ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES
JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 17 JUILLET 2002
COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du mardi 16 juillet 2002
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ
1. Ordre du jour de l'Assemblée «...».
2. Sécurité intérieure. - Discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi d'orientation et de programmation «...».
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
M. Christian Estrosi, rapporteur de la commission des lois.
M. Alain Moyne-Bressand, rapporteur pour avis de la commission de la défense.
M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis de la commission des finances.
EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ «...»
Exception d'irrecevabilité de M. Mamère : MM. Noël Mamère, le ministre, le rapporteur, Richard Cazenave, André Gerin, Rudy Salles, Jean-Pierre Blazy. - Rejet.
QUESTION PRÉALABLE «...»
Question préalable de M. Jean-Marc Ayrault : MM. Julien Dray, le ministre, le rapporteur, Manuel Valls, Maurice Leroy, Pascal Clément, André Gerin. - Rejet.
DISCUSSION GÉNÉRALE «...»
M. Jean-Pierre Blazy.
PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT
MM.
Jean-Pierre Blazy,
Jean-Christophe Lagarde,
Patrick Braouezec.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
3. Désignation d'un candidat à un organisme extraparlementaire «...».
4. Ordre du jour de la prochaine séance «...».
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE
M. le président. L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra jusqu'au dimanche 4 août 2002 inclus a été fixé ce matin en conférence des présidents.
Cet ordre du jour sera annexé au compte rendu de la présente séance.
En outre, la conférence des présidents a fixé au mardi 30 juillet, de quinze heures à dix-huit heures, l'élection au scrutin secret des douze juges titulaires et des six juges suppléants de la Haute Cour de justice, ainsi que l'élection au scrutin secret des six juges titulaires de la Cour de justice de la République et de leurs six suppléants.
Ces trois scrutins auront lieu simultanément, dans les salles voisines de la salle des séances, pendant le déroulement de la séance publique.
Par ailleurs, la procédure d'examen simplifiée a été engagée pour la discussion de douze projets de ratification de conventions internationales inscrits à l'ordre du jour du mercredi 24 juillet.
SÉCURITÉ INTÉRIEURE
Discussion, après déclaration d'urgence,
d'un projet de loi d'orientation et de programmation
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (n°s 36 et 53).
La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je suis heureux de vous présenter aujourd'hui un projet de loi qui vous propose la politique de sécurité intérieure à conduire au cours des cinq années à venir.
Je tiens à remercier les commissions des lois, des finances, de la défense, leurs présidents, leurs rapporteurs, tous leurs membres, pour le travail effectué, de grande qualité, qui traduit la connaissance concrète qu'ont les élus des problèmes d'insécurité. Ils ont bien perçu la force de l'appel que nos concitoyens leur adressent.
Les Français nous l'ont dit tout au long des grandes échéances politiques de ces derniers mois : la sécurité est bel et bien leur première préoccupation. Le 16 juin, ils ont voulu, en donnant une nouvelle majorité à votre assemblée, un gouvernement qui applique une nouvelle politique. Ils ont voulu une majorité et un gouvernement qui prennent en compte la réalité de leur vie, et non plus qui essaient d'adapter cette réalité à la conception théorique qu'en ont parfois certains observateurs ou acteurs de la vie politique.
Au premier rang de ces réalités figure l'insécurité. La délinquance a augmenté de 40 % en vingt ans. C'est un fait. Et, vous le voyez, je prends à dessein une période au cours de laquelle plusieurs majorités se sont succédé, pour être impartial.
M. Robert Lamy. Très bien !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Mais hélas, la vérité m'oblige aussi à dire que, depuis cinq ans, cette progression s'est accélérée (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) jusqu'à atteindre 16 %. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. Philippe Briand. Vous en avez même été remerciés, messieurs !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je veux notamment rappeler deux constats. D'une part, pour la première fois l'an dernier, le nombre de faits constatés a atteint quatre millions, ce qui signifie, au-delà de la sécheresse de la statistique, autant de vies perturbées, gâchées, brisées. D'autre part, la délinquance qui augmente le plus vite est précisément la plus violente : les crimes et les délits contre les personnes ont augmenté de 30 % en cinq ans. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.) Ce triste constat doit nous conduire à renforcer l'attention portée aux victimes : la victime doit être au coeur de la politique de sécurité qui est la nôtre.
M. Robert Lamy. Très bien !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Face à cette délinquance, notre devoir est d'être lucides, d'écarter, bien sûr, toutes formes de naïveté mais de se garder de réactions excessives : ni surréaction, ni immobilisme, tout simplement l'action cohérente, générale, et surtout immédiate. Tel est le coeur de notre politique.
Nous avons pris la mesure du phénomène de la délinquance qui, aujourd'hui - il convient de le noter - n'épargne plus une seule catégorie de la population, ni même une seule région. On ne peut plus parler seulement des violences urbaines : ici, on redoute de laisser ses enfants voyager, là, on hésite à s'arrêter sur une aire d'autoroute. C'est la confiance même des Français dans la vie de tous les jours, dans la capacité des institutions à répondre à leurs inquiétudes, dans les valeurs de leur pays, qui est entamée. Ce que nous voulons, c'est redonner confiance aux Français.
Vivre avec, au quotidien, la peur pour soi-même ou ceux qui vous sont chers, ce n'est pas vivre libre.
M. Alain Marsaud et M. François Sauvadet. Très bien !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Nous ne voulons ni stabiliser la progression de la délinquance, ni l'accompagner, mais bien casser cette progression et faire reculer la délinquance durablement. L'insécurité rend d'abord la vie impossible à nos compatriotes les plus modestes, les plus exposés, les plus fragiles. C'est pour eux, en tout premier lieu, que nous nous devons d'agir.
M. Pierre Lellouche. Très bien !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ce sont bien eux qui ont besoin que l'Etat retrouve sa place, joue son rôle, et assume ses responsabilités. Car s'il est défaillant, ils n'ont aucun autre moyen de se protéger et de se défendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Qui pourrait nous reprocher notre ambition de répondre à l'inquiétude des plus modestes ? Certainement pas ceux à qui leurs privilèges permettent d'échapper à un quotidien fait d'insécurité ! Encore moins ceux qui miseraient sur une nouvelle dégradation de la situation, laquelle redonnerait une nouvelle fois des couleurs à l'extrémisme. Pas davantage ceux qui, depuis trop longtemps, ont oublié que les droits de l'homme étaient aussi, sinon d'abord, ceux de la victime. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
Leurs critiques, mesdames et messieurs les députés, ne m'impressionnent nullement car elles sont la marque d'une impuissance qui a fait des ravages dans le passé. Qui ne comprend qu'il nous faut désormais, sur tous les bancs de cette assemblée, répondre et tenir compte de la désespérance des cinq millions de Français qui ont choisi le vote extrême, tout en prenant soin nous-mêmes de condamner les thèses de l'extrémisme.
Mme Martine Aurillac. Très bien !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Pour sa part, le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin veut entendre l'appel des Français, le seul qui nous intéresse. Nous exerçons nos responsabilités par leur volonté, il nous faut nécessairement en tenir compte. Le reste ne représente à mes yeux que l'écume des choses. L'Etat va donc désormais protéger les citoyens, comme nous nous y sommes engagés. C'est le choix des Français, c'est leur message, il a été compris et il sera respecté ! (Applaudissements sur plusieurs bancs de l'Union pour la majorité présidentielle.)
Pour agir en profondeur et dans la durée, nous avons besoin de votre soutien, de votre accord et du vote sur les moyens à engager pour les cinq années à venir. Nous proposons un effort budgétaire sans précédent - 5,6 milliards d'euros supplémentaires - qui témoigne de la priorité absolue donnée à la lutte contre l'insécurité. Nous vous proposons, en outre, des objectifs, une organisation, des méthodes nouvelles. Enfin, nous annonçons un projet de loi qui vous sera soumis à l'automne.
Là où nous parlons d'action, d'autre ont dénoncé notre précipitation. C'est leur droit mais, en vérité, ce débat masque sans doute un réel désaccord sur la conception de la politique. En effet, j'ai la conviction que les Français ne comprendraient pas - et nous pardonneraient encore moins - que nous laissions tranquillement passer les vacances d'été avant d'agir. Les Français ne peuvent plus se contenter d'une parole publique sans lendemain, d'une action publique dénuée du moindre souci du résultat. Voilà pourquoi nous vous proposons d'agir sans tarder. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
Avant de vous présenter le contenu du texte, je reviendrai en quelques mots sur la méthode qui a été la nôtre depuis deux mois.
Nous avons voulu donner une nouvelle impulsion, montrer que les choses avaient changé, marquer notre volonté d'en finir avec le sentiment d'impunité qui faisait des ravages dans notre pays et manifester notre volonté d'inscrire notre action en profondeur.
C'est pourquoi j'ai proposé aux forces de l'ordre de faire leur la culture du résultat, fondée sur des indicateurs précis. Les moyens importants que nous mobilisons pour elles doivent avoir pour contrepartie l'engagement sans faille de chaque militaire et de chaque fonctionnaire au service de sa mission. Dans cet esprit, nous allons publier mensuellement les chiffres de la délinquance. Les résultats nationaux seront fournis par département afin que chaque élu sache ce qu'il en est chez lui. Ainsi, les résultats de notre action seront connus et suivis par tous. Toutes ces mesures signent une véritable révolution des mentalités que les policiers et les gendarmes ont parfaitement intégrée.
Nous sommes au service des Français ; nous leur rendons des comptes et nous serons jugés sur nos performances. Telle me paraît être la définition même du service public parce qu'il est justement au service du public, on l'a trop oublié dans le passé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
Les huit semaines écoulées ont également été consacrées à des visites de terrain. La représentation nationale ne doit pas seulement se voir proposer des mesures, elle doit aussi savoir comment et pourquoi elles sont élaborées. Elles ne résultent pas, en l'occurrence, de réflexions ou de groupes de travail, par ailleurs fort utiles. Elles sont le fruit de l'observation du terrain.
Je voudrais porter témoignage devant vous de l'état d'esprit de nos forces de sécurité, de leurs attentes, de leurs frustrations, de leurs craintes, mais aussi, malgré tout, de leurs espérances, au premier rang desquelles la question des moyens supplémentaires. A Corbeil-Essonnes, dans la cité des Tarterêts, j'ai pu constater que les policiers de proximité étaient attaqués, avec une violence inouïe, au moyen de parpaings de plusieurs kilos, qui pouvaient tuer. J'ai donc décidé que les flash balls seraient embarqués dans les véhicules dont les vitres seraient recouvertes de films protecteurs pour les policiers de proximité patrouillant dans les quartiers sensibles. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
C'est le moins qui puisse être fait que de protéger la vie de nos policiers et que de leur permettre de proportionner leurs ripostes ! (« Bravo ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
Que pèsent, mesdames, messieurs les députés, les protestations dites « anti-sécuritaires » lorsque la vie ou l'intégrité physique des forces de l'ordre sont en jeu ? Quand on donne l'ordre d'intervenir, il faut au minimum donner à ceux qui vous obéissent les moyens de remplir leurs missions et d'assurer leur protection car, eux aussi, ont des familles, des enfants et des êtres chers ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
Les mesures qui figurent dans le volet de programmation du projet sont toutes inspirées directement de ce type d'observation et elles sont pragmatiques, de bon sens, utiles et, je l'affirme, raisonnables.
J'ai voulu aborder, sans a priori, sans préjugé, toutes les questions liées à la sécurité. Depuis trop longtemps, dans notre pays, nombre de ces sujets ont été considérés - et par qui ! - comme des tabous qu'il était interdit ne serait-ce que d'évoquer. Et pendant que les républicains, sur tous les bancs de cette assemblée, fuyaient les sujets brûlants, d'autres, avec des idées qui n'étaient pas les nôtres, s'en emparaient.
M. Pierre Lellouche. Très bien !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Le débat a régressé dans notre pays simplement parce que nous l'avons déserté. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Et nous, la droite républicaine et modérée, prenons nous-mêmes notre part de responsabilité sur le sujet.
C'est ainsi qu'il serait impossible d'évoquer l'immigration clandestine alors même qu'il s'agit d'une préoccupation essentielle de nos concitoyens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
C'est ainsi que nous ne pourrions pas davantage parler des gens du voyage alors même que, dans certaines régions, l'exaspération est à son comble. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Nous ne pourrions pas décrire certains fléaux pourtant avérés tels que la drogue, la prostitution ou la mendicité agressive, sans être caricaturés !
M. Pierre Lellouche. Très bien !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Mais de tels phénomènes existent, mesdames et messieurs les députés, les Français les côtoient tous les jours, ils les subissent, en souffrent, et ne comprennent pas pourquoi leurs responsables politiques ferment les yeux sur ce qui est devenu leur vie quotidienne. Une vie qu'ils supportent de plus en plus mal ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Et c'est bien parce que, depuis trop longtemps, nous nous inclinons avant même d'avoir parlé, que ces problèmes n'ont trouvé aucune solution.
Je vous le dis simplement : le temps de la chape de plomb est révolu. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
Sans rien céder aux thèses de l'extrémisme, nous devons démontrer que l'action républicaine est possible et surtout efficace. Puisque notre parole est redevenue libre, il nous sera aisé de refuser, de rejeter, de condamner tous les amalgames honteux.
Les problèmes des Français ne disparaîtront pas si nous nous dérobons devant eux.
Dans les quartiers nord de Paris, comme à Strasbourg, j'ai pu constater l'ampleur du phénomène de la prostitution, nationale et étrangère, et toutes les violences qui lui sont associées - la diffusion de la drogue, la propagation du sida, le racket, tout cela, depuis des années, au vu et au su de tout le monde. Nous voulons que cette situation cesse sans tarder.
Certes, reconduire à la frontière les personnes concernées ne réglera pas tous les problèmes mais, à l'inverse, - je souhaite que nous réfléchissions ensemble à cette question - les accueillir dans ces conditions de passivité revient à baisser les bras devant cet esclavagisme qui ne devient pas plus acceptable parce qu'il est celui des temps modernes. La question doit être traitée avec humanité toujours, mais enfin avec fermeté. Et je ne sais vraiment pas par quel dévoiement de la pensée, pour ne pas parler d'une formidable inversion des valeurs, certains mettraient en cause ma volonté de lutter contre la prostitution au nom de la défense des libertés individuelles.
M. Jacques Myard. Très bien !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ignorent-ils donc, ceux qui se veulent ainsi les défenseurs des libertés individuelles, que les prostituées se voient contester ce qu'il y a de plus sacré dans un être humain : le respect de son identité et de sa dignité ?(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
Je souhaite également que soit abordé et traité le problème de la mendicité des mineurs, eux aussi honteusement exploités par des réseaux mafieux, eux aussi au vu et au su de tout le monde, sans aucune réaction depuis des années. Serait-ce un signe d'humanisme de notre part que de voir des enfants en bas âge contraints à passer leur vie à mendier dans les rues, et de le tolérer sous prétexte qu'ils sont étrangers ?
M. Pierre Lellouche. Très bien !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Nous traiterons ces problèmes humainement, en liaison avec les pays d'origine concernés, mais nous les traiterons. Je n'ai pas l'intention d'assister, impuissant, à l'envahissement de nos rues et à l'exploitation de la misère de ces enfants par des individus sans scrupule.
Nous voulons dans le même esprit lutter contre l'absentéisme scolaire, non pas en touchant aux revenus des familles, comme cela a été parfois affirmé de façon absolument inexacte, mais en se donnant le droit et la possibilité de sanctionner ceux qui facilitent cet absentéisme, notamment certains employeurs.
J'aimerais que l'on m'explique pourquoi, dans un pays où l'école est obligatoire jusqu'à seize ans, l'on devrait accepter que des enfants de douze ans soient déscolarisés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Philippe Briand. Très bien !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. J'ai entendu affirmer que les familles n'étaient pas responsables. D'autres ont dit que c'était l'école qui n'y pouvait rien. D'autres encore que l'Etat avait perdu tout moyen d'agir. Je connais bien ces chansons. Elles ont toutes le même fondement : l'impuissance.
Nous voulons faire l'inverse en responsabilisant chacun, non pas pour accuser, mais pour que chacun se ressaisisse, que tout n'aille pas à vau-l'eau et que, en définitive, les mineurs les plus menacés, les plus exposés, soient défendus, secourus, aidés, même si cela doit parfois se faire contre leur gré. Que peut bien penser un gosse de douze ans qui ne va plus à l'école depuis des mois ? Nous n'avons pas à lui demander son avis : l'école est obligatoire aussi pour lui ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Jacques Myard. Ça fait du bien d'entendre ça !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. J'ai entendu des critiques venant de professionnels des droits de l'homme, m'accusant de vouloir « mater des populations rebelles en raison même de leur précarité ». Je le dis du haut de cette tribune : cette accusation est honteuse,...
M. Pierre Lellouche. Scandaleuse !
M. Richard Cazenave. Minable !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... précisément parce qu'elle fait un amalgame honteux entre délinquance et précarité.
M. Xavier de Roux. Bravo !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Et c'est justement ce que nous voulons éviter, car nous voulons que les gens les plus modestes aient le même droit à la sécurité que les gens les plus aisés. Il est vrai que, pour certains, cette approche est une hérésie. Elle va les priver d'un fonds de commerce traditionnel qui est l'explication de la délinquance par la précarité, et finalement sa justification. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Jacques Myard. Eh oui ! Là, ils ne rigolent pas !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Au chapitre des sujets sensibles, j'ai voulu aussi aborder, avec mes collègues européens, la question de l'immigration clandestine. Je me suis rendu à Sangatte, qui est l'abcès de fixation de ce phénomène, si souvent cité, mais si rarement visité. Qui pourrait me reprocher de vouloir fermer ce centre, qui est une incitation à l'immigration clandestine dans des conditions de précarité inacceptables ? Nous prendrons les mesures nécessaires, là aussi en liaison avec les pays d'origine et avec le Haut-commissariat aux réfugiés, pour organiser le retour des Afghans notamment. Faire croire à tous ces malheureux qu'il y a un avenir pour chacun chez nous est un mensonge. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Il n'y a pas d'autre solution que celle qui consiste, pour la France, à se doter d'une grande politique du développement pour permettre à ces pays de donner du travail à chacun de leurs enfants. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Ne comptez pas sur moi pour faire, comme tant d'autres, le généreux dans les colloques et l'aveugle devant la réalité ! (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Il s'agit de la misère humaine et, devant la misère humaine, on doit agir et non pas subir.
M. Hervé Morin et M. François Sauvadet. Très bien !
M. Jean-Claude Lefort. On va voir dans le budget !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Dans le même esprit, je veux dire qu'il est aussi inutile qu'absurde d'essayer d'opposer la répression et la prévention. Les deux sont naturellement nécessaires, indissociables, complémentaires. Je souhaite que l'on veuille bien comprendre que le sentiment d'impunité est un puissant facteur d'encouragement à la délinquance...
M. Robert Pandraud. Très juste !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... et qu'à l'inverse la crainte de l'application juste et ferme de la loi est la plus utile des préventions.
M. Pierre Lellouche. Très bien !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin entend bien conduire, avec Jean-Louis Borloo, une politique de la ville audacieuse, afin de donner à tous ceux qui peinent à trouver leur chemin dans les quartiers difficiles les meilleures chances d'insertion, de bénéficier d'une solide formation, d'accéder à un emploi, bref, de vivre à l'unisson du reste du pays. L'intégration est une tâche immense.
J'ai donné des instructions pour que, partout en France, les commissions départementales d'accès à la citoyenneté reprennent rapidement leur activité, afin de lutter avec beaucoup de fermeté contre toutes les discriminations et de mieux valoriser les initiatives sur le terrain. J'entends proposer au Premier ministre et aux autres membres du Gouvernement d'aller beaucoup plus loin dans ce domaine. Il est indispensable de lutter énergiquement contre les discriminations à la formation professionnelle, à l'emploi, au logement, qui nuisent si lourdement à l'intégration des jeunes issus de l'immigration. Nos concitoyens et les entreprises doivent être placés devant leur responsabilité.
De même, en tant que ministre des cultes, dans le cadre des contacts que j'ai noués avec l'ensemble des religions, je consacre beaucoup de temps et d'énergie à la création d'une instance représentative du culte musulman,...
M. François Sauvadet. Très bien !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... dont je considère qu'elle est un facteur d'intégration. Après avoir pris acte du désaccord qui préexistait entre les différents partenaires de la consultation des musulmans de France, j'ai réuni l'ensemble des parties intéressées pour m'engager avec elles à parvenir rapidement à la création de cette instance dans un cadre qui concilie l'efficacité, la représentativité et l'attente immense des musulmans de France.
J'entends notamment, dans le respect du principe de laïcité, donner aux musulmans la liberté et les moyens de s'organiser, en lien avec l'instance nationale, dans des conseils régionaux qui permettront de résoudre sur le terrain les difficultés liées à la pratique et à la méconnaissance du culte musulman.
Je veux rendre hommage à tous ces acteurs admirables qui, au quotidien, se donnent tant de mal pour que nos villes et nos quartiers ne sombrent pas. Associations, éducateurs, militants et anonymes doivent être soutenus et encouragés.
M. Pierre Cardo. Très bien !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Mais eux aussi, peut-être même eux d'abord, ont besoin pour agir du rétablissement de la sécurité sur tout notre territoire. Sans sécurité, il n'y a pas de liberté. Et sans cette dernière comment pourrait-on saisir la main tendue par la société ? Tous ceux qui veulent s'en sortir doivent avoir une chance, une opportunité, une occasion. J'en suis le premier convaincu. La porte doit toujours être ouverte, surtout pour celui qui accumule les handicaps et qui est un accidenté de la vie. Mais l'honnêteté doit nous conduire à dire que nul ne peut être sauvé s'il ne décide lui-même de se donner un minimum de mal pour cela. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Le vieux précepte : « Aide-toi, le ciel t'aidera ! » reste d'actualité. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)
S'agissant de la religion, l'ambition est immense. Il s'agit de permettre un islam de France et non pas un islam en France. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Il s'agit de faire sortir l'islam de la clandestinité sans asseoir l'intégrisme et le fondamentalisme à la table de la République. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)
Le projet de loi qui vous est proposé a pour ambition de tracer un chemin vers cet objectif. Nous avons choisi une voie multiforme, parce que c'est celle de la cohérence. La nouvelle architecture de la politique de sécurité intérieure place au sommet des forces de sécurité le Président de la République qui oriente, impulse, coordonne et évalue.
Au niveau gouvernemental, une grande innovation : gendarmes et policiers sont désormais placés, pour les missions de sécurité intérieure, sous l'autorité du ministère de l'intérieur. Il est apparu indispensable également de créer de nouveaux moyens opérationnels au niveau national, par le renforcement des offices centraux de police judiciaire existants et par la création d'un nouvel office central chargé de la recherche des malfaiteurs en fuite.
Au 1er mai 2002, on recensait 4 000 malfaiteurs en fuite, sans qu'aucune instance n'organise leur recherche. Qui peut trouver cela normal ?
La politique de sécurité sera ensuite déclinée au plan départemental avec les conseils locaux présidés par les préfets et les procureurs.
Deux autres réformes sont engagées. Les GIR - groupements d'intervention régionaux - d'abord, sont la réponse à l'existence de situations particulières, là où la criminalité s'est organisée en réseau, là où règne une économie souterraine. Au-delà des forces de police et de gendarmerie, ces GIR mobiliseront les services de la douane, du fisc, les services des fraudes et de la concurrence, ceux du travail et de l'emploi, pour traquer les délinquants en amont et demander à chacun de justifier de ses revenus. C'est en effet une injure à la République que de voir des individus notoirement connus pour ne pas travailler et ne pouvant justifier de leurs revenus depuis des années circuler au volant de véhicules que des honnêtes gens qui ont travaillé toute leur vie ne pourront jamais se payer. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) A eux aussi, nous avons des questions à poser !
Une autre nouvelle mesure concerne le rôle des maires. Les maires doivent se voir confier un rôle accru. (Applaudissements sur les mêmes bancs.) Ils se verront reconnaître deux responsabilités importantes.
M. Yves Nicolin. Enfin !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. D'abord, un droit double à l'information.
M. Jean-Pierre Blazy. C'est déjà fait !
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Non !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Il est inadmissible que les maires, élus au suffrage universel, découvrent en lisant la presse du lendemain des faits de délinquance, le localier étant mieux informé que l'élu local. Les commissaires de police et les commandements de brigade recevront instruction de donner aux maires toutes les informations sur ces événements en temps réel.
M. Jean-Pierre Blazy. Ils les ont déjà ! (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ce droit d'information sera doublé d'un autre droit. Les maires auront connaissance, en temps réel, des moyens en matériel et en personnel que l'Etat consacre au maintien de l'ordre public dans le ressort de la circonscription qui est la leur. En effet, je l'affirme, pas un seul élu ici ne connaît le nombre de policiers ou de gendarmes agissant sur son territoire.
M. Bernard Accoyer. C'est vrai !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Pas un seul ne le connaît puisque ce n'est pas prévu par les textes et que le directeur de la sécurité publique a lui-même bien du mal à faire le point.
Enfin, nous demanderons aux maires de présider les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, consacrant ainsi leur action en matière de prévention. Il ne s'agit nullement de municipaliser la police nationale et pas davantage de donner aux maires des responsabilités de commandement opérationnel. Il s'agit, au contraire, de les associer, de s'appuyer sur leurs compétences et de faire en sorte qu'ils soient des acteurs majeurs de la police de proximité et de la prévention. Il va de soi d'ailleurs que, dans ces nouveaux conseils locaux, les polices municipales auront toute leur place et joueront tout leur rôle (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française), elles qui répondent au quotidien à une demande multiple de nos concitoyens.
Il faudra également changer les méthodes au service de la police de sécurité. Cela veut dire d'abord changer la stratégie d'emploi de nos forces mobiles. Les 30 000 agents de la gendarmerie mobile et des compagnies républicaines de sécurité doivent être placés en priorité au service de la sécurité quotidienne. Il est temps de passer d'une police d'ordre public à une police de sécurité publique.
M. Yves Nicolin. Eh oui !
M. Claude Goasguen. Très bien !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Par ailleurs, nous équilibrerons mieux la police de proximité et l'action judiciaire. La mise en oeuvre de la police de proximité ne doit pas se faire au détriment des capacités d'action judiciaire et de la présence nocturne des forces de police. Il faut renforcer la capacité d'action judiciaire des forces de police pour interpeller les délinquants et les déférer à la justice.
S'agissant des capacités d'action judiciaire, nous augmenterons le nombre des officiers de police judiciaire. Nous revaloriserons cette compétence en la prenant en compte dans le traitement indemnitaire et dans la progression de carrière. Enfin, nous étendrons au département la compétence territoriale des officiers de police judiciaire.
Les services territoriaux de la police judiciaire seront regroupés en directions interrégionales. La délinquance se moque bien de nos répartitions administratives qui sont aujourd'hui trop rigides et trop faibles.
M. Christian Cabal. Tout à fait !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Par ailleurs, nous redéfinirons les zones de compétence de la police nationale et de la gendarmerie. Les protocoles qui confient à la gendarmerie nationale certaines zones, normalement sous la responsabilité de la police, seront abrogés et des échanges territoriaux pourront être décidés sur proposition des autorités locales.
Enfin, dans les zones de gendarmerie, le maillage territorial, qui date de 1850, sera maintenu dans son principe, mais revu dans son organisation. La proximité est une exigence. Mais là où cela est nécessaire, le service doit s'organiser autour de communautés de brigades permettant de mutualiser leurs moyens et dotées d'un commandement unique. Disons-le tout net, une brigade à six n'a que peu de marge opérationnelle. Plusieurs brigades à six, en unissant leurs moyens, peuvent mettre sur pied des patrouilles plus fréquentes, notamment la nuit. Je tiens à le préciser : il n'y aura pas de schéma national préétabli. C'est, en effet, à ces fameux schémas nationaux que l'on doit l'échec de tant de réformes. La France est un territoire divers. Il faut non pas nier cette diversité, mais au contraire en prendre acte pour adapter les stratégies nationales.
J'ajoute que nous assurerons la différence entre la notion de casernement et celle de commandement. Les unités et les brigades resteront dans chaque canton, mais elles seront organisées et commandées au niveau d'un commandement de brigade. La population pourra ainsi continuer à profiter de la présence des brigades. Quant à la gendarmerie, elle sera ainsi beaucoup plus opérationnelle et pourra assurer une présence de jour comme de nuit. Cela fait bien longtemps, en effet, que les élus ruraux, les élus périurbains se plaignent d'une trop faible présence de la gendarmerie la nuit sur leur territoire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Ce n'est pas que les gendarmes n'en aient pas la volonté, mais ils n'en ont pas les moyens ! Une organisation qui n'a pas été revue depuis cent cinquante-deux ans (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) doit être repensée, parce que la délinquance s'est déplacée des villes vers les territoires ruraux sans s'occuper de notre maillage territorial.
M. Jean Marsaudon. Très bien !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Cette réforme présente un autre avantage. Il ne s'agit pas de masquer une nouvelle réduction d'effectifs. Nous créerons 7 000 postes de gendarmes en exigeant la réforme. Cela ne sera pas un tonneau des Danaïdes. Il ne s'agit pas d'augmenter les effectifs, de dépenser de l'argent sans exiger l'efficacité en contrepartie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
Par ailleurs, un terme sera mis à l'emploi des policiers et des gendarmes dans des fonctions qui ne sont pas strictement liées à la sécurité - je pense aux gardes statiques et à la si angoissante question du transfert à l'administration pénitentiaire des transferts de détenus.
Mme Maryse Joissains-Masini. Très bien !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Certaines villes moyennes se trouvent en effet privées de la présence des forces de police pendant toute une journée lorsqu'il y a des transferts de détenus à organiser. Ce n'est pas une question facile, mais elle sera tranchée avant la fin de l'année.
La création d'une réserve civile de la police nous a paru également indispensable. Elle a deux objectifs. Le premier est de doter notre pays d'une capacité de mobiliser des renforts en cas de crise grave. Que ferions-nous demain si nous devions assurer la garde de certains équipements - je pense aux centrales nucléaires ? De quelle réserve disposerions-nous pour le faire ? Qui peut jurer que nous ne nous trouverons pas, demain, devant une menace d'une telle ampleur qu'elle exigerait un renfort des effectifs de police nationale. D'autant que le service national a été supprimé.
Le second objectif est de solliciter de jeunes retraités - vous savez que, dans la police, on part parfois à la retraite à cinquante-cinq ans, parfois même avant, à cinquante-deux ans - qui seraient volontaires pour des tâches de médiation ou de soutien social à leurs collègues en activité. Au nom de quoi se priverait-on de cette compétence ? C'est un drame pour la France que d'être, de tous les pays d'Europe, l'un de ceux où le nombre de quinquagénaires ayant une activité est le plus faible alors même que nous allons vivre plus longtemps et que nous avons besoin de davantage de gens qui travaillent pour verser des cotisations. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
Qui se plaindra si nous avons davantage de cotisants et moins de pensions à verser parce que de jeunes retraités sont volontaires pour assurer des tâches de médiation ou de soutien social à leurs collègues en activité ?
Enfin, le renforcement de la lutte contre l'insécurité routière est devenu une priorité absolue, avec près de 8 500 morts par an et plus de 150 000 blessés. Il nous faut disposer de moyens modernes de contrôle et de constatation des infractions, qui ne sont pas forcément humains.
La seconde partie de l'annexe consacrée aux orientations porte sur les nouveaux moyens juridiques. Elle entre dans le corps des mesures qui seront proposées dans un autre projet de loi à l'automne. Le présent texte prévoit d'ores et déjà des mesures tendant à restaurer l'autorité de l'Etat et la capacité des agents de l'Etat à agir. Nous voulons mettre un coup d'arrêt à l'explosion de nouveaux types de délinquance.
Il en est ainsi du vol des téléphones portables : les agresseurs devront vite comprendre que ces vols sont désormais inutiles, parce que nous nous emploierons à faire bloquer l'usage des téléphones volés en accord avec les fabricants. Même s'il peut paraître non prioritaire s'agissant d'un vol d'objet, je prends cet exemple à dessein, parce que ce type d'agression s'est tristement banalisé. Or ça n'est pas un détail dans dans la vie des victimes...
