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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 19 JUILLET 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du jeudi 18 juillet 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Loi de finances rectificative pour 2002. - Discussion d'un projet de loi «...».
M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances.
M. Gérard Charasse, rapporteur pour avis de la commission de la défense.
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ «...»

Exception d'irrecevabilité de M. Jean-Marc Ayrault : MM. Didier Migaud, Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire ; Georges Tron, Jean-Pierre Brard, Jean-Louis Idiart, Charles de Courson. - Rejet.

QUESTION PRÉALABLE «...»

Question préalable de M. Jean-Marc Ayrault : MM. Augustin Bonrepaux, le ministre délégué, Jean-Pierre-Brard, Michel Bouvard, Charles de Courson. - Rejet.

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

MM.
Charles de Courson,
Michel Vaxès.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2002

Discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2002 (n°s 29, 56).
    La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, que je suis heureux de saluer à l'Assemblée nationale.
    M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je m'adresse pour la première fois à l'Assemblée nationale, et c'est pour moi un très grand honneur. Nous inaugurons aujourd'hui des relations de travail que j'espère fructueuses. Vous pouvez compter sur nous pour être à l'écoute la plus attentive de la représentation nationale.
    Dès la sortie du conseil des ministres du 10 juillet, Alain Lambert et moi-même sommes venus présenter à votre commission des finances le projet de loi de finances rectificative pour 2002. Nous venons aujourd'hui le soutenir devant votre assemblée.
    Il y a deux sortes de collectifs, ceux qui sont rituels en fin d'année, qui procèdent aux ajustements de crédits et contiennent un ensemble disparate de mesures techniques, et aussi, même s'ils sont plus rares, les collectifs d'alternance, qui corrigent des budgets, en réorientant par exemple les crédits vers de nouvelles priorités gouvernementales.
    Le texte que nous vous soumettons aujourd'hui n'appartient à aucune de ces deux catégories. Notre but, en effet, n'est pas de réformer de fond en comble le budget de 2002, il est avant tout de lui restituer sa sincérité.
    M. Michel Bouvard. Eh oui !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Je vous rappelle, à cet égard, la jurisprudence du Conseil constitutionnel, aux termes de laquelle le Gouvernement doit déposer un collectif lorsque l'équilibre défini par la loi de finances initiale se trouve en cours d'année bouleversé. Or cet équilibre, aujourd'hui, est bouleversé.
    M. Augustin Bonrepaux. Vous ne le rétablissez pas !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Laisser perdurer une loi de finances initiale inexacte ne serait pas conforme au respect que le Gouvernement doit au Parlement.
    M. Didier Migaud. Vous faites pire !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est le premier motif qui nous amène devant vous.
    Cette sincérité, nous la devons aussi aux électeurs. Une baisse de l'impôt sur le revenu leur avait été annoncée : cette baisse, nous la mettons en oeuvre dès les premiers jours de la présente session extraordinaire.
    M. Jean-Pierre Brard. Et chaque année !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est donc un texte à double objet que nous vous présentons aujourd'hui. D'une part, il traduit l'un de nos engagements politiques les plus forts,...
    M. Didier Migaud. Les plus injustes !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... à savoir, baisser les impôts des Français. D'autre part, il traduit l'état réel des finances de l'Etat, tel que l'audit de M. Bonnet et M. Nasse l'a révélé.
    Je souhaiterais d'abord évoquer l'évolution de la situation économique et budgétaire qui, pour la première fois et en vertu de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, fait l'objet d'un rapport joint au projet de collectif.
    Comme vous le savez, le précédent gouvernement a bâti le projet de loi de finances sur une prévision de croissance de l'économie française de 2,5 % en 2002, après 2,3 % en 2001. Les événements du 11 septembre l'ont amené à admettre le risque d'une croissance un peu plus faible : 2,1 % en 2001 et un peu plus de 2,2 % en 2002.
    Ces prévisions ont suscité d'emblée quelques interrogations. Elles ont été qualifiées de volontaristes par le précédent gouvernement, ou perçues comme excessivement optimistes, voire consciemment irréalistes, par un certain nombre d'experts. Les organisations internationales et les principaux instituts de conjoncture tablaient ainsi, dès l'automne dernier, sur une croissance nettement plus faible pour 2002. Ils avaient malheureusement raison puisqu'elle sera aux alentours de 1,4 % ou 1,5 %.
    Les développements qui ont suivi ont donné raison aux experts. La crise du secteur des nouvelles technologies et les difficultés spécifiques de plusieurs pays ont conduit à un ralentissement mondial d'une certaine ampleur, accentué bien sûr par les événements du 11 septembre. Les exportations françaises et européennes se sont ainsi repliées tout au long de l'année dernière. Dans ce contexte défavorable, les entreprises ont revu leurs projets d'investissements et surtout fortement révisé leurs stocks à la baisse. Face à la dégradation du marché du travail et à la détérioration du climat de confiance, les ménages à leur tour ont freiné un peu leurs dépenses. L'activité s'est ainsi mise à stagner en Europe et en France à partir du printemps 2001, avant de se contracter en fin d'année.
    La conjoncture a cependant commencé à se redresser en Europe au premier semestre 2002.
    Ce redressement tient à la résorption des chocs qui nous avaient handicapés en 2001. Les Etats-Unis sont sortis de la récession un peu plus rapidement que prévu. J'ai rencontré ce matin le président de Merril Lynch qui m'a donné des nouvelles particulièrement rassurantes sur sa vision de la reprise économique américaine au second semestre de cette année.
    M. Jean-Pierre Brard. Alors, qu'y a-t-il dans la boule de cristal ? (Sourires.)
    M. le président. Monsieur Brard, pas le matin !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Les prix du pétrole se sont stabilisés à un niveau plus favorable et le climat de confiance des entreprises et des ménages s'est par ailleurs bien rétabli depuis les attentats.
    Dans ce contexte, notre économie devrait continuer à bénéficier d'une conjoncture un peu supérieure à la moyenne européenne.
    M. Augustin Bonrepaux. C'est qu'elle se porte plutôt bien... et vous n'y êtes pour rien !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. L'emploi a fait preuve d'une bonne résistance au cours des derniers trimestres, les salaires se sont montrés relativement dynamiques, et les perspectives des industriels sont repassées au-dessus de leur moyenne historique.
    Notre croissance paraît ainsi à même de renouer avec un rythme supérieur à 2,5 % au second semestre, notamment si les marchés financiers parviennent à retrouver un peu de leur sérénité. Sur l'ensemble de l'année, en raison des faibles niveaux atteints à la fin de l'année dernière, notre croissance se limiterait à un peu moins de 1,5 % en moyenne.
    Au-delà de ces observations, relativement positives, les facteurs de risque et d'incertitude n'ont pas complètement disparu.
    La première incertitude porte sur le redémarrage de l'investissement, qui ne s'est pas encore matérialisé. Il n'y a là rien d'anormal à ce stade de la reprise, mais il conviendra de suivre avec attention les développements dans ce domaine au cours des prochains mois. A priori, si l'on en juge par l'amélioration des perspectives des chefs d'entreprise, notre pays est bien placé pour bénéficier d'une reprise de l'investissement d'ici à la fin de l'année. A cet égard, il ne faut cependant pas sous-estimer la dégradation des marges bénéficiaires de certaines de nos entreprises ni les problèmes d'attractivité de notre territoire.
    Une autre incertitude provient des tensions récentes sur les marchés financiers. On ne peut totalement écarter le risque, dit systémique, d'une poursuite de ces tensions à l'échelle mondiale, même si les autorités monétaires gardent d'importantes marges de manoeuvre de part et d'autre de l'Atlantique et même si les marchés boursiers européens et français apparaissent maintenant sous-évalués.
    Je pense qu'après la phase actuelle de défiance et de grande volatilité, les investisseurs sauront prêter une plus grande attention aux fondamentaux de l'économie et de notre système financier, qui sont bons.
    En tout état de cause, l'impact de la situation des marchés boursiers sur la croissance doit, en France, être relativisé : en effet, le taux d'épargne des ménages a peu baissé et leur patrimoine boursier reste, proportionnellement, moins élevé qu'ailleurs ; l'immobilier, élément essentiel du patrimoine des ménages en France, n'est pas mis en cause ; enfin, l'économie mondiale bénéficie de taux d'intérêt favorables à l'investissement, situation renforcée par le rééquilibrage des parités entre l'euro et le dollar, notamment sous l'angle des risques d'inflation.
    Au total, pour l'heure, nous ne sommes pas conduits à remettre en cause la perspective médiane d'un retour de la croissance française sur un rythme proche de 3 % en fin d'année ou en début d'année prochaine.
    Dans ce contexte, l'audit a révélé une situation des comptes publics dégradée par rapport aux prévisions. En effet, en retenant le point bas de la fourchette des auditeurs, soit un déficit public des administrations publiques de 2,6 % du PIB, nous avons un écart de 1,2 point de PIB avec la prévision initiale qui était de 1,4 % du PIB.
    Cette dégradation ne s'explique pas principalement par le retournement de la conjoncture, mais tient aussi largement à des facteurs structurels. Je rappelle que l'écart est lié pour deux tiers au dérapage des dépenses publiques et pour un tiers seulement à la révision des recettes.
    La dégradation du budget de l'Etat, qui fait l'objet du présent collectif, représente quant à elle les deux tiers de la révision du déficit public mise en évidence par l'audit.
