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Assemblée nationale

Compte rendu
analytique officiel

3ème séance du mardi 20 février 2007

Séance de 22 heures
63ème jour de séance, 145ème séance

Présidence de M. René Dosière
Vice-Président

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La séance est ouverte à vingt-deux heures.

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droit au logement opposable (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

après l'Art. 2

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – L’amendement 251 se situe dans la même ligne que ceux qui proposaient la prise en compte, dans le dispositif d’opposabilité du droit au logement, du patrimoine des bailleurs et propriétaires autres que ceux qui sont mobilisables dans le cadre du droit de réservation. Plus contraignant que la rédaction issue du Sénat, il permet à l'État de proposer aux propriétaires d’un logement faisant l'objet d'une convention avec l'ANAH de le louer à des personnes disposant de ressources modestes, inscrites sur une liste arrêtée par le préfet. Il permettrait de mobiliser le parc locatif privé conventionné pour mettre en œuvre le droit au logement opposable, et d’informer les bailleurs de logements concluant des conventions avec l'ANAH que les logements aidés pourront être mobilisés dans ce but.

L’objectif est d’élargir l’offre. Le dispositif d’opposabilité du droit au logement devant fonctionner sur des territoires déterminés, il paraît judicieux de créer un lien entre la demande de logement sur un territoire et le patrimoine conventionné par l’ANAH sur ce même territoire. Il convient donc que les bailleurs qui recherchent, par la convention, l’accompagnement de l’État aient accès à la liste des demandeurs. Ce dispositif atteindrait son plein effet si l’on faisait bénéficier les locataires entrant dans ces logements de l’ensemble des accompagnements sociaux qui permettent de stabiliser leur situation.

Mme Christine Boutin, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales La commission a repoussé cet amendement, qui est satisfait par l’amendement 8 adopté à l’article 2.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes  Comme pour l’amendement 250, le Gouvernement ne souhaite pas imposer des contraintes supplémentaires aux bailleurs, de crainte qu’il n’y ait bientôt plus de propriétaires pour s’engager dans ce type de conventionnement. Avis défavorable.

M. Michel Piron - Je suis tout à fait d’accord avec la première partie du raisonnement de M. Le Bouillonnec, mais pas avec ses conclusions ! Oui, il faut augmenter l’offre ; mais lorsque les logements sont conventionnés, par définition ils sont occupés : ils font donc partie de l’offre, laquelle doit répondre à des attentes diverses, et imposer des plafonds de ressources en conséquence. En voulant imposer une telle contrainte à la totalité du parc conventionné de l’ANAH, vous risquez tout simplement de décourager les bailleurs privés qui prennent aujourd’hui l’engagement, sous conditions contractuelles, de louer des logements, et donc de restreindre l’offre. Celle-ci doit être diverse : je ne pense pas que votre objectif soit 100 % de logement social ! Le moyen que vous proposez me semble donc totalement opposé au but que vous visez. L’ANAH est d’ailleurs très réticente à cette proposition.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Il est singulier de trouver normal que l’État apporte une aide à un propriétaire sans fixer certaines conditions relatives au bail.

M. Michel Piron - C’est faux ! Il y a des conditions de ressources !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Certes. Mais l’ANAH conduit une grande partie de ses opérations en partenariat avec les collectivités locales, dans des dispositifs de réhabilitation du patrimoine ancien et de requalification du patrimoine insalubre. Il est évident que, dans le même temps où l’on construit le dispositif d’opposabilité du droit au logement, on appelle aussi, qu’on s’en réjouisse ou qu’on s’en inquiète, une réponse territorialisée. Dès lors, il est inenvisageable que l’offre de logement se réduise exclusivement au droit de réservation chez les bailleurs sociaux – et je préciserais même les bailleurs sociaux publics, car ce sont eux qui, dans la pratique, sont concernés par le contingent préfectoral. C’est le bailleur public – office HLM, OPAC départemental – qui accueille ceux qui sont le moins susceptibles de pouvoir payer leur loyer. Si l’on s’engage dans une territorialisation de la réponse aux demandeurs prioritaires, il est nécessaire d’inclure l’ensemble du patrimoine aidé. L’accès à ces logements est déjà subordonné à un niveau de ressources, je ne vois pas pourquoi il ne serait pas destiné à certains bénéficiaires.

L'amendement 251, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Rapporteure - L’amendement 13 est un amendement de coordination. Les amendements 43 de la commission des affaires économiques et 85 de la commission des lois sont identiques.

Les amendements 13, 43 et 85, acceptés par le Gouvernement, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Ministre délégué – L’amendement 382 du Gouvernement regroupe les amendements 72 et 112, déposés respectivement par M. Lagarde et M. Vercamer. Il donne une définition de la notion d‘habitat indigne, indispensable pour légitimer les données qui seront collectées par l’observatoire prévu par la loi portant engagement national pour le logement. Ces données seront déterminées par un décret en Conseil d’État après avis de la CNIL, laquelle, dans un domaine aussi sensible, sera naturellement attentive à l’habilitation donnée par la loi au pouvoir réglementaire. Par ailleurs, cet amendement étend le champ de l’observatoire à l’ensemble des logements non décents.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Notre amendement 309 2e rectification vise à articuler les dispositions de la loi SRU destinées à lutter contre le logement indigne avec celles du présent texte. À cet effet, nous proposons que les locaux reconnus par la commission de médiation comme impropres à l’habitation soient signalés aux différentes instances en charge du logement des personnes défavorisées, de sorte que celles-ci, peu armées pour discuter avec les propriétaires et faire valoir leurs droits, ne soient pas contraintes d’y loger. La liste des locaux indignes doit être largement diffusée, afin que les personnes devant quitter un hébergement d’urgence ne soient pas dirigées vers un logement insalubre ou dangereux.

M. le Ministre délégué – Le Gouvernement vous propose de retirer cet amendement, dans la mesure où son amendement 382 est une synthèse harmonieuse (Murmures) des amendements 72, 112 rectifié et du vôtre.

Mme la Rapporteure – Même analyse : la commission n’a pas examiné l’amendement 382 du Gouvernement, mais j’y suis personnellement favorable car il fait la synthèse des trois autres. Avis défavorable à l’amendement 309 2e rectification s’il devait être maintenu.

M. Patrick Braouezec – Je suis surpris de découvrir, dans l’amendement du Gouvernement, que la commission de médiation serait chargée de « reconnaître » qu’un local est impropre à l’habitation. Ce n’est pas son rôle, et elle ne dispose pas des moyens nécessaires pour remplir cette mission !

