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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du mardi 19 décembre 2006

Séance de 15 heures
43ème jour de séance, 99ème séance

Présidence de M. Jean-Louis Debré

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La séance est ouverte à quinze heures.

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

dialogue social

M. Alain Vidalies – Monsieur le Premier ministre, vous avez organisé le 14 décembre une conférence sur l’emploi et les revenus. Si votre objectif était de faire l’unanimité parmi les organisations syndicales, il a été atteint de façon remarquable. Pour la CFDT, vos déclarations ont été « notoirement insuffisantes » ; pour la CGT, cette conférence n’a été « qu’une mise en scène » ; pour la CFTC elle a été « superficielle » et le secrétaire général de FO a fort bien résumé le tout en déclarant : « Tout ça pour ça ! ».

Sur le fond, les mesures proposées montrent que le Gouvernement et sa majorité n’ont pas pris la mesure des aspirations des Français en matière d’emploi, de salaires et de lutte contre la précarité. Sur la forme, votre conception du dialogue social est pour le moins singulière. Après avoir refusé d’inscrire dans la loi les recommandations du Conseil économique et social sur la définition d’une nouvelle représentativité des syndicats, de même que le principe des accords majoritaires, vous avez convoqué les partenaires sociaux pour une prétendue conférence dont votre ministre de l’emploi avait dès la veille annoncé les résultats. Il est vrai que ce Gouvernement refuse depuis cinq ans que s’applique l’accord de décembre 2001 pourtant signé par tous les syndicats de salariés et l’UPA, représentant 800 000 entreprises artisanales. Il est vrai aussi qu’il a imposé le CNE par voie d’ordonnance et tenté de faire passer le CPE sans aucune concertation. Il est vrai enfin qu’il aura, avec sa majorité, réussi à remettre en question le principe de faveur et le respect de la hiérarchie des normes par voie d’amendement, à la sauvette, sans en informer les syndicats.

Dans ces conditions, vos tentatives de vous redonner un vernis social pour faire oublier ce bilan désastreux sont dérisoires. Monsieur le Premier ministre, votre discours sur le dialogue social n’est pas un discours de la méthode mais une méthode pour discours électoral. Assumez enfin votre bilan et celui de cette majorité, et renoncez à instrumentaliser les partenaires sociaux pour des opérations de communication politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes – Le dialogue social est bien pour nous une méthode (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) et la récente Conférence sur l’emploi et les revenus a été précédée d’une intense phase de dialogue avec les partenaires sociaux, au cours de laquelle nous avons mieux identifié certaines de leurs préoccupations, à la lumière du rapport du CERC soulevant notamment la question des 190 000 jeunes qui quittent le système éducatif sans qualification ni perspectives. Voilà un sujet de fond sur lequel nous avons commencé de travailler en développant la formation en alternance, la professionnalisation des diplômes, et en engageant une réforme de l’orientation, avec mon collègue ministre de l’éducation (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Plusieurs mesures concrètes ont également été arrêtées le 12 décembre dernier. Je citerai la garantie des risques locatifs, grâce à laquelle chaque Français, quelle que soit la nature de son contrat de travail et même s’il est au chômage, pourra louer un logement, la revalorisation de 2,8 % de l’APL, l’octroi d’un crédit d’impôt « services à la personne » aux ménages non imposables – lesquels ne pouvaient jusqu’à présent bénéficier des réductions existantes –, l’accès à la formation, l’accompagnement et la validation des acquis de l’expérience, notamment pour les femmes à qui est imposé un temps partiel. Voilà du concret (Vives exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains), et ce qui vous gêne est bien que ce Gouvernement, loin des discours démagogiques et idéologiques, agisse concrètement pour améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Banque centrale européenne

M. Nicolas Perruchot – Les campagnes électorales sont malheureusement souvent propices aux dérapages et à la démagogie. Vous-même, Monsieur le Premier ministre, et deux candidats à l’élection présidentielle, l’une socialiste, l’autre encore ministre de votre gouvernement, viennent ainsi de désigner la Banque centrale européenne comme la cause de toutes les difficultés économiques et financières de notre pays. C’est indigne sur le plan des principes car ceux qui critiquent aujourd’hui l’indépendance de cette institution sont ceux-là mêmes qui l’ont souhaitée et votée, comme les Français, en ratifiant le traité de Maastricht (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF). L’Europe est un bouc émissaire facile qui sert à masquer nos propres faiblesses et l’incapacité des gouvernements successifs à rendre notre économie plus compétitive et à assainir nos finances publiques. Beaucoup de nos partenaires de la zone euro sont en meilleure santé économique que le nôtre, alors que les mêmes contraintes s’imposent à eux.

Critiquer la politique de la BCE est également infondé sur le plan économique. Sa mission, celle que les peuples lui ont fixée, est de lutter contre l’inflation, c’est-à-dire contre la hausse des prix, la vie chère et, partant, pour la préservation du pouvoir d’achat. Il faut ajouter que si nous n’avions pas l’euro, compte tenu de l’état calamiteux de nos finances publiques, notre monnaie serait attaquée et nous aurions probablement dû multiplier les dévaluations, comme ce fut le cas à partir de 1981.

L’UDF aimerait donc que le débat sur le sujet redevienne plus serein. La BCE est indépendante parce que les gouvernements l’ont voulu. Elle lutte contre l’inflation, parce que les peuples l’ont voulu. Cela devrait aller de pair avec une meilleure coordination des politiques économiques au sein de la zone euro. Après deux ans à Matignon, avez-vous quelque idée et comptez-vous prendre quelque initiative en la matière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l’industrie Je voudrais, Monsieur le député, vous rassurer. Vous avez qualifié de « calamiteux » l’état de nos finances publiques. Sachez, c’est une bonne nouvelle, que la France ne fait plus l’objet d’une procédure pour déficit excessif, et ce sur proposition de la Commission européenne elle-même. C’est le premier des grands pays de la zone euro à y être parvenu. Nous avions dû supporter le coût des 35 heures (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). Le choc a été violent mais nous l’avons encaissé.

Une réunion mensuelle a lieu tous les mois avec les représentants de la BCE, dans le cadre de l’Eurogroupe. En matière de gestion monétaire au jour le jour, l’indépendance de la BCE et son mandat ont été ratifiés par l’ensemble des pays membres et ne peuvent être contestés. Cela impose à l’Eurogroupe de jouer pleinement son rôle, et c’est ce que nous faisons. J’en veux pour preuve la discussion que j’ai souhaitée il y a trois semaines au sujet de la volatilité de l’euro, que je jugeais excessive. L’euro était en effet passé en quelques semaines de 1,25 à 1,33 dollar. Considérant que c’était dangereux pour notre économie, j’ai donc insisté pour que nous en débattions : ce qui fut fait et, à l’issue de cette réunion, le président de l’Eurogroupe, M. Juncker, a exprimé en notre nom à tous des réserves sur cette volatilité et appelé à la vigilance. La situation s’est améliorée depuis, mais il faut néanmoins que la relation institutionnelle entre l’Eurogroupe et la Banque centrale se poursuive activement ; croyez bien qu’au nom du Gouvernement, je m’y emploie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

coupures d’électricité

M. André Gerin – Il est insupportable que nous soyons au chaud alors que des êtres humains vont peut-être mourir de froid (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Rappelons-nous les SDF qui ont péri l'hiver dernier.

La France est un pays riche, où pourtant un million d'enfants vivent en dessous du minimum de pauvreté. Quelle honte pour elle d’y revoir les campements et les bidonvilles !

Monsieur le Premier ministre, au lieu de verser des larmes de crocodile, il faut cesser de mener la guerre aux pauvres. Des hommes, des femmes, des enfants sont privés d'électricité malgré la loi du 30 juin 2006. On les brise, on les méprise même pendant la période hivernale ! Aujourd'hui 20 décembre, dans le Rhône, 20 000 familles sont concernées : 15 % d’entre elles subissent des coupures totales, 30 % des réductions à 1 000 watts – permettant à peine un petit chauffage d'appoint –, et 55 % à 3 000 watts. Le droit à l'énergie leur est refusé, dans un pays où des gens se gavent et où l'argent abonde. C'est odieux et obscène. Le comble, c’est qu’EDF gagne de l'argent en coupant les compteurs ! C'est le dépeçage du service public au profit de financiers parasites qui veulent en faire leurs choux gras.

Plusieurs voix sur les bancs du groupe UMP – La question !

M. André Gerin – Refusons cette France égoïste, ne nous rendons pas coupables de non-assistance à personne en danger de mort ! Allez-vous décider l'abolition des coupures d'électricité et de gaz, dans l'esprit humaniste de la France ? Allez-vous répondre à la souffrance de dizaines de milliers de familles populaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité  La pauvreté est un problème beaucoup trop grave pour supporter la polémique (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains). Elle appelle des réponses concrètes, non des déclarations d’intentions. C’est tout le sens de l’engagement de ce gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Regardons tout ce qui a été fait ces derniers mois : un milliard d’euros est consacré dans le budget de l’État à la création de 100 000 places en faveur de ceux qui ont des difficultés pour se loger ; nous avons créé au cœur de l’été l’hébergement de stabilisation, afin d’apporter des réponses de fond au problème ; la semaine dernière, le Premier ministre a annoncé la création d’une garantie des risques locatifs, afin de permettre à chacun d’accéder au logement. En ce qui concerne les coupures d’énergie, la loi « Engagement national pour le logement » a également prévu des réponses concrètes (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste). Quant à l’aide alimentaire, 17 millions y sont consacrés dans le budget de cette année, contre 4 millions en 2002.

La pauvreté n’appartient à personne, mais doit être combattue par tous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; M. Gerin reste debout et proteste)

M. le Président – Monsieur Gerin, asseyez-vous ! (M. Gerin refuse d’obtempérer ; vives protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. André Gerin – Il y a des coupures malgré la loi !

services à la personne

M. le Président – Monsieur Morel-A-L'Huissier, vous avez la parole. Monsieur Gerin, respectez le Règlement !

M. Pierre Morel-A-L'Huissier (dont le début de l’intervention est couvert par les protestations du groupe UMP à l’encontre de M. Gerin, qui reste debout et continue à s’exclamer) La baisse du chômage que nous constatons depuis plus d’un an résulte pour partie de la loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne, qui a permis à notre pays de combler son retard en la matière.

M. le Président – Monsieur Gerin, allez vous asseoir ! Respectez l’orateur ! (M. Gerin finit par s’exécuter)

M. Pierre Morel-A-L'Huissier – Les besoins de nos concitoyens sont multiples, de la garde d’enfants à l’aide aux personnes âgées ou handicapées, en passant par l’assistance à la vie quotidienne par de menus travaux.

Monsieur le ministre délégué à l’emploi, vous avez lancé depuis le début de l’année la professionnalisation du secteur, avec l’Agence des services à la personne présidée par Laurent Hénart. En fin de semaine dernière, vous avez annoncé le souhait du Gouvernement d’élargir ces services au plus grand nombre de foyers possible par le biais d’un crédit d’impôt.

Pouvez-vous nous préciser les mesures que vous envisagez pour professionnaliser le secteur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes Les emplois de services à la personne connaissent une véritable révolution, dans le double but de créer de la solidarité et d’améliorer la qualité de vie des Français ; 130 000 emplois ont été créés la première année, et l’objectif de 500 000 sera atteint d’ici trois ans.

Par ailleurs, nous voulons en faire de vrais métiers. À la suite des grandes assises régionales qu’a présidées Laurent Hénart, des accords de branche vont être conclus pour assurer des garanties collectives ; nous allons investir dans la formation – formation par alternance, formation tout au long de la vie, validation des acquis de l’expérience – ; enfin, nous élaborons un plan sur deux ans pour atteindre l’objectif des 500 000 emplois. Nous servons ainsi et la cause de l’emploi et celle d’une solidarité effective au sein de la nation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

dispositif militaire en afghanistan

M. Michel Voisin – Ma question s’adresse à Mme la ministre de la défense, mais permettez-moi d’abord de dire à M. Gerin qu’il a donné une image déplorable de la démocratie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; vives protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. le Président – L’incident est clos.

M. Michel Voisin – À l'occasion du sommet de l'OTAN, à Riga, le 29 novembre dernier, le Président de la République avait fait part de la décision de la France d'adapter son dispositif militaire, à effectifs constants, aux besoins de l'OTAN et des Afghans.

Depuis plus de quatre ans, 32 000 hommes sont engagés en Afghanistan, dans le cadre de la Force internationale d'assistance à la sécurité de l'OTAN, dont quelque 1 100 militaires français. Ayant eu l’honneur et le privilège de les rencontrer, je salue leur professionnalisme et l’image qu’ils donnent de la France. Parmi eux, 200 militaires composent les forces spéciales.

Madame la ministre, vous revenez d'Afghanistan, où vous avez annoncé le prochain retrait de ces forces spéciales. Pouvez-vous nous préciser les raisons qui ont conduit à cette décision et nous dire les mesures que la France entend prendre pour continuer à tenir toute sa place dans la lutte contre le terrorisme international ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense  Depuis juillet 2003, nos forces spéciales ont accompli un travail remarquable dans le sud et l’est de l’Afghanistan, un travail salué par l’ensemble des alliés et par les autorités afghanes, et un travail pour lequel elles ont payé le prix fort, en morts et en blessés.

