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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du mardi 12 décembre 2006

Séance de 15 heures
40ème jour de séance, 90ème séance

Présidence de M. Jean-Louis Debré

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La séance est ouverte à quinze heures.

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déclaration du gouvernement préalable au conseil européen
et débat sur cette déclaration

L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement préalable au Conseil européen et le débat sur cette déclaration.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères  En fin de semaine, Mme Colonna et moi-même accompagnerons le Président de la République au Conseil européen de printemps. Ce Conseil sera essentiellement consacré à l’élargissement de l’Union, sur lequel il est impératif que les Européens mènent ensemble une réflexion approfondie, alors que s'achève le cinquième élargissement, avec l'adhésion, au 1er janvier, de la Bulgarie et de la Roumanie.

À la sortie des années de guerre en ex-Yougoslavie, l'Union européenne a pris, notamment lors du Sommet de Zagreb, en novembre 2000, des engagements à l'égard des Balkans occidentaux. Mais ceci suppose deux choses : d'abord, que les pays candidats respectent scrupuleusement les conditions requises ; ensuite, que l'Union européenne s'assure qu'elle a la capacité d'accueillir de nouveaux membres sans que soient compromis ni le fonctionnement des institutions, ni les politiques communes, ni leur financement, ni, surtout, l'ambition du projet européen.

Le message de la France à ce Conseil européen sera que la poursuite de l'élargissement ne peut se faire sans le soutien plein et entier des citoyens européens, et en particulier de nos compatriotes, qui seront, à l'avenir, consultés par référendum.

M. Hervé Novelli - Très bien !

M. le Ministre - En juin dernier, à notre initiative, le Conseil européen l'a rappelé : le rythme de l'élargissement doit tenir compte de la capacité d'absorption de l'Union. Il convient à présent d'aller jusqu'au bout de cette démarche.

En ce qui concerne la Turquie, les négociations ont été ouvertes le 3 octobre 2005…

M. Richard Mallié - Malheureusement !

M. le Ministre - L'avenir seul nous dira si la Turquie est capable de se réformer et de rejoindre nos valeurs. En 2006, chacun reconnaît que le rythme des réformes s'est ralenti dans ce pays. La Turquie ne respecte pas encore les obligations qui lui incombent en vertu de l'accord d'association et de son protocole additionnel.

M. Richard Mallié - La Turquie n’est pas européenne !

M. le Ministre - Il convient à présent d'en tirer les conséquences sur la conduite des négociations, conformément à ce que les Européens ont souhaité, à l’unanimité, dans une déclaration du 21 septembre 2005.

Hier, le Conseil affaires générales a débattu du message à adresser à la Turquie, suite à son refus de remplir ses obligations à l'égard de Chypre. Comme la France l'avait proposé, le Conseil a accepté les recommandations de la Commission proposant le gel de l'ouverture de huit chapitres et le gel de toute fermeture provisoire de chapitre tant que la Turquie ne respecte pas ses obligations. Il s'agit d'un message de fermeté.

Le second sujet de discussion concernera l'immigration. Les afflux de clandestins en Espagne, en Italie, à Malte et en Grèce ont fait des questions migratoires un thème dominant de ce semestre. Devant ce phénomène massif, l'Union européenne a démontré sa solidarité ; c'est précisément cet esprit de solidarité collective qui a commandé l'approche globale définie par le Conseil européen il y a un an. L'important, aujourd'hui, est d'approfondir cette approche globale. La Commission européenne a récemment présenté plusieurs propositions, dont nous pourrons appuyer le plus grand nombre : renforcement des frontières maritimes, meilleure articulation entre politique migratoire et politique de développement, mise en œuvre du plan d'action de Rabat, intensification du dialogue avec les pays d'origine et de transit.

Mais la responsabilité première, en matière migratoire, doit rester aux États, afin qu’ils puissent décider en fonction des caractéristiques qui leur sont propres, au regard de la situation de leur marché du travail et de leur capacité d'accueil. À ce titre, nous ne pouvons accepter ni gestion commune, ni définition européenne de quotas.

À partir du 1er janvier, l'Allemagne assumera la présidence de l'Union. Les autorités de ce pays se sont fixé des objectifs concrets concernant l'achèvement du marché intérieur. Nous pouvons compter sur l’Allemagne pour renforcer la compétitivité de l'économie européenne, et nous la soutiendrons pleinement, dans le respect de l'acquis communautaire. Nous partageons de nombreuses priorités de la présidence allemande, qu'il s'agisse des questions énergétiques, qui seront aussi à l'ordre du jour du prochain Conseil européen, ou bien des relations extérieures, avec la nouvelle politique de voisinage renforcée, qui inclut la Méditerranée, les Balkans occidentaux et l'Asie centrale.

S'agissant des questions institutionnelles, nous devons progresser dans nos débats sur le traité constitutionnel et les évolutions possibles. La présidence allemande devrait présenter, au cours du premier semestre 2007, un rapport relatif à ces débats ; nous l'y invitons, car il est essentiel que des décisions soient prises sur la réforme institutionnelle, au plus tard au cours du deuxième semestre de 2008, c'est-à-dire au cours de la présidence française. La présidence allemande aura pour mission de préparer une déclaration politique, qui sera adoptée par les responsables de l'Union à Berlin, le 25 mars.

Le Conseil européen évoquera, enfin, les grands dossiers d'actualité internationale. La France réaffirmera son attachement à un Liban souverain, indépendant et démocratique. Nous souhaitons que nos partenaires apportent un appui unanime au gouvernement de Fouad Siniora et qu'ils prennent une part active au succès de la conférence des donateurs, le 25 janvier prochain.

S’agissant de l’Iran, le Conseil européen donnera l’occasion de faire le point sur les travaux en cours au Conseil de sécurité des Nations unies. Il s’agit d’adopter une résolution marquant une première étape de sanctions contre le régime de Téhéran, sanctions proportionnelles, réversibles et progressives ne visant que les domaines nucléaire et balistique.

Au-delà de la question du nucléaire, je condamne fermement la conférence sur l’Holocauste qui se tient actuellement à Téhéran (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP, du groupe UDF et du groupe socialiste). Nous assistons là à la résurgence de thèses négationnistes inacceptables.

M. le Ministre - En ce qui concerne le Proche Orient, le Conseil européen devrait évoquer trois questions : le nécessaire soutien à Abou Mazen ; l'attitude que devra adopter l'Union européenne en cas de formation d'un gouvernement reflétant les principes du Quartet ; enfin, les moyens qui permettront de relancer le processus de paix dans cette région.

S'agissant de l'Afrique, le Conseil européen évoquera le chemin parcouru depuis le lancement, il y a un an, de la stratégie de l'Union européenne pour l'Afrique. Le Conseil devrait saluer le bon déroulement du processus électoral en République démocratique du Congo. Avec la mise en place d'un nouveau parlement et l'investiture du président Kabila, l'année qui s'achève marque un nouveau départ ; le Conseil devra rappeler, à cet égard, la volonté de l'Union de rester engagée aux côtés de la RDC.

Voilà les principaux enjeux et objectifs de la France à la veille du Conseil européen. Permettez-moi, pour conclure, de rendre hommage à la présidence finlandaise, qui a su conduire avec intelligence et efficacité les travaux de l'Union tout au long de ces derniers mois (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF).

M. Alain Bocquet – Dix-huit mois après le rejet massif, par le peuple français, du projet ultralibéral de Constitution européenne, votre gouvernement n'a tenu aucun compte de son refus, de ses exigences et de ses attentes.

M. Jean-Marc Roubaud - C’est faux !

M. Alain Bocquet - Vous l’avez méprisé, contourné et détourné. À quelques mois de l'élection présidentielle, ce nouveau sommet européen prend en France une résonance particulière, et permet de dresser le bilan des politiques européennes menées depuis cinq ans. Bilan d'autant plus indispensable que le contexte économique et social est lourd. Les décisions que vous contribuez à mettre en œuvre au sein de l'Union menacent d'élargir le champ et le nombre des victimes de l'Europe capitaliste. Au rêve européen, a succédé le cauchemar de la vie quotidienne pour des dizaines de millions de familles dans une Union européenne qui compte 70 millions de pauvres, 25 millions de chômeurs, des dizaines de millions de salariés précaires et sous-payés. Il n'y a vraiment pas de quoi être fier quand un sondage publié par L'Humanité et La Vie catholique (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) montre qu'un Français sur deux pense qu'il pourrait devenir sans-abri. On est loin de votre autosatisfaction lénifiante !

Les questions de l’élargissement et de l'immigration domineront les travaux de ce Conseil, mais tout laisse à penser que les dirigeants refuseront de les traiter en remettant en cause les politiques libérales. L’élargissement peut paraître séduisant ; il vise l'unité de l'Europe et le rapprochement des peuples. Mais cette perspective est pervertie par la mise en concurrence des populations. Au lieu d’unir, l'Europe divise, impose le dumping social et fiscal, la casse des services publics et des acquis sociaux, les pressions sur les salaires… Ce supermarché déshumanisé ne fait qu'alimenter la montée des nationalismes, du populisme et de la xénophobie. Il n'y aura pas d'élargissement crédible ni de relations Nord-Sud mutuellement enrichissantes sans changement radical de politique. Les tensions et déséquilibres planétaires, notamment en Irak et au Proche-Orient, seront au cœur des discussions de ce Conseil qui devra tirer les leçons du fiasco de la stratégie américaine et de ses partisans en Europe.

Se pose aussi la question de l'avenir du projet de traité constitutionnel sur lequel la présidence finlandaise entend faire le point. Les députés communistes et républicains considèrent que la France n'a pas à faire profil bas. Non seulement ce texte est caduc mais l’Europe n'est pas sortie de la crise de confiance qui règne entre les citoyens et l'Union. Ainsi, l’industrie automobile, qui représente 10 millions d'emplois dont 1,5 million en France, est aujourd’hui dans la tourmente, comme le montre le récent démantèlement de l'usine Volkswagen de Forest en Belgique. On peut craindre une crise dont l'ampleur dépasserait celle de la sidérurgie. Pour faire jouer le « moins-disant » social, les entreprises délocalisent à tout va vers les pays de main d'œuvre sous-payée. Que font le Gouvernement et l'Union européenne pour empêcher ce tsunami industriel ? (« Rien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) La voilà, la vraie question ! Il faut rompre avec l'ordre établi, avec l'Europe de la Bourse et du profit, du Medef et du baron Seillière !

Plusieurs décisions récentes tournent le dos aux aspirations de nos concitoyens. La directive Bolkestein, d'abord, puisque le Conseil européen a approuvé le mauvais compromis sur lequel s'était arrêté le Parlement le 12 février. On y a ajouté l'idée dangereuse selon laquelle le droit du travail doit respecter le droit communautaire, alors qu’il existe une jurisprudence favorable au jeu destructeur de « la concurrence libre et non faussée ». De même, le Conseil a rétabli le pouvoir exorbitant de la Commission devant laquelle chaque État devra justifier sa législation. Confirmation est ainsi donnée de la surdité de l'Union face aux attentes des peuples : elle continue de privilégier l'harmonisation par le marché plutôt que l'harmonisation des droits.

Nous dénonçons aussi le règlement REACH sur la toxicité des produits chimiques : il aurait dû permettre de renforcer la protection de l'environnement et d’écarter le risque d'un nouveau scandale comme celui de l’amiante. Il n’en sera rien, le Conseil européen n’ayant pas résisté au lobbying des groupes industriels.

Autre sujet de mobilisation pour les salariés et les peuples européens : la « modernisation du droit du travail ». Les intentions sont claires : prendre des mesures « visant à adapter le contrat de travail classique, dans le but de favoriser une flexibilité accrue ». Quelles suites le Gouvernement entend-il donner à ce projet ?

S’agissant enfin de l'euro fort, vos amis européens vous laissent bien seuls. En fait, c'est le diktat absolu de la Banque centrale européenne, l’œil rivé sur les marchés financiers, qui s’impose aux Européens. Remettrez-vous en cause l'indépendance et les missions de la BCE ?

M. Maxime Gremetz – Très bien.

M. Alain Bocquet - Contesterez-vous le relèvement de son taux directeur et interviendrez-vous en faveur d'une baisse sélective qui ferait obstacle à la spéculation afin d'encourager les investissements ? Il faut fixer à l'Europe une grande ambition sociale intégrant la mise en œuvre d'un système d'emploi-formation, et la BCE doit être mise au service de cette priorité. Il faut en finir avec une politique qui taille dans les dépenses publiques et sociales, bloque la progression des salaires, pèse sur la consommation des ménages et fait obstacle à la croissance pendant que les actionnaires se régalent des bénéfices des grands groupes multinationaux !

Enfin, il faut libérer les services publics de la soumission aux règles de la concurrence pour conforter l'efficacité sociale de leur mission. Votre Gouvernement, lui, s'enferre dans la privatisation de GDF et feint de vouloir préserver des tarifs du gaz réglementés, mais il n'a pris aucune initiative forte pour que soit adoptée une directive sur les services publics qui serait l'un des piliers de la construction européenne. Répondrez-vous à la pétition lancée par la Confédération européenne des syndicats ?

Agir pour une Europe sociale, démocratique, solidaire et pacifique, telle est la perspective qui mobilise au côté du monde du travail les députés communistes et républicains ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

M. Roland Blum - Le Conseil européen des 14 et 15 décembre 2006 s'ouvre après une année difficile pour l'Europe. Aucune solution n'a été trouvée à l'impasse institutionnelle et les négociations d'adhésion avec la Turquie marquent le pas. Il est vrai que durant cette même période, la situation internationale s'est fortement dégradée : enlisement américain en Irak où se trouvent encore engagés quelques grands pays européens comme la Grande-Bretagne ; question du Proche-Orient avec une nouvelle guerre au Liban ; problème du terrorisme ; Iran ; menace sur nos approvisionnements énergétiques avec une Russie qui entend reprendre sa place et faire valoir avec force ses intérêts propres. Sur toutes ces questions, nous aurions souhaité de la part de l'Europe une voix plus forte. Néanmoins, nous plaçons beaucoup d'espoir dans la présidence allemande qui commencera en janvier 2007.

Je souhaite appeler votre attention sur deux points essentiels, et tout d’abord sur l'élargissement. Comme l'a souligné à plusieurs reprises le président Balladur, il convient de marquer une longue pause tant que le problème des institutions de l'Europe n’aura pas été réglé. Nous constatons déjà les difficultés rencontrées avec la Turquie dans le cadre des négociations d'adhésion. Le 29 novembre dernier, la Commission européenne a recommandé au Conseil de geler la négociation de certains chapitres en raison du refus de ce pays d’autoriser l'ouverture de ses ports et aéroports à la République de Chypre. En raison de l'intransigeance turque, les négociations d'adhésion sont sinon suspendues, du moins considérablement ralenties. Il est souhaitable que sur cette question le Gouvernement français continue d’être ferme et vigilant. Je fais miennes les conclusions du rapport du groupe de suivi des négociations avec la Turquie mis en place par notre commission des affaires étrangères à la demande de M. Balladur, et présidé par M. de Charrette. Le groupe de suivi rappelle que les négociations avec la Turquie doivent être fondées sur un triptyque : clarté, responsabilité et démocratie. Le Gouvernement doit rappeler aux négociateurs européens qu'il est important d'avoir une position exigeante mais aussi équilibrée : fermeté ne signifie pas hostilité d'autant qu'à défaut d'adhésion, d'autres formules peuvent exister.

