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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 17 JUILLET 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du mardi 16 juillet 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE
DE Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER

1.  Sécurité intérieure.  - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi d'orientation et de programmation «...».

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) «...»

MM.
Gérard Léonard,
Daniel Vaillant,
Rudy Salles,
Thierry Mariani,
Jean-Paul Dupré,
Jean Leonetti,
Jérôme Lambert,
Marc Le Fur,
Armand Jung,
Yves Bur,
Jean-Claude Viollet,
Mme
Christiane Taubira,
MM.
Pierre-André Périssol,
Gérard Hamel,
Michel Buillard,
Didier Quentin,
Mme
Michèle Tabarot,
MM.
Manuel Aeschlimann,
Jean-Pierre Grand,
René-Paul Victoria,
Bernard Schreiner,
Jérôme Chartier,
Lionnel Luca,
Jérôme Rivière,
Michel Hunault.
Clôture de la discussion générale.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION «...»

Motion de renvoi en commission de M. Alain Bocquet : MM. André Gerin, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ; Christian Estrosi, rapporteur de la commission des lois ; Jean-Christophe Lagarde, Jean-Pierre Blazy, Gérard Léonard. - Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2.  Dépôt d'une proposition de résolution «...».
3.  Dépôt de rapports «...».
4.  Dépôt d'un rapport sur une proposition de résolution «...».
5.  Dépôt d'avis «...».
6.  Dépôt de projets de loi adoptés par le Sénat «...».
7.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE
DE Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER,
vice-présidente

    Mme la présidente. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à vingt et une heures.)

1

SÉCURITÉ INTÉRIEURE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence,
d'un projet de loi d'orientation et de programmation

    Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (n°s 36, 53).

Discussion générale (suite)

    Mme la présidente. Cet après-midi, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
    La parole est à M. Gérard Léonard.
    M. Gérard Léonard. Madame la présidente, monsieur le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, mes chers collègues, la sécurité est à la racine même du pacte républicain. Elle est la condition essentielle à la réalisation des trois grands principes qui la fondent : la liberté, l'égalité, la fraternité.
    L'insécurité est toujours réductrice de liberté.
    Inscrite dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la « sûreté » - terme utilisé à l'époque - est la première de nos libertés : liberté d'aller et venir en toute tranquillité, de disposer de ses biens et d'être respecté dans son intégrité et sa dignité.
    L'insécurité est aussi source d'inégalité : les plus faibles, les plus vulnérables, les plus défavorisés en sont les premières victimes. La loi du plus fort, du plus violent, s'impose au détriment de la loi pour tous.
    Enfin, l'insécurité détruit l'exigence de fraternité. Le respect de l'autre, de la différence, des femmes, des personnes âgées est le signe tangible d'une société qui se veut fraternelle. La peur des agressions de toutes sortes engendre le repli sur soi et affaiblit les relations humaines d'écoute et d'entraide.
    Par conséquent, toute atteinte à l'intégrité des personnes et des biens constitue une véritable violation des lois fondamentales de la République.
    Lorsque ces violations se multiplient et deviennent le lot quotidien d'un nombre croissant de nos concitoyens, la confiance à l'égard des institutions républicaines s'altère dangereusement.
    C'est dire, mes chers collègues, que le débat qui nous occupe aujourd'hui ne saurait être médiocre.
    Et si certains doutaient encore de la gravité du sujet, le simple rappel de la récente élection présidentielle devrait les éclairer.
    Un sujet qui ne souffre ni les pétitions de principe dogmatiques, ni les simplifications réductrices, ni d'ailleurs les outrances provocatrices comme nous en avons entendues tout à l'heure à l'occasion des motions de procédure, et encore moins les faux procès instruits par certains opposants - je dis « certains », parce que les propos de M. Julien Dray tranchaient très nettement avec ceux que nous avions enregistrés à la commission des lois ou lors de la réunion des commissions confondues ; opposants que je trouve, pour ma part, amnésiques et qui tentent de faire oublier qu'ils portent une part de responsabilité dans la situation grave où nous sommes aujourd'hui.
    Faux procès que de dénoncer le caractère expéditif de la démarche du Gouvernement. Lorsqu'il y a le feu à la maison, monsieur le Premier ministre, il y a quelque chose de choquant à voir les incendiaires critiquer la rapidité d'intervention des secours.
    Et le choquant rejoint parfois le ridicule lorsque certains de ces censeurs s'évertuent à expliquer que le projet ne fait que copier des idées forgées par eux-mêmes.
    Si bien qu'à la limite nous devrions apparaître comme les continuateurs trop zélés, maladroits, peut-être même pervers, d'une politique conçue par nos prédécesseurs, et dont nous connaissons les résultats.
    Faux procès que celui qui consiste à affubler ce projet du qualificatif sans appel de « tout-sécuritaire ».
    En dehors du fait qu'il vaut mieux du « tout-sécuritaire » que du « rien-sécuritaire », faut-il faire remarquer qu'il n'est pas anormal qu'un projet de loi consacré à la sécurité, présenté par le ministre de l'intérieur, traite précisément de la sécurité, domaine de compétence qui est le sien ?
    Reprocher à ce texte de ne pas embrasser l'ensemble des données susceptibles de générer des comportements délictueux relève de la pure mauvaise foi.
    C'est feindre d'ignorer que le projet du Président de la République et le programme de son Premier ministre, qui le décline, comportent une série d'actions propres à s'attaquer efficacement aux racines du mal que la gauche plurielle n'a malheureusement pas voulu ou su traiter.
    Outre le sentiment d'impunité, trop largement répandu, les causes profondes de la criminalité et de la délinquance sont connues, qu'il s'agisse de l'éducation défaillante, de l'urbanisme concentrationnaire, du chômage des jeunes, de la précarité, de l'exclusion, d'une immigration mal contrôlée sur laquelle prospèrent les réseaux mafieux et un nouvel esclavagisme indigne de notre pays. Tous ces facteurs, souvent conjugués, contribuent à la dérive insécuritaire.
    Nous mesurons la difficulté et l'ampleur de la tâche, compte tenu des retards accumulés. Mais nous sommes décidés à agir avec force et en profondeur dans tous ces domaines, car nous avons clairement conscience qu'il y va de l'avenir de la France, berceau des droits de l'homme. Nous entendons agir avec détermination pour faire reculer durablement le fléau de l'insécurité.
    Le projet de loi soumis à notre examen illustre parfaitement cette ferme volonté et répond clairement et courageusement au défi qui nous est posé.
    Ses principaux mérites n'ont guère à être soulignés tant ils sont évidents et rompent avec la gestion passée : c'est d'abord l'approche globale et concrète du problème dans toutes ses manifestations ; c'est ensuite et surtout la mise en oeuvre de moyens nouveaux juridiques, humains, techniques et matériels d'une ampleur sans précédent.
    Ces actions cohérentes et judicieusement programmées appréhendent parfaitement les réalités nouvelles du phénomène de la délinquance. Il convient de bien les avoir à l'esprit pour apprécier leur pertinence.
    Il s'agit de la mobilité et de la diffusion de la délinquance sur l'ensemble du territoire, les statistiques enregistrées en zone de gendarmerie en témoignent, de la mutation d'une délinquance acquisitive vers une violence accrue contre les personnes, de la place de plus en plus importante et préoccupante des mineurs dans la commission des actes délictueux, et du développement de réseaux mafieux de mieux en mieux organisés, avec une dimension internationale de plus en plus affirmée.
    La nouvelle organisation des forces de sécurité qui se met en place permettra une utilisation plus rationnelle et performante des effectifs. Elle s'accompagne d'une action de remobilisation et de remotivation des personnels de la police et de la gendarmerie, qui doit être saluée.
    Le discours clair et responsable que vous leur avez tenu, monsieur le ministre, a été entendu et apprécié, car il est empreint tout à la fois d'exigence et de considération - ce dont ces fonctionnaires et militaires ont été privés depuis trop longtemps.
    Ils se sentent désormais soutenus et encouragés, et c'est une consolidation essentielle pour le succès des actions entreprises. Et chacun sait bien qu'il ne s'agit pas de propos sans lendemain.
    En effet, la nouvelle organisation et les fermes directives qui contrastent avec la quasi-inertie brouillonne du précédent gouvernement s'accompagnent de moyens humains et matériels d'une importance inégalée.
    Les 13 500 postes supplémentaires, les 5,6 milliards d'euros ajoutés aux budgets de la police et de la gendarmerie sur cinq ans permettront aux forces de sécurité d'accomplir leur mission dans des conditions favorables. Et nous ne doutons pas que les résultats seront au rendez-vous. De toute façon, nous n'avons pas le choix !
    Dans le temps qui m'est imparti, il ne m'est bien entendu pas possible de relever tous les aspects intéressants du dispositif qui ont été utilement commentés par notre excellent rapporteur.
    Néanmoins, il en est un qui me semble devoir être particulièrement souligné : c'est le renforcement effectif de la police de proximité associé à une salutaire restauration des missions et des moyens d'investigation des forces de sécurité.
    Sans vouloir être désobligeant, il faut bien dire que la politique précédemment menée a consisté, probablement faute de moyens suffisants, à afficher une plus grande proximité policière au détriment de la recherche des auteurs des délits et du traitement judiciaire des dossiers. Autrement dit, on a déshabillé Pierre l'enquêteur, pour habiller Paul l'îlotier. Et encore ! aux heures ouvrables !
    Comment dès lors s'étonner du taux très faible d'élucidation, qui est seulement du quart des délits constatés alors qu'il était des deux tiers dans les années 1970 ? Or la tâche première de la police et de la gendarmerie, outre la prévention, n'est-elle pas de rechercher et d'identifier les auteurs des crimes et délits et de les remettre à la justice ? Les moyens annoncés dans votre projet, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre de l'intérieur, permettront certainement d'inverser cette inacceptable dérive.
    Pour le reste, le renforcement des pouvoirs des maires, la protection des victimes, l'accompagnement psychologique et social des personnels, l'évaluation, sont autant de motifs de satisfaction.
    En résumé, les orientations et la programmation qui nous sont proposées sont bien à la dimension des grands enjeux auxquels notre pays est confronté en matière de sécurité. Et, bien entendu, l'indispensable volet judiciaire dont nous débattrons bientôt leur donnera toute leur portée.
    Madame la présidente, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre de l'intérieur, mes chers collègues, ce projet emporte notre pleine adhésion. C'est en ayant à l'esprit la situation intolérable supportée par un nombre croissant de nos concitoyens et en sachant bien qu'il y va de la pérennité des valeurs de la République que le groupe de l'UMP l'approuvera avec confiance et gravité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Vaillant.
    M. Daniel Vaillant. Madame la présidente, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre de l'intérieur, l'insécurité est un cancer social, qui frappe les plus faibles comme une injustice sociale supplémentaire, et qui doit être combattue avec détermination, sans faiblesse ni démagogie. Ce n'est ni un mal français ni une exception française. Regardez l'Espagne, le Royaume-Uni ou l'Allemagne !
    La montée de la violence et de la délinquance depuis les années 60-70 a des causes multiples, assez facilement identifiables. Il est indispensable, bien sûr, de s'attaquer aux causes en rendant plus efficace la chaîne pénale police-justice.
    Les causes de l'insécurité, on les connaît : le tout-libéral, qui considère que tout est permis dans la société ; la déréglementation tous azimuts, qui a fragilisé le pacte républicain ; le recul de la transmission des valeurs entre les générations ; des villes inhumaines et concentrationnaires, construites pour répondre à la demande économique durant la période des Trente glorieuses ; la crise économique des années 70 et la montée du chômage ; l'intégration républicaine trop souvent en panne ; l'école mise en difficulté par des politiques gouvernementales anciennes,...
    M. Gérard Léonard et M. Thierry Mariani. Et récentes !
    M. Daniel Vaillant. ... les mauvais exemples prodigués par les puissants qui se croient tout permis dans la transgression de la règle à la face de la société et surtout des jeunes.
    L'exemple doit venir de ceux qui sont dépositaires de l'autorité de l'Etat. Pour préconiser l'impunité zéro, il faut être irréprochable soi-même. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jérôme Lambert. Bravo !
    M. Daniel Vaillant. Je ne visais personne ! A moins que vous ne pensiez à quelqu'un !
    Certes, une chaîne pénale police-justice efficace est indispensable pour sanctionner la transgression de la règle commune. Hélas, cette réponse indispensable s'avère insuffisante. Elle doit être globale et en amont. Tout acte commis est un échec de notre société et de nos institutions. Il faut donc limiter, freiner, prévenir la transgression de la règle. Cela passe d'abord par une chaîne éducative plus performante au service des valeurs collectives : respect de l'autre, de l'autorité de l'Etat et du vivre ensemble, famille, autorité parentale, école de l'égalité des chances.
    Redonner des couleurs à la valeur travail plutôt qu'au facteur chance et à la spéculation, reconstruire des villes et des quartiers plus justes, refuser les discriminations, repositionner le rôle et la responsabilité des médias, redonner l'égal accès à la culture, la liste n'est pas exhaustive. Nous adhérons bien sûr à l'économie de marché parce qu'elle permet l'efficacité économique et la justice sociale, mais pas à la société de marché qui distend le lien social et dissout le pacte républicain.
    La sécurisation doit évidemment associer prévention, protection et sanction. Il faut aussi s'accorder pour éviter l'exploitation de l'insécurité qui ne fait que l'alimenter. Ceux qui cultivent l'insécurité à des fins clientélistes ou électoralistes sont des cyniques ou des irresponsables, voire les deux à la fois !
    M. Gérard Léonard. Ce n'est pas nous !
    M. Daniel Vaillant. Rendre plus efficace la chaîne pénale, c'est pour la justice sanctionner au nom de la société, réparer pour les victimes, hélas, trop souvent oubliées, et contribuer à la réintégration des délinquants dans la société par une politique de rééducation et de reconstruction.
    Pour la police, monsieur le ministre de l'intérieur, c'est : prévention, protection, dissuasion, répression, investigation, élucidation, déferrement à la justice.
    M. Jean Leonetti. Elucubrations !
    M. Daniel Vaillant. Je veux, de ce point de vue, à mon tour, rendre hommage et souhaiter un prompt rétablissement aux deux policiers grièvement blessés récemment.
    Monsieur le ministre de l'intérieur, j'ai été à votre place. J'ai assisté aux obsèques de plusieurs policiers. Sachez que je suis à vos côtés dans cette épreuve. Vous en rencontrerez d'autres. J'espère que mes amis auront, de ce point de vue, un autre comportement à votre égard que certains des vôtres ont eu, à l'époque, à mon endroit.
    M. Gérard Hamel et M. Jean Leonetti. Ce n'est pas vrai !
    M. Thierry Mariani. Vous êtes en train de déraper !
    M. Daniel Vaillant. Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre de l'intérieur, vous ne partez pas de rien.
    M. Thierry Mariani. De moins que rien !
    Mme la présidente. Monsieur Mariani !
    M. Daniel Vaillant. Citons ce que le gouvernement de Lionel Jospin a entrepris.
    La police de proximité que vous avez confirmée et qui s'est généralisée, entraînant une augmentation de 8 % des effectifs là où elle est installée. Quant aux 753 contrats locaux de sécurité signés, ils donnent des résultats, notamment à Paris - je peux en témoigner devant des élus parisiens.
    M. Yves Bur. C'est faux !
    M. Daniel Vaillant. Vous avez pu, monsieur le ministre de l'intérieur, le constater aux côtés du préfet Jean-Paul Proust.
    M. Thierry Mariani. Cela ne sert pas à grand-chose !
    M. Daniel Vaillant. Le redéploiement interne à la police - 1 500 recrutements administratifs.
    La loi sur la sécurité quotidienne, votée et appliquée, malgré l'opposition de l'époque.
    M. Thierry Mariani. Il n'y avait rien dedans, strictement rien !
    M. Daniel Vaillant. La loi relative à la présomption d'innocence, modifiée dans le sens souhaité par les policiers.
    Le plan d'action renforcé, faisant suite à l'accord du 29 novembre, avec une présence policière accrue sur le terrain, avec des opérations ciblées répressives réussies : je pense à Nice - vols à la portière - à Amiens, au quartier des Pigeonniers, à Strasbourg ou à la banlieue de Saint-Etienne.
    Réponses sociales et juridiques au service des policiers, réponse législative : loi relative à la sécurité quotidienne, loi relative à la présomption d'innocence, et puis la réponse budgétaire...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Eh oui !
    M. Daniel Vaillant. Laissez-moi poursuivre ! Cette réponse est importante.
    M. Thierry Mariani. C'est de la science fiction !
    M. Daniel Vaillant. ... le plan stratégique 2002-2006 que je vous ai remis, monsieur le ministre de l'intérieur, le 5 mai dernier, dans votre bureau, et qui vous permet de présenter aujourd'hui votre projet de loi, comme nous l'aurions fait nous-mêmes avec Lionel Jospin dans le cadre du contrat national de sécurité qui était proposé. Voici, mesdames, messieurs les députés, le document que j'ai remis à Nicolas Sarkozy, et qui est l'un des éléments qui ont permis à votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, de présenter cette loi d'orientation et de programmation.
    M. Gérard Léonard. Oh !
    M. Daniel Vaillant. Oui, cela est important et votre loi, pour ce qu'elle a de bon, comme l'a dit Julien Dray, pour les moyens conformes à nos propres engagements, nous l'approuvons : les reprises intégralement recopiées dans le plan stratégique, qui portent aussi bien sur le renforcement de la police judiciaire et des effectifs centraux, le renforcement de la police de proximité, la réforme territoriale avec le prolongement de la fidélisation, avec néanmoins beaucoup de flou, l'accroissement de la déconcentration de la gestion, le pilotage par objectifs, la politique immobilière, le développement des nouvelles technologies. Tout cela était prévu et financé, comme la mise à niveau d'Acropol, les gilets pare-balles, les tenues NBC, et un certain nombre de mesures.
    Sur le plan budgétaire, c'est également la continuité avec, en gros, ce qui était prévu : 2,7 milliards d'euros pour la police nationale et le reste pour la gendarmerie.
    Entre 1997 et 2002, le budget de la police nationale a augmenté de 22 %, avec une forte accélération, vous le savez, mesdames, messieures les députés, entre 2001 et 2002, et une hausse de 17 % pour les seuls crédits de fonctionnement et d'équipement, celui de la gendarmerie a lui aussi fortement progressé. Dans votre projet, monsieur le ministre, pour la police nationale et la gendarmerie, on a une hausse de 12 % pour le fonctionnement et de 25 % pour l'équipement.
    Rappelons qu'avec la LOPS de 1994 les crédits de la police ont augmenté de 6 % entre 1994 et 1996. Ils ont hélas ! baissé entre 1996 et 1997 avec M. Pasqua puis M. Debré.
    M. Gérard Léonard. Ce n'est pas sérieux ! Je suis déçu !
    M. Daniel Vaillant. Il y a toutefois des reculs.
    Concernant les effectifs, nous avions prévu, dans le plan stratégique, une augmentation de 13 000 postes, en tenant compte de la réduction du temps de travail et du recrutement des 1 500 agents administratifs. Vous êtes à 6 500 postes, plus les rachats de jours RTT et le recrutement de 7 000 gendarmes, c'est relativement conforme à ce qui était prévu.
    En revanche, sur le fait que des ADS ne seraient plus recrutés, je m'interroge. Ce serait, je crois, extrêmement dommageable pour les jeunes eux-mêmes et pour la police nationale, parce que cela constitue un pré-recrutement précieux. Même préoccupation pour les gendarmes adjoints.
    Le rapprochement entre police et gandarmerie est utile. Nous l'avions aussi prévu. Mais pourquoi un certain nombre d'imprécisions ? Peut-être que vos lois normatives de l'automne répondront à ces questions. Je veux néanmoins dire un mot des sujets que vous évoquez, sur lesquels nous voulons des précisions.
    Nous sommes déçus, par exemple, de votre manque d'audace ou d'ambition sur la politique partenariale. Cela a été demandé, quid des contrats locaux de sécurité qui marchent bien ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Que sont les conseils locaux ? Nous voulons des réponses sur ce point.
    Sur l'aide aux victimes, rien ou presque. Rien non plus sur la sécurité privée. La police pénitentiaire du plan stratégique n'est évoquée que comme une vague réflexion. Rien sur le rapprochement puis la fusion entre la DST et la DCRG. Presque rien sur la réglementation de la détention d'armes. Sur la police européenne aux frontières, nous aimerions aller plus loin et réfléchir avec vous.
    Voilà un certain nombre de questions.
    Il y a aussi des erreurs ou des manques dans votre projet.
    Je pense que le Conseil de sécurité intérieure, en raison même de l'article 20 de la Constitution, devait être placé auprès du Premier ministre. C'est d'ailleurs, je crois, l'objet d'un amendement utile. Il y a là une dérive présidentialiste qui, je crois, est inquiétante.
    M. Gérard Léonard. Non ! c'est bien que le Président s'implique !
    M. Daniel Vaillant. Peu de place est consacrée à la formation. Rien sur l'observatoire préconisé par le rapport de M. Pandraud et de M. Caresche. C'est un manque qu'il conviendrait, à mon avis, de pallier. Vous avez évoqué l'idée que vous pourriez aller dans ce sens, monsieur le ministre de l'intérieur. Ce serait très important pour nous que vous puissiez le confirmer, rapidement, sous des modalités à définir. Vous avez évoqué le recours à l'IHESI. Pourquoi pas ? Mais je pense que c'est un élément important, nécessaire.
    Vous avez évoqué comme une politique phare vos GIR.
    M. Gérard Léonard. Très bien !
    M. Daniel Vaillant. J'ai bien compris votre idée de passer d'opérations ciblées répressives aux GIR, politique phare, semble-t-il, du ministre de l'intérieur dans sa communication. J'ai quelquefois le sentiment qu'il s'agit plus de gyrophares que d'autre chose. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