Aujourd’hui, le théâtre d’opérations de l’Afghanistan est réorganisé, puisqu’il passe en totalité sous la maîtrise des forces de l’OTAN. Dans le même temps, l’armée nationale afghane, que nous contribuons, avec les Américains, à former, monte en puissance. Tirant les conclusions de cette double évolution, la France a décidé, comme je l’ai dit devant la commission des affaires étrangères le 5 décembre dernier, de réorganiser son dispositif, tout en maintenant ses effectifs globaux.

Elle a ainsi décidé de retirer ses forces spéciales, mais dans le même temps d’organiser une formation pour des forces spéciales afghanes. Elle a décidé aussi de participer à la création d’un service de santé militaire pour les Afghans. Enfin, elle a décidé d’accroître sa réactivité en prolongeant, sur l’année, la présence de son aviation de chasse, en déployant des hélicoptères et en permettant, en cas de besoin, que nos troupes installées à Kaboul puissent prêter main forte aux alliés sur l’ensemble du territoire.

Ce dispositif est totalement approuvé et par les autorités afghanes et par nos alliés, comme j’ai pu le constater avant-hier et hier à Kaboul (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

décharges de service des enseignants

M. Michel Terrot – Monsieur le ministre de l’éducation nationale, vous avez engagé une vaste réforme afin d'améliorer le fonctionnement de l'école et de l'adapter aux difficultés auxquelles elle fait face. Le projet de décret touchant aux obligations de service des enseignants et à leurs décharges horaires participera à cette nécessaire modernisation du système éducatif.

Défini par des décrets datant des années 50, le système de décharge de cours permet à certains professeurs de bénéficier, pour différents motifs, d'un allégement de service d'une à trois heures. Pointées du doigt par un rapport de la Cour des comptes de janvier 2005 et par un audit réalisé par les inspections générales de l'éducation nationale et des finances, ces décharges ne correspondent plus à la réalité et aux besoins de l'école d'aujourd'hui.

Un tiers des enseignants était en grève et 3 000 d'entre eux étaient dans la rue pour protester contre ce projet. Pouvez-vous, Monsieur le ministre, dire à la représentation nationale quels sont les objectifs et les enjeux de cette réforme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche – On entend dire beaucoup de choses sur les décharges, par exemple qu’elles sont un avantage acquis. Non, elles sont une contrepartie. Des professeurs avaient ainsi obtenu des décharges pour préparer les élèves au baccalauréat. Nous les maintenons en terminale, ainsi qu’en première pour certaines disciplines. Mais nous ne les maintenons pas pour les professeurs qui ne préparent plus au baccalauréat (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

J’entends dire aussi que nous ne créons pas de nouvelles décharges. C’est faux. Nous en créons par exemple pour les responsables de laboratoires, pour des enseignants qui organisent des formations aux TICE – technologies de l’information et de la communication pour l’éducation – dans les collèges et lycées, ainsi que pour les enseignants qui organisent des stages pour les élèves, grâce à leurs relations dans le milieu des entreprises.

J’entends dire que nous allons supprimer le sport à l’école, alors que, pour la première fois, nous allons au contraire prévoir dans le texte trois heures de décharges en faveur des associations sportives en milieu scolaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Mais il est vrai que les enseignants de sport n’auront pas ces décharges s’ils ne s’impliquent pas dans ces associations (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

J’entends dire ensuite que cela concernerait 150 000 enseignants. C’est faux. Cela en concerne 50 000.

J’entends dire aussi qu’il n’y aurait pas eu de dialogue social. Cela fait pourtant deux ans que l’on en parle avec les partenaires sociaux. J’ai reçu toutes les fédérations et, encore récemment, l’intersyndicale.

Enfin, j’entends dire qu’avec ce nouveau texte, il faudrait enseigner dans plusieurs communes. Mais cela existe depuis cinquante-six ans !

Je vous remercie, Monsieur Terrot, de m’avoir permis de faire le point sur cette mesure de justice sociale. À mission égale, travail égal ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

licenciements chez Dim

M. Christian Paul – Personne n’a le droit de mettre en scène la France qui souffre ou de la découvrir à la veille des élections présidentielles (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Personne n'a le monopole de la souffrance sociale, mais chacun, et d’abord le Gouvernement, a le devoir d'agir contre les dégâts terribles qu’occasionnent les décisions prises par des actionnaires lointains et anonymes.

La France qui souffre, aujourd’hui, ce sont les centaines de salariés de Dim bientôt licenciés dans la Nièvre et en Saône-et-Loire, qui attendent de vous non pas des discours flamboyants ici, mais une présence et des actes courageux là-bas, sur le terrain ! La France qui souffre, ce sont les centaines d’ouvriers de Dim qui attendent dans l’angoisse – et en vain – que l’État agisse à leurs côtés pour réduire le choc et le nombre des licenciements, pour leur permettre de partir dans la dignité après des années de travail et pour obtenir des garanties sur l’avenir de nos usines.

Quand l’État est absent ou se contente d’observer, la négociation sociale se résume au dialogue du pot de terre et du pot de fer. Même quand les accords se signent à l’usure, sous le chantage à l’emploi, l’amertume est grande.

Chez Dim, à Autun, à Château-Chinon, à Levallois, à la Tour du Pin, les salariés se sentent abandonnés. Le ministre de l’emploi, prétextant la négociation, refuse de rencontrer les élus et annule ses rendez-vous au mépris de la parole donnée. C’est un flagrant délit de capitulation sociale et, dans la France d’aujourd’hui, cela augure mal de la France d’après. C’est le laisser-faire et le faire semblant !

Je vous demande solennellement que l’État tienne enfin, en urgence et en sincérité, les engagements qu’il a pris, non seulement en faveur d’une hypothétique revitalisation, mais aussi pour soutenir les justes exigences des salariés de Dim ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. André Chassaigne – Très bien !

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes 455 personnes connaissent aujourd’hui, à Autun et à Château-Chinon, de grandes difficultés face à l’emploi. Vous ne pouvez pas accuser le Gouvernement de ne pas s’en être préoccupé ! (« Si ! » sur les bancs du groupe socialiste) Dois-je comparer la gestion de Lu et de Danone avec celle de Hewlett Packard et de Sogerma ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) Nous avons reçu les représentants des salariés et ceux de l’entreprise...

M. Christian Paul – Il y a six mois ! Depuis, rien !

M. le Ministre délégué Nous avons reçu les élus. Il a été décidé, le 27 juillet, de constituer un groupe de concertation qui a achevé ses travaux vendredi en proposant un accord satisfaisant pour les salariés.

M. Christian Paul – Il n’est pas signé !

M. le Ministre délégué Il appartient aux partenaires sociaux de nous dire aujourd’hui s’ils le signent.

Mme Martine David – Ce n’est donc pas un accord !

M. le Ministre délégué Et c’est par respect pour le dialogue social, qui se tient d’abord entre les représentants des salariés et l’entreprise, que nous avons différé ce rendez-vous ! Le rôle de l’État est d’être un garant en amont et en aval : il sera le garant de l’application de cet accord et de la revitalisation. M. Anciaux, qui suit ce dossier avec vous depuis un an, a fait le choix de la responsabilité. La responsabilité, c’est l’avenir des salariés et celui des bassins d’emploi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

ouverture de la poste à la concurrence

M. Alain Joyandet – J’associe à ma question, qui s’adresse à M. le ministre délégué à l’industrie, mes collègues membres de la Commission supérieure de La Poste et des communications électroniques.

Les Français sont très attachés à La Poste et à leurs facteurs. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains) Les élus que nous sommes veillent en permanence sur ce grand service public qui est une composante essentielle de l’aménagement du territoire et de l’économie nationale. La Commission supérieure de La Poste a récemment appelé votre attention sur les conséquences de l’ouverture à la concurrence, qui doit se faire sans déstabiliser La Poste, opérateur public historique. Nous devons donc être vigilants et faire preuve d’un grand volontarisme dans nos négociations avec l’Europe. Ce sujet est bien d’actualité, puisqu’un projet de directive postale a récemment été publié. Heureusement, il laisse aux États une certaine latitude pour organiser et financer leur service universel.

Quelle sera la position de la France ? Nous l’espérons ferme, afin que La Poste puisse poursuivre son développement et sa modernisation, tout en préservant ses 17 000 points de contact avec les Français (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) et son réseau de facteurs, irremplaçables pour un grand nombre de nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean Lassalle – Très bien !

M. François Loos, ministre délégué à l’industrie  La Poste est en effet une grande et belle entreprise, à laquelle les Français sont à juste titre attachés.

M. Jérôme Lambert – Bla bla bla !

M. le Ministre délégué Nous avons évidemment à cœur, dans les débats sur la directive, de faire en sorte que ce service public demeure de très grande qualité pour l’ensemble de nos concitoyens. Certaines de ses dispositions nous satisfont tout à fait, notamment en ce qui concerne le champ et les obligations du service universel, la péréquation des tarifs ou l’absence de restriction apportée aux missions supplémentaires que nous voulons confier à La Poste, qui nous permettent de maintenir les 17 000 points de contact auxquels nous sommes attachés…

M. Jérôme Lambert – Ce ne sont plus des bureaux de poste !

M. le Ministre délégué …ainsi que le transport de la presse.

Il y a cependant des points sur lesquels nous n’avons pas de réponse satisfaisante. Il s’agit en particulier du financement du service universel public : La Poste bénéficie aujourd’hui du service réservé pour les envois de moins de 50 grammes, mais la directive ne prévoit pas la garantie de financement que nous souhaitons. Je l’ai dénoncé au Conseil des ministres des télécommunications (« Ah ! » sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) la semaine dernière…

M. Maxime Gremetz – Révolutionnaire !

M. le Ministre délégué …car c’est pour nous une condition de l’adoption de la directive. Une bonne dizaine de pays nous ont suivis ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

lutte contre l’emprise des sectes sur les mineurs

M. Georges Fenech – La commission d’enquête parlementaire sur les sectes et les mineurs, que j’ai eu l’honneur de présider tandis que M. Vuilque en était le rapporteur, a remis ce matin son rapport au Président de l’Assemblée nationale. Après avoir dressé un constat alarmant des dangers encourus par des milliers d’enfants victimes de l’emprise sectaire, elle formule 50 propositions pour mieux garantir les droits des enfants, conformément à la convention de New York. Elle vous demande notamment, Monsieur le ministre de la santé, de redéfinir les conditions d’attribution du titre de psychothérapeute. L’article 52 de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, adopté à l’unanimité et dû à une initiative parlementaire, a comblé le vide juridique qui permettait à n’importe qui de se proclamer psychothérapeute sans garantie pour les patients. Mais plus de 29 mois après la promulgation de la loi, le décret d’application n’a toujours pas été publié. Il semble que des pressions d’organisations mues par des intérêts financiers ou sectaires soient à l’origine de cet enlisement. Dans un souci de protection des victimes, la commission d’enquête souhaite savoir quand ce décret d’application sera publié (Applaudissements sur divers bancs).

Plusieurs députés socialistes – Avant les élections !

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités Il s’agit à l’évidence d’une question importante. Monsieur le député, les propositions 23 et 24 de votre rapport trouveront une réponse dans le prochain décret gouvernemental. Je sais que M. Accoyer est lui aussi très attentif à cette question, puisqu’il est à l’origine de l’article 52 de la loi de santé publique du 9 août 2004… (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Comme je m’y suis engagé, le décret sera publié avant la fin de la législature (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Au reste, depuis ma prise de fonctions, je n’ai eu de cesse de faire avancer ce dossier compliqué et je crois pouvoir dire que nous sommes désormais parvenus à un point d’équilibre, alors même que beaucoup pensaient que la démarche n’aboutirait pas.

Afin de garantir aux patients une pratique de qualité, une formation théorique de 400 heures et une formation pratique de la même durée seront désormais exigées, ce qui répond, Monsieur Fenech, aux préoccupations que vous avez exprimées.

En matière de santé publique, il est interdit de n’avoir qu’une priorité, et la DGS a donc aussi prévu des mesures d’accompagnement pour les personnes qui arrivent à sortir des sectes, afin de prévenir toute rechute. À ce titre, des référents spécialement formés seront désignés dans les services déconcentrés et dans l’administration centrale. Enfin, nous travaillons à un code de déontologie des psychothérapeutes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

accès aux soins

M. Jean-Marie Le Guen – Durant des décennies, nos compatriotes ont eu confiance en notre système de soins et de protection sociale. Las, tel n’est plus le cas aujourd’hui, tant la situation n’a cessé de se dégrader. De fait, les coups portés au système se sont multipliés : déséquilibres dans la démographie médicale (« La faute à qui ? » sur les bancs du groupe UMP), multiplication des dépassements d’honoraires, refus répétés de soigner les bénéficiaires de la CMU, cette avancée majeure voulue par notre majorité.

