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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

2ème séance du jeudi 15 février 2007

Séance de 15 heures
62ème jour de séance, 141ème séance

Présidence de Mme Hélène Mignon
Vice-Présidente

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La séance est ouverte à quinze heures.

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accords internationaux

L'ordre du jour appelle le vote, selon la procédure d’examen simplifiée, sur deux projets de loi autorisant l’approbation d’accords internationaux.

Mme la Présidente - Conformément à l’article 107 du Règlement, je vais mettre aux voix chacun de ces textes.

Le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Japon, mis aux voix, est adopté.
Le projet de loi autorisant la ratification de l’accord entre la République française et la République fédérale d’Allemagne relatif à la construction d’un pont ferroviaire sur le Rhin à Kehl, mis aux voix, est adopté.

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DROIT AU LOGEMENT OPPOSABLE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

M. Maxime Bono – Jamais depuis bien longtemps notre pays avait eu autant de mal à loger correctement nos concitoyens : malgré les promesses faites pendant les cinq dernières années par les gouvernements qui se sont succédé, plus de trois millions de personnes doivent se contenter de logements inconfortables, insalubres ou surpeuplés. Selon le dernier rapport de la fondation Abbé Pierre, 100 000 vivraient à l'année en camping ou en mobile home, 50 000 auraient établi leur résidence principale dans une chambre d'hôtel, et 150 000 seraient hébergées par des tiers, faute d’autre solution. C’est dire l’ampleur de la crise…

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales C’est votre faute !

M. Maxime Bono - Il manquerait en outre 900 000 logements, et au moins 1,3 million de personnes restent en attente d'un logement social.

C'est dans ce contexte accablant et sous la pression d'une opinion publique légitimement émue par le sort des plus démunis, que vous nous soumettez dans la précipitation un texte dont la vocation essentielle est d'instituer un droit au logement opposable.

Rappelons que c'est la loi du 31 mai 1990, dite « loi Besson », qui institua le droit au logement, et que vos prédécesseurs sur les bancs de la droite ont déposé contre cette loi toute une série de recours devant le Conseil constitutionnel !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles - N’importe quoi !

M. Maxime Bono - Rappelons encore que c'est la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain, adoptée en 2000 sous un gouvernement de gauche, qui a permis un engagement sans précédent en faveur de l'accès de chacun au logement, notamment grâce à son article 55. Après avoir déposé des recours lorsque vous étiez dans l’opposition, vous n’avez pas cessé de vous opposer à ce texte au cours de l’actuelle législature…

Souvenons-nous enfin des propos que vous avez tenus en novembre 2005, Madame la ministre : « La proclamation d’un droit au logement opposable serait irréaliste ». Votre engagement national en faveur du logement, présenté il y a seulement huit mois, ignorait d’ailleurs totalement ce principe… Et à l’occasion de chaque texte relatif au logement, vous avez repoussé la proposition, défendue avec constance par Jean-Yves Le Bouillonnec, d’instituer le principe de l’opposabilité. Si vous vous rangez aujourd’hui à nos positions, c’est donc contraints et forcés !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles - C’est une honte ! Vous n’avez rien fait en vingt ans !

M. Maxime Bono - C’est à cause de la crise du logement, engendrée par vos erreurs, que vous empruntez subitement une voie nouvelle…

M. Michel Piron - « Engendrée » ? Certainement pas !

M. Maxime Bono – Sous la pression d'une opinion publique émue par la détresse des sans-logis ou des mal-logés, vous nous proposez enfin un texte, mais il est dépourvu de mesures garantissant concrètement l’opposabilité du droit au logement.

M. Borloo a coutume de brandir des graphiques flatteurs, censés démontrer une progression spectaculaire de la construction de logements sociaux, dont il s’attribue le mérite : 80 000 logements sociaux auraient ainsi été construits ! Il oublie simplement de préciser que ces chiffres incluent les PLS, pour la construction desquels l'État ne verse pas un centime.

Par vos choix budgétaires, vous avez en réalité sacrifié la production de logements sociaux adaptés à la demande : la production des PLAI et des PLUS est restée proche de 50 000 par an, soit environ la moyenne de 2001. Et pourtant le nombre de demandeurs n'a pas cessé de croître dans le même temps. Compte tenu de la faible solvabilité de la demande, les PLS sont trop peu accessibles à la majorité des demandeurs pour qu’on puisse les qualifier de logements sociaux. Ils représentent pourtant près de 30 % des logements que vous construisez !

Regardons la vérité en face : votre politique est inadaptée à la demande, car les logements construits sont inaccessibles à la grande majorité des demandeurs. Vous nous rappelez régulièrement que vous avez mis en chantier 430 000 logements en 2006 ! Mais seules 15 % de ces constructions nouvelles seront accessibles à 75 % des ménages !

M. Michel Piron – C’est faux !

M. Maxime Bono - Et même si l’on adopte un objectif moins ambitieux, il reste que seuls 25 % de ces logements seront accessibles aux deux tiers des Français ! C’est trop peu ! C'est la production de logements chers qui a été privilégiée ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Comme l’indique le rapport de la Fondation abbé Pierre, la progression de la construction locative sociale résulte principalement de l'augmentation de la production de PLS, inaccessibles à la quasi-totalité des demandeurs sociaux tandis que la construction de véritables logements sociaux, PLAI et PLUS, ne fait que stagner.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles - Vous êtes amnésique !

M. Maxime Bono – Et le secteur locatif privé souffre malheureusement d’une dérive similaire : l'augmentation très rapide des loyers lui a fait perdre presque toute vocation sociale puisque 6 % seulement de ces logements sont aujourd’hui proposés à un loyer de niveau HLM, contre 50 % en 1990.

À cela s’ajoute l’évolution des aides à la personne : faute d’une revalorisation suffisante, leur pouvoir solvabilisateur a baissé d’environ 10 % et vos récentes réformes ont restreint le nombre de leurs bénéficiaires.

Dans ces conditions, comment croire à l’efficacité de votre projet ? Il faudrait des dispositions fortes, susceptibles de favoriser la construction massive de logements à prix abordables. Vous pourriez commencer par rendre l’article 55 de la loi SRU opposable à tous ceux qui prétendent encore s’en affranchir !

M. Jean-Louis Dumont - Très bien !

M. Maxime Bono – Après avoir émis les plus grandes réserves au moment du vote, la majorité actuelle avait promis son abrogation ! En demandant la construction d’au moins 20 % de nouveaux logements à loyer modéré dans toutes les communes de plus de 3 500 habitants, nous ne faisions pourtant que répondre à une exigence de justice, de solidarité, et de morale publique ! Et c’est grâce à cette disposition, voulue et votée par la gauche, que vous pouvez vous flatter d’avoir construit 75 000 logements sociaux en 2005, bien que vous n'ayez eu de cesse d’essayer de la contourner, incluant même dans le quota de 20 % l'accession sociale à la propriété !

Il est certes bon d'encourager l'accession sociale à la propriété, mais pas au détriment du logement locatif ! Le seuil institué par l'article 55 est un minimum, si nous voulons proposer des logements à loyer modéré à ceux qui sont à la recherche d'un toit.

Même si nous avons déposé bien des amendements, nous n’entretenons guère d'illusions sur votre volonté de garantir l'opposabilité du droit au logement en renforçant le dispositif de l'article 55 – en sanctionnant plus sévèrement les contrevenants, par exemple, ou bien en étendant le champ d'application de la loi. Je crains fort que la ville de Neuilly ne plafonne encore longtemps à 2,6 % de logements sociaux… (Interruptions sur les bancs du groupe UMP)

Et je regrette que les timides avancées obtenues au Sénat aient été renvoyées aux calendes grecques en commission. Il est certes prévu de mobiliser le contingent préfectoral, mais à l’issue d’un véritable parcours du combattant pour les demandeurs. Il s’agira en outre d'une partie seulement des logements nouveaux et il faudra donc se contenter des logements qui viendraient à se libérer, mais qui seront d’ailleurs particulièrement rares car le taux de rotation dans le parc social est au plus bas. C'est dire que le nombre de logements disponibles sera sans commune mesure avec le nombre de demandes que l'État devra honorer à la suite de la décision de la commission ou du tribunal administratif.

M. Alain Néri - Très juste.

M. Maxime Bono - Qu'adviendra-t-il alors des titulaires de « demandes urgentes à satisfaire immédiatement » qui ne pourront être logés après épuisement du contingent préfectoral ? Selon la Fondation abbé Pierre, le nombre de personnes répondant aux critères d'éligibilité que vous proposez pourrait avoisiner les sept millions ! Même en s'en tenant aux trois millions de personnes mal-logées, prenons la mesure des attentes que ce texte fait naître !

Mme Christine Boutin, rapporteure de la commission des affaires culturelles - Vous êtes triste comme la pluie ! Soyeux un peu joyeux !

M. Maxime Bono - Ce projet ne peut avoir pour seule ambition de modifier l'ordre de la file d'attente, auquel cas, il ne ferait qu'opposer les mal-logés entre eux. Et, dès l'instant où des communes parviennent par le biais de l'accession sociale à la propriété ou par le recours abusif aux PLS à se soustraire à leur obligation de solidarité sans pour autant être inquiétées par les dispositions nouvelles, qu'adviendra-t-il de la mixité sociale ? Est-ce à dire que seules les communes s'étant montrées soucieuses de la construction de logements sociaux seront visées par les affectations ? À défaut d'accroître l'offre de logements sociaux et face à votre frilosité pour mobiliser les logements privés, l’opposabilité demeurera un immense espoir non concrétisé.

Mme la Rapporteure - Vous exagérez ! Arrêtez !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles  Platitude et médiocrité !

M. Maxime Bono - Vous porterez une terrible responsabilité car, loin de satisfaire l'attente légitime des mal-logés, vous opposerez les Français entre eux et vous les désespérerez encore davantage, en les éloignant un peu plus de la politique.

Mme la Rapporteure - Essayez d’être un peu positif !

M. Maxime Bono – Ce n’est pas ce projet que nous attendions pour assurer à chacun l'opposabilité du droit au logement. Dans la discussion des articles, nous essaierons de faire en sorte qu’il ne se limite pas à des incantations trop vagues pour répondre aux espoirs qu’il a suscités (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

M. Jean-Pierre Abelin - Face à ce projet, l’UDF a une double attitude complémentaire.

M. Jean-Pierre Brard – Comme d’habitude ! Janus Bifrons !

M. Jean-Pierre Abelin – D’une part, nous nous félicitons de cette nouvelle avancée juridique et sociale pour trois millions de mal-logés et, d’autre part, nous voulons aller au-delà d'une loi d'intention qui répondrait médiatiquement à des actions médiatiques : iI ne suffit pas de voter une loi pour qu'elle soit applicable et qu'elle atteigne son but ; il ne suffit pas d’instituer un droit, fût-il opposable, pour le rendre effectif et pour que ce qui était prématuré et irréaliste en juin dernier devienne urgentissime et opérationnel quelques mois plus tard.

L'urgence impose un effort énorme et durable de l’ensemble des acteurs et, notamment, de l’État. Il faut également amplifier et compléter tout ce qui a été entrepris au titre de la loi de cohésion sociale. À quoi servirait un droit au logement opposable si nous n'avions pas de logements sociaux à proposer, sinon à décevoir les publics concernés, à encombrer les juridictions administratives et à changer l’ordre des files d'attente ?

Nous sommes passés de 42 000 logements sociaux construits en 2001 à 93 000 en 2006 : nous approchons des 100 000 prévus par la loi Borloo. II faut compléter cet effort en exigeant la construction de 20 000 PLAI par an, accessibles aux revenus les plus bas, ce qui représente un quadruplement du rythme par rapport aux années Jospin et un triplement par rapport à 2006. Et là encore, il ne suffit pas d'inscrire des crédits pour qu'ils soient consommés : combien de budgets avons-nous votés, notamment entre 1998 et 2004, qui n’ont donné lieu à aucune réalisation concrète ? Sans doute est-il nécessaire de prévoir des incitations pour les communes afin qu'elles construisent ces logements. De même, afin de solvabiliser les locataires, sans doute faudra-t-il tenir compte des préconisations du président de la Cour des comptes, pour que les aides personnelles au logement soient recentrées sur les publics qui en ont le plus besoin et augmentées pour les locataires prioritaires.

L'UDF se félicite de l'amendement prévoyant l'indexation des aides au logement sur l'indice de référence des loyers, ce que la commission des affaires économiques avait souhaité unanimement à l’occasion de votes précédents. Après la suppression du seuil des 24 euros et l’augmentation de 2,8% des allocations personnelles, cette mesure était très attendue. Nous avons aussi voté en commission la suppression du mois de carence qui permet de toucher l'allocation dès l'entrée dans le logement. Puisse le Gouvernement reprendre cet amendement à son compte !

Il faut aussi inscrire cet effort dans la durée : lors du vote du budget, j'avais appelé votre attention sur la montée en puissance des opérations de rénovation urbaine et des efforts de construction, mais aussi sur les limites auxquelles se heurtaient les bailleurs sociaux et les collectivités locales ainsi que sur le télescopage des grosses opérations de rénovation urbaine, en particulier pour ce qui est de la reconstitution de l'offre et de la création de nouveaux programmes. Je préside un OPAC qui possède et gère plus de 12 000 logements. Nous sommes partenaires de deux opérations de renouvellement urbain dans la Vienne et nous procédons à des réhabilitations lourdes hors ANRU et sans PALULOS. Nous avons également triplé notre production de logements sociaux. Mais arrive un moment où les fonds propres ne suffisent plus, où l'offre de terrains se raréfie et où les collectivités locales se fatiguent ou renâclent.

M. Jean-Louis Dumont - Très bien.

M. Jean-Pierre Abelin - C'est pourquoi l'État doit accompagner cet effort par de nouvelles mesures en faveur des bailleurs comme des collectivités. L’augmentation de l’aide à la pierre par logement est une bonne solution.

M. Jean-Louis Dumont - Serait une bonne solution !

M. Jean-Pierre Abelin - L’État doit également s'interroger sur les mesures spécifiques nécessaires à une région comme l'Île-de-France qui ne construit pas plus de logements que la Bretagne – laquelle a quatre fois moins d'habitants – et qui souffre d'un déficit important. M. Borloo a d’ailleurs évoqué lui-même ce problème de gouvernance.

M. Michel Piron - C’est en effet un vrai problème.

M. Jean-Pierre Abelin – L’État doit lever les freins fonciers et administratifs qui bloquent ou ralentissent les constructions. Il doit aussi faire admettre que le logement est l'affaire de toutes les communes en exigeant en particulier un rattrapage de la part des communes touchées par l'article 55 de la SRU. Nous soutiendrons l'amendement élargissant l'application de cet article à 250 communes supplémentaires qui font partie des communautés de communes ou communautés d'agglomérations de plus de 50 000 habitants. Si ces communes disposent de terrains pour des opérations immobilières destinées à des catégories aisées, elles en ont aussi pour les autres ! Il serait incohérent que le premier effet du droit opposable soit d’aller contre la mixité sociale et d’amener de nouveaux locataires en difficulté dans les communes qui disposent déjà du plus grand nombre de logements sociaux ! Des recommandations pourraient être faites aux préfets afin de définir le périmètre d’accueil des locataires prioritaires qui auraient été agréés par les commissions de médiation.

En outre, nous ne devons pas oublier de mobiliser le parc locatif privé et de tout faire pour reconquérir le parc indigne ou indécent, en aidant les propriétaires à très faibles revenus à remettre leurs logements aux normes.

Enfin, nous souhaitons que le demandeur puisse être assisté tout au long de la procédure par des associations de défense des personnes en situation d'exclusion bénéficiant d'un agrément. Nous sommes aussi très favorables à ce que les décisions de la commission de médiation soient motivées. Par ailleurs, même si la rapporteure s'est voulu rassurante quant à la capacité de traiter les contentieux dans des délais raisonnables, nous sommes inquiets : quid du risque d’engorgement des juridictions et des délais de traitement des demandes prioritaires ?

L’UDF aborde cette discussion dans un esprit constructif et exigeant. Favorable au principe du droit opposable au logement, nous demandons un plan d'accompagnement crédible pour que 2012 voie se concrétiser cette avancée sociale. Merci, Madame la ministre déléguée, de répondre à ce besoin essentiel !

M. Frédéric Dutoit – Je tiens à rendre hommage à la détermination de tous ceux qui, au sein des associations, se sont battus depuis des années pour imposer le droit au logement opposable dans le débat public.

M. Jean-Claude Sandrier - Très bien.

M. Frédéric Dutoit - Sans des actions de sensibilisation spectaculaires comme celles des Enfants de Don Quichotte, le texte dont nous débattons n'aurait pu voir le jour.

La loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions de 1998 avait elle aussi entendu garantir « l'accès effectif de tous aux droits fondamentaux dans les domaines de l'emploi, du logement, de la protection de la santé, de la justice, de l'éducation », mais sans prévoir de recours devant une autorité politique responsable ou la possibilité d'invoquer le droit au logement devant un juge. On ne saurait minimiser les effets de cette loi, pas plus que ceux de la loi Besson de 1990 visant l'accès au logement des personnes les plus fragiles, mais force est de constater qu'ils ont été insuffisants. La précarisation des conditions d'existence d'un nombre sans cesse croissant de nos concitoyens du fait de la frénésie libérale ambiante, jointe à une spéculation immobilière devenue folle, a plongé des millions de personnes dans la pauvreté et jeté à la rue des dizaines de milliers d'autres.

Des associations comme la Fondation abbé Pierre, les Restos du cœur, ATD Quart Monde et bien d'autres sont ainsi amenées à dénoncer avec vigueur les conséquences de la politique de la majorité, qui revient à laisser le marché dicter ses lois, au détriment de la justice sociale et de la solidarité. Il aura fallu attendre ce début 2007 pour vous voir soudain, non sans calcul, découvrir les vertus de l’action publique et le rôle social de l’État.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles Vingt-cinq ans que les gouvernants ne font rien ! (Protestations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Frédéric Dutoit – Mais vous avez refusé de voter la proposition de loi du groupe communiste sur le droit de vivre dans la dignité, qui interdisait les expulsions et les coupures d’eau et d’électricité.

