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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

1ère séance du mercredi 31 janvier 2007

Séance de 9 heures 30

56ème jour de séance, 127ème séance

Présidence de M. Jean-Luc Warsmann
Vice-Président

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

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accords internationaux

L'ordre du jour appelle le vote, selon la procédure d’examen simplifiée, sur quatre projets de loi autorisant l’approbation d’accords internationaux.

M. le Président - Conformément à l’article 107 du Règlement, je vais mettre aux voix chacun de ces textes.

Le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, pour lutter contre la fraude et toute autre activité illégale portant atteinte à leurs intérêts financiers, mis aux voix, est adopté.
Le projet de loi autorisant l’approbation du protocole à la convention de 1979 sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance, mis aux voix, est adopté.
Le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation des accords sous forme d’échange de lettres relatifs à la fiscalité des revenus de l’épargne entre le Gouvernement de la République française et les territoires dépendants et associés du Royaume-Uni et des Pays-Bas, mis aux voix, est adopté.
Le projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg portant rectification de la frontière franco-luxembourgeoise, mis aux voix, est adopté.

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modernisation de la diffusion audiovisuelle
et télévision du futur (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi adopté par le Sénat, relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur.

M. Émile Blessig - Je voudrais donner l'appréciation de la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire sur les dispositions qui concernent la couverture numérique, la fracture numérique ayant été le fil conducteur de nos travaux durant la législature.

Le dernier rapport de la délégation, « Téléphonie mobile, Internet, TNT dans les territoires : 2002-2007, de la fracture numérique à la convergence des réseaux » a vérifié les conditions de la réduction de la fracture numérique constatée en 2002 en matière de téléphonie mobile et d'Internet à haut débit, ainsi que celles du déploiement de la TNT. En effet, le plan du CSA ne prévoyait que la couverture de 85 % du territoire, excluant ainsi un département comme celui des Hautes-Alpes, les villes de Gap et de Briançon incluses. Par ailleurs, si les quatre premières phases du déploiement – couvrant 65 % du territoire – se sont déroulées comme prévu, des difficultés sont apparues lors de la cinquième phase. Celle-ci concernait les zones de partage de fréquences avec des pays voisins et présentait le risque que 30 % de la population ne soient pas couverts.

La délégation a donc souhaité que le déploiement de la diffusion terrestre excède les 85 % de la population, une couverture entre 90 et 95 % paraissant raisonnable en termes de coût. Elle a également noté que le recours à la loi était indispensable s’agissant du complément satellitaire gratuit. Enfin, elle a conclu que l'ensemble des chaînes de la TNT – et non les six chaînes nationales seulement - devaient être présentes sur le satellite. En fixant un objectif de 95 % de couverture pour les six chaînes nationales et en imposant les dix-huit chaînes sur le satellite, le Sénat a progressé dans le sens préconisé par la délégation.

L’amendement 79 rectifié du rapporteur pour avis, qui fixe un objectif de 100 % de couverture gratuite, à décliner par tous moyens – réseaux hertziens, satellites, réseaux locaux d’initiative locale – répond pleinement aux souhaits de la délégation, tout comme les amendements qui organisent la diffusion par satellite des vingt-quatre décrochages régionaux de France 3. L'amendement 79 rectifié mentionne le concours des réseaux d’initiative locale, point essentiel en matière de « convergence numérique ». En permettant le passage de l'information numérique par des outils de diffusion d’abord prévus pour être spécialisés, la convergence rend la couverture d’un territoire moins coûteuse et plus aisée. C’est une révolution que nous avons connue sous cette législature : en 2002, tout était séparé, aujourd’hui, la convergence est généralisée. Ainsi, il est prévu d'achever la couverture du territoire en Internet haut débit par un système de diffusion hertzienne, le WiMax. L’utilisation du même réseau pour faire passer la télévision permettra d’économiser les coûts d'installation. En zone de montagne, le réseau d’initiative locale pourra être utilisé pour les parties de territoire qui ne pourront capter le satellite.

La délégation s'est aussi penchée sur l’utilisation du dividende numérique. Quand la numérisation permettait de diviser par six le besoin de fréquence pour faire passer un signal audiovisuel, les nouvelles normes de compression, dites MPEG4, divisent ce besoin par douze. En outre, la conférence régionale des radiocommunications, en remodelant les fréquences pour la période qui suivra l’extinction de l’analogique, a dégagé, notamment aux frontières, des fréquences utilisables. Comment utiliser ces nouveaux espaces disponibles ? On peut multiplier les chaînes de télévision, créer des chaînes de télévision sur portable, ou encore des chaînes locales. Mais si une telle diversification de l'offre est souhaitable, elle a cependant ses limites. Si le CSA a limité le nombre de chaînes nationales gratuites, c’est qu’il a estimé que la publicité ne permettait d’en financer que vingt. Par ailleurs, la quasi-totalité des chaînes du câble et du satellite ne peuvent s’offrir le coût d'une diffusion par les 115 émetteurs les plus importants, sur 85 % du territoire, qui atteint 2 millions d’euros. On peut alors décider d'utiliser le dividende pour accroître la qualité du signal des chaînes : c'est la télévision haute définition, qui consomme deux à trois fois plus de fréquence.

La délégation s'est donc souciée que le service public et les territoires ne soient pas les oubliés du dividende numérique. Le dividende doit permettre des liaisons en visiophonie pour la sécurité civile, pour le SAMU, pour la météo ou encore pour le contrôle aérien. Il doit être aussi un instrument d'égal accès des territoires ruraux aux réseaux numériques. Je me félicite que la délégation ait été entendue sur ce point par le rapporteur pour avis.

Pour que la couverture du territoire en téléphonie mobile soit complète, il a fallu élaborer un plan de résorption des « zones blanches ». Celui-ci est en cours d'achèvement après bien des épisodes difficiles. Il s'agit de construire des pylônes, de poser des relais en nombre suffisant et d’organiser la coopération entre opérateurs. La téléphonie mobile actuelle, dite 2G, qui ne transmet que la voix, est diffusée sur la bande GSM, c'est-à-dire celle des 900 mégahertz. La prochaine génération, la 3G, en transmettant l'image, sera importante pour les services à la personne, la santé ou la sécurité. Mais le passage à la 3G – qui consomme plus de bande passante – présente des risques de saturation, soulignés dans le rapport de la délégation. Il est prévu que les opérateurs utilisent la bande des 2,1 gigahertz. Les ondes portant beaucoup moins loin dans cette configuration, il faudra tripler le nombre de relais, donc de pylônes et d'équipements. Le coût prohibitif découragera sans aucun doute l’installation de la téléphonie 3G dans les territoires peu peuplés. Il faudrait donc que, dans ces territoires, la téléphonie mobile accède – en cas de saturation de la bande GSM – à des fréquences plus basses, celles du dividende. La délégation se félicite donc que le rapporteur pour avis présente l’amendement 74 qui, parmi les objectifs du schéma de réallocation des fréquences du dividende numérique, mentionne l’égalité d’accès aux réseaux de communication électronique, l’amélioration sur le territoire de la couverture numérique et le développement de l'efficacité des liaisons hertzienne des services publics.

Enfin, je voudrais insister sur la conduite du processus d’implantation de la TNT en zones frontalières, lesquelles, souvent, ne reçoivent qu'une ou deux chaînes nationales et vivent l'accès aux chaînes hertziennes étrangères comme une contrepartie. Le basculement vers le numérique devra donc être soigneusement organisé : le projet indique que le CSA tient compte « des spécificités des zones frontalières et des zones de montagne » ; il faudra en outre que l'État désigne un interlocuteur unique des collectivités locales, qui devra être en liaison avec les responsables du basculement de l'autre côté de la frontière. De plus, une information précise devra être donnée aux populations, notamment sur la possibilité de retrouver l’accès aux chaînes dont elles avaient l’habitude. Pourriez-vous, Monsieur le ministre, nous donner des assurances sur ce point ?

Bien mieux que d'autres plans d'équipement, ce projet se préoccupe de la couverture effective du territoire, et plusieurs amendements du rapporteur visent à l’améliorer encore sur ce point. C'est pourquoi, en ma qualité de président de la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire, je ne peux qu'y être favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Richard Mallié - En un demi-siècle, la télévision a bouleversé notre rapport au monde. Hier signe d'opulence et de privilège, elle est devenue un équipement banal, présent dans tous les foyers. Avec l'arrivée du câble, du satellite, puis de la TNT, nous avons franchi depuis une dizaine d’années un cap supplémentaire : qu’il soit mordu de sport ou féru de chasse, « accro » à l'actualité ou aux séries, le spectateur trouvera toujours de quoi se satisfaire parmi les centaines de chaînes existantes. Il est devenu un véritable consommateur, qui fait son marché par télécommande interposée.

Cette mutation reflète la transformation profonde de notre société, dans laquelle les outils de communication ont pris une place centrale. Elle passe aussi par la recherche d'une image et d'un son toujours plus performants. En nous présentant aujourd’hui ce texte, Monsieur le ministre, vous nous prouvez que la France, loin de rester spectatrice de cette révolution, a décidé d'être à la pointe des mutations technologiques que sont la fin programmée de la télévision traditionnelle ou analogique et l'avènement du numérique.

Gardons-nous cependant de nous laisser déborder par ce signe extérieur de modernité. Si cette révolution a du bon, elle a aussi ses travers, que la puissance publique ne saurait négliger. Qui dit offre de programmes élargie doit ainsi dire vigilance accrue quant au contenu des programmes, notamment à destination des plus fragiles et des plus jeunes. Car le paradoxe est là : grands consommateurs de télévision, les enfants sont aussi les spectateurs les plus vulnérables.

Les chiffres sont sans appel : un enfant regarde la télévision deux heures et demie par jour en moyenne à 5 ans et environ quatre heures à 12 ans, et ce temps augmente de deux à trois minutes chaque année. Et selon une étude du CNRS de 2003, les 4-10 ans passent 80 % de leur temps consacré au petit écran non pas devant des émissions pour la jeunesse, mais devant des émissions tous publics. Les enfants ne devraient pas être livrés à eux-mêmes dans cette jungle de l'image, dont on sous-estime les effets. Les pédopsychiatres estiment qu’avant 8 ans, un enfant n'a pas une conscience claire du temps et de l'espace : il imagine que ce qu'il voit à la télévision se déroule à l'instant où il le voit. Ses repères sont donc brouillés. En outre, la violence télévisée donne aux enfants un modèle qui valorise l'agressivité et la destruction de l'autre comme moyen de résoudre les problèmes ; si certains enfants réagissent par le rejet de ce type de comportements, d'autres s’identifient à des héros violents dont ils intériorisent les systèmes de valeurs. Des progrès ont certes été accomplis en matière de classification et de signalisation des programmes, notamment à la suite du rapport Kriegel de 2002, mais ils ne sont pas suffisants. Et nous devons aussi inciter les parents à être vigilants ; il est essentiel de poser très tôt des règles, la télévision faisant trop souvent office de nounou sans contrôle parental.

Si une mauvaise consommation télévisuelle est inquiétante, une surconsommation l’est tout autant. Malgré toutes les controverses sur le sujet, il existe bien un lien entre le temps passé devant le petit écran et l’obésité. De nombreuses études scientifiques ont montré qu’au-delà de quatre heures par jour, le poids augmente dangereusement, du fait de l'inactivité, mais aussi des messages publicitaires délivrés en faveur de produits peu diététiques. En tant que président du groupe d'études sur les professions de santé, je ne peux que m'en inquiéter. Si nous avons longtemps caricaturé l'Américain moyen, assis devant la télévision avec un paquet de chips et un soda, nous lui ressemblons de plus en plus…

Je regrette que ce projet ne comporte aucune disposition sur les deux points que je viens d’évoquer. Tout comme l'Internet, la télévision ne peut en effet demeurer un véritable objet de modernité que si son utilisation reste pleinement maîtrisée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrick Bloche - Après le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information il y a quelques mois, nous voici à nouveau amenés à débattre d'une question technique qui soulève de véritables enjeux de société, culturels, économiques, industriels, et en définitive éminemment politiques. Et nous voici confrontés aux mêmes difficultés : une impartialité sujette à caution, souvent éloignée des intérêts de nos concitoyens, et une incapacité chronique à saisir les enjeux de la révolution numérique.

Nul doute qu'il faille adapter nos modes de diffusion de la télévision aux évolutions technologiques et saisir cette opportunité à des fins de diversification et de pluralisme du paysage audiovisuel – qui en a bien besoin.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication – Alors votez le texte !