Alors que le Gouvernement est longtemps resté passif face à ces évolutions, il semble que la fin de la mandature l’incite à porter un coup fatal à notre protection sociale, en tentant de passer en force – sans même consulter la représentation nationale – pour imposer le secteur optionnel. Sans doute nombre de nos concitoyens ignorent-ils encore de quoi il s’agit, mais, ce qu’il faut savoir, c’est que si le Gouvernement réussissait dans son entreprise, mieux vaudrait, pour les soins les plus importants, disposer d’une excellente assurance complémentaire pour ne pas avoir à mettre la main à la poche !

Fort heureusement, le Conseil constitutionnel, saisi par le groupe socialiste, vous a sanctionnés, en censurant – et c’est un désaveu sans précédent ! – 20 articles de votre PLFSS ! Monsieur le ministre de la santé, souhaitez-vous tout de même passer en force ? Allez-vous vous asseoir sur la décision du Conseil constitutionnel ou vous résoudre à revenir devant la représentation nationale ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités Permettez-moi tout d’abord de vous dire que la perspective de revenir devant la représentation nationale m’effraie d’autant moins que cet hémicycle n’a pas résonné de vos propositions ! De votre démagogie, souvent ; jamais de vos propositions constructives… (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Au reste, si vous aviez des choses à proposer, cela se saurait !

M. Jean-Marie Le Guen – Vous aurais-je vexé ?

M. le Ministre – Ce que vous avez oublié de rappeler, c’est que, pour la première fois, le Conseil constitutionnel a décidé d’appliquer au PLFSS les règles qu’il retient d’ordinaire pour le seul projet de loi de finances, et que ses remarques ne portent que sur la forme et jamais sur le fond. Alors, sans doute eussiez-vous préféré que nous ne proposions rien, car ce n’est pas par hasard que socialisme rime avec immobilisme ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP) Il y a ceux qui agissent et ceux qui critiquent. Nous sommes, nous, du côté de l’action, et c’est bien parce que nous avons su engager les réformes que vous n’aviez pas eu le courage de faire que nos compatriotes bénéficient encore d’un système de soins protecteur ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UDF)

scolarisation des enfants handicapés

Mme Bernadette Païx – Le Président de la République a fait de l’intégration des personnes en situation de handicap l’une des priorités de son quinquennat et la loi du 11 février 2005 a concrétisé cet engagement. L’article 19 de ce texte important pose un nouveau principe : tout enfant d’âge scolaire en situation de handicap doit être scolarisé dans l’école de son quartier. C’est une avancée considérable, dans la mesure où chacun sait que la première étape d’une insertion réussie, c’est une bonne intégration scolaire. Plusieurs décisions gouvernementales sont venues soutenir cette ambition, qu’il s’agisse de la généralisation des auxiliaires de vie scolaire, du développement des unités pédagogique d’intégration ou de la sensibilisation systématique des enseignants aux problématiques liées au handicap.

Monsieur le ministre de l’éducation nationale, pouvez-vous, à la veille des vacances de Noël, dresser un bilan de la scolarisation des enfants handicapés et un état des lieux de leur intégration en milieu scolaire ordinaire au cours du trimestre écoulé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gilles de Robien, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche – La loi du 11 février 2005 a lancé à l’éducation nationale un formidable défi, que nous sommes en train de relever : il y a quatre ans, 89 000 élèves handicapés étaient accueillis dans nos établissements ; ils sont aujourd’hui 156 000 ! Dans le même temps, alors que seulement 7 400 élèves bénéficiaient d’un accompagnement individuel en 2002, ils sont aujourd’hui près de 20 000.

Cependant, une fois posé le principe de la scolarisation, le défi devient croissant. Mais nous ne restons pas inertes. Ainsi, 500 nouveaux auxiliaires de vie scolaire viendront rejoindre dès le 1er janvier prochain les 4 500 qui exercent déjà, et ils bénéficieront d’une véritable formation, d’une durée totale de 60 heures, dont 30 heures dès leur prise de fonctions. En outre, les 50 000 emplois de vie scolaire financés dans le budget 2006 le sont également dans le budget 2007, et nous avons le même souci de formation dans ce cas que pour les auxiliaires de vie scolaire.

Par ailleurs, nous allons créer 200 unités pédagogiques d’intégration, dont 166 dans le public et 34 dans des établissements sous contrat. Deux cents enseignants y seront affectés, ainsi que 166 auxiliaires de vie scolaire supplémentaires.

Grâce à cette majorité, le défi de l’accueil des handicapés est en passe d’être relevé. (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Il l’est déjà en partie, a montré Guy Geoffroy dans son rapport.

M. Maxime Gremetz – C’est faux !

M. le Ministre – J’en rends hommage à ceux qui ont voulu cette loi, et à l’éducation nationale. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Emploi des jeunes

M. Philippe-Armand Martin – Ma question s’adresse au ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes.

M. Patrick Roy – Et au RMI !

M. Philippe-Armand Martin – Le Gouvernement est entièrement mobilisé pour l’emploi. Les jeunes sont de plus en plus touchés par le chômage. 60 000 d’entre eux sortent chaque année sans qualification du système éducatif. Ils sont désormais des centaines de milliers dans ce cas.

M. Patrick Roy – C’est de pire en pire !

M. Philippe-Armand Martin – C’est d’autant plus paradoxal que, dans certains secteurs, de nombreuses offres d’emploi restent non pourvues.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Quel bilan !

M. Philippe-Armand Martin – Aussi avez-vous fait de l’emploi des jeunes une de vos priorités. Parmi de nombreuses mesures comme le soutien à l’apprentissage et à la mobilité ou le CNE, vous avez institué, dans le cadre du plan de cohésion sociale, le contrat d’insertion dans la vie sociale, le CIVIS. Il s’agit de mieux accompagner vers l’emploi des jeunes de 16 à 25 ans sans qualification et en difficulté et d’inciter les employeurs à les embaucher. Pouvez-vous dresser le bilan de cette mesure ambitieuse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes – Nous ne pouvons accepter que, depuis 25 ans, le taux de chômage des jeunes soit plus du double de la moyenne nationale. Depuis un an, il a baissé de 11 %, mais il est toujours de 22 %. C’est pourquoi nous avons mis en place, outre la professionnalisation, l’alternance et la réforme de l’orientation, le parcours CIVIS grâce auquel la mission locale ou la PAIO accompagne un jeune en difficulté face à l’emploi et aussi à la vie sociale ; 300 000 jeunes se sont engagés dans ce dispositif depuis mai 2005. Après six mois de ce contrat, deux jeunes sur trois ont trouvé ou retrouvé une formation ou un emploi. Il reste à s’occuper de leur accompagnement. Dans la loi sur l’égalité des chances, votée en mai dernier, nous l’avons fait grâce au parcours d’accès à la vie active en entreprise. Fin décembre, près de 30 000 jeunes y seront entrés, et la seule chance pour ces jeunes réside bien dans cette rencontre avec l’entreprise et la formation.

D’autre part, un certain nombre d’entre vous nous ont saisis de la difficulté pour les jeunes à trouver des stages. Le Premier ministre nous a donc demandé de créer avec l’ANPE, au premier trimestre 2007, une bourse des stages. C’est encore une façon de leur faire rencontrer l’entreprise, encore une réponse concrète pour l’emploi des jeunes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 15 heures 55, est reprise à 16 heures 15 ; sous la présidence de M. Bur.
PRÉSIDENCE de M. Yves BUR
vice-président

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loi de finances pour 2007 (CMP)

L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2007.

M. Gilles Carrez, rapporteur de la CMP – À l’issue de la première lecture par l’Assemblée, ce projet comportait 107 articles. Le Sénat en a adopté 72 conformes, mais en a ajouté 54 de sorte qu’il en restait 88 à soumettre à la CMP. Celle-ci étant parvenue à un accord sur chaque point, c’est son texte que le Gouvernement vous demande d’adopter sous réserve de quelques amendements, essentiellement destinés à lever des gages, à coordonner ou à préciser certaines mesures – je ne m’attarderai que sur un seul lors de l’examen des articles : il concerne l’allocation versées aux adultes handicapés.

À l’Assemblée comme au Sénat, la majorité approuve la stratégie budgétaire que vous appliquez, Monsieur le ministre de l’économie, et qui se trouve consolidée par ce projet de budget. Premier objectif : la maîtrise des dépenses publiques, dont l’évolution sera contenue à 0,8 % l’an prochain, soit 2 % compte tenu des prélèvements sur recettes et des recettes affectées. Nous devrons nous accorder sur une norme de dépense aussi fiable que possible, mais si l’on se réfère à celle que nous utilisons depuis plus de quinze ans, la dépense ne progressera effectivement que de 0,8 %.

Cet effort se traduit par une réduction sensible du plafond d’emplois – 2,3 millions équivalents temps plein, soit 15 000 emplois en moins – et par la réduction du déficit par rapport au niveau prévu en 2005 et à l’exécution probable du budget de cette année – 42,5 milliards.

Comme les trois lois de finances précédentes, celle-ci prévoit également l’affectation de la totalité du surplus de recettes à la réduction du déficit, conformément à la LOLF (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Si ces objectifs sont ambitieux, ils sont également crédibles puisque la prévision de croissance demeure raisonnable – seulement 2 %. De cette croissance devraient spontanément résulter douze milliards de recettes supplémentaires, qui serviront à couvrir la hausse mécanique des pensions et des frais de la dette, pour 2,2 milliards d’euros, les transferts de recettes affectées à l’Agence nationale de la recherche, à la Sécurité sociale ou à d’autres opérateurs pour 1,4 milliard, mais aussi l’augmentation des concours aux collectivités locales, notamment les exonérations et dégrèvements d’impôts, pour 1,3 milliard, et enfin les baisses d’impôts, pour 7 milliards – je pense en particulier aux mesures adoptées l’an dernier : baisse et simplification de l’impôt sur le revenu, mais aussi plafonnement de la taxe professionnelle et dégrèvement pour investissements nouveaux.

Au total, les douze milliards de surplus seront consommés, si bien qu’une rigueur absolue devra présider à l’exécution de ce budget afin de ne pas dépasser l’enveloppe de 277 milliards d’euros de crédits que nous allons adopter. S’il apparaît des surplus en cours d’année, ils seront affectés à la baisse du déficit, mais il faudra en revanche exercer une pression supplémentaire et immédiate sur les dépenses si les recettes ne correspondaient pas à nos attentes. En effet, nous ne pouvons plus nous permettre de creuser davantage le déficit…

M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l’industrie Exact !

M. Augustin Bonrepaux – Il serait temps que vous vous en aperceviez !

M. le Rapporteur – La dette a été sensiblement réduite sous cette législature, Monsieur Bonrepaux : deux points de PIB en moins en un seul exercice budgétaire…

M. Didier Migaud – Sur le papier !

M. Augustin Bonrepaux – C’est de la poudre aux yeux !

M. le Rapporteur – …et nous continuerons en ce sens.

Parmi les décisions de la CMP figure un accord sur l’amendement sénatorial tendant à élargir la réduction d’impôt consentie, au titre du mécénat, aux entreprises et aux particuliers réalisant des travaux de restauration dans des immeubles inscrits sur la liste des monuments historiques ou sur l’inventaire supplémentaire, afin de sortir de l’impasse de financement actuelle. Des contreparties très strictes ayant été prévues, s’agissant en particulier de l’ouverture au public des bâtiments concernés, cet amendement a été accepté.

À l’intention des présidents de conseils généraux qui siègent sur ces bancs, je note également que nous avons dégagé douze millions d’euros pour le financement de la prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP). L’État a reconnu, au vu du travail de la commission d’évaluation des charges, la nécessité de ce financement complémentaire.

M. Michel Bouvard – Très bien !

M. le Rapporteur – Vous voyez que l’État compense avec la plus grande rigueur les compétences transférées…

S’agissant de la créance détenue par l'État sur l'UNEDIC et cédée au Fonds de solidarité, notre Assemblée avait prévu une date butoir – 2011 –, mais il restait à fixer le montant définitif de la créance : il a été ramené par le Sénat de 1,2 milliard à 770 millions d’euros.

Nous avons enfin trouvé un équilibre satisfaisant en ce qui concerne la taxe dont bénéficieront les communes acceptant d’accueillir sur leur territoire un incinérateur ou une installation de stockage des déchets ménagers, conformément à la demande de l’Association des maires de France, présidée par notre collègue Jacques Pélissard.

Je voudrais enfin saluer la qualité du travail effectué avec vous, Monsieur le ministre de l’économie, avec le ministre délégué au budget ainsi qu’avec l’ensemble de vos collaborateurs. Nous avons été associés à ce budget dès les mois d’été et nous y avons été très sensibles : nous avons ainsi évité de découvrir le projet à l’occasion de la délibération en Conseil des ministres !

Je remercie également tous ceux de nos collègues qui ont suivi avec assiduité ce débat et l’ont alimenté par leurs amendements de qualité, dont un grand nombre a été retenu, grâce à l’esprit d’ouverture du Gouvernement. Je voudrais également remercier les différents présidents de séance, qui ont dirigé avec talent et efficacité nos débats, ainsi que l’ensemble des personnels de l’Assemblée et mes collaborateurs – je le fais avec une certaine émotion, car ce budget est le dernier de cette législature…

M. Didier Migaud – Ce n’est pas trop tôt !

M. le Rapporteur – Je sais que vous ne pensez pas, au fond de vous, ce que vous dites, vous qui m’avez précédé dans ces fonctions de rapporteur général.

