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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

3ème séance du jeudi 14 décembre 2006

Séance de 21 heures 30
42ème jour de séance, 97ème séance

Présidence de Mme Hélène Mignon
Vice-Présidente

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

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formation et responsabilité des magistrats

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, des projets de loi relatifs à la justice.

Mme la Présidente – Cet après-midi, l’Assemblée a entendu les orateurs inscrits dans la discussion générale. J’appelle en premier lieu, dans le texte du Gouvernement, les articles du projet de loi organique relatif à la formation et à la responsabilité des magistrats.

AVANT L'ARTICLE PREMIER

M. Philippe Houillon, président de la commission des lois et rapporteur pour le projet de loi organique relatif à la formation et à la responsabilité des magistrats –L’amendement 1 rectifié, de précision, vise à élargir l’objet du premier chapitre de cette loi aux modalités de recrutement des magistrats.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice - Avis favorable.

L'amendement 1 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Michel Vaxès – L’amendement 67 rectifié tend à modifier l’ordonnance du 28 novembre 1958 en prévoyant que les nominations aux emplois de procureurs généraux, décidées en Conseil des ministres, doivent être soumises à un avis préalable du Conseil supérieur de la magistrature.

La nomination des procureurs généraux en Conseil des ministres est en effet une exception au sein du statut de la magistrature, tous les autres magistrats étant nommés soit après avis simple du CSM, soit après son avis conforme, soit sur sa décision. Par notre amendement, nous prévoyons d’étendre à l’ensemble du siège cette garantie d’indépendance.

M. Philippe Houillon, rapporteur – Avis défavorable.

M. le Garde des Sceaux  Vous n’ignorez pas, Monsieur Vaxès, que le Gouvernement ne peut qu’être défavorable à un tel amendement. Les procureurs généraux assurent en effet le lien démocratique entre le peuple et la politique pénale menée par une juridiction. S’appuyant sur une majorité issue des élections, le Gouvernement nomme des procureurs généraux responsables devant le ministre, et ainsi devant le Parlement. Il n’est pas question, dans l’esprit de ce gouvernement, que les procureurs généraux ne soient plus rattachés à la légitimité démocratique au moyen de cette nomination en Conseil des ministres.

L'amendement 67 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Vallini – L’amendement 44 tend à inscrire dans la loi la proposition n° 64 du rapport de la commission d’enquête sur l’affaire dite d’Outreau. Tous nos amendements reprenant les propositions formulées dans ce rapport, adopté à l’unanimité, je m’attends à ce qu’ils connaissent un sort semblable…

Par cet amendement, nous demandons la séparation entre les fonctions de magistrat du parquet et du siège à l'expiration d'un délai maximal de dix ans à l'issue de la sortie de l'École nationale de la magistrature.

M. Philippe Houillon, rapporteur – La commission a repoussé cet amendement. J’y suis favorable à titre personnel, étant signataire du rapport sur l’affaire d’Outreau, mais il n’y a pas aujourd’hui de consensus sur ce sujet. Si certains souhaitent la séparation entre le siège et le parquet, ce principe est refusé par d’autres, notamment le Garde des Sceaux, et demeure contesté au sein même de la magistrature.

Il est par ailleurs impossible de modifier substantiellement, au détour d’un simple amendement, la configuration actuelle de la justice. Engageons plutôt une concertation en attendant la réforme d’ampleur de la justice que vous appeliez de vos vœux cet après-midi à la tribune.

M. le Garde des Sceaux  Cette proposition a beau être issue du rapport sur l’affaire d’Outreau, j’y suis défavorable. C’est en effet le type même de propositions sur lesquelles nous devrions encore réfléchir pendant quelques années !

M. Jacques Floch – Cela fait déjà des années !

M. le Garde des Sceaux  C’est possible, mais il n’y a pas de consensus sur ce sujet. Il s’agit d’une position intellectuelle tout à fait valable, mais dépourvu de tout rapport avec l’affaire d’Outreau. Certains rêvent de modifier l’architecture de la justice, mais comment peut-on refuser le passage du siège au parquet tout en déplorant que les magistrats ne changent pas de poste pendant des années ? Tout est lié ! Si vous voulez une certaine mobilité, il faut accepter le passage du siège au parquet et vice-versa.

Comme l’écrivait récemment, dans une tribune libre, un des plus hauts magistrats français, le passage du siège au parquet est une grande source d’enrichissement, position que je partage. Sans multiplier les exemples, j’ai reçu il y a quelques jours une femme procureur général qui occupait auparavant un poste de président de chambre à Paris, et le président Truche, premier président de la Cour de cassation, a fait toute sa carrière au parquet. Je ne prétends pas avoir absolument raison, mais il est certain que nous ne sommes pas mûrs pour une telle réforme. Par conséquent, avis défavorable.

M. Michel Vaxès - Pour des raisons différentes, j’ai bien des réserves sur cet amendement, même s’il reprend une proposition de la commission Outreau : la séparation entre le parquet et le siège ne fera que renforcer artificiellement l’isolement des parquetiers sans accroître leur indépendance. On peut même craindre une divergence des éthiques. Malgré la différence des métiers, les techniques et la conscience professionnelle sont aujourd’hui identiques. Je redoute qu’une telle réforme n’affaiblisse le parquet en le cantonnant à un rôle d’accusation, et ne réduise à terme le rôle même du juge à une fonction accusatoire. La justice deviendrait alors une pure affaire d’avocats et donc d’argent. Sur ce point, je ne partage donc pas les conclusions du rapport sur l’affaire d’Outreau. Notre groupe ne votera pas cet amendement.

M. André Vallini – Si les plus hauts magistrats du parquet sont défavorables à cette évolution, ce n’est pas le cas de ceux du siège. Si nous devons attendre un consensus, il faudra du temps !

