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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

séance du jeudi 21 décembre 2006

Séance de 15 heures
45ème jour de séance, 102ème séance

Présidence de M. René Dosière
Vice-Président

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La séance est ouverte à quinze heures.

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accords internationaux

L'ordre du jour appelle le vote, selon la procédure d’examen simplifié, sur cinq projets de loi autorisant l’approbation d’accords internationaux.

M. le Président – Conformément à l’article 107 du Règlement, je vais mettre aux voix chacun de ces textes.

L’article unique du projet de loi autorisant l’approbation de la convention France-Azerbaïdjan sur les infractions douanières, mis aux voix, est adopté.
L’article unique du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de sécurité sociale France-Corée, mis aux voix, est adopté.
L’article unique du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord France-Agence pour la sécurité de la navigation aérienne en Afrique et à Madagascar, mis aux voix, est adopté.
L’article unique du projet de loi autorisant l’approbation de la convention sur le contrôle des systèmes antisalissure sur les navires, mis aux voix, est adopté.
L’article unique du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord France-Tunisie sur le service national, mis aux voix, est adopté.

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projet de loi de finances rectificative pour 2006 (CMP)

L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2006.

M. Gilles Carrez, rapporteur de la CMP – Hier soir, 101 articles restaient en discussion en CMP et nous nous sommes mis d’accord sur leur rédaction définitive. La CMP a retenu dans le texte du Sénat l’aménagement du régime des pénalités au titre du versement des acomptes de l’impôt sur les sociétés, la mise en cohérence du droit fiscal avec le droit civil en ce qui concerne la réforme des successions et donations – je souligne que M. Sébastien Huyghe avait remarquablement préparé ce travail, achevé par M. Alain Lambert –, la poursuite de la réforme des sociétés d’investissements immobiliers cotées, enfin, un certain nombre d’aménagements techniques permettant l’application de la réforme du plafonnement à 3,5 % de la taxe professionnelle par rapport à la valeur ajoutée. Je remercie M. le ministre délégué au budget pour avoir permis une avancée substantielle sur le difficile problème de la TP de France Télécom. Des collectivités locales connaissent en effet des difficultés depuis la réforme de 2002, mais grâce à l’amendement adopté hier en CMP les cas les plus difficiles pourront être pris en compte équitablement.

La CMP a également aménagé plusieurs dispositions adoptées par le Sénat. À l’unanimité, elle a adopté l’amendement de M. Mariton visant à restreindre le crédit d’impôt pour l’emploi de personne à domicile aux emplois familiaux au titre des gardes d’enfants. S’agissant du barème de droit de francisation des navires dont le produit est affecté au conservatoire du littoral, nous avons amélioré l’abattement au titre de la vétusté sans compromettre le rendement de la taxe. Enfin, s’agissant de l’incitation à l’implantation d’activités nouvelles dans les bassins d’emplois qui connaissent des difficultés spécifiques, M. Warsmann a en particulier attiré notre attention sur les très graves difficultés des Ardennes. À l’unanimité, nous avons mis en place un dispositif pour traiter les situations de la Meuse et de Lavenalet.

La CMP a souhaité revenir au texte de l'Assemblée nationale s’agissant des attributions du fonds de mobilisation départementale pour l’insertion au titre de la part péréquation, et de l’allègement supplémentaire de la taxe d’aide au commerce et à l’artisanat. M. Novelli avait proposé un amendement de baisse linéaire, indépendamment des tarifs ou des chiffres d’affaires, conduisant à une baisse globale de 25 millions. Or, après une longue discussion, il nous a semblé préférable de revenir à la rédaction initiale de M. Novelli. La CMP a considéré que nous ne disposions pas encore de tous les éléments nécessaires pour prendre la décision d’instituer l’exonération facultative de foncier bâti au titre des propriétés agricoles dites biologiques. Le Gouvernement déposera à notre demande un rapport s’agissant du crédit d’impôt recherche.

Je vous propose donc d’adopter ce PLFR compte tenu du texte de la CMP.

