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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

3ème séance du mardi 19 décembre 2006

Séance de 21 heures 30
43ème jour de séance, 100ème séance

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann
Vice-Président

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

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équilibre de la procédure pénale (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale.

ARTICLE PREMIER (suite)

M. Guy Geoffroy, rapporteur de la commission des lois – Les amendements 60, 61, 62, 63 sont rédactionnels.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice  Avis favorable.

Les amendements 60, 61, 62, 63, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur – Les amendement 64, 65, 66, 67, 68 rectifié sont défendus.

Les amendements 64, 65, 66, 67, 68 rectifié, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.
L'article premier modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 2

M. le Rapporteur – Les amendements 69, 70, 71 rectifié sont défendus.

Les amendements 69, 70 et 71 rectifié, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. Michel Vaxès  L’amendement 139 vise à rendre obligatoire la co-signature des avis de fin d’information et des ordonnances de règlement par l’ensemble des juges d’instruction co-saisis. S’agissant d’actes de procédure importants, nous proposons de remplacer dans le neuvième alinéa de cet article le mot « peuvent » par le mot « doivent ».

M. le Rapporteur – Avis défavorable car ce système induirait des risques de paralysie en cas de désaccord.

L'amendement 139, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 72 corrige une référence.

L'amendement 72, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 2 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 2

M. Michel Vaxès  L’amendement 140 vise à permettre aux parquets et aux juges d’instruction de travailler avec quelques officiers de police judiciaire qui seraient détachés de leur administration d’origine. Il s’inscrit dans l’esprit de ce projet qui ambitionne de renforcer la cohérence de l’instruction et de favoriser le travail en équipe. Il nous parait paradoxal que les officiers de police judiciaire, dont dépend la qualité de l’enquête pénale, soient sous la seule tutelle du ministère de l’intérieur ou de la défense car celle-ci pèse lourdement sur leur indépendance et leur marges d’action. Le code de procédure pénale prévoit que la police judiciaire exerce sous la direction du procureur de la République mais nous savons que cela reste théorique. En outre, le juge d’instruction ne dispose d’aucune prérogative particulière. Il nous semble donc indispensable, à terme, de permettre à l’autorité judiciaire d’exercer une direction et un contrôle effectifs sur la police judiciaire. Le rattachement aux juridictions des OPJ serait le moyen de garantir une réelle efficacité de l’enquête. Mais dans l’immédiat nous formulons une demande plus modeste.

M. le Rapporteur – Avis défavorable : les magistrats travaillent déjà avec la PJ dans le cadre du système des commissions rogatoires, qui fonctionne très bien.

M. le Garde des Sceaux  L’idée que la PJ doit être entièrement séparée de son actuelle hiérarchie des ministères de l’intérieur ou de la défense est bien connue. Or, la PJ, dirigée par l’autorité judiciaire, joue également un rôle de police administrative ou de prévention de l’ordre public qu’elle ne pourrait plus tenir si elle dépendait uniquement des magistrats. Avis défavorable.

M. Michel Vaxès  Il ne s’agit pas de mettre toute la PJ à la disposition du ministère de la justice mais de détacher quelques OPJ.

L'amendement 140, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 82 prévoit la remise d’un rapport, deux ans après l’entrée en vigueur du chapitre premier de cette loi, sur la préparation de la mise en oeuvre de la collégialité de l’instruction et le fonctionnement des pôles de l’instruction. Nous pourrons ainsi mieux contrôler l’action du Gouvernement.

M. le Garde des Sceaux  C’est ainsi que l’on préparera effectivement la collégialité et que l’on ne revivra pas ce que nous avons connu en 1985. Avis favorable.

L'amendement 82, mis aux voix, est adopté.

AVANT L'ART. 3

M. Michel Vaxès  L’amendement 141 vise à supprimer le dernier alinéa de l’article 137-4 du code de procédure pénale qui prévoit la possibilité pour le parquet de saisir directement le juge des libertés et de la détention pour demander le placement en détention provisoire lorsque le juge d’instruction ne l’a pas fait. Cette procédure introduite par la loi du 9 mars 2004 ne se justifie pas. Qui mieux que le juge d’instruction peut demander le placement en détention provisoire ? Cet amendement s’inscrit dans l’esprit du projet, qui tend à assurer le caractère exceptionnel de la détention provisoire.

M. le Rapporteur – Avis défavorable.

M. le Garde des Sceaux  Même avis, cet amendement revenant sur une disposition justifiée de la loi Perben II. Il est logique que dans les cas les plus graves – délits punis de dix ans d’emprisonnement ou crimes – le parquet puisse saisir le juge des libertés aux fins d’un placement en détention qu’il estime justifié à titre de mesure de sûreté, même si le juge d’instruction pense le contraire. C’est au JLD de décider.

M. Michel Vaxès  Cette défiance est un véritable paradoxe alors que l’on prétend renforcer les procédures relatives à l’instruction et rendre celle-ci collégiale.

L'amendement 141, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Vallini  L’amendement 161 est défendu.

L'amendement 161, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 3

M. Michel Vaxès  L’amendement 142 propose une nouvelle rédaction de l’article 144 du code de procédure pénale en supprimant le critère de l’ordre public. Dans le premier alinéa, il précise également que la détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que sur une décision explicitement motivée. Cet ajout est d’ailleurs une préconisation du rapport de la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau. Il précise enfin que l’absence de garantie du maintien à la disposition de la justice ne peut être déduite du refus de reconnaître les faits. La rédaction du projet ne permettra pas d’assurer le caractère exceptionnel de la détention provisoire.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. La proposition de M. Vaxès reviendrait à écarter les dispositions prévues dans le nouveau texte de l’article 144, beaucoup plus favorables que le texte actuel à la personne mise en cause. Cet amendement, en effet, ne reprend pas des dispositions importantes : l’article 3 prévoit l’obligation de motiver la décision au regard d’éléments précis et circonstanciés ; il prévoit également que le caractère insuffisant du contrôle judiciaire doit être démontré. Le texte témoigne bien que la règle, c’est la liberté. Lorsque celle-ci n’est pas possible, c’est le contrôle judiciaire qui s’impose et si celui-ci ne permet pas de garantir la manifestation de la vérité, alors seulement c’est la détention provisoire qui s’applique. La rédaction du projet précise également les critères de la détention provisoire.

L'amendement 142, repoussé par le Gouvernement , mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Vaxès  L’amendements 143, de repli, est défendu.

L’amendement 143, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. André Vallini  La commission s’est beaucoup interrogée sur le critère du trouble à l’ordre public, qui nous a semblé beaucoup trop vague. Depuis une vingtaine d’année, avec la médiatisation de la justice, ce critère s’est peu à peu transformé en « trouble à l’opinion publique » et c’est-là une dérive inacceptable. Pourquoi ne pas utiliser le concept de dangerosité sociale, à l’instar des Britanniques ? L’amendement 144 vise donc à supprimer l’alinéa 9 de cet article.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Le texte précise bien que la notion de trouble à l’ordre public ne saurait s’identifier à un trouble à l’opinion publique.

M. André Vallini – Vous ne l’empêcherez pas !

M. le Rapporteur – Il est vrai que le critère de l’ordre public doit être aménagé mais, comme la commission d'enquête l’avait elle-même fait apparaître, il reste parfois nécessaire pour certains cas où aucun autre ne peut justifier la détention provisoire. Le projet de loi prévoit des mesures pour limiter la détention provisoire : une motivation plus précise, reposant sur des éléments circonstanciés, la publicité des débats devant le juges des libertés et de la détention – c’est une nouveauté essentielle – et l’assistance de l’avocat devant le juge. Par ailleurs, le critère du trouble à l’ordre public est déjà supprimé en matière correctionnelle, pour le maintien en détention. Tout cela va dans le bon sens, même si je comprends que le président de la commission d'enquête souhaite aller plus loin.

M. le Garde des Sceaux  Je voudrais convaincre le président Vallini : je conviens des défauts de cette notion qu’il qualifie de « fourre-tout », mais il faut garder à l’esprit que nous avons une responsabilité sociale face à l’opinion publique. Le critère du trouble à l’ordre public est dorénavant supprimé pour la prolongation de la garde à vue : c’est un acquis, que nous devons à la commission d'enquête. Mais prenez l’exemple de quelqu’un qui vient de commettre un meurtre passionnel, qui le reconnaît et qui présente toutes les garanties de représentation : cette personne ne risque ni de faire pression sur des témoins ou de supprimer des preuves, ni de prendre la fuite, ni de recommencer. Mais si elle reste libre jusqu’à son procès, je vous garantis que vous aurez tout le monde dans la rue ! Souvenez-vous de cet ancien vice-président de la chambre de commerce de Lyon qui a accidentellement tué des pompiers sur l’autoroute du sud : personne n’aurait compris qu’il ne soit pas mis en détention provisoire ! Or il s’agissait d’un accident, qu’il avait reconnu. Il était donc indispensable de pouvoir disposer de ce critère. Le Gouvernement fait preuve de responsabilité en le conservant : il était plus facile d’accepter de le supprimer. Pensez à d’autres cas où l’accusé comparaît libre – cela a été le cas dans ma région, à la suite d’une erreur du parquet général : c’est un scandale ! Ce n’est pas un problème d’opinion publique, mais d’ordre public, et si l’ordre public n’est peut-être pas juste, il est nécessaire.