    D'où le présent projet de collectif, qui se traduit en premier lieu par un allégement de 5 % de l'impôt sur le revenu, pour un coût évalué à 2,55 milliards d'euros environ. Cette baisse est la première concrétisation du plan d'allégement des prélèvements obligatoires qui se trouve au coeur de la « nouvelle politique économique » du Gouvernement.
    Nous avons voulu ainsi donner un signal psychologique fort aux Français, pour leur redonner confiance, leur confirmer notre détermination à inverser durablement la spirale des hausses des prélèvements obligatoires. C'est pourquoi cette réduction de 5 % intervient dès le collectif, sans attendre le projet de loi de finances pour 2003. Elle constitue un premier pas vers l'objectif de 30 % en cinq ans qu'a rappelé le Premier ministre et sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité. Nous voulons encourager ceux qui travaillent, et redonner aux Français le goût de l'initiative, le sens de l'effort et le sens de la responsabilité.
    M. Augustin Bonrepaux. Parce qu'il n'y a que la moitié des Français qui travaillent ?
    M. le président. Monsieur Bonrepaux !
    M. Richard Cazenave. La campagne est terminée !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Voici succinctement présentée la philosophie qui inspire cette mesure et surtout toutes celles qui poursuivront.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est une insulte à la philosophie.
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Baisser l'impôt, c'est aussi engager une dynamique favorable à notre économie. Accompagné d'une réduction des déficits, l'allégement des prélèvements est durable, ce qui est la meilleure garantie d'une croissance plus forte.
    La baisse de l'impôt sur le revenu inscrite dans ce collectif devrait conforter le rétablissement du pouvoir d'achat et la confiance des ménages.
    M. Augustin Bonrepaux. C'est une plaisanterie ! C'est scandaleux.
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Les enchaînements usuels laissent à penser qu'elle stimulera la croissance d'un dixième de point à l'horizon 2003, mais, au-delà de cet effet de stimulation sur la demande, cette première étape dans la baisse des impôts et des charges contribuera surtout à redynamiser notre potentiel d'offre à moyen terme : en réduisant l'écart entre le coût du travail payé par les entreprises et le salaire net des prélèvements perçu par les ménages, la baisse d'impôts favorise à la fois l'offre et la demande de main-d'oeuvre, et est donc créatrice d'emplois.
    M. Jean-Pierre Brard. Pour les RMIstes surtout !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. En réduisant les taux marginaux d'imposition, elle commencera aussi à restaurer l'attractivité de notre territoire et à enrayer la délocalisation de nos travailleurs les plus qualifiés. Ça s'appelle notre matière grise.
    Cette baisse, l'article 1er du projet de loi la met en oeuvre. Nous l'avons voulu bref et efficace, simple et lisible.
    M. Jean-Pierre Brard. Simpliste !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Efficace !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est la garantie, pour les Français, que l'engagement du Gouvernement sera effectivement tenu.
    La méthode choisie est celle dite du « rabais sur facture ». Compte tenu des délais qui sont les nôtres, c'était en effet la technique la plus simple à mettre en oeuvre. Mais c'est sans aucune conséquence, car les effets de cette méthode sont strictement équivalents à ceux d'une réduction de 5 % de l'ensemble des taux du barème.
    M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas vrai !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Deuxième point : cette réduction s'applique exclusivement aux revenus soumis au barème de l'impôt. Ne sont donc pas concernés les revenus soumis à prélèvement libératoire, par exemple les intérêts sur placements, ou les revenus soumis à un taux d'imposition forfaitaire, par exemple les plus-values de cession de titres. Ce faisant, le Gouvernement veut favoriser les revenus du travail et de l'initiative, tels que les salaires ou les revenus des professions indépendantes, qui sont, eux, intégralement soumis au barème.
    Troisième fait significatif, cette réduction s'applique à l'impôt dû avant réductions ou crédits d'impôt et donc avant paiement par l'Etat de la prime pour l'emploi. En choisissant de réduire l'impôt brut plutôt que l'impôt net, le Gouvernement a fait le choix de donner son plein effet à la réduction de 5 %. S'il avait procédé autrement, le gain aurait été souvent moins élevé, et de nombreux foyers, notamment parmi les plus modestes, n'auraient pas pu en profiter.
    Telles sont les grandes lignes de la mesure d'allégement de 5 % de l'impôt sur le revenu, qui bénéficiera à 16 millions de foyers et dont l'incidence sur les recettes de l'Etat est actuellement chiffrée à 2,55 milliards d'euros.
    Outre la diminution de l'impôt sur le revenu, ce collectif reconstitue ce qui nous semble être la réalité de la loi de finances 2002, et cette reconstitution nous fournit des résultats conformes à ceux de l'audit, en recettes comme en dépenses.
    Du côté des dépenses, ce projet ouvre des crédits pour un montant d'environ 5 milliards d'euros. A défaut, l'Etat n'aurait pas été en mesure d'honorer ses engagements au titre de l'année 2002...
    M. Didier Migaud. C'est faux !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... en raison des sous-budgétisations de la loi de finances initiale, ni de solder ses dettes antérieures à 2002. Cela concerne particulièrement le domaine social.
    Certes, ces phénomènes sont classiques et le terme technocratique pour les désigner est celui de « reports de charges ». Chaque fin d'année, lorsque les crédits sont insuffisants, il arrive qu'on range les factures dans un tiroir et qu'on attende les crédits de l'année suivante avant de les payer. Ce qui n'est pas classique, cette fois-ci, c'est l'ampleur du phénomène.
    M. François Goulard. C'est vrai !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le collectif se devait donc de le traiter.
    Notons que ce volet dépenses ne traduit que 6,3 milliards d'euros de dépenses supplémentaires, là où l'audit prévoyait un dérapage compris entre 6,9 et 7,4 milliards d'euros.
    Cela s'explique par le fait que l'audit raisonne en prévision d'exécution budgétaire, alors que le collectif raisonne en ouvertures de crédits autorisées par le Parlement. Ainsi ne peuvent pas par construction faire l'objet d'ouvertures dans ce collectif les dérapages relevés qui résultent d'une consommation de crédits reportés des exercices précédents. Par définition, ces crédits ont en effet déjà été votés. Je pense notamment au 1,2 milliard d'euros de dépenses prévues par la loi de finances rectificative de fin 2001 dont la mise en oeuvre a été reportée à la gestion 2002.
    Sous bénéfice de ces observations liminaires, nous pouvons brièvement évoquer les principaux facteurs d'écart par rapport à la loi de finances initiale.
    Sur le budget général, le collectif propose d'ouvrir près de 5 milliards de crédits supplémentaires, qui correspondent pour 3,1 milliards à la couverture de besoins avérés en 2002 mais non financés en loi de finances initiale, et, pour 1,8 milliard, au remboursement de dettes antérieures à 2002. Le Gouvernement a fait le choix de solder l'ensemble de ces dettes, qui concernent pour une large part la sécurité sociale et sont neutres sur le besoin de financement global des administrations publiques.
    Les ouvertures de crédits concernent au premier chef le secteur social : environ 2,5 milliards, dont plus de 900 millions pour les minima sociaux, 220 millions pour la couverture maladie universelle, 445 millions pour l'aide médicale de l'Etat.
    Elles concernent également le secteur de la défense, pour environ 900 millions d'euros, et les charges de la dette de l'Etat, qui progressent de 650 millions d'euros environ, essentiellement en raison d'un déficit de fin d'année plus important que prévu. Je souligne à cet égard que nous n'avons pas l'intention de modifier le programme d'émission de titres longs. Nous allons au contraire profiter du niveau relativement bas des taux courts pour financer les besoins par des bons à court terme.
    Enfin, deux autres postes sont à mentionner, pour 250 millions d'euros chacun : nos obligations internationales et le secteur de l'agriculture. Sur ce dernier budget, notons que ce sont près de 10 % des crédits qui manquaient pour faire fonctionner les différents dispositifs d'intervention jusqu'à la fin de l'année.
    M. François Goulard. Incroyable !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cela m'amène à évoquer la protection sociale agricole et son budget annexe, le BAPSA, dont l'équilibre emplois-ressources a été considérablement affecté par rapport à la loi de finances initiale. Le besoin de financement est évalué à près de 750 millions d'euros, pour une prévision de dépenses et de ressources de 14,6 milliards d'euros en loi de finances initiale, soit un « déficit » représentant 5 % du BAPSA.
    Pour éviter une crise de la protection sociale agricole, nous proposons, d'une part, de doubler la subvention du budget général, que nous majorons de 290 millions d'euros, à l'intérieur des 2,5 milliards d'ouvertures sociales que j'évoquais tout à l'heure, et, d'autre part, de mobiliser les réserves excédentaires de trois organismes, la mutualité sociale agricole, le fonds pour les calamités agricoles et la société Unigrains. Ces prélèvements ont été calibrés de manière à ne pas obérer l'action des trois organismes : ils portent uniquement sur des réserves qui avaient vocation à revenir au budget de l'Etat, mais que nous mobilisons au profit de la protection sociale agricole.
    Venons-en maintenant à la traduction de l'audit en recettes, avec, tout d'abord, les recettes fiscales.
    L'aléa pesant sur les recettes fiscales étant encore important à ce stade de l'année, l'audit avait ajusté la prévision de recettes fiscales de l'Etat par rapport à la loi de finances initiale dans une fourchette comprise entre 3,7 et 5,4 milliards d'euros en moins.