    Mme Sylvia Bassot. C'est facile !
    Mme Christine Boutin. Ce n'est pas de votre niveau !
    M. Gérard Hamel et M. Gérard Léonard. Pas ça ! Pas vous !
    M. Daniel Vaillant. J'ai le sentiment, et vous l'avez dit vous-même à la commission, que les opérations de Dammarie-les-Lys, de Meudon ou de Metz n'ont pas permis de retenir dans les mailles de vos filets les caïds que vous attendiez.
    M. Jean-Claude Mignon. C'est faux ! Vous êtes mal informé !
    M. Daniel Vaillant. Je pense qu'il faut de la discrétion, de l'efficacité et un partenariat entre police et justice. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Gérard Léonard. Ils vont nous donner des leçons !
    M. Jean-Claude Mignon. Il y a deux mois, ils étaient aux responsabilités !
    Mme la présidente. Monsieur Vaillant, je vous invite à conclure !
    M. Daniel Vaillant. En conclusion, la lutte contre l'insécurité est affichée comme une priorité majeure, nous sommes d'accord, évidemment. Bien sûr, je ne peux qu'approuver l'abondement des moyens : nous les avions prévus.
    M. Gérard Hamel. Ben voyons !
    M. Daniel Vaillant. Mais, vous le comprendez, nous jugerons aux actes.
    M. Gérard Léonard. Les Français ont jugé pour vous !
    M. Thierry Mariani. Ils vous ont déjà jugés !
    M. Daniel Vaillant. Nous avons fait des efforts importants en 2002, vous devriez vous le rappeler, et, bien évidemment, nous veillerons à ce que la loi normative de l'automne soit conforme aux engagements pris.
    Il s'agira d'exercer notre vigilance lors de l'examen de la loi de finances ou de la loi de finances rectificative. Nous ne voulons pas, vous le comprendrez, vous signer un chèque en blanc, échaudés que nous sommes par le précédent de la LOPS, restée lettre morte sur les étagères du gouvernement de M. Juppé.
    M. Gérard Léonard. Vous exagérez !
    Mme la présidente. Monsieur Vaillant !
    M. Daniel Vaillant. Nous sommes réservés sur certains dispositifs. Nous nous inquiétons de l'influence de la droite de votre droite, qui pourra s'exercer, on l'a bien vu tout au long de cette discussion et notamment à propos des polices municipales.
    M. Yves Bur et M. Gérard Léonard. Procès d'intention !
    M. Daniel Vaillant. Nous sommes certes dans l'opposition, mais nous ne ferons jamais, monsieur le ministre de l'intérieur, monsieur le Premier ministre, comme les élus de droite, de la majorité d'aujourd'hui, qui ont voté contre la loi relative à la sécurité quotidienne, c'est-à-dire contre la sécurité des Français (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
    M. Thierry Mariani. Il n'y avait rien pour la sécurité !
    M. Daniel Vaillant. ... et, un trait d'humour, en même temps d'ailleurs que M. Noël Mamère.
    Mme la présidente. Monsieur Vaillant, votre conclusion.
    M. Daniel Vaillant. Nous attendons de voir quel sort sera réservé à nos amendements, quelle réponse vous apporterez à nos questions. Comme Julien Dray, je réaffirme que nous aurons sur ce problème majeur de la lutte contre l'insécurité une position responsable.
    M. Gérard Léonard. Ce n'est pas le même discours !
    M. Daniel Vaillant. En effet, nous voulons une France sûre, une France juste. Mais nous pensons, nous, que, pour avoir une France plus sûre, il faut une France plus juste.
    Pour atteindre ces objectifs, il ne suffit pas de s'appuyer sur la seule police et la seule gendarmerie nationale. Ce serait injuste de demander tout aux femmes et aux hommes qui se dévouent à la cause du droit, de notre liberté et de notre tranquillité.
    M. Jean-Claude Mignon. Verbiage !
    M. Daniel Vaillant. Je profite de ces instants pour leur rendre à nouveau hommage.
    M. Thierry Mariani. Vous les avez mis dans la rue !
    M. Daniel Vaillant. Encore une fois, monsieur le ministre, nous jugerons sur les actes, mais nous serons une opposition responsable et constructive. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Claude Mignon. Nous verrons !
    M. Thierry Mariani. C'était un grand moment d'amnésie.
    Mme la présidente. La parole est à M. Rudy Salles.
    M. Rudy Salles. Madame la présidente, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord me féliciter que nous nous retrouvions dans cet hémicycle dès aujourd'hui pour discuter d'un projet de loi d'orientation sur la sécurité intérieure.
    Il y a en effet tout juste un mois, la campagne électorale s'achevait. Nous sortions d'un long débat avec nos concitoyens, qui nous répétaient inlassablement dans toutes les communes, dans tous les quartiers, qu'il n'y avait pas de sujet plus urgent à traiter que celui de la sécurité.
    Avec une augmentation de 40 % des faits constatés par la police et la gendarmerie depuis 1981, avec le franchissement de la barre des 4 millions de crimes et délits en 2001, monsieur Vaillant, il n'est pas besoin d'expliquer quel était l'état des lieux.
    C'est pourquoi votre projet de loi, monsieur le ministre, était non seulement opportun, mais très attendu par nous, mais aussi et surtout par nos concitoyens.
    Avec un effort financier considérable de 5,6 milliards d'euros sur cinq ans et le recrutement de 13 500 emplois supplémentaires, ce texte démontre, s'il en était besoin, que la lutte contre l'insécurité dans notre pays est désormais la priorité du Gouvernement.
    Ne voulant pas faire une analyse du texte qui a déjà été largement opérée par les orateurs précédents, je voudrais attirer votre attention sur quelques réflexions visant à participer au débat que vous avez souhaité, et donc à enrichir ce texte.
    Les parlementaires sont confrontés très souvent aux problèmes d'insécurité dans leur circonscription. Ils sont le lien entre la population, les élus locaux et l'Etat. Malheureusement, ils ne participent à aucun organe opérationnel ni même informatif. Leur seule source d'information est souvent la presse, comme tous leurs concitoyens.
    Heureusement, depuis votre prise de fonction, vous avez annoncé que, désormais, les statistiques de la délinquance dans notre pays seraient publiées tous les mois alors que, jusqu'à présent, nous ne disposions même pas, lors de la discussion du budget au mois de novembre, des chiffres concernant les premiers mois de l'année en cours. C'est donc une bonne nouvelle mais il faut aller plus loin. C'est pourquoi, je souhaiterais que les parlementaires puissent avoir un lien organique avec les conférences départementales de sécurité, de façon à pouvoir disposer des informations relatives à la sécurité dans leurs propres départements.
    Par ailleurs, vous envisagez d'accroître la coopération européenne et internationale en matière de sécurité intérieure et vous avez parfaitement raison.
    Votre texte fait allusion à la lutte contre le terrorisme, le crime organisé et le blanchiment, les filières criminelles qui exploitent les candidats à l'immigration clandestine qui sont des phénomènes transnationaux. Je pense qu'il faut absolument y inclure la lutte contre les réseaux de prostitution, de proxénétisme qui connaissent actuellement un développement considérable dans les grandes villes et à Nice en particulier, qui mettent au rang d'esclaves des milliers de jeunes femmes provenant souvent des pays d'Europe de l'Est. Vous avez prévu des mesures pour lutter contre le racolage, c'est-à-dire une fois que la prostitution est déclarée dans notre pays ; la coopération internationale, en la matière, permettrait de contribuer à tarir les sources.
    Concernant la police de proximité, cette nouvelle loi va permettre d'associer davantage les maires en matière de prévention. Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu'il faudra là aussi aller plus loin en confiant une coresponsabilité aux maires, voire, ultérieurement, aux présidents des intercommunalités, avec l'Etat pour diriger la police de proximité. En effet, les élus locaux sont ceux qui sentent le mieux les problèmes qui se posent sur leur territoire. D'ailleurs, pendant la campagne des élections municipales, j'ai été frappé de voir tous les candidats, de droite comme de gauche, proposer à leurs concitoyens plus de sécurité dans leurs communes, alos qu'ils savaient pertinemment qu'ils n'avaient aucun moyen juridique pour y parvenir.
    L'Etat peut seul assurer la sécurité du territoire national ou encore lutter contre le terrorisme, le grand banditisme et tout ce qui dépasse le cadre local, mais les collectivités locales et demain intercommunales, associées à l'Etat, pourraient probablement faire mieux que l'Etat tout seul, pour tout ce qui touche en tout cas à la proximité.
    On peut se demander si, dans le cadre de l'expérimentation, on ne pourrait pas envisager une territorialisation de la police de proximité dans quelques communes puis généraliser ensuite ce système s'il se révélait concluant.
    Un autre sujet nous préoccupe, c'est la délinquance routière. Avec près de 8 000 morts sur les routes, la Fance fait deux fois plus mal que la Grande-Bretagne, qui, pourtant, compte une population équivalente à la nôtre.
    Je propose, pour limiter les accidents chez les jeunes conducteurs, que des mesures dissuasives soient instaurées, comme la période probatoire de deux ans pour le permis de conduire. Pendant cette période, un conducteur ayant commis une infraction d'une particulière gravité verrait son permis de conduire annulé. Une telle mesure irait, me semble-t-il, dans le droit-fil des préoccupations exprimées dimanche dernier par M. le président de la République.
    Enfin, votre texte envisage un redéploiement des personnels de la police et de la gendarmerie pour leur confier essentiellement des missions relatives à la sécurité. Dans ce cadre, je vous propose qu'un certain nombre de fonctions administratives, comme l'établissement des procurations à l'approche des élections, soient transférées aux communes, sous le contrôle du préfet et du juge des élections.
    Telles sont les quelques réflexions que je voulais faire avant de passer à l'examen plus approfondi de ce texte dans le cadre des amendements. Je veux terminer en vous félicitant de vos premières annonces et actions et surtout de votre engagement pour que ces orientations soient suivies de textes plus techniques dès l'automne. C'est là un calendrier précis sur lequel vous vous êtes engagé. Nous vous en remercions et nous prenons date à notre tour pour travailler sur ces propositions dès que possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. )
    Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Mariani.
    M. Thierry Mariani. Monsieur le ministre, vous vous étiez engagé à mener une lutte implacable contre l'insécurité, et, très vite, chacun a pu constater que vos actes étaient à la hauteur de vos déclarations.
    Face à l'urgence, vous avez pris des mesures immédiates pour enrayer l'explosion de l'insécurité, mais vous donnez également à la France, pour aujourd'hui comme pour demain, avec ce projet de loi, une politique moderne, ambitieuse et efficace.
    La création du Conseil de sécurité intérieure, l'instauration des groupements d'intervention régionaux et l'équipement des policiers en armes de dissuasion ont été les premiers signes forts de votre détermination, qui trouve aujourd'hui sa traduction dans ce projet de loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure.
    Enfin, mes chers collègues, pour la première fois depuis cinq ans, les Français se voient proposer un projet de loi venant en réponse à leur attente, et vous me permettrez d'avoir quelques souvenirs, monsieur Vaillant. Des lois ambitieuses ? Moi, j'ai le souvenir, comme un certain nombre de personnes dans cet hémicycle, d'une loi censée s'attaquer au problème de la sécurité quotidienne. Que contenait-elle ? Un chapitre sur les chiens dangereux, un chapitre sur les adjoints de sécurité et un chapitre sur le contrôle dans les trains. C'était tout !
    M. Daniel Vaillant. Et les cartes bancaires ? Et les rave parties ?
    M. Thierry Mariani. Il a fallu attendre le 11 septembre pour que vous vous décidiez enfin, lors d'une deuxième lecture, à prendre quelques véritables mesures. Ainsi, le rétablissement des contrôles de sécurité dans les voitures ! Mais si cette fouille avait été interdite, c'était à la suite d'un recours au Conseil constitutionnel, que vous avez signé, empêchant la majorité de l'époque de prendre une telle mesure et faisant perdre à la France une dizaine d'années.
    M. Daniel Vaillant. Il s'agissait alors de garantir le droit de manifestation !
    M. Jérôme Lambert. Il faut tout de même respecter la Constitution !
    M. Thierry Mariani. Alors, messieurs de gauche, pitié, on a eu droit il y a quelques minutes à un beau numéro nous prouvant que le socialisme est toujours une belle utopie, mais en tout cas pour les Français, pendant les cinq années qui viennent de s'écouler, monsieur Vaillant, l'insécurité était vraiment au rendez-vous, et vous en étiez l'un des responsables, et le vide de votre politique a été sanctionné il y a quelques mois. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Louis Idiart. Seulement 19,6 % pour Chirac. Soyez plus modestes !
    M. Thierry Mariani. Enfin, monsieur Vaillant, je croyais qu'il existait une tradition, mais après tout les traditions sont faites pour changer...
    Mme la présidente. Monsieur Mariani, revenez à votre texte.
    M. Thierry Mariani. Je parle de la sécurité, madame la présidente.
    Il existait jusqu'à présent, disais-je, une tradition selon laquelle un ministre ayant cessé ses fonctions n'intervenait pas immédiatement sur les projets de son successeur. Je me souviens que Jean-Louis Debré avait eu la courtoisie d'attendre un an ou deux.
    M. Alain Néri. Parce qu'il n'avait rien à dire !
    M. Thierry Mariani. Je constate que certains n'ont même pas la courtoisie... Dix ou quinze jours après, vous vous sentez obligé d'intervenir et de juger.
    Bref, pendant cinq ans, rien !
    Enfin, pour la première fois depuis la loi de programmation de 1995, la sécurité, sous l'impulsion du Président de la République et du Premier ministre et sous votre impulsion, monsieur le ministre, est hissée au rang de priorité.
    C'est dire, mes chers collègues, l'inconséquence, que dis-je, l'inconscience, l'irresponsabilité de nos prédécesseurs qui ont fait de la politique de l'autruche leur matière de prédilection, assistant les bras ballants à l'explosion de la délinquance et jetant l'anathème sur tous ceux qui, parmi nous, osaient en parler à l'époque.
    Aux yeux des socialistes, nous faisions une crise de paranoïa aiguë. Pour eux, l'insécurité n'était pas une réalité, mais un sentiment vague, diffus, infondé, vaporeux. Nous étions les seuls coupables et, à force de parler d'insécurité, nous étions devenus peu fréquentables.
    M. Daniel Vaillant. Oh !
    M. Thierry Mariani. Une fois de plus, l'idéologie aura aveuglé la gauche, en s'interposant entre la réalité et la politique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme Christine Boutin. Il a raison !
    M. Thierry Mariani. D'ailleurs, fallait-il être aveugle pour ignorer à ce point l'explosion de la délinquance ? Monsieur le ministre, vous l'avez rappelé, elle a augmenté de 16 % entre 1997 et 2002, et l'on a constaté plus de 4 millions de crimes et délits en 2001. Tel est le bilan désastreux auquel nous a conduits l'angélisme béat de la gauche, qui, aujourd'hui encore, ose prétendre que notre démarche est sécuritaire et électoraliste.
    Rompant avec ce verbiage, votre démarche, monsieur le ministre, à laquelle nous adhérons pleinement, se veut avant tout déterminée et réaliste. Contrairement aux socialistes, qui se sont contentés de mesurettes de circonstance et de textes qui n'avaient de sécurité que le nom, vous appréhendez la problématique de la sécurité dans sa globalité et, pour la première fois, vous l'ancrez dans le temps.
    En effet, à travers cette loi de programmation, vous donnez à la France les moyens d'une réaction ferme et rapide, et vous repensez en même temps la politique de lutte contre l'insécurité en tenant compte des multiples facettes de la délinquance et, surtout, en prenant en compte tous les acteurs et les différentes institutions qui participent à sa mise en oeuvre.
    M. Gaëtan Gorce. Caricature !
    M. Thierry Mariani. Nous avons pourtant pu lire et entendre, dans la presse et lors des auditions de ces derniers jours, des critiques selon lesquelles la démarche de la majorité serait dénuée de tout humanisme et consisterait en fait à s'attaquer aux plus faibles. Il y a quelques instants encore, nous entendions une élue de l'opposition parlet de projet liberticide.
    Au-delà de votre vision réductrice et caricaturale qui élude les trois quarts de ce projet de loi, au-delà de vos discours grandiloquents, mesdames et messieurs les représentants de la majorité d'hier, demandez à nos concitoyens de quel côté se trouvent l'humanisme et la liberté.
    M. Jean-Louis Idiart. Occupez-vous de vos affaires !
    M. Thierry Mariani. L'humanisme : est-ce cet atavisme qui caractérise si bien la gauche et qui consiste à expliquer que des délinquants, dont les actes délictueux sont dictés par la révolte que leur inspirent les injustices de ce monde, sont finalement les véritables victimes de la société ?
    M. Daniel Vaillant et M. Jean-Claude Viollet. Non !
    M. Thierry Mariani. Que des conditions de vie précaires favorisent la déviance de certains, nous sommes tous d'accord pour le reconnaître. Mais l'explication doit-elle pour autant équivaloir à une absolution, comme vous l'avez cru pendant des années ? Certainement pas.
    Expliquer en vue de rechercher une réponse adaptée, soit. Mais expliquer pour disculper et excuser comme vous l'avez fait depuis 1997, cela n'est même pas concevable.
    M. Daniel Vaillant. Ce n'est pas vrai !
    M. Thierry Mariani. Ce n'est pas parce que la société va mal que cela donne le droit de saccager, de brûler ou de voler. Est-ce cela la liberté ?
    M. Patrick Braouezec. Personne n'a dit cela !
    M. Thierry Mariani. Laisser se développer un tel état d'esprit, cela n'a rien à voir avec l'humanisme, mais cela reflète bien le laxisme et la démission dont a fait preuve la gauche face à la montée de l'insécurité.
    M. Bernard Roman. Il a fait fuir Raffarin !
    M. Thierry Mariani. Il faut garantir nos libertés individuelles, préserver notre jeunesse des ravages provoqués par les trafics de drogues, protéger les plus faibles des abîmes de la prostitution et du proxénétisme, protéger les biens de tous ceux, quels qu'ils soient, qui ont travaillé durement pour les acquérir, et surtout protéger leur vie, et c'est pourquoi nous approuvons et soutenons sans réserve ce projet de loi.
    Christian Estrosi l'a clairement montré dans son rapport, c'est un texte complet, qui aborde la sécurité dans ses différents aspects et, je le répète, entend s'inscrire dans la durée. Il s'attaque à toutes les formes de délinquance et de violence, qu'il s'agisse de crimes et délits, du terrorisme, de l'insécurité routière ou des sources avérées de délinquance, comme l'immigration clandestine, qui, pendant des années, fut également un sujet tabou, et dont il était temps de parler.
    Ce texte apporte des réponses et des moyens adaptés à chaque situation, pour permettre un recul durable de l'insécurité. Réorganisation des instances et des forces de sécurité, afin de les rendre plus opérationnelles et de mieux cibler leurs missions ; rénovation de leur cadre de compétences afin de permettre une lutte plus efficace contre certaines formes de criminalité et de délinquance ; renforcement et modernisation de leurs moyens d'action judiciaires, techniques, scientifiques, humains et matériels ; prise en considération des évolutions démographiques et des nouveaux espaces de développement de la délinquance : dans tous ces domaines, le projet de loi marque une étape décisive. Il affirme enfin la détermination de l'Etat à conduire une politique globale et fixe un cadre cohérent à l'action gouvernementale et aux mesures normatives qui en découleront dès l'automne.
    A travers une mobilisation des crédits budgétaires sans précédent, vous avez également, monsieur le ministre, mesuré l'ampleur du malaise des policiers et des gendarmes qui sont la clé de voûte du dispositif de lutte contre l'insécurité.
    Prévention et répression ne sont pas exclusives l'une de l'autre. Elles sont deux aspects complémentaires de la résorption de l'insécurité, à condition qu'elles s'équilibrent. Vous l'avez d'ailleurs souligné à plusieurs reprises, monsieur le ministre, la prévention existe, nous ne saurions nier son bien-fondé, et elle doit être poursuivie. Elle figure d'ailleurs dans ce projet de loi, qui prend en compte la nécessaire dimension de la prévention et de l'insertion sociale. Pour autant, la prévention ne suffit pas à empêcher le développement de comportements déviants ou criminels, et rend donc, hélas, la sanction nécessaire et salutaire.
    La vie en société a ses règles. Ce sont elles qui, en nous protégeant de toutes les formes d'excès, permettent la régulation pacifique des relations humaines et sociales, l'expression de nos libertés et l'exercice de nos droits. Nous avons donc le devoir de faire respecter nos règles et nos lois, et de les réformer, si nécessaire, en donnant à notre pays des moyens à la hauteur de l'enjeu. C'est pourquoi nous avons été élus. C'est pourquoi nous nous félicitons que le Gouvernement prenne ce problème à bras-le-corps.
    Monsieur le ministre, vous avez déclaré que « Pas un seul centimètre carré de la République ne devait pouvoir être considéré comme une zone de non-droit. » Sachez-le, vous pouvez compter sur notre indéfectible soutien pour atteindre cet objectif. Votre projet de loi y concourt. Il répond aux préoccupations de l'immense majorité des Français. Nous y souscrivons pleinement. Il est la seule voie possible pour faire en sorte que nos concitoyens aient de nouveau confiance dans leurs institutions et dans la capacité de l'Etat à garantir leur sécurité et leurs libertés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. C'est parfait, monsieur Mariani, vous avez respecté votre temps de parole.
    La parole est à M. Jean-Paul Dupré.
    M. Jean-Paul Dupré. Madame la présidente, monsieur le ministre de l'intérieur, mes chers collègues, s'il est un dossier qui intéresse nos concitoyens, c'est bien celui de la sécurité intérieure. Il n'est pas besoin d'enquête d'opinion pour s'en convaincre. Cette question est revenue de manière récurrente à l'occasion des dernières campagnes électorales.
    Mais, aujourd'hui, l'heure n'est plus aux discours ni aux déclarations d'intention. Des réponses adaptées à une délinquance toujours plus complexe, mouvante et, pour une part, violente, doivent être apportées. Pour être crédibles, ces réponses doivent présenter un caractère global afin de permettre la mobilisation de tous, tant en aval du phénomène, au niveau de la répression, qu'en amont, au niveau de la prévention. Or cette vue d'ensemble fait cruellement défaut au texte qui nous est présenté aujourd'hui.
    La lutte contre l'insécurité doit donc être l'affaire de tous, celle de l'Etat, bien sûr, à travers ses services, mais aussi celle des collectivités locales, de l'école, du monde associatif, des éducateurs et des familles. Il convient donc, monsieur le ministre, de mobiliser toutes les énergies, et partout, car il apparaît trop clairement, dans le texte que vous nous proposez, que l'on veut privilégier les zones urbaines, au détriment des zones rurales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Allons donc !
    M. Jean-Paul Dupré. Vous le comprendrez, je suis élu d'une de ces zones rurales.
    M. Hervé Novelli. Vous n'êtes pas le seul !
    M. Jean-Paul Dupré. Et, pour reprendre les propos de M. Gérard Léonard, je dirai qu'il ne faudrait pas déshabiller Pierre pour habiller Paul.
    Vous avez dit, monsieur le ministre, que vous vouliez que la peur change de camp. Telle est aussi la volonté de chacun de nous.
    M. Jérôme Lambert. Il veut « terroriser les terroristes » !
    M. Jean-Paul Dupré. Mais, ce dont nous ne voulons pas, c'est que la peur s'installe durablement dans nos campagnes, en milieu rural.
    M. Hervé Novelli. C'était pourtant le cas avec vous !
    M. Jean-Paul Dupré. Car ce que nous propose en fait le Gouvernement, c'est le déménagement de la délinquance. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean Leonetti. Quelle mauvaise foi, ce n'est pas possible !
    M. Jean-Paul Dupré. L'éradication de la délinquance des zones de non-droit en milieu urbain ne doit pas avoir pour corollaire son déplacement vers les zones rurales.
    M. Jean Leonetti. C'est déjà fait !
    M. Jean-Paul Dupré. Veut-on vouer certaines zones reculées du territoire à la culture extensive du cannabis ? Je ne pense pas que ce soit le souhait de qui que ce soit dans cet hémicycle. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Christian Estrosi, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Si, il y en a !
    M. Jean-Paul Dupré. La loi du 21 janvier 1995, d'orientation et de programmation, relative à la sécurité, posait déjà les jalons de cette partition du territoire, comme s'il existait deux France, celle des villes et celle des champs, chacune indifférente au sort de l'autre. Le texte qui nous est proposé ressemble à s'y méprendre à son prédécesseur, et nous avons tout lieu de craindre qu'il n'annonce, lui aussi, des lendemains douloureux. Que nous dit-on en effet ? « Une répartition plus rationnelle sera recherchée entre les zones de compétences de la police nationale et de la gendarmerie nationale. » Quelles intentions précises se cachent derrière ces mots ? Veut-on signer ici la mort des commissariats de police des petites villes, ce qui serait une terrible erreur à l'heure où la mise en oeuvre de la police de proximité commence à porter ses fruits ?
    M. Thierry Mariani. C'est laborieux !
    M. Jean-Paul Dupré. On nous dit par ailleurs que, « dans la zone de gendarmerie, le maillage territorial, confirmé dans son principe, pourra toutefois faire l'objet d'adaptations locales afin d'optimiser l'offre de sécurité ». Cela ne revient-il pas à dire que des brigades de gendarmerie sont appelées à disparaître et qu'une partie de nos concitoyens sera ainsi privée de la présence active de forces de sécurité ?
    M. Hervé Mariton. Ce n'est pas vrai !
    M. Jean-Paul Dupré. Dois-je rappeler ici, monsieur le ministre, que la gendarmerie est, pour les élus ruraux, un partenaire privilégié qui a notamment pour mission de les assister dans leur responsabilité de police municipale ?
    M. Thierry Mariani. Vous avez mis les gendarmes dans la rue !
    M. Jean-Louis Idiart. Et où est passé le directeur de la gendarmerie ? Il est devenu directeur du cabinet du Premier ministre !
    M. Jean-Paul Dupré. Dois-je rappeler que la présence dissuasive des gendarmes, de jour comme de nuit, constitue l'une des formes les plus efficaces de prévention de la criminalité et de la délinquance ?
    M. Thierry Mariani. Ils étaient dans la rue, les gendarmes !
    M. Jean-Paul Dupré. Dois-je rappeler que la gendarmerie protège 50 % de la population sur 95 % du territoire national, et que le maillage actuel, héritier d'une tradition séculaire, enracine fortement la gendarmerie dans ce même territoire ?
    Dois-je rappeler enfin que, malgré la compétence et le professionnalisme de ces militaires, nous sommes confrontés à une explosion de la délinquance en zones de gendarmerie,...
    M. Hervé Novelli. Il serait temps de s'en apercevoir !
    M. Jean-Paul Dupré. ... avec des hausses supérieures à 20 % dans certains endroits ?
    M. Thierry Mariani. Vous les avez désespérés !
    M. Jean-Louis Idiart. Qu'est devenu le directeur de la gendarmerie ?
    M. Jean-Paul Dupré. A peine installé, le Gouvernement donne déjà le sentiment d'être coupé des réalités. Entend-il le monde rural ? Entend-il les élus du monde rural ? Entend-il ces gendarmes et policiers qui vivent et travaillent dans les zones rurales ? Entend-il les acteurs du monde associatif et éducatif ? Pour ma part, récemment encore, en visitant les 253 communes de ma circonscription, j'ai pu les entendre, j'ai pu m'entretenir avec eux.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Nous aussi !
    M. Jean-Paul Dupré. J'ai entendu l'angoisse et la peur qui étreignent nos concitoyens.
    Mme la présidente. Mon cher collègue, je vous invite à conclure.
    M. Jean-Paul Dupré. J'ai entendu une grande lassitude et une grande exaspération face à la montée de la délinquance, mais aussi face aux menaces que font peser sur l'avenir de nos services publics les intentions, affichées par M. le Premier ministre, de réduire le nombre de fonctionnaires.
    M. Hervé Novelli. Pas dans la gendarmerie ! Dans ce domaine, on crée des emplois !
    M. Jean-Paul Dupré. Ces propos ne laissent d'ailleurs pas de surprendre quand on entend le chef du Gouvernement souligner la nécessité de concentrer nos forces là où les besoins sont essentiels. Les ruraux demandent une véritable égalité de traitement dans l'accès au service public. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Ils demandent que l'Etat assume pleinement ses missions régaliennes, notamment en matière de sécurité, et que l'offre de sécurité soit la même pour tous, en tout point du territoire. En d'autres termes, et pour conclure, ce que les ruraux veulent nous dire aujourd'hui, c'est : monsieur le ministre, laissez-nous nos commissariats, laissez-nous nos gendarmeries.
    M. Jean Leonetti. Ne touchez à rien ! Ne changez rien ! Tout va bien !
    M. Jean-Paul Dupré. Nos concitoyens nous ont adressé un signal fort le 21 avril. Ne les décevons pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean Leonetti.