Comme nous achevons la discussion de la dernière loi de finances de cette législature, Monsieur le ministre délégué, je vous remercie, ainsi que vos collaborateurs, pour la qualité du travail accompli. Nous avons été très sensibles à votre confiance et à votre esprit d’ouverture. Je remercie également nos collègues, très présents pendant l’ensemble de nos débats, et en particulier ceux de la commission des finances grâce auxquels nous sommes parvenus à de larges accords, quelles que soient nos sensibilités. Nous avons su prendre en compte la dure réalité de nos comptes publics et nous montrer vigilants dès qu’il s’agissait d’augmenter les dépenses ou de diminuer les impôts. Il faut toujours avoir à l’esprit, en effet, la nécessaire maîtrise du déficit, qui a d’ailleurs beaucoup diminué depuis 2004. Nous avons mené une politique de rétablissement des finances publiques qui mérite d’être prolongée au cours de la prochaine législature, quelle que soit sa couleur politique… (Sourires)

Enfin, je voudrais exprimer publiquement ma reconnaissance au président Méhaignerie (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP). Cher Pierre, au cours de ces cinq ans, cela aura été pour moi un immense plaisir de travailler avec vous. Votre hauteur de vue, votre sagesse et votre sens de l’intérêt général ont toujours servi de repères à notre commission : soyez-en solennellement remercié. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. le Président – Monsieur le Rapporteur général, permettez au président de séance de sortir de sa réserve pour vous faire remarquer que vous n’avez pas évoqué la disposition sénatoriale sur les indemnités des parlementaires.

M. le Rapporteur – Je n’en ai pas rendu compte parce que cette disposition n’a fait l’objet d’aucun débat.

M. Didier Migaud – Elle a été retirée.

M. le Rapporteur – Merci, cependant, de m’avoir redonné la parole car cela me permet de réparer un oubli en remerciant toutes les équipes de l'Assemblée nationale qui nous ont accompagnés au cours de ces cinq ans, ainsi que tous les présidents de séance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Dans la discussion générale, la parole est à M. Rochebloine.

M. François Rochebloine – En première lecture, le groupe UDF n'a pas voté le collectif budgétaire en se fondant sur plusieurs constats. D’abord, votre projet est construit sur des hypothèses économiques trop optimistes. Malgré une croissance française nulle au troisième trimestre, le Gouvernement n'a pas modifié ses prévisions économiques. Le choix d'une hypothèse de croissance autour de 1,8 % – qui faisait consensus chez les économistes – aurait été plus raisonnable, compte tenu de la perte de compétitivité de notre pays.

En effet, la plupart des économistes estiment que les effets d'un euro fort ne sont que légèrement défavorables à la situation économique française. C'est donc essentiellement la perte de compétitivité qui explique les difficultés conjoncturelles actuelles.

Second constat, le Gouvernement continue d'aggraver la pression fiscale sur les entreprises. En témoigne la réforme de la taxe sur les véhicules de société. Les mesures d'allégement de cette taxe – réajustement du barème électronique, abattement sur le montant de la taxe due, entrée en vigueur progressive – ne changent rien au fond du problème. Tel qu’il a été adopté au Sénat, le dispositif pénalise directement les entreprises en alourdissant la charge de la TVS, et, indirectement, les salariés. Quant à la modification du régime d’acompte de l’IS, elle emporte au moins quatre effets négatifs : aggravation de la pression fiscale, accentuation de l’insécurité juridique du fait du caractère rétroactif de la mesure – c’est la troisième fois en un an que les règles fiscales applicables aux entreprises sont modifiées –, évaluation non fiable du gain attendu, renforcement de la sensibilité de l’IS à la conjoncture. À l’évidence, ce n’est donc pas une mesure technique mais bien une décision politique destinée à boucler le budget.

Troisième constat, plusieurs ouvertures de crédits ont été rendues nécessaires du seul fait de la sous-évaluation flagrante de certains postes en loi de finances initiale.

Le spécialiste de notre groupe, notre collègue Charles de Courson, constate que tel a été notamment le cas pour les dépenses liées aux OPEX, l’insuffisance des crédits ayant atteint 365 millions en 2003, 539 millions en 2004, 421 millions en 2005 et 453 millions cette année. Dès lors, la nécessité de recourir au dispositif dérogatoire du décret d'avance a résulté, non pas de circonstances imprévisibles comme le prétend le Gouvernement, mais de l'inscription délibérée dans la loi de finances initiale de crédits d'un montant très inférieur aux dépenses constatées les années antérieures, et donc manifestement sous-évalués. Cette pratique pose problème au regard du principe de sincérité énoncé dans la LOLF.

Plusieurs autres ouvertures de crédits supplémentaires par décret d'avance trouvent leur origine directe dans la sous-estimation manifeste des dotations de LFI. Il s'agit notamment des crédits inscrits au titre des opérations de maintien de la paix – 80 millions ouverts –, des crédits du fonds de garantie des calamités agricoles, des dotations du fonds national d'aménagement et de développement du territoire, des crédits destinés au financement de l'hébergement d'urgence et à la prise en charge des personnes en situation de précarité et des dotations destinées à couvrir des dépenses liées aux dispositifs d'aide à l'emploi – 42 millions. Au total, ces ouvertures de crédits représentent un montant de 1,140 milliard. Ce montant représente 70 % des crédits ouverts par décret d'avance en 2006.