Le prochain Conseil européen devra examiner la capacité d’absorption de l’Union. La France n'a cessé de le dire à ses partenaires, il ne faudrait pas mettre en danger, par une politique d'élargissement mal maîtrisée, la capacité de l'Union à maintenir la cohérence de son projet. Cette nécessaire adaptation doit permettre de s'assurer du soutien des peuples à la poursuite de l'élargissement. Or, cette capacité d'absorption est difficile à évaluer : elle dépend de la réponse qui sera donnée aux questions de fond. Quelle Europe voulons-nous ? Une simple Europe des marchands – auquel cas la capacité d'absorption sera grande – ou une Europe politique – mais avec quelles frontières et quels partenaires ? Selon les réponses, la capacité d'absorption ne sera plus la même.

Second point : les problèmes liés à l’immigration. S’il importe de casser les filières mafieuses et d’aider les pays africains à offrir à leurs habitants les moyens de vivre dignement, la question migratoire soulève également les problèmes du renouvellement des générations en Europe et de notre capacité à organiser une immigration où les pays européens et les pays de provenance trouvent chacun leur intérêt. Le dialogue et le partenariat sont donc essentiels. C'est dans cet esprit que le Maroc a accueilli les 10 et 11 juillet 2006, à Rabat, la conférence ministérielle euro-africaine sur la migration et le développement. Des groupes de travail se mettent en place pour réfléchir à d’éventuelles mesures.

Sur le plan européen, depuis le Conseil de décembre 2004, le contrôle aux frontières extérieures, l'asile et l'immigration clandestine sont désormais régis par la règle de la majorité qualifiée, l'immigration légale demeurant en revanche régie par l'unanimité. À juste titre, notre pays n'est pas favorable à une gestion européenne des migrations légales malgré la proposition faite par la Commission en juin 2006 : les États doivent disposer d'une marge d'appréciation pour déterminer la politique à suivre en ce domaine. Tous les pays membres de l’Union ne sont pas confrontés à des problèmes de migrations identiques. Pour autant, si la politique d'immigration légale doit demeurer de la compétence nationale, rien n'interdit de mettre en place des « coopérations spécialisées » entre les États les plus concernés par la question migratoire. Les bases d’un pacte sur l'immigration ont été proposées par M. Sarkozy à ses collègues des pays du sud de l'Union européenne, fin septembre, à Madrid. Ce pacte européen pourrait permettre un partenariat euro-africain pour la gestion des flux migratoires, avec un renforcement et un redéploiement de l'aide au développement de l'Union européenne sur des projets destinés à favoriser la stabilisation des populations.

Pourrez-vous, Monsieur le ministre, confirmer la position du Gouvernement sur les questions relatives à l'immigration, et son attachement à la politique définie à Barcelone en 1995 ? Même si son application n'a pas entièrement répondu aux attentes, les programmes Meda I et II ont contribué à la modernisation des économies des pays du Sud. La « politique de voisinage » est désormais le cadre dans lequel s'organiseront les relations entre l'Union européenne et ces pays. À cet égard, comme l'a souhaité le Président de la République, l'aide consentie devra être supérieure à celle déjà accordée dans les programmes Meda, car c'est une des conditions essentielles à l’instauration d'un équilibre durable, de cet équilibre dont l'Europe a besoin dans un monde qui semble, malheureusement, avoir perdu toute mesure. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marc Ayrault – Voici dix-huit mois que nous débattons de la paralysie de l'Europe, dix-huit mois que nos peuples attendent la preuve d'une évolution politique, et nous ne voyons rien venir Les Conseils européens passent et rien ne se passe (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), qu’il s’agisse de la croissance, du volet social, de l'énergie, de l'industrie, de l'immigration ou de l'élargissement.

Le récent rapport de l'OCDE sur la recherche est l'illustration accablante de cette inertie. Alors que les puissances émergentes investissent massivement dans la matière grise, l'Europe continue de décrocher. Où sont l'augmentation du budget communautaire, les programmes de nouvelles technologies, la mise en réseau des laboratoires, des universités et des entreprises ? Six ans après le lancement de la stratégie de Lisbonne, nous en sommes toujours à l'année zéro.

Sur tous ces dossiers, j'ai le regret de constater que notre pays n'a pas montré l'exemple. Entre une économie atone et un pouvoir en bout de course (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), son isolement est apparu saisissant quand le ministre des finances a essuyé le refus de nos partenaires pour assouplir la politique de l'euro fort, et à la rebuffade s'est ajoutée la décision de la Banque centrale d'augmenter ses taux d'intérêt. Et voilà comment une juste cause s'est muée en défaite de Waterloo ! Une réelle coordination économique de la zone euro est nécessaire, et l’indépendance de la Banque centrale ne doit pas signifier son omnipotence. Elle doit travailler avec le Conseil européen à une stratégie monétaire de soutien à la croissance, à l'investissement et à l'emploi. (Même mouvement) Mais, à force de vous disperser, depuis cinq ans, dans des batailles solitaires – la TVA sur la restauration, la PAC, la fusion entre Suez et GDF –, à force de vous défausser de vos échecs sur l'Union, vous avez perdu toute capacité de l'entraîner sur les enjeux essentiels. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Marc Roubaud - C’est scandaleux !

M. Jean-Marc Ayrault - Il appartiendra, je l'espère, à la prochaine présidente de la République de remettre à plat notre politique européenne (Brouhaha sur les bancs du groupe UMP), de définir une méthode permettant à la France d'agréger les concours pour donner l’impulsion à une renaissance. C'est par la preuve que la France retrouvera sa crédibilité européenne. C'est par la preuve que l'Europe retrouvera la confiance populaire. Les dossiers à l'ordre du jour du Conseil européen en sont de bons exemples.

S’agissant tout d'abord de l’élargissement, il faut avoir le courage de dire que les adhésions de la Bulgarie et de la Roumanie sont les dernières avant la pause. Aussi longtemps que l’Europe n'aura pas adapté ses institutions, réduit les distorsions de concurrence économiques, sociales et fiscales, défini ce que sont ses frontières, une halte s'impose. La Commission elle-même le reconnaît, nos peuples ne suivent plus. Alors qu’on leur promettait un modèle coopératif, ils se retrouvent dans un supermarché à prix cassés. Quand on faisait miroiter une ère de croissance et de prospérité, ils vivent délocalisations et précarité. L'élargissement ne peut plus être une fuite en avant sans projet politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Cela vaut évidemment pour la Turquie. Les socialistes (« Lesquels ? » sur les bancs du groupe UMP)

Mme Marie-Hélène des Esgaulx - Il n’y en a plus !

M. Jean-Marc Ayrault - …sont de ceux qui ont approuvé l’ouverture des négociations d'adhésion. Mais nous ne pouvons accepter que la Turquie nie l'existence d'un État membre, la République de Chypre, et refuse de lui ouvrir ses frontières. L'ouverture symbolique d'un port et d'un aéroport est un geste insuffisant ; le principe fondateur de l’adhésion à l’Union européenne n’est-il pas la reconnaissance de tous les États membres et l’application des règles qui les unissent ? Les négociations avec la Turquie doivent être suspendues aussi longtemps que ce « vivre ensemble » minimal n'est pas observé (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Si l'Europe veut exister, qu'elle commence par faire respecter ses propres valeurs ! Je suis convaincu que la Turquie comprendra ce message s’il est exprimé clairement.

La même exigence vaut pour la question migratoire. Alors que tous les pays de l'Union font face à cet exode de la misère, que tous sont confrontés à des tensions xénophobes, la seule réponse reste le chacun pour soi. La politique commune décidée il y a dix ans dans le traité d'Amsterdam se résume pour l'essentiel au renvoi des clandestins. C'est un grave manquement. L'immigration est un phénomène massif et durable, et s’il n’est pas traité à l'échelle européenne, nos murailles législatives et policières continueront d’être contournées. Il est donc vital d’harmoniser les politiques nationales en matière de droit d'asile, de régularisation et de reconduites à la frontière. Il faut définir une politique concertée d'immigration partagée et de co-développement avec les pays pauvres, caractérisée par un droit à l'aller-retour, le développement de dispositifs d'incitation à l'investissement, le regroupement et la transparence des aides au développement. Alors l'Europe pourra exiger que les pays d'origine s'engagent à maîtriser leurs flux migratoires.

La troisième preuve que l’Union européenne doit donner de son évolution, c'est sa politique de l'énergie. Ce que vous avez fait en cette matière est navrant. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Vous avez abandonné toute maîtrise des tarifs en acceptant l'ouverture sans conditions du marché des particuliers. Vous avez liquidé toute idée de service public de l'énergie en privatisant GDF et ruiné tout partenariat européen par la fusion avec Suez. Et pour couronner le tout, vous voilà obligé de retirer en catastrophe votre plan CO2, passible d'une procédure de sanctions !

Tout est à reprendre à zéro. Il nous faut d'abord convaincre nos partenaires de négocier ensemble la sécurité de nos approvisionnements avec les pays producteurs, promouvoir avec eux un programme d'énergies renouvelables garant de notre indépendance énergétique et de la santé de nos économies. Comment ne pas voir que la dérégulation des prix de l'énergie étrangle aujourd'hui les entreprises et étranglera demain les ménages ? La création d'un régulateur public à l'échelle européenne est un impératif si l'on veut que chacun ait accès à des tarifs de l'énergie abordables. La négociation d'une directive cadre sur les services publics doit en être le levier. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Je le dis avec force, notre politique européenne doit changer. L'arrogance doit céder la place au sérieux (Protestations sur les bancs du groupe UMP) et les démarches solitaires se transformer en réalisations collectives au service de nos peuples. Peu importe la formule, seules comptent l'efficacité et la rapidité de la relance. Dans cet esprit, l’Union européenne n’a plus ni les moyens ni le temps de se perdre dans une renégociation d'ensemble du traité constitutionnel. Mieux vaudrait soumettre à nos peuples un traité plus modeste avec les dispositions institutionnelles consensuelles, qui permettront à l'Union de fonctionner. Ainsi tiendrait-on compte des inquiétudes des pays qui ont refusé le traité constitutionnel sans déjuger ceux qui se sont prononcés en sa faveur.

Heureusement, les années Chirac, au cours desquelles la France a beaucoup perdu de son crédit et l'Europe de ses ambitions, se terminent (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). En 2007, il ne suffira pas de tourner la page, de remplacer le Président par son ministre de l'intérieur. Il nous faudra faire la preuve que la France change pour que l'Europe change. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Gilles Artigues - Désormais, avant chaque conseil européen, les membres du Gouvernement qui y participeront viennent exposer à la représentation nationale les positions qu'ils défendront. Ce n'est pas vraiment un débat, ce que nous regrettons, mais c’est la moindre des choses, car notre retard est grand si nous comparons notre pratique à l’usage qui prévaut, en matière de communication européenne, chez plusieurs de nos voisins. Ce retard explique en partie le coup d'arrêt donné à la construction européenne qui est pourtant un idéal et une nécessité. Depuis que, ce douloureux 29 mai 2005, les Français ont rejeté le traité constitutionnel, aucun signal de relance n'a été donné. Pourtant, plus que jamais, à l'heure où de nouveaux pays candidats frappent à notre porte, il nous faut militer pour une Union européenne politique, une Europe des valeurs.

Recréer la confiance, c'était, pour l'UDF, répondre aux inquiétudes exprimées par les Français sur une façon technocratique de faire l'Europe sans le peuple, qu'ils ont sanctionnée. Nos concitoyens ne veulent plus approuver a posteriori les décisions importantes, ils veulent y être associés. Plus de démocratie, plus de transparence, c'est un impératif auquel personne n'échappera. Il est aussi primordial d’en finir avec une Europe sans identité ni frontières. Plutôt que de définir l'Union par rapport à un nouveau candidat, c'est sa nature même qu'il faut déterminer. Et puisque les négociations sur l'adhésion de la Turquie viennent d'être ralenties sur plusieurs chapitres, il faudrait au moins avoir le courage de dire aux Turcs qu'ils sont engagés dans une impasse (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF) et qu'ils pourraient légitimement espérer une autre voie, comme le partenariat privilégié.

M. Richard Mallié – Très bien !

M. Gilles Artigues – Il faut mener une politique européenne « de voisinage » pour étendre la stabilité que connaît l’Union. Mais celle-ci ne pourra agir durablement et avec force à l'extérieur que si elle est unie et porte en elle le désir appuyé d'infléchir un destin commun.

M. Jean-Christophe Lagarde – Très bien.

M. Gilles Artigues – Il est aussi indispensable de centrer l'action sur des projets concrets. Pour ce faire, inspirons-nous de la formidable méthode de Robert Schuman. On en a retenu qu'il fallait avancer pas à pas. En fait, il s'agissait à la fois de proposer un grand dessein – en 1950, c'était la paix – mais aussi déjà des réalisations visibles – à l'époque, il fut décidé de mettre en commun le charbon et l'acier.

Aujourd'hui, il n'est pas de sujet qui concerne notre avenir qui puisse trouver de réponse satisfaisante hors de la dimension européenne.

M. Maurice Leroy – Bien sûr.

M. Gilles Artigues – Face aux mêmes risques et aux mêmes défis, il faut décider ensemble et de façon concertée. Ainsi pour l'énergie, quelle stratégie commune permettra d'assurer la sécurité de l'approvisionnement ? Comment mieux promouvoir les économies d'énergie et les énergies renouvelables, bref le développement durable ? La mise en place d'une politique européenne de l'énergie sera, semble-t-il, l'un des grands enjeux de 2007. Nous nous en félicitons, comme du fait qu'un dialogue fructueux ait pu être engagé avec la Russie même s'il ne s'agit que d'une déclaration de principe dont les détails doivent être précisés au Conseil Européen. Il est vital de parvenir à un accord.

Ensuite, la question des flux migratoires préoccupe les opinions publiques européennes. L'Europe va-t-elle les gérer à ses frontières ? Sur le droit d'asile, la régularisation et l'immigration, une politique commune et une harmonisation juridique s’imposent.

Et puis l'Union va-t-elle relancer l'économie de la connaissance ? La France s'est-elle donnée les moyens d’honorer les engagements pris dans le cadre de la stratégie de Lisbonne ? Hélas, la loi de programmation pour la recherche de 2005 reste très en deçà des ambitions affichées et ne permettra pas de combler notre retard car l'effort déployé est resté trop longtemps insuffisant. Il faudra encore améliorer substantiellement la situation des jeunes chercheurs, libérer la recherche universitaire, accroître l'autonomie des établissements, investir puissamment dans l'enseignement supérieur et surtout, renforcer le lien entre la recherche publique et le secteur privé.