M. le Garde des Sceaux  Exactement !

M. André Vallini - Je note également que le rapporteur est d’accord avec cet amendement sur le fond.

L'amendement 44, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jacques Floch – Notre amendement 59 était de coordination : il tombe. Quant au 45, il a pour but de réintroduire l’usage des listes d’aptitude et de préciser leur mode d’élaboration. Nous avons en effet eu tort d’abroger en 2001 le décret du 7 janvier 1993. Nous demandons également une évaluation pour chaque magistrat se portant candidat à une nouvelle fonction, afin d’évaluer leur parcours et leurs éventuelles formations supplémentaires. Dépassant la simple analyse des faits, la commission Outreau a en effet estimé que les magistrats en cause n’avaient pas été bien choisis. Voilà pourquoi nous proposons de réinstaurer les listes d’aptitude, dispositif permettant d’évaluer les capacités des magistrats au cours de leur carrière.

M. le Rapporteur – Cet amendement a été repoussé par la commission. En effet, il ne suffit pas demander le rétablissement des listes d’aptitude, ce qui est souhaitable : il faudrait également réformer les conditions d’avancement des magistrats. Cette proposition est un sous-ensemble dans un ensemble plus large. Nous ne pouvons l’adopter sans modifier auparavant l’ensemble.

M. Jacques Floch - Voilà qui me rappelle les mathématiques modernes !

M. le Garde des Sceaux  Mon argumentation sera moins complexe (Sourires). La loi organique de 2001, portée par Mme Lebranchu, a interdit les listes d’aptitudes. Restons-en là : il est un peu tôt pour revenir sur cette loi.

M. Jacques Floch – Nous avons déjà fait pire !

L'amendement 45, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Anne-Marie Comparini – Je suis bien consciente que le Parlement n’a pas pour rôle de déterminer les programmes et les modules de formation des magistrats, mais il ne faudrait pas oublier les conclusions de la commission Viout, même si nous avons davantage parlé cet après-midi du rapport de la commission sur l’affaire d’Outreau. Le rapport Viout contenait des propositions intéressantes sur la façon dont les policiers, les experts et les magistrats doivent entendre la parole des enfants, élément décisif de la procédure judiciaire. Je sais que des unités d’accueil pour les enfants victimes d’infractions sexuelles se mettent lentement en place, mais je pense qu’il serait utile de prévoir aussi des formations spécifiques pour les auditeurs de justice.

M. Philippe Houillon, rapporteur – La commission a repoussé cet amendement pour les raisons que Mme Comparini a dites elle-même, à savoir que ce qu’elle propose n’est pas du domaine de la loi.

M. le Garde des Sceaux  Même avis.

Mme Anne-Marie Comparini – Et sur le fond ?

L'amendement 61, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Philippe Houillon, rapporteur – L’amendement 2 de la commission rétablit l’obligation de formation continue pour les magistrats.

M. le Garde des Sceaux  Très bonne idée.

L'amendement 2, mis aux voix, est adopté.

M. Philippe Houillon, rapporteur – L’amendement 3 a pour objet d’augmenter le pourcentage de magistrats recrutés sur titre.

M. André Vallini – Notre amendement 46 est identique. C’est l’une des propositions du rapport « Outreau ».

M. le Garde des Sceaux  J’y suis pleinement favorable, mais j’observe qu’en dépit des différents articles qui permettent déjà les recrutements extérieurs, on ne fait jamais le plein des postes ouverts par le budget, loin de là : un peu plus d’un tiers, seulement. La commission d’admission et le Conseil supérieur de la magistrature doivent sans doute estimer que les candidats qui se présentent n’ont pas un niveau suffisant.

M. Jacques Floch – Je fais le même constat et je pense qu’il y a un peu de corporatisme de la part des commissions qui examinent les candidatures, voire des freins à la Chancellerie. Je sais que vous faites le nécessaire, Monsieur le Garde des Sceaux, pour que ce ne soit pas le cas, mais peut-être faut-il faire encore plus. Peut-être faudrait-il également plus de publicité sur ces possibilités de recrutement sur titre.

Mme Anne-Marie Comparini – Je voterai ces deux amendements, car nous n’avons pas suffisamment l’habitude en France du transdisciplinaire. Nous avons pourtant voté il y a quelques mois une loi de modernisation de la fonction publique, qui permet le recrutement sur titres. Les magistrats sont concernés, puisqu’ils relèvent de la fonction publique d’État, mais donnons un signe supplémentaire avec ces amendements.

Les amendements 3 et 46, mis aux voix, sont adoptés.

M. André Vallini – Actuellement, l’article 19 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 prévoit que les auditeurs peuvent effectuer un stage, pour une partie de la scolarité à l’École nationale de la magistrature, comme collaborateurs d’un avocat. Mais ce stage n’est pas obligatoire et sa durée n’est pas précisée. Par l’amendement 47, je propose de le rendre obligatoire et de lui fixer une durée d’un an. Cet amendement reprend la proposition 64 du rapport de la commission Outreau.

M. Philippe Houillon, rapporteur – L’amendement 4 de la commission défend la même idée, mais sur huit mois, afin de ne pas trop allonger la durée de la scolarité à l’ENM.

M. le Garde des Sceaux  Les futurs magistrats ont assurément tout intérêt à élargir leur champ d’expérience et à s’imprégner de l’esprit de la défense, mais il ne faudrait pas que la durée des études devienne dissuasive. La durée de la scolarité à l’ENM est actuellement de 31 mois. En général, ceux qui y entrent ont cinq à six ans d’études derrière eux. Si vous ajoutez un an, cela fait donc dix ans d’étude avant de gagner sa vie. Il faut être réaliste : c’est dissuasif, en particulier pour les jeunes dont les parents ne peuvent pas payer des études trop longues. Or, nous sommes tous d’accord pour souhaiter des magistrats issus de tous les milieux sociaux…

M. Jacques Floch – Les étudiants à l’ENM sont auditeurs.

M. le Garde des Sceaux  Mais ce n’est pas très rémunérateur. Or, certains étudiants sont mariés. Non, soyons réalistes ! Le Gouvernement est d’accord sur le principe, mais pas pour plus de six mois.

M. Philippe Houillon, rapporteur – Vous êtes d’accord pour six mois ?

M. le Garde des Sceaux  Oui.

M. Philippe Houillon, rapporteur – À une époque récente, on ne devenait magistrat qu’après trois ans de stage chez un avocat.