M. Michel Hunault – Le groupe UDF votera ces amendements. Il regrette en effet que le projet de loi ne soit pas allé au bout de sa logique et n’ait pas supprimé le critère du trouble à l'ordre public, qui n'est pertinent ni pour la décision de placement en détention provisoire, ni pour sa prolongation. Il a un caractère trop vague et subjectif. La notion de trouble à l'ordre public ne dépend pas seulement des caractéristiques de l'infraction, mais aussi de l'appréciation du juge et la commission de suivi de la détention provisoire a mis en lumière, dans son rapport de 2005, la difficulté de la différencier de la notion de trouble à l'opinion publique. En outre, le trouble à l'ordre public n'est pas défini dans le code, sauf à le rapprocher de la notion qui existe en droit administratif. Tout cela est trop flou.

La notion d'ordre public n'existe pas en Italie, ni en Angleterre, aux Pays-Bas, en Allemagne ou en Espagne. Il faut repenser le système, notamment en remplaçant les critères subjectifs par des critères objectifs, qui pourraient être fonction de la typologie de la peine ou de l'infraction. Le groupe UDF ne votera donc pas les dispositions de l’article 3, car l'appréciation du retentissement médiatique de l'affaire ne relève pas du domaine de la loi. Enfin, il y a longtemps que l’on souhaite réserver la détention provisoire aux auteurs des crimes et délits les plus graves, mais si vous vous en remettez à l’opinion publique à chaque cas particulier, on n’y parviendra jamais. S’il fallait toujours suivre l’opinion publique, on n’aurait pas encore supprimé la peine de mort ! La notion d’ordre public est une notion fourre-tout qui ne sert qu’à justifier la détention provisoire.

M. André Vallini – L’amendement 154 a le même objet. Je comprends bien les arguments du Garde des Sceaux, et je me souviens de cet ancien vice-président de la chambre de commerce qui avait accidentellement tué des pompiers. On sait aussi que la remise en liberté de certains des futurs acquittés de l’affaire d’Outreau aurait provoqué des troubles importants dans la population. Mais justement ! Doit-on légiférer et rendre la justice avec la crainte de ce que va penser l’opinion publique ? Sur cette question, j’essaye vraiment de me montrer mesuré, mais souvenons-nous aussi de ce qu’ont dit les acquittés à la commission d'enquête ! Tant que ce critère existera, on pourra s’en servir pour justifier la détention provisoire. Or, pour aller encore plus loin que M. Hunault, il y a des pays où la détention provisoire n’existe pas : c’est le cas aux États-Unis, qui ne sont pas vraiment un modèle de laxisme en matière judiciaire. Mais nous manquons de courage pour la supprimer. De temps en temps, il y a un Robert Badinter pour abolir la peine de mort, ou un consensus qui se dégage, comme pour la loi du 15 juin 2000 sur la présomption d’innocence – que M. Devedjian trouvait d’ailleurs trop timide à l’époque. Mais ces moments de grâce sont rares. Aurons-nous un jour le courage, tous ensemble, de supprimer la détention provisoire ? Je le souhaite.

Les amendements 144 et 154, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. le Rapporteur – L’amendement 2 rectifié est rédactionnel.

M. le Garde des Sceaux – Avis favorable.

M. André Vallini – Le sous-amendement 160 est défendu.

M. Michel Vaxès – Le sous-amendement 145 vise à supprimer la dernière phrase de cet amendement.

Les propos du Garde des Sceaux m’inquiètent. Je crains que l’affaire d’Outreau ne soit d’abord due à un populisme pénal qui fait que l’opinion décide, avant le jugement, de ce qu’il doit être. Qu’aurait-on entendu, en effet, si le juge Burgaud avait laissé en liberté les treize innocents de l’affaire d’Outreau ! Je me demande si cette pression n’est pas responsable des dysfonctionnements de cette affaire. Par ailleurs, la commission d'enquête n’a pas été la seule à proposer la suppression du critère de l’ordre public : le Garde des Sceaux lui-même, lors de son audition en avril, indiquait qu’il était décidé à l’envisager, du moins en matière correctionnelle, pour ne plus l’appliquer qu’en matière criminelle. Nous regrettons que le projet de loi ne soit pas conforme à cette déclaration. Et si le trouble à l’ordre public n’est pas un critère de renouvellement, en matière correctionnelle, pourquoi devrait-il autoriser la première décision de placement en détention provisoire ? L’argument du rapporteur ne nous convainc pas. Ce critère doit être supprimé.

M. le Rapporteur – La commission a repoussé le sous-amendement 160, car il est satisfait par l’article 3. Quant au sous-amendement 145, je comprends bien son objectif, mais la suppression de cette phrase conduirait à l’effet exactement inverse : c’est en effet cette phrase qui limite le recours au critère de trouble à l’ordre public en matière correctionnelle ! Peut-être ce sous-amendement pourrait-il être retiré, sans quoi je lui donne un avis défavorable.

M. le Garde des Sceaux – Même avis.

Le sous-amendement 160, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Vaxès – L’esprit de ce sous-amendement n’est pas celui qu’a décrit M. Geoffroy.

Le sous-amendement 145, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'amendement 2 rectifié, mis aux voix, est adopté.
L'article 3, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 4

M. Léonce Deprez – Mon intervention portera sur les articles 4 et 5, qui sont liés. La commission d’enquête a révélé que, faute d’informations objectives, les médias ont répandu, au préjudice des personnes poursuivies, des informations erronées. Pour éviter la propagation d’informations inexactes, le législateur avait pourtant prévu dans la loi du 15 juin 2000 d’aménager le secret de l’instruction en donnant au procureur la faculté de rendre publics certains éléments de la procédure. Dans son rapport, la commission d’enquête a insisté sur le manque de rigueur et de précision des médias au long de l’affaire dite d’Outreau. Des rumeurs ont été transformées en certitudes, les noms de coupables imaginaires avancés par une coupable réelle, suivie par le juge d’instruction, ont été jetés en pâture, des visages de personnes théoriquement présumées innocentes ont été filmés et ces images diffusées, l’anonymat des enfants n’a pas été respecté, un quartier entier a été stigmatisé… La commission d’enquête a décrit l’influence des médias sur la procédure, des médias qui allaient jusqu’à légitimer le maintien en détention. Le texte qui nous est soumis améliore l’information de la presse en prévoyant que la mise en détention et sa prolongation éventuelle feront l’objet de débats publics. La publicité de l’audience est une garantie pour les mis en examen, et j’approuve cette disposition, que réclament tant d’éminents magistrats que les journalistes qui souhaitent avoir accès à l’information contradictoire réelle.

La nouvelle « fenêtre de publicité » prévue par l’article 5 me semble donc un progrès particulièrement opportun. Toutefois, il ne suffira pas à favoriser la poursuite des médias qui s’égarent. Qui peut être le gardien de la présomption d’innocence lorsque les mis en examen sont incarcérés, alors que le délai d’action, en matière de délits de presse, est très court ? La commission d’enquête a proposé des pistes – par exemple, la possibilité pour le juge d’instruction de saisir le juge des référés pour faire condamner les éditeurs de presse qui ne respecteraient pas la présomption d’innocence – mais elles ne trouvent pas de traduction dans le projet. Pourtant, au cours de l’affaire dite d’Outreau, une médiatisation toute à charge s’est faite, qui jouait sur l’émotion et le sensationnel ; les éditeurs de presse que nous avons entendus l’ont eux-mêmes regretté. Les dispositions que nous avons recommandées disciplineraient la presse en ce domaine. Fort d’une expérience de trente-cinq années d’éditeur de presse, je considère en effet que si les médias doivent informer, ils ne peuvent dicter leur conduite aux magistrats, non plus que faire exagérément pression sur les politiques. Une des conclusions de l’affaire dite d’Outreau, c’est qu’il faut informer les médias si l’on ne veut pas que la presse d’information devienne une presse de désinformation.

M. André Vallini – Lorsque le mis en examen a bénéficié de l’assistance d’un avocat qu’il a choisi et que cet avocat ne peut se déplacer le jour prévu pour débattre devant le juge des libertés et de la détention, il convient, sauf à prévoir le report de l’audience, de permettre à l’intéressé de recourir à un autre avocat de son choix avant de solliciter un avocat commis d’office. Tel est l’objet de l’amendement 155.

M. le Rapporteur – La commission a donné un avis défavorable à un amendement dont elle a estimé qu’il était inutile, puisque rien n’interdit au mis en examen de choisir un deuxième avocat, et éventuellement dangereux car il pourrait permettre des manœuvres dilatoires.

M. le Garde des Sceaux  Avis défavorable. L’amendement est satisfait car si l’avocat est empêché, il désignera un associé ou un collaborateur. S’il n’en a pas, et dans ce cas seulement, un avocat sera commis d’office (M. Vallini proteste).

M. Michel Hunault – Il ne s’agit de rien moins que des droits de la défense. Que la commission s’y oppose, soit, mais le qualifier de « dangereux » laisse perplexe. Ce qui est dangereux, c’est bien l’absence d’avocat. On fait abondamment référence à l’affaire dite d’Outreau, affaire très complexe au cours de laquelle de très graves accusations ont été portées, qui imposaient l’assistance de conseils. Or, pendant six mois, certaines des victimes finalement acquittées, auxquelles le Président de la République, le Premier ministre et vous-même, Monsieur le Garde des Sceaux, avez présenté vos excuses pour les manquements de la justice, n’ont jamais vu d’avocats. Ce que demande M. Vallini, c’est la garantie qu’un avocat assistera les mis en examen. S’agissant des médias, contrepouvoir essentiel en démocratie, il faut en appeler à la responsabilité des journalistes, qui sont tenus de respecter un code de déontologie. Enfin, la commission d’enquête avait suggéré la création de la fonction de porte-parole au sein de l’institution judiciaire, considérant que son absence expliquait pour partie les débordements constatés. Un magistrat pourrait être chargé d’informer la presse du décours des dossiers particulièrement importants.