Reconnaître un droit au logement impose de sortir de la logique de marché et de permettre à l’État de mettre en œuvre ses prérogatives régaliennes. Vous n’en êtes pas encore là, mais nous saluons tout de même l’avancée que représente un projet de loi qui dépasse la simple programmation d’un droit pour donner les moyens de le rendre contraignant. L’opposabilité n’est en effet rien d’autre que la mise en place d’un instrument coercitif permettant à chacun de faire valoir ses droits. Cet instrument n'est cependant pas une fin en soi. On ne peut concevoir le droit au logement opposable sans un droit au logement effectif pour tous, ni sans une rupture bien plus radicale que celle du présent texte avec vos précédentes réformes. L'opposabilité doit être accompagnée d'une production importante de logements à loyers accessibles et d'une forte mobilisation de l'État et des collectivités locales en faveur d’une offre adéquate, répartie sur l'ensemble du territoire dans le respect de la mixité sociale.

C’est une politique d’ensemble qui permettra de répondre aux attentes de nos concitoyens : elle passe par des crédits nouveaux pour la construction, par la sanction des maires qui refusent de construire leur quota de logements sociaux, par la revalorisation des aides au logement et par le contrôle public de l’évolution des prix du foncier – toutes mesures dont vous êtes bien éloignés : vous n'avez cessé de promouvoir des politiques budgétaires favorables aux seuls investisseurs privés, et vous êtes obstinément refusés à garantir l'application de l'article 55 de la loi SRU ! Dans ma belle ville de Marseille par exemple, au cours des dix dernières années, 111 millions d'actifs du foncier public ont été cédés à des promoteurs privés, à des prix défiant toute concurrence. La ville, dirigée par un membre éminent de la majorité, a cédé un terrain pour 292 euros le mètre carré, permettant la construction d'une résidence de 150 appartements revendus à 5 000 euros le mètre carré ! Est-ce la vocation des pouvoirs publics que d'alimenter la spéculation immobilière, quand tant de nos concitoyens ont peine à accéder à un logement ? Quant à l'application de l'article 55 de la loi SRU, le bilan de Marseille est là aussi édifiant : seuls cinq arrondissements sur seize comptent plus de 20 % de logements sociaux, et certains, comme le troisième, concentrent des logements insalubres comptabilisés tout de même comme logements sociaux !

Alors, cessez de vous délivrer des brevets de bonne conduite et de faire croire à nos concitoyens que vous êtes soucieux de résoudre la question du logement. Si le droit au logement doit devenir un droit fondamental et universel, nous devons assurer la cohérence d'ensemble de la politique du logement, voire de la politique économique elle-même. Votre texte ne porte pas cette ambition : il ne propose au fond qu'un simple réaménagement du contingent préfectoral qui permettra de reloger 80 000 à 100 000 personnes par an, alors qu’on dénombre 1,3 million de demandeurs et, selon la Fondation abbé Pierre, 3 millions de mal-logés ! Une fois de plus, vous versez dans le saupoudrage ; vous cédez en surface à quelques revendications pour mieux maintenir sur le fond le statu quo ; vous tentez, non sans habileté il est vrai, de leurrer l'opinion publique. Ne comptez pas sur nous pour vous suivre dans cette voie, ni sur les Français pour être dupes, eux qui constatent chaque jour les ravages de votre politique – et pas seulement sur les bords du canal Saint-Martin. Qui, d'ailleurs, pourrait croire qu'un projet préparé dans la précipitation à quelques semaines des échéances électorales puisse devenir un grand texte ? C’est en fait au futur gouvernement qu'incombera la tâche de travailler avec les associations.

Nous sommes très favorables à ce droit opposable au logement, mais en attendant d’être sûrs que le débat permettra de réelles avancées, nous réservons notre vote (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. Michel Piron – La question qui nous est posée aujourd'hui n'est que partiellement nouvelle. L’affirmation du droit au logement remonte en effet à la loi Besson du 31 mai 1990…

Plusieurs députés communistes et républicains – Bien avant !

M. Michel Piron - Non, il s’agissait alors de droit à l’habitat ! Ce droit a été ensuite consacré comme « objectif constitutionnel », en janvier 1995, par le Conseil constitutionnel lui-même. Plus de quinze ans plus tard, ce qui est nouveau, c'est l'interrogation sur l’efficience de ce droit et, partant, sur son opposabilité, dans un contexte difficile.

Ceux qui, sur tous les bancs, essaient de remédier aux effets de cette crise, qui vient de loin, ne sauraient se soustraire à un certain nombre de questions. D’abord, pourquoi la question se pose-t-elle aujourd’hui ? Parce qu'en dépit de l'effort considérable de construction consenti depuis trois ans, la crise dont nous avons hérité est encore très loin d'être résorbée – sans compter que l'ampleur des besoins demeure mal connue : rappelons que les mêmes experts qui, avec l'INSEE, chiffraient jusqu'en 2004 notre besoin annuel de construction à quelque 300 000 logements l’estiment aujourd'hui à plus de 400 000 ! Il n'est donc pas inutile de rappeler quelques chiffres incontestés pour éclairer le débat : 430 000 logements ont été mis en chantier en 2006, soit 40 % de plus qu’en 2000. Sur ce total, la production de logements sociaux de type PLAI et PLUS s'est accrue de 76 %, et de 130 % si l'on inclut les PLS. C'est un effort sans précédent depuis vingt-cinq ans. Pourtant, il manquerait encore 800 000 logements aujourd’hui, dont la moitié de logements sociaux ou à loyers maîtrisés.

Comment ne pas s’interroger sur les moyens de répondre à un tel défi ? Les engagements déjà votés par le Sénat permettraient de porter la production annuelle de logements sociaux dans le parc public à 142 000 en 2008 et en 2009. Dès cette année, en y ajoutant la part de l'ANAH, l'objectif de 176 000 logements à vocation sociale pourrait être atteint. Si l'on considère en outre qu'il est possible de remettre sur le marché plus de 150 000 logements vacants d'ici à la fin de 2009, l'institution de la garantie des risques locatifs et l'indexation des aides sur l'indice des loyers devant sécuriser ménages et bailleurs, on peut dire que c'est un effort massif, en termes de moyens, qui nous est proposé. Ne nous leurrons pas, cependant, sur deux difficultés. La première tient au temps nécessaire au montage de toute opération nouvelle : la durée des procédures s'accommode mal de l'urgence des problèmes humains.

M. Jean-Pierre Brard - Vous n’aurez plus le temps !

M. Michel Piron - La seconde tient à la diversité des territoires. La région parisienne concentre les problèmes les plus lourds.

M. Jean-Pierre Brard - Dans les réserves à bourgeois !

M. Michel Piron - Elle connaît des problèmes de disponibilités foncières certes, mais peut-être davantage encore de gouvernance : les collectivités locales peinent à définir un triptyque cohérent habitat-lieu de travail-transports.

M. Jean-Pierre Brard - Certaines refusent !

M. Michel Piron - Or, cette loi n'aura d'efficacité qu'à la mesure de l'engagement des collectivités territoriales et des acteurs locaux. Il faut le rappeler, si l'on veut que le logement puisse faire l'objet d’un droit concret.

De quel droit au logement s’agit-il ? Si la référence à la loi de 1990 ne laisse aucun doute sur la nature même du logement, « décent et indépendant », les questions touchant à sa localisation comme à sa durée d'occupation appellent des réponses locales adaptées, notamment pour ce qui est du passage de l'hébergement au logement. Quant aux titulaires de ce droit, ils doivent entrer dans l'une des cinq catégories définies à l’article 2 : être menacés d'expulsion sans relogement, hébergés ou logés temporairement, logés dans des locaux insalubres ou, avec un enfant mineur, dans des locaux surpeuplés ou indécents – la commission des affaires économiques souhaite y ajouter une sixième catégorie, celle des personnes handicapées. Dans la situation de pénurie que nous connaissons, c’est le principal mérite du projet de loi que d’avoir redéfini clairement des priorités sociales, mises en exergue par le Haut comité dans son rapport d'octobre 2006.

Enfin, de quelle opposabilité s’agit-il, et comment pourra-t-elle être invoquée ? J'entends bien certains dénoncer une apparente tautologie en se demandant ce que pourrait être un « droit » qui ne serait pas « opposable ». À cette objection théorique, on répondra qu'après une première reconnaissance d'un droit à l'habitat en 1982, suivie de celle de 1990, il convient désormais de garantir sa mise en œuvre.

M. Jean-Pierre Brard – Que ne le fîtes-vous plus tôt ?

M. Michel Piron - Et vous donc ?

La possibilité, nouvelle, donnée aux demandeurs de bonne foi n'ayant reçu aucune proposition, de saisir sans délai la commission de médiation, permettra de juger du caractère prioritaire ou non de leur demande au regard des critères de l'article 2. Ce n'est qu'en l'absence de proposition adaptée, constatée par cette commission, qu'un recours pourra être introduit devant la juridiction administrative.

L’opposabilité ainsi définie, qui met en jeu la responsabilité de l'État, devrait permettre de mieux traiter les priorités sociales, ce qui n'est tout de même pas négligeable, avec le concours des bailleurs sociaux, des associations et d’une partie du parc privé conventionné avec l'ANAH.

Après avoir vigoureusement encouragé la construction de logements, vous nous proposez aujourd’hui, Madame la ministre, avec Jean-Louis Borloo, de consentir un effort envers les personnes les plus fragiles, effort qui donne tout son sens à ce que vous avez érigé en véritable priorité et qui n’est autre qu’une politique du logement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Dumont - En septembre 2006, lors d’un congrès, plusieurs milliers de délégués adoptaient une motion dans laquelle ils exprimaient le souhait que le logement devienne « grande cause nationale ». Cette motion, ils la destinaient aux candidats qui aspirent à exercer les plus hautes fonctions de l’État ainsi qu’à ceux qui vont briguer un mandat parlementaire. Ils souhaitaient faire réfléchir dans le cadre du débat démocratique qui s’ouvre avant des échéances électorales majeures sur le plan national et qui se poursuivra en 2008 au niveau local. Cette motion ne disait rien d’autre que la nécessité de construire, de réhabiliter des logements en nombre pour répondre aux besoins constatés sur le terrain. Hélas, l’indifférence fut totale. Seuls peut-être vos services administratifs, Madame la ministre, se sont demandé comment répondre à cette motion…

C’est pourquoi nous entendons depuis ce matin remercier à cette tribune les quelques militants qui ont eu l’audace de dire : « Ça suffit ! Assez d’indifférence ! Assez d’égoïsme ! ». Je pense à Jean-Baptiste Legrand, président de l’association Les enfants de Don Quichotte…

M. Patrick Braouezec - Il y en avait eu d’autres avant lui !

M. Jean-Louis Dumont - …, qui, en installant des tentes au bord d’un canal parisien, a appelé l’attention et, grâce à la couverture médiatique de l’événement – qu’on la juge heureuse ou malheureuse –, interpellé les consciences.

Mais j’en suis d’accord avec vous, cher collègue, d’autres, de droite comme de gauche, s’étaient depuis longtemps engagés dans ce combat. Je pense à Roger Quilliot, à Louis Besson, à l’abbé Pierre qui vient de disparaître, mais aussi à Pierre-André Périssol qui avait réussi à imposer, non sans mal, dix mille logements d’insertion.

M. Michel Piron - Dans cette liste, on citera à l’avenir Jean-Louis Borloo.

M. Jean-Louis Dumont - Mais Roger Quilliot ne s’occupait que des locataires, Louis Besson des populations les plus pauvres…Or, le problème du logement est plus vaste.

Permettez-moi ici de rapporter une anecdote. Alors que j’insistais en 1992 auprès de Pierre Bérégovoy, alors Premier ministre, sur la nécessité d’une véritable relance de la politique du logement, passant par des constructions en nombre, notamment de logements sociaux, il leva les bras au ciel et me répondit que tous les experts de Bercy, forts de leurs statistiques, assuraient qu’il y avait assez de logements et que de toute façon, le marché permettrait de répondre à la demande. Mais lorsqu’on vient, comme moi, de Lorraine où on a vu fermer les mines de fer et se déliter l’industrie sidérurgique, où Bataville, si longtemps donné en exemple, est devenu une zone sinistrée, et que l’on sait que d’autres régions ont subi les mêmes dégâts nés des mêmes bouleversements économiques, peut-on accepter que des experts se réfugient derrière des statistiques ? Car parlant de logements, nous parlons aussi d’hommes, de femmes, d’enfants, victimes de la crise économique, cabossés de la vie…

Mme la Rapporteure - Très bien !

M. Jean-Louis Dumont - …qui tentent de retrouver un peu d’autonomie lorsque l’hôpital psychiatrique, les considérant en voie de guérison et estimant qu’ils coûtent trop cher, les invite à sortir. Las, il n’y a pas toujours d’association susceptible de les accueillir, de les aider et de les conseiller, si bien qu’ils se retrouvent souvent seuls dans un logement insalubre et indigne, quand ce n’est pas à la rue, au mieux dans une tente au bord d’un canal…

Le coup d’accélérateur voulu par le Président de la République après que les projecteurs de l’actualité furent braqués sur cette question de l’hébergement d’urgence et du logement est une chance en cette fin de législature.

Mme la Rapporteure - Très bien !

M. Jean-Louis Dumont - Nous sommes nombreux depuis longtemps, militants associatifs et du mouvement HLM, hommes et femmes politiques de tous bords, à travailler sur le sujet. Faisons tout pour convaincre ceux qui n’en sont pas encore persuadés que cette loi est bienvenue. Ce n’est pas une loi de circonstance, présentée pour calmer le jeu entre Noël et le Jour de l’an !

Reste maintenant à rendre ce droit au logement opposable effectif. Il va falloir construire, mobiliser les logements, et ce bien au-delà du contingent préfectoral. C’est tout le parc public et privé, surtout celui qui a bénéficié d’aides publiques, notamment fiscales, qui va devoir être mobilisé.

Le risque est que cette loi ne s’applique pas là où elle serait le plus nécessaire, mais là où existent les logements nécessaires, notamment les logements d’urgence, parce que des acteurs se sont mobilisés à cette fin. Il faut que celui qui franchit la porte d’un hôtel social, d’un CHRS…. puisse rapidement en sortir, accompagné, avec un véritable projet de parcours résidentiel.

Mme la Rapporteure - Vous connaissez le sujet, vous.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité - Je n’ai pas un mot à retirer à ces propos.

M. Jean-Louis Dumont - Pour construire les logements nécessaires en nombre suffisant, des aides à la pierre sont indispensables. Les promoteurs sociaux sont prêts à se mobiliser, comme ils en ont déjà apporté la preuve par le passé, mais les aides doivent suivre, de façon que les loyers de sortie, charges comprises, demeurent abordables. Et il est grave à ce sujet d’avoir entendu le Premier président de la Cour des comptes remettre en cause ici même ces aides, dont il a dénoncé le coût croissant. Cette approche purement comptable est dangereuse pour ceux de nos concitoyens qui ont besoin d’être aidés pour accéder à un logement.

Mme la Rapporteure - Très bien !

M. Jean-Louis Dumont - Il faut ici évoquer des cas concrets, comme celui de cette mère qui, après avoir passé un an en CHRS, souhaite légitimement s’en sortir, veut travailler et voir sa fille réussir ses études, a la chance, si je puis m’exprimer ainsi, de décrocher un contrat d’accompagnement vers l’emploi de 20 heures par semaine, mais qui se voit interdire de travailler davantage. Quand j’entends demander qu’on « libère les forces de travail », je me dis qu’il faudrait commencer par ne pas empêcher de travailler les personnes en voie de réinsertion. C’est en étant conscients de la nécessité de trouver des solutions à ces situations concrètes que nous irons de l’avant, avec tous les partenaires.

Si cette loi, une fois adoptée, n’était pas appliquée, je suis convaincu que la justice, pénale et administrative, qui pourrait dès aujourd’hui être saisie, aura à en connaître, surtout quand des actions collectives pourront être introduites. Les maires notamment pourront voir leur responsabilité mise en cause. Je vois que M. Bignon, rapporteur pour avis, ne partage pas mon sentiment ! Je ne suis certes pas juriste, mais je puis vous assurer que la justice sera à l’avenir saisie si ce droit au logement opposable, que nous allons voter, n’est pas effectivement mis en œuvre. Si, par mésaventure, nous rations demain cette marche, le monde politique aurait à en souffrir.

Mme la Rapporteure et Mme la Ministre déléguée – Très bien.

M. Jean-Louis Dumont – Espérons qu’il n’en sera pas ainsi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDF)

M. Jean-Pierre Brard – Nous entendons beaucoup de propos lénifiants de la part de gens qui, en cinq ans, n’ont pas fait grand-chose. Heureusement, ils ont le renfort de M. Abelin, qui veut être un aiguillon, mais enfin, l’UDF, c’est l’aiguillon sans la pointe !

Pourquoi le droit au logement opposable arrive-t-il subitement devant le Parlement, en toute fin de législature, alors que le problème du logement est criant et qu’un projet intitulé « Engagement national pour le logement » a été longuement débattu en 2005 et 2006 ? Ce projet avait d’ailleurs été pour certains parlementaires l’occasion de défendre, par amendement, ledit droit au logement opposable. Qu’avait répondu alors le ministre ? Que même s’il soutenait le concept républicain, il émettait un avis défavorable. Moins subtil, le rapporteur de la commission des affaires économiques du Sénat, M. Braye, parlait à ce sujet d’« esprit du y a qu’à, faut qu’on »…

Mme la Rapporteure - Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis.

M. Jean-Pierre Brard - C’est vrai, mais alors il doit y en avoir beaucoup sur ces bancs, car ils sont nombreux à n’avoir pas changé d’avis !

Des sénateurs éminents tels que Mme Michaux-Chevry soutinrent même qu’une telle disposition serait inconstitutionnelle. Heureusement, depuis cette époque, le droit constitutionnel semble avoir accompli de grands progrès.