Enfin, il est urgent de proposer de nouvelles institutions démocratiques et efficaces pour l'Europe. Certains s'efforcent de reprendre tout ou partie du traité constitutionnel. L'UDF estime que les Français ne se contenteront pas d'un projet bricolé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF) D'autres, à droite comme à gauche, osent proposer une ratification parlementaire minimale. Nous doutons que le peuple accepte d’être ainsi mis à l'écart. Il faut rédiger un nouveau texte et le faire adopter par tous les Européens le même jour, celui des élections européennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Jean-Pierre Soisson – Bon courage !

M. Gilles Artigues – Mais il n’y aura pas de relance de l'Europe sans des gouvernants français engagés dans le projet européen, et pas seulement avec un ministère délégué aux affaires européennes. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Il est, par ailleurs, regrettable que peu de candidats à la présidentielle intègrent dans leur programme cette dimension européenne, certains allant même jusqu'à l'occulter totalement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Nous n'attendons pas grand chose du sommet européen, mais bien plus de la présidence allemande des six premiers mois de 2007, qui peut ouvrir de nouvelles perspectives pour aller de l'avant.

Sur ce sujet, le clivage entre droite et gauche n'a pas de sens et, comme nous y invite François Bayrou (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), un large consensus peut se dessiner entre Européens convaincus. Nous avons hâte d'entendre, enfin, reparler d'Europe, non comme d’une contrainte, une crise, une fatalité, mais comme un horizon qui, de nouveau, peut s'éclairer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Édouard Balladur, président de la commission des affaires étrangères – Le terme de cette législature, marquée par la question européenne, donne l’occasion de dresser un bilan et de tracer des perspectives.

Le bilan n’est pas à la hauteur de nos espérances. Les raisons en sont l’apathie économique, la mondialisation, la perte de confiance des Européens dans l’avenir,…

M. Jean-Jack Queyranne – Et la qualité des dirigeants !

M. le Président de la commission – …et surtout la manière dont l’élargissement a été conduit.

M. Jérôme Lambert – C’est vrai.

M. le Président de la commission – Faute d’avoir su dessiner clairement son projet et réformé ses instituions, l’Europe est paralysée.

M. Jean-Christophe Lagarde – Très bien.

M. le Président de la commission – On l’a vu hier pour l’adoption du budget et celle d’un traité constitutionnel, on le voit aujourd’hui à son incapacité à progresser dans le domaine fiscal, social ou économique.

L’Union n’a pas d’institutions adaptées. Comment décider à 27 et à l’unanimité ? La multiplicité des intérêts et des langues interdit l’émergence d’une volonté commune. Mais la résignation n’est pas de mise, il n’y a pas de fatalité. Nous devons faire face.

Sans revenir sur l’Europe « des cercles », plus souple, je m’en tiendrai à deux questions essentielles. D’abord, s’agissant de l’élargissement, le rapport de la Commission est à certains égards décevant. Ce qui est en cause, ce n’est pas la capacité d’absorption économique et financière de l’Union, mais les principes mêmes de sa cohésion politique. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe socialiste) Il faut faire une pause, sous peine d’une paralysie totale, qui signerait l’acte de décès de l’Union. Malgré le Royaume-Uni, éternel partisan d’une dilution de l’Europe, la France, pour le moment, doit dire non à tout nouvel élargissement. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe UDF) C’est peut-être injuste pour les candidats, mais c’est une nécessité vitale.

En second lieu, j’aimerais que la France soit le plus ardent défenseur de la réforme de l’Europe. Outre la création d’une présidence stable de l’Union, d’un service diplomatique, une meilleure association des parlements nationaux, la réforme de l’Europe élargie passe par deux mesures, simples dans leur principe mais difficiles d’application. Il faudrait d’abord étendre le principe de la majorité ; dans le domaine fiscal, judiciaire, social, des progrès sont possibles, mais pas avec la règle de l’unanimité. Cette extension a pour condition de tenir mieux compte du poids respectif des États membres, de leur superficie, leur population, leur force économique. Je souhaite que la France en prenne la responsabilité.

M. François-Michel Gonnot – Très bien.

M. le Président de la commission – Pour cela, elle doit adapter ses propres structures. Je me suis réjoui que le Gouvernement prenne conscience de la nécessité d’associer plus étroitement le Parlement à la politique européenne et qu’il ait coopéré de façon efficace avec le groupe créé par notre commission, sous la présidence de M. de Charette, pour suivre les négociations avec la Turquie.

La coopération européenne a commencé par l’économie. Aujourd’hui, les problèmes sont plus complexes, de nature politique – poids des États, équilibre des institutions. Il faut que l’Europe ait la capacité de décider dans le domaine diplomatique et militaire et de peser sur le cours de l’histoire. La France ne sera fidèle à sa vocation qu’en tenant à ses partenaires un langage de vérité. Il faut inventer une nouvelle conception de l’Europe, et je souhaite que la France en prenne l’initiative. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDF)

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes Je répondrai sur les principaux points abordés, du moins ceux qui sont en rapport avec le prochain Conseil européen, soit les questions migratoires, l’innovation, l’énergie et le changement climatique, l’élargissement.

L’Europe a connu cette année plusieurs crises migratoires. Certains disent n’avoir rien vu sur ce sujet. Il suffisait d’ouvrir les yeux sur ce que nous avons fait depuis un an, Monsieur Ayrault. Et nous avons pu inscrire le sujet à l’ordre du jour du Conseil européen. Si certains pays sont plus exposés, le problème nous concerne tous, et c’est de façon solidaire que nous devons bâtir une politique européenne des migrations. Dans ce domaine, nous disposons de « l’approche globale » validée par le Conseil européen de décembre 2005, qui repose sur un équilibre entre renforcement des contrôles et renforcement de la coopération et du développement. La France soutient pleinement cette démarche, comme l’a rappelé le cinquième comité interministériel de contrôle de l’immigration du 5 décembre dernier.

Le projet de conclusions du Conseil européen propose plusieurs mesures – que nous soutenons – pour renforcer la mise en œuvre de cette approche globale. Il s’agit notamment d’intensifier le dialogue avec les pays tiers. Il est en effet indispensable d’associer tous les acteurs concernés – pays d’origine, de transit et de destination – comme cela a été fait lors des conférences de Rabat en juillet 2005 et de Tripoli en novembre dernier. Il faut également renforcer les activités opérationnelles de gestion des frontières maritimes, ce qui passe par le développement de l'Agence Frontex et la création d'un réseau de patrouilles côtières. Les opérations qui ont été conduites cette année au large des îles Canaries et de Malte ont montré qu'il fallait gagner en réactivité lorsque survient une crise migratoire. Il faut donc renforcer les moyens de l'Agence – et cela sera fait en 2007, puisque son budget va passer de 11 à 33 millions d’euros – et lui permettre de mieux s'appuyer sur les moyens nationaux des États membres.

Le projet de conclusions du Conseil européen renforce également l'articulation des politiques migratoire et de développement, en instaurant un programme « migration et développement » doté de 40 millions d'euros financé sur le 9e FED. Je rappelle que nous avons reconstitué l’an dernier le 10e FED à hauteur de 22,5 milliards. Il faut enfin améliorer la concertation des États membres sur l'immigration légale, bien que la politique d'admission reste de la responsabilité de chacun d’entre eux et qu’il ne soit pas question de définir des quotas au niveau européen.

Ma conviction est qu'il est essentiel de mettre en place une véritable discipline commune entre les États membres, tout particulièrement au sein de l'espace Schengen. Il existe depuis octobre 2006 un mécanisme d'information mutuelle sur les mesures des Etats membres dans les domaines de l'asile et de l'immigration. C'est un premier pas, mais il faudra aller plus loin et mettre en place une véritable concertation entre les États membres, en amont des décisions nationales.

Il n'y aura du reste pas de politique européenne efficace dans ce domaine sans amélioration des mécanismes de décision. En la matière, l'unanimité est un frein. En dépit des réticences de certains de nos partenaires, le Gouvernement reste donc attaché à l'utilisation des clauses passerelles prévues par les traités, qui permettraient de passer à la majorité qualifiée du Conseil et de faire du Parlement européen un co-législateur. (M. Roubaud applaudit)

Enfin, le Conseil européen devrait confirmer l'accord trouvé il y a quelques jours sur l'élargissement de l'espace Schengen et le calendrier de levée des frontières intérieures. La France se félicite de cet accord, qui permettra aux nouveaux États membres de rejoindre l'espace Schengen en décembre 2007. Cette décision est politiquement très importante.

Vous avez souhaité que je fasse le point sur les derniers développements du processus de Barcelone. La conférence des ministres des affaires étrangères qui s’est tenue à Tempere les 27 et 28 novembre a montré l’attachement de tous les États membres et de leurs partenaires méditerranéens au partenariat euro-méditerranéen. Elle a adopté une déclaration qui fixe un programme de travail pour les trois prochaines années. L’Union européenne a confirmé son engagement financier en faveur de la Méditerranée. L’instrument européen de voisinage et de partenariat qui succédera aux programmes MEDA et TACIS pourra compter sur une enveloppe de 12 milliards pour la période 2007-2013, en augmentation de 30 % par rapport aux instruments existants. La France a veillé à ce que l’équilibre actuel dans la répartition des crédits entre les États voisins de l’est de l’Union et ceux du sud soit préservé : plus des deux tiers des crédits iront à ces derniers sur les trois premières années. Le Conseil européen confirmera enfin l’accord obtenu au Conseil Ecofin début décembre sur le renouvellement des mandats extérieurs de la BEI. Cet accord prévoit une augmentation de l’enveloppe pour la Méditerranée – 8,7 milliards pour la période 2007-2013 – et un renforcement du mandat de la facilité euro-méditerranéenne d’investissement et de partenariat.

J’en viens à la politique d'innovation, Monsieur Artigues, qui est à juste titre une des priorités de la présidence finlandaise. L'UE ne consacre que 2 % de son PIB à la recherche et au développement, contre 2,5 % pour les États-Unis et 3 % pour le Japon. Des efforts restent certes à produire, mais nous sommes dans la bonne direction. En France, la loi de programme sur la recherche adoptée en avril prévoit un effort de 19,4 milliards supplémentaires entre 2005 et 2010. Le budget de la recherche de l'Union dépassera 54 milliards pour la période 2007-2013, soit une augmentation de plus de 36 % par rapport à 2006.

Il nous faudra aussi améliorer les règles européennes en matière d'innovation, y compris à propos des brevets. Au Conseil européen de Lahti, en octobre, le Président de la République a fait des propositions pour sortir du blocage actuel et unifier en priorité le contentieux des brevets en Europe. Ce sera le meilleur moyen de parvenir à l’accord sur le brevet communautaire que souhaite la France. Nous continuerons à agir pour que les 25 reprennent cette proposition.

D'autres volets de la politique d'innovation seront encouragés par le Conseil européen. Je pense aux initiatives technologiques conjointes, qui sont des partenariats public–privé entre la Communauté, les États membres et les industriels, et à la création d'un institut européen de technologie proposée par la Commission avec le soutien de la France.

Le Conseil européen du printemps 2007 décidera d'un plan d'action détaillé et des grandes priorités en matière d’énergie. Depuis un an, cette question est abordée à chaque Conseil européen – à l’initiative de la France, Monsieur Ayrault – et le dossier progresse chaque trimestre. La Commission a présenté le 19 octobre un plan d'action pour l'efficacité énergétique, qui prévoit notamment des efforts supplémentaires dans les domaines du bâtiment et des transports, l'amélioration du financement de l'efficacité énergétique et la création d'un marché intérieur de la performance énergétique. La France est favorable à ce plan, auquel le Conseil européen devrait confirmer son appui. Par ailleurs, un réseau européen des correspondants pour la sécurité énergétique sera mis en place début 2007, afin de mieux faire face à une éventuelle crise d'approvisionnement. Il faudra faire davantage. Le renforcement des infrastructures d'interconnexion est indispensable, et l'Europe doit apprendre à parler d'une seule voix en matière énergétique. La France a fait de nombreuses propositions en la matière, comme la mise en place d'un représentant spécial pour l'énergie.

Permettez-moi d’ailleurs, Monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de saluer l’excellent rapport de la mission d'information « énergie et géopolitique » que vous avez pris l'initiative de créer. Le Gouvernement est en plein accord avec vous sur les trois objectifs que vous assignez à la future politique européenne de l'énergie – sécurité d'approvisionnement, protection de l'environnement et renforcement de la compétitivité. Vos recommandations seront précieuses pour la construction de l'Europe de l'énergie.

Le Conseil européen donnera également une impulsion sur le sujet du réchauffement climatique. Lors de la conférence des Nations unies de Nairobi, l’Europe a joué un rôle important pour progresser vers la mise en place d'un accord pour la période postérieure à 2012 et la création de financements innovants. Notre objectif est de maintenir l'augmentation de la température mondiale à 2° par rapport à son niveau pré-industriel. C'est un défi gigantesque, mais un investissement nécessaire pour les générations futures, comme l'a encore démontré le rapport Stern réalisé pour le compte du gouvernement britannique. Le réchauffement climatique est engagé : il y a urgence à agir.

Vous êtes également intervenus sur le processus d’élargissement et sur la question de la Turquie, qui fait depuis hier l’objet d’un accord entre les 25 États membres. Huit des 35 chapitres qui jalonnent les négociations d'adhésion à l'Union européenne seront suspendus…

M. Richard Mallié – Il faudrait en suspendre 35 !

Mme la Ministre déléguée – …dont ceux relatifs à l'agriculture et à la libre circulation des marchandises. Il a également été décidé de ne conclure aucun autre chapitre de négociation tant que la Turquie ne remplirait pas ses obligations au titre du protocole d'Ankara, ce qui implique qu’elle ouvre ses ports et ses aéroports aux navires et aux avions en provenance de Chypre.

Les 25 sont convenus d'assurer un suivi annuel et attentif de cette question, si nécessaire jusqu'en 2009, année des élections au Parlement européen. Le Gouvernement a donc été vigilant. Cette décision permet d'envoyer un message clair à la Turquie sans rompre le processus de négociation. Elle est conforme à la ligne préconisée par le Président de la République et la Chancelière allemande lors de leur rencontre du 5 décembre. Cette décision ayant fait l’objet d’un accord unanime des ministres des affaires étrangères, le Conseil européen ne devrait pas y revenir.

M. Maxime Gremetz - Cela commence à faire long, Monsieur le président !

Mme la Ministre déléguée - Sur le processus d'élargissement, le Conseil européen des 14 et 15 décembre poursuivra le débat engagé à la demande de la France en juin. Vous connaissez la position de notre pays : l'Union européenne doit être en mesure d'accueillir de nouveaux membres sans compromettre pour autant le fonctionnement des institutions, les politiques communes, leur financement, ni surtout l'ambition du projet européen. Ne vous en déplaise, Monsieur Bocquet, l'élargissement a été un accomplissement historique et un succès. Il doit le rester. Notre position est donc claire: après l'achèvement de la cinquième vague d'élargissement, avec l'entrée le 1er janvier de la Roumanie et de la Bulgarie, il ne pourra y avoir de nouveaux élargissements tant que l'Union ne se sera pas réformée, tout particulièrement en matière institutionnelle. Le Conseil européen devra donc réaffirmer que la capacité d'absorption ou d'intégration doit être au cœur du processus d'élargissement. Le projet de conclusions du Conseil, dans sa dernière version, en fait état clairement. À notre demande, il insiste sur l'exigence d'un soutien des peuples à l'élargissement, qui dépend autant de la bonne préparation des candidats que de la capacité effective de l'Union à les recevoir. Vous êtes nombreux à partager cette idée.

