Accueil > Archives de la XIIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (session ordinaire 2006-2007)

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit

Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

séance du jeudi 25 janvier 2007

Séance de 9 heures 30
54ème jour de séance, 123ème séance

Présidence de M. Éric Raoult
Vice-Président

Consulter le sommaire

La séance est ouverte à neuf heures trente.

Retour au haut de la page

dissolution de la société nationale « médaillés militaires »

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Charles Cova, relative aux modalités de dissolution de la mutuelle dénommée Société nationale « Les Médaillés Militaires ».

M. Marc Bernier, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales – En commençant mon propos, je tiens à saluer les médaillés militaires présents dans la tribunes : ils ont l’estime et la reconnaissance de la nation et de ses élus. La campagne électorale ayant commencé, nombre de nos collègues sont retenus dans leurs circonscriptions, mais tous soutiennent le texte que nous propose M. Cova, véritable rendez-vous avec l’histoire de notre pays et de ceux qui l’ont si bien servi qu’ils ont mérité cette récompense suprême, dite le « bijou de l’armée ».

« La France s’est construite au fil de l’épée », disait le général de Gaulle. Les chefs dont nous honorons encore le nom ne doivent pas faire oublier les sous-officiers et les hommes de rang, piliers de nos armées royales, impériales ou républicaines. L’Ancien Régime gratifiait leurs actes de bravoure d’une médaille de la vétérance. Le pouvoir révolutionnaire supprima toute forme de mérite. Afin de rendre justice au courage des hommes de troupe partis combattre pour l’Empire en terre étrangère, Louis-Napoléon Bonaparte institua par décret la Médaille militaire, quelques jours avant la proclamation du Second Empire. La République conserva cette distinction, la troisième dans l’ordre de préséance, qui honore la valeur et la discipline. Exclusivement militaire, elle est réservée aux sous-officiers et aux hommes de la troupe, bien qu’elle puisse exceptionnellement être accordée aux maréchaux de France et aux officiers généraux. Son prestige en est d’autant plus grand : Foch, Joffre, Leclerc, Kœnig et Jean Moulin l’ont reçue, aux côtés des cohortes de soldats inconnus qui ont écrit notre histoire militaire de la Grande Guerre à la Libération, de l’Indochine à l’Algérie, et encore aujourd’hui partout où ils sont déployés en opérations extérieures.

La Médaille militaire n’est pas constituée en ordre spécifique. Les hommes qu’elle récompense ont donc dû s’organiser eux-mêmes en créant dès 1904 une société de secours mutuel qui devint la Société nationale « Les médaillés militaires », reconnue d’utilité publique en 1931 et à laquelle fut adjointe une association de l’orphelinat et des œuvres en 1909, qui devait hélas donner la pleine mesure de son rôle au cours de la guerre.

Avec la création de la Sécurité sociale en 1945, la Société nationale dut abandonner son rôle d’assurance sociale pour se concentrer sur ses œuvres. Depuis, elle a malgré tout conservé son statut de mutuelle. Mais en 2001, à la suite de la transposition des directives communautaires sur les assurances, le secteur mutualiste français a été contraint de se restructurer et de se concentrer sur ses missions principales. La Société nationale a été enjointe de se conformer aux exigences du nouveau code de la mutualité, qui n’est conçu que pour des structures qui ont une activité d’assurance ou qui gèrent des œuvres sociales, alors que la Société nationale des médaillés militaires a surtout une mission de lien entre ses membres et ne gère qu’une seule maison de retraite. De plus, le nouveau code impose aux mutuelles d’être des entités centralisées, alors que la Société nationale compte près de mille sections départementales ou locales qui bénéficient d’une certaine autonomie. Enfin, l’activité de défense des intérêts de ses 70 000 membres entre difficilement dans le champ du nouveau code.

Le statut associatif est donc apparu plus approprié à la réalité des activités de la Société nationale, à l’instar des associations d’entraide des membres de l’Ordre de la Légion d’Honneur et de l’Ordre national du Mérite. La loi de 1901 lui permettrait de disposer librement de son patrimoine et de fixer ses propres règles de démocratie interne. Il lui faut donc transférer ses activités à l’Association de l’orphelinat et des œuvres des médaillés militaires qui lui est liée, dont les missions ont été fixées par l’assemblée générale extraordinaire qui s’est tenue à l’École militaire le 11 décembre dernier. L’objet de l’association est désormais de procurer aux médaillés militaires le concours matériel dont ils pourraient avoir besoin, de l’éducation des orphelins aux aides aux sinistrés.

Toutefois, cette fusion se heurte à l’article L. 113-4 du code de la mutualité, qui prévoit de transférer le patrimoine d’une mutuelle dissoute à une autre mutuelle, ce qui priverait la Société nationale des médaillés militaires de son siège de la rue de la Bienfaisance, à Paris, et de la maison de retraite d’Hyères. La confiscation du bien constitué par la générosité de ses sociétaires est impensable. L’objet de l’article unique de la proposition de loi est donc de permettre, par dérogation, la dévolution du patrimoine de la Société nationale à l’association d’utilité publique qui exercera ses missions. C’est une mesure légitime dont le rejet spolierait les médaillés militaires de leur patrimoine commun : un vote unanime s’impose.