    L'observation des recouvrements du mois de juin sur les grands impôts tels que l'impôt sur les sociétés et la TVA conforte le Gouvernement dans le choix qu'il a fait de retenir l'évaluation prudente de l'audit. Avant intégration de l'incidence de la baisse d'impôt sur le revenu, le collectif révise donc à la baisse les recettes fiscales nettes de 5,37 milliards, c'est-à-dire le haut de la fourchette proposée par l'audit.
    S'agissant des recettes non fiscales, le collectif prévoit une diminution voisine de 3,3 milliards d'euros.
    Les pertes de recettes fiscales et non fiscales sont donc, au total, d'un peu plus de 8,6 milliards d'euros. Toutefois, grâce à l'amélioration de 1,9 milliard d'euros du prélèvement au profit du budget européen, la réduction nette s'établit seulement à 6,7 milliards d'euros.
    Une fois intégrée la diminution des recettes liée à l'allégement d'impôt sur le revenu, soit 2,55 milliards d'euros, le collectif se traduit par une réduction des recettes de l'Etat de 9,3 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale de 2002.
    Au total, le déficit budgétaire de 2002, prévu à 30,4 milliards d'euros dans la loi de finances initiale, s'établit à 43,5 milliards d'euros avant baisse de l'impôt sur le revenu,...
    M. François Goulard. Bravo la gauche ! Merci !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... et à 46 milliards d'euros après intégration de l'incidence de cette baisse.
    M. Jean-Louis Idiart. Bravo pour la deuxième partie, oui !
    M. Georges Tron et M. Richard Cazenave. C'est votre faute !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Au-delà de ce collectif, les ambitions du Gouvernement sont de deux ordres. Tout d'abord, maîtriser l'exécution 2002. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, le collectif n'a pas pu, par construction, prendre en compte tous les facteurs de dérapage de la dépense. Pour éviter toute dégradation du déficit par rapport aux résultats de l'audit, nous allons prendre des mesures de mise en réserve de crédits et stabiliser le niveau des crédits de report. Conformément à la loi organique, nous communiquerons aux commissions des finances des deux assemblées la totalité de ces mesures, car nous souhaitons une transparence totale à votre égard. Ces mesures sont en voie de finalisation ; elles seront arrêtées avant la fin du mois de juillet, qui constitue le terme des mesures de régulation dite républicaine décidée par le précédent gouvernement.
    Notre deuxième ambition est de construire un budget 2003 conforme à nos priorités. Prendre la loi de finances initiale comme référence n'aurait eu un sens que si elle avait été représentative de la dépense de l'Etat en 2002. Aussi, ce budget prendra évidemment pour référence la loi de finances 2002 rebasée des dépenses pérennes du présent collectif, soit environ 2,6 milliards d'euros supplémentaires. A cette base, nous appliquerons un taux de progression de 0,2 % en volume. Compte tenu des mesures de redéploiement auxquelles nous procéderons, cela nous permettra de financer nos priorités, notamment la sécurité des Français, la justice, l'aide au développement et un début de remise à niveau des crédits d'équipement militaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Pierre Brard. Et la baisse des impôts !
    M. Augustin Bonrepaux. Et vous nous expliquerez comment vous faites !
    M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, mes chers collègues, les Français ont tranché. Ils ont choisi un programme d'action et une démarche. Ils ont choisi de les inscrire dans la durée. Ce programme, cette démarche et cette durée concernent aussi la politique budgétaire. Le collectif dont nous discutons aujourd'hui s'inscrit dans cette perspective, même s'il se place à l'articulation de deux gestions.
    Il nous faut tirer, dès aujourd'hui, les conséquences de la situation laissée par le précédent gouvernement. Il faut corriger la dérive des comptes publics. Mais il nous appartient aussi d'engager, dès maintenant, sans attendre la prochaine loi de finances, notre propre action, celle que le Président de la République, le Gouvernement et sa majorité ont mission de conduire.
    Pour apurer le passé, le Gouvernement a choisi de partir de l'évaluation la plus précise et la plus incontestable possible des comptes publics. L'audit a été réalisé par les deux magistrats de la Cour des comptes auxquels Lionel Jospin avait confié, en 1997, la même évaluation. Les membres de l'opposition d'aujourd'hui avaient alors estimé que le constat dressé par MM. Bonnet et Nasse était clair et indiscutable. Dans le rapport qu'ils ont remis au Premier ministre le 26 juin dernier, les deux auditeurs ont bien précisé : « Compte tenu des points communs entre les conditions de cet audit et celui que nous avions réalisé en 1997, il nous a paru opportun de reprendre, dans ses grandes lignes, la méthode que nous avions utilisée il y a cinq ans. »
    M. Richard Cazenave. Incontestable !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Dès lors, comment leur constat, « clair et indiscutable » en 1997, pourrait-il ne plus l'être en 2002 ?
    M. Jean-Louis Idiart. Ce n'est plus aussi sincère !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. « Clair et indiscutable », mes chers collègues, ce constat l'est.
    M. Jean-Louis Idiart. C'est votre interprétation !
    M. Augustin Bonrepaux. Il vous faut l'exagérer !
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, vous aurez l'occasion de vous exprimer tout à l'heure en défendant la question préalable.
    M. Georges Tron. Vous devriez écouter l'orateur, monsieur Bonrepaux !
    M. Richard Cazenave. Un peu de modestie, messieurs les truqueurs !
    M. Georges Tron. Demandez pardon ! Vous donnez des leçons depuis trop longtemps !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le décalage est manifeste entre la situation actuelle et les hypothèses macroéconomiques retenues à l'été 2001, puis maintenues à l'automne. C'est vrai pour la croissance du PIB, pour celle de la masse salariale, comme pour la situation de l'emploi et du chômage. Ainsi, alors que la prévision de croissance du PIB en volume était de 2,5 %, l'INSEE et la plupart des conjoncturistes ne parlent plus que de 1,4 %.
    M. Jean-Claude Lefort. C'est votre faute !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Or l'opposition a maintes fois dénoncé cette surestimation de la croissance lors de la discussion du projet de loi de finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) D'ailleurs, je vois ici plusieurs collègues...
    M. Jean-Louis Idiart. Plusieurs procureurs !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... qui, à l'automne dernier, avaient exactement prédit ce qui allait se passer...
    M. Hervé Novelli. Il a raison !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... et évalué la surestimation des recettes. Or le gouvernement de l'époque n'a pas voulu entendre.
    M. Richard Cazenave. Il n'avait même pas l'excuse de ne pas savoir !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il a préféré, le ministre vient de le dire, masquer son choix contestable et malheureux sous la rhétorique du volontarisme, allant même jusqu'à présenter ses hypothèses macroéconomiques comme des objectifs.
    M. Richard Cazenave. Ils ont truqué !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mais chacun sait que les objectifs ne tirent pas forcément la réalité derrière eux.
    Ce projet de collectif est avant tout la conséquence de l'entêtement du Gouvernement à maintenir une construction budgétaire obsolète, qui était déjà décalée par rapport à la réalité à l'automne dernier, lors du débat à l'Assemblée nationale. Cette erreur manifeste d'appréciation a des conséquences graves sur l'évolution des recettes. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Georges Tron. Ce n'était pas une erreur !
    M. Richard Cazenave. C'était un trucage délibéré !
    M. Jean-Claude Lefort. Un mois de gouvernement Raffarin, un point de croissance en moins !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mais, facteur aggravant - et je reconnais que nous-mêmes, dans l'opposition, à l'automne, nous l'avions sous-estimé -,...
    M. Jean-Pierre Brard. C'est le début de l'autocritique...
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... on constate un dérapage indéniable de la dépense publique. « Dérapage indéniable », ce sont les termes mêmes de MM. Bonnet et Nasse. M. le ministre vient de le dire, ils ont évalué que le dérapage net, c'est-à-dire compte tenu des économies habituellement réalisables en cours d'exercice, se situerait entre 6,9 et 7,4 milliards d'euros.
    Quant aux évaluations effectuées par le Gouvernement à la suite de l'audit, elles montrent qu'il est nécessaire d'ouvrir 5 milliards d'euros de crédits nouveaux sur le budget général, en plus des crédits de la loi de finances initiale pour 2002. La majeure partie de ces crédits concerne le budget de la santé et de la solidarité, les charges communes, les budgets de l'emploi, des affaires étrangères et de l'agriculture. Dans le rapport écrit, je détaille ces différentes ouvertures de crédits.
    Par ailleurs, le BAPSA nécessite l'adoption de mesures d'urgence.
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il est l'illustration même de la dérive de la dépense sociale. Aussi l'article 2 du collectif propose-t-il les moyens de répondre à son besoin de financement de 746 millions d'euros, soit près de 5 milliards de francs. Je l'ai dit, les mesures proposées sont urgentes ; elles sont pénibles à prendre, certes...
    M. Jean-Claude Lefort. Pas pour tout le monde...
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... mais indispensables. Elles tendent d'abord à répartir l'effort au bénéfice de la protection agricole sur l'ensemble des contribuables, avec une dotation supplémentaire de 290 millions d'euros. Trois autres prélèvements sont proposés au sein du monde agricole : prélèvements sur la trésorerie de la MSA, sur le fonds d'indemnisation des calamités agricoles et sur les reliquats de la taxe parafiscale qui était auparavant perçue par la société Unigrains.
    On constate une autre dérive incontestable, l'explosion des dépenses de l'Etat au titre de l'aide médicale pour les étrangers en situation irrégulière : plus de 400 millions d'euros supplémentaires sont nécessaires, par rapport à une inscription initiale qui était limitée à 60 millions d'euros.
    M. Charles de Courson. C'est incroyable !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. On voit là l'un des effets de l'allongement excessif des procédures relatives au droit d'asile, qu'il convient assurément de réformer.