    M. Jean Leonetti. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour ne pas dépasser le temps qui m'est imparti, je me contenterai de parler de la méthode choisie par le Gouvernement dans ce domaine essentiel qu'est la sécurité. Car elle nous semble novatrice et en rupture avec les habitudes antérieures.
    Monsieur le ministre, vous avez commencé par définir des objectifs clairs : faire reculer la délinquance dans un cadre qui s'inscrit dans une volonté politique de faire simplement respecter la règle et la loi. Cet objectif républicain est aussi, de toute évidence, une défense de nos valeurs. « Sitôt qu'on peut désobéir impunément on le peut légitimement. » Ainsi parlait Rousseau qui, nous le voyons, n'était pas obligatoirement inspirateur de philosophies laxistes. Ne pas sanctionner celui qui enfreint la loi, c'est affaiblir la loi, et affaiblir la loi, c'est affaiblir la République.
    Cette loi d'orientation est aussi une loi de programmation qui décrit avec clarté les moyens techniques, humains, juridiques nécessaires pour la mettre en place. A ce propos, il me semble que l'originalité de la démarche apparaît moins dans les moyens pourtant considérables consacrés à la sécurité que dans la nécessaire mise en place de la réforme de nos structures pour mieux utiliser les moyens disponibles. Utiliser plus de moyens, telles sont, de toute évidence, les conditions nécessaires à la réussite de notre entreprise.
    Coordonner, moderniser les outils, former le personnel, autant d'exigences que rappelle le projet de loi. Cela implique quelquefois des changements radicaux dans les organisations et dans les habitudes des hommes.
    Les moyens dépendent des finances, les réformes de la volonté et du courage de ceux qui les entreprennent. C'est indubitablement un effort important que nous allons demander à ceux qui effectuent la difficile tâche du maintien de l'ordre. Mais cette exigence, monsieur le ministre, est largement compensée par les moyens exceptionnels mis à leur disposition, qui témoignent du respect que nous éprouvons pour eux-mêmes et pour leurs fonctions.
    Enfin, ce texte met en évidence - c'est aussi une innovation - une responsabilisation des acteurs, et il témoigne d'une volonté d'évaluer régulièrement les actions engagées. Ces deux axes constituent également une modification notable des comportements en matière d'action publique. Cette culture de la responsabilité aboutit à une obligation de résultats appliquée déjà à des services publics comme la santé. Il est légitime que cette culture puisse s'appliquer aussi à la sécurité, qui est un droit fondamental.
    Permettez-moi - bien que ce ne soit pas tout à fait le propos de la loi - de rappeler que l'ensemble du système de prévention qui est en place dans notre pays n'est soumis à aucune évaluation. Des actions quelquefois onéreuses sont engagées sans que l'on sache si elles sont fondées et si elles peuvent obtenir des résultats à court, moyen ou long terme.
    M. Hervé Novelli. C'est vrai !
    M. Jean Leonetti. Enfin, débarrassé des idéologies, laxiste ou sécuritaire, c'est une approche pragmatique que vous nous proposez pour aborder le problème de la sécurité avec sérénité et lucidité, essentiellement guidé par le souci de l'ordre républicain pour tous. Cette approche répond bien évidemment aux besoins de transparence et à l'exigence de résultats sur lesquels, nous le savons, nous serons tous jugés.
    J'ai entendu dire que cette loi ne serait pas suffisante. C'est vrai, elle ne le sera pas. Il n'a échappé à personne qu'un autre projet de loi sera présenté par M. le garde des sceaux dans peu de temps, ce qui prouve bien que les deux domaines de la justice et de la police sont prioritaires, à la fois distincts et complémentaires.
    Cette loi - et Julien Dray avait raison de le rappeler - ne suffira d'ailleurs pas à faire reculer l'insécurité et l'impunité si nous ne sommes pas capables de restaurer dans notre société les repères et les valeurs qui se sont progressivement effacés. Ce n'est pas parce qu'elle n'est pas suffisante qu'elle n'est pas nécessaire, et je dirais même indispensable, car elle constitue le préalable aux autres actions.
    Aborder les problèmes avec le souci exigeant de trouver des solutions et d'obtenir des résultats, voilà qui nous change des lois d'affichage dont le titre était quelquefois ambitieux, mais dont le contenu était modeste et à la mise en oeuvre desquelles on allouait de trop faibles moyens, rapidement engloutis dans la réduction du temps de travail.
    Aborder avec clairvoyance et lucidité des problèmes comme ceux que posent l'immigration, la drogue, le terrorisme, la violence cachée et subie par nombre des écoliers dans l'enceinte même de l'école, pourtant chargée de faire de nos enfants des citoyens, chercher des solutions républicaines et justes, voilà qui nous change des sujets tabous trop longtemps évités et réservés à l'exploitation des extrêmes.
    Aborder les problèmes sous l'angle du dialogue, sans se méfier des maires, en relançant le partenariat avec les principaux acteurs de notre société, comme la justice, la police et l'éducation nationale, voilà qui nous change d'un Etat impuissant replié sur ses prérogatives et incapable d'assumer ses missions régaliennes.
    Aborder les problèmes en réclamant d'être jugé sur les résultats, c'est une attitude de courage qui nous change des irresponsabilités collectives, des droits d'inventaire, des échecs niés et des naïvetés avouées.
    M. Jean-Pierre Blazy. Que d'excès !
    Mme la présidente. Je vous invite à conclure, monsieur Leonetti.
    M. Jean Leonetti. En conclusion, monsieur le ministre, nous soutiendrons cette loi car nous pensons qu'elle propose des solutions immédiatement efficaces pour la sécurité de nos concitoyens et qu'elle reprend tous les engagements électoraux clairement affirmés, ce dont nous vous sommes reconnaissants.
    Nous soutiendrons aussi cette loi avec conviction car, sans prétendre résoudre tous les problèmes de notre société, elle témoigne d'une volonté déterminée et affirme une façon nouvelle et courageuse de faire de la politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Lambert.
    M. Jérôme Lambert. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'occasion d'une intervention à l'Assemblée nationale, le mercredi 24 octobre 2001, Gilles de Robien, actuel ministre de l'équipement et des transports, avait questionné le Gouvernement en ces termes : « Il y a déjà plus de trois ans, un rapport parlementaire de M. Hyest et de M. Carraz avait dénoncé les incohérences de la répartition des forces de l'ordre sur notre territoire. Etes-vous prêt à rétablir une juste répartition pour que les citoyens bénéficient d'une protection policière égale où qu'ils vivent ? »
    Monsieur le ministre, aujourd'hui, vous exercez les responsabilités du Gouvernement et votre projet de loi énonce clairement l'objectif de « parvenir à un redéploiement rationnel et équilibré, d'une part, entre les zones de compétence de la police nationale et de la gendarmerie nationale, d'autre part, au sein même de celles-ci ». Aujourd'hui, vous prenez donc clairement le parti du redéploiement auquel le précédent gouvernement avait dû renoncer faute d'un consensus sur ce point, en particulier dans les zones rurales. Les conditions auxquelles vous allez vous heurter sont-elles tellement différentes aujourd'hui ? Je ne le crois pas.
    Certes, vous prenez quelques précautions de langage, assurant la semaine dernière, devant la commission des lois, que les gendarmes resteront tous logés là où ils se trouvent actuellement. Mais votre discours n'est pas très clair vis-à-vis des populations rurales. Vous indiquez seulement dans l'annexe du projet : « Dans la zone de gendarmerie, le maillage territorial, confirmé dans son principe, pourra toutefois faire l'objet d'adaptations locales. » Monsieur le ministre, quel est véritablement votre plan ? A terme, combien de gendarmeries avez-vous l'intention, à tort ou à raison, de fermer ? Qui croire ? Le ministre qui, en commission, assure que les gendarmes resteront vivre sur place partout où ils sont aujourd'hui, ou le ministre qui annonce dans son projet l'adaptation du maillage territorial ?
    M. Bernard Roman. Eh oui !
    M. Jérôme Lambert. Votre proposition de « communauté de brigades » pose aussi un certain nombre de questions auxquelles la population, les élus et les gendarmes eux-mêmes aimeraient obtenir des réponses.
    Tout d'abord, nous le savons tous, cela fait déjà de nombreuses années que les brigades, par deux, parfois trois ou plus, travaillent ensemble pour assurer la permanence de la présence sur le terrain. Alors quelle est la réalité du changement que vous préconisez ?
    A travers la communauté de gendarmeries que vous proposez, c'est une remise en cause profonde de l'organisation des brigades territoriales que vous vous apprêtez à réaliser.
    En effet, chaque territoire rural est aujourd'hui rattaché à sa brigade et le chef de brigade est le véritable responsable de la gendarmerie sur ce territoire. Bientôt, il n'exercera plus ce rôle, puisque chaque brigade sera mise sous le commandement direct d'un autre responsable, couvrant une communauté de brigades qui sera en charge des territoires de toutes les brigades préexistantes. La communauté de brigades impliquera, rapidement ou à terme, un lieu d'accueil unique pour le public, et l'accueil ne sera plus maintenu dans chaque gendarmerie, comme c'est actuellement le cas. A terme, beaucoup de gendarmeries rurales ne deviendront-elles pas uniquement des logements de gendarmes ?
    M. Thierry Mariani. Il y a longtemps que c'est le cas.
    M. Jérôme Lambert. Ces questions méritent d'être posées, car elles intéressent tous les ruraux qui vivent en secteur gendarmerie. Pouvez-vous, aujourd'hui, au moment où nous examinons votre projet de loi, nous apporter des réponses claires ?
    Nous savons le rôle que jouent dans nos campagnes les brigades locales de gendarmerie. Nous ne souhaitons pas qu'une organisation nouvelle, faisant grandir l'échelle de leur territoire, les éloigne de la réalité du terrain.
    Cette inquiétude, monsieur le ministre, existe, et il faut y répondre, car l'insécurité peut gagner aussi en raison de l'absence de liens et de connaissances sur le terrain.
    M. Jean-Louis Idiart. Très juste !
    M. Jérôme Lambert. L'instauration, dans chaque compagnie, d'une brigade d'enquête et de recherche s'avère indispensable, car ce travail requiert un professionnalisme et une disponibilité optimums dans ce domaine afin d'assurer la réussite des enquêtes. Encore faut-il que les gendarmes nommés dans le monde rural ne soient pas trop systématiquement des gendarmes adjoints, nouvellement engagés dans la gendarmerie. Ils y arrivent, certes, avec enthousiasme, mais quittent trop souvent le milieu rural après y avoir été formés, ce qui laisse toujours des trous dans le dispositif, les gendarmes en poste devant toujours faire face à un besoin de formation qui les prive d'une partie de leurs capacités opérationnelles.
    M. Jean-Marc Lefranc. C'est votre responsabilité !
    M. Jérôme Lambert. Enfin, je voudrais aussi attirer tout particulièrement votre attention sur un point de votre projet qui a fait l'objet, récemment encore, d'importants travaux du Parlement et pour lequel nous ne retrouvons ni l'esprit ni la lettre des conclusions sur lesquelles, pourtant, nous étions, unanimement, parvenus à nous mettre d'accord. Il s'agit de la douloureuse question des différentes formes d'esclavage moderne, en particulier celle qui aboutit à la prostitution de personnes travaillant sous la coupe de réseaux mafieux.
    Alain Vidalies, rapporteur de la mission d'information sur l'esclavage moderne présidée par Christine Lazerges, et moi-même, membre de cette mission, avons, tous deux, souligné, lors de l'examen en commission des lois, la nécessité de lutter contre les réseaux mafieux, en apportant toute l'aide nécessaire à leurs victimes.
    Mme la présidente. Je vous invite à conclure, mon cher collègue.
    M. Jérôme Lambert. Dans votre projet, au contraire, vous manifestez l'intention de vous en prendre aux victimes, et à elles seules, en les menaçant, sans autre forme de procès, de « mesures systématiques d'éloignement » ce qui ne les aidera en rien à échapper à leurs bourreaux. Ne ferions-nous pas mieux, comme le préconisait unanimement la mission d'information de l'Assemblée nationale, d'accompagner ces victimes pour qu'elles puissent nous aider à lutter contre leurs bourreaux et les réseaux mafieux ?
    L'éloignement préconisé par votre projet éloignera, certes, de nos yeux ces victimes et leur bien triste spectacle, mais ne réglera pas les problèmes humains, pour ne pas dire humanitaires.
    Mme la présidente. Monsieur Lambert, je vous prie de bien vouloir conclure.
    M. Jérôme Lambert. Je vais conclure, madame la présidente.
    Monsieur le ministre, nous sommes un peu loin, me semble-t-il, de la politique « humaniste » qui semble, pourtant, être celle recherchée par M. Raffarin.
    Tels sont, monsieur le ministre, les deux points, l'organisation des brigades de gendarmerie, et la lutte contre la forme d'esclavage que représente l'organisation de bon nombre de réseaux de prostitution, sur lesquels je souhaitais attirer votre attention, afin de rechercher, à travers le débat, des réponses mieux adaptées que celles proposées par votre projet.
    Dans ces domaines, comme dans beaucoup d'autres, c'est véritablement la recherche d'une politique équilibrée qui sera la condition d'une réussite que nous espérons tous, et pour laquelle nous avons déjà travaillé, face à toutes les difficultés auxquelles vous allez maintenant être véritablement confronté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Thierry Mariani. On a vu le résultat !
    Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.
    M. Marc Le Fur. Madame la présidente, monsieur le ministre, les militaires, et donc les gendarmes, ont de ces formules lapidaires qui, par leur précision, leur concision, leur clarté, résument une situation. Ils disent que, pour gagner une bataille, il faut un chef, une mission, des moyens.
    Le chef est clairement identifié. L'autorité qui vous revient, monsieur le ministre, est exactement proportionnelle à la responsabilité que vous acceptez d'assumer. Dans le domaine de la sécurité, le débat, la concertation, la consultation sont nécessaires. Mais vient un moment où il faut trancher, parfois dans l'urgence, dans l'épreuve, et assumer ses actes.
    Vous avez ce mérite d'assumer vos responsabilités. Vos collaborateurs sur le terrain qui, à leur échelle, sont confrontés aux mêmes problèmes, ressentent qu'ils sont dirigés. Cette autorité, et c'est là une évolution, s'exerce sur l'ensemble des forces de sécurité et notamment sur la gendarmerie. Les gendarmes conservent leur statut militaire, mais ils relèvent désormais de la même autorité politique que les policiers.
    Jamais un ministre de l'intérieur n'avait eu les moyens de coordonner l'ensemble de ces forces. Au XXe siècle, chaque République a eu son ministre de l'intérieur emblématique : Clemenceau sous la IIIe, Jules Moch sous la IVe, Raymond Marcellin sous la Ve, mais aucun d'entre eux ne dirigeait des forces de gendarmerie.
    M. Jean-Pierre Brard. Ce ne sont quand même pas les meilleurs ! Jules Moch...
    M. Marc Le Fur. Chacun pouvait se qualifier de premier flic de France, aucun ne pouvait se qualifier de premier gendarme de France. Ce dont je puis vous témoigner, c'est que cette évolution est accueillie avec enthousiasme dans les brigades, et en particulier par les chefs de brigade qui sont les éléments clés du dispositif.
    Un chef, une mission. La mission est claire : faire baisser la délinquance. Finis les faux-semblants sur le sentiment d'insécurité, sur la recherche des causes de l'insécurité ! Autant de débats intellectuels passionnants, mais autant d'éléments qui ont été utilisés pour justifier l'inaction, l'attentisme, voire l'angélisme ou encore la naïveté qui était revendiquée il y a de cela encore quelque temps par un Premier ministre. Nous sortons enfin de la société de l'excuse où il s'agissait d'excuser le délinquant pour ses actes et le responsable politique pour son inaction.
    M. Jean-Pierre Blazy. Oh, tout cela n'est pas sérieux !
    M. Marc Le Fur. La gauche a longtemps résumé les problèmes de l'insécurité au sentiment d'insécurité.
    M. Jean-Pierre Blazy. N'importe quoi !
    M. Marc Le Fur. Cette erreur de diagnostic a entraîné une erreur de traitement. Ainsi, la police de proximité, qui, en soi, n'était pas une idée absurde, a été construite pour rassurer le bourgeois au lieu de servir à inquiéter le voyou.
    M. Jean-Pierre Blazy. Oh !
    M. Marc Le Fur. On a ainsi fait patrouiller les policiers de jour, alors que les vrais besoins, en termes de présence policière, sont le soir et la nuit. On a trop souvent confondu le rôle du policier avec celui de l'animateur social, au risque de déprécier l'uniforme que portent les policiers et d'éroder l'autorité dont ils sont investis.
    Un chef, une mission, des moyens. Les effectifs sont là : 13 500 postes supplémentaires. Quelle évolution ! Rappelons-nous, voilà quelques mois, la seule réponse apportée en termes d'effectifs concernait les emplois-jeunes : adjoints de sécurité, gendarmes adjoints.
    M. Bernard Roman. Mais non !
    M. Marc Le Fur. Sans nier l'apport réel, concret, apprécié de ces emplois-jeunes, sachons dire que les métiers de la sécurité sont, dans notre société, des métiers extrêmement durs. Ils exigent un vrai profesionnalisme.
    M. Jean-Pierre Blazy. Taratata !
    M. Marc Le Fur. Ils exigent de la formation, de l'expérimentation. En fait, ils exigent du métier.
    Des moyens en hommes, des moyens en matériel, des moyens en équipement, des moyens juridiques. Monsieur le minitre, nous sommes bien conscients qu'il s'agit d'une loi d'orientation et que les moyens suivront à la rentrée, à l'automne.
    M. Jean-Pierre Blazy. Ah !
    M. Marc Le Fur. Ce qui me frappe, c'est qu'avant même que ces moyens n'arrivent, le temps de latence est nécessaire, les résultats sont là.
    M. Jean-Pierre Brard. Pourquoi des moyens, puisque les résultats sont là ? (Sourires.)
    M. Marc Le Fur. La baisse de la délinquance enregistrée en zone de police au mois de juin est déjà significative.
    M. Bernard Roman. Grâce à Vaillant.
    M. Marc Le Fur. Pourquoi ? Car, pour l'insécurité comme pour l'économie, le moteur principal est avant tout la confiance.
    M. Jean-Pierre Blazy. C'est formidable !
    M. Marc Le Fur. La confiance des policiers et des gendarmes, la confiance de ceux qui sont sur le terrain, qui se battent avec leurs moyens, des policiers et des gendarmes qui se sentent dirigés, soutenus, qui se réjouissent de voir des moyens arriver, des moyens qu'ils attendent souvent depuis de nombreuses années.
    La confiance du chef de l'Etat vous est acquise, celle de la majorité vous est assurée. Mais, au-delà, monsieur le ministre, vous avez la confiance du peuple, première victime de l'insécurité, premier demandeur de sécurité. Cette confiance sera le ferment de votre réussite. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Pierre Brard. Vive le général Sarkozy ! (Sourires.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Armand Jung.
    M. Jean-Pierre Brard. Le ton va changer ! (Sourires.)
    M. Armand Jung. Monsieur le ministre, votre projet de loi comporte certains points constructifs que je voudrais souligner, notamment au vu de la situation que l'on peut observer à partir d'un département tel que le Bas-Rhin et d'une ville comme Strasbourg.
    Votre projet de loi se fixe pour objectif de définir des moyens nouveaux, à l'horizon de 2003 et 2007 afin de permettre à tous les citoyens de vivre et de se déplacer en toute tranquillité.
    Je note tout d'abord que vous avez repris dans votre texte l'expérience strasbourgeoise de construction d'un hôtel de police sur la base d'un crédit-bail où plusieurs partenaires publics et privés se sont engagés afin de doter la police nationale de locaux opérationnels. Votre prédécesseur, M. Daniel Vaillant, a eu l'occasion de poser la première pierre de cet hôtel de police et de venir l'inaugurer le 17 mars dernier.
    M. Bernard Roman. Très bien !
    M. Armand Jung. Cette opération s'élève à 24 millions d'euros. J'aimerais que toutes les grandes villes de notre pays soient dotées d'équipements identiques. C'est ce que vous semblez souhaiter dans votre texte.
    Votre projet de loi lance également un appel aux collectivités territoriales et locales pour la prise en charge financière d'une partie des locaux professionnels de la police nationale et de la gendarmerie. Dès 1999, le département du Bas-Rhin a décidé, dans le cadre du contrat local de sécurité, de cofinancer à hauteur de 20 % les opérations d'amélioration de l'accueil du public dans les bureaux de police. Bien que siégeant dans l'opposition à l'assemblée départementale, j'ai apporté mon soutien à ce type de démarche, qui contribue non seulement à améliorer les équipements en matériel de la police nationale, mais également à répondre au mieux aux demandes de plus en plus pressantes des habitants du département.
    Votre gouvernement a mis en avant sa volonté de favoriser l'expérimentation dans le domaine de la décentralisation. Voilà deux expériences précises et concrètes que je vous incite à suivre.
    Malheureusement, pour des raisons plus ou moins rationnelles, la ville de Strasbourg s'illustre, année après année, avec la complicité de certains médias, par le nombre de voitures brûlées. Je vous fais grâce des chiffres qui augmentent dramatiquement de jour en jour, quel que soit le Gouvernement, quelle que soit la municipalité. En l'an 2000, vos amis à Strasbourg imputaient la responsabilité de cette situation à Mme Trautmann. Au 31 décembre 2001, la responsabilité en incombait à Daniel Vaillant. Qui sera le responsable le 31 décembre 2002 ?
    M. Jean-Pierre Blazy. Nicolas Sarkozy !
    M. Armand Jung. Je tiens à vous dire tout de suite que je ne tomberai pas dans cette même facilité.
    M. Manuel Valls. Très bien !
    M. Armand Jung. Nous le savons tous ici, le nombre de policiers, le degré de répression ne suffisent pas pour juguler les effets d'une insécurité aux causes multiples et complexes. Vous faites d'ailleurs l'impasse, et c'est une des grandes lacunes de ce texte, que de nombreux parlementaires ont relevée, sur la prévention. Mon collègue du Bas-Rhin, Yves Bur, interviendra également sur ce point. Il déclarait lui-même, en avril 2002 : « L'échec de la prévention spécialisée est patent. Il convient de se poser la question de son utilité. » Or cette réflexion est absente de votre texte, je le déplore.
    Je voudrais, pour terminer, vous faire une proposition, monsieur le ministre, que j'ai déjà eue l'occasion de formuler à vos prédécesseurs.
    Strasbourg accueille, semaine après semaine, des chefs d'Etat, des ministres français, européens et étrangers. Il n'est pas un jour où ne se déroule une réunion, un colloque ou un congrès à vocation européenne ou internationale. Chaque déplacement d'une haute personnalité nécessite la mobilisation de forces de police et de hauts fonctionnaires de la préfecture du Bas-Rhin. Strasbourg est le siège de nombreuses organisations européennes ou internationales, dont les plus prestigieuses sont bien entendu le Parlement européen, quinze pays, le Conseil de l'Europe, quarante-quatre pays, la Cour européenne des droits de l'homme, sans parler des nombreuses institutions françaises, parmi lesquelles on peut citer l'Ecole nationale d'administration.
    En corollaire, se déroulent dans la ville des dizaines de manifestations à partir ou vers ces institutions, qu'il s'agisse des agriculteurs, des chasseurs, des Kurdes, des réfugiés des pays de l'Est... Il n'est pas un conflit en Europe ou dans le monde qui ne fasse l'objet de défilés nécessitant une protection spécifique.
    Ces manifestations présentent la particularité d'être coûteuses sur le plan des effectifs policiers. Dans le même temps, Strasbourg est montrée du doigt pour le nombre de ses voitures brûlées. Il serait préjudiciable que les citoyens strasbourgeois interprètent le rôle enropéen et international de leur ville comme étant de nature à limiter leur droit à la sécurité au quotidien.
    Je suggère donc la création d'un préfet de police à Strasbourg, à l'instar de ce qui se fait à Paris, mais également dans d'autres agglomérations en Europe. Cette solution aurait l'avantage de spécialiser nos forces de police entre celles rattachées à des tâches de sécurisation des institutions européennes et celles chargées de la sécurité des biens et des personnes à travers la ville et ses quartiers. C'est ainsi que le préfet de la région Alsace pourrait assurer la sécurité des personnalités, tandis que le préfet de police pourrait s'occuper de la tranquillité publique. C'est une solution de bon sens.
    Lors de votre déplacement très médiatisé à Strasbourg, le 22 mai, vous avez promis, monsieur le ministre, « des moyens en effectifs, en argent et en matériel en septembre pour Strasbourg ». C'est à la concrétisation de cet engagement que je jugerai la pertinence de votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Yves Bur.
    M. Yves Bur. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues je voudrais d'abord souligner combien la détermination du Gouvernement et la vôtre en particulier, monsieur le ministre, était attendue par les Français. Il nous appartient à travers ce signal fort de leur montrer que la montée de l'insécurité n'est pas une fatalité à laquelle nous nous résignerions et à laquelle ils devraient se soumettre, mais bien le résultat d'une dérive liée à l'affaiblissement de l'autorité sous toutes ses formes, affaiblissement auquel ce Gouvernement et sa majorité entendent mettre un terme.
    Ce projet de loi d'orientation et de programmation permet de fixer aux forces de police et de gendarmerie - qui en avaient bien besoin, gagnées qu'elles étaient par le découragement engendré par l'absence d'une véritable volonté politique - des objectifs pour reconquérir la sécurité, en particulier dans les quartiers les plus défavorisés. Il définit le cadre des moyens mobilisés pour réussir cette mission prioritaire au service des Français et de leur liberté.
    Nous ne pouvons donc que vous encourager à persévérer dans la voie tracée, à laquelle adhèrent avec conviction et, même enthousiasme, policiers et gendarmes, mais aussi l'ensemble des Français qui savent le prix qu'ils payent à l'insécurité.
    Oui, il faut soulager nos forces de sécurité des tâches administratives excessives qui les empêchent d'être plus présentes sur le terrain de la lutte contre la délinquance. Les procurations de vote qui ont mobilisé pendant la période électorale tous les bureaux de police et de gendarmerie de France en sont une illustration récente.
    Oui, il est essentiel de conférer enfin au maire un rôle central dans les actions combinant répression et prévention car c'est bien à lui que s'adressent les habitants victimes ou simplement angoissés par les dérives délinquantes.
    Oui, il est incontournable de rechercher une meilleure organisation territoriale dans un souci de cohérence et d'efficacité entre zone de police et de gendarmerie. L'immobilisme en la matière est contreproductif en termes de sécurité. Réformer suppose une vraie concertation avec l'ensemble des acteurs mais aussi in fine des choix qui devront être assumés avec les élus locaux.
    Oui, nous devons faciliter l'exploitation des nouvelles technologies en particulier la vidéosurveillance, notamment dans les transports collectifs ou dans certains secteurs urbains très sensibles. Mais ce progrès technique doit s'accompagner d'un changement de mentalité au sein de la police et de la justice pour que soient recherchés et sanctionnés les auteurs des infractions enregistrées. Cette culture nouvelle aura une vertu préventive évidente.
    Oui, l'attitude des gens du voyage n'est plus acceptable pour nos concitoyens qui subissent les envahissements perpétrés en toute impunité. Si nous devons réaliser des terrains d'accueil, les services de l'Etat ne doivent pas imposer des exigences excessives à leur réalisation. Il convient surtout de modifier la loi du 5 juillet 2000 en donnant plus de pouvoirs au maire pour mettre fin rapidement aux stationnements illégaux. Pour ma part et comme j'ai eu l'occasion de l'évoquer lors du débat parlementaire en 2000, une meilleure connaissance des modes de vie des gens du voyage est nécessaire, notamment l'origine et le montant de leurs revenus ou la réalité de leurs contributions fiscales et sociales ; elle favoriserait une meilleure acceptation de ces populations. En la matière, notre approche doit être simple : nous entendons respecter le droit à la différence mais nous ne pouvons accepter de différences de droits !
    Enfin, l'Etat et l'ensemble de ses services se doivent d'être plus réactifs aux évolutions de la délinquance qui excelle dans l'exploitation des faiblesses de notre législation. Ainsi, je me bats depuis deux ans contre une pratique qui consiste à rouler dans nos départements frontaliers avec des plaques étrangères non valides. Tout est possible pour ces véhicules sans identification et le problème n'est pas mineur puisque, comme l'a rappelé M. Jung, plus de la moitié des voitures incendiées à Strasbourg proviennent de ce trafic. Même Paris, si j'en crois M. Brard, connaît à son tour le phénomène. J'ai obtenu que soient publiés des arrêtés ministériels imposant l'immatriculation provisoire de tous les véhicules importés. J'attends maintenant, avec les responsables de la sécurité, le décret qui permettra aux forces de police d'immobiliser et de mettre en fourrière les véhicules munis d'une fausse immatriculation. Il ne sert en effet à rien de constater tant que l'on ne peut sanctionner.