M. le Ministre délégué – Si, il revient à la commission de signaler l’insalubrité d’un logement et de le reconnaître impropre à l’habitation.

M. Patrick Braouezec – Je ne vois pas comment elle pourra le faire !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Je maintiens l’amendement 309 2e rectification.

L'amendement 382, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – En conséquence, L'amendement 309 2e rectification tombe.

M. Jean-Louis Dumont – Permettez-moi d’abord de dire que je suis un peu surpris de voir un troisième ministre siéger au banc du Gouvernement pour défendre ce texte ! Soit M. Larcher incarne une nouvelle force de frappe (Sourires), soit il faut en conclure – et c’est plus probable – que ce texte de toute fin de législature ne mérite pas une attention constante… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le Président – Le Gouvernement parle d’une seule voix. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Dumont – Mon amendement 254 vise à inscrire dans la loi les orientations du relevé de décisions signé par M. Borloo le 8 janvier dernier avec la fratrie Legrand, représentant les Enfants de Don Quichotte. L’objectif – conforme à celui d’un amendement que nous avons adopté la semaine dernière – est de veiller à ce que personne ne puisse quitter un hébergement d’urgence sans se voir proposer un accompagnement social déclinant un véritable parcours résidentiel de réinsertion par le logement. La disposition serait d’application immédiate, afin de prévenir tout retard. Au bord du canal Saint-Martin, nombre de sans-toit présentent des difficultés sociales particulièrement lourdes, et l’on voit bien qu’il faut du temps pour analyser leurs besoins et leur proposer un accompagnement adapté. Il ne faut pas que l’alternative soit de rester dans la rue ou d’entrer dans un logement sans accompagnement. Les plus fragiles ont certes besoin d’un toit, mais aussi d’un appui personnalisé.

M. Michel Piron – Votre préoccupation est déjà satisfaite !

Mme la Rapporteure – La semaine dernière, Monsieur Dumont, nous avons rédigé ensemble un article additionnel qui répond à votre préoccupation…

M. Jean-Louis Dumont – C’est vrai.

Mme la Rapporteure – …et je suis donc encline à considérer que votre amendement est satisfait.

M. Jean-Louis Dumont – Pour partie !

Mme la Rapporteure – Je vous invite par conséquent à le retirer.

M. le Ministre délégué – Monsieur Dumont, le Gouvernement parle d’une seule voix et la trinité qui compose le pôle de cohésion sociale est parfaitement unie (Exclamations).

Comme vient de le dire votre rapporteure, votre assemblée a adopté jeudi dernier un amendement qui répond à vos préoccupations. Nous sommes bien conscients que l’on ne se retrouve pas à la rue sans cumuler un certain nombre de difficultés et que le relogement ne résout pas tout. Aujourd’hui, quatre associations, au canal Saint-Martin et ailleurs, accompagnent les hommes et les femmes concernées, et comme vous l’avez dit vous-même, cela prend du temps. Dès lors, plutôt que de reprocher au Gouvernement d’avoir pris du retard, je crois qu’il serait juste de rendre hommage à Catherine Vautrin, qui travaille sans relâche, jour et nuit, pour proposer des solutions adaptées. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP ; exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Il était de mon devoir d’en porter témoignage.

Naturellement, il faut toujours faire plus. C’est ce à quoi, chacun à notre place, nous travaillons. En même temps, je voudrais dire qu’il est trop facile d’affirmer, en rentrant de je ne sais où, qu’il y a un manque de considération pour le travail des associations. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. Jean-Louis Dumont – C’est Augustin Legrand que vous visez ?

Mme Annick Lepetit – Vous défendez Mme Vautrin, c’est votre droit. Le Premier ministre, lui aussi, a dû ce matin monter au créneau pour la défendre. Mais ce que nous mettons en cause, ce ne sont pas les personnes, c’est l’action politique du Gouvernement. Or rien, strictement rien n’est réglé pour les gens du canal Saint-Martin ou d’ailleurs…

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – Ce n’est pas vrai !

Mme Annick Lepetit – Aucun dispositif d’achat de locaux, aucune politique pérenne n’a été mise en place depuis la conférence de presse du Premier ministre début janvier. Vous offrez des places d’hôtel, des préfabriqués, des places temporaires dans des locaux vétustes appartenant à des organismes publics. Mais tout cela est à court terme, pour les prochaines semaines seulement. Et c’est dans cet esprit qu’a été conçu le projet de loi.

M. Alain Marty – Tout dans la nuance !

Mme Annick Lepetit – Vous vous démenez peut-être pour trouver des solutions, mais vous ne pouvez pas dire que vous cherchez des solutions pérennes pour reloger les personnes en difficulté.

M. Bernard Perrut – Quelle mauvaise foi !

M. Jean Grenet – C’est un procès d’intention !

Mme Annick Lepetit – Allez donc voir sur place !

Mme la Rapporteure – Ne dites pas des choses comme cela.

Mme Annick Lepetit – Allez-y, allez voir la réalité !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Il est regrettable que M. Larcher s’engage dans une polémique qui concerne en fait des personnes extérieures. Mais si je peux faire part de mon expérience, mieux vaut ne pas crier partout qu’on a trouvé la solution tant que la dernière des personnes concernées n’est pas hébergée. Or actuellement, vous êtes confrontés à des exigences à la mesure des souffrances de ces gens-là. Une politique d’affichage, tendant à dire que, une fois un protocole signé à quatre heures du matin, le problème est réglé et qu’on n’en parle plus, n’est pas la solution. Personne ne prétend qu’elle est facile à mettre en œuvre. Mais si on proclame, y compris pendant les questions au Gouvernement, que le problème est réglé alors qu’il ne l’est pas, c’est la catastrophe.

Ce problème était complexe. Vous avez voulu répondre sur le terrain et par la loi. Le dispositif législatif est bien entendu totalement inefficace pour résoudre le problème qui se pose au canal Saint-Martin. Nous avons accumulé depuis des mois, des années, un tel retard sur l’offre d’hébergement…

M. Michel Piron – Des années, plutôt.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – …qu’on utilise les quotas du plan hiver pour parer à l’urgence. Je parle d’expérience, au vu des difficultés qu’a eues le ministère en charge de la cohésion sociale à trouver des logements dans une commune qui m’est chère. Je ne dis pas que c’est la faute du Gouvernement, mais que la méthode utilisée porte en elle toutes les déceptions et la reprise du conflit. Ce texte est important, mais il ne suffit pas de voter ce que nous avons voté la semaine dernière sur l’hébergement pour créer des places. Tant qu’on n’aura pas de solution correspondant à la demande, il y aura blocage.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales  Je ne veux pas entrer dans une polémique. Mais laissons la méthode choisie porter ses fruits. Tout ne tombe pas du ciel d’un seul coup. Inutile de répéter que le nombre de logements sociaux atteint 100 000 ou 110 000 par an alors que c’était beaucoup moins il y a quelques années. N’empêche que j’ai le droit de saluer l’action de Mme Vautrin, le droit aussi de dire que chacun peut interpréter les chiffres comme il veut, mais que, apparemment, le cas de 180 personnes sur 210 a été réglé. Simplement, d’autres sont arrivées depuis.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Tout cela, on le sait !