M. le Rapporteur – Je tiens à dissiper toute ambiguïté en appelant l’attention de tous sur la rédaction exacte de l’article 4, qui restreint la portée supposée de l’amendement. L’échange qui vient d’avoir lieu laisse penser qu’en l’état du texte, le mis en examen ne pourrait choisir son avocat. Il n’en est rien. Les membres de la commission d’enquête ont été très choqués par le flottement qui s’est produit au barreau, tel que certains suspects n’ont pu être assistés par un avocat. L’article dispose expressément que si la personne « n’est pas déjà assistée d’un avocat, le juge l’avise qu’elle sera défendue lors du débat par un avocat de son choix ou, si elle ne choisit pas d’avocat, par un avocat commis d’office » et que « si l’avocat choisi ne peut se déplacer, il est remplacé par un avocat commis d’office ». On le voit, le texte part du principe que le suspect choisit son avocat ; à défaut, et à défaut seulement, un conseil est commis d’office. Voilà qui explique l’avis de la commission.

M. Léonce Deprez – Les membres de la commission d’enquête l’ont tous perçu : l’état d’esprit d’un suspect le conduit parfois à subir son sort et à attendre qu’un avocat soit commis d’office pour l’assister. Nous avons tous été choqués, sinon révoltés, d’apprendre, au cours d’auditions particulièrement éprouvantes, que des personnes mises en détention provisoire prolongée n’avaient jamais reçu la visite des avocats commis d’office auprès d’eux. Le plus grave – et j’en reviens à mon propos précédent –, c’est que la rumeur, l’intoxication médiatique, la soumission à l’opinion publique étaient telles que, peut-être, les avocats commis d’office répugnaient à défendre les suspects. Je me permets de le rappeler ce soir, à un moment où l’émotion est moins vive et l’attention des télévisions à nos travaux moins marquée. J’apprécie votre sagesse, Monsieur le Garde des Sceaux. Mais il y a des cas où l’avocat commis d’office oublie son devoir ou n’ose pas le remplir.

M. André Vallini – L’intervention très sincère de M. Deprez m’incite à reprendre la parole. Je ne veux pas faire de sensationnalisme – ce serait déplacé – mais je souhaiterais presque que l’on puisse rediffuser dans l’hémicycle les images de l’audition des acquittés d’Outreau. L’ambiance n’est pas la même aujourd’hui, et c’est tant mieux, car il ne faut jamais légiférer sous le coup de l’émotion. Il faut en revanche un peu d’imagination. Ce qui est arrivé aux acquittés d’Outreau peut nous arriver demain. Pensons à Thierry Dausque – puisque c’est de lui qu’il s’agit – qui est resté quatorze mois sans avocat parce que le barreau de Boulogne-sur-Mer a dysfonctionné. Je n’ai d’ailleurs pas hésité à mettre moi-même en cause son bâtonnier lors de son audition par la commission d’enquête. Bref, imaginons un instant que nous sommes des citoyens ordinaires entraînés dans une machine infernale comme l’affaire d’Outreau. Cet amendement en apparence anodin prend alors tout son sens : on a besoin d’un avocat qui connaisse le dossier – ce qui n’est pas le cas de l’avocat commis d’office. Essayons, dans ce débat, de nous souvenir le plus possible de ce que nous ont dit les acquittés d’Outreau et leurs avocats.

L'amendement 155, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Vallini – L’amendement 156 est un amendement de précision.

L'amendement 156, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – À l’unanimité.

M. le Rapporteur – Les amendements 3 et 4 sont rédactionnels.

Les amendements 3 et 4, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.
L'article 4 modifié, mis aux voix, est adopté.

après l’art. 4

M. le Rapporteur – L’amendement 5 corrige une référence inexacte.

L'amendement 5, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. André Vallini – L’amendement 162, inspiré par la proposition n°10 de la commission d’enquête, vise à instaurer des délais butoirs en matière de détention provisoire.

M. le Rapporteur  Cet amendement est le premier d’une longue série d’amendements tendant à limiter la durée de la détention provisoire. Ce n’est pas une mauvaise idée, mais elle pourrait avoir des effets pervers. En cas de dépassement des délais, la justice pourrait ainsi être contrainte de remettre en liberté des personnes potentiellement dangereuses, dont le maintien en détention est nécessaire. Le cas s’est d’ailleurs présenté après la loi du 15 juin 2000. La personne mise en examen pourrait même multiplier les procédures dilatoires dans le seul but d’être remise en liberté automatiquement.

Les dispositifs prévus par le texte sont sans doute plus efficaces pour réduire la durée constatée de la détention provisoire. Si celle-ci pose problème, c’est surtout parce qu’aucune fenêtre de publicité n’est prévue par le code de procédure pénale. Le projet prévoit d’ouvrir des fenêtres de publicité, disposition qui sera renforcée par la mise en place des pôles de l’instruction et de la collégialité de l’instruction. La procédure d’instruction comportera alors de véritables phases de jugement contradictoire public, ce qui permettra de limiter la détention provisoire aux seuls cas où elle est nécessaire. Les articles 11, 12 et 13 s’attacheront d’autre part à réduire les délais de procédure. Tout en comprenant l’esprit de ces amendements, la commission y est donc défavorable.

M. le Garde des Sceaux  Les délais butoirs actuels ont été fixés par la loi du 15 juin 2000, et nul n’a souhaité revenir sur les durées prévues, si ce n’est pour permettre à la chambre de l’instruction de les prolonger de quelques mois. Ces délais respectent par ailleurs les exigences européennes. Un article du texte prévoit un contrôle effectif de la chambre de l’instruction sur la détention provisoire.

Cet amendement limiterait la durée totale de la détention provisoire à deux ans en matière criminelle. C’est beaucoup trop court pour instruire un certain nombre d’affaires, sans compter qu’il n’est pas sûr que les personnes mises en examen se présentent devant le tribunal.

Il ne faut pas confondre opinion publique et ordre public. Si l’opinion publique est changeante, l’ordre public est une notion objective. Le rôle de l’État est de maintenir cet ordre public. Je comprends que l’on puisse être saisi par l’émotion comme l’a été M. Deprez, mais nous sommes aussi des responsables politiques. Je recevais ce matin avec l’un de vos collègues une mère de famille dont la fille a été retrouvée violée et assassinée chez elle. « Quand je pense, me disait-elle, que l’assassin de ma fille était récidiviste et qu’il avait été libéré au bout de dix ans ! » Il ne s’agit plus là d’émotion, mais d’ordre public. Une société qui ne comprend pas ce que font ses responsables se révolte. Les délais butoirs qui existent sont satisfaisants. Si un assassin peut se retrouver libre parce que l’instruction du dossier n’est pas achevée, c’est l’ordre public qui est menacé. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. André Vallini – L’exemple que cite le Garde des Sceaux est évidemment poignant et je partage la compassion qu’il a exprimée à cette maman. Mais la libération conditionnelle d’une personne déjà condamnée n’a rien à voir avec la détention provisoire d’une personne présumée innocente.

M. Michel Hunault – Nous sommes là au cœur du problème. Alors qu’une commission a travaillé pendant six mois à élaborer des propositions qui ont fait l’objet d’un consensus, le Gouvernement se montre fermé sur celles qui tendent à rendre exceptionnelle la détention provisoire. Je rappelle au Garde des Sceaux que près de 700 jugements par an sont rendus pour couvrir des détentions provisoires injustifiées, et qu’il s’agit de personnes présumées innocentes. Et le Garde des Sceaux nous répond sur l’ordre public ! J’y suis autant attaché que lui, mais son exemple est mal choisi. J’avais déposé sur un autre texte un amendement visant à empêcher les récidivistes de bénéficier d’une remise de peine automatique. La majorité l’a rejeté !

L'amendement 162, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Vaxès – Dans le même esprit que le précédent, les amendements 146, 147, 149 et 148 tendent à limiter la durée de la détention provisoire.

Le dernier alinéa de l’article 145-1 du code de procédure pénale permet de prolonger de quatre mois la durée maximale de la détention provisoire qui est de deux ans en matière correctionnelle. Le dernier alinéa de l’article 145-2 donne, lui, la même possibilité en matière criminelle où la détention provisoire peut aller jusqu’à quatre ans. Nous proposons par nos amendements respectifs 146 et 147 de supprimer cette possibilité. La justice est certes confrontée à des difficultés matérielles, mais les justiciables doivent-ils en faire les frais ? La commission d’enquête a souligné que « la durée du maintien en détention provisoire après la fin des investigations dans l’attente d’un jugement pose question » et estimé « excessive » la durée maximale de la détention provisoire, au regard notamment au principe de la présomption d’innocence, « auquel toute détention provisoire prolongée porte atteinte de manière flagrante, dès lors qu’on admet qu’elle ne saurait constituer un pré-jugement ». La convention européenne des droits de l’homme, pour sa part, dispose que « toute personne arrêtée ou détenue doit aussitôt être traduite devant un juge ou un magistrat habilité à exercer la fonction judiciaire et a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable. » Chacun sait que la France a déjà fait l’objet de nombreuses condamnations par la Cour européenne des droits de l’homme à ce sujet.

Nos amendements 149 et 148 tendent eux aussi à limiter la détention provisoire, qui doit demeurer exceptionnelle.

L'amendement 146, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté, non plus que les amendements 147, 149 et 148.

Art. 5

M. le Rapporteur – L’amendement 6 est rédactionnel.

L'amendement 6, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. André Vallini – L’amendement 159 rectifié, conformément à la proposition 34 du rapport de la commission d’enquête, permettrait aux avocats qui le souhaitent de développer complètement et oralement leurs arguments qu’ils présentent aujourd’hui de manière sommaire.

M. le Rapporteur – Cela fait en effet partie des recommandations de la commission d’enquête. Pour cette raison, qui n’est d’ailleurs pas la seule, la commission l’a accepté, de même que l’amendement identique 100 de MM. Fenech et Houillon.