M. Jean Glavany. Pour les statistiques surtout !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés sociales. ... car ce vol s'accompagne surtout de violences, très perturbantes en soi, et notamment de violences sur les plus jeunes.
M. Alain Néri. C'est une découverte ?
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Il en est de même des vols de voiture, qui augmentent, et contre lesquels nous voulons enfin mettre en place un dispositif efficace de localisation des véhicules volés. Plusieurs drames récents nous ont aussi rappelé que des mesures adaptées doivent être trouvées pour faire face à l'usage incontrôlé des armes. Il y a trop d'armes en libre circulation dans notre pays. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) A cet égard, j'aimerais qu'on m'explique à quoi sert de prévoir un contrôle a posteriori. A l'évidence c'est a priori que le contrôle doit être effectué. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Les armuriers doivent pouvoir refuser de vendre des armes à des hommes et des femmes qui ne sont pas en mesure d'en détenir une.
Enfin, il est aussi urgent de donner une réponse, en termes de prévention comme d'action, à la délinquance des mineurs. Il faut lutter plus activement contre le proxénétisme qui est de plus en plus alimenté par des réseaux criminels étrangers. Il faut aussi réprimer des comportements qui perturbent gravement la vie sociale, tels que la mendicité agressive ou les regroupements en bande dans les halls d'immeuble.
A cet égard, je veux rapporter ici les propos de ce monsieur qui vit dans le xviiie arrondissement : « Croyez-vous qu'après une vie de travail, je ne ressente pas comme une atteinte à ma dignité de devoir baisser la tête pour rentrer dans mon immeuble parce que des individus qui, visiblement, n'ont rien à faire de la journée se rassemblent dans le hall au vu et au su de tous, sans que personne n'y trouve rien à redire ? ». (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Pierre Lellouche. Merci Vaillant !
M. Jean Marsaudon. La situation est dramatique dans le xviiie !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Il faut également réprimer l'installation des gens du voyage contre le souhait des propriétaires publics ou privés. Nous lui opposerons une aggravation des sanctions existantes. Là encore, il n'y aura pas d'amalgame. Il est, en effet, des rassemblements évangéliques que nous devons accepter, organiser, voire souhaiter. En revanche, que ceux qui parlent si facilement des gens du voyage imaginent leur réaction s'ils voyaient 150 caravanes arriver dans leur village ou leur ville...
M. Jacques Myard. 150 au bas mot !
M. Jean Glavany. Ça nous arrive tous les jours !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... s'installer sur des terrains privés, se brancher sur les réseaux d'électricité et d'eau de la commune (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) sans aucune condition sanitaire. Dès lors que ces rassemblements ne respecteront pas la loi, ils seront condamnés et réprimés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Yves Fromion. Voilà un ministre réaliste !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. J'aurai l'occasion de vous présenter des propositions très concrètes qui iront de la confiscation des véhicules à des sanctions financières. Il faut là encore alléger certaines contraintes de procédure, de manière tout à fait précise et ciblée, sans porter atteinte en quoi que ce soit aux droits de la défense, mais dans un pur et simple souci de faire aboutir les enquêtes. Je souhaite par exemple que les équipes judiciaires de la police et de la gendarmerie puissent être dotées de moyens vidéo, notamment dans les zones sensibles. Ils permettront d'apporter des preuves en cas de violences urbaines, et ainsi de mettre un terme à l'action de multirécividistes, qui polluent la vie de tous dans un certain nombre de quartiers et sont à l'origine d'amalgames scandaleux. N'oublions pas, en effet, que l'ensemble des jeunes vivent tranquillement et n'ont rien à voir avec ces voyous que l'on doit poursuivre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
Pareillement, un certain nombre de mesures visant à garantir la sécurité des témoins au cours des procédures et après ces dernières vous seront proposées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Il est anormal en effet qu'après avoir reçu dans mon bureau des représentants d'associations de jeunes de quartiers dits sensibles, le frère de l'un d'entre eux ait été brutalisé par les membres de véritables mafias parce que nous ne sommes pas en mesure de protéger les témoins. C'est, là encore, une injure à la République et à l'Etat de droit ! (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)
M. Bernard Accoyer. Absolument !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Il doit être clair dans cette assemblée qu'il y aura désormais une action au service des mots.
M. Jacques Myard. Enfin un ministre de l'intérieur !
M. Jean Marsaudon. Un vrai !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. L'ensemble de ces orientations s'appuient sur des moyens supplémentaires : 7 000 emplois dans la gendarmerie, 6 500 dans la police, auxquels viendront s'ajouter les 2 162 surnombres existant à ce jour et les 2 500 emplois de fonctionnaires qui viendront compenser le rachat des jours ARTT.
Mais tout n'est pas affaire d'effectifs. Il faut également moderniser la question immobilière. Les crédits de paiement consacrés aux investissements immobiliers augmenteront ainsi de 93 % par an dans la police et de 81 % dans la gendarmerie. Pour la police nationale, nous passerons de 45 000 mètres carrés de mises en chantier par an à 100 000 mètres carrés. Pour la gendarmerie, c'est 4 000 logements qui seront créés en cinq ans et 3 500 qui seront rénovés.
Mme Françoise de Panafieu. Bravo !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je veux d'ailleurs préciser ici que ce n'est pas du luxe. Disposer d'un logement ne constitue pas un « avantage » pour nos gendarmes. C'est une obligation de service public,...
M. Jean-Paul Charié. Bien sûr !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... c'est un dû, c'est un droit, et c'est notre devoir de leur permettre de loger décemment leurs familles.
M. Hervé Morin. Décemment !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est ainsi que les gendarmes resteront au service de la sécurité et ne seront pas amenés à descendre dans la rue comme ce fut le cas voilà quelques mois. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
Par ailleurs, le parc automobile sera remis à niveau et entretenu. Et je n'hésiterai pas à externaliser toutes ces tâches. Pourquoi la préfecture de police devrait-elle entretenir un garage ?
M. Pierre Lellouche. Très bien !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Pourquoi la police ne peut-elle faire réparer ses véhicules...
M. Jean-Paul Charié. Par nos artisans !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... dans ces garages installés partout en France, qui ont besoin de travail et où l'on trouve des professionnels de qualité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Un gendarme, un policier n'a pas pour mission de réparer des voitures.
Enfin, il conviendra de mettre l'accent sur le soutien psychologique et social. C'est là un élément extrêmement important. Comme vous le savez, un policier est aujourd'hui entre la vie et la mort à l'hôpital de Nice parce qu'un délinquant lui a tiré dessus. Un autre se trouve à l'hôpital du Kremlin-Bicêtre parce qu'un autre délinquant, actuellement en fuite, lui est passé dessus à deux reprises avec son véhicule. C'est un métier dangereux. C'est un métier qui appelle notre considération, notre respect et notre soutien. Les effectifs, les moyens, l'argent, l'arsenal juridique, c'est bien, mais cela ne suffit pas si nous ne sommes pas décidés à soutenir ces hommes et ces femmes courageux qui assurent la sécurité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Et c'est justement parce que nous les soutiendrons sans délai, sans réserve, et avec force, que nous exigerons de chacun d'eux le respect des valeurs républicaines et de la déontologie qui est la leur.
M. Jean-Paul Charié. C'est logique !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Parce que nous soutenons policiers et gendarmes, toute défaillance par rapport aux règles déontologiques ou aux valeurs républicaines sera vécu par vous et par moi comme une véritable trahison. Rien de tel ne sera toléré, parce que notre soutien est total.
M. Robert Pandraud. Très bien !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Parce que nous les soutenons nous pourrons être exigeants sur le respect des valeurs républicaines ; et ce sont ceux-là mêmes qui leur ont mégoté leur soutien qui n'étaient pas capables de faire respecter ces valeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
Oui, mesdames, messieurs, nous serons jugés sur nos résultats. Cette obligation de résultats s'impose au dernier des gardiens de la paix. Elle s'imposera naturellement à moi au premier chef. Les Français attendent de nous des faits, des actes, des décisions. J'espère que l'Assemblée nationale nous autorisera à les mettre en oeuvre. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - De nombreux députés de ces groupes se lèvent et continuent d'applaudir.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
M. Christian Estrosi, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en abordant l'examen de ce projet de loi d'orientation et de programmation sur la sécurité nous accomplissons, n'en doutons pas, un des actes majeurs de cette nouvelle mandature. Ce texte est courageux, novateur, audacieux. Il est courageux, car il marque, sans aucun tabou, une rupture totale avec une certaine résignation, voire avec une certaine complaisance face à la montée exponentielle de l'insécurité. Il est novateur car, pour la première fois, il associe la représentation nationale à la définition d'une stratégie globale et transversale de lutte contre l'insécurité pour les cinq ans à venir sachant que dès l'automne un texte normatif inscrira dans notre législation les orientations que nous fixons aujourd'hui. Il est audacieux, car il accorde des moyens jamais égalés par le passé pour la réalisation d'objectifs particulièrement exigeants.
Ce projet qui déclare la guerre à l'insécurité doit, au-delà des clivages, qui ont trop longtemps retardé la réelle prise en compte de la gravité de la situation de l'insécurité dans notre pays, nous rassembler dans une même ambition, visant à établir en tout lieu du territoire national et pour chaque citoyen de la République la première des libertés, celle de vivre en sécurité.
L'enjeu est capital : il s'agit de restaurer la cohésion du pacte républicain déchiré par l'explosion d'une violence qui signe une formidable injustice sociale en frappant d'abord les plus faibles et les plus démunis.
En vingt ans, le nombre de crimes et délits a augmenté de plus de 40 % pour franchir le cap insupportable des 4 millions en 2001.
Ces chiffres dessinent une délinquance de plus en plus violente et de plus en plus traumatisante pour les victimes et renvoient à la responsabilité de l'Etat qui s'est montré, hélas ! incapable d'assurer sa première mission, celle de protéger ses concitoyens.
Il est temps, il n'est que temps de réagir pour la République et par la République. La loi, expression de la volonté générale, trop souvent bafouée, détournée, violée doit être à nouveau respectée.
Face à cette situation de crise, dès sa nomination, le Gouvernement a effectué le choix de l'action. En quelques jours, monsieur le ministre, vous avez démontré que là où il y a une volonté il y a un chemin. Les premiers résultats du mois de juin attestent de l'efficacité de votre politique.
M. Jean-Pierre Blazy. N'exagérons pas !
M. Christian Estrosi, rapporteur. Avec ce projet de loi nous franchissons, ensemble, une étape décisive grâce à une méthode nouvelle. L'article 1er et l'annexe I définissent, en effet, une véritable doctrine de lutte contre l'insécurité.
Ce projet de loi apporte des réponses adaptées aux attentes des Français face aux différents phénomènes qui affectent la vie en société : immigration clandestine, proxénétisme, trafic de stupéfiants, stationnement illégal des gens du voyage, délinquance des mineurs, délinquance de voie publique, absentéisme scolaire. Aucune des problématiques qui était jusqu'alors sacrifiée sur l'autel du politiquement correct n'a été éludée.
La nouvelle architecture institutionnelle de la sécurité intérieure s'impose par sa cohérence : au plan national, le Conseil de sécurité intérieure et le ministère de la sécurité intérieure ; au plan local, les conférences départementales de sécurité, et les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance présidés par les maires.
Cette dernière structure replace enfin le maire au coeur du dispositif de lutte contre l'insécurité au titre de l'information et de la prévention, d'abord, mais aussi - et c'est un souhait de la commission des lois auquel a accédé le ministre - en conférant aux polices municipales une vraie complémentarité avec la police nationale et la gendarmerie nationale.
La nouvelle doctrine d'emploi des forces de sécurité représente également une véritable avancée pour remettre la police et la gendarmerie sur le « terrain » comme l'exige l'efficacité et comme le réclament les Français. Le rapprochement entre les forces de police et de gendarmerie est une avancée historique puisque, depuis la IIIe République, ces deux forces gravitaient chacune dans leur sphère de compétence. Il se justifie par le rapprochement des taux de criminalité entre les secteurs placés sous compétence de police, d'une part, et sous compétence de gendarmerie, d'autre part.
Les forces mobiles seront enfin fidélisées en appui des missions de sécurité dans leur région d'implantation. Un rédéploiement équilibré des zones de compétence de la police et de la gendarmerie et des effectifs veillera à adopter un schéma d'organisation conforme à l'évolution des zones de délinquance. Enfin, les policiers et les gendarmes ne devront plus accomplir de tâches non directement liées à la sécurité, notamment certaines tâches administratives ou techniques.
De plus, la possibilité pour les officiers et sous-officiers de gendarmerie d'être maintenus en activité un an de plus à leur demande introduira une certaine souplesse dans la gestion des effectifs.
Par ailleurs, la création d'une réserve civile de la police constitue une novation majeure, qui permettra de faire face à des situations exceptionnelles. La police de proximité verra ses carences actuelles corrigées par une augmentation de ses capacités d'action judiciaire et par un renforcement de la présence nocturne des forces de l'ordre. Nos concitoyens n'ont pas compris que les actions de la police de proximité - certes le concept était beau - relevaient davantage de la politesse que de l'intervention. (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
L'exhaustivité de cette loi d'orientation et de programmation conduit également à définir les moyens juridiques nécessaires pour permettre aux forces de sécurité de lutter plus efficacement contre la délinquance. Je salue ainsi la création d'un nouvel office central chargé de la recherche des malfaiteurs en fuite ou encore l'extension du fichier national des empreintes digitales aux empreintes palmaires, l'accès des policiers et des gendarmes au même fichier de recherche criminelle, la lutte contre le vol des téléphones portables ou le vol des véhicules.
La commission des lois a également souhaité faire figurer au rang des priorités la protection de l'ensemble des personnels - forces de l'ordre et personnels hospitaliers - qui ont à assurer de façon permanente ou occasionnelle la garde des détenus particulièrement dangereux. A cet égard, c'est avec émotion que je veux ici rappeler après vous qu'un policier s'est fait tirer dessus il y a quarante-huit heures à l'hôpital Saint-Roch de Nice par un détenu. Ce dernier, qui avait été conduit aux urgences pour des soins, a également blessé des membres du personnel hospitalier, en tentant de s'échapper. Au moment où ce policier est entre la vie et la mort, je vous remercie, monsieur le ministre, de présenter des mesures visant à prévenir de telles actions. Elles ont d'ailleurs été renforcées encore ce matin par la commission des lois, qui a ainsi répondu à des revendications fort anciennes. Sans doute n'aurions-nous pas connu ce drame à Nice si de telles dispositions avaient été prises plus tôt.
M. Pierre Cohen. C'est honteux !
M. Christian Estrosi, rapporteur. Monsieur le ministre, je salue également votre volonté de mettre en avant l'aspect préventif de la lutte contre l'insécurité, en particulier dans son aspect local. Nous examinerons demain matin un amendement du Gouvernement qui permettra de mettre en place une politique de prévention innovante et intelligente, basée sur la concertation avec l'ensemble des acteurs intervenant dans ce domaine.
Le pragmatisme, véritable ligne conductrice du texte, oriente les moyens de lutte contre les nouvelles formes de délinquance. Je pense en particulier à la mendicité agressive, aux regroupements dans les halls d'immeubles, à l'envahissement des propriétés par les gens du voyage que la commission des lois a souhaité voir combattre avec détermination grâce à de nouveaux outils juridiques.
Là aussi, monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir évoqué devant la représentation nationale, avec tant de pragmatisme, toutes ces situations qui suscitent, tant et tant d'exaspération et que nos concitoyens admettent de plus en plus mal. Comment pourrait-il en être autrement alors que cent à cent cinquante caravanes, tractées par de belles et grosses voitures dont pendant trop longtemps on ne s'est pas demandé avec quelles ressources elles avaient été financées,...
M. Arnaud Lepercq. Le rempaillage des chaises !
M. Christian Estrosi, rapporteur. ... peuvent s'installer en toute impunité n'importe où, alors que leurs occupants peuvent se brancher sur le réseau d'électricité publique pour se fournir en énergie, payée par l'argent du contribuable (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), sur les bouches à incendie pour s'alimenter en eau potable, payée par l'argent du contribuable, et qu'ils rejettent des déchets polluant l'ensemble de nos nappes phréatiques sans que la moindre mesure sanitaire ne soit prise ? Ces occupations illicites de propriétés privées ou publiques ne sont plus acceptables.
M. Jacques Barrot. Très bien !
M. Christian Estrosi, rapporteur. Dans ce cadre, la création des groupements d'intervention régionaux constitue un pas important vers cette impunité zéro que nous cherchons à atteindre. La commission a tenu à faciliter les moyens d'actions des nouveaux GIR, en levant l'obligation du secret professionnel auquel sont tenus les agents du fisc et des douanes, lorsque des policiers ou des gendarmes leur demandent des renseignements dans le cadre de la lutte contre les trafics illicites.
Au moment où vous mobilisez l'ensemble des forces qui peuvent contribuer au démantèlement de ces réseaux et à la lutte contre les économies souterraines - police, gendarmerie, magistrats, inspection des services fiscaux, inspection du travail - personne ne comprendrait qu'il n'y ait pas d'échange d'informations et de fichiers entre elles.
Je vous remercie, monsieur le ministre, pour cette initiative et je me réjouis que la commission des lois ait pu apporter une contribution importante pour le bon fonctionnement des GIR.
L'arsenal législatif et la panoplie de mesures nouvelles sont à la hauteur de la détermination du Gouvernement.
Pour autant, ce catalogue ne décrirait que des voeux pieux s'il ne s'accompagnait pas des moyens adaptés à leur engagement concret.
Cet aspect a souvent été oublié dans les approches précédentes, ce qui a rendu toute réelle volonté d'action inopérante.
L'article 2 et l'annexe II vous offrent, monsieur le ministre, les moyens de votre politique.
Les 5,6 milliards d'euros programmés - ce qui traduit un effort budgétaire exceptionnel - autoriseront notamment la création de 13 500 emplois supplémentaires et permettront de doter les forces de l'ordre de moyens matériels renouvelés.
Ils permettront également de s'attaquer au vaste chantier de la réhabilitation de l'immobilier des forces de l'ordre - commissariats et brigades de gendarmerie - dont l'état de vétusté constitue aujourd'hui une honte pour notre pays et une profonde source de démobilisation pour la police.
Lorsque nous voyons que, en zone rurale, les gendarmes ne déposent plus de candidature pour aller servir dans des régions auxquelles ils étaient traditionnelllement très attachés parce que leurs épouses ou leurs enfants ne veulent pas s'installer dans des endroits qu'ils jugent indignes d'accueillir des familles, il est grand temps que nous leur redonnions une motivation en nous attachant au renouvellement et à la reconstruction de tout ce patrimoine immobilier. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
Je me réjouis enfin de la mise en place d'une procédure d'évaluation de l'action de la police et de la gendarmerie. Cette procédure, qui a fait ses preuves à l'étranger, tend à introduire une « culture de résultat » totalement absente jusqu'alors.
Au total, je veux saluer un texte pragmatique, exhaustif et efficace en soulignant la qualité et l'ampleur du travail accompli, en un mois jour pour jour, par le Gouvernement et le ministre de l'intérieur.
Je veux encore souligner, mes chers collègues, que tous les engagements qui ont été pris par le Président de la République et la nouvelle majorité devant les Français en matière de lutte contre l'insécurité se traduisent intégralement dans ce projet de loi.
Je me réjouis que le texte qui nous est présenté marque clairement et sans ambiguïté la confiance que nous portons à nos policiers et à nos gendarmes. En effet, certaines lois précédentes ont été ressenties légitimement par les forces de l'ordre comme des actes de défiance. Cette page doit être définitivement tournée pour rendre toute leur dignité aux policiers et aux gendarmes, qui accomplissent au quotidien, avec courage et déterminition, une action formidable au service de la République.
Pour terminer, la délinquance étant aussi le produit du manque d'efficience de la justice, il nous reste maintenant à aborder le volet pénal et judiciaire avec le même courage et la même détermination, car rien ne sera possible si notre justice ne retrouve pas l'efficacité qu'elle a perdue et si n'est pas mise en oeuvre une politique pénale qui s'inscrive dans le prolongement du présent texte sur la sécurité intérieure. Nous faisons, bien sûr, confiance en cela au Gouvernement. J'ajoute, enfin, monsieur le ministre, que la commission des lois a adopté votre texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.
M. Alain Moyne-Bressand, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la volonté de lutter contre l'insécurité, placée au centre du débat politique par les Français, a été pleinement prise en compte par le Gouvernement, à la demande du Président de la République. Le Gouvernement s'est engagé à répondre rapidement à cette attente et a entrepris de déposer, au cours de cette session extraordinaire, un ambitieux projet de loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure.
Monsieur le ministre, je tiens à vous féliciter pour la fermeté, l'autorité et la détermination dont vous faites preuve dans vos propos et dans le projet de loi.
La commission de la défense a décidé de se saisir pour avis du texte dans la mesure où la gendarmerie, qui restera dans le périmètre budgétaire du ministère de la défense, est associée, à parité avec la police nationale, à l'ensemble des mesures qui sont proposées.
Beaucoup a déjà été dit. Aussi, je resserrerai mon propos en soulignant avant tout que, si ce projet prévoit certes des moyens nouveaux considérables, il pose aussi la question des résultats à venir. De ce point de vue, il est significatif qu'une « clause d'évaluation » indépendante ait été prévue.
J'insisterai également sur les aspects concrets du projet et les mesures de bon sens qui doivent permettre aux forces de sécurité de mieux travailler.
Le projet recouvre trois grandes priorités : améliorer la situation des effectifs, aussi bien quantitativement que qualitativement ; donner aux forces de gendarmerie les moyens d'agir et, plus largement, faire travailler ensemble les différents acteurs de la sécurité.
Les mesures portant sur les effectifs sont sans doute les plus spectaculaires, avec 7 000 créations de postes dans la gendarmerie prévues sur la période de programmation. L'essentiel de ces nouveaux postes sera consacré à l'amélioration de la sécurité de proximité. Les financements prévus à cet effet représentent 1,13 milliard d'euros.
Le projet ne saurait pourtant être réduit à une simple démarche quantitative. Il s'agit aussi, et peut-être même surtout, de mieux utiliser les effectifs disponibles.
Quatre séries de mesures significatives sont ainsi proposées.
L'article 4 permet, sous certaines conditions, de prolonger de un an la durée d'activité d'une partie des officiers et sous-officiers de la gendarmerie, ce qui devrait permettre le maintien en poste de personnels expérimentés et qualifiés, rendu d'autant plus nécessaire par l'arrivée massive de nouveaux gendarmes.
Il est également prévu de revoir la doctrine d'emploi de la gendarmerie mobile, afin de l'affecter prioritairement à des actions ayant lieu dans le ressort territorial des régions où ses unités sont implantées.
Une réforme importante est annoncée en matière de répartition et d'organisation territoriales de la gendarmerie.
En ce qui concerne la question sensible de l'évolution des zones de compétence territoriale entre police et gendarmerie, la première annexe indique qu'il convient de parvenir à un redéploiement rationnel et équilibré, afin de « corriger, par le biais d'échanges compensés, les situations qui présentent au plan local un manque de logique opérationnelle ».
Par ailleurs, des redéploiements doivent être poursuivis et amplifiés au sein des zones couvertes par la gendarmerie.
Le concept de communauté de brigade constitue à cet égard un des éléments importants d'amélioration de l'organisation du service, au travers de la mutualisation des moyens.
Cette modernisation du maillage territorial devrait concerner les deux tiers des unités territoriales actuelles. Les effectifs de deux ou trois unités seront placés sous les ordres d'un commandement unique. Les règles de fonctionnement et d'accueil du public seront étudiées localement et adaptées aux besoins de la population. Il convient par ce biais de parvenir à un effectif cumulé égal ou supérieur à seize militaires, afin d'orienter le service de jour et de nuit vers la surveillance générale, la prévention et l'intervention rapide.
Enfin, et je pense qu'il s'agit là d'un point essentiel, un recentrage sur les activités régaliennes est annoncé.
Pour les gardes statiques, des efforts significatifs peuvent être accomplis.
Actuellement, les missions de garde statique effectuées par la seule gendarmerie mobile impliquent l'engagement d'environ 800 militaires déployés autour des résidences de certaines personnalités,...
M. Bernard Accoyer. A Latché !
M. Alain Moyne-Bressand, rapporteur pour avis. Par exemple !
Ces 800 militaires sont également déployés autour de bâtiments publics et d'ambassades étrangères. Au total, le recours à des solutions alternatives ou à l'abandon de certaines missions permet d'envisager un gain d'effectifs variant de 600 à 700 militaires, pour l'ensemble de la gendarmerie.
M. Michel Voisin. Voilà une bonne analyse !
M. Alain Moyne-Bressand, rapporteur pour avis. Il est une autre question pour laquelle le recentrage de la gendarmerie sur ses missions propres doit être mis en oeuvre activement : c'est celle des extractions et des transfèrements des détenus.
M. Michel Voisin. Très bien ! On le demande depuis vingt ans !
M. Alain Moyne-Bressand, rapporteur pour avis. Cette tâche est particulièrement lourde et mobilise des effectifs considérables. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
Dans les zones où les effectifs sont peu nombreux, les missions de transfèrement affectent de façon très significative l'activité et la disponibilité des petites brigades.
La première annexe indique qu'une réflexion sera lancée sur la possibilité d'un transfert à l'administration pénitentiaire de cette mission, les premières propositions devant être faites dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi. Cette question des transfèrements a suscité un débat au sein de la commission de la défense. Certes, les détenus dont la dangerosité est avérée nécessitent que leurs transferts soient assurés par la police et la gendarmerie. Mais cela ne concerne à l'évidence qu'une minorité de cas. Un large recours à l'administration pénitentiaire, dotée des moyens nécessaires, voire une externalisation de cette activité sont donc possibles et souhaitables. Bien entendu, une rationalisation des procédures en matière de demandes de transfèrement serait également nécessaire. J'estime que cette réflexion doit être menée aussi vite que possible et, surtout, aboutir à des mesures concrètes, susceptibles de dégager des effectifs de gendarmes au profit de la lutte contre la délinquance et la criminalité, ce qui est le fondement du projet de loi. C'est en ce sens que j'ai déposé un amendement visant à ce que les réflexions en cours ne se perdent pas une nouvelle fois dans les sables et qu'au moins une expérimentation de transfert effectif puisse être menée rapidement. Enfin, il me semble également nécessaire d'aller dans le sens d'une profonde simplification des nombreuses activités purement administratives, qui se sont accumulées au fur et à mesure des années et qui amputent largement le temps de travail utile des gendarmes, tout en constituant souvent d'ailleurs des tracasseries inutiles pour les administrés.
M. Marc Le Fur. C'est vrai.
M. Alain Moyne-Bressand, rapporteur pour avis. On ne compte pas le nombre de comptes rendus, de rapports, de statistiques, d'études qui sont demandées à nos gendarmes et à nos policiers.
M. Marc Le Fur. Très juste.
M. Alain Moyne-Bressand, rapporteur pour avis. Toujours en matière de personnels, le projet prévoit de renforcer les capacités d'encadrement et d'inspection. A cet égard, la gendarmerie apparaît par comparaison comme une arme qui souffre d'un manque d'encadrement, notamment dans ses échelons supérieurs. Je crois, monsieur le ministre, qu'il s'agit également d'un de vos sujets de réflexion. Comment entendez-vous pallier ces insuffisances, afin d'assurer un encadrement plus efficace et plus proche du terrain ?
Le deuxième axe du projet vise à donner à la gendarmerie les moyens d'agir, 1 020 millions d'euros devant y être affectés sur la durée de la période de programmation.
L'ampleur des besoins immobiliers justifie la programmation de 95 millions d'euros de crédits de paiement supplémentaires par an pour la gendarmerie, soit 46,6 % de l'ensemble des crédits d'équipement programmés. Cela représente une croissance de 81 % par an par rapport aux crédits initiaux destinés aux infrastructures de la gendarmerie pour 2002.
Afin de parvenir à consommer ces crédits, il apparaît nécessaire de moderniser et d'assouplir les procédures de gestion immobilières. L'article 3 propose à cet égard un certain nombre de dispositifs qui devraient permettre d'engager plus rapidement et dans de meilleures conditions les projets immobiliers.
Le projet prévoit d'affecter également 545 millions d'euros de crédits de paiement à l'équipement des services sur la durée de la période de programmation, afin de procéder à une remise à niveau générale des équipements. Armements et véhicules sont prioritairement concernés, mais on aurait tort de négliger l'importance de la distribution d'une nouvelle tenue d'intervention, réclamée depuis longtemps par les gendarmes pour mieux accomplir leurs missions au quotidien.
M. le président. Le moment de conclure est arrivé, monsieur le rapporteur.
M. Alain Moyne-Bressand, rapporteur pour avis. J'ai presque terminé, monsieur le président.
Toujours dans le cadre du renforcement des moyens, l'amélioration des capacités d'investigation judiciaire n'a pas été oubliée. Il est ainsi prévu que chaque compagnie bénéficie d'une brigade de recherches - ce qui impose d'en créer soixante-quatorze -, et que chaque groupement dispose d'une plate-forme judiciaire, afin de soutenir ses activités.
Enfin, le projet vise à approfondir la coopération entre les acteurs de la politique de sécurité. C'est tout le sens de la création du ministère de la sécurité intérieure, responsable des forces de la police nationale aussi bien que de la tutelle opérationnelle de la gendarmerie nationale. Cette association des forces a déjà pris une forme concrète avec la création des groupes d'intervention régionaux. Plus largement, cette association devra être mise en oeuvre tant du point de vue des moyens techniques que des moyens juridiques : transmissions, accès réciproques aux fichiers.
Il ne s'agit pas simplement d'organiser et d'harmoniser l'action des deux principales forces chargées d'assurer la sécurité publique. Il est également prévu que leur travail fasse l'objet d'une information beaucoup plus précise et régulière des élus locaux au travers des conseils locaux de prévention de la délinquance.
Par ailleurs, la participation des collectivités territoriales aux besoins immobiliers considérables de la gendarmerie est encouragée. L'article 3 permet d'organiser une coopération entre l'Etat et les collectivités territoriales en vue de construire ou rénover des locaux mis à la disposition de la police, de la justice ou de la gendarmerie. Ces opérations pourront donner lieu à une attribution du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, dérogeant en cela aux règles actuelles d'éligibilité.
Telles sont, mes chers collègues, les grandes lignes d'un projet ambitieux qui fait confiance à l'ensemble des acteurs, mais leur demande également d'obtenir des résultats à la mesure des moyens alloués.
M. Bernard Accoyer. Très bien !
M. Alain Moyne-Bressand, rapporteur pour avis. Je pense que, de ce point de vue, tous ici, et les membres de la commission de la défense plus particulièrement, nous suivrons avec la plus grande attention les crédits inscrits dans les prochains budgets, afin de veiller à ce que cette programmation soit respectée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
M. Hervé de Charette. Qu'il soit bref !
M. le président. Il va l'être !
M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais essayer d'être le plus bref possible.
M. Bernard Accoyer. Mais non, qu'il prenne son temps ! Ce sont des questions importantes !
M. le président. Monsieur Accoyer !
M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. J'ai un certain nombre de choses à dire au nom de la commission des finances. Je vais donc faire mon devoir de rapporteur.
M. Jacques Barrot. Parfaitement !
M. Bernard Accoyer. Bien sûr !
M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. Je ne vous étonnerai pas, monsieur le ministre, si je vous dis d'emblée que la commission des finances a accueilli ce projet de loi d'orientation et de programmation avec enthousiasme et a émis à une très large majorité un avis favorable à son adoption.
M. Bernard Accoyer. Très bien !
M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. Elle l'a fait, d'abord, parce que ce projet traduit la mise en oeuvre d'un des engagements majeurs pris par le Président de la République au cours de la dernière campagne électorale et ensuite, parce qu'il confirme, comme le Premier ministre l'a déclaré lors de son discours de politique générale, que le Gouvernement et la majorité qui le soutient ont entendu « l'appel des Français ».