M. Michel Bouvard – Il a éprouvé la même émotion !

M. le Rapporteur – Je remercie enfin la presse qui a rendu compte de nos travaux, et je vous invite à adopter l’ensemble du projet de loi de finances, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

M. le Président – Je transmettrai à mes collègues vos remerciements.

M. Pierre Méhaignerie, président de la CMP – Gilles Carrez ayant dit l’essentiel, comme à son habitude, je m’en tiendrai à deux remarques.

Tout d’abord, notre Assemblée n’a que peu utilisé le droit d’amendement sur les crédits ouvert par la LOLF. On peut en outre regretter que l’évaluation des dépenses publiques ne soit pas encore entrée dans notre culture politique, alors que nous disposons d’une base très sérieuse pour ce contrôle grâce au rapport de la Cour des comptes et aux audits engagés par le Gouvernement.

De ces constats, je tire deux propositions : allégeons le poids des textes législatifs…

M. Hervé Novelli – Très bien !

M. le Président de la commission – …dont nous attendons encore qu’ils soient précédés d’études d’impact, toujours annoncées mais jamais réalisées (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Comme je l’avais proposé en compagnie de Gilles Carrez, il serait également bon que le Gouvernement mette à la disposition du Parlement des membres provenant des divers corps d’inspection, eux aussi soucieux du contrôle de la dépense publique. Sans créer de postes ni de dépenses supplémentaires, nous pourrions utilement bénéficier de leur expérience.

Je voudrais également remercier tous ceux qui s’emploient avec passion à appliquer la LOLF, notamment Gilles Carrez, Didier Migaud et Charles de Courson. À ce propos d’ailleurs, la commission des finances s’inquiète de la propension de certaines administrations à bureaucratiser les indicateurs, en les multipliant à l’excès dans le but de préserver leur pouvoir. Le principe de la LOLF était précisément que les administrations décentralisées puissent exercer leurs responsabilités au sein d’une enveloppe globale. Il est en votre pouvoir, Monsieur le ministre, d’exiger que les administrations centrales jouent le jeu.

Ma deuxième remarque a trait à la décision du Conseil constitutionnel. Celui-ci a, à juste titre, rappelé l’existence du droit de priorité de l'Assemblée nationale, qui empêche le vote au Sénat de dispositions entièrement nouvelles, et il a souligné la nécessité de respecter l’article 40 à la Haute assemblée également. Pourquoi en effet l’article 40 serait-il rigoureusement appliqué ici seulement ? Nos collègues députés ne le comprendraient pas. Je constate d’ailleurs avec plaisir que le président Arthuis a immédiatement appliqué ce principe pour le collectif.

Il faut dire que ce gouvernement, après avoir excellemment commencé le débat budgétaire, a pris l’habitude – ce n’est pas le fait du ministère de l’économie et des finances – d’introduire des dispositions nouvelles au gré des effets d’annonce ou des interviews des différents ministres. Ce n’est pas sain.

M. Michel Bouvard – Tout à fait.

M. le Président de la commission – Les grands équilibres du projet de loi de finances comme du projet de loi de financement de la sécurité sociale doivent être examinés successivement par les deux assemblées et des dispositions nouvelles ne peuvent pas être introduites uniquement au Sénat (Applaudissements sur tous les bancs). Je le dis d’autant plus fermement qu’elles correspondent souvent à de nouvelles niches ou à des dépenses visant à satisfaire des revendications ponctuelles ou catégorielles.

M. Charles de Courson – Exemple : les Sofica !

M. le Président de la commission – En effet. Ce n’est pas sain vu la nécessité de maîtriser nos déficits afin de ne pas faire supporter, par le biais de la dette, nos dépenses d’aujourd’hui par les générations futures. Les avantages consentis aux souscripteurs de parts de Sofica, qui n’avaient pas suscité l’enthousiasme de l’Assemblée, constituent bel et bien de nouvelles niches fiscales, pas nécessairement très équitables. Ils ont été votés par une partie de nos collègues de l’UMP et nos collègues communistes – à une voix près d’ailleurs. Ce n’est pas là une bonne façon de gouverner. C’est en tout cas contradictoire avec la volonté de réduire notre endettement, par solidarité à l’égard des générations futures.

Monsieur le ministre, je tenais à faire ces remarques au nom de mes collègues membres de la commission des finances. Je vous remercie de les prendre en compte pour l’avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le Président – Nous en venons à la discussion générale.

M. Hervé Mariton – Ce débat, après l’examen du projet de loi de finances initiale pour 2007 en CMP, est aussi l’occasion de mesurer le chemin parcouru depuis un peu plus de quatre ans.

Nous avons par la durée obtenu des résultats qu’il nous faut consolider dans la durée. Pour les dépenses, la règle de la croissance zéro en volume, qui n’allait pas de soi, a été intégrée par l’ensemble des partenaires de la discussion budgétaire et respectée. En 2007, on s’est même rapproché de l’objectif d’une croissance zéro en valeur. Des efforts seront encore nécessaires mais enfin, que de chemin parcouru depuis 2002 ! Les déficits publics ont de même été réduits, ne représentant plus que 2,5 % du PIB en 2007 contre 2,7 % en 2006. Il faudra faire mieux encore à l’avenir. Ce sera possible, mais les premiers pas faits sur cette voie ces dernières années étaient essentiels. Au terme de la législature, ce gouvernement et sa majorité auront tenu leurs engagements. Pour ce qui est de la maîtrise de l’endettement, si le début de la législature fut semé d’embûches, la fin fut plus satisfaisante avec moins deux points de PIB en 2006 et moins un point en 2007. L’effort devra là encore être poursuivi, mais nous sommes incontestablement sur la bonne voie.

Le travail réalisé ces dernières années s’inscrit dans une stratégie claire que reflète le plan quinquennal annoncé par le Premier ministre l’an dernier. Ce plan comporte deux engagements, le premier étant de ramener les comptes à l’équilibre d’ici à 2010, le second de faire tomber la dette en dessous de 60 % du PIB à la même échéance. Le programme de stabilité adressé aux autorités de Bruxelles n’est pas une leçon de vertu : il ne fait que traduire les engagements européens, souverainement pris par notre pays. Il y va bien sûr de notre intérêt de pays membre de l’Union européenne, mais aussi de notre économie, de sa croissance et de ses emplois. La France devrait sortir tout début 2007 de la procédure pour déficits excessifs. Il eût certes été préférable de n’en jamais faire l’objet, mais dans la mesure où tel avait été le cas, il faut se féliciter de cette décision. Au moment où se profilent d’importantes échéances électorales, il est important que la plupart des indicateurs de nos finances publiques aient ainsi été améliorés et que nos engagements communautaires aient été respectés. Notre situation n’est certes pas définitivement assainie. Beaucoup reste à faire, mais beaucoup a été fait.

Ces résultats, obtenus dans la durée, sont le fruit de choix cohérents, au regard de nos engagements, de nos convictions politiques et des objectifs de croissance et d’emploi que nous nous sommes fixés.

En cinq ans, l’impôt sur le revenu aura été réduit de 20 %, soit les deux tiers de ce qui avait été promis. Si tous les engagements politiques étaient tenus aux deux tiers, ce ne serait déjà pas si mal ! C’est en tout cas bien davantage que ce à quoi nos concitoyens sont habitués et cette baisse, qui profitera à de nombreux foyers, nous la revendiquons.

Le plafonnement de la taxe professionnelle a, quant à lui, fait l’objet de longs débats l’an passé et encore cette année. Mais, sur ce point, on ne peut à la fois vouloir modérer l’impôt local et refuser tout instrument pour y parvenir. Celui-là n’est sans doute pas parfait. Il a le mérite désormais d’exister et d’être cohérent avec nos objectifs en matière de compétitivité et d’emploi.

Les prélèvements obligatoires auront diminué. Ceux de l’État passeront de 44 % du PIB en 2006 à 43,7 % en 2007. Si les recettes se révèlent en 2007 supérieures aux prévisions initiales, qui ont été prudentes, il faudra s’attacher à maintenir le cap. Et, en ce domaine, je nous fais davantage confiance qu’à une majorité de gauche, si par malheur tel devait être celle qui sortira des urnes. La diminution du taux de prélèvements obligatoires est un choix éminemment politique, duquel dépend la liberté d’affectation de leurs moyens par les entreprises comme par les ménages. Dans une société où les prix ne sont pas administrés, c’est aussi un moyen de dégager du pouvoir d’achat pour nos concitoyens.

L’évolution de la dépense des collectivités locales, beaucoup évoquée tout au long de cette législature, demeure pour nous une préoccupation. Nous ne souhaitons nullement rogner sur la liberté d’administration des collectivités, d’autant que nombre d’entre nous sommes également élus locaux et savons l’efficacité de la dépense locale lorsqu’elle est judicieuse. Mais les collectivités locales, pas davantage que l’État, ne doivent se soustraire à l’impératif de maîtrise de la dépense publique, indispensable à la croissance et à la compétitivité de notre économie comme au pouvoir d’achat de nos concitoyens.

Ce budget pour 2007, comme les précédents, présente la vertu de comporter des mesures de soutien à l’offre aussi bien qu’à la demande. Alors que dans le passé, les politiques économiques jouaient souvent à contretemps, celle que nous soutenons est donc bien équilibrée.

Enfin, nos choix sont cohérents parce que nos priorités – l’emploi, la sécurité, la justice, la recherche, les infrastructures – sont servies, avec le souci de la réforme de l’État. Celle-ci nécessite une volonté politique constante, tant de la part du Gouvernement – qui l’a le plus souvent – que de celle du groupe majoritaire – nous l’avons en général ; il revient à chacun de nous de faire vivre la LOLF en nous emparant de tous ses leviers.

Au terme de la législature, il est intéressant de se livrer à un exercice de comparaison.

En 2002, alors que le gouvernement socialiste avait annoncé un déficit de 30 milliards, les choix qui avaient été faits le portaient en réalité à 50 milliards ; pour 2007 au contraire, non seulement nos hypothèses de déficit ne sont pas contestées, mais les recettes sont peut-être évaluées trop prudemment ! C’est toute la différence entre les réflexes socialistes et la rigueur de notre majorité…

Et puis il y a, bien sûr, la très remarquable interview de François Hollande dans Le Monde d’hier soir.

M. Augustin Bonrepaux – Elle était très bien !

M. Hervé Mariton – Elle a le mérite d’être claire ! Que nous annonce le patron du parti socialiste ? Une augmentation de l’impôt sur le revenu et une augmentation de la CSG.

M. le Ministre – Pour tous les Français.

M. Hervé Mariton – Il nous annonce aussi une remise en cause des allégements accordés aux entreprises, sans correction des effets néfastes des 35 heures.

Tels n’ont pas été nos choix tout au long de la législature.

M. Augustin Bonrepaux – Si vos résultats étaient bons, cela se saurait !

M. Hervé Mariton – Certes il y a encore beaucoup à faire, mais nous avons réformé les retraites et l’assurance maladie, en évitant autant que possible, contrairement à M. Hollande, d’augmenter les prélèvements obligatoires.

Au-delà de notre bilan, nous avons des perspectives. Parmi elles, le ministre des finances a évoqué ces derniers jours la retenue à la source. C’est tout à l’honneur du Gouvernement de faire une proposition ; celle-ci doit lancer un débat. Une période préélectorale s’y prête bien car nos concitoyens sont alors plus attentifs que jamais au débat public. Nous devons à cette occasion affirmer nos convictions, en particulier l’impératif de ne pas remettre en cause le quotient familial.

M. le Ministre – Tout à fait.

M. Hervé Mariton – On nous parle de démocratie participative : chiche, engageons le débat sur ce sujet ! Tout le monde sait que, techniquement, l’administration du ministère des finances est prête, mais que politiquement, la question se posera après l’élection présidentielle. Pourquoi cacherions-nous les objectifs et les difficultés d’une telle réforme, ses avantages et ses éventuels inconvénients ? Pourquoi cacherions-nous tant l’opportunité d’un choix technique que les valeurs auxquelles nous croyons, comme la défense de la famille, qui doit rester au cœur de nos choix fiscaux ? Distinguons le temps du débat du temps de la décision.

Tout n’est pas parfait, mais ce budget 2007 est indéniablement un budget de progrès, qui permettra, comme tous ceux que notre groupe a votés depuis le début de la législature, de faire œuvre utile pour notre pays et d’avancer vers le rétablissement de l’équilibre. Approuvons ce travail, ne le gâchons pas et prolongeons-le ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Didier Migaud – Ce dernier budget de la législature est dans la continuité des précédents ; notre vote le sera aussi : le rapporteur général et l’orateur de l’UMP approuvent la stratégie budgétaire et économique suivie depuis juin 2002, nous la désapprouvons.