M. Patrick Bloche - Certes, sur ce point, les députés socialistes vous rejoignent, mais nos convergences s’arrêtent là, tant vous en restez au stade de vœux pieux.

M. le Ministre – Vingt chaînes gratuites !

M. Patrick Bloche - Votre projet suscite beaucoup d’inquiétudes dans les rangs de l'opposition et chez les acteurs de l'audiovisuel.

M. le Ministre – Pas chez les créateurs, en tout cas !

M. Patrick Bloche – Vous ne ménagez pourtant pas votre peine, Monsieur le ministre, pour emporter l'adhésion du plus grand nombre. Vous n'avez de cesse de brandir l'étendard du pluralisme, de l'indépendance et de la diversité culturelle ou d'évoquer « un nouveau chapitre de l'histoire de la télévision ». Vous recourez même au terme magique de « télévision du futur ». Vous êtes allé jusqu’à convoquer, dans votre discours devant le Sénat en novembre, André Malraux, pour qui « la télévision contraint l'homme à l'imaginaire ».

Difficile pourtant, à la lecture de ce texte, de parler d'« imagination au pouvoir » - si ce n'est lorsqu'il s'agit de faire la part belle aux opérateurs historiques privés. Je pourrais me prêter moi aussi à ce petit jeu des grands auteurs en évoquant le même André Malraux qui écrivait dans Antimémoires : « La vérité d'un homme, c'est d'abord ce qu'il cache. Sa réalité, le masque qu'il porte. » La « vérité » de ce texte réside moins dans ses objectifs – que nous partageons – que dans les moyens qu'il met en œuvre pour les atteindre – que nous récusons. Quant à sa « réalité », elle n’est pas l'avenir, mais plutôt le passé. À l'évidence, le terme de « télévision du futur » est décalé, tant ce projet relève d'une vision archaïque des médias à l'ère du numérique. À moins qu'il ne s'agisse tout simplement d'une erreur de concordance des temps, et dans ce cas, acceptez la correction que propose l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel – AVICCA –, qui estime plus approprié de parler de « télévision du futur antérieur ».

Vision datée, donc. Mais comment pourrait-il en être autrement ? Le parti pris qui a présidé à l'élaboration de ce texte vous a conduit à faire l'impasse sur les évolutions majeures qui ont touché l'audiovisuel. La relation des téléspectateurs au petit écran s'est profondément transformée, comme en témoignent l'émergence de nouveaux modes de consommation – vidéo à la demande, web-télés, podcasting. Étienne Mougeotte lui-même estime, dans Le Monde du 30 décembre, qu'« il n'y a plus d'effet de chaînes ». La télévision que vous nous proposez reste pourtant ce média unidirectionnel et prescriptif.

Faute d'avoir engagé une réflexion sur ce qu'est et sera la télévision, ce texte s'inscrit à contre-courant de ces évolutions. Voilà pourquoi on peut le qualifier de conservateur, et voilà pourquoi il ne pourra faire l’objet d’un vote dépassant les clivages partisans. Ce manque criant de vision à long terme ne vous permet pas d’éviter deux écueils majeurs.

Le premier, c'est de considérer que la multiplication des canaux suffit à répondre aux exigences de diversité culturelle et de pluralisme – comme si les tuyaux importaient plus que ce qui y circule. Là où le passage au numérique était l'occasion de modifier la donne et de remédier à la concentration des médias dans notre pays, le Gouvernement se satisfait des déséquilibres existants, quitte à les accentuer. Sous prétexte d'adaptation technologique, ce texte aura ainsi pour conséquence de concentrer dans les mains de quelques-uns les chaînes de télévision, les programmes et l'information.

M. le Ministre – Qui a créé les nouveaux entrants ?

M. Patrick Bloche - Les nouveaux entrants étaient un gage de diversité et de pluralisme. J’étais présent dans l’hémicycle quand nous avons donné une base légale à la TNT en 2000 !

M. Emmanuel Hamelin, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales – Juste la base ! Après, c’était la panne.

M. Patrick Bloche – Il est vrai qu’après 2002, nous avons longtemps attendu la TNT. Et on sait le rapport de forces qui s’est alors mis en place !

Quel pluralisme, quelle indépendance des médias, quelle diversité culturelle, quand de grands éditeurs nationaux privés se voient accorder autant de faveurs ? La liste est longue. Première faveur, une prorogation de cinq ans de leur autorisation de diffusion. Nous déposons donc un amendement visant à ce que ces prorogations soient assorties d'obligations supplémentaires en termes de participation au développement de la création et des industries de programme.

Deuxième faveur, et non des moindres : l’octroi de chaînes « bonus ». Cette disposition, que vous qualifiez de « juste compensation », est inacceptable. En effet, des garde-fous sont prévus pour éviter que les chaînes auxquelles vous allez faire ce cadeau ne pâtissent du passage au numérique, puisqu'il reviendra au CSA de fixer les dates des extinctions de l’analogique « en tenant compte de l'équipement des foyers pour la réception de la TNT». Dans ce contexte, doubler la mise par l'octroi de chaînes « bonus » à des groupes dont certains ont tenté d'entraver le développement de la TNT laisse quelque peu songeur sur les intentions réelles du Gouvernement, à la veille d'échéances électorales importantes. Nul ne sera donc surpris que le groupe socialiste, suivant l'avis de l'ARCEP et du CSA , propose la suppression de cette disposition.

Troisième faveur : la numérotation. Les distributeurs, souvent liés à des grands éditeurs privés, ne peuvent être juge et partie. Autrement dit, les chaînes gratuites de la TNT ne doivent pas être exposées au risque d'une numérotation discriminatoire mais bénéficier d'une même numérotation - celle qu’attribue le CSA - quel que soit le support de diffusion, câble, satellite, ADSL ou TNT.

Espérons enfin que, dans sa sagesse, notre Assemblée ne cédera pas à la tentation d'accorder à certaines chaînes une énième faveur en adoptant un amendement du rapporteur visant à intégrer les vidéo-musiques dans le sous-quota des œuvres définies comme patrimoniales. Après que les sénateurs, unanimes, sont parvenus à une définition consensuelle de l'œuvre audiovisuelle en excluant de son champ les émissions de télé-réalité, il serait dommageable que notre Assemblée rouvre la boîte de Pandore en y incluant les clips…

M. le Rapporteur – Avec l’accord unanime de la profession !

M. Patrick Bloche - …qui sont avant tout des outils de promotion. Pourquoi pas, alors, les spots publicitaires ?

Voilà donc ce que vous appelez un projet équilibré ! Les opérateurs historiques sont certes des acteurs essentiels du paysage audiovisuel et des contributeurs importants au financement de la création mais il est déraisonnable de renforcer l’oligopole qu’ils constituent par ces mesures à effets anticoncurrentiels. C'est pourquoi, conformément aux préconisations du rapport Lancelot, notre groupe est à l'initiative d'un amendement instaurant un dispositif anti-concentration efficace. Nous avons peu d’espoir qu’il soit adopté mais, s’il l’est, notre Assemblée aura réaffirmé le principe de pluralisme.

Car la conséquence inévitable de cette réorganisation du PAF conçue pour satisfaire les ambitions des grands groupes, c'est l'isolement des chaînes publiques et le frein au développement des chaînes indépendantes. Les défis auxquels le service public va être confronté sont colossaux. Or, quelle place aura-t-il demain s'il n'obtient de sa tutelle que les moyens lui permettant de survivre ? Sans augmentation de ses recettes provenant de la redevance – l'une des plus faibles d'Europe – et sans autre source de financement que celle de la publicité, alors que cette année encore, le budget que vous avez alloué à l'audiovisuel public fait la part belle aux ressources propres, nous éprouvons une vive inquiétude sur sa capacité à demeurer une véritable alternative pour les téléspectateurs. Quant aux chaînes indépendantes, l'autre parent pauvre de ce projet, elles ne peuvent être les oubliées de la numérisation. Notre groupe présentera donc une série d'amendements tendant à donner au CSA des moyens de régulation.

Enfin, que vient faire la radio dans un projet relatif à la télévision, alors même que le CSA a lancé une procédure de consultation publique en vue du lancement de la radio numérique ? Je sais, Monsieur le ministre, que ce n’est pas votre fait, mais nous demanderons naturellement la suppression de l’article 5 quater, introduit pas le Sénat et qui, s’il était maintenu, ferait exploser l'équilibre radiophonique français.

Il est d'ailleurs surprenant que la radio ait ainsi été introduite dans ce texte, alors qu'on n’y trouve nulle trace d'un autre média qui y aurait pourtant eu toute sa place. Là est en effet la seconde lacune de ce projet : il passe sous silence les nouveaux modes de production et de consommation de la télévision à l'ère du numérique. Internet est ainsi le grand absent, ce qui ne nous étonne guère puisque nous connaissions déjà, Monsieur le ministre, votre méfiance à l’égard de ce mode de communication décentralisé et votre propension à freiner les échanges sur les réseaux. Pourtant, la convergence entre Internet et la télévision est aujourd'hui une réalité. Or, le CSA a émis un avis très réservé sur la qualité des programmes actuellement diffusés sur la TNT. Pourquoi, alors, ne pas mieux tenir compte de l'essor des télévisions sur Internet et encourager leur soutien ? Le groupe socialiste proposera, par une série d'amendements à ce sujet, une démarche résolument constructive.

Nous proposerons en premier lieu qu'une part du dividende numérique soit utilisée pour le développement des réseaux de communications électroniques et de téléphonie, autrement dit pour la couverture du territoire en haut débit. Pour soutenir les nouvelles formes de création, nous présenterons un amendement visant à ce que les fournisseurs d’accès à Internet – les FAI -, qui jouent sur le web le rôle de distributeurs, contribuent aux comptes de soutien aux industries cinématographiques et audiovisuelles...

M. le Ministre – C’est le projet du Gouvernement !

M. Patrick Bloche - C’est un amendement présenté en commission par le groupe socialiste et par d’autres groupes, et nous nous réjouissons que le consensus se soit fait sur cette mesure, qui doit évidemment s’accompagner d'une évolution réglementaire visant à ce que les créateurs diffusant leurs œuvres en ligne puissent accéder aux différents fonds de soutien à la création.

Posons, par ailleurs, clairement le principe selon lequel les télévisions gratuites ne peuvent s'opposer à la reprise intégrale et simultanée de leurs programmes. Il n'est en effet pas satisfaisant que les FAI proposant des bouquets doivent négocier avec les chaînes gratuites pour les intégrer à leur offre.

M. Dominique Richard - Finalement, vous êtes d’accord sur un grand nombre de dispositions !

M. Patrick Bloche - Il peut y avoir consensus sur certains points…

M. Dominique Richard - Des éclairs de lucidité !

M. Patrick Bloche - …mais des divergences de fond demeurent.

Enfin, garantissons à tous les développeurs de logiciels, notamment de logiciels libres, de pouvoir créer les logiciels nécessaires à la réception des programmes télévisuels ; veillons, donc, à ce que toutes les informations nécessaires soient disponibles et librement utilisables. Il serait pour le moins paradoxal de s'opposer à une telle mesure alors que notre Assemblée s'est déjà prononcée, pour son propre fonctionnement, en faveur de standards ouverts…

Ces dispositions, si elles étaient adoptées, donneraient toute sa place à Internet dans le paysage audiovisuel, comme il se doit, car la télévision du futur, telle que nous la concevons en tout cas, ne saurait aller à rebours de l'histoire.

Le passage au tout numérique est une formidable chance pour répondre aux enjeux d'une offre télévisuelle pluraliste, indépendante et diverse. Oui, Monsieur le ministre, il aurait pu être question, pour reprendre votre terme, d'un « acte fondateur ». On regrettera, hélas, que le Gouvernement, privilégiant les intérêts de quelques-uns, ait sacrifié ceux du plus grand nombre. Comme dans bien d'autres domaines, il reviendra à une autre majorité d'élaborer une loi d'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Ministre – Avec vous, ce sera le retour au noir et blanc !

M. Jean-Pierre Decool - Je tiens à souligner les progrès permis par ce projet, l'un des grands dossiers du ministère de la culture. Préparée depuis des mois, cette réforme tend vers trois objectifs : garantir à tous les Français l'accès à la télévision numérique, permettre à la France de mener à son terme cette nouvelle révolution industrielle et renforcer son rôle dans la diversité culturelle. Le texte parachève le chantier de la TNT qui, lancée le 31 mars 2005 et aujourd'hui accessible à 65 % de la population, a permis de tripler l'offre de programmes gratuits, avec un son et une image de qualité supérieure. Le 30 novembre 2011, la TNT se substituera entièrement à la télévision analogique.