Par ailleurs, comme c'est le cas depuis quinze ans, le solde net des annulations et ouvertures de crédits porte moins sur le fonctionnement que sur l'investissement. La dérive – souvent dénoncée par le président Méhaignerie – se poursuit : toujours plus de fonctionnement, toujours moins d'investissement.

Fondé sur des hypothèses trop optimistes et comportant certaines dispositions fiscales inadaptées ou contradictoires avec des mesures prises en lois de finances initiales pour 2006 et 2007, ce collectif n’est pas satisfaisant. Enfin, l'utilisation des décrets d'avance a été pour partie irrégulière et la sincérité des deux dernières lois de finances insuffisante.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDF ne votera pas ce projet de loi de finances rectificative pour 2006.

M. Michel Bouvard – La discussion en première lecture m’avait permis d’exprimer le soutien du groupe UMP à ce collectif, notamment pour ce qui concerne les aspects tenant à l’exécution de l’exercice en cours, qui, cette année encore, a parfaitement respecté l’autorisation parlementaire de dépenses, conformément à une pratique constante depuis le début de la législature. Si, au cours des années, passées, cette politique exemplaire de maîtrise se traduisait souvent par des régulations intempestives aux conséquences mal maîtrisées, l’application de la LOLF a aussi permis de fixer des règles précises pour encadrer la régulation.

Ce collectif mérite aussi notre soutien parce qu’il traduit concrètement les dispositions de l’article 66 de la loi de finances initiale relatives à l’affectation de la totalité des surplus fiscaux à la réduction du déficit, ce qui permet de réduire le déficit de 9 % par rapport à la LFI et de plus de 2 % par rapport à la loi de règlement de 2005.

En première lecture, j’avais exprimé certaines réserves sur les dispositions relatives à la fiscalité écologique. Je me réjouis que les discussions ultérieures leur aient redonné de la cohérence, en évitant leur dispersion et en laissant aux entreprises le temps de s’y adapter. Des modifications trop fréquentes et éparpillées nuisent en effet toujours à l’efficacité.

S’agissant de l’habitat, je rappelle qu’un milliard de dépenses fiscales contribuent déjà à une politique incitant fortement à maîtriser l’énergie. Cependant, nous approuvons les dispositions de la CMP.

Les mesures en faveur des entreprises et des agriculteurs ou de modernisation fiscale avaient déjà reçu notre soutien.

Le Sénat a enrichi le texte, en adoptant de nouvelles règles fiscales pour prendre en compte les dernières évolutions du droit des successions. D’autres mesures ont été adaptées, notamment pour ce qui concerne les navires de plaisance, l’énergie réservée,…

M. le Rapporteur – Très bien !

M. Michel Bouvard – …la taxe professionnelle de France Télécom ou la compensation aux collectivités locales des conséquences financières de la décentralisation.

Par contre, je me dois de souligner qu’une loi de finances rectificative devrait s’en tenir à des mesures d’ajustement. Du point de vue de la qualité du travail parlementaire, il est fâcheux que viennent au début de la discussion au Sénat – soit après la clôture de l’examen par notre assemblée – des amendements porteurs de mesures nouvelles. À l’évidence, il ne s’agit pas d’une bonne méthode. Cela pose un problème d’association de la majorité aux choix du Gouvernement et la question de notre capacité à évaluer l’impact et la cohérence de telle ou telle proposition.

Il en va notamment ainsi des mesures de crédit d’impôt pour les emplois familiaux, que nous avons souhaité recentrer, en soutenant un amendement de notre collègue Mariton, sur les fonctions liées à la garde d’enfants ou à l’aide aux devoirs. Nous respectons ainsi strictement l’orientation donnée par le Premier ministre, lequel avait considéré que le dispositif s’adressait essentiellement aux familles, et, en particulier, aux femmes…

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances et vice-président de la commission mixte paritaire – Absolument !