Les amendements 100 et 159 rectifié, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Président – Les amendements 7 du rapporteur, M. Geoffroy, et 163 de M. Vallini sont défendus. Le Gouvernement y est favorable.

Les amendements 7 et 163, mis aux voix, sont adoptés.

M. André Vallini – L’amendement 164, qui reprend la recommandation 33 du rapport de la commission d’enquête, limiterait le « filtrage » du président de la chambre de l’instruction, lequel peut être tenté de privilégier la régularité du fonctionnement de la chambre au détriment de l’intérêt de la personne placée en détention provisoire.

L'amendement 164, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – L’amendement 8 de la commission est de précision. Le Gouvernement y est favorable.

M. André Vallini – Le sous-amendement 174 est défendu.

M. le Rapporteur – Avis défavorable.

M. le Garde des Sceaux  Même avis.

Le sous-amendement 174, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'amendement 8, mis aux voix, est adopté.

M. André Vallini – L’amendement 173 est défendu.

L'amendement 173, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – L’amendement 157 de M. Vallini est défendu également. La commission et le Gouvernement y sont défavorables.

L'amendement 157, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – L’amendement 158 de M. Vallini est défendu également avec les mêmes avis de la commission et du Gouvernement.

L'amendement 158, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – L’amendement 9 de la commission est rédactionnel. Le Gouvernement y est favorable.

L'amendement 9, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – Il en est de même pour l’amendement 10 avec le même avis du Gouvernement.

L'amendement 10, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – Les amendements 12 à 18 du rapporteur sont rédactionnels également. Le Gouvernement y est toujours favorable.

L'amendement 12, mis aux voix, est adopté, de même que les amendements 13 à 18.

M. le Président – L’amendement 19 de la commission est défendu, avec l’avis favorable du Gouvernement.

L'amendement 19, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – L’amendement 20 de la commission est rédactionnel, avec le même avis favorable du Gouvernement.

L'amendement 20, mis aux voix, est adopté.
L'article 5 modifié, mis aux voix, est adopté.

après l'Art. 5

M. André Vallini – L’amendement 119, qui reprend les propositions 5 et 6 du rapport de la commission d’enquête, incite les procureurs et leurs substituts à visiter les lieux de garde à vue qu’ils sont chargés de surveiller, tant ceux-ci sont parfois indignes d’accueillir des personnes. Leurs observations pourraient nourrir utilement l’information du Parlement lors de l’examen annuel du budget de la justice.

M. le Rapporteur – Avis favorable.

M. le Garde des Sceaux  Avis favorable également. Je supplie toutefois M. Vallini de le rectifier comme suit en écrivant à la fin « dans un rapport annuel qui sera rendu public » plutôt que « dans un rapport annexé au projet de loi de finances initiale ».

M. André Vallini – D’accord avec cette rectification.

L'amendement 119 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. André Vallini – La commission d’enquête a observé avec justesse que « les raisons plausibles de soupçonner » qu’une personne a commis ou tenté de commettre une infraction constituent les critères mêmes de son placement en garde à vue. Cette appréciation mérite d’être motivée. Tel est l’objet de sa proposition 2, reprise dans l’amendement 112.

L'amendement 112, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Léonce Deprez – Je vous remercierais, Monsieur le Président, d’aller un peu moins vite, de façon que nous ayons au moins le temps de voter.

M. le Président – Très bien.

M. André Vallini – L’amendement 113 reprend la première proposition du rapport de la commission d’enquête. Il ne suffit pas à la personne placée en garde à vue ni à son avocat de connaître l’infraction retenue contre elle, laquelle peut du reste évoluer au cours de l’enquête. Il importe également, à ce stade de la procédure, qu’elle puisse connaître les faits qui lui sont reprochés et qui justifient sa privation de liberté.

M. le Rapporteur – Avis défavorable.

M. le Garde des Sceaux  Avis défavorable.

M. Michel Hunault – Dans l’affaire d’Outreau, des personnes, arrêtées à six heures du matin et immédiatement placées en garde à vue, ont demandé pourquoi sans que jamais on ne leur réponde. Ce serait pourtant la moindre des choses que d’informer une personne des faits qui lui sont reprochés avant que de la priver de sa liberté d’aller et venir.

Cet amendement ne fait que traduire l’une des conclusions de notre commission d’enquête. Je ne comprends pas les raisons de son rejet. Quelle différence entre l’esprit dans lequel a travaillé la commission d’enquête, l’esprit dans lequel vous nous avez reçus à la Chancellerie, Monsieur le Garde des Sceaux, et votre attitude ce soir où vous refusez toute ouverture face des amendements de bon sens parfaitement consensuels !

M. le Rapporteur – L’article 63-1 du code de procédure pénale dispose que la personne placée en garde à vue doit être informée « de la nature de l’infraction sur laquelle porte l’enquête ». Vous demandez par cet amendement qu’elle le soit également « des faits qui lui sont reprochés ». Mais comment le pourrait-on, du moins systématiquement, à ce stade de l’enquête, la garde à vue ayant précisément pour objet de faire apparaître le rôle exact éventuel de la personne dans la commission des faits ? C’est lors de sa mise en examen que la personne doit être précisément informée de chacun des faits qui lui sont reprochés, conformément à l’article 116 du code de procédure pénale.

M. Michel Hunault – Ce que vous dites n’est pas vrai.

M. le Rapporteur – Mais si. Il faut bien évidemment protéger la personne gardée à vue. Tel est d’ailleurs l’objet par exemple de l’enregistrement audiovisuel des gardes à vue, qui constitue une avancée considérable. Cet amendement relève bien sûr d’une bonne intention, mais on courrait le risque de ne pas pouvoir le mettre en application, et il créerait plus de problèmes qu’il ne présenterait d’avantages.

M. le Garde des Sceaux  Sans agressivité mais avec sincérité, je dis à M. Vallini qu’il n’y a pas d’un côté les auteurs de l’amendement qui auraient du cœur, et de l’autre le rapporteur et le ministre qui n’en auraient pas. De quoi s’agit-il en réalité ? À la personne que l’on met en garde à vue, le code prévoit que l’on dise la nature de l’infraction qui motive cette garde à vue ; mais par définition, on ne sait pas ce qu’elle a fait : si on la met en garde à vue, c’est pour essayer de le savoir en l’interrogeant. L’adoption de cet amendement entraînerait donc un contentieux inévitable, lié au fait que tous les faits n’auraient pas été cités ! Vous vous trompez complètement de phase de la procédure.

M. Léonce Deprez – Nous avons entendu des personnes qui avaient été réveillées à six heures du matin…

M. le Garde des Sceaux  Il ne faut pas faire que du sentiment, mais du droit !

M. Léonce Deprez – Mais, Monsieur le Garde des Sceaux, on ne leur a pas dit la nature de l’infraction dont il s’agissait !

M. le Garde des Sceaux  C’est peu probable.

L'amendement 113, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Vallini – Notre amendement 114, lui aussi inspiré par le rapport de la commission d’enquête, tend à rétablir une disposition selon laquelle la personne gardée à vue est informée qu’elle a le droit de ne pas répondre aux questions.

M. le Rapporteur – La loi sur la sécurité intérieure du 18 mars 2003 n’a pas supprimé le droit, pour une personne gardée à vue, de ne pas répondre aux questions, mais l’obligation pour les policiers de l’informer sur ce droit, qui conduisait trop souvent à ce qu’elle les nargue. Avis défavorable au rétablissement de cette disposition.

L'amendement 114, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Vallini – Je m’obstine à m’appuyer sur le rapport de la commission d’enquête… L’amendement 115 vise lui aussi à s’assurer que les personnes gardées à vue connaissent les droits qui leur sont reconnus par le code de procédure pénale ; il s’agit ici du droit, pour la personne qui ne fait pas l’objet de poursuite, d’interroger le procureur de la République, six mois après la fin de la garde à vue, sur les suites données à la procédure.

L'amendement 115, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Vallini – L’amendement 116 qui, lui, n’est pas inspiré par le rapport de la commission d’enquête mais exprime le souhait des députés socialistes, tend à assurer la présence de l’avocat à tous les interrogatoires effectués pendant la garde à vue. Là comme ailleurs, Monsieur le ministre, vous allez dans le bon sens mais vous restez au milieu du gué.

M. le Rapporteur – Le droit actuel donne à la personne placée en garde à vue la possibilité d’avoir dès le début un entretien avec un avocat, à l’issue duquel ce dernier peut formuler des observations écrites que l’OPJ doit impérativement joindre au dossier de procédure. Cette disposition permet à la personne gardée à vue de préparer sa défense ou de faire remarquer à son avocat les conditions de son placement en garde à vue.

En revanche, la présence de l’avocat à tous les interrogatoires changerait la nature de ceux-ci, qui s’apparenteraient alors aux entretiens dans le cabinet du juge d’instruction après une mise en examen. Mais l’article 6 apporte une garantie importante, l’enregistrement des interrogatoires. Avis défavorable, donc.

M. le Garde des Sceaux Ni M. Nallet dans la loi de 1993, ni Mme Guigou dans la loi de 2000 n’ont jugé bon d’introduire cette disposition : ce n’est sans doute pas sans raison… Elle créerait de graves disparités entre les riches, capables de payer des avocats en général rémunérés à l’heure, et les autres. Pour répondre à votre objectif, Monsieur Vallini, qui est que la garde à vue ne soit pas un lieu de non-droit, nous proposons une disposition qui, je crois, fait l’unanimité : l’enregistrement audiovisuel.