Le texte met aussi l’accent sur le développement de la télévision du futur, l'augmentation du nombre de canaux hertziens permettant d'envisager de nouvelles offres, qu’il s’agisse de la télévision à haute définition ou de la télévision mobile personnelle. Une révolution est en marche, comme la télévision n'en avait pas connue depuis le passage à la couleur. L’enjeu est donc crucial, car le progrès ne vaudra que s'il est partagé par tous et en tous lieux.

Sachant que la TNT sera le seul vecteur possible après l'extinction de l'analogique en 2011, l'objectif visé est de garantir, au 30 novembre 2011, l’accès à dix-huit chaînes gratuites, au lieu de six actuellement, pour l’ensemble des Français. Puisqu'il n'est pas envisageable que des téléspectateurs cessent de pouvoir recevoir la télévision gratuitement, il faut s'assurer que tous pourront accéder au numérique avant de supprimer la télévision analogique. Le projet organise donc les modalités de la couverture totale. Actuellement, certaines chaînes ne sont pas reçues partout, et seuls 18 % des foyers se sont équipés de l'adaptateur TNT. Le CSA veut que la couverture numérique passe de 65 à 85 % de la population courant 2007. Pour permettre une couverture complète, le projet prévoit qu'un service satellitaire sera proposé gratuitement dans les zones où le signal hertzien numérique ne passe pas.

Toutefois, le matériel de réception – parabole et décodeur – sera, comme c'est le cas pour les décodeurs TNT classiques, à la charge des foyers, ce qui représente une dépense de quelque cent euros. Le Gouvernement propose donc la création d’un fonds d’aide à l'équipement des foyers modestes, avec un double souci d'équité géographique et sociale. Pourriez-vous, Monsieur le ministre, préciser ce volet majeur du texte, qui nous permettra d'affirmer qu'il ne saurait y avoir de laissés-pour-compte du progrès numérique ? Plus généralement, il nous faudra veiller à ce que les objectifs affichés deviennent bien réalité, sans qu’on se perde dans les considérations techniques souvent mises en avant pour expliquer que c'est impossible. Nous aimerions, Monsieur le ministre, des assurances à ce sujet.

Je souhaite enfin dire quelques mots sur le nécessaire pluralisme des chaînes sur le nouveau réseau audiovisuel. À partir du 31 mars 2008, la diffusion de la télévision analogique sera progressivement interrompue, jusqu'à la conversion complète, fin 2011. Le projet confère certes un droit de transfert d'office sur la TNT aux petites chaînes locales, du moins jusqu'en 2015, mais France 3 Régions, par exemple, subirait l'arrêt de la diffusion analogique, service par service, dans chaque zone géographique. Pour que cela se fasse dans de bonnes conditions, je déposerai un amendement à l'article 5. La visibilité des chaînes régionales est également au cœur des débats et j’y reviendrai dans un amendement à l’article 5 ter, pour instituer l'obligation de transport des programmes régionaux de France 3 sur tous les réseaux de diffusion, et non pas seulement sur l'offre satellitaire.

La réforme doit garantir l'accès de tous à la révolution audiovisuelle. Je sais, Monsieur le ministre, qu’il s’agit pour vous d’une réelle préoccupation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Henri Nayrou - L’octroi de chaînes bonus ne satisfait que leurs quelques bénéficiaires, et nombreux sont ceux qui s’en seraient passé. Mais je vous ferai grâce de mon jugement sur l’ensemble du texte, pour me concentrer sur le cas des territoires de montagne, dont vous savez combien ils me sont chers et dont la spécificité appelle des mesures adaptées. Ainsi, la couverture du territoire par le réseau de TNT doit obéir à des critères non seulement démographiques, mais aussi géographiques – insuffisamment pris en compte dans le calendrier du basculement par zones. Près de 95 % de la population serait couverte, dit-on. Pourquoi le reliquat laisse-t-il de marbre ? Les territoires de montagne ne sont pourtant pas peuplés que d’ours et de loups ! Des citoyens comme les autres y vivent et y travaillent, victimes éternelles du diktat des chiffres. Cessons d’utiliser des seuils nationaux : ramenons-les au niveau départemental, comme on l’a fait pour La Poste. Naturellement, cela a un coût : alors qu’il faut 115 émetteurs pour couvrir 90 % de la population, il faudra en ajouter 2 000 pour atteindre 95 % et 1 000 de plus pour remplacer la totalité du réseau. Éviter que ne se rouvre la fracture numérique créée avec le haut débit, telle est la responsabilité de la République. De nombreux élus de la montagne s’inquiètent du spectre de l’écran noir qui menace leurs territoires, et je m’exprime en leur nom. Nous partageons évidemment l’objectif que vous affichez d’une couverture complète du territoire, le satellite venant en renfort du numérique terrestre.

Il convient donc d’améliorer les dispositions de l’article 5, même si le Sénat y a déjà apporté quelques avancées, des 95 % de couverture à la prise en compte des spécificités des zones de montagne dans l’arrêt de l’analogique. Toutefois, la définition du taux de couverture reste problématique. Tout en prenant acte de l’amendement 79 rectifié du rapporteur pour avis, nous attendons un engagement ferme du Gouvernement, afin que les habitants des territoires montagneux ou isolés ne soient pas une fois de plus les victimes des 5 % résiduels. L’accès au numérique et l’extinction de l’analogique doivent s’y faire dans les mêmes conditions qu’ailleurs. Les élus de la montagne espèrent, Monsieur le ministre, que vous ferez preuve au cours du débat de la capacité d’écoute que nous vous connaissons. Comme saint Thomas, les montagnards ne croient que ce qu’ils voient – c’est le cas de le dire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Michel Heinrich - Mon intervention portera sur les télévisions locales. Notre retard en la matière est connu : alors que la télévision de proximité couvre souvent l’ensemble du territoire chez nos voisins, il n’existe en France qu’à peine une centaine de chaînes locales, diffusées sur un bassin de moins de dix millions de téléspectateurs potentiels. La télévision locale est pourtant un outil essentiel d’information, de lien social et de citoyenneté. Pluraliste, elle conforte l’identité des territoires en misant sur les atouts et l’initiative locale. Là où elle existe, ses taux d’audience cumulée dépassent parfois ceux des grandes chaînes nationales. Lorsqu’il était président du CSA, M. Baudis soulignait déjà l’importance de cette dimension locale face à la mondialisation, et rappelait combien un tel lieu d’enracinement contribue à créer un lien social et affectif.

La télévision locale est attendue du public français, notamment dans les zones limitrophes de régions déjà desservies. Les lois de 2000 et 2004 en ont précisé le cadre juridique en permettant l’ouverture des secteurs interdits, en ajustant la taxe sur la publicité et en étendant les contrats d’objectifs et de moyens des collectivités. De leur côté, les télévisions locales ont professionnalisé leurs équipes et développé des outils communs.

Aujourd’hui, pourtant, moins d’un Français sur six reçoit une chaîne locale, car les fréquences disponibles ont été réservées à des usages non locaux. Même si l’audience de chaque chaîne est bonne, la faiblesse globale de la couverture détourne les annonceurs nationaux.

Les fréquences analogiques locales ont été réservées à la TNT, sur laquelle aucune place n’est plus disponible pour les chaînes locales. De surcroît, la numérisation – par ailleurs souhaitable – a provoqué une érosion de l’audience des chaînes hertziennes. Heureusement, vous avez décidé de libérer une fréquence sur le multiplex R1 pour la télévision locale, qui doit notamment profiter aux éditions régionales de France 3. Le Sénat a par ailleurs demandé au CSA de planifier les fréquences en donnant aux chaînes locales inadaptées au R1 une place sur la télévision numérique.

Deux mesures doivent compléter cet excellent travail. Tout d’abord, afin que l’essor de l’hertzien numérique n’entrave pas leur développement, les nouvelles chaînes doivent bénéficier d’une double diffusion analogique et numérique, comme c’est le cas pour les chaînes existantes. D’autre part, il faut instaurer un fonds d’amorçage pour les chaînes à faibles ressources publicitaires, au moins pendant leur essor initial. La presse écrite et la radio reçoivent de nombreuses aides indispensables à leur diversité. Pourquoi la télévision de proximité en serait-elle privée ? Ce fonds pourrait être financé par la recette de la taxe sur la publicité télévisée, qui devrait augmenter de 200 millions grâce à l’ouverture du secteur de la grande distribution.

Avec ce dispositif, nous réussirons enfin à installer un paysage audiovisuel de proximité viable et conforme aux attentes de nos concitoyens.

M. Antoine Herth - Le 19 janvier dernier, vous vous rendiez dans ma circonscription pour officialiser le transfert de propriété du château du Haut-Koenigsbourg au conseil général du Bas-Rhin. Illustration concrète de la décentralisation, ce geste a été très apprécié par les Alsaciens. Il a été accompli en un lieu qui illustre mieux que tous l’histoire tumultueuse de notre continent.

L’Europe s’inscrit également en filigrane dans le texte que nous examinons. Mes propos, d’ailleurs, gagneraient en force, monsieur le Président, si l’on associait derrière vous le drapeau européen à notre drapeau national ; cela viendra.

Monsieur le ministre, du haut du promontoire naturel des Vosges, et même si le temps n’était pas de la partie, vous avez pu vous rendre compte des particularités géographiques de la région.

Comme dans d'autres régions frontalières, la diffusion de la TNT en Alsace se heurte à des difficultés techniques, mais elle risque surtout de priver les téléspectateurs des chaînes publiques allemandes ou suisses. C’est pourquoi le Gouvernement a signé avec la Suisse le 14 décembre, et avec l’Allemagne le 8 janvier, des accords de coordination de fréquences, et a mis en place une expérimentation grandeur nature du « tout numérique » dans la commune de Niederbronn-les-Bains. Quelle est la portée réelle de ces deux initiatives et quelle sera, en définitive, l'offre télévisuelle accessible en Alsace ?

Il faut s’interroger ensuite sur le contenu des émissions : avant d’être ministre de la communication, Monsieur le ministre, vous êtes celui de la culture. Je me réjouis de ce que, grâce à la TNT, le public alsacien puisse enfin capter Arte sans passer par le réseau câblé : pour l’heure, la plupart des communes d'Alsace ne peuvent capter par voie hertzienne la chaîne franco-allemande, dont le siège est à Strasbourg ! C’est d’autant plus regrettable que les émissions sont d'une grande qualité et s'inscrivent dans une perspective européenne largement plébiscitée par la population locale. La promotion de la langue et de la culture alsaciennes sont un autre centre d'intérêt de mes concitoyens, mais j’y reviendrai lors de l'examen des articles.

Je tiens enfin à vous exprimer mon soutien, Monsieur le ministre, pour les choix politiques que vous défendez dans ce texte. Car c'est un vrai choix politique, et non un vulgaire marchandage, comme certains voudraient le faire croire, que de demander aux chaînes de télévision de soutenir financièrement la production cinématographique et audiovisuelle. C'est un choix stratégique essentiel car la haute définition, c'est-à-dire la qualité visuelle, ne garantit en rien la qualité et la diversité culturelle des émissions. Seul un effort de création, avec des moyens adaptés, nous protégera d'une massification des banalités. Seul un effort de coproduction avec des opérateurs étrangers, notamment européens, permettra de diffuser largement le travail de nos artistes et d'offrir à nos téléspectateurs des œuvres étrangères, facteur de culture, de connaissance et de respect mutuel entre les peuples.

Lors de votre voyage en Alsace, Monsieur le ministre, vous avez émis le vœu que le Haut-Koenigsbourg, après avoir servi de décor à La Grande Illusion de Jean Renoir, puisse à nouveau accueillir des tournages et des spectacles vivants. J’ai la conviction que les choix que nous défendons dans ce texte y contribueront, de même qu’ils m’apparaissent comme indispensables pour que la culture française reste une référence en Europe (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jacques Bobe – Ce projet nous prépare à une évolution technologique majeure, et même à une révolution, puisque la diffusion en analogique aura disparu en 2011. Cette évolution extrêmement rapide des techniques contraint le Gouvernement à cerner précisément la situation et à élaborer dès maintenant un cadre valable pour de nombreuses années.