M. Hervé de Charette. Très bien !
M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. A ceux qui vous reprochent d'aller trop vite, je répondrai que ce projet répond à une triple urgence née à la fois d'une évolution très inquiétante de la délinquance dans notre pays et de l'attente impatiente de nos concitoyens et aussi des policiers et des gendarmes, comme l'ont montré les mouvements de protestation de la fin de l'année dernière. Ceux-ci, par leur ampleur et par leur caractère inédit - c'est la première fois que des gendarmes manifestaient en cortège et en tenue - ont profondément marqué nos esprits.
Enfin, il fallait rétablir la capacité opérationnelle de nos forces gravement entamée par des décisions inopportunes ou des non-décisions, qu'il s'agisse de l'accompagnement insuffisant de la réduction du temps de travail, qui laisse un « trou » de 4 000 policiers à combler, ou la sous-budgétisation volontaire du budget de la gendarmerie : environ 140 millions d'euros par an, soit près d'un milliard de francs.
Je suis convaincu, monsieur le ministre, que votre projet et la politique que vous entendez mener au cours de cette législature feront date dans l'histoire de la police et de la gendarmerie nationale.
Votre politique fera date, parce que votre projet répond aussi à une triple exigence : une exigence de moyens, ce dont il ne manque pas ; une exigence de réformes qui, sans rien bouleverser inconsidérément, vont corriger les legs du passé lorsque ceux-ci constituent un frein à l'efficacité ; une exigence de résultats enfin, à laquelle s'ajoute, et vous comprendrez que la commission des finances y ait été particulièrement sensible, un souci d'évaluation du bon usage des deniers publics, d'autant plus légitime que vos marges de manoeuvre sont étroites, comme l'a révélé l'audit des finances publiques.
Commençons par les moyens de l'action. Ils sont considérables et dépassent tous ceux qui avaient été engagés précédemment : en effet, votre projet ouvre une enveloppe supplémentaire de 5,6 milliards d'euros pour la période 2003-2007. En tenant compte de la reconduction annuelle des crédits inscrits en loi de finances initiale 2002, ce sont près de 51 milliards d'euros qui seront consacrés à la sécurité intérieure pendant les cinq prochaines années. Encore ces montants ne tiennent-ils pas compte des crédits nécessaires pour faire face à l'augmentation spontanée des rémunérations.
Si l'on compare ce chiffre à ce qui avait été effectivement dépensé ou ouvert entre 1998 et 2002, le projet de loi programme une augmentation des moyens de 7,2 milliards d'euros entre les deux périodes, soit une progression de 16,5 %.
L'effort est surtout remarquable pour ce qui concerne les dépenses hors personnel. Celles-ci s'élèveront à 7,9 milliards d'euros, ce qui représente une progression d'un tiers. Les 2 milliards d'euros supplémentaires se répartissent à peu près également entre les deux forces.
En ce qui concerne l'investissement immobilier, il ne suffit pas de prévoir les crédits : encore convient-il de savoir les dépenser dans un délai raisonnable.
Je ne reviendrai pas sur le dispositif de l'article 3, me contentant de rappeler, vous en avez parlé tout à l'heure, monsieur le ministre, vos objectifs ambitieux pour ce qui touche au logement des gendarmes : ce ne sont pas moins de 4 000 nouveaux logements qui seront refaits durant cette période.
Quant aux dépenses de personnel, elles dépasseront 43 milliards sur cinq ans, soit une augmentation de 13,8 %. Elles seront destinées naturellement à couvrir le coût de la création de 13 500 emplois, soit 6 500 par an pour la police et 7 000 pour la gendarmerie. Précisons qu'il s'agit de vrais emplois.
Dans la gendarmerie, ce sera une véritable rupture avec la quasi-stagnation des effectifs observée depuis plusieurs années : ceux-ci augmenteront de près de 9 %. De même, l'effort consenti pour la police représente une augmentation de 60 % par rapport à l'évolution constatée durant les cinq dernières années.
La commission des finances est bien placée pour souligner que la police est, en France, dramatiquement sous-administrée. La mission d'évaluation et de contrôle instituée en son sein avait insisté sur ce point dès 1999, dans un rapport de notre collègue Tony Dreyfus. Elle ne peut donc que se féliciter de ces créations d'emplois qui, non seulement contribueront à améliorer la gestion de la police, mais permettront de redéployer dans les services opérationnels un millier de policiers actifs jusqu'alors accaparés par des tâches qui ne devraient pas être les leurs. Vous l'avez dit à raison, monsieur le ministre : un policier, ce n'est pas fait pour réparer une voiture, mais pour faire de la sécurité.
Exigence de réforme, ai-je dit, de réforme de l'action. Pour la première fois, monsieur le ministre, les réformes que vous annoncez ne sont pas destinées à masquer la réduction des moyens et le recul du service public.
L'innovation majeure réside naturellement dans le placement sous votre autorité des services de police et de gendarmerie. Cette réforme relève de l'évidence tant ces deux forces, surtout depuis la disparition du service national, remplissent désormais les mêmes missions. Ce rapprochement était nécessaire et il importe de le mener à bien. Nous faisons confiance à votre habileté et à votre autorité pour que les différences de traditions soient prises en compte et que les anciennes rivalités soient surmontées et dépassées.
En matière de redéploiement police-gendarmerie, force est d'admettre que la démarche initiée par le rapport de nos deux anciens collègues Carraz et Hyest a échoué. Cette réforme a finalement été perçue comme un recul du service public.
Reconnaissons toutefois que la situation de bon nombre de brigades de gendarmerie diffère considérablement selon les territoires. Dès lors, le concept que votre projet met en avant de communauté de brigades est une bonne idée. Elles seront dotées d'un commandement unique agissant sur une circonscription cohérente. Tout cela apparaît prometteur. J'ai bien noté à ce sujet qu'il n'y avait pas de plan national : ces communautés, vous l'avez dit, doivent être dessinées en région, au plus près du terrain. Là est sans doute la clé du succès.
Vous prenez enfin, monsieur le ministre, la responsabilité de l'efficacité. Votre projet de loi veut mesurer aussi les résultats de la politique que vous entendez mener afin de répondre à la troisième exigence : celle de l'efficacité. Aussi le texte met-il en place une procédure pour mesurer les résultats obtenus et les rapprocher des moyens engagés.
Je note au passage que l'article 5 ne fait pas explicitement référence au Parlement, ne serait-ce qu'en tant que destinataire privilégié des résultats de cette évaluation. Aussi la commission des finances a-t-elle adopté un amendement visant, en quelque sorte, à anticiper dans le domaine des crédits de la sécurité intérieure le lien, institué par la nouvelle loi organique relative aux lois de finances à compter de 2005, entre procédure budgétaire et évaluation des performances.
Cette anticipation, d'autant plus justifiée que vous rassemblez désormais deux forces budgétairement gérées par deux ministères différents, préfigure les futures missions interministérielles autorisées par la nouvelle loi organique.
En conclusion, monsieur le ministre, en accroissant les moyens de l'action, en réformant de manière pragmatique, vous prenez le chemin de l'efficacité. Plus encore, en mettant en place de vraies procédures de mesure des résultats, vous assumez courageusement, au même titre que policiers et gendarmes, la responsabilité de l'efficacité. Aussi la commission des finances a-t-elle émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi d'orientation et de programmation que vous défendez aujourd'hui. Vous l'avez compris, monsieur le ministre, et le nouveau gouvernement aussi : plus rien ne sert désormais de discourir, il faut désormais agir.
M. Jean Marsaudon. Enfin !
M. Jean-Claude Lefort. Il ne reste plus qu'à nous en aller...(Sourires sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis. Vous en avez la volonté, vous vous en donnez les moyens : nous allons vous soutenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. le président. Je vous remercie, monsieur Joyandet, d'avoir respecté votre temps de parole.
Exception d'irrecevabilité
M. le président. J'ai reçu de M. Noël Mamère, de M. Yves Cochet et de Mme Martine Billard une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Noël Mamère.
M. Noël Mamère. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais avant toute chose condamner ici très fermement la tentative d'attentat dont le chef de l'Etat a été l'objet (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) et saluer l'action courageuse des citoyens et des policiers qui ont maîtrisé l'individu, apparemment d'extrême droite, responsable de cet acte.
M. Michel Voisin. Très bien !
M. Noël Mamère. J'ai l'honneur de défendre devant vous aujourd'hui une exception d'irrecevabilité qui tentera de démontrer que ce texte est tout à la fois contraire à la lettre et à l'esprit de la Constitution, et inscrit dans la continuité d'une campagne électorale qui a fait d'un problème réel - le développement de la petite délinquance dans certains quartiers - l'unique objet du débat politique récent.
Cette stratégie délibérée, nous le savons et nous l'avons vu, a d'abord profité au Front national (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) et a permis d'occulter les vraies questions. Oubliés la crise de l'alimentation, la précarité, les licenciements collectifs, l'Europe, les catastrophes écologiques, la politique de santé publique, les retraites, la ville, les transports, la lutte contre la pauvreté !
M. Jean Marsaudon. Oublié, l'échec de la gauche !
M. Jacques Myard. Oublié votre bilan, votre beau bilan !
M. Noël Mamère. Les médias, Jean-Pierre Chevènement, Jean-Marie Le Pen, Jacques Chirac, comme vous-même, monsieur le ministre, l'avaient décidé : la France a peur, l'ennemi public numéro un, c'est le sauvageon, et la solution de tous nos maux réside dans l'enfermement des enfants de dix à treize ans. (Protestations sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. le président. Mes chers collègues, allons !
M. Noël Mamère. Ne vous transformez donc pas en ces sauvageons que vous avez dénoncés avec tant de pugnacité sur le terrain...
M. Bernard Schreiner. Simpliste !
M. Jacques Myard. Reprenez votre copie !
M. le président. Monsieur Myard, je vous en prie !
M. Noël Mamère. Respectez les membres de l'opposition et laissez-les s'exprimer normalement et dire, en tant que parlementaires, ce qu'ils pensent de ce texte.
Je veux profiter de cette intervention pour mettre les choses au point. Il y existe effectivement une délinquance de masse, concentrée sur les objets de consommation courante - portables, autoradios -, qui se traduit par une augmentation notable des attaques physiques contre les personnes et les biens. Je ne la nie pas, je ne l'ai jamais contestée, pas plus que les Verts. Les victimes des agressions ont donc raison de demander justice et réparation, de s'indigner qu'on ne les écoute pas, qu'on enterre leurs plaintes, qu'on élucide seulement un dixième des affaires qui les touchent. Mais les pompiers incendiaires qui veulent terroriser les délinquants en faisant croire que nos banlieues sont à feu et à sang nous préparent des lendemains qui déchantent.
Si l'enfermement devient une stratégie de masse, si l'on organise des prisons pour pauvres, si l'on abaisse la majorité pénale à dix ou à treize ans, comme M. Dominique Perben et l'UMP promettent de le faire, c'est l'idée même de la justice et de l'institution qui la représente qui sera rejetée par des couches de plus en plus nombreuses de notre population.
M. Yves Fromion. Provocateur !
M. Noël Mamère. On compte déjà, nous le savons, dix fois plus de policiers que d'éducateurs, et pourtant le mal est loin de se résorber. Il continue même à s'aggraver. La question de l'insécurité ne se résume donc pas à la petite délinquance, comme voudraient le faire croire les médias et certains politiciens si prompts à surfer sur la peur. Cela fait longtemps que les Français sont préoccupés par la sécurité dans son ensemble : sociale, écologique, sanitaire, alimentaire, routière.
A ce propos, j'ai appris en écoutant son intervention du 14 juillet que le Président de la République, pourtant au pouvoir depuis trente-cinq ans (Protestations, rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française), venait de découvrir, dans une sorte de révélation sans doute liée à son nouveau statut de père de la nation, que, de tous les pays de l'Union européenne, c'était chez nous que la violence routière atteignait un de ses niveaux les plus élevés !
M. Jean Marsaudon. Vous auriez dû l'écouter avant !
M. Noël Mamère. Oui, la violence routière, avec ses 8 000 tués par an, est un des fléaux de la société française. Et que dire des milliers de morts du fait de l'amiante ou de l'éther de glycol, des milliers de victimes de la pollution de l'air, du tabac et de l'alcool ? De ceux-là, qui en parle ? Certainement pas la loi politicienne et à courte vue que vous nous présentez.
En effet, ce projet pèche par sa forme.
M. Pierre Lellouche. Allez dans le xviiie !
M. Noël Mamère. C'est l'exemple même de ce que nous devrions refuser d'examiner en tant que parlementaires : un texte rédigé à la va-vite, sans consultation, un texte qui mêle les dispositions à caractère normatif, les déclarations d'intention mais aussi les truismes.
On nous demande, par exemple, d'approuver ce qui relève le plus souvent du pouvoir réglementaire, voire de la simple circulaire. Le renvoi aux annexes que l'on trouve aux articles 1er et 2, au demeurant à la limite de la constitutionnalité, en est un exemple. Ces annexes sont-elles réellement législatives ? Sont-elles l'expression d'une philosophie politique ? Ou bien elles sont de nature législative, et il aurait fallu introduire leurs dispositions concrètes dans des articles à caractère législatif ; ou bien elles sont de nature littéraire et philosophique, auquel cas il fallait les cantonner dans l'exposé des motifs, ne pas les amender et les laisser en dehors de la loi.
M. Jacques Myard. Laissez faire le Parlement !
M. Noël Mamère. M. Pasqua, dont vous êtes l'un des amis, monsieur Myard,...
M. Jacques Myard. En effet, monsieur Mamère, vous avez raison !
M. Noël Mamère. ... nous avait déjà fait le coup en 1995. A cette époque, M. Xavier de Roux avait considéré que l'on ne pouvait attribuer de valeur législative aux annexes et M. Jean-Jacques Hyest en avait demandé la suppression. Mais cette fois-ci, je n'ai entendu aucun de leurs amis, alors qu'ils siègent dans votre majorité, élever la voix dans ce sens. C'est bien la preuve que l'UMP marque aussi le grand retour des godillots. (Exclamations du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle).
M. Thierry Lazaro. Et vous, dans votre majorité, qu'avez-vous fait pendant cinq ans ?
M. le président. Monsieur Lazaro, laissez M. Mamère exposer ses arguments.
M. Noël Mamère. De ce point de vue, UMP peut se traduire par : usure manifeste du parlementaire de base...
M. Jacques Myard. Il vaut mieux avoir des chaussures qu'aller nu-pieds !
M. Noël Mamère. Ce texte circonstanciel, de pur affichage politique, n'est en fait qu'une « loi télé » qui vise à répondre davantage aux demandes de l'Audimat...
M. Jean-Claude Mignon. C'est vous qui êtes un spécialiste de l'Audimat !
M. Noël Mamère. ... qu'à celle de l'efficacité policière dont vous vous réclamez pourtant à corps et à cris.
Votre texte est contraire à la Constitution pour trois raisons fondamentales : il porte atteinte à la séparation des pouvoirs, il porte atteinte aux libertés individuelles, enfin il porte atteinte à l'égalité des citoyens devant la loi en stigmatisant collectivement des catégories entières de notre population.
La nouvelle architecture institutionnelle de la sécurité intérieure proposée par votre gouvernement viole frontalement le principe de la séparation des pouvoirs pourtant inscrit à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789.
En effet, en vertu de ce principe, l'autorité judiciaire est indépendante du pouvoir exécutif.
M. André Gerin. Heureusement !
M. Noël Mamère. Il s'ensuit donc que la liberté de décision de tout magistrat doit être préservée d'une intrusion quelconque de la part d'un agent de l'administration.
Or votre projet dessine une architecture intégrant l'appareil judiciaire comme partie constitutive d'un dispositif administratif de sécurité. C'est ainsi qu'au plus haut niveau de l'Etat, le Président de la République, garant constitutionnel de l'indépendance de la magistrature, devient, en prenant la présidence du Conseil de sécurité intérieure, une sorte de super-ministre de l'intérieur et confond sur une même tête, la sienne en l'occurrence, le pouvoir exécutif et l'autorité judiciaire.
C'est ainsi qu'au niveau local, le préfet et le procureur coprésident les conférences départementales de sécurité, de même qu'ils saisissent les groupements d'intervention régionaux. Les décisions des magistrats du parquet finissent par être conditionnées à l'accord du préfet. Cette dérive, dangereuse pour les libertés dont les magistrats sont les garants constitutionnels et qu'ils doivent préserver notamment des atteintes émanant du pouvoir et de ses agents, trouve son origine dans la précédente loi d'orientation et de programmation sur la sécurité de 1995, initiée par votre collègue du conseil général des Hauts-de-Seine, M. Charles Pasqua, lequel, du SAC à Françafrique est, chacun le sait, un grand expert en matière de défense des libertés ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Jean Marsaudon. Lamentable !
M. Pierre Lellouche. Provocateur !
M. Noël Mamère. C'est en effet ce texte qui, dans une annexe - déjà ! -, avait procédé à la fusion des corps de police judiciaire et de police administrative dans les commissariats. Dès lors, la police administrative, chargée de préserver la paix publique et d'apaiser les différends de la vie quotidienne, s'est vu affubler de l'obligation d'établir systématiquement une procédure pénale peu compatible avec un travail utile de proximité. De son côté, le corps des inspecteurs, fondu dans une hiérarchie commune avec le corps de maîtrise et d'application, tend à perdre son identité ainsi que la marge de manoeuvre qui lui est nécessaire pour exécuter les réquisitions judiciaires, lesquelles peuvent se heurter à des instructions incompatibles de la hiérarchie administrative - à preuve le refus d'assister un juge d'instruction au domicile de M. Jean Tiberi ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Dino Cinieri. C'est de la provocation !
M. Noël Mamère. Je ne fais là que traduire des réalités que vous avez cautionnées et que vous continuez d'occulter.
Si l'on veut tout à la fois accomplir un travail sérieux de police judiciaire, qui permette d'orienter l'action publique vers la délinquance complexe, organisée ou spécialisée, par exemple les délits économiques et financiers, les délits du travail, la déliquance écologique ou le droit sanitaire, et assurer la paix publique, il faut renoncer à une technique d'organisation judiciaro-policière qui conduit à focaliser l'attention sur la seule petite et la moyenne délinquance, voire à la provoquer.
M. Jacques Myard. C'est n'importe quoi !
M. Noël Mamère. Il faut créer un statut d'officier de justice dont le déroulement de carrière dépendra uniquement de l'autorité judiciaire et séparer dans des corps distincts les fonctions d'inspecteur d'une part, de commandant et d'officier d'autre part, comme les fonctions d'enquêteur et celles de gradé ou de gardien de la paix.
Votre texte, monsieur le ministre, porte atteinte aux libertés individuelles (« Mais non ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), car il présente certaines libertés individuelles et collectives garanties par la Constitution comme une entrave à l'efficacité policière.
Par exemple, il prétend généraliser la vidéosurveillance, en l'implantant notamment dans les cités sensibles.
M. Pierre Lellouche. Il a raison !
M. Noël Mamère. M. Balkany, un autre de nos collègues, dont l'honnêteté, la probité, la bonne foi ne peuvent être évidemment mises en doute (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
M. Jean Marsaudon. Il va bientôt nous parler de Mitterrand !
M. Noël Mamère. ... a créé depuis longtemps dans sa ville un système de ce type.
Je le dis sans ambages, monsieur le ministre, chers collègues, je ne crois pas que le développement généralisé de la vidéosurveillance tel que vous le proposez garantira les libertés...
M. Dominique Dord. Tout va bien ! Il n'y a rien à faire !
M. Noël Mamère. ... pas plus qu'il ne permettra de combattre l'insécurité.
En réalité, la population française et celle des banlieues seront soumises à une surveillance continue dont l'exécutif, les préfets et vous, monsieur le ministre, serez les seuls responsables.
En effet, il y a un vide juridique criant, que le Conseil constitutionnel, dans une décision qu'il avait rendue le 21 janvier 1995, a souligné. A cette date, il avait assorti la mise en oeuvre de systèmes de vidéosurveillance de garanties dont votre projet de loi, aujourd'hui, fait bon marché.
Le Conseil constitutionnel, par cette décision de 1995, prévoit notamment que le public doit être informé de manière claire et permanente de l'existence de tels systèmes. Il dit qu'il est interdit de visualiser de façon spécifique les images de l'intérieur des immeubles ainsi que de leurs entrées.
M. Jacques Myard. Et alors ?
M. Noël Mamère. Une commission départementale donnant des garanties d'indépendance dans sa composition et présidée par un magistrat du siège doit donner son avis. Les enregistrements doivent être détruits dans un délai d'un mois, hormis le cas d'une information judiciaire.
M. Jacques Myard. Et alors ?
M. Noël Mamère. Toute personne peut saisir la commission départementale, afin d'obtenir un accès aux enregistrements.
M. Gérard Hamel. Ça marche bien comme ça !
M. Noël Mamère. A l'époque, le Conseil constitutionnel avait d'ailleurs déclaré contraire à la Constitution la phrase suivante : « L'autorisation sollicitée est réputée acquise, à défaut de réponse dans un délai de quatre mois. » Cela pour bien montrer que l'autorité administrative ne pouvait généraliser ce type de système sans bafouer les libertés.
Constatant ce vide juridique, la commission des lois, dans un rapport publié le 22 janvier 2002 sur la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel, avait adopté deux amendements en première lecture pour adapter le cadre législatif à la loi de 1995, dont l'un précisait que le Gouvernement remettrait chaque année à la CNIL un rapport sur l'application de la réglementation relative à la vidéosurveillance.
Bref, sans plus de commentaires, vous voulez, monsieur le ministre, suivre les pas de M. Balkany et installer des caméras partout dans le pays (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle),...
M. Gérard Hamel. C'est un bon outil !
M. Noël Mamère. ... en contradiction flagrante avec l'article 66 de la Constitution qui garantit la liberté individuelle d'aller et de venir sans surveillance arbitraire et généralisée et le droit au respect de la vie privée qui implique un droit à l'anonymat.
Il est vrai que, soutenu par l'ex-PDG de La Lyonnaise, actionnaire du diffuseur de Loft Story et par M. Le Lay et M. Bouygues, qui sont installés dans votre département (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), les diffuseurs de Star Academy ou des Aventuriers de Koh Lanta (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), le voyeurisme ne vous gêne pas...
M. Pierre Lellouche. C'est un sujet sérieux !
M. Noël Mamère. Oui ! c'est un sujet tellement sérieux que le Président de la République, que vous vénérez,...
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Que l'on respecte !
M. Noël Mamère ... a demandé à Mme Kriegel de présider une commission sur la violence à la télévision. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Star Academy, Koh-Lanta et autres sujets de ce genre sont effectivement très sérieux... puisque le plus haut commis de l'Etat a demandé une commission sur la violence à la télévision.
M. Dominique Dord. Vous étiez là l'année dernière !
M. Pierre Lellouche. La violence a prospéré sous Jospin pendant cinq ans !
M. le président. Monsieur Lellouche, laissez parler M. Mamère.
M. Jacques Myard. Merci pour cette séance de guignol !
M. le président. Monsieur Myard !
M. Noël Mamère. Messieurs de la droite, vous n'allez pas montrer à la représentation nationale que votre président n'a pas d'autorité sur vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. le président. Laissez parler M. Mamère.
M. Noël Mamère. Merci, monsieur le président, de votre précieuse collaboration.
Monsieur le ministre, vous continuez de vouloir connecter à l'infini les fichiers - ils portaient les noms de STIC, de JUDEX, de STUP - sans le contrôle de la CNIL.
Un jeune consommateur de cannabis - et nous savons qu'il y en a des milliers (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) -,...
M. Pierre Lellouche. Grâce à vous !
M. Noël Mamère. ... pourra ainsi être fiché jusqu'à la fin de sa vie et subira dans sa vie professionnelle les conséquences d'un acte qui devrait être dépénalisé depuis longtemps. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Jacques Myard. N'importe quoi !
M. Dominique Dord. Vous, vous êtes encore là !
M. Noël Mamère. Continuez à pratiquer la politique de l'autruche et vous verrez les problèmes que vous rencontrerez !
M. Jacques Myard. C'est une autocritique ?
M. Noël Mamère. Vous précisez que ce rapprochement sera favorisé « au besoin » en conférant une base législative aux échanges d'information. Ce n'est qu'un doux euphémisme, mais chiche, monsieur le ministre. Je vous prends au mot et je vous propose que les fichiers alimentés à l'aide d'informations contenues dans les procédures judiciaires soient administrés par le ministère de la justice sous le double contrôle de la CNIL et du Conseil supérieur de la magistrature. Et on verra.
En 1979, d'ailleurs, l'un de vos prédécesseurs, célèbre, Alain Peyrefitte, avait fait voter une loi liberticide que l'on appelait la loi « sécurité et liberté. »
M. Jacques Myard. Et les lettres de cachet ?
M. Noël Mamère. Eh bien, à l'aune de votre texte, Alain Peyrefitte apparaîtrait aujourd'hui comme un dangereux trotskiste, car c'est lui qui avait fait fermer les maisons de correction que vous voulez maintenant rouvrir.
Avec vous, soutenu activement par votre nouvelle majorité (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), les libertés font « pschitt ! » si je puis dire, pour employer une onomatopée célèbre, parce que votre philosophie, c'est de réprimer les comportements déviants.
Les regroupements dans les parties communes des immeubles sont ainsi jugés comme affectant la vie quotidienne de nos concitoyens.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. C'est vrai !
M. Noël Mamère. Vous auriez pu au moins préciser que de tels regroupements doivent avoir une nature hostile pour être sanctionnés. Avec votre projet, le simple fait de se regrouper est donc puni. Ainsi, Edith Piaf, qui chantait dans les cours de nos immeubles, serait tombée sous le coup de vos pandores. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Vous n'aimez pas Edith Piaf, peut-être, vous n'aimez pas la chanson populaire ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. le président. Monsieur Dord, monsieur Lazaro, ne vous énervez pas !
M. Noël Mamère. Vous n'aimez pas le peuple, et vous n'aimez pas les chansons populaires ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Jean Marsaudon. Le peuple n'aime pas Mamère !
M. Noël Mamère. Vous préférez une société verrouillée, fichée, surveillée, cadenassée, où l'on envoie les enfants de dix ans dans des maisons de correction ! Vous préférez la violence à la prévention, la répression à la médiation !
M. Jean-Michel Fourgous. Est-ce encore crédible, tout cela ?
M. Dominique Dord. Cela fait vingt ans que l'on entend ça !
M. Noël Mamère. Parmi les comportements délictueux, vous citez aussi le simple refus d'obtempérer. Diable ! Toute manifestation ne satisfaisant pas un représentant de l'ordre pourra donc désormais être réprimée au nom de ce refus.
M. Dominique Dord. Ouvrez les yeux sur la réalité !
M. Pierre Lellouche. Vous vous sentez visé, monsieur Mamère ?
M. Noël Mamère. Vous êtes allé loin dans la démagogie sécuritaire et la mise en cause des libertés...
M. Robert Lamy. Vous êtes allé loin dans le laxisme !
M. Noël Mamère. ... mais, comme votre annexe I n'est qu'un commentaire politico-littéraire, je vous accorde des circonstances atténuantes. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Simplement, ce genre de dérapage verbal ne peut qu'entraîner des bavures réelles sur le terrain. J'espère, monsieur le ministre, que vous saurez tenir vos troupes et qu'elles ne considéreront pas qu'entre les flash balls, l'éradication des zones de non-droit et le refus d'obtempérer, tout désormais leur est permis.
Votre texte est contraire à la Constitution car il stigmatise de manière collective certaines catégories de la population : les jeunes ( « Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), les immigrés, les gens du voyage, les sans-logis, en les désignant du doigt comme responsables en tant que tels du climat d'insécurité que pourtant vous-même et des médias complaisants ont contribué à créer dans le pays ces derniers mois. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Yves Nicolin. Ce serait bien la première fois qu'il y aurait des médias complaisants à notre égard !
M. Noël Mamère. La réalité, c'est que nous sommes en train de transformer des populations en danger en de véritables classes dangereuses.
M. Pierre Lellouche. C'est de la démagogie, monsieur Mamère.
M. Noël Mamère. Ce phénomène d'ailleurs n'est pas nouveau. A la fin du xixe siècle, on faisait déjà cela avec les Italiens, les Polonais, les Belges, désignés comme des Apaches coupables de tous les larcins et de toutes les fraudes. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Eric Raoult. C'est indigne !
M. Noël Mamère. En ce début de millénaire, la lepénisation des esprits a permis à l'insécurité d'occuper tout l'espace politique des campagnes présidentielle et législative.
M. Yves Nicolin. Baratin.
M. Jean-Michel Fourgous. A quoi servez-vous ?
M. Noël Mamère. Vous passez maintenant aux travaux pratiques.
M. Dominique Dord. Alors que fait-on ? Rien ? Comme d'habitude !
M. Noël Mamère. Je vais vous expliquer comment on fait. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Dominique Dord. Enfin !
M. le président. Ne les provoquez pas !
M. Noël Mamère. Je ne vous ai pas attendu pour savoir comment on fait dans ma commune, où je suis maire depuis treize ans,...
M. Dominique Dord. Et vous êtes député depuis cinq ans !
M. Noël Mamère. ... une commune qui n'est pas à feu et à sang, une commune qui n'agit pas simplement sur la réparation, mais sur la répartition, la prévention et la médiation, cher ami. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Jean-Michel Fourgous. Et l'incitation à la drogue !
M. Noël Mamère. A quoi incitez-vous en menant une politique répressive ?
M. Dominique Dord. Que faites-vous depuis cinq ans ?
M. Noël Mamère. A mettre les banlieues à feu et à sang ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Dominique Dord. C'est nous qui les avons créées il y a deux mois ?
M. le président. Je vous en prie ! Continuez, monsieur Mamère.
M. Noël Mamère. Lorsque vous ne réprimez pas la violence routière dont on sait qu'elle est principalement due à la vitesse et à l'alcool, vous incitez, vous aussi, à la drogue. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Et lorsque vous ne réprimez pas plus la vente du tabac, qui est une drogue dangereuse, vous contribuez à inciter à l'usage de drogues. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
Oui, en ce début de millénaire, la lepénisation des esprits a donc permis à l'insécurité dont vous avez fait votre cheval de bataille d'occuper tout l'espace politique des élections présidentielle et législatives...
M. Pierre Lellouche. Vous les avez perdues !
M. Noël Mamère. ... et maintenant les heures de notre hémicycle.
Vous passez aux travaux pratiques, monsieur le ministre.
M. Pierre Lellouche. Ecoutez ce que disent les Français !
M. Noël Mamère. Méfiez-vous car ceux qui vous soutiennent, et vous le savez, préféreront toujours l'original à la copie.
M. Guy Drut. On a déjà entendu ça !
M. Noël Mamère. Vous n'en ferez jamais assez parce que vous ne traitez pas les causes de ces problèmes, vous vous contentez des symptômes. Les effets perdureront.
M. Yves Nicolin. Qu'avez-vous fait ?
M. Noël Mamère. Les violences urbaines continueront, amplifiées par votre politique sociale. Vous l'avez d'ailleurs déjà commencée en voulant supprimer les emplois-jeunes et en refusant d'augmenter le SMIC.
M. Dominique Dord. Nous voulons créer de vrais emplois-jeunes.
M. Noël Mamère. Votre présentation catastrophique de la réalité (Rires sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) s'aggrave encore avec vos amalgames entre la délinquance des jeunes et ce que vous appelez la mendicité agressive, les regroupements dans les parties communes des immeubles et l'envahissement des propriétés privées par des gens du voyage.
M. Gérard Hamel. Ça existe !
M. Noël Mamère. Cette politique annonce logiquement des mesures répressives à tous les échelons, et vous en dressez la liste.
D'abord les prostituées étrangères, qui, paraît-il, devront être éloignées systématiquement alors qu'il faudrait faire le contraire en leur donnant des papiers (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française), en les protégeant afin de les encourager à dénoncer les filières d'esclavage, en les protégeant. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. le président. Laissez M. Mamère s'exprimer.
M. Noël Mamère. De toute façon, monsieur le président, étant à la tribune et n'ayant pas l'intention de la quitter, je vais continuer à m'exprimer.
M. le président. Continuez.
M. Noël Mamère. Merci.
Je disais donc que, plutôt que d'essayer de chasser les prostituées étrangères, il faudrait leur donner des papiers et les protéger afin de les encourager (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) à dénoncer les filières d'esclavage moderne dont un rapport ici même a démontré l'existence et sur lesquelles il a mis l'accent l'année dernière.