Sur les questions institutionnelles, le Conseil européen des 15 et 16 juin 2006 a défini une double démarche : mettre en œuvre les possibilités offertes par les traités existants, afin d'obtenir les résultats concrets que les citoyens attendent et inviter la présidence allemande, au cours du premier semestre 2007, à présenter un rapport au Conseil européen sur les débats relatifs au traité constitutionnel et les évolutions futures possibles, en vue de décisions ultérieures concernant la manière de poursuivre le processus de réforme, étant entendu que les mesures nécessaires auront été prises « au plus tard au cours du deuxième semestre 2008 », c’est-à-dire au cours de la présidence française.

Au Conseil européen de cette semaine, la présidence finlandaise a pour mission de rendre compte des consultations bilatérales qu’elle a menées sur l’avenir du traité. Il est probable qu’elle rappelle, comme elle l’a fait lors des rencontres interparlementaires sur l’avenir de l’Union européenne au Parlement européen, son attachement au contenu du traité constitutionnel, qu’elle a elle-même ratifié le 5 décembre 2006, devenant le seizième État-membre à l’avoir fait.

Dans quelques mois, nous célébrerons le cinquantenaire du traité de Rome. La meilleure manière de témoigner notre reconnaissance à celles et ceux qui ont eu l’idée de ce projet politique sans précédent, et le courage de le mettre en œuvre, est de continuer, jour après jour, avec ambition et lucidité, à bâtir cette Europe dont avons besoin pour le bien de nos nations et de nos peuples.

M. Jacques Desallangre – Pas d’une Europe ultra-libérale !

Mme la Ministre déléguée – Soyez assurés que le Gouvernement continuera d’œuvrer, comme il le fait depuis juin 2005, en faveur d’une Europe concrète au service de nos concitoyens, qu’il répondra présent lors des grandes échéances de 2007 et qu’il continuera de « rêver grand pour l’Europe ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

La séance, suspendue à 16 heures 15, est reprise à 16 heures 35 sous la présidence de M. Raoult.
PRÉSIDENCE de M. Éric RAOULT
vice-président

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modernisation du dialogue social

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble du projet de loi de modernisation du dialogue social.

explications de vote

M. Jean-Pierre Soisson – Ce projet de loi met un terme à la crise du CPE. Mieux encore : il jette les fondements du débat à venir sur la représentativité, le financement et le rôle des syndicats. Son adoption révolutionnera nos méthodes de travail : aucun projet de loi ne pourra plus être présenté au Parlement sans consultation préalable des partenaires sociaux ! Le Président de la République avait défini ce principe devant le Conseil économique et social ; nous tenons sa promesse aujourd’hui.

Nous avons refusé d’adopter l’amendement de la CGT et de la CFDT défendu par MM. Gremetz et Vidalies…

M. Hervé de Charrette – M. Gremetz n’est pas là !

M. Jean-Pierre Soisson – …visant à modifier la représentativité syndicale. Nous l’appelons pourtant de nos vœux : M. Sarkozy a récemment prôné…

M. Gérard Charasse – Nous sommes sauvés !

M. Jean-Pierre Soisson – …une représentativité fondée sur des élections professionnelles généralisées (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

L’Assemblée, toutefois, ne peut trancher cette question dans l’urgence et sans concertation, au risque de provoquer l’affaiblissement, voire la disparition de certains syndicats qui bénéficient aujourd’hui de la présomption de représentativité irréfragable.

M. Hervé de Charrette – Et d’innocence !

M. Jean-Pierre Soisson – La majorité a donc estimé qu’il fallait appliquer à ce texte le principe qu’il énonce lui-même : la concertation sociale d’abord, la décision parlementaire ensuite.

Un incident a émaillé notre débat : M. Censi a déposé un amendement, adopté par l’Assemblée, afin d’appeler l’attention du Gouvernement sur les professions agricoles et libérales, régies par des négociations sectorielles plutôt qu’interprofessionnelles. Que n’avait-il fait là ! Les députés socialistes et communistes ont mis en cause son droit d’amendement et menacé de quitter l’hémicycle ! (Huées sur les bancs du groupe UMP) Le droit d’amendement serait-il donc un progrès lorsque la gauche l’utilise et une régression lorsqu’il s’agit de la droite ?

M. François Brottes – C’est souvent vrai !

M. Patrick Roy – Caricature !

M. Jean-Pierre Soisson – Cette façon de voir est intolérable ! Lors de la deuxième délibération, nous avons donc suivi le Gouvernement en limitant la négociation collective à son caractère interprofessionnel. Aujourd’hui, comme nous le demande notre excellent rapporteur M. Perrut (« Bravo ! » sur les bancs du groupe UMP), le groupe UMP votera ce texte à l’unanimité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Alain Vidalies – Ce projet de loi vise à accorder aux partenaires sociaux un temps pour la négociation avant tout examen d’un texte au Parlement. Or, la même majorité a déjà voté un texte identique en 2004, dans la loi Fillon. Le Gouvernement s’y engageait à saisir les partenaires sociaux avant l’élaboration de tout projet de loi relatif au droit du travail. Cet engagement solennel, hélas, n’a tenu que quelques heures : dans le même texte, le Gouvernement modifiait par voie d’amendement et sans concertation deux principes essentiels de notre droit, le principe de faveur et la hiérarchie des normes.

La suite est édifiante. Vous avez d’abord réformé en profondeur le contrat de travail en instaurant le contrat nouvelles embauches par voie d’ordonnance ; vous avez ensuite tenté d’étendre ce dispositif si régressif de licenciement sans motif avec le contrat première embauche.

Aujourd’hui, comme pour vous protéger de vous-mêmes, vous souhaitez inscrire cet engagement dans la loi.

À l'issue de nos débats, subsiste une interrogation majeure sur les conditions dans lesquelles les organisations syndicales feront connaître leur intention d'engager une négociation : qui décide ? Comment ? Avec quelle majorité ? Eu égard à la loi de 2004, la seule possibilité semble être la constitution d'une majorité en nombre d'organisations, soit l’accord de trois d’entre elles, sur les cinq organisations représentatives.

Faute d'avoir abordé la question de la représentativité des organisations syndicales, vous prenez le risque qu'un accord soit minoritaire parmi les salariés. C'est un choix dangereux. L'existence d'accords minoritaires créateurs de normes juridiques affecte le rôle du dialogue social et la place du contrat.

Le projet que le parti socialiste défendra devant les Français tend à une réforme profonde de la démocratie sociale. Certes, nous envisageons bien un temps réservé à la négociation, mais en vue de parvenir à une décision qui s'inscrira dans des règles nouvelles, à savoir une représentativité résultant du vote des salariés et l'application du principe majoritaire en voix pour la validité des accords.

Pourquoi ne pas franchir le pas aujourd'hui ? Vous disposiez de tous les éléments d'information, ainsi que d'une décision du Conseil économique et social.

M. Jean Le Garrec - Eh oui !

M. Alain Vidalies - Ce refus rend votre démarche suspecte. Votre réforme, dont le principe rejoint pourtant nos propositions, risque de devenir un leurre, faute de traiter dans son ensemble la rénovation de notre démocratie sociale.

Comment ne pas relever que votre conversion au dialogue social n'arrive qu'en fin de législature et que ces dispositions ne seront pas appliquées avant la fin de votre gouvernement ? Ce texte n'est pas un discours sur la méthode pour le dialogue social, c'est une méthode pour un discours de campagne électorale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Il s’agit, en définitive, d’un rendez-vous manqué. C'est trop peu, trop tard. Voilà pourquoi le groupe socialiste s'abstiendra (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Francis Vercamer – Les périodes électorales sont propices aux inaugurations et à la multiplication des engagements. Avec ce texte, le Gouvernement inaugure une nouvelle méthode de dialogue social et multiplie Ies engagements à l'égard des partenaires sociaux.

Ce projet de loi arrive deux ans après l'engagement solennel de « renvoyer à la négociation nationale interprofessionnelle toute réforme de nature législative relative au droit du travail », contenu dans l'exposé des motifs de la loi du 4 mai 2004, et qui n’a pas été respecté. Il est, en quelque sorte, l'acte de contrition du Gouvernement après l'épisode déplorable du CPE, qui était la négation même de tout dialogue social.

Pour autant, il traduit une évolution des mentalités : pour la première fois, une loi associe clairement les partenaires sociaux à l'élaboration des réformes relatives au droit du travail.

Un député communiste – Cela arrive trop tard !

M. Francis Vercamer - L'UDF est, depuis longtemps, attachée à la démocratie sociale. Les pays qui ont adapté leurs modèles sociaux à une économie mondiale ouverte sont souvent ceux où le dialogue social est le plus développé. Nous n'en déplorons que davantage le caractère bien tardif de votre volonté de modernisation, tout en en prenant acte.

Nous avons souligné les limites de ce texte : absence de délais de saisine et de consultation ; flou de la notion d'urgence, précisée au cours des débats ; le fait, par ailleurs, qu'il s'agisse d'une loi ordinaire, alors que, pour nous, la démocratie sociale devrait être garantie par la Constitution. Ce texte ne peut être qu'une étape dans la modernisation du dialogue social, laquelle doit inclure également la représentativité des organisations, leur financement, la représentation des salariés dans les petites entreprises, la sécurisation des parcours professionnels des élus syndicaux et, plus généralement, la revalorisation de l'engagement syndical.

Nous souhaitions donc que le Gouvernement tire les conclusions des travaux menés tant par M. Hadas-Lebel, sur la représentativité et le financement des organisations syndicales et professionnelles, que par M. Chertier, sur la modernisation du dialogue social, ainsi que par le Conseil économique et social. Vous avez été chargé, monsieur le Ministre, d'élaborer, sur ces bases, un avant-projet de loi destiné à modifier les règles de la représentativité, en collaboration avec les partenaires sociaux. Nous serons vigilants quant aux délais dans lesquels vous rendrez vos propositions, comme sur le contenu de celles-ci.

S'il convient de mieux apprécier la représentativité des syndicats de salariés, notamment par le biais d'une élection de représentativité, il est nécessaire de compléter ce critère par d'autres éléments, tels que les effectifs, l'ancienneté, l'implantation territoriale ou dans les branches professionnelles. Nous faisons le choix d'un syndicalisme d'adhésion, qui ne soit pas uniquement un syndicalisme d'opinion. À une démocratie sociale d'affrontement, le groupe UDF souhaite substituer une démocratie sociale apaisée. Certains pensent que ce n’est pas dans la culture de notre pays ; nous faisons le pari inverse.

C'est donc convaincus que beaucoup reste à faire que les membres du groupe UDF soutiendront ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe UMP).

M. Maxime Gremetz – L'examen de ce projet de loi a donné lieu à un débat riche, animé, argumenté, mais qui n'a débouché que sur une réforme a minima. Alors que toutes les conditions d’une réforme de fond, pour un dialogue social rénové, étaient réunies, votre texte se borne à une procédure de consultation. Pourtant, le rapport du Conseil économique et social portait des recommandations claires et précises, les principales organisations syndicales nous encourageaient, le Premier ministre reconnaissait lui-même la nécessaire évolution de la notion de représentativité ; tout laissait donc penser que se concrétiserait cette orientation que les députés communistes appellent de leur vœu depuis vingt ans.

Nous avons proposé d'inscrire dans le code du travail le principe d'une élection de représentativité au niveau national, à laquelle tous les salariés pourraient participer, grâce à l'aménagement de leur temps de travail. Cette proposition impliquerait l'ensemble du monde du travail, sur un moment fort de la vie syndicale, sans dénaturer, surtout, l'élection prud'homale. Or, elle a été rejetée au motif de la préparation d'un futur projet de loi. Cela ressemble à un coup de botte en touche, renvoyant la responsabilité à la prochaine majorité. Comme les organisations syndicales, nous prenons toutefois date avec le Gouvernement pour inscrire rapidement ce rendez-vous à l'ordre du jour.

Nous attendions également l'introduction de l'accord majoritaire en voix pour la validation des accords, qui fait l'objet de la deuxième recommandation du Conseil économique et social. Là aussi, fin de non-recevoir ! Vous maintenez, dès lors, l’insatisfaisante réforme Fillon, alors que le droit d'opposition inscrit le syndicalisme dans la contestation et l'opposition, plutôt que dans l'élaboration d'accords progressistes.

Que reste-t-il, alors, de la modernisation du dialogue social hormis la consultation préalable ? Nous avons obtenu quelques garanties, comme la motivation de l'urgence. En revanche, l’extension du champ du projet à la protection sociale a été refusée, et nous déplorons le flou qui persiste sur les conditions d'engagement des négociations.

Finalement, cette réforme est peut-être un grand pas pour ce gouvernement ; c’est un petit pas pour le monde du travail ! Cela ressemble à un rendez-vous manqué, eu égard à l'élan qui, de toute part, appuyait votre projet. Nous avons mené ces débats avec sérieux et détermination, dans un esprit constructif. Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons ; une abstention motivée davantage par ce qui ne se trouve pas dans ce texte, que par ce qui s’y trouve.

À l’unanimité des 283 suffrages exprimés sur 408 votants, l’ensemble du projet de loi est adopté.
La séance, suspendue à 17 heures, est reprise à 17 heures 10.

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eau et milieux aquatiques -deuxième lecture- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi sur l’eau et les milieux aquatiques.

ART. 4

M. François Sauvadet – L’amendement 316 vise à supprimer le mot « très » à l’aliéna 5 de cet article, la directive européenne faisant état du « bon état écologique des eaux » et non de son « très bon état ». Sinon, qu’entendez-vous par cette formule spécifique ?

M. André Flajolet, rapporteur de la commission des affaires économiques – Avis défavorable : votre proposition reviendrait à faire l’impasse sur un certain nombre de sanctuaires écologiques existants et qui sont protégés.

Mme Nelly Olin, ministre de l’écologie et du développement durable - Même avis.

L'amendement 316, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Chassaigne - L’amendement 289 vise à ce que la bonne qualité écologique des cours d’eau ne soit pas seulement maintenue mais restaurée.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Les réservoirs biologiques nécessaires au maintien du bon état écologique des eaux ainsi qu’à l’atteinte de ce bon état écologique sont déjà précisés.

L'amendement 289, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Launay – L’amendement 292 vise à supprimer, après le mot « ouvrages », le membre de la phrase « s’ils constituent un obstacle à la continuité écologique » car il convient de ne pas empêcher la libre circulation des poissons migrateurs.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Nous réaffirmons le principe selon lequel il existe des cours d’eau réservés sur lesquels aucune autorisation ou concession nouvelle ne peut être accordée aux ouvrages constituant un obstacle à la continuité écologique. Nous avons déjà longuement débattu en première lecture afin de concilier les objectifs de l’environnement, du bon état écologique des eaux et du développement des énergies renouvelables. Nous étions tous d’accord pour agir, en la matière, avec la plus grande circonspection.