M. Michel Bouvard – Cette mesure aurait gagné à être examinée dans la loi de finances initiale.

M. le Rapporteur – Tout à fait.

M. Michel Bouvard – Comme l’a dit Gilles Carrez, nous statuons en ce moment sur l’ultime acte budgétaire de la législature. Qu’il me soit permis, Monsieur le ministre, de saluer votre constance à tenir vos engagements et la qualité du travail que nous avons accompli ensemble. Qu’il me soit aussi permis de saluer tous ceux qui ont travaillé à la mise en œuvre de la LOLF, laquelle constitue un outil irremplaçable de modernisation de l’État, en ce qu’elle diffuse la culture de l’évaluation et du résultat. Pour peu que nous en ayons collectivement la volonté, elle peut aussi représenter un formidable vecteur de contrôle parlementaire. Enfin, qu’il me soit permis de remercier tout particulièrement Pierre Méhaignerie et Gilles Carrez, pour leur soutien indéfectible à la mise en œuvre de la réforme. Je salue aussi mes collègues de la MILOLF, Didier Migaud, Charles de Courson et Jean-Pierre Brard. Sans abdiquer nos convictions respectives, je crois pouvoir dire que nous avons beaucoup œuvré à l’orientation de la politique budgétaire du pays. Nous avons notamment affiné l’approche sur les opérateurs de l’État, dont la loi de finances pour 2007 a encore montré l’importance.

La LOLF doit également nous conduire à revoir en profondeur l’organisation de nos débats budgétaires. Il faudra une véritable loi de règlement, analysant les résultats de la gestion publique en termes de performance, au-delà du simple aspect comptable, ainsi que le bilan de l’État, grâce notamment à la certification de la Cour des comptes – qui prendra du temps mais qui sera utile dès lors que les objectifs auront pu être atteints au fil des années. Il faudra surtout redonner leur sens aux collectifs budgétaires, en évitant de les alourdir par des dispositions annexes – ce qui conduira sans doute à utiliser de nouveau la formule des projets portant diverses dispositions d’ordre économique et financier.

Enfin, il faudra que la prochaine législature revoie totalement l’organisation du débat sur la deuxième partie du PLF : nous devons sortir de la trilogie « litanie, liturgie, léthargie » dénoncée par Edgar Faure et malheureusement toujours actuelle, les commissions élargies n’ayant pas produit à cet égard tous les résultats escomptés ; il serait nécessaire de faire travailler ensemble, en amont, les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis, mais surtout de mettre un terme définitif à l’académisme des interventions en séance publique, pendant laquelle les orateurs inscrits succèdent aux rapporteurs et les ministres répondent à qui bon leur semble, avant une suite de questions souvent assez éloignées du sujet de la performance globale de l’État et de l’efficacité de la dépense publique.

Ces recommandations de fin de législature n’enlèvent rien à la qualité de ce collectif budgétaire et de la démarche suivie pendant cinq ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Didier Migaud – Si la pédagogie est l’art de la répétition, nous devons être, les uns et les autres, de bons pédagogues ! La procédure parlementaire veut en effet que nous intervenions sur les mêmes sujets à plusieurs reprises, en première lecture puis deuxième lecture ou à l’issue de la CMP tant sur le projet de loi de finances initial que sur le projet de collectif.

Celui-ci étant dans la continuité de la politique budgétaire menée depuis cinq ans, notre opposition ne vous étonnera pas. Contrairement à ce qu’a dit M. Carrez, la situation économique n’est pas satisfaisante et les comptes publics se sont plutôt dégradés, qu’il s’agisse de l’endettement, du niveau du déficit par rapport au PIB, du niveau de la dépense publique ou de celui des prélèvements obligatoires.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l’État - Mais non !

M. Didier Migaud – Les chiffres sont là, Monsieur le ministre !

Nous souhaitons que les prochaines échéances électorales permettent d’interrompre cette politique au profit du soutien de la croissance (« Et des impôts ! » sur les bancs du groupe UMP) et, chers collègues, d’une fiscalité plus juste. Votre politique fiscale consiste en effet à réduire les impôts des plus aisés en augmentant les prélèvements obligatoires pesant sur le plus grand nombre.

Par ailleurs, ce collectif contredit certains de vos propos, Monsieur le ministre, tant au sujet de la sincérité du budget, puisqu’il sert à corriger des sous-dotations de la loi de finances initiale, qu’au sujet des niches fiscales, que vous avez encore augmentées – ce que le président de la commission des finances a accepté après s’être fait le champion de l’opposition à ce système, contradiction dont il aura à rendre compte.

Enfin, ce texte ressemble de moins en moins à un collectif budgétaire.