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission – À Lyon, les tentes ont disparu de la place Bellecour et tous les cas ont été réglés grâce au travail des associations, que j’associe à mes remerciements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

L'amendement 254, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Certaines collectivités ne respectent pas les objectifs de l’article 55 de la loi SRU, et c’est une réalité à laquelle il faut s’attaquer. C’est pourquoi notre amendement 307 tend à ce que, dans un tel cas, le demandeur de logement qui n’a pas obtenu de réponse au bout d’un an puisse saisir directement la commission de médiation. On aurait d’ailleurs pu adopter cette méthode pour rendre le droit au logement opposable partout. Pour ma part, je défendais l’idée que c’est là où il n’y a pas assez de logements sociaux qu’il fallait opposer ce droit en premier lieu.

Cependant, à titre transitoire, la collectivité concernée pourra louer un logement privé au profit de la personne. À défaut de respecter l’article 55, elle répondra ainsi quand même à la demande de logement. Dans ce cas, la charge résiduelle ne pourra dépasser 25 % des revenus du demandeur après attribution de l’APL. Enfin, le nombre de logements concernés équivaut à la différence entre les objectifs fixés par la loi SRU et les réalisations. Par ce dispositif, nous agirions sur les territoires où le droit au logement, en fait, ne sera pas opposable.

Mme la Rapporteure – La commission a repoussé cet amendement qui induit une confusion entre le dispositif prévu par l’article 55 de la loi SRU et celui de la médiation.

M. le Ministre délégué – Le texte du Sénat définit clairement que c’est l’État qui doit assurer le droit au logement. À titre expérimental, pendant cinq ans, des EPCI volontaires pourront le faire, grâce au transfert de certaines compétences qui appartiennent à l’État et d’autres qui appartiennent aux maires : la délégation de l’aide à la pierre, du contingent préfectoral, de la police de l’insalubrité et des immeubles dangereux, du droit de réquisition et, en matière d’urbanisme, de ce qui concerne les permis de construire et les PLUS. Il faut en rester à cet équilibre. Je ne suis donc pas favorable à cet amendement qui, par ailleurs, introduit effectivement une confusion avec l’article 55 de la loi SRU.

M. Patrick Braouezec – Nous soutenons cet amendement, qui transforme la déclaration d’intentions en une volonté politique réelle sur l’ensemble du territoire, quelles que soient les réticences de certains élus qui refusent de produire du logement social.

M. Frédéric Dutoit – Bas les masques !

M. Patrick Braouezec – D’autre part, Monsieur le ministre, si vous ne voulez pas fâcher et susciter une opposition peut-être un peu stérile, évitez d’encenser l’action du Gouvernement sur cette question car nous serions alors forcés de dénoncer cette autosatisfaction.

Quand bien même auriez-vous réglé – ce qui n’est pas le cas – le problème du canal Saint-Martin, il n’en resterait pas moins dans toute la région francilienne un très grand nombre de personnes dans la même situation. Ce projet sur le droit au logement opposable, examiné dans l’urgence, ne remédiera pas à ces situations auxquelles nous, élus locaux, sommes quotidiennement confrontés.

M. Jean Grenet – Tout le monde en convient.

Mme Annick Lepetit - Alors pourquoi demander l’urgence sur ce texte ?

M. Patrick Braouezec – Si tout le monde en convient, ne faites pas comme si le Gouvernement réglait les problèmes ! Restons-en au projet !

M. Michel Piron - Personne ne prétend que ce texte va résoudre tous les problèmes de logement du jour au lendemain. Personne ne détient la baguette magique ! Mais avec ce texte, on agit pour le moyen et long terme. Il serait injuste de nous le reprocher.

L'amendement 307, mis aux voix, n'est pas adopté.

Art. 3

M. Georges Fenech, rapporteur pour avis de la commission des loisLa commission des lois a souhaité que l’on distingue, devant la commission de médiation, les demandes d’hébergement et les demandes de logement. La commission des lois vous propose, dans l’amendement 86, d’opérer la même distinction pour la procédure contentieuse devant le juge administratif.

Mme la Rapporteure - La commission l’a accepté.

M. le Ministre délégué – Favorable.

M. le Président – J’indique que l’adoption de l’amendement 86 ferait tomber les amendements 161, 162, 240 et 283, en discussion commune.

Mme Martine Billard – J’ai bien entendu la distinction faite tout à l’heure entre court et long terme, mais enfin il n’est pas possible de s’en tenir à cette réponse, car il faut se donner les instruments pour traiter les deux niveaux…

M. Michel Piron - Évidemment !

Mme Martine Billard - Or, vous refusez les instruments que nous proposons pour le court terme, par exemple que les collectivités louent dans le parc privé ou que des immeubles vides soient réquisitionnés…

M. Michel Piron - Que fait le maire de Paris ?

Mme Martine Billard - Le maire de Paris n’a pas le pouvoir de réquisition, mais si vous voulez le lui donner, je présenterai volontiers avec vous un amendement en ce sens !

J’ajoute que nous arrivons bientôt à la période d’hiver. Après le 15 mars, les expulsions vont reprendre et l’on risque, si leur nombre continue d’exploser, de voir se multiplier les campements comme celui du canal Saint-Martin…

M. Patrick Ollier – Quelle est la solution ?

Mme Martine Billard – Le moratoire sur les expulsions, la mise à disposition d’appartements loués dans le secteur privé, la réquisition d’immeubles vides… Tout cela permettrait d’attendre que l’on construise suffisamment de logements sociaux, en particulier dans les communes qui refusent jusqu’à présent de le faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

J’ai défendu l’amendement 161.

Mme la Rapporteure – J’ai l’impression que la discussion s’est un peu éloignée de l’amendement 161, mais si l’on parle bien de lui, la commission l’a repoussé, car il est satisfait.

M. le Ministre délégué – Avis défavorable, mais je voudrais rappeler qu’en avril 2004, M. Borloo a mis en place, pour le parc social, un protocole visant à cadrer les procédures d’expulsion. Et la loi ENL comporte aussi, cette fois pour le parc privé, un dispositif de prévention des expulsions.