En outre, cet article dérogatoire n'est pas contraire au droit européen et ne fait courir aucun risque de « démutualisation », puisque le principe de « distribution désintéressée » est respecté. J’ajoute que l’application de cette loi ne coûtera pas un centime à la collectivité publique, ce qui est assez rare pour être souligné.

Je terminerai par une réflexion. Le décret du 22 janvier 1852 instituant cette « médaille des braves » fut également celui de la confiscation des biens de la famille d'Orléans, déchue du trône. Il ne saurait être question d’infliger une déchéance aux « braves de notre République et de ses armées » en leur refusant le plein usage de leurs biens. Hier encore, j’ai vu à la télévision les pleurs d'une mère et de sa fille, dont l’époux et le père, sous-officier au GIGN, a été tué par un forcené il y a quelques jours. Au cours de la cérémonie où les honneurs militaires lui ont été rendus, Michèle Alliot-Marie a décoré ce gendarme de la Médaille militaire à titre posthume, le faisant ainsi entrer dans cette cohorte prestigieuse des « braves » prêts à faire le sacrifice de leur vie. Si cette proposition de loi est adoptée, les médaillés militaires subviendront aux besoins matériels de cette veuve et de ses enfants.

En terminant, je voudrais saluer la mémoire de M. Micislas Orlowski, Président général de la Société nationale des Médaillés militaires, décédé subitement à la fin de l'année dernière, et d’assurer les médaillés militaires de ma respectueuse compassion.

J’ai eu l'honneur de présenter ce texte en lieu et place de Charles Cova qui, n’étant pas membre de notre commission, n’a pu le faire alors qu'il est lui-même titulaire de la Médaille militaire. Je suis très honoré de m’être vu confier la tâche de défendre ici la cause du monde combattant. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe socialiste)

M. Charles Cova – Après cet excellent exposé, il m'appartient, en ma qualité de médaillé militaire davantage encore qu'en celui d'orateur du groupe UMP, d'apporter à notre séance une note émotionnelle et de vous sensibiliser à ce que représente pour nous notre décoration.

« Au nom du président de la République, nous vous conférons la Médaille militaire ». Le soldat ou le sous-officier à qui cette phrase est adressée est saisi par la solennité de l'instant : la fierté l'envahit. Trop peu de nos concitoyens connaissent cependant la valeur que les médaillés militaires accordent à cette prestigieuse décoration, au ruban vert et jaune, symbole de la reconnaissance de la nation.

Parmi les décorations françaises, la Médaille militaire occupe le troisième rang dans l'ordre de préséance, après les ordres de la Légion d'Honneur et de la Libération et juste avant l'Ordre national du Mérite.

En créant la Médaille militaire, le Prince Président Louis-Napoléon Bonaparte entendait récompenser les mérites des meilleurs soldats et sous-officiers. Le 22 mars 1852, face au carrousel du Louvre, il s'adresse ainsi aux 48 premiers récipiendaires : « Soldats, combien de fois ai-je regretté de voir des soldats et des sous-officiers rentrer dans leurs foyers sans récompense, quoique par la durée de leurs services, par des blessures, par des actions dignes d’éloges, ils eussent mérité un témoignage de satisfaction de la patrie ! »

À l'inverse de la Légion d'Honneur et de l'Ordre national du Mérite, la Médaille militaire est attribuée aux seuls militaires, à l’exception de personnalités étrangères illustres. Véritable « Légion d'Honneur du sous-officier », elle peut être remise – dans des conditions très strictes – aux maréchaux de France et officiers généraux ayant commandé en chef devant l'ennemi ou rendu des services exceptionnels à la défense nationale. C'est le cas des maréchaux Pétain, Joffre, Foch, Lyautey, Juin, de Lattre de Tassigny ou Leclerc, mais aussi de Sir Winston Churchill, du général Eisenhower, de Jean Moulin. La liste est longue !

Si la Médaille militaire a trouvé sa signification lors des guerres et sur les théâtres d'opérations extérieures, elle est aujourd’hui décernée à des hommes et des femmes ayant fait preuve de courage ou servi notre pays avec un dévouement exemplaire. Sa devise, « Valeur et Discipline », illustre tout ce qui fait sa grandeur.

Nombre de médailles militaires ont été décernées à titre posthume. Que les soldats et sous-officiers aient péri en opérations extérieures – en Côte d'Ivoire, au Kosovo, en Afghanistan… – ou au cours d'opérations de sécurité intérieure comme gendarmes ou pompiers militaires, la Médaille militaire est déposée solennellement sur leurs cercueils par les autorités de la République.

La solidarité indéfectible qui unit les titulaires de la Médaille militaire est renforcée par le fait qu’elle est dépourvue de toute hiérarchie. Elle est la seule manifestation honorifique qui mette sur un pied d'égalité le plus humble des soldats et le plus prestigieux des chefs militaires.