Nous sommes confrontés à une situation économique fragile. La croissance est elle-même fragile, alors qu’elle est plutôt forte dans le monde, nos résultats sont en deçà de la moyenne européenne, l’ensemble des indicateurs socio-économiques se sont dégradés par rapport à juin 2002 (M. le ministre fait un mouvement de dénégation). Il ne suffit pas de nier de la tête, Monsieur le ministre…

M. le Ministre – Et le chômage ?

M. Didier Migaud – Pour le chômage, nous sommes revenus au niveau de juin 2002, mais pour le déficit…

M. le Ministre – 1983 !

M. Didier Migaud – Le poids du déficit dans le PIB a augmenté entre 2002 et 2006. Quant à l’endettement, quoi que vous affichiez, il est passé d’un peu plus de 56 % du PIB à plus de 66 %. Enfin, les prélèvements obligatoires ont augmenté.

M. Charles de Courson – D’un point.

M. Didier Migaud – Dans ce contexte, vous nous proposez un projet de loi de finances particulièrement injuste. L’impôt sur le revenu va baisser pour un petit nombre de nos concitoyens, mais cette baisse est financée par une hausse des prélèvements obligatoires pour la très grande majorité d’entre eux. Les collectivités locales souffrent elles aussi de votre politique : les charges que vous leur transférez ne sont pas du tout, contrairement à ce que vous dites, « compensées à l’euro près », et elles sont contraintes d’augmenter les impôts locaux – qu’il conviendrait également de réformer pour les rendre plus justes.

Vous parlez beaucoup de justice fiscale, vous proposez souvent de réduire le nombre des niches fiscales, mais vous faites l’inverse, au grand dam du président de la commission des finances – qui se contente de discours, ses propositions étant repoussées par le Gouvernement.

En outre, ce projet manque de sincérité et se résume à beaucoup d’affichage. La dépense publique augmentera moins que l’inflation, nous a dit le rapporteur général ; en réalité, on transforme des dépenses budgétaires en dépenses fiscales ou en dépenses extrabudgétaires ; cela permet de limiter officiellement l’augmentation à 0,8 %, mais elle est en réalité bien supérieure. La Cour des comptes confirmera certainement cette pratique lorsqu’elle remettra son rapport sur l’exécution du budget 2006.

Monsieur le ministre, en répondant tout à l’heure à une question d’actualité, vous vous êtes réjoui que la France soit sortie de la procédure des déficits excessifs. Dois-je vous rappeler quand elle y est rentrée ?

M. le Ministre – Après les 35 heures !

M. Didier Migaud – Non, quand vous êtes arrivés au pouvoir. C’est en effet fin 2002, début 2003 que la Commission a été obligée d’ouvrir cette procédure ! Sous la législature précédente, les critères de Maastricht avaient toujours été respectés.

Vous parlez d’équilibre budgétaire et de la nécessité de réduire l’endettement, Monsieur le ministre, mais pas une seule fois, votre budget n’a atteint l’équilibre du solde primaire. Si ce petit équilibre n’est même pas atteint, il n’y a aucune chance de réduire l’endettement ! Sous la législature précédente, nous l’avions obtenu à trois reprises.

La procédure d’examen budgétaire me semble d’autre part de plus en plus inadaptée…

M. Michel Bouvard – Là-dessus, nous sommes d’accord !

M. Didier Migaud – Je regrette que nous passions autant de temps pour si peu de résultats. Je regrette aussi que le Parlement soit de plus en pris pour un théâtre d’ombres, malgré la LOLF et malgré la bonne volonté – que je reconnais – du ministre du budget. Nous assistons en effet, ces derniers jours, à une multiplication d’annonces, qui ont des conséquences budgétaires et qui engagent les prochaines majorités, mais dont il n’a jamais été question durant les deux mois qu’a duré la discussion budgétaire, à moins que les mesures en question aient été rejetées ! De qui se moque-t-on ?

Après une révélation du Premier ministre, voilà par exemple que vous nous proposez, s’agissant des services à la personne, un crédit d’impôt pour les non imposables. Mais enfin, nous le proposons depuis plusieurs années et vous avez toujours rejeté cette proposition ! Le Premier ministre en parle soudain en conférence de presse et vous introduisez la mesure au Sénat, dans le cadre du collectif, en contradiction d’ailleurs avec la jurisprudence que vient de rappeler le Conseil constitutionnel. De qui se moque-t-on ?

Même chose pour le prélèvement à la source. Il y a depuis février 2002 un rapport complet sur la question à Bercy, à la disposition donc des ministres des finances successifs. Mais chaque fois que l’éventualité d’un passage à ce système fut évoquée, vos prédécesseurs ont répondu par la négative, et durant toute la discussion budgétaire il n’en a pas été question. Et soudain, le Premier ministre nous l’annonce comme une chose sûre et vous-même, Monsieur le ministre, l’évoquez en des termes d’ailleurs – pardonnez ma franchise – très démagogiques et peu responsables…

M. le Ministre – Non.

M. Didier Migaud – Vous avez en effet laissé entendre que 2008 pourrait être une année de non imposition…

M. le Ministre – Faux.

M. Didier Migaud – Quel manque de respect vis-à-vis de nos concitoyens et vis-à-vis de votre majorité ! Le président de la commission des finances l’a bien dit. De son côté, M. Accoyer a protesté énergiquement contre la multiplication de ces annonces, qui reflètent tout simplement une compétition malsaine entre M. de Villepin et M. Sarkozy ! Pensez davantage à l’intérêt des Français, Monsieur le ministre !

Enfin, je me réjouis moi aussi de la récente décision du Conseil constitutionnel, qui rappelle que l’article 40 de la Constitution s’applique aux deux assemblées et que la Constitution donne priorité, s’agissant du budget, à l'Assemblée nationale. Le Gouvernement l’avait un peu trop oublié, le Sénat aussi, semble-t-il.

La CMP n’ayant rien changé au fond du projet, nous voterons contre, comme en première lecture. Mais je souhaite que l’année 2007 soit celle du vrai changement et que la politique économique, budgétaire et fiscale du pays soit corrigée dès juin prochain, à la faveur d’un collectif présenté sous la présidence de Mme Ségolène Royal ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Charles de Courson – En première lecture, le groupe UDF n’avait pas voté le budget pour cinq raisons, toujours valables.

La première est que la hausse des dépenses publiques est excessive et que le degré d’insincérité de la présentation du budget de l’État a atteint un niveau rarement égalé.

Le Gouvernement prétend que les dépenses nettes de l’État n’augmenteront en 2007 que de 0,8 %. Or, le rapporteur général évalue lui-même la hausse au double et le groupe UDF à 2,9 %, compte tenu d’un certain nombre d’artifices de présentation. C’est certes mieux que l’an dernier, où l’on atteignait 3,8 %, mais c’est tout de même trop.

Afin de dissimuler la réalité de la hausse, le Gouvernement a recouru à six mécanismes de dissimulation de la dépense : les prélèvements sur recettes, les remboursements et dégrèvements sur les impôts locaux, les débudgétisations, les fonds de concours, les dépenses fiscales et les sous-compensations à la sécurité sociale et aux collectivités territoriales.

Le rapporteur général nous dit que le nombre d’agents publics de l’État diminue de 15 000 ETP, mais il oublie de rappeler que plus de 10 000 ETP ont été créés chaque année chez les opérateurs, au sens de la LOLF !

Si la hausse des dépenses sociales suit à peu près celle de la richesse nationale, ce n’est pas le cas de la hausse des dépenses publiques locales, qui est plus forte, pour l’essentiel à cause des charges transférées aux départements.

Tout cela fait qu’en cinq ans, le poids de la dépense publique dans la richesse nationale se sera accru d’un point.

Deuxième raison : la prétendue baisse des impôts n’est en fait qu’une moindre hausse. L’ensemble des recettes fiscales brutes de l’État va en effet s’accroître de 3,5 % en 2007. Même la promesse présidentielle de baisser d’un tiers l’impôt sur le revenu n’a été tenue qu’à moitié. Entre 2002 et 2007, les prélèvements obligatoires ont augmenté de presque un point de richesse nationale, contrairement aux engagements pris en 2002 devant les électeurs.

Troisième raison : certaines mesures fiscales ne sont pas justes. Est-il juste, en effet, que le « bouclier fiscal » profite pour les deux tiers de son coût à 14 000 assujettis à l’ISF, soit 4 % des assujettis ? La réforme du barème de l’impôt sur le revenu profitera quant à elle, pour un tiers de son coût, à 1 % des foyers fiscaux. Est-ce socialement équilibré ? L’UDF pense que non.

Le bouclier fiscal à 60 % n’est pas un bouclier fiscal à 60 %, puisque la CSG et la CRDS n’y figurent pas, mais à 71 %. En tenant compte des cotisations sociales, on aboutit à des taux marginaux de quelque 85 %. Le bouclier fiscal va permettre de distribuer 300 millions à 14 000 personnes, parmi les plus fortunées de France, mais ne change rien au fond du problème.

Quatrième raison : les déficits publics se réduisent trop lentement pour contenir l’aggravation de la dette publique. On est en effet passé de 50 milliards en 2005 à 48 en 2006 et 46 en 2007. À cette allure, l’équilibre sera atteint en 2030 ! Le rapporteur général nous dit qu’il le sera en 2010 : cela supposerait de passer de 2 milliards de réduction par an à 15, ce qui n’est guère vraisemblable.

Dans ce contexte, le débat de la campagne présidentielle nous inquiète. Le coût brut du programme du parti socialiste est estimé à 58 milliards – 53 selon notre collègue Besson, en charge de ces questions au parti socialiste.

M. le Ministre – C’est considérable !

M. Charles de Courson – J’ai donc apprécié hier l’interview de François Hollande, qui a reconnu qu’il faudrait une hausse massive de la fiscalité pour financer ce programme tout en réduisant le déficit public.

M. le Ministre – Vous l’avez découvert comme nous, Monsieur Migaud ?

M. Charles de Courson – Pour financer ces 58 milliards, il faudrait quasiment doubler la CSG. Voilà ce qu’on nous propose !

M. Philippe Rouault – C’est la faillite de la France !

M. Charles de Courson – L’UMP n’est pas en reste, puisque l’Institut de l’entreprise évalue le coût brut de son programme à 47 milliards. Dites à vos amis d’arrêter le désastre, Monsieur le Rapporteur général !

M. le Rapporteur – C’est 27 milliards.

M. Charles de Courson – Je retiens la même évaluation que pour le parti socialiste, celle de l’Institut de l’entreprise. Tout cela n’est pas sérieux ! Comme l’écrit le rapporteur général dans son rapport, la réduction des déficits publics n’a pas été la préoccupation du Gouvernement sous cette législature. Seuls 6 % des plus-values de recettes y ont été consacrés. Il ne faut pas s’étonner que le poids de la dette publique dans le PIB se soit considérablement accru, passant de 58,2 % en 2002 à 66,6 % en 2005. La baisse prévue en 2006 et 2007 – 63,6% – n’est due qu’à des ventes massives d’actifs publics et à des opérations de trésorerie. Le problème des finances publiques est devant nous ! Ce sera à la nouvelle majorité de le traiter dans quelques mois.

La dernière raison tient particulièrement à cœur au groupe UDF. En matière de finances locales, le Gouvernement persévère dans les errements de la législature précédente : toujours moins d’autonomie fiscale pour les collectivités territoriales, toujours pas de réforme de la fiscalité locale, maintien des mécanismes incitatifs à la dépense publique locale qui pénalisent les gestionnaires rigoureux – tout cela au mépris des engagements pris à l’égard des collectivités territoriales. Le plafonnement à 3,5 % de la valeur ajoutée de la taxe professionnelle est un mécanisme intenable à moyen terme.

M. Nicolas Perruchot – C’est vrai.

M. Charles de Courson – La discussion à l’Assemblée nationale, au Sénat puis en CMP n’a rien changé à ce diagnostic. Le Parlement continue à voter le budget sans vrai contrôle de la dépense publique. Les audits menés par la Cour des comptes à la demande de la commission des finances n’ont pas débouché. Nous n’avons ainsi tiré aucune conséquence du rapport qui démontre que les 25 milliards d’exonérations de charges n’ont aucune incidence pour les grandes entreprises et pour les salaires dont le niveau excède celui du SMIC de 40 % à 50 % ; nos remarques concernant les dégrèvements et exonérations de fiscalité locale n’ont pas davantage été prises en compte ; aucune suite n’a été donnée aux propositions que nous avions faites sur les avantages relatifs aux retraites des fonctionnaires dans les DOM-TOM, qui représentent un surcoût de plus d’un milliard pour le contribuable national ; la Cour des comptes a eu beau démontrer que la PPE n’incitait pas à la reprise d’activité, nous n’en avons tiré aucune conséquence. Des mesures fiscales décidées brutalement par le Gouvernement nous sont soumises hors lois de finances. Et on finance tout cela à crédit !

L’UDF a rappelé que seul l’achèvement des quatre grandes réformes – celles des retraites, de l’assurance maladie, de l’État et des collectivités territoriales – permettra de redresser durablement nos finances publiques. Même s’il est un peu moins mauvais que celui de 2006, le budget 2007 n’est pas à la hauteur de la gravité de la situation. Il reflète un manque de courage et de vision à moyen terme. Le groupe UDF ne le votera donc pas.