M. le Garde des Sceaux  Mais l’ENM n’existait pas. Cela fait toute le différence !

M. Philippe Houillon, rapporteur – L’ENM n’est pas l’alpha et l’oméga de la formation ! En tout cas, ce n’est pas ce qui ressort des travaux de la commission Outreau…

Les auditeurs de justice étant rémunérés, l’argument sur ceux qui n’auraient pas des parents assez riches pour payer leurs études ne tient pas.

Quand ces étudiants sortent de l’ENM, ils exercent immédiatement un pouvoir. C’est cela, la différence importante avec d’autres professions. L’avantage du stage n’est pas seulement de leur faire mieux connaître la profession d’avocat, mais surtout de leur faire connaître les justiciables en dehors d’une relation de pouvoir. D’ailleurs, beaucoup d’autres pays ne prennent comme magistrats que des avocats avec de l’expérience. La France n’a pas forcément raison contre eux.

Si la commission d’enquête a préconisé un an, c’est parce que cette durée permet réellement une immersion et une collaboration avec un barreau.

Cela étant, puisque le Garde des Sceaux propose six mois…

M. Georges Fenech et M. Jérôme Bignon – C’est bien.

M. Philippe Houillon, rapporteur – ...je suis d’accord, à titre expérimental, et je rectifie l’amendement 4 en conséquence, Madame la présidente. Nous ne sommes pas obligés pour autant d’allonger à due concurrence la scolarité. Le stage pourrait avantageusement remplacer certains modules de formation.

M. André Vallini – Je partage l’avis du rapporteur mais pas sa conclusion, et je maintiens donc notre amendement. Un an me semble en effet un minimum. Il y a beaucoup de pays où l’on ne peut devenir magistrat qu’après avoir été avocat. De fait, c’est la meilleure formation possible. Je m’en tiens donc à la préconisation du rapport Outreau, qui est ma bible, ce soir. Certains nous ont même suggéré l’idée que l’on ne puisse être magistrat avant quarante ans. Ceci est maximaliste, au contraire du stage d’un an.

M. Michel Vaxès – Je soutiens l’amendement du groupe socialiste et je partage, même, l’analyse du président Houillon, qui a donné tellement d’arguments en faveur du stage que je pensais qu’il demanderait d’en porter la durée à un an ! Si on est convaincu de l’utilité de ce stage, il faut aller jusqu’au bout du raisonnement, comme l’a fait la commission d’enquête.

M. Jacques Floch – Le président Houillon a évoqué la difficulté qu’il y aurait à rémunérer les auditeurs de justice. Quelle est, au juste, cette rémunération ?

M. Georges Fenech – Le SMIC !

M. Jacques Floch – Je pose la question. Est-il envisageable d’augmenter cette rémunération ? Pour des professions qui exigent des études longues, certains étudiants connaissent des difficultés bien supérieures à celles des auditeurs de justice. Allez voir dans les hôpitaux !

Mme Anne-Marie Comparini - Tout le monde est d’accord pour dire qu’un stage de deux mois est trop court. Mais les auditeurs de justice prendront la place d’avocats stagiaires, et il faut voir si cela ne posera pas des problèmes. C’est pourquoi je suis favorable à un stage qui ne dépasse pas six mois, et je me rallie donc à la proposition proposée du rapporteur.

L'amendement 47, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'amendement 4 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Philippe Houillon, rapporteurL’amendement 5 rectifié tend à ce que, dans les déclarations d’aptitude des auditeurs de justice, les réserves du jury soient, au même titre que les recommandations, prises en considération dans le dossier personnel, sans exclure, bien sûr, les possibilités d’évolution. Dans l’état actuel du droit, seules des recommandations sont prévues, mais en pratique les jurys émettent également des réserves. On peut être, à la sortie de l’école, un excellent juge d’instance, tout en ne paraissant pas a priori apte aux fonctions de juge d’instruction, par exemple.

M. le Garde des Sceaux  Avis très favorable. Les meilleurs élèves choisissent le plus souvent, à la sortie de l’école, les postes de juge d’instruction. J’ai donc souhaité, cette année, que seul un petit nombre de ces postes soit accordé à la sortie de l’école, car je considère que ce sont des fonctions qui nécessitent une réelle expérience, humaine et professionnelle. On peut être un très bon technicien sans avoir vocation à être juge unique. L’amendement va dans le même sens.

M. Jacques Floch – J’avais, en commission, émis des réserves sur ces réserves ! Jusqu’à présent, les jurys formulaient des recommandations pour telle ou telle fonction. Lorsqu’un élève n’est pas recommandé pour tel poste, il y a bien sûr des raisons à cela, mais elles restent dans le non-dit. Je crains que des réserves ne poursuivent un magistrat tout au long de sa carrière. Certes, le rapporteur a ajouté que la situation pouvait évoluer, mais je connais bien l’administration française et la manière dont y sont traités les dossiers personnels : lorsque quelque chose est écrit au départ, elle tend à rester jusqu’à l’âge de la retraite !

L'amendement 5 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. Philippe Houillon, rapporteur – L’amendement 6 reprend la même idée. Il s’agit de faire figurer au dossier du magistrat, à côté des recommandations, les réserves du jury, si l’élève ne paraît a priori pas compétent pour telle ou telle fonction. J’entends bien les objections de M. Floch. Mais, si un jury émet des réserves, quelle justification y aurait-il à ne pas tenir compte de celles-ci, et à nommer précisément le magistrat aux postes pour lesquelles il existe des réserves ? Ces dernières ne sont pas rédhibitoires et peuvent être levées par la suite, avec l’expérience acquise. Et il n’est pas interdit non plus de penser que des habitudes administratives indues puissent évoluer. C’est en tout cas souhaitable.

L'amendement 6, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Article premier

M. Philippe Houillon, rapporteur - Les amendements 7, 8, 9 et 10 sont rédactionnels.

Les amendements 7, 8, 9 et 10, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.
L'article premier ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

après l'Article premier

M. Philippe Houillon, rapporteur – Avec l’amendement 12, il s’agit d’élever le quantum des nominations par intégration directe, comme nous l’avons fait tout à l’heure pour les admissions sur titre.

L'amendement 12, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Philippe Houillon, rapporteurJe souhaite que le plafond de recrutement par intégration directe soit également relevé pour le premier grade, l’intégration au second grade n’étant pas très incitative. Ce plafond reste toutefois modique, puisque l’amendement 13 le porte à 10 %.