Trois points retiennent l'attention. Le premier est l'attribution d'une fréquence supplémentaire aux opérateurs historiques, qui a déjà suscité beaucoup de commentaires. L’intervention ce matin du rapporteur de la commission des affaires culturelles dans l’émission de télévision Les Quatre vérités a enrichi le débat. Cette attribution est dénoncée par certains comme une faveur qui pénaliserait les autres chaînes. Or, les chaînes historiques ont investi des sommes importantes en contrepartie de l'autorisation de diffuser et le passage au numérique réduit la période sur laquelle elles avaient des droits. Une juste compensation est donc nécessaire, ainsi que l'a demandé le Conseil d'État. Par ailleurs, cette solution est plus satisfaisante qu'une compensation financière, puisque les chaînes bénéficiaires devront remplir des engagements en matière de diffusion et de production cinématographique et audiovisuelle française et européenne. Enfin, un nombre de chaînes plus important garantit au téléspectateur un choix infiniment plus vaste d'œuvres, pour un coût très modeste. Ainsi, chaque Français aura à sa disposition dix-huit chaînes gratuites, au lieu de trois aujourd’hui. Il ne s’agit donc pas d’un cadeau, mais du respect du pluralisme.

Le deuxième point est la couverture du territoire. La couverture en TNT a largement progressé depuis sa mise en oeuvre en mars 2005, et doit encore s'étendre. Le projet vise à encourager le développement de la TNT, de la télévision en haute définition, de la télévision mobile personnelle et d'Internet. Il prévoit une couverture à 95 % pour les chaînes historiques diffusées en analogique, mais à seulement 85 % pour les autres. Or, il est nécessaire d'offrir la même couverture à l'ensemble de la population, et vite : comme le montre l’exemple de la Charente en effet, les zones blanches sont préjudiciables non seulement à nos concitoyens, pour leur utilisation personnelle, mais aussi à l'ensemble des acteurs du développement économique, entreprises et collectivités territoriales en particulier. Vous comprendrez donc que je fasse le lien entre la couverture en TNT et la couverture en haut débit. Vous avez, Monsieur le ministre, affirmé qu'il n'y aurait pas de laissés-pour-compte. La couverture en haut débit va-t-elle connaître des progrès massifs ? Quels moyens seront utilisés pour que 100 % de nos concitoyens aient accès à la TNT ?

Enfin, comme l’ont précisé les sénateurs en adoptant un article 5 ter nouveau, il est impératif de mettre en œuvre les moyens techniques et financiers pour que tous les supports permettent la réception gratuite des déclinaisons régionales des programmes de France 3. Cependant, la rédaction proposée par le Sénat peut prêter à confusion. Le principe que nous souhaitons établir, et nos deux commissions y ont beaucoup œuvré, est d'assurer la réception non pas de chaque programme régional spécifique dans la seule région concernée, mais de tous les programmes dans toutes les régions.

Sur l'ensemble de ces points, merci, Monsieur le ministre, des précisions que vous pourrez apporter (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Dominique Paillé – Ce débat est l’occasion de défendre et de promouvoir le service public. D’abord, le service public est un garant du lien social et aussi, à travers France 3, un élément de proximité auquel les Français sont attachés. Il faut impérativement que les opérateurs commerciaux par satellite permettent à tous nos concitoyens, sur l’ensemble du territoire, d’accéder aux programmes régionaux de France 3. J’ai déposé des amendements en ce sens et j’espère qu’une solution satisfaisante sera trouvée. Ensuite, il me semble que l’ensemble des chaînes doivent être reprises sur l’ensemble des supports. Je souhaite que cette idée soit retenue dans le projet, au nom de l’intérêt général et des obligations faites au service public. Si tel n’était pas le cas, nous grèverions autant sa capacité à atteindre nos concitoyens que notre capacité créatrice. Enfin, le projet n’en traite pas mais il faudra bien, un jour, régler la question du financement du service public, pour assurer une fois pour toutes à France Télévisions une réelle lisibilité sur son avenir à moyen et à long terme (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Morel-A-L'Huissier – Ce projet, au contenu parfois très technique, permet le basculement de l'analogique vers le numérique, qui ouvrira une nouvelle ère technologique. Si j'ai souhaité intervenir, c'est au nom des zones rurales, tout spécialement celles de montagne. Elles ne veulent pas être le parent pauvre du déploiement des nouvelles technologies. Parce que les logiques commerciales et économiques ne doivent pas l'emporter sur le principe d'égalité, parce que nous ne voulons pas subir de nouveau la fracture numérique éprouvée en matière de téléphonie mobile et de haut débit – en dépit des efforts consentis depuis deux ans –, j’ai aujourd’hui à cœur de vous demander, Monsieur le ministre, de ne pas oublier nos campagnes. L'accès aux nouvelles technologies est une nécessité impérieuse, permettant de maintenir ou d'attirer de la population dans nos territoires. Déjà des voix s'élèvent dans mon département de Lozère sur les lenteurs de l’équipement des grands émetteurs desservant les zones rurales en TNT. Que répondre aux habitants dont le portable ne passe pas partout, qui ne peuvent être câblés et qui n'ont pas accès au dégroupage total ? Que le basculement ne sera possible que lorsque l'analogique aura rendu son dernier souffle ?

La révolution technologique va vite, trop vite parfois. Auteur d'un rapport sur le télétravail, je puis ici rappeler qu’alors que l’ordinateur individuel n’est apparu qu’en 1980, en 1995 15 % des foyers en étaient équipés, et dix ans plus tard 54 %. Le nombre d'abonnés à Internet dans notre pays a quadruplé entre 2000 et 2005, pour atteindre aujourd’hui treize millions. Alors que seulement 62 % des foyers étaient équipés d’un téléphone mobile il y a cinq ans, 80 % le sont aujourd'hui. Un sondage de juin 2006 révèle dans le même temps que quatre personnes sur dix ne maîtrisent pas l'informatique...

Il faut donc que les pouvoirs publics anticipent les changements induits par cette révolution technologique et s’adaptent très rapidement, afin que notre pays ne rate pas le train de la modernité. Demain, la télévision sera numérique, gratuite, de meilleure qualité et autorisera une plus large diversité culturelle, à condition qu’elle soit vraiment la « télévision numérique pour tous », selon l'expression du Président de la République.

Depuis octobre 2006, la TNT est accessible à 65 % de la population métropolitaine, mais à 17,5 % seulement des habitants de la Lozère, en raison de la pénurie de fréquences disponibles. C'est pourquoi je me réjouis que les sénateurs aient adopté un amendement à l'article 5 imposant aux chaînes aujourd'hui diffusées en analogique de desservir 95 % de la population par voie hertzienne terrestre, contre 85 % fixés par le CSA. C'est bien, mais ce n'est pas suffisant. Nos collègues Patrick Ollier, Martial Saddier et Frédéric Soulier, rapporteur pour avis, ont souhaité, au nom des élus de zones de montagne, aller plus loin et ont fait adopter, en commission des affaires économiques, un amendement exigeant la diffusion numérique auprès de 100 % de la population métropolitaine. C'est bien, mais ce n'est pas encore suffisant.

Parce qu'en laissant la possibilité aux opérateurs de choisir entre la voie hertzienne terrestre, la voie satellitaire et les réseaux établis par les collectivités pour parvenir à une couverture totale du territoire, on leur impose une obligation de moyens, non de résultat. Ils pourront toujours se décharger sur les particuliers ou sur les collectivités, du moins dans les zones où les difficultés de couverture seront les plus grandes.

Même si l'article 5 prévoit la mise en place d'un fonds d'aide pour l'équipement des foyers les plus démunis, il serait préférable de fixer un seuil de diffusion de la TNT, par voie hertzienne terrestre, à 95 % par département, comme le demande, au nom de l’équité entre départements, le président de l'Association des maires ruraux de France – demande à laquelle je souscris pleinement. Le taux de pénétration par les moyens de diffusion terrestre devrait être apprécié au niveau départemental, et le CSA ne devrait pouvoir décider d’arrêter la diffusion analogique sur une zone qu'après atteinte de ce niveau. Je souligne d’ailleurs les limites de la diffusion satellitaire, l’hiver en zone de montagne.

Privilégier la voie terrestre allégerait aussi notablement la facture pour la collectivité et les particuliers. En effet, un adaptateur coûte trente euros, une installation satellitaire trois cents ! Sans compter que cela permettrait de limiter la prolifération des paraboles !

Une étude parue en novembre dernier et intitulée La facture cachée de la future télévision gratuite démontre que le coût est moindre à développer le réseau terrestre, comme on l’a constaté en Finlande ou en Suède. En effet, jusqu’à 96 % de la population, l'extension de la couverture terrestre est plus rentable pour tous les acteurs de la filière – chaînes analogiques, nouvelles chaînes de la TNT et téléspectateurs – que la couverture satellite. Aux opérateurs donc de prendre en charge le réseau de réémetteurs terrestres nécessaires pour atteindre la desserte à 95 % de chaque département, grâce aux économies substantielles réalisées lors de l'arrêt des réémetteurs analogiques. Au-delà, il appartiendrait aux collectivités locales de choisir entre équiper un réémetteur local, sous leur maîtrise d'ouvrage, ou faciliter l'équipement en réception satellite des particuliers.

Avant d’envisager de redistribuer « le dividende numérique », il convient que les principaux émetteurs analogiques qui n'ont pu passer en TNT pour cause de brouillage ou de pénurie de fréquences nouvelles soient convertis en numérique simultanément à l'arrêt de l'analogique, afin de garantir aux habitants la continuité d’un service de qualité équivalente. Je m’associe sur ce point à la demande de Gérard Pelletier de créer un groupe de suivi associant des représentants de l’État, des collectivités, des opérateurs et des diffuseurs, chargé de rendre compte à la représentation nationale de l'état d'avancement de ce grand chantier.

Restera ensuite, par le biais d’une politique ambitieuse, à faire pénétrer davantage la TNT dans les foyers français. Aujourd'hui en effet, moins de 35 % d’entre eux sont équipés en réception numérique. Mais je ne doute pas de la volonté du Gouvernement en la matière.

Je voterai bien sûr ce texte qui comporte de substantielles avancées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Patrice Martin-Lalande – Oui, depuis 2002, nous avons incontestablement fait avancer la télévision du troisième millénaire. J’en veux pour preuve la réforme de la perception de la redevance, les nouveaux soutiens apportés à la création audiovisuelle, cinématographique et musicale, la création de la chaîne internationale France 24, et bien sur le formidable succès de la TNT qui profite déjà à 20 % de nos concitoyens.

Ce projet de loi est sage. Il ne prétend pas tout définir dans un univers numérique en évolution permanente mais s'attache à apporter en urgence, de manière ciblée, des réponses indispensables pour mettre le plus vite possible à la disposition de tous les progrès du numérique. Il ne prétend pas non plus régir tout pour toujours. Son article 13 prévoit ainsi qu’un an après la promulgation de la loi, le CSA remette un rapport sur la mise en œuvre des dispositions relatives à la TVHD et à la TMP. En ces domaine, les lois sont nécessairement « techno-dégradables ». C’est pourquoi il importe de les évaluer sans cesse et de les réviser si nécessaire sans attendre.

Certains reprochent au Gouvernement le calendrier de discussion de ce texte. Mais il fallait attendre les excellents résultats de la conférence régionale des radiocommunications du printemps 2006 pour être certain des nouvelles conditions d’utilisation du spectre sur le plan international. Et il aurait été dangereux d'attendre la prochaine législature, c’est-à-dire de perdre un an, pour créer le cadre légal indispensable à la TNT pour tous, à la TVHD et à la TMP. Le Gouvernement a donc fait au mieux, donnant à notre pays les meilleures chances de relever des défis culturels et industriels considérables.

Certains contestent l’attribution d’une fréquence supplémentaire aux trois chaînes privées historiques. Pure polémique lorsqu’on se souvient que la loi Trautmann-Tasca de 2000 a autorisé la même attribution, sans aucune contrepartie !

Dans le nouvel univers numérique, chacun peut choisir de consommer comme il l’entend uniquement ce qui lui plaît grâce à la multiplication des chaînes thématiques, à l'interactivité qui permet de personnaliser la consommation, et à la possibilité de créer son propre contenu, avec une communauté partageant les mêmes goûts. Jamais le risque « ’autisme audiovisuel » n’a donc été aussi grand. Il n’est certes pas de panacée mais il me semble qu’il faut avancer dans deux directions pour pallier ce risque. Tout d’abord, former à la maîtrise de l'image, à l’exercice du sens critique et à des goûts « pluriels ». Ensuite, soutenir l'offre de chaînes généralistes, dont les centres d’intérêt sont plus divers et où des opinions contraires s’expriment. Je souhaite donc que la fréquence complémentaire soit utilisée pour conforter la présence des ces chaînes.