    Oui, monsieur le ministre, votre démarche est nécessaire, et elle était attendue. Nous la soutenons sans réserve. Nous veillerons cependant à ce que ces orientations se transforment en actes dont les résultats soient visibles sur le terrain.
    M. Jean-Pierre Blazy. Vous avez raison !
    M. Yves Bur. Nous savons tous qu'il y a urgence, même si une telle politique s'inscrit dans la durée pour s'attaquer aux racines de ce mal inacceptable pour les Français. N'oublions jamais que les premières et principales victimes du laxisme toléré par le précédent gouvernement sont les habitants des quartiers les plus défavorisés. Nous ne pouvons accepter que les personnes et les familles qui y résident continuent de subir la loi des voyous. La République leur doit cette considération et une vrai sécurité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Viollet.
    M. Jean-Claude Viollet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'évoquerai trois points, rapidement.
    Je rappelle d'abord que le 2 juillet, dans son message au Parlement, le Président de la République indiquait que les institutions de la République étaient un bien précieux et qu'il convenait de les faire vivre en faisant notamment toute sa place à l'opposition, impératif qu'il situait au coeur du dialogue républicain. Le 3 juillet, ensuite, le Premier ministre, dans son discours de politique générale, affirmait que le Parlement était le coeur de notre démocratie, le lieu où tous les Français se sentent représentés, souhaitant par là-même progresser dans la pratique des relations républicaines avec l'opposition.
    Or, force nous est de constater qu'une fois de plus il y a loin de votre parole à vos actes, avec l'examen au pas de course, au-delà même de l'urgence déclarée, de ce projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.
    Il est vrai qu'un ancien ministre de l'intérieur, précisément de votre famille politique, indiquait que les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent. Belle continuité ! (Prostestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Je souhaitais donc faire ici état de notre profonde insatisfaction devant de telles pratiques qui bafouent le rôle premier de notre assemblée dans l'élaboration de la loi républicaine.
    M. Jean-Pierre Blazy. Très bien !
    M. Jean-Claude Viollet. Dans le même temps, j'observe que vous reprenez à votre compte une terminologie proche, mais au contenu parfois incertain, des orientations définies et mises en oeuvre par la gauche et que vous aviez alors combattues ou méprisées.
    S'agissant par exemple de la police de proximité qui ne date pas, comme vous voudriez le faire croire, de la loi d'orientation pour la sécurité de 1995 puisqu'elle était explicitement évoquée, dès 1991, par Philippe Marchand, alors ministre de l'intérieur,...
    M. Michel Terrot. Les Français les ont oubliés, ces gens-là !
    M. Jean-Claude Viollet. ... avant d'être intégrée, quelques mois plus tard, au plan d'action pour la sécurité, présenté le 13 mai 1992 par le nouveau ministre de l'intérieur, Paul Quilès, et de voir ensuite, après quatre ans de sommeil, sa généralisation engagée par Jean-Pierre Chevènement et poursuivie par Daniel Vaillant.
    Quant aux contrats locaux de sécurité annoncés par Lionel Jospin, Premier ministre, au colloque de Villepinte, en octobre 1997, j'ai cru noter que, s'ils n'étaient pas mentionnés dans votre projet de loi stricto sensu, il ressortait néanmoins de votre audition par la commission des lois que les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance se substitueraient aux conseils communaux de prévention de la délinquance et aux comités de pilotage des contrats locaux de sécurité, ce qui pose en soi la question du devenir même de ces contrats locaux de sécurité.
    M. Gérard Léonard. Non !
    M. Jean-Claude Viollet. Sans parler du Conseil de sécurité intérieure, créé par Michel Rocard dès 1988 ou, pour remonter plus loin encore, de la réforme de la formation par Gaston Defferre en 1981, ou de la loi de programmation de Pierre Joxe, en 1985.
    Je souhaitais donc, et c'était mon deuxième point, rappeler la politique de réforme de la police nationale conduite par la gauche dans notre pays, à travers la formation, l'amélioration des moyens et des équipements et la réorganisation des structures. Ces quelques évocations démontrent à l'évidence que la sécurité n'est ni de gauche ni de droite, qu'elle est tout simplement une exigence républicaine.
    Mais encore convient-il, et ce sera mon troisième point, d'observer ce qui nous sépare encore aujourd'hui sur le terrain de l'action publique.
    En effet, si nous sommes favorables au renforcement des moyens et de l'efficacité des forces de sécurité,...
    M. Gérard Léonard. Il fallait le faire avant !
    M. Jean-Claude Viollet.  - ce qui nous amènera d'ailleurs à proposer des amendements à l'article 5 de votre projet de loi pour évaluer les mesures que vous prendrez réellement -, nous sommes aussi conscients que cette question ne saurait trouver de réponse durable avec les seuls moyens des forces de l'ordre et de la justice, dont nous débattrons prochainement.
    La sécurité est aussi affaire de parentalité, le rôle du père et de la mère, de la famille, étant premier dans la transmission des valeurs et l'apprentissage des règles sociales.
    M. Jean Besson. Et le PACS ?
    M. Jean-Claude Viollet. Elle est ensuite affaire d'éducation à la responsabilité, au respect, à l'exemplarité, un « esprit public » qu'il nous faut reconstruire. Elle est aussi affaire de prévention et en particulier de prévention primaire, afin de prendre en charge, dès leur apparition, les comportements à risque des mineurs dont la délinquance reste très préoccupante et constitue un échec collectif.
    Elle est enfin, effectivement, affaire de répression sans laquelle la prévention elle-même n'aurait pas de sens, en l'absence de limites fixées.
    C'est pour nous cet ensemble, cette chaîne continue, cohérente, proche du terrain qui seule, nous permettra d'avancer sur un sujet dont nous connaissons tous la difficulté et qui est l'une des préoccupations majeures de nos concitoyens.
    M. Jean Besson. Alors, vous votez pour ?
    M. Jean-Claude Viollet. Un tel ensemble doit encore s'articuler avec la politique de la ville, pour la requalification et la restructuration du bâti, pour l'amélioration de son accessibilité, ses espaces publics, son développement social et économique. Cette politique ne saurait, pour nous, se concevoir sans une participation forte des habitants, un soutien accru au monde associatif et qui doit s'enrichir encore avec le renforcement du nombre des gardiens d'immeubles, la sécurisation, l'entretien régulier des bâtiments, l'amélioration des dessertes en transports, le développement de la médiation sociale, de projets d'éducation, l'ouverture de lieux d'accueil en soirée pour les jeunes, la valorisation des pratiques culturelles, une présence renforcée de la justice, une meilleure prise en charge des mineurs en danger ou délinquants et la lutte contre toutes les discriminations.
    M. Gérard Léonard. Il fallait le faire avant !
    M. Jean-Claude Viollet. Car si nous devons être durs avec la délinquance, nous devons l'être tout autant avec les causes de la délinquance.
    Et c'est bien cette absence d'approche globale - bien que les mesures proposées se situent dans la continuité de celles mises en oeuvre par la gauche, notamment depuis 2000, un certain nombre d'entre elles restent au moins à préciser puisqu'elles sont renvoyées à des décisions ultérieures - je termine, madame la présidente - c'est bien le manque de cohérence d'ensemble ou, à tout le moins, l'incapacité dans laquelle nous sommes, compte tenu de la procédure retenue, d'en débattre au fond, qui m'amènera à ne pas soutenir en l'état votre projet, au demeurant fort habilement présenté...
    M. Gérard Léonard. Quel aveu !
    M. Jean-Claude Viollet. ... et à rester, de ce fait, d'autant plus vigilant sur sa mise en oeuvre et son évaluation dans le respect des valeurs qui sont les nôtres. Le contenu risque de se révéler au final plus décevant que l'annonce initiale : la loi d'orientation pour la sécurité de 1995 est encore dans toutes les mémoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Mme la présidente. La parole est à Mme Christiane Taubira.
    Mme Christiane Taubira. Madame la présidente, monsieur le ministre, ainsi nos 17 000 lois et décrets ne suffisent pas encore à définir le cadre dans lequel la société établit les règles communes et énonce l'échelle des sanctions correspondant à leur transgression ! Manifestement, votre texte, monsieur le ministre, n'a pas cette ambition principale.
    La méthode est singulière : nous soumettre des annexes alors que nous avons le pouvoir de les amender et nous inviter à les adopter alors qu'elles ont parfois une tonalité de profession de foi. Le procédé n'est pas inédit, mais il est assez inhabituel au regard de la responsabilité législative.
    Mais restons-en au contenu. Ce texte nous invite à cibler des catégories d'actes de délinquance et de publics. Il nous laisse penser - j'ai même cru percevoir comme une tentative un peu sournoise de polémique dans l'exposé des motifs et dans l'annexe I - que rien n'a jamais été fait contre l'insécurité, ni avant ni après la loi du 21 janvier 1995.
    M. Gérard Léonard. Pas grand-chose !
    Mme Christiane Taubira. Rien n'aurait été fait et les statistiques appelées à la rescousse, avec entre 1981 et 2001 une augmentation de la délinquance de 40 % en vingt ans, suggèrent également que l'aggravation de l'insécurité n'aurait commencé qu'avec la gauche.
    M. Gérard Léonard. C'est la vérité.
    Mme Christiane Taubira. C'est oublier le rapport Peyrefitte qui date de 1977 !...
    M. Bernard Roman. Tout à fait.
    M. Gérard Léonard. Malheureusement, c'est la vérité !
    Mme Christiane Taubira. Il contient déjà des préconisations importantes, dont la modification de la carte policière, pour l'adapter à la nouvelle répartition de la population, mais également une modification des relations entre la police et les populations jugées alors médiocres.
    Deux ans après, l'auteur, le même Peyrefitte, alors ministre de la justice, se résout à supprimer les centres fermés pour mineurs parce que le taux élevé de suicides fait scandale.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Ce ne sont pas les mêmes !
    Mme Christiane Taubira. Le rapport Testanière sur le désordre scolaire date de 1967. Le rapport de l'IGVS, entrepris par l'inspecteur Talon, date, lui, de 1979. Aucun ne semble avoir beaucoup inspiré la politique gouvernementale, ni de 1986 à 1988, ni de 1993 à 1997.
    M. Yves Bur. Et de 1981 à 2002 ?
    Mme Christiane Taubira. Il est vrai qu'ils proposaient la compréhension et des mesures préventives, non la suppression de ressources à des familles déjà fragilisées par l'accumulation de difficultés dues pour la plupart, d'ailleurs, à des politiques publiques inégalitaires et discriminatoires.
    M. Gérard Léonard. Vous noyez le poisson.
    Mme Christiane Taubira. On pourrait aussi rappeler que le nombre de délits et de crimes en 2001 était équivalent à celui de 1993-1994. Ceux pour qui l'insécurité constitue une préoccupation, pas même un risque, peuvent assurément se contenter d'un discours musclé et viril qui prône une restriction des libertés qu'ils ne risquent guère de subir. Mais ceux qui sont effectivement exposés à l'insécurité savent que des statistiques qui additionnent des homicides et des vols de vélos ne témoignent ni de leur détresse, ni de leur courage. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Gérard Léonard. Ils ont pourtant voté pour nous !
    Mme Christiane Taubira. L'insécurité, c'est surtout cette crainte diffuse qui mine la confiance. C'est la peur chevillée au corps de ceux qui, pour raison professionnelle, regagnent tardivement leur domicile dans des quartiers mal éclairés où l'espace public a été déserté par les services culturels, les services éducatifs, les services sociaux,...
    M. Michel Terrot. C'est le bilan de vingt ans de socialisme !
    M. Jean Besson. En effet, et quel bilan !
    Mme Christiane Taubira. ... les transports en commun, souvent remplacés par des associations fort dévouées.
    L'insécurité, c'est l'épouvante de la jeune fille qui découvre que son corps peut être utilisé contre elle dans un acte de violence individuel ou collectif qui la bouleversera à vie.
    M. Christian Estrosi, rapporteur. C'est vrai !
    Mme Christiane Taubira. C'est le drame silencieux de la femme qui subit les violences domestiques, souvent en présence de ses enfants. C'est l'effroi de la personne âgée ou handicapée qui sursaute au moindre bruit, sachant que la solitude ou le handicap peuvent être des alliés des agresseurs.
    M. Gérard Léonard. Il faut le dire !
    Mme Christiane Taubira. Mais l'insécurité, outre ces angoisses, se tapit aussi dans ces incidents exaspérants à force d'être routiniers. C'est cette terrifiante impression d'être abandonné, livré aux risques de toutes sortes. C'est la morosité, la lassitude, le découragement face aux préjugés, face au sentiment que certaines affaires méritent plus de célérité que d'autres, plus ou moins de sévérité selon la qualité de la victime. C'est l'intuition que certains lieux et certains publics sont davantage exposés aux risques de dérapage et que certaines mesures sont taillées sur mesure...
    En effet, la criminalité d'affaires bénéficie encore très largement d'impunité, de même que le crime organisé qui démontre l'impuissance transfrontalière de l'institution judicaire,...
    M. Bernard Roman. Tout à fait !
    Mme Christiane Taubira. ... de même que la corruption qui gangrène la société, le trafic de drogue, à l'échelle des gros bonnets et des laboratoires, le blanchiment de l'argent qui aspire la société vers une culture de l'illicite. Il faut aussi parler des violences policières et de leur engrenage, c'est-à-dire la délinquance de l'élite, qui ne suscitent pas autant de diligence. Monsieur le ministre, vous restaurez la lutte des classes ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Gérard Léonard. Et la gauche applaudit ce réquisitoire, c'est incroyable !
    Mme Christiane Taubira. Les mots peuvent être guerriers, vous savez, ils peuvent parfois induire des attitudes qui accouchent d'actes meurtriers ! Globaliser, stigmatiser des catégories de population, comme les jeunes, les mineurs, les prostitué(e)s, les étrangers, les gens du voyage, instaure une présomption de culpabilité ! Annoncer la création d'une réserve dans la police, c'est insinuer une probabilité de guerre civile. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Rétablir des centres fermés à la demande pressante de ceux qui savent que leurs enfants ne courent quasiment aucun risque de s'y retrouver, c'est lancer des signaux de défiance à l'égard de ceux auxquels on doit une sévérité fraternelle.
    M. Michel Terrot. A l'égard des casseurs ?
    Mme Christiane Taubira. Nous gagnerions à procéder à l'évaluation des contrats éducatifs locaux, qui luttent contre la déscolarisation,...
    M. Yves Bur. Ce sera vite fait !
    Mme Christiane Taubira. ... des centres d'éducation renforcée, des centres de placement immédiat...
    Mme la présidente. Mme Christiane Taubira, je vous invite à conclure.
    Mme Christiane Taubira. ... que les élus locaux, parmi lesquels vous êtes majoritaires, rechignent à installer sur leur territoire.
    M. Jean-Pierre Brard. Eh oui !
    Mme Christiane Taubira. Nous devrions apprécier l'efficacité des contrats locaux de sécurité,...
    M. Jean Besson. Inexistante.
    Mme Christiane Taubira. ... des conventions de coordination entre la police nationale et les maires ; des contrats de ville,...
    M. Yves Bur. Ce sera vite vu !
    Mme Christiane Taubira. ... mais aussi explorer les politiques d'habitat et les politiques culturelles qui permettent d'aménager et d'occuper l'espace public, les politiques de logement et de mixité qui contribuent à la rencontre sociale.
    M. Michel Terrot. Amen !
    Mme Christiane Taubira. Alors, si nous devons effectivement nous soucier d'actes en faveur des victimes, nous devons privilégier la confiance, la réparation, la médiation, le combat contre toutes les formes de criminalité, y compris celles qui produisent massivement l'insécurité sociale. Nous devons lutter contre la délinquance des élites et des puissants, autant que contre celle des petits malfrats. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Oui à l'autorité ! celle qui punit, mais qui d'abord protège les plus vulnérables avant les nantis. Sinon vous donnez foi et consistance à cette injonction de Shakespeare dans Henri IV : « Si nous vivons, nous vivons pour marcher sur la tête des puissants, parce que les puissants ne travaillent qu'à marcher sur nos vies. » (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-André Périssol.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est difficile de parler après Mme Taubira !
    M. Pierre-André Périssol. Rassurez-vous, mon cher collègue !
    Monsieur le ministre, je voudrais tout d'abord vous remercier d'avoir mentionné l'école dans votre projet de loi visant à rétablir la sécurité dans ce pays. Car l'école souffre d'insécurité. Doit-on rappeler qu'un acte de violence se commet dans les collèges et les lycées toutes les 10 secondes ? Que 50 % des élèves disent avoir été victimes d'actes de violence ?
    Et, ce que je considère comme plus grave, que 25 % d'entre eux tendent à penser que l'école est désormais impuissante ? 50 % des enseignants affirment que la violence est présente dans leur établissement. Ils n'étaient que 7 % il y a seulement quatre ans.
    Alors, mes chers collègues ? Un Etat républicain doit assurer à l'école sa sécurité, sans laquelle il ne peut y avoir d'enseignement. Doit-on rappeler que le mot « école », étymologiquement, signifie un lieu à l'abri des soucis du monde, afin qu'on puisse s'y consacrer à l'étude ?
    Nous avons le devoir d'assurer la sécurité de ceux qui servent l'école, des enseignants, des élèves qui lui sont confiés, et d'assurer la sécurité dans et autour de l'école. Mais en retour celle-ci, si elle veut être l'école de la République, a le devoir de former des citoyens, capables de reconnaître des règles, des limites, de s'y conformer. Elle a le devoir de former des hommes, capables de vivre avec les autres, c'est-à-dire de les respecter. Bref, elle a le devoir de développer la sociabilité des futurs adultes que sont les élèves.
    M. Michel Terrot. Très bien, Périssol. Cela change de Colcombet ! (Rires.)
    M. Pierre-André Périssol. Rappelons que lorsque l'école échoue, la société explose. 80 % des détenus des grandes prisons ne maîtrisent pas la lecture ou l'écriture. C'est pourquoi la première de nos priorités, pour lutter la violence à l'école, est de lutter contre l'échec scolaire et d'amener l'école à transmettre à 100 % des élèves tous les savoirs fondamentaux. C'est cette priorité qu'ont affichée le Président de la République et le ministre de l'éducation nationale en affirmant leur volonté de lutter contre l'illettrisme.
    Il convient aussi de protéger les enseignants. Un enseignant est investi de l'autorité devant sa classe. Les agressions dont certains sont victimes devraient être « requalifiées ».
    Il faut également réinvestir l'école dans sa mission de transmettre un certain nombre de valeurs, un certain nombre de références, des éléments de morale qui fondent notre république. Il s'agit d'éduquer à des comportements.
    Il convient de mobiliser tous ceux qui sont concernés par les problèmes de sécurité à l'école. Je souhaite qu'on prenne ces problèmes à bras-le-corps au sein des conseils locaux de sécurité, qu'on définisse un plan de sécurité des établissements scolaires et qu'on s'engage sur des résultats.
    De façon générale, il ne suffit pas de dire qu'on va limiter la progression de l'insécurité. Il s'agit de la réduire, et pour rétablir la confiance, de mobiliser la nation et tous les acteurs pour qu'ils s'engagent dans cette direction.
    La lutte contre l'absentéisme scolaire est un élément majeur de lutte contre l'échec scolaire, mais aussi, et vous avez très bien fait de le dire, monsieur le ministre, de lutte contre l'insécurité. Douze à quinze pour cent des jeunes sont aujourd'hui touchés et le phénomène se diffuse aujourd'hui de façon quasi générale. Il s'agit, mes chers collègues, en luttant contre l'absentéisme, de faire respecter la première des règles de notre société.
    Je renouvelle donc mes remerciements au ministre chargé de la sécurité intérieure pour avoir rappelé notre devoir en la matière. Je le remercie de vouloir sanctionner les complices de l'absentéisme, a fortiori ceux qui en profitent et l'exploitent, et d'avoir rappelé les parents à leurs responsabilités. Quel dommage, d'ailleurs, qu'on ne puisse rappeler sereinement ces impératifs et ces évidences sans susciter immédiatement un mauvais procès, des amalgames simplistes ou des invectives - par exemple sur la pénalisation financière des parents. Mais je pense que vous préciserez votre pensée dans ce domaine.
    Madame la présidente, monsieur le ministre, en matière de lutte contre l'absentéisme scolaire comme sur tous les autres sujets, il ne s'agit pas de parler, de se lamenter ou de dénoncer. Il faut agir. Comme le Président de la République et comme l'ensemble du Gouvernement, monsieur le ministre de l'intérieur, vous en avez la ferme détermination. Merci ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Pierre Brard. C'est comme le logement, quand vous fûtes ministre !
    M. Julien Dray. On a oublié !
    M. Jean-Pierre Brard. Nous aussi ! Ça n'a pas marqué l'histoire du pays !
    Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Hamel.
    M. Gérard Hamel. Autorisez-moi, monsieur le ministre, à vous adresser d'emblée mes plus vives félicitations pour votre intervention, qui confirme votre détermination à agir, et pour la mise au point de ce projet de loi de programmation et d'orientation pour la sécurité intérieure.
    M. Jean-Pierre Brard. Vous écoutez, monsieur ministre, les félicitations de M. Hamel ?
    M. André Chassaigne. C'est la soirée des courbettes !
    M. Gérard Hamel. Je salue, monsieur le ministre, la rapidité avec laquelle vous avez pris des mesures immédiatement perceptibles sur le terrain ; je pense, entre autres, aux groupements d'intervention régionaux, qui sont déjà opérationnels.
    Nous ne pouvons que vous féliciter de cette rapidité et nous réjouir de la démarche de cohérence...
    M. Jean-Pierre Brard. ... d'extase !
    M. Gérard Hamel. ... initiée par le chef du Gouvernement, qui a décidé de l'examen, dans la foulée, du projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice, indispensable pour l'efficacité du dispositif.
    Quelle satisfaction de constater enfin qu'une logique d'action est mise en oeuvre et que les moyens financiers nécessaires pour mener à bien la lutte contre l'insécurité seront débloqués ! Si l'on peut déjà avoir une certitude, aujourd'hui, c'est que le processus est bel et bien engagé !
    L'élément sur lequel je souhaite insister tout particulièrement est relatif à la demande des élus locaux qui me semblent enfin avoir été entendus. Il est en effet fondamental de lire dans le texte que vous nous soumettez que les maires se voient reconnaître un rôle dans la conduite de la politique de sécurité de leur commune.
    Je m'étais déjà exprimé dans ce sens dans une tribune publiée dans la presse en novembre 1999, dans laquelle je préconisais que les maires participent à l'élaboration, à la mise en oeuvre et au contrôle de la politique de sécurité conduite sur le territoire de leur commune.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est une tribune qui est entrée dans les annales !
    M. Gérard Hamel. Il ne s'agit en aucun cas de faire de ces élus locaux des shérifs ni d'imaginer une municipalisation de la police. Mais il convient, dans la mesure où le maire est en première ligne avec ses habitants, de l'impliquer fortement.
    N'est-il pas légitime d'attendre du rôle accru que vous avez décidé d'octroyer aux maires, dans le dispositif de sécurité, des pouvoirs qui aillent au-delà du droit à l'information sur l'état de la délinquance et de la coordination de la prévention ? Il est impérieux qu'au-delà du texte même de la loi vous puissiez intégrer dans un décret - comme vous l'avez indiqué en commission - les conditions d'organisation et les obligations des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. Cette instance, que présidera le maire et à laquelle auront pour obligation de participer les services de l'Etat, sera l'instance opérationnelle qui pourra répondre au mieux aux attentes de nos concitoyens.
    Vous pouvez compter, monsieur le ministre, sur le soutien déterminé d'un grand nombre de maires qui attendent également la réforme indispensable et complémentaire de la justice que votre collègue Dominique Perben nous soumettra à la fin du mois.
    Ces dispositifs viendront compléter efficacement les politiques de prévention que tous les élus locaux s'efforcent de mettre en oeuvre depuis de nombreuses années.
    Grâce à votre texte, nos forces de l'ordre, police et gendarmerie, retrouveront la confiance qu'elles avaient perdue. Elles retrouveront également leur détermination à agir, car elles se sentiront soutenues non pas par de simples paroles mais par un arsenal législatif et réglementaire ainsi que par une importante mobilisation de crédits. Elles auront donc conscience de pouvoir accomplir leur mission avec une efficacité redoublée.
    J'ajouterai à l'attention des maires qu'il me semblerait judicieux de revoir notre législation afin de les autoriser à prendre des arrêtés municipaux interdisant la circulation des jeunes mineurs la nuit. J'avais pris dès juillet 1997 un tel arrêté qui, malheureusement, fut annulé par un tribunal administratif. Cela m'avait d'ailleurs valu des attaques particulièrement virulentes de plusieurs membres du précédent gouvernement.
    Depuis, certains tribunaux ont accepté ces arrêtés mais il me semble anormal que l'autorité judiciaire puisse décider de leur opportunité. C'est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, de prévoir dès l'automne prochain la possibilité d'habiliter le maire à prendre de tels arrêtés.
    Le droit à l'expérimentation doit pouvoir s'appliquer dans de tels domaines.
    De même serait-il souhaitable que vous puissiez revoir notre législation afin que, dans le cadre de certains trafics, les forces de l'ordre puissent ouvrir les coffres de voiture sans que cela relève de dispositions exceptionnelles ou de procédures particulières. Je ne vois pas en quoi la fouille d'un coffre de voiture constitue une atteinte à la vie privée. Nous attendons impatiemment qu'une prochaine loi nous permette d'y parvenir.
    Monsieur le ministre, j'apporte tout mon soutien au texte que vous nous soumettez aujourd'hui. En le faisant, je le sais, je vous exprime également le soutien d'une très grande majorité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Michel Buillard.
    M. Michel Buillard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi soumis à notre examen nous donne trois motifs de satisfaction : la promptitude avec laquelle les autorités répondent aux préoccupations de nos concitoyens ; le niveau des moyens investis ; la prise en compte de l'outre-mer.
    En Polynésie française, contrairement à ce que l'on pourrait penser depuis la métropole, la sécurité est un enjeu fondamental. D'abord, pour notre population qui a aussi son lot de victimes et d'habitants traumatisés par les risques d'agression, ensuite pour l'industrie touristique, principale ressource de la reconversion économique du territoire.
    Quelle est la situation de la sécurité en Polynésie française ? Celle-ci s'est particulièrement dégradée ces dernières années. Dans la capitale par exemple, les infractions constatées sur la voie publique ont augmenté de 60 % entre 2000 et 2001, et encore de 13 % pour les six premiers mois de cette année. Ces chiffres appellent des solutions adaptées qui nécessitent à présent des moyens importants.
    Pour la gendarmerie, l'immensité du territoire, l'éparpillement de la centaine d'îles composant la Polynésie française nécessitent la mobilisation d'effectifs importants et la mise en place de matériel adapté - moyens de transports, de transmission - qui ne sont pas toujours là.
    La situation est-elle plus satisfaisante s'agissant de la police nationale ? La création nette de 22 postes prévues pour 2003 et de 18 pour 2004 ne corrige que partiellement les insuffisances du passé et aucune véritable politique de recrutement et de formation n'a été programmée au-delà de 2004.
    Pour ce qui concerne les moyens matériels, il faut un parc automobile rénové et adapté à ses nouvelles missions, ainsi qu'un commissariat entièrement repensé. A titre d'exemple, la police s'apprête à recevoir deux fourgons. Or ils ne serviront qu'à remplacer des véhicules déjà réformés.
    Cela n'était pas un exposé non exhaustif des moyens nécessaires aux forces de police et de gendarmerie. Avec les nouvelles orientations du projet de loi, d'une situation passive d'attente due au manque d'effectifs, nous devrons forcément évoluer vers une stratégie active de présence nocturne efficace et visible de nos forces de police.