M. le Garde des Sceaux  Je suis d’accord. Par hypothèse, ce sont des avocats qui gagnent bien leur vie qui sont retenus, car s’ils ne gagnent pas bien leur vie, c’est qu’ils ne sont pas très bons. Or, même au premier grade, ils subissent une perte financière. Il est donc très difficile de recruter au deuxième grade.

L'amendement 13, mis aux voix, est adopté.

Art. 2

M. Philippe Houillon, rapporteurL’amendement 14 rectifié est un amendement de précision.

L'amendement 14 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 2 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

après l'Art. 2

M. Philippe Houillon, rapporteur – L’amendement 15 prévoit la prise en considération des recommandations et réserves dans les nominations au premier poste.

L'amendement 15, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Art. 3

M. Philippe Houillon, rapporteur – L’amendement 16 est de précision.

L'amendement 16, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 3 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

Art. 4

M. Philippe Houillon, rapporteur – L’amendement 17 est de coordination

L'amendement 17, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 4 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

avant l'Art. 5

M. Michel Vaxès – L’amendement 64 rectifié prévoit que le montant recouvré dans le cadre d’une action récursoire sera soumis à un plafond fixé par décret en Conseil d’État. Il faut éviter que les magistrats soient dans l’incapacité d’acquitter les montants demandés. En commission, on nous a opposé le cas des fonctionnaires. Mais nous discutons ici d’un texte sur la magistrature. Ne peut-on pas, à cette occasion, envisager le plafonnement des sommes recouvrées pour la magistrature, en attendant de l’étendre au reste de la fonction publique ? Certes, la charte européenne sur le statut des juges n’a pas force de loi, mais elle a été adoptée à l’unanimité : nous devrions en suivre les recommandations.

M. Philippe Houillon, rapporteur Avis défavorable. La fixation d’un barème ne laisserait pas au juge la possibilité de décider d’une somme proportionnelle.

L’action récursoire ne concerne pas que les magistrats, mais l’ensemble de la fonction publique. De toute façon, depuis des années, elle n’a été appliquée qu’une seule fois, à l’encontre d’un juge administratif, et encore n’a-t-il eu la charge que d’une partie de la somme en jeu, compte tenu des circonstances.

Nous aurons un jour à ouvrir le débat sur la responsabilité. En l’état, maintenons le dispositif tel quel.

M. le Garde des Sceaux  Qui a donc pu vous souffler cet amendement ? Il n’a aucune portée pratique, puisque l’action récursoire n’est jamais appliquée en France. En outre, il ne serait guère heureux de prévoir pour les magistrats un régime spécial, différent de celui des autres fonctionnaires. Je vous propose de retirer votre amendement et de laisser faire le droit commun.

M. Michel Vaxès – Je choisis de le maintenir. Si l’action récursoire est vouée à être ignorée, à quoi sert le dispositif que vous nous proposez ? D’autre part, je n’exclus pas les autres fonctions publiques ; il s’agit simplement de prendre date avec ce texte sur la magistrature, pour leur étendre plus tard une mesure analogue.

M. Jacques Floch – L’action récursoire n’a jamais servi, nous dit le Garde des Sceaux. Elle n’a servi qu’une fois, nous dit le rapporteur. À quoi bon, dès lors, présenter un tel texte ? Disons les choses franchement : l’action récursoire n’est pas même une épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête des magistrats, puisque chacun sait qu’elle ne sera jamais appliquée. Supprimons donc le dispositif, et réfléchissons à une autre méthode !

L'amendement 64 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Garde des Sceaux  Nous en venons à l’amendement 69, 2ème rectification, que je me suis engagé à vous présenter conformément aux recommandations du Conseil d’État, qui observe à juste titre que la violation délibérée des principes directeurs des droits de la défense ouvre la voie à une confusion entre voie de recours et recours disciplinaire. Il nous demande donc de préciser qu’il s’agit d’une violation grave et intentionnelle de garanties essentielles des droits de la défense. L’instance passible de poursuites devra naturellement être close, par une définition de justice devenue définitive.

Si nous nous conformons à cette recommandation, ce n’est pas seulement parce que le Conseil d’État conseille le Gouvernement ; c’est aussi parce qu’il est la voie d’appel du Conseil supérieur de la magistrature.

M. Michel Vaxès – Le sous-amendement 73 rectifié précise que seules les décisions n’ayant pas fait l’objet de voies de recours pourront être visées. En effet, dès lors qu’un magistrat ayant pris une décision en première instance fait l’objet de poursuites alors que celle-ci a été validée par les voies de recours, c’est toute la chaîne pénale qui est en cause, même si tout porte à croire que les instances supérieures n’ont pas violé les droits de la défense.

M. Xavier de Roux, rapporteur de la commission des lois pour le projet de loi modifiant la loi du 3 janvier 1973 instituant un médiateur La commission est prête à se ranger à l’avis du Gouvernement, mais je suis choqué d’entendre le Garde des Sceaux se lier à l’avis du Conseil d’État au motif qu’il est l’autorité de cassation du Conseil supérieur de la magistrature. Quelle inversion des rôles ! Comme toute instance de cassation, le Conseil d’État applique la loi, il ne la dicte pas.

M. Philippe Houillon, rapporteur Tout à fait ! Quoi qu’il en soit, le sous-amendement 73 rectifié, auquel la commission est défavorable, est redondant par rapport à l’amendement du Gouvernement qu’elle accepte : une décision n’ayant pas fait l’objet de voies de recours est par nature définitive.

M. le Garde des Sceaux  Avis défavorable au sous-amendement de M. Vaxès, qui vide notre amendement de son sens. De deux choses l’une : soit, comme je le propose, nous retenons les décisions définitives, soit vous comptez sur les voies de recours pour déceler toute irrégularité. Or, il s’est déjà produit des cas où la décision de première instance avait été validée en appel malgré de graves irrégularités.

D’autre part, Monsieur de Roux, le Conseil d’État n’est pas seulement la voie d’appel du Conseil supérieur de la magistrature ; il conseille aussi le Gouvernement sur la constitutionnalité des lois.