Je souhaite aussi que notre débat permette de définir la compensation financière par l'État du coût de diffusion satellitaire des décrochages régionaux de F3 – j'ai déposé un sous-amendement en ce sens –, ainsi que les contreparties dont les nouveaux entrants de la TNT ont besoin pour conforter leur installation dans le paysage audiovisuel, comme une numérotation sur l’offre satellitaire rappelant celle de la TNT et un effort plus grand de promotion de la TNT par les chaînes historiques de l’analogique.

En conclusion, je me réjouis de la politique visant à permettre à tous nos concitoyens d’accéder à une large diversité culturelle. L’objectif est bien que 100 % d’entre eux aient accès à la TNT, en veillant à ce que les territoires ruraux n’aient pas à investir trois fois pour l’ADSL, la TNT et la téléphonie mobile de troisième génération. Essayons de créer des synergies et de mettre à profit les convergences techniques possibles. J’ai déposé un amendement, hélas déclaré irrecevable au titre de l’article 40, visant à assurer la couverture en téléphonie mobile de tous les axes prioritaires de circulation. Je souhaiterais que le Gouvernement nous permette d’en débattre.

Je me félicite également de la politique très volontariste qui fait du soutien à la création un objectif majeur. Différents crédits d’impôt au bénéfice de la création audiovisuelle, cinématographique et musicale, ont été institués. Il conviendrait maintenant d’en créer un pour les jeux vidéo répondant à certains critères culturels. J’ai, pour ma part, défendu des amendements en ce sens lors de l’examen de la loi de finances pour 2007 et du collectif pour 2006. Si nous n’avançons pas sur ce sujet, nous risquons d’être dépassés par des pays comme le Canada, alors même que nous avons de réels atouts.

Au total, ce texte permet un progrès que nous devons assurer à tous les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Bur remplace M. Warsmann au fauteuil présidentiel.
PRÉSIDENCE de M. Yves BUR
vice-président

M. Noël Mamère - Si certains aspects de ce projet de loi semblent positifs…

M. le Ministre – N’allez donc pas plus loin !

M. Noël Mamère - …il est en revanche difficile d'imaginer que de ce cadre puissent naître la télévision du futur et les chaînes locales. Ce texte laisse une impression d'inachevé…

M. le Ministre – Rassurez-vous, j’aurai un second mandat !

M. Noël Mamère - …comme en témoigne d’ailleurs le nombre d'amendements déposés par le rapporteur.

La TNT constitue incontestablement un progrès pour la qualité de l’image. Il faudrait qu'elle le soit aussi pour la démocratie et le pluralisme. L'augmentation du nombre de canaux disponibles devrait avant tout servir ces deux objectifs. Or, on peut en douter.

Si votre souhait de ne pas retarder le passage au numérique peut se justifier, il serait souhaitable d’accorder aux télévisions locales des autorisations provisoires de diffuser en mode analogique. Or, ce texte s’y oppose et risque de compromettre la naissance comme la survie de ces chaînes. Les télévisions locales devront impérativement capter très vite un maximum de téléspectateurs pour espérer atteindre l’équilibre économique.

Leur lancement suppose qu'elles disposent dès le début de moyens substantiels. Je propose donc de mettre en place un dispositif à la fois d'amorçage pour les télévisions à faibles ressources publicitaires et de parrainage, restant inférieur à 20 % de leur chiffre d'affaires total.

L’article 5 prévoit que le basculement de l'analogique vers le numérique se fera sur plusieurs mois. C’est le CSA qui fixera, neuf mois à l'avance, pour chaque zone géographique, service par service et émetteur par émetteur, la date d'arrêt de la diffusion analogique. Cette procédure n’est pas satisfaisante, car cela voudrait dire que certaines chaînes pourraient être contraintes d’arrêter de diffuser en analogique avant certaines de leurs concurrentes sur une même zone géographique. Elles pourraient alors subir un préjudice important. L'arrêt de la diffusion analogique doit intervenir dans des conditions équitables pour l'ensemble des chaînes d'une même zone géographique.

Mais l'article 5 apporte bien d'autres surprises. Ainsi la prolongation de cinq ans, hors appel à candidatures, des autorisations des opérateurs historiques leur confère bien entendu un avantage, alors que l'appel à candidatures pour une durée limitée est l'un des principes fondamentaux du droit de l'audiovisuel, qui découle de l'appartenance des fréquences radioélectriques au domaine public de l'État et des principes constitutionnels du pluralisme et de l'égalité de traitement. TF1, M6 et Canal Plus auront ainsi bénéficié d'autorisation d'usages de 30 à 32 ans sans appel à candidatures, compromettant ainsi le caractère limité de la durée de reconduction apte à garantir la démocratie et le pluralisme.

Vous accordez en outre une seconde « chaîne bonus » aux chaînes privées historiques qui se sont développées en mode analogique hertzien alors même que ces opérateurs ont déjà bénéficié d'un tel bonus lors du démarrage de la TNT. Outre que ce second canal risque de déséquilibrer l’offre TNT, vous fragilisez la situation des nouveaux entrants ainsi que le pluralisme au regard du libre choix laissé pour le format éditorial de la nouvelle chaîne. Ces avantages, de surcroît, ne s’accompagnent pas de contreparties suffisantes. À défaut de supprimer ce canal bonus, nous demandons qu'au minimum un certain nombre de conditions soient imposées. Le bénéfice de cinq années supplémentaires d'autorisations comme l'attribution de « chaînes bonus » au détriment d'autres éditeurs ne saurait s'appliquer à des chaînes qui n'auraient pas rempli l'objectif fixé pour l'extinction de l'analogique. Il faut interdire aux chaînes de la TNT de s'opposer à une diffusion de leurs programmes par les opérateurs de l'ADSL et de réseaux câblés. Le fonds d'aide à l'équipement en récepteurs numériques des ménages à faibles revenus doit quant à lui être abondé à part égale entre l'État et les éditeurs de services de télévisions membres du groupement d'intérêt public – ces chaînes sont les principales bénéficiaires de ce basculement vers le numérique et il est équitable qu'elles contribuent pour moitié à l'effort consenti par l'État. Enfin, l’interdiction de la publicité sur les chaînes bonus permettrait d'éviter que les chaînes privées hertziennes, déjà en position dominante par rapport au service public de télévision et aux nouveaux entrants, ne perçoivent des ressources publicitaires supplémentaires et nuisent dès lors au développement des nouveaux éditeurs. Il est également indispensable de rendre accessible à tous, sur tout le territoire, les 24 programmes régionaux de France 3 grâce par exemple au bouquet satellitaire gratuit des chaînes de la TNT. Le projet adopté par le Sénat prévoit d’ailleurs que celui-ci doit pouvoir assurer dans chaque zone concernée la réception des déclinaisons régionales de France 3, mais cette formulation est ambiguë : elle peut être comprise comme une obligation, pour l'opérateur satellitaire, d'assurer au téléspectateur l'accès au seul programme régional diffusé localement par voie hertzienne.

Nous avons beaucoup parlé de diffusion de nouvelles chaînes mais nous n'en restons pas moins attentifs aux conséquences des ondes électromagnétiques sur la santé. Le projet, dans sa rédaction actuelle, impose une obligation de réception dans les bâtiments de la télévision personnelle mobile. Or, la qualité de réception suppose un niveau d'émission d'ondes très élevé qui pourrait être incompatible avec la santé publique. Le principe de précaution, inscrit dans la Constitution, nécessite que les pouvoirs publics puissent contrôler et limiter celui-ci. La loi doit prévoir les moyens de contrôle et renvoyer à un décret la détermination des niveaux admissibles.

À défaut de réponses claires sur ces différents éléments, les députés Verts voteront contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains)

La discussion générale est close.

M. le Ministre – À entendre certains propos, je me dis que la campagne pour les élections présidentielles a commencé ! Je me dis également que si l’on considérait d’abord les attentes des Français, un accord serait possible. Un certain nombre d’interventions ont fait l’impasse sur l’enjeu de ce texte : faire en sorte que tous les Français, sur tout le territoire, puissent bénéficier d’une offre de télévision gratuite multipliée par trois. Nombre de nos concitoyens ne bénéficient aujourd’hui que de six chaînes gratuites mais c’est grâce au Gouvernement et à cette majorité que la TNT a pu être mise en place ! Personne n’a de plan B et il ne s’agit pas de prendre du retard par rapport à nos voisins européens. Certains ont en outre fait l’impasse sur tous les métiers qui concourent à la production et à la diffusion des programmes. Il semblerait que pour eux tout soit réglé et qu’il soit inutile de protéger un certain nombre d’équilibres. Au contraire, je considère quant à moi que nous devons protéger les équilibres financiers afin de préserver l’existence de la presse écrite face à la radio, à la télévision et à Internet, et aussi de permettre aux secteurs privé et public de l’audiovisuel de continuer à fonctionner en bonne intelligence. J’assume, sans être pour autant rétrograde, conservateur ou archaïque, la défense de tous ces équilibres, ce qui n’implique évidemment pas de négliger les extraordinaires potentialités d’internet par exemple.

Plusieurs interventions ont rappelé les enjeux de ce texte : il s'agit d'abord des téléspectateurs et de la diversité de l'offre de programmes, mais aussi des emplois dans le secteur de la création et de l'industrie. Monsieur le rapporteur, vous avez rappelé à juste titre l'importance du travail préparatoire réalisé par votre commission et la commission des affaires économiques. Le Gouvernement a également organisé une très vaste concertation. Vous avez cerné l'ensemble des enjeux auxquels nous sommes confrontés, qu’ils soient démocratiques, culturels ou industriels. Vous avez raison, le CSA doit être doté de moyens appropriés pour mener à terme ces chantiers ambitieux et le budget de 2008 doit être à la hauteur.

Monsieur le Rapporteur pour avis, je pense également que la couverture de la population et du territoire doit être de 100 %. Ceux qui nous écoutent viennent certainement de régions différentes et nous savons combien il est parfois difficile, pour des raisons géographiques, de bénéficier d’une couverture complète. Nous voulons pourtant qu’il en soit ainsi grâce, en particulier, à la couverture terrestre et satellitaire. Il s'agit bien d'une double réconciliation, comme vous le soulignez : celle des territoires ruraux et de l'innovation technologique, celle des professionnels des télécommunications et de ceux de l'audiovisuel.

Monsieur Frédéric Dutoit, je vous remercie pour avoir insisté sur la question décisive des contenus mais vous semblez découvrir, bien que je n'en croie rien, que la télévision nécessite des capitaux importants (Sourires). Sans financement, pas d'œuvres audiovisuelles et cinématographiques, pas d'emplois culturels, pas d'information, pas de pluralisme. Il ne s’agit pas de promouvoir je ne sais quel capitalisme torride !

M. Michel Françaix - S’il est torride… (Sourires)

M. le Ministre – Vous connaissez d’ailleurs les mesures que nous avons prises afin de soutenir la télévision publique.

Lors des questions au Gouvernement, Monsieur Françaix, vous soulignez vous-même souvent combien la question du financement est essentielle. Il s’agit de faire en sorte que chacun puisse vivre et notamment les chaînes indépendantes. C’est tout cela, le pluralisme ! Le nombre de canaux de la télévision publique passe donc de trois à six. Je vous rappelle, enfin, que ce projet permettra à l'ensemble des Français d'accéder à deux chaînes d'information en continu et de pouvoir suivre vos interventions grâce à la chaîne parlementaire.

Monsieur Dominique Richard, vous avez une fois de plus proposé des analyses pertinentes en établissant un lien entre la culture et la communication. Vous saluez la réussite de la télévision numérique terrestre et l'ambition de ce projet, en effet fondateur pour la télévision du XXIe siècle qui permettra à chaque Français d'accéder à une offre trois fois plus riche. Comme vous le soulignez, c'est la meilleure des réponses à la concentration des médias. Vous avez en outre raison d'être fier de la réforme du compte de soutien à l’industrie des programmes audiovisuels. C’est l’addition de toutes les initiatives de cette majorité – budgets, crédits d’impôt, financements complémentaires – qui permet de soutenir le cinéma, l’audiovisuel, la musique ! De même, et vous avez eu raison de le dire à propos du Haut-Koenigsbourg : chaque lieu de notre territoire doit être une chance ! J’ajoute qu’il faudra œuvrer à la mise en réseau européen des chaînes de télévision. Je rêve de nuits de la culture européenne où l’on passera d’un groupe de rock à Budapest à un ensemble de musique baroque au Haut-Koenigsbourg ou un concert de slam à Glasgow ! Nos concitoyens l’attendent ! Et il s’agit, dans ce projet, de faire en sorte qu’il y ait des financement pour cela. C’est une idée lumineuse que vous préconisez là.