M. Jean-Michel Fourgous. On va les envoyer à Bègles !
M. Noël Mamère. C'est ensuite les familles que vous voulez sanctionner pour cause d'absentéisme scolaire de leurs enfants. Cette mesure, combattue par toutes les associations de terrain qui, nous le savons, luttent pied à pied avec les difficultés que l'on sait contre l'échec scolaire, est particulièrement révélatrice du fond de votre politique.
Ce sont les sans-domicile-fixe que vous voulez désigner à la vindicte, dans le droit-fil des arrêtés antimendicité pris par certains de vos amis et contraires au nouveau code pénal.
Ce sont enfin les jeunes des cités, que vous désignez et stigmatisez à tout propos. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
Mme Maryse Joissains-Masini. C'est faux !
M. Jacques Myard. Mamère égale Victor Hugo !
M. Noël Mamère. Ce type de représentation engendre aujourd'hui une politique systématique dont vous vous faites le héraut empressé.
M. Jean-Michel Fourgous. Provocation !
M. Noël Mamère. Cette politique, nous le savons, nous l'avons vu, a des effets dévastateurs sur le terrain.
Quand un jeune est tué par un policier, ce dernier est condamné à trois ans avec sursis alors que le procureur avait requis six ans fermes. Quand les jeunes sont arrêtés pour leur première faute, ils sont emprisonnés aussitôt (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Le signal est donc clair pour les forces de police : « Vous pouvez y aller, messieurs, réprimez, emprisonnez les jeunes, permettez les bavures, l'Etat vous protège ! ». (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Yves Nicolin. N'importe quoi !
M. Jacques Myard. Démago !
M. Noël Mamère. Votre texte, monsieur le ministre, est contraire à la Constitution car il définit des zones de non-droit et en laisse d'autres dans l'ombre.
Quand il parle des nouvelles formes de criminalité ou de l'éradication des bandes, votre texte, comme par hasard, ne les trouve que dans certaines cités populaires situées en banlieue. Vous déclinez ainsi une série des formes nouvelles de délinquance, mais vous en omettez d'autres que l'on trouve plutôt dans les viie, viiie, xvie arrondissements de Paris,...
Mme Maryse Joissains-Masini. Amalgame !
M. Noël Mamère. ... à Neuilly, à La Défense ou sur la Côte d'Azur plutôt qu'à Saint-Denis, Vaulx-en-Velin ou dans les quartiers Nord de Marseille, objets de votre sollicitude acharnée.
M. Yves Nicolin. Baratin !
M. Noël Mamère. Des zones de non-droit et de nouvelles formes de criminalité, j'en vois, moi, dans les entreprises où rien n'est fait contre les licenciements, le harcèlement moral, la souffrance au travail. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Jean Marsaudon. Mais qu'avez-vous fait pendant cinq ans !
M. Noël Mamère. Des zones de non-droit, j'en vois, moi, dans les bureaux feutrés des conseils d'administration des grandes entreprises.
M. Pierre Lellouche. Vous faites du Rosa Luxemburg !
M. Noël Mamère. MM. Messier, Jaffré et quelques autres ne sont pas des « sauvageons ». Eux ne vont pas écoper d'une peine de prison pour quelques incivilités. Ils vont vivre grassement de leurs stock-options. Ils ne rendront pas de compte pour les milliers de salariés qu'ils ont précarisés, pour les centaines de milliers d'actionnaires qu'ils ont spoliés, pour les milliers de morts dont Elf et Total sont responsables au Congo-Brazzaville ou en Birmanie, pour les côtes de Bretagne ou pour les habitants de Toulouse et de sa région.
Les prostituées étrangères, les gens du voyage, les jeunes consommateurs de cannabis sont devenus vos cibles privilégiées monsieur le ministre. Ils pourront, eux, passer en comparution immédiate.
M. Pierre Lellouche. Il faudrait créer un musée pour vous, monsieur Mamère !
M. Noël Mamère. Mais le Président de la République, lui, ne sera jamais déféré devant une cour (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), même en simple qualité de témoin.
M. Dominique Dord. Vous avez mis longtemps pour y arriver !
M. Noël Mamère. Pourtant, au vu des affaires en cours d'instruction, et si l'on s'en tient à l'esprit et à la lettre de votre texte, de 1977 à 2001, la mairie de Paris a bel et bien été « une zone de non-droit livrée à la loi d'une bande »...
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. C'est scandaleux !
M. Noël Mamère. ... qui a détourné des sommes valant bien celles qui sont en question dans votre texte.
Va-t-on poursuivre l'éradication de cette zone de non-droit caractérisée ou, au contraire, amnistier au creux de l'été, à la va-vite, par un amendement imaginé pour les quelques dizaines de mis en examen de cette assemblée et pour celui, tout puissant, qui règne sur cette cour des miracles portant le nom d'UMP ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Jean Marsaudon. Scandaleux ! Arrêtez-le, monsieur le président !
M. le président. Mes chers collègues, il ne sert à rien de crier.
M. Noël Mamère. Drapez-vous dans votre vertu outragée, nous verrons dans quelques semaines si votre unité est aussi solide que vous le prétendez.
M. Thierry Lazaro. Parlez-nous de la vôtre !
M. Noël Mamère. Votre texte, monsieur le ministre, ne garantit pas le même droit à la tranquillité publique pour tous les citoyens. Selon que vous serez puissant ou misérable, vous n'aurez pas les mêmes conditions de sécurité. Selon que vous serez puissant ou misérable, vous échapperez à la sanction ou vous la subirez sans la possiblité de vous défendre.
Depuis votre nomination, monsieur le ministre, vous avez multiplié les effets d'annonce sur le durcissement des modes d'intervention de la police, sur son armement et sur ses effectifs.
M. Jacques Myard. Et la délinquance baisse !
M. Noël Mamère. Votre loi d'orientation et de programmation reprend les thèmes de la campagne électorale avec une argumentation qui surprend toutefois, alors qu'il s'agit de bâtir les lois de la République et non plus de gagner les élections.
Tout n'est pas à rejeter, d'ailleurs, dans votre loi. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Ainsi, la meilleure coordination entre la police et la gendarmerie va dans le bon sens.
M. Jacques Myard. Tiens, tiens !
M. Dominique Dord. Bravo !
M. Noël Mamère. A l'occasion de l'élection présidentielle, j'avais d'ailleurs moi-même suggéré d'aller vers la création d'un service public unifié de la police et de la gendarmerie (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.), mais en proposant la démilitarisation de la gendarmerie, à l'instar de ce qui se passe dans la plupart des pays de l'Union européenne.
M. Jean-Michel Fourgous. Discours de gaucho de base !
M. Noël Mamère. Ainsi, la possibilité pour les policiers de poursuivre un suspect en dehors de leur circonscription, c'est-à-dire dans le département, va également dans le bon sens.
Un grand nombre de mesures techniques reprises dans la présente loi et présentées comme nouvelles avaient d'ailleurs fait l'objet d'études (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)... et commençaient à être mises en oeuvre par le précédent gouvernement.
M. Robert Lamy. Pour les études, vous êtes forts. Ce sont des actes qu'il faut !
M. Noël Mamère. Rassurez-vous, ces quelques satisfecit ne vont pas conduire les Verts à voter cette loi ou à s'abstenir. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Robert Lamy. Les deux ou trois Verts, vous voulez dire !
M. Noël Mamère. Ils voteront, bien évidemment, contre, d'autant plus que je présente en leur nom une exception d'irrecevabilité en essayant de vous en expliquer les raisons.
Pourtant, et ce que je vais dire devrait vous satisfaire...
M. Dominique Dord. Enfin !
M. Noël Mamère. ... vous n'avez pas osé aller jusqu'au bout.
Vous aimez bien flatter la police dans le sens du poil mais, lorsqu'il s'agit de garantir sa fonction et sa pérennité, vous êtes beaucoup moins généreux. En effet, pour les fonctionnaires de police, le compte n'y est pas. Rien n'est dit sur la revalorisation de leur grille indiciaire et sur la réforme de leur plan de carrière. Rien n'est dit sur le sort des 14 500 adjoints de sécurité et sur la pérennisation de leurs emplois.
M. Robert Lamy. Qu'avez-vous fait pendant cinq ans ? Vous ne pouviez pas y penser ?
M. Noël Mamère. Nous avons tous des adjoints de sécurité dans nos communes dont nous savons qu'ils ne sont pas formés. Tant qu'on ne mettra pas les moyens nécessaires pour les former, ils ne pourront pas remplir décemment et correctement leurs fonctions de police de proximité.
M. Dominique Dord. Qu'a fait le précédent gouvernement ?
M. Noël Mamère. Vous ne dites rien sur l'indemnité de logement ou de fidélisation, rien sur la formation initiale,...
M. Jean-Michel Fourgous. Et vous, qu'avez-vous fait ?
M. Noël Mamère. ... rien sur les retraites et sur l'augmentation de l'ISPP, rien sur les obligations de service public que vous devriez imposer aux multiples sociétés qui se créent dans le secteur privé pour surveiller, pour garder et pour contrôler.
M. Yves Nicolin. C'est un discours de syndicaliste !
M. Dominique Dord. Heureusement, monsieur Mamère, que vous n'avez pas gouverné durant les cinq dernières années ! (Rires.)
M. Robert Lamy. Qu'avez-vous fait depuis vingt ans, monsieur Mamère ?
M. Noël Mamère. Les nouveautés que vous proposez, monsieur le ministre, sont plutôt inquiétantes car les flash balls pourront avoir un effet miroir : ces munitions étant en vente libre, elles pourront être utilisées dans les affrontements par toutes les parties en présence. Qui sera responsable des bavures...
M. Gabriel Biancheri. C'est quoi, des bavures ?
M. Noël Mamère. ... qui ont déjà été constatées à maintes reprises, en Espagne par exemple, en Irlande du Nord et même en Palestine ?
M. Yves Nicolin. Le contexte n'est pas le même !
M. Noël Mamère. La création d'une réserve civile met en cause à terme le statut des fonctionnaires.
L'augmentation du nombre des agents administratifs n'est pas assez importante pour combler les déficits. Les policiers de terrain devront continuer à faire de l'administratif.
Dans la réalité, ce texte ne propose pas grand-chose de nouveau, monsieur le ministre, mais il vous faut à tout prix montrer que vous faites quelque chose. Voilà justement le mauvais côté de ce texte.
Pour illustrer mon propos, je prendrai l'exemple de la drogue.
La contradiction entre la volonté de démanteler les grands réseaux de trafic de drogue - ce qui, vous le savez, suppose beaucoup de temps et un travail de police judiciaire d'une très grande discrétion - et la volonté de faire de la visibilité à court terme pour rassurer les habitants débouchera forcément sur des déconvenues dans quelques mois, voire dans quelques semaines.
Votre texte affirme : « Dans ce contexte, la nocivité de toutes les drogues doit être reconnue et la dépénalisation de l'usage de certains produits stupéfiants doit être rejetée. » (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
Sauf que, mesdames et messieurs, on ne voit pas le rapport logique entre les trois affirmations : le développement des trafics est un constat ; la nocivité de toutes les drogues est une pétition de principe,...
M. Pierre Lellouche. Non, c'est un constat !
M. Dominique Dord. C'est vous qui faites un rapprochement, monsieur Mamère !
M. Noël Mamère. ... démentie comme telle par la recherche médicale ;...
M. Yves Nicolin. Atterrisez !
M. Noël Mamère. ... le rejet de la réflexion sur la dépénalisation du cannabis est une prise de position politique qui singularise la France par rapport à la quasi-totalité de nos voisins européens.
M. Dominique Dord. Ça, ce n'est pas grave !
M. Noël Mamère. A cet égard, d'ailleurs, une disposition récente a été prise en Grande-Bretagne par M. Tony Blair, dont l'un de vos amis politiques vantait récemment les vertus.
M. Pierre Lellouche. Blair, il n'est pas de gauche ?
M. Noël Mamère. Mais surtout, monsieur le ministre, vous faites bon marché de la réalité.
Des millions de jeunes consomment un produit largement moins nocif que ne le sont l'alcool ou le tabac (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
M. Pierre Lellouche. Arrêtez ! C'est honteux de dire cela !
M. Noël Mamère. ... et, faute d'une politique cohérente, alimentent les réseaux d'une économie souterraine et les bandes.
M. Dominique Dord. Qu'avez-vous fait pendant cinq ans ?
M. Noël Mamère. La législation encadrée du cannabis...
M. Yves Nicolin. Incitateur !
M. Noël Mamère. ... permettrait à la fois d'en finir avec une prohibition qui, comme au temps des « Incorruptibles » aux Etats-Unis, incite les citoyens à contourner la loi et avec une organisation de type mafieux régnant dans les quartiers.
Mais vous préférez la politique de l'autruche et l'hypocrisie,...
M. Eric Raoult. C'est facile !
M. Noël Mamère. ... qui entraînent une coupure de plus en plus grande entre les citoyens et la représentation nationale.
L'exposé des motifs de cette loi entérine une série de lieux communs dont le fondement m'apparaît plus que douteux.
Ainsi, il est affirmé qu'on a assisté à une « augmentation exponentielle de la délinquance que les chiffres illustrent de manière éloquente ».
M. Pierre Lellouche. C'est vrai ! Vous avez même perdu les élections pour cette raison !
M. Noël Mamère. Or il s'agit des seules statistiques de la police, dont on sait qu'elles comptabilisent, d'une part, les déclarations des victimes, mais aussi, d'autre part, les résultats des interventions de la police. Or ces interventions se sont intensifiées depuis 1998 avec la mise en place progressive de la police de proximité.
M. Gabriel Biancheri. Mais non !
M. Noël Mamère. Cette intensification et ce durcissement, notamment depuis que la loi dite de « sécurité quotidienne » du 15 novembre 2001 encourage l'intervention contre la simple occupation de hall d'immeuble, se sont traduits par une augmentation des bavures policières, comme en témoignent quelques procès en cours dans la région parisienne, procès suivis notamment par la Ligue des droits de l'homme.
M. Dominique Dord. C'est tout dire !
M. Noël Mamère. Sans doute que pour vous la Ligue des droits de l'homme est une organisation subversive ! Osez le dire ici devant la représentation nationale, si vous êtes un républicain ! Les exagérations ont toujours des limites, chers amis ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Dominique Dord. Vous parlez d'or !
M. Noël Mamère. Ce n'est pas satisfaire à l'excès que de défendre, en tant qu'opposant à votre majorité, des idées que nous avons défendues depuis longtemps sur les questions de la sécurité...
M. Richard Cazenave. Il n'y a aucune idée !
M. Noël Mamère. ... et de les rappeler devant la représentation nationale. Nous avons été élus démocratiquement, tout autant que vous, sur un programme qui n'est pas le vôtre, et j'ai été élu dans ma circonscription sur les mêmes thèmes que ceux que j'aborde devant vous. Je ne vois pas au nom de quoi, sous prétexte que, aujourd'hui, vous détiendriez une énorme majorité, ...
M. Georges Tron. Mais vous avez été au pouvoir durant cinq ans !
M. Noël Mamère. ... je n'aurais le droit ni politiquement ni juridiquement de présenter mes arguments. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. le président. Mes chers collègues, laissez parler M. Mamère, ce n'est pas la première fois qu'il défend de tels thèmes !
M. Georges Tron. Ce n'est pas une excuse !
M. Noël Mamère. C'est vrai, monsieur le président, et je vous remercie de le reconnaître. Cela dit, c'est plus difficile de le faire dans l'opposition que dans la majorité, c'est vrai.
M. le président. Ne vous livrez pas à des provocations, monsieur Mamère.
M. Noël Mamère. Toutefois, en politique, il faut apprendre et tirer profit de tout, y compris de ses défaites. La politique est une leçon d'humilité, chers amis. Vous l'apprendrez peut-être dans cinq ans. Du reste, vous l'avez appris en 1997 ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Robert Lamy. Vous n'êtes pas un bon élève !
M. Noël Mamère. L'engrenage dans lequel on fait entrer les policiers en leur demandant des interventions de plus en plus dures, et en les armant pour cela, accroîtra forcément l'hostilité générale de la jeunesse dans les quartiers pauvres, surtout autour du problème du contrôle au faciès, qui est une réalité. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Cet engrenage ruinera encore un peu plus l'idée de proximité. C'est d'ailleurs ce qui est en train de se passer en ce moment même à Dammarie-les-Lys, en Seine-et-Marne, ...
M. Jean-Claude Mignon. N'importe quoi ! cela suffit !
M. Noël Mamère. ... ville où une association de jeunes, qui s'appelle « Bouge qui Bouge », vient d'être expulsée de ses locaux et où les jeunes bénévoles de cette association sont traités comme de véritables terroristes de quartier, parce que celle-ci exige une action soutenue...
M. Jean-Claude Mignon. Vous êtes mal placé pour parler de Dammarie-les-Lys ! Vous dites n'importe quoi !
M. Georges Tron. Les propos de M. Mamère sont ridicules ! Et à Bègles, il se passe quoi ?
M. Noël Mamère. Eh bien, venez à Bègles, monsieur Tron, et vous verrez qu'il ne s'y passe pas la même chose !
Je vous parle de Dammarie-les-Lys où se sont produits des faits réels qui ne peuvent pas être mis en cause.
M. Richard Cazenave. Le maire de Dammarie-les-Lys, qui est là, est mieux placé que vous pour en parler !
M. Noël Mamère. C'est bien la réalité des excès et des situations absolument absurdes que peut provoquer une politique répressive telle que vous la défendez depuis que le Président de la République est entré en campagne le 14 juillet 2001.
M. Dominique Dord. Vous avez été battu, souvenez-vous-en !
M. Noël Mamère. Parce qu'elle exige une action soutenue, la lutte contre la délinquance doit refuser les amalgames, le racisme anti-jeunes,...
M. Georges Tron. Et le racisme anti-policiers !
M. Noël Mamère. ... la discrimination raciale, qui conduisent aux bavures. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Nous devons faire confiance à la jeunesse, et faire de l'éducation, de la formation et de la reconstruction de nos villes des priorités nationales.
M. Georges Tron. C'est facile ! Qu'avez-vous fait pendant cinq ans ?
M. Noël Mamère. Je suis désolé, mes chers collègues, mais vous avez sans doute, tout comme moi, suivi avec attention l'enquête à laquelle s'est livrée l'association SOS-Racisme, laquelle a bien montré qu'il était beaucoup plus difficile quand on s'appelle Aziz ou Abdellah d'obtenir un travail, de trouver un logement ou d'entrer dans une boîte de nuit.
M. Georges Tron. Le président de SOS-Racisme dit aujourd'hui l'inverse de ce que vous dites !
M. Noël Mamère. Oui, il y a dans ce pays des traces d'apartheid ! Oui, il y a dans ce pays des traces de racisme !
M. Georges Tron. M. Malek Boutih dit l'inverse de ce que vous dites !
M. Pierre Lellouche. Il réclame que l'on remette de l'ordre !
M. le président. Monsieur Lellouche, ne vous énervez pas !
M. Noël Mamère. Oui, il y a dans ce pays des hommes et des femmes, des jeunes qui sont français à part entière, comme vous et moi, et qui sont considérés comme des étrangers et comme appartenant à des classes dangereuses !
M. Dominique Dord. Qu'avez-vous fait pendant les quinze ans où vous avez été au pouvoir ?
M. le président. Monsieur Dord !
M. Noël Mamère. Vous ne faites que contribuer à renforcer cette idée dans l'esprit des plus faibles en exploitant leur peur et leur refus de l'autre. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Robert Lamy. C'est vous qui êtes un démagogue !
M. Noël Mamère. Votre texte, monsieur le ministre, affirme ensuite que l'augmentation des statistiques en zone de gendarmerie s'explique par le fait « que de nouvelles catégories de la population ont basculé dans la délinquance ».
M. Pierre Lellouche. C'est vrai !
M. Noël Mamère. Nous aimerions savoir lesquelles.
Le comble est atteint avec le paragraphe suivant, que je vais citer : « Lorsqu'on indique que les faits constatés ont globalement progressé de 13,92 % entre 1998 et 2001, cela signifie qu'il y a eu 487 267 victimes supplémentaires, soit plus que la population de la ville de Lyon. » La précision de ces chiffres est impressionnante. S'agissant de l'ensemble des faits constatés, il faudrait toutefois que vous admettiez que ces chiffres amalgament non seulement les personnes volées, cambriolées ou agressées, mais aussi les joints qui ont été grillés par leurs fumeurs,...
M. Dominique Dord. Encore les joints ! Mais c'est une obsession !
M. Noël Mamère. ... les murs qui ont fait l'objet de graffitis (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), les voitures qui ont subi des dégradations diverses, les formulaires administratifs qui ont été remplis avec de fausses déclarations. J'arrête, là, mon inventaire à la Prévert.
M. Robert Lamy. Bouffon !
M. Noël Mamère. Ces calculs ne sont pas sérieux, monsieur le ministre ! C'est de l'amateurisme ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Vous voulez aller chercher le chaland ! (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.) Vous vous comportez un peu comme le patron d'un supermarché...
M. Robert Lamy. Et vous en épicier !
M. Noël Mamère. ... qui, avant de nous dire ce qu'il fera en octobre, alimente sa tête de gondole en produits d'appel, sachant bien que demain on fera du répressif ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Georges Tron. C'est délirant !
M. Noël Mamère. Il y a de vrais problèmes. Ce n'est pas chercher à les résoudre que de dire autant de contrevérités en une page. Par exemple, après avoir affirmé, que l'objectif d'insérer une police de proximité sera maintenu,...
M. Georges Tron. Donc, il sera maintenu.
M. Maurice Leroy. C'est bien !
M. Noël Mamère. ... le texte précise que la mise en oeuvre de cet objectif « ne doit pas se faire au détriment des capacités d'action judiciaire et de la présence nocturne des forces ».
M. Pierre Lellouche. C'est clair !
M. Georges Tron. C'est même très clair !
M. Noël Mamère. Cela signifie clairement que l'on préférera, par exemple, les interventions punitives des BAC à la présence dissuasive des îlotiers.
M. Pierre Lellouche. Les deux ne sont pas incompatibles !
M. Georges Tron. Vous n'y connaissez rien, monsieur Mamère !
M. Noël Mamère. C'est clairement un choix qui porte atteinte à la philosophie de la police de proximité (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) et qui, une fois encore, nous singularise à l'échelle européenne pour nous rapprocher encore un peu plus des Etats-Unis d'Amérique de M. Bush !
M. Gérard Hamel. Quel amalgame !
M. Noël Mamère. Pour le reste, la prévention annoncée dans votre texte se limite presque exclusivement à la création d'une mission de réflexion sur l'influence de la télévision...
M. Pierre Lellouche. Vous en savez quelque chose !
M. Noël Mamère. ... et du spectacle de la violence sur les mineurs.
Lorsque vous parlez de la prévention, monsieur le ministre, votre seule réflexion a pour objet de renforcer la marginalisation des plus fragiles de nos concitoyens, de renforcer la stigmatisation des familles les plus touchées par le chômage en les sanctionnant si leurs enfants ne respectent pas l'obligation scolaire.
A l'arrivée, on constate surtout qu'une vision policière s'empare peu à peu de tout l'appareil d'Etat, que la droite, que votre droite n'a aucune idée de ce qu'est véritablement la prévention (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
M. Dominique Dord. Nous n'avons pas attendu après vous !
M. Noël Mamère. ... et qu'elle est dans l'incapacité d'imaginer des modes de régulation citoyens face aux désordres juvéniles, qui, dans leur très grande majorité, relèvent de la petite délinquance, des vols, du vandalisme et des bagarres. (« Laissons faire ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Robert Lamy. Quand on a échoué comme vous avez échoué, on fait preuve d'un peu de pudeur !
M. Noël Mamère. Par-delà l'examen de cette loi virtuelle, je voudrais revenir sur le contexte dans lequel s'inscrit le problème de l'insécurité.
Les questions de sécurité des biens et des personnes ne sont pas des épiphénomènes que l'on peut régler par des solutions provisoires.
M. Dominique Dord. La preuve, c'est que vous n'avez rien réglé !
M. Gérard Hamel. En effet, en cinq ans, ils n'ont rien fait !
M. Noël Mamère. De tels comportements découlent des conditions de vie, d'un contexte économique et social, d'un environnement urbain, autant d'éléments qui ne se modifieront pas du jour au lendemain.
Nous ne pouvons pas demander à la police de régler tous les dysfonctionnements et toutes les ruptures de notre société. En tant qu'élu local,...
M. Hervé Novelli. Vous n'êtes pas le seul !
M. Noël Mamère. ... j'ai l'occasion de constater ce phénomène chaque jour.
M. Maurice Leroy. Et le cumul ?
M. Dominique Dord. M. Mamère est un cumulard !
M. Noël Mamère. C'est sur cela que la loi d'orientation devrait se pencher. Dans nos quartiers l'insécurité est d'abord sociale. Dans les quartiers en difficulté, le chômage des jeunes hommes est souvent plus proche de 50 % que de 10 %.
M. Richard Cazenave. Bravo la gauche !
M. Noël Mamère. La reprise de l'emploi profite moins aux quartiers de relégation, qui cumulent les handicaps face à l'embauche : mauvaise réputation,...
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Bravo la gauche !
M. Noël Mamère. ... discrimination raciale,...
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Bravo la gauche !
M. Noël Mamère. ... faiblesse des qualifications.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Bravo la gauche !
M. Noël Mamère. Le travail manuel est profondément dévalorisé.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Bravo la gauche !
M. Noël Mamère. Le chômage, la précarité, l'isolement des cités enclenchent un sentiment que j'appellerai d'assignation à résidence.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Bravo la gauche !
M. Robert Lamy. Tout cela, c'est le bilan de la gauche !
M. Dominique Dord. Quel acte d'accusation !
M. Noël Mamère. Ce cercle générateur de violence, il faut donc le casser.
On ne résoudra pas la question des incivilités et des violences par la mise en place d'une société policière. Il n'y a pas de solution miracle dans la lutte contre les violences.
On nous taxe d'angélisme...
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Oui, oui !
M. Eric Raoult. De laxisme !
M. Noël Mamère. ... parce que nous expliquons que la lutte contre l'insécurité est complexe. (Mouvements divers sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
Jusqu'à maintenant vous êtes d'accord !
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Non !
M. Noël Mamère. Ce n'est pourtant pas ce qui apparaît dans le texte de votre ministre.
On nous taxe d'angélisme, parce que nous expliquons que la lutte contre l'insécurité ne se gagnera pas en un jour, par des coups de menton ou des formules creuses.
Oui, il existe des laxistes : les démagogues du tout-sécuritaire (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), du tout-carcéral, du tout policier ! Ils disent tous la même chose : « Il faut supprimer les allocations familiales, rouvrir les maisons de correction, construire un maximum de prisons ! »
M. Robert Lamy. Après avoir échoué comme vous avez échoué, vous devriez avoir un peu de pudeur !
M. Noël Mamère. Mais, messieurs de la majorité, vous avez eu des responsabilités dans le passé ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Et si vos politiques passées s'étaient révélées si efficaces, on le saurait depuis longtemps !
M. Jean Marsaudon. Et vous, qu'avez-vous fait ?
M. Georges Tron. Ils n'ont rien fait pendant cinq ans !
M. Noël Mamère. Le temps est donc venu de dénoncer ces imposteurs et ces apprentis sorciers qui jouent les pourfendeurs vertueux, tout en entretenant soigneusement l'insécurité qu'ils s'acharnent à dénoncer ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
Les Verts, que j'ai l'honneur de représenter à cette tribune (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.),...
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Vous êtes trois !
M. Christian Cabal. Trois Verts, bonjour les dégâts !
M. Noël Mamère. ... sont le seul parti...
M. Claude Goasguen. Où sont-ils ?
M. Noël Mamère. ... qui prône un autre choix que celui proposé par le discours sécuritaire de la droite (Exclamations sur les bancs du du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Robert Lamy. Où sont les Verts ?
M. Noël Mamère. Les Verts sont au-dessus de la barre des 5 %, cher ami ! Et vous, où sont vos amis politiques ? Il paraît que vous êtes 380, pourtant vous n'êtes pas nombreux aujourd'hui ! Vos amis sont peut-être partis à la plage ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. le président. Monsieur Mamère, poursuivez le fil de votre intervention.
M. Noël Mamère. Notre projet politique en matière de lutte contre l'insécurité et de droit à la tranquillité publique repose sur les principes de ce que j'appelle la vraie gauche. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Dominique Dord. Expliquez-nous : c'est quoi « la vraie gauche » ?
M. Hervé Novelli. La gauche caviar !
M. Noël Mamère. S'il y a une vraie gauche qui axe sa politique sur la prévention, sur la médiation, sur l'aide aux victimes et sur le soutien à la police, on peut dire aussi qu'aujourd'hui vous représentez la vraie droite, c'est-à-dire une droite conservatrice, qui axe l'essentiel de sa politique sur la sécurité et sur la répression. De ce point de vue, vous êtes effectivement la vraie droite. Et quand vous prétendez être une droite qui serait ouverte à la société et intégrerait le centre - les amis de M. Bayrou savent ce que cela veut dire -, eh bien, vous êtes dans la contrevérité et le mensonge, parce qu'en fait, vous êtes une des droites les plus conservatrices de l'Union européenne.
M. Robert Lamy. Les Français ont jugé, monsieur Mamère !
M. Noël Mamère. La vraie gauche, c'est celle qui axe sa politique sur la prévention, sur la médiation,...
M. Claude Goasguen. Cette politique a été mise en oeuvre et cela n'a pas marché !
M. Noël Mamère. ... sur l'aide aux victimes, sur le soutien à un police républicaine. Nous faisons le pari de l'alliance d'une prévention renforcée et d'une répression intelligente, c'est-à-dire mieux ciblée et mieux adaptée.
M. Robert Lamy. Vous avez eu vingt ans pour le faire !
M. Noël Mamère. Il faut des institutions préventives et répressives modernisées, recentrées sur leurs missions de base, proches de la population. Il faut mettre en oeuvre des politiques de réparation,...
M. Claude Goasguen. Poncifs que tout cela !
M. Noël Mamère. ... des sanctions qui visent à créer des liens de solidarité, de responsabilité, plutôt qu'à isoler, à stigmatiser des individus et des familles, les rendant encore plus dépendants.
Le système répressif est en crise sur trois plans, ce qui se traduit par la diminution de la qualité du service rendu, la difficulté à faire face à la croissance du contentieux, et une efficacité réduite.
M. Dominique Dord. C'est le résultat de la politique que vous avez menée !
M. Noël Mamère. Nous devons opérer une réforme de la police qui permette d'agir simultanément sur ces trois plans.
M. Robert Lamy. Il fallait y penser plus tôt !
M. Georges Tron. Qu'avez-vous fait pendant cinq ans, monsieur Mamère ?
M. Noël Mamère. C'est pourquoi, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis évidemment totalement en rupture avec le présent projet en matière de sécurité (« Heureusement ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle),...
M. Robert Lamy. Ça nous rassure !
M. Noël Mamère. ... qui est comme emporté par le maelström du tout sécuritaire.
En effet, les démocrates sincères ne peuvent pas se reconnaître dans l'approche que vous faites des sentiments d'insécurité et de délinquance.
M. Pierre Lellouche. Nous ne serions pas sincères ?
M. Claude Goasguen. Encore des poncifs, monsieur Mamère !
M. Noël Mamère. Il faut les traiter plutôt que de les exploiter politiquement, comme le font la droite et l'extrême droite.
M. Claude Goasguen. Vous radotez !
M. Noël Mamère. Or, ces dernières années, c'est tout le contraire qui a été fait.
M. Robert Lamy. Vous reconnaissez vos erreurs !
M. Noël Mamère. Mais je ne nie pas les erreurs qui ont été commises de ce point de vue par la gauche. Au reste, ce n'est pas pour rien que les Verts ont voté contre le projet de loi « sécurité » en novembre 2001, nous n'étions pas d'accord sur tout et nous l'avons dit. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Georges Tron. Quel courage !