M. Xavier de Roux, rapporteur – Je le sais bien !

M. le Garde des Sceaux  C’est à ce titre que nous suivons sa recommandation.

M. Georges Fenech - Deux observations d’ordre rédactionnel : qu’apporte l’adverbe « notamment », et pourquoi parler d’« une ou plusieurs règles » plutôt que des règles ?

M. Michel Vaxès – Comment peut-on accuser le seul juge de première instance dès lors que sa décision a été validée par une cour d’appel, et que l’ensemble de la chaîne judiciaire est donc en cause ? Mon sous-amendement ne tend qu’à empêcher que cette hypothèse se vérifie.

Le sous-amendement 73 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'amendement 69, 2e rectification, mis aux voix, est adopté.

Art. 5

M. Jacques Floch – Cet article crée une sanction disciplinaire interdisant au magistrat de faire fonction de juge unique durant cinq ans. En revanche, il pourrait être juge en collégialité. Si je me trouve un jour devant ce juge, même accompagné de deux autres magistrats, je les récuserai tous et la Cour européenne des droits de l’homme me donnera raison, parce qu’elle a déjà statué qu’un magistrat ne peut pas inspirer le soupçon. L’amendement 56 propose donc de supprimer purement et simplement cet article, qui n’a rien à faire dans notre législation.

M. Philippe Houillon, rapporteur Avis défavorable. Si nous tenons à valoriser la collégialité, il est vrai qu’il faudra veiller à ce qu’une équipe ne soit pas constituée exclusivement de juges sanctionnés. Mais les problèmes que vous évoquez ne pourront se produire que pendant les cinq ans que dure la sanction. C’est à l’issue de cette période, lorsque le magistrat pourra retrouver une fonction de juge unique, qu’il faudra surtout veiller à ce que la transition se passe bien.

M. le Garde des Sceaux  M. Floch s’oppose à cette nouvelle sanction. Tout le monde conçoit pourtant que les fonctions de juge collégial ou unique sont très différentes et que certaines personnes peuvent être d’excellents magistrats en collégialité, même s’ils sont moins bons lorsqu’ils sont seuls. Il appartiendra au CSM, et à lui seul, de faire cette distinction. Cette incapacité partielle est une nouvelle nuance qui est mise à sa disposition dans la palette des sanctions disciplinaires. Vous semblez préférer des sanctions plus radicales, qui empêcheraient totalement la personne concernée d’être magistrat. Dites-le clairement. Expliquez que c’est tout ou rien, et que vous n’acceptez pas l’idée qu’un magistrat puisse seulement déroger aux règles de bon sens et de sain jugement, bref, de fonctionnement normal et régulier. Mais ne prévoir que la sanction la plus sévère, c’est laisser penser que vous laisserez perdurer des situations graves et dangereuses pour le justiciable.

M. André Vallini – Il aurait au moins fallu prévoir qu’aucun tribunal collégial ne puisse être composé de trois magistrats sanctionnés : cela va se produire !

M. Jacques Floch – À écouter le Garde des Sceaux, on croirait que cette disposition permettrait de sanctionner quelque faute vénielle… Mais dans le cadre du fonctionnement actuel du CSM, on sait bien qu’il faudra que le magistrat tue père et mère, au moins, pour se la voir appliquer ! Prenez un magistrat qui commet des erreurs de procédure répétées : vous pouvez être sûr qu’il ne se verra même pas infliger une amende. On se contente de lui répéter de ne plus recommencer, fût-ce pour la vingtième fois.

M. le Garde des Sceaux  Je voudrais vous faire redescendre sur terre, parce que votre position me semble quelque peu idéologique.

M. Jacques Floch – Elle est purement pratique !

M. le Garde des Sceaux  D’abord, le CSM édicte une douzaine de sanctions par an : il est difficile de croire qu’on aura à faire face à des tribunaux entièrement composés de magistrats sanctionnés ! Ensuite, prenez un juge des enfants qui ne prononcerait jamais de condamnation ou qui ne recevrait jamais les parents : ce n’est pas fatalement un mauvais magistrat, mais il n’a manifestement plus sa place à son poste. C’est à cela que nous voulons répondre. Ce n’est pas abstrait.

M. Jacques Floch – N’appelez pas cela une sanction disciplinaire !

M. le Garde des Sceaux  Mais c’est comme cela que ça s’appelle, que voulez-vous que j’y fasse ! Cette décision ne pourra être prise que si le juge a dysfonctionné. Avant de la refuser, pensez aux dégâts qu’il pourrait continuer à causer ! Votre position ne peut pas se défendre d’un point de vue pratique.

Mme Anne-Marie Comparini – C’est peut-être théorique, mais permettez que nous regrettions le côté paradoxal de cette disposition : alors que nous sommes tous d’accord pour promouvoir le concept de collégialité, la sanction du magistrat qui a commis des manquements est de se retrouver affecté à un pôle collégial ! C’est pour le moins dévalorisant. Je ne voterai pas l’amendement de suppression, mais il est normal d’attirer l’attention sur ce paradoxe.

L'amendement 56, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'article 5, mis aux voix, est adopté.

Art. 6

M. André Vallini – Les dispositions de cet article ne figurent pas dans le rapport de la commission d'enquête. Les nouveaux cas de déplacement d’office qu’il prévoit ne nous paraissent pas du tout pertinents. L’amendement 50 propose donc de supprimer cet article.

L'amendement 50, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Philippe Houillon, rapporteur – Les amendements 20, 21 et 22 rectifié sont rédactionnels.

M. le Garde des Sceaux – Avis favorable.

L'amendement 20, mis aux voix, est adopté, ainsi que les amendements 21 et 22 rectifié.
L'article 6, modifié, mis aux voix, est adopté.

après l'Art. 6

M. le Garde des Sceaux  L’amendement 75 du Gouvernement est identique au 42, déposé par M. Bénisti. Il réorganise le parquet général de la cour de cassation, à la suite de la condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme de la procédure qui y était suivie. Il permet notamment au parquet général de compter dans ses rangs des avocats généraux référendaires, comme le siège dispose, à la grande satisfaction de tous, de conseillers référendaires. Ces magistrats du premier grade, expérimentés et formés très tôt à la technique de la cassation, pourront alors, après un retour dans les juridictions du fond, revenir prioritairement à la cour de cassation pour exercer des fonctions hors hiérarchie.