L'amendement 86, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – Par conséquent, les amendements 161, 162, 240 et 283 tombent.

Mme Annick Lepetit – L’amendement 44, adopté par la commission des affaires économiques, tend à ce que les demandeurs puissent, tout au long de la procédure engagée devant le tribunal administratif, être assistés par une association agréée. La définition des associations habilitées à intervenir s’inspire de celle qui figure à l’article 86 de la loi dite ENL.

Mme Martine Billard – Notre amendement 163 rectifié a sensiblement le même objet. Il est important que des personnes en situation de faiblesse puissent être aidées par des associations.

Je reviens sur les expulsions pour souligner que leur nombre n’a cessé d’augmenter. J’avais déposé un amendement visant à ce que les locataires de bonne foi mais connaissant des difficultés – chômage, divorce – ne puissent pas être expulsés si un relogement ne leur est pas proposé, mais on lui a opposé l’article 40. Si on ne prévient pas mieux les expulsions, on va avoir l’hiver prochain non plus un canal Saint-Martin, mais deux, trois, quatre ! Pour ne parler que de Paris…

Le dispositif que vous mettez en place étant une usine à gaz, les personnes qu’il est censé concerner auront bien besoin d’aide !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Notre amendement 241 rectifié tend à ce que le requérant puisse être assisté devant le tribunal administratif par une association. Je dis bien assisté, et non pas représenté.

Mme la Rapporteure – Nous avons en effet déjà eu un débat sur la différence entre assistance et représentation. La commission a accepté l’amendement 44 et considéré dans ces conditions que l’amendement 241 était satisfait. Elle a repoussé le 163 rectifié, car il parle non seulement d’assistance mais aussi de représentation.

M. le Ministre délégué – Même position. L’amendement 241 rectifié est satisfait par l’amendement 44, auquel je suis favorable. Avis défavorable à l’amendement 163 rectifié. J’ajoute, Madame Billard, qu’il est trop tôt pour évaluer les effets de la loi ENL.

M. Jérôme Bignon, rapporteur pour avis – Autant je comprends qu’une association assiste les demandeurs devant la commission de médiation, autant devant le tribunal administratif, où la procédure est écrite et juridique, j’engage ceux-ci à faire appel à l’aide juridictionnelle.

L'amendement 44, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – Les amendements 163 rectifié et 241 rectifié tombent donc.

M. François Brottes – Rappel au Règlement, fondé sur l’article 58, alinéa 1. M. Piron a dit que nous travaillions sur des questions de long terme. Même si nous savons que ce texte vise avant tout à calmer l’opinion, je considère que cette précipitation est symptomatique d’une fin de règne.

M. Michel Piron – Ah bon ?

M. Denis Jacquat – Psychose !

M. François Brottes – Nous devons en effet continuer la discussion de ce projet demain matin. Or, la commission des affaires économiques se réunit au même moment sur des sujets importants, dont la rénovation urbaine. Ce n’est pas parce que nous sommes en fin de législature qu’il faut nous faire travailler dans ces conditions ! Je souhaite donc avoir des assurances quant à la non-concomitance des deux réunions.

M. le Président – Je prends acte de votre rappel au Règlement mais je vous rappelle que c’est le Gouvernement qui fixe l’ordre du jour et que la commission des affaires économiques est en l’occurrence saisie pour avis.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – On ne peut se satisfaire de cette réponse. La commission des affaires économiques est certes saisie pour avis mais pour des raisons circonstancielles liées au Sénat. M. Ollier sait fort bien qu’en règle générale, c’est elle qui est saisie au fond en matière de logement, de rénovation urbaine et de politique de la ville. Et ce n’est pas parce qu’elle est saisie pour avis que nous ne sommes pas intéressés par la discussion qui aura lieu demain.

Monsieur le président, peut-être pourriez-vous demander au président de la commission des affaires économiques s’il est possible de s’organiser pour que nous puissions à la fois participer à la réunion de la commission et aux débats ici.

Je demande une suspension de séance pour réunir notre groupe.

La séance, suspendue à 23 heures 5, est reprise à 23 heures 20.

M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire – Pour résoudre le problème soulevé à juste titre par M. Brottes, je propose de demander la réserve de tous les articles et amendements qui resteront à examiner après la séance de ce soir jusqu’avant l’article 6 M. J’espère, Monsieur Brottes, que cette solution vous donnera satisfaction.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission Je salue cette excellente initiative.

M. François Brottes – Nous remercions le président de la commission des affaires économiques de sa proposition. Nous le savons très attaché à ce que sa commission effectue un travail de qualité, dans le respect de la pluralité des points de vue. Il n’y avait aucune raison, au motif que nous sommes dans la dernière semaine de travaux, de déroger aux habitudes de travail qui ont prévalu durant toute la législature.

M. Georges Fenech, rapporteur pour avis – L’amendement 87 tend à supprimer une disposition introduite par le Sénat, prévoyant que le demandeur de logement se trouvant dans un département dépourvu de commission de médiation – ce qui est aujourd’hui le cas d’une vingtaine d’entre eux –, pourra former sans condition particulière une requête devant la juridiction administrative. Cette disposition poserait un problème d’égalité des citoyens devant la loi : en effet, le demandeur vivant dans un département doté d’une commission de médiation devra voir sa demande reconnue comme prioritaire pour former un recours contentieux, alors qu’il suffira à un autre, vivant dans un département sans commission, de n’avoir pas de logement pour former le même type de recours. De toute façon, un amendement à l’article 2, adopté jeudi dernier par l’Assemblée, prévoit que tous les départements devront se doter d’une commission de médiation d’ici au 1er janvier 2008, ce qui rendra sans objet la disposition introduite par le Sénat.

L'amendement 87, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – Il fait tomber les amendements 242 et 286.