M. André Vallini – L’enregistrement des gardes à vue est un progrès que je veux saluer, mais je suis à peu près sûr que les arguments avancés par le Garde des Sceaux et le rapporteur sont les mêmes qu’invoquaient il y a un peu plus d’un siècle ceux qui s’opposaient à la présence de l’avocat chez le juge d’instruction…

L'amendement 116, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Vallini – Par l’amendement 117, nous demandons qu’en cas de prolongation de la garde à vue au-delà de vingt-quatre heures, l’avocat ait librement accès au dossier.

M. le Rapporteur – Avis défavorable.

M. le Garde des Sceaux  De même car vous voulez en fait, Monsieur Vallini, changer la nature juridique de la garde à vue. Celle-ci n’est pas l’instruction, mais le moment de l’enquête, pendant lequel on peut rassembler les preuves et recueillir les aveux ; si l’on rate cette phase, c’est l’erreur judiciaire. Ce n’est pas à ce moment-là que l’on doit commencer un débat contradictoire.

M. Michel Hunault – Dans les affaires de criminalité organisée, les personnes gardées à vue ne disent rien… Le souci de M. Vallini est d’aider celles qui ne savent pas se défendre : c’est le rôle même de l’avocat, qui est au service de la personne présumée innocente pour lui servir de rempart contre l’arbitraire.

Or nous avons entendu des témoignages accablants sur la manière dont se sont déroulés des interrogatoires, en contradiction avec la circulaire du ministère de l’intérieur rappelant les conditions dans lesquelles doivent avoir lieu les gardes à vue, et sans que les manquements à ces obligations donnent lieu à aucune sanction. Les lieux de garde à vue sont devenus des zones de non-droit, il est regrettable que vous refusiez toute proposition d’amélioration.

M. Léonce Deprez – Si je défends certaines positions au nom des collègues qui ont siégé avec moi à la commission d’enquête, c’est par honnêteté intellectuelle : les conclusions auxquelles nous avons abouti méritent d’être exposées ici-même, ne serait-ce que par égard envers les autres membres de l’Assemblée. Après de longues heures d’auditions, d’échanges et de réflexion, menées sans esprit partisan, il nous est apparu que les espaces de garde à vue pouvaient être des espaces de non-droit et de non-respect de la personne humaine, qu’il convenait de rééquilibrer la procédure pénale de façon que la défense soit plus présente et qu’il fallait donc que l’avocat soit là pour veiller au respect de ces droits. Je défends dans l’hémicycle les mêmes idées qu’en commission d’enquête et je soutiens donc ici les propositions que nous avons été unanimes à adopter. Ce n’est pas pour vous contrarier, Monsieur le ministre, mais par souci d’honnêteté intellectuelle.

M. le Rapporteur – J’étais moi-même membre de la commission d’enquête et je trouve ce que vous dites tout à fait respectable, mais je ne crois pas qu’il y ait une malhonnêteté particulière à reprendre dans un projet de loi 22 des 32 propositions législatives faites par la commission d’enquête. Cela représente tout de même beaucoup...

M. Léonce Deprez  C’est vrai.

M. le Rapporteur –...et cela méritait donc d’être redit.

M. le Garde des Sceaux  Merci.

M. le Rapporteur – Mais ce qui est proposé dans cet amendement pourrait donner le sentiment que la garde à vue est déjà l’instruction.

Notre but est de garantir qu’il ne se passera, durant la garde à vue, rien qui porte atteinte aux droits fondamentaux de la personne gardée à vue, présumée innocente. Qu’est-ce qui peut le garantir ? L’accès à un dossier ? Non, car il n’y a pas, à ce stade, de véritable dossier écrit, sans quoi nous serions déjà dans l’instruction. Ce qui peut davantage garantir que la garde à vue sera respectueuse de la dignité de la personne concernée, c’est l’enregistrement audiovisuel que nous prévoyons à l’article 6.

M. Léonce Deprez  C’est vrai.

M. le Rapporteur – C’est une avancée importante. Mais nous allons plus loin en prévoyant également un enregistrement dans le cabinet du juge d’instruction, et ce alors même que l’avocat est présent. S’il y a un désaccord sur ce qui s’est passé, le juge de paix sera l’enregistrement. Il suffit d’entendre les réactions légitimes de certains magistrats pour comprendre que les garanties qu’apporte cet enregistrement sont sans doute plus fortes que la présence d’un avocat.

Quoi qu’il en soit, ce texte va aussi loin que possible dans l’application immédiate des préconisations de la commission Outreau. Il appartiendra à la majorité et au Gouvernement issus du débat public qui va avoir lieu dans les prochains mois d’aller plus loin dans la réforme. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP)

L'amendement 117, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Vallini  Nous proposons, par l’amendement 118, que l’avocat n’ait pas accès au dossier du gardé à vue dans l’hypothèse de crimes ou délits relevant de la criminalité organisée.

L'amendement 118, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Vallini  L’amendement 120 rectifié, qui fait suite aux préconisations 7 et 8 de la commission d’enquête, vise à ménager dans les enquêtes du procureur, qui forment près de 95 % des procédures préparatoires au jugement, un espace contradictoire.

L'amendement 120 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Vallini  La toute première préconisation du rapport étant de renforcer les droits de la défense durant la garde à vue, nous proposons, par l’amendement 11 rectifié d’intituler le chapitre II bis : Dispositions relatives à l’amélioration du droit des personnes placées en garde à vue. Cela suppose bien d’aller au-delà des mesures proposées, qui se limitent à l’enregistrement des interrogatoires. En vérité, ces enregistrements ne seront utilisés qu’en cas de problème.

Mais plus généralement, je voudrais dire au rapporteur et au Garde des Sceaux qu’ils légifèrent en ne semblant penser qu’aux criminels endurcis, alors que nous avons plutôt en tête, nous, les innocents et les braves gens. Je crois qu’il faut penser autant aux deux. Cela me rappelle ce que l’on apprenait à la faculté de droit, à savoir que le code pénal est la charte des malfaiteurs, tandis que le code de procédure pénale est celle des honnêtes gens.

L'amendement 111 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Michel Vaxès  Notre amendement 150 supprime la phrase qui permet de placer en détention provisoire un mineur de 13 à 16 ans en cas de non-respect d’un placement en centre éducatif fermé.

M. le Rapporteur – Avis défavorable, d’une part parce que cet amendement n’a pas grand-chose à voir avec les suites de l’affaire d’Outreau, de l’autre parce qu’il faut bien qu’il y ait une sanction en cas de manquement aux obligations du dispositif alternatif qu’est le placement en centre éducatif fermé, qui est précisément fait pour éviter l’incarcération de mineurs, que ce soit en détention provisoire ou à la suite d’une condamnation. Le mieux ne doit pas être l’ennemi du bien.

M. le Garde des Sceaux  Je suis du même avis que le rapporteur.

L'amendement 150, mis aux voix, n'est pas adopté.

avant l'Art. 6

M. Michel Vaxès L’aide juridictionnelle pose de sérieux problèmes, qui conduisent les avocats à manifester et les magistrats à soutenir leur mouvement. Ils réclament à juste titre une réforme du système. C’est pourquoi nous proposons, par l’amendement 152 inspiré d’une proposition de Maître Soulez-Larivière, que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la possibilité de créer un internat du barreau réunissant des avocats, sélectionnés par concours, ayant moins de cinq ans d’ancienneté et qui seraient chargés d’assurer, à plein temps, la défense des plus défavorisés.

Ces avocats seraient payés selon les critères en vigueur pour les magistrats et pourraient exercer pendant cinq ans. Cela permettrait de pallier les insuffisances de l’aide juridictionnelle mais aussi, pour de brillants avocats, de se monter solidaires des plus démunis. Je n’ai aucune illusion sur l’adoption de cet amendement mais il me semble nécessaire de débattre de cette importante question.

M. le Rapporteur – D’ordinaire, on demande au Gouvernement un rapport sur l’application d’une loi mais, dans le cas d’espèce, le Gouvernement devrait rédiger un rapport visant à déterminer s’il y a lieu ou non de déposer une loi ! Je prie M. Vaxès de bien vouloir retirer son amendement ou de déposer une proposition de loi. Avis défavorable.

M. le Garde des Sceaux  Le budget de l’aide juridictionnelle a augmenté de 8 % cette année et s’élève à 320 millions. J’ajoute, fait nouveau, qu’une partie importante des avocats vivant aujourd’hui principalement de l’aide juridictionnelle, j’ai décidé de créer les assises de l’accès au droit qui se réuniront le 30 janvier prochain. Les avocats feront part de leurs propositions, de même que la chancellerie, afin de prévoir une réforme structurelle de l’accès au droit. J’ai déjà formulé des propositions, dont le Parlement sera bientôt saisi, notamment s’agissant de la réforme de l’assurance juridique.

M. Michel Vaxès – Je retire mon amendement, mais je serai attentif à cette rencontre du mois de janvier. Je ne manquerai pas alors, Monsieur le rapporteur, de déposer une proposition de loi.

L'amendement 152 est retiré.

ART. 6

M. André Vallini – L’obligation d’enregistrer la garde à vue des mineurs doit être respectée et non contournée. À défaut de considérer tout manquement comme un vice de procédure, nous pouvons craindre que les moyens nécessaires ne soient pas mis à la disposition des policiers et des gendarmes, la loi restant ainsi lettre morte. Tel est le sens de l’amendement 121.

M. le Rapporteur – Avis défavorable, l’article 802 du code de procédure pénale étant suffisant pour assurer la sanction de l’absence de respect de l’obligation d’enregistrement.

L'amendement 121, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Vallini – L’amendement 124 reprend une préconisation de la commission d’enquête visant à enregistrer tous les interrogatoires de garde à vue.

M. le Rapporteur – Avis défavorable, cette généralisation nous paraissant pour l’heure prématurée.

L'amendement 124, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Vallini – L’amendement 123 est défendu.