Cette solidarité se traduit par l’aide financière substantielle apportée aux familles de nos membres, aux veuves et aux enfants de nos sociétaires décédés en service, et par l'hébergement de quelques-uns de nos anciens, qui seraient peut-être devenus SDF sans notre aide. Elle s'exerce aussi par l'assistance juridique apportée aux sociétaires dans la défense de leurs intérêts.

La Société des Médaillés militaires veille également sur l'honneur, la dignité et la valeur de la décoration. Ses 1 000 sections, présentes dans les manifestations patriotiques de nos villes, assurent la promotion du devoir de mémoire cher à M. le ministre des anciens combattants.

Ce sont bien sûr des raisons techniques et juridiques qui m’ont conduit à déposer cette proposition de loi pour assurer l'avenir de la Société des Médaillés militaires et lui permettre de poursuivre sa tâche sous la forme associative. Mais c'est aussi, vous l'aurez compris, mon attachement personnel à cette décoration.

Vous me permettrez enfin d'avoir une pensée pour Micislas Orlowski, président général des Médaillés militaires, qui m'avait fait part de leurs inquiétudes et nous a quittés il y a trois mois. Hommage lui soit rendu. Le groupe UMP votera bien sûr en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe socialiste)

M. le Président – C’est évidemment toute l’Assemblée qui s’associe à ces condoléances et à cet hommage.

M. Alain Néri – Le moment est solennel : il s’agit du sort des médaillés militaires, dont l’évocation éveille toujours en nous une grande émotion. Je m’associe pleinement aux propos de notre rapporteur et de Charles Cova : cette décoration revêt une importance toute particulière. Je voudrais à mon tour saluer les médaillés militaires présents dans les tribunes – et tous les médaillés militaires – et leur dire notre admiration et notre reconnaissance. Au-delà de leur « Valeur » au service de la France et de leur courage, qui peut aller jusqu’au sacrifice suprême, ils ont su s’organiser pour défendre la mémoire de leurs membres et assurer à leur profit l’indispensable action sociale. Nous sommes d’accord pour les y aider, en particulier pour ce qui est du fonctionnement de leur maison de retraite.

Cela étant, si cette proposition de loi est dictée par des motifs juridiques et techniques, la méthode proposée n’est pas la plus pertinente. Elle conduit en effet à admettre une dérogation à ce que le Parlement a décidé pour la mutualité. Il eût été préférable de faire en sorte que d’autres mutuelles se substituent à celle des médaillés militaires pour assurer le fonctionnement de cette maison de retraite. Nous sommes en effet tous attachés au développement des mutuelles d’anciens combattants – j’ai moi-même fait adopter un amendement à une loi de finances pour leur réserver la gestion de la rente mutualiste et empêcher qu’elle ne soit captée par les sociétés d’assurances. Tout ce qui concerne les anciens combattants doit rester de leur compétence.

Si la méthode choisie ne nous semble pas opportune, il n’est cependant pas question pour nous d’entraver cette réforme. L’intérêt des médaillés militaires et de leurs familles nous interdit de nous opposer à ce texte. Néanmoins, pour ne pas ouvrir la porte à des dérogations multiples au code de la mutualité, nous nous abstiendrons.

M. Thierry Mariani – Après l’intervention claire du rapporteur et celle pleine d’émotion de Charles Cova, je suis heureux à mon tour de soutenir cette proposition. Les médaillés militaires l’attendent avec impatience, comme me le rappelait, dans ma circonscription, le président Lemaire, vice-président de la Société nationale et président de la 252e section, avec lequel j’ai souvent travaillé.

Nous donnerons ainsi à la Société nationale des Médaillés militaires un statut adapté à la réalité de son action, puisqu’elle a cessé ses activités d’assurance et s’emploie aujourd’hui à resserrer les liens entre les médaillés, à défendre leurs intérêts et à les secourir.

Le droit de la mutualité ayant évolué, le changement s’imposait. Mais la transformation en association oblige normalement à transférer le patrimoine à une autre mutuelle ou au fond national de garantie des mutuelles ; la proposition vise à permettre un transfert en faveur de l’Association de l’orphelinat et des œuvres des médaillés militaires, reconnue d’utilité publique. La Société nationale, forte de 70 000 membres, mène une action irremplaçable en faveur des orphelins et l’Association de l’orphelinat et des œuvres distribue chaque année plus de 100 000 euros pour le soutien aux pupilles et à ceux qui ont été victimes de coups durs, comme celui qui vient de frapper la famille d’un gendarme du GIGN. Elle intervient également dans des situations exceptionnelles comme la canicule de l’été 2003 ou les inondations, notamment à Vaison-la-Romaine. Remercier ceux qui ont combattu pour nous est aussi une façon d’accomplir ce devoir de mémoire qui concourt à la cohésion de la République.

La solution proposée est une dérogation au code de la mutualité, M. Néri a raison ; mais en faveur de ceux qui ont risqué leur vie pour notre pays, elle est amplement justifiée. Je voterai donc ce texte avec enthousiasme.