Mme la Ministre – Il me semble imprudent de supprimer toute possibilité de construction d’un ouvrage nouveau. Quid de la construction, par exemple, d’une prise d’eau destinée à l’alimentation en eau potable, dès lors que cet ouvrage ne barre pas totalement le cours d’eau et ne constitue pas un obstacle à la continuité écologique ? Compte tenu de ces informations, je souhaite que vous retiriez votre amendement.

M. Jean Launay - Je le retire, au bénéfice du travail réalisé avec M. le rapporteur sur l’amendement 71 qui va être examiné.

L'amendement 292 est retiré.

M. André Chassaigne – Mieux vaudrait parler de « bon » que de « très bon » état écologique des cours d’eau, au risque, sinon, de laisser penser que l’on se satisfait d’une qualité moyenne des cours d’eau et que l’on ne fera rien pour tenter d’y restaurer la biodiversité. Autrement dit, pour préserver des intérêts privés, on sanctuariserait certains cours d’eau d’excellente qualité mais l’on abandonnerait les autres à des activités économiques destructrices. Voilà le sens de l’amendement 288.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Nous n’avons manifestement pas réussi à nous comprendre. Que M. Chassaigne veuille bien relire attentivement le texte, et il se rendra compte que l’adoption de l’amendement aboutirait au résultat inverse de celui qu’il escompte. Je l’invite donc, s’il ne veut pas qu’à des eaux d’excellente qualité se substituent des eaux de qualité moyenne, à le retirer.

Mme la Ministre – Avis également défavorable.

M. François Brottes – Avec tout le respect que je lui dois, je me permets également de suggérer à mon collègue et camarade de retirer cet amendement, qui me paraît malvenu.

M. André Chassaigne – Il m’apparaît qu’une erreur de référence peut, de fait, induire un contresens. Cédant à l’amicale pression de mes collègues et camarades (Sourires), je le retire donc.

L'amendement 288 est retiré.

M. Yves Cochet – L’amendement 272 tend à supprimer la référence au transport des sédiments dans un article qui concerne la libre circulation des poissons, sachant que l’évacuation des vases ne demande pas de dispositif spécial.

M. le Rapporteur – La commission, qui souhaitait s’en tenir à l’esprit de la directive cadre et ne pas introduire de restrictions supplémentaires dans le texte, a repoussé l’amendement.

Mme la Ministre – Avis défavorable, pour la même raison.

M. François Brottes – On peut penser, Madame la ministre, que dès l’instant où le transport des sédiments ferait obstacle à la circulation des poissons, l’autorité administrative y remédierait…

L'amendement 272, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Launay – L’amendement 293, que la commission a fait sien, tend à la suppression des mots « si nécessaire » à la dernière phrase de l’alinéa 7. Ainsi lève-t-on toute ambiguïté : si un ouvrage est créé, un équipement est nécessaire.

M. le Rapporteur – La commission a en effet estimé l’expression « si nécessaire » inutile, considérant que l’autorité administrative saurait dans tous les cas définir si un équipement est nécessaire. En adoptant l’amendement 71, elle a donc souhaité alléger le texte mais elle n’a pas signifié pour autant qu’un équipement serait systématiquement nécessaire.

Mme la Ministre – Avis favorable.

M. François Brottes – Que se passera-t-il, Monsieur le rapporteur, si une autorité administrative, sollicitée, s’abstient de donner une réponse ? La chose arrive fréquemment, et la situation peut s’en trouver singulièrement compliquée. Un délai impératif de réponse est-il prévu ?

M. le Rapporteur – Le délai de réponse d’une administration, qui est d’ordre réglementaire, ne peut figurer dans la loi.

M. François Brottes – Mais quel est, selon vous, le délai de réponse raisonnable ?

M. le Rapporteur – Six mois.

Les amendements 71 et 293 identiques, mis aux voix, sont adoptés.

M. André Chassaigne – L’amendement 290 est retiré.

M. Yves Cochet – Par l’amendement 279, nous proposons de supprimer la dernière phrase de l’alinéa 9, car il n’y a aucune raison d’allonger de cinq ans le délai de mise en conformité des ouvrages concernés, déjà considérés comme « moins prioritaires » que ceux visés au premier alinéa. Au demeurant, le degré de priorité est sujet à caution, puisqu’il s’agit d’ouvrages installés sur des cours d’eau qui, pour être dans un état moyen, n’en sont pas moins fréquentés par des migrateurs. Les dispositions prévues doivent aussi leur être appliquées.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Les exigences prévues à l’article L. 432-6 ayant été renforcées, il convient de donner un délai supplémentaire à ceux qui seront tenus de s’y conformer.

Mme la Ministre – Même avis.

L'amendement 279, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – Les amendements 239 et 240 sont de coordination.

Les amendements 239 et 240, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. Yves Cochet – La rédaction actuelle revient à systématiser l’indemnité tout en feignant de dire le contraire. Non seulement cette mesure est contraire au principe pollueur-payeur et à celui de la récupération du coût des services de l’eau, mais il n’y a aucun fondement à indemniser pour non usage de l’eau des exploitants qui en ont largement abusé. Il ne doit y avoir indemnité que s’il y a charge exorbitante – et encore faudrait-il savoir pour qui elles sont exorbitantes, et par rapport à quoi ! Voilà ce qui explique l’amendement 273.

M. le Rapporteur – La commission a exprimé un avis défavorable. Les situations étant toutes différentes, il convient de pouvoir les examiner au cas par cas et, pour cela, de maintenir la notion de charge spéciale.

L'amendement 273, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet – La directive sur l’eau astreint à conserver la continuité écologique même lorsqu’il y a un barrage. Il faut donc assurer un débit minimal pour la vie de toutes les espèces, c’est-à-dire pas seulement celles qui sont présentes au moment de la construction de l’ouvrage, mais celles qui pourraient être réintroduites. Notre amendement 49 protège donc les espèces « représentatives des biotopes aquatiques de ce cours d’eau ». L’objectif est bien la stabilité écologique.

M. le Rapporteur – Hier, on mentionnait le retour du saumon dans la Seine. Si cet amendement maximaliste était adopté, il faudrait tout mettre en œuvre pour le faciliter. Ce serait irresponsable sur le plan économique. Avis défavorable.

Mme la Ministre – Défavorable. L’expression de « biotopes aquatiques », trop imprécise, ouvrirait la voie à des contentieux.

L'amendement 49, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Launay – Que fait-on si les informations sur le débit minimal ne sont pas disponibles ? Notre amendement 294 dit que, dans ce cas, le maître d’ouvrage doit réaliser les études nécessaires.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé cet amendement. Il paraît difficile d’avoir une telle exigence à l’égard du maître d’ouvrage, sur le plan financier, mais aussi pour ce qui est de la garantie de résultats.

Mme la Ministre – J’ajoute que l’on pratique ce calcul du débit moyen interannuel sur tous les cours d’eau, et qu’on peut donc obtenir des informations en extrapolant à partir de cours d’eau de même type. De surcroît, il n’est pas raisonnable de demander à un propriétaire ou à un exploitant de faire, pendant cinq ans, les mesures de débit nécessaires. Votre amendement étant satisfait, vous pourriez peut-être le retirer. Sinon, j’en demande le rejet.

M. Jean Launay – Au bénéfice de ces explications, l’amendement 294 est retiré.

M. Yves Cochet – Notre amendement 55 supprime le régime dérogatoire permettant de porter la norme du module à un vingtième pour certains ouvrages hydroélectriques, dans la mesure où le régime général d’un dixième du module permet déjà de concilier enjeux écologiques et énergétiques.

M. Germinal Peiro – Notre amendement 300 est identique. Le texte retient comme débit minimal le dixième du module interannuel, sauf pour les cours d’eau dont le débit est supérieur à 80 m³ par seconde. Il est inutile d’étendre les dérogations à d’autres portions de cours d’eau ou à d’autres ouvrages, car le dixième du module interannuel représente déjà un étiage sévère.

M. le Rapporteur – La commission a émis un avis défavorable. Nous avons déjà modéré la proposition du Sénat en retenant cette norme de un vingtième à partir d’une liste établie par le Conseil d’État. Il convient de concilier qualité écologique et aménagement hydroélectrique. Vous pourriez peut-être retirer l’amendement.

Mme la Ministre – Avis défavorable. Mais un retrait serait apprécié.

Les amendements identiques 55 et 300, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Yves Cochet – Notre amendement 275 supprime la notion d’atypicité, dont on ne saurait exciper pour opérer un prélèvement supérieur sur une rivière.

M. le Rapporteur – La commission l’a rejeté par pragmatisme. Il convient de tenir compte de l’état écologique mais aussi de l’atypicité des fleuves méditerranéens ou de montagne par exemple.

Mme la Ministre – Avis défavorable.

L'amendement 275, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet – Dans une loi qui n’est pas relative à l’hydraulique, mais à l’eau et aux milieux aquatiques, c’est d’abord la qualité de ceux-ci qui priment, non l’efficacité de l’exploitation hydroélectrique. Tout en étant attachés aux énergies renouvelables, nous voulons donc, par l’amendement 274, assurer un équilibre entre écologie et production d’électricité, en nous assurant « que la rivière dispose toujours des débits nécessaires au bon état et potentiel écologiques, notamment à l’étiage ».

M. le Rapporteur – Défavorable, toujours par pragmatisme.

Mme la Ministre – Défavorable.

L'amendement 274, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet – Notre amendement 50 simplifie la loi en supprimant une disposition superfétatoire.

M. Germinal Peiro – Notre amendement 299 est identique. Le texte permet en effet à l’autorité administrative de fixer une dérogation pour le débit en période d’étiage exceptionnel. Quel en serait l’intérêt pour l’exploitation quand le débit réservé est déjà faible ?

M. le Rapporteur – Défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment.

Mme la Ministre – Même avis.

M. François Brottes – Je me suis abstenu sur les deux amendements précédents, mais je soutiens celui-ci : on peut supprimer l’alinéa 16, les alinéas précédents offrant déjà une certaine souplesse à l’autorité administrative.

M. le Rapporteur – J’entends bien. Mais permettre à l’autorité administrative de concilier des intérêts contradictoires ne me paraît pas superfétatoire.

Les amendements 50 et 299 identiques, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Yves Cochet – L’amendement 318 vise à compléter cet article par un alinéa III qui permet la restauration des espèces disparues - ce que demande la directive - par la modification du débit et la réalisation des dispositifs adéquats.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé cet amendement. Nous n’avons pas dû lire la même directive-cadre : celle-ci parle de bon état écologique, non de restauration des situations antérieures.

L'amendement 318, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'article 4 modifié, mis aux voix, est adopté.

art. 4 bis A

M. François Sauvadet – L’amendement 72, que M. Santini et moi-même présentons avec le rapporteur, a pour objet de supprimer la mention de la peine encourue en cas de récidive à la fin de la première phrase de l’alinéa 4, dans la mesure où le code pénal prévoit déjà les peines applicables dans cette hypothèse. Faisons une bonne loi !

M. Yves Cochet – L’amendement 51 est identique.

Les amendements 72 et 51 identiques, acceptés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. François Sauvadet – Par cohérence, l’amendement 73, adopté par la commission, a le même objet que le précédent.

L'amendement 73, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. François Sauvadet – L’amendement 74, adopté par la commission, a également le même objet.

M. Yves Cochet – L’amendement 151 est identique. Une fois n’est pas coutume, je suis d’accord avec le rapporteur et avec M. Sauvadet !

Les amendements 74 et 151 identiques, acceptés par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. François Sauvadet – L’amendement 75 a toujours le même objet. La commission l’a adopté.

L'amendement 75, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 76 rectifié vise à mettre en rapport le niveau des sanctions prévues par la loi du 16 octobre 1919 pour les concessionnaires ou les permissionnaires qui ne respectent pas les règles applicables aux entreprises hydro-électriques avec la taille de l’entreprise. Depuis 1980, les aménagements hydro-électriques d’une puissance comprise entre 500 et 4 500 kilowatts relèvent du régime de la concession s’ils datent d’avant 1980 et du régime d’autorisation s’ils sont postérieurs à cette date. Cet amendement actualise l’ensemble des pénalités qui leur sont applicables.

L'amendement 76 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Yves Cochet – L’amendement 276 vise à supprimer les alinéas 8 et 9 de cet article. Il n’y a pas de raison de dispenser l’activité hydraulique de la procédure d’autorisation au motif que l’exploitation de l’énergie hydraulique est accessoire. Il faudrait plutôt dire que toute activité hydraulique, même accessoire, doit être autorisée.

M. le Rapporteur – Les alinéas 8 et 9 complètent l’article premier de la loi de 1919 s’agissant des procédures simplifiées applicables à l’exploitation d’installations ou d’ouvrages déjà autorisés au titre des articles L. 214-1 et L. 214-11 du code de l’environnement. Le dernier alinéa de l’article premier de la loi de 1919, introduit par la loi d’orientation sur l’énergie, dispose que l’exploitation d’hydroélectricité produite par des ouvrages et installations déjà autorisées à fonctionner au titre des articles L. 214-1 et L. 214-11 est dispensée de la procédure de concession ou d’autorisation. Or, la rédaction actuelle ne vise que l’aménagement a posteriori des ouvrages existants déjà autorisés, excluant par là même les ouvrages nouveaux. Les dispositions que vous proposez de supprimer permettront au pétitionnaire qui souhaite réaliser un ouvrage ou une installation sur un cours d’eau de l’équiper d’emblée d’une installation de faible puissance, accessoire à l’installation principale. Je suis donc défavorable à cet amendement.

Mme la Ministre – Je rappelle qu’il s’agit d’une simplification des procédures, et non d’une dispense d’autorisation. Les ouvrages concernés doivent d’ailleurs être autorisés au titre de la loi sur l’eau. Leur création se justifie pour un autre usage que la production hydro-électrique, mais il sera possible de les équiper dès la construction. La stratégie que je défends consiste à équiper en priorité les ouvrages existants, au lieu d’en créer de nouveaux.

M. Yves Cochet – Nous sommes d’accord sur ce point. Je retire l’amendement.

L'amendement 276 est retiré.

M. le Rapporteur – La Commission européenne a adressé une mise en demeure à la France pour que celle-ci supprime une disposition qu’elle juge contraire au droit communautaire…

M. François Brottes – Sur les OGM ? (Sourires)

M. le Rapporteur – …en particulier au principe du libre établissement : le droit de préférence dont bénéficie le titulaire d’une concession ou d’une autorisation d’exploiter une entreprise hydraulique lors du renouvellement du titre. L’article 4 bis supprime donc le droit de préférence en matière de renouvellement des concessions accordées aux entreprises hydrauliques. L’amendement 77 procède à cette suppression pour le renouvellement des autorisations.

Mme la Ministre - Avis favorable.

M. François Brottes – Puisqu’il est question de sanctions de la part de la Commission européenne, j’aurais souhaité que Mme la ministre nous dise quel est l’avenir envisagé pour le projet de loi relatif aux OGM.

Plusieurs députés UMP - Hors sujet !