Mme Boutin avait pour sa part déposé, en septembre 2005, une proposition de loi instaurant le droit opposable au logement. Un petit groupe de députés UMP avait suivi, mais curieusement, le groupe UMP n'a jamais cru utile d'inscrire ce texte dans une des séances réservées à ses propositions. L'inspiration n'est venue que très tardivement sur ce sujet au président de leur parti.

Il faut dire que, lorsque des maires refusent délibérément et publiquement d’appliquer l'article 55 de la loi SRU, ces maires nient, en acte, le droit au logement opposable, car ce droit n'aura de réelle consistance que si les logements sociaux et très sociaux permettant de le mettre en œuvre existent effectivement. Nicolas Sarkozy, le Premier consul des Hauts-de-Seine, ne sera crédible sur le sujet que lorsqu’il aura construit de tels logements à Neuilly-sur-Seine (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) et qu’il acceptera que cette ville ne soit plus une zone d’exclusion, où le mot de solidarité peut être prononcé mais ne se concrétise jamais.

Madame la rapporteure, Madame la ministre, si vous souhaitez vraiment que le droit au logement opposable entre dans les faits, dites clairement à ces maires délinquants, qui sont de vos amis politiques…

Mme la Rapporteure - Il n’y en a pas que d’un seul côté.

M. Jean-Pierre Brard – Ils sont tout de même légion sur les bancs situés à droite de la présidence ! Dites-leur donc qu'ils agissent contre l'intérêt général. On ne peut à la fois fermer les yeux sur les violations de la loi dont ils se rendent coupables et faire croire aux Français que l'on va faire du droit au logement un droit opposable au bénéfice de tous. Vous nagez en pleine contradiction !

Malgré l’autosatisfaction permanente du Gouvernement en matière de logement, les ménages modestes et pauvres sont victimes de sa politique, car la plupart des logements sociaux qui sont construits ne leur sont pas accessibles. En effet, depuis 2002, le pourcentage des logements attribués sous conditions de ressources ou à des loyers inférieurs à ceux du marché est passé de 63 % à 40,8 % en 2006.

Pénalisés par l'absence d'offre locative adaptée à leurs ressources, les ménages modestes et moyens sont aussi défavorisés dans l'accession à la propriété. La proportion d'accédants dont les revenus sont inférieurs à deux SMIC mensuels est ainsi tombée de 28,5 % en 1999 à 16,1 % en 2005.

Dans ce contexte, on voit se recréer pour héberger les personnes en situation d'urgence des sortes de « cités de transit », composées de bungalows et semblables à celles des années 60. Bien piètre manière d'accueillir des personnes sans domicile !

Derrière l'affichage de belles intentions, ce débat éclaire les choix politiques de fond du gouvernement et de sa majorité. C'est ainsi que la commission des affaires économiques a dégradé le texte, en particulier sur la sanction financière des communes qui ne respectent pas leurs obligations en matière d'hébergement d'urgence. À Saint-Maur, dans le Val-de-Marne, certains expliquent qu’il vaut mieux payer que de subir la présence de pauvres ! Je ne doute pas de votre sincérité, Madame la rapporteure, mais vous seriez plus convaincante si vous châtiiez ces amis qui n’honorent pas la cause à laquelle vous voulez être fidèle (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. Marc-Philippe Daubresse - Comme l’a dit excellemment M. Dumont, une grande politique du logement se bâtit dans la durée.

C'est tout le paradoxe du grand débat républicain qui nous réunit aujourd'hui : iI n'y aurait pas eu de grande politique de reconstruction de la France sans l'appel de l'abbé Pierre, en 1954, et nous ne serions sans doute pas ici sans l'impact de ce qui s’est passé à la fin de l’année dernière et sans la déclaration du Président de la République du 31 décembre dernier appelant le Gouvernement à instituer dans les plus brefs délais le droit au logement opposable.

Cependant, cette cause immédiate n'a pu produire un tel effet que parce que le plan de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo en avait posé tous les fondements, il y a plus de deux ans, et parce qu’il y a eu une évolution des esprits, à droite comme à gauche.

Rappelons que c’est au cours des assises du logement de 2004 que nous nous sommes engagés à bâtir par étapes le droit au logement. Mais il fallait d’abord créer les conditions de son effectivité, c’est-à-dire construire en rattrapant le retard considérable qui avait été pris en la matière. Rappelons aussi que c’est dans l’exposé des motifs du projet de loi ENL qu’a été inscrit pour la première fois le droit au logement opposable.

Si l’on veut rendre le droit au logement opposable pour les plus démunis, mais aussi pour les SDF, les travailleurs pauvres ou les femmes isolées, il y a trois étapes à franchir : tout d’abord, élaborer un mécanisme juridique qui, au bout d'un délai d'attente anormalement long, permet de saisir un juge. Nous l’avions fait dans la loi ENL, ce mécanisme est perfectionné dans le présent projet. Deuxième étape : désigner une autorité compétente en la matière et bien rappeler que l’État est le garant du droit au logement. C’est inscrit en toutes lettres dans le texte. Enfin, il faut disposer d'un parc suffisant pour s'acquitter de cette obligation. C’est pourquoi il nous a fallu un peu de temps.

Le gouvernement de M. Jospin – le ministre de l’équipement et du logement s’appelait M. Gayssot – nous a légué une situation calamiteuse en ne bâtissant en 2000 que 308 000 logements neufs là où il en aurait fallu 400 000 et en ne finançant que 42 262 logements sociaux. Comparez aux 450 000 constructions neuves prévues en 2007 ! L’augmentation est de 50 % !

Certains prétendent que le plan Borloo a certes permis d'augmenter fortement la construction dans notre pays mais qu'il a réservé ses financements aux classes aisées ou moyennes. C’est faux et les chiffres parlent d'eux-mêmes. Si j'enlève du décompte les fameux PLS qui s'adressent aux classes moyennes et je me limite au logement social ou très social, l’évolution est la suivante : nous sommes passés de 38 181 logements financés en PLUS et PLAI en 2000 à 96 000 en 2007, dont 16 000 au titre de l’ANRU.

J’avais déclaré naguère : « La crise du logement se joue à quitte ou double, nous avons choisi de doubler ». Oui, nous avons doublé le financement du logement social ou très social par rapport à l'année 2000. Oui, nous avons augmenté de plus de 50 % les constructions neuves. Oui, nous avons quadruplé le financement des logements privés à loyers maîtrisés de type ANAH. Oui, nous avons presque triplé l'accession sociale à la propriété. Oui, nous avons augmenté de 75 % le nombre de places d'hébergement pour les plus démunis. Alors, nous n’avons pas de leçons à recevoir de ceux qui n’ont pas fait en leur temps les efforts nécessaires et qui nous ont légué une situation calamiteuse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Nos efforts doivent porter sur toute la chaîne du logement, qui doit être dégrippée pour redevenir un ascenseur social. Il faut favoriser l’accession sociale à la propriété, et renouer avec une logique gagnant-gagnant entre propriétaires et locataires. Ces propositions avaient été formulées par Nicolas Sarkozy le 14 septembre denier, lors de la convention sur le logement, puis le 12 octobre : « Je propose qu’au bout de cinq à dix ans, le droit au logement devienne opposable devant les tribunaux, de façon à créer une forte incitation à construire des logements manquants là où ils sont nécessaires pour que tous les Français puissent trouver un toit. Je propose que les citoyens puissent faire valoir leurs droits devant les tribunaux face aux institutions qui ne se seraient pas donné les moyens de rendre effectifs les droits dont elles sont responsables. L’opposabilité des droits va tout changer. En devenant effective de façon inévitable à une date donnée, elle mettra tout le monde au pied du mur ». C’était avant le canal Saint-Martin !

Au même moment, le parti socialiste inscrivait dans son programme une proposition qui fera date : « demander au Conseil économique et social une étude sur la possibilité de rendre le droit au logement opposable » ! Déjà, le gouvernement Jospin avait demandé deux rapports sur la réforme des retraites, sans jamais la mener (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Et si le Président de la République et le ministre n’avaient pas fait avancer les choses, il ne se serait rien passé, car vous n’avez fait en définitive que courir, tel Sancho Pança, derrière Don Quichotte.

Moins de six mois plus tard, notre assemblée va adopter, avant la fin de la législature, un texte de loi fondamental. Voter le droit au logement opposable, c’est mettre en mouvement la République fraternelle comme avait su le faire le général de Gaulle, lorsqu’il a donné le droit de vote aux femmes ou qu’il a créé la sécurité sociale.

Mme Huguette Bello - On s’est battu pour cela !

M. Marc-Philippe Daubresse - Sur certains bancs, des doutes s’expriment quant à notre capacité à tenir les engagements.

M. Jean-Pierre Brard - Quant à votre honnêteté !

M. Marc-Philippe Daubresse - Certains se demandent si l’État aura les moyens de fournir à tous un logement décent et indépendant. On peut bien entendu discuter des dates et des catégories de populations concernées.

M. Jean-Pierre Brard - Et des lieux !

M. Marc-Philippe Daubresse - Il est exact que, pour atteindre l’objectif, il faudra que notre pays continue de produire 430 000 logements par an, en maintenant les niveaux de financement, pendant au moins dix ans.

M. Jean-Pierre Brard - Oh non ! Pas dix ans de Sarkozy !

M. Marc-Philippe Daubresse - Une évaluation sera également nécessaire de façon permanente. Or, l’intérêt de l’objectif de résultat que nous nous fixons, c’est qu’aucun gouvernement ne prendra désormais le risque de diminuer les moyens consacrés au logement, comme l’avait fait ce gouvernement qui utilisait une partie du 1 % logement pour boucler ses fins de mois.

Les questions techniques, sur la commission de médiation, sur les conditions de durée pour saisir le juge, trouvent de très bonnes réponses dans les amendements présentés par nos trois rapporteurs.

M. Le Bouillonnec, dont le plaidoyer a été contredit par M. Dumont à l’instant, a tenté de nous dire que le texte sortant du Sénat allait dans la bonne direction mais pas dans le bon sens, qu’il fallait une construction massive abordable, c’est-à-dire des moyens en rapport avec les objectifs – ce sur quoi M. Borloo s’est engagé ce matin –, qu’il fallait solvabiliser les familles – objet, justement, de l’indexation des aides adoptée par les sénateurs –, qu’il fallait une mobilisation des collectivités locales – objet de la loi ENL –, qu’il fallait, enfin, une meilleure mixité sociale ; nous nous doutions bien que, faute d’arguments au fond, on nous rejouerait le refrain de l’article 55 de la loi SRU. Or, cet article n’a pas été remis en cause par notre majorité.

M. Pierre Cohen - Il s’en est fallu de peu !

M. Jean-Pierre Brard - Vous ne l’appliquez pas !

M. Marc-Philippe Daubresse - Il faut arrêter de toujours penser en termes de dispositifs coercitifs sur le stock, et plutôt encourager les maires bâtisseurs par des incitations sur les flux de construction… (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques - Excellent !

M. Marc-Philippe Daubresse - …au lieu de les en dissuader par des lois bureaucratiques, planificatrices et dirigistes.

Enfin, j’insiste sur la nécessité de mobiliser davantage le parc privé locatif. Dans ma région, l’association Emmaüs produit plus de logements très sociaux dans le parc privé que la métropole lilloise dans le parc public. C’est pourquoi il est essentiel que l’ANAH applique le dispositif permettant aux associations de louer des logements pour les plus démunis, dans le cadre du PST ; je souhaiterais, Madame la ministre, que vous preniez des engagements dans ce sens.

Il serait vain de rejeter le droit opposable pour des arguments fallacieux ou politiciens. Nos concitoyens attendent la République fraternelle, inscrite au fronton de nos hôtels de ville.

M. Jean-Pierre Brard - Vous n’êtes pas pratiquant !

M. Marc-Philippe Daubresse - C’est bien d’un texte fondateur pour la République fraternelle qu’il s’agit : celle de Mirabeau et des droits de l’homme, celle de Ferry et des instituteurs, celle de Victor Hugo et des Misérables, celle du général de Gaulle et des Résistants. La République n’est pas affaire de clans, elle est le rassemblement de tous les Français autour d’une continuité et de valeurs. Elle est un idéal de progrès et, dans un monde qui change, la République immobile est vouée au déclin. Au nom de cette République fraternelle, nous voterons ce texte avec conviction (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Pierre Brard - Avec vous, c’est la fraternité platonique !

Mme Huguette Bello – Souhaitée depuis des décennies, l'inscription dans la loi du droit opposable au logement est saluée par tous ceux qui savent à quel point l'accès à un logement conditionne la vie de chacun.

Pour dissiper toute ambiguïté, pouvez-vous nous confirmer, Madame la ministre, que ce nouveau droit sera applicable de façon identique et simultanée à l’outre-mer ? Nombreux sont en effet ceux qui se posent la question, après l'adoption par cette législature de grands textes en faveur du logement social qui ont tous négligé l’outre-mer. Ainsi, malgré nos demandes réitérées, Ie volet logement du plan de cohésion social voté en 2004 reste exclusivement hexagonal. Les départements d'outre-mer se trouvent donc privés de la programmation des financements que ce projet de loi propose de renforcer. C’est d’autant plus regrettable que cette programmation permet de protéger les sommes affectées des régulations effectuées par le ministère des finances en fin d'exercice budgétaire.

De même, le texte adopté en 2006, et qui s'intitule pourtant engagement national pour le logement, ignore l’outre-mer. Plus grave, l'examen du budget de l'outre-mer est devenu une fiction : non seulement la ligne budgétaire unique ne cesse de diminuer mais les crédits de paiement accusent un retard inédit, avec une dette de l'État qui s'élève aujourd’hui à plus d'un milliard.

« Absence de politique responsable », « gestion des crédits hasardeuse », « politique suicidaire » : tels sont les termes employés dans les rapports parlementaires ou les missions d'audit de Bercy pour qualifier la politique du logement social outre-mer, faite de renoncements et de désengagements, et qui restera un des plus grands échecs de ces cinq dernières années.

La reconnaissance du droit au logement opposable dans l'outre-mer intervient donc dans un contexte où, à une pénurie de logements sociaux, correspond, paradoxalement, une baisse continue des moyens financiers. En fait, la démarche est à l'opposé de ce qui se passe sur le reste du territoire puisque le droit opposable n'est pas accompagné de mesures en faveur du logement social. Il faut au moins espérer que ce nouveau droit précédera de telles mesures, puisque le gouvernement organise, le 27 février prochain, la première conférence nationale pour le logement outre-mer.

À la Réunion, le droit au logement intervient alors que les mises en chantier de logements sociaux connaissent une chute vertigineuse, que, notamment en raison de la défiscalisation, le marché du logement est de plus en plus déséquilibré, que le foncier fait l'objet d'une spéculation effrénée, et que la mise à mal des LES et la suppression du PTZ 40 rendent de plus en plus difficile aux plus modestes et aux classes moyennes l'accession à la propriété.

M. Jean-Pierre Brard - Très bien !

Mme Huguette Bello - Nous savons que l'instauration de ce nouveau droit n'est pas une fin en soi. Mais nous savons aussi qu’il n'aura véritablement de sens que si l'Etat réaffirme pleinement sa place dans le domaine du logement et si ce droit va de pair avec un effort important de construction.

À la Réunion, où plus des trois-quarts de la population sont éligibles à la LBU, où les retards se sont accumulés, où les capacités foncières sont faibles et où les besoins futurs sont importants, il est urgent d’intervenir. Tous les acteurs du logement social ont signé en 2003 une charte de l'habitat. Les collectivités, les opérateurs sociaux, les entreprises du bâtiment sont disposés à intervenir ; si les moyens budgétaires et les outils opérationnels nous sont donnés, nous sommes prêts à satisfaire, en quelques années, les vingt-six mille demandes de logements enregistrées.

Pour conclure, je veux insister sur la nécessité de concevoir les logements sociaux non plus seulement dans la perspective de l'utilité et de l'urgence immédiate mais selon toutes les exigences qui sont aujourd'hui celles de l'habitat. Il s'agit de construire des lieux de vie à part entière, répondant aux mêmes critères que tous les autres logements. La question de l'habitat social ne se réduit pas aux seuls enjeux sociaux, économiques et démographiques ; elle doit intégrer les aspects environnementaux, énergétiques et esthétiques. On ne saurait en effet accepter de construire des logements qui se dégraderaient en une génération. Les logements sociaux doivent être conçus de telle façon que ceux qui y habitent aient plaisir à les occuper, à les entretenir, à les embellir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)

M. Alain Néri - Nul ne peut contester que le logement est une des deux grandes préoccupations de nos concitoyens avec l’emploi car il est lui aussi la condition d’une vie sociale et civile accomplie. Je crois donc qu’il serait bon d’inscrire dans la Constitution le droit au logement : ce serait à la fois reconnaître son caractère prioritaire et affirmer que le logement reste une compétence régalienne de l’État.

La France est confrontée à une grande crise du logement, due essentiellement au manque de disponibilités en logements sociaux et très sociaux. Elle touche en priorité les Français les plus démunis, les personnes privées de logement ou menacées d’expulsion, vivant dans des habitats insalubres ou encore celles dont les revenus modestes ne leur permettent pas de se loger en dehors du parc social. Il est impératif, comme l’a souligné le mouvement HLM, de créer une offre nouvelle importante de logements sociaux et très sociaux et de mettre en place les financements publics nécessaires. Madame la ministre, vous affirmez vouloir construire 120 000 logements par an, même les chiffres fournis ne sont pas tout à fait cohérents. Pourriez-vous préciser le type des logements sociaux et très sociaux qui seront construits ?

Toutes les espèces animales se battent pour avoir, qui un gîte, qui un terrier, qui un nid…

M. Michel Piron - Le chasseur parle…

M. Alain Néri - …pourquoi l’homme devrait-il se résigner à ne pas avoir de toit ? Il y a urgence ! Bien des ministres se sont succédé, Roger Quilliot, Louis Besson…

M. Jean-Louis Dumont - Marie-Noëlle Lienemann !

M. Alain Néri - …mais sans jamais vraiment réussir. Nous sommes aujourd’hui confrontés à une nouvelle difficulté : le prix du foncier explose, empêchant certaines communes de mettre à disposition les terrains nécessaires à la construction de logements sociaux. D’autres municipalités continuent d’observer une attitude scandaleuse, considérant le logement social comme une gangrène, accusant leurs adversaires politiques de vouloir en construire et de troubler ainsi le calme de leurs administrés. Le double langage de ceux qui se déclarent pour le logement social dans l’hémicycle et le dénoncent dans leurs communes doit cesser ! (Protestations sur quelques bancs du groupe UMP) Certains de vos amis se permettent ce genre de déclarations sur leurs documents électoraux !