M. Thierry Mariani – S’il faut se féliciter que ce projet de loi rende effectif le droit au logement opposable en ouvrant la possibilité de former un recours devant la juridiction administrative, il conviendrait toutefois d’adopter l’amendement 334 rectifié afin de lutter contre la polygamie et le regroupement familial illégal. En effet, si le texte était voté en l’état, les citoyens étrangers pourraient se prévaloir du nouveau droit au logement devant un tribunal administratif, lequel devrait prendre en compte « leurs capacités et leurs besoins ». Ainsi les étrangers pourraient-il poursuivre l’État français qui ne leur fournit pas un logement décent pour leurs conjoints et les enfants séjournant avec eux, même entrés illégalement sur le territoire national. Pour avoir été le rapporteur des deux lois Sarkozy relatives à l’immigration de 2003 et 2006, je sais qu’il est fréquent que des conjoints et enfants d’étrangers entrent dans notre pays avec un simple visa de tourisme, pour n’en plus jamais repartir. Cet amendement, cosigné par 79 députés, vise à ce que seuls le conjoint et les enfants venus en France dans le cadre du regroupement familial soient pris en compte lors de la saisine de la justice administrative. Serait-il normal qu’un étranger puisse obtenir des droits en récompense de ses fraudes ? Cet amendement, indispensable à une bonne application du droit opposable au logement, complèterait utilement le texte du Gouvernement, dans le respect de nos valeurs républicaines.

Mme la Rapporteure - La commission a accepté cet amendement de bon sens.

M. le Ministre délégué – Même avis.

Mme Martine Billard – Tout d’abord, la polygamie étant interdite en France, aucun étranger pas plus qu’aucun Français ne peut formuler de demande de logement pour deux épouses et deux familles. Ensuite, à vous suivre, Monsieur Mariani, un étranger ayant à un moment fait entrer en France son conjoint et ses enfants avec un simple visa de tourisme, ne pourrait plus jamais faire valoir son droit au logement opposable. Vous n’ignorez pourtant pas que des régularisations interviennent parfois et qu’une épouse et des enfants, bien qu’initialement entrés illégalement sur notre territoire, peuvent un jour être régularisés. Votre argumentation de si bon sens, Monsieur Mariani, ne l’est finalement pas autant que cela.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – En effet, cet amendement ne va pas du tout de soi. Tout d’abord, il ne trouve place qu’à l’article 3, relatif à la saisine de la juridiction administrative, alors qu’il n’en a nullement été question à l’article 2, relatif à la saisine de la commission de médiation. À cet article, ont été fixées des conditions dont nous avons longuement débattu à l’article premier, où nous soutenions le retour au texte initial du Gouvernement tandis que la majorité défendait, elle, le texte issu du Sénat. Notre collègue Mariani a, à cette occasion, défendu des amendements qu’il avait déposés avec M. Goasguen, visant à restreindre le champ d’application du dispositif. Nous avons finalement adopté le texte du Sénat assurant que le droit au logement serait garanti par l’État « à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions de permanence définies par décret en Conseil d’État, n’est pas en mesure d’y accéder ou de s’y maintenir par ses propres moyens ».

Toute autre restriction me paraît contrevenir à l’article premier, sans compter qu’il serait illogique de restreindre la saisine de la juridiction administrative sans l’avoir fait pour celle de la commission de médiation. En outre, les dispositions des lois dont M. Mariani a été le rapporteur ne sont laxistes ni en matière d’entrée des étrangers sur le territoire ni en matière de régularisation – c’est le moins qu’on puisse dire. D’autres lois ont par le passé dans notre pays prêté davantage attention à la situation des individus et d’autres législations en Europe y sont actuellement plus attentives.

En réalité, ces amendements témoignent d’une suspicion latente qui fait que l’on met en concurrence nationaux et étrangers, étrangers en situation régulière et étrangers en situation irrégulière – en dépit des obligations que nous impose la Convention européenne des droits de l’homme à l’égard de ceux-ci. Des amalgames sont également faits qui n’ont pas lieu d’être car, comme l’a fort justement souligné Mme Billard, la polygamie est interdite en France et la législation actuelle interdit à un étranger en situation irrégulière d’accéder à un logement. Par simple volonté d’affichage, vous stigmatisez une catégorie particulière de population.

Je ne comprends pas que Mme Boutin ait cédé, alors que cet amendement est contraire au message qu’elle a si bien défendu jusqu’à présent. Nous refusons d’utiliser ce problème pour faire croire à une concurrence entre les Français, les étrangers en situation régulière et les autres : il n’y en a pas ! Personne ne doit être manipulé ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste)

M. Thierry Mariani – Qui sont ces « autres » dont vous parlez ? Ce sont les étrangers en situation irrégulière, précisément. Mme la rapporteure l’a dit : c’est un amendement de bon sens. Un étranger en situation régulière peut jouir du droit opposable au logement, mais il ne peut en faire bénéficier des personnes en situation irrégulière qui l’accompagneraient.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Cela va de soi : nul besoin d’un amendement pour le préciser !

M. Thierry Mariani – Si, au contraire ! Chacun sait que la polygamie est interdite, mais la réalité, hélas, est plus complexe : Monsieur fait venir son épouse, puis divorce et fait venir sa deuxième épouse tandis que la première demeure sur le territoire national. Voilà comment de nombreuses personnes profitent du regroupement familial aujourd’hui ! Le seul objet de cet amendement est de limiter le droit opposable au logement à ceux qui sont en situation régulière et d’en exclure leurs proches en situation irrégulière. Repousser notre proposition revient à souhaiter que l’irrégularité ouvre des droits !

M. François Brottes – Manipulation ! Stigmatisation !

Mme Annick Lepetit – Le divorce n’est pas la polygamie !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – La stigmatisation des élus de l’opposition ne nous offusque pas ; bien au contraire, venant de vous, Monsieur Mariani, elle nous honore ! L’article 3 n’est ni celui qui institue le droit opposable au logement, ni celui qui précise les compétences des commissions de médiation ; il concerne la saisine de la juridiction administrative. Que vient donc faire cet amendement ici ? D’autre part, en cas de situation illégitime, la demande ne sera pas déclarée prioritaire. Il ne s’agit pas ici d’attribuer des logements, mais seulement de statuer sur la priorité d’une candidature. Le dispositif d’instruction de la demande que vous créez – et que j’ai par ailleurs désapprouvé sur la forme – est assez clair pour ne pas y ajouter une mesure concernant les personnes en situation irrégulière qui accompagnent des demandeurs de logement en situation régulière, car en tout état de cause, ceux-ci n’auront pas leur logement ! C’est le rôle des commissions d’examiner les demandes, et sachez qu’elles subordonnent le plus souvent l’attribution d’un logement à la régularité du processus de regroupement familial. Le dispositif que vous proposez n’est donc rien d’autre qu’une inacceptable tentative d’amalgame !

Mme Martine Billard – Aux arguments juridiques, j’ajouterai celui-ci : votre amendement ne précise pas la notion d’étrangers, mettant ainsi sur le même pied ressortissants de l’Union européenne et étrangers extra-européens. Cela le rend irrecevable au regard de la Constitution.