M. François Brottes - Puisque, chers collègues de la majorité, vous dressez l’inventaire des sujets sur lesquels la France est condamnée, permettez que l’opposition vous mette en garde sur celui-là et essaie de prévenir les sanctions. Ce n’est certes pas notre sujet aujourd’hui mais j’écouterai avec intérêt la réponse de la ministre.

M. Yves Cochet - Excellente question !

Mme la Ministre - Il y a deux directives sur les OGM, l’une concernant les OGM confinés, l’autre les OGM disséminés. Pour les premiers, nous avons pris deux décrets qui ont permis de mettre un terme à la procédure en cours. Pour les seconds, il ne vous a pas échappé que le projet de loi a été examiné au Sénat et que nous attendons un créneau pour l’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée.

M. François Brottes - Je remercie Mme la ministre de sa courtoisie.

L'amendement 77, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 78 est rédactionnel.

L'amendement 78, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 4 bis A, modifié, mis aux voix, est adopté.

Art. 5

M. Yves Cochet - L’amendement 277 vise à supprimer les précisions figurant à la fin de la deuxième phrase de l’alinéa 9 : « notamment par enlèvement des embâcles, débris et atterrissements, flottants ou non, par élagage ou recépage de la végétation des rives. » Cela pourrait dans certains cas conduire à mutiler des rivières. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP) Je me souviens avoir participé il n’y a pas si longtemps au nettoyage de rivières, notamment celui du Scorff avec l’association Eaux et rivières de Bretagne, où quantité de végétation avait peu à peu encombré la rivière. Mais il faut agir au cas par cas. Un tel niveau de précision est inutile dans la loi. Il peut même être dangereux.

M. le Rapporteur – Avis défavorable à cet amendement. Nous préférons une formulation précise à une terminologie plus floue, chacun des termes employés renvoyant à une réalité bien précise.

Mme la Ministre - Avis défavorable.

M. Yves Cochet – Je comprends le souci de précision sémantique. Mais là n’est pas le problème. Une rivière est un milieu vivant et enlever systématiquement tout ce qui peut s’y trouver peut nuire à son bon état écologique.

L'amendement 277, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Martial Saddier – L’amendement 286 est identique au 79 de la commission et au 235 de nos collègues socialistes. L’ensemble des membres de la commission l’a voté à l’unanimité, je les en remercie.

Revenant au dispositif adopté en première lecture par l’Assemblée, il vise à ce que la sécurisation des rivières de montagne soit classée parmi les opérations d’entretien, et non pas seulement de restauration. Avec les torrents, il s’agit de garantir la sécurité des biens et des personnes, mais aussi pour la faune et la flore, d’indispensables plages de respiration. Il faut intervenir à titre préventif, et non curatif. Le réchauffement climatique fait reculer les glaciers, ce qui conduit à un engravement de plus en plus fréquent des cours d’eau de montagne.

M. Henri Nayrou – Notre amendement 235 est en effet identique. La sécurisation des torrents doit faire partie intégrante des opérations d’entretien régulier de ces cours d’eau.

M. le Rapporteur – Avis favorable, puisque la commission avait proposé un amendement identique 79. Nous ne faisons que réintroduire les opérations groupées d’entretien régulier, c’est-à-dire la notion de plans de gestion pour ces cours d’eau. C’est à tort que le Sénat avait voulu simplifier la rédaction du texte.

Mme la Ministre – Dans l’esprit des articles L. 215-14 et L. 215-15 du code de l’environnement, les opérations d’entretien visent des opérations assez légères qui, organisées régulièrement, évitent de devoir procéder à des travaux plus lourds, coûteux et traumatisants pour les milieux aquatiques. C’est pourquoi la sécurisation des torrents, qui exige, elle, des travaux d’importance dont par exemple des déplacements de rochers, a été mentionnée à l’alinéa 13 de l’article. Tel qu’actuellement rédigé, l’article L. 215-15 permet à mon avis d’assurer la sécurisation des torrents. Cela étant, je ne suis pas convaincue qu’il faille mettre sur le même plan l’entretien et la sécurisation dans l’alinéa 10 car les finalités en sont différentes. Je m’en remettrai donc à la sagesse de l’Assemblée.

M. Jean Dionis du Séjour – Je suis favorable à l’amendement. Bien que n’étant pas élu de montagne, je comprends les préoccupations de leurs auteurs. On assiste dans le cours de la moyenne Garonne à la formation d’îles de plus en plus importantes, donc à une érosion croissante des berges, laquelle menace directement des fermes. Notre collègue Yves Cochet a ouvert un vrai débat. Madame la ministre, peut-on aujourd’hui dans le cadre des opérations groupées d’entretien régulier d’un cours d’eau, décider de supprimer telle ou telle île qui provoque une érosion excessive des berges par les courants ? La réponse à cette question est très importante pour nous.

M. Germinal Peiro – Soyons extrêmement prudents et ne répétons pas les erreurs des dernières décennies. Autoriser l’extraction de granulats, notamment dans le lit majeur des cours d’eau, c’est réinventer les gravières. Or, le prélèvement de graviers a été la cause principale de la dégradation de l’état des rivières et de l’effondrement de leurs berges. Des associations ont dû se battre durant des années pour qu’on redécouvre l’équilibre naturel des rivières et qu’on comprenne que les granulats prélevés en aval des grands barrages ne se reformeront pas avant des millénaires. Assez de bêtises ont été faites sous l’égide de l’État sur un trop grand nombre de rivières : extraction de granulats, bétonnage, digues… Tout cela, bien que fort coûteux, n’a servi à rien, excepté à faire travailler les entreprises de travaux publics et les DDE. Pis, cela a dégradé, parfois irrémédiablement, les cours d’eau. Il est possible, Monsieur Dionis du Séjour, de déplacer des bancs de graviers dans une rivière pour l’aider à retrouver son lit. Mais de grâce, ne réitérons pas les erreurs du passé.

M. Yves Cochet - Il a raison.

Mme la Ministre - Un entretien correct évite tout risque d’érosion et garantit le bon état écologique des cours d’eau. C’est pourquoi l’article 5 prévoit l’entretien régulier d’une part, et la remise à niveau de l’autre.

M. André Chassaigne - Jusqu’à présent, l’entretien se pratiquait à l’échelle de portions d’un cours d’eau, voire à celle de l’exploitation agricole : j’en ai même vu certaines, au bord de la Dore, qui avaient perdu près d’un hectare de terrain ! Plutôt que de réagir au cas par cas, il faut pourtant adopter une approche globale. La loi précise utilement que le plan de gestion doit être établi à une échelle hydrographique pertinente. En effet, tout événement érosif important est dû à un aménagement effectué en amont.

Cela pose aussi la question de l’acquisition foncière : elle pourrait dédommager les exploitants dont le terrain a été affecté à cause d’investissements réalisés à l’amont, dont ils ne sont aucunement responsables.

M. François Brottes - L’intervention de M. Peiro portait sur la Dordogne.

M. Germinal Peiro - Et toutes les rivières de France !

M. François Brottes - Néanmoins, dans cet amendement, il s’agit de torrents, et non de rivières. Le régime torrentiel est par nature imprévisible. N’attendons pas la crue pour sécuriser ces petits cours d’eau de montagne, qui peuvent coûter cher – y compris en vies humaines. En 2004, plus de 120 habitations ont ainsi dû être évacuées dans le massif de Belledonne ! Recentrons donc le débat sur les torrents.

M. Pierre Ducout - La Garonne à Agen n’est pas un torrent, Monsieur Dionis du Séjour !

M. Jean Dionis du Séjour – Non, mais l’article 5 concerne bien le curage et l’entretien : M. Cochet a eu raison de soulever le problème. Quant à M. Peiro, il a raison de rappeler les excès commerciaux qui ont marqué certaines opérations de dragage de la Garonne.

M. François Brottes - Oui, il a raison, mais ce n’est pas le sujet !

M. Jean Dionis du Séjour - Ces excès doivent-ils pour autant nous faire renoncer aux opérations elles-mêmes ? Non : venez donc voir les îles qui naissent et les berges qui s’effacent entre Agen et Tonneins ! Ne cédons pas aux sirènes rousseauistes qui défendent une berge vivante aux dépens des hommes qui y vivent. Nous avons besoin d’opérations d’ensemble, sans excès commercial.

M. Michel Bouvard - Le débat sur les torrents est victime d’une OPA visant à régler d’autres problèmes – d’ailleurs légitimes.

M. André Chassaigne - C’est l’OPA de l’UDF !

M. Michel Bouvard - Restons pragmatiques. Avant 1993, toute extraction de matériel quel qu’il soit était interdite dans les cours d’eau de montagne. Alors que M. Barnier était ministre de l’écologie, j’ai proposé de reprendre ces extractions. En effet, le fort débit solide des torrents de montagne alimente des plages de dépôts naturels ou engrave certaines portions du lit, menaçant du même coup les populations riveraines, pourtant installées là depuis des décennies, voire des siècles. Il faut donc pouvoir procéder à des opérations d’entretien régulières, afin d’éviter toute accumulation dangereuse. Le souvenir des grandes crues alpines de 1999 est encore vif. De telles opérations doivent donc échapper à de complexes procédures qui ne feraient que les retarder, d’autant plus qu’elles ne peuvent être effectuées que pendant une partie de l’année. Cette mesure complète donc utilement le dispositif existant en écartant tout risque de complication administrative sur le terrain.

M. le Rapporteur – Si chacun avait prêté plus d’attention à la section III, nous n’aurions pas eu ce débat : seuls les plans de gestion concernant les torrents de montagne sont ici concernés. Quant aux raisons qui peuvent justifier un curage dans d’autres types de cours d’eau, elles sont définies aux alinéas 13 à 17 : ne mélangeons donc pas tout.

M. Henri Nayrou – J’incite également nos collègues à revenir vers la montagne.

M. Yves Cochet – Je rappelle toutefois que si la civilisation sumérienne s’est écroulée, c’est faute d’une bonne gestion des deux fleuves dont elle dépendait…

M. Michel Bouvard - Ni le Tigre ni l’Euphrate ne se trouvent dans les Alpes, et encore moins dans les Pyrénées !

Les amendements identiques 79, 235 et 286, mis aux voix, sont adoptés.

M. Germinal Peiro - L’amendement 80 est défendu.

L'amendement 80, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – Je défends l’amendement 81.

L'amendement 81, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Martial Saddier – De nombreux services de l’État interviennent dans les opérations locales d’entretien, de la DIREN aux services de restauration des terrains en montagne, auxquels les élus sont d’ailleurs très attachés. Afin d’éviter toute confusion, l’amendement 285 rectifié précise que seul le préfet peut autoriser les interventions. Il s’agit d’en faciliter la réalisation prompte et efficace, compte tenu des conditions climatiques du milieu montagnard.

M. le Rapporteur – La commission préfère son amendement 82 rectifié, qui a la même substance, mais utilise l’expression « représentant de l’État dans le département », plus conforme aux textes en vigueur, puisqu’elle reprend la formulation de l’article 72 de la Constitution.

Mme la Ministre - Le Gouvernement acceptera cet amendement pourvu qu’il soit modifié par le sous-amendement 442, visant à supprimer les mots « dans le département ». En effet, les cours d’eau ne se cantonnent pas aux simples limites administratives des départements. Dans de tels cas il faudra désigner un représentant de l’État coordonnateur.

M. le Rapporteur – En tant que président d’un SAGE qui s’étend sur deux départements et sept sous-préfectures, je comprends la préoccupation de Mme la ministre. À titre personnel, puisque la commission ne l’a pas examiné, je suis favorable au sous-amendement.

M. François Brottes - On en revient donc à la rédaction initiale, et il n’y a plus, au fond, d’interlocuteur. La question de l’interdépartementalité des cours d’eau se pose aussi pour les routes ou les massifs. On peut penser que les représentants de l’État se parlent et que, lorsqu’ils ont à examiner une demande d’autorisation, ils veillent à ce que leur réponse soit en cohérence avec la situation dans le département voisin. Qui est mieux placé que l’État pour assurer la cohérence ? Simplement, il faut définir un interlocuteur de proximité, pour que les réponses soit obtenues dans des délais raisonnables.

M. Michel Bouvard - Comme l’a dit M. Brottes, notre souci est d’avoir un interlocuteur identifié. Dans le massif alpin, nous sommes le bassin versant du Rhône : en résulte-t-il que le préfet coordonnateur du Rhône serait l’interlocuteur pour toutes les demandes ? Ce n’est pas raisonnable. En réalité, nous ne parlons pas tant, ici, des grands fleuves, de leurs axes principaux, mais d’affluents. Pour le coup, les limites départementales sont plus rarement franchies. On peut donc s’en remettre aux représentants de l’État dans les départements, en leur faisant confiance pour qu’ils coordonnent leurs actions.

Mme la Ministre - L’échelle est le plan de gestion. Cela étant, le problème a été suffisamment discuté et je m’en remets donc à la sagesse de l’Assemblée, en retirant mon sous-amendement.

Le sous-amendement 442 est retiré.
L'amendement 82 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – L’amendement 285 tombe en conséquence.

M. Yves Simon - Je suis élu du département de l’Allier, où coulent trois rivières, l’Allier, la Loire et le Cher, avec de nombreux affluents. Dans ma commune, j’ai une vingtaine de kilomètres de ruisseaux, et je suis contre le transfert de la responsabilité des travaux d’entretien des cours d’eau vers le maire. Si le maire doit intervenir en lieu et place d’un propriétaire défaillant, comme, par exemple, un retraité qui touche 750 euros par mois, comment la commune pourrait-elle recouvrer le montant des frais engagés ? Ce sera impossible. Je trouve dangereux de confier une telle responsabilité aux maires, qui ont déjà suffisamment de travail comme cela. D’où l’amendement 329, ainsi que les suivants, 20, 21 et 22.

M. le Rapporteur – La commission n’a pas examiné l’amendement 329. Elle a, en revanche, repoussé les amendements 20, 21 et 22, qui poursuivent le même objectif. L’article n’oblige pas le maire à assumer la responsabilité des travaux d’entretien : il lui permet de procéder à leur exécution d’office si le propriétaire riverain manque à ses obligations. C’est une faculté, non une obligation. Le coût des travaux est supporté par le propriétaire. Si nous prévoyons cette faculté, c’est pour que le maire ne se trouve pas dans la situation de devoir procéder lui-même à des travaux sans autre choix que d’en faire assumer le coût à la collectivité.

Mme la Ministre - Nous avons écrit « peut », et non pas « doit ». Il ne s’agit donc pas de dire que les maires sont corvéables à merci. L’article leur offre une possibilité. C’est une garantie pour eux. Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut de quoi, j’émettrai un avis défavorable.

M. Yves Simon – Le texte de 1992 sur l’assainissement non collectif avait, lui aussi, écrit « peut », mais les arrêtés de 1996 et de 1997 disent « doit » !

Quand une loi n’est pas appliquée, c’est à l’État d’y remédier, non au maire. Si des associations nous demandent de réaliser les travaux, nous ferons venir l’entreprise de travaux publics, mais au moment de nous tourner vers le propriétaire, avec sa retraite agricole, dans le meilleur des cas, de 750 euros, la commune ne pourra rien recouvrer.