L'amendement 75, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. André Vallini – L’amendement 48 reprend la proposition 68 du rapport Outreau visant à introduire un code de déontologie dans le statut des magistrats. Comme pour les professions d’avocat, architecte, médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme ou encore commissaire aux comptes, il prendrait la forme d’un décret en Conseil d’État, préparé par le Conseil supérieur de la magistrature – et surtout pas par le législateur, contrairement à ce que souhaitait le rapporteur de la commission d'enquête, qui est heureusement revenu sur cette idée.

M. Philippe Houillon, rapporteur Je ne suis pas revenu sur cette idée. Il est indispensable que nous disposions d’un texte qui définisse clairement les obligations déontologiques, comme il en existe dans la plupart des autres pays modernes – nous avons du retard en la matière, et nous avons du mal à le combler. Mais cela ne peut pas se faire par décret : cela relèverait de la présente loi organique, si nous voulions l’adopter maintenant. Mais convenez avec moi qu’écrire un code de déontologie suppose un minimum de temps et de concertation ! Il paraît impossible de l’inscrire dans la loi maintenant. Loin de moi donc l’idée d’abandonner la proposition de la commission d'enquête : si une disposition a été appliquée par plusieurs autres pays, on peut commencer à penser qu’elle est pertinente !

Par conséquent, pour ne pas abandonner cette idée et puisqu’une concertation préalable est indispensable, nous proposons par l’amendement 25 que le CSM élabore et publie un recueil des obligations déontologiques des magistrats, dont il appartiendra ultérieurement au législateur de décider ce qu’il en fait. Il n’existe aujourd’hui qu’un recueil de décisions portant sur des cas particuliers, sans aucune codification des leçons tirées de chacun de ces cas. Je vous invite donc à repousser l’amendement 48 au profit du 25.

M. le Garde des Sceaux  Voilà l’exemple type d’un excellent amendement illustrant la nécessité de procéder par étapes. Il existe déjà un recueil de la jurisprudence du CSM. Nous demandons au Conseil d’en dégager les principes déontologiques généraux. Puis le législateur décidera s’il est besoin ou non de reprendre le travail pour établir un véritable code de déontologie.

L'amendement 48, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'amendement 25, mis aux voix, est adopté.

M. Philippe Houillon, rapporteur L’amendement 23, dont je juge la rédaction plus complète que celle du 49 de M. Vallini, établit une passerelle entre la responsabilité civile de l’État et la responsabilité déontologique du magistrat. Il prévoit que les condamnations définitives de l’État pour dysfonctionnement de la justice sont automatiquement transmises aux chefs de cour concernés. Lorsqu’il apparaîtra qu’un magistrat est en cause, celui-ci devra en être averti et des poursuites disciplinaires pourront, le cas échéant, être engagées à son encontre. L’État est de plus en plus souvent condamné, et pour des montants de plus en plus élevés. Cet amendement marque un début d’analyse des causes de ces condamnations.

M. André Vallini – Je retire l’amendement 49 et me rallie à celui du rapporteur.

M. le Garde des Sceaux  Avis favorable à l’amendement 23.

L'amendement 49 est retiré.
L'amendement 23, mis aux voix, est adopté.

M. Xavier de Roux, rapporteur – Tout justiciable s’estimant victime d’un dysfonctionnement de la justice pourra saisir le Médiateur de la République, lequel, après avoir interrogé les chefs de cour, sera autorisé à saisir le ministre de la justice des réclamations lorsque celles-ci sont susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire. Le ministre fera alors procéder à une enquête par ses services. S’il décide ensuite de ne pas engager de poursuites disciplinaires, il devra en informer le Médiateur par une décision motivée. Celui-ci pourra alors publier un rapport spécial. Tel est l’objet de l’amendement 24 qui accorde également des garanties au magistrat visé en prévoyant qu’il recevra copie des pièces transmises par le Médiateur au ministre de la justice.

M. Michel Vaxès – Autant il est légitime qu’un justiciable puisse saisir le Médiateur de la République en cas de dysfonctionnement du service public de la justice, autant il ne l’est pas qu’il le puisse à partir du simple « comportement d’un magistrat », comme écrit dans l’amendement. Cette formulation trop vague ouvre la voie à une personnalisation des affaires, anticipant sur la faute du magistrat. Notre sous-amendement 65 rectifié remédierait au problème.

M. le Garde des Sceaux  Le sous-amendement 74 est rédactionnel.

M. Michel Vaxès – Le sous-amendement 66 rectifié donne la possibilité au Médiateur de la République de saisir le CSM dans le cas où le ministre de la justice décide de ne pas engager de poursuites disciplinaires.

M. Jacques Floch – Ce qui nous chagrine dans la procédure prévue par l’amendement 24 rectifié et nous a conduit à déposer l’amendement 52 qui y remédierait est que le Médiateur établit un rapport qu’il transmet au ministre de la justice, lequel diligente une autre enquête de ses services – comme si le travail du Médiateur ne pouvait se suffire à lui-même. Nous savons bien qu’il n’aurait pas été conforme à la Constitution de prévoir une transmission directe du Médiateur au CSM, mais pourquoi n’avoir pas prévu que le ministre de la justice transmette, lui, directement le rapport du Médiateur au CSM ? Il est choquant de permettre qu’en définitive les problèmes se règlent entre soi, à la Chancellerie. Lorsque le ministre de la justice décidera de ne pas engager de poursuites disciplinaires, le Médiateur se demandera bien à quoi aura servi son rapport !

M. Xavier de Roux, rapporteur – Favorable au sous-amendement 74 du Gouvernement, la commission est en revanche défavorable aux sous-amendements 65 rectifié et 66 rectifié. S’agissant du premier, être saisi pour le dysfonctionnement d’un service public en général fait partie des attributions du Médiateur de la République depuis 1973. Il n’est donc pas utile de rappeler ce qui figure déjà dans la loi. S’agissant du second, nous avons longuement débattu du fait de savoir si le Médiateur de la République, autorité administrative indépendante, pouvait saisir le CSM. Si tel était le cas, il aurait un pouvoir supérieur à celui du Garde des Sceaux. C’est d’ailleurs pourquoi nous avons écarté cette possibilité de saisine.