L'amendement 123, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – Les amendements 21 et 22 sont défendus.

Les amendements 21 et 22, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. André Vallini – Les amendements 125, 126 et 127 sont défendus.

Les amendements 125, 126 et 127, repoussés par la commission et par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Michel Vaxès – Si nous sommes satisfaits de l’obligation d’enregistrer les gardes à vues, pourquoi y déroger s’agissant des gardes à vue pour crimes mentionnés aux articles 706-73 et aux titres premier et deux du livre quatrième du code pénal ?

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Les gardes à vue en matière de terrorisme et de criminalité organisée, puisque c’est de cela qu’il s’agit, sont par nature complexes et n’ont donc pas été incluses dans la disposition prévoyant l’enregistrement audiovisuel obligatoire. Suite au rapport qui sera établi, il sera éventuellement possible d’envisager une modification du périmètre.

M. le Garde des Sceaux  Même avis.

M. Michel Vaxès – En quoi la complexité de la garde à vue empêcherait-elle un enregistrement ?

L'amendement 153, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'article 6 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 7

M. André Vallini – L’amendement 128 vise à généraliser l’enregistrement des auditions. Le Gouvernement, le rapporteur, le groupe UMP se montrent trop timorés en manquant l’occasion de réaliser une grande loi de procédure pénale. Quel dommage !

L'amendement 128, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – Les amendements 23 rectifié et 24 apportent une précision.

Les amendements 23 rectifié et 24, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

M. André Vallini – L’amendement 129 est défendu.

L'amendement 129, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 25 apporte une précision.

L'amendement 25, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 7 modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 7

M. André Vallini – Afin d’éviter les enquêtes « dormantes », l’amendement 130 institue une procédure qui marque la fin d’une enquête préalable à la demande des personnes mises en cause.

L'amendement 130, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

ART. 8

M. le Rapporteur – L’amendement 26 est rédactionnel.

L'amendement 26, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. André Vallini – L’amendement 131 apporte une précision.

L'amendement 131, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 73 est défendu.

L'amendement 73, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 8 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 9

M. André Vallini – L’amendement 133 vise à renforcer le rôle des experts tout en garantissant leur crédibilité.

L'amendement 133, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. André Vallini – L’amendement 132 est défendu.

L'amendement 132, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 27 apporte une précision.

M. André Vallini – Le sous-amendement 135 vise à assortir la règle de la transmission des dossiers dans un délai préfixé, conforme aux recommandations de la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau destinées à accentuer le caractère contradictoire de l’enquête et singulièrement de l’audition des experts et à faire de la transmission du dossier un droit d’une sanction autre que la nullité de la procédure.

Le sous-amendement 135, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'amendement 27, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. André Vallini – Il convient de renforcer la possibilité pour les avocats des parties comme pour le procureur de proposer une contre-expertise de leur choix. Le silence du président de la chambre de l’instruction ne peut à cet égard constituer un obstacle ni même retarder l’exercice de ce droit prévu par la recommandation n °30 de la commission d’enquête. Tel est le sens de l’amendement 134.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Le président de la chambre d’instruction dispose d’un délai très court – dix jours à compter de la réception d’une demande d’expertise – pour rendre son ordonnance motivée. Il serait donc préférable de ne pas prévoir que l’absence d’ordonnance dans ce délai vaut acceptation de la demande de nomination d’un second expert.

L'amendement 134, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 28 est de précision.

L'amendement 28, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – Les amendements 29, 30 et 31 sont rédactionnels.

Les amendements 29, 30 et 31, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.

M. le Rapporteur – L’amendement 32 apporte une précision et l’amendement 33 est rédactionnel.

Les amendements 32 et 33, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.

M. André Vallini – L’amendement 136 rectifié vise à instaurer une véritable confrontation contradictoire entre l’expert et l’une ou l’autre des parties – ou le procureur. Cela répond, au moins en partie, aux propositions 29 et 31 de la commission d'enquête.

L'amendement 136 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'article 9 modifié, mis aux voix, est adopté.

Art. 10

M. le Rapporteur – Les amendements 34, 35 et 36 sont rédactionnels.

M. le Garde des Sceaux  Avis favorable.

L'amendement 34, mis aux voix, est adopté, de même que les amendements 35 et 36.

M. le Rapporteur – L’amendement 37 est de coordination et le 38 est rédactionnel.

Les amendements 37 et 38, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.
L'article 10 modifié, mis aux voix, est adopté.

avant l'Art. 11

M. André Vallini – L’amendement 137 vise à fixer des limites raisonnables à la durée des audiences. Il interdit que la justice soit rendue à des heures trop tardives : cela peut paraître un détail, mais cela ne l’est pas pour ceux qui sont jugés. La France est régulièrement condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour le mauvais fonctionnement de sa justice. Cet amendement est donc très important. Je suis encore sous le choc d’avoir entendu le ministre dire que nous avions suffisamment de magistrats. Ceux qui rendent la justice après 23 heures apprécieront.

M. le Rapporteur – La question de la durée des audiences est intimement liée à celle de la célérité de la procédure pénale. C’est pourquoi l’article 13 propose de nouvelles règles, afin que les rôles des sessions d’assises soient plus adaptés aux affaires à juger. Au vu de cet article, la commission a donné un avis défavorable à cet amendement. En effet, le code de procédure pénale, dans son article préliminaire, dispose que la procédure doit être équitable et contradictoire, ce qui englobe déjà la question de l’audience de jugement. L’amendement serait donc superfétatoire. Par ailleurs, il n’est pas de nature législative : il convient de régler ces questions de pure organisation interne par des circulaires destinées aux chefs de cours.

M. le Garde des Sceaux  Cet amendement ne relève pas de la loi. Avis défavorable.

L'amendement 137, mis aux voix, n'est pas adopté.

Art. 11

M. le Rapporteur – L’amendement 39 est rédactionnel.

L'amendement 39, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 83 vise à inscrire dans la loi la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle le juge civil surseoit à statuer lorsqu’une décision attendue au pénal est susceptible d’exercer directement une influence sur la solution de son dossier. Le projet de loi, en réécrivant l’article 4 du code de procédure pénale, va à l’encontre de cette jurisprudence, créant un risque important que des décisions rendues au civil soient suivies de décisions contraires rendues au pénal, ce qui aurait pour conséquence soit l’existence de décisions de justice contradictoires, ce qui ne saurait être accepté, soit des recours en révision au civil. C’est pourquoi l’amendement 83 tend à consolider cette jurisprudence.

M. le Garde des Sceaux  Cet amendement est exactement le contraire du texte que je vous propose : j’y suis donc défavorable et je souhaite que l’Assemblée ne suive pas la commission. À la suite de différents dysfonctionnements, mon prédécesseur avait confié à M. Magendie, président du tribunal de grande instance de Paris, le soin de réfléchir à des réformes. L’article 11 ne fait que reprendre ses propositions. Dans la tradition de notre code pénal, le criminel tient le civil en l’état. Mais cette règle, sur laquelle je ne souhaite pas revenir, a reçu une large extension jurisprudentielle de la part de la Cour de cassation, qui conduit à un véritable dévoiement. Ainsi, un employeur assigné aux prud’hommes par un salarié irrégulièrement licencié va déposer plainte, avec constitution de partie civile, contre ce salarié pour vol, bloquant l’instance prud’homale jusqu’à ce que le juge d’instruction rende un non-lieu. Ou encore, un litige commercial sera bloqué parce que l’une des parties engagera des poursuites contre l’autre pour faux ou escroquerie.

Cette règle porte préjudice aux petits, aux moins puissants, à ceux qui n’ont pas les moyens de faire traîner un procès civil et de mettre en branle une autre procédure qui n’aboutira à rien d’autre qu’à gagner du temps. Elle paralyse les procédures civiles. Elle est la cause de nombreuses procédures pénales non fondées, qui encombrent les cabinets de l’instruction et empêchent les juges de se consacrer aux véritables victimes. En 2005, sur plus de 30 000 informations ouvertes à l’instruction, presque 10 000 faisaient suite à une plainte avec constitution de partie civile, dont plus de 9 000 se sont terminées par un non-lieu, une irrecevabilité ou un refus d’informer ! Des non-lieux terminent, même si l’on ne dispose pas de pourcentages précis, l’écrasante majorité des plaintes avec constitution de partie civile – sans doute 80 % en 2004 à Paris, en matière économique et financière ! On voit bien les abus qui ont cours. Je souhaite donc que cet amendement ne soit pas adopté. D’ailleurs, ce sont les magistrats réunis autour de M. Magendie qui ont souhaité cette réforme : qu’on leur fasse confiance, ce sont des professionnels ! Ils sont déjà submergés de travail toute la journée, ils n’ont pas à être victimes de procédures dilatoires. C’est dans leur intérêt comme dans celui de la justice que la procédure ne soit pas dévoyée.

M. Philippe Houillon, président de la commission des lois  Je voudrais expliquer pourquoi la commission a adopté cet amendement. Le principe actuel est que le pénal tient le civil en l’état : on attend la décision pénale avant de prendre la décision civile lorsqu’elles ont le même objet. Selon un autre principe, celui de l’autorité de la chose jugée, la décision pénale s’impose à tous, notamment sur le plan civil. Du point de vue de la commission, la Cour de cassation a placé le curseur au bon endroit en permettant de ne pas surseoir à statuer lorsque l’action pénale n’a pas de conséquences directes sur la décision civile. Je pense que c’est la bonne solution : si la décision pénale a une action directe, il faut surseoir à statuer. L’amendement 83 propose donc d’inscrire cette jurisprudence dans la loi.