M. François Sauvadet – Il s’agit de faire en sorte que les élus ne se trouvent pas pris en otage par certaines personnes qui refusent obstinément de réaliser des travaux nécessaires au regard de la sécurité publique. En tant que maire, j’accepte cette responsabilité, et je revendique, même, de pouvoir apprécier en mon âme et conscience la possibilité de recourir à l’exécution d’office. C’est, en réalité, donner des moyens au maire, qui portera de toute façon la responsabilité, dans la mesure où il incarne l’intérêt général dans sa commune.

M. Pierre Ducout - Tout d’abord, « peut » signifie, en responsabilité, « doit ». Mais je voudrais poser la question en sens inverse : dans quelle mesure les maires ont-ils le droit de prendre à la charge de la collectivité des travaux d’entretien suite à des modifications en amont qui peuvent se traduire en aval, par exemple, par des atterrissements sableux obstruant le lit ? Dans les Landes, certains ruisselets ne sont pas tout à fait stabilisés. L’État, avec la compagnie d’aménagement des Landes de Gascogne, a réalisé des aménagements importants, notamment le dessablage de certains fossés. Aujourd’hui, c’est la commune qui ramasse le sable. Une commune estimant après délibération que ce n’est pas aux propriétaires, en aval, d’entretenir le lit pourra-t-elle le faire ?

L'amendement 329, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Simon – Je retire les amendements 20, 21 et 22.

Les amendements 20, 21 et 22 sont retirés.
L'article 5 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 6

M. Yves Cochet – L’amendement 56 vise à améliorer la rédaction du texte et à renforcer la cohérence du code de l’environnement. La remise en l’état ne constitue pas une sanction administrative mais une condition légale de l’autorisation ou déclaration initiale. Un aménagement ou une activité n’est autorisé qu’à condition qu’à son expiration le propriétaire ou l’exploitant remette les lieux en l’état, à l’instar du dispositif applicable en matière d’installation classée. Le projet comporte donc une erreur de codification qui doit être corrigée pour éviter une confusion ultérieure.

M. Jean Launay – L’amendement 319 est identique.

M. le Rapporteur – L’amendement 244 rectifié vise à déplacer des dispositions obligeant à une remise en état du site après cessation de l’activité d’une section du code de l’environnement relative aux sanctions vers une section relative au régime des autorisations et déclarations. L’obligation de remise en état du site n’est pas stricto sensu une sanction puisque cela est intégré dans l’autorisation. Par ailleurs, l’avant-dernier alinéa des amendements 56 et 319 évoque la compétence de la juridiction administrative s’agissant de la contestation des décisions prises en application de la présente section, or, ce n’est pas la section mais l’article qui doit être visé. Je précise en outre que cette compétence est inutile, l’article L. 214–10 le prévoyant. Je vous demande donc de retirer vos amendements au profit de celui-ci. Dans le cas contraire, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la Ministre – Même avis.

M. Jean Launay – Je retire l’amendement 319 au profit de l’amendement 244 rectifié.

M. Yves Cochet – Je retire également l’amendement 56 et je me rallie à l’amendement de la commission.

Les amendements 56 et 319 sont retirés.
L'amendement 244 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Yves Cochet – Je ne vois pas quel est le fondement de la sélectivité opéré dans le texte s’agissant des articles relatifs aux délits : il importe en effet de citer tous les cas de délits majeurs et fréquents. Nous proposons, par l’amendement 278, d’introduire dans l’alinéa 4 de cet article les articles L. 211–1 – principes généraux de protection et de restauration –, L. 432-2 et L. 432-3 –destruction de l’habitat – et L. 432-5 jusqu’au L. 432-8 – entrave à la libre circulation piscicole.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Les articles L. 432-5 à L. 432-8 seront abrogés et remplacés par les articles L. 214-17 et L. 214-18 visés à l’article 6. Les objectifs sont donc satisfaits. S’agissant du L. 432-2 – déversement dans les eaux de substances nuisibles aux poissons –, l’article 6 donne les moyens à l’autorité administrative de faire respecter une obligation et non de faire cesser un comportement interdit. S’agissant de l’article L. 432-3 – destruction des frayères –, l’article L. 432-4 permet au tribunal, en cas de condamnation, de prendre toutes les mesures destinées à faire cesser l’infraction, éventuellement sous astreinte.

L'amendement 278, repoussé par le Gouvernement , mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet – L’amendement 280 vise à compléter l’alinéa 4 de cet article par la phrase suivante : « Elle prescrit tous contrôles, expertises ou analyses qui s’avèreraient nécessaires, les dépenses étant à la charge de l’exploitant ou du propriétaire. » L’administration est souvent dépourvue en matière de délit hydraulique et piscicole, d’autant plus qu’elle ne cultive plus en son sein l’expertise idoine. Le conseil supérieur de la pêche est également voué à perdre cette expertise. Il faut donc lui permettre d’asseoir sa police et de fonder ses prescriptions en diligentant contrôles et expertises nécessaires – en les rétribuant et non en transférant la charge, comme aujourd’hui, sur les agents du CSP, non financés par l’État ni par les hydro-électriciens.

J’annonce d’ores et déjà que je suis d’accord avec le sous-amendement rédactionnel 443 de M. le rapporteur (Sourires) !

M. le Rapporteur – Ce sous-amendement 443 vise en effet à remplacer « prescrit » par « peut prescrire ». Avis favorable à l’amendement 280 ainsi sous-amendé.

Mme la Ministre – Sagesse, s’agissant de l’amendement 280 et avis favorable au sous-amendement 443.

Le sous-amendement 443, mis aux voix, est adopté.
L'amendement 280 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 241 est rédactionnel.

L'amendement 241, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. Yves Cochet – En cas de non-autorisation, le préfet doit suspendre l’activité délictueuse, l’arrêter définitivement ou provisoirement. Si le délinquant n’obtempère pas, il convient de fermer l’installation. Tel est le sens de l’amendement 281, qui vise donc ce que j’appellerai la haute délinquance écologique, puisque nous sommes dans un contexte hautement sécuritaire ! (Sourires)

M. le Rapporteur – Le sous-amendement 443 fait tomber cet amendement. Si vous le maintenez, avis défavorable.

Mme la Ministre - Même avis.

M. Yves Cochet - Je le retire.

L'amendement 281 est retiré.

M. le Rapporteur – L’amendement 242 est rédactionnel.

L'amendement 242, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le Président – Les amendements 282, 283 et 295 tombent en conséquence de l’adoption du 244 rectifié.

L'article 6 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 7

M. Yves Cochet - Le texte prévoit une amende de 12 000 euros pour qui exploiterait un ouvrage ne respectant pas les dispositions nécessaires pour assurer la circulation des poissons migrateurs alors qu’elle est de 22 500 euros pour un pêcheur qui pêche l’anguille ou le saumon illégalement. C’est disproportionné, et dans le mauvais sens. C’est aussi socialement injuste. L’installation d’un barrage en aval, même s’il est de faible puissance, peut – cela s’est déjà produit en France – avoir pour conséquence d’annihiler certaines espèces migratrices sur des affluents entiers. Il importe donc de renforcer les amendes prévues au lieu, comme cela a été fait à l’article L. 216-8 du code de l’environnement pour ce qui concerne l’habitat protégé, de le réduire de 50 000 euros à 20 000 euros. Réduction qui d’ailleurs n’est pas sans poser question.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé l’amendement, qui reprend à l’identique l’amende fixée à l’article L. 432-8. Celle prévue dans le projet est suffisante.

L'amendement 284, repoussé par le Gouvernement mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 83 de la commission supprime une redondance.

M. Yves Cochet – L’amendement 52 est identique.

M. Jean Launay – L’amendement 303 également.

Les amendements 83,52 et 303, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.
L'article 7, modifié, est adopté.

ART. 7 bis

M. Yves Cochet – La régularisation administrative d’ouvrage ou d’activités anciennes est source d’insécurités juridiques, ce pourquoi le Conseil d’État avait refusé cette disposition proposée par le Gouvernement dans le cadre du projet d’ordonnance du 18 juillet 2005 dite de simplification du droit de l’eau. Or, le Gouvernement nous propose de reprendre cette disposition. L’amendement 53 vise donc à la supprimer car le bénéfice des droits acquis doit être encadré dans le temps, sauf à engendrer une profonde instabilité juridique, source d’insécurité pour les exploitants et propriétaires comme pour les tiers.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. La commission, qui devait choisir entre une sanction immédiate ou le pragmatisme de la pédagogie et de la réparation, a préféré la seconde voie.

L'amendement 53, repoussé par le Gouvernement mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Launay – Par l’amendement 304 rectifié, nous proposons d’insérer le montant de l’amende, ainsi que la peine de remise en état qui sanctionnera la violation d’un défaut d’autorisation ou d’une opposition à déclaration – peine qui doit être privilégiée en matière d’atteinte à l’environnement. Il est temps d’en venir à une incitation plus marquée et de durcir les sanctions.

M. Yves Cochet – L’amendement 54 rectifié, identique, est défendu.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé ces amendements, non qu’elle soit contre le principe mais parce qu’ils sont satisfaits par les articles L. 216-2 et L. 216-9 du code de l’environnement. J’invite leurs auteurs à les retirer.

Mme la Ministre – Pour les raisons exposées par votre rapporteur, j’exprimerai un avis défavorable si les amendements ne sont pas retirés.

M. Yves Cochet – L’amendement 54 rectifié est retiré.

M. Jean Launay – L’amendement 304 rectifié l’est aussi.

M. Yves Cochet – La généralisation par la loi Perben II de la responsabilité des personnes morales pour toutes les infractions justifie d’alléger le texte. En outre, le catalogue des peines autres que l’amende doit être complété pour permettre d’assujettir les personnes morales à la peine complémentaire de remise en état : il est injuste de condamner le préposé, et non la personne morale, à la peine de remise en état des milieux aquatiques. Tel est le sens de l’amendement 48 rectifié.

M. Jean Launay – L’amendement 305 rectifié, identique, est défendu.

M. le Rapporteur – Ces amendements étant, eux aussi, satisfaits par les articles L. 216-8 et L. 216-9 du code de l’environnement, la commission les a repoussés et je vous invite à les retirer.

Mme la Ministre – Même avis.

M. Jean Launay – L’amendement 305 rectifié est retiré.

M. Yves Cochet – L’amendement 48 rectifié l’est aussi.

M. Yves Cochet – La transaction pénale, introduite par la loi sur la pêche de 1984 et reprise en matière d'eau par l'ordonnance du 18 juillet 2005, ne satisfait pas aux conditions de séparation des autorités de contrôle et de poursuites. Cet article a d'ailleurs été annulé le 7 juillet 2006 par le Conseil d'État. En outre, la modernisation du code de procédure pénale, intervenue dans le cadre de la loi Perben II, a institué la composition pénale, qui offre des garanties que ne permet pas la transaction pénale. Il est proposé, par l’amendement 43, de substituer la composition pénale à la transaction pénale dans le code de l’environnement, un simple pouvoir d'initiative et de proposition étant donné à l'autorité administrative, qui ne saurait se substituer aux parquets. En outre, le droit des victimes à faire valoir leur point de vue sur le principe et les termes de cette composition pénale doit être garanti. Enfin, une prérogative ancienne du corps des eaux et forêts donne faculté aux ingénieurs du génie rural d'engager des poursuites pénales à la place du procureur de la République, disposition aussi désuète qu'inappliquée ; nous proposons donc son abrogation.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. En réalité, l’arrêté du Conseil d’État du 7 juillet 2006 n’enlève rien au bien-fondé du recours à la transaction pénale. De plus, rien n’empêche un procureur de refuser la transaction pénale et de lui substituer la composition pénale s’il l’estime plus appropriée.

Mme la Ministre – Avis défavorable, pour la même raison.

L'amendement 43, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Martial Saddier - L’amendement 315 rectifié est défendu.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. L’autorité administrative qui décide d’une transaction pénale n’a pas à en informer la Fédération départementale des associations de pêche et de protection du milieu aquatique.

Mme la Ministre – Avis défavorable.

M. Martial Saddier - Je retire l’amendement.

L'amendement 315 rectifié est retiré.

M. Jean Launay - La généralisation de la responsabilité des personnes morales pour toutes les infractions par la loi Perben II justifie d’alléger le texte actuel. En outre, ainsi que nous l’avons exposé précédemment, le catalogue des peines autres que l’amende doit être complété pour permettre formellement d’assujettir les personnes morales à la peine complémentaire de remise en état. Enfin, la récidive pénale, d’application générale, est d’interprétation stricte et ne peut être utilisée si les infractions commises, même voisines, sont distinctes. Il convient donc d’instaurer une récidive pénale spéciale, à caractère dissuasif, pour des délits présentant des traits comparables. C’est ce que nous proposons par l’amendement 306.

M. Yves Cochet – L’amendement 57, identique, est défendu.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé ces amendements qui proposent d’aggraver la peine en cas de récidive d’un même délit. C’est un excès dans la répression.

Mme la Ministre - Défavorable.

Les amendements identiques 306 et 57, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur – l’amendement 84 est de coordination.

L'amendement 84, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 7 bis, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

Art. 8

M. Patrice Martin-Lalande - À l’occasion de cet article qui sanctionne la destruction de frayères, je voudrais appeler votre attention sur deux problèmes qui se posent dans plusieurs régions, dont la Sologne.

D’abord, la prolifération des cormorans cause à la pisciculture un lourd préjudice, dont l’indemnisation serait une charge importante pour l’État. Plusieurs pisciculteurs, notamment du Loir-et-Cher, avaient porté plainte contre l’État pour les préjudices subis entre 1979, date de la directive européenne de protection des cormorans, et 1993, lorsque furent accordées les premières autorisations de tir. La cour d’appel de Bordeaux leur a donné gain de cause, et le Conseil d’État a rejeté le recours du ministère et condamné l’État à verser une indemnisation au motif que, dans la période considérée, il n’avait pris aucune disposition, alors que la protection systématique de l’espèce avait manifestement des effets négatifs.

Depuis 1993, les autorisations de tir ont permis quelques résultats, mais le préjudice a encore augmenté en valeur absolue en raison de la prolifération des cormorans. Et de plus en plus, de petites colonies se sédentarisent et commencent à nidifier en avril, à une époque où les tirs sont interdits.

Il faut donc essayer de réguler la population de cormorans en obtenant au niveau européen qu’on revienne sur le classement de cette espèce qui n’a plus besoin d’être protégée mais devient une menace pour la pisciculture, indispensable à la protection des zones humides.

Celles-ci subissent aussi une autre invasion, celle de la jussie, source de graves dégâts économiques comme écologiques. Propriétaires et gestionnaires sont contraints de la faire arracher, sans que, jusqu’à présent, les scientifiques aient indiqué quelles solutions étaient les plus appropriées. Malgré le coût de l’opération, ils ne sont donc même pas sûrs d’éliminer la plante. Or elle réduit l’activité piscicole et cynégétique dans une région comme la Sologne, et ce, sur un patrimoine naturel sensible qu’il faudrait protéger au titre de Natura 2000.