M. Noël Mamère. Ces dernières années, les erreurs se sont cumulées : ce qui se fait aujourd'hui venant s'ajouter à ce qu'a fait M. Pasqua en 1995 et à ce qui a été fait par celui qui est aujourd'hui le président de notre assemblée. Souvenez-vous, amis de la gauche, que nous défilions dans les rues de Paris et de la France pour demander l'abrogation des lois Pasqua-Debré ; or elles ont simplement été aménagées, et non abrogées, comme la gauche s'y était pourtant engagée devant les Français. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
Il s'agit donc d'une continuité, effectivement. Et le 21 avril est le produit d'une série de déclarations irresponsables : souvenez-vous des « mauvaises odeurs » des immigrés (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), des « bonnes questions » posées par le Front national, même si celui-ci apportait de « mauvaises réponses »...
M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Ça, c'est du Fabius !
M. Noël Mamère. ... de « l'invasion » des immigrés, de la « misère du monde » (« Ça, c'est Rocard ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
M. Christian Cabal. C'était faux ?
M. Noël Mamère. ... des « charters », et j'en passe... Je ne vous cite que les expressions les plus prégnantes dans notre mémoire.
Le chef de l'Etat a lancé sa campagne, le 14 juillet 2001, en parlant de cette « insécurité croissante, grandissante, espèce de déferlante ». (« Eh oui ! Malheureusement ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Aujourd'hui, avec le projet que vous nous proposez, monsieur le ministre, vous ne faites que continuer cette campagne de M. Chirac qui a surdéterminé le débat politique sur les questions d'insécurité...
M. Dominique Dord. Il vaut mieux ça que l'inverse !
M. Noël Mamère. ... et qui a permis finalement à M. Le Pen d'arriver en deuxième position au premier tour de la présidentielle, fait inédit dans l'histoire de la Ve République.
M. Claude Goasguen. Et vous, vous êtes dans l'opposition !
M. Noël Mamère. Mais les partisans du tout-sécuritaire préfèrent, nous le savons tous, l'original à la copie. (« Vous l'avez déjà dit ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Uion pour la majorité présidentielle.) Ils l'ont d'ailleurs exprimé de manière très claire au premier tour. Ils l'ont répété au deuxième tour en se réfugiant, pour beaucoup d'entre eux, dans une abstention massive.
M. Robert Lamy. Vous l'avez déjà dit ! Vous relisez les mêmes pages, monsieur Mamère !
M. Noël Mamère. La crise de la représentation politique nous touche tous. Elle n'est pas seulement le problème de la droite excessivement majoritaire que vous représentez aujourd'hui, elle est aussi le nôtre. Nous n'avons pas à faire repentance (« Si » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.), mais nous devons essayer, là où nous sommes, dans la majorité comme dans l'opposition...
M. Robert Lamy. Vous n'avez rien compris !
M. Noël Mamère. ... C'est la raison pour laquelle je vous demande d'avoir l'amabilité de me laisser développer mes arguments - nous devons les uns et les autres contribuer, avec notre légitimité démocratique, à leur apporter une réponse, nous devons faire en sorte que le fossé entre les citoyens et la représentation nationale cesse de se creuser. Pour cela, il faut en finir avec la démagogie, le tout-sécuritaire et le tout-policier, à la recherche de toujours plus de voix.
Les réponses, nous devons les chercher avec honnêteté et courage. Répondre à la crise de société à laquelle nous nous trouvons confrontés aujourd'hui n'est pas simple. Le sentiment d'insécurité, nous le savons, n'est pas lié aux seules agressions, il est d'abord le fait de l'insécurité sociale, de l'insécurité ressentie dans les domaines de l'éducation, de la santé, ou face à la discrimination raciale...
M. Dominique Dord. Quel aveu !
M. Robert Lamy. Vous relisez les mêmes pages !
M. Noël Mamère. ... mais sans doute cela ne vous intéresse-t-il pas ?
M. Robert Lamy. Vous l'avez dit trois fois !
M. Noël Mamère. Peu vous chaut les problèmes de ceux qui, aujourd'hui, sont dans une situation impossible (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. le président. Laissez M. Mamère s'exprimer, il n'a pas épuisé son temps de parole.
M. Robert Lamy. Mais il se répète.
M. Noël Mamère. Je pense à la double peine, que la gauche n'a pas abolie, alors qu'elle en avait l'occasion, parce qu'elle avait en face d'elle un Sénat conservateur qui s'y serait opposé (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Pascal Clément, président de la commission. Ce n'est pas vrai !
M. Noël Mamère. Pourtant, certains d'entre vous, par exemple M. Bayrou ou M. Etienne Pinte, de l'UMP, se sont prononcés récemment pour l'abolition de la double peine, cette forme de bannissement qui ne fait qu'accélérer les discriminations à l'intérieur des banlieues.
M. Pierre Lellouche. La double peine n'est pas une double peine, c'est la peine !
M. Noël Mamère. Vous respectez M. Pinte, vous respectez M. Bayrou ? Ces hommes ne sont pas considérés, à l'inverse des Verts, comme des angéliques et des utopistes, comme des innocents aux mains vides.
M. Pascal Clément, président de la commission. Ça, c'est vrai !
M. Noël Mamère. Ce sont des gens sérieux.
M. Claude Goasguen. C'est de la démagogie.
M. Noël Mamère. Certains amis de M. Pinte prennent celui-ci pour un rêveur ? Cela mérite d'être noté dans le compte rendu de l'Assemblée.
M. Robert Lamy. C'est vous qui le qualifiez ainsi !
M. Noël Mamère. Mais il est un autre sujet qui devrait être traité. Si vous aviez un peu de courage politique, pourquoi ne proposeriez-vous pas, comme nous l'avons fait durant la précédente législature, d'accorder le droit de vote - comme nous avons pu l'accorder, conformément au traité de Maastricht, aux étrangers communautaires qui vivent dans notre pays - aux parents de Zidane, à toutes ces personnes qui sont installées dans notre pays depuis quarante ou cinquante ans, dont les enfants sont français, et pour qui la France est leur pays ?
M. Claude Goasguen. C'est absurde !
M. Robert Lamy. Et démagogique !
M. Noël Mamère. Les hommes et les femmes politiques, les politiciens, nous le savons, ne traitent absolument pas de la même manière les personnes selon qu'elles peuvent ou non les sanctionner par leur vote.
M. Dominique Dord. Parlez pour vous !
M. Claude Goasguen. Changez de disque et revenez à votre texte, il est meilleur !
M. Noël Mamère. Voilà quelques pistes qui pourraient nous aider à répondre courageusement, et autrement que par la politique du gros bâton, à la question de l'insécurité et à ce désordre dans lequel nous sommes aujourd'hui plongés...
M. Robert Lamy. A cause de vous !
M. Noël Mamère. ... face à des nantis et à ceux qui, au bas de la société, ont le sentiment d'être méprisés et humiliés.
M. Robert Lamy. C'est votre bilan !
M. Noël Mamère. Oui, que ferez-vous, monsieur le ministre, quand vos mesures n'auront accouché de rien, faute d'avoir pris le mal à la racine ?
M. Dominique Dord. On peut quand même essayer !
M. Noël Mamère. Est-ce que vous enfermerez les jeunes de sept à dix ans ? Est-ce que vous triplerez le nombre de prisons ? Est-ce que vous rétablirez la peine de mort ? (Protestations sur de nombreux bancs du groupe Union pour la majorité présidentielle.) On peut imaginer que vous alliez jusque-là.
M. Jacques-Alain Benisti. Caricature !
M. Noël Mamère. Les démocrates sincères ne peuvent se reconnaître dans votre absence de compassion envers la victime.
M. Robert Lamy. Vous êtes un démocrate sincère ?
M. Noël Mamère. Aujourd'hui encore, la victime est la grande absente de votre politique. Vous vous contentez d'évoquer une vague charte de qualité. Avant, quand on ne savait pas comment régler un problème, on s'en débarrassait en créant une commission. Aujourd'hui, on promet une charte. (« C'est ce que vous faisiez ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
Cela est choquant et surtout révélateur du fond de votre politique. La victime est doublement victime : du délit et de la procédure.
M. Claude Goasguen. Où est l'exception d'irrecevabilité ?
M. Noël Mamère. Elle n'a pas encore une véritable place centrale dans la procédure pénale. Elle est la grande oubliée de votre discours sécuritaire.
M. Pierre Cardo. Et vous, qu'avez-vous fait pour la victime pendant cinq ans ?
M. Noël Mamère. Il faut réintroduire la victime au centre de notre politique de tranquillité publique en faisant que chaque ville se dote d'un bureau d'aide aux victimes qui organise l'accueil, l'information, l'orientation et le secours pour les victimes de vol, de cambriolage ou d'agression.
M. Claude Goasguen. Hors sujet !
M. Noël Mamère. Il ne faut plus attendre des années pour offrir des réparations matérielles et morales aux victimes des agressions. Pourquoi, monsieur le ministre, ne pas proposer par exemple la programmation de 3 000 postes d'assistant médico-psychologique dans tous les commissariats de France ? Voilà qui aurait été conforme aux besoins exprimés par la population. (Rires sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
Vous pouvez rire, monsieur le ministre ! Vous proposez des assistantes médico-psychologiques, mais pour les policiers, pas pour les victimes ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Vous avez été maire pendant longtemps d'une ville, où l'insécurité n'atteint sans doute pas les sommets de certaines de nos communes.
M. Claude Goasguen. Comme à Bègles ?
M. Noël Mamère. Vous savez très bien que certaines personnes vivent des situations difficiles. Face à une misère morale et psychologique très grande, ces gens, ces « accidentés de la vie » pour reprendre une de vos expressions, ont besoin d'une assistance psychologique.
M. Pierre Cardo. Les discours changent !
M. Noël Mamère. Or, comme le disent très bien les policiers, que vous rencontrez, monsieur le ministre, matin, midi et soir et même la nuit - vous n'en dormez plus, semble-t-il -, les policiers ne sont pas des assistantes sociales. La police française a été formée pour assurer l'ordre public, non pour remplir le rôle qu'on lui assigne aujourd'hui, celui d'une police de proximité, faute de mettre à leur disposition de véritables moyens autres que ceux de la répression.
M. Pierre Cardo. Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on leur demande de jouer ce rôle.
M. Noël Mamère. Je ne vois donc pas matière à se moquer de ceux qui, comme moi aujourd'hui à la tribune de cette assemblée, proposent que des assistants médico-psychologiques assistent les victimes dans les commissariats de France.
M. Pierre Cardo. Cela existe déjà !
M. Claude Goasguen. Vous, vous doutez de la nation.
M. Noël Mamère. Les démocrates ne se reconnaissent pas dans la notion de tolérance ou d'impunité zéro. Les démagogues de la sécurité nient en effet la violence des rapports sociaux. Ils font comme s'il n'y avait pas d'inégalités sociales, comme si, dans notre pays, il n'y avait que des individus libres et égaux agissant en fonction de critères rationnels. Plutôt que de nier la violence, il faut savoir s'organiser pour la contenir au mieux. Personne, pas plus M. Le Pen, M. Chirac, que vous-même, monsieur le ministre, ne peut faire disparaître la délinquance par un coup de baguette magique. C'est un mensonge et une faute grave que de soutenir cette thèse.
M. Pierre Cardo. Ce n'est pas parce que vous n'avez pas réussi que ce n'est pas possible.
M. Gérard Hamel. Vous verrez que c'est possible.
M. Noël Mamère. Cette démagogie nous empêche de lutter réellement contre la criminalité. La tolérance zéro, c'est une notion importée d'Amérique, qui a été mondialisée par des relais dans tous les pays où l'Etat abandonne son rôle de protection sociale et confie à la police le soin de gérer ce qu'il ne veut plus assumer. Il faut en finir avec cette formule à l'emporte-pièce qui nous empêche de proposer des solutions à court et à moyen termes. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Pierre Cardo. Les électeurs ont déjà commencé à le faire !
M. Noël Mamère. Les démocrates ne peuvent se reconnaître dans votre politique de sanction. La sanction n'a de sens que si elle s'applique dans le cadre d'un véritable contrat social au sein duquel la police et la justice ont une place reconnue par tous. La légitimité de leur action doit pouvoir être reconnue par l'ensemble de la société. Elle ne l'est pas aujourd'hui car perdure le sentiment d'une police et d'une justice à deux vitesses. La prévention doit donc devenir partie intégrante de la fonction policière. Il ne s'agit pas de faire des contrôles d'identité massifs, pratiqués souvent sans respect pour les individus qui en sont l'objet et qui, accumulés, suscitent la rancoeur, pour que la police soit respectée. Non, ce n'est pas cela qu'il faut. Ce qu'il faut, c'est que la police respecte les citoyens, tous les citoyens sans discrimination. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Eric Raoult. Mais elle le fait !
M. Noël Mamère. Le rôle des BAC doit être redéfini et contrôlé.
M. Pierre Cardo. La prévention est du ressort des maires.
M. Noël Mamère. Pour être acceptée dans les quartiers, la police doit pouvoir rendre compte régulièrement de son action devant la population car elle est la police de la République.
M. Georges Tron. Commencez par la respecter vous-même !
M. Noël Mamère. Les démocrates ne se reconnaissent pas dans la politique du tout-carcéral. Cette américanisation de la répression qui consiste à mettre tout le monde en prison ou dans des lieux d'enfermement et qui renforce à terme la délinquance.
M. Georges Tron. Ça ne veut rien dire « mettre tout le monde en prison ». C'est absurde de dire des choses pareilles !
M. Noël Mamère. Enfermer ensemble des individus qui n'ont rien en commun suffit à faire de garçons de dix-huit ans des criminels endurcis. Décider de rouvrir les maisons de correction, dont je rappelle que la dernière fut fermée en 1979 par Alain Peyreffitte...
M. Jean Marsaudon. La délinquance n'est pas la même !
M. Noël Mamère. ... qui constatait à l'époque la dangerosité criminogène de ces établissements...
M. Pierre Cardo. Evidemment, ils étaient immenses !
M. Noël Mamère. ... est une bêtise.
Le problème, nous le savons, ce n'est pas le délinquant, c'est le terreau dans lequel il vit.
M. Frédéric de Saint-Sernin. C'est ce que disait Jospin et on a vu le résultat !
M. Noël Mamère. En mettant à l'écart l'individu dangereux, vous ne faites que le conforter dans son rôle, et vous n'avez pas résolu le problème à la base. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Eric Raoult. Mamère, c'est Rousseau !
M. Noël Mamère. Je propose des alternatives à la prison, avec le développement systématique des travaux d'intérêt général, pour les vols qualifiés sans violence et les vols simples, le remboursement de la victime et des bureaux d'accueil des victimes dans chaque commissariat de police.
M. Hervé Novelli. Vous êtes le dernier rousseauiste !
M. Noël Mamère. Les démocrates, monsieur le ministre, ne se reconnaissent pas dans l'Etat pénal que votre gouvernement veut mettre en place pour remplacer l'Etat social. C'est un choix de société.
M. Pierre Cardo. Des mots !
M. Noël Mamère. On ne trouve plus d'argent pour l'école, pour les retraites, pour la santé, pour la protection sociale. (« C'est votre bilan ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) On rogne sur les minima sociaux, et le seul domaine pour lequel il faudrait toujours donner plus de moyens, sans contrôle, ce serait la sécurité ?
Ce choix, défendu par M. Bush aux Etats-Unis, est-il bien le nôtre ? La tolérance zéro, c'est un concept forgé de toutes pièces à Manhattan. Moi, je lui préfère celui d'injustice zéro.
M. Hervé Novelli. Vous, c'est l'intolérance maximale !
M. Noël Mamère. Il est plus conforme à la tradition française des droits de l'homme et au modèle européen et il est plus juste à tous points de vue.
L'injustice zéro consiste à ne laisser personne au bord du chemin, à ne laisser aucun quartier défavorisé sans service public, à ne pas demander les sacrifices toujours aux mêmes. La restauration de la loi et de l'ordre sur tout le territoire ne se fera pas sans que ceux qui ont construit des cités sans âme, enclavées, qui ont marginalisé les populations en les montrant du doigt, qui ont brisé l'espoir de plusieurs générations ne reviennent sur leurs erreurs ou passent la main. Il n'y a pas de sécurité sans justice.
M. Pierre Cardo. Facile à dire.
M. Noël Mamère. Je ne comprends pas cette nouvelle mode qui consiste à dire que la politique de sécurité serait par nature consensuelle, que les solutions de la gauche et de la droite seraient identiques.
M. Claude Goasguen. Les électeurs non plus !
M. Noël Mamère. Je ne comprends pas ceux qui renient l'histoire de la gauche, celle qui créa la Ligue des droits de l'homme, celle qui mit fin à la peine de mort, celle qui descendit dans les rues contre les lois Pasqua-Debré, celle qui sait mettre l'accent sur la prévention plutôt que sur la prison.
Oui, je préfère Badinter et Bonnemaison à Pasqua et Sarkozy. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Jean Marsaudon. Ce n'est pas l'avis des Français !
M. Pierre Cardo. Bonnemaison avait un peu changé d'avis.
M. Noël Mamère. Oui, je préfère la loi sur la présomption d'innocence à la loi sur la sécurité intérieure qui criminalise les jeunes tout en ne répondant pas aux questions concrètes posées par l'insécurité sociale dans nos banlieues.
M. Hervé Novelli. Vous préférez les coupables aux victimes.
M. Noël Mamère. Et je préférais Lionel Jospin (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
M. Jean Marsaudon. Les Français n'en ont pas voulu !
M. Noël Mamère. ... quand il mettait en place la police de proximité et les emplois-jeunes dans les commissariats, à M. Raffarin qui demande l'ouverture de centres d'enfermement pour les enfants dans le seul but de répondre aux attentes supposées des sondages. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
La démocratie authentique, c'est...
M. Georges Tron. Vous ne savez pas ce que c'est, la démocratie !
M. Noël Mamère. La démocratie authentique, c'est « l'association intime, c'est la fusion de l'Etat et du citoyen », disait Pierre Mendès France. Aujourd'hui, le citoyen et l'Etat sont devenus étrangers l'un à l'autre. Le citoyen se détourne de l'Etat et l'Etat se méfie du citoyen. Dans ces temps où l'odeur malsaine de l'extrême droite répand son fumier partout en Europe...
M. Thierry Lazaro. Grâce à vous !
M. Noël Mamère. ... nous devrions en prendre conscience et ne pas nous laisser aller.
Pour que vous emportiez l'adhésion de la représentation nationale, monsieur le ministre, il aurait fallu que votre projet de loi ne confonde pas restriction des libertés et sécurité, sentiment d'insécurité et besoin réel de la population, lutte contre les causes de la délinquance et affichage politique. Pour cela, monsieur le ministre, il aurait fallu que vous ayez une conception républicaine fondée sur l'égalité des droits des citoyens, les libertés démocratiques et les devoirs de tous. Nous n'avons pas besoin de shérifs, ni de bravaches, ni de journalistes pour combattre les violences et la délinquance. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Claude Goasguen. Pas besoin de Verts non plus !
M. Noël Mamère. Nous avons besoin d'une politique à long terme qui combatte les causes de l'insécurité, et ne se compromette pas dans la politique spectacle.
De votre loi, monsieur le ministre, on dira dans quelques mois : « Tout ça pour ça ! »
M. Pierre Lellouche. On verra, monsieur Mamère.
M. Claude Goasguen. Vous allez trop au cinéma, monsieur Mamère.
M. Noël Mamère. Une loi qui aura encouragé la division de nos concitoyens, tout en ne changeant pas grand-chose aux conditions réelles du combat pour la tranquillité publique.
Je condamne ce projet qui consacre l'omnipotence et l'omniprésence de la police, qui transforme les pauvres et les non-conformes en délinquants et qui développe la surveillance généralisée de la population. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Thierry Lazaro. Qu'est-ce que cela veut dire « non-conformes » ?
M. Noël Mamère. Dans un Etat de droit, les libertés individuelles et publiques doivent primer sur le pouvoir de la police.
M. Claude Goasguen. La sécurité, c'est la liberté.
M. Noël Mamère. A défaut, nous le savons, la porte est ouverte à l'arbitraire.
Et en ce jour du soixantième anniversaire de la rafle du Vél'd'Hiv (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
M. le président. S'il vous plaît, messieurs, M. Mamère a presque fini, laissez-le terminer.
M. Pierre Lellouche. C'est honteux !
M. Robert Lamy. C'est indécent !
M. Noël Mamère. Je répète : en ce jour du soixantième anniversaire de la rafle du Vél'd'Hiv, où la police de Vichy, la police de Pétain, la police de l'Etat français a commis l'acte le plus ignoble de l'histoire de notre pays...
M. Robert Lamy. C'est indécent !
M. Claude Goasguen. C'est scandaleux !
M. Noël Mamère. ... nous devrions méditer sur ce qu'est l'arbitraire. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. le président. Je vous en prie, laissez M. Mamère parler !
M. Noël Mamère. Nous devrions méditer sur les conséquences possibles de l'arbitraire.
M. Claude Goasguen. C'est scandaleux !
M. Noël Mamère. Mes chers collègues (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
M. Thierry Lazaro. Pas « chers » collègues !
M. Noël Mamère. Mesdames, messieurs, si vous préférez (« Oui ! C'est mieux ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. le président. Laissez M. Mamère terminer.
M. Christian Cabal. Il provoque !
M. le président. Eh bien, ne tombez pas dans la provocation !
M. Noël Mamère. Je pensais, monsieur le président, que le rôle du président de séance était...
M. le président. J'essaie de vous permettre de terminer votre discours.
M. Noël Mamère. Je pensais que le président de séance devait...
M. le président. Monsieur Mamère, terminez votre discours !
M. Noël Mamère. ... faire preuve de neutralité. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. le président. Monsieur Mamère, terminez votre discours.
M. Noël Mamère. Vous augurez bien mal de la manière dont vont se dérouler les séances sur les sujets de société. (« Provocateur ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
Je répète, mes chers collègues - c'est une expression convenue que j'emploierai même si vous ne m'êtes pas chers (« Vous non plus ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) et que je vous irrite -, mes chers collègues, si vous ne voulez pas regretter d'avoir voté une loi liberticide, une loi porteuse de dérapages, de bavures, une loi sans consistance,...
M. Robert Lamy. Il faut savoir : elle est inconsistante ou pleine d'erreurs ?
M. Noël Mamère. ... une loi qui continuera à diviser les citoyens, une loi de stigmatisation, une loi de guerre contre les pauvres, ayez la sagesse de voter l'exception d'irrecevabilité que je viens de défendre devant vous. Je vous remercie. (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Maurice Leroy. Applaudissements nourris !
M. le président. Le Gouvernement souhaite-t-il apporter une réponse ?
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Oui !
M. le président. Vous avez la parole, monsieur le ministre.
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le président, mesdames et messieurs, le mot « réponse » est un bien grand mot après une aussi piètre intervention. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
En définitive, l'intervention de M. Mamère n'avait qu'une seule chose de remarquable : elle était interminable.
Monsieur Mamère, vous avez insulté beaucoup de gens. Vous avez insulté beaucoup de personnes...
M. Noël Mamère. Qui ai-je insulté ?
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... sur les bancs de cette assemblée et dont certaines n'étaient pas là, ce qui est de votre part la marque d'une forme de lâcheté qui n'est pas bien respectable.
Voudriez-vous nous rappeler, vous qui donnez tant de leçons de morale à tant de gens, sur la liste de qui vous figuriez lors des élections européennes de 1994 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Noël Mamère. Et alors ?
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Cela vous donne-t-il aujourd'hui matière à donner des leçons à tant de personnes ?
M. Noël Mamère. Et vous, pouvez-vous nous dire pourquoi vous êtes le ministre du Président ?
M. le président. Monsieur Mamère, je vous en prie !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Moi, je ne veux pas donner de leçons, monsieur Mamère.
Chacun a le droit d'avoir ses convictions. Chacun a le droit de les défendre. Un certain nombre d'éléments nous séparent, et c'est la marque de la démocratie. Mais si l'on ne veut pas recevoir de leçons, mieux vaut ne pas en donner.
Vous avez attaqué les médias, les stigmatisant à plusieurs reprises. Est-ce donc parce que vous-même avez été une de ces vedettes si emblématiques ? Votre démarche est quasi freudienne ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
Je ne me suis pas senti quant à moi concerné par les accusations provenant de ce monde fait de mondanités et de superficialité. Vous-même en avez tant profité et vous en êtes la figure la plus caricaturale...
M. Noël Mamère. Que c'est facile !
M. le ministre l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Peut-être est-ce parce que vous regrettez aujourd'hui ce passé que vous avez été si sévère avec tant de médias, qui ne font pourtant que rendre compte de la réalité de la vie telle qu'elle est.
M. Noël Mamère. N'avez-vous pas de meilleurs arguments ? Des arguments juridiques ?
M. le président. Monsieur Mamère, ne faites pas ce que vous avez tout à l'heure reproché à d'autres de faire !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Vous m'avez attaqué sur plusieurs points, et particulièrement sur celui si complexe de la fusion ou de la connexion des fichiers.
M. Noël Mamère. Ah !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. J'ai en effet considéré à mon arrivée au ministère de l'intérieur qu'il était parfaitement anormal que les fichiers de la gendarmerie et ceux de la police ne soient pas connectés.
J'avais eu l'occasion à bien des reprises, avant que d'entrer au gouvernement, et avec d'autres siégeant sur tous les bancs de cette assemblée, de parler de la question si difficile des délinquants sexuels, dont chacun sait que le risque de récidive est extraordinairement important. Si la connexion des fichiers, si la permission qui sera donnée de les compléter, ne peut sauver qu'une seule personne, alors je dis à la représentation nationale : ne faisons pas trop de juridisme et pensons à toutes les familles si durement éprouvées ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
Lorsque, dans toutes vos circonscriptions, des hommes et des femmes vous interrogent et vous demandent pourquoi tel multirécidiviste reconnu se retrouve dans la nature, la question n'est ni de gauche ni de droite.
M. Maurice Leroy. Bien sûr !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Que voulez-vous donc ? Qu'il arrive chez nous ce qui s'est passé en Angleterre où, justement parce que les fichiers n'étaient pas organisés, la « une » de la presse populaire et d'autres médias ont, de façon scandaleuse, dénoncé un certain nombre d'hommes et de femmes qui ne figuraient pas dans les fichiers ? C'est pour éviter de tels débordements que le Gouvernement vous propose l'action.
M. Claude Goasguen. Très bien !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je ne reviendrai pas sur les propos que vous avez portés à l'endroit du gouvernement de M. Jospin. M. Jospin n'est pas présent ; il ne peut donc se défendre. Mais si vous aviez tant de reproches à lui faire, il aurait mieux valu que vous les lui serviez à lui-même...
M. Noël Mamère. Cela a été fait !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... lorsqu'il était en mesure de vous répondre.
M. Noël Mamère. Cela a été fait ! Mais vous n'étiez jamais là !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je ne me serais pas permis d'adopter une telle attitude alors que M. Jospin n'est pas ici et qu'il a été battu. Je trouve qu'elle est indigne et qu'elle manque de courage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
Vous avez fait le juriste, un bien piètre juriste à la vérité. Vous vous dites respectueux et soucieux de l'application des règles ? Mon dieu ! Quand je vois la façon dont se déroule le congrès des Verts, je me dis qu'il vous est plus facile de donner des leçons aux autres qu'à vous-même. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Noël Mamère. Quels arguments !
M. Eric Raoult. Ils sont irrécusables !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Pour finir, permettez-moi de vous dire que vous n'avez rien compris au message des Français. (« Rien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) C'est une bonne nouvelle pour nous, mais c'est une bien mauvaise nouvelle pour l'écologie, qui mérite mieux qu'un porte-parole tel que vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
Le principal reproche que vous nous faites, monsieur Mamère, c'est d'appliquer le programme que les Français ont choisi. Sans doute auriez-vous préféré que nous changions le peuple. On se passera de vous ! (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Estrosi, rapporteur. Monsieur Mamère, vous avez, au-delà du texte du Gouvernement, largement critiqué le travail des membres de la commission des lois, ce qui est difficilement acceptable.
Vous avez utilisé un vocabulaire que je n'ai cessé de rejeter moi-même. Vous avez tout au long des cinq dernières années cherché à inventer des mots, comme le fameux « sauvageon » ou l'« incivilité », autant de termes qui tendaient à minimiser la montée de la délinquance et de la violence dans notre pays.
En caricaturant le fait de rendre un jeune de dix ans responsable de ses actes ou celui de placer un jeune de treize ans face à une responsabilité de majeur pénal, vous ne cessez d'amplifier un phénomène que vous avez vous-même contribué à générer au cours des dernières années.
Il y a quelques instants, vous vous plaigniez que l'on ne réponde pas à votre intervention sur le plan juridique.
Dans votre exposé, j'ai repéré quant à moi bien peu d'éléments juridiques qui puissent justifier l'adhésion à votre exception d'irrecevabilité.
Vous avez tout amalgamé, tout mélangé, en commençant par l'insécurité routière. Déplorer que, pour la première fois dans un texte qui s'attaque à la délinquance, on prévoie une lutte farouche contre l'insécurité routière me surprend beaucoup de votre part. N'est-ce pas M. Gayssot qui prétendait il y a quelques années qu'il allait diviser par deux le nombre des victimes de l'insécurité routière ? Or voici que, cinq ans plus tard, nous avons toujours dans notre pays huit mille victimes par an.
Vous avez insisté sur la nécessité de défendre plutôt les victimes du tabac et de l'alcool et d'apporter des réponses à leurs difficultés. Mais vous nous proposez dans le même temps de dépénaliser l'usage du cannabis et des drogues douces.
Vous avez ces dernières années contribué avec vos amis, notamment par des circulaires de Mme Guigou en direction des parquets, à inciter ces derniers à ne plus poursuivre les délits concernant les drogues douces, et à conduire les policiers à ne pas exercer en ce domaine le métier qu'ils s'étaient engagés à exercer. Or tous les rapports scientifiques démontrent que le cannabis nuit gravement à la santé. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Christian Cabal. Très juste !
M. Christian Estrosi, rapporteur. Une fois de plus, vous essayez de pousser la représentation nationale vers des difficultés majeures en matière de santé publique pour nos enfants.
Vous avez dénoncé un texte qui serait présenté à la va-vite, assorti d'annexes à la limite de la constitutionnalité.
Puis-je vous rappeler qu'il est de pratique courante pour notre assemblée que de procéder par lois d'orientation et de programmation renvoyant à des annexes. Je pense notamment à la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité de 1995 - la « LOPS Pasqua » -, que vous aviez déjà dénoncée devant le Conseil constitutionnel, qui l'avait validée dans son ensemble, notamment en ce qui concerne la prétendue atteinte aux libertés individuelles que portaient les caméras de télésurveillance. Le Conseil avait validé le cadre législatif défini pour la vidéosurveillance dans ladite loi d'orientation.
Je trouve tout à fait extraordinaire que vous dénonciez les mesures que nous proposons contre les regroupements dans les halls d'immeuble, alors que vous-même et la majorité à laquelle vous apparteniez aviez proposé que soit écrit dans une loi que la police nationale et la gendarmerie nationale puissent intervenir à ces occasions dans les cages d'escalier, ce qui était d'ailleurs scandaleux...
M. Daniel Vaillant. Vous aviez voté contre !
M. Christian Estrosi, rapporteur. Non, nous avions adhéré à cette disposition. Simplement, nous avions dénoncé le fait que vous autorisiez la police et la gendarmerie nationale, d'une part, et les polices municipales, d'autre part, à pénétrer dans les cages d'escalier sans permettre à ces dernières de procéder à l'évacuation des regroupements,créant ainsi une véritable discrimination à leur encontre.
Quoi qu'il en soit, vous avez vous-même soutenu la possibilité donnée aux forces de l'ordre d'intervenir dans les cages d'escalier.
M. Jean Roatta. Il ne s'en souvient plus !
M. Noël Mamère. Non, monsieur Estrosi : moi, j'ai voté contre !
M. Christian Estrosi, rapporteur. Vous parlez de la police de proximité comme d'une police de dissuasion alors que, sous vos instructions, elle n'a été qu'une police de politesse, dont l'action a été déséquilibrée par rapport aux BAC, les brigades anticriminalité, et aux polices intervenant la nuit.