    M. Richard Cazenave. C'est à cause de Chevènement !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. En définitive, l'aggravation des charges nettes de l'Etat inscrites dans ce collectif s'élève à 6,8 milliards d'euros. Et le Gouvernement, M. le ministre l'a dit à l'instant, a décidé de réserver au collectif de fin d'année les indispensables annulations de crédits nécessaires au rééquilibrage du budget de l'Etat. C'est donc en fin d'exercice, en fin d'année, que l'on y verra plus clair sur l'évolution précise des recettes et des dépenses.
    En résumé, des recettes fiscales en baisse de 9 milliards d'euros, des dépenses qui dérapent de plus de 5,5 milliards : tel est le bilan 2002, au moment où la nouvelle majorité se met à la tâche.
    Le déficit du budget général augmente, lui, de 15,5 milliards d'euros, soit une hausse de moitié par rapport au déficit prévu dans la loi de finances initiale. On retrouve ainsi, avec un solde négatif de plus de 46 milliards d'euros, un niveau de déficit jamais atteint depuis 1995.
    De ce point de vue - on ne le soulignera jamais assez -, au regard des possibilités offertes par plusieurs années de croissance soutenue, la législature qui s'est achevée aura été assurément celle des occasions manquées. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Un député du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Quel gâchis !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Malgré ces difficultés, le Gouvernement a voulu, avec raison, que le premier collectif budgétaire de la législature aille au-delà de la seule correction des dérives antérieures et qu'il donne l'indication claire qu'une nouvelle politique était engagée. C'est la raison pour laquelle, conformément aux engagements pris par le Président de la République pendant sa campagne électorale et par les candidats de la majorité présidentielle lors des élections législatives, le Gouvernement propose de mettre en oeuvre une baisse d'impôt sur le revenu de 5 % pour tous. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Claude Lefort. Pour les riches !
    M. Augustin Bonrepaux. Il ne faut pas dire n'importe quoi !
    M. Jean-Pierre Brard. Le tiers état n'a pas droit à la réduction !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cette mesure constitue une première étape dans la politique d'allégement de la charge des prélèvements obligatoires. Simple et lisible, la réduction d'impôt s'adresse à l'ensemble des foyers imposables (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) et elle s'applique au montant brut de l'impôt, c'est-à-dire à l'impôt dû avant déductions et crédits d'impôts. Ce mode de calcul a pour effet de concentrer la mesure sur les revenus imposés au barème progressif et, donc, sur les revenus du travail. Elle rend notre système fiscal moins pénalisant pour l'initiative et permet de rétablir en partie l'attractivité de notre territoire...
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... et d'endiguer l'hémorragie préoccupante de nos talents. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Pierre Brard. Ce sont des Coblençards !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il faut aussi souligner que l'application de la réduction au montant de l'impôt brut permettra au plus grand nombre de profiter de cette baisse d'impôt, notamment aux bénéficiaires de la prime pour l'emploi.
    Aussi, votre commission des finances vous demande-t-elle d'approuver ce premier collectif budgétaire de la législature.
    M. Jean-Louis Dumont. C'est une surprise !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il constitue la première étape indispensable d'une nouvelle politique budgétaire qui permettra de relancer la croissance et de redonner confiance à nos compatriotes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Gérard Charasse, rapporteur pour avis de la défense nationale et des forces armées.
    M. Gérard Charasse, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative ouvre pour la défense un total de 908 millions d'euros, représentant le cinquième des ouvertures de crédits, soit 808 millions d'euros au titre III, dont 674 millions d'euros pour les rémunérations et 134 millions pour le fonctionnement courant, et 100 millions d'euros au titre V, ce qui me conduit aux remarques suivantes.
    Première remarque : on ne peut qu'approuver les ouvertures au titre V, qui sont destinées à favoriser le maintien en condition opérationnelle des matériels.
    On sait que le blocage des engagements effectué en 1995 et 1996, ainsi que la réforme de la DGA, ont considérablement perturbé le suivi des contrats de maintenance et les achats de pièces détachées, entraînant une crise de la disponibilité des matériels.
    Pour y remédier, une nouvelle organisation a été mise en place. Ainsi a été créée notamment la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense - la SIMMAD - en octobre 2000.
    Or la montée en puissance de la SIMMAD est plus rapide que prévu. Les 100 millions d'euros de crédits supplémentaires font ainsi partie de la réalisation par elle de son objectif pour 2002 d'une disponibilité de 67 % des équipements, contre parfois 50 % environ aujourd'hui, en attendant bientôt des réductions de coûts.
    Par ailleurs, le collectif ne comporte pas d'annulations de crédits du titre V. Toutefois, seul l'examen du collectif de fin d'année permettra de s'assurer qu'il n'y aura pas eu d'annulation de crédits d'équipement sur l'année.
    Deuxième remarque : au titre III, la revalorisation de la condition militaire nécessite une ouverture de 160 millions d'euros, répartie entre 104 millions d'euros pour le financement du temps d'activité et d'obligations professionnelles des militaires - le TAOPM - et 56 millions d'euros pour le financement de mesures catégorielles attendues.
    Il s'agit là de la traduction budgétaire progressive des engagements pris par le gouvernement précédent. Décidées après le vote du projet de loi de finances pour 2002, il était logique que leur financement soit présenté lors du premier projet de collectif soumis au Parlement.
    Troisième remarque : 124 millions d'euros de crédits de rémunérations et 134 millions d'euros de crédits de fonctionnement viennent combler diverses insuffisances de gestion et permettre la poursuite de l'apurement de la gestion du ministère.
    Les crédits de fonctionnement se décomposent en 68 millions d'euros pour permettre à la gendarmerie de payer l'ensemble de ses dettes relatives à ses locations immobilières...
    M. Charles de Courson. Incroyable !
    M. Gérard Charasse, rapporteur pour avis. ... 30 millions d'euros d'arriérés sur 2001 et 38 millions d'euros pour la gestion 2002, et 66 millions d'euros pour apurer les arriérés de la dette contractée par la défense à l'égard de la SNCF à l'époque de la conscription, et permettre de débuter dans de bonnes conditions la mise en oeuvre de la nouvelle convention signée en 2002.
    Ainsi, la gestion du ministère est de plus en plus nette et claire. Le Parlement, qui vote les crédits et en contrôle l'usage, ne peut que s'en réjouir.
    Quatrième remarque : le financement des surcoûts en rémunérations des opex proprement dites compte pour 375 millions d'euros, en augmentation de 100 millions d'euros par rapport à 2001, conséquence d'un accroissement des effectifs en opération, qui passent de 11 530 hommes en 2001 à 14 500 en 2002 du fait de l'opération Héraclès en Afghanistan.
    Les opérations exceptionnelles sur le territoire national, telle Vigipirate, sont désormais dénommées OPINT, opérations intérieures. Elles entraînent un surcoût de ces dépenses de 15 millions d'euros.
    Les surplus de rémunérations dus aux opex sont en pratique intégralement financés. C'est de bonne méthode. Il faut en revanche souligner qu'il n'est inscrit aucun crédit pour les autres surplus de dépenses liées aux opex, qui sont évaluées à 150 millions d'euros pour le fonctionnement et à 122 millions d'euros pour l'équipement.
    Sur ce point, votre rapporteur ne peut qu'exprimer ses inquiétudes et celles de la commission de la défense. En effet, on sait qu'en pratique le financement des opex en fin d'année est effectué à partir des crédits non utilisés du titre V.
    Or, eu égard à la reprise de la consommation des crédits du titre V depuis 1999, cette pratique a sans doute atteint ses limites. C'est en tout cas ce qu'on peut conclure du rapport de la Cour des comptes sur l'exécution des lois de finances pour 2001.
    En conséquence, votre rapporteur ne peut une fois de plus que réitérer le voeu de voir une part aussi élevée que possible des dépenses d'opérations extérieures provisionnées dès la loi de finances initiale. Ce voeu, qui était aussi celui de ses prédécesseurs, a été formulé unanimement et de façon formelle, tous groupes confondus, par la commission de la défense, lors de sa réunion du 29 novembre 2000, sous la forme d'une observation annexée au rapport pour avis de notre collègue François Lamy sur le projet de loi de finances rectificative pour 2000. La légitimité de ce voeu avait été reconnue en séance publique en décembre 2000 par le ministre de la défense d'alors, M. Alain Richard. Mme Michèle Alliot-Marie a exposé dès sa première audition par la commission, le 9 juillet dernier, que, « en ce qui concerne les opérations extérieures », elle souhaitait en effet « provisionner une partie de leur coût dès le vote de la loi de finances initiale ».
    Enfin, la commission de la défense a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du projet de loi de finances rectificative qui relèvent de ses compétences. (Applaudissements.)
    M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, cette année, l'Assemblée n'a pas été en mesure de tenir un débat d'orientation budgétaire. Ce débat sur le collectif constituera donc, outre l'occasion de juger de l'insincérité du budget précédent, le moment le plus opportun pour discuter non seulement de la mesure phare voulue par le Gouvernement, mais aussi des orientations du prochain projet de loi de finances.
    A cet égard, monsieur le ministre, il me paraît important d'insister sur deux points, qui d'ailleurs se complètent.
    En premier lieu, si les impôts doivent baisser, dans le sens de la mesure prévue par le Gouvernement, il convient également, que, par souci d'équité, les charges sociales sur les rémunérations modestes soient réduites.