    Outre des moyens substantiels, le projet de loi propose une nouvelle architecture institutionnelle pour lutter contre l'insécurité. Mais qu'en est-il, pour les territoires d'outre-mer, de la création des GIR et des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance ? Cette création est-elle subordonnée à une loi organique ?
    Pour ma part, je préconise d'intégrer dans ce dispositif le territoire ainsi que les communes, ce qui constituerait une nouvelle donne dans le cadre d'une autonomie renforcée. Cela suppose que tous les partenaires, territoire, Etat, communes, partagent mieux l'information et travaillent en étroite collaboration.
    Le territoire a effectivement prouvé l'intérêt, pour la sécurité publique, de faire assurer par ses agents la surveillance, à titre préventif, de certains espaces du domaine public territorial. Cette mesure est un succès en termes de tranquillité publique et de maintien de l'ordre et mérite d'être consolidée juridiquement par la loi.
    Enfin, il faudra aussi que le territoire puisse contrôler et sanctionner l'application de ses propres normes, ce qui suppose de conférer à certains agents territoriaux formés et assermentés une telle compétence - en matière de police portuaire, d'hygiène ou de contrôle des prix, par exemple.
    Quant aux polices municipales, il va de soi qu'elles doivent être considérées comme l'un des partenaires privilégiés de la lutte contre l'insécurité en Polynésie.
    Je note d'ailleurs avec un grand intérêt les efforts du Gouvernement pour conférer définitivement la qualité d'agent de police judiciaire aux policiers municipaux qui auront obtenu leur agrément et leur assermentation.
    Par ailleurs, une réflexion sur les missions des polices municipales s'impose. On a constaté ces dernières années une tendance de l'Etat à opérer un transfert de charges vers les polices municipales, sans transfert de moyens. C'est le cas, par exemple, des demandes de passeports et de cartes d'identité. Or ces tâches administratives éloignent les policiers municipaux des exigences du terrain. Pourtant, leur contribution est indispensable pour maîtriser notre politique de sécurité routière ainsi que notre politique de stationnement.
    En conclusion, je voterai pour ce projet de loi très important, afin que la Polynésie française obtienne les moyens de préserver sa sécurité en attendant la loi organique appelée à le compléter. Mais il est clair qu'il ne s'agit que du premier maillon de la chaîne. Le projet de loi concernant la justice devra également doter la justice en Polynésie des moyens de son action, avec la même exigence dans la prise en compte de ses spécificités. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Didier Quentin.
    M. Didier Quentin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons ce soir un texte très attendu par beaucoup de nos compatriotes qui, à l'occasion de l'élection présidentielle et des élections législatives, ont tenu à rappeler que la première de leurs préoccupations était bien la lutte contre l'insécurité sous toutes ses formes.
    Il m'est donc agréable de saluer, monsieur le ministre, votre détermination et votre engagement. Vous allez faire aboutir en seulement quelques semaines un projet de loi qui est de nature à redonner confiance à tous ceux qui pont pour mission de faire respecter l'autorité de l'Etat et à rassurer nombre de nos concitoyens, souvent parmi les plus modestes, qui subissent des incivilités, des délits et des violences.
    Je note avec satisfaction que ce projet de loi d'orientation aborde un point particulièrement sensible, sur lequel j'ai déjà eu l'occasion d'appeler votre attention, monsieur le ministre, et notamment lors de votre visite dans ma circonscription, le samedi 5 juillet dernier. Je veux parler des problèmes récurrents, et de plus en plus intolérables, que pose le stationnement illégal des gens du voyage sur des propriétés privées ou des terrains publics. Je centrerai donc mon propos sur cette question.
    La seconde partie de l'annexe I de cette loi d'orientation précise fort opportunément que l'accent sera mis sur la lutte contre des comportements qui affectent particulièrement la vie quotidienne de nos concitoyens et qui se sont multipliés toutes ces dernières années, tels que la mendicité agressive et l'envahissement des propriétés privées par des gens du voyage agissant en réunion.
    Depuis trop longtemps, et tout particulièrement ce printemps dernier et ce début d'été, plusieurs communes de ma circonscription ont été et sont l'objet de véritables invasions, avec tout un cortège de dégradations, d'exactions et de nuisances. Je tiens à votre disposition des dizaines de témoignages d'habitants, de chefs d'entreprise et d'élus qui crient leur ras-le-bol devant l'impunité dont bénéficient les auteurs de ces méfaits.
    Les maires sont le plus souvent désemparés face à de tels phénomènes, notamment en raison de l'inexécution des ordonnances d'expulsion. En outre, les petites communes n'ont pas toujours les moyens d'assumer le coût d'une procédure d'expulsion.
    Devant l'exaspération croissante provoquée par cette anarchie, il est à craindre une escalade de violence et de haine, voire la constitution de groupes d'autodéfense face aux menaces physiques dont sont l'objet certains de nos concitoyens. Le sentiment se répand aussi qu'il y a finalement deux poids, deux mesures. D'où une défiance regrettable envers les forces de l'ordre et les représentants de l'autorité publique.
    Après le déplorable laxisme dont faisait preuve le précédent gouvernement quand il s'agissait de faire ordonner l'exécution de jugements à l'encontre de gens du voyage, nous avons noté avec satisfaction que vous avez envoyé des signaux forts de changement. Par une présence coordonnée des moyens de la police nationale, de la gendarmerie, des douanes, du fisc et de la justice, vous avez, par exemple, obtenu, le 12 juillet dernier, l'expulsion d'un campement de plus d'une centaine de caravanes de nomades dans les environs de Caen. Et aujourd'hui, à Choisy-le-Roi, il a été mis fin à l'exploitation scandaleuse de mendiants infirmes.
    Dans cet esprit, je crois indispensable de mettre en oeuvre, dans les meilleurs délais, des mesures simples et efficaces. C'est ainsi qu'il conviendrait de donner des instructions fermes aux préfets et aux forces de l'ordre pour faire cesser les stationnements illicites, de procéder à la mise sous séquestre ou à la saisie des véhicules ayant servi à commettre des infractions et d'engager des vérifications fiscales concernant l'origine des revenus de ces gens du voyage qui ont souvent des « équipages » d'une valeur de plusieurs dizaines, voire de centaines de milliers d'euros. Ils ne peuvent être des citoyens à part entière pour ce qui est bien : les avantages sociaux, les allocations familiales, la couverture maladie, et des citoyens entièrement à part pour ce qui est moins bien : les impôts, les charges, les taxes.
    M. Jean Besson. Très bien !
    M. Didier Quentin. Ces mesures immédiates destinées à donner un coup d'arrêt à la prolifération de ces invasions et envahissements manifesteraient la volonté de rompre avec les errements passés.
    De ce point de vue, la création des groupements d'intervention régionaux est un progrès qui permettra de lutter plus efficacement contre la délinquance itinérante, souvent organisée en réseaux. Il ne faut certes pas procéder à des amalgames, mais il ne faut pas non plus faire preuve d'angélisme ! Car il faut être bien conscient que l'enfer de cette délinquance est souvent pavé de bonnes intentions évangéliques.
    Mais au-delà, il faut bien se rendre à l'évidence : notre système législatif et réglementaire actuel n'est plus en adéquation avec l'ampleur du phénomène de l'itinérance, qui s'accroît. Cette tendance est due non seulement à la précarité, mais aussi à la venue massive de ressortissants des pays d'Europe centrale et orientale.
    C'est pourquoi la maîtrise de ce phénomène passe aussi par des initiatives européennes et par une véritable politique des flux migratoires, notamment par une révision du droit d'asile, comme l'a souligné le Président de la République, le 14 juillet.
    M. Michel Hunault. Très bien !
    M. Didier Quentin. Il conviendra peut-être aussi d'imaginer à l'échelon européen un dispositif d'aides visant à maintenir ces populations tziganes sur leurs territoires historiques. Car à multiplier les aires de stationnement sur notre sol, il est à craindre que nous ne débouchions, si vous me pardonnez ce mauvais jeu de mots, sur un véritable appel d'aires.
    Or, la France n'a pas vocation à accueillir toute la misère du monde tzigane !
    M. Roland Chassain. C'est vrai !
    M. Didier Quentin. Dans cette optique, il me semble urgent de conduire une réflexion approfondie sur l'évolution sociologique de la population spécifique que représentent les gens du voyage.
    Mme la présidente. Monsieur Quentin, je vous invite à conclure.
    M. Didier Quentin. Plusieurs formules sont possibles. Je pense notamment à la commission d'enquête parlementaire demandée par mes collègues Christine Boutin et Richard Dell'Agnola, ou à une mission d'information. C'est au vu des conclusions de ces travaux que pourrait être révisée la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, dite loi Besson.
    En effet, cette loi me semble présenter deux inconvénients majeurs : elle a défini des droits pour les gens du voyage, mais ne leur a pas imposé de devoirs et elle a instauré la mise en oeuvre de schémas départementaux d'accueil en faisant trop peu de cas de l'avis des élus locaux.
    D'ores et déjà, il existe plusieurs pistes de réforme : alléger les procédures d'expulsion par simple requête ; mieux contrôler l'activité des gens du voyage ; repenser l'actuel livret de circulation ; exiger une commune de rattachement ; transformer la cellule interministérielle de liaison sur la délinquance itinérante en un véritable office de répression de la délinquance itinérante.
    En conclusion, je suis convaincu que c'est par le respect de l'équilibre entre droits et devoirs que passe le règlement, attendu par beaucoup de nos compatriotes, de cette lancinante question. Nous n'avons pas le droit de les décevoir. Nous vous faisons confiance, monsieur le ministre, pour leur apporter les réponses qui conviennent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Tabarot.
    Mme Michèle Tabarot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre idéal républicain exprime notre profonde aspiration à la liberté. Jamais, jusqu'à ces dernières années, nous n'avions pris conscience de son lien avec une autre exigence : la sécurité. Le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure nous rappelle ce lien.
    Tout d'abord, on ne peut que saluer le souci du Gouvernement de soumettre au Parlement un projet d'ensemble avant de lui proposer des dispositions plus précises dès l'automne. Nous nous félicitons également qu'il ait choisi un traitement d'ensemble pour venir à bout de ce fléau.
    Ensuite, je retiendrai trois éléments emblématiques de la détermination du Gouvernement : le contexte général dans lequel s'inscrit le projet de loi, les moyens qui permettront à cette politique de connaître succès et pérennité et le choix des acteurs qui participeront au combat de la sécurité.
    Nous ne devons jamais oublier le contexte général de ce projet de loi. Il aura fallu que de tristes records soient battus - l'explosion du nombre des crimes et délits, en augmentation de plus de 16 % entre 1997 et 2001, et un taux d'élucidation inférieur à un cas sur cinq - et que nos concitoyens atteignent un niveau d'exaspération tel que l'insécurité menace les fondements mêmes de notre édifice institutionnel pour que cette question soit enfin prise à bras-le-corps.
    Notre volonté, désormais majoritaire après des années d'un angélisme aussi coupable que responsable, est aujourd'hui le témoignage de notre sursaut. Le soutien que lui apportera la représentation nationale sera, demain, celui de notre salut.
    Chacun, dans sa circonscription, face à des concitoyens tourmentés pour eux-mêmes et pour leurs proches les plus vulnérables, s'est engagé durant la campagne électorale qui vient de s'achever à oeuvrer à la restauration de l'autorité de l'Etat. Aujourd'hui, nous constatons avec satisfaction et fierté que cette préoccupation majeure a été entendue et c'est avec le sentiment de respecter notre engagement que nous abordons l'examen de ce texte.
    Ce projet, monsieur le ministre, vous l'avez nourri d'une observation attentive et lucide. En effet, vous avez su prendre le pouls d'un pays en souffrance afin de lui proposer la palette de remèdes la plus large possible.
    A ce titre, vous avez fixé des orientations et, surtout, prévu les moyens nécessaires à leur mise en oeuvre et à leur succès. C'est, à mon sens, un autre point déterminant de ce texte.
    Il nous est désormais permis d'imaginer que notre pays ne connaîtra plus de zones de non-droit où pompiers, policiers et gendarmes ne pouvaient plus pénétrer.
    Il nous est désormais permis d'imaginer que des administrations trop longtemps habituées à travailler de manière isolée sauront unir leurs efforts dans le but de renforcer leurs capacités d'investigation, de lutter contre l'économie souterraine, d'éradiquer le terrorisme, bref, de faire en sorte que les délinquants, où qu'ils se trouvent, soient interpellés et mis à la disposition de la justice.
    Des outils sont affectés à ces missions : Conseil de sécurité intérieure, groupes d'intervention régionaux, conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, offices centraux de police judiciaire. Le dispositif est assorti d'un programme de recrutement et d'équipement de 5,6 milliards d'euros sur cinq ans pour la police nationale et la gendarmerie.
    Ainsi nos agents pourront affronter la délinquance dans des conditions d'efficacité maximum.
    Permettez-moi, monsieur le ministre, de souligner la part que, dans ce vaste chantier que je soutiens de toutes mes forces, vous souhaitez réserver aux acteurs : les forces de l'ordre et les élus locaux. C'est, après le contexte général et les moyens, un point qui mérite d'être examiné avec attention.
    S'agissant des forces de l'ordre, j'ai eu l'occasion, sur le terrain, en tant que maire, de les écouter et je peux témoigner qu'il a suffi de quelques semaines pour que gendarmes et policiers soient à nouveau motivés et se sentent plus que jamais soutenus.
    M. Jean-Pierre Blazy. C'est incroyable !
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Très bien !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. C'est vrai !
    M. Jean-Pierre Blazy. Quel angélisme ! (Sourires.)
    Mme Michèle Tabarot. Je pense également aux polices municipales qui ont, jusqu'à présent, pallié les carences en effectifs de la police nationale.
    Nous n'avons cessé de dénoncer ces manques dans un département que je connais bien, les Alpes-Maritimes où, paradoxalement, l'explosion de la délinquance ne s'est jamais accompagnée d'une augmentation proportionnelle des renforts de police.
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Très juste !
    Mme Michèle Tabarot. Avec la population, nous nous sommes mobilisés pour obtenir que ces agents menacés d'être désarmés conservent cette prérogative indispensable à l'efficacité de leur mission.
    M. Lionnel Luca. Bien sûr !
    Mme Michèle Tabarot. Loin d'être ces milices privées décrites de façon insultante et caricaturale, les agents des polices municipales, qui reçoivent une formation de qualité, sont profondément soucieux du droit et des règles de procédure.
    M. Jean Leonetti. C'est vrai !
    Mme Michèle Tabarot. Je sais, monsieur le ministre, que votre dispositif inclura l'expérience de ces hommes et de ces femmes.
    Par ailleurs, on dit souvent que les maires sont la clé de voûte de la démocratie locale.
    Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue.
    Mme Michèle Tabarot. Je conclus, madame la présidente.
    Pour que ce rôle si cher à nos concitoyens perdure, vous avez souhaité que les élus locaux puissent accéder à l'information en toute transparence et être partie prenante des stratégies d'action que définiront les services de sécurité.
    Enfin, ce nouvel élan dont vous dessinez les contours devra être relayé, comme cela a été annoncé, par des efforts considérables en faveur de la justice. Ainsi les deux piliers de notre système que sont la police et la justice apporteront les meilleures réponses aux attentes des Français.
    Nous serons donc à vos côtés et aux côtés du Gouvernement pour oeuvrer à ce succès déterminant. Depuis quelques semaines, monsieur le ministre, l'espoir renaît chez nos compatriotes après des années d'inquiétude. Alors, oui, ce projet de loi doit être défendu par le législateur au nom de ce qu'il y a de plus noble dans la mission qui nous incombe : redresser notre pays, redonner aux Français confiance dans leur sécurité et espoir dans leur avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union par la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Manuel Aeschlimann.
    M. Manuel Aeschlimann. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'aimerais tout d'abord dire ma joie, mon bonheur que ma première intervention en tant que nouveau député porte sur la lutte contre la délinquance. Je le ferai, si vous le permettez, sans notes, car je souhaite vous dire brièvement ce que je ressens, après avoir entendu les précédents orateurs s'exprimer sur ce sujet si cher au coeur de nos concitoyens, et redire, évidemment, toute ma confiance en Nicolas Sarkozy, notre ministre, à qui incombe la lourde tâche de remettre de l'ordre dans notre pays.
    Pour moi, ordre rime avec justice. Il s'agit simplement de donner aux honnêtes gens la liberté d'aller et venir sur le territoire de nos communes sans risquer d'être agressés.
    Chacun a bien perçu que la gauche souffle le chaud et le froid. Parfois, avec M. Dray, nous parvenons à un certain consensus, mais d'autres collègues socialistes ont d'ores et déjà annoncé qu'ils ne voteront pas le texte. C'est toujours la même méthode : un pas en avant, un pas en arrière. Là encore, la gauche se révèle pleine de contradictions.
    Il ne s'agit pas de parler des absents. Chacun sait que M. Jospin a baigné dans un océan de naïveté, on ne le rappellera pas.
    M. Jean-Louis Idiart. Ce n'est pas la peine de le dire si vous ne vouliez pas le rappeler !
    M. Manuel Aeschlimann. Eh oui, la vérité blesse, c'est bien connu !
    Chacun a pu constater, depuis une vingtaine d'années, un désengagement de l'Etat alors que, à partir de 1981, la délinquance a changé de nature. Jusqu'alors, il y avait des phénomènes de bandes, d'attroupements, qui exprimaient plutôt une révolte contre la société. Or, ces bandes sont devenues criminelles.
    M. Jean-Louis Idiart. On les a même armées !
    M. Manuel Aeschlimann. On a stigmatisé tout à l'heure le bilan désastreux de la gauche plurielle, mais c'est dès 1981 que les délinquants et les voyous ont bénéficié de l'oreille attentive des gouvernants. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Pierre Blazy. C'est inadmissible !
    M. Manuel Aeschlimann. Ce désengagement de l'Etat a évidemment conduit les collectivités locales, les maires à prendre des décisions pour pallier ces carences. Je pense à la création des polices municipales, au développement de la vidéosurveillance et, plus récemment, à la mise en oeuvre d'arrêtés d'un type nouveau, relatifs à la circulation des mineurs sur les territoires communaux.
    Malheureusement, là encore, on a pu constater que les gouvernements de gauche tentaient d'éradiquer ces dispositifs dès leur naissance en dressant des barrières insurmontables contre la création des polices municipales ou le développement de la vidéosurveillance et en lançant allégrement les préfets aux trousses des maires qui osaient prendre les « arrêtés de couvre-feu », comme les ont appelés les médias. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Lionnel Luca. C'est vrai !
    M. Manuel Aeschlimann. C'est pourquoi aujourd'hui nous nous retournons avec confiance vers l'Etat, vers notre gouvernement, qui propose une loi responsable, une loi d'ordre et de sécurité.
    Je garde en mémoire le souvenir cuisant d'un débat télévisé avec M. Bartolone, alors ministre de la ville, qui m'avait expliqué, que, pour lui, les maires qui prenaient des mesures de lutte contre l'insécurité se comportaient comme, je cite, de véritables loups-garous. Je m'étais permis de lui répondre que les loups-garous, c'étaient les délinquants, les dealers, les violeurs plutôt que les honnêtes élus locaux qui prenaient ces mesures. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Guy Drut. Ça nous intéresse de le réentendre !
    M. Lionnel Luca. Un peu de politesse et de correction !
    Mme la présidente. Continuez, monsieur le député.
    M. Manuel Aeschlimann. Vous devriez prendre exemple sur l'équipe de France de football : elle aussi a perdu au premier tour, mais au moins on ne l'entend plus ! (Sourires.)
    Je terminerai en soulignant l'importance de ces mesures locales. Le ministre de l'intérieur nous expliquait il y a quelque temps qu'il était prêt à accorder aux élus locaux un vrai pouvoir d'expérimentation. J'aurai pour ma part dès l'automne un certain nombre de propositions à lui faire qui s'inspirent des expériences étrangères. On a parlé de New York, on peut aussi parler de Londres, de beaucoup de métropoles du monde occidental, dont les initiatives en ce domaine ont des résultats concrets et positifs. Une telle expérimentation, non seulement à l'échelon local, mais aussi au regard des expériences de nos collègues étrangers, sera un plus, dans la mesure où, comme le ministre de l'intérieur l'a annoncé clairement et simplement, le Gouvernement en tiendra compte.
    Et puis j'ai entendu dire ici et là que cette loi était jugée trop sécuritaire. Je regrette qu'une fois encore on oppose sécurité, répression et prévention. Les élus locaux que nous sommes savent très bien que la prévention et la répression sont complémentaires. Bien sûr, la prévention à la mode socialiste...
    M. Richard Mallié. On n'en veut plus !
    M. Manuel Aeschlimann. ... du type contrats de ville, Bruno Le Roux lui-même, dans un rapport de 1997, avait reconnu qu'elle était un échec,...
    M. Jean-Pierre Blazy. 1997, vraiment ? Vous croyez ?
    M. Manuel Aeschlimann. ... un échec cuisant, si l'on en croit Eric Chalumeau de l'IHESI, à la différence de celle adoptée dans beaucoup de pays européens. C'est pourquoi cette prévention-là nous n'en voulons pas. Ce projet de loi est tout autant préventif que répressif, et mes collègues l'on bien perçu comme tel.
    Mme la présidente. Monsieur Aeschlimann, concluez s'il vous plaît !
    M. Jean-Pierre Blazy. C'est ça, concluez !
    M. Manuel Aeschlimann. Oui, madame la présidente, je conclus.
    Je souhaite simplement dire que l'association entre prévention et répression répond bien au souhait de nos concitoyens. Il suffit que j'entende mes collègues élus de terrain me parler des nouveaux types de délinquance qu'ils rencontrent - l'accroissement des comportements agressifs, l'évolution des phénomènes de bandes -, pour être certain que le texte proposé par le Gouvernement, très concret, sera un plus et permettra à nos concitoyens de reprendre confiance dans leur police, dans leur gendarmerie, et aussi dans leurs gouvernants.
    Le ministre de l'intérieur a donc toute ma confiance et toute celle, je n'en doute pas, des députés de l'UMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
    M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le ministre, dans le projet de loi, vous encouragez, facilitez et aidez la construction et la rénovation des gendarmeries, et je vous en félicite.
    En effet, nous ne pouvons plus admettre que des brigades de gendarmerie soient installées dans des locaux désuets, parfois insalubres, et que leur personnel réside souvent dans des logements de mauvaise qualité et, dans de trop nombreux cas, géographiquement disséminés. A titre d'exemple, dans ma commune, sur un effectif de vingt-sept gendarmes, dix-huit sont logés à l'extérieur et, pour certains, à plusieurs kilomètres.
    Cette situation n'est pas acceptable, même si elle reste classique dans les brigades péri-urbaines. Cela pose un véritable problème dans l'organisation de la brigade, et s'avère préjudiciable à son efficacité opérationnelle.
    Le logement sur place renforce à l'évidence l'esprit de corps, garantit une meilleure gestion du service et assure une plus grande sécurité pour les gendarmes et leurs familles. Il serait donc judicieux que les prochaines constructions de gendarmerie anticipent les hausses d'effectifs, qui accompagneront nécessairement l'essor de la population dans les franges péri-urbaines de nos agglomérations.
    Il est un autre sujet que je souhaite aborder, ce sont les conditions de délivrance des attestations d'accueil n'excédant pas 90 jours pour des ressortissants étrangers à la Communauté européenne. Cette disposition administrative d'accueil pose un certain nombre de problèmes que seul un angélisme aujourd'hui dépassé pourrait nous laisser ignorer.
    Si la philosophie de cette procédure ne peut être remise en cause, nous ne pouvons sous-estimer le nombre d'attestation d'accueil régulièrement détournées de leur objectif.
    Simplifiée à l'excès, elle ne permet en aucun cas au maire de disposer des moyens et du droit de s'assurer de l'authenticité des éléments administratifs fournis par les personnes hébergées des garanties d'accueil décent par l'hébergement et surtout d'être informé de leur retour dans leur pays d'origine.
    Le nombre des certificats d'hébergement augmente chaque année. C'est un constat. Aussi, en tant que maire, j'ai souhaité que les services de ma commune instruisent les dossiers, comme la loi nous y oblige, mais que les attestations en soient signées à la brigade de gendarmerie. Dès lors, nous avons pu constater une baisse de 30 % des demandes.
    Je suppose que cet aspect du problème pourra être abordé plus précisément à l'automne, mais je pense que nous ne ferons pas l'économie d'une réflexion globale sur les moyens à mettre en oeuvre afin de pallier toutes les dérives constatées.
    Il conviendra de mettre en place des procédures de bon sens, simples mais fiables, permettant de nous assurer qu'à l'issue de leur hébergement temporaire sur notre sol, les ressortissants étrangers à la Communauté européenne, hébergés provisoirement sur notre territoire, ont bien regagné leur pays d'origine.
    Pour conclure, la place de nos polices municipales et des agents locaux de médiation sociale dans le dispositif de police de proximité et de prévention mérite également toute notre attention.
    Vous avez, monsieur le ministre, rappelé qu'il n'était pas souhaitable de confier aux maires la responsabilité opérationnelle du maintien de l'ordre. Cela me paraît logique.
    En revanche, nous ne pouvons ignorer que les services de police municipale assurent une mission réelle et efficace de police de proximité.
    Le moment venu, il faudra réexaminer un certain nombre de dispositions des lois d'avril 1999 et de mars 2000, notamment celles relatives à la coordination et à la coopération entre police municipale, police d'Etat et gendarmerie.
    Je souhaiterais qu'on aille vers une plus grande reconnaissance du travail de proximité et de médiation des polices municipales.
    Le plus grand nombre de ces dernières sont aujourd'hui, par convention, sous le contrôle opérationnel de l'Etat et complètent donc son dispositif de sécurité publique. Aussi, on peut s'interroger sur la nécessité d'une mutualisation avec l'Etat des coûts de nos polices municipales. Cela pourrait être examiné à l'occasion de la prochaine loi de finances.
    Dans le même esprit, si j'en crois une récente déclaration, les fonctions d'agents locaux de médiation sociale, relevant du dispositif emplois-jeunes, ne verraient pas leur financement pérennisé.
    Peut-être pourrez-vous m'assurer, monsieur le ministre, que des mesures particulières seront prises afin de maintenir, dans des conditions financières acceptables pour nos communes, ces missions utiles, populaires, bien intégrées en particulier dans nos communes péri-urbaines et pas seulement dans les plus agitées.
    Ces jeunes gens ont acquis au fil des mois l'expérience et le réflexe de service public. Je peux en porter témoignage. Dans ma propre ville, l'un d'entre eux, alors qu'il n'était pas en service, a eu le réflexe de son travail : témoin, une nuit, d'une incivilité, il est intervenu pour y mettre fin. Il l'a payé de sa vie. Il a été assassiné. Il avait vingt-deux ans. Vous comprenez pourquoi je me fais l'avocat ce soir, avec beaucoup de conviction et d'émotion, des agents locaux de médiation sociale.
    Monsieur le ministre, au-delà de ces suggestions, je précise que le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure que vous nous présentez répond à l'évidence à l'attente de nos concitoyens. Elle rassure toutes celles et tous ceux qui ont placé leurs espoirs dans notre nouvelle majorité et dans le nouveau gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Victoria.
    M. René-Paul Victoria. Madame la présidente, monsieur le ministre, dans le rapport sur les orientations de la politique de sécurité intérieure, annexé au présent projet de loi, il est écrit que l'un des objectifs de ce texte est de « prendre en compte les besoins spécifiques des départements et territoires d'outre-mer », sans autre précision.