Vous n'avez cessé de soutenir tous ces textes qui ont contribué à développer la délinquance et la violence dans notre pays : loi relative à la sécurité quotidienne, texte sur les polices municipales, loi Besson sur les gens du voyage. Et je n'oublie pas la loi SRU, qui a déséquilibré une certaine forme d'urbanisme dans notre pays, ni la loi sur la présomption d'innocence, qui a été pour certaines de ses dispositions une véritable loi de défiance à l'égard de nos policiers.
Je veux aussi rappeler que la loi sur la présomption d'innocence s'est de plus attaquée aux victimes, que vous prétendez défendre. Vous proposiez en effet que le délinquant arrive devant l'officier de police judiciaire en garde à vue et se voie octroyer de véritables droits, dont l'assistance d'un avocat au bout d'une heure de garde à vue, dont le droit de se taire, le droit de bénéficier d'une assistance médicale, le droit de recourir à un interprète alors que, dans le même temps, la victime qui avait subi des sévices de la part du délinquant était laissée sur le trottoir sans avoir quant à elle droit à un avocat, à une assistance médicale ou à un interprète. (« C'est vrai ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
Au moment où l'on propose enfin au Parlement une loi qui entend s'attaquer de manière transversale à tous les phénomènes de société qui ont contribué ces dernières années à la montée de la délinquance et de la violence...
M. Jean Roatta. C'est vrai !
M. Christian Estrosi, rapporteur. ... je ne peux que vous inciter, mes chers collègues, à rejeter l'exception d'irrecevabilité défendue par M. Mamère. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Richard Cazenave, pour le groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.
M. Richard Cazenave. Cette explication de vote sera d'autant plus brève qu'à des propos aussi consternants que les vôtres, cher monsieur Mamère, on ne peut répliquer par des arguments, d'autant plus qu'il n'y avait pas non plus d'arguments dans votre intervention.
J'ai entendu que nous serions dans l'inconstitutionnalité parce que nous stigmatiserions les jeunes, par exemple. Mais savez-vous que les jeunes sont aujourd'hui les premiers, et très majoritairement, à nous demander d'agir car ils voient tous les jours ce qui se passe sous leurs yeux ? Ce sont les premiers à nous demander de l'action et c'est dans les quartiers qu'on nous la demande. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
N'oubliez pas que ce sont les jeunes dans leur ensemble qui sont victimes de la situation, notamment ceux des quartiers désignés à la vindicte générale, car on ne fait pas le tri entre ceux qui veulent s'intégrer, monter dans la société, faire quelque chose de bien, et ceux qui pourrissent la vie des quartiers en question.
Nous avons donc un devoir d'action, en particulier pour les jeunes, comme nous avons un devoir d'action pour les pauvres, qu'à vous entendre nous stigmatiserions aussi. Eh bien, non ! les pauvres attendent également que nous intervenions car ils sont les premières victimes de l'insécurité dans ce pays.
Je ne perçois pas d'argument d'inconstitutionnalité dans tout ce que vous avez dit. Je n'ai entendu que des paroles consternantes, des invectives, des injures, des propos bêtement injurieux.
Lorsqu'on parle de « lepénisation des esprits », on devrait faire attention à ce que l'on dit dans une enceinte comme celle-ci. En effet, quand on rabaisse ici le débat au niveau d'une conversation entre « lofteurs », on est en plein dans la lepénisation des esprits, on véhicule des idées simplistes, on veut faire croire qu'il y a une bataille sociale autour de la question de l'insécurité...
M. André Gerin. Mais c'est vrai !
M. Richard Cazenave. Non ! Le problème est celui de la justice pour tous. Il faut faire en sorte que l'insécurité recule parce qu'elle est la première des injustices dans ce pays.
Ce que nous avons entendu ici est la caricature de tout ce que les Français ne veulent plus. Les Français ne veulent plus d'un discours qui est celui de l'excuse. Ils ne veulent plus d'un discours qui porte l'accusation sur les victimes, et on en est pratiquement là avec le discours de M. Mamère : les victimes n'avaient qu'à pas avoir de l'argent dans leurs poches si elles ne voulaient pas qu'on le leur prenne.
Ce discours est un discours de haine sociale, un discours qui n'a aucune vertu républicaine, ni aucune vertu sociale, un discours hautain, méprisant, qui n'apporte rien au débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à M. André Gerin, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
M. Guy Teissier. Pourquoi « républicains » ?
M. André Gerin. Monsieur le ministre, nous allons voter l'exception d'irrecevabilité eu égard à l'opinion que vous avons sur le projet de loi que vous nous présentez.
M. Pierre Lellouche. C'est décevant, monsieur Gerin !
M. André Gerin. Je vous remercie du compliment.
M. Pierre Lellouche. Je suis atterré. Il faut que le Parti communiste soit tombé bien bas !
M. le président. Monsieur Lellouche, vous n'avez pas la parole !
M. Pierre Lellouche. Peut-être, mais c'est un fait !
M. André Gerin. Ce projet de loi, et j'aurai l'occasion d'y revenir, a la marque de la répression sociale. C'est un texte de circonstance qui escamote le lien étroit qui doit exister entre prévention, dissuasion et répression, trois éléments inséparables.
Comme je l'ai toujours dit, comme je le redis aujourd'hui et comme je le redirai,...
M. Guy Tessier. Demain !
M. Jean Marsaudon. Pas sûr !
M. André Gerin. ... il faut combattre sans complaisance ce qui pourrit la vie. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Pierre Cardo. Vous n'avez pas été écouté !
M. André Gerin. On ne parle pas de manière significative des trafiquants, des têtes de réseaux, des délinquants en col blanc. On se trompe de cible, on se trompe de catégorie sociale en globalisant, en stigmatisant les quartiers populaires.
Au fond, et je m'en tiendrai là,...
M. Jean Marsaudon. Cela vaut mieux !
M. André Gerin. ... le projet de loi qui nous est soumis est le troisième étage de la fusée des lois Pasqua-Debré.
M. Christian Cabal. Voilà qu'on a satellisé la sécurité !
M. Pierre Lellouche. C'était brillant !
M. le président. La parole est à M. Rudy Salles, pour le groupe Union pour la démocratie française.
M. Rudy Salles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, faire une explication de vote après un exposé de M. Mamère est un exercice facile tant l'outrance rend le fond de ses propos dérisoires. Mais je ne tomberai pas à mon tour dans le piège : je répondrai simplement en quelques mots à M. Mamère que le projet de loi n'est nullement contraire à la Constitution, puisque c'est bien de cela qu'il s'agit et non des élucubrations égrenées pendant de longues minutes du haut de la tribune.
M. Jean-Claude Lefort. Si vous le dites !
M. Rudy Salles. Ce qui nous différencie fondamentalement, c'est que nous, nous considérons que c'est l'insécurité qui est contraire à la Constitution.
M. Pierre Lellouche. Très bien !
M. Rudy Salles. Je rappelle que les libertés publiques, notamment celle d'aller et venir, sont aujourd'hui bafouées en permanence.
M. Mamère tourne en dérision ce qu'il appelle la « petite délinquance ». Il est insultant pour tous les Français qui en souffrent que de parler de ce problème de la sorte.
Qu'est-ce donc que la « petite délinquance », monsieur Mamère ? Les vols à l'arraché, les vols à la portière, les voitures brûlées, les trafics de stupéfiants ?
Vous avez parlé des banlieues qui seraient à feu et à sang à cause de notre politique ou de celle que nous allons engager. Mais à qui la faute ? C'est vous et vos amis qui avez laissé se développer cette situation depuis tant d'années par une politique laxiste !
Monsieur Mamère, non, vous ne pouvez faire croire le contraire de la vérité !
La réalité est que la délinquance, que vous ne voulez pas voir, mine la société française de l'intérieur, et cela est de nature à remettre en cause les principes républicains.
Je vous rappelle également que le laisser-aller dont vous avez fait preuve par le passé et que vous nous proposez à nouveau conduit à alimenter les votes extrêmes.
M. Guy Teissier. C'est cela qu'ils veulent !
M. Rudy Salles. Peut-être est-ce d'ailleurs votre but secret.
Le projet de loi qui nous est proposé est nécessaire, mais il ne sera pas suffisant.
Caricaturer le débat comme vous le faites n'est pas sérieux. La société française est profondément malade. Les soins à lui prodiguer sont de plusieurs natures : on pourrait parler de la politique de l'urbanisme, de la politique de l'éducation, de la politique de la famille, de la santé, du sport, de l'emploi, de la culture, et nous en parlerons. Bref, on pourrait parler d'une foule de sujets. Mais pourquoi ne pourrait-on pas parler de la sécurité ?
Je souligne que, dans la plupart de ces domaines, vous avez échoué. C'est pourquoi la situation est devenue si difficile aujourd'hui.
Enfin, je ne commenterai pas vos amalgames honteux avec le régime de Vichy. Je rappelerai simplement que François Mitterrand, que vous avez soutenu, n'a jamais reconnu la responsabilité de l'Etat français alors que le Président de la République actuel l'a fait dès 1995. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
Le rappel de ces faits devrait vous conduire à un peu plus de retenue dans votre exercice de falsification.
M. Pierre Lellouche. De propos scandaleux !
M. Rudy Salles. Monsieur Mamère, vous prônez une société laxiste, nous, non. Vous préconisez la légalisation des stupéfiants, nous, non.
La liberté de chacun, l'épanouissement personnel, l'égalité des chances pour tous passent par le rétablissement de l'Etat de droit.
Comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre de l'intérieur, la sécurité n'est ni de gauche ni de droite, elle est une exigence du peuple et, en tant que telle, elle guidera notre action. Voilà notre conception de la société et les Françaises et les Français qui ont rejeté massivement les propositions de la gauche la partagent.
C'est pourquoi le groupe UDF votera contre l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour le groupe socialiste.
M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le président, le groupe socialiste ne prendra pas part au vote sur l'exception d'irrecevabilité (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française) : dans un instant, notre collègue Julien Dray défendra la question préalable.
M. Guy Teissier. Lourde tâche !
M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.
(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)
Question préalable
M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Julien Dray.
M. Julien Dray. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames et messieurs, selon la formule populaire, c'est au pied du mur que l'on voit le maçon. Désormais, c'est vous, monsieur le ministre, le maçon en matière de sécurité. Il n'est pas sûr que l'on nous ait fait un cadeau tant la tâche qui vous incombe, avouons-le, est difficile.
M. Pascal Clément. président de la commission. C'est bien vrai !
M. Julien Dray. Si nous reconnaissons d'emblée la difficulté de votre tâche, monsieur le ministre, c'est la preuve que nous n'entendons pas camper une opposition caricaturale dans ses comportements et stérile dans ses interventions.
M. Pascal Clément, président de la commission. Pas comme Mamère !
M. Julien Dray. D'ailleurs, François Hollande, en réponse à la déclaration de politique générale du Premier ministre, définissait ainsi le rôle que jouerait l'opposition : l'intérêt général doit primer sur l'intérêt partisan. Et s'il y a un domaine priviliégé où cette maxime doit s'appliquer, c'est bien celui de la lutte contre la montée de la violence et de l'insécurité. Tel est l'état d'esprit dans lequel nous abordons ce débat.
La question préalable que je soulève n'a pas pour objet, si l'on s'en tient à la lettre de règlement de notre assemblée, de décider s'il y a lieu de débattre des questions de sécurité.
Que les choses soient claires entre nous, à l'instar de notre Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, pour qui l'avenir est une suite de quotidiens, pour nous, un délinquant est un délinquant. Il n'y a donc pas, sur les bancs de cette assemblée, d'un côté les indécis et de l'autre les déterminés.
M. Pierre Cardo. Très bien !
M. Julien Dray. N'en déplaise aux manichéens dont la vie est si simple et qui sont souvent aussi les plus bruyants. Oui, il existe un terreau propice à la délinquance. Le reconnaître ne l'excuse ni ne la justifie pour autant.
M. Christian Cabal. Très bien !
M. Julien Dray. Si on ne choisit pas là où l'on naît, on choisit sa vie et, à un moment donné, on choisit de devenir délinquant. Dès lors, la société ne peut trouver d'autre solution que la répression de tels actes. Encore faut-il qu'elle soit proportionnée et qu'elle permette ensuite la réinsertion de l'individu en lui donnant toutes ses chances de retrouver sa place dans la société.
Pour le bien-être de notre pays et de nos concitoyens, je vous le dis franchement, au risque même de surprendre, je ne peux que souhaiter votre succès s'il aboutit, dans le respect des règles de la République, à restaurer les conditions d'une tranquillité retrouvée pour tous et partout.
Mme Brigitte Bareges. Très bien !
M. Julien Dray. En effet, nous l'avons tous vécu ces derniers mois la montée de la violence, la panique légitime qu'elle suscite chez ceux qui la subissent ou qui ont peur de la subir peuvent emporter la démocratie. Qui peut donc penser, face à cette réalité, qu'il n'y aurait pas lieu que le peuple, dans son assemblée, ne soit totalement mobilisé pour trouver des solutions nouvelles, aller au-delà de tout ce qui a été fait, et être ainsi encore plus efficace ?
M. Pierre Cardo. Eh oui !
M. Julien Dray. Cette exigence, vous l'évoquez dans l'interview détaillée et exhaustive que vous avez donnée au Figaro, le 10 juillet, pour présenter votre politique. Vous déclariez alors : « Pour la première fois en tout cas, le débat qui doit avoir lieu à l'Assemblée et au Sénat va porter sur les orientations stratégiques de la sécurité intérieure du pays et non pas sur des mesures techniques et parcellaires. Voilà un morceau de choix pour les parlementaires. »
Ces orientations sont présentées dans l'annexe au projet de loi qui fixe un nouveau rendez-vous à l'automne pour discuter plus précisément de la mise en oeuvre de celles qui impliquent des modifications législatives. Convenez qu'il y a là, pour les parlementaires, matière à s'interroger d'autant que vos annexes sont marquées d'une détermination sans faille, malheureusement, plus affirmée que démontrée. Vous avez choisi une forme déclamatoire qui relève avant tout de la déclaration d'intentions.
Qui peut être contre, lorsqu'il s'agit de consolider la police de proximité, de développer l'action judiciaire ou les moyens de la police technique et scientifique, de réorganiser les forces de gendarmerie ? Vos intentions sont louables, nous ne vous chercherons donc pas querelle sur ce point.
Mais, permettez-moi de m'interroger sur le manque d'engagement ferme et précis à l'appui de votre volonté. Certes, vous vous présentez devant notre assemblée avec une enveloppe budgétaire substantielle. Au moins, je ne peux pas dire que la montagne a accouché d'une souris, car, à 5, 6 milliards d'euros, elle vaut vraiment le coup ! (Sourires.) Encore faut-il qu'il ne s'agisse pas d'argent virtuel et sur ce point je serai particulièrement vigilant. Beaucoup de parlementaires de retour parmi nous se souviennent d'ailleurs qu'un grand ministre de l'intérieur nous a déjà annoncé une véritable révolution copernicienne sous forme d'une grande loi d'orientation et de programmation, connue sous le nom de LOPS. Ce fut, pour ainsi dire, la première loi de programmation biodégradable.
M. Pierre Cardo. Socialo-dégradable !
M. Julien Dray. Elle fut en quelque sorte aux lois de programmation, ce que le diable est au Bon Dieu : même si vous omettez de le dire dans la présentation de votre projet de loi, il a fallu, à partir de 1997, rattraper les promesses non tenues de cette loi de programmation.
M. Daniel Vaillant. Très bien !
M. Julien Dray. L'histoire ne doit pas se répéter car sinon les conséquences feraient mentir le proverbe selon lequel l'histoire ne se répète jamais ou lorsqu'elle le fait, c'est une farce. En l'occurrence, il s'agirait non pas d'une farce, mais d'une tragédie pour nos concitoyens et pour les forces de sécurité.
C'est la raison pour laquelle nous vous demandons d'être extrêmement précis sur vos engagements financiers. Ainsi, à titre de garantie, vous pourriez déjà, pour la rassurer, communiquer à notre assemblée la répartition annuelle des crédits promis. Monsieur le ministre, au moment précis où les lettres de cadrage budgétaire arrivent, je ne doute pas que vous nous donnerez la primeur du montant des crédits dont vous disposerez pour l'année 2003. Cette bonne manière, je vous le concède, faite à l'Assemblée, serait aussi pour vous la meilleure des réponses à ceux qui ne voient dans les montants promis que des effets d'annonce.
M. Pierre Cardo. Il est malin !
M. Julien Dray. Mais nous sommes assez expérimentés ici pour savoir qu'en matière de sécurité, comme d'autres domaines - je pense par exemple à l'éducation -, tout n'est pas qu'affaire de moyens financiers. Nous sommes nombreux à avoir vécu cette situation ubuesque : après avoir voté ici-même des crédits en augmentation sensible, nous avons de retour dans nos circonscriptions constaté que rien n'avait bougé, que la pénurie perdurait. Nous nous sommes alors posé la question : où était donc passé cet argent ?
M. Jean Leonetti. Les 35 heures !
M. Julien Dray. Nous sommes ainsi en droit d'attendre une réforme du ministère de l'intérieur qui ne se réduise pas à un changement de titre, mais qui soit une réforme véritable des structures de décision, du mode de fonctionnement et d'organisation. Elle est rendue d'autant plus nécessaire que les cinq dernières années ont permis la mise en place de la police de proximité dont je note, au passage, que vous attribuez avec un certain aplomb la paternité à la LOPS de 1995. Je vois dans ce petit détail votre intention de rendre, sans froisser votre majorité actuelle, un hommage discret à ceux qui ont mis en place cette réforme, non sans difficulté, je le reconnais.
M. Gérard Léonard. Hommage fondé !
M. Julien Dray. Comme vous l'avez constaté vous-même, la mise en place de la police de proximité constitue une rupture avec toute l'histoire précédente. A la police de maintien de l'ordre, correspondait une structure pyramidale, fortement hiérarchisée et centralisée. Dans un tel contexte, la lutte contre l'insécurité quotidienne n'était pas la première des tâches assignées aux forces de police et l'essentiel des moyens financiers n'était pas consacré à l'amélioration du quotidien du gardien de la paix. On comprend alors mieux pourquoi il faut près de dix ans pour construire un commissariat, pourquoi il n'existe aucune nomenclature des emplois et des affectations, pourquoi, en l'absence de toute délégation de gestion des crédits il faut, pour la moindre dépense, en référer à Paris. Je préfère m'en tenir là, car la liste serait longue. Pour tout dire, si le mammouth a un frère, c'est sans doute au ministère de l'intérieur qu'il se trouve ! (Sourires.)
Vous aurez beau jeu de nous dire que la réforme du fonctionnement du ministère de l'intérieur aurait dû intervenir plus tôt. Je pourrais vous le concéder, mais pour qu'elle trouve son sens, encore fallait-il évaluer l'impact exact et les besoins de la police de proximité. Tel était d'ailleurs le sens du plan stratégique élaboré par votre prédécesseur, Daniel Vaillant, ces derniers mois.
Monsieur le ministre, vous présentez en annexe au projet de loi un rapport d'orientation, que l'article 1er a pour objet d'approuver, sur la politique de sécurité intérieure. Il affiche certes une volonté de réforme. On y trouve beaucoup de formules et d'engagements qui pourraient nous inciter à dire que le pire ennemi de la volonté est le volontarisme. Les intentions sont claires. Pourtant, ce ne sont pas elles qui comptent mais leurs modalités de mise en oeuvre. Et, sur ce point, nous restons sur notre faim. Cette question préalable sera peut-être l'occasion de répondre à nos interrogations.
Vous annoncez un redéploiement rationnel et équilibré entre les zones de compétence de la police d'une part, et de la gendarmerie d'autre part. Comment s'organisera-t-il ? Selon quels critères ? Nous ne trouvons pas de trace de réponse dans votre document. Vous voulez, dites-vous, responsabiliser les fonctionnaires en fonction des objectifs qui leur sont assignés dans la lutte contre la délinquance. Qu'est-ce-que cela changera au quotidien ? La simple évocation des termes de management, ressources humaines, gestion par objectif, ne nous dit pas quelles modifications concrètes seront apportées au travail quotidien de l'encadrement et, par voie de conséquence, des policiers sur le terrain. Quels seront les critères de rendement ? Comment l'efficacité sera-t-elle évaluée ? Comment affectera-t-elle le déroulement des carrières ? Autant de questions sans réponse pour l'instant.
Je pourrais prendre d'autres exemples. Ces questions sont révélatrices de la précipitation dans laquelle vous avez préparé ce projet de loi. Et si nous avons des interrogations, monsieur le ministre, nous avons aussi - et elles en découlent - un certain nombre d'inquiétudes.
Vous proposez une nouvelle architecture institutionnelle de la sécurité intérieure. Des collègues de mon groupe interviendront sur ce sujet dans la discussion générale et lors de l'examen de l'article 1er. Mais, là encore, nous nous interrogeons : pourquoi revenir en arrière sur les contrats locaux de sécurité dans lesquels les maires trouvaient un rôle naturel de coordinateurs de l'ensemble des acteurs locaux ?
M. Pierre Cardo. Mais on ne revient pas en arrière !
M. Julien Dray. Pourquoi les remplacer par des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance ?
M. Jean Leonetti. Pour être efficace, monsieur Dray !
M. Julien Dray. Est-ce simplement pour imprimer votre marque par un changement d'appellation et satisfaire ainsi, peut-être, votre majorité ? Ou s'agit-il d'un changement d'orientation par rapport à l'acquis que constitue, au plan local, une coordination nouvelle des actions entreprises par la police, par la justice, mais aussi l'éducation nationale, les transporteurs ou les services sociaux ?
M. Pierre Cardo. Tous les acteurs y sont associés.
M. Julien Dray. Quant à la construction des commissariats et gendarmeries, pourquoi mettre en place un système aussi compliqué que celui que vous proposez dans l'article 3 ? Je suis bien placé pour le savoir : la construction des commissariats de police prend souvent des allures kafkaïennes tant les projets s'enlisent : il leur faut parfois près de dix ans pour voir le jour.
Qui, parmi nous, n'a pas connu cette situation ? Ainsi, en 1993, Mme Simone Veil annonçait devant cette assemblée la création d'un commissariat de police dans ma circonscription, à Grigny. Il a fini par être officieusement inauguré en juin dernier, neuf ans plus tard !
Nous ne vous jetterons pas la pierre de vouloir réformer la gestion immobilière des commissariats et gendarmeries. Mais pourquoi ne pas organiser dans la clarté un transfert de compétences aux régions, comme nous l'avons proposé au cours de la campagne électorale ? Pourquoi ne pas étendre aux commissariats de police ce que les premières lois de décentralisation ont organisé pour les lycées, à savoir le transfert aux régions de la compétence de leur construction et de leur entretien assorti, bien évidemment, des ressources nécessaires pour assurer cette gestion ? Les régions n'en seraient-elles pas capables ?
N'avons-nous pas démontré, en Ile-de-France notamment, par la signature d'une convention entre votre ministère et notre région, notre compétence en la matière ? Je suis surpris que la fibre décentralisatrice du chef du Gouvernement n'ait pas trouvé ici l'occasion de s'exprimer dans les faits.
Au lieu d'un transfert de compétences clair, vous nous proposez un système à géométrie variable : ici, une maîtrise d'ouvrage privée, là celle d'une collectivité locale. Pourquoi mettre de nouveau en place un système qui ressemble comme deux gouttes d'eau aux METP, les marchés d'entreprise de travaux publics, que la dernière réforme du code des marchés publics, initiée par le précédent gouvernement, avait précisément pour objet d'éviter ? Pour quelle raison déroger à la loi relative à la maîtrise d'ouvrage public, qui prévoit que la mission de maîtrise d'oeuvre est distincte de celle de l'entrepreneur ? Quel sera l'impact sur la qualité des constructions publiques ? Quelles seront les incidences financières de votre dispositif pour le budget de l'Etat ?
Votre dispositif pose, vous en conviendrez, des questions auxquelles nous attendons des réponses précises dans ce débat, faute de les avoir eues lors de l'examen du projet en commission.
Enfin, monsieur le ministre, je ne vous cache pas que la lecture de l'article 5 de votre projet m'a fait sourire.
M. Pierre Albertini. Il a eu au moins ce mérite ! (Sourires.)
M. Julien Dray. Les résultats obtenus par les services de sécurité seront évalués. Soit. Mais, en l'état, cet article est à votre projet de loi ce que la voiture-balai est au Tour de France. Selon quels critères seront évalués les résultats obtenus par la police et la gendarmerie au regard des moyens engagés ? Vous nous dites qu'une instance extérieure procédera à cette évaluation. Alors, de deux choses l'une.
Soit il s'agit, dans votre esprit, de manifester quelques égards pour les pouvoirs du Parlement, auxquels nous sommes tous attachés, notamment en matière de contrôle de l'exécution des lois. Dans ce cas, il faudrait préciser que l'application de cette loi d'orientation et de programmation fera l'objet d'un contrôle annuel spécifique de la représentation nationale, en complément de la vigilance exercée lors des discussions budgétaires sur la mise en place effective des crédits que vous annoncez.
Soit il s'agit d'une évaluation par une instance extérieure, dont vous nous accorderez, monsieur le ministre, que nous ne savons strictement rien.
Je ne vais pas relancer maintenant la polémique sur les statistiques de la délinquance, sur le fameux état 4001, sur la manière dont certains ont, durant la campagne électorale, utilisé - je ne dis pas manipulé - les chiffres pour leur faire dire tout et n'importe quoi.
M. Pierre Cardo. La manoeuvre ne date pas d'aujourd'hui !
M. Julien Dray. Plus les forces de sécurité sont présentes sur le terrain, meilleures sont les conditions dans lesquelles elles accueillent les plaignants, plus, paradoxalement, les chiffres de l'insécurité augmentent. Nous considérions, pour notre part, que le moment était venu de doter notre pays d'un système de données objectives et incontestables pour mesurer l'insécurité et la délinquance, évaluer l'activité des services de sécurité, leur efficacité en matière d'élucidation des affaires comme des suites judiciaires des procédures engagées. Pourquoi ne créez-vous pas l'Observatoire national de la déliquance que proposaient dans leur rapport MM. Caresche et Pandraud ?
J'ai dit, monsieur le ministre, dans mon introduction, que je souhaitais votre réussite. Pour l'intérêt de mon pays, je ne peux que vous souhaiter de ne pas recommencer les erreurs commises par le passé, de ne pas ouvrir de prétendus « nouveaux chemins » qui mènent à une impasse. Vous savez que vous serez jugé sur vos résultats immédiats, mais aussi à court et moyen terme.
Dans une certaine mesure, votre projet s'inscrit dans la continuité du plan statégique préparé par le précédent gouvernement et issu des discussions de novembre 2001. Mais au-delà des moyens qui sont dégagés, vous faites preuve d'une certaine rapidité dans l'analyse qui conduit, de mon point de vue, à des erreurs de diagnostic : d'où un certain nombre d'inquiétudes et de désaccords de notre part.
La société française souffre-t-elle simplement de la présence de quelques noyaux durs délinquants qu'il suffit d'éradiquer ou bien la montée de la violence est-elle l'expression d'un mal plus profond ? Si vous pensez que l'insécurité se réduit aux problèmes posés par quelques noyaux durs délinquants, quelques milliers de jeunes qu'il suffirait d'éliminer pour avoir la paix, si vous pensez que la peur du gendarme est le début de la sagesse et que là s'arrête notre politique de sécurité, alors oui, il suffit effectivement de créer des GIR, des BAC et de nommer des juges sévères pour règler le problème.
Malheureusement, notre propre expérience, sur les cinq dernières années, a montré que le problème n'était pas aussi simple. Vous sous-estimez l'ampleur et surtout la profondeur des difficultés auxquelles nous sommes confrontés et qui renvoient à des évolutions lourdes de la société.
On peut avoir la meilleure police du monde, se lancer dans une fuite en avant nécessitant toujours plus d'effectifs pour répondre à une demande croissante de présence policière, on n'en aura pas pour autant résolu les problèmes. Face à l'ampleur des phénomènes de violence, le traitement policier ne se suffit pas à lui-même.
M. Richard Mallié. Qu'ont-ils fait à New York ?
M. Julien Dray. ... car l'insécurité quotidienne, subie par nos concitoyens, traduit effectivement une crise profonde dont la violence n'est que l'expression.
Il n'y a pas, dans mes propos, de complaisance sociologique. Chacun sait par expérience que le travail des services de police permet parfois, après plusieurs mois d'enquête, de démanteler un noyau dur dans tel ou tel quartier, mais que, quelques semaines plus tard, un nouveau réseau se reconstitue. Telle était la conclusion à laquelle nous étions parvenus.
Si l'on ne veut pas se payer de mots dans la lutte contre l'insécurité, il faut être dur avec le crime, mais dur aussi avec les causes du crime. Elles sont clairement identifiables : ce sont les repères d'autorité, les conditions d'éducation, les rapports entre les générations, les dégâts causés par vingt ans de crise sur les liens sociaux, la fascination exercée sur les plus jeunes par une économie parallèle fondée sur un marché prospère, celui du cannabis, dont la consommation touche plusieurs millions de Français. Bref, ce sont les repères de toute une génération qui sont en cause.
M. Roland Chassain. Ceux de la génération Mitterrand !
M. Julien Dray. Ce sont, avouons-le, les enfants du « Combien ça coûte ? », du consumérisme le plus absolu, de l'argent facile, qui sont touchés aujourd'hui par l'ensemble de ces fléaux. La lutte contre l'insécurité ne peut pas se réduire à des mises en garde ou à des interventions policières. Elle repose forcément sur un projet de société, sur un projet d'éducation citoyenne aussi et qui fait cruellement défaut dans le monde actuel.
M. Jean Leonetti. Nous n'avons jamais dit le contraire !
M. Julien Dray. Ce constat permet d'ores et déjà de dire que l'on n'en aura pas fini avec la montée de la violence et de l'insécurité qu'elle génère en augmentant seulement les moyens de la police et de la justice. De la mise en place d'un Conseil de sécurité intérieure sous la présidence du Président de la République, on est en droit d'attendre une vision globale, mobilisant non seulement à la fois la justice, la police, mais aussi la définition d'une ambition nationale pour lutter contre cette violence qui débouche sur des projets précis en matière de politique de la ville, d'éducation, et sans remettre en cause des acquis comme les emplois-jeunes à la sortie des écoles ou dans le soutien scolaire. Nous le savons tous, la délinquance commence dès les premières heures de liberté des élèves, la liberté de tous les dangers face aux mauvaises fréquentations.
Si nous voulons que la police puisse mener un travail efficace, encore faut-il qu'elle dispose de l'ensemble des relais sociaux nécessaires, de ces éducateurs de terrain qui nous font cruellement défaut parfois pour intervenir de la manière la plus précoce. Tel est bien le bilan que chacun d'entre nous peut tirer.
Certes, la délinquance conduit à tous les comportements que nous connaissons, mais elle résulte aussi d'un certain laisser-aller puisque l'on attend que les jeunes s'installent dans la délinquance avant d'intervenir. Si nous avions, à l'instar de nos cousins canadiens, un système de détection précoce de cette délinquance, assorti de l'intervention immédiate de tous les moyens sociaux, nous ne serions pas amenés à utiliser l'arme lourde de la détention pour résoudre les problèmes auxquels nous sommes confrontés.
Et puisque vous évoquez souvent l'expérience américaine, vous devez savoir que justement les policiers américains n'interviennent pas dans un quartier s'il n'y a pas un projet social pour répondre à la situation, qu'ils se refusent à toute intervention si, par la suite, il n'y a pas mobilisation de l'ensemble des services d'animation, d'encadrement, de soutien social, parce qu'ils savent que sinon le mal n'aura pas été éradiqué et qu'il leur faudra revenir et revenir encore.
M. Pierre Cardo. Ce sont les méthodes anglo-saxonnes que l'on a toujours refusées en France et la gauche n'y est pas étrangère !
M. Julien Dray. Voilà pourquoi nous disons qu'il faut un projet global mobilisant l'ensemble des acteurs, comme nous avions commencé à le faire au travers des contrats locaux de sécurité. Le partenariat qui découle de ces contrats est nécessaire. Sinon, nous risquons de nous trouver dans une situation classique : nous nous attaquons aux problèmes en aval, mais jamais en amont et nous devrons inévitablement recommencer ici ces débats incessants sur l'augmentation des moyens et nous demander à quoi servent ces moyens parce que nous ne verrons pas de résultats.