Le projet de loi, pour sa part, propose un mécanisme qui tient fortement de l’usine à gaz : il n’y a plus d’obligation de surseoir à statuer – la procédure civile suit donc son cours – et si jamais la décision pénale ultérieure contredit la décision civile, il n’y a qu’à engager un recours en révision ! Ce n’est vraiment pas raisonnable. On comprend les raisons de la commission Magendie, qu’a expliquées le Garde des Sceaux : les cabinets d’instruction sont effectivement encombrés par les plaintes avec constitution de partie civile. Mais il est vrai aussi que les magistrats instructeurs ont toujours demandé la disparition des plaintes avec constitution de partie civile ! Le seul problème est qu’elles sont le pendant indispensable, normal et mécanique du principe de l’opportunité des poursuites : à partir du moment où le parquet a la possibilité de poursuivre ou non, il faut évidemment laisser à la partie civile la possibilité de mettre elle-même en mouvement une action publique.

C’est pourquoi la commission est tout à fait favorable à la disposition de l’article 12 selon laquelle une plainte avec constitution de partie civile ne serait recevable qu’après un certain délai, au cours duquel le parquet n’aurait pas agi. Cela va permettre de désencombrer les cabinets d’instruction, tout en laissant bien sûr la possibilité à la partie civile, si le parquet ne poursuit pas pour une raison quelconque, de déposer une plainte avec constitution de partie civile. Revenons sur l’exemple du licenciement pour vol : on sait qu’en matière prud’homale, le débat est cristallisé par les motifs de la lettre de licenciement et ne peut rien aborder d’autre. Si l’employeur dépose une plainte pour vol, comment voulez-vous que le conseil des prud’hommes puisse statuer sur le bien-fondé du licenciement, sur son caractère abusif ou non, s’il ne dispose pas de la décision pénale ? La raison pousse donc à adopter l’amendement 83 et cette disposition de l’article 12, et surtout à rejeter un système qui provoquera des décisions contradictoires avec, comme solution, des recours en révision !

M. Michel Hunault – Quelques chiffres seulement pour appuyer cet exposé : nous comptons chaque année 5 millions de procès-verbaux, pour une capacité de 650 000 jugements. C’est souvent la dernière possibilité d’un justiciable, lorsqu’il y a un classement sans suite, que de porter plainte avec constitution de partie civile.

On ne peut laisser dire qu’une garantie essentielle pour le justiciable serait une procédure dilatoire.

M. le Garde des Sceaux  M. Houillon commet l’erreur majeure de croire que notre proposition tend à empêcher les plaintes avec constitution de partie civile. Il n’en est évidemment rien. Le dispositif aura pour effet de cribler les plaintes en éliminant automatiquement celles qui sont déposées dans un but dilatoire, puisque le procès civil se poursuivra de toute façon. C’est du bon sens. Je n’ignore pas que la commission des lois compte d’éminents spécialistes, mais la commission Magendie était, elle aussi, composée de professionnels dont je doute qu’ils aient formulé des propositions d’une complète stupidité.

M. le Président de la commission  Je n’ai pas dit que le dispositif empêcherait les plaintes avec constitution de partie civile puisque la question n’est pas celle-là, mais de savoir si le pénal tient le civil en l’état. M. le garde des sceaux a parlé de bon sens ; est-ce du bon sens de prévoir qu’il faudra recourir à une révision si le juge civil dit « blanc » et que le juge pénal dit « noir » ?

M. le Garde des Sceaux  Ce n’est pas de cela qu’il s’agit.

M. le Président de la commission  C’est pourtant ce que dit le texte, qui institue la possibilité d’une contradiction entre juge pénal et juge civil alors que les principes généraux de notre droit ont été pensés pour éviter une telle situation. S’agissant des professionnels, je puis vous assurer que les avocats ne sont pas favorables à cette mesure ; il n’est donc pas exact de dire qu’ils le sont. Le ministère public ayant la maîtrise des poursuites, il est juste de maintenir le pouvoir de suspension dans le seul cas où il existe un lien direct entre le civil et le pénal. C’est le bon sens.

M. le Garde des Sceaux  Le juge civil décidera, selon les cas, s’il suspend l’application de la procédure, selon qu’il l’estimera ou non dilatoire. Là où le Gouvernement souhaite permettre plus de souplesse vous souhaitez maintenir une rigidité. C’est très regrettable.

M. Jérôme Bignon  J’ai été sensible aux explications du garde des sceaux mais j’y aurais été plus sensible encore s’il avait mentionné, outre l’intérêt des magistrats, qu’il nous a décrits débordés, celui des justiciables, qui devrait être notre préoccupation principale. Le juge civil pouvant parfaitement décider d’attendre, et si les sursis encombrent, la révision sera exceptionnelle. L’idée est donc pertinente et il faut suivre le Gouvernement.

M. Gilles Cocquempot  J’ai été empêché d’assister au débat depuis son commencement, ce dont je vous prie de m’excuser. Je ne suis pas juriste, mais j’ai été membre de la commission d’enquête dont les auditions ne nous ont que trop permis, hélas, de prendre la mesure des dysfonctionnements de la justice. D’ailleurs, nous avons très vite oublié nos étiquettes politiques et une seule question nous hantait, tous : comment remédier à cela ? Mais qu’en est-il à présent, comme vient de le demander M. Bignon, de l’intérêt du justiciable ? Que chacun le sache, les travaux de la commission d’enquête ont été suivis passionnément. Aujourd’hui encore, à la permanence, je me suis entendu dire : « Tenez bon ! Ce n’est pas l’affaire des seuls professionnels ! ». Il faut entendre le bons sens du peuple et ne pas s’en tenir à l’intérêt de ceux qui organisent et instrumentalisent la justice car, soyez-en convaincus, nous sommes, à ce sujet, attendus au tournant des prochaines élections. Or, ce que l’on nous propose aujourd’hui n’est même pas la première étape d’une réforme globale, mais l’introduction à cette première étape.

L'amendement 83, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 40 est défendu.

L'amendement 40, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 11 modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 12

M. le Rapporteur – Les amendements 74 rectifié et 75 sont défendus.

Les amendements 74 rectifié et 75, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.
L'article 12 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

ART. 13

M. le Rapporteur – L’amendement 42 est défendu.

L'amendement 42, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 13 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

APRÈS L'ART. 13

M. le Rapporteur – L’amendement 43 est défendu.

L'amendement 43, accepté par le Gouvernement est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 44 rectifié est défendu.

M. le Garde des Sceaux  Avis défavorable. J’en demande le retrait.

M. le Rapporteur – En déposant cet amendement, que la commission a fait sien, M. Marsaud ne souhaitait pas réellement voir introduire ce soir l’échevinage dans les tribunaux correctionnels. Il nous a indiqué lui-même considérer la discussion de l’amendement comme l’occasion d’engager une réflexion qu’il estime nécessaire. La commission a jugé l’idée intéressante…

M. André Vallini  Alors, adoptez-la !

M. le Rapporteur  …comme le montre son vote. Elle considère également qu’une réflexion s’impose sur la manière d’associer les citoyens à la justice, notamment pénale. Pour autant, des réserves demeurent, qui expliquent pourquoi j’appellerai l’Assemblée à repousser l’amendement. En premier lieu, sa rédaction n’est pas assez précise pour permettre les harmonisations nécessaires avec d’autres dispositions du code de procédure pénale. Ensuite, une réflexion plus poussée s’impose sur les délits qu’il conviendrait de juger en formation collégiale et ceux qu’il faudrait juger en formation à juge unique. D’autre part, le Conseil constitutionnel ayant jugé que les juges professionnels doivent demeurer majoritaires dans les tribunaux de droit commun, la constitutionnalité de la proposition est douteuse. Enfin, bien des questions restent à trancher, dont je ne donnerai que quelques exemples : comment choisir les citoyens appelés à siéger au tribunal correctionnel ? Quelle devra être leur formation spécifique ? Pendant combien de temps demeureront-ils dans une formation de jugement ? Notre collègue Marsaud n’ignorait rien de ces interrogations. Aussi, bien que la commission ait adopté l’amendement, j’invite l’Assemblée à ne pas la suivre.

M. le Garde des Sceaux  J’avais moi-même lancé cette idée, dont la mise en œuvre s’avère trop compliquée. Possible au niveau de la cour d’assises, l’échevinage est très difficile à envisager au niveau du tribunal correctionnel. En attendant mieux, je demande à l’Assemblée de repousser cet amendement.

M. André Vallini  J’ai voté cet amendement en commission, car il va dans la bonne direction. M. le Rapporteur et M. le Garde des Sceaux ont une bien étrange tournure d’esprit : alors même que nos propositions vont dans le bon sens, il faudrait voter contre ! Pour ma part, je suis plus simple : quand un amendement va dans le bon sens, je le vote ! L’échevinage serait bienvenu en matière correctionnelle. Cela permettrait aussi – même si vous estimez qu’il y a assez de magistrats en France, Monsieur le ministre – de libérer des magistrats professionnels pour constituer les collèges de l’instruction et d’associer les Français à leur justice. Votons-le ce soir et appliquons le dans l’année !

L'amendement 44 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur  L’amendement 45 rectifié reprend une suggestion de la Cour de cassation.

L'amendement 45 rectifié, accepté par le Gouvernement , mis aux voix, est adopté.

art. 14

M. André Vallini  L’amendement 138 est défendu.

L'amendement 138, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.
L'article 14, mis aux voix, est adopté.

art. 15

L'article 15, mis aux voix, est adopté.

après l’art. 15

M. le Rapporteur  L’amendement 46 corrige une référence. Le 47 est de coordination.

Les amendements 46 et 47, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.

avant l’art. 16

M. Léonce Deprez  L’amendement 58 vise à compléter l’article 9-1 du code civil par deux alinéas ainsi rédigés : « L’action en référé et en réparation est introduite par la personne lésée ou le juge d’instruction, lorsqu’une information judiciaire est ouverte. L’atteinte à la présomption d’innocence est punie d’une amende civile de 15 000 euros. » Il s’agit d’améliorer la protection de la présomption d’innocence, qui a été un point noir dans l’affaire d’Outreau.