Les communes, en mettant à disposition gratuitement les terrains, en réalisant les divers réseaux, apportent aujourd’hui une aide plus importante aux constructeurs de logements sociaux que l’État ! Il faudrait donc revoir les aides à la pierre, Madame la ministre, si on veut que notre action soit efficace.

Il serait bon de réfléchir aussi à la possibilité de mettre rapidement à disposition des opérateurs HLM des terrains appartenant à l’État, aujourd’hui entièrement libres comme les casernes et les terrains militaires.

M. Jean-Louis Dumont - Tout à fait !

M. Alain Néri – Votre annonce selon laquelle 120 000 logements sociaux seront construits chaque année est alléchante, Madame la ministre, mais en réalité, on reste au stade des bonnes intentions. Lorsque vous annoncez des crédits dans le budget 2007, les contraintes techniques – maîtrise du foncier, appels d’offres, construction – repoussent la livraison à trois ou quatre ans.

Mme la Ministre déléguée - Disons deux, mais nous sommes bien d’accord sur le fond.

M. Alain Néri - Dans l’intervalle, il conviendrait de remettre en fonction les PALULOS et d’augmenter les crédits pour les OPAH dans les centres-bourgs et les centres-villes, ce qui aurait pour effet de revitaliser ces secteurs urbains et de créer des emplois, en donnant un nouvel élan économique aux communes. Avant ces mesures – qui pourraient prendre deux ans, ce qui est encore bien long – nous pourrions agir sur le parc privé. En 2006, j’ai évoqué un fonds de garantie des loyers…

Mme la Ministre déléguée - C’est fait !

M. Alain Néri – Il y a en effet eu un écho : la GRL a été créée. Mais cela reste insuffisant. Je pense – j’ai déposé un amendement dans ce sens, que la commission n’a pas jugé bon de retenir, et une proposition de loi, que j’espère voir examinée lors de la prochaine législature – qu’il faut passer un pacte avec les petits propriétaires, souvent modestes, qui ont besoin du loyer comme complément de retraite.

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis – C’est vrai !

M. Alain Néri - Il faut simplement leur dire que les loyers seront versés en cas de défaillance par un organisme comme le Pact Arim – qui a une grande expérience dans ce domaine – et que leur logement sera remis en état à l’issue du bail, s’ils acceptent un loyer conventionné – certes moins élevé, mais la sûreté a un coût – et un bail de neuf ans.

Une telle mesure favoriserait une certaine mixité sociale. Je souhaiterais aussi que l’on réfléchisse, lorsque la crise sera passée, à la question de la mixité des générations, qu’on pourrait prendre en compte dans les attributions.

Mme la Rapporteure - C’est très important en effet. Il existe déjà des expériences allant dans ce sens.

M. Alain Néri – Celle-ci permettrait aux personnes âgées de cohabiter avec de jeunes adultes et des enfants, de la fréquentation desquels elles sont parfois privées. Les enfants pourraient trouver un accueil, en l’absence de leur parents, auprès de ces personnes.

Mme la Rapporteure - Très bien !

M. Alain Néri - Alors, tous ensemble, nous aurions permis de construire du lien social, au travers d’une politique d’intégration et de cohésion nationale ! Je vois que Mme la rapporteure et M. le rapporteur hochent la tête. Nous sommes donc d’accord : ces mesures seraient plus efficace que cette proposition de droit au logement opposable, car l’opposabilité risque de rester inopérante. Devant cette crise sociale qui nous interpelle tous, nous sommes tenus de mettre en œuvre des mesures rapides, énergiques et concrètes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Mme la Rapporteure - Très bien !

M. Jean-Louis Dumont - Il est constructif !

Mme la Ministre - C’est vrai !

M. le Président – La parole est à M. Pinte.

M. Jean-Pierre Brard - Des logements sociaux au château !

Mme la Rapporteure - Il en a déjà construit beaucoup !

M. Étienne Pinte - Lors de la discussion du projet de loi ENL, nous avons été un certain nombre, dont vous-même, Madame la rapporteure, à souhaiter introduire le droit au logement opposable, mais nous n’avons pas été entendus par M. le ministre. Je me réjouis aujourd’hui d’examiner ce texte, façon pour la République de reconnaître à ceux qui dorment dans la rue ou dans des logements insalubres, le droit de vivre dans des conditions décentes, en ayant un « chez soi ». C’est une formidable marque de solidarité et de fraternité.

J'ai apprécié ce matin le rappel de notre collègue Bignon à notre « génie » des droits de l'homme. Maire de la ville de la Déclaration, je suis surpris qu'il ait fallu les « cris » de l'abbé Pierre ou les actions des Enfants de don Quichotte pour nous remettre sur nos chemins d'humanité.

Afin de soutenir la construction de logements sociaux en France, il faut malheureusement recourir à la loi et à des contraintes financières. Grâce au seuil de 20% fixé par la loi SRU, puis grâce à la loi de cohésion sociale, nous avons certes augmenté la construction, mais l’offre demeure insuffisante, notamment en matière de logements « très » sociaux.

Bien des centres d’hébergement se trouvent en outre dans un état lamentable, et nous manquons encore de structures intermédiaires de réinsertion et d’accompagnement. Il ne suffit pas de vouloir pour pouvoir ! A ce titre, je regrette cette loi ne s'inspire pas davantage du modèle écossais et ne fasse pas davantage place au pragmatisme… J’aurais préféré que nous agissions tout de suite, mais par étapes, en nous fixant des objectifs intermédiaires précis et assortis de phases d’évaluation.

Construire des logements sociaux, et a fortiori « très » sociaux, demande en effet une énergie invraisemblable, tant les obstacles sont nombreux – fonciers, administratifs, techniques, financiers, mais aussi humains, car il est souvent bien difficile de convaincre nos concitoyens d'accepter des logements sociaux dans leur environnement…

Mme la Rapporteure - C’est hélas vrai !

M. Étienne Pinte – Nous avons donc besoin de souplesse et de réalisme. Il est indispensable d'aider les élus et les bailleurs sociaux à produire du logement social.

En dépit des promesses de l'État, nous éprouvons en effet les pires difficultés à négocier la rétrocession des terrains appartenant à l'État et à faire respecter la décote de 35 %. Les opérations prévues traînent donc pendant des années, alors qu’il y a urgence ! Autre exemple, l’un de vos prédécesseurs avait proposé de céder, dans ma municipalité, des terrains appartenant à la DDE, mais nous n’avons toujours rien vu venir, trois ans plus tard ! Il est également presque impossible d'acheter des terrains à un prix raisonnable à Réseau ferré de France, qui cherche toujours à vendre au meilleur prix ses nombreux terrains… Et alors que bien des bailleurs sociaux seraient intéressés par des baux emphytéotiques, l’État s’y refuse…

Nous avons enfin proposé un montage intéressant dans un immeuble de centre ville – rachat de trente appartements contre une vente immédiate de dix d’entre eux afin de financer la conversion des vingt autres en logements sociaux. Mais la DDE n’a pas accepté…

Mme la Rapporteure - C’est incroyable !

M. Étienne Pinte - II est urgent d'harmoniser les orientations adoptées en matière de financement par les différents partenaires, État, région, département, EPCI ou municipalités. Il est anormal de renoncer à certains projets faute de coordination.

Enfin, pourquoi ne pas exonérer de taxe sur la propriété bâtie les bailleurs sociaux dont le patrimoine a plus de 25 ans, en échange d’un réinvestissement de même montant dans la construction de nouveaux logements sociaux ? Cette seule mesure permettrait de doubler leurs capacités d’investissement sur fonds propres.

Je rappelle également que certains de nos administrés, résidant dans un logement social, n’osent plus héberger pendant quelque temps un voisin ou un membre de leur famille. Ils craignent en effet d’essuyer les reproches de leur bailleur, qui pourrait prendre en considération les revenus de la personne hébergée pour le calcul de leur propre loyer.

M. Jean-Pierre Brard - C’est exact !

M. Étienne Pinte – Quelques semaines d’hébergement temporaire pourraient pourtant éviter à certains de nos concitoyens de se retrouver à la rue ! Ne décourageons pas la solidarité au sein de la famille et du voisinage. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP, et sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).

Mme la Rapporteure – Très bien.

Mme Irène Tharin – Contrairement à d’autres textes, ce projet de loi ne vise pas à régler un simple problème technique, ni à améliorer un mécanisme administratif bien précis. Avec le droit opposable au logement, il s’agit de porter un regard humain et généreux sur nos concitoyens.

M. Jean-Pierre Brard - Par générosité électoraliste ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)

Mme Irène Tharin - Comme l’a fait ce matin Jérôme Bignon, permettez-moi un témoignage personnel : militante jociste à l’hiver 1954, lorsque l’abbé Pierre lançait son appel solennel, j’ai participé à la mobilisation en faveur de ceux qui vivaient dans des caravanes – vêtements chauds, accueil des enfants. Cinquante-trois ans plus tard, je suis heureuse de participer à ce travail législatif. En reconnaissant cet impératif catégorique qu’est le droit à disposer d’un toit, nous allons contribuer à rendre leur dignité à de nombreux laissés pour compte.

Nous allons garantir le droit au logement à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière et stable, ne parvient pas à accéder par ses propres moyens à un logement décent. Ce texte viendra en aide aux sans-abri et aux familles qui vivent, avec leurs enfants mineurs, dans des logements inacceptables.

Je voudrais toutefois vous mettre en garde contre certains écueils, à commencer par le risque de confusion entre les responsabilités de l’État et celles des collectivités locales.

M. Jean-Pierre Brard - Très bien !

Mme Irène Tharin - Comme la majorité des associations représentatives des élus, je suis ainsi très réservée sur le transfert automatique de la responsabilité du droit au logement aux collectivités signataires d’une convention de délégation du contingent préfectoral. Ne disposant pas des moyens coercitifs attribués au préfet, comme le droit de réquisition, les collectivités locales n’ont pas vocation à exercer de telles responsabilités.

M. Jean-Pierre Brard - Pourquoi pas ?

Mme Irène Tharin – J’espère que nos débats confirmeront le consensus qui semble se dégager en faveur d’une responsabilité exclusive de l’État.

Mme la Rapporteure – Je peux vous le confirmer.

Mme Irène Tharin - Dans la nouvelle version de ce texte, les EPCI délégataires des aides à la pierre pourraient exercer, à titre expérimental et pendant une durée déterminée, la responsabilité du droit opposable au logement en contrepartie d’un renforcement de leurs compétences. Il faudra impérativement déléguer aussi les moyens que requièrent de telles expérimentations, Madame la ministre, car nous nous trouvons face à des publics aux besoins très lourds. J’ai pu le mesurer en ma qualité de vice-présidente de la communauté d’agglomération du pays de Montbéliard, EPCI qui mène une politique de l’habitat très ambitieuse – contribution de 14 millions d’euros jusqu’en 2011 aux opérations de l’ANRU, ou encore soutien aux actions du programme local de l’habitat pour un montant annuel de 3,5 millions.

Élue de terrain, je ne peux en revanche qu’approuver la modification de l’article 55 de la loi SRU, qui correspond à un besoin local. Conscients que la fragilisation économique de certains ménages peut empêcher leur maintien dans un logement, nous avons déjà imposé à Montbéliard un pourcentage de logements sociaux pour chaque opération aidée. Je soutiendrai naturellement une mesure nationale qui va dans le même sens.

Je salue cette avancée sociale incontestable que représente le droit au logement opposable, consécration de l’effort sans précédent accompli depuis 2002 par cette majorité en faveur du logement. Ce texte contient en outre de nombreuses dispositions en faveur de la cohésion sociale - réinsertion des anciens migrants, par exemple, mais aussi élargissement du crédit d’impôt bénéficiant aux ménages qui recourent à des services à la personne.

Pour toutes ces raisons, vous pourrez compter sur mon soutien à ce texte méritoire, qui s’inspire de notre devoir d’humanité et de solidarité envers l’ensemble de la nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Marylise Lebranchu – Nous pouvons tous nous accorder sur les objectifs de ce texte, que nous pourrions considérer d’un œil favorable si la majorité acceptait tous nos amendements…

M. Borloo se vante souvent de la hausse du nombre de logements mis en construction, mais il faut rapporter ces chiffres au nombre de logements effectivement mis à disposition de ceux qui en ont le plus besoin. Dans ma circonscription, les listes d’attente des demandeurs s’allongent et le nombre de caravanes ne se réduit pas…

À quoi accordez-vous en effet la priorité ? À la transmission du patrimoine et à l’investissement dans l’immobilier ! Faites des économies d’impôts, vous dit-on, et venez compléter votre retraite en achetant à Roscoff, au Guilvinec, à Douarnenez… Or, savez-vous à combien s’élève le loyer d’un T3 dans une de ces communes pas trop chères ? À 500 euros par mois, alors que la majorité des salaires sont compris entre 981 et 1 104 euros dans le secteur agroalimentaire ! C’est cela, la réalité ! Pourquoi autant de crédits d’impôt quand il faudrait consacrer beaucoup d’argent au logement social ? Arrêtez de penser que l’immobilier relève avant tout de la spéculation et songez plutôt au rôle de l’État en la matière ! C’est ainsi que l’on évitera que 23 % seulement des logements produits soient consacrés à 70 % de la population.

Un autre outil existe que nous avons beaucoup utilisé en Bretagne – l’établissement public foncier régional – car les communes rurales, littorales et suburbaines ne peuvent plus proposer de terrains à des prix raisonnables aux organismes qui construisent les logements.

M. Jérôme Bignon, rapport pour avis – Cela, c’est exact.

Mme Marylise Lebranchu – M. Borloo, en juin 2006, a dit que c’était une bonne idée et que les collectivités voulant bénéficier des services de l’ANRU devraient rentrer dans le système.

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis – Vous avez de la chance en Bretagne !

Mme Marylise Lebranchu – Mais le Gouvernement vient d’ « encalminer » le dossier et le rapport de consultation s’est perdu entre le bureau du préfet de région et le ministère.

M. Jean-Louis Dumont - Préfet aux ordres !

Mme Marylise Lebranchu – Les services de M. Borloo assurent être toujours favorables à ce dispositif mais Matignon nous dit que des problèmes politiques se posent. Pourquoi ? Des collectivités qui disposent de fortes réserves foncières refusent de se montrer solidaires. On nous suggère alors de procéder comme en Ile-de-France, où face à la réticence de certains départements, l’établissement public foncier a été mis en place sans eux. Quels sont ces départements ? Les Hauts-de-Seine et les Yvelines ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Ce Gouvernement institue le droit de se désolidariser des communes qui essaient d’encadrer le prix du foncier afin de construire des logements sociaux !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Bien sûr !

Mme Marylise Lebranchu – On n’a pas le droit d’agir ainsi ! Des communes riches de Bretagne, elles, sont prêtes à faire marche arrière. Il est inadmissible que ce Gouvernement n’ait pas la force d’imposer une idée qu’il a soutenue.

M. Jean-Pierre Brard - Il ne le veut pas !

Mme Marylise Lebranchu – J’ai toujours trouvé très dur, pour qui cherche un logement, de constater combien le crédit d’impôt est intéressant pour celui qui a les moyens de construire son deuxième, troisième ou quatrième logement.

M. Jean-Pierre Brard - C’est inhumain !

Mme Marylise Lebranchu – Je crains, face à cela, que la révolte, voire plus, succède à l’amertume. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

M. Laurent Hénart – Le droit au logement opposable s’inscrit dans une politique cohérente depuis 2003.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Non.

M. Laurent Hénart – Le socialistes ont été d’ailleurs bien silencieux (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) alors que de nombreuses collectivités locales qu’ils dirigent sollicitent les dispositifs que nous avons mis en place.

M. Manuel Valls – Nous sommes des maires républicains !

M. Laurent Hénart – Notre politique du logement est équilibrée et rassemble les différents acteurs au lieu de les opposer. Elle soutient la construction de logements privés pour les ménages modestes et les jeunes ménages à travers notamment le PTZ – on en dénombrait 90 000 en 2002 et l’on en compte cette année plus de 250 000. Une telle dynamique est indispensable : c’est ainsi que l’on parviendra à mettre en œuvre une garantie du risque locatif permettant, pour des salariés modestes, d’accéder plus rapidement au logement. Il est évidemment nécessaire, par ailleurs, de favoriser le logement social.

M. Jean-Pierre Brard - Il cherche un maroquin !

M. Laurent Hénart - En la matière, les socialistes devraient faire preuve d’un peu plus de pudeur : en 2000, 42 000 logements sociaux ont été construits quand on en compte près de 100 000 en 2006. Les PLAI-PLUS financés s’élevaient quant à eux à 38 000 en 2000 et ils sont aujourd’hui plus de 58 000.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Et combien en 2001 ?

M. Laurent Hénart - Même si le plan de cohésion sociale doit être encore conforté, certains ne devraient pas se contenter de discours anesthésiants.

S’agissant des services à la personne, on ne peut qu’être satisfait comme en témoignent d’ailleurs les associations, les entreprises et la fédération des particuliers employeurs : moins de deux ans après la loi sur le développement des services à la personne, le crédit d’impôt est en place et contribue à aider en particulier les plus fragiles parmi nous, qui ne paient pas l’impôt sur le revenu.

En outre, le projet recadre les textes issus des différentes navettes par rapport au PLFR pour 2006. Il importe en particulier de conserver une cohérence aux vingt métiers qui seront offerts comme un bouquet de services : les personnes âgées en particulier doivent pouvoir en bénéficier facilement et passer de l’un à l’autre selon les besoins.