Je saisis cette occasion de rendre hommage à notre collègue Charles Cova, qui ne se représente pas. Nous avons été élus pour la première fois en même temps, en 1993. Au cours de ses trois mandats, il a déposé trois propositions qui toutes exprimaient son attachement au monde combattant, et j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur de la proposition « Français par le sang versé », soutenue par Pierre Messmer, qui accordait la nationalité française aux légionnaires blessés au combat. Cette fois encore, il a réussi à arracher l’inscription de sa proposition de loi à l’ordre du jour – très chargé en cette fin de législature. Je le remercie pour l’œuvre qu’il a accomplie, et grâce à lui, la Société nationale des Médaillés militaires va pouvoir poursuivre la sienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – En tant que député d’une circonscription voisine de celle de M. Cova – et M. Geoffroy est venu également, pour représenter la Seine-et-Marne – je m’associe à cet hommage. Comme on le dit à Chelles, « quand Cova est là, ça va ». C’est au nom de tous les groupes de l'Assemblée nationale – même si les groupes communiste et UDF ne sont pas représentés ce matin – que je veux lui témoigner l’attachement que nous lui portons.

La discussion générale est close.

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants – Au nom du Gouvernement, je veux à mon tour saluer les titulaires de cette très prestigieuse distinction, la Médaille militaire, dont notre pays décore depuis le Second empire ceux qui s’illustrent pour lui par les armes afin de leur marquer sa gratitude pour leur dévouement est une abnégation qui peut aller jusqu’au sacrifice suprême. Je salue également la mémoire de M. Orlowski, qui a présidé la Société nationale des Médaillés militaires pendant des années avec dynamisme et compétence, et dont la disparition soudaine a endeuillé le monde combattant.

M. Bernier a parfaitement exposé l’objet de cette proposition. L’évolution des règles de la mutualité rend difficile le fonctionnement de cette société dans sa forme actuelle, y compris pour ce qui est de la gestion de sa maison de retraite. L’assemblée générale de la Société nationale des Médaillés militaires a donc souhaité sa dissolution et l’affectation de son actif à une association reconnue d’utilité publique. Or le droit commun, – c’est l’article L. 113-4 du code de la mutualité – veut qu’en cas de dissolution d’une mutuelle, l’actif net soit dévolu à une autre mutuelle, au fonds national de solidarité et d’action mutualistes ou au fonds de garantie national des mutuelles. Il convient donc d’accorder une dérogation à la Société nationale des Médaillés militaires.

Le Gouvernement, et en particulier le ministre en charge de la Sécurité sociale, tiennent à souligner que ce type de dérogation doit rester exceptionnelle. Il ne faudrait pas en effet fragiliser le fonds national de garantie qui couvre les droits des adhérents en cas de défaillance d’une mutuelle. Par ailleurs, la fédération nationale des mutuelles de France peut utilement conseiller la mutuelle des médaillés militaires, comme toutes les autres, dans ses démarches.

M. Cova, lui-même titulaire de cette décoration, a manifesté une fois de plus son attachement à ceux qui servent notre pays en proposant de donner satisfaction par la loi à la demande des médaillés militaires. Compte tenu des éléments du débat, et en raison du respect que nous portons tous aux médaillés militaires, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de votre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Charles Cova – Je suis très sensible aux propos de mes collègues et à l’estime qu’ils m’ont manifesté, ainsi qu’à tous les médaillés militaires, au nom desquels je les remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Au nom de l’Assemblée, je vous redis toute notre gratitude.

J’appelle maintenant l’article unique de la proposition de loi dans le texte de la commission.

L’article unique de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté.
La séance, suspendue à 10 heures 15, est immédiatement reprise.

Retour au haut de la page

action extérieure des collectivités locales

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à l’action extérieure des collectivités territoriales et de leurs groupements.

M. Christian Decocq, rapporteur de la commission des lois – En dépit du monopole traditionnel de l'État dans la conduite des relations internationales, les collectivités territoriales françaises ont su trouver les moyens de mener une action extérieure, généralement qualifiée de « coopération décentralisée ». Néanmoins, l'absence de base juridique solide à l'action extérieure des collectivités reste, pour celles-ci, une source de vive préoccupation. En effet, le cadre juridique actuel est le fruit d'évolutions successives qui n’ont pas levé toutes les ambiguïtés.

Cette situation a conduit le sénateur Michel Thiollière à déposer une proposition de loi dont l'objet est, précisément, de donner une base juridique solide à la coopération décentralisée. Parallèlement, le 7 juillet 2005, le Conseil d'État a rendu un rapport qui se prononce également pour une adaptation législative. Soucieux de tenir compte des travaux du Conseil d’État, les sénateurs se sont inspirés de la rédaction qu’il suggérait en adoptant, le 27 octobre 2005, la proposition de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui.

Il ne me semble pas inutile de faire un bref rappel historique du développement de la coopération décentralisée. Ainsi, les premiers jumelages, souvent conclus dans le cadre du rapprochement franco-allemand dans l'immédiat après-guerre, se sont noués en l'absence de tout cadre juridique ad hoc, par le biais d'initiatives spontanées, au demeurant fort sympathiques, avant que le décret du 24 janvier 1956 ne prévoie l’obligation, pour tout projet de jumelage, d'une déclaration au préfet. De la même façon, la coopération transfrontalière s'est développée dans un cadre essentiellement empirique, au gré des réalisations de terrain, même si la convention-cadre du Conseil de l'Europe sur la coopération transfrontalière des collectivités ou des autorités locales du 21 mai 1980 a permis de lui donner une base juridique a posteriori.