Monsieur Alain Gouriou, les orateurs du parti socialiste se succèdent, et une fois n'est pas coutume, ils sont unis par un même principe : il est urgent d’attendre. Vous repoussez constamment les échéances, comme celle de la présentation de votre programme… Pourtant vous l'avez noté avec franchise, et je vous en remercie, la TNT est une avancée remarquable, et tous les Français doivent en bénéficier le plus rapidement possible.

Je dirai à M. François Bayrou qu’il est urgent de rendre la télévision du futur accessible à 100 % des Français sur 100 % du territoire. Dès cet été, l’offre satellitaire sera gratuite, la télévision mobile personnelle sera lancée, ainsi que la télévision en haute définition. Même si, pour celui qui tient l'œil rivé sur le printemps 2007, cela peut paraître bien loin, 2012 est bien l'horizon des choix technologiques. Je suis heureux que M. Bayrou, se référant aux avis récents du CSA, en ait salué l’indépendance. Cessons, au gré des prises de position, de mettre en doute l’autonomie des institutions et de vouloir les modifier !

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – Très bien !

M. le Ministre – Longue vie au CSA (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) ! Je suis heureux que M. Bayrou ait pris appui sur le CSA pour m’interpeller. J’accepte les interpellations et je considère que ce ne sont pas les humeurs qui doivent provoquer les évolutions institutionnelles !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Très bien !

M. le Ministre – Selon M. Bayrou, il y a eu des opposants parmi les diffuseurs au lancement de la télévision numérique terrestre. C'est cette majorité qui, de manière indépendante et avec la passion des évolutions technologiques, a lancé la télévision numérique terrestre et créé les conditions de son succès. Nous avons choisi la norme mpeg2 parce que c’était le moyen de rendre cette révolution technologique accessible au moindre coût. La gauche avait initié certains changements : nous les avons concrétisés, alors que beaucoup pensaient que nous n’en aurions pas le courage.

La diversité des contenus doit faire l’objet d’une vigilance constante. J'ai toujours défendu l'indépendance des journalistes ainsi que le principe français de la séparation des producteurs et des diffuseurs. Notre réglementation prévoit qu'au moins deux tiers de notre production audiovisuelle est indépendante, comme plus des trois quarts de notre production cinématographique. La diversité culturelle, c'est aussi cela ! M. Bayrou se prétend le héraut d'une République impartiale, mais sa partialité l’a empêché de saisir les enjeux de ce texte et de prononcer les termes de « diversité culturelle », notion qui, pourtant, devrait tous nous réunir ici.

Monsieur Christian Kert, vous avez raison, le téléspectateur est au centre de ce projet de loi : c'est une préoccupation que nous partageons.

Je voudrais demander à Monsieur Michel Françaix, sans faire de provocation,…

M. Michel Françaix - Vous en êtes bien incapable ! (Sourires)

M. le Ministre – …pourquoi le gouvernement de Lionel Jospin n'a pas lancé la télévision numérique terrestre en 2001 ?

M. Christian Paul - Nous avons voté la loi de 2000. Pourquoi vous a-t-il fallu cinq ans ?

M. le Ministre - Pourquoi a-t-il tant tardé à mettre en route les projets de chaînes numériques que portait alors la télévision publique ? Pourquoi avoir attendu, au point que la télévision numérique semblait une utopie ? Avoir accordé des chaînes bonus sans contrepartie ne vous suffisait pas : fallait-il encore que la TNT n'arrive jamais ?

M. Patrick Bloche - C’est honteux, c’est nous qui avons voté la loi de 2000 !

M. Michel Françaix - La plupart d’entre vous avaient alors voté contre !

M. le Ministre - C'est cette majorité qui a eu le courage de lancer et de réussir la télévision numérique terrestre. C'est cette majorité qui a permis le doublement de l'offre de la télévision publique. C'est cette majorité qui a permis à de nouveaux entrants de se développer sur la TNT. Les Français le savent bien et ils sont d’ailleurs impatients de voir l’ensemble du territoire couvert par la TNT.

M. Michel Françaix – C’est à nous qu’il reviendra de le faire. Et comme vous, nous dirons que tout le mérite nous en revient ?

M. le Ministre - Les télévisions locales ont toute leur part dans ce texte. A ma demande, les multiplexes de la TNT ont été recomposés afin de permettre la diffusion des TV locales privées sans dégradation de la qualité de diffusion des chaînes publiques. Il revient au Gouvernement de défendre cette pluralité locale, c’est pourquoi j’ai pris toutes les décisions de préemption et de recomposition du multiplexe. Ce texte prévoit le simulcast des chaînes locales analogiques en numérique et une prorogation de leurs autorisations.

M. Michel Herbillon a eu raison de souligner que la TNT doit être un progrès partagé par l'ensemble des Français : c'est bien le sens des dispositifs prévus par ce projet de loi.

Je partage totalement les affirmations de M. Émile Blessig sur la couverture du territoire, qui doit atteindre un taux de 95 % de la population pour les chaînes analogiques, tout en incitant les autres chaînes à dépasser 85 %. L'ensemble doit être complété par une offre satellitaire gratuite, disponible dès l'adoption du texte, en particulier dans les zones de montagne et dans les zones d'ombre. Je rappelle qu’il sera veillé à ce que les ménages les plus modestes, dans ces régions, voient le coût de leur parabole pris en charge.

M. Christian Paul - Par l’État, à 100 % ?

M. le Ministre – L’Etat ne demandera pas leur concours aux collectivités territoriales.

Monsieur Richard Mallié, je partage votre préoccupation quant aux scènes de violence diffusées à la télévision, souvent dues à l’actualité internationale, et à leur effet sur les plus jeunes. Outre l’action du CSA, le service public doit être exemplaire. Les contrats d’objectifs et de moyens doivent viser à ce que des programmes culturels soient diffusés et qu’une meilleure représentation de la diversité des composantes de la société française soit assurée. Ainsi, la télévision française aura-t-elle des effets positifs !

Monsieur Patrick Bloche, j’ai été étonné que vous puissiez dénier aux vidéo-clips leur caractère culturel ou artistique ! Je n’oserais dire que vous faites là preuve de surdité… mais je dois rappeler que vous avez déjà démontré votre volonté de sacrifier l'avenir de la musique française lors de l’examen du projet de loi sur le droit d'auteur. L’histoire nous jugera !

M. Christian Paul - Elle vous a déjà jugé !

M. le Ministre – Elle désignera ceux qui ont eu du courage. J’attends d’ailleurs de Ségolène Royal qu’elle se prononce avec clarté et courage sur cette question.

M. Patrick Bloche - Allez sur le site « Désirs d’avenir » !

M. le Ministre - Dira-t-elle, comme pour les 35 heures, « Je n’exclus rien » ?

M. Michel Françaix – Vous parlez des 35 heures parce que sur le reste, vous avez peur !

M. Frédéric Dutoit - Vous avez tué le droit d’auteur !

M. le Ministre – J’espère que vous resterez cohérent dans votre volonté de trouver des solutions pour la rémunération des artistes et des auteurs !

Monsieur Jean-Pierre Decool, vous avez bien rappelé les enjeux de diversité et les enjeux industriels. Soyez rassuré, il n'y aura pas de laissés-pour-compte de la télévision numérique. L'offre satellitaire gratuite sera disponible dès la promulgation du texte et un fonds pour les plus démunis sera mis en place.

Monsieur Henri Nayrou, je me réjouis de partager avec vous le même objectif : les 18 chaînes gratuites de la TNT doivent être accessibles sur l'ensemble du territoire, et bien sûr, dans les zones de montagne. Vous en êtes le porte-parole éloquent et ce texte vous donnera satisfaction, puisque la TNT sera disponible dès cet été, grâce à l'offre satellitaire gratuite.

Monsieur Michel Heinrich, en tant que président de la chaîne de télévision Image Plus, diffusée sur le câble, vous êtes un passionné de la proximité et de la diversité. Vous avez raison de mettre l'accent sur le rôle des télévisions locales dans le renforcement du lien social. Le CSA a, à ma demande, recomposé les multiplexes, afin de permettre la diffusion en numérique – sans dégradation – des télévision locales.

Monsieur Antoine Herth, je me réjouis avec vous du fait qu'Arte, comme les autres chaînes publiques et l'ensemble de l'offre gratuite de la TNT, sera accessible au public alsacien. J’espère que le Haut-Koenigsbourg, qui vous a été confié par l’État, contribuera au rayonnement de notre pays, en Europe et au-delà. Je sais que les parlementaires alsaciens agissent de conserve pour que la richesse de la culture locale s’inscrive dans une réalité européenne. La dimension culturelle sera essentielle pour l’avenir du projet politique européen, et l’audiovisuel a une mission particulière à cet égard.

Cher Jacques Bobe, vous avez parfaitement compris les objectifs et les enjeux du texte. Je rappelle que le canal compensatoire, encadré d’obligations particulières, vise à compenser l’extinction des autorisations analogiques des chaînes nationales, qui interviendra de manière anticipée, région par région, à partir de 2008. Quant à la couverture du territoire, c’est une obligation que nous assumerons ensemble.

Je partage la préoccupation de Dominique Paillé s’agissant du financement de l’audiovisuel public. Garantir l’indépendance et les moyens de l’audiovisuel public, c’est ma responsabilité et ma passion ! J’entends également garantir son périmètre actuel. Les contrats d’objectifs et de moyens qui donne une visibilité pluriannuelle à ses grands opérateurs sont en cours d’élaboration. Ceux de l’INA, de Radio France et d’Arte France ont été signés, avec des chiffres très satisfaisants. Je remercie le Premier ministre de ses arbitrages qui ont permis de donner des moyens à ces grandes institutions dont nous sommes fiers. Les discussions avec France Télévisions se poursuivent dans d’excellentes conditions. Le contrat d’objectifs et de moyens sera le meilleur moyen de garantir l’avenir du groupe. C’est pourquoi je ne donnerai pas mon accord à la modification des règles de publicité applicables à France Télévisions.

M. Patrice Martin-Lalande – Très bien !

M. le Ministre – Ce serait en effet ouvrir un débat polémique sur la privatisation des chaînes.

J’assume également les équilibres nécessaires entre presse écrite et audiovisuelle - et je le dis au moment où nous ouvrons un nouveau secteur de publicité, celui de la grande distribution. Assumer ses responsabilités, c’est aussi savoir faire preuve de vigilance ! Je suis fier de France Télévisions et de l’audiovisuel public, mais il nous faut travailler la main dans la main pour conforter leur avenir.

Monsieur Morel-A-L’Huissier, vous avez fort bien identifié les enjeux technologiques du texte : il faut l’adopter pour pouvoir disposer du gain numérique, que ce soit sur les nouvelles technologies ou sur le hertzien terrestre. L’optimisation du spectre hertzien est nécessaire pour faire entrer la France dans l’ère numérique.

Vous avez une fois de plus exprimé votre passion pour ce secteur, Patrice Martin-Lalande, en évoquant deux sujets très importants. D’abord la maîtrise de l’image, essentielle pour les plus jeunes : c’est dès l’école qu’il faut dispenser une éducation à l’image. Ensuite, les enjeux de la diversité culturelle en termes d’emplois. Vous aviez activement contribué à la mise en place du crédit d’impôt pour la musique. Nous allons étendre ce dispositif au jeu vidéo…

M. le Président de la commission des affaires économiques – Très bien !

M. le Ministre - …avec une délimitation des activités artistiques conforme à ce que souhaite la Commission européenne – je m’en suis personnellement assuré auprès de la commissaire européenne compétente. Comme nous l’avons fait pour l’industrie phonographique, la production audiovisuelle et le cinéma, ce crédit d’impôt permettra de conserver ou de relocaliser l’activité sur notre territoire.

M. Antoine Herth – Très bien.

M. Patrice Martin-Lalande – Il y a des milliers d’emplois à la clé !

M. le Ministre – Cher Noël Mamère, j’ai été heureux – mais somme toute pas surpris – de constater que nous partageons un certain nombre d’objectifs. J’espère donc qu’au-delà de nos quelques divergences, nous pourrons nous retrouver sur l’essentiel.