Enfin, je suis d’accord avec Mme la rapporteure : la limitation du crédit d’impôt aux seuls ménages actifs constitue seulement une étape et celui-ci devra, après évaluation, être généralisé à ceux qui bénéficient de la réduction d’impôts. Il y va de la portée de la loi sur les services à la personne, qui doit contribuer au rétablissement de l’égalité des chances et profiter aux plus faibles d’entre nous. Je remercie le Gouvernement qui, avec la loi dont nous débattons, poursuit son travail jusqu’au bout. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Dufau – Ce projet est présenté dans un contexte très particulier : la médiatisation du problème des sans-abri, une spéculation foncière et immobilière record, la flambée des loyers enfin. Cette question est abordée en fin de législature et en terme de droit alors que la question essentielle est celle des moyens. Depuis des décennies, tous gouvernements confondus, nous n’avons pas été capables de régler le défit complexe du logement, de l’hébergement, du locatif social, de l’accession à la propriété tout en respectant la mixité sociale et donc la cohésion sociale. Néanmoins, la politique de ce gouvernement a considérablement aggravé la situation, comme l’illustre le dispositif Robien. Où les lois Besson et Lienemann réalisaient un équilibre entre la modération des loyers et la défiscalisation pour le propriétaire, le dispositif Robien a dérégulé les loyers à la hausse et privilégié la défiscalisation. C’est le résumé de votre politique : les avantages pour quelques uns et les inconvénients pour le plus grand nombre.

J’ai reçu la fédération du bâtiment de mon département. Selon elle, les organismes sociaux, comme les HLM, doivent racheter le parc immobilier Robien, inutile et vide. Votre majorité a en outre voulu scandaleusement retirer les dispositions de l’article 55 de la loi SRU, ce que seule la présence de l’abbé Pierre dans l’hémicycle vous a empêché de faire.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Nous nous en souvenons !

M. Pierre Cohen - Historique !

M. Jean-Pierre Dufau – Enfin, croire que la loi de l’offre et de la demande constitue en la matière une réponse aux problèmes qui se posent relève au mieux d’un égarement, au pire, du cynisme. Jamais la spéculation foncière et immobilière n’a été aussi forte, jamais le niveau des loyers n’a été aussi élevé : la spéculation règne, les ménages trinquent ! Ce projet ne règlera pas comme par enchantement le problème des SDF, des mal logés ou de ceux qui sont obligés de consacrer plus de 30 % de leur revenu au logement. Plus de 3 millions de personnes vivent dans des conditions indécentes ; 1,3 million sont sur des listes d’attente de HLM et plusieurs dizaines de milliers dorment dans la rue. Je crains que ce texte ne suscite un espoir qui sera forcément déçu.

Vous disiez en novembre 2005, Madame la ministre déléguée, qu’une proclamation de l’opposabilité du droit au logement serait prématurée et irréaliste.

Mme la Ministre déléguée - Depuis, le Haut comité a formulé une demande.

M. Jean-Pierre Dufau – Sans commentaire.

Ce texte ne fera que modifier l’ordre des personnes prioritaires dans la liste d’attente sans la réduire ou accélérer le relogement. Le recours à la médiation n’a d’intérêt que si l’on a un appartement adapté à proposer et il importe de construire des logements sociaux adaptés aux besoins. En 2005, moins de 23 % des logements produits étaient destinés à 70 % de la population. Nous sommes là face à une grande cause nationale et l’État, lui, se défausse sur les collectivités locales… Enfin, celles qui assument leur devoir : Neuilly soit qui mal y pense !

M. Jean-Pierre Brard - Très bien.

M. Jean-Pierre Dufau - La question est certes complexe et les réponses doivent être diversifiées. C’est un secteur dans lequel la solidarité nationale, locale, privée doit prendre toute sa place. Il faut un véritable plan Marshall du logement. Votre logique doit être inversée : ce n’est pas l’offre, souvent synonyme de spéculation, qui doit sélectionner les besoins, mais la demande, dans toute sa diversité, qui doit fixer le niveau de l’offre et la rendre accessible à tous. Une telle politique est possible. Elle suppose une analyse rigoureuse des besoins, et des moyens importants. Elle doit associer les propriétaires et la promotion privée à l’action publique. Cela prendra du temps, alors commençons tout de suite ! Il est impérieux de faire de la politique au sens étymologique du terme, c’est-à-dire de construite et d’aménager la cité pour tous. Alors, nous pourrons dire avec Saint-Exupéry : « Notre tâche fut de construire, la vôtre sera d’habiter » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Pierre-André Périssol – Nous vivons ce moment rare où le droit, les discours et les actes entrent en cohérence. Le droit au logement qu’a voulu instituer le Président de la République vient à la suite du combat mené durant cinquante ans par l'abbé Pierre, et avec l'appui du Haut comité au logement. Les étapes de la longue maturation du concept ont déjà été rappelées : loi Quilliot, loi Besson…

M. Jean-Pierre Brard - Loi Périssol…

M. Pierre-André Périssol - Mais aujourd’hui, deux choses changent radicalement. D’abord, on passe des déclarations d'intention à une obligation : avec l’opposabilité, on s'oblige collectivement à réussir. En faisant assumer à l’État les conséquences financières du non-respect du droit au logement, en fixant des échéances, en nommant les bénéficiaires, en arrêtant les modalités de mise en œuvre, on brûle ses vaisseaux pour s’obliger à agir – et ceux qui, quels qu’ils soient, seront aux responsabilités demain et après-demain seront obligés de poursuivre dans cette voie. Ensuite, les résultats de votre action, Madame la ministre, vous autorisent à proposer l’introduction de ce droit opposable dans la loi : si le rythme que vous avez imposé est poursuivi, il deviendra possible de le mettre en œuvre.

Dans le domaine du logement en effet, il y aura un avant et un après Borloo. Il y eut 310 000 logements lancés en 2002, et 430 000 en 2006. Il y avait 40 000 logements sociaux en 2001 et 96 000 aujourd’hui – 143 000 si l’on compte le parc social privé. Le nombre de places d’urgence a augmenté de plus de 50 % depuis 2002. On comprend donc bien l'embarras des socialistes, qui crient très fort pour tenter de faire oublier leurs résultats. Sachant l’action qu’ils ont menée entre 1997 et 2000, ou qu’ils n’ont pas menée, alors qu’ils en avaient les moyens, quel crédit peut bien avoir leur candidate à l'élection présidentielle quand elle déclare, trois heures et demi après le décès de l'abbé Pierre, qu'elle s'engage à réquisitionner des locaux vides si elle est élue ?

Plusieurs députés socialistes – Et alors ?

M. Pierre-André Périssol - Aujourd’hui, le contexte immobilier ne justifie plus une telle mesure. Mais surtout, qui donc a réquisitionné entre 1995 et 1997 ? Nous, bien sûr, et qui a arrêté ? Vous avez voté une loi à la place, que vous n’avez jamais appliquée !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Et vos préfets, l’appliquent-ils ?

M. Pierre-André Périssol – Ne venez donc pas nous dire que vous changerez soudainement de position demain !

M. Pierre Cohen - Parlez-nous plutôt de votre bilan !

M. Pierre-André Périssol – C’est facile : qui a lancé, en 1996, le plus important plan de logements d'urgence et d'insertion ? Nous ! Vous l’avez stoppé en 1997 !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Parlez-en à M. Besson !

M. Pierre-André Périssol - Ce sont des faits !

La solution du problème du logement des plus défavorisés est le fruit d’une action qui concerne tous les segments du logement – urgence, insertion et secteur locatif social public et privé, mais aussi secteur locatif intermédiaire. Vous décriez toujours les PLS et l’accession sociale, mais ce sont eux qui entraînent une offre plus large de logements dans le parc HLM locatif social. Pourtant, c’est bien vous qui avez régulièrement réduit l’accès au prêt à taux zéro, après avoir combattu sa création ! C’est Jean-Louis Borloo et Nicolas Sarkozy qui lui ont redonné tout son dynamisme en 2004.

Plusieurs députés socialistes – Ah, le revoilà !

M. Pierre-André Périssol – Un peu de pudeur, donc. Ce n’est pas avec un verbe tonitruant que vous arriverez à couvrir le peu de bruit qu’a produit votre action durant cinq ans. Je vous propose de voter un texte qui répond aux demandes des associations et qui marque objectivement un progrès social, dans un secteur essentiel pour chacun de nos concitoyens et pour la cohésion de notre société. Ayons le courage de l’adopter tous ensemble ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Thierry Mariani – Ce projet de loi constitue une avancée majeure pour la France. Il répond au souhait du Gouvernement de trouver une issue à la crise du logement. Désormais, l'État sera le garant d’un droit au logement opposable et encadré par un calendrier de mise en œuvre précis et raisonnable. Il aura la responsabilité de trouver une offre de logement ou d'hébergement répondant aux besoins des demandeurs reconnus prioritaires par une commission de médiation. En l'absence d'offre de sa part, le juge administratif se chargera de faire appliquer ce droit. À la différence des socialistes, lorsque nous créons des droits, nous donnons aux citoyens les moyens de les faire valoir ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Sont d'ores et déjà exclus de la liste des bénéficiaires de ce nouveau droit les étrangers clandestins.

M. Jean-Pierre Brard - Ça commence bien !

M. Thierry Mariani - En tant que rapporteur des lois Sarkozy de 2003 et 2006 sur l’immigration et l’intégration, je me félicite que le Gouvernement ait fait ce choix.

M. Jean-Pierre Brard - Comment vous appelez-vous, déjà ?

M. Thierry Mariani - Pour clore le débat, mes aïeux étaient maçons et ils ont construit leur logement, et ceux des Français de l’époque. Il ne serait pas admissible que certains puissent accéder à ce droit alors qu'ils transgressent les lois. La France n’a pas vocation à devenir un guichet social universel. Le droit au logement doit être réservé aux citoyens français et aux ressortissants étrangers qui ont rempli leurs devoirs envers notre pays.

Malgré cette décision importante, il demeure dans ce projet des zones d'ombres qui méritent d'être éclairées. L’article premier prévoit, d’abord, que la liste des étrangers en situation régulière qui pourront bénéficier du droit au logement sera définie par décret. Nous ne pouvons pas raisonnablement laisser un simple décret en décider. Il appartient aux élus de la nation de déterminer de manière transparente et juste les personnes qui peuvent bénéficier de ce droit. Je vous proposerai par amendement de réserver le droit opposable au logement aux seuls étrangers titulaires d’une carte de résident, qui ont accompli un parcours d’intégration d’environ cinq ans. Je précise d’ores et déjà que la jurisprudence du Conseil constitutionnel n’interdit pas de traiter différemment les titulaires d’une carte de résident des titulaires d’une carte temporaire de séjour, et que le droit communautaire reconnaît un statut particulier aux résidents de longue durée et aux réfugiés qui justifie un traitement différencié.

D'autre part, en l’état actuel de l’article 3, le tribunal administratif devant lequel les citoyens étrangers pourraient se prévaloir de ce droit devrait prendre en compte « leurs besoins et leurs capacités », sans autre précision, Ainsi pourraient-ils poursuivre l'État qui ne fournit pas un logement décent à leurs conjoints et enfants séjournant avec eux, même s'ils sont entrés en France en dehors du regroupement familial et sont donc en situation irrégulière. Là aussi, une précision est nécessaire.

Ce projet de loi me semble donc tout à fait satisfaisant, ainsi que l’a montré notre excellente rapporteure Mme Boutin. Il nous appartient de le porter à un point d’excellence par les amendements que nous défendrons (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Cohen – À moins d'une semaine de la fin de la session parlementaire, nous voici en train de légiférer dans l'urgence et l’affichage. Ce projet de loi méritait pourtant beaucoup mieux. L'urgence ne peut se justifier par le besoin, car ce besoin existe depuis longtemps. Bien que vous ayez programmé plusieurs lois, vous ne vous êtes jamais sérieusement préoccupés du secteur du logement.

Plusieurs députés UMP - Ça alors !

M. Pierre Cohen – Ce texte ne révèle pas une prise de conscience de votre part. Vous n’êtes pas de ceux qui pensent qu'il y a un réel problème de production du logement, mais de ceux qui considèrent que le logement social est source de difficulté pour leur commune.

M. Guy Geoffroy - Quelle caricature !

M. Pierre Cohen - Aujourd'hui, on peut remercier les Enfants de Don Quichotte d’avoir su faire passer l'émotion nécessaire pour vous culpabiliser, ainsi que toutes les associations qui oeuvrent depuis des années sans être entendues et les élus, comme Jean-Yves Le Bouillonnec, qui ont fait des propositions audacieuses pour renforcer vos projets de loi, que vous avez systématiquement refusées.

Comment afficher un principe du droit opposable, par ailleurs ambitieux et louable, alors que votre politique, depuis des années, a largement contribué à la situation désespérante que nous connaissons ? Que retenir effectivement de votre bilan si glorieux ? Aucune réponse au besoin de production de places d'urgence – pire, vous avez supprimé l’ALT. Des statistiques sur les logements sociaux gonflées – vous y intégrez les PLS, qui s'adressent à 80 % des salariés et non à ceux qui en ont le plus besoin. Un engagement financier de l’État en faveur du dispositif de Robien, qui bénéficie aux investisseurs privés, qui dépasse sa contribution en matière de logement social mais qui ne correspond en rien aux besoins, puisqu’une partie de ces logements est vacante. In fine, cette politique contribue à augmenter le coût du logement, et donc des loyers.

Votre politique n’est vraiment pas un succès. Nous en mesurons aujourd'hui la portée : inutile de renvoyer la faute aux autres ! Élu depuis 1997, jamais je n'ai reçu dans mes permanences autant de personnes en quête d'un logement que depuis que vous êtes aux responsabilités (Interruptions sur les bancs du groupe UMP). Je présume que vous aussi, mais vous n’osez pas le dire.

Le droit opposable au logement ne sera crédible que lorsque l'offre de logements sera suffisante et permettra un véritable parcours résidentiel, même s'il est souvent difficile pour les personnes d'évaluer leurs besoins en logement à moyen terme.

Pour cela, il faut créer une place d’hébergement d'urgence pour mille habitants et donner aux associations ainsi qu’aux collectivités les moyens nécessaires pour accompagner les personnes dans les situations les plus difficiles ; obliger à ce que les programmes comportent 10 % à 20 % de logements PLAI pour les personnes en grande difficulté, sans quoi elles ne peuvent espérer de logement pérenne ; construire des logements pour les étudiants et accompagner les collectivités territoriales dans ces réalisations ; atteindre l’objectif de 120 000 logements sociaux en 2008 avec l'obligation pour les préfets de se substituer aux communes qui n'appliquent pas l'article 55 de la loi SRU ; favoriser l'accession sociale à la propriété, en priorité pour les locataires de logements sociaux – l'objectif devrait en ce domaine être de libérer des logements sociaux plutôt que de les vendre ; stopper le dispositif Robien et favoriser la création d'offices fonciers, ce qui permettra de limiter la spéculation foncière et de soutenir les programmes de construction des collectivités au profit du plus grand nombre.

Alors, oui à un droit au logement opposable, accompagné d’une politique permettant de le garantir à tous, sans avoir à choisir entre ceux qui pourront en bénéficier immédiatement et ceux pour qui il devra être différé. Oui à un droit opposable, assorti d’une politique d'accompagnement et de justice sociale mettant l’accent sur l'emploi, la qualification et la lutte contre les discriminations. Oui à un droit opposable, avec les moyens pour la puissance publique d’agir sur l’offre et de réguler le marché, dont le jeu rend le logement de plus en plus inaccessible. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Marc Bernier - S’il est un projet de loi susceptible de susciter le consensus dans cet hémicycle, c’est bien celui-ci. En instituant un droit opposable au logement, nous nous attaquons à l’un des maux français les plus manifestes.

Le droit au logement ne doit pas être revendiqué pour les seuls sans-abri, à l’égard desquels le retour de l’hiver fait renaître chaque année, presque machinalement, de la compassion.

M. Jean-Pierre Brard – Il n’y a là rien de machinal.

M. Marc Bernier - Au-delà du réflexe pavlovien ou de la compassion bienséante…

M. Jean-Pierre Brard - Vous parlez pour vous ?

M. Marc Bernier - …nous abordons un véritable problème de société. Les SDF, auxquels nous avons le devoir moral d’offrir un hébergement digne et adapté, ne sont, hélas, si j’ose m’exprimer ainsi, que la partie émergée de l’iceberg. Le droit opposable au logement ne les concerne pas seuls.

Être exclu, c’est ne pas avoir de lieu d’hébergement, alors qu’il fait froid dehors. C’est aussi ne pas pouvoir louer un logement alors même qu’on travaille. C’est être écarté de l’accession à la propriété alors qu’on retire de son travail des revenus honnêtes. C’est aussi s’être acheté un logement avec ses économies, et se le voir ultérieurement confisqué en tout ou partie. Beaucoup de nos concitoyens se sentent ainsi exclus de la propriété, du droit au logement, du simple plaisir de se constituer un « chez-soi ».

Je partage la position de l’UMP pour laquelle la mise en œuvre du droit opposable au logement passe d’abord par la construction en nombre suffisant des logements nécessaires pour répondre à la demande, obligation qui incombe à la fois aux pouvoirs publics, aux collectivités, aux organismes publics et privés. Il convient de répondre aux situations d’urgence des sans-abri et des mal-logés, mais aussi de résoudre la grave crise immobilière que connaît actuellement notre pays.

À cet égard, je tiens, à mon tour, à saluer le travail exceptionnel entrepris par ce Gouvernement, en particulier par Jean-Louis Borloo, sous l’impulsion duquel a été lancée une politique ambitieuse de construction. Le nombre des mises en chantier a augmenté de 40 % par rapport à 2000, et celui des permis de construire accordés de 70 %. L’effort devra être poursuivi, afin de produire davantage de logements sociaux, de logements locatifs privés et de logements destinés à l’accession sociale à la propriété. Telle est l’ambition des élus de l’UMP, derrière Nicolas Sarkozy (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), convaincus, comme lui, que cette crise ne se résoudra pas par les réquisitions prônées par nos détracteurs, en dépit de leurs effets désastreux que chacun connaît. Si Henri IV avait formulé le vœu, en période de disette, que chaque foyer ait de quoi manger correctement chaque dimanche, nous devons aujourd’hui, en période de crise immobilière, souhaiter que chaque foyer puisse accéder à la propriété.