Par la suite, alors que les lois de décentralisation n’ont fait que très peu de place à la coopération décentralisée, celle-ci a gagné une véritable consécration législative avec la loi d'orientation du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République. Cette avancée était indispensable pour donner une véritable portée juridique aux actes liés à l'action extérieure des collectivités territoriales : il est ainsi prévu que l’action doit s'inscrire dans le cadre de conventions conclues avec des collectivités territoriales étrangères, mais non directement avec des États étrangers, sauf dans le cas particulier de l'outre-mer que nous avons longuement évoqué en commission, dans notre réunion d’hier.

La coopération décentralisée prend trois formes principales : l'aide au développement, l'action humanitaire d'urgence et la coopération transfrontalière.

Les actions d'aide au développement en constituent un volet essentiel. D'après la commission nationale de la coopération décentralisée, près de 3 500 collectivités territoriales en mènent, dans 120 pays, ce qui représente un effort financier d’environ 115 millions. En la matière, la coopération prend souvent une forme très concrète, fondée notamment sur le savoir-faire particulier des collectivités françaises dans le traitement des déchets, la gestion de l'eau ou l'assainissement.

Les collectivités territoriales sont aussi de plus en plus présentes dans l'aide d'urgence, principalement après des catastrophes naturelles de grande ampleur.

S’agissant de la coopération transfrontalière, la mise en place de structures juridiques particulières est généralement nécessaire. Les outils disponibles sont très nombreux : société d'économie mixte locale, groupement d'intérêt public, participation des structures de droit étranger, groupement local de coopération transfrontalière, district européen, et, dernièrement, groupement européen de coopération territoriale – créé par un règlement communautaire du 5 juillet 2006. Ce règlement, directement applicable en droit français, autorise la participation d'États de l'Union européenne, et non seulement de collectivités territoriales.

Venons-en à l'objet de la proposition de loi, qui est de préciser la légitimité dont peuvent se prévaloir nos collectivités pour intervenir à l’extérieur, en particulier dans des domaines qui ne relèvent pas directement de leurs compétences. Bien sûr, la clause générale de compétence permet à l'organe délibérant de chaque collectivité de régler par ses délibérations les « affaires de la collectivité ». Afin de préciser cette notion « d'affaires de la collectivité », le juge administratif recherche s'il existe un « intérêt public » pour la collectivité territoriale, ce qui passe généralement par la recherche d'effets de l'intervention publique visée pour ses habitants. Cependant, cette règle n'interdit pas par principe à une collectivité d'intervenir en dehors de ses limites géographiques. En effet, une action menée à l’extérieur peut avoir des retombées bénéfiques, pour la collectivité qui en a pris l'initiative comme pour ses habitants ; le Conseil d'État a eu l'occasion de le reconnaître.

Il existe néanmoins des situations où l'action extérieure menée par une collectivité peut être, sinon désintéressée, du moins sans conséquence directe pour ses habitants. Par essence, le domaine de l'aide au développement relève de la solidarité internationale, et peut rendre plus difficile la manifestation d'une retombée positive pour la collectivité territoriale et ses habitants. Toutefois, il est évident que le concept de coopération décentralisée perdrait beaucoup de sens si les actions autorisées dans ce cadre devaient automatiquement produire un « intérêt local » pour la collectivité qui en prend l’initiative. Or plusieurs jugements récents de certains tribunaux administratifs ont fait naître une vive inquiétude, en retenant une interprétation très rigoureuse de la notion d'intérêt local de l'intervention.

Face à ces incertitudes, le Sénat a donc adopté la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui. D’abord, il nous est proposé de remplacer la notion de « collectivités territoriales étrangères et leurs groupements » par celle, plus neutre, d’« autorités locales étrangères », en vue, notamment, de lever toute ambiguïté sur la possibilité de conclure des conventions avec des états fédérés, comme les Länder allemands ou les cantons suisses.

Ensuite, et c'est le cœur du dispositif, pour répondre aux incertitudes juridiques liées à la nécessité de rattacher les actions de coopération décentralisée à une compétence de la collectivité territoriale, la proposition de loi supprime toute référence aux compétences des collectivités locales dans l'article L. 1115-1 du code général des collectivités territoriales. Ainsi, la coopération décentralisée ne serait plus un prolongement, en dehors de nos frontières, de l'action de droit commun des collectivités, mais une compétence d'attribution supplémentaire. Si cette rédaction peut sembler audacieuse, elle ne vise en réalité qu’à entériner une pratique bien installée, dont il convenait d’assurer la sécurité juridique.