M. Nicolas Perruchot – Très bien !

M. Jean-Claude Sandrier – Nous arrivons au terme de cette discussion budgétaire avec un pénible sentiment de déjà vu : même application à poursuivre dans la voie du dogmatisme libéral et de l’injustice sociale, même litanie de préceptes, même travestissement de la réalité économique et sociale. Je salue malgré tout les propos du président Méhaignerie, qui a reconnu à sa manière la pertinence de notre action.

Cinq ans bientôt que dure votre aveuglement, cinq années dont notre pays sortira meurtri : aggravation des inégalités, précarisation du travail et des conditions d’existence, élargissement de la fracture sociale, tel sera votre bilan avec, en face, l’insolent enrichissement d’une caste de nantis à laquelle vous avez réservé pour 23 milliards de cadeaux fiscaux, soit la moitié du déficit budgétaire, tout en augmentant les prélèvements obligatoires. Quel échec !

Comparez le coût des dispositifs favorables aux placements financiers, à la gestion de patrimoine, aux successions et de ceux portant sur les traitements, salaires et pensions. En presque dix ans, le SMIC a doublé, mais les dividendes ont été multipliés par 9 ! Nous assistons en outre depuis cinq ans à une aggravation du gaspillage de l’argent public. Selon la Cour des Comptes, 17 des 20 milliards d’euros de baisse des cotisations patronales sont demeurés sans effet sur l’emploi.

Vos budgets successifs n’ont eu vocation qu’à déplacer l’argent public vers la sphère privée. Les revenus fonciers – 24 milliards en 2004 – bénéficient de 1,7 milliard d’allégements fiscaux, et les revenus des capitaux mobiliers de 7 milliards !

De tels dispositifs ne profitent qu’aux plus riches, c’est-à-dire aux 400 000 foyers qui retiennent votre attention, au nom de l’attractivité de la France – dites-vous pour feindre de servir l’intérêt général. Vos cadeaux aux plus riches, aux actionnaires, aux grandes entreprises n’auront pourtant en rien servi celui-ci. Une législature aura suffi pour que la dette publique, malgré la vente au plus offrant de fleurons de nos entreprises publiques, bondisse de 250 milliards. La Cour des Comptes vous tient pour responsables de la hausse de 8 points de la dette publique. Même si notre dette nette reste inférieure à celle des autres pays de l’OCDE et de la zone euro, la question demeure : à quoi sert-elle ? Ni à l’investissement public, ni à celui des entreprises ; pas davantage à la réduction des inégalités, non plus qu’à la croissance !

Une législature aura suffi pour qu’au lieu du renforcement des capacités de production de notre économie, nous assistions à la réduction des investissements des entreprises, à la disparition de 265 000 emplois industriels, à la dégradation de notre commerce extérieur, qui accuse désormais un déficit de près de 20 milliards d’euros, en hausse de 5 milliards sur 2005.

Tout cela parce que l’effort de recherche n’a pas été à la hauteur, parce qu’aucune contrepartie en termes d’emplois, de localisation ou d’investissement n’a été demandée aux plus riches. Vous êtes bien les champions du gaspillage des deniers publics : votre transfert sur la sphère privée se révèle un puits sans fond, et surtout sans contrôle.

Malgré votre autosatisfaction, c’est une France terriblement affaiblie que vous laissez au terme de cette législature, y compris au plan des valeurs, car la part des salaires dans les richesses créées diminue par rapport à celle des profits et des rentiers. Et comme si cela ne suffisait pas, le Sénat a augmenté le plafond des exonérations de cessions d’actions ! Pour couronner le tout, les Français qui se sont enrichis avec l’argent de leurs concitoyens vont payer leurs impôts ailleurs sous prétexte qu’ils en payent trop en France. Mais a-t-on dit à nos concitoyens combien il reste ensuite à ces malheureux ?

Votre triste bilan n’a que le mérite de souligner l’exigence d’une autre politique économique et sociale, pour que notre pays renoue avec une croissance saine, créatrice de richesses et d’emplois et respectueuse de l’environnement – tout le contraire de ce thatchérisme démodé dont vous vous glorifiez.

Qu’attendons-nous pour mettre en place un crédit sélectif à taux bonifié pour les PME et PMI qui investissent et créent des emplois, en pénalisant les grands groupes qui utilisent les salariés comme variable d’ajustement ? Pauvreté et précarité sont devenus le quotidien de millions de nos concitoyens, au point qu’un Français sur deux craint de se trouver un jour sans abri. Ce seul sondage devrait faire frémir, mais rien ne peut bousculer votre dogmatisme. Que le nombre des érémistes ait augmenté de 100 000 l’an dernier, que celui des retraités vivant sous le seuil de pauvreté ait progressé de 63 % en dix ans, que 3,2 millions de personnes aient recours au camping ou à l’hôtel pour se loger, rien de tout cela ne semble vous concerner ! Vous vous êtes d’ailleurs empressés, depuis 2004, de transférer une partie de ces charges sur les collectivités locales, autres grandes perdantes de votre politique. Malgré les inquiétudes exprimées par les associations d’élus locaux devant l’accroissement de leurs charges, vous continuez d’assécher les finances de nos collectivités tout en leur demandant d’être les pompiers des incendies sociaux et les derniers garants du maintien des services publics.

Les représentants des trois associations d’élus ont encore estimé récemment que l’État devait « cesser de peser sur les dépenses des collectivités locales par des transferts non compensés et la territorialisation des politiques publiques ». Le rapport élaboré par Philippe Valletoux, vice-président de Dexia Crédit local, s’il entend « définir les contours d’une nouvelle architecture des pouvoirs fiscaux dévolus aux collectivités territoriales » pour remédier à cette situation, autorisera les collectivités à accroître la pression fiscale sur les ménages tout en restreignant leur indépendance.

Cette situation est le fruit de votre refus de trouver de nouvelles ressources publiques, de taxer les plus-values boursières, à commencer par celles de Total – 20 milliards d’euros – et les actifs financiers, qui ont augmenté de 107 % en dix ans, et de réorienter les exonérations de charges patronales demeurées inutiles. Car de l’argent, il y en a pour le pouvoir d’achat, la recherche, l’éducation, la protection sociale. Tout est affaire de choix. Notre collègue de Courson s’interrogeait tout à l’heure sur le financement du programme du parti socialiste. Je peux lui donner quelques chiffres. 1 % de taxation des actifs financiers, c’est 35 milliards. Avec les 17 milliards d’exonérations de charges qui ne servent à rien, on arrive à 52 milliards. Ajoutons-y 6 milliards de dividendes de Total. Voilà un financement…

M. le Président de la commission – Et tout le monde s’en va !

M. Jean-Claude Sandrier – De toute façon, ceux qui partent choisissent les paradis fiscaux !

Enfin, un amendement sénatorial est venu porter un nouveau coup bas au régime d’indemnisation du chômage des intermittents du spectacle, en dégradant la solidarité interprofessionnelle et en lui substituant un fonds dont le fonctionnement est fixé par décret.

C’est parce que vous confondez l’intérêt général avec l’intérêt privé de quelques uns, au risque d’entraîner une aggravation des inégalités, une baisse du pouvoir d’achat et une détérioration des conditions de vie de plusieurs millions de nos concitoyens, que nous voterons résolument contre ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains).

M. Alfred Marie-Jeanne – Je croyais que la CMP du PLF pour 2007 avait été bien inspirée, en retirant l’amendement présenté an ba fèy – c’est-à-dire en catimini – par un groupe de sénateurs pour instaurer un droit additionnel à l’octroi de mer régional. Or je viens d’apprendre que deux nouveaux amendements – qui portent les numéros 200 et 201 rectifié – reviennent ce soir au Sénat pour être discutés dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2006.

Ce jeu de cache-cache dissimule en fait une double attaque frontale : l’une contre le conseil régional, l’autre contre la population, puisque l’on demande à tous de payer les déficits cumulés de collectivités mal gérées. Cela me donne l’occasion de rappeler que, même si une révision de la fiscalité outre-mer semble s’imposer, des raisons objectives militent pour faire preuve de la plus extrême prudence devant toute velléité d’évolution sans consultation préalable. Monsieur le ministre, de grâce, faites retirer ces amendements qui n’honorent ni la démocratie, ni le travail parlementaire, ni le Gouvernement.

L’octroi de mer, pour ne parler que de lui, est un sujet extrêmement sérieux, qui met en jeu les intérêts du plus grand nombre, qu’il s’agisse des régions, du département de Guyane, des communes, des entreprises ou des consommateurs. Il convient donc d’éviter de le menacer au détour d’un d’amendement destiné à ne profiter qu’à un petit nombre de grandes villes, fussent-elles capitales.

Est-il besoin de signaler que plus de 29 millions sont déjà mobilisés sur les ressources de l’octroi de mer des communes pour régler les contentieux ? Est-il besoin de répéter que, malgré cet effort imposé à la seule Martinique, il reste 26 dossiers pendants devant les tribunaux, ce qui représente un risque potentiel pour les collectivités de débourser encore davantage ? Est-il besoin de rappeler que la loi du 2 juillet 2004 visant à mettre en œuvre la décision communautaire du 10 février 2004 confirmait l’octroi de mer dans sa fonction de soutien au développement économique et de pourvoyeur de ressources aux collectivités ?

C’est ainsi qu’en 2003, 68 millions d’exonérations sur la production et près de 24 millions d’exonérations sur les biens d’équipement et les matières premières ont représenté l’aide concrète de l’ensemble des collectivités martiniquaises aux entreprises.

Quel sera donc l’impact de ce droit additionnel s’il est finalement adopté ? Sera-t-il acceptable d’être encore mis à contribution, alors même qu’une fiscalité spécialement favorable a déjà été créée pour les villes-capitales et autres communautés d’agglomération ? Je rappelle que ces dernières bénéficient du versement transport, d’une sur-dotation du fonds régional pour le développement et l’emploi – dont le montant a sextuplé en 2005 pour la seule ville-capitale – et du double émargement au fonds d’investissement routier et de transport. S’agissant du fonds régional pour le développement et l’emploi, le conseil régional a été dépossédé de cette compétence au profit du préfet, ce qui constitue un exemple manifeste de décision prise de façon précipitée et unilatérale pour porter atteinte à la décentralisation. Quant à la centralité, subitement prônée en faveur des capitales, devra-t-elle s’exercer au détriment de la périphérie ? Une telle approche ne remettra-t-elle pas en cause les logiques d’aménagement ?

Il n’est pas légitime d’instrumentaliser le droit des finances publiques pour susciter des conflits permanents entre collectivités. Et je rappelle au passage que toutes les communes sont confrontées à des besoins financiers croissants, liés à un nouvel agencement des charges relatives à l’assainissement, à la titularisation du personnel ou à la sécurité.

En définitive, c’est une réforme fiscale très profonde qui s’impose, et elle passe obligatoirement par la clarification des compétences, la concertation systématique, la recherche de solutions adaptées à chaque territoire et l’affirmation du principe de la restitution par l’État des recettes prélevées sur le territoire, au lieu de prélèvements persistants opérés à la source sur les fonds communaux régionaux. Monsieur le ministre, le débat doit toujours être préféré aux attaques sournoises. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Philippe Edmond-Mariette –Très bien !

M. le Président – Conformément à l’article 113, alinéa 3, du Règlement, je vais à présent appeler l’Assemblée à statuer sur les amendements du Gouvernement au texte de la CMP, que M. le ministre a souhaité présenter de manière groupée.

M. le Ministre – Le Gouvernement présente tout d’abord trois amendements de suppression de gage, aux articles 4 bis, 7 ter et 12 ; ensuite, six amendements rédactionnels ou de précision : cinq d’entre eux concernent les articles 8 ter, 40 bis, 40 bis A, 40 bis B et 40 bis F et le dernier consiste en une réécriture un peu plus fouillée de l’article 40 quinquies, lequel autorise les collectivités locales à instituer une taxe sur les déchets ménagers. La complexité de cet article explique que le Gouvernement a cru utile – en liaison avec votre commission des finances, à laquelle je rends une nouvelle fois hommage – de revenir sur le texte issu de la CMP, en vue de le rendre plus facilement applicable.

Viennent ensuite trois amendements de coordination avec les dispositions du PLFR pour 2006 : l’amendement 5 supprime l’article 8 relatif au régime des acomptes d’IS, puisque le dispositif est intégralement repris dans l’article 2 du collectif ; l’amendement 7 – à l’article 34 – minore de 20 millions les crédits du crédits du programme « remboursement et dégrèvements d’impôts d’État », pour tirer les conséquences de la limitation aux seules missions militaires relevant du ministère de la défense – à l’exclusion de la majeure partie des activités de la gendarmerie nationale – l’exonération de TIPP, laquelle est prévue à l’article 4 du collectif ; enfin, l’amendement 11 récrit l’article d’équilibre – l’article 33 – pour tirer les conséquences de l’ensemble des dispositions du PLFR pour 2006 ayant un impact chiffrable sur l’équilibre 2007.

Outre la baisse des remboursements et dégrèvements déjà mentionnés, il convient d’indiquer une baisse de 160 millions de recettes fiscales, résultant, pour 114 millions, du transfert de droits du tabac au fonds unique de péréquation, le reste se répartissant, pour l’essentiel, entre l’IR – pour 18 millions – et la taxe spéciale sur les conventions d’assurance – pour 10 millions.