L’obligation pour le Garde des Sceaux d’adresser une réponse motivée au Médiateur et la possibilité pour celui-ci de publier tant cette décision qu’une opinion différente permettent d’éclaircir le différend entre le justiciable et le service de la justice. Avis défavorable aux deux sous-amendements de M. Vaxès et à l’amendement 52.

M. le Garde des Sceaux  L’amendement de la commission va déjà très loin, en donnant au Médiateur la possibilité de demander aux chefs de cour des informations permettant de savoir s’il y a matière à saisine du CSM. Mais ce que nous proposent tant MM. Vallini et Floch que M. Vaxès est d’une autre nature. S’il veulent donner au Médiateur autant de pouvoir, ou davantage, que le Garde des Sceaux, il faut alors qu’ils placent tant le directeur des services judiciaires et l’inspection générale des services judiciaires sous l’autorité conjointe du Garde des Sceaux et du Médiateur… Il y aurait ainsi deux ministres de la justice ! Avis totalement défavorable, donc.

M. Jacques Floch – Présentation un peu caricaturale…

M. Michel Vaxès – Monsieur de Roux, je le répète, la référence au « comportement » d’un magistrat est suffisamment vague pour permettre toutes les réclamations.

Monsieur le Garde des Sceaux, nous ne demandons pas que le Médiateur prenne une place qui ne lui appartient pas ; quant à l’inspection générale des services judiciaires, nous souhaiterions qu’elle soit rattachée non pas au Garde des Sceaux, mais au CSM – mais c’est un autre sujet.

Si le Garde des Sceaux prend une décision motivée, qu’est-ce qui empêche qu’il la transmette au CSM afin que celui-ci porte une appréciation sur le contentieux ?

Le sous-amendement 65 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.
Le sous-amendement 74, mis aux voix, est adopté.
Le sous-amendement 66 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'amendement 24 rectifié sous-amendé, mis aux voix, est adopté.
L'amendement 52, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Vallini – Notre amendement 51, qui reprend la proposition n° 78 de la commission d’enquête, demande au Gouvernement de rendre compte chaque année au Parlement de l’état de la justice et de l’activité judiciaire, par un rapport indiquant et commentant notamment : l’activité judiciaire civile ; l’activité judiciaire pénale ; l’activité judiciaire relative aux mineurs ; le bilan de l’aide juridictionnelle ; les lignes directrices de la politique pénale pour l’année écoulée ; l’état précis des moyens de la justice, concernant notamment les greffes et les équipements en matériel audiovisuel ; l’état des locaux de garde à vue dans l’ensemble des ressorts ; des statistiques exhaustives sur la détention provisoire ; les actions en responsabilité engagées contre l’État du fait du fonctionnement défectueux du service de la justice, les décisions définitives condamnant l’État à ce titre et le versement des indemnités qui en découlent, ainsi que les suites réservées à ces décisions. Cette liste n’est pas limitative, et il y a longtemps que, sur tous les bancs, nous souhaitons que le Garde des Sceaux vienne une fois par an devant nous pour expliquer sa politique pénale, l’activité de son ministère et celle des juridictions.

M. Philippe Houillon, rapporteur Je suis d’accord pour que le Garde des Sceaux vienne une fois par an devant le Parlement pour exposer sa politique pénale, mais cet amendement va bien au-delà puisqu’il décline toute l’activité du ministère de la justice ; même si je ne suis pas défavorable à l’idée en elle-même, je le suis à l’amendement, le texte dont nous débattons ce soir traitant de la responsabilité des magistrats. J’invite l’Assemblée à adopter plutôt l’amendement 26 de la commission, qui demande au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport faisant état, pour l’année écoulée, des actions en responsabilité engagées contre l’État, des condamnations prononcées et de leurs suites.

M. le Garde des Sceaux  Avis favorable à l’amendement 26.

Un rapport sur la politique pénale, oui, mais sur l’état des locaux, non, Monsieur Vallini : c’est typiquement le genre de sujet qu’il faut traiter non en séance publique, mais en commission, lors de l’examen du budget.

M. André Vallini – Je vous prends au mot : limitons mon amendement à ce qui concerne la politique pénale, et votons-le ainsi rectifié ! Quant à vous, Monsieur Houillon, je note que toutes les propositions du rapport de la commission d’enquête auxquelles vous ne voulez pas donner suite maintenant, vous êtes d’accord pour qu’elles se concrétisent plus tard ; si donc demain, une autre majorité présente ces réformes, je ne doute pas que vous les voterez !

L'amendement 51, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'amendement 26, mis aux voix, est adopté.

avant l'Art. 7

M. Philippe Houillon, rapporteur La commission présente un amendement 27 de toilettage.

L'amendement 27, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Art. 7

M. Philippe Houillon, rapporteur L’amendement 28 est de précision.

L'amendement 28, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Philippe Houillon, rapporteur L’amendement 29 assure une coordination rédactionnelle.

L'amendement 29, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 7 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 7

M. Xavier de Roux, rapporteur – L’amendement 70 vise à augmenter la durée maximale passée à la Cour de cassation par les conseillers en service extraordinaire – professeurs de droit, d’économie, juristes de banques ou notaires, dont le regard professionnel spécifique est particulièrement précieux.

L'amendement 70, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

ART. 8

M. Philippe Houillon, rapporteur – Les amendements 30, 31 et 32 sont de précision.

Les amendements 30, 31 et 32, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.
L'article 8 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 8

M. Philippe Houillon, rapporteur L’amendement 71 tend à soumettre à une obligation de mobilité les magistrats du premier grade souhaitant accéder aux emplois placés hors hiérarchie, comme le suggérait notamment le directeur de l’ENM. En obligeant ces magistrats à travailler pendant au moins deux ans dans une autre administration, une entreprise ou une collectivité, nous pourrons oxygéner le corps de la magistrature.

M. André Vallini – L’amendement 57 reprend la proposition n° 67 du rapport de la commission sur l’affaire d’Outreau, qui demande aux magistrats recrutés par le premier concours d’effectuer une période de mobilité, sur le modèle retenu pour les élèves de l’ENA. En effet, nous devons frotter à la vraie vie ces futurs magistrats, dépourvus de toute expérience professionnelle.