M. Jean-Pierre Brard - Il ne s’agit pas seulement de le souhaiter, mais de le permettre effectivement !

M. Marc Bernier - Pour que le droit au logement puisse devenir réellement opposable, il faut tout d’abord permettre aux jeunes d’accéder à leur premier logement, en supprimant le dépôt de garantie et la caution, tout en garantissant les propriétaires contre les impayés. Il faut également permettre à chaque Français, quelle que soit sa situation, de disposer d’un logement digne, et ce en développant le parc HLM mais aussi le parc locatif privé à vocation sociale.

M. Jean-Pierre Brard - Y compris dans la Mayenne !

M. Marc Bernier - C’est ce que nous faisons.

En contrepartie d’aides publiques, les propriétaires pourraient s’engager à modérer les loyers demandés.

Le droit au logement doit également pouvoir être invoqué par tous ceux qui ont un travail, quel qu’en soit le lieu. Il faut donc développer les logements d’insertion pour les jeunes, afin que nul qui travaille ne puisse se retrouver sans logement.

Il faudrait de même faciliter l’accès à la propriété, en instituant un crédit d’impôt sur les intérêts des emprunts et en permettant à ceux qui n’ont pas d’apport personnel d’emprunter quand même, grâce au crédit hypothécaire et à un dispositif public de caution.

Enfin, l’État ne doit jamais confisquer la propriété : chacun doit pouvoir transmettre sa résidence principale à ses enfants ou ses petits-enfants sans que ceux-ci aient à s’acquitter de droits de succession ou de donation.

M. Jean-Pierre Brard - Pensez-vous à Mme Bettencourt ?

M. Denis Jacquat - C’est une obsession chez vous !

M. Marc Bernier – Voilà le sens que je donne à la notion de droit opposable au logement, laquelle doit toutefois s’accompagner de certains garde-fous. Notre collègue Thierry Mariani a déposé deux amendements, que j’ai cosignés, visant à empêcher que les mesures prévues à l’article premier et à l’article 3 ne fassent de notre pays l’Eldorado de la misère européenne et mondiale.

Convaincu du bien-fondé de ce projet, je le voterai, tout en étant persuadé qu’il ne s’agit que de la première étape d’un très vaste chantier. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Denis Jacquat – Rendre opposable le droit au logement, c’est passer d’une obligation de moyens à une obligation de résultat, l’opposabilité impliquant une responsabilité de la puissance publique.

Je me limiterai à trois propositions. Un droit opposable au logement ne peut être mis en œuvre que s’il existe des logements en nombre suffisant.

M. Jean-Pierre Brard – Tout à fait.

M. Denis Jacquat – La garantie de ce droit est étroitement subordonnée à la capacité de développer l’offre, ce qui exige une grande disponibilité foncière.

M. Jean-Pierre Brard - Tout à fait.

M. Denis Jacquat - Mais on sait qu’aujourd’hui, les logements produits sont largement inadaptés à la demande solvable des ménages. Les OPHLM et les OPAC ont en outre beaucoup de difficultés à construire de nouveaux logements et à rénover le parc existant. Tout cela pèse bien sûr sur les objectifs de programmation et les mises en chantier.

Il faut continuer de construire des logements, notamment sociaux. Les bailleurs sociaux ont pris des engagements dans le cadre du plan de cohésion sociale et du programme de rénovation urbaine, mais pour alléger les coûts, il faut impérativement trouver du foncier à coût raisonnable. À cet égard, l’État a un rôle majeur à jouer. La loi portant engagement national pour le logement prévoit qu’il puisse vendre aux OPHLM et aux OPAC des terrains lui appartenant. Vu la priorité donnée à la question du logement social, il devrait pouvoir les leur céder gratuitement.

M. Jean-Pierre Brard - Très bien !

M. Denis Jacquat – Le droit au logement, c’est pouvoir accéder à un logement digne et s’y maintenir. L’aide publique est souvent pour cela indispensable. La question du seuil en deçà duquel l’aide personnalisée au logement n’est pas versée en raison de coûts de gestion trop élevés fait régulièrement débat. Nous avons récemment abaissé ce seuil de 24 à 15 euros par mois, ce qui permettra à 117 000 foyers supplémentaires de toucher l’APL en 2007. Mais cela ne suffit pas. La perte financière induite par ce seuil pénalise les familles concernées, souvent très modestes. Leur intérêt devrait primer sur celui de l’État : on pourrait par exemple regrouper les sommes mensuelles dues inférieures à 15 euros et les verser trimestriellement ou semestriellement.

Élu d’un département frontalier, je souhaite enfin appeler l’attention sur le problème des réfugiés sans statut. Dans ce cas précis, il conviendrait de viser un droit opposable à l’hébergement, et non au logement.

Ce projet de loi constitue une importante avancée sociale. Il fait honneur à notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Pemezec - Je comprends que le Gouvernement ait souhaité répondre à une situation d'urgence. Son travail en matière de logement, social en particulier, est remarquable, tout comme celui entrepris dans les banlieues. Vous pouvez en être fière, Madame la ministre.

Alors que l’on n’a jamais autant construit depuis deux ans, demeure le problème du logement d’urgence. Il aurait été dommage de ne pas s’attaquer de front à ce problème gravissime, au risque de faire oublier tout ce qui a été fait par ailleurs. Je suis toutefois, pour ma part, quelque peu réservé sur la notion de droit au logement opposable et cela, pour quatre raisons.

Tout d’abord, ce sujet nous a été imposé par les médias qui ont laissé accroire que rien n’avait jamais été fait, ni par les associations spécialisées, ni par les CCAS, ni par l’État. Tous ces acteurs, depuis longtemps engagés dans le combat, ont d’ailleurs été surpris d’être ainsi oubliés des médias, et pour ma part, je tiens ici à leur rendre un hommage appuyé. Le fonctionnement de notre démocratie est curieux, et il faut regretter que l’on confonde parfois démocratie et démagogie. Telle n’est pas ma conception de la République.

En deuxième lieu, comment instituer un droit opposable au logement, droit supplémentaire, placé au même rang que le droit à l’éducation et le droit aux soins, sans préalablement donner à tous les acteurs les moyens de construire davantage, tant dans le secteur privé que dans le secteur social ? Avant d’être opposable, le droit au logement doit être réel. Pour inciter à la construction, j’ai d’ailleurs soutenu en commission une série d’amendements visant à aligner, en matière de fiscalité, le régime applicable aux cessions à la Foncière Logement sur celui des cessions aux bailleurs sociaux. Ces amendements permettront une plus grande mixité sociale dans les quartiers en grande difficulté.

D'autre part, pour encourager les élus à libérer du foncier, il faut abonder la dotation globale d'équipement des communes qui construisent, afin qu’elles puissent financer les équipements publics qui vont avec. Il faut doubler les contreparties pour encourager les maires à construire des logements spécifiques et donc abonder la DGE et la DSU de ces communes, mais il faudrait aussi considérer qu'un logement d'urgence, un logement étudiant ou un logement médicalisé représentent deux logements au sens de l'article 55 de la loi SRU. D'une façon générale, je ne suis pas favorable à la contrainte. Je préfère l'incitation.

Ma troisième inquiétude est la suivante : avec le droit opposable au logement, ne risquons-nous pas de faire de la France le nouvel eldorado du logement automatique ? L’expression « droit opposable au logement » ne risque-t-elle pas de résonner, au-delà de nos frontières, comme un droit acquis et d’appeler sur notre territoire des personnes en grande difficulté, en leur faisant miroiter une vie meilleure que nous n'aurons pas les moyens de leur offrir ? Comment ne pas comprendre que l'on regarde la France avec une envie légitime ? La France du RMI, la France de la CMU, et maintenant la France du droit au logement opposable.

Je m’associe donc aux amendements présentés par mon collègue Thierry Mariani visant, d'une part, à permettre aux seuls étrangers titulaires d'une carte de résident de dix ans, et non d'un an, de bénéficier du droit au logement opposable, d'autre part, à ne prendre en compte que le conjoint et les enfants séjournant légalement en France pour l'opposabilité de ce nouveau droit.

J’aimerais d’autre part savoir, Madame la ministre, de quelle façon il reviendra à l'État – et non aux maires – d'être le garant du respect du droit au logement opposable. Cela signifie-t-il, comme le proposent certains candidats à l'élection présidentielle, que l'État imposera des constructions de logements aux communes et ce, au détriment du principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales ?

Le texte prévoit des garde-fous, tels que le respect du droit commun dans l’attribution des logements. Cela fait du droit opposable au logement un droit non absolu et soumis à certaines conditions et cela devrait donc signifier que, pas plus qu'aujourd'hui, il ne s'agira de donner des logements gratuits aux publics en grande difficulté. Il ne sera pas davantage possible de décider, du jour au lendemain, de s'établir sur telle ou telle commune pour faire valoir son droit opposable au logement. Le texte pose en effet une exigence de résidence d'un an sur le territoire de la commune ou de l'EPCI.

Mais alors, Monsieur le Ministre, pouvez-vous nous dire de quelle façon le préfet remplira sa responsabilité lorsqu'il aura l'obligation de loger dans une ville dénuée de logements sociaux une personne sans domicile, et de ce fait non résidente d'une commune plus que d'une autre ? Les communes disposant de nombreux logements sociaux ne risquent-elles pas de se retrouver les premières asphyxiées par ce droit opposable au logement ? Je pense que, dans un souci de mixité sociale, il serait injuste de pouvoir opposer aux communes disposant de plus de 35 % de logements sociaux ce nouveau droit. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Jean-Pierre Soisson - Nous examinons le dernier grand texte de la législature. Le droit au logement a déjà été défini par le législateur. Le rendre opposable, c’est assigner à l’État l’obligation d’offrir à chacun un logement décent et c’est permettre à chacun d’aller en justice si cette obligation n’est pas remplie. Ce nouveau progrès, que nous approuvons, s’inscrit dans un mouvement d’affirmation progressive, puisqu’en janvier 1995 et en juillet 1998 déjà, le Conseil constitutionnel avait considéré que la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent était un objectif de valeur constitutionnelle.

Le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées s’est naturellement saisi du dossier et le Conseil économique et social a invité, en janvier 2004, le législateur à définir le champ et le contenu de ce droit.

Le projet a été largement modifié par le Sénat…

M. Jean-Louis Dumont - Heureusement !

M. Jean-Pierre Soisson - …et je le regrette.

Disons d’emblée que pour que ce nouveau droit au logement soit effectivement garanti, il faudra que l’offre de logements sociaux augmente significativement dans les années à venir. Cela veut dire que ce projet repose sur la volonté du prochain gouvernement…

M. Alain Néri - Ce sera le nôtre !

M. Jean-Pierre Soisson - …qui devra, quel qu’il soit, augmenter les crédits du logements, sans quoi le présent texte n’aurait aucune signification.

Ce que je regrette, c’est l’introduction de dispositions sans rapport avec le sujet. Le texte que nous examinons est devenu un fourre-tout ! En cette fin de législature, les administrations ont vidé leurs tiroirs. J’en veux pour preuves l’article 8, sur l’élargissement du crédit d’impôt pour les dépenses de service à la personne, l’article 9, sur la restriction de l’accès à certaines prestations sociales, l’article 10, sur la compensation à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales au titre des transferts de personnels de l’État, ou encore l’article 12, sur la majoration des moyens disponibles pour le désendettement des agriculteurs de Corse ! J’espère que le Conseil constitutionnel saura faire le tri et rétablira l’unité d’un texte qui n’a pas besoin pour exister d’apports qui le dénaturent ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Tony Dreyfus - Notre collègue Soisson vient de dire que ce projet est le dernier grand texte de la législature. C’est aussi un texte d’une grande actualité. Et ce n’est pas vous, Madame la ministre, qui me direz le contraire, cela dit sans vouloir vous agresser, car j’ai trop besoin de vous pour régler les problèmes du Xe arrondissement et des berges du canal Saint-Martin (Sourires).

Depuis 2002, les loyers du secteur privé ont augmenté de 24,2 % et les prix au mètre carré, pour l’accession à la propriété, de 72 %. Aujourd’hui, plus de 24 % du revenu des ménages sont consacrés au logement. Cette crise du logement ne peut qu’accentuer la précarité et l’exclusion. Le déficit en logements se situe actuellement entre 700 000 et 900 000.

Quelles sont les causes de cette déconfiture ? Tout d’abord, le fait que l’on n’a pas anticipé l’évolution démographique. Dans l’arrondissement dont je suis le maire, personne n’avait prévu le rajeunissement de la population. Les jeunes ont ensuite bien voulu m’élire, ce qui n’était pas non plus prévu (Sourires)… En deuxième lieu, le parc locatif abordable a vu sa part relative se réduire considérablement. Dans le grand Lyon, par exemple, 6 % des logements privés avaient en 2005 un loyer de niveau HLM, contre 50 % en 1990.

Il est particulièrement préoccupant, dans ce contexte, que tant de communes de la majorité refusent d’appliquer la loi SRU. C’est un dysfonctionnement majeur.

Le texte a été amélioré au Sénat, Monsieur Soisson, l’idée étant que les demandeurs de logements puissent passer un certain nombre de contrôles et ne restent pas toujours derrière la porte. Néanmoins, je ne le voterai pas, non par sectarisme mais parce que c’est trop peu, que cela ne convient pas aux circonstances et que nous allons dans le mur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

La discussion générale est close.
La séance, suspendue à 18 heures, est reprise à 18 heures 10.

Mme la Ministre déléguée - Cette discussion générale a démontré qu’au-delà des clivages politiques, nous avions la possibilité de nous retrouver sur un texte – le dernier de cette législature – hautement symbolique, comme l’a souligné la rapporteure, Christine Boutin, dont chacun connaît la conviction pour mener ce combat. Je salue le travail qu’elle a réalisé sur ce texte avec les deux rapporteurs pour avis, MM. Fenech et Bignon. Jérôme Bignon, membre du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, porte lui-même depuis longtemps la notion de droit au logement opposable, dont il travaille à définir les conditions de mise en œuvre.

Le droit au logement opposable est la garantie pour chacun de pouvoir disposer d’un toit décent, quelles que soient ses ressources et ses capacités. Depuis trois ans, Jean-Louis Borloo cherche à créer les conditions de ce droit. En novembre 2005, nous n’étions pas prêts, Monsieur Dufau, car la question est bien de savoir comment ce droit peut devenir réalité, au-delà de l’incantation.

M. Daubresse, donc chacun a pu mesurer l’action au service du logement, a très bien montré que ce texte était l’aboutissement d’un long parcours républicain, qui a commencé avec la loi Besson de 1990 et s’est achevé avec la remise du rapport du Haut comité début janvier. Même si cela dérange certains, cette avancée n’est aujourd’hui possible qu’en raison des efforts sans précédent des gouvernements successifs pendant cette législature. MM. Le Bouillonnec et Bono ont cherché à expliquer les évolutions des chiffres du logement, et ce n’était pas facile dans la position qui est la leur car cette crise du logement n’est pas arrivée toute seule. Cette crise, Monsieur Néri, vous en avez fort bien expliqué l’origine : entre le projet de loi de finances et la sortie de logements, il se passe au mieux deux ans – et bien souvent quatre ans. Monsieur Cohen, vous avez là la réponse à votre question sur l’augmentation des demandes dans votre permanence.

Vous avez raison, Monsieur Néri : le premier problème, souvent, est celui du foncier. Notre gouvernement a donc mis en place une organisation administrative exceptionnelle, la délégation interministérielle au développement de l’offre de logement. Avec Jean-Louis Borloo, nous faisons le point chaque mois : fin 2006, 130 terrains ont été mobilisés et fin 2007, la construction de 30 000 logements aura pu y être lancée.

Je sais combien le sujet de l’EPF de Bretagne, soulevé par Mme Lebranchu, est difficile. Jean-Louis Borloo travaille avec Dominique Perben et les services de l’équipement pour faire avancer ce dossier.

M. Bono a affirmé que seuls 25 % des logements sociaux construits seraient accessibles aux deux tiers des Français. C’est faux ! Plus de 50 % sont accessibles aux ménages sans ressources. Quant au PLS, c’est la majorité socialiste qui les a créés et qui les a intégrés dans les quotas SRU !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – En 2001, il y en avait seulement 2 000, et aujourd’hui 30 000 !

Mme la Ministre déléguée – S’agissant du nombre de PLAI et de PLUS, c’est vrai qu’il nous faut aller plus loin, et nous l’inscrirons dans la loi. Mais ne rejetons pas pour autant des outils répondent aux besoins de nos concitoyens.

M. Brard a parlé de « maires délinquants ». Plutôt que de les stigmatiser ainsi, je préfère parler de maires qui ont pris du retard pour atteindre les 20 % (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) ! On a accusé le Gouvernement de ne pas faire respecter la loi SRU : je veux rappeler qu’à la fin de la première période triennale, les préfets ont dressé 144 constats de carence. À Saint-Maur, des logements sociaux devraient être prochainement lancés, sur des terrains appartenant à l’État.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Je vous dirai, avant la fin du débat, comment la mairie s’y oppose !

Mme la Ministre déléguée- M. Périssol sait de quoi il parle en matière de réquisition, et a d’autant plus de légitimité à le faire qu’il fut le seul à appliquer cette loi. Le Gouvernement a fait le choix de la confiance, avec la garantie des risques locatifs. Notre objectif est la remise sur le marché de 200 000 logements chaque année. M. Périssol, avec la réquisition, était parvenu, avec beaucoup de difficultés, à en remettre 1 000 sur le marché. Mme Lienemann, après dix mois d’efforts, en avait remis 150.

Pour répondre à M. Pemezec, je rappelle qu’il faut faire la distinction entre les personnes dont la demande n’a pas été satisfaite pendant un temps anormalement long – et devra être satisfaite, si possible dans leur commune d’élection, quel que soit le pourcentage de logements sociaux – et les demandeurs prioritaires selon la loi, notamment les SDF, pour lesquels les préfets devront trouver une solution dans les communes où la proportion de logements sociaux est moindre.