Sur le fond, vous créez un cercle vicieux : il faut justifier d’une possibilité de logement pour avoir accès au regroupement familial, mais on ne peut faire état d’une demande de regroupement pour se voir reconnaître un droit au logement. Par ailleurs, le droit au divorce existe, et n’a pas pour seul but de faire venir les enfants d’un autre lit ! Dans bien des familles recomposées, des parents font une demande de logement parce qu’ils ont plus d’enfants que les seuls enfants de leur mariage en cours.

M. Dominique Tian – Et que de mètres carrés !

Mme Martine Billard – On ne peut pas refuser aux étrangers un droit légitime dont jouissent tous les Français. Comme à votre habitude, vous stigmatisez les étrangers. Sachez pourtant que l’on peut vivre en France pendant toute une vie sans jamais devenir Français ! Étranger ne signifie pas sans papiers, comme vous souhaitez le faire croire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Brottes – Nous ne sommes pas au café du commerce : nous écrivons le droit. Je comprends que Mme Boutin ne puisse pas tout refuser à M. Mariani, mais que pense le rapporteur de notre commission des lois de cet amendement tel qu’il est placé dans le texte ? En sa compétence, il a obligation de nous répondre sur cette question !

M. Thierry Mariani – La place de cet amendement dans le texte se justifie parce qu’il modifie le quatrième alinéa de l’article en précisant que les besoins considérés sont ceux des personnes en situation régulière.

Je connais la situation des familles recomposées, Madame Billard. Je souhaite simplement que les enfants soient en situation régulière. Loin de stigmatiser les étrangers, je ne fais que distinguer ceux qui respectent les lois et ceux qui ne les respectent pas – ce qui leur enlève le bénéfice de certains droits. Ainsi, cet amendement ne vise que les étrangers ayant effectué un regroupement familial illégal ou qui sont en situation de polygamie. Il s’agit seulement de refuser des droits aux étrangers en situation irrégulière !

M. François Brottes – Cela existe déjà !

L'amendement 334 rectifié, mis aux voix, est adopté.

M. François Brottes – C’est scandaleux : un rapporteur muet est un rapporteur incompétent, Monsieur Fenech !

M. Georges Fenech, rapporteur pour avis Restez correct, je vous prie.

M. François Brottes – C’est du jamais vu : vous aviez le devoir de me répondre !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – M. Brottes a raison de s’indigner. Nous avons soulevé un problème sur lequel nous n’avons entendu ni le ministre, ni aucun des trois rapporteurs.

Plusieurs députés UMP – L’amendement est voté !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Notre participation au débat a toujours été constructive, vous le savez. Néanmoins, cet amendement est contraire à l’esprit du texte, que nous avons approuvé par ailleurs, car il répond à une demande pressante. Vous deviez répondre à une question juridique, Monsieur Fenech.

M. François Brottes – Absolument !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – C’est à l’unanimité que nous avons instauré le droit opposable au logement, en acceptant que le Conseil d’État définisse les conditions de présence permanente sur le territoire.

M. Thierry Mariani – Des étrangers réguliers !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Naturellement, Monsieur Mariani, vous vous réjouissez d’avoir réussi un coup qui bouleverse l’esprit d’une loi que nous approuvions pourtant tous.

Mme la Rapporteure – C’est faux !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Je regrette que Mme Boutin soit contrainte d’abandonner la démarche qui était jusqu’ici la sienne, au profit de cet amendement.

M. Patrick Ollier – En voilà assez de nous donner des leçons !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Je regrette que, dans ce cadre, M. Fenech, à l’égard duquel je ne ressens aucune animosité et dont je respecte les compétences, n’ait pas jugé bon de prendre la parole pour expliquer pourquoi cet amendement serait bien placé.

Ce qui vient de se passer est grave (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Nous avions annoncé que nous participerions à la construction de ce droit au logement. Nous l’avons fait sans faillir, et le Gouvernement et les rapporteurs nous y ont aidés. Mais le pas que nous venons de faire nous écarte du chemin que nous voulions suivre ensemble. Nous devons donc réunir notre groupe et je demande une suspension de séance pour examiner cette situation totalement nouvelle.

M. le Président – Je rappelle que les rapporteurs prennent la parole quand ils le souhaitent, et qu’ils ne peuvent y être obligés. Sur cet amendement, j’ai laissé se dérouler un débat très large. J’ai donné la parole à tous ceux qui l’ont demandée. L’Assemblée a donc été parfaitement éclairée avant de voter.

M. Michel Piron – L’article premier fait apparaître clairement que le dispositif concerne les personnes en situation régulière. Il couvre l’intégralité du texte, y compris l’amendement de M. Mariani. C’est cet article qui contient le fond du texte, sur lequel nous avons dégagé un accord. Pour ce qui est des situations particulières, je comprends que certains puissent approuver ou désapprouver l’amendement de M. Mariani, ou même s’abstenir, mais il ne faut pas perdre de vue que l’essentiel est dans cet article premier. C’était notre point de départ, et je souhaite que ce soit aussi le point d’arrivée de cette discussion (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

La séance, suspendue à 23 h 48, est reprise à 23 h 50.

M. François Brottes – Je voudrais faire un rappel au Règlement, sur le fondement de l’article 58, alinéa 1. Un rapporteur interrogé sur un point précis peut certes s’abstenir de répondre, mais bien qu’ayant siégé de très nombreuses heures au cours de ce mandat, je n’ai pas connaissance d’un précédent. Je n’ai jamais vu un rapporteur se taire face à une question pertinente, qui n’est pas perfide et qui ne porte que sur la forme – surtout après une démonstration aussi pertinente que celle de M. Le Bouillonnec. Le débat était certes compliqué, y compris au sein de la majorité, mais je souhaiterais vraiment, maintenant que le vote est acquis, avoir l’éclairage de M. Fenech sur la place de cet amendement.

M. Georges Fenech, rapporteur pour avis – La commission des lois n’ayant pas été saisie de l’amendement de M. Mariani, je n’ai aucun avis à émettre à titre personnel.

S’il était logique de prévoir un jugement en urgence en matière de logement des personnes en situation précaire, le texte adopté par le Sénat ne précise pas dans quel délai le juge devra statuer. L’amendement 88 propose que ce soit dans les deux mois à compter de la saisine. Le dépassement de ce délai ne saurait avoir pour conséquence le dessaisissement du juge : notre propos est seulement de donner à celui-ci une indication utile, et au requérant un repère dans ses démarches. Par ailleurs, dans un souci de clarification, l’amendement mentionne explicitement la possibilité de renvoyer l’affaire à une formation collégiale. Il permet dans ce cas, comme c’est la procédure habituelle, au commissaire du Gouvernement de prononcer des conclusions.