L'amendement 58, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

art. 16

M. le Rapporteur – L’amendement 85 est à mettre en relation avec ceux que nous avons adoptés avant l’article premier. Il prévoit que les nouvelles dispositions relatives à la collégialité de l’instruction entreront en vigueur dans un délai de cinq ans. À partir de leur entrée en vigueur, les dispositions relatives à la co-saisine, qui ne seront plus pertinentes, seront abrogées.

L'amendement 85, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – L’amendement 84 est un amendement de conséquence.

L'amendement 84, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – Les amendements 49, 50, 51, 52 et 53 sont rédactionnels.

Les amendements 49, 50, 51, 52 et 53, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.
L'article 16 modifié, mis aux voix, est adopté.

art. 17

M. le Rapporteur – L’amendement 54 supprime une disposition inutile.

L'amendement 54, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur – Les amendements 86, 87 et 88 rectifié sont des amendements de conséquence.

Les amendements 86, 87 et 88 rectifié, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.
L'article 17 modifié, mis aux voix, est adopté.

après l’art. 17

M. le Rapporteur – L’amendement 55 est défendu.

L'amendement 55, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président  Sur l’ensemble du projet de loi, je suis saisi par le groupe UDF d’une demande de scrutin public.

explications de vote

M. Jérôme Bignon  Comme je l’avais indiqué lors de la discussion générale, le groupe UMP votera ce texte qui marque une étape importante. L’émotion suscitée par le drame d’Outreau reste présente en chacun de nous, sans doute plus encore chez les membres de la commission d’enquête, pour lesquels il y aura toujours un « avant Outreau » et un « après Outreau ». Leur émotion m’a touché : comme le Garde des Sceaux, j’avais suivi une partie des auditions à la télévision, mais j’ai senti, à travers leurs interventions, qu’ils avaient vécu des moments très forts.

Je rappelle tout de même qu’avant Outreau, nous acceptions fort bien que 1 000 mises en détention provisoire se soldent chaque année par des non-lieux ou des relaxes ; le combat pour une meilleure justice est donc un combat permanent. Outreau ne doit pas nous conduire à oublier tous ceux qui subissent injustement le fonctionnement d’une institution imparfaite parce qu’humaine.

22 des 32 recommandations de la commission d’enquête ont été reprises par le Gouvernement. C’est peut-être insuffisant pour certains, mais cela marque une étape. Ce n’est pas un Grand Soir pour la justice, mais c’est une réponse que nous apportons à nos compatriotes, qui ont été émus par cette affaire – une réponse qui permettra de lutter contre la solitude du juge, de renforcer les droits des parties et d’améliorer la transparence de la procédure. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Michel Hunault  Il y a un an, l'Assemblée nationale décidait de créer une commission d’enquête parlementaire après l’affaire dite d’Outreau. Pendant six mois, nous avons travaillé sous le regard des Français. Nous avons entendu les magistrats, les avocats et l’ensemble des acteurs de la chaîne pénale, mais surtout les acquittés d’Outreau, venus nous raconter leur calvaire. Il n’y avait plus ni droite, ni gauche : il y avait simplement l’intérêt des justiciables et le serment que nous avons prêté de tout faire pour améliorer le fonctionnement de la justice. Considérant qu’il ne pourrait y avoir de réforme sans moyens, le groupe UDF a appelé à une grande loi de programmation pour la justice. Votre budget pour 2007 témoigne déjà de cette volonté, Monsieur le Garde des Sceaux, puisqu’il augmente de 5 %. Mais il faut aussi une loi pénitentiaire : les lieux de détention ne doivent pas être une zone de non-droit.

Une partie des propositions de la commission d’enquête a été prise en considération, nous a dit Jérôme Bignon. En réalité, c’est une infime partie, puisque vous avez refusé les amendements du président Vallini qui les reprenaient. Sur la solitude du juge d’instruction, les pôles de l’instruction, l’accès de l’avocat à la première heure, la présomption d’innocence, le caractère exceptionnel de la détention provisoire ou l’accès au droit des plus démunis, le compte n’y est pas. Compte tenu de l’importance du sujet et du faible nombre de députés présents, le groupe UDF a demandé un scrutin public. Il s’abstiendra.

M. Michel Vaxès  L’attente suscitée par la commission d’enquête était considérable. Le décalage entre ses propositions et le présent texte décevra immanquablement les professionnels, les justiciables et l’opinion publique. Je ne peux m’empêcher de penser à la mission d’information sur la fin de vie, qui avait là aussi, toutes sensibilités confondues, examiné les possibilités d’amélioration de la législation existante et décidé de réunir ses propositions dans un texte de loi qui a été adopté à l’unanimité.

Je regrette donc que l’on ne nous ait pas aujourd’hui, dans le prolongement de la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau, proposé un projet de loi en reprenant les propositions. Je n’en faisais pas partie, mais j’en ai suivi l’essentiel des auditions et des débats, opportunément retransmis par la chaîne parlementaire. Mais je trouve vraiment dommage qu’il faille dès demain remettre l’ouvrage sur le métier pour aller beaucoup plus loin. Je ne reviens pas sur le contenu des amendements qui ont été refusés. Parce que d’une part aucune mesure de ce texte, aussi minime soit-elle, ne va pas dans le bon sens mais parce que d’autre part, toutes sont trop timides, notre groupe s’abstiendra.

M. André Vallin – Le 14 décembre 2005, la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau se réunissait pour la première fois. Ses trente membres ont vécu des moments très forts, intenses, dramatiques, que les Français ont pu partager. Nous avons en quelque sorte délivré à la France entière une leçon d’instruction civique en matière judiciaire et nos concitoyens auront été durablement marqués par les travaux de cette commission. Ils se sont à cette occasion réappropriés leur justice et nous leur avons donné une belle image du travail parlementaire.

Un an plus tard, la déception est hélas générale. Je ne regretterais pas que nos débats de ce soir soient demain retransmis et que l’on s’aperçoive qu’au moment de voter ce texte, nous sommes une quinzaine dans l’hémicycle, dont six membres seulement sur trente de la commission d’enquête. Si les réformes avaient été à la hauteur du travail de la commission, je ne doute pas un seul instant que tous ses membres eussent été présents.

M. le Garde des Sceaux  Alors çà ! Il n’est que de voir ce qui se passe avec les autres textes.

M. André Vallini – À la commission d’enquête, nous avons vraiment travaillé ensemble, au-delà des clivages partisans et dans le seul souci de l’intérêt général. Je me souviens, Philippe Houillon, de nos apartés durant ces travaux. Nous nous disions que ces instants étaient uniques et que nous allions tout changer. Nous étions, vous comme moi, redevenus avocats…

Force est, hélas, de constater que les réformes proposées sont très insuffisantes. Elles comportent certes des avancées, notamment en matière de garde à vue, de détention provisoire, d’expertises, de droits de la défense, je vous en donne acte, Monsieur le Garde des Sceaux. Mais quelle timidité ! À tous mes amendements directement inspirés de la commission d’enquête, vous avez répondu vous-même, comme les deux rapporteurs, qu’ils allaient certes dans le bon sens mais qu’ils étaient prématurés. Pourquoi ne pas les avoir acceptés dès aujourd’hui ? Pourquoi rester au milieu du gué ? J’espère seulement que la future majorité, quelle que soit sa couleur politique, aura à cœur de tenir tous les engagements de la commission d’enquête.

M. Léonce Deprez – Très bien.

À l’unanimité des 23 suffrages exprimés sur 29 votants, l’ensemble du projet de loi est adopté.

M. le Garde des Sceaux  Je voudrais tout d’abord remercier l’ensemble des députés. Ce projet de loi, prétendument si contesté, est adopté à l’unanimité des suffrages exprimés – même si l’on eût pu souhaiter qu’il y eût davantage de députés présents ce soir, mais ce constat ne vaut-il pas de manière générale ?

Dans cette première étape, le Gouvernement a proposé de réelles avancées, notamment en matière de droits de la défense, qui ont été renforcés de manière considérable. Il aura fallu attendre ce soir, fin 2006, pour que la présence d’un avocat soit désormais obligatoire lors du placement en détention, pour que les expertises revêtent un caractère plus contradictoire, pour que la chambre de l’instruction soit renforcée avec des magistrats permanents et puisse vraiment jouer son rôle, pour rendre transparentes les gardes à vue et les audiences chez le juge d’instruction grâce à leur enregistrement audiovisuel. Je veux bien que l’on qualifie ces mesures de timides mais combien d’avocats, depuis des générations, les ont en vain réclamées ! Quelle erreur de les minorer alors qu’elles viennent d’être adoptées à l’unanimité ! Tout n’est certes pas parfait. Nous n’avons certes pas engagé une réforme structurelle du Conseil supérieur de la magistrature : c’est moi-même qui ai demandé au Premier ministre que ce texte soit retiré, estimant qu’il n’était pas mûr. Mais de grâce, ne minimisons pas le travail accompli ce soir. Du reste, si ce texte était si mauvais, aurait-il été adopté à l’unanimité ? Tant de textes le sont-ils ? Non, c’est extrêmement rare, et nos concitoyens apprécient lorsque nous parvenons ainsi à un consensus.

Nous avons fait ce soir un grand pas en avant et remporté une grande victoire. Certes, nous n’avons pas tout réformé et la tâche n’est pas achevée. Mais nous avons bien travaillé et je vous en remercie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Prochaine séance, cet après-midi, mercredi 20 décembre, à 15 heures
La séance est levée à 0 heure 25.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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