M. le Ministre délégué – Il est très bien !

M. Didier Migaud – Je suis sûr qu’au fond de vous, vous partagez mon sentiment, ayant écrit un très bel ouvrage contre la « langue de bois »… Il s’agit davantage d’un projet portant diverses mesures d’ordre fiscal et financier. On peut regretter qu’il contienne 179 articles, dont nombre ont été ajoutés aussi bien par l'Assemblée nationale que par le Sénat ; cela ne va pas dans le sens de ce que nous avons tous souhaité en adoptant la LOLF.

Cela dit, Monsieur le ministre, nous reconnaissons votre bonne volonté pour dialoguer avec l'Assemblée nationale ; nous ne trouvons pas toujours la même chez le ministre de l’économie et des finances, ni chez le Premier ministre, qui multiplie les annonces en dehors du Parlement.

M. Guy Geoffroy – C’est le rôle du Gouvernement de travailler pour l’avenir !

M. Didier Migaud – On peut s’interroger sur sa légitimité à prendre des décisions en fin de législature.

M. Guy Geoffroy – Il est légitime jusqu’au dernier jour !

M. Didier Migaud – Ses décisions ne le sont pas si elles ont des conséquences budgétaires pour 2009 ou 2010.

On touche à la caricature avec ce qui s’est passé au Sénat : vous avez été contraint d’accepter une mesure que vous aviez, à plusieurs reprises, rejetée devant l'Assemblée nationale, à savoir le crédit d’impôt pour les personnes non imposables en matière de services à domicile. Nous sommes d’accord sur le fond, mais nous sommes contre le mode de financement : cela aurait pu se faire à coût constant, en réduisant l’avantage accordé aux personnes imposables ; mais vous avez préféré prendre une mesure démagogique, à laquelle M. Carrez a exprimé son opposition.

Pour le reste, je m’associe aux remerciements et félicitations qui ont été exprimées, à l’égard des fonctionnaires de l'Assemblée nationale et du ministère de l’économie et des finances comme de l’ensemble de nos collègues. Monsieur le ministre, nos échanges ont toujours été courtois, même si vous avez été sourd à nos propositions. Je souhaite qu’une nouvelle majorité sorte des élections de mai et juin prochains, afin de corriger ce que vous avez fait et de mieux lutter contre les inégalités.

La discussion générale est close.

M. le Ministre délégué – Ce n’est pas sans une certaine émotion que je m’exprime devant vous cet après-midi, au moment où s’achève la dernière discussion budgétaire de cette législature.

Je remercie de ses propos très aimables M. Bouvard, à qui je voudrais redire combien j’ai apprécié le travail que nous avons fait ensemble, notamment dans le cadre de la MILOLF. Il a fait des propositions de bon sens ; nous aurons encore à travailler ensemble sur ces questions passionnantes qui transcendent les clivages politiques.

Je salue M. Rochebloine, dont les propos ont été un peu plus modérés que ce que j’entends d’habitude de la part de son groupe, mais sa solitude à son banc me fait presque un peu de peine…

M. Migaud est seul, lui aussi. Il faut dire qu’il s’agit de se prononcer sur un texte fort important pour la modernisation de notre pays, mais aussi fort différent des élucubrations du Parti socialiste, notamment de son Premier secrétaire dans Le Monde

M. Didier Migaud - Je vous en prie.

M. le Ministre délégué – Comme je ne désespère pas, Monsieur Migaud, de vous détacher de vos idées de gauche…

M. Didier Migaud – Vous aurez du mal, elles sont bien ancrées !

M. le Ministre délégué – …je vais répondre à vos interpellations. En premier lieu, vous ne pouvez dire de ce collectif qu’il est mauvais alors qu’il est fantastique (M. Migaud proteste), respectant à la lettre les règles que M. Lambert et vous-même avez établies. Vous l’avez souhaité étroit, il l’est ; vous avez souhaité que toutes les dépenses nouvelles soient gagées par des annulations, elles le sont. Nous avons massivement dégonflé la bulle des reports, passés de 14 milliards en 2002 à 5 milliards aujourd’hui (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP). Le déficit du budget de l’État, qui était de 40 milliards en 1997, dernière année du gouvernement Juppé, s’établissait à 49 milliards en 2002, dernier exercice du gouvernement Jospin, et nous terminons la législature avec un déficit compris entre 41 et 42 milliards. Les dépenses de l’État, qui n’avaient cessé de croître entre 1997 et 2002, diminuent…

M. Didier Migaud – Vous savez que c’est faux.

M. le Ministre délégué – Aurais-je la cruauté de vous rappeler la sous-budgétisation massive de 2002 ? En outre vous aviez créé plus de 30 000 postes ; grâce à des audits, nous les avons diminués de 20 000. Je ne peux croire que le co-auteur de la LOLF considère, comme M. Hollande…