Vous l'aurez compris, l'objectif des députés socialistes ne sera donc pas de saboter votre travail. Nous voulons au contraire prendre date de vos engagements. Vous nous trouverez à vos côtés dans tout ce que vous entreprendrez pour atteindre les objectifs que j'ai exposés. Dans la lutte contre l'insécurité, il ne peut y avoir de place pour les calculs partisans. C'est pourquoi nous avons déposé des amendements visant à améliorer ce qui peut l'être. C'est cette détermination à lutter contre l'insécurité qui nous fera exercer une vigilance sans faille non seulement contre tout renoncement, toute promesse oubliée, mais aussi contre toute analyse qui ne serait pas à la hauteur de la situation, toute stigmatisation inutile ou tout raccourci facile ou schématique. Tel est le sens de notre question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Dray, il est vraiment dommage que M. Mamère n'ait pas pris le temps d'écouter votre intervention. Il aurait constaté que l'on peut faire un travail utile, digne et noble à l'Assemblée nationale, ce qui n'eût pas été inutile pour lui !
M. Christian Cabal. Très bien !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. La question préalable que vous avez opposée a pour objet de démontrer qu'il n'y a pas lieu à délibérer. Votre intervention justifiée démontre, au contraire, qu'il y a de nombreux sujets dont il faudrait délibérer. Mais nous avons tant de fois utilisé les mêmes artifices que bien loin de moi l'idée de vous en faire grief ! Je voudrais vous dire, et à travers vous au groupe socialiste, que j'ai trouvé votre intervention courageuse et utile. Elle repose sur votre compétence d'élu du terrain et traduit votre refus de faire de l'idéologie sur le sujet. Cela imposera à la majorité et au Gouvernement de se mettre à l'unisson pour essayer de construire et non pas de détruire. Je vous remercie de reconnaître la difficulté de la tâche à laquelle nous sommes confrontés. Je reconnais que mes prédécesseurs, de gauche comme de droite, se sont heurtés aux mêmes difficultés et c'est bien pour cela que je suis venu proposer à l'Assemblée nationale, au nom du Gouvernement, un ensemble de mesures cohérent.
Pourrons-nous progresser ensemble ? Vous avez parlé du texte que je déposerai à l'automne. Je vous le dis très simplement : pour le rédiger, je ferai appel à tous les membres de la majorité qui voudront y participer et, si vous avez des craintes, monsieur Dray, vous ou tel ou tel membre du Parti socialiste, et que vous souhaitez utiliser votre compétence, nous pourrons essayer, ensemble, de trouver des solutions efficaces, concrètes et précises pour lutter contre des phénomènes aussi anciens et complexes que la mendicité, la délinquance des mineurs et le comportement des nomades, auxquels sont confrontées autant les villes de droite que celles de gauche. Je suis persuadé que les élus de la majorité ne verront que des avantages à profiter de la compétence de celles et ceux du parti socialiste qui voudront bien s'associer à eux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Et en disant cela je n'ai pas le sentiment, loin de là, de renier mes convictions ou de vous demander de renier les vôtres. Cela fait bien longtemps que je suis de ceux qui pensent que la démocratie, c'est la confrontation des projets. Etre fier de ses convictions, ne pas avoir honte de l'idéologie dont on est porteur, cela doit nous donner la force d'accepter de faire un bout de chemin ensemble quand cela en vaut la peine. Et la sécurité des Français, cela en vaut la peine ! Je ne serais pas à la hauteur de ma tâche si je ne répondais pas en détail à une intervention aussi équilibrée que la vôtre, surtout après une intervention aussi ridicule que celle de M. Mamère.
Vous me dites : « Votre détermination est plus affirmée que démontrée. » Alors, je vous propose quelque chose. Faites un pas de plus ! Votez le texte et, parce que vous vous y serez associé, vous m'aiderez à l'appliquer ! Vous ne pouvez pas à la fois me dire : « Ce que vous dites n'est pas si faux, mais je vous attends sur les actes » et ne pas m'accompagner sur la route de la vérité ou du début de la vérité. Je vous propose de faire ce bout de chemin avec nous. Votez, vous ne renoncerez à rien et ensemble nous serons très vigilants vis-à-vis du ministre des finances !
S'agissant de la présentation du projet de loi de finances pour 2003, vous avez été très habile, mais je ne peux pas croire que vous n'êtes compétent qu'en matière de sécurité. Vous savez bien qu'il m'est difficile de présenter un projet de loi de finances qui n'a pas encore été arbitré et qui, à ma connaissance, n'est pas encore rédigé. Je ne peux pas croire que les projets de la direction du budget soient des textes si importants que je doive vous en donner communication. Il va de soi que la majorité et le Gouvernement se trouvent engagés. Pourquoi le Président de la République aurait-il fait campagne sur certains thèmes, pourquoi le Premier ministre en aurait-il parlé dans son discours de politique générale et pourquoi viendrais-je devant vous si le projet de loi de finances ne nous permettait pas de respecter rigoureusement les objectifs que nous nous sommes fixés ? Si je ne tenais pas ces engagements, ou si l'on ne me permettait pas de les tenir, c'est la parole publique qui serait bafouée.
Vous avez dit : « La performance pourquoi pas, mais comment allez-vous faire ? » Nous en parlerons au cours du débat, mais ce n'est pas parce que c'est difficile, qu'il faut y renoncer ! Depuis deux mois que je suis dans ce ministère, chaque fois que je demande quelque chose on me répond : « Difficile ! » voire : « Impossible ! » Bien sûr, il est plus compliqué de mesurer la performance que d'assurer le nivellement habituel. Mais est-ce parce que c'est difficile qu'il faut y renoncer ?
Je pense que la performance, cela existe aussi dans le service public et celui-ci en a plus qu'assez de voir que l'on ne parle de performance, de mérite et de récompense que dans le privé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe de l'Union pour la démocratie française.) Il est temps de valoriser le service public. Pour cela, monsieur Dray, au moins mettons-nous d'accord sur les principes ! La performance serait inacceptable si elle n'était pas mesurée à partir de critères objectifs : nous allons les définir ensemble. Ensuite, la performance serait inacceptable si seuls les « chefs » étaient récompensés. Comprenez-moi : je veux dire que le gardien de la paix ou le gendarme doit aussi accéder à cette récompense, sinon cela n'aurait pas de sens
S'agissant de l'évaluation, peut-être ai-je commis une erreur, mais j'ai pensé que si je changeais l'état 4001, on se dirait sur tous les bancs de l'Assemblée, y compris sur ceux de la majorité : « C'est encore une manoeuvre politicienne ! En voilà encore un qui veut changer le thermomètre avant d'annoncer ses premiers chiffres ! » Convenez avec moi qu'il ne pouvait être question de changer !
Donc, on garde l'état 4001. M. Le Fur a déposé un amendement sur la base du rapport Pandraud - Caresche. Cet amendement est intéressant. Pour tout dire, je ne sais pas si c'était une bonne idée, mais j'avais pensé demander à l'Institut des hautes études de la sécurité intérieure de prendre un peu de temps pour nous faire des propositions. Cela dit, si l'on me suggère ici un autre mécanisme, je l'accepterais bien volontiers à une seule condition : qu'il fasse l'objet d'un consensus entre nous. On ne changera la règle du jeu que s'il y a un accord sur la majorité des bancs de cette assemblée.
M. Pierre Cardo. Ce serait bien !
M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Sinon, cela n'en vaut pas la peine. Nous susciterions une nouvelle fois la méfiance de nos concitoyens.
Vous avez évoqué le commissariat de Grigny, monsieur Dray, mais vous auriez aussi pu parler de celui de Saint-Ouen. Là encore, je ne dis pas que le texte est parfait. S'il y a de meilleures solutions, dites-le moi ! Mais si cet article existe c'est justement pour que ne s'écoulent plus jamais neuf années entre l'annonce de la construction d'un commissariat et sa réalisation, car cela n'a aucun sens.
Quant au redéploiement entre la gendarmerie et la police, j'aurai l'occassion d'en parler dans la suite du débat.
Je voudrais terminer en vous disant que je suis tout à fait d'accord avec vous : le traitement policier ne peut pas répondre à toutes les questions, mais ce n'est pas pour autant qu'il ne doit répondre à aucune. C'est un maillon de la chaîne pénale, même si ce n'est pas le seul. De la même façon, l'éducation nationale ne peut pas résoudre tous les problèmes que connaissent nos familles, l'économie, et ne peut pas garantir que chaque enfant aura un emploi, une famille et un logement. Il n'en reste pas moins que nous avons un rôle à jouer de ce côté-là.
Enfin, monsieur Dray, j'ai eu tant de plaisir à vous entendre vanter le modèle américain avec quel talent, quelle honnêteté et quelle précision ! Jamais je n'aurais osé aller aussi loin. Merci de m'avoir rendu ce service ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la majorité présidentielle et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Christian Estrosi, rapporteur. J'ai, moi aussi, apprécié les aspects constructifs de votre intervention, monsieur Dray. Vous avez dit avoir manqué d'éléments de réponse en commission. Je pense que vous faisiez allusion à ceux de vos collègues qui ont suivi les travaux de celle-ci, car vous nous avez quittés précipitamment. Nous avons plutôt eu le sentiment, le président Pascal Clément et moi-même, que le ministre avait longuement répondu à toutes vos préoccupations dans le cadre de la discussion générale et lors de l'examen des articles.
Je ne partage pas votre sentiment sur ce que vous considérez comme étant une grande déclaration d'intention. J'aurais aimé, ces cinq dernières années, que le Parlement soit une seule fois associé à la définition de la politique du Gouvernement en matière de lutte contre l'insécurité. C'est la première fois que cette opportunité nous est offerte et qu'elle est assortie d'une programmation de près de 5,6 milliards d'euros sur cinq ans, garantie suffisamment importante pour que la majorité d'entre nous soit tentée, dans un premier temps au moins, de l'accompagner.
S'agissant des CLS, vous ne voyez pas l'intérêt de les modifier puisque les maires ont joué un rôle de coordinateur avec les procureurs et les préfets.
Mais tous les maires ici présents savent parfaitement qu'ils n'ont jamais été dans cette situation, bien que nous l'ayons réclamé si souvent. Pour la première fois, avec la réforme qui nous est proposée, le maire sera placé en position de décideur puisqu'il présidera les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. C'est une véritable avancée et une véritable chance. En effet, qui est plus proche que le maire des préoccupations de nos concitoyens ? Ce sera le plus à même de leur apporter des réponses précises dès lors que lui sera offerte la possibilité d'orienter le travail des forces de l'ordre et de sécurité, en partenariat avec la justice. Cette chance nous est offerte aujourd'hui. Il serait dommage de la laisser passer.
Enfin, s'agissant de la construction du patrimoine immobilier, vous regrettez notamment que la procédure proposée ne passe pas par un transfert de compétences aux conseils régionaux. Mais la lutte contre l'insécurité est d'abord, pour nous, une lutte contre toutes les inégalités sociales, parce que, comme toujours, ce sont les plus modestes qui trinquent. La montée de la délinquance accroît l'injustice sociale. Sachant qu'il y a beaucoup d'inégalités entre les potentiels des régions et leurs choix politiques de gestion et de direction, nous placerions notre pays en situation d'inégalité si nous confiions à ces mêmes régions la responsabilité de construire nos commissariats et nos casernes de gendarmerie. Nous le voyons d'ailleurs pour les lycées : la construction de lycées neufs est très inégale selon les régions. Je ne voudrais pas que, demain, la politique de sécurité de notre pays ne soit pas identique en tout point de notre territoire. C'est une compétence qui, à mon sens, doit rester placée sous l'autorité de l'Etat, et ce serait une erreur que de la transférer aux régions.
En tout état de cause, bien sûr, je vous propose de rejeter cette question préalable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Manuel Valls, pour le groupe socialiste.
M. Manuel Valls. Le jeune parlementaire que je suis a assisté à un moment de grande qualité avec ce débat si courtois, si équilibré, entre le ministre de l'intérieur et Julien Dray. On peut regretter d'ailleurs qu'une telle courtoisie n'ait pas été de mise au cours des derniers mois durant lesquels on a caricaturé la position des uns et des autres, l'action du précédent gouvernement et de vos prédécesseurs, monsieur le ministre de l'intérieur !
Nous le savons tous, la question de l'insécurité touche profondément nos concitoyens. C'est incontestablement aujourd'hui la première de leurs préoccupations. Elle a aggravé la fracture sociale dans nos quartiers et ce sont effectivement les plus jeunes qui sont concernés, les plus modestes, ceux dont la voiture brûle dans leur parking. Tous les élus, tous les maires, dont je suis, sont confrontés à ce problème et ils travaillent avec les outils dont ils disposent sur le terrain.
Pour ce qui me concerne, à Evry, j'ai fait vivre le contrat local de sécurité avec le préfet, le procureur de la République, le commissaire de police et tous ceux qui travaillent sur le terrain, notamment sur les questions de prévention, car il ne faut pas opposer la lutte contre l'insécurité et le travail de prévention. Tout est lié !
Je note d'ailleurs avec satisfaction que le texte que vous nous présentez se situe dans le prolongement de ce que nous avons fait avec la police de proximité dont j'entendais dire, il y a quelques semaines, qu'elle allait être mise en cause. Cette présence policière est appréciée. La réorganisation du travail entre la police et la gendarmerie va aussi dans le bon sens. Dans ma circonscription, en région parisienne, policiers et gendarmes n'arrivent en effet pas toujours à travailler ensemble.
L'intervention de Julien Dray illustre l'approche à la fois réaliste et objective qui est la nôtre. Nous serons là pour vous soutenir chaque fois que cela sera nécessaire. Les policiers, les gendarmes, sont trop souvent vilipendés, attaqués, comme cela a été le cas récemment dans le département de l'Essonne. Leurs conditions de travail sont particulièrement difficiles et douloureuses. La représentation nationale doit être à leurs côtés. C'est la raison pour laquelle je vous ai applaudi tout à l'heure, monsieur le ministre, lorsque vous avez parlé d'eux.
Comme le disait Daniel Vaillant il y a quelques mois, si nous pouvions faire en sorte que ce débat sur l'insécurité qui mine notre société, qui explique en grande partie les résultats du 21 avril dont personne ne peut être fier, soit mené avec sérénité, dans le respect de nos convictions, de nos approches différentes, nous ferions un grand pas vers le rétablissement de l'autorité de la République. L'intervention de Julien Dray illuste cette approche. Très éloignée des caricatures de la campagne électorale, elle prouve que nous pouvons dialoguer. Pour cette seule raison, elle mérite d'être approuvée massivement par cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Pour le groupe Union pour la démocratie française, la parole est à M. Maurice Leroy.
M. Maurice Leroy. Le groupe de l'Union pour la démocratie française salue l'intervention de Julien Dray. Il est effectivement regrettable, monsieur le ministre, que Noël Mamère ne soit plus là. Il semble qu'il préfère la salle des quatre colonnes et les caméras de télévision au débat que nous avons engagé ici. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Mais tous ceux qui siégeaient dans la précédente assemblée ne s'en étonneront pas. Ils ont l'habitude de voir M. Mamère venir faire un petit tour à la tribune, lancer ses invectives et ses provocations, puis s'en aller. Nous restons, quant à nous, bêtement dans cet hémicycle et nous travaillons, même de nuit. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
Je voudrais dire à Manuel Valls et à Julien Dray que j'ai trouvé leurs interventions très responsables. Nous ne pouvons oublier, en effet, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, les résultats du 21 avril, et le fait qu'un million de Françaises et de Français ont mis un bulletin blanc ou nul dans l'urne tandis que d'autres, plus nombreux encore, ne sont pas allés voter. Dans ces conditions, nous avons tous intérêt, en matière de sécurité, à transcender les clivages politiques traditionnels, et à travailler sérieusement. Nous aurons le loisir, à l'occasion de l'examen d'autres textes, de retrouver ces bons vieux clivages, ce qui sera sans doute rassurant pour tout le monde.
Monsieur le ministre, je vous remercie donc, au nom du groupe Union pour la démocratie française, d'avoir dépassé ces clivages. J'espère qu'il en sera ainsi tout au long de ce débat. Gardons en mémoire que, si nous échouons, certes, nous pourrons toujours dans six mois, dans un an, dans deux ans, opposer des chiffres et reprendre les déclarations des uns et des autres, mais il n'y aura qu'un seul gagnant. Il s'agira d'un échec collectif dont nous savons tous quelle force politique sortira vainqueur. Elle n'a pas disparu. Prenons-y garde et soyons-y attentifs.
En fait, je pensais que, pour conclure son explication de vote, Manuel Valls allait dire : « Monsieur le ministre de l'intérieur, eu égard à votre intervention et à cette main tendue en faveur de l'abstention, j'invite le groupe socialiste à retirer cette question préalable ». (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Jean-Christophe Lagarde. Cela aurait été logique !
M. Maurice Leroy. Allons chers collègues du groupe socialiste, encore un petit effort ! Julien Dray, avec le talent qu'on lui sait et la connaissance de ces questions que nul ne met en doute, a donné finalement à cette tribune toutes les raisons de débattre de ce projet de loi. Comme M. le ministre l'a très bien rappelé, l'alternance étant dorénavant inscrite dans les faits, nous avons tous été amenés à utiliser les motions de procédure pour disposer d'un temps de parole supplémentaire. Eh bien, ce projet de loi mérite qu'on aille au-delà de cet artifice de procédure : il faut précisément entrer dans le débat. Pour ce faire, il convient de rejeter cette question préalable. Si, comme l'a proposé Manuel Valls, nous votions, cher Julien Dray, votre question préalable, vous seriez d'ailleurs vous-même très embêté car vous ne pourriez pas répondre aux propositions constructives du ministre de l'intérieur et de ce gouvernement visant à nous faire travailler ensemble pour améliorer la sécurité dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. le président. Pour le groupe de l'Union pour la majorité présidentielle, la parole est à M. Pascal Clément.
M. Pascal Clément. Les nombreuses louanges qui pleuvent sur la tête de ce pauvre Julien Dray, qui n'en demandait pas tant, m'émeuvent énormément.
Sachons cependant raison garder : Julien Dray n'est pas le groupe socialiste. Quelle est la réalité de la politique menée en matière de sécurité pendant cinq ans ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Manuel Valls. Vous êtes le président de la commission des lois !
M. Christophe Caresche. Vos propos sont scandaleux, monsieur Clément !
M. Pascal Clément. Je mets volontairement les pieds dans le plat car trop c'est trop !
M. François Loncle. Lamentable !
M. Pascal Clément. Certes, grâce à son expérience du terrain, Julien Dray, auquel le précédent gouvernement avait confié la tâche de raccommoder cette loi insensée sur la présomption d'innocence, ...
M. Maurice Leroy. C'est lamentable !
M. Pascal Clément. ... avait limité la casse. Mais cela revient à rappeler toutes les erreurs du Parti socialiste et du gouvernement précédent et confondre Julien Dray avec les autres serait d'une naïveté absolue. Je ne voudrais pas que l'opinion s'y trompe. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
Pour illustrer mon propos, j'appellerai simplement l'attention de l'Assemblée sur le raisonnement tenu hier par un député socialiste, dont, par délicatesse, je ne citerai pas le nom. Alors que nous abordions les dispositions concernant les gens du voyage, qui prévoient notamment la possibilité de demander au propriétaire d'une Mercedes à 300 000 francs comment il a réussi à financer cet achat, un commissaire du groupe socialiste nous a expliqué que, c'était là pour une maison un prix assez modeste et qu'il n'y avait pas davantage lieu de s'enquérir des ressources du propriétaire de la Mercedes qu'on ne le ferait pour celui d'une maison de même valeur... (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Voilà quelle est la mentalité de la plupart des membres du groupe socialiste ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. Daniel Vaillant. Votre propos est scandaleux !
M. Pascal Clément. Je n'invente rien, monsieur Vaillant ! Ce député siège même derrière vous. Mais je sais que la vérité vous insupporte, chers collègues du groupe socialiste. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Henri Nayrou. C'est lamentable !
M. Pascal Clément. Vous avez deux discours. A en croire le discours public, vous auriez tout compris. En fait, vous n'avez rien compris et c'est d'ailleurs pour cela que nous avons été élus ! (Applaudissements et rires sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. le président. La parole est à M. André Gerin, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
M. André Gerin. J'informe l'Assemblée que notre groupe ne prendra pas part au vote. Il aura l'occasion de s'expliquer dans le cadre de la motion de renvoi en commission.
M. le président. Je mets aux voix la question préalable.
(La question préalable n'est pas adoptée.)
Discussion générale
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Blazy.
M. Jean-Pierre Blazy. Il y a un an, à l'occasion du 14 juillet, le président de la République lançait sa campagne pour 2002 en parlant de la « déferlante de l'insécurité », en faisant croire aux Français que le gouvernement Jospin et la gauche ne faisaient rien, laissaient faire, bref, étaient coupables de la montée de l'insécurité dans notre pays.
(M. Eric Raoult remplace M. Jean-Louis Debré au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,
vice-président
M. Jean-Pierre Blazy. Aujourd'hui, après des mois de campagne centrée sur le thème de l'insécurité et de l'impunité zéro, vous nous présentez, monsieur le ministre, la première des lois dites d'orientation et de programmation, celle concernant la sécurité intérieure. Il y a d'abord un consensus pour dire que la sécurité est aujourd'hui la préoccupation majeure de nos concitoyens dans les villes comme dans les villages, dans les zones urbaines comme dans les secteurs périurbains et ruraux.
Ce n'est pas nouveau et le gouvernement Jospin s'était efforcé d'agir à la fois contre le chômage avec un succès reconnu et contre l'insécurité avec des premiers résultats, malgré les apparences, et en tout cas en mobilisant des moyens bien supérieurs à ceux que vous avez mis en oeuvre entre 1993 et 1997, alors que vous étiez dans la majorité. Monsieur Sarkozy, vous étiez à l'époque ministre du budget. A titre d'exemple, entre 1993 et 1997, les effectifs de police ont stagné, alors qu'entre 1997 et 2002, ce sont près de 4 700 personnels actifs supplémentaires qui ont été budgétés et beaucoup plus si l'on ajoute les adjoints de sécurité.
S'agissant de la police nationale en particulier, l'ancien rapporteur pour avis de la commission des lois que je suis ne peut omettre de rappeler le bon budget 2002, salué unanimement comme tel par les organisations syndicales. Nous ne sommes pas, et vous n'êtes pas, monsieur le ministre, dans la situation de 1997 dont nous avions hérité à l'époque, c'est-à-dire un budget en régression, le remplacement des départs en retraite non prévus. Alors, il vous faut désormais être à la hauteur des promesses faites aux Français. Pour autant, cela ne vous autorise pas à agir de façon aussi hâtive, pour ne pas dire à la hussarde, sur des sujets aussi essentiels et complexes.
Projet de loi présenté au conseil des ministres mercredi dernier le matin, votre audition l'après-midi, commission des lois jeudi matin qui a entendu le rapporteur, qui, malgré son grand enthousiasme, n'a pu procéder à aucune audition, ni produire, comme il nous y avait habitués quand il était dans l'opposition, un grand nombre d'amendements, séance publique enfin avec la volonté d'en finir vite pour ensuite, encore plus au coeur de l'été, faire le même exercice expéditif avec la justice.
Nous n'entendons pas faire un mauvais procès au Gouvernement. Et, de grâce, ne nous accusez pas de vouloir ralentir le cours des choses quand nous souhaitons juste examiner le texte proposé dans des conditions qui respectent les droits du Parlement.
La loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure se compose de deux articles renvoyant à deux annexes et de seulement quatre articles normatifs. A comparer avec la LOPS du 21 janvier 1995 qui comptait trente-cinq articles et deux annexes très fournies.
A comparer aussi avec les textes votés entre 1997 et 2002 : loi relative à la police municipale, à la déontologie de la sécurité et à la sécurité quotidienne qui comportait soixante et onze articles normatifs que vous avez, mesdames, messieurs de la majorité, alors dans l'opposition, refusé de voter.
En réalité, vous l'avez reconnu vous-même, monsieur le ministre, le Gouvernement n'a pas eu le temps de préparer un texte normatif de qualité et l'annexe I se conclut sur l'annonce d'un nouveau projet de loi pour l'automne prochain. Finalement vous êtes toujours dans l'effet d'annonce et les déclarations d'intention, doubles déclarations d'intention s'agissant des orientations et surtout de la programmation.
J'évoquerai d'abord la programmation. Nous sommes d'accord pour dire qu'il faut réduire les charges administratives des agents actifs et les tâches non prioritaires de l'ensemble des agents, qu'il faut réduire les tâches indues de toutes sortes. S'agissant de la garde et du transport des prévenus, nous serions favorables à la création d'une véritable police pénitentiaire. L'administration pénitentiaire n'a pas et ne peut avoir les mêmes missions que la police. La fusillade qui vient de se produire à l'hôpital Saint-Roch de Nice qui a fait quatre blessés dont un grave, un policier, devrait vous faire réfléchir sur ce point important.
Nous sommes d'accord pour dire qu'il faut développer mieux encore la sécurité de proximité et, pour cela, augmenter les effectifs. Mais il ne suffira pas d'augmenter les effectifs et de les équiper de flash balls, dispositif qui, d'ailleurs, nous préoccupe grandement. Il faudra aussi mieux gérer les effectifs pour faire en sorte que, dans les commissariats, les bureaux de police ou les brigades de gendarmerie, les mutations régulières des fonctionnaires ou des militaires ne provoquent pas de véritables trous d'air qui laissent à certains moments, en particulier en Ile-de-France, les citoyens sans policiers ni gendarmes. Il y a là un problème qui reste à résoudre, malgré les mesures que nous avons déjà prises.
Nous sommes également d'accord pour renforcer les capacités d'investigations et, pour cela, développer les services de police judiciaire, ce que nous avions d'ailleurs commencé à faire et ce qui est indispensable pour faire reculer efficacement la délinquance. Nous sommes toujours d'accord avec vous, monsieur le ministre, pour donner aux forces de sécurité intérieure les moyens matériels de l'efficacité.
Oui, nous approuvons tout cela depuis longtemps. Du reste, de Gaston Defferre à Daniel Vaillant, c'est plus nous qui l'avons fait que vous. Peu importe, en tout état de cause. Nous sommes d'accord pour poursuivre et nous veillerons à ce que les moyens que vous promettez aujourd'hui soient bien au rendez-vous de chacun des budgets annuels successifs que nous aurons à voter.
Nous voterons en faveur de l'article 2. Nous serons comme un responsable syndical de la police nationale qui a dit se méfier des effets d'annonce et qui attend de voir : « la mise en musique ». Nous aurions pu et dû élaborer cette loi de programmation que nous avons également proposée à l'occasion des élections présidentielle et législatives de façon plus concertée. Pour nous, cela aurait été dans la suite logique de la démarche stratégique initiée fin 2001 par Daniel Vaillant.
J'ai dit que vous étiez toujours dans l'effet d'annonce et les déclarations d'intention. Certes, celles-ci sont bonnes pour partie ; je pense notamment aux principes généraux et aux orientations marquées davantage par la continuité que par la rupture avec le gouvernement précédent. Néanmoins des questions se posent à nous à la lecture attentive de l'annexe I. J'y reviendrai.
S'agissant de la continuité, on ne voit pas immédiatement quelle est la nouvelle architecture institutionnelle de la sécurité intérieure si ce n'est, et cela est important, la mesure visant à créer le ministère de la sécurité intérieure qui permettra la coordination opérationnelle de la police et de la gendarmerie, proposition faite également par Lionel Jospin durant la campagne présidentielle. Nous persistons à croire que le Conseil de sécurité intérieure doit être placé sous l'autorité du Gouvernement, donc du Premier ministre, et non du Président de la République. Il y a là, si on y regarde de près, une disposition quasi inconstitutionnelle.
Continuité encore lorsque la nouvelle doctrine d'emloi des forces mobiles n'est en fait que la systématisation affichée des tentatives que nous avons engagées en 2000 pour fidéliser les forces mobiles : CRS et gendarmes mobiles. Nous avons effectivement besoin aujourd'hui moins d'une police d'ordre public que d'une police de proximité et de sécurité publique. Mais en même temps, on voit mal comment il vous sera possible de systématiser une évolution nécessaire.
Continuité toujours lorsque vous décidez de maintenir la police de proximité prévue certes par la LOPS de 1995, mais mise en place par la gauche. Le développement des capacités d'action judiciaire de la police et de la gendarmerie a été également engagé par la gauche, depuis 1999, s'agissant de la police nationale par exemple.
Continuité également quand vous envisagez de créer des GIR, des groupes d'interventions régionaux, qui entendent systématiser ce que nous appelions les opérations ciblées pour lutter contre les trafics et l'économie souterraine, mobilisant policiers, gendarmes, magistrats, agents des impôts... Créées en 2001, il y en a eu 532 conduites sur 154 sites.
Je reconnais, monsieur le ministre, que nous avons sans doute moins bien communiqué que vous. Mais attention, il ne suffit pas de mobiliser les rédactions, surtout si c'est pour faire un « flop » comme il y a une quinzaine de jours à Lyon et peut-être même ce matin à Nanterre : grand jeu pour petits poissons. Nous apprécierons le bilan que vous avez annoncé pour le 22 juillet prochain.
Globalement, c'est la continuité plus que la rupture qui prédomine. Cela étant, des questions importantes se posent. Vous ne semblez pas remettre en cause la coproduction de la sécurité et, en particulier, le rôle des maires mais vous restez plutôt flou sur le sujet et on ne voit pas en quoi, comme vous le prétendez, leur compétence serait accrue dans le cadre des nouveaux conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance par rapport aux contrats locaux de sécurité. On pourrait même penser que les missions de ces nouveaux conseils, et donc les compétences des maires, pourraient s'en trouver réduites. Les maires expriment déjà bien évidemment les attentes des populations, ils sont déjà informés - même quand il n'y a pas de contrats locaux de sécurité - en vertu d'une circulaire ministérielle du 3 mai 2001 et la loi relative à la sécurité quotidienne du 15 novembre 2001 renforce les relations entre le maire et le préfet dans la lutte contre la délinquance. Nous sommes quand même loin des propositions que faisait l'opposition avant les élections.
Nous ne voulons pas, monsieur le ministre, d'un démantèlement des 753 contrats locaux de sécurité qui existent, qui doivent et qui peuvent certainement mieux fonctionner. Nous voulons préserver et renforcer la démarche de contrat autour du maire, qui engage tous les acteurs de la prévention et de la sécurité.
Nous sommes d'accord sur la nécessité d'une complémentarité entre les services de l'Etat, qui détient - lui, et lui seul - les pouvoirs régaliens, et le maire, qui est désormais reconnu comme un acteur majeur dans la coproduction de la sécurité. Mais pourquoi vouloir faire signer entre le représentant de l'Etat et le maire des conventions de coopération quand il existe déjà des conventions de coordination en vertu de la loi du 15 avril 1999 relative aux polices municipales ?
Je souhaite également, monsieur le ministre, que vous puissiez nous préciser vos intentions sur les acteurs privés de la sécurité. Le marché privé de la sécurité a connu une croissance exponentielle. En vingt ans, les effectifs des entreprises de gardiennage sont passés de 10 000 à 100 000 salariés. On ne peut aujourd'hui, comme vous le faites, semble-t-il, dans votre texte se contenter d'étendre la loi du 12 juillet 1983 à Mayotte. Le gouvernement précédent avait adopté en conseil des ministres un projet de loi repris en partie dans la loi relative à la sécurité quotidienne.
Vous êtes très prudent, monsieur le ministre, sur la question - o combien délicate - du redéploiement police-gendarmerie. Reconnaissons que, malgré l'excellent constat du rapport Carraz-Hyest sur l'inadéquation entre la carte récente de la délinquance et celle, beaucoup plus ancienne puisqu'elle date des années 1950, de l'implantation des forces publiques, nous avons plutôt échoué à engager résolument ce redéploiement, en raison des blocages à la fois corporatistes et politiques - que vous rencontrerez à votre tour - et sans doute aussi peut-être en manquant de pédagogie. Mais le redéploiement est indispensable à l'intérieur d'un département, à l'intérieur d'une région.