Cette plante prolifère à partir du moindre fragment. Qu’un propriétaire d’étang ou de la rive d’un cours d’eau atteint ne fasse rien, et tout le réseau qui y est relié sera infecté. Les spécialistes ne sont pas en état de recommander des moyens d’action qui ne dégradent pas le milieu aquatique en même temps. Il faut donc conduire les recherches nécessaires sur le plan national et européen pour compléter le programme « invasions biologiques ». Enfin, la loi sur le développement des territoires ruraux permet de mettre en œuvre plus efficacement l’article L. 411-3 du code de l’environnement interdisant l’introduction de certaines espèces. Nous attendons dont la publication de la liste d’espèces dont le transport, le colportage, l’utilisation et la commercialisation sont interdits.

M. Jean Lassalle - Excellente intervention !

M. André Chassaigne – Cet article contribue à la protection des frayères, qui ont un intérêt économique, mais aussi un rôle régulateur pour les retenues d’eau. Encore faut-il bien informer les propriétaires. Certains qui, en toute bonne foi, pratiquent le drainage, parfois depuis des dizaines d’années, ou appliquent des plans d’irrigation qui ont été autrefois approuvés, et même subventionnés, sont tout surpris d’être verbalisés car ces méthodes font des dégâts dans les frayères. On prévoit qu’un décret en Conseil d’État fixera des critères de définition de ces zones. Or elles évoluent. Il faut donc éviter de figer les situations. Les associations, les riverains, les agents de l’ONEMA sont mieux à même se suivre la réalité du terrain.

M. Yves Cochet - Puisque l’on a parlé des cormorans, le Gouvernement a-t-il des statistiques sur l’évolution de leur population en France ? Est-elle excessive, au regard du problème soulevé par M. Martin-Lalande ? Si oui, jusqu’à quel niveau souhaitez-vous la réduire et par quels moyens ?

M. Jean Lassalle - Je suis globalement d’accord sur une loi sur l’eau. Mais, plus généralement, je découvre dans Le Monde d’aujourd’hui, que désormais, ce n’est plus nous qui allons décider en ce qui concerne la protection de la nature, mais les Amis de la terre, la Fondation Nicolas Hulot, France Nature environnement, Greenpeace ou le WWF, qui ont décidé de noter l’action des partis. L’UMP récolte ainsi 4,5, l’UDF 5,2, le parti communiste 5,3, les socialistes 6,5 et les Verts 11 sur 20. Ces associations ne vivent que de subventions et de grasses prébendes, distribuées par exemple par Rhône Poulenc pour M. Hulot, et par les plus grandes compagnies pétrolières. Mais les journalistes peuvent-ils faire des reportages sur les raffineries, si polluantes ? Non, dans ce cas, c’est le silence. Pourquoi ? Parce qu’on a acheté des groupes de pression, qui se permettent aujourd’hui de noter les partis politiques et les candidats à la présidence de la République. C’est un scandale !

M. Yves Simon - Très bien !

M. Jean Lassalle - Cela nous conduit à voter des lois inadaptées et à déposséder les hommes qui vivent sur nos territoires de tout pouvoir d’action – comme le disaient hier soir MM. Auclair et Chassaigne, que j’ai chaleureusement applaudis – au profit des grandes firmes. On a réussi le croisement du capitalisme américain et de la technocratie soviétique ! Les maires et les conseils généraux n’ont plus leur mot à dire dans nos territoires ! C’est ce qui nous amènera, Mme Olin et moi-même, à nous retrouver face à face au tribunal de Pau le 21 décembre : Mme la ministre m’attaque en justice pour des propos déplacés que j’aurais tenus à son égard. Je suis le premier député de la Ve République à être ainsi attaqué par un ministre via le Garde des Sceaux ! Et tout cela parce que nous ne tenons plus notre rang de politiques, que nous avons laissé tomber !

M. Jean Auclair et M. Yves Simon – Très bien !

M. Jean Lassalle - Nous avons laissé les groupes de pression décider à notre place, et nous allons maintenant les laisser forger l’opinion.

Je demande enfin à ceux qui ont leurs entrées à l’Élysée d’intervenir pour que soit demandée à Bruxelles l’abrogation de la directive Habitat et de la directive sur la chasse. C’est à cause d’elles que la France n’existe plus !

M. François Vannson – J’attire votre attention sur la nécessité d’associer les fédérations départementales agréées de pêche et de protection des milieux aquatiques à l’identification des frayères et des zones de croissance ou d’alimentation de la faune piscicole par l’autorité administrative compétente. Le Sénat ayant abrogé cette disposition en deuxième lecture, le groupe montagne a été sollicité. Il est souhaitable qu’elle soit rétablie.

M. le Rapporteur – Nous sommes en train de faire le tour de France des problèmes ! Mme la ministre aura certainement à cœur de répondre à chacun des intervenants, peut-être par écrit. Je voudrais dire pour ma part qu’un certain nombre de vos préoccupations sont satisfaites par les amendements que nous allons examiner. Ce texte est marqué par une volonté farouche de faire en sorte que s’exprime une gouvernance de proximité, à travers la participation de tous les acteurs aux décisions essentielles. L’amendement 85 rétablit ainsi le principe de la consultation des fédérations de pêche pour l’identification des frayères.

Mme la Ministre - S’agissant de la jussie, Monsieur Martin-Lalande, le projet de décret sera examiné en Conseil des ministres le 3 janvier. Je vous adresserai néanmoins une réponse écrite sous huit jours. Je fais la même proposition à M. Cochet en ce qui concerne les cormorans.

Le Monde écrit ce qu’il veut ; je regrette simplement qu’il ne reconnaisse pas davantage tout ce qui est fait pour l’environnement. Sur le reste, je n’ai pas de commentaires à faire : la justice suit son cours.

M. Yves Cochet - L’amendement 45 propose une simplification. Les amendements 46 et 47 lui sont logiquement liés. Toute opération d’aménagement et d’entretien de rivières mérite un contact préalable avec le service chargé de la police de l’eau, dans le département. La détermination préalable des zones de vie du poisson complexifie inutilement l’action administrative. Elle est aussi dangereuse, dès lors que les frayères se déplacent continuellement d’une année sur l’autre en raison du transit sédimentaire qu’encourage d’ailleurs la directive cadre sur l’eau.

Cet article n’est applicable que si un zonage a été effectué. On se demande presque si cette notion de zonage n’a pas été introduite pour rendre le texte inapplicable ! Le défaut de déclaration, qui entraîne une contravention de cinquième classe, existe déjà dans notre réglementation, sans qu’il y ait besoin de zonage.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé cet amendement. La simplification a été opérée par l’ordonnance du 18 juillet 2005 relative aux polices de l’eau et de la pêche.

L'amendement 45, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean Launay - L’amendement 296 vise à porter de 20 000 à 50 000 euros l’amende encourue pour les destructions de frayères.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé cet amendement, une amende de 50 000 euros lui paraissant excessive. Elle invite M. Launay à aller vérifier le montant de l’amende à l’article 222-33 du code pénal.

L'amendement 296, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Yves Cochet - L’amendement 46 a déjà été défendu.

M. Jean Launay - Le 307 également.

M. le Rapporteur – La commission a donné un avis défavorable à ces amendements. Cette précision avait été introduite à l'Assemblée nationale par un amendement de votre rapporteur, de Mme Ramonet et de MM. Saddier, Decool, Sauvadet, Raison, Grouard, Bobe et Launay. Il s’agit donc d’une démarche consensuelle, qui a pour objet de ne pas entraver les mesures que les collectivités peuvent prendre pour éviter ou contenir des inondations. Il faut parfois être en mesure de décider, face à un péril grave et imminent.

Mme la Ministre - Avis défavorable sur les deux amendements.

Les amendements 46 et 307 sont retirés.

M. Yves Cochet - L’amendement 47 a déjà été défendu.

M. Jean Launay - Le 308 également.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Les dispositions du code de l’environnement qui sanctionnent des installations, ouvrages, travaux ou activités qui détruisent les frayères sans autorisation soulèvent des difficultés d’application et beaucoup de mécontentement sur le terrain. En effet, le code de l’environnement ne définit pas les frayères. Or on ne peut – comme le reconnaît un rapport de l’Inspection générale de l’environnement de 2003 sur le curage des cours d’eau – fonder une action de police répressive sur des arguments techniques aussi flous. Le grand mérite de l’article 8 est de renvoyer à un décret en Conseil d’État pour fixer les critères de définition et à l’autorité administrative pour les identifier localement. En outre l’amendement 85 que nous allons examiner dans un instant prévoit expressément que l’autorité administrative actualisera régulièrement le recensement de ces zones.

Mme la Ministre - Même avis.

Les amendements 47 et 308 sont retirés.

M. le Rapporteur – L’amendement 85 donne satisfaction à notre collègue Vannson : les associations agréées de pêche et de protection des milieux aquatiques sont évidemment indispensables pour identifier les frayères.

Mme la Ministre - Favorable.

M. Jean Launay - La pêche est variée dans notre pays. Il est important de reconnaître l’originalité et la place de chacune des pêches, indépendamment de l’importance des effectifs ceux qui les pratiquent. Le sous-amendement 311 vise donc à associer à la consultation les organismes de pêche maritime et d’eaux douces de loisir et professionnelle.

M. le Rapporteur – Avis défavorable au sous-amendement. Pour les zones de frayère, on est à la limite maximale de salinité. Il n’est donc pas besoin de solliciter l’avis des organismes que vous évoquez.

Mme la Ministre - Avis défavorable pour les mêmes raisons.

M. Martial Saddier - Après que nous avons longuement débattu de ce sujet en commission, je me rallie à la position du rapporteur.

Le sous-amendement 311, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'amendement 85, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – Les amendements 314 et 309 tombent.

L'article 8 modifié, mis aux voix, est adopté.

Art. 8 bis

M. Jean Lassalle – Je demande, ce n’est pas nouveau, l’abrogation de la directive Habitat et de celle sur la chasse.

M. Yves Cochet – L’UDF les avait acceptées !

M. Jean Lassalle - L’UDF a depuis éclaté en de nombreux morceaux et nous n’en sommes plus aujourd’hui que le canal historique (Sourires). Pour ma part, je n’ai jamais accepté ces textes et si je souhaite qu’ils soient abrogés, c’est parce qu’ils ruinent notre pays. Laissant la porte ouverte à tous les lobbys américains qui viennent se trouver des porte-parole en Europe, nous nous torturons nous-mêmes. Nos campagnes, qui étaient depuis des siècles magnifiquement entretenues par des hommes qui savaient et aimaient le faire, se retrouvent aux mains de « comités de pilotage », présidés par des élus – ainsi du moins en avons-nous décidé ici, bien que la décision finale relève du niveau supra-national, européen ! – mais nul doute qu’au moindre problème, le préfet aura le dernier mot. Et voilà comment nos belles campagnes, qui était partout habitées et entretenues, deviennent peu à peu des réserves d’Indiens, quand dans le même temps s’entassent à la périphérie de nos villes des hommes et des femmes venus de tous horizons qui y vivent dans des conditions nous ramenant plusieurs siècles en arrière.

Ces directives ont ainsi conduit Mme Olin à réintroduire, avec l’aide de 300 gardes mobiles, cinq ours dans les Pyrénées, dont l’une s’est suicidée, préférant se jeter dans le vide plutôt que de voir son enfant naître sur une terre où on l’avait si brutalement transplantée. Malgré tout cela, l’UMP reçoit une note de 4,5 sur 20 pour son action en matière d’écologie, selon Le Monde d’aujourd’hui! Peut-être faudrait-il revenir à la raison.

Tout comme à Paris, on sait entretenir la Tour Eiffel et l’Arc de Triomphe, on sait dans les campagnes entretenir les paysages. Nos paysans n’ont pas besoin de ces directives, de ces gardes mobiles, de tous ces corsets. Ils en meurent et nous sommes tous coupables du silence qui entoure cette mort.

M. Martial Saddier – L’amendement 86 réintroduit le principe affirmé en première lecture selon lequel les fédérations de pêche et les associations de pêche professionnelle en eau douce sont informées des interventions influant sur l’état écologique des rivières. Les amendements 287 et 354 allaient dans le même sens.

M. le Rapporteur – Avis favorable au 86, et défavorable aux 287 et 354, qui ne tenaient pas compte de l’ordonnance de simplification administrative de juillet 2005.

Mme la Ministre - Avis défavorable pour les mêmes raisons sur les 287 et 354. Sagesse sur le 86.

Les amendements 287 et 354 sont retirés.

M. Jean Dionis du Séjour - L’amendement 86 est tout à fait pertinent. Les fédérations et associations de pêches sont très bien gérées, raisonnables et vraiment soucieuses de l’environnement. Ce qui est étonnant est que le Sénat, à deux reprises, les ait ainsi écartées. Nous souhaiterions être sûrs, Madame la ministre, que nous pourrons compter sur vous en CMP.

M. le Rapporteur – Soyez rassuré : je demanderai personnellement au président Ollier d’être intransigeant sur ce point car c’est la condition même d’une bonne gestion partenariale au plus près du terrain.

L'amendement 86, mis aux voix, est adopté.
L’article 8 bis, ainsi modifié, est adopté.

Art. 10

L'article 10, mis aux voix, est adopté.

Art. 11

M. le Rapporteur – L’amendement 87 est de clarification.

L'amendement 87, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Jean Launay - Je retire l’amendement 297 au profit du 88 de la commission.

M. le Rapporteur – L’amendement 88, relatif aux stockages des engins de pêche, était très attendu des pêcheurs.

L'amendement 88, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 89, qui fait l’objet d’un très large consensus, interdit le transport de carpes vivantes de plus de 60 cm. L’amendement 310 de M. Launay est identique.

Les amendements 89 et 311, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.
L'article 11 modifié est adopté.

Art. 13 bis

L'article 13 bis, mis aux voix, est adopté.

art. 14 a

M. Henri Nayrou - L’eau se fait de plus en plus rare. L’évolution de la consommation et les désordres climatiques – même si nous sommes encore loin du Petit âge glaciaire du XVIe siècle – nous imposent de mieux gérer cette ressource. Je suis stupéfait qu’aucun plan d’envergure ne soit présenté permettant d’en optimiser l’utilisation mais aussi d’accroître la ressource, alors que les avertissements se multiplient. Pourtant, la solution coule de source : il suffirait de constituer des réserves artificielles grâce à des ouvrages de rétention. En stockant les eaux naturelles, on n’affecte pas l’écosystème et l’on permet aux pouvoirs publics de relâcher d’importants volumes lorsque c’est nécessaire.

J’avais soulevé le problème à l’occasion d’une question orale sans débat en 2004, mais votre prédécesseur, M. Lepeltier, n’avait pas semblé s’en émouvoir.

Que les choses soient claires : le plan de grands travaux en montagne ne vise pas à consommer plus, mais à mieux réguler les cours d’eau. Si l’on continue de croire qu’un simple pas de côté en matière d’utilisation permettra de compenser la diminution de la ressource, nos cours d’eau auront vite fait d’être asséchés ! La solution s’impose donc d’elle-même : il faut créer un vaste réseau de rétention qui préserve les équilibres naturels. Ce réseau ne pourra exister faute de détermination politique. Or, je constate que ce texte, comme notre débat, en est loin !

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.
La séance est levée à 20 heures 5.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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