Madame Bello, vous nous avez interpellés à juste titre sur la situation de l’outre-mer. Vous le savez, les crédits figurent sur la LBU sont gérés par le ministre de l’outre-mer, non par celui du logement. En octobre, le Premier ministre a annoncé 120 millions supplémentaires sur la période 2007-2009, dont 60 en 2007. La première conférence nationale du logement outre-mer aura lieu le 27 février.

M. Pinte sait que beaucoup d’outils nouveaux ont été créés par la loi ENL pour inciter les maires à construire davantage de logements sociaux. Le Sénat a voté la prolongation jusqu’à 2013 de l’abattement de 20 % de la TFPB en ZUS pour les organismes HLM qui font de la gestion de proximité ; cela permettra de réinvestir ces sommes dans la construction neuve.

Je partage avec M. Daubresse, la conviction que l’article 6 G, qui facilite la location d’appartements à des associations, doit être appliqué dans les meilleurs délais. Comme Mme Tharin l’a souligné, externaliser la demande de logement va permettre à davantage de nos concitoyens de s’engager dans une démarche vers l’autonomie, tout en étant accompagnés. Le Gouvernement soutiendra les amendements présentés par vos commissions à ce sujet.

M. Abelin a souligné la volonté du Gouvernement d’alléger le coût du logement pour nos concitoyens. Lors de l’examen du projet de loi de finances, j’avais pris des engagements sur l’abaissement du seuil de l’APL : il est passé de 24 à 15 euros. En outre, comme Mme la rapporteure l’a souligné, nous avons souhaité indexer le barème des aides au logement sur l’indice de référence des loyers ; cette indexation automatique sera un signe fort pour nos concitoyens.

MM. Mariani, Pemezec et Bernier se sont interrogés sur l’application aux étrangers du droit au logement opposable. Celui-ci ne concerne que les étrangers ayant vocation à rester durablement sur notre territoire, relevant donc du contrat d’accueil et d’intégration, et dont les catégories sont définies par un décret en conseil d’État pris le 23 décembre 2006.

En matière d’urgence, les gouvernements de cette législature ont été amenés à travailler sur le nombre, mais surtout sur la qualité des places d’hébergement. Nous voulons que cet accueil soit la première marche vers la sortie de l’exclusion. Chacun doit être accompagné, quel que soit son parcours, et dirigé vers les structures qui lui conviennent le mieux, qu’il soit un SDF dans la rue depuis vingt ans, une femme battue et mise à la porte de chez elle trois jours auparavant, ou un jeune toxicomane. C’est le travail effectué depuis des années par les associations.

Mme Annick Lepetit - Alors, il ne faut pas leur supprimer leurs subventions !

Mme la Ministre déléguée - Des places d’hébergement d’urgence ont été transformées en places de « stabilisation », dans des petites structures qui permettent un accueil plus humain. Nous devons également augmenter le nombre de maisons relais, de CHRS, et faciliter le passage entre le CHRS et le logement : c’est le sens du plan annoncé le 8 janvier. Il s’agit de fluidifier la grande chaîne du logement, qui, comme l’a si bien dit M. Néri, souffre d’une embolie.

Je voudrais remercier M. Piron pour son amendement fiscal concernant la TVA à 5,5 % et l’exonération de TFPB, qui facilitera l’application du plan d’urgence pour 2007, soit la création de 27 000 places.

M. Brard a évoqué la construction de bungalows. Cela correspond bien à une demande qui a été faite par des associations. Ce type d’hébergement doit évidemment être limité dans le temps et particulièrement encadré, mais si cela peut permettre à quelques-uns de s’en sortir, pourquoi ne pas essayer ?

Grâce à ce texte, le droit au logement opposable va être progressivement mis en œuvre et placé au même rang que le droit à l’éducation ou aux soins. Je voudrais dire combien je partage l’analyse de MM. Dumont et Soisson, qui ont parlé de ce texte comme d’une chance qui nous est offerte, en fin de mandat, de nous retrouver. Nous devons avancer suffisamment sur le droit opposable au logement pour que rien, demain, ne puisse être remis en question. Ainsi, ce dernier texte de la législature aura démontré que lorsque le Parlement et le Gouvernement se retrouvent, ils permettent les conquêtes sociales d’une République fraternelle (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

Mme la Présidente – J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 7, du Règlement.

Mme Annick Lepetit – Les critiques et les propositions qui ont été formulées au cours de la discussion générale justifient pleinement le renvoi en commission de ce texte.

Reconnaissez tout d’abord que le calendrier retenu rend nos débats bien difficiles. Annoncée le 31 décembre par le Président de la République, puis par le Premier ministre le 3 janvier, présentée au conseil des ministres le 17 janvier et examinée au Sénat du 30 janvier au 1er février, cette réforme a été engagée dans la plus grande précipitation. Elle reste néanmoins nécessaire, et c’est bien parce que nous sommes favorables au droit au logement opposable que nous regrettons la façon dont cette réforme est menée.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques – Vous regrettez surtout de ne pas l’avoir réalisée !

Mme Annick Lepetit – Ce texte aurait mérité un débat digne de ce nom, et non une discussion improvisée et expédiée en quelques jours seulement, à quelques semaines de l’élection présidentielle.

M. Guy Geoffroy On connaît la rengaine !

Mme Annick Lepetit - Nous nous réjouissons toutefois que le Gouvernement accepte enfin de parler du droit au logement opposable, car la partie n’était pas gagnée d’avance. En effet les amendements que dès 2004, les députés socialistes ont déposés à ce sujet, ont été systématiquement rejetés.

M. Guy Geoffroy Qu’aviez-vous fait pendant cinq ans ?

Mme Annick Lepetit - Lors de la discussion du projet loi portant engagement national pour le logement, le 23 novembre 2005, la ministre nous a même répondu qu’il serait prématuré et irréaliste de proclamer l’opposabilité du droit au logement.

Mme la Ministre déléguée - Je viens de vous répondre là-dessus.

Mme Annick Lepetit - On peut donc s’interroger sur votre volte-face. M. Borloo a déclaré au Sénat que cette réforme n’est devenue possible qu’en raison de l’effort sans précédent en faveur du logement accompli ces dernières années…

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques- C’est la vérité !

Mme Annick Lepetit - Le ministre veut nous faire croire que c’est sa politique du logement qui autorise aujourd’hui l’opposabilité du droit au logement. Mais personne n’est dupe : votre action est à mille lieues de ce principe, qui exige une construction massive de logements. Deux tiers des ménages ne peuvent pas accéder aux nouvelles constructions compte tenu du coût trop élevé des loyers ! Seuls 25 % des 420 000 logements mis en construction seront accessibles à l’ensemble de nos concitoyens…

Malgré la croissance incessante du nombre de demandeurs de logements sociaux, qui atteint 1,3 million aujourd’hui, le Gouvernement a préféré donner la priorité aux logements intermédiaires, comme les PLS, qui ne lui coûtent pas grand-chose contrairement aux PLAI. Or, seuls ces derniers répondent aux besoins de la majorité des demandeurs. Un tel décalage entre l’offre et la demande réduira à néant le droit au logement.

De quoi avons-nous donc besoin ? De prévoir des moyens budgétaires considérables et durables. Or, le Gouvernement a fait le contraire depuis 2002. Cette année encore, les crédits de l'État pour la construction locative sociale baissent de 77 millions par rapport à 2006 et sont inférieurs de 152 millions au montant prévu par le plan de cohésion sociale. Les aides au logement ont également subi une nouvelle coupe claire d’environ 196 millions.

Les sommes consacrées aux incitations fiscales, le dispositif « Robien » par exemple, sont en revanche en hausse : 14 % de plus, soit un coût total de 300 millions en 2006, et bientôt 400, voire 500 millions par an jusqu'en 2012 ! C’est un scandale, car ce dispositif n’a fait que contribuer à la hausse des prix de l'immobilier, sans la moindre contrepartie sociale.

Quant à son frère jumeau, le « Borloo populaire », il coûte encore plus cher à la collectivité, avec les mêmes effets. Malgré la crise du logement, la priorité de ce Gouvernement n’est pas d’aider les plus modestes, pourtant concernés par le droit au logement opposable. Après avoir fait adopter, en novembre 2006, un budget du logement en baisse, la majorité propose d’adopter le droit au logement opposable… Cherchez l'erreur !

L’adoption d’un tel principe exige également une mobilisation de toutes les communes de France. Or, l’article 55 de la loi SRU, menacé à plusieurs reprises par des députés-maires UMP, ne sera pas renforcé. Un tiers des communes manquent pourtant à leur obligation de construire au moins 20 % de logements sociaux. Si le Sénat a fait un timide pas en avant, les débats en commission, notamment en commission des affaires économiques, laissent craindre le pire. Aucun de nos amendements tendant à renforcer l’article 55 n’a été retenu et, pis encore, la disposition adoptée au Sénat a été assouplie.

Après des années de surdité, ce gouvernement a été contraint de voir la vérité en face, sous la pression médiatique : sans les Enfants de don Quichotte, examinerions-nous aujourd’hui ce projet de loi ? Je n’en crois rien ! Mais si nous sommes favorables au droit au logement opposable, nous déplorons le flou qui entoure ce texte. Nos amendements visent à transformer une déclaration de principe en réalité pour nos concitoyens.

Il faudra pour cela un changement de politique, dont la responsabilité reviendra au prochain gouvernement et à la prochaine majorité parlementaire. Les associations craignent que ce texte reste sans effet : puissiez-vous les écouter également !

Au Sénat, ce texte a été enrichi de 33 articles nouveaux, dont 23 sont relatifs aux politiques publiques du logement. Nous souhaitons que les avancées ainsi réalisées soient maintenues à l’Assemblée, et même renforcées.

Premier motif de satisfaction, l'article premier bis qui résulte d'un amendement déposé par des sénateurs socialistes : sur le modèle de l'article 55 de la loi SRU, est prévue une sanction financière à l'encontre des communes disposant de moins d’une place d'hébergement d'urgence pour 2 000 habitants, seuil porté à 1 pour 1 000 dans toutes les communes appartenant à une agglomération de plus de 100 000 habitants.

À compter du 1er janvier 2009, les communes qui ne satisferont pas ces conditions feront l'objet d'un prélèvement de solidarité, qui concrétise le droit à l'hébergement opposable, distinct du droit au logement. L'adoption de cet article par l'Assemblée nationale doit être l'occasion de rappeler notre responsabilité d’accueillir les plus démunis et de respecter de la mixité sociale voulue par la loi SRU. À ce sujet, je rappelle que l'on dénombre une place d'hébergement d'urgence pour 474 habitants à Paris contre une seule pour 2 049 habitants dans les Hauts-de-Seine et une pour 2 126 habitants dans les Yvelines. Cette disposition d’origine sénatoriale est donc particulièrement nécessaire…

Nous sommes également heureux que les sénateurs aient accepté une revalorisation annuelle des aides au logement et leur indexation sur l'indice de référence des loyers, demandes que nous formulions depuis des années. Non seulement nous devons adopter cette disposition, de nature à limiter enfin les pertes considérables de pouvoir d'achat subies par les ménages les plus modestes au cours des cinq dernières années, mais il faudrait également supprimer le mois de carence dans le versement des aides au logement. C’est une proposition que nous vous soumettons chaque année, hélas sans succès. J’espère que le Gouvernement saura entendre la commission des affaires économiques, qui a adopté notre amendement pour, a dit le rapporteur pour avis, lui envoyer un signal.

Alors que le texte initial ne comportait aucune disposition visant à renforcer l'effort public en faveur de la construction de logements abordables, le Sénat a revu à la hausse la programmation de logements sociaux pour les trois prochaines années et retenu la proposition des sénateurs socialistes de porter le nombre de PLAI à 20 000 par an d'ici à 2009. Seule cette distinction des PLUS et des PLAI au sein des logements sociaux permettra en effet de relancer la construction de logements « très sociaux », grands oubliés du Gouvernement depuis 2002, alors que nos concitoyens en ont prioritairement besoin. Deux tiers des demandeurs de logement ne pouvant accéder qu'à ces logements compte tenu de leurs ressources, nous demandons que l'effort de l'État soit plus marqué encore : pour 2007, nous proposons de porter de 80 000 à 100 000 le nombre de PLUS et de PLAI.

Autre avancée, quoique modeste : l'extension du champ d'application de l'article 55 de la loi SRU. Seules 250 communes sont concernées, et peut-être moins, car on ignore combien d’entre elles offrent déjà 20 % de logements sociaux, mais cette mesure représente un revirement spectaculaire, moins d’un an après la tentative de l'UMP de vider de sa substance l'article 55 de la loi SRU – avec l’amendement de M. Ollier sur le projet de loi ENL.

La commission a malheureusement rejeté les amendements que nous avons déposés pour étendre bien davantage le champ d'application de l'article 55 et renforcer les sanctions, au motif que la réforme de l’article 55 serait hors sujet. M. Ollier a déclaré qu’il fallait « distinguer les enjeux associés à la politique du logement, dont relèvent les débats relatifs à l'article 55 de la loi SRU, de ceux attachés au droit opposable à l'hébergement et au logement, qui relèvent d'autres logiques et soulèvent d'autres questions ». Le véritable enjeu est pourtant de disposer d'une offre suffisante de logements, sur tout le territoire. L'opposabilité du droit au logement ne va pas sans une politique publique volontariste, faisant du logement une grande cause nationale.

C'est pourquoi nous demandons qu’un nombre plus important de communes participent effectivement à la solidarité nationale, que l’État accepte de céder ses terrains à des coûts compatibles avec la production d'un parc locatif social et que les acquéreurs d'immeubles et de terrains appartenant auparavant au domaine privé de l'État soient obligés d'y réaliser des logements locatifs sociaux, notamment dans les communes soumises à l'obligation prévue par l'article 55. Nous souhaitons enfin la suppression de la possibilité de comptabiliser comme logements sociaux, pendant cinq ans, les logements dont la convention est venue à expiration.

L’article 55 est un levier pour que le droit au logement opposable soit effectif. Grâce à lui, 16 000 PLAI et PLUS ont été mis en place en 2006 mais il ne faudrait pas oublier, comme M. Borloo a tendance à le faire, que c’est la loi SRU, votée sous le gouvernement de M. Jospin, qui a permis d’enjoindre les communes de construire.

Ne boudons pas notre plaisir : les sénateurs de la majorité et le Gouvernement ont accepté des dispositions qu’ils refusaient jusqu’ici et que nous avions toujours réclamées. Cela ressemble un peu aux soldes avant fermeture, à moins qu’il ne s’agisse de l’effet élection ! Mais au-delà des avancées réalisées par le Sénat, il s’agit d’assurer que le droit opposable sera effectif.

Le dispositif proposé est fondé sur un système à double détente : la saisine de la commission de médiation qui désigne les demandeurs dont elle estime le dossier urgent et détermine pour chacun les caractéristiques du logement qui devrait lui être attribué ; la saisine éventuelle du tribunal administratif en cas de décision favorable de la commission non suivie d’effet. Je note tout d’abord que tous les départements ne disposent pas de commission de médiation. Sur les soixante qui ont été constituées, deux seulement ont siégé. Si l’obligation de les créer avant l’entrée en vigueur du droit au logement n’est pas prévue dans ce texte, le système ne fonctionnera pas. Le Sénat a certes prévu à l’article 3 une disposition organisant les modalités de recours juridictionnels en l’absence de commissions de médiation, mais l’essentiel du texte reposant sur elles, faisons en sorte que le dispositif proposé fonctionne !

Deuxième faiblesse : le projet ne précise pas le délai dans lequel la commission doit rendre ses décisions, renvoyant celui-ci à un décret. Nous proposons qu’il soit de trois mois au maximum. Le texte prévoit, de surcroît, que les commissions jugeront sans motivation écrite du caractère prioritaire et urgent d’une demande ; les commissions des affaires économiques et des affaires sociales ont heureusement accepté de modifier le texte pour instaurer la motivation écrite : j’espère qu’elles seront suivies ici.

Troisième faiblesse : la commission de médiation peut déterminer, pour les demandeurs qu’elle estime prioritaires, qu’un hébergement est plus ou moins adapté, sans que sa décision puisse être contestée autrement que par la procédure existante, particulièrement longue.

Nous demandons, enfin, que les commissions soient dotées des moyens humains nécessaires à l’accomplissement de leurs missions.

Le Sénat n’a guère modifié le texte en ce qui concerne la saisine du tribunal administratif. Si nous nous réjouissons qu’il ait introduit la saisine directe du juge administratif en l’absence de commission de médiation dans le département, ainsi que la possibilité de faire appel des décisions du juge, des insuffisances demeurent : le texte ne précise pas le délai dans lequel le préfet doit attribuer un logement à un demandeur reconnu prioritaire par la commission. Afin de protéger efficacement le demandeur, nous proposons que la loi fixe à trois mois le délai laissé au préfet. Ensuite, le demandeur pourrait saisir le tribunal administratif. À ceux qui disent qu’il faut de la souplesse, je réponds qu’un droit n’est effectif que s’il est bien défini et encadré ! En outre, il serait incohérent qu'une demande prioritaire et déclarée urgente par la commission de médiation ne soit pas traitée par le préfet pendant plusieurs mois.

Nous proposons de rendre systématiques les astreintes dans le cas où le tribunal administratif ordonnerait le relogement ou le logement d'un ménage reconnu prioritaire. De cette manière, la décision du tribunal n'aura que plus de poids et incitera le préfet à répondre rapidement au requérant. Nous proposons également que les astreintes décidées par la juridiction administrative soient directement versées au profit des demandeurs et que leur montant ne soit pas inférieur à 100 euros par jour, afin que ceux-ci puissent utiliser ces sommes pour se loger provisoirement. En l’état, le texte prévoyant le versement des astreintes par l'État aux fonds d'aménagement urbains régionaux, on peut considérer que la puissance publique se les verse à elle-même. Or, le versement d'une somme à un fonds n'aidera en rien le requérant à trouver par ses propres moyens le logement que l'État ne peut lui fournir. Quelle satisfaction retirera-t-il de la condamnation de l'État ?

Mme la Ministre déléguée - Propos démagogiques.