Pour la gendarmerie, vous dites que vous ne voulez pas fermer de brigades mais créer des communautés de brigades. Vous voulez bien réorganiser la gendarmerie en zone périurbaine pour mieux tenir compte de la délinquance qui se développe. Vous voulez qu'elle fonctionne mieux la nuit. Eh oui, les brigades sont fermées la nuit, et vous seul, monsieur le ministre, avez pu pour l'instant faire ouvrir en pleine nuit celle de Louvres située dans ma circonscription pendant la campagne des législatives, avec l'aide des caméras de télévision.
Une surprise dans vos propositions : la création d'une réserve civile de la police. On revient à l'époque où Charles Pasqua voulait créer une garde nationale, a relevé un responsable syndical.
Qu'en est-il ? Expliquez-nous, monsieur le ministre, ce que signifie l'expression : « si les circonstances l'exigent ». Il faudra aussi entretenir cette réserve civile. Cela suscite à plus d'un titre des interrogations chez nombre d'entre nous.
C'est surtout sur la deuxième partie de l'annexe I intitulée « moyens juridiques », que nous souhaitons vous questionner. Il s'agit de donner des moyens juridiques nouveaux aux services de sécurité pour lutter plus efficacement contre certaines formes de criminalité et de délinquance. En dépit des précautions que vous prenez, vous anticipez sur la future loi relative à la justice pour finalement conclure qu'un projet de loi sera également présenté à l'automne.
En même temps, si nous sommes d'accord pour renforcer l'autorité des agents de l'Etat qui exercent des métiers dans des conditions difficiles au service de nos concitoyens, nous considérons que certaines dispositions envisagées soulèvent des questions ou en tout cas méritent un véritable débat, qu'il ne nous est pas autorisé d'avoir aujourd'hui. Ce débat nécessite, en particulier sur la délinquance des mineurs et des jeunes, que l'on ne fasse pas fausse route. Oui, la délinquance s'est rajeunie ; oui, elle a adopté des formes nouvelles ; oui, il y a des noyaux durs ; oui, il y a même des parents qui peuvent parfois être complices ou profiter des pratiques délictuelles de leurs enfants ; oui, il faut agir contre l'absentéisme scolaire, et nous l'avons fait, pour notre part.
Mais la question est, bien évidemment : comment mieux punir ? Comment la sanction peut-elle être aussi éducative ? Comment, surtout, mieux prévenir les situations de décrochage précoce, de rupture éducative, qui surviennent au sein de la famille, à l'école, dans le quartier, dans le village ?
La réponse pour nous réside en partie dans la veille éducative et dans la politique initiée par le ministère de la ville. Tout cela est absent de votre projet. Il ne peut y avoir de sanction efficace, de répression - disons le mot - s'il n'y a pas la dimension de la prévention.
Venons-en maintenant à la brève partie normative du texte. L'article 3, monsieur le ministre, est inacceptable en l'état. Nous sommes conscients - et nous partageons donc votre souci - de la nécessité de construire commissariats et gendarmeries - ils sont nécessaires -, sans oublier les bureaux de police de proximité - ils sont indispensables dans les quartiers de nos villes - et de les construire plus vite. Mais en aucun cas on ne peut accepter un système dérogatoire à la maîtrise d'ouvrage publique. Même les contrats de crédit-bail bien encadrés qui ont déjà été expérimentés et les différentes formules que vous proposez de façon systématique sont sujettes à caution parce qu'elles ouvrent la boîte de Pandore qui rendra possible le retour à des pratiques condamnables.
L'article 5 ne peut qu'obtenir notre approbation à condition que le Parlement, à qui vous demandez de voter votre projet de loi, soit directement associé à l'évaluation annuelle qui est proposée. Nous vous demanderons, monsieur le ministre, qu'à l'occasion du débat budgétaire annuel et du vote des budgets de la sécurité intérieure, il soit présenté au Parlement un rapport sur l'état d'avancement de l'exécution de la présente loi d'orientation et de programmation et des moyens de financement mobilisés.
Monsieur le ministre, c'est dans un esprit constructif fait de rigueur et de responsabilité que nous abordons l'examen de ce texte, parce que la sécurité est une des préoccupations majeures de nos concitoyens, parce que la sécurité doit être l'affaire de tous dans la République et parce que nous voulons, comme vous, faire reculer le risque populiste et extrémiste.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous sommes, vous l'avez compris, très favorables à l'article 2 et nous serons extrêmement vigilants sur sa mise en oeuvre.
M. le président. Il va vous falloir conclure, monsieur Blazy.
M. Jean-Pierre Blazy. Je termine, monsieur le président.
Cependant nous ne pouvons accepter la deuxième partie de l'annexe I de l'article premier car nous préférons attendre l'examen du texte normatif que vous annoncez pour l'automne prochain.
Nous sommes contre l'article 3 en raison des procédures dérogatoires concernant la réglementation des marchés publics, même si nous reconnaissons la nécessité de construire plus rapidement des commissariats et des casernes de gendarmerie. Nous ferons sur ce point une proposition alternative.
La sécurité, qui n'est finalement ni de droite ni de gauche parce qu'elle conditionne la liberté de chaque citoyen dans la République, est une réalité complexe dans nos sociétés et la recherche de solution ne peut se réduire au seul slogan de l'impunité zéro. Autrement dit, la répression n'est pas la meilleure des solutions, monsieur le ministre. Il faut combiner plusieurs réponses : une meilleure socialisation par les parents et les enfants, une organisation de la ville et des espaces publics qui ne favorise pas les incivilités et les comportements délictueux - donc la délinquance - et la sanction bien évidemment, à laquelle il faut adjoindre la réparation éducative.
De ce point de vue, il est impossible de dissocier les orientations et la programmation de la sécurité intérieure dont nous discutons aujourd'hui de la future loi d'orientation et de programmation pour la justice - qui suscite de nombreuses interrogations et déjà une forte inquiétude - et de la politique de prévention mise en oeuvre, en particulier par le ministère de la ville dont on ignore tout pour l'instant des directions qui seront prises.
L'article 2 est certes nécessaire mais il n'est pas suffisant.
Pour ces différentes raisons, le groupe socialiste votera contre le projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Gérard Léonard. Ah bon ! Nous sommes rassurés !
M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le ministre, vous nous présentez, plusieurs orateurs l'ont souligné avant moi, un projet de loi majeur puisqu'il vise la première attente des Français. Mais, en vous écoutant, je balançais entre la consternation et le soulagement.
La consternation venait du fait qu'il ait fallu attendre si longtemps pour qu'un ministre de l'intérieur de la République dise à cette tribune des évidences si fortes qu'elles sont dans la bouche de tous nos concitoyens qui subissent l'insécurité. Car, ce qui est le plus grave dans l'insécurité grandissante que subit notre société, c'est, à côté de la délinquance elle-même, le fait que l'absence de sentiment d'être protégé par la République, par l'Etat, et la complète impunité, visible de tous, des responsables d'actes délictueux sapent les raisons que nous avons de vivre ensemble.
Le sentiment le plus largement répandu est que, dans la société d'aujourd'hui, ceux qui trichent s'en sortent mieux que ceux qui respectent nos règles de vie en commun.
M. François Rochebloine. Tout à fait !
M. Jean-Christophe Lagarde. Comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, c'est contre cela que vous devons lutter en priorité. Non, on ne doit pas avoir à baisser la tête en rentrant chez soi, si tant est qu'on ose encore en sortir en dehors des heures où les délinquants dorment !
Comme vous l'avez indiqué également, le squat des halls d'immeuble est une forme grave d'insécurité pour nos concitoyens car il mine chaque jour non seulement leur tranquillité mais encore et surtout leur dignité. L'important n'est pas la faute en elle-même mais la conséquence qu'elle a sur la vie des gens et nous devons pouvoir lutter contre cet état de fait.
J'ai été surpris, en tant que maire, de découvrir que je n'ai pas la possibilité, par exemple, de faire appliquer les dispositions contenues dans le projet de loi adopté en début d'année concernant le squat des halls d'immeuble par des bandes par la police municipale. Seules la police nationale et la gendarmerie sont habilitées à le faire et encore il n'y a aucune contravention de prévue. Il est demandé gentiment aux jeunes de sortir ! Il leur suffit donc de rentrer cinq minutes plus tard. La police, qui n'a pas que cela à faire, ne revient plus.
Nous n'en pouvons plus non plus de voir stationner ces voitures au coût exorbitant, souvent immatriculées à l'étranger pour échapper aux poursuites et qui sont aux mains de gens qui ne travaillent pas sans qu'on se soucie de savoir d'où vient l'argent.
Plusieurs députés du groupe Union pour la démocratie française. C'est vrai !
M. Jean-Christophe Lagarde. Dans mon département, les forces de police n'en peuvent plus de se voir constamment insultées et agressées. Ils ne se sentent pas suffisamment soutenus et défendus et ils ne supportent plus que les auteurs des délits ne soient pas sanctionnés par la justice.
Il est inacceptable pour les élus locaux de ne plus pouvoir organiser des manifestations publiques sans la crainte constante d'incidents majeurs, sauf à prendre des mesures de sécurité exceptionnelles !
Dans mon département, 145 véhicules ont brûlé lors de la célébration du 14-Juillet. Pour les victimes de ces actes, où est la fête de la liberté ?
Nous ne devons plus, vous l'avez reconnu, fermer les yeux sur le mauvais emploi de nos forces de l'ordre : vous avez cité les convois de détenus ou les gardes statiques. J'ajouterai à la liste une autre circonstance pour laquelle vous aurez peut-être la possibilité d'obtenir des arbitrages aussi favorables que ceux que vous avez obtenus au niveau budgétaire. Le convoyage des étrangers en situation irrégulière entre l'aéroport de Roissy et le palais de justice de Bobigny mobilise chaque jour une demi-compagnie de forces mobiles qui serait mieux utilisée ailleurs. Pourquoi persiste-t-on, faute de courage vis-à-vis de l'institution judiciaire, à déplacer les étrangers en situation irrégulière plutôt que de permettre au juge de se déplacer dans la salle d'audience construite à cet effet à Roissy ?
Ma consternation devant la tardiveté de votre propos a fait place au soulagement de constater qu'il venait à temps. Monsieur le ministre, je vous remercie, au nom, sans doute, de beaucoup de Français, d'avoir pu le faire enfin du haut de cette tribune.
Les moyens considérables que vous avez obtenus pour lutter contre l'insécurité sont pour la première fois à la hauteur des enjeux : l'augmentation des effectifs, la croissance du nombre d'OPJ et l'élargissement de leur territoire de compétence, les dotations matérielles et immobilières, la cohérence des systèmes d'information, la mise à disposition des forces mobiles en surnombre - et nous pouvons encore améliorer le texte sur ce point - et bien d'autres mesures encore répondent à l'attente des acteurs quotidiens de la lutte contre l'insécurité. C'est la preuve que vous avez embrassé le problème des moyens et des missions de façon globale et cohérente. Cela permet d'espérer des résultats concrets pour nos concitoyens. Vous avez de plus placé l'évaluation parmi les éléments majeurs d'une politique publique de sécurité. Sans doute d'ailleurs devrons-nous y veiller dans d'autres domaines.
Le groupe UDF votera donc votre projet de loi sans aucun état d'âme d'autant que je tiens à saluer l'esprit d'ouverture dont vous avez fait preuve vis-à-vis du groupe UDF, en nous donnant la possibilité de travailler à l'amélioration du texte chaque fois que cela paraît possible.
Mais, au-delà des moyens développés, la France ne pourra pas faire l'économie d'une réforme structurelle. En réalité, nous souhaiterions que, au-delà de la concertation renforcée que vous instituez dans ce projet de loi, les élus de proximité, et notamment les maires, puissent être inclus dans la chaîne de commandement de la police nationale.
M. Nicolas Perruchot. Très bien.
M. Jean-Christophe Lagarde. Le pouvoir doit être redonné au citoyen sur le premier problème qui le concerne. Aujourd'hui, auprès de qui peut-il intervenir ? Le commissaire ? Il aura peut-être une chance de le voir, mais il n'a aucun moyen de peser sur lui. Le directeur départemental de la sécurité publique ? Il n'en verra jamais le visage et n'en connaîtra jamais le nom. Quant au préfet, il lui est totalement inaccessible. Il ne peut que se tourner vers le maire. Mais ce dernier se trouve alors mis en porte-à-faux puisqu'il se voit accusé de ne rien faire alors qu'il n'a aucun pouvoir en la matière. Une grande réforme sera donc nécessaire et nous avons tous intérêt, sur tous les bancs de cette assemblée, à y réfléchir.
Par ailleurs, vous avez ébauché le sujet à la fin de votre discours, votre effort devra être accompagné.
Il devra l'être d'abord par la prévention, non seulement dans les écoles, mais aussi dans les prisons. Celles-ci sont trop souvent génératrices de délinquants, le taux de récidive étant inacceptable pour un grand pays.
Il faudra ensuite, et cela se fera dans le cadre de la politique de la ville, « mettre le paquet », si je puis me permettre l'expression, pour réparer les erreurs d'urbanisme des années soixante - soixante-dix.
M. Bernard Roman. Oui.
M. Jean-Christophe Lagarde. Il y a des quartiers où la sécurisation, quel que soit le nombre des forces de l'ordre affectées, n'est pas possible parce que les conditions de vie favorisent l'enfermement et l'insécurité.
Plusieurs députés du groupe Union pour la démocratie française. Tout à fait.
M. Jean-Christophe Lagarde. Il faudra enfin travailler avec nos partenaires européens, d'une part, à une harmonisation du droit pénal et, d'autre part, à la mise en place d'instances de recherche communes qui ne soient plus que de coopération, une sorte de FBI européen, permettant de lutter contre les grands réseaux de criminalité organisée.
Voilà, monsieur le ministre. Nous vous apportons notre approbation pour ce jour et nous vous faisons part de nos espoirs pour demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. le président. Je vous remercie, monsieur Lagarde, d'avoir respecté scrupuleusement votre temps de parole. Je suis persuadé que Patrick Braouezec, à qui je donne maintenant la parole, suivra la même voie.
M. Patrick Braouezec. Monsieur le président, je suivrai peut-être la même voie pour ce qui est du respect du temps de parole, mais pas dans le propos. (Sourires.) Le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure qui nous est soumis en urgence se limite à nos yeux à un gros chèque en blanc fondé sur des préjugés à l'encontre des catégories les plus modestes.
En commission, M. le rapporteur s'est félicité qu'aucun problème n'ait été éludé, dans un amalgame du type « Affreux, sales et méchants ». Il parlait, je le cite, du « développement de l'immigration, du proxénétisme, du trafic de stupéfiants et le stationnement illégal des gens du voyage ». En écho à cet inventaire, je vous propose de préciser la réalité des problèmes auxquels nous sommes confrontés.
En matière d'immigration, nous nous heurtons à la dérégulation du marché du travail et à la tolérance publique pour l'offre du travail illégal.
En matière de trafic : le blanchiment d'argent, les réseaux mafieux, la délinquance financière des paradis fiscaux et opaques restent au-dessus des lois du fait de l'absence d'un espace judiciaire européen.
Enfin, concernant les gens du voyage, on constate un manque patent d'aires d'accueil, contrairement au dispositif légal.
Une bonne logique consisterait à identifier et poursuivre les organisateurs de trafics en tous genres et non, comme vous le suggérez, à s'acharner sans résultat sur leurs lampistes ou, pire, sur leurs victimes.
Votre projet laisse penser que la délinquance serait le seul fait des pauvres, stigmatisés en tant que tels. Permettez-moi d'en douter. La grande délinquance aussi devrait aujourd'hui nous préoccuper. Une lutte concrète et efficace contre l'insécurité suppose une cohérence et une égalité devant la loi qui aille du paradis fiscal à la cage d'escalier.
M. Jean-Claude Lefort. Très bien !
M. Patrick Braouezec. Dans son intervention M. le ministre a, à de nombreuses reprises, évoqué les quartiers difficiles. C'est sans doute plus facile que de désigner les beaux quartiers où résident nombre de ceux qui sont à l'origine de toutes sortes de trafics.
M. Alain Bocquet. Tout à fait !
M. Patrick Braouezec. De plus, l'augmentation de la délinquance tend à se généraliser. Aux actualités, on parle désormais de la banlieue de Besançon, d'Annonay. On parlera bientôt de celle de La Ferté Saint-Aubin ou de Pleumeur-Bodou.
Au risque de nous répéter, nous affirmons que les « quartiers », les « jeunes » ne sont pas les maux de la société, mais la manifestation la plus visible de son profond malaise. La société ne va pas mal parce qu'il y a des quartiers difficiles. C'est l'inverse qui est vrai. La crise de l'Etat, de ses institutions, est simplement plus visible dans les quartiers où les difficultés sociales sont les plus nombreuses et où l'égalité d'accès aux services publics de proximité reste à conquérir. Stigmatiser les jeunes de certains quartiers, comme beaucoup le font, c'est les enfermer dans l'attitude qu'on leur prête.
L'exposé des motifs du projet est des plus sommaires. Il se contente d'assener que la sécurité est la première préoccupation des Français.
M. Jean-Christophe Lagarde. C'est vrai !
M. Patrick Braouezec. Cette affirmation est électoralement rentable. A force de la marteler, elle se vérifiera peut-être. Pourtant, un baromètre social indique comme souci premier le niveau de retraite. Les médecins en grève ont évoqué, sondage à l'appui, la santé comme première préoccupation de leurs concitoyens. Une enquête sur la jeunesse place en premier le chômage puis le racisme. Il n'a pas fallu attendre le 21 avril pour savoir que les enquêtes d'opinion ne disent rien de la pensée des gens et votre exposé des motifs ne dit rien de l'état de notre société.
L'exposé des motifs est détaché des réalités sociales. Je ne pratique pas le discours « victimaire » ou l'absolution sociologique mais rejeter le déterminisme social est une chose ; c'en est une autre de présenter le problème ex nihilo et de ne pas remettre en cause la machine à exclure qui demeure à l'oeuvre.
M. Jean-Claude Lefort. Voilà !
M. Patrick Braouezec. Pire, le texte nous présente une caricature à faire frémir les beaux quartiers, un texte où les mendiants sont agressifs, les prostituées étrangères et les cités forcément difficiles.
Le projet est muet sur la dimension européenne et internationale des enjeux et des réseaux mafieux. Rien n'est dit sur la coopération judiciaire et policière en Europe. Il est très discret sur les moyens d'investigation et d'élucidation, notamment sur le renforcement de la police judiciaire, qui sont au coeur des missions du service public de sécurité. L'amélioration de la sécurité des biens et des personnes ne nécessite pas plus de contrôles d'identité ou de descentes massives, spectaculaires et télévisées - comme aujourd'hui à Nanterre -, mais davantage d'enquêtes et d'élucidations des faits.
En matière de programmation, il est indéniable que nous sommes appelés à approuver un effort budgétaire très important. Le précédent de la loi de programmation sur la sécurité de 1995, très vite abandonnée, nous incite cependant à la prudence quant à la pérénité de cet engagement.
Plus que sur l'ampleur de l'effort, c'est donc sur son usage que porte notre désaccord, ainsi que sur son caractère isolé dans l'action de l'Etat. Ce projet rejoint le modèle libéral d'un Etat gendarme cantonné au maintien de l'ordre et à la répression au détriment de ses missions d'éducation et de protection et de redistribution sociales. Vous nous proposez, suivant l'exemple anglo-saxon, de criminaliser toujours davantage la pauvreté. On me permettra sur ce sujet de ne pas partager du tout l'appréciation de Julien Dray et de lui préférer celle de Loïc Wacquant qui, dans son livre Les Prisons de la Misère, décrit bien le processus en cours.
Les crédits et les effectifs ne font pas tout. Notre pays est celui qui compte le plus de forces de l'ordre par habitant en Europe après l'Irlande. L'augmentation des effectifs n'a pas endigué la progression de la délinquance. Il est vrai que l'on dénombre dix fois plus de policiers que d'éducateurs.
La situation des gens du voyage illustre cette impasse répressive. Répondre au problème du stationnement illégal des gens du voyage suppose de rendre possible le stationnement légal par la réalisation d'un nombre suffisant de places réparties sur l'ensemble des communes, comme le prévoit la loi du 5 juillet 2000. Se borner, comme on nous le propose, à la répression, c'est déplacer sans fin la question, dans un ping-pong entre communes, sans la résoudre dignement.
Un véritable projet d'orientation devrait nous conduire à débattre des missions du service public de sécurité. La précipitation qui a caractérisé la présentation de ce projet ne permet pas cette discussion. Nous sommes appelés à approuver des crédits futurs sans savoir au juste à quoi ils vont être utilisés. « Le temps de l'action » est d'abord celui de la communication et de l'effet d'annonce. Le projet comporte très peu de dispositions normatives et rien ne justifie l'urgence en dehors du souci, compréhensible pour un nouveau gouvernement, de marquer les esprits.
Ce projet sous-entend des menaces sur les droits et libertés. Le Parlement en est le premier victime, avec un débat tronqué, le recours aux décrets, l'autorisation donnée au Gouvernement de « prendre par ordonnances les mesures de nature législative permettant de le rendre applicable » et la description des « nouveaux moyens juridiques qui seront proposés au Parlement ou adoptés par décret ».
Mais surtout, le vote de ce texte est indissociable de celui du projet de loi de programmation et d'orientation sur la justice, et notamment des mesures aussi scandaleuses qu'inefficaces, prévoyant la détention provisoire des mineurs dès l'âge de treize ans, comme nous le promet M. Perben.
Le procédé est expéditif. Ainsi, la question de la dépénalisation de l'usage du cannabis est balayée au détour d'une phrase, alors que notre pays compte plusieurs millions de consommateurs occasionnels, que cela plaise ou non, et que ce débat traverse l'ensemble des sociétés européennes de façon complexe et argumentée. Et pourtant, on ne peut que saluer quelques mesures de bon sens, en chantier depuis des années et dont la mise en oeuvre dépend de conventions avec les producteurs et les vendeurs, telles que le verrouillage des téléphones portables ou la neutralisation des véhicules volés. Il faut souhaiter, dans le respect des libertés et de la vie privée des personnes, un aboutissement rapide de ces dossiers qui se traduirait par une baisse tout aussi rapide de délits dont le marché s'est trop bien accommodé jusqu'ici.
L'absence de réflexion sur les missions du service public de sécurité est porteuse de violence et d'un risque d'arbitraire. Elle contribue à rendre plus pénibles et difficiles les tâches de la police et de la gendarmerie. Plusieurs événements récents, à Dammarie-les-Lys, Chatenay-Malabry ou Lille, soulignent la tension grandissante entre la police et la population, notamment la jeunesse. Dans un rapport circonstancié et contradictoire, la Ligue des droits de l'homme, le Syndicat des avocats de France et le Syndicat de la magistrature décrivent des cas concrets de contrôle d'identité ayant pris de graves proportions.
La pratique et le contrôle par les parquets des contrôles d'identité à répétition et généralisés se révèlent déficients. Les citoyens apparaissent démunis de recours réels en cas d'abus de pouvoir. Il importe ainsi de modifier les conditions de saisine et les attributions de la Commission nationale de déontologie de la sécurité. De même, l'inflation du recours aux poursuites pour outrage pose problème. L'outrage s'attachant à la mission et à la fonction et non à la personne, il conviendrait que les poursuites soient engagées au nom des pouvoirs publics ou d'un syndicat et non à celui du ou des fonctionnaires intéressés.
Par ses missions et ses orientations il faut permettre à la police d'être la police de tous. Une réflexion s'impose sur la pratique et la réglementation des contrôles d'identité ainsi que sur la formation des gardiens de la paix.
Votre projet prévoit certes le développement de la police de proximité, mais laisse plus que dubitatif quant à l'efficacité du soutien qu'y apporteraient les compagnies républicaines de sécurité et les brigades de gendarmerie mobile.
Gardiennes de la paix, les forces de l'ordre ont à veiller à l'égalité de tous devant la loi. A ce titre, la lutte contre les discriminations doit relever de leur compétence. Les discriminations à l'embauche ou au logement sont de notoriété publique. Elles donnent pourtant lieu à très peu de poursuites, malgré l'adoption d'une loi inversant la charge de la preuve lors de la législature précédente. Il y a là un champ d'enquête et d'investigation pour une véritable police des discriminations. L'évolution récente de la jurisprudence avalisant la pratique des « testing » dans la recherche d'un emploi ou d'un logement ouvre une voie qui ne doit pas dépendre des seules forces des associations de lutte contre le racisme.
L'affirmation et la mise en oeuvre de cette mission auraient le double mérite de témoigner que les forces de police sont au service de tous, et d'obtenir des résultats concrets dans la lutte contre les discriminations.
Enfin, votre projet propose de faire porter toute la responsabilité du recul de la petite délinquance sur la seule police. Il est dangereux, il sera inefficace. Le vrai laxisme réside dans ce primat du répressif et du sécuritaire qui déresponsabilise l'ensemble des acteurs sociaux. Votre discours se limite à dire : « Ne vous en faites pas, on s'occupe de tout » et les fauteurs de troubles d'être punis dès le plus jeune âge à coup d'effectifs policiers et de places de prison... Opposer la police et la justice, la police et la jeunesse, les parents qui connaissent des difficultés et ceux qui n'en connaissent pas, les enfants en danger et les autres, cela n'aidera pas tout un chacun à prendre ses responsabilités.
Les réponses réelles à la petite délinquance supposent une prise en charge collective. Les policiers ne peuvent pas tout. Les institutions et le monde adulte en général doivent coproduire les normes qui régissent la vie de la cité et en assurer solidairement le respect. Ce travail n'est pas facile, on le voit sur le terrain, mais il a le mérite de refonder la légitimité des règles élaborées et mises en oeuvre ensemble et de rompre avec le sentiment d'injustice ressenti par nombre l'habitants des quartiers populaires.
Pour cela, il faut non seulement renforcer la présence adulte et sa cohésion dans l'éducation nationale, la police, la justice, les services sociaux, les services publics de proximité, mais aussi associer les habitants à une prise en charge et une occupation collective de l'espace public. C'est ce que plusieurs collectivités locales, comme la ville de Saint-Denis dont je suis maire, s'efforcent de faire au travers d'une démocratie de plus en plus participative. Et ce n'est pas de l'angélisme, mais un travail concret de longue haleine. Or je ne vois rien dans ce projet qui nous aidera à le poursuivre.
Vous l'aurez compris, le groupe communiste votera contre ce projet sécuritaire qui n'améliorera pas la sécurité quotidienne de nos concitoyens. Il manquera encore demain un grand projet porteur de sécurité pour l'ensemble de nos populations (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. le président. Je vous remercie, monsieur Braouzec, d'avoir tenu compte des remarques de la présidence en respectant votre temps de parole.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
DÉSIGNATION D'UN CANDIDAT
À UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le président. M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre une demande de désignation du membre de l'Assemblée nationale au sein de l'observatoire de la sécurité des cartes de paiement.
Conformément à l'alinéa 2 de l'article 26 du règlement, M. le président a confié à la commission des finances, de l'économie générale et du Plan le soin de présenter un candidat.
La candidature devra être remise à la présidence avant le jeudi 1er août 2002, à dix-huit heures.
ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE
M. le président. Ce soir, à vingt et une heures, troisième séance publique :
Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 36, d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.
M. Christian Estrosi, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 53) ;
M. Alain Moyne-Bressand, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (avis n° 37) ;
M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 52).
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)
Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
ORDRE DU JOUR
ÉTABLI EN CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
(Réunion du mardi 16 juillet 2002)
L'ordre du jour des séances que l'Assemblée tiendra du mardi 16 juillet au dimanche 4 août 2002 inclus a été ainsi fixé :
Mardi 16 juillet 2002 :
L'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures :
Discussion du projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (n°s 36-53-37-52).
Mercredi 17 juillet 2002 :
L'après-midi, à 15 heures, et, éventuellement, le soir, à 21 heures :
Suite de l'ordre du jour de la veille.
Jeudi 18 juillet 2002 :
Le matin, à 9 h 30, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures :
Discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2002 (n° 29).
Eventuellement, vendredi 19 juillet 2002 :
Le matin, à 9 heures, et l'après-midi, à 15 heures :
Suite de l'ordre du jour de la veille.
Mercredi 24 juillet 2002 :
L'après-midi, à 15 heures :
Discussion :
- du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée (n°s 6-30) ;
- du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée (n°s 7-30) ;
- du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du protocole additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (n°s 8 et 30).
(Ces trois textes faisant l'objet d'une discussion générale commune.)
- du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord aux fins de l'application des dispositions de la convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks de poissons dont les déplacements s'effectuent tant à l'intérieur qu'au-delà de zones économiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs (ensemble deux annexes) (n° 39) ;
- du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'avenant à l'accord entre l'Agence de coopération culturelle et technique et le Gouvernement de la République française relatif au siège de l'agence et à ses privilèges et immunités sur le territoire français (n° 45) ;
- du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord de siège entre le Gouvernement de la République française et la Commission internationale de l'état civil (n° 46) ;
- du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord du 20 août 1971 relatif à l'Organisation internationale des télécommunications par satellites « INTELSAT », tel qu'il résulte des amendements adoptés à Washington le 17 novembre 2000 (n° 40) ;
- du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord de siège entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation européenne de télécommunications par satellites « EUTELSAT » (n° 41) ;
- du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention sur le transfèrement des personnes condamnées entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Paraguay (n°s 9-31) ;
- du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Paraguay (n°s 10-31) ;
- du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Paraguay (n°s 11-31) ;
- du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention relative à l'adhésion de la République d'Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède à la convention relative à l'élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices d'entreprises associés (n°s 12-32) ;
- du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention du 19 décembre 1980 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Norvège en vue d'éviter les doubles impositions, de prévenir l'évasion fiscale et d'établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole et un protocole additionnel), modifiée par les avenants du 14 novembre 1984 et du 7 avril 1995 (n°s 13-33) ;
- du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire en vue d'éviter les doubles impositions, de prévenir l'évasion et la fraude fiscales et d'établir des règles d'assistance réciproque en matière d'impôts sur le revenu, sur la fortune et sur les successions (ensemble un protocole) (n°s 14-34) ;
- du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'avenant à la convention fiscale du 21 octobre 1976 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Cameroun (n°s 15-35) ;
- du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation du protocole modifiant la convention du 23 juillet 1990 relative à l'élimination des doubles impositions en cas de correction des bénéfices d'entreprises associées (n°s 17-32).
(Ces douze textes faisant l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en application de l'article 107 du règlement.)
Mardi 30 juillet 2002 :
L'après-midi, à 15 heures :
- sous réserve de sa transmission par le Sénat, discussion du projet de loi portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise ;
- scrutins pour l'élection des juges de la Haute Cour de justice et de la Cour de justice de la République
Les scrutins auront lieu dans les salons à proximité de la salle des séances de 15 heures à 18 heures.
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Mercredi 31 juillet 2002 :
L'après-midi, à 15 heures :
Suite de l'ordre du jour de la veille.
Jeudi 1er août 2002 :
Le matin, à 9 heures :
Sous réserve de son dépôt et de sa transmission par le Sénat, discussion du projet de loi d'orientation et de programmation sur la justice.
L'après-midi, à 15 heures :
- éventuellement, discussion des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2002 ;
- suite de l'ordre du jour du matin.
Le soir, à 21 heures :
- éventuellement, discussion des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise ;
- suite de la discussion du projet de loi d'orientation et de programmation sur la justice.
Vendredi 2 août 2002 :
Le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, et le soir, à 21 heures :
Suite de la discussion du projet de loi d'orientation et de programmation sur la justice.
Samedi 3 août 2002 :
Le matin, à 9 heures, l'après-midi, à 15 heures, et, éventuellement, le soir, à 21 heures :
- suite de la discussion du projet de loi d'orientation et de programmation sur la justice ;
- éventuellement, discussion des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure ;
- éventuellement, discussion des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant amnistie ;
- éventuellement, discussion des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d'orientation et de programmation sur la justice.
Eventuellement, dimanche 4 août 2002 :
Suite de l'ordre du jour de la veille.
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