    M. Jean-Pierre Brard. Ça fait partie des idées fixes !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Nous comprenons parfaitement l'objectif du Gouvernement qui est d'aborder, avec le ministre des affaires sociales, l'intégralité du problème lié à l'alignement des SMIC, aux 35 heures et aux charges sociales.
    Mais seule, comme l'a dit tout à l'heure M. Mer, la croissance des revenus du travail et de l'initiative permettra à la fois de renforcer le retour au travail, de mieux rétribuer la rémunération directe, d'encourager les initiatives et de donner du pouvoir d'achat, ce qui aura pour effet de soutenir l'économie.
    M. Jean-Claude Lefort. Ben voyons !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Il est certain que réduire les cotisations salariales est délicat, compte tenu du fait que, pour l'essentiel, elles ne comportent plus aujourd'hui que des cotisations vieillesse depuis le transfert des cotisations maladie vers la CSG. Il faut néanmoins réfléchir et trouver une solution qui satisfasse à la fois les contraintes constitutionnelles concernant la CSG, la nature des cotisations salariales et la problématique générale de l'harmonisation et de la simplification du SMIC.
    Je rappelle cependant que, pour ce qui concerne le coût moyen du travail, nous nous plaçons au cinquième rang en Europe mais que, compte tenu du poids des charges sociales et fiscales pesant chez nous sur le travail, le classement concernant le salaire net nous relègue entre le neuvième et le onzième rang.
    Par ailleurs, il convient de trouver un équilibre dans l'effort entre les ménages et les entreprises. Pour celles-ci, il faudra prendre des mesures d'assouplissement de certains des textes adoptés par le précédent gouvernement.
    M. Pierre Hériaud. C'est sûr !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. On devra inévitablement revoir les propositions du rapport Charzat d'un oeil neuf et plus ouvert que la précédente majorité. Certains d'entre nous, élus de régions industrielles, s'inquiètent d'une désindustrialisation rampante que les textes précédents des dernières années ont aggravée.
    M. Hervé Novelli. Exact !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. J'en viens au second point, complémentaire du premier.
    Pour parvenir à la réduction des charges et financer en même temps la baisse des impôts directs, l'Etat et, plus généralement, la sphère publique doivent faire des économies. L'excès de la dépense publique est aujourd'hui l'une des faiblesses principales de la France.
    M. Hervé Novelli. Tout à fait !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Le collectif budgétaire ne prévoit pas de réductions de crédits car il était difficile, dans un délai aussi court, de procéder d'une manière qui ne soit ni arbitraire ni brutale, mais rationnelle. Vous vouliez éviter, monsieur le ministre, que des, économies massives soient reçues comme un signal psychologique négatif. Mais il ne faudrait pas, comme cela a été malheureusement la tradition dans notre pays, que les investissements fassent les frais des économies.
    M. Jacques Barrot. Très juste !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. En l'occurrence, je pense en particulier aux crédits pour le logement. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Augustin Bonrepaux. Vous exprimez là quelques craintes, d'ailleurs justifiées !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Le fait que les économies soient globalement renvoyées au second semestre n'empêche pas que nous, Parlement, envoyions quelques signaux clairs à nos concitoyens, leur montrant notre détermination à agir vite dès lors que l'opportunité des économies est évidente.
    C'est la raison pour laquelle la commission des finances a adopté, à une très large majorité et parfois à l'unanimité, trois amendements à forte charge symbolique. Si je dis qu'ils ont une forte charge symbolique, c'est que leur importance ne tient pas aux montants concernés mais à la voie qu'ils ouvrent.
    Le premier traduit le souhait que la France réexamine l'empilement des structures administratives, dont l'accumulation génère, au mieux, des doublons et de la procédure administrative et, au pire, ralentit, voire paralyse, l'action des pouvoirs publics et des entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Nous souhaitons qu'un rapport sur le sujet nous soit proposé.
    Le deuxième amendement concerne les moyens du conseil de la politique monétaire. La mission de ce Conseil a été modifiée mais il n'en a pas été de même de ses moyens financiers. Cet amendement n'est pas un signal de mécontentement à l'égard des positions de la BCE de l'époque, et il n'est pas question que nous nous associions à une telle démarche.
    Je rends pour ma part hommage à M. Trichet, mais il me semble que le Conseil doit montrer l'exemple de la maîtrise des dépenses publiques et j'estime que, là comme ailleurs, des marges de productivité existent.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est le comité des pensionnés d'Etat !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Le troisième amendement répond à une préoccupation exprimée par l'opinion publique durant la dernière période électorale.
    Certaines candidatures avaient une vocation plus commerciale, voire sectaire, que démocratique. Chaque voix compte : elle compte pour 1,66 euro. Nous avons proposé, pour montrer l'urgence qu'il y avait à agir, que soit fixé un pourcentage de voix minimum pour bénéficier du financement public. Il ne s'agit pas, en fixant ce seuil à 1 %, d'empêcher l'arrivée de nouveaux groupes représentant une part de l'opinion publique...
    M. Jean-Pierre Brard. Au sein de l'UMP, par exemple !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. ... mais de prendre une mesure de « salubrité démocratique ». Cet amendement a été adopté par la commission à l'unanimité.
    Monsieur le ministre, ces diverses pistes devront être complétées par le Gouvernement.
    M. François Goulard. Très bien !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Les rapporteurs spéciaux de la commission des finances pourront, de leur côté, proposer des économies en s'appuyant sur les nouveaux pouvoirs d'investigation que leur a donnés la loi organique du 1er août 2001 qui a réformé l'ordonnance de 1959. Ces nouveaux pouvoirs, je le rappelle, ont été souhaités par le Sénat, et l'actuel ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire le sait bien puisqu'il en a été, avec d'autres, à l'origine. Ces pouvoirs sont grands, ils doivent être utilisés pour aider le Gouvernement à maîtriser la dépense publique et à rechercher des économies.
    Enfin et dans le même sens, je souhaite que notre collaboration avec la Cour des comptes soit approfondie.
    M. Jean-Pierre Brard. Très bien !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. A ma demande, le bureau de la commission recevra son Premier président pour faire un tour d'horizon des domaines dans lesquels un travail commun sera possible.
    Les chantiers sont donc nombreux et importants. Il nous incombe de ne pas décevoir. Les élections ont mis en évidence une profonde attente des citoyens. C'est aux résultats que nous seront jugés.
    M. Jean-Claude Lefort. Ça, c'est sûr !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Je puis vous assurer, messieurs les ministres, que les membres de la majorité sont décidés à vous aider. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

Exception d'irrecevabilité

    M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à M. Didier Migaud, pour une durée qui ne peut excéder une heure trente.
    M. Didier Migaud. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué au budget, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collèges, nous avons écouté avec attention le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
    M. Richard Cazenave. Ce n'est pas vrai. Vos amis parlaient pendant son intervention. (Sourires.)
    M. François Goulard. Voilà le premier mensonge ! Nous attendons le deuxième !
    M. Didier Migaud. Je veux, monsieur le ministre délégué au budget, vous exprimer notre opposition à vos propositions et à votre présentation des choses, et cela pour quatre raisons au moins.
    D'abord, le texte que le Gouvernement nous propose d'examiner est le dernier acte d'une mise en scène soigneusement préparée.
    Ensuite, le collectif budgétaire nous présente un budget en trompe-l'oeil, truffé d'artifices et de tours de passe-passe. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. François Goulard. Vous vous y connaissez en artifices !
    M. François Grosdidier. Vous parlez en orfèvre ! Vous nous prêtez vos propres turpitudes !
    M. Didier Migaud. Ce collectif est en décalage par rapport, monsieur le ministre, à la réputation qui est plutôt la vôtre jusqu'à maintenant.
    Nous estimons en troisième lieu que la disposition fiscale que vous proposez, à savoir une réduction supplémentaire de l'impôt sur le revenu,...
    M. François Goulard. Cela vous choque, on le sait !
    M. Didier Migaud. ... est injuste, clientéliste et économiquement inefficace.
    Enfin, nous estimons que vous commettez un certain nombre d'entorses d'ordre constitutionnel.
    Je reviendrai sur chacun de ces points en vous posant un certain nombre de questions.
    Le projet de collectif budgétaire qui nous est soumis est donc, disais-je, le dernier acte d'une mise en scène soigneusement préparée. Même si le scénario n'est pas original, le nouveau gouvernement nous refait le coup de l'héritage (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
    M. Richard Cazenave. Il est lourd !
    M. François Grosdidier. C'est le droit d'inventaire !
    M. Didier Migaud. ... afin d'essayer, tout en pariant sur la crédulité et la naïveté des Français, de démontrer combien sa tâche est difficile...
    M. François Grosdidier. En effet !
    M. Didier Migaud. ... et de commencer à jeter aux oubliettes la plupart des promesses de campagne, à l'exception bien sûr de celle qui concerne l'impôt sur le revenu.
    M. François Goulard. C'est tout le contraire !
    M. Georges Tron. C'est la principale !
    M. François Grosdidier. N'oubliez pas celles concernant la sécurité !
    M. Georges Tron. Et la justice !
    M. Didier Migaud. Vous faites le choix de noircir délibérément le trait dans le but de charger le gouvernement précédent et de mieux valoriser, c'est humain, l'action future de l'actuel gouvernement.
    M. François Goulard. Vous avez de la chance, car on pourrait vous renvoyer au pénal !
    M. Didier Migaud. Il ne serait peut-être pas mal que vous y alliez vous-même...
    M. le président. Messieurs, je vous en prie.
    M. Didier Migaud. Ce qui vient d'être dit est particulièrement déplacé.
    M. Jean-Pierre Brard. Notre collègue a sans doute fait allusion à Messier ! (Sourires.)

    M. Didier Migaud. En osant menacer des parlementaires et d'anciens membres de gouvernement de poursuites pénales pour insincérité,...