Enfin, le texte ne modifie pas le principe posé en 1992 : toute action de coopération décentralisée doit être menée dans le cadre défini par une convention préalablement conclue entre les collectivités locales françaises et leurs homologues étrangères. L'article unique précise le contenu de ces conventions, afin que celles-ci ne soient pas purement formelles et permettent d'éclairer la population – et les autorités en charge du contrôle de légalité – sur l'objet des actions envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers. Tout en maintenant le principe de la convention préalable, la proposition de loi innove en prévoyant un cas de dispense pour ce qui concerne l'urgence humanitaire. En effet, face à des catastrophes comme le tsunami asiatique ou le passage de l'ouragan Katerina, de nombreuses collectivités territoriales ont souhaité venir en aide très rapidement à des populations en détresse. Dans ces conditions, il est bien évidemment impossible de conclure une convention préalable.

Compte tenu des améliorations qu'apporte cette proposition de loi au droit existant, la commission des lois invite l’Assemblée à l'adopter sans modification. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie – Le Gouvernement se réjouit que soit aujourd’hui débattue, dans le cadre d’une séance dont l’ordre du jour a été proposé par le groupe UMP, la proposition de loi de M. le sénateur Thiollière tendant à préciser notre droit de la coopération décentralisée. Le texte qui vous est soumis est issu d'une étroite collaboration entre le Gouvernement et le Parlement, tendant à permettre aux collectivités territoriales françaises de nouer sans risque juridique des partenariats avec d'autres autorités locales étrangères.

Depuis longtemps, en effet, les collectivités territoriales françaises ont manifesté leur souhait de pouvoir développer une action extérieure, en Europe mais aussi à destination des pays émergents. Elles le font dans le respect des engagements de la France, en s'appuyant sur des savoir-faire qui mettent en jeu un large éventail d'acteurs. Dans ce cadre, elles conduisent des programmes de coopération complémentaires à l'action menée par l'État. C'est pourquoi mon ministère soutient résolument ces initiatives.

La loi du 6 février 1992, qui a autorisé la signature par les collectivités territoriales françaises de conventions avec d'autres autorités locales, avait omis de préciser quel type d'action était visé ; en particulier, elle n'avait pas fait mention de l'aide au développement que pouvaient apporter les collectivités territoriales. À l’époque, le législateur n'avait notamment pas songé à donner un socle juridique aux nombreuses subventions accordées par les collectivités territoriales, au titre de l'aide humanitaire d'urgence, pour porter secours aux victimes de catastrophes naturelles. Du reste, c'est l'impressionnante mobilisation française qui a suivi le tsunami de 2004 qui a motivé la proposition initiale du sénateur Thiollière.

De son côté, le Gouvernement avait saisi le Conseil d’État pour évaluer les risques encourus par les collectivités territoriales du fait de l'imprécision du cadre législatif existant. Dans son rapport, adopté en assemblée générale le 7 juillet 2005, celui-ci avait conclu à la nécessité de modifier la loi pour éviter des annulations au motif de défaut d'intérêt local à agir, comme certains tribunaux administratifs l'avaient déjà fait en première instance. Je précise que ces décisions ont fait l'objet d'appels, en cours d'instruction à ce jour.

C'est cette réflexion collective qui a abouti au texte, adopté à l'unanimité au Sénat le 27 octobre 2005, qui vous est aujourd'hui proposé. Cette proposition, qui reprend les formulations du Conseil d'État, ouvre désormais de manière explicite la possibilité pour les collectivités territoriales de mener des actions d'aide au développement, dès lors qu'elles auront été prévues par convention entre les partenaires locaux.

En tant que ministre en charge de la coopération, je me félicite de cette avancée, car je sais tout l'apport de nos collectivités territoriales au développement des pays du Sud, en particulier dans l'Afrique francophone. Elles participent chaque année pour 50 millions d’euros à l'effort de la France en matière d'aide publique au développement.

Les subventions accordées après des catastrophes naturelles seront également légalisées. Néanmoins les collectivités prennent conscience qu’un accompagnement dans la durée pour la reconstruction, comme elles sont nombreuses à l'avoir décidé en faveur de l'Indonésie, de l'Inde ou du Sri Lanka, est souvent plus efficace que de simples dons aux associations.

Le Gouvernement appelle de ses vœux l'adoption de cette proposition par votre Assemblée dans des termes identiques à ceux du Sénat, afin qu’elle soit définitivement adoptée avant la fin de la législature.

Ce texte a été précédé de la loi dite Oudin-Santini sur le financement innovant de la coopération dans le domaine de l'eau et de l'assainissement. Nous avons également inclus dans notre droit interne la notion de district européen, qui permet d'associer des collectivités étrangères à des syndicats mixtes de droit français. Par ailleurs, le Gouvernement a rénové la Commission nationale de la coopération décentralisée, désormais pleinement opérationnelle, et que j'ai réunie le 3 octobre 2006 pour la première fois depuis trois ans. De nouveaux chantiers ont ainsi pu être engagés, telles la mise en place de commissions de coordination pour la Chine, le Brésil et les pays émergents, ou l'instauration de groupes de travail sur la coopération décentralisée et les communautés de migrants. Enfin, notre dispositif de cofinancement a été réformé, à la suite d'une large consultation avec les associations de collectivités territoriales, afin de le rendre plus simple, plus lisible, mais aussi pour en faire un instrument au service de nouveaux partenariats entre l'État et les collectivités.