Au terme de cette discussion générale, reconnaissons au moins que ce texte a pour objectif de faire bénéficier l’ensemble de nos concitoyens des progrès de la technologie. J’examinerai avec attention vos amendements, mais de grâce, ne versez pas dans la caricature ! Les équilibres économiques et financiers dans ces domaines sont des réalités qui doivent être mises au service des contenus. La diversité et le pluralisme doivent être une chance pour le spectateur. La multiplication par trois de l’offre gratuite de télévision en est une. J’espère donc que la majorité et l’opposition parviendront, comme au Sénat, à un accord sur un certain nombre de dispositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

avant l’article premier

M. Christian Paul – L’amendement 156 vise à modifier substantiellement la composition du CSA. L’audiovisuel français se caractérise aujourd’hui – quoi que vous en disiez, Monsieur le ministre – par un affaiblissement du pluralisme économique, et le CSA par un affaiblissement accéléré du pluralisme politique. Concentration des industries audiovisuelles d’un côté, et de l’autre concentration des nominations dans un camp politique qui envoie au CSA – il suffit de regarder l’actualité des derniers jours – des collaborateurs sans doute talentueux, mais qui ne permettent pas de garantir l’indépendance de cette autorité administrative.

Il y a là une vraie différence de conception entre nous. Vous nous renverrez sans doute à l’histoire de l’autorité de régulation de l’audiovisuel. Mais nous sommes en 2007, à la veille d’échéances démocratiques importantes. Dans la nouvelle République que nous souhaitons, les autorités administratives indépendantes doivent être composées selon des règles qui garantissent le pluralisme, et non qui l’étouffent. Cet amendement est un premier remède à la maladie chronique qui affecte le CSA.

M. le Rapporteur – Vous mettez en cause l’indépendance du CSA.

M. Christian Paul - Non : les nominations.

M. le Rapporteur - Permettez-moi de m’en étonner. Les règles de nomination des membres du CSA ont été fixées par votre famille politique en 1989. A l’époque, vous ne les aviez pas remises en cause.

M. Christian Paul - Et vous, que disiez-vous à l’époque ?

M. le Rapporteur – Par ailleurs, vous vous êtes appuyés pour critiquer ce texte sur certains avis du CSA. Enfin, modifier les règles du jeu au détour d’un texte de loi, sans consultation préalable des acteurs concernés, ne me paraît guère opportun. Pour toutes ces raisons, la commission a repoussé cet amendement.

M. le Ministre – Une autorité indépendante comme le CSA mérite mieux que de vaines polémiques. Je ne vais pas m’appesantir sur les circonstances dans lesquelles elle a été créée en 1989, mais j’ai tout de même relu les déclarations de M. Lang, de Mme Tasca ou de M. Queyranne. Tous souhaitaient un système analogue à celui du Conseil constitutionnel. Le CSA est une institution jeune, qui a fait la preuve de son indépendance. Vous vous êtes d’ailleurs appuyés sur ses déclarations – et c’est votre droit – pour essayer de mettre le Gouvernement dans l’embarras.

Revoir la composition du CSA serait une erreur. Soyez attentifs à ne pas mettre en cause par principe l’impartialité des membres d’une autorité indépendante. Ils ont leur déontologie personnelle et se veulent des serviteurs de l’État impartiaux. De la même manière que dans une rédaction, la conception individuelle que les journalistes ont de leur conscience professionnelle garantit, au-delà des codes de déontologie, le pluralisme et l’indépendance, c’est la liberté de pensée et le professionnalisme des membres du CSA qui garantit celle de l’institution. Je fais confiance au CSA. Je veille scrupuleusement à respecter son indépendance dans son domaine de compétence propre ; je n’ai jamais exercé la moindre pression sur lui.

M. Michel Françaix - C’est la moindre des choses !

M. le Ministre – J’ai des compétences juridiques et je les exerce. Mais lorsque je notifie une décision de l’exécutif, c’est toujours en application d’un principe légal. J’ajoute que je n’ai jamais tenu compte des étiquettes politiques dans les nominations au sein de mon ministère. Les autorités de nomination désignent en conscience les membres du CSA. À ceux qui sont nommés d’assumer ensuite leurs responsabilités.

M. Dominique Richard – N’est-ce pas porter atteinte à la mémoire de François Mitterrand (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) que de vouloir, pour des raisons conjoncturelles, modifier le mode de nomination des membres de la Haute Autorité qu’il avait voulu ? Sur le fond, notre conception du CSA ne nous conduirait en aucun cas à vouloir substituer à la nomination de ses membres par les institutions républicaines des nominations par les groupes politiques. Enfin, comme le montrent les nominations récemment intervenues à l’INA, à Arte France et à France Culture, le seul critère qui vaille à nos yeux est la compétence.

M. Michel Françaix – Elles ont été faites pour donner des gages ! ((Protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Frédéric Dutoit – L’amendement a pour grand mérite d’ouvrir le débat sur la nomination des membres du CSA, institution dont les missions ne cessent de gagner en importance et dont le présent projet renforcera encore les responsabilités. Sans mettre en cause l’indépendance d’esprit de chacun des membres du CSA, je considère également que le mode de nomination actuel est archaïque…

M. Dominique Richard - C’est la gauche qui l’a voulu !

M. Frédéric Dutoit - …mais je ne suis pas favorable à la proposition de mes amis socialistes, qui aurait pour effet de renforcer la bipolarisation politique de la société française alors qu’elle devrait être représentée dans toute sa diversité. La réflexion doit donc se poursuivre et je ne doute pas que lorsque l’opposition actuelle sera la majorité, le consensus se fera.

M. Michel Françaix – Vous avez raison de rappeler qu’une instance de régulation était nécessaire ; que François Mitterrand a voulu la Haute Autorité ; que vous l’avez supprimée pour lui substituer la CNCL de scélérate mémoire ; que, revenus au pouvoir, nous avons rétabli une véritable instance de régulation, le CSA. Ce que nous disons, c’est que le mode initial de nomination de ses membres ne correspond plus à l’époque. « Vous avez changé », vous exclamez-vous. C’est vrai, mais seul M. Sarkozy en aurait-il le droit ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Il nous paraît maintenant préférable, c’est exact, que les membres du CSA ne soient pas tous issus de l’UMP…

M. le Ministre – Mais enfin ! Il s’agit d’un membre du Conseil d’État, pas d’un membre de l’UMP !

M. Michel Françaix - Je ne mets nullement en cause la crédibilité des personnes nommées, mais celle de ceux qui les nomment, pour autant qu’ils sont tous issus d’un même parti.

M. le Rapporteur – Il fallait y penser en 1989 !

M. Michel Françaix – Je le répète, comme Nicolas Sarkozy, j’ai changé… Et pour que les choses soient claires, je précise que je souhaite que le CSA soit bien une instance de régulation et non une instance de régularisation.

L'amendement 156, mis aux voix, n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER

L'article premier, mis aux voix, est adopté.

AVANT L'ART. 2

M. Frédéric Soulier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – Par souci de simplification administrative et étant donné la convergence croissante du secteur de l’audiovisuel et de celui des télécommunications, la commission des affaires économiques propose par l’amendement 280 de confier à la commission supérieure du service public des postes et des postes électroniques – la CSSPPCE –, rebaptisée « Commission supérieure de la convergence numérique et des postes », la mission consultative dévolue dans le domaine de l’utilisation des fréquences radioélectriques à la nouvelle commission ad hoc du dividende numérique prévue par le Sénat.

M. le Rapporteur – La commission n‘a pas examiné l’amendement. À titre personnel, j’y suis défavorable. D’une part, la commission du dividende numérique voulue par le Sénat est une instance transitoire, dont la mission s’achèvera en 2011 ; la CSSPPCE est, elle, pérenne. D’autre part, la proposition risquerait de créer un déséquilibre entre les deux secteurs, qui doivent conserver une identité définie. Je souhaite donc le retrait de l’amendement.

M. le Ministre – Le Gouvernement a donné son accord à la proposition faite par le Sénat de créer une commission du dividende numérique. Je comprends le souci de simplification administrative qui vous anime mais les missions de la CSSPPCE sont pérennes, et plus larges que celle dévolue à la Commission ad hoc, éphémère, voulue par le Sénat. Mais puisqu’il s’agit, dans les deux cas, d’associer le Parlement à la définition de cette politique, je m’en remets à la sagesse de votre Assemblée.

M. Dominique Richard – Je partage le point de vue de notre rapporteur et j’invite l’Assemblée à ne pas adopter l’amendement.

M. le Rapporteur pour avis – Je retire l’amendement.

L'amendement 280 est retiré.

ART. 2

M. Frédéric Dutoit - L’intervention du premier ministre dans l’affectation de la ressource numérique est légitime, puisqu’il s’agit d’un bien public. Néanmoins, l’amendement 104 tend à inscrire dans la loi que le Premier ministre travaille de concert avec le CSA et l’ARCEP. Les décisions doivent donc être prises dans la transparence et pour servir l’intérêt général – en l’occurrence la diversité de l’offre.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. Cet amendement est déjà satisfait par la rédaction actuelle de l’article 21, qui prévoit que la décision sera prise après avis du CSA et de l’ARCEP. Par ailleurs, la dérogation que vous proposez de supprimer est liée à un schéma national de réutilisation des fréquences, dont l’adoption sera soumis à l’avis du CSA. Je vous suggère donc de retirer votre amendement.

M. le Ministre – Même avis, même suggestion.

M. Michel Françaix - Quelle surprise !

L'amendement 104 est retiré.

M. le Rapporteur – L’amendement 206 est rédactionnel.

L'amendement 206, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Frédéric Dutoit – L’amendement 105 est défendu.

M. le Rapporteur – Avis défavorable, pour les mêmes raisons qu’au 104.

M. le Ministre – Également.

L'amendement 105 est retiré.

M. le Rapporteur – L’amendement 16 rectifié est rédactionnel.

L'amendement 16 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – En conséquence, l’amendement 76 tombe.

M. le Rapporteur pour avis – L’amendement 74 rectifié vise à préciser les conditions d’attribution des fréquences issues du dividende numérique en accroissant la diversité des services audiovisuels, en introduisant la notion d’égalité d’accès entre les territoires et en dotant les instances chargées de la sécurité de systèmes de liaison en progrès constant.

L'amendement 74 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – Ce vote fait tomber les amendements 106, 232 et 157.

M. le Rapporteur pour avis – L’amendement 75 tend à supprimer l’affectation à l’audiovisuel de la majorité des fréquences libérées par le basculement numérique, prévue à l’alinéa 2, compte tenu de la constitution d’une commission du dividende numérique, mais aussi de la grande qualité de ces fréquences. Il faut préserver la liberté des arbitrages futurs.

M. le Rapporteur – Avis défavorable : ce serait envoyer un signe négatif au monde de la création audiovisuelle. La couverture du territoire en téléphonie mobile est importante, mais l’extinction de l’analogique doit avant tout profiter à la création de nouvelles chaînes. On ne peut risquer de compromettre cette diversification tant attendue par nos concitoyens.

M. le Ministre – Avis favorable. J’étais opposé à la disposition sénatoriale que supprime cet amendement : en fixant un seuil minimal de 50 % des fréquences libérées pour l’audiovisuel, on courait le risque que les opérateurs de communications électroniques s’emparent du reste. Or, le secteur audiovisuel doit tirer le plus grand profit de ce dividende. Plus important encore : ne déterminons pas dès aujourd’hui l’usage qui doit en être fait. La réaffectation sera effectuée par un outil nouveau et entièrement transparent, auquel la représentation nationale sera associée, et qui garantit la meilleure utilisation possible du spectre hertzien.

M. Jean Dionis du Séjour - Le ministre parle d’or !

M. le Ministre – Vite ! Un cierge pour sainte Rita, patronne des cas désespérés : l’UDF est touchée par la grâce ! (Sourires)

M. Jean Dionis du Séjour - Donnons-nous le temps de la réflexion. Le groupe UDF soutient cet amendement.

M. Christian Paul - Pourquoi notre amendement 157 est-il tombé ? Il complétait pourtant utilement l’article 2. Les hésitations de la majorité montrent en effet que l’usage du dividende numérique n’a pas été réellement anticipé. Le Gouvernement est partagé entre une distribution accélérée, voire aventureuse, comme l’illustre l’affaire choquante des chaînes bonus, et le principe de précaution. C’est pourtant à la représentation nationale de donner des orientations claires en la matière, notamment pour ce qui est de la couverture en téléphonie mobile. La couverture universelle du territoire dont parle M. le ministre me rappelle les propos de son collègue, M. Estrosi, sur le règlement de la fracture numérique. Quoi qu’il en dise, elle est loin d’être réglée, puisque l’accès au haut débit reste problématique dans un tiers au moins de nos circonscriptions. Avec l’amendement 157, l’Assemblée avait l’occasion de garantir une utilisation stratégique des fréquences, plutôt que d’en faire cadeau au gré du prince.