    M. François Goulard. C'était une boutade.
    M. Didier Migaud. ... vous prenez un gros risque...
    M. François Grosdidier. Si vous étiez chef d'entreprise, vous seriez au pénal !
    M. Didier Migaud. ... car nous aurons beaucoup de choses à dire sur la sincérité du projet de collectif...
    M. Georges Tron. Commencez par rappeler ce qui s'est passé chez vous !
    M. François Goulard. Le collectif est irréprochable !
    M. François Grosdidier. Nous devons payer vos factures !
    M. Didier Migaud. Nous prenons d'ores et déjà rendez-vous...
    M. Georges Tron. C'est ça ! Prenez un rendez-vous pour un audit !
    M. Didier Migaud. ... pour examiner l'exécution de la loi de finances pour 2002 dans sa globalité et pour les années à venir.
    Un peu de modestie serait particulièrement utile (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste), ce que les prochains mois devraient pouvoir démontrer.
    M. Georges Tron. Et les derniers mois, ils vous inspirent quoi ?
    M. Didier Migaud. L'audit a été opportunément publié neuf jours seulement après les élections législatives. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. François Grosdidier. Si on l'avait publié avant, que n'aurait-on entendu !
    M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues.
    M. Didier Migaud. Monsieur le président, je serai peut-être obligé d'utiliser l'heure et demie qui m'est impartie si je veux répondre à chaque interruption...
    M. le président. Compte tenu des arrêts de jeu, cela risque de durer encore plus longtemps ! (Sourires.)
    M. Didier Migaud. Je suis tout à fait partisan de ce débat...
    M. Jean-Pierre Brard. Qui est très intéressant !
    M. Didier Migaud. Nous ne l'avons pas eu pendant la période électorale puisque vous avez délibérément fait le choix de publier l'audit après les élections législatives,...
    M. Georges Tron. Il était difficile de le publier avant !
    M. Didier Migaud. ... ce qui nous a effectivement empêchés d'en débattre devant l'opinion publique.
    L'audit a été réalisé par deux personnalités difficilement soupçonnables de parti pris...
    M. François Grosdidier. Ah ! Tout de même !
    M. Didier Migaud. ... puisque vous avez repris le choix du gouvernement Jospin. Il vient confirmer ce que chacun sait - mais nous avons notre propre lecture -, à savoir que la situation des finances publiques ne permet pas, si l'on est réaliste et si l'on veut tenir les engagements de la France, d'ajouter de nouvelles baisses d'impôts à celles, déjà importantes, votées sous le gouvernement de Lionel Jospin. Ainsi, à travers votre projet de collectif, vous trahissez d'une certaine façon l'audit que vous avez commandé.
    La situation des finances publiques n'est une surprise pour personne, et notamment pas pour vous, monsieur le ministre, puisque, en tant que président de la commission des finances du Sénat, vous receviez communication de la situation budgétaire hebdomadaire des comptes de l'Etat, laquelle faisait apparaître un creusement du déficit lié à la volonté affirmée et assumée publiquement du Gouvernement de laisser jouer les stabilisateurs automatiques.
    M. Georges Tron. Jamais !
    M. François Goulard. C'est un peu facile !
    M. Didier Migaud. Ce n'est pas non plus une surprise pour Jacques Chirac, le Président de la République, à qui était également communiquée la situation budgétaire hebdomadaire, ce qui n'a pourtant pas empêché celui-ci de multiplier pendant la campagne électorale des promesses « mirobolantes », terme utilisé par notre collègue François Bayrou alors lui-même candidat à l'élection présidentielle. Nous partagions la même appréciation sur les promesses du candidat Chirac.
    Malgré leurs réserves, les auditeurs, qui rappellent que l'information disponible pour l'année en cours à cette période de l'année est clairement insuffisante pour donner une estimation fiable du solde à mi-année et donc a fortiori en fin d'année, se livrent à l'exercice demandé, qui n'est pas, rappelons-le, un exercice de clôture des comptes, mais un exercice de prévision, comme ils le reconnaissent eux-mêmes. La nuance est importante car les auditeurs ne sont pas en mesure de dresser le « bilan Jospin ». Ils le sont d'autant moins que les prévisions de déficit qu'ils élaborent intègrent des décisions prises par le nouveau gouvernement de M. Raffarin. Ces décisions pèsent de façon négative sur le solde du budget de l'Etat, voire sur celui des comptes publics.
    La prudence a conduit les auditeurs à retenir une fourchette, ce que vous ne faites pas. Ils formulent enfin un certain nombre de recommandations qu'il est intéressant d'examiner de près car vous n'en tenez pas compte.
    L'audit relève, par exemple, une explosion des dépenses sociales. M. Mattei ouvre immédiatement les vannes à hauteur de 1,5 milliard d'euros en autorisant le relèvement de la consultation des généralistes à 20 euros sans intégrer cette décision dans un cadre global.
    M. François Goulard. Vous oubliez la grève des médecins, qui avait duré pendant des mois !
    M. Didier Migaud. Le déficit de l'Etat se dégrade sous l'effet des stabilisateurs automatiques. Vous le creusez encore plus, selon nous, sans justification, pour réaliser vos 2,55 milliards d'euros de baisses d'impôts.
    En fait, l'héritage vous sert de prétexte pour expliquer que certaines des promesses faites ne pourront pas être tenues aussi vite que souhaité. Je pense notamment à tout ce que l'on a pu entendre sur la TVA pendant la campagne électorale : on annonçait qu'il serait possible de décider des réductions ciblées de la TVA, comme pour la restauration...
    M. Richard Cazenave. On va le faire !
    M. Didier Migaud. ... ou les disques.
    Mais juste après la campagne électorale vous expliquiez que ce serait peut-être un petit peu plus difficile que vous ne l'aviez affirmé auparavant et qu'il faudrait négocier, ce que nous avions d'ailleurs toujours dit pour notre part, avec nos partenaires européens.
    M. François Goulard. Rappelez-vous les déclarations de M. Strauss-Kahn !
    M. Didier Migaud. Vous souteniez qu'en toute hypothèse ce type de mesure ne pourrait être pris avant 2004, puisqu'on sait parfaitement...
    M. François Grosdidier. Il ne sert à rien de refaire la campagne électorale !
    M. Didier Migaud. ... Certes, mais permettez-nous de mettre le doigt sut un certain nombre de vos mensonges pendant la campagne électorale. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Georges Tron. Et si l'on parlait de vos propres manquements ?
    M. Didier Migaud. D'autres mesures telles que celle concernant la taxe d'habitation ne sont même plus évoquées par le Premier ministre dans son discours de politique générale. On a quelques difficultés à suivre, tant les propos peuvent apparaître quelque peu nuancés entre ceux du Président de la République, du Premier ministre, du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre délégué au budget.
    L'avenir nous dira ce que sera fait en matière d'impôt sur le revenu, mais avouez qu'il est quelque peu difficile de savoir exactement quelles sont vos propositions.
    M. Gérard Bapt. Elles sont brumeuses !
    M. Georges Tron. Et si l'on dressait la liste de ce que vous avez fait !
    M. Didier Migaud. Vous souhaitez faire passer un message et un seul : si M. Raffarin ne peut pas tenir les promesses de M. Chirac, la faute en incombe bien sûr aux socialistes ou à la gauche, à la gabegie dont ils se seraient rendus coupables (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française)...
    M. François Goulard. Enfin un instant de lucidité !
    M. Didier Migaud. ... ainsi qu'à nos partenaires de l'Union européenne, qui mettent un frein à tout.
    Si vous avez vraiment compris ce que je viens de dire, je vous remercie de vos applaudissements.
    A Bruxelles, si l'on a compris que la route est droite - le Premier ministre n'a-t-il pas déclaré que « si la route est droite, la pente est forte » - on s'interroge, comme nous pouvons le faire sur votre stratégie budgétaire. On se demande même si vous en avez une. La nôtre était claire. Elle reposait sur un trépied. Nous voulions d'abord maîtriser la progression de la dépense publique afin de financer nos priorités. A cet égard, je prends date aussi...
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Nous verrons !
    M. Didier Migaud. Oui, monsieur le président de la commission des finances, nous verrons si vous êtes aussi capables que le gouvernement précédent...
    M. Georges Tron. Oh !
    M. Didier Migaud. ... de financer vos priorités. Mais nous savons que celles-ci sont différentes.
    M. Hervé Novelli. Vous ne manquez pas de culot !
    M. Didier Migaud. Les priorités d'aujourd'hui ne sont pas du tout celles d'hier.
    Nous voulions dans le même temps maîtriser la dépense publique...
    M. Georges Tron. Vous n'avez rien maîtrisé du tout, monsieur Migaud ! C'est cela, le problème !
    M. Didier Migaud. ... tout en réduisant le déficit budgétaire et en baissant les impôts, comme nous l'avons fait les deux dernières années.
    M. Charles de Courson. Vous avez baissé les impôts ?
    M. Didier Migaud. Vous n'avez toujours pas indiqué quelle était vraiment votre stratégie et votre action, qui s'apparentent pour le moment davantage à l'art de la godille d'un skieur dévalant une pente qui est, pour le moment, celle du déficit et du laisser-aller.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est un député alpin qui parle ! (Sourires.)