Mme la Rapporteure – Cet amendement comble une lacune du texte et permettra d’accélérer le traitement des demandes. Il confirme que, dans le cas où le magistrat jugerait utile d’opérer un renvoi à une formation collégiale, l’intervention du commissaire du Gouvernement serait requise, ce qui est une précision bienvenue. Avis favorable.

M. le Ministre délégué – Imposer au juge un délai de deux mois sans prévoir de sanction ne nous paraît pas nécessaire. Il ne s’agit pas d’une procédure de référé. Le recours à une procédure de jugement par un seul magistrat, statuant sans commissaire du Gouvernement, suffit à assurer un traitement suffisamment rapide du dossier. Par ailleurs, lorsqu’une affaire est examinée par une formation collégiale d’un tribunal administratif, il est normal que le commissaire du Gouvernement présente ses conclusions. La mention de ce point est donc superflue. Le Gouvernement souhaite le retrait de cet amendement.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – Nous savions bien qu’une fois posé le principe du droit opposable au logement, on se prendrait les pieds dans ses conditions d’application. En l’occurrence, c’est la saisine de la juridiction administrative qui pose problème. Le texte initial prévoyait une procédure de référé. Or, on sait la complexité de la procédure de référé administratif, qui offre certes l’avantage d’une décision rapide, mais qui a aussi pour défaut que le juge ne statue pas sur le fond. Il fallait donc trouver une autre formule. Le Sénat s’est décidé pour une procédure d’urgence, mais tous les magistrats administratifs que nous avons entendus affirment que ce sera ingérable. On connaît tous la situation des juridictions administratives. On sait comment se déroule l’instruction des dossiers, notamment dans les procédures de reconduite à la frontière – qui sont très complexes en termes de délais et desquelles s’inspire le présent amendement. Certes, il est logique que l’opposabilité du droit au logement soit traitée par la juridiction administrative, puisqu’elle est l’application d’une garantie de l’État et qu’elle s’élabore dans le cadre d’une commission de type administratif. Mais le juge habituel du logement est le juge d’instance ! C’est lui qui connaît la réalité de la situation des demandeurs, qui a statué sur les procédures de référé-expulsion par exemple. Il a aussi, disons-le au passage, le mérite de la proximité. En saisissant la juridiction administrative, on bénéficie de toute sa qualification, mais en prenant le risque de ne pas tenir les délais. Ce n’est pas de ma part une défiance à l’égard des tribunaux administratifs, mais la crainte d’une procédure beaucoup trop longue. La commission aura d’abord trois mois, comme l’a indiqué le ministre, pour prendre sa décision, et personne n’imagine que le préfet agira ensuite du jour au lendemain. C’est seulement ensuite qu’on parviendra devant la juridiction administrative, et le délai dont elle dispose, sanction ou pas, d’ailleurs, ne sera pas tenu. On aboutit ainsi à une complexité et à des délais manifestement incompatibles avec l’objet du dispositif, qui consiste à déclarer rapidement qu’une demande de logement est prioritaire et qu’il faut donc mobiliser immédiatement l’offre correspondante. Je ne fais pas le malin car je ne sais pas qui, de M. Fenech ou du ministre, a raison. Ce dont je suis sûr en revanche, c’est que le fait de saisir la juridiction administrative va freiner la mise en œuvre de la priorité reconnue à une demande de logement.

M. le Président – Monsieur Fenech, le Gouvernement a plaidé pour le retrait de votre amendement : le maintenez-vous ?

M. Georges Fenech, rapporteur pour avisOui, car il existe des dispositions comparables dans notre législation, notamment en matière de droit des étrangers, où il est prévu un délai de trois mois également non sanctionné par la nullité de procédure. Il s’agit d’un délai indicatif, qui peut éventuellement faire grief en cas de non-respect mais qui n’annule pas pour autant la procédure.

L'amendement 88, mis aux voix, est adopté.

M. Georges Fenech, rapporteur pour avisL’amendement 89 rectifié est rédactionnel.

L'amendement 89 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Georges Fenech, rapporteur pour avisL’amendement 90 tend à ce que toute demande reconnue comme prioritaire par la commission de médiation ne puisse être contestée par le juge. Cette délimitation précise de l’appréciation du juge lui permettra de rendre le jugement dans les délais très brefs qu’il est souhaitable de respecter.

L'amendement 90, accepté par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Martine Billard – L’amendement 164 est de cohérence : dès lors que la commission aura reconnu une demande comme prioritaire et devant être satisfaite d’urgence, on voit mal que le juge puisse décider qu’elle ne doit finalement pas être satisfaite…

Mme la Rapporteure – Défavorable, pour les raisons que nous avons déjà longuement évoquées.

M. le Ministre délégué – Même avis.

L'amendement 164, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Martine Billard – Notre amendement 165 vise à rendre l’astreinte automatique – et non plus laissée à l’appréciation du juge –, dès lors que le logement ou le relogement est ordonné.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec - L’amendement 243 est identique. J’entends déjà l’argument selon lequel il ne faut pas enjoindre à la juridiction administrative de prendre telle ou telle décision, et cela montre au passage que le choix de l’ordre administratif biaise l’ensemble du processus. Tel qu’il nous est soumis, le dispositif manque de portée normative : le tribunal va ordonner le logement… Mais cette proclamation juridictionnelle ne changera pas la donne. Au moins la menace de l’astreinte pouvait-elle dissuader de ne rien faire. Si son prononcé dépend du juge…

La précipitation dans laquelle le texte a été préparé a conduit à faire de mauvais choix. Le système aurait été bien plus efficace si les dossiers avaient été jugés au civil. Je prétends que si l’État n’est pas astreint à exécuter les décisions, il pourra se passer plusieurs mois sans que rien ne bouge.

Mme la Rapporteure – Rejet, pour les motifs que M. Le Bouillonnec a lui-même évoqués.

M. le Ministre délégué – Même avis. Le choix du juge administratif pour traiter de ces matières est bien fondé.

Les amendements 165 et 243, mis aux voix, ne sont pas adoptés.

M. Francis Vercamer – L’amendement 73 vise à ce que le juge ordonne prioritairement le logement – ou le relogement – dans les communes qui ne respectent pas le quota de 20 % de logements sociaux fixé par l’article 55 de la loi SRU. Mme la rapporteure va nous objecter qu’il ne faut pas confondre le droit au logement opposable et la solidarité urbaine, mais nous considérons que ceux qui n’ont pas exercé leur solidarité sur le bâti doivent au moins le faire pour le logement.