Le nouveau dispositif favorise le développement durable, la mutualisation et l'intégration des jeunes. Il s'appuie sur trois appels à projets, proposant notamment une contractualisation sur trois ans avec les principales collectivités territoriales présentes à l'étranger. J'attends de cette réforme une meilleure articulation de l'action des collectivités entre elles, mais aussi avec l'État, grâce à la prise en considération de leurs actions dans les documents-cadre de partenariat avec les pays de notre zone de solidarité prioritaire. J'espère par la même occasion répondre au souhait d'une meilleure coordination, dans le respect de l'autonomie des collectivités territoriales.

Dans un monde globalisé, où les enjeux de développement territorial ne peuvent s'envisager sans ouverture vers l'extérieur, je crois au rôle de nos collectivités. C'est donc avec satisfaction que je vois aboutir cette proposition, qui apporte la sécurité juridique tant attendue et permettra à de nombreuses collectivités territoriales de contribuer à notre politique d'aide au développement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe socialiste).

M. Philippe Edmond-Mariette – Très bien.

M. Bruno Bourg-Broc – Des périodes sombres des Croisades jusqu'aux Lumières, de l'après-guerre à aujourd'hui, nombreuses sont les nations à l’émancipation desquelles la France a participé. En ces temps où l'on écoute plus volontiers ceux qui l’accusent de fautes impardonnables, je pense qu'il est bon de le rappeler, parce que notre voix compte. Nous pouvons être fiers de notre idée du monde, qui a apporté la preuve de son originalité et de son utilité avec le Général de Gaulle, initiateur visionnaire de notre politique de coopération. Ce n'était pas seulement pour la France que le Général voulait faire de la coopération une « grande ambition », mais pour tous les pays « comblés » ; c'est une très belle définition de la solidarité internationale et de la responsabilité qui est la nôtre.

Les Français l'ont bien compris. Les catastrophes naturelles, les famines, les guerres civiles sont autant de causes qui suscitent leur mobilisation massive. Les mouvements de solidarité internationale sont aussi réactifs que la médiatisation des drames vécus aux quatre coins de la planète.

Tout comme la société civile et l'État, les collectivités territoriales font preuve de générosité et de solidarité ; leurs actions extérieures s'élevaient, en 2004, à 230 millions d'euros, dont 115 au titre de l'aide au développement. Depuis les premiers jumelages d'après-guerre, les communes ont développé de nombreux partenariats à l’étranger. Les collectivités disposent aujourd’hui d'une véritable expertise en ces domaines.

Dans la limite des compétences qui leur sont attribuées, leurs initiatives doivent présenter un caractère d’intérêt général. Cette dernière notion ayant fait l'objet d'appréciations divergentes dans la jurisprudence, il convenait d'apporter une clarification. Comme l'a rappelé Mme la ministre, il ne faudrait pas que des incertitudes juridiques affaiblissent des initiatives qui contribuent au rayonnement de la France.

La proposition de loi présentée par le sénateur Michel Thiollière a donc pour objet de sécuriser les actions d'aide au développement et d'aide humanitaire d'urgence. Son article unique s'inspire, tout en la complétant, de la loi du 9 février 2005 relative à la coopération internationale des collectivités territoriales et des agences de l'eau dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement.

Dans leur sagesse, nos collègues sénateurs ont apporté quelques modifications au texte initial : d'une part, pour donner une base légale incontestable à l'aide au développement accordée par les collectivités territoriales et leurs groupements, tout en exigeant que cette aide soit formalisée dans le cadre de conventions avec des autorités locales étrangères ; d'autre part, pour les autoriser à se passer de convention lorsque l'urgence l'exige, soit en agissant directement, soit en finançant des organisations non gouvernementales.

Pour le bien des collectivités territoriales et de leurs groupements, pour une présence active de la France à l'étranger, mais surtout pour toutes les nations qui bénéficient de notre aide, le groupe UMP soutiendra naturellement ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Alain Néri – La France est porteuse dans le monde d’un message de solidarité et d’émancipation des peuples, ainsi que des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. L’aide aux peuples pour gagner leur liberté est aujourd’hui encore un vecteur fondamental du respect de notre pays ; des peuples se battent en se référant à nos valeurs. Mais la conquête de la liberté n’est qu’une partie du chemin : il faut également, par notre solidarité, aider ces peuples à se développer.

Les collectivités territoriales ont vite compris la nécessité de s’engager dans cette bataille. Si personne ne conteste le monopole traditionnel de l’État dans la conduite des relations internationales, les collectivités ont su trouver les moyens de mener une action extérieure ; c’est ce qu’on appelle la coopération décentralisée.

Elles interviennent dans une grande variété de domaines – santé, éduction, culture, assainissement, agriculture... –, depuis les premiers jumelages d’après-guerre jusqu’aux initiatives beaucoup plus audacieuses d’aujourd’hui. Mais l’absence de base juridique solide constitue pour elles un sujet de préoccupation.