M. Didier Migaud – C’est une fixation !

M. le Ministre délégué – …revenu au socialisme de grand-papa, qu’il faudrait renoncer à l’efficacité fiscale par peur de prendre des mesures courageuses, comme si l’on pouvait vivre en vase clos comme au XIXe siècle…

M. Didier Migaud – Caricature !

M. le Ministre délégué – Mme Royal devra bien finir par s’expliquer elle-même sur ces sujets…

M. Didier Migaud – Elle le fera.

M. le Ministre délégué – Je sais bien que, pour vous, c’est une souffrance, Monsieur Migaud mais que, venu en service commandé, vous ne pouvez rien dire. Je me fais donc votre porte-parole, puisque c’est aussi mon métier …

M. Didier Migaud – C’est me faire trop d’honneur. Vous serez plutôt le porte-parole de l’opposition (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

M. le Ministre délégué – J’en terminerai sur une note personnelle, pour vous dire que j’ai ressenti comme un honneur extraordinaire d’avoir piloté avec vous tous, pendant ces deux années, le budget de l’État et d’avoir pu honorer les engagements que nous avions pris – réduire la dépense publique, mener à bien une réforme fiscale ambitieuse, appliquer la LOLF. Ces débats passionnés, au long de nuits interminables et de week-ends familiaux sacrifiés, ces moments parfois drôles, parfois un peu nerveux, qui scandent la vie de la République, nous resteront comme des souvenirs précieux.

Je remercie le président Méhaignerie avec lequel j’ai eu de nombreux échanges et, même si notre accord n’a pas toujours été total, peut-être suis-je devenu, au terme de ces deux années, un peu plus centriste, (« Tiens ! »sur les bancs du groupe UDF) et lui un peu plus gaulliste... (Sourires) Je remercie également mon ami Gilles Carrez avec lequel j’ai été heureux de travailler sur les finances publiques, sujet qui nous passionne tous deux, et M. Michel Bouvard, dont la précision est connue, tout comme la ténacité, extrême quand il s’agit de montagne (Sourires). Plus généralement, je remercie les membres de la commission des finances et tous les députés qui, n’en étant pas membres, sont parfois venus à mon secours – M. Laffineur par exemple.

Je salue le groupe UDF, dont je continue de regretter qu’il n’ait pas voté les deux derniers budgets alors même qu’ils traduisaient les attentes de son électorat. Je rends hommage à M. Migaud, qui a dit publiquement n’être d’accord sur rien mais qui est au moins d’accord sur le principe de la LOLF qu’il a fortement contribué à créer. Je m’honore d’avoir eu un adversaire tel que lui (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP) et je tiens à lui dire toute l’estime que je lui porte pour l’esprit de responsabilité dont il a su faire preuve dans les moments essentiels. J’ai une pensée pour les membres du groupe communiste, qui ont été très présents au cours du débat et qui ont donné au Gouvernement un coup de main signalé – et inattendu – à propos des SOFICA. Je rends hommage à mes collaborateurs et à ceux de la commission des finances, grâce auxquels la discussion s’est déroulée sans couacs. Je remercie enfin une présidence objective et remarquable – vous notamment, Monsieur Dosière, que je préfère siégeant en cette qualité qu’à votre banc, car vous êtes un bretteur redoutable sur les finances locales, même si M. Bonrepaux n’a pas d’égal. (Sourires) Je remercie l’ensemble des députés qui ont accompagné mon action au long de ces deux années très formatrices, au service de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Conformément à l’article 113, alinéa 3, du Règlement, je vais à présent appeler l’Assemblée à statuer sur les amendements du Gouvernement au texte de la CMP.

M. le Ministre délégué – L’amendement 1 à l’article 25 bis M est rédactionnel.

L'amendement 1, accepté par la commission, est adopté.

M. le Ministre délégué – Par l’amendement 2 à l’article 27 quater B, le Gouvernement souhaite supprimer les restrictions apportées par la commission mixte paritaire au champ d’application du nouveau crédit d’impôt pour emploi d’un salarié à domicile adopté par le Sénat. Ainsi la disposition produira-t-elle ses pleins effets pour les contribuables faiblement imposés et lui redonnera-t-on toute sa portée. Il en va de l’équité entre les foyers imposables et ceux qui ne le sont pas. De plus, la rédaction issue de la CMP compliquerait notablement le travail de l’administration. Je sais que ce sujet fait débat, mais j’invite votre assemblée à adopter l’amendement.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Le crédit d’impôt relatif à l’emploi d’un salarié à domicile a fait l’objet d’amendements de la majorité et de l’opposition pendant tous les débats budgétaires. Il s’agit d’une question de fond dont je regrette qu’elle ait été présentée directement au Sénat sans que notre assemblée en ait débattu.