Mme Annick Lepetit – S'agissant de l'application de la décision du tribunal administratif, nous demandons que le juge puisse s'assurer que l'autorité responsable du droit au logement opposable s'engage également sur la mise en œuvre des moyens nécessaires pour faciliter l'accès du demandeur et son maintien dans le logement ou la structure adaptée. En effet certains demandeurs ont besoin de mesures temporaires de suivi et d’accompagnement.

Nous proposons aussi que les délégataires du contingent préfectoral assument la responsabilité de l’application du droit au logement. Il faut pouvoir les solliciter directement. C'est d'ailleurs ce que proposait le texte initial du Gouvernement. Et quels logements les préfets ayant délégué leur réservation aux maires proposeront-ils ?

Autre lacune du texte : les personnes concernées ne pourront être accompagnées par des associations au cours de l'ensemble de la procédure. Or, chacun sait que nombre d’entre elles ne pourront pas faire face seules à une procédure aussi complexe. En leur refusant d'être accompagnées par des associations, le Gouvernement vide le texte de sa substance et abandonne son ambition proclamée.

Enfin, le suivi et l'évaluation de l’application du texte ne sont pas garantis. Le Sénat a inscrit dans la loi, comme nous le demandions, l'établissement d'un haut comité de suivi mais ni sa composition ni ses missions, renvoyées à un décret, ne sont précisées. M. Borloo a dit le 30 janvier au Sénat que ce projet ne prétend pas détailler l'ensemble du processus opérationnel : c’est bien ce qu'on lui reproche ! Pire, il risque d'être sans effet : pour que le droit au logement opposable soit effectif, il faut des logements pour tous et partout sur le territoire. Or, ce n’est pas le cas. Le texte risque même d'accentuer les inégalités territoriales, la paupérisation et la ghettoïsation de nombreux quartiers. Là aussi, nous proposons des solutions.

Le projet cantonne l’application du droit au logement opposable au seul contingent préfectoral. Or, les droits de réservation de l'État sont trop restreints. Pour que l'État soit en mesure d'assurer son rôle de garant du droit au logement, il doit disposer de réservations de logements dans tous les programmes de logements sociaux. Nous proposons donc que la loi impose un taux minimum de 25 % de logements réservés. Sachant que le taux de rotation dans le parc social est particulièrement bas, il est également nécessaire de solliciter le parc privé conventionné. Le Sénat a certes fait quelques avancées dans ce sens mais il est possible d’aller plus loin. Nous devons mobiliser le parc locatif privé, qui a fait l'objet de dispositifs fiscaux au bénéfice des propriétaires. Nous proposerons des amendements en ce sens.

Nous demandons que les territoires possédant déjà de nombreux logements sociaux, soit 50 % du nombre de résidences principales, ne soient pas concernés. Il serait en effet anormal que l'application du droit au logement consiste à proposer des logements dans des communes ayant déjà fait de gros efforts. Nous proposons de rendre responsables de la mise en œuvre de l’opposabilité les communes qui font l'objet d'un constat de carence en application de l'article 55 de la loi SRU.

Nous proposons également d'affecter un coefficient supérieur au logement financé par un PLAI et de minorer les PLS afin de mieux accompagner les collectivités locales qui accueillent sur leur territoire les populations les plus modestes, et d’inciter davantage à la réalisation de logements sociaux et très sociaux qu'à celle de logements intermédiaires. Il faut également prendre en considération les communes ayant entrepris une opération de renouvellement urbain et ayant, à cet effet, dégagé des logements libres : le texte menace de leur imposer, par injonction du préfet, des familles à reloger.

Si nos amendements ne sont pas retenus, il est évident que la plupart des attributions seront prononcées dans des territoires concentrant déjà un nombre important de logements sociaux, ce qui ne manquera pas d’accroître la ségrégation urbaine. Au Sénat, M. Borloo a assuré que ce problème sera examiné avec le comité de suivi avant le mois de juillet. Voilà qui n'est guère rassurant ! Le ministre reconnaît qu'un problème se pose mais il n'en discutera que lorsque la loi sera votée ! Légiférons-nous sur le droit au logement opposable ou non ? Si oui, nous devons être consciencieux et examiner tout ce qui pourrait troubler son application.

Voilà pourquoi un tel projet ne peut être examiné en quelques jours, dans la précipitation. Une telle réforme aurait nécessité des débats plus longs, enrichis par des consultations de tous les acteurs du logement et des élus. Afin d'accroître sa portée, d'en corriger les intolérables lacunes et de mettre le citoyen au cœur du dispositif, il est impératif de renvoyer ce projet en commission ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)

Mme la Ministre déléguée – Je l’ai déjà dit : en novembre 2005, les conditions n’étaient effectivement pas réunies pour mettre en place l’opposabilité, le Haut comité n’avait pas été saisi.

Vous affirmez que le PLS ne coûte rien à l’État : c’est faux !

Mme Annick Lepetit - Il coûte moins que le PLAI.

Mme la Ministre déléguée – Demandez donc à M. Besson de parler de finances publiques ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Cela représente un équivalent de subvention de 15 % environ. Quoi qu’il en soit, nous sommes tous d’accord pour augmenter le nombre de PLAI et de PLUS.

Sur cent départements, on compte 76 commissions de médiation. Il faut évidemment que tous en soient pourvus dans les meilleurs délais afin d’appliquer cette loi.

Plusieurs amendements ont été proposés pour renforcer ces commissions de médiation. Enfin, le comité de suivi du Haut comité supervisera la mise en œuvre de ce texte. Oui, ce sera difficile, mais à chacun d’entre nous de tout faire pour avancer.

S’agissant des fonds d’aménagement urbains régionaux, vous savez bien que le tribunal administratif ne peut pas verser d’indemnités à des particuliers. Rien n’empêche en revanche de le faire par la procédure de droit commun. En ce qui concerne l’hébergement d’urgence, je suis tout à fait d’accord pour répartir au mieux les places, mais il faut garder à l’esprit que les acteurs de l’urgence réclament de petites structures, placées autour des lieux de vie des personnes en difficulté – dont nous savons tous qu’elles sont en majorité dans les métropoles. Qu’il y ait demain, ailleurs, des lieux d’une qualité telle qu’ils attirent beaucoup de monde, j’en serais ravie, mais pour l’instant, il faut répondre aux besoins là où ils s’expriment.

Ce texte propose donc des réponses constructives, qui permettront de faire progresser notre droit, mais aussi l’égalité entre nos concitoyens. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est totalement opposé au renvoi en commission (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles – Je salue une intervention de Mme Lepetit très technique et très structurée. Pour le reste, on ne peut pratiquement être d’accord sur rien… Mme la ministre a parlé des points techniques. Pour ma part, je voudrais rappeler la dimension humaine et sociale du sujet dont nous débattons.

Mme la Rapporteure - Très bien !

Mme Annick Lepetit - Vous ne vous en êtes pas rendu compte avant ?

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles – Avez-vous le droit d’utiliser tous les artifices pour repousser le débat ? Avons-nous le droit d’attendre ?

Mme Annick Lepetit - Mais c’est vous qui avez attendu !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles – Ce texte est une étape indispensable. Il nous permettra de faire entrer le droit au logement opposable dans la réalité. Même si, j’en conviens, des incertitudes juridiques demeurent, même s’il est nécessaire de simplifier les procédures qui se sont empilées, nous n’avons pas le droit d’attendre !

En commission, le travail a été extrêmement approfondi. Les délais étaient certes très courts, d’autant que le Sénat a porté le texte de 9 à 42 articles, mais la session se termine dans trois jours.

Plusieurs députés socialistes – Justement !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles – Je préfère franchir une étape tout de suite plutôt que ne rien faire du tout ! La commission a eu à cœur de procéder à un examen attentif de chaque proposition. Au cours de ses trois réunions, elle a examiné 337 amendements et en a adopté 158, dont un certain nombre venus de l’opposition ou cosignés par les députés présents sur l’ensemble des bancs : ce sont des signes qui ne trompent pas. De nombreux amendements ont en outre été votés à l’identique avec la commission des affaires économiques ou la commission des lois : je profite de cette occasion pour saluer la qualité de la coopération que nous avons eue avec elles. Enfin, de très nombreuses auditions ont été organisées par les trois rapporteurs Mme Boutin, M. Bignon et M. Fenech. Bref, ce sont là autant de preuves de la qualité du travail préalable et du climat de bonne entente qui a régné, à propos d’un thème qui ne doit pas faire l’objet de politique politicienne. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme la Rapporteure – Très bien !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles – Le renvoi en commission n’est donc absolument pas opportun. Je souhaite que l’examen des articles s’engage dans le même esprit de concorde que le travail en commission. La cause le mérite : ce texte représente un grand pas dans la lutte contre l’exclusion (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

Mme la Présidente - Nous en venons aux explications de vote.

M. Michel Piron – J’ai toujours autant de mal à comprendre les arguments socialistes. Celui concernant le calendrier par exemple : si les problèmes sont urgents, comment s’opposer à ce qu’ils soient traités aujourd’hui ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Mme Annick Lepetit - Et pourquoi ne l’aviez-vous pas fait en 2005 ?

M. Michel Piron – La relance du logement ne se fait ni en un jour, ni en un an.

Mme Annick Lepetit – Pas en deux mois non plus !

M. Michel Piron – Les PLUS et PLAI sont passés de 38 000 en 2000 – j’omets les centaines – à 58 000 en 2006. Lorsqu’on étudie l’évolution des chiffres, on voit bien que les décisions de 2000 ont eu des conséquences jusqu’en 2003 et qu’il a fallu laisser le temps à notre politique de relance de produire ses effets pour atteindre une courbe de production permettant de prendre des engagements réalistes. Et encore ne répondrons-nous pas à toutes les demandes : il manque encore quelque 800 000 logements, dont probablement la moitié de logements sociaux. Mais nous sommes aujourd’hui en mesure de répondre aux priorités définies par l’article 2 du projet, ce qui n’était pas le cas auparavant.

On entend en permanence, d’une manière étrange, mettre en accusation les PLS. Mais heureusement qu’on répond aussi aux demandes de logement intermédiaire, car autrement, elles se reporteraient sur les logements sociaux et aggraveraient encore le déficit en la matière ! Les logements PLS répondent à une demande puisqu’ils sont occupés !

Mme Annick Lepetit - Ça dépend où !

M. Michel Piron - À vous entendre, l’immense majorité des logements construits ces dernières années ne répondraient pas aux besoins. Or il y a à peine 2 % de logements vacants sur le total du parc – soit 32 millions de logements ! C’est donc un mauvais procès. Il faut toute la gamme des logements pour répondre à des situations diversifiées.

Enfin, les engagements financiers sont la meilleure preuve de notre crédibilité. Les contester n’est pas sérieux ! La programmation de 2007 à 2009, approuvée par le ministre lors du débat au Sénat, devrait représenter un surcroît de dépenses de 850 millions : les comptez-vous pour rien ? L’indexation des aides à la personne a atteint 2,8 % au 1er janvier.

Mme Annick Lepetit – 2007 !

M. Michel Piron - Faut-il vous rappeler qu’un point d’indexation représente 140 millions : les comptez-vous pour rien ? Le fait est que les moyens sont au rendez-vous, et que ce n’était pas le cas de votre temps (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Il n’y a eu que trois revalorisations depuis 2001 !

M. Michel Piron – Nous soutenons une politique tournée en priorité vers les plus fragiles d’entre nous. Nous voterons les moyens considérables qui lui sont consacrés. Bref, il n’y a aucune raison de renvoyer ce débat si urgent (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Frédéric Dutoit – S’il y a une raison de renvoyer ce texte en commission, c’est bien, en réponse à l’appel de M. Piron tout à l’heure, la nécessité d’être tous rassemblés sur une loi instituant le droit opposable au logement !

M. Denis Jacquat - Il n’y avait pas un communiste en commission !

M. Frédéric Dutoit - Nous partageons l’objectif du droit opposable au logement. Nous voulons le réussir. Mais votre attitude me rend sceptique quant à votre volonté de ne pas passer en force sur un projet de loi qui évacue l’essentiel de la question, à savoir assurer ce droit opposable à tous sur l’ensemble du territoire. Cette question aussi doit nous rassembler, sans quoi ce texte ne sera que poudre aux yeux. Je vous tends donc la main, alors que nous avons entendu tout à l’heure des propos qui ne sont pas acceptables : admettez que tout citoyen de France, quelle que soit sa nationalité, et même s’il n’a pas de papiers, doit pouvoir bénéficier du droit au logement, sans quoi nous allons encore aggraver les conditions de vie de l’ensemble des Français. Pour que ce projet puisse être voté par nous tous, le renvoi en commission s’impose (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Une centaine d’amendements n’ont pu être examinés ce matin en commission… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Denis Jacquat - Il y avait un seul commissaire socialiste et aucun communiste !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Pour avoir assisté à cette réunion de la commission au titre de l’article 88, je puis témoigner que nous avons dû examiner en moins de vingt minutes, dans des conditions très difficiles, des dizaines et des dizaines d’amendements émanant de tous les groupes…

M. le Président de la commission – Y compris du parti socialiste !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – J’y reviendrai.

On nous explique qu’il est urgent de faire voter cette loi car un grand nombre de nos concitoyens ont besoin de voir reconnu ce droit opposable au logement. Mais vous rendez-vous compte seulement aujourd’hui de l’urgence de la situation ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Annick Lepetit a eu raison de dire que Les Enfants de don Quichotte, à quelques mois d’une échéance électorale majeure, ont réussi à vaincre votre surdité – votre cécité, ajouterais-je. Alors que vous êtes aux affaires depuis cinq ans, vous semblez découvrir la crise du logement et des sans-abri, alors qu’elle dure depuis des années !

Le premier rapport du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées qui évoquait l’opposabilité du droit au logement date de 2002.

Mme Annick Lepetit - Tout à fait.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Et depuis lors, tous les rapports de ce Haut comité sont revenus sur le sujet. En 2004, le Conseil économique et social a lui-même remis un rapport concluant à la pertinence de l’opposabilité de ce droit. Depuis 2003, chacun des rapports de la Fondation abbé Pierre a lui aussi abordé cette question.

M. Yves Bur – Mais qu’avez-vous donc fait pendant que vous étiez au pouvoir ? Quel procès des années Jospin !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Si lors de l’examen du projet de loi de cohésion sociale en 2004, j’ai déposé des amendements à ce sujet, c’est que tous les acteurs du logement social soulevaient cette problématique. Et je dois ici rappeler que Mme Boutin, s’inspirant elle aussi de tout ce travail mené en amont, avait déposé des amendements identiques qui, hélas, ont eux aussi été repoussés.

Vous n’aviez alors rien perçu de la gravité de la situation quand d’autres, depuis longtemps, réfléchissaient à l’institution de ce droit opposable au logement. Alors, de grâce, ne venez pas aujourd’hui nous dire qu’il faut adopter d’urgence ce texte ! L’improvisation dans laquelle vous avez travaillé vous a même conduits à préparer un premier projet en total décalage avec le travail du Haut comité, dont vous semblez ignorer qu’il n’a pas soulevé la question de l’opposabilité le 31 décembre dernier... (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Mme la Présidente - Veuillez conclure, je vous prie.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Tant mieux pour nous si Les Enfants de don Quichotte ont permis de braquer les projecteurs sur ce grave problème !

Si nous demandons aujourd’hui le renvoi en commission, c’est que nous aurions pu nous associer à ce texte mais que nous avons été privés de cette possibilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis – Pour être membre du Haut comité… (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean-Pierre Dufau - À quel titre intervient-il ? Nous sommes dans les explications de vote.

Mme la Présidente - Un peu de calme, je vous prie. C’est moi qui préside.

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis – Il est extraordinaire que M. Le Bouillonnec, qui n’a jamais participé aux travaux du Haut comité, en écrive l’histoire… telle qu’elle n’a pas été (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Louis Dumont et Mme Annick Lepetit – Scandaleux !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Ne pas être membre du Haut comité ne m’empêche pas de prendre connaissance de ses travaux !

La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Rappel au Règlement.

Plusieurs députés UMP - Sur le fondement de quel article ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Reprocher à un député d’invoquer le rapport d’une instance, au motif qu’il n’en est pas membre, est indigne d’un rapporteur (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Je ne suis membre ni du Conseil constitutionnel, ni du Conseil d’État, ni du Conseil économique et social… Cela m’interdit-il de me référer à leurs travaux ? Le premier rapport du Haut comité pour le logement des personnes défavorisés a été publié en 2002 et c’est sur cette base que j’ai, dès 2004, déposé des amendements relatifs à l’opposabilité.

Nous n’admettrons pas qu’au motif que nous sommes dans l’opposition, tous nos arguments soient systématiquement repoussés et qu’on nous fasse un procès en incompétence. Car voyez-vous, en matière de politique du logement, il y a ceux qui élaborent des théories et ceux qui, tout en élaborant des théories, sont également acteurs de cette politique. J’ai la prétention d’être de ceux-ci (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Nous demandons que notre expertise soit aussi reconnue (Mêmes mouvements).

Je demande une suspension de séance.

M. Marc Laffineur - Le problème du logement est assez grave pour justifier l’emploi d’un autre ton dans ce débat. D’où vient la crise actuelle du logement ? De 1997 à 2002… (Très vives protestations sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Annick Lepetit – Voilà, laissez croire que tous les problèmes sont apparus pendant cette période !

M. Marc Laffineur - L’adoption de la loi SRU et de la loi Besson ont entraîné la révision des POS des communes, ce qui a bloqué les constructions durant des années (Protestations persistantes sur les bancs du groupe socialiste).

M. Lucien Degauchy - Écoutez-le ! Il a raison.

M. Marc Laffineur - De 1997 à 2002, le manque de constructions a été patent et le retard accumulé considérable. Nous avons heureusement inversé la tendance en 2002 et jamais depuis vingt ans on n’a autant construit dans notre pays que depuis lors (Brouhaha sur les bancs du groupe socialiste). Gardons notre calme, nous légiférons sous l’œil de nos concitoyens. Abordons ce texte avec un peu plus de sérénité, dans le seul souci d’être efficaces et de redonner de l’espoir à des millions de nos concitoyens.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.
La séance est levée à19 heures 25.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne deux heures après la fin de séance.
Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.
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