En effet, le cadre juridique actuel, résultat d’évolutions successives, n’est pas dénué d’ambiguïtés. Cette proposition de loi nous permettra de progresser, en répondant à l’inquiétude provoquée par des jugements censurant des actions de coopération décentralisée pour absence d’« intérêt local » et créant, de ce fait, une insécurité juridique.

Aux termes des dispositions en vigueur, la coopération décentralisée constitue un mode d’exercice des compétences locales, et non une compétence particulière des collectivités territoriales. Il en résulte que c’est la notion d’« intérêt local » qui permet de fixer le cadre d’intervention des collectivités en matière de coopération décentralisée. Or cette notion n’est pas légalement définie, et c’est la jurisprudence qui a ébauché une définition, au cas par cas. Un jugement du tribunal administratif de Poitiers, en date du 18 novembre 2004, rendu à la requête d’un élu du Front national, a annulé deux aides financières attribuées par le département des Deux-Sèvres à Madagascar et au Burkina Faso, dans le cadre du fonds de solidarité pour l’une et de la coopération décentralisée pour l’autre. Le juge a considéré que ces actions présentaient un intérêt essentiellement humanitaire – ce qui aurait dû amener à les considérer comme prioritaires – et a estimé qu’elles ne répondaient pas aux besoins de la population du département – ce qui est également contestable… Si la vision humanitaire fait la grandeur de notre pays, force est de constater que certains ont une conscience de la solidarité différente de la nôtre !

La modification envisagée, en faisant de la coopération décentralisée une compétence particulière des collectivités territoriales, permet de mettre un terme au débat sur l’« intérêt local » et facilitera la coopération telle qu’elle est pratiquée actuellement. Nous ne pouvons que nous en réjouir. En outre, cette proposition de loi vise à autoriser les actions à caractère humanitaire hors convention dans l’urgence. Dans le cas du tsunami, par exemple, comment aurait-on pu prendre le temps de signer une convention avec les pays concernés ? Cette modification est la bienvenue, et nous y apporterons tout notre soutien.

Enfin, l’interdiction faite aux collectivités territoriales de contracter avec des États étrangers, aux termes de l’article L. 1115-5 du code général des collectivités territoriales, est atténuée. En effet, le maintien d’une telle interdiction ne permettrait pas à la France d’accepter le projet de règlement communautaire portant création du groupement européen de coopération territoriale. Le texte transpose donc le dispositif introduit outre-mer par la loi d’orientation du 13 décembre 2000, qui permettra aux collectivités de négocier – au nom et sous le contrôle de l’État – des accords internationaux.

Sécuriser l’action des collectivités territoriales permettra d’engager des actions de développement plus raisonnées et davantage efficaces. En adoptant cette proposition de loi, nous aurons fait un grand pas pour l’action humanitaire et pour le rayonnement de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Edmond-Mariette – Grâce à ce texte, nous allons vers une simplification des mécanismes de coopération. Pour ma part, j’avais déposé un amendement mais je le retire. D’abord, par souci de rapidité : l’adoption de cette proposition de loi dans les mêmes termes qu’au Sénat permettra de mettre fin rapidement aux contentieux. Ensuite parce que le terme de « coopération » satisfait au souci qui était le mien.

Si je partage assez largement ce qui a été dit, je souligne que les propos de M. Bourg-Broc sur la position française peuvent prêter à débat. En effet les régions ultra-marines sont dispersées sur dix-huit fuseaux horaires et trois océans ; s’y impose une forme de coopération qui se situe davantage dans le « donnant-donnant », le « gagnant-gagnant » et le partage que dans l’aide au développement. Je voudrais citer ici deux exemples : l’hôpital du Lamentin a mis en place avec des médecins cubains hautement qualifiés une coopération en chirurgie ophtalmologique, qui nous permet de résoudre de lourdes difficultés opératoires ; un haut fonctionnaire cubain, en charge de la sécurité des provinces nord de Cuba, est venu vérifier les procédures que nous avons instituées pour les cas de cataclysme ou de séisme majeur.

Le texte, au-delà des coopérations qui pourront se faire au titre de l’intérêt local, offre des perspectives plus larges. Il faut dire que, dans ce domaine, les DOM ont un avantage sur les collectivités métropolitaines : si les articles de la LOOM qui permettaient aux présidents des exécutifs départementaux et régionaux de signer des conventions avec les États ont été censurés par le Conseil constitutionnel, une possibilité a subsisté dans la loi : les exécutifs locaux, en signant, agissent pour le compte et es qualité de représentants de l’État.

Nous voterons donc ce texte. Madame la ministre, j’ai plaisir à rappeler que c’est de vos mains que le maire du Lamentin, le 6 avril 2006, a reçu un prix de sensibilisation à la coopération internationale, couronnant l’action de jeunes Lamentinois. La coopération avec la région Caraïbes est pour nous essentielle, et grâce à cette loi, nous espérons pouvoir tenir prochainement une conférence des ambassadeurs de cette région et faire rayonner plus encore l’image de la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe socialiste)

La discussion générale est close.
L'article unique de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté.
Prochaine séance mardi 30 janvier, à 9 heures 30.
La séance est levée à 11 heures.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.
Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.
www.assemblee-nationale.fr

© Assemblée nationale