    Pourtant, en termes de sécurité, la situation des départements d'outre-mer, et du département de La Réunion en particulier, n'a rien de spécifique par rapport à celle des départements de métropole. L'insécurité, pour nos compatriotes, est tout aussi insupportable au soleil !
    Trop souvent, d'ailleurs, le précédent gouvernement s'est appuyé sur nos prétendues « spécificités » pour restreindre le champ d'application des lois, alors même que nous réclamions une discrimination « positive », au regard des retards que nous avons accumulés.
    C'est ainsi que le département de la Réunion, qui compte plus de 750 000 habitants, ne dispose toujours pas d'un service départemental de police judiciaire : chacune de nos demandes s'est heurtée, jusqu'à présent, à une forme d'autisme du gouvernement.
    Il vous faut savoir que dans des villes importantes, comme Saint-Paul, Saint-André, ou encore Le Tampon, il n'existe pas de commissariat de police permanent ! Or, ce sont sur ces zones fortement urbanisées que se développent aujourd'hui de nouvelles formes de délinquance proches du grand banditisme.
    Nous avons l'espoir que notre Gouvernement mettra en place une véritable politique de rattrapage, tant au niveau des effectifs que du renforcement de la présence physique de la police nationale, dans les zones sensibles.
    M. le Premier ministre l'a souligné, la sécurité est un droit fondamental et l'une des conditions de l'exercice des libertés individuelles et collectives. Il n'est pas normal que nos compatriotes de la Réunion soient encore en position de faiblesse par rapport à ce droit.
    Je vous le dis avec d'autant plus de franchise, messieurs les ministres, que, si la politique de sécurité et de prévention relève avant tout de la compétence de l'Etat, les élus locaux s'impliquent de plus en plus dans cette démarche.
    Permettez-moi de vous citer un exemple : en tant que maire, j'ai tenu à mettre en oeuvre une concertation régulière et hebdomadaire entre les services de la police nationale, de la police municipale et de la gendarmerie.
    Voilà pourquoi, monsieur le ministre, je souhaite que la loi relative à la sécurité intérieure, au-delà des dispositifs novateurs qu'elle propose - notamment pour faire reculer le climat d'insécurité et mieux prendre en compte les victimes -, s'articule avec la future loi de programme pour la justice.
    En effet, si on décharge les fonctionnaires de la police de certaines tâches administratives,...
    M. Jean-Marie Geveaux. Très bien !
    M. René-Paul Victoria. ... afin qu'ils se consacrent davantage au terrain, il est tout autant essentiel que les résultats obtenus par les forces de sécurité - police et gendarmerie nationales - trouvent un prolongement cohérent avec les missions de l'institution judiciaire.
    J'ai pris acte du fait que des administratifs remplaceront les professionnels - policiers, gendarmes - pour être plus sur le terrain, mais la spécificité du domaine nécessite la création d'un corps de professionnels administratifs des métiers de police, de gendarmerie et de justice.
    Enfin, la loi entend donner à la France un rôle moteur dans la coopération européenne et internationale en matière de sécurité intérieure. Il est nécessaire que cette orientation ait également une référence au niveau des départements d'outre-mer qui, dans leurs bassins géographiques respectifs, font valoir à la fois la voix de la France et celle de l'union européenne. L'outre-mer, la France dans le monde ! L'outre-mer, les nouvelles frontières de l'Europe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Schreiner.
    M. Bernard Schreiner. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, c'est avec un réel plaisir que j'ai pris connaissance des différents dispositifs du projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure que nous examinons aujourd'hui.
    Ce projet de loi est une première étape permettant de préciser les moyens humains et financiers mis à la disposition de la sécurité intérieure de notre pays et souhaités par nos concitoyens.
    Avant d'aborder à l'automne les dispositions techniques qui accompagneront cet effort, il était indispensable de mettre en place les fondations avec diligence. Avec ce texte, cela est à présent fait et je vous en remercie, monsieur le ministre.
    En fixant les orientations politiques et les moyens qui seront mis en oeuvre pour les cinq prochaines années, le Gouvernement répond aux interrogations de nos concitoyens. Lorsque, dans quelques mois, nous aborderons les dispositions techniques, nous pourrons enfin répondre aux préoccupations des Français en matière de sécurité.
    Je ne m'étendrai pas sur les mesures préconisées tant elles sont pragmatiques, logiques et rationnelles. Elles vont incontestablement dans le bon sens et je soutiendrai sans réserve ce texte.
    La création des GIR en particulier est une mesure attendue de longue date par tous ceux qui constatent sur le terrain les effets démobilisateurs et démoralisateurs sur la population de ces petits caïds de quartier circulant à bord de limousines rutilantes et hors de prix pour la plupart des Français.
    S'attaquer à ces signes extérieurs de la délinquance et de l'argent facile sera, j'en suis sûr, la meilleure pédagogie possible pour rappeler à tous les vertus du droit chemin.
    S'attaquer à l'économie souterraine, c'est redonner au travail toute sa vertu, c'est rappeler à certains les valeurs que leurs parents n'ont pas voulu ou réussi à transmettre.
    S'attaquer aux signes extérieurs de la délinquance, c'est aussi pouvoir interroger certains groupes de faux nomades mais vrais délinquants ayant choisi de se fondre dans des groupes de gens du voyage pour échapper aux contrôles des forces de l'ordre et aux investigations de la justice.
    Mais, au-delà du problème récurrent des gens du voyage que rencontrent la plupart des maires de France, il faudra rapidement entreprendre la nécessaire révision de la loi Besson pour aboutir à un système plus équilibré introduisant également des devoirs et des obligations pour cette population et plus seulement des droits sans aucune contrepartie.
    Il faudra également trouver des solutions simples et de bon sens pour réduire les incivilités et les comportements délictueux, comme l'obligation d'immatriculer tous les deux-roues motorisés ; la saisie automatique de tout véhicule muni de fausses plaques minéralogiques ; la généralisation de la procédure de saisie des véhicules des contrevenants et l'extension de ce dispositif au-delà du délai de deux ans comme c'est le cas actuellement ; le renforcement des sanctions pour outrage à tout dépositaire de l'ordre public.
    Voilà quelques idées que je tenais à vous soumettre monsieur le ministre, merci d'en tenir compte.
    C'est avec conviction que je voterai votre texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier.
    M. Jérôme Chartier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure dont nous débattons, au-delà de l'effort financier considérable mais, ô combien nécessaire, qu'il représente, est sans conteste la manifestation la plus concrète et aussi la plus emblématique de l'action du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin.
    Ce projet inaugure deux nouveautés.
    La première est la lisibilité : chacun comprend le texte parce qu'il dit les choses clairement : il parle concrètement et sans figure de style des problèmes de tous les jours, il présente les difficultés auxquelles la plupart d'entre nous sont confrontés quotidiennement.
    La seconde nouveauté est la crédibilité : un tel projet ne pourrait être qu'une succession de bonnes intentions s'il n'était pas accompagné d'une volonté profonde du Gouvernement que l'on ressent indubitablement à la lecture des mesures prises lesquelles seront justement efficaces parce qu'elles sont simples et sans détour.
    Les crédits consentis sont importants et renforcent d'ailleurs la crédibilité du projet. On met enfin les moyens face aux engagements et on le fait tout de suite et sans attendre. Ce signal fort est en direction des Français qui ont souffert et souffrent encore d'un sentiment d'abandon de la part des pouvoirs publics face à la lutte contre l'insécurité.
    Mais il est aussi en direction de ceux qui sont les garants de notre sécurité au quotidien, jour et nuit, dans nos villes, dans nos villages, dans nos campagnes : les forces de l'ordre, la gendarmerie et la police nationale.
    Ces agents de l'Etat qui travaillent dans des conditions particulièrement difficiles, ont besoin de considération, de reconnaissance et de soutien. Le Président de la République a mis en avant la notion essentielle de respect. Ce respect, vous allez le porter tous les jours sur le terrain aux forces de l'ordre, monsieur le ministre, en notre nom à tous, au nom de tous les Français.
    Oui, on peut le constater, les forces de l'ordre reviennent enfin sur le terrain, pour mener leur mission première : assurer la sécurité des personnes et des biens.
    Enfin, on dit des choses simples : les policiers et les gendarmes ne sont pas des travailleurs sociaux.
    Enfin, on fait la différence : les forces de l'ordre ne sont pas les acteurs de la prévention, qui est une mission bien spécifique, en amont et en profondeur, et qui incombe à d'autres. Elles sont les acteurs de la dissuasion et, s'il le faut, de la répression sans laquelle il n'est pas de dissuasion crédible.
    Dans l'exécution de leur mission, nous devons garantir aux forces de l'ordre les moyens matériels, mais aussi le statut approprié. Nous devons, comme pour la réserve militaire, encadrer juridiquement et promouvoir socialement la création d'une réserve civile de la police.
    Nous devons aussi garantir aux forces de l'ordre une loi simple et claire, qu'elles puissent appliquer vite et bien. Nous souffrons en France de lois complexes. Si elles réjouissent les techniciens du droit, elles désespèrent les acteurs du quotidien.
    Il faut que toutes les lois soient à l'image de celle-ci, monsieur le ministre, et que les codes que vous envisagez de constituer adoptent cette règle simple : pour bien faire, il faut bien comprendre ; pour bien comprendre, il faut bien expliquer.
    Tous les acteurs de la sécurité publique ne sont pas des maîtres en droit et en procédure. Plus nous les aiderons à bien exécuter leur mission, plus ils seront efficaces et satisferont l'objectif que vous fixez, qui est tout simplement de résoudre les problèmes quotidiens des Français.
    La rédaction du projet montre que vous connaissez parfaitement ces problèmes quotidiens, monsieur le ministre, parce que vous les décrivez tels que les Français les vivent : vols de portables, trafics en tout genre, stationnement sauvage des nomades, épaves jonchant les rues, racket. C'est le projet de loi de la vie de tous les jours, qui marque le début de la reconquête de notre sécurité, et pour lequel notre soutien, certes, mais aussi notre détermination à aller jusqu'au bout est essentielle.
    La loi fixe des droits et des devoirs, c'est sa mission universelle. Autant il me semble essentiel que nous soyons fermes dans la définition des obligations, autant il convient de se souvenir qu'une bonne loi est une loi juste, proportionnée et équilibrée. Quand une loi est claire et bien expliquée, elle a plus de chances d'être bien appliquée et le but recherché par le législateur est alors atteint.
    Rétablissement de l'ordre, relèvement de l'autorité de l'Etat, restauration de la force de la loi, voilà le programme que nous appelions de nos voeux, voilà le programme que vous nous proposez. Voilà un gouvernement qui traduit ses paroles en actes. Voilà un changement bienvenu.
    Ce projet de loi pour la sécurité intérieure met en oeuvre des moyens modernes et adaptés à l'évolution de la délinquance. Il autorise, rationalise et optimise l'utilisation de fichiers. Il permet l'installation de dispositifs de vidéosurveillance dans les zones sensibles, et je m'en félicite.
    M. Jean-Claude Lefort. Cela fait bien cinq minutes qu'il parle ! En tout cas cela paraît long !
    M. Jérôme Chartier. Dans ce dispositif en faveur de la sécurité, comme vous l'avez clairement posé, monsieur le ministre, nous devons garantir le maintien de l'état de droit.
    Mme la présidente. Monsieur Chartier, je vous invite à conclure.
    M. Jérôme Chartier. Je conclus, madame la présidente.
    Notre politique de sécurité ne serait que ruine si, dans son application, nous omettions de veiller au maintien des libertés publiques fondamentales.
    Il ne faut pas cependant opposer sécurité et liberté, qui ne sont pas antinomiques, bien au contraire. La sécurité est la première des libertés, celle qui conditionne la jouissance de toutes les autres.
    C'est pourquoi, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, loin d'être liberticide comme voulaient le laisser entendre cet après-midi certains orateurs donneurs de leçons, est porteur de liberté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Lionnel Luca.
    M. Lionnel Luca. Monsieur le ministre, merci d'avoir entendu les Français et de nous avoir compris, nous, les élus, qui sommes leurs relais et leurs intermédiaires. Il est rare effectivement qu'un ministre, en si peu de temps, ait parfaitement compris le mal dont souffre notre pays (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains) et propose les remèdes nécessaires à son éradication. Il est rare également que les engagements pris avant les élections trouvent leur traduction immédiatement après.
    Un gendarme avec qui je parlais au téléphone il y a quelques instants me disait : « Nous avons écouté le discours du ministre, et l'on voit qu'il est allé chercher les informations à la base. » C'est le plus beau témoignage qui puisse vous être fait, monsieur le ministre, et cela nous change de ce que nous avons connu dans un certain passé immédiat.
    M. Bernard Accoyer. C'est la vérité.
    M. Lionnel Luca. Je souhaite apporter quelques éléments complémentaires à ce qui a déjà été dit.
    Parmi les moyens importants que vous voulez donner aux fonctionnaires de police et aux gendarmes, envisagez-vous de les libérer des tâches administratives ingrates qui les empêchent d'être davantage opérationnel, c'est-à-dire sur le terrain ? Cette mesure a souvent été annoncée mais jamais réalisée. Peut-être sera-ce l'inverse cette fois-ci. Peut-être sera-t-elle réalisée, quoique non formellement annoncée.
    Il est aussi nécessaire de rendre ce métier de nouveau attrayant. Or force est de constater que, même en dégageant des moyens supplémentaires, on ne trouve pas forcément les fonctionnaires de police nécessaires.
    Dans un département comme les Alpes-Maritimes, par exemple, c'est l'obstacle du logement qui freine les mutations et empêche les recrutements.
    M. Jean-Claude Lefort. Il y a pourtant de beaux hôtels, là-bas !
    M. Lionnel Luca. Ce peut être parfois l'aspiration à une retraite anticipée : il est tentant d'aller occuper d'autres fonctions afin de ne plus subir les désagréments liés à sa profession. Il faut rendre ce métier plus valorisant, améliorer les conditions de carrière et de salaire.
    Revaloriser les conditions d'exercice de la profession, c'est aussi affirmer le soutien de la société à ceux qui sont en première ligne sur le front de l'insécurité, en aggravant notamment les peines encourues par ceux qui attentent à la vie des forces de l'ordre. Christian Estrosi a rappelé le cas de ce policier niçois, entre la vie et la mort pour avoir simplement amené aux urgences de l'hôpital Saint-Roch de Nice un petit délinquant qui n'a pas hésité à tirer sur le personnel de l'hôpital et sur celui qui le gardait. Il est donc nécessaire que les délinquants sachent qu'attenter à la vie d'un fonctionnaire de police ou de gendarmerie, cela coûte cher, que ce n'est pas le même tarif que pour les autres victimes, que celles-là exercent une mission et doivent à ce titre être protégées.
    M. Jean-Claude Lefort. N'importe quoi !
    M. Lionnel Luca. Il faut aussi donner aux forces de l'ordre une formation renforcée, mieux adaptée aux circonstances auxquelles elles doivent faire face, à même de les aider à mieux supporter la pression subie. Qui cela intéresse-t-il de savoir qu'une cinquantaine de policiers se suicident chaque année ? Ce n'est pas le fait du hasard.
    Je vous félicite, monsieur le ministre, de la nouvelle organisation mise en place ; elle permettra notamment aux communes rurales, qui, faute de moyens financiers, ne peuvent s'offrir une police municipale la nuit, de disposer de brigades de gendarmerie en permanence. Lorsque celles-ci deviendront véritablement opérationnelles, nous aurons gagné une grande partie de la bataille.
    M. André Chassaigne. N'importe quoi !
    Mme Christiane Taubira. On attend de voir ça !
    M. Lionnel Luca. Permettez-moi, pour conclure, quelques remarques et suggestions.
    S'agissant de la mendicité, je préférerais le terme de « mendicité permanente » à celui de « mendicité agressive ». Car elles ne sont pas forcément agressives, ces femmes, par exemple, avec leur bébé drogué dans les bras de huit heures à vingt heures, par trente-cinq degrés en plein soleil, comme nous en voyons si souvent sur nos territoires. Ce n'est pas de l'agressivité, c'est une exploitation éhontée d'enfants en bas âge. Et le fait que la mendicité ne soit plus interdite se traduit par une inaction coupable.
    Quant à la violence scolaire, elle n'est pas directement de votre ressort, mais il est bon que le ministère de l'éducation soutienne désormais son administration lorsqu'elle est confrontée à des problèmes de violence au lieu de camoufler les exactions dont les enfants aussi peuvent être victimes.
    S'agissant de la prostitution d'origine étrangère, rappelons que l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité un texte qui permettrait, au-delà des prostituées, d'interpeller les délinquants qui les exploitent. Ce projet pourrait être transmis au Sénat et, moyennant quelques amendements complémentaires, devenir rapidement opérationnel. Ce qu'il faut éradiquer, ce sont les réseaux qui sont derrière.
    Mme la présidente. Je vous prie de bien vouloir conclure.
    M. Lionnel Luca. Je conclus, madame la présidente.
    S'agissant des gens du voyage enfin, il y a ceux qui voyagent effectivement, nous en avons parlé, mais aussi ceux qui ne voyagent plus : ceux-là achètent des terrains agricoles non constructibles, en zone PPR, y installent des caravanes en totale illégalité,...
    M. Jean-Louis Idiart. Cela s'appelle des promoteurs immobiliers !
    M. Lionnel Luca. ... créant autant de colonies qui servent de base à des petits trafics que personne ne parvient à empêcher - c'est le cas sur la commune de Saint-Paul-de-Vence, pourtant connue pour d'autres raisons... Le maire est totalement démuni face à cette prolifération alors que quelques enquêtes fiscales seraient là aussi bienvenues.
    Voilà, monsieur le ministre, ce que j'avais envie de vous dire ce soir, en vous félicitant une fois encore. Votre tâche est immense. Nous sommes là pour vous soutenir, mais je suis sûr que, très vite, tous les Français seront derrière vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Rivière.
    M. Jérôme Rivière. Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames, messieurs, les crimes et délits sont en très nette augmentation par rapport aux années précédentes dans tout le pays, même si les statistiques du mois de juin montrent une première amélioration.
    Les moyens utilisés par les délinquants sont de plus en plus violents. Nous l'avons vécu hier, Lionel Luca le rappelait à l'instant, dans ma circonscription lorsqu'un délinquant placé en garde à vue pour une affaire de cambriolage n'a pas hésité lors d'un examen à l'hôpital à arracher l'arme du policier qui l'escortait et à faire feu, blessant grièvement ce gardien de la paix et trois membres du personnel hospitalier.
    Les voyous ne cherchent plus à intimider ; ils n'hésitent pas à tuer des convoyeurs de fonds, des policiers, les gendarmes, des parents ou même des enfants. Les délinquants sont de plus en plus jeunes. Ce constat est très alarmant. Il est temps de s'attaquer aux racines de ce mal qui ronge nos vies.
    C'est clairement l'objectif poursuivi par cette loi d'orientation et de programmation. La sécurité, on l'a rappelé à cette tribune, doit exister partout et pour chacun. Mais je pense plus particulièrement en cet instant aux plus jeunes, à notre avenir, à nos enfants.
    L'implosion de nombreuses familles et l'explosion de l'école dans de nombreux quartiers ont entraîné la perte de valeurs, de repères, ce qui explique la violence gratuite, la violence disproportionnée. S'il faut mettre en place une vraie politique de la famille, il faut donner à l'école les moyens de faire face à cette frange de la jeunesse totalement déstructurée. Mais l'éducation d'un enfant ne saurait se limiter aux heures de cours. Cela se fait aussi après les classes, pendant les vacances, sur les terrains de sport. C'est là qu'il faut un encadrement pour les plus faibles. C'est là que la sécurité doit être une certitude : les lieux d'apprentissage de la vie, ces lieux où l'on s'élève, doivent être des espaces protégés. La sécurité doit y être garantie en toute circonstance pour y assurer l'égalité des chances, la première étant l'accès au savoir.
    Beaucoup de nos compatriotes, et souvent dans les quartiers les plus populaires, sont privés d'une liberté, d'un droit essentiel : celui de vivre tout simplement en sécurité. Sécurité des personnes qui doivent accomplir librement tous les actes de la vie quotidienne, et notamment rentrer chez soi sans se faire agresser ; sécurité des biens, particulièrement ceux acquis à la sueur de leur front par les plus modestes de nos concitoyens. La sécurité, c'est un devoir primordial de l'Etat à l'égard de la population, un droit fondamental de la personne humaine. Il est temps que les discours fassent place à l'action.
    Cessons de nager en pleine incohérence ! Il est facile aujourd'hui pour une caissière de supermarché de contrôler notre identité ; cela l'est beaucoup moins pour un fonctionnaire de police ou un gendarme, soumis aux fourches caudines de l'article 78-2 du code de procédure pénale. Le même fonctionnaire doit établir de nombreux procès-verbaux garantissant nos droits individuels, mais qui l'empêchent d'être sur le terrain pour continuer sa mission. Les agents des BAC, par exemple, sont contraints de revenir au bureau la nuit pour rédiger eux-mêmes la procédure... Les créations de postes prévues par la loi seront à cet égard les bienvenues pour améliorer cette situation tendue.
    L'absence de moyens a conduit ces dernières années à instaurer, non pas la tolérance zéro, mais l'impunité maximale pour les voyous. L'Etat doit répondre à l'attente de la population qui se sent aujourd'hui encerclée par la montée de la délinquance, harcelée par les incivilités, abandonnée des autorités publiques. Ces moyens, nous les voterons avec cette loi pour mettre en place une vraie police de proximité avec un îlotage organisé et systématisé, pour orienter nos concitoyens vers les services compétents, pour faciliter les dépôts de plainte, pour affecter des policiers sur le terrain et non à des tâches administratives ou de surveillance statique.
    Reste que les fonctionnaires de police ne peuvent être présents partout. C'est pourquoi je souhaite, monsieur le ministre, que nous les libérions de certaines tâches qui les mobilisent au détriment des missions de terrain. Il faut aller plus loin, par exemple pour ce qui touche au transfert des détenus. Certes, il ne serait pas conforme à notre droit de confier à des sociétés extérieures ce rôle qui ressortit à l'une des prérogatives fondamentales de l'Etat, mais il doit être possible de rationaliser l'exécution des transferts de détenus. Ce sont pour le moment les magistrats qui déterminent le nombre de policiers et de gendarmes nécessaires à ces opérations, choix lourd de conséquences, tant sur le terrain que sur le plan budgétaire. En confiant ces tâches aux personnels du corps pénitentiaire, pour peu qu'ils soient formés et équipés, comme il convient, nous devrions régler plus efficacement le problème. En effet, qui mieux que les gardiens de prisons connaît les détenus, leur dangerosité, leurs habitudes ? Certainement pas les policiers ni les gendarmes qui ne les croisent qu'une journée. Ajoutons qu'il semble logique de faire supporter le coût budgétaire d'une décision prise par un magistrat à son administration de tutelle. Nous avons prôné tout au long de la campagne la responsabilisation, celle des citoyens comme celle des élus ; il est logique que ce principe s'applique aussi à l'administration. De très nombreux policiers et gendarmes pourraient ainsi revenir sur le terrain, là où nous en avons besoin, là où nos concitoyens souhaitent les voir. Un amendement destiné à ouvrir une réflexion dans ce sens a été présenté ; j'espère qu'il trouvera un large écho sur les bancs de cette assemblée.
    Ce texte, ainsi que la mise en oeuvre sous votre autorité unique des forces de police et de gendarmerie, répond pour un temps à ces besoins. Dès la rentrée, vous l'avez dit, nous devrons examiner un texte normatif, mais il fallait, dès cet été, passer du temps des propositions à celui de l'action.
    Il faudra aussi, mais nous y reviendrons dans les prochaines semaines, recentrer la justice sur son rôle premier et faire effectivement appliquer les sanctions prévues par la loi. Il n'y aura pas de véritable politique de sécurité tant que nous ne prendrons pas en compte la dimension répressive, sans excès mais sans complaisance. Ce projet est le premier pas d'une longue marche pour rétablir la sécurité et le sentiment de sécurité en France. Je suis convaincu qu'ensemble nous irons très loin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Michel Hunault.
    M. Michel Hunault. Monsieur le ministre, je voudrais à mon tour saluer votre action et votre démarche. Après avoir affirmé comme priorité la lutte contre l'insécurité, vous avez choisi d'engager une politique de fermeté qui demandait du courage ; soyez-en remercié.
    Vous avez choisi d'engager des réformes de structure pour lutter efficacement contre l'insécurité. Les orateurs de la majorité ont souligné l'effort budgétaire considérable qui accompagne vos orientations. Ils ont salué la création des groupes d'intervention régionaux et votre volonté de mieux utiliser les effectifs de police et de gendarmerie.
    Beaucoup de choses ont été dites sur la violence et l'insécurité à l'école, dans les cités, sur les problèmes soulevés par les gens du voyage. Nous sommes à peu près tous d'accord sur le constat. Je souhaite pour ma part appeler plus particulièrement l'attention sur les filières de criminalité organisée.
    Le Parlement a décidé en 1996 de lutter contre le recyclage de l'argent sale issu des trafics de drogue, des filières d'immigration clandestine, de la prostitution. Je sais combien vous vous préoccupez de ces fléaux, mais le véritable enjeu est de se saisir du produit de ces filières très organisées. Or les mouvements financiers sur des comptes difficilement identifiables, la difficulté d'en établir une traçabilité exigent que, sous votre autorité, la France se dote d'une institution nouvelle, voire d'un observatoire de lutte contre le recyclage de l'argent. Au fil des ans, notre pays est devenu une plaque tournante des trafics criminels. Or leurs organisateurs sont tôt ou tard amenés à recycler l'argent sale : c'est là qu'il faut donner des moyens aux forces de police et de gendarmerie d'agir en liaison avec les douanes.
    Ajoutons que l'instauration de cet observatoire pourrait utilement contribuer à lutter contre le financement des mouvements terroristes. Je voulais, monsieur le ministre, vous soumettre cette proposition à l'occasion de la discussion générale.
    Comme les précédents orateurs de l'UMP, j'apprécie votre action à la tête de cet important ministère. Je crois que les moyens humains et financiers sont susceptibles de redonner confiance aux forces de police et de gendarmerie. Encore faut-il que les délinquants ne soient pas aussitôt relâchés et ne rentrent pas chez eux en moins de temps qu'il n'en a fallu pour les arrêter... Là est la limite à ce projet de loi : il faut que la justice accompagne vos priorités.
    Faut-il rappeler les chiffres de la délinquance : plus de quatre millions de crimes et délits chaque année avec une capacité de jugement de 550 000 seulement ?
    La lutte contre l'insécurité est une priorité du Gouvernement. Le succès de votre action dépend certes des moyens prévus dans cette loi d'orientation, mais également de la coopération européenne, car les délinquants ne connaissent pas les frontières nationales. C'est pourquoi, il nous faut aussi harmoniser la définition des crimes et des délits.
    La France a mis six ans pour ratifier la convention européenne sur le blanchiment. Je souhaite que le Gouvernement fasse en sorte que le Parlement ratifie rapidement les conventions européennes visant à harmoniser la définition des délits et des crimes, et surtout les moyens de les poursuivre.
    Je sais combien vous êtes attaché à accélérer la coopération internationale avec vos homologues européens. Il y a urgence. Ne nous faisons pas d'illusions : la France est devenue, au cours de ces dernières années, un pays où la criminalité est très organisée.
    Monsieur le ministre, les priorités affichées par votre projet de loi recueillent notre assentiment ; je forme des voeux pour le plein succès de votre action. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La discussion générale est close.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION

    Mme la présidente. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
    La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, le vieux débat sur la sécurité et la liberté doit être réouvert : comment avoir une police efficace sans menacer les libertés individuelles, c'est-à-dire une sécurité maximale et une liberté maximale, en sortant du royaume des bonnes intentions ?
    Les ministres de l'intérieur successifs peuvent toujours se vanter de tenir en échec l'insécurité. Les causes de l'insécurité sont si bien articulées à la logique d'une société individualiste, marchande et technocrate, tombée sous la coupe de la loi du marché, de la marchandisation de la consommation comme de la vie sociale, que trouver un remède signifierait changer la société.
    Il faut se défaire de la pensée qui voit dans la délinquance une fatalité. Baisser les bras serait funeste pour la société. Il faut fournir des réponses à court terme. La répression est nécessaire pour affirmer les valeurs qui doivent prévaloir. La prévention est indispensable. La réduction de la délinquance passe également par une politique de santé publique. Combiner des politiques de prévention, de dissuasion, de répression et de santé publique est essentiel. C'est le coeur de la question.
    Faute d'avoir su empêcher la constitution de quartiers défavorisés, en France comme en Europe, les gouvernants ont contribué à faire perdre sa crédibilité à la justice et à la police.
    La position nouvelle des jeunes dans la société, tout à la fois en échec scolaire et au chômage, a envenimé les choses. Sur cette situation se sont greffées des tensions ethniques, fruit de l'histoire de la France, du renouveau des identités autres que nationales à travers toute l'Europe, et de l'intégration économique.
    La lutte contre la délinquance est, dans notre pays, cernée par des postures idéologiques. On s'affronte sur des principes sans chercher à établir des moyens concrets d'agir. Quelle évaluation de la prévention, de la répression ? Les gouvernements successifs ont plus à coeur de protéger la position monopolistique de l'administration que d'améliorer l'efficacité du système pénal. Les bons principes, nous le savons, ne font pas les bonnes politiques.
    L'après-guerre a connu une période extraordinaire de croissance économique. La notion d'autorité, confrontée à de nouveaux modes de vie, de comportement, de manière d'être, que revêt-elle aujourd'hui ? Etre ferme et humain, tel est le défi. Peut-on à la fois punir et accepter n'importe quoi ? Notre loi pénale est archaïque. Rien d'étonnant donc si tant de personnes ne trouvent pas de repères, particulièrement dans les catégories les plus défavorisées.
    Les violences, tout ce qui porte atteinte à la personne, devient l'objet d'une grande attention. Comment les combattre, les reconnaître ? Les racines de la violence symbolique subie par les femmes, les personnes âgées ou les jeunes sont si intolérables, si scandaleuses, qu'elles sont perçues comme une mise en cause de la personne. La société redécouvre l'importance du respect, de la reconnaissance. C'est une demande croissante, notamment chez les jeunes, en particulier les enfants de France issus de l'immigration. Encore faut-il que notre société soit capable d'entendre et de se représenter l'intolérable pour y répondre par le « zéro mépris ».
    Au-delà des inégalités sociales et économiques, force est de reconnaître l'énorme carence des institutions de la République face à la force de la ségrégation, de cet apartheid que l'on peut interpréter comme une américanisation de la société française.
    Si les jeunes des banlieues sont perçus comme des classes dangereuses, des barbares aux portes de la ville, retournés à l'état de nature ou presque - d'où le succès dans l'opinion du thème de la violence des très jeunes -, s'ils semblent constituer une menace pour les braves gens et les quartiers paisibles, que ceux-ci soient ceux du centre-ville, d'une ville centre ou encore situés au sein même des banlieues, comme on dit, « à problèmes », c'est au terme de processus dont ils sont bien peu les maîtres.
    En amont, la colère, l'insécurité, les incivilités ou la violence émeutière sont en effet façonnées par l'égoïsme, par les pratiques de ceux qui entendent se débarrasser de ce que l'on appelle parfois des classes « inutiles » en les propulsant au plus loin, grâce à un habitat séparé et à des transports publics les tenant à distance, sans parler de la discrimination dans l'emploi.
    Les violences juvéniles comportent des éléments de réponse à une violence subie, faite de mépris, d'ignorance, de stigmatisation et lourde de ségrégation. Et si elles sont le produit direct du changement social et de l'accroissement des inégalités, elles en sont également le fruit indirect : dans les milieux populaires, les plus affectés par la crise économique, la précarité et le chômage, les relations intrafamiliales se dégradent, les mères deviennent dépressives ou irritables, il se développe chez les jeunes une culture d'agressivité, voire des tendances à la paranoïa procédant d'une faible estime de soi. Là où la société industrielle accordait le respect aux familles ouvrières, l'exclusion façonne une culture où les plus démunis sont davantage considérés avec mépris et dans laquelle les perdants ont recours plus qu'avant à la violence.
    Les députés communistes et républicains ont décidé de déposer cette motion de procédure car il y a urgence à attirer votre attention et celle de l'opinion publique sur la réalité que recouvre, et que va entraîner ce projet d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.
    Urgence il y a sur la tentation sécuritaire au détriment des populations les plus défavorisées, et des quartiers les plus marqués par les difficultés sociales et les délinquances urbaines !
    Lors de l'élection présidentielle, le fort taux d'abstention et la deuxième place du candidat Le Pen ont frappé les esprits et attiré l'attention sur la fracture entre la France d'en bas et celle d'en haut, termes en vogue mais vrais. Jacques Chirac, élu, a déclaré qu'il avait compris le désespoir et le message des Français. Ils sont exaspérés par l'insécurité sociale, économique, par des incivilités, l'insécurité et l'absence de prise en compte des multiples problèmes de la vie quotidienne.
    La disparition de Le Pen au deuxième tour ne signifie pas la fin du risque totalitaire, mais crée, avec la forte mobilisation pour le seul candidat républicain, de profondes attentes mêlées d'une grande impatience, indépendamment du projet du candidat élu. Les Français n'ont pas cessé de croire que les politiques se mobilisent avant tout pour le pouvoir.
    Ce texte donne des orientations générales qui, derrière l'incontestable postulat selon lequel la sécurité est un droit fondamental et une condition essentielle de l'exercice des libertés individuelles et collectives, et l'annonce des moyens considérables, cachent un iceberg décelable par des allusions et des non-dits.
    L'absentéisme scolaire en est un exemple typique. Ou comment résoudre un problème social par des moyens répressifs ! Telle est la philosophie qui se dégage du présent texte. Au-delà de ses aspects techniques, nous voulons mettre en garde contre cette philosophie. C'est une chose de donner les moyens - enfin ! - aux forces de l'ordre. C'en est une autre de savoir pour quoi faire et le pire est à craindre quant au contenu de la mission de service public qu'auront à assumer les gendarmes et les policiers.
    Voilà des années que notre pays et ses gouvernants hésitent sur le comportement à adopter face à la délinquance en général et à la délinquance urbaine en particulier. Ce texte est lacunaire en matière de prévention !
    M. Gérard Léonard. Mais non ! ce n'est pas son rôle !
    M. André Gerin. Or, l'opposition entre prévention et répression est inadaptée. Nul ne conteste que la répression s'impose alors que la loi de la jungle prévaut dans certains quartiers. Il est impératif d'investir pour prévenir de futures dégradations. Cela a un coût mais c'est indispensable si nous voulons prendre les problèmes à bras-le-corps avec détermination et persévérance. Les autorités publiques ont le devoir d'articuler deux nécessités, celle du maintien de l'ordre et celle de la médiation. Comment faire pour sanctionner les dérapages de certains auteurs et leur donner des raisons d'espérer en la vie ?
    C'est par les réponses à ce questionnement que passe l'idéal républicain de toute la société. Or une société comme la nôtre ne peut exister que par le sentiment d'appartenance à une même communauté, avec les valeurs de la République en partage. Avec ce texte, nous sommes à des années lumière de l'idéal républicain.
    M. Gérard Léonard. Non, au contraire !
    M. André Gerin. Le contexte - gravissime - des élections a montré l'impatience des gens de voir leurs problèmes réglés. La droite opte pour l'action, mais dans la facilité, et en se situant dans le contexte de la lepénisation rampante des esprits. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    La droite confond volontairement la répression et la résolution des problèmes sociaux. Le laxisme n'est pas de mise. Mais la stigmatisation des petites gens, des parents en difficulté des gens du voyage, des paumés de l'exclusion et la démagogie antijeunes sont non seulement dangereuses mais criminelles par rapport au devoir de solidarité de la nation à l'égard de personnes en difficulté, qui vivent souvent en dessous du seuil de pauvreté.
    L'insécurité a été le sujet central de la campagne de plusieurs candidats à l'élection présidentielle. Le candidat-Président Jacques Chirac l'a développé dans de nombreux discours. Celui du 19 février 2002 de Garges-lès-Gonesse en a été la pierre angulaire. Le constat a été décrit et les propositions énoncées.
    On peut penser que le projet de loi du ministre de l'intérieur s'est appuyé sur ce discours fondateur. Faire une analyse approfondie du discours et du projet de loi est très intéressant. Je laisserai naturellement les historiens faire ce travail dans quelques années mais je ne peux m'empêcher de commencer dès maintenant à présenter quelques réflexions.
    Dans le discours de Jacques Chirac, il est proclamé que le rétablissement de la sécurité pour tous et partout sur le territoire national est la première responsabilité et le premier devoir de l'Etat et que ce sera l'une des plus grandes exigences du Président de la République et du Gouvernement.
    M. Jean Ueberschlag. Il a raison !
    M. André Gerin. Une certaine philosophie était développée.
    M. Gérard Léonard. Et confirmée !
    M. André Gerin. « Nul ne peut espérer venir à bout de l'insécurité sans prendre en compte le phénomène dans toutes ses dimensions, y compris ses dimensions économiques sociales et éducatives. Pour être efficace, une politique de sécurité doit, en effet, s'inscrire dans un cadre global, garantir à tous l'égalité des chances et rechercher en permanence la justice. La République sera d'autant plus légitime dans son exigence de fermeté et de responsabilité qu'elle aura su donner à chacun un avenir. C'est par une approche complète et équilibrée des réalités de la vie que l'on gagnera ce combat. » Voilà ce que déclarait Jacques Chirac.
    M. Jean Ueberschlag. Très bien ! Il n'y a rien à ajouter !
    M. André Chassaigne. Mais beaucoup a été enlevé !
    M. André Gerin. Les principes de liberté et d'égalité étaient proclamés. Or, dès les premières lignes du projet de loi, notamment de l'article 1er, c'est-à-dire de l'annexe qui détermine les orientations de la politique de sécurité intérieure, les grandes déclarations disparaissent. Les faits délictueux sont énumérés sans grande analyse. Le texte est parfois inconsistant. On apprend, concernant la montée de l'insécurité dans les grandes agglomérations, que « c'est l'indication nette que certains malfaiteurs n'hésitent pas à frapper loin de leurs bases en tirant profit de l'amélioration des réseaux de transport ».
    Dans le discours thématique de Goussainville, les aspects de la famille, de la commune et de l'école étaient abordés et développés.
    Or, la prévention n'est abordée qu'en quelques lignes dans le point n° IX des principes généraux de l'annexe I au projet ! On a le sentiment que ce passage oublié a été ajouté à la dernière minute. La prévention représente une page sur 44. Cette proportion est à l'image de ce projet de loi sécuritaire qui, selon nous, flatte le populisme.
    M. Gérard Léonard. C'est faux !
    Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Non, il a raison !
    M. André Gerin. L'éducation n'est évoquée que sous le seul aspect de l'absentéisme scolaire. Il est écrit en effet qu'« afin de lutter contre l'absentéisme scolaire qui continue à faciliter le passage à la délinquance, les sanctions encourues par les parents qui ne respectent pas l'obligation scolaire seront aggravées. Il en sera de même pour les responsables de lieux publics qui accueillent les mineurs pendant les horaires scolaires ». Or, outre son peu d'efficacité, cette méthode qui stigmatise les familles les plus en difficulté est en contradiction avec la réalité.
    A ce stade de mon exposé, je présenterai les quelques remarques techniques que m'inspire la lecture de ce projet.
    L'exposé des motifs est très court et les articles sont au nombre de six. Cela représente treize pages du fascicule que nous allons voter. Les annonces, ce que j'appelle la philosophie du projet, sont contenues dans les deux annexes jointes correspondant aux 31 autres pages. Cela signifie que le Gouvernement veut nous faire voter des crédits et quelques modifications pour une politique dont il pourra à loisir changer les termes. L'article 1er nous demande d'approuver les orientations proposées dans l'annexe I : autrement dit-il est demandé à la représentation nationale de signer un chèque en blanc. Eh bien, les députés communistes ne le signeront pas.
    Jusqu'à quel point, par une politique du fait accompli, l'exécutif va-t-il encore déposséder la représentation nationale de ses prérogatives ?
    L'exposé des motifs réaffirme la sécurité comme une mission régalienne de l'Etat. Nous ne pouvons qu'être d'accord.
    L'article 2 chiffre à 5,6 milliards d'euros sur cinq ans la dépense pour les différents équipements et le recrutement de nouveaux effectifs. L'annexe II donne le détail des chiffrages. Cela correspond à 13 500 emplois nouveaux pour la police et la gendarmerie confondues. A priori, nous sommes toujours partants pour donner les moyens aux services publics d'assurer leurs missions. De ce point de vue, je comprends la satisfaction des policiers, après toutes les difficultés sociales qui ont frappé ce corps de métier.
    Il importait aussi de faire le constat du nombre considérable de policiers et de gendarmes employés à des postes administratifs plutôt que sur le terrain. Cette situation perdure depuis au moins trente ans. Tous les ministres de l'intérieur ont déjà promis de remédier à cette situation.
    Nous sommes satisfaits que la police de proximité, concept lancé il y a peu, soit conservée : 6 800 postes sont créés dont 2 000 de policiers et 4 800 de gendarmes. Or, jusqu'à maintenant, la police de proximité manquait des effectifs nécessaires pour assurer sa présence et un maillage serré dans les villes. Il est indispensable de renforcer ce secteur, car voir des policiers dans son quartier restaure l'autorité publique et concrétise les règles à respecter.
    Va-t-on aller plus loin encore afin d'assurer la continuité du service public, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, en faisant un effort particulier pour la période entre dix-huit heures et deux heures du matin, pour les week-ends et les jours fériés, afin d'être efficace ?
    Un grand effort semble prévu pour rationaliser les divers fichiers - comme celui des empreintes génétiques - ainsi que la recherche des criminels, dans l'objectif d'élaborer des outils communs. Si cela est compréhensible pour obtenir des résultats cohérents, on peut s'interroger sur sa compatibilité avec les droits individuels et sur les risques de dérives. Le blocage des téléphones portables dérobés et les systèmes pour localiser les véhicules volés sont utiles, mais cette mise en surveillance générale pose tout de même la question de la responsabilité, de la confiance et de la liberté qui doivent être accordées aux citoyens.
    Le projet prend en compte les formes nouvelles de délinquance, actualise la législation sur les armes et améliore le dispositif contre les violences routières. Si ces aspects nous satisfont, ce n'est pas le cas de la manière dont sont traités l'absentéisme scolaire, la prostitution, les regroupements dans les immeubles, les gens du voyage et la mendicité dite agressive. Elle montre une intention délibérée de répression, occultant les problèmes sociaux sous-jacents et niant la possibilité d'un règlement par la prévention et la dissuasion.
    La sanction des parents pour manquement à l'obligation scolaire de leurs enfants est déjà prévue - depuis 1966 - sous forme d'amende, ainsi que la suppression des allocations familiales. Les travailleurs sociaux et les juges pour enfants préfèrent la mise sous tutelle de ces dernières permettant de gérer globalement les difficultés des familles dont les enfants sont en rupture scolaire. En outre, il ne faut pas oublier les déscolarisations autoritaires décidées par l'éducation nationale pour des jeunes réputés difficiles. Ce projet de loi simplifie outre mesure des faits, en diabolisant leurs auteurs, qui sont souvent des personnes et des familles en difficulté.
    Ainsi, les tout derniers paragraphes de l'annexe I révèlent la réalité de la politique répressive que le Gouvernement veut mettre en place en direction de différentes catégories de petites gens, de personnes aux faibles ressources comme les demandeurs d'emploi, les familles monoparentales, les familles éclatées qui sont soit clairement, soit implicitement prises pour cibles. Pour nous, cette stigmatisation est choquante.
    N'oublions pas que c'est le développement du capitalisme sauvage qui, dans les dernières décennies, a engendré une insécurité générale, et la précarité dans l'emploi et dans le logement. Les saisies-expulsions, la recherche de la rentabilité financière dans tous les secteurs, la société de l'argent roi ont favorisé la multiplication du business, des trafics et des réseaux organisés.
    Je l'ai déjà dit : si l'insécurité doit être combattue sans complaisance, les députés communistes ne laissent pas tous ces problèmes de côté et n'attendent pas pour se battre et changer la société. S'attaquer aux problèmes d'insécurité et de violence est un grand combat, car, nous le savons tous, elles pourrissent la vie des gens, des jeunes en particulier.
    Il faut bien le constater, les grandes missions régaliennes de service public, vie sociale, prévention, éducation, sanction et réparation sont, pour nous, les véritables termes du débat. Or nous avons eu trente années de démission, trente années de recul des grandes missions régaliennes de l'Etat.
    M. Gilbert Meyer. A qui la faute ?
    M. André Gerin. Quinze années de droite et quinze années de gauche !
    M. Gérard Léonard. C'est la majorité plurielle !
    M. André Gerin. Trente années, 1972-2002 !
    M. Gilbert Meyer. Vous étiez au Gouvernement !
    Mme la présidente. Laissez parler M. Gerin !
    M. André Gerin. Pour répondre à ces besoins, il est nécessaire d'engager le dialogue avec tous les acteurs de la vie sociale - parents, jeunes, employeurs, formateurs, associations -, pour faire l'état des lieux mais aussi pour décliner les moyens financiers et sociaux à débloquer.
    Les moyens en personnel sont naturellement importants. Toutefois, une réflexion générale devrait avoir lieu au-delà d'un texte préparé hâtivement, débattu en une semaine entre la commission et la séance publique. Il faut travailler sur des propositions pour sortir d'un système qui, trop souvent par manque de moyens, laisse le choix entre la prison ou rien, sans solution alternative. C'est vrai notamment pour l'éducation surveillée.
    M. Jean Ueberschlag. C'est tout de même mieux que le Goulag !
    M. André Gerin. Vous savez, les arguments de ce type ne tiennent pas la distance par rapport aux réalités et aux responsabilités de chacun dans la vie quotidienne !
    M. Jean Ueberschlag. Cela rend aveugle !
    M. André Gerin. Je suis maire d'une ville et je sais de quoi je parle, à ma manière, avec ma vision des choses !
    La garantie de la réparation aux victimes doit être complètement revue, ce qui implique une concertation entre l'Etat et les collectivités, un engagement, une contrainte, et je déposerai une proposition de loi pour obliger les banques et les assurances à s'engager dans l'aide aux victimes aujourd'hui.
    Tous ces sujets sont au coeur d'une véritable politique de sûreté publique.
    Ce projet, monsieur le ministre, forme un ensemble peu cohérent d'idées générales assorties de mesures plus ou moins concrètes, de niveau et de valeur très inégaux, reprenant pour l'essentiel des mesures déjà appliquées sur le terrain. Il ne s'inscrit que par allusion dans une logique d'ensemble intégrant la justice et paraît ainsi négliger le maillon faible de la chaîne pénale, à savoir la capacité de l'institution judiciaire à apporter une réponse systématique à toutes les infractions élucidées par la police, la gendarmerie et les services fiscaux.
    Il semble en fait s'agir d'un texte de circonstance, victime d'un excès de vitesse, qui juxtapose des fiches techniques élaborées par les services. C'est d'autant plus dommage qu'il s'agit ici de présenter un plan quinquennal impliquant un effort particulièrement important du contribuable et reposant sur une analyse de la situation de l'insécurité à laquelle tous les professionnels et leurs partenaires ne peuvent que souscrire, et je pense en particulier à l'introduction du rapport sur les orientations de la politique de sécurité intérieure.
    Ce texte flou, presque anodin par endroits, ne peut pas répondre à la volonté politique affichée de ne pas se contenter de contenir la délinquance mais de la réduire durablement, ce qui est incontestablement un pari ambitieux compte tenu des résultats obtenus par les uns ou les autres au cours des vingt dernières années.
    On retrouve le même flou autour de la méthode déclinée, qui repose sur le développement d'une culture du résultat à tous les niveaux : ministre, préfet, chef de service ou commandant d'unités. Outre le fait que cette culture est déjà largement répandue chez les gens responsables qui ont des comptes à rendre à leurs collaborateurs, à leurs concitoyens et à leurs partenaires, l'article 5 du projet prévoit de confier l'évaluation annuelle des résultats, en fonction des moyens engagés, à une instance extérieure dont on ignore la nature, la composition et les moyens, alors qu'il existe déjà dans les institutions concernées, une hiérarchie et des corps d'inspection. Par ailleurs, va-t-on enfin se décider à mesurer, comme cela se fait dans d'autres pays, l'insécurité réelle vécue au quotidien et notamment par les plus démunis, par des enquêtes de « victimation » ? Le texte est muet sur ce point, et c'est bien là que le bât blesse.
    Il n'est pas possible de séparer ce projet de loi de celui sur la justice. Ce dernier prévoit la détention provisoire et donc l'enfermement plus systématique des enfants à partir de treize ans, une vision globalisante de la délinquance des mineurs - au lieu de mettre le doigt sur le fait que cette majorité des jeunes ont une dimension dynamique et positive - et une remise en cause de l'ordonnance de 1945. Pour le groupe des député-e-s communistes et républicains, mutiler une nouvelle fois l'ordonnance de 1945, c'est marcher à reculons, à l'opposé de la convention internationale des droits de l'homme du 20 novembre 1989. C'est remettre en cause les avancées faites après la guerre par nos aînés de la Résistance. ...
    M. Gérard Léonard. On n'est plus en 45 !
    M. Gérard Hamel. Regardez devant vous.
    M. André Gerin. ... d'avoir considéré un mineur comme une personne en devenir en distinguant la justice des mineurs et la justice des majeurs, avec comme socle le pari éducatif. Aujourd'hui, on veut pallier nos carences, les insuffisances d'une société qui marginalise et abandonne des millions de familles en leur faisant croire que l'on s'occupe d'elle.
    Au contraire, l'ordonnance de 1945 doit être renforcée en repensant le socle éducatif, la prévention précoce dès l'âge de deux ans et en développant un travail immense pour la parentalité. Ce n'est du tout votre grille de lecture, vous préférez le martinet, la résidence privée pour la société d'en haut en privant de résidence la société d'en bas. Votre philosophie, c'est la répression sociale.
    Il est vrai que ces mesures sont dans l'air du temps et jouent dans le créneau du populisme pour répondre à l'exaspération de la population qui peut avoir l'impression qu'on fait enfin quelque chose.
    M. Jean Ueberschlag. Vous voyez bien que la population est exaspérée !
    M. André Gerin. La tentation du tout-répressif traduit cette exaspération face à l'absence d'une vision de la société par ses citoyens, et donc l'incapacité de l'autorité publique à jouer son rôle de façon transparente et cohérente. Il ne s'agit pas non plus de tomber dans l'angélisme du tout-éducatif qui ne voit que la rencontre de deux victimes d'actes violents, l'individu et la société.
    Des questions sont sans réponse. Qu'en est-il de nos enfants en danger de délinquance ? La prévention des comportements déviants nécessite de commencer dès la naissance avec une sensibilisation des parents, dès l'âge de deux ans avec la scolarisation précoce, et doit durer pendant tout le cursus scolaire. Que ce soit pour les mineurs ou les majeurs, la volonté du Gouvernement est de faire appel à la prison comme moyen de résoudre les problèmes. Nous le savons tous, la prison est criminogène. La France a au moins vingt ans de retard sur d'autres pour le développement de solutions humaines alternatives.
    M. Jean Ueberschlag. Après quinze ans de socialisme.
    M. André Gerin. Et, aujourd'hui, on veut faire comme si rien n'avait été réfléchi, proposé et dit !
    Les zones de non-droit sont des zones de sans-droits. En effet, il faut regarder de près ces quartiers où la pauvreté règne et rime avec l'insécurité sociale, avec la précarité de l'emploi quand il y en a, avec la question du logement dégradé et avec la santé publique négligée. Nous ne parlons ici bien évidemment ni de Neuilly ni de Paris XVIe arrondissement. Il est toujours bon de préciser de quoi on parle. Que compte faire le Gouvernement pour faire des quartiers défavorisés des zones de plein droit tout en pourchassant les malfrats qui profitent de la misère des gens ?
    Le texte parle de nouvelles formes de délinquance, c'est-à-dire de la petite délinquance urbaine. Est abordé le trafic en général. N'apparaît point dans ce projet et dans la déclaration de politique générale du Premier ministre la délinquance en col blanc, celle qui se trouve dans des bureaux feutrés, celle masquée des têtes de réseaux, de trafics en tout genre en passant par l'informatique, la contrefaçon et les pourvoyeurs de drogue. Qu'est-ce qui est prévu pour cette délinquance ? La police fiscale et les douanes travaillent encore avec des bouts de ficelle pour l'investigation dans ces quartiers.
    J'ai déjà abordé le sujet de la police de proximité. Je veux insister sur l'indispensable déploiement de cette force sur le territoire, avec la condition impérative de la continuité du service public jour et nuit. Le Gouvernement veut-il aller vraiment dans ce sens ? Entend-il valoriser les policiers de première ligne, ceux qui voient la réalité sociale chaque jour ?
    Il faut d'abord remettre les choses à leur place. Les incivilités, tout ce qui touche à la vie quotidienne et pourrit la vie des gens ne doivent pas être mises au même niveau que les crimes et délits violents. La violence ne concerne pas que les mineurs, mais également les adultes. Nous assistons depuis les années 1980 à une marginalisation sociale d'une part de la population de plus en plus grande, entraînant une culture de rue et une situation conflictuelle avec la société. Cela se caractérise par une population en souffrance, une enfance en errance et des institutions en mal de reconnaissance.
    Le traitement des violences urbaines passe par le respect de tous. Les policiers et l'ensemble des professionnelles doivent pouvoir être respectés. Si les comportements violents des jeunes ne sont pas acceptables, il n'est pas admissible qu'ils soient humiliés par certaines institutions représentant l'Etat et qu'ils ne soient pas écoutés.
    Notre leitmotiv : zéro mépris. Mais il y a un préalable : le respect des professionnels et un traitement équitable pour tous.
    Il est en effet difficile de tolérer que les conflits se règlent par la force au sein de l'école, que les policiers soient agressés, les enseignants bafoués, les institutions et les services publics attaqués ou désavoués. Les policiers et l'ensemble des professionnels doivent pouvoir être respectés.
    Mais dans le même temps, le principe de fermeté à l'égard des phénomènes de violence et d'insécurité ne peut être tenu que si l'on réussit une double « conversion » des jeunes des cités, mais aussi des adultes, à des règles pacifiques de gestion des conflits. Si l'on ne peut admettre certains comportements violents des jeunes, il n'est pas possible d'accepter qu'ils soient parfois humiliés à l'école, que la protection, le respect et l'écoute ne leur soient pas toujours accordés dans les institutions.
    Stigmatiser les familles n'est pas sans risque : elles peuvent perdre leur crédit auprès de leurs enfants, voire en devenir les otages. Peut-être convient-il d'appliquer tout simplement la loi, qui punit le trafic et le recel. Auprès des plus jeunes, quel serait en effet le sens d'un « rappel de la loi », si la loi est vécue comme une pure injustice, comme on l'a vu ces derniers jours ? Le projet de sûreté n'est pas de « comprendre » au sens de « justifier n'importe quoi » mais de « comprendre » au sens de poser un diagnostic de situation adéquat comme préalable à l'action.
    Ainsi, les institutions policières ont-elles à traiter en même temps, et de manière équivalente, tant le jeune, quel que soit son sexe ou sa classe sociale, que l'adulte, le commerçant, le « paysan casseur », l'instituteur, le vigile d'un centre commercial, lorsqu'ils sont méprisants, rejetants, générateurs de violences. De ce point de vue, la police doit apparaître comme exemplaire. Lorsqu'il y a allégation de violences illégitimes, l'équité de traitement entre les policiers et les citoyens doit pouvoir être respectée.
    La police, cela a été dit, ne peut remplacer l'ensemble des acteurs sociaux et politiques pour traiter les problèmes qui se posent dans notre pays.
    Il faut privilégier une police de quartier. Prenons l'exemple des Pays-Bas, où chaque policier est responsable d'une école ou d'un escalier. Il entretient des relations régulières et individuelles avec les habitants et les jeunes. Le système fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
    La médiation et les accompagnements sociaux scolaires sont des pistes à développer. Ce sont de nouveaux professionnels qui ont besoin d'une formation adaptée. Ainsi, il est indispensable que la police coopère avec tous les acteurs de la vie économique et sociale dans les quartiers. Cela suppose un changement de culture passant par le décloisonnement des administrations et par l'impératif d'un service public collectif. Il faut noter l'importance des associations pour la vivacité et la solidité du lien social. Aussi, chaque citoyen doit devenir un acteur conscient de la sécurité et de la sûreté envers lui-même et autrui, en coresponsabilité, une coproduction de la sécurité pour le bien-être de tous.
    La sécurité ne peut exister sans une vraie démocratie, et en particulier la démocratie locale. Or l'abstentionnisme marque le vide politique existant dans ce pays, et notamment dans les quartiers populaires. Face à ce danger, il faut restaurer le dialogue sous toutes ses formes. Nous disons non au baston pour les petites gens, non à la prison pour nos gamins. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) « Selon que l'on est puissant ou misérable... » Je pense que la tendence de cette majorité est de choisir le côté des puissants. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean Ueberschlag. Il faut l'excuser, il est presque une heure du matin !
    M. André Gerin. Monsieur le ministre, votre politique est selon nous dangereuse pour les faibles. La démocratie et les droits de l'homme seront mis à mal. Cette politique me semble aussi dangereuse que les lois Pasqua-Debré...
    M. Michel Hunault. C'est un compliment !
    M. André Gerin. C'est peut-être un compliment pour vous, c'est en tout cas une marque de continuité !
    ... dangereuse, parce que, contrairement à ce que vous dites, elle peut fournir une base à l'extrême droite.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Ben voyons !
    M. André Gerin. Votre politique va amplifier ce phénomène sans résoudre les problèmes de la société, les causes sociales, la crise morale et la crise des valeurs. S'occuper aujourd'hui de la famille, de l'école, de l'entreprise et des services publics, tout ce qui permet de vivre ensemble, est fondamental.
    Nous refusons ce qui divise, ce qui méprise, et fait grandir les tensions, les injustices, les inégalités. Il faut prendre au sérieux les menaces que représente le Front national, avoir le courage de regarder en face les vrais problèmes, les souffrances du peuple d'en bas pour lesquelles le FN n'apporte que des solutions illusoires ou simplement intolérables.
    Aujourd'hui, l'engagement des députés communistes s'oppose à votre politique de répression sociale pour une contre-offensive politique, intellectuelle et militante. Nous considérons que c'est une façon pour nous de participer à ce débat républicain, de porter haut et fort les valeurs universelles et singulières de la nation française, de contribuer au réveil civique et au sursaut démocratique.
    C'est pour cette raison, monsieur le ministre, qu'au nom des député-e-s communistes et républicains, je demande le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je comprends parfaitement que l'orateur n'aime pas la punition. Mais, dans ce cas, pourquoi nous faire subir un tel traitement ? (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. André Gerin. C'est un peu court !
    M. Jean-Claude Lefort. C'est ce qu'on appelle respecter l'opposition !
    M. André Chassaigne. Surtout après les âneries qu'on a entendues !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Franchement, à cette heure-là !
    Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles et de l'administration générale de la République.
    M. Christian Estrosi, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles et de l'administration générale de la République. J'invite simplement au rejet de cette motion.
    Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe UDF.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Sans rajouter, monsieur le ministre, à la punition qui nous a été infligée, je voudrais simplement dire deux choses.
    On vient de parler de régression, mais j'ai le sentiment que, ce soir, c'est l'Assemblée qui régressait. On nous a expliqué, en invoquant les mânes de la Résistance, que l'ordonnance de 1945 était aujourd'hui suffisante pour lutter contre la délinquance des mineurs. Permettez-moi de vous faire observer que les mineurs de 1945 ne sont pas exactement ceux d'aujourd'hui et que leurs conditions de vie ne sont pas tout à fait les mêmes. La loi doit savoir s'adapter, et c'est que le Gouvernement proposera.
    Vous avez parlé de zones de non-droit et de zones de sans-droits. Les vrais sans-droits, aujourd'hui, ce sont les militants associatifs qui essaient de faire vivre ces quartiers, qui ne le peuvent pas sous la pression de la délinquance, qui perdent pied et renoncent à agir.
    Et puis vous venez de parler de démocratie des droits de l'homme qui serait mise à mal. La seule chose qui soit réellement mise à mal pour l'instant dans ces quartiers, et j'en ai quelques-uns dans ma commune, c'est justement le droit de chaque citoyen à vivre dignement en sachant qu'il sera respecté, que sa famille le sera et qu'il pourra rentrer chez lui en toute sécurité.
    Nous appelons donc à rejeter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, pour le groupe socialiste.
    M. Jean-Pierre Blazy. Monsieur le ministre, les mots que vous venez d'adresser à M. Gerin me paraissent fort incivils.
    M. Jean-Claude Lefort. Méprisants !
    M. Jean-Pierre Blazy. Les députés de l'opposition ont droit au respect du Gouvernement.
    M. André Schneider. C'est nouveau, ça vient de sortir !
    M. Jean-Pierre Blazy. Le groupe socialiste votera la motion de renvoi en commission. Nous avons déjà eu l'occasion de faire valoir, dans la discussion générale, que les conditions dans lesquelles ce texte est examiné ne respectent pas les droits du Parlement.
    M. Lionnel Luca. C'est affreux !
    M. Jean-Pierre Blazy. Vous avez présenté le texte au Conseil des ministres il y a six jours ; l'après-midi même, vous étiez auditionné en commission des lois et en commission des finances. La commission des lois devait se prononcer dès le lendemain. Le rapporteur n'a pu auditionner, alors qu'il y aurait pourtant eu matière à le faire.
    M. Christian Estrosi, rapporteur. Cela fait trois ans que nous auditionnons !
    M. Jean-Claude Lefort. Vous, occupez-vous de vos loups !
    M. Jean-Pierre Blazy. La majorité elle-même n'a pu présenter en commission des lois qu'un très petit nombre d'amendements, et une nouvelle réunion se tiendra demain pour examiner ceux qui n'ont pas pu lui être soumis, y compris les nôtres, au titre de l'article 88 du règlement, alors même qu'une telle réunion a déjà eu lieu ce matin.
    M. Jean Ueberschlag. Il y a le feu dans la maison et c'est vous qui l'avez allumé !
    M. Lionnel Luca. Vous avez eu cinq ans !
    M. Yves Bur. Cinq ans, monsieur Blazy !
    M. Jean-Pierre Blazy. C'est dire dans quelles conditions nous examinons un texte qui est pourtant important. En effet, nous sommes d'accord, sur tous les bancs de cette assemblée, pour dire que la sécurité est un problème important : l'attente de nos concitoyens est très forte et nous comprenons bien la nécessité qui est la vôtre de tenir vos promesses, mais cela ne doit pas nous empêcher de prendre le temps de bien travailler.
    M. Michel Voisin. Et les 35 heures !
    M. Jean Ueberschlag. Cinq ans !
    M. Jean-Pierre Blazy. Sur le fond, monsieur le ministre, vous avez vous-même reconnu lors de votre audition en commission des lois que vous n'aviez pas pu produire un texte dont la qualité normative soit suffisante. C'est pourquoi vous renvoyez à un autre texte qui sera présenté à l'autonne prochain.
    Il serait préférable, je crois, de renvoyer en commission pour que nous puissions produire ensemble un texte suffisamment normatif, un texte législatif qui soit vraiment intéressant et réponde réellement aux attentes de nos concitoyens. Le groupe socialiste votera donc pour le renvoi en commission.
    Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Léonard.
    M. Gérard Léonard. Sans vouloir blesser M. Blazy, son explication de vote est presque aussi intéressante que le long discours de notre collègue Gerin. Cela démontre bien votre duplicité dans cette affaire, messieurs de l'opposition : d'un côté, vous écoutez benoîtement votre collègue Julien Dray, de l'autre vous vous livrez à des manoeuvres dilatoires assez révélatrices de votre position de fond.
    Quant à celle de Laurent Gerra... (Sourires). Pardonnez mon lapsus, qui n'est pas inintéressant...
    M. Patrick Delnatte. Il est moins drôle !
    M. Gérard Léonard. ... mais qui s'explique par l'heure avancée. Je connais André Gerin depuis assez longtemps pour ne pas écorcher son nom.
    M. Jean-Claude Lefort. Trois marques de mépris dans la soirée, cela fait beaucoup !
    M. Michel Voisin. Un peu d'indulgence, monsieur Lefort !
    M. Gérard Léonard. On l'estime beaucoup, ne soyez pas si susceptible. J'ai beaucoup d'estime pour lui.
    M. Jean-Claude Lefort. Moi aussi !
    M. Gérard Léonard. Je trouve d'ailleurs que, ce soir, il a témoigné d'une grande vertu personnelle qui a consisté à nous vendre, probablement au-delà de ce qu'il pense réellement en fonction de son vécu, une petite doctrine nourrie par des ritournelles que nous avons l'habitude d'entendre,...
    M. Jean Ueberschlag. C'est vrai, il a lu sans conviction.
    M. Gérard Léonard. ... et qui opposent la France d'en bas à la France d'en haut,...
    M. Jean-Claude Lefort. Qui parle de cela ?
    M. Gérard Léonard. ... la prévention à la répression. Tout cela, mon cher collègue, est parfaitement dérisoire aujourd'hui, et je dirai même, à beaucoup d'égards, dangereux. Vous avez fait référence aux trente années qui viennent de s'écouler. Je suis sûr que vous auriez pu prononcer, il y a trente ans, le discours que vous avez tenu aujourd'hui sans en changer un iota. Il y a tout de même une différence essentielle aujourd'hui, c'est l'exaspération de nos concitoyens, qui s'est manifestée à l'occasion de l'élection présidentielle.
    On peut discuter de tout, de la répression comme de la prévention, à laquelle nous sommes également favorables car, on le sait bien, ce couple est totalement indissociable dans une action durable contre l'insécurité. Mais ce que nous n'acceptons pas, ce sont les leçons en matière de République. Aujourd'hui, les vrais républicains, ceux qui défendent la liberté, l'égalité et la fraternité, ce sont ceux qui sont décidés à lutter efficacement contre l'insécurité dans toutes ses dimensions.
    M. Jean-Claude Lefort. Et vous ne nous donnez pas de leçons, là ?
    M. Gérard Léonard. C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande, au nom de l'UMP, de voter contre cette motion dilatoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.
    (La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)
    Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
DE RÉSOLUTION