Nous avons il y a deux ans institué un crédit d’impôt réservé à la garde d’enfants à l’extérieur du domicile. Certains d’entre nous s’étaient à l’époque demandé pourquoi ne pas l’étendre à la garde d’enfants à domicile.

Devant l’amendement présenté par le Gouvernement au Sénat, nous avons estimé que, par cohérence, il fallait restreindre ce crédit d’impôt à la garde d’enfants à domicile. Et hier soir en CMP, l’amendement de notre collègue Mariton a été voté à l’unanimité.

M. Didier Migaud – À l’unanimité de ceux qui ont pris part au vote !

M. le Rapporteur – Oui, mais vous ne pouvez pas nier que vous avez, dans l’opposition, déposé le même type d’amendement.

M. Didier Migaud – Ils étaient très différents.

M. le Rapporteur – Je trouverais profondément regrettable que cet amendement voté à l’unanimité par la CMP soit annulé par celui du Gouvernement.

M. le Ministre délégué – Je demande une suspension de séance.

M. le Vice-président – Je m’associe aux remerciements exprimés par Gilles Carrez pour l’action conduite par Jean-François Copé avec lequel, si nous n’avons pas toujours été d’accord, nous avons toujours pu largement débattre. Je tiens aussi, à l’occasion de ce dernier budget de la législature, à remercier Gilles Carrez avec qui ce m’est un plaisir que de travailler. J’apprécie son sens de l’intérêt général et sa très grande capacité de travail. Mes remerciements vont également à l’ensemble des membres de la commission des finances, de toutes sensibilités politiques, et à tous ceux qui sont présents aujourd’hui.

Il y a eu hier en CMP un très large consensus sur l’amendement de notre collègue Mariton. Pour des raisons de fond tout d’abord. Nous avons estimé qu’il était possible d’aller plus loin en matière de politique familiale en étendant le crédit d’impôt à la garde d’enfants à domicile. Ce gouvernement a eu une politique familiale ambitieuse et courageuse, qu’il était possible par cette mesure d’améliorer encore, notamment en faveur des familles monoparentales qui, lorsqu’elles travaillent en horaires décalés ou en 3/8, ont d’énormes difficultés à organiser la garde de leurs jeunes enfants. Mais aller au-delà aujourd’hui pose problème. Le Premier ministre réclame, à juste titre, des études d’impact préalablement à toute mesure : encore faudrait-il le mettre en pratique. Attendons au moins qu’un bilan soit dressé du CESU avant de créer un nouveau dispositif.

Cet amendement a aussi été adopté à l’unanimité pour des raisons de méthode. Les présidents des deux commissions des finances de l’Assemblée et du Sénat ainsi que les deux rapporteurs ont été convoqués à Matignon. Nous avions tous conseillé au Gouvernement, avant la réunion avec les organisations syndicales, de concentrer le dispositif sur la garde des jeunes enfants. Mais nous nous sommes aperçus que la décision était déjà prise. Cela est désagréable et cela n’est pas correct à l’égard du Parlement.

M. Didier Migaud – Vous vous révoltez !

M. le Vice-président – Nous avons eu un autre différend sur les Sofica. La commission a été battue d’une voix. Je souhaiterais vraiment sur ce point que nous soyons suivis, quitte, Monsieur le ministre, à réexaminer en cours d’année si le dispositif ne doit pas être étendu. Mais faisons d’abord le bilan du CESU.

M. le Ministre délégué – J’ai été très sensible à l’argumentation du président Méhaignerie, d’autant que je n’étais pas présent à cette réunion à Matignon. Si je demande une suspension de séance, c’est pour appeler l’attention sur le fait que le rejet de l’amendement du Gouvernement compliquerait le système et serait source d’inéquité entre foyers fiscaux, selon qu’il sont ou non imposables. Il est vraiment dommage que M. Mariton, auteur de l’amendement, ne soit pas présent aujourd’hui pour s’expliquer.

La séance, suspendue à 16 heures 5, est reprise à 16 heures 20.