    M. Didier Migaud. Exactement, mon cher collègue.
    M. Philippe Auberger. C'est du hors-piste !
    M. Didier Migaud. Le dernier acte de cette mise en scène révèle donc un budget en trompe-l'oeil : un collectif budgétaire qui charge la barque et prévoit de distribuer l'argent de façon ciblée, clientéliste, en creusant encore le déficit de l'Etat.
    Votre projet, monsieur le ministre, est un véritable best of des manoeuvres budgétaires. (Sourires.)
    M. Jean-Claude Lefort. En français !
    M. Didier Migaud. C'est une succession de tours de passe-passe ou d'artifices grossiers.
    Ces procédés ont tous pour objet de dégrader l'exécution du budget de l'Etat pour 2002, en très grande partie de façon artificielle, essentiellement au profit des comptes sociaux. Il s'agit d'un travail d'artiste, et je vous rends hommage sur ce point, monsieur le ministre.
    M. Georges Tron. C'est un expert qui parle !
    M. Didier Migaud. Vous pouvez donc afficher une forte dégradation du budget de l'Etat...
    M. Hervé Novelli. C'est une réalité !
    M. Didier Migaud. ... sans - j'y reviendrai - que l'on constate pour autant le même phénomène sur la situation d'ensemble des comptes publics puisque vous opérez seulement par transferts, pour ne pas inquiéter Bruxelles. Si la présentation gagne en habileté, elle perd beaucoup, monsieur le ministre, en crédibilité et en sincérité.
    M. Jean-Pierre Brard. En effet !
    M. Didier Migaud. Vous tentez ainsi de noircir la situation sur le plan budgétaire...
    M. Georges Tron. Ce n'est même pas nécessaire !
    M. Didier Migaud. ... sans aller toutefois jusqu'à vous mettre en situation de recevoir un carton rouge de la part de Bruxelles puisque, je le répète, l'effet de la plupart de vos manoeuvres est neutre, ou presque, sur le déficit de l'ensemble des comptes publics. La meilleure illustration en est la décision de M. Raffarin de repousser à 2003 le versement de 1,2 milliard d'euros dus par l'UNEDIC à l'Etat. C'est une première preuve flagrante de la manière dont le Gouvernement s'y prend pour charger la barque sur l'exercice budgétaire 2002 dans le dessein de noircir le bilan Jospin mais sans affecter les comptes publics, puisque les comptes sociaux s'améliorent à due concurrence de la dégradation du budget de l'Etat.
    M. Philippe Auberger. Vous avez mis l'UNEDIC en déficit ! Regardez la réalité en face et faites preuve d'un peu de pudeur !
    M. Didier Migaud. S'agissant des ouvertures de crédits nets - près de 5 milliards d'euros -, il faut souligner l'incohérence d'un texte qui prévoit d'éteindre pour 1,8 milliard de dettes de l'Etat envers les organismes de sécurité sociale tout en repoussant une fois de plus l'encaissement de 1,2 milliard de dettes de l'UNEDIC à l'égard de l'Etat.
    A propos, d'ailleurs, des prétendues dettes sociales, votre présentation est loin d'être sérieuse. L'Etat, vous le savez parfaitement, monsieur le ministre, est, depuis le passage de la comptabilité sociale en droits constatés, débiteur d'un mois puisque le traitement des versements de janvier au titre de décembre n'est pas le même dans la comptabilité de l'Etat et dans celle de la sécurité sociale. Globalement c'est à mettre au crédit de la majorité précédente -, du reste - nous avons apuré de 1997 à 2001 une partie des 15 milliards de francs de dettes, elles bien réelles, que vous aviez laissées en 1997 - autre héritage. Il y a quelque paradoxe à opérer par anticipation des versements à la sécurité sociale et, dans le même temps, à inscrire une créance sur l'UNEDIC alors que vous estimez que la situation de l'Etat n'est pas si florissante.
    Ces décisions ne deviennent cohérentes que par rapport à l'objectif qui les sous-tend : dégrader artificiellement le solde du budget de l'Etat qui, sans elles, se serait amélioré de plus de 3 milliards d'euros. Mais vous avez choisi délibérément de charger la barque en interne mais pas pour l'Union européenne puisque le solde des finances publiques surveillé à Bruxelles reste inchangé !
    On trouve dans ce texte de nombreuses opérations ayant le même objectif : dégrader le budget de l'Etat sans pour autant dégrader notre solde du point de vue de nos engagements européens.
        Tel est le cas par exemple des 640 millions d'euros de moins-values que vous inscrivez au titre des dividendes de France Télécom, opération neutre pour le solde des comptes publics dans la mesure où le versement est intervenu sous forme d'actions.
        J'ajouterai le caractère totalement arbitraire de la révision à la baisse à hauteur de 3,26 milliards d'euros des recettes non fiscales, qui sont par définition des recettes soumises à une décision souveraine de l'exécutif. Rien ne justifie donc qu'on les diminue, si ce n'est l'intention affirmée, sinon affichée, de creuser un écart entre l'exécution de 2002 et celle de 2003.
        A ce propos, et c'est une question, je souhaiterais que le Gouvernement nous dise pourquoi il n'a pas chiffré, et inscrit en recettes, le produit de la cession du réseau de transport de gaz, prévue à l'article 10 de ce collectif ? L'enjeu, selon la valeur comptable des actifs concernés, est tout de même de l'ordre de 2 milliards d'euros, ce qui est loin d'être négligeable pour le solde budgétaire ! La loi prévoyait que l'évaluation du produit de cette cession serait réalisée au plus tard fin mai 2002. Nous souhaitons la connaître ainsi que l'impact sur le déficit de l'Etat.
    Pour être exhaustif, il faut rappeler que le Gouvernement retient systématiquement les hypothèses pessimistes pour l'exécution 2002, tout en préférant se fier aux prévisions les plus optimistes pour son budget 2003. Vous avez ainsi retenu, monsieur le ministre, la fourchette la plus basse fournie par l'audit alors qu'il aurait été plus logique de se caler sur le milieu de la fourchette.
        En outre, vous ne tenez pas compte, pas plus que l'audit d'ailleurs, des mesures de fin de gestion qui, chaque année, permettent d'améliorer le solde de l'exécution du budget de l'Etat. La somme en jeu est de l'ordre de 3 milliards d'euros. Excusez du peu ! J'avais moi-même chiffré à 2,71 milliards d'euros le montant total des économies et redéploiements de crédits de paiement pour 2002 dans le dernier rapport général. Vous faites le choix d'ignorer complètement cette possibilité, mais peut-être pas de vous en priver en fin d'exercice...
    Sur le plan des dépenses, on aurait attendu autre chose d'un Gouvernement qui proclame souvent, pour justifier l'abandon d'une promesse fiscale, que toute baisse d'impôt doit être gagée sur une réduction de dépenses. En effet, la baisse de l'impôt sur le revenu creuse le déficit de 2,55 milliards d'euros supplémentaires.
    Surtout, les seules dépenses annulées sont les 2,2 milliards d'euros inscrits à titre évaluatif sur le budget des charges communes, et plus particulièrement sur le chapitre budgétaire destiné à rembourser, d'une part, aux collectivités locales les dégrèvements et remboursements accordés sur les impôts locaux, d'autre part, les remboursements de TVA. Le courage de ces annulations n'aura échappé à personne ! Il faut souhaiter pour nos élus locaux que d'autres sources d'économies soient trouvées par le Gouvernement.
    Cette décision augure en tout cas bien mal de la nature des relations financières entre le Gouvernement et les collectivités locales. Je suis certain qu'elle ne laissera pas de marbre notre rapporteur général, M. Carrez, même si, pour le moment, il ne l'a pas montré. Mais elle peut peut-être expliquer le rejet tout à l'heure par la commission des finances d'un amendement très juste que nous aurons l'occasion de défendre et qui concerne le fonds de compensation de TVA. Je constate que la commission des finances chausse immédiatement les souliers de Bercy...
    M. Philippe Auberger. Nous voilà transformés en Cendrillon !
    M. Didier Migaud. ... et remet en cause sa propre jurisprudence favorable aux collectivités locales, pourtant neutre pour la situation de nos finances publiques.
    J'ajoute que ces annulations, monsieur le ministre, contredisent de front l'argument du Gouvernement selon lequel nous aurions sous-estimé les dépenses, puisque vous annulez des crédits en vous prévalant de leur surestimation. Si cela était vrai, vous auriez dû faire l'inverse. C'est bien la preuve qu'ils ont été plutôt surestimés et que votre argumentation est toujours sélective et partisane.
    M. Philippe Auberger. C'est l'exception qui confirme la règle.
    M. Didier Migaud. De même, l'inscription de 900 millions d'euros supplémentaires pour le budget de la défense - je m'en excuse auprès du rapporteur pour avis de la commission concernée - peut susciter la perplexité lorsqu'on sait que, chaque fin d'exercice, on constate systématiquement sur ce budget des dépenses non réalisées.
    M. Philippe Auberger. On n'est jamais mieux défendu que par ses amis ! (Sourires.)
    M. Didier Migaud. Ainsi, la Cour des comptes a relevé que fin 2001, pas moins de 1,9 milliard d'euros restaient disponibles sur ce budget dont la moitié a été reportée sur 2002.
    Ajouter encore 900 millions d'euros, ce n'est plus de barque qu'il faut parler mais de porte-avions !