    Mme la présidente. J'ai reçu, le 15 juillet 2002, de Mme Christine Boutin, une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les gens du voyage.
    Cette proposition de résolution, n° 55, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

3

DÉPÔT DE RAPPORTS

    Mme la présidente. J'ai reçu, le 11 juillet 2002, de M. Christian Estrosi un rapport, n° 53, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (n° 36).
    M. le président de l'Assemblée nationale a reçu, le 16 juillet 2002, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, un rapport, n° 56, fait au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2002 (n° 29).

4

DÉPÔT D'UN RAPPORT
SUR UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

    Mme la présidente. J'ai reçu, le 11 juillet 2002, de M. Gilles Carrez, rapporteur général, un rapport, n° 54, fait au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, sur la proposition de résolution (n° 27) de M. René André, rapporteur de la délégation pour l'Union européenne, sur l'avant-projet de budget général des Communautés européennes pour 2003 (E 2030).

5

DÉPÔT D'AVIS

    Mme la présidente. J'ai reçu, le 11 juillet 2002, de M. Alain Joyandet un avis, n° 52, présenté au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan, sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (n° 36).
    J'ai reçu, le 16 juillet 2002, de M. Gérard Charasse un avis, n° 57, présenté au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2002 (n° 29).

6

DÉPÔT DE PROJETS DE LOI
ADOPTÉS PAR LE SÉNAT

    Mme la présidente. J'ai reçu, le 11 juillet 2002, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du traité entre la République française et la République fédérale d'Allemagne portant délimitation de la frontière dans les zones aménagées du Rhin.
    Ce projet de loi, n° 38, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 11 juillet 2002, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord aux fins de l'application des dispositions de la convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks de poissons dont les déplacements s'effectuent tant à l'intérieur qu'au-delà de zones économiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs (ensemble deux annexes).
    Ce projet de loi, n° 39, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 11 juillet 2002, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord du 20 août 1971 relatif à l'Organisation internationale de télécommunications par satellites INTELSAT tel qu'il résulte des amendements adoptés à Washington le 17 novembre 2000.
    Ce projet de loi, n° 40, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 11 juillet 2002, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord de siège entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation européenne de télécommunications par satellites EUTELSAT.
    Ce projet de loi, n° 41, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 11 juillet 2002, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil de l'Europe relatif à la protection sociale des membres du personnel employés par ladite organisation sur le territoire français.
    Ce projet de loi, n° 42, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 11 juillet 2002, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'avenant n° 1 à la convention sur la sécurité sociale du 2 octobre 1980 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise.
    Ce projet de loi, n° 43, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 11 juillet 2002, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal.
    Ce projet de loi, n° 44, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 11 juillet 2002, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'avenant à l'accord entre l'Agence de coopération culturelle et technique et le Gouvernement de la République française relatif au siège de l'Agence et à ses privilèges et immunités sur le territoire français.
    Ce projet de loi, n° 45, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 11 juillet 2002, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord de siège entre le Gouvernement de la République française et la Commission internationale de l'état civil.
    Ce projet de loi, n° 46, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 11 juillet 2002, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie relatif à la coopération dans le domaine de la défense.
    Ce projet de loi, n° 47, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 11 juillet 2002, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification d'un accord entre la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord relatif à l'établissement d'une ligne de délimitation maritime entre la France et Jersey.
    Ce projet de loi, n° 48, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 11 juillet 2002, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord relatif à la pêche dans la baie de Granville entre la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (ensemble quatre échanges de notes).
    Ce projet de loi, n° 49, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 11 juillet 2002, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la coopération dans l'exercice des missions de police de la navigation sur le secteur franco-allemand du Rhin.
    Ce projet de loi, n° 50, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 11 juillet 2002, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention européenne pour la protection des animaux de compagnie.
    Ce projet de loi, n° 51, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.

7

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

    Mme la présidente. Aujourd'hui, à quinze heures, première séance publique :
    Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 36, d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure :
    M. Christian Estrosi, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 53) ;
    M. Alain Moyne-Bressand, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (avis n° 37) ;
    M. Alain Joyandet, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 52).
    Eventuellement, à vingt et heure heures, deuxième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée le mercredi 17 juillet 2002, à zéro heure quarante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT

ÉLECTION DES DOUZE JUGES TITULAIRES ET DES SIX JUGES SUPPLÉANTS DE LA HAUTE COUR DE JUSTICE ET ÉLECTION DES SIX JUGES TITULAIRES DE LA COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE ET DE LEURS SIX SUPPLÉANTS
    La conférence des présidents, dans sa réunion du 16 juillet 2002, a décidé que l'élection des douze juges titulaires et des six juges suppléants de la Haute Cour de justice et l'élection des six juges titulaires de la Cour de justice de la République et de leurs six suppléants auraient lieu le mardi 30 juillet 2002.
    Ces élections donneront lieu à trois scrutins secrets :
    - élection des douze juges titulaires de la Haute Cour de justice ;
    - élection des six juges suppléants de cette même Cour ;
    - élection des six juges titulaires et de leurs suppléants respectifs de la Cour de justice de la République.
    Ces trois scrutins se dérouleront simultanément, de 15 heures à 18 heures, dans les salles voisines de la salle des séances, pendant le déroulement de la séance publique.
    Les candidatures à ces trois élections devront être remises à la présidence (service de la séance) au plus tard le lundi 29 juillet 2002, à 17 heures.

TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
Transmissions

    M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale les textes suivants :

Communication du 9 juillet 2002

N° E 2047. - Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 1999/78/CE du Conseil du 22 juin 1998 relative à la conclusion d'un accord de reconnaissance mutuelle entre la Communauté européenne et les Etats-Unis d'Amérique (COM [2002] 250 final).
N° E 2048. - Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 2001/747/CE du Conseil du 27 septembre 2001 concernant la conclusion de l'accord de reconnaissance mutuelle entre la Communauté européenne et le Japon (COM 273 final).
N° E 2049. - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 68/151/CEE du Conseil en ce qui concerne les obligations de publicité de certaines formes de sociétés (COM 279 final).
N° E 2050. - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'établissement de normes de qualité et de sécurité pour le don, l'obtention, le contrôle, la transformation, le stockage et la distribution des tissus et cellules humains (COM [2002] 319 final).

Communication du 11 juillet 2002

N° E 2051. - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 963/2002 du Conseil du 3 juin 2002 fixant des dispositions transitoires concernant les mesures antidumping et compensatoires adoptées en vertu des décisions n° 2277/96/CECA de la Commission ainsi que les demandes, plaintes et enquêtes antidumping et antisubventions en cours relevant de ces décisions.
N° E 2052. - Rapport de la Commission au Conseil sur les contrôles des mouvements transfrontaliers d'argent liquide. Proposition de règlement du Parlement et du Conseil relatif à la prévention du blanchiment de capitaux par la coopération douanière (COM [2002] 328 final).

Communication du 12 juillet 2002

N° E 2053. - Lettre de la Commission européenne du 21 juin 2002 relative à une demande de dérogation présentée par l'Autriche conformément à l'article 27, paragraphe 2, de la sixième directive du Conseil (77/388/CE) du 17 mai 1977, en matière de TVA (sous-traitance et prêt de main-d'oeuvre dans la construction) (SG  D/230296).

NOTIFICATION D'ADOPTIONS DÉFINITIVES

    Il résulte d'une lettre de M. le Premier ministre qu'ont été adoptés définitivement par les instances communautaires les textes suivants :

Communication du 12 juillet 2002

N° E 1346 (COM [1999]). - Projet d'acte relatif à l'élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct (adopté le 25 juin 2002).
N° E 1520 (COM [2000] 319 final). - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 97/67/CE en ce qui concerne la poursuite de l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté (adoptée le 10 juin 2002).
N° E 1528 (COM 459 final). - Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative aux mesures d'incitation communautaire dans le domaine de l'emploi (adoptée le 10 juin 2002).
N° E 1591 (COM 461 final). - Proposition de règlement (CE, CECA, EURATOM) du Conseil portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (refonte) (adoptée le 25 juin 2002).
N° E 1697 (COM [2001] 100 final). - Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur les comptes trimestriels non financiers des administrations publiques (adoptée le 10 juin 2002).
N° E 1718 (COM 168 final). - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les contrats de garantie financière (adoptée le 6 juin 2002).
N° E 1820 (COM 505 final). - Proposition de règlement du Conseil relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière de responsabilité parentale (retirée par la Commission le 6 juin 2002 et remplacée par COM [2002] 222 - E 2025).
N° E 1828 (COM [2001] 521 final). - Proposition de décision-cadre du Conseil relative à la lutte contre le terrorisme (adoptée le 13 juin 2002).
N° E 1829 (COM 522 final). - Proposition de décision-cadre du Conseil relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres (adoptée le 13 juin 2002).
N° E 1832 - 11990/01 COPEN 50. - Communication du Royaume de Belgique, de la République française, du Royaume d'Espagne et du Royaume-Uni : initiative du Royaume de Belgique, de la République française, du Royaume d'Espagne et du Royaume-Uni visant à l'adoption par le Conseil d'un projet de décision-cadre relative à des équipes communes d'enquête (adoptée le 13 juin 2002).
N° E 1897 (COM [2001] 732 final). - Proposition de décision du Conseil relative au régime de l'impôt AIEM applicable aux îles Canaries (adoptée le 20 juin 2002).
N° E 1951 (COM [2002] 94 final). - Proposition de règlement du Conseil ouvrant un contingent autonome pour les importations de viande bovine de qualité (Paraguay) (adoptée le 27 juin 2002).
N° E 1956 (COM  51 final). - Proposition de directive du Conseil établissant des dispositions spécifiques pour la lutte contre la peste porcine africaine et modifiant la directive 92/119/CEE en ce qui concerne la maladie de Teschen et la peste porcine africaine (adoptée le 27 juin 2002).
N° E 1967 (COM [2002] 111 final). - Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la Communauté, d'un protocole additionnel à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Lettonie, d'autre part, sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels (PECA).
                Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole additionnel à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Lettonie, d'autre part, sur l'évolution de la conformité et l'acceptation des produits industriels (PECA) (1re proposition adoptée le 21 mai 2002 et 2e proposition adoptée le 25 juin 2002).
N° E 1971 (COM [2002] 123 final). - Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la Communauté, d'un protocole additionnel à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Lituanie, d'autre part, sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels (PECA).
                Proposition de décision relative à la conclusion d'un protocole additionnel à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Lituanie, d'autre part, sur l'évaluation de la conformité et l'acceptation des produits industriels (PECA) (1re proposition adoptée le 21 mai 2002 et 2e proposition adoptée le 25 juin 2002).
N° E 1972 (COM [2002] 121 final). - Proposition de décision du Conseil autorisant l'Allemagne à appliquer une mesure dérogatoire à l'article 21 de la directive 77/388/CEE en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires (livraison de biens) (adoptée le 4 juin 2002).
N° E 1973 (COM 144 final). - Proposition de décision du Conseil autorisant le Royaume-Uni à appliquer un taux différencié de droits d'accise aux carburants contenant du biodiesel, conformément à l'article 8, paragraphe 4, de la directive 92/81/CEE (adoptée le 27 juin 2002).
N° E 1978 (COM [2002] 127 final). - Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion, au nom de la Communauté, du protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques (adoptée le 25 juin 2002).
N° E 1979 (COM 131 final). - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 3050/95 portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur un certain nombre de produits destinés à la construction, à l'entretien et à la réparation de véhicules aériens (adoptée le 25 juin 2002).
N° E 1980 (COM [2002] 147 final). - Proposition de règlement du Conseil portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur certaines marchandises importées sous le couvert de certificats d'aptitude au vol (adoptée le 25 juin 2002).
N° E 1982 (COM 98 final). - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 3677/90 relatif aux mesures à prendre afin d'empêcher le détournement de certaines substances pour la fabrication illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes (adoptée le 3 juin 2002).
N° E 1991 (COM [2002] 164 final). - Proposition de règlement du Conseil établissant certaines concessions sous forme de contingents tarifaires communautaires pour certains produits agricoles et prévoyant l'adaptation autonome et transitoire de certaines concessions agricoles prévues dans l'accord européen avec l'Estonie (adoptée le 27 juin 2002).
N° E 2000 (COM 194 final). - Proposition de règlement du Conseil fixant des dispositions transitoires concernant les mesures antidumping et compensatoires adoptées en vertu des décisions n° 2277/96/CECA et n° 1889/98/CECA de la Commission ainsi que les demandes, plaintes et enquêtes antidumping et antisubventions en cours relevant de ces décisions (adoptée le 3 juin 2002).
N° E 2004 (COM [2002] 198 final). - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1255/96 portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur certains produits industriels, agricoles et de la pêche (annexes : Annexe I : insertion de produits. - Annexe II : suppression de produits) (adoptée le 26 juin 2002).
N° E 2005 (COM  199 final). - Proposition de règlement du Conseil ouvrant un contingent autonome pour les importations de viande bovine de haute qualité (Argentine) (adoptée le 27 juin 2002).
N° E 2006 (COM [2002] 202 final). - Proposition de règlement du Conseil instituant des droits de douane supplémentaires sur les importations de certains produits originaires des Etats-Unis d'Amérique (adoptée le 13 juin 2002).
N° E 2009 (COM  224 final). - Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2505/96 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits agricoles et industriels (annexe I) (adoptée le 26 juin 2002).
N° E 2013 (SEC [2002] 449 final). - Projet de décision de la Commission relative à l'administration de certaines restrictions à l'importation de certains produits sidérurgiques en provenance du Kazakhstan (avis conforme du Conseil du 17 juin 2002).
N° E 2014 (SEC  453 final). - Projet de décision de la Commission concernant la conclusion d'un accord entre la Communauté européenne du charbon et de l'acier et le Gouvernement de la République du Kazakhstan relatif au commerce de certains produits sidérurgiques (avis conforme du Conseil du 17 juin 2002).
N° E 2015 (SEC [2002] 457 final). - Projet de décision de la Commission concernant la conclusion d'un accord entre la Communauté européenne du charbon et de l'acier et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif au commerce de certains produits sidérurgiques (avis conforme du Conseil du 17 juin 2002).
N° E 2017 (SEC  450 final). - Projet de décision de la Commission relative à l'administration de certaines restrictions à l'importation de certains produits sidérurgiques en provenance d'Ukraine (avis conforme du Conseil du 17 juin 2002).
N° E 2018 (SEC [2002] 451 final). - Projet de décision de la Commission relative à l'administration de certaines restrictions à l'importation de certains produits sidérurgiques en provenance de la Fédération de Russie (avis conforme du Conseil du 17 juin 2002).
N° E 2019 (SEC  455 final). - Projet de décision de la Commission concernant la conclusion d'un accord entre la Communauté européenne du charbon et de l'acier et le Gouvernement de l'Ukraine relatif au commerce de certains produits sidérurgiques (avis conforme du Conseil du 17 juin 2002).