouvard, vous avez jugé insatisfaisante la dotation initiale des OPEX. Reconnaissez cependant les efforts accomplis, en partie grâce à vous, avec une budgétisation supplémentaire de 175 millions à ce titre. Nous aurons l’occasion, au cours de l’examen du texte, de revenir sur les volets fiscaux que vous avez évoqués, mais je souhaite déjà vous dire, comme à vous, Monsieur Martin-Lalande, que la réforme des SOFICA ne constitue pas une nouvelle « niche » fiscale. Il s’agit d’assurer la pérennité du dispositif, tout en en limitant la durée à trois ans et d’en élargir l’accès. J’espère parvenir à vous convaincre, tout comme le président de votre commission, du bien-fondé de cette mesure. S’agissant des mesures en faveur de la préservation de l’environnement, je pense, comme vous, qu’il faut développer les études d’impact fiscal, encore très insuffisante dans notre pays.

Vous avez tenu, Monsieur Migaud, des propos très durs. Mais on pense entendre l’hôpital se moquer de la charité à vous entendre parler de « prolifération fiscale » alors que les mesures qui vous sont présentées tendent à préserver l’environnement, à soulager certaines professions et à hâter la modernisation fiscale. Je ne doute pas qu’en d’autres circonstances, vous auriez jugé ces dispositions intéressantes. Vous auriez pu, aussi, convenir que les reports ne sont plus, tant s’en faut, ce qu’ils étaient jusqu’en 2002, et que le niveau du déficit a singulièrement baissé.

M. Jean-Louis Dumont – C’est que la loi a changé, et que les méthodes de calcul ne sont plus les mêmes !

M. le Ministre délégué – Les méthodes sont les mêmes, c’est la volonté politique qui diffère ! Enfin, la gauche est-elle vraiment bien placée pour nous faire la leçon sur la sous-budgétisation massive ?

M. Charles de Courson – Ils ont fait pire !

M. le Ministre délégué – J’ai le vif souvenir d’une prime de Noël deux fois oubliée, mais je m’en tiendrai là, car je ne veux pas me montrer aussi cruel avec M. Migaud qu’il l’a été avec moi.

Je vous remercie, Monsieur Mariton, d’avoir souligné que nos prévisions de recettes étaient raisonnables. Je partage votre point de vue sur la nécessité de préférer l’incitation à la punition en matière de fiscalité écologique.

Je reviendrai au cours de l’examen du texte sur les points que vous avez évoqués, Monsieur Dumont.

Je vous ai écouté, Monsieur Audifax, avec beaucoup d’attention. Je confirme que le Gouvernement ne souhaite remettre en cause ni la loi programme pour l’outre-mer ni les surpensions. Nous aurons l’occasion d’en reparler. Soyez en tout cas assuré que nous veillerons à ce que le Gouvernement tienne tous les engagements qu’il a pris.

Monsieur Le Guen, vous m’avez posé des questions très précises auxquelles je vous répondrai après m’être renseigné auprès de mes collègues chargés des transports, de l’industrie et des PME. Je le ferai sans retard car je mesure combien vos administrés peuvent être préoccupés, notamment par ce qui concerne la construction navale.

Monsieur Martin-Lalande, je l’ai dit tout à l’heure en répondant à M. Bouvard, je partage votre sentiment sur les Sofica. Celles-ci ne constituent pas une niche fiscale supplémentaire. Nous en reparlerons demain. Il est primordial de ne pas bouleverser les dispositifs au risque de menacer le financement de notre cinéma.

Monsieur Terrasse, on ne peut pas à la fois vouloir un collectif léger – voire plus de collectif du tout comme M. Migaud le souhaiterait –, et reprocher au Gouvernement de ne pas y proposer d’inflexions majeures ! Merci d’avoir souligné qu’en matière de fiscalité locale, l’État a été au rendez-vous et a honoré ses engagements, et même au-delà, notamment pour le RMI. La réforme de la taxe professionnelle est, j’en suis convaincu, équilibrée. Nous aurons l’occasion d’y revenir demain de même que pour ce qui concerne les agriculteurs.

M. Augustin Bonrepaux – Notre collègue n’a pas dit que l’État a été au rendez-vous !

M. le Ministre délégué – J’ai eu l’impression qu’il le pensait très fort.

M. Pascal Terrasse – Vous m’avez sans doute mal entendu.

M. le Ministre – Monsieur Bonrepaux, vous avez pris l’habitude, ainsi que beaucoup de vos collègues de gauche, de chercher des excuses à l’explosion de la fiscalité locale. Toujours est-il qu’en 2005, la taxe professionnelle a flambé de plus de 20 % dans les régions et qu’en 2006, la TIPP a suivi. Je m’étais engagé à aller moi-même plaider à Bruxelles la possibilité d’une modulation, engagement que j’ai tenu et dont je note que vous ne m’avez même pas remercié. À peine l’autorisation obtenue, les régions ont sauté sur l’occasion pour l’augmenter au maximum.

M. Augustin Bonrepaux – Ne confondez pas les régions et les départements !

M. le Ministre délégué – Je ne peux par ailleurs vous laisser dire que l’État finance la réforme de la taxe professionnelle sur le dos des collectivités. Cette réforme lui coûte 1,6 milliard d’euros, puisqu’il prend en charge toutes les augmentations de taux votées par les collectivités depuis 1995.

Ne faites pas croire non plus que les régions ont augmenté la TIPP à cause des transferts de la décentralisation, qui les ont fort peu concernées. Elles ont cherché là à se constituer une petite cagnotte… avant de voir à quoi elles pourraient l’affecter.

S’agissant du RMI, l’État a assuré les compensations au-delà même de ce que prévoyait la loi, vous l’avez vous-même reconnu.

M. Augustin Bonrepaux – Mais la loi était mauvaise !

M. le Ministre délégué – Les critères de compensation étaient les mêmes que ceux fixés lors des lois de décentralisation de 1982-1983. C’était également ceux préconisés par le rapport Mauroy de 2000. Pourquoi ce qui est pertinent venant de la gauche deviendrait-il mauvais venant de la droite ?

Les départements n’ont pas non plus à se plaindre du transfert de la TSCA qui constitue une excellente ressource, dont l’assiette a augmenté de 5 % en 2006.

Pour ce qui est de la Commission consultative d’évaluation des charges, nous sommes très attentifs à ses avis, qui font d’ailleurs l’unanimité. Chaque fois qu’il a fallu procéder à des ajustements, nous l’avons fait. Mais la commission a constaté que nous avions globalement honoré nos engagements.

M. Augustin Bonrepaux – Quand et comment l’État compensera-t-il le transfert des personnels de l’équipement ?

M. le Ministre délégué – Je vous répondrai demain matin sur ce sujet.

À cette heure tardive, l’important est que cette motion de renvoi en commission soit rejetée car ce collectif comporte des mesures majeures dans l’intérêt de la France. Si elle était adoptée, nous prendrions un retard considérable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, jeudi 7 décembre, à 9 heures 30.
La séance est levée à 0 heure 35.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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