    M. Jean-Pierre Brard. C'est sûrement pour acheter une hélice ! (Sourires.)
    M. Didier Migaud. Vos décisions sont tout à fait incohérentes, monsieur le ministre, par rapport au discours qui a été le vôtre lorsque vous étiez président de la commission des finances du Sénat. Et il est permis de s'interroger sur votre capacité à maîtriser nos comptes publics quand on voit votre façon d'agir.
    M. Georges Tron. Comme nous nous interrogeons sur la vôtre !
    M. Didier Migaud. Elle nous paraît dangereuse non seulement parce que les engagements pris au niveau européen ne pourront être tenus, vous le savez, mais aussi - et c'est plus grave encore - parce qu'elle aura pour conséquence une augmentation des impôts et des charges pour un grand nombre de nos concitoyens.
    M. Charles de Courson. Vous êtes passés maître en la matière.
    M. Didier Migaud. A chaque fois, vous nous faites le coup. Vous dites que la situation s'est dégradée,...
    M. Georges Tron. C'est l'audit qui le dit, pas nous !
    M. Didier Migaud. ... avant de solliciter, toujours, la plus grande partie de nos concitoyens et, en priorité, les classes moyennes et les plus faibles.
    Il faut en outre souligner qu'entre les montants relevés par l'audit et ceux figurant finalement dans ce collectif budgétaire, on trouve des écarts parfois importants au détriment du solde du budget de l'Etat. Ainsi, aux dires de l'audit, les sommes manquantes sur le RMI et l'allocation aux adultes handicapés sont de 740 millions d'euros. Le collectif ouvre 850 millions, soit 110 de plus.
    M. Gérard Bapt. Eh oui ! Pourquoi ?
    M. Didier Migaud. Pourquoi, en effet, se priver ? On constate le même phénomène sur les loyers de la gendarmerie, par exemple.
    Toutes ces décisions qui, additionnées, pèsent tout de même de l'ordre de 150 millions d'euros, donnent l'impression que vos services, ou vous-même, souhaitez faire un excès de zèle. Il est vrai que si tous ces crédits ne sont pas engagés, comme cela est vraisemblable, ils pourront être reportés sur l'exercice 2003, ce qui vous donnera plus de latitude pour construire le prochain budget. En effet, ce transfert de charges, par la nature et le montant des crédits ouverts, donnera mécaniquement du mou au Gouvernement - et là, je reconnais votre habileté, monsieur le ministre, même si c'est contraire à vos principes - pour la prochaine loi de finances puisque de nombreux crédits ouverts sont superflus ou ne représentent pas de dépenses pérennes.
    En calculant la progression des dépenses, fixée à 0,2 % pour le projet de loi de finances pour 2003, sur la base non pas des dépenses prévues dans la loi de finances initiale mais des dépenses réalisées en exécution, le Gouvernement gonfle de façon artificielle ses marges de manoeuvre pour 2003. En effet, le pourcentage est calculé sur une enveloppe de dépenses qui comprend, notamment, le volume de dépenses ajouté dans le présent collectif budgétaire, dans les conditions et selon les modalités que je viens de décrire. Il n'est pas sage que la progression des dépenses ne soit pas déterminée pour une loi de finances initiale par rapport à la précédente. En réalité, ce n'est pas 0,2 % mais 1,2 % de progression des dépenses que vous nous préparez pour 2003 !
    Faut-il vous rappeler que le programme triennal des finances publiques, qui normalement s'impose,...
    M. Georges Tron. Vous ne l'avez jamais respecté !
    M. Didier Migaud. ... prévoit pour la période 2003-2005 une progression de seulement 0,9 % ? Vous vous apprêtez donc à dépenser en une année plus que ce à quoi la France s'est engagée auprès de ses partenaires européens pour trois ans !
    M. Georges Tron. C'est inouï !
    M. Charles de Courson. Incroyable !
    M. Didier Migaud. Je ne conteste pas obligatoirement le fond, mais votre façon de faire est en totale contradiction avec vos propos. Je vous souhaite, monsieur le ministre, et je sais que vous n'en êtes pas dépourvu, beaucoup de talent pour convaincre nos partenaires européens que notre pays respecte ses engagements en matière de finances publiques.
    M. Georges Tron. Vous ne les avez jamais respectés.
    M. Didier Migaud. Le budget que vous préparez pour 2003, dont on se demande d'ailleurs à quoi il ressemblera - il pourrait être positif d'ailleurs pour un certain nombre de politiques publiques, mais nous avons quelques doutes - est sûrement le plus dépensier depuis 1996. Il est comme gonflé à l'hélium...
    M. Jean-Pierre Brard. Il prend de l'altitude sans prendre de hauteur !
    M. Didier Migaud. ... non seulement pour les raisons que j'ai évoquées mais aussi parce que le collectif prend en compte des dépenses exceptionnelles telles que le remboursement de dettes.
    Calculer, monsieur le ministre, la norme d'évolution de la dépense publique - et je m'étonne que le président de la commission des finances comme le rapporteur général ne l'aient pas relevé dans leurs déclarations et leurs interviews -, sur une base qui s'intègre des dépenses non reconductibles, non pérennes, est une hérésie budgétaire. Une telle opacité, un tel laxisme - oserai-je dire laisser-aller ? - ne vous ressemblent pourtant pas, messieurs les ministres Mer et Lambert.
    M. Jean-Louis Idiart. M. Mer est déjà parti !
    M. Jean-Pierre Brard. Il a pris le large !
    M. Didier Migaud. J'imagine à quels actes de contrition vous avez dû vous livrer avant de présenter un tel texte ! La situation nous rappelle étrangement 1993 et 1995, où vous aviez procédé de la même manière,...
    M. Georges Tron. Forcément, la situation était la même !
    M. Didier Migaud. ... lâchant la bride à la dépense publique sans jamais réussir par la suite à contenir sa progression mais en remettant en cause un certain nombre de politiques publiques. Il faut avouer que le résultat a été très mauvais pour le pays et pour les services publics.
    Il y a un double avantage pour le Gouvernement à dégrader, au-delà de l'impact du ralentissement économique, l'exécution du budget 2002.
    Tout d'abord, bien sûr, il tente de discréditer l'action de son prédécesseur.
    M. Hervé Novelli. Vous n'aviez pas besoin de cela !
    M. Philippe Auberger. Ce n'était pas vraiment nécessaire, les électeurs ont apprécié !
    M. Didier Migaud. Nous aurons d'autres rendez-vous, ne vous inquiétez pas.
    C'est peut-être de bonne guerre mais assurément de bien mauvaise foi.
    M. Marc Laffineur. Vous l'avez assez fait !
    M. Didier Migaud. Ensuite, cette stratégie permet au Gouvernement de se redonner des marges pour l'exercice 2003, voire pour le collectif budgétaire d'automne. Il pourra ainsi très bientôt se féliciter d'une diminution du déficit de l'Etat, qui ne sera en fait qu'optique.
    M. Georges Tron. Votre augmentation, à vous, était réelle !
    M. Didier Migaud. Elle ne reposera sur aucun effort particulier de réduction mais simplement sur l'écart artificiellement créé entre l'exercice 2003 et l'exercice 2002. Vous voulez ainsi donner le change à nos partenaires européens et à la Commission européenne, qui commencent à donner des signes d'impatience.
    M. Hervé Novelli. A cause de vous !
    M. Didier Migaud. L'écart est donc, selon nous, très sensible entre la dégradation affichée du budget de l'Etat et l'évolution réelle de l'ensemble de nos comptes publics.
    Nous pouvons estimer le gonflement artificiel du déficit à environ 9 milliards d'euros - excusez du peu, monsieur le ministre - : ...
    M. Hervé Novelli et M. Georges Tron. N'importe quoi !
    M. Didier Migaud. ... 1,81 milliard d'euros pour les dettes sociales ; 3,2 milliards d'euros pour les recettes non fiscales - UNEDIC et réseau de transport du gaz ; 0,7 milliard d'euros pour la charge de la dette - en effet, les ouvertures de crédits de 700 millions d'euros à ce titre ne se justifient que par la volonté du Gouvernement de charger la barque puisque, en creusant délibérément le déficit, il majore mécaniquement le service de la dette - ; 0,8 milliard d'euros pour la défense et 2,5 milliards d'euros pour la baisse de l'impôt sur le revenu. Et ce chiffrage ne tient pas compte des 3 milliards d'euros environ pouvant être économisés en fin d'exercice.
    Si nous n'aviez pas procédé à toutes ces manoeuvres, monsieur le ministre, le déficit en fin d'année serait plus près de 37 milliards d'euros que des 46 milliards que vous affichez.
    M. Georges Tron. Et le dérapage à 7 milliards d'euros ?
    M. Didier Migaud. Intéressons-nous, maintenant, à la disposition fiscale que vous proposez. Je pense que vous nous envoyez dans le mur compte tenu de la situation de nos finances publiques.
    Mais peut-être que cela donnera-t-il à nouveau l'idée au Président de la République de dissoudre l'Assemblée nationale..., (Rires sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Philippe Auberger. Quel humour !
    M. Didier Migaud. ... nous permettant alors de revenir pour, à nouveau, préserver l'intérêt d'une grande majorité de nos concitoyens et respecter nos engagements au niveau européen.
    M. Jean-Pierre Brard. Il y a un précédent, messieurs de la majorité ! Vous n'êtes sûrs de rien !
    M. Didier Migaud. Eh oui, et l'histoire peut parfois se répéter !
    M. le président. Monsieur Brard, personne n'est jamais sûr de rien.
    M. Jean-Pierre Brard. Même vous, monsieur le président !
    M. Philippe Auberger. Ce n'est pas l'histoire qui bafouille, c'est