Mme Annick Lepetit et M. Frédéric Dutoit – Excellent amendement !

Mme la Rapporteure – Je comprends vos motivations, mais le dispositif me semble trop contraignant et peu justifié. La confusion entre les deux approches est mal venue et nous avons adopté, à l’article 2, des dispositions tendant à satisfaire l’objectif de mixité sociale. Avis défavorable.

M. le Ministre délégué – Même analyse que votre rapporteure. En outre, il faut tenir compte des demandes des personnes en attente de logement. Il n’est pas souhaitable de les assigner à résider dans une commune qu’ils n’ont pas choisie au motif que celle-ci ne respecterait pas le quota SRU.

M. François Brottes – Madame la rapporteure, c’est bien parce que cet « amendement Neuilly » est contraignant que nous le soutenons ! Il faut mettre à contribution ceux qui se croient autorisés à exercer un droit d’opposition au logement social ! (« Excellent ! » sur les bancs du groupe socialiste)

M. Frédéric Dutoit – Je déplore que tous les amendements tendant à apporter des réponses concrètes et rapides aux situations de mal-logement soient systématiquement rejetés, alors que, la semaine dernière, nous avions entamé cette discussion avec l’idée de pouvoir consacrer unanimement ce droit. Dans une ville comme Marseille, si l’on n’y veille pas, le droit au logement opposable ne pourra s’appliquer que dans les quartiers les plus défavorisés, là où il reste encore des logements disponibles. Exercer une contrainte sur les communes qui ne respectent pas la loi SRU, c’est donner aux demandeurs prioritaires une chance de ne pas être relégués à vie dans les quartiers sinistrés.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec – L’opposabilité ne pourra s’exercer que s’il existe une offre locative, après que l’ensemble des territoires auront été mobilisés et des financements pérennes dégagés. Le groupe socialiste avait déposé un amendement de même inspiration que celui de MM. Vercamer et Lagarde, mais l’article 40 l’a fait tomber. Or nous avions retenu une rédaction plus incisive encore, en proposant que les communes dans lesquelles un constat de carence du respect des obligations de l’article 55 de la loi SRU a été dressé se substituent à l’État dans ses obligations de logement des demandeurs prioritaires résidant – ou travaillant – sur leur territoire depuis plus d’un an. L’idée était d’éviter que le logement – ou le relogement – intervienne dans d’autres communes que celle où a été formée la demande.

S’il est injuste que des communes supportent seules l’effort de logement, il l’est tout autant que des habitants soient contraints de quitter leur commune parce qu’elle ne respecte pas l’article 55 de la loi SRU. On ne saurait voter un tel texte sans soulever la question de ces communes et de ces élus qu’il faut bien appeler délinquants, puisque, délibérément, ils n’observent pas la loi. C’est au nom de ces habitants que nous avions déposé cet amendement plus spécifique. Il n’a pas été retenu, les subtilités de l’article 40 étant impénétrables. De ce fait, nous soutenons l’amendement de M. Lagarde qui affirme l’exigence que, partout sur le territoire de la République, on offre du logement social.

M. le Président – Subtilité ou expérience, vous avez ainsi défendu un amendement qui n’aurait pas dû être évoqué en séance… (Sourires)

M. Étienne Pinte – Cet amendement vise les communes qui ne respectent pas l’article 55 de la loi SRU. Mais un certain nombre essaye de le faire et certaines, dans leur plan local de l’habitat, se sont engagées vis-à-vis de l’État à atteindre cet objectif de 20 % de logements sociaux dans le délai de vingt ans imparti par la loi. Elles ne devraient pas être soumises à cette contrainte.

M. François Brottes - C’est d’accord.

M. Étienne Pinte – Dans ce cas, cet amendement serait acceptable.

M. Michel Piron – On propose une mauvaise réponse à une bonne question, en voulant figer dans une loi valable uniformément sur tout le territoire une réponse elle-même rigide, alors qu’elle ne peut qu’être celle d’un territoire. On a évoqué la spécificité de Marseille, on pourrait évoquer celle de Bayonne et, en l’espèce, la couleur politique ne garantit pas forcément les 20 % de logements sociaux. Apporter une réponse uniforme à des situations très diversifiées est la première erreur, celle d’un idéalisme bien connu qui persiste à croire que le monde s’ordonne uniquement en fonction du regard que l’on pose sur lui. Hegel a pu rêver, mais on n’est plus obligé de le suivre.

M. Frédéric Dutoit – Donc, la politique ne sert à rien !

M. Michel Piron – Si, mais elle n’est pas le déni du réel. C’est la recherche d’un compromis entre l’idéal et le réel. Le monde mérite d’être transformé, mais il faut aussi le regarder.

En second lieu, pour revenir au sujet, vous proposez trop peu ou trop. La mixité ne fonctionne pas à moins de 20 %, mais pas davantage à plus de 50 % de logements sociaux, car elle est un équilibre. L’uniformité ne permet pas de l’atteindre.

M. Frédéric Dutoit – Donc on ne fera rien.

M. Michel Piron – Laissons l’article 55 jouer son rôle, avec les pénalités prévues. Pour le reste, tenons-nous en au texte tel qu’il est.

L'amendement 73, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Président – J’appelle maintenant, avec l’amendement 91, le dernier amendement de la dernière séance que je présiderai.

M. Georges Fenech, rapporteur pour avis – L’amendement 91 est défendu.

Mme la Rapporteure – Avis favorable.

M. le Ministre délégué – Avis favorable du Gouvernement, qui rend hommage au président.

M. Michel Piron – Vous avez su, Monsieur Dosière, assumer la présidence avec une finesse et une vigueur qui ne m’étonnent pas de la part d’un admirateur de Péguy. Je voudrais saluer vos grandes qualités humaines autant que techniques, et cette élégance dans la forme comme sur le fond dont vous avez fait preuve. Soyez-en remercié. (Applaudissements sur tous les bancs)

M. le Président – Je vous remercie.

L'amendement 91, mis aux voix, est adopté.

M. le Président – Les amendements 166 et 312 tombent.

M. François Brottes – Monsieur le président, une dernière séance est un moment d’émotion. Je voudrais à mon tour, au nom des parlementaires socialistes et de l’ensemble de nos collègues, vous remercier pour la qualité de votre présidence, car vous avez su toujours vous intéresser autant au fond qu’à la forme. (Applaudissements sur tous les bancs)

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce matin, à 9 heures 30.
La séance est levée le mercredi 21 février à 0 heure 25.

La Directrice du service
du compte rendu analytique,

Marie-Christine CHESNAIS

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
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Préalablement,
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