M. le Garde des Sceaux  Avis favorable s’agissant de l’accès aux emplois placés hors hiérarchie. Passer deux ans dans la direction des ressources humaines d’une grande entreprise serait, par exemple, une expérience enrichissante pour tout membre de la chambre sociale de la Cour de cassation et cela éviterait parfois des surprises.

Les sénateurs sont très heureux des stages qui leur sont offerts dans les juridictions, où ils découvrent, paraît-il, des réalités qu’ils ne soupçonnaient pas ! De même, les magistrats auraient des leçons intéressantes à tirer de la mobilité…

M. Jérôme Bignon – Ces propositions sont intéressantes, mais il ne faudrait pas déstabiliser notre magistrature, qui souffre déjà d’une pénurie d’effectifs. Je ne suis pas un spécialiste de la gestion du corps des magistrats, mais il me semblerait préférable d’attendre quelques années avant d’appliquer une telle mesure.

M. le Garde des Sceaux  N’oubliez que seulement 10 % des magistrats sont placés hors hiérarchie et qu’il faut entre sept et dix ans pour passer du second au premier grade : la mobilité prévue pourra s’effectuer pendant toute une partie de la carrière. Cette mesure est donc réaliste.

L'amendement 71, mis aux voix, est adopté.
L'amendement 57, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Philippe Houillon, rapporteurLa commission a adopté l’amendement 43 de M. Bénisti.

L'amendement 43, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Philippe Houillon, rapporteurL’amendement 33 demande la suppression d’un alinéa devenu sans objet.

L'amendement 33, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. André Vallini – L’amendement 58 est de coordination.

L'amendement 58, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 9

M. Christophe Caresche – L’amendement 53 tend à supprimer l’article 9.

L'amendement 53, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'article 9, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 9

M. le Garde des Sceaux  L’amendement 76, de coordination, concerne les avocats généraux référendaires.

M. Philippe Houillon, rapporteur Le sous-amendement 72 apporte une précision complémentaire.

Le sous-amendement 72, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'amendement 76, ainsi sous-amendé, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

ART. 10

M. Christophe Caresche – L’amendement 54 vise à supprimer l’article 10.

L'amendement 54, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'article 10, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 10

M. Philippe Houillon, rapporteurL’objet de l’amendement 34 est de toiletter l’ordonnance de 1958.

L'amendement 34, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

ART. 11

M. Philippe Houillon, rapporteurL’amendement 35 est rédactionnel.

L'amendement 35, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 11 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

TITRE

M. Philippe Houillon, rapporteurL’amendement 36 est de coordination.

L'amendement 36, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

explications de vote

M. André Vallini – Très partiel, ce texte demeure en retrait par rapport au rapport de la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau, pourtant adopté à l’unanimité. Nos amendements ne faisaient que reprendre les propositions de cette commission, mais ils ont été rejetés. Je regrette que l’esprit de la commission Outreau ne souffle pas sur ce projet. Nous nous abstiendrons donc.

Mme Anne-Marie Comparini – Le groupe UDF aurait souhaité une réforme plus ample, qui aurait été le couronnement d’un dialogue avec les acteurs de la justice et d’un large débat avec nos concitoyens. Comme je l’ai déjà indiqué, nous avons retenu comme grille de lecture la faisabilité immédiate des mesures qui nous sont proposées.

Nos débats ont fait ressortir certains points positifs, notamment l’approfondissement de la formation – ouverture vers l’extérieur grâce aux stages en qualité d’avocats, mais aussi formation continue. Je note par ailleurs que certaines propositions ont été abandonnées, comme la sanction du serment évoquée en commission des lois. Parmi les points négatifs, je regrette que ce texte ne crée pas une chambre des requêtes chargée d’instruire les plaintes au sein du CSM. Il est vrai que cette mesure ne pouvait être adoptée sans une réforme d’ensemble…

Compte tenu de la nécessité de mieux former les magistrats à leurs missions complexes, de renforcer la pédagogie et la transparence de notre justice, mais aussi de prévoir une nouvelle sanction à l’article 45 de l’ordonnance de 1958, tous points demandés par la commission sur l’affaire d’Outreau, le groupe UDF votera néanmoins en faveur de ce texte.

M. Jérôme Bignon – Comme je l’avais indiqué au début de la discussion générale, ce projet est une étape importante pour la réforme de la justice. Une grande partie des conclusions formulées par la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau a été reprise, même si tout n’a pas été retenu. Le Parlement conserve en effet son droit d’appréciation et le Gouvernement son pouvoir de proposition.

Cette réforme réaliste et pragmatique permettra de moderniser les rapports entre les magistrats et les justiciables. Ces propositions, tendant à renforcer la mobilité, la formation, mais aussi le régime disciplinaire des magistrats, nous semblent empreintes de bon sens et répondre aux attentes de l’opinion publique. Après le drame d’Outreau, nous devions rétablir la confiance en la justice. Ce texte y contribuera.

M. Michel Vaxès - Comme mes collègues du groupe socialiste, je regrette que nous soyons face à un texte minimal. Les propositions validées par la commission Outreau n’étaient pourtant pas révolutionnaires. Même nos amendements de clarification ont été repoussés. Je regrette cette timidité.

Cela étant, le groupe communiste s’abstiendra.

L'ensemble du projet de loi organique, mis aux voix, est adopté.

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modification de la loi sur le médiateur

Mme la Présidente – J’appelle maintenant, dans le texte du Gouvernement, l’article unique du projet de loi modifiant la loi du 3 janvier 1973 instituant un médiateur.

Article unique

M. Xavier de Roux, rapporteurLe vote qui a eu lieu dans le précédent projet, après l’article 6, fait que cet article unique n’a plus lieu d’être. L’amendement 1 rectifié le supprime donc.

M. le Garde des Sceaux  Favorable.

L'amendement 1 rectifié, mis aux voix, est adopté et l’article unique est ainsi supprimé.

Mme la Présidente – L’adoption de cet amendement entraîne le rejet du texte. Nous en avons donc terminé avec nos délibérations de ce soir.

Prochaine séance, mardi 19 décembre, à 9 heures 30.
La séance est levée à 23 heures 45.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.
Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.
www.assemblee-nationale.fr

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