Les recettes non fiscales sont également revues à la baisse pour 25 millions, ce qui correspond à l’allégement de la TACA décidé à l’initiative des deux assemblées du Parlement.

Au total, le déficit enregistre donc une augmentation de 165 millions par rapport au texte de la CMP, pour atteindre 41,996 milliards – à rapprocher des 41,647 milliards du PLF.

Je souhaite enfin revenir sur l’amendement 10, lequel rétablit l’article 53 bis, dont la CMP avait demandé la suppression. Or cet article prend une mesure de justice, pour remédier à une inégalité entre les titulaires de l’AAH et les ayants droit du fonds spécial d’invalidité. Grâce à lui, ces derniers pourront désormais percevoir le complément de ressources et la majoration pour la vie autonome dont bénéficient déjà les titulaires de l’AAH, dès lors qu’ils remplissent les mêmes conditions. Cette mesure sera financée par un redéploiement des crédits de la mission « solidarité et intégration », dotée de 12 milliards, dont 8 milliards pour le seul programme « handicap et dépendance ».

Tels sont, Mesdames et Messieurs les députés, les amendements de nouvelle lecture que vous soumet le Gouvernement.

M. le Rapporteur – Bien évidemment, la commission mixte n’a pas examiné ces différents amendements. À titre personnel, je suis favorable à leur adoption, et notamment à celle de l’amendement d’équilibre qui reprend les différentes mesures prises au Sénat et, ici-même, au titre du collectif.

En revanche, je voudrais m’étendre sur l’amendement 10 relatif à l’AAH, car il pose quelques problèmes. Il est tout à fait exact qu’il existe aujourd’hui une anomalie. Les titulaires de l’AAH peuvent percevoir un complément de ressources leur permettant d’atteindre 80 % du SMIC. Par contre, d’anciens salariés, pris en charge par le fonds spécial d’invalidité après avoir été victimes d’un accident du travail, touchent certes l’AAH, mais sans bénéficier du complément de ressources. À peu près 25 000 personnes sont dans ce cas et il serait tout à fait normal, d’autant qu’elles ont cotisé par leur travail, de leur ouvrir les mêmes droits.

Le problème auquel s’est affronté la CMP, c’est que cette mesure, qui aurait dû être étudiée dans le cadre de la préparation du PLF, ne l’a pas été. Or les évaluations de son coût varient – selon qu’elles proviennent du ministère des affaires sociales ou de Bercy – entre 25 et 100 millions…

M. Charles de Courson – Tiens, comme l’IS !

M. le Rapporteur – C’est donc une mesure très lourde, et qui n’est pas financée. Le ministre indique qu’elle le sera en exécution : cela serait très bien si les crédits disponibles étaient suffisants ! Or nous savons tous que tel n’est pas le cas et que l’AAH accuse un besoin de financement. La meilleure preuve en est que l’allocation est versée, pour le compte de l’État, par le réseau des CAF, et que cela entraîne une créance de la sécurité sociale d’au moins 100 millions, parce que les crédits ouverts dans le budget ne sont pas suffisants. La CMP a naturellement pris en considération ces différents éléments.

Un autre problème tient au fait qu’une disposition aussi importante – dont je ne conteste absolument pas l’intérêt – méritait d’être examinée par notre Assemblée. Je me dois de dire qu’il n’est pas normal qu’une mesure de ce type soit examinée au Sénat sans que nous en ayons été saisis…

M. Charles de Courson – De toute façon, le Conseil constitutionnel l’annulera !

M. le Rapporteur – …et qu’elle nous revienne ensuite par le biais d’une CMP.

Nous avons longuement travaillé sur ce dispositif en CMP et nous avons décidé qu’il valait mieux demander au Gouvernement de l’inscrire dans un texte qui permettra une vraie discussion. Il est donc de mon devoir d’émettre un avis réservé car il s’agit d’une mesure d’équité, mais elle n’est pas financée.

M. Charles de Courson – Au nom du groupe UDF, j’ai quatre observations à présenter.

D’abord, l’amendement 5 qui supprime l’article 8 relatif au régime des acomptes d’impôt sur les sociétés est la preuve d’une réelle improvisation. On parle d’augmentation du produit de l’IS de 500 millions, mais ce sera peut-être bien un milliard – on a vu une annonce de 500 millions se transformer en deux milliards. Le groupe UDF est donc contre.

S’agissant des amendements 11 et 7, concernant l’exclusion des activités civiles de la gendarmerie du bénéfice de l’exonération de la TIPP accordée au ministère de la défense, nous étions parvenus à un compromis en commission. Mais le Gouvernement, suite à des observations de l’UDF et de l’UMP, s’était engagé à rétablir 20 millions sur le budget de la gendarmerie. Cet engagement n’est pas tenu ici.

Pour ce qui est ensuite de la mesure de justice proposée à l’amendement 10, l’UDF y est favorable. Mais une évaluation qui oscille entre 25 millions et 100 millions n’est pas très sérieuse. Ensuite, comme les socialistes vont saisir le conseil constitutionnel, cette mesure sera annulée.

M. Guy Geoffroy – Laissez donc le conseil constitutionnel décider.

M. Charles de Courson – Soyons sérieux, il y a une jurisprudence constante, qui vient de conduire à l’annulation de 20 des 40 articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Enfin je souligne que la taxe prévue pour les usines d’incinération, à 3 euros, représente un euro par habitant, alors que le coût du traitement des ordures ménagères est déjà de près de cent euros par habitant. Certes, la CMP l’a ramenée à 1,5 euros. Mais les communes où ces usines seront implantées perçoivent déjà la taxe sur le foncier bâti et la taxe professionnelle pour des montants considérables. Dans la Marne, une des deux usines d’incinération est installée dans une petite commune, qui va ainsi en bénéficier. Il y a quand même là un problème.

M. le Rapporteur – L’amendement 5 qui supprime l’article relatif aux acomptes d’impôt sur les sociétés a été demandé par la commission des finances. En effet, des dispositions à ce sujet figuraient à la fois en loi de finances pour 2007 et en loi de finances rectificative. Exauçant notre demande, le Gouvernement a accepté de les regrouper dans ce deuxième texte, ce dont nous le remercions, et, en conséquence, il en demande ici la suppression.

M. Charles de Courson – C’est quand même un signe d’improvisation.

Quant à la taxe en faveur des communes qui acceptent d’accueillir une usine d’incinération, nous en discutions avec le Sénat depuis deux ans. L’association des maires de France et M. Pélissard souhaitent ardemment cette mesure. Nous avons trouvé une solution équilibrée, en réduisant le plafond de la taxe de 3 euros à 1,5 euro. On peut voter ce dispositif en confiance.

M. Guy Geoffroy – À titre personnel, mais en exprimant, je l’espère, un avis plus général, s’agissant de l’AAH, je donne volontiers acte de sa nécessaire rigueur à la commission des finances. Au passage, je dirai à M. de Courson que le sérieux n’est pas réservé à certains. Après tout, il nous avait juré qu’une certaine loi organique n’était pas constitutionnelle et le Conseil l’a démenti. Ce que propose le Gouvernement est nécessaire, et je suis sûr qu’il saura tenir compte de ce qui a été dit ici et en CMP. Mais n’adressons pas un mauvais message à nos concitoyens handicapés.

M. le Ministre – La mesure concernant l’AAH sera financée par redéploiement et elle est d’initiative parlementaire puisqu’elle a été proposée par un sénateur.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté de même que les amendements 2, 5, 3, 4, 6.

M. Charles de Courson – Avant de passer au vote sur l’amendement 11, je voudrais obtenir la réponse à la question que j’ai posée à propos de la minoration de 20 millions des remboursements et dégrèvements liés à l’exclusion des activités civiles de la gendarmerie du bénéfice de l’exonération de TIPP accordée au ministère de la défense. M. Copé s’était engagé à rétablir les crédits de façon à traiter la gendarmerie de la même façon que le reste de l’armée. Ces 20 millions n’apparaissent pas ici. Comment le Gouvernement compte-t-il honorer cette promesse ?

M. le Ministre – À la demande de votre assemblée, cette mesure a été limitée à la mission Défense. L’exonération ne s’appliquera pas à la gendarmerie. Elle sera financée par dégel.

L'amendement 11, mis aux voix, est adopté, de même que les amendements 7, 12, 8, 13 et 9.

M. Charles de Courson – L’amendement 10 relatif à l’AAH illustre une mauvaise habitude prise par les gouvernements successifs : l’exposé des motifs n’en donne pas le coût. Le Gouvernement peut-il l’indiquer ?

M. le Ministre – 50 millions.

L'amendement 10, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – Je ne suis saisi d’aucune demande d’explication de vote.

L’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la CMP modifié par les amendements du Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
La séance, suspendue à 18 heures, est reprise à 18 heures 5.

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Équilibre de la procédure pénale

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, des projets de loi relatifs à la justice.

M. le Président – J’appelle, dans le texte du Gouvernement, les articles du projet du loi tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale.

AVANT L'ARTICLE PREMIER

M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois – Je présenterai ensemble les amendements 76 à 81, adoptés par la commission et tous relatifs à la collégialité, dont le principe avait été retenu par la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau, puis approuvé par le Garde des Sceaux.

Pour des raisons tenant essentiellement à des problèmes de disponibilité immédiate des moyens en personnel, le projet initial du Gouvernement ne donnait pas toute sa place au principe de collégialité, puisqu’il était seulement proposé de créer des pôles de l’instruction et d’instaurer une procédure de co-saisine. Souhaitant aller plus loin, la commission avait alors choisi de supprimer les articles premier et 2 de ce texte, dans l’espoir qu’une évolution de la réflexion permettrait de nous rapprocher davantage des conclusions formulées par la commission sur l’affaire d’Outreau.

Tel est l’objet de cette série d’amendements, qui proposent d’instaurer la collégialité dans un délai de cinq ans à compter de la publication de la loi, afin de rompre la solitude du juge d’instruction et d’instaurer des complémentarités dans le travail d’enquête, notamment grâce au croisement des regards sur un même dossier. Dans ce but, nous demandons que l’instruction soit confiée à un collège composé de trois juges et coordonné par un magistrat de premier grade. La commission Outreau avait en effet mis en lumière la relative inexpérience des juges formant le tribunal de grande instance…

Afin d’apporter un maximum de garanties aux justiciables, cette instance collégiale serait chargée des demandes de mise en examen, de contrôle judiciaire, de détention provisoire, de remise en liberté et enfin des ordonnances de règlement, les autres actes pouvant être confiés par le magistrat coordinateur à un des membres du collège de l’instruction.

Tous les autres amendements sont de coordination. La commission, après avoir adopté ces dispositions conformément à l’article 88 de notre Règlement, a décidé de rétablir les articles premier et 2. Nous ferons ainsi des pôles de l’instruction la préfiguration de ce que sera le dispositif complet dans cinq années. En effet, il ne s’agit pas d’amendements d’appel, mais de mesures précises qui trouveront leur transcription dans le code de procédure pénale avec toutes les coordinations nécessaires.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice  À l’instar du rapporteur, je m’exprimerai sur l’ensemble des amendements. Je rappelle tout d’abord que le Gouvernement a fait siennes les conclusions de la commission sur l’affaire d’Outreau : nous devons conserver l’institution du juge d’instruction, tout en appliquant dès que possible le principe de collégialité.

La commission d’enquête s’est en effet interrogée sur le maintien du système actuel, se demandant si nous devions en venir à une justice de type accusatoire sur le modèle américain, où les parties mènent l’enquête et où l’instruction se fait au cours de l’audience. Malgré les résultats décevants enregistrés en Italie, certains juristes souhaitaient de leur côté que le juge d’instruction se transforme en un « juge de l’instruction », chargé d’arbitrer entre les parties. Aucune de ces propositions n’a été retenue, car nous aurions transféré la charge de la preuve aux parties, bouleversant l’organisation actuelle de la justice. Comme l’avait déjà fait en 1985 le Parlement, la commission d’enquête a donc considéré à une très large majorité que nous devions conserver le juge d’instruction. Si les majorités changent, elles restent en accord sur ce point.

Contrairement à l’opinion la plus répandue – la justice pâtirait avant tout d’un budget insuffisant –, les principales difficultés d’application du principe de collégialité ne résultent pas d’une insuffisance des crédits : une nouvelle loi d’orientation sera sans doute nécessaire afin de poursuivre les efforts déjà engagés – 38 % de hausse pour le budget de la justice en cinq ans –, mais nous nous heurterons d’abord à un problème de formation. En effet, nous ne pourrons pas disposer immédiatement des quelque 240 magistrats nécessaires au fonctionnement de ces collèges.

J’ajoute que la suppression du juge des libertés et de la détention, évoquée par la commission sur l’affaire d’Outreau, ne pourra intervenir qu’une fois assurée la collégialité.