Quant à l’amendement 75, il est de bon sens. S’il faut en effet affecter l’essentiel des fréquences libérées au secteur audiovisuel, le travail de la commission doit toutefois être précisément encadré. En y renonçant, vous compromettez la bonne utilisation du dividende numérique et témoignez de bien peu de considération à l’égard de l’excellent travail de notre délégation à l’aménagement du territoire, conduite par M. Blessig.

M. le Président – Je précise que la chute de l’amendement 157 est incontestable.

M. Émile Blessig - La réaffectation du dividende numérique est un enjeu important pour l’aménagement de notre territoire. Dès lors, il faut tenir compte de la convergence, qui en modifie radicalement les conditions. Le dividende numérique est un bien public ; sa réaffectation doit être transparente et servir la diffusion audiovisuelle comme l’aménagement du territoire.

M. Christian Paul - Comment faire ? Vous allez être roulé dans la farine !

M. Émile Blessig – Non : ce principe est clairement posé, et le Parlement participera au travail de la commission.

M. Christian Paul - Donnez-lui des orientations !

M. Émile Blessig – L’essentiel est de veiller à ce que l’évolution technologique concoure à l’aménagement du territoire.

M. Dominique Richard - Je partage l’avis de notre rapporteur. Si ce texte a pour objet de mettre à la disposition de chacun les meilleurs moyens techniques du moment, n’oublions pas que c’est au service des contenus ! Il convient donc de repousser cet amendement.

L'amendement 75, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur pour avis – L’amendement 77 est retiré, par coordination

M. le Rapporteur – L’amendement 207 est rédactionnel.

L'amendement 207, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Ministre – L’amendement 71 tend à supprimer, au sein de la commission du dividende numérique, la présence des présidents du CSA, de l’ARCEP et du directeur général de l’agence nationale des fréquences. En tant qu’affectataires d’une partie du spectre hertzien, tous trois sont intéressés aux avis de la commission. En outre, les deux premiers organismes seront saisis pour avis par le Premier ministre, avant publication de l’arrêt de réaffectation : la délibération placerait leurs présidents dans une position délicate.

De la même façon, il serait paradoxal que le directeur général de l’Agence nationale des fréquences, établissement public administratif dont le conseil d’administration comprend nombre de représentants de l’État, soit membre de cette commission.

L'amendement 71, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L’amendement 208 clarifie la rédaction du texte.

L'amendement 208, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le Rapporteur - L’amendement 221 vise à introduire un peu de souplesse dans le dispositif pour mieux passer au plan de Genève, défini en 2006.

M. le Ministre - Avis favorable, sous réserve de l’adoption du sous-amendement 282, qui a pour objet d’articuler la possibilité offerte au CSA avec le cadre global du schéma national d’arrêt de la diffusion analogique.

M. le Rapporteur – Ce sous-amendement n’a pas été examiné par la commission. À titre personnel, avis favorable.

Le sous-amendement 282, mis aux voix, est adopté.
L'amendement 221, ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.
L'article 2, modifié, mis aux voix, est adopté.

après l'Art. 2

M. le Rapporteur – L’article 25 de la loi de 1986 prévoit que l’usage des fréquences, pour les réseaux hertziens, est subordonné au respect de conditions techniques définies par le CSA : c’est ce qu’on appelle la planification par assignation. Elle implique pour chaque site un travail important du CSA, travail très lourd pour le réseau complémentaire de la TNT et pratiquement impossible pour la télévision mobile personnelle : il faudrait environ 150 sites pour couvrir ne serait-ce que l’agglomération parisienne ! Les nouvelles méthodes de planification des fréquences, utilisées lors de la conférence de Genève, reposent sur le principe beaucoup plus efficace de l’allotissement : pour chaque zone, et quel que soit le nombre de sites, on se contente de définir ses contours et le niveau de champ maximal en limite de zone, sans avoir à prédéterminer tous les sites utilisés. Cette méthode est la seule qui rendra possible le déploiement de la télévision mobile personnelle, qui nécessite un grand nombre de sites. L’amendement 222 rectifié propose de permettre sa mise en œuvre.

M. Jean Dionis du Séjour - L’amendement 233 a le même objet. Je le retire, pour me rallier à celui du rapporteur. Il faut définir des milliers de fréquences : si l’on veut vraiment déployer la télévision mobile personnelle, la planification par allotissement est nécessaire.

L'amendement 222 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Art. 3

M. Antoine Herth – Je voudrais revenir sur le rôle que peut jouer France 3 dans la diffusion de programmes régionaux. Le ministre s’entretient régulièrement de ce sujet avec le président du conseil régional d’Alsace. À l’occasion de ce débat, peut-il préciser si ce n’est les directives données à la chaîne, puisqu’elles ressortent d’une négociation avec ses dirigeants, du moins l’impulsion qu’il compte donner pour permettre aux expressions régionales d’y trouver leur place ? De nombreux amendements portent sur cette question : je ne suis pas certain qu’il faille effectivement prendre des dispositions d’ordre législatif, mais ce débat est l’occasion de faire connaître vos orientations.

M. le Ministre – Je partage votre souci que l’audiovisuel public applique une stratégie de proximité. D’après les négociations qui sont en cours, cette stratégie sera prise en compte par le contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions, et notamment de France 3. Je pense que les résultats de cette négociation vous donneront satisfaction et renforceront la diversité et la proximité de manière concrète.

M. Frédéric Dutoit - L’amendement 108 pose à nouveau les questions, anciennes et nouvelles, relatives à l’aménagement du territoire – car nous sommes au cœur du sujet. La commission propose une modification de prudence concernant une extinction progressive de la diffusion des services de télévision en mode analogique, mais le schéma proposé n’apporte pas des assurances suffisantes quant à la continuité du service public de la télévision sur l’ensemble du territoire. Déjà bousculés par la concurrence commerciale et les diktats de la LOLF, le service public de la télévision et la chaîne culturelle européenne Arte ne doivent pas pâtir d’imprévus, qu’ils soient technologiques ou humains. Nous souhaitons donc que le CSA soit, dans ce domaine également, consulté par nos gouvernants et que son travail d’interface entre les responsables politiques et les exécutants s’accomplisse au mieux. Cet amendement poursuit donc le double objectif du renforcement du CSA et d’un aménagement harmonieux du territoire. Vous comprendrez pourquoi l’amendement socialiste sur la composition du CSA est si important à mes yeux.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Cet amendement n’a pas d’intérêt (Murmures sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste) puisque l’article ne vise aucunement à diminuer les prérogatives du CSA : il continuera à attribuer les fréquences aux chaînes publiques à la demande du Gouvernement, sans donner d’avis, comme aujourd’hui.

L'amendement 108, repoussé par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - L’amendement 17 concerne l’outre-mer : il précise que c’est à RFO – en tant que distributeur, et non en tant que chaîne – que seront attribuées prioritairement, à la demande du Gouvernement, les fréquences nécessaires à la diffusion des chaînes de France Télévisions outre-mer. L’article 44 de la loi de 1986 confie déjà à RFO la mission de transmettre l’ensemble des programmes du groupe France Télévisions, et depuis 2000, il peut être distributeur de services pour le groupe, et donc distribuer l’ensemble de ses chaînes outre-mer. Cette disposition importante n’a pas encore pu être mise en œuvre en raison de l’imprécision de la loi. C’est ce que nous souhaitons clarifier.

L'amendement 17, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 3, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

après l'Art. 3

M. Jean Dionis du Séjour – Certaines radios bénéficient d’une autorisation nationale, mais sur le terrain, elles se heurtent à l’impossibilité de trouver des fréquences dans certains bassins de vie – sans même parler de conserver la même fréquence sur tout le territoire. L’amendement 234 vise à ce que l’autorisation nationale ouvre droit à une couverture effective du territoire, le titulaire de l’autorisation devant supporter le coût des études techniques nécessaires. Il faut donner un peu de sérieux à ces autorisations.

M. le Rapporteur - Avis défavorable. Cet amendement serait préjudiciable aux radios locales qui voudraient se développer et la quasi-totalité des opérateurs radio que nous avons auditionnés y sont défavorables. La loi en vigueur depuis 2004 répond entièrement à votre objectif de développement de la radio numérique, dans le respect de la diversité et du pluralisme radiophonique. Le projet de loi ne vise pas à modifier ce cadre, surtout au moment où le CSA va commencer à lancer des appels à candidatures.

M. le Ministre – Le souci de moderniser le paysage radiophonique et d’accroître l’offre est légitime, et on ne peut rester insensible devant la volonté de certaines radios généralistes d’améliorer leur couverture, ce qui ne pourrait que renforcer le pluralisme de l’information. Toutefois, l’introduction d’un droit d’attribution prioritaire aux services de radio nationaux s’effectuerait forcément, compte tenu de la rareté des fréquences, au détriment des radios locales, notamment indépendantes et associatives. Le risque d’une déstabilisation du secteur est très grand.

Suite à la consultation sur la planification de la bande FM, le CSA a lancé des appels à candidature généraux dès la fin janvier 2006, qui se poursuivront jusqu’en juillet 2007. Parallèlement, la question de la radio numérique a pris une importance croissante : de nombreux acteurs ont mis en avant la nécessité d’une politique volontariste dans ce domaine, pour remédier aux difficultés techniques rencontrées sur la bande FM. Le Gouvernement vient de lancer une consultation publique sur les normes de diffusion de ces nouveaux services et le CSA une autre sur les modalités d’introduction de la radio numérique en France, et il semble que la radio numérique devrait être disponible dès 2007. Vous voyez donc que tout le monde s’emploie à répondre à votre préoccupation et à obtenir un large consensus, malgré des aspirations contradictoires. Je vous demande donc de retirer votre amendement pour éviter toute déstabilisation du secteur.

M. Jean Dionis du Séjour – Je prends acte de vos précisions, et surtout de la date que vous avez donnée, et je retire donc l’amendement 234. Mais il serait tout de même important de partir de la satisfaction des auditeurs.

M. le Ministre – Ça, c’est sûr !

M. Jean Dionis du Séjour – Ne pas recevoir une radio comme France Info dans une ville moyenne de France pose quand même problème. Il faudrait mesurer les taux d’audience, étudier les publics, notamment vis-à-vis des radios locales. Une évaluation permanente de l’ensemble du paysage radiophonique français est indispensable.

L'amendement 234 est retiré.

M. Jean Dionis du Séjour - L’amendement 235 rectifié concerne France 3. Au moment où émerge le fait régional, dont les langues régionales font partie intégrante, il serait bon que France 3 leur fasse une place dans ses programmes. Notre collègue Antoine Herth a évoqué l’Alsace, mais en Aquitaine aussi, nous sommes confrontés au problème avec l’occitan et le basque. Si rien n’est fait, le risque est que les conseils régionaux ne signent des conventions avec France 3, ce qui ne serait pas sain. Mieux vaudrait dire clairement dans la loi que la chaîne nationale France 3 doit faire une place aux langues régionales.

M. le Rapporteur – Avis défavorable. D’une part, il n’est pas sûr que cet amendement ait quelque chose à voir avec le texte en débat. D’autre part, ce que vous souhaitez figure déjà dans le cahier des charges de France 3. Par ailleurs, la reprise de l’ensemble des décrochages régionaux de France 3 rendra plus visible la vocation régionale de la chaîne.

M. le Ministre – France 3 est une grande chaîne nationale de proximité qui a une double vocation. D’une part, éditer des programmes nationaux et sur ce point, elle peut être fière de ses productions qui recueillent souvent une large audience. D’autre part, être un échelon de proximité permettant à nos concitoyens d’être informés de l’actualité de leur commune, de leur département et de leur région. Avec un amendement de ce type, les équipes de France 3 risqueraient de se sentir dépossédées de leurs responsabilités nationales, lesquelles vont de pair avec leurs responsabilités locales. Particulièrement attentif en tant qu’élu local à cette dualité des fonctions de France 3, je veillerai personnellement à ce que, dans le contrat d’objectifs et de moyens en cours de négociation avec France Télévisions, elle soit rappelée. France 3 n’est ni une chaîne nationale comme les autres ni une chaîne locale, c’est une chaîne nationale de proximité. Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à l’amendement.

L'amendement 235 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

Art. 4

M. le Rapporteur – L’amendement 18 est rédactionnel.

L'amendement 18, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.
L'article 4 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu cet après-midi, à 15 heures.
La séance est levée à 12 heures 35.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

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ERRATUM

au compte rendu analytique de la.3e séance
du mardi 30 janvier 2007

Page 8, lire : « Monsieur Hamelin, rapporteur de la commission des affaires culturelles ».

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