M. le Ministre délégué – Le Gouvernement tient à cet amendement, qui lui semble apporter une plus grande cohérence au dispositif. Je souhaiterais donc que le groupe UMP l’approuve, même si j’ai compris certaines exigences. Je regretterais beaucoup, à titre personnel, qu’il ne le soit pas ; cela ternirait le travail que nous avons accompli ensemble.

M. le Vice-président – Ma proposition me paraissait concilier les exigences du Gouvernement et de la majorité. Avec M. Carrez, nous voterons contre l’amendement.

M. Didier Migaud – Excusez-moi de m’immiscer dans cette affaire de famille ! Tout le monde aura noté la compétition entre les uns et les autres…

M. le Ministre délégué – Ce n’est pas le but !

M. Didier Migaud – …, entre les partisans des différents candidats UMP aux prochaines élections (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

Si la proposition d’un crédit d’impôt pour les personnes non imposables, s’agissant d’emplois à domicile, est bonne, je m’associe, sur la forme, à ce qu’a dit le président Méhaignerie : il est plus que désagréable pour les députés de voir une mesure, rejetée plusieurs fois ici, revenir au Sénat à l’issue d’une conférence de presse du Premier ministre, du ministre des finances et du ministre des affaires sociales, par l’intermédiaire d’un sénateur qui n’a pas l’habitude de présenter ce type d’amendements. C’est un véritable détournement de procédure et un manque de respect pour le Parlement et l'Assemblée nationale. Je comprends donc la colère de nos collègues. Comme toujours dans l’histoire de la Ve République, quand le Gouvernement veut passer en force, le Parlement s’écrase ! C’est une culture de la soumission et de la démission.

Le président Méhaignerie, qui n’a pas été centriste pour rien, avait proposé une solution de compromis. Mais l’amendement de M. Mariton ne me paraît pas pertinent, car il aggrave les inégalités entre personnes imposables et non imposables. Nous ne prendrons pas part au vote…

M. le Ministre délégué – C’est dommage, pour une fois !

M. Didier Migaud – …, car nous aurions souhaité un crédit d’impôt suffisamment large, qui aurait été financé par une diminution de la réduction d’impôt pour les personnes imposables, dans un souci de maîtrise des dépenses. Ce dispositif ne représente plus aujourd’hui une incitation à l’embauche, mais une réduction déguisée de l’impôt sur le revenu déguisée. Nous déplorons ce bricolage et nous espérons que, sous l’autorité d’un nouveau Premier ministre, de la nouvelle Présidente de la République Ségolène Royal… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre délégué – Si un tel malheur arrivait, vous seriez dans l’opposition comme nous !

M. Didier Migaud – …, les inégalités que vous avez creusées seront réduites.

M. Michel Bouvard – Je comprends que, pour apporter de l’eau au moulin de l’opposition, certains cherchent à donner une lecture politique d’un problème purement technique. Nous souhaitons pouvoir vérifier l’impact du chèque emploi-service universel avant de décider d’autres dispositions. Aider les familles non imposables qui ont besoin d’un accompagnement pour la garde de leurs enfants fait partie de nos priorités en matière de politique familiale, mais ceci doit être mené dans un cadre qui nous permette d’abord d’évaluer l’impact du CESU avant un éventuel élargissement. Il est donc préférable de s’en tenir au texte de la CMP. Il ne s’agit nullement d’un problème politique entre telle et telle sensibilité de la majorité.

L'amendement 2, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Ministre délégué – La taxe qui finance le développement et la recherche dans le secteur agricole repose sur le chiffre d’affaires des exploitations. Afin d’éviter une hausse inconsidérée du montant de cette taxe, le législateur a institué un plafonnement, à hauteur de 20 % supplémentaires par rapport au montant de la taxe ANDA acquittée en 2002. Ce plafonnement a été reconduit chaque année, d’une part, parce qu’il constitue un garde-fou pour les exploitants et, d’autre part, parce que les recettes globales résultant de la taxe ont largement atteint les objectifs prévisionnels. L’amendement 3 à l’article 34 bis A prévoit que ce plafond soit maintenu en 2007, de façon à ne pas alourdir les charges pesant sur les exploitants et à ne pas susciter l’incompréhension chez eux.

M. le Rapporteur – Favorable.

L'amendement 3, mis aux voix, est adopté.
L'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la CMP ainsi amendé, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – La trêve des confiseurs sera salutaire avant une année 2007 chargée sur le plan politique. Je vous souhaite de bonnes fêtes à tous.

Prochaine séance, mardi 9 janvier 2007, à 9 heures 30.
La séance est levée à 16 heures 30.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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