La question était de savoir comment faire avec les moyens humains actuels – ce n’était pas une question budgétaire. Il fallait trouver une solution transitoire orientant à terme vers la collégialité. J’ai donc proposé, sans revenir sur la présence d’au moins un juge d’instruction par tribunal de grande instance, la constitution de pôles de l’instruction. Il y en aura 125 au total, les départements les plus petits pouvant ne pas en avoir quand de gros départements, comme le Pas-de-Calais, pourront en avoir plusieurs. Je rappelle qu’il existe aujourd’hui 181 tribunaux de grande instance en métropole et outre-mer. Ces pôles de l’instruction comporteront au moins deux juges d’instruction, dont l’un expérimenté.

Contrairement à ce que l’on entend dire ici ou là, la carte judiciaire n’est absolument pas bouleversée. Il existe d’ailleurs déjà des pôles de l’instruction comme le pôle anti-terroriste, dont on vient du monde entier étudier le fonctionnement…

M. Christophe Caresche – Il y a aussi le pôle financier, dont les résultats sont moins brillants.

M. le Garde des Sceaux  J’y viens, et je ne partage pas votre avis sur ses résultats. Il y a aussi les pôles santé, et il y en aura d’autres demain. Nous avons ainsi songé à en créer deux pour les affaires maritimes, l’un à Toulon, l’autre à Brest. Les évolutions ont été telles qu’aujourd’hui, la justice est nécessairement spécialisée. J’oubliais d’ailleurs les juridictions interrégionales spécialisées, les JIRS, chargées des affaires de grande délinquance et de grand banditisme, qui obtiennent d’excellents résultats.

Nous aurons donc des pôles de l’instruction avant d’avoir demain des collèges de l’instruction. Seules 5 % des affaires sont aujourd’hui soumises à instruction et seules les affaires complexes seront traitées par les pôles, étant entendu que les affaires instruites par les pôles, retourneront devant la juridiction de départ pour être jugées. Nous avons pris en compte les frais de déplacement que pourraient engager les avocats devant se rendre dans les pôles et les moyens financiers nécessaires sont prévus.

La commission d’enquête sur Outreau a voté à l’unanimité la création de collèges de l’instruction, et votre commission reprend cette proposition sous la forme de cinq amendements, auxquels, je l’indique d’emblée, je suis favorable. Les pôles de l’instruction qui vont être immédiatement créés constituent en quelque sorte une préfiguration des collèges de l’instruction, lesquels, lorsqu’ils seront en place, dans cinq ans, pourront s’accompagner de la suppression du juge des libertés et de la détention. Nous aurons, avec cette réforme, répondu aux attentes.

Nous ne manquons pas à l’heure actuelle en France de magistrats, comme cela m’a d’ailleurs été confirmé lors de tous mes déplacements en juridiction, mais seulement de greffiers, du fait notamment de l’allongement de leur scolarité. D’ici un an, ce problème d’effectif sera réglé et nous pourrons commencer à travailler à la mise en œuvre des collèges de l’instruction, tout en veillant à anticiper les problèmes que poseront les départs massifs en retraite qui interviendront à compter de 2010.

M. André Vallini – Monsieur le Garde des Sceaux, je ne suis absolument pas d’accord avec vous quand vous prétendez que nous aurions aujourd’hui assez de magistrats en France. Savez-vous que certains juges d’instruction suivent parfois jusqu’à cent dossiers ? Je suis triste pour vous que vous soyez à ce point inconscient de la situation de la justice dans notre pays.

Reprenant ma bible que constitue le rapport de la commission d‘enquête sur Outreau, voté à l’unanimité, je rappellerai les propositions 14 et 15. La première visait à « créer, à l’échelon de chaque cour d’appel, des pôles de l’instruction composés d’un ou plusieurs collèges de trois magistrats… » ; la seconde à « instituer une collégialité composée d’un magistrat du premier grade – au moins sept ans d’ancienneté –, d’un magistrat du second grade, ces deux magistrats étant inscrits sur une liste d’aptitude, et d’un magistrat sortant de l’ENM lui-même déclaré apte à exercer cette fonction ». Tous les membres de la commission d’enquête étaient déterminés à mener à bien cette réforme. Précipitant les choses, vous avez préféré, Monsieur le Garde des Sceaux, proposer la mise en place de pôles de l’instruction. Vos propositions ont été fort malmenées en commission des lois, notamment par des députés de votre majorité, certains parlant de « rafistolage », d’autres de « fausse bonne idée ». Nos collègues de l’UMP ont courageusement proposé de restaurer les collèges de l’instruction que tous nous souhaitions. Puis il dut y avoir des tractations entre vous, et nous voici soumise une proposition boiteuse, qui de l’aveu même de MM. de Roux, Fenech ou bien encore Marsaud, relève de l’affichage électoral, puisque la réforme ne verra au mieux le jour que dans cinq ans. Nous vous proposerons, pour notre part, par notre amendement 172 à venir d’instaurer dès maintenant la collégialité de l’instruction, pour remédier une fois pour toutes à la solitude du juge d’instruction et à l’inexpérience de certains d’entre eux, qui ont si lourdement pesé dans l’affaire d’Outreau où le juge Burgaud s’est trouvé à la fois seul et inexpérimenté.

M. Michel Vaxès – Nous soutiendrons ces amendements du rapporteur qui vont dans le sens de ce que nous préconisions, à savoir une chambre d’instruction de premier degré avec trois magistrats, qui aurait statué à la majorité. Nous pensions que cela aurait été plus simple, le problème financier restant le même. Nous ne pourrons en revanche soutenir l’article 16 qui reporte la mise en œuvre de la réforme dans cinq ans. C’est tout de suite qu’il faut instituer la collégialité de l’instruction, comme l’a proposé la commission d’enquête.

Nous soutiendrons ces amendements, mais non le délai de cinq ans, considérant qu’il est possible d’appliquer dès maintenant la collégialité.

M. Christophe Caresche – Ces propositions un peu cafouilleuses témoignent du problème que pose l’examen de ce projet de loi… Il n’est guère satisfaisant d’adopter des dispositions applicables dans cinq ans. La raison de ce renvoi, c’est que vous ne voulez pas, ou que vous ne pouvez pas, toucher à la carte judiciaire : vous voulez maintenir un juge d’instruction dans chaque TGI, ce qui empêche de concentrer les moyens.

M. Jérôme Bignon – C’est facile à dire quand on est député de Paris !

M. Christophe Caresche – Nous sommes les représentants de la nation, non d’un territoire particulier, Monsieur Bignon. Bref, on ne fera pas la collégialité, ni même les pôles d’instruction sans toucher à la carte judiciaire. Mais c’est un risque que vous ne voulez pas prendre à six mois des élections.

M. Olivier Jardé – Je suis pour la collégialité car il n’est pas facile d’être tout seul face à un dossier difficile. Cependant il n’est pas forcément nécessaire d’aller jusqu’à trois magistrats : deux peuvent suffire. Et pourquoi attendre cinq ans ? Il faut l’appliquer tout de suite, c’est indispensable pour rendre à notre justice sa crédibilité.

M. Philippe Houillon, président de la commission des lois – Sur tous les bancs, l’on partage l’idée que la collégialité est une bonne formule. Ce n’est d’ailleurs pas une révolution puisqu’une loi proposée en 1985 par M. Badinter et promulguée en 1986 instituait déjà des « chambres d’instruction ». Mais celles-ci n’ont jamais vu le jour… Pourquoi ? Faute de moyens budgétaires et d’effectifs. Ne commettons pas la même erreur !

Monsieur Vallini, vous ne pouvez pas à la fois dire, comme vous l’avez fait tout à l’heure, qu’il n’y a pas suffisamment de magistrats dans la configuration actuelle, et soutenir qu’il faut mettre en place la collégialité tout de suite ! Nous faisons le choix de reprendre les idées de M. Badinter, mais en faisant en sorte, grâce au délai de cinq ans, qu’elles puissent être appliquées. Un amendement demandera au Gouvernement d’établir, à mi-chemin, un rapport adressé au Parlement sur les outils utilisés pour atteindre cet objectif.

Sur la carte judiciaire, il ne faut pas être doctrinaire, ni dans un sens ni dans l’autre : on ne peut décider d’emblée qu’il y aura un tribunal par département, ni affirmer qu’on ne touchera jamais à la carte judiciaire. Il faut d’abord regarder, évaluer, en constatant que les magistrats expérimentés ne veulent pas aller dans certains petits tribunaux : commençons par là.

M. le Garde des Sceaux  Très bien !

M. Léonce Deprez – Pour les députés qui n’ont pas participé aux travaux de la commission des lois dans leur phase finale, il n’est pas simple de comprendre ce qui s’est passé. Sans doute a-t-on recherché un compromis entre différents points de vue, mais ceux qui ont vécu intensément les auditions et les débats de la commission d’enquête sont ce soir quelque peu préoccupés – le mot est faible. Nous avons toujours à l’esprit les conséquences dramatiques de la solitude du juge d’instruction, comme la fameuse phrase du juge Burgaud : « Personne ne m’avait indiqué que je faisais fausse route ». Nous avons voulu que l’instruction devienne collégiale ; oui ou non, traduisons-nous aujourd’hui cette volonté ? J’ai compris que l’on ne manquait pas seulement de crédits, mais aussi de moyens humains, mais sommes-nous assurés que, dès la promulgation de cette loi, l’instruction sera obligatoirement un travail en équipe, ou va-t-on risquer une nouvelle affaire d’Outreau ?

M. le Rapporteur – La question de la solitude du juge d’instruction commence à être réglée par le dispositif mis en place. En effet, toutes les affaires criminelles seront systématiquement traitées par les pôles de l’instruction ; les affaires qui auront fait l’objet d’une décision de cosaisine, dès le début ou en cours d’instruction, le seront aussi.

Néanmoins, le pôle de l’instruction n’est pas la collégialité, qui sera la réunion de trois juges pouvant prendre une décision collégiale, mais que nous ne pouvons pas mettre en oeuvre immédiatement ; c’est un dispositif intermédiaire.

Monsieur Deprez, il n’y a pas eu négociation d’un compromis, mais discussion sur la base des souhaits formulés par la commission des lois.

Sans aucun esprit de polémique, je voudrais tout de même dire que si le législateur avait institué la collégialité en 1985, tout en prévoyant que l’on y consacrerait les moyens nécessaires par la suite, celle-ci aurait pu être effective en 1990, par exemple, et nous n’aurions peut-être pas connu Outreau et d’autres affaires.

Ce que nous faisons là n’est pas du rafistolage, mais la création d’un dispositif crédible, qui ouvre des perspectives sur lesquelles nous pourrons peser, puisque le rapport demandé au Gouvernement au bout de deux ans nous permettra de mesurer comment fonctionnent les pôles d’instruction et de déterminer aussitôt les mesures à prendre, en termes de recrutement notamment, pour que la collégialité soit effective dans cinq ans.

M. André Vallini – Je voudrais rappeler à M. Houillon et à M. Geoffroy que si la réforme Badinter n’a pas été appliquée, ce n’est pas faute de moyens, mais tout simplement parce qu’en 1986 la gauche a perdu les élections, que M. Chalandon a succédé à M. Badinter et qu’il a mis sa réforme au placard !

Deuxième point : ce n’est pas parce qu’il n’y a pas assez de juges d’instruction que l’on ne peut pas les regrouper, à effectifs constants, dans des collèges de l’instruction qui auraient permis de rompre avec la solitude qui entoure leur travail et de remédier à l’inexpérience de certains.

M. le Président de la commission – Après M. Chalandon, la gauche est revenue aux affaires et n’a pas davantage institué les chambres de l’instruction voulues par M. Badinter !

M. Claude Leteurtre – J’aimerais savoir quelles seront les conséquences de ces belles déclarations d’intentions sur la collégialité et les pôles d’instruction. Va-t-on supprimer des tribunaux ? Cet amendement pose trop de questions pour que je puisse le voter.

L'amendement 77, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – Les amendements suivants ont été défendus.

Les amendements 81, 78 2e rectification, 79, 80 3e rectification et 76, acceptés par le Gouvernement et successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. André Vallini – L’amendement 110 est défendu.

M. le Rapporteur – La commission l’a repoussé, car la modification rédactionnelle proposée est inutile, dans la mesure où l’intitulé actuel, « Du juge d’instruction », couvre tous les cas de figure.

M. le Garde des Sceaux  Sagesse.

L'amendement 110, mis aux voix, n'est pas adopté.

Article premier

M. Léonce Deprez – M. Houillon a évoqué avec raison l’extraordinaire vertu démocratique de la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau, qui a permis aux Français, grâce aux débats télévisés dont elle a fait l’objet, de se réapproprier une justice dans laquelle ils n’avaient plus toute le confiance nécessaire. De leur côté, les députés avaient le sentiment qu’ils pouvaient apporter des solutions communes, au-delà des clivages partisans, à certains problèmes de société. Je pense que les Français avaient, de ce fait, une autre vision de la politique.

Je ne voudrais pas que le formidable élan qui s’est exprimé dans les 80 propositions votées à l’unanimité retombe. Allons-nous, sur ces textes, réussir à aboutir à une position consensuelle, comme le souhaitent les Français, ou allons-nous, une fois de plus, nous diviser ?

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu, ce soir, à 21 heures 30.
La séance est levée à 19 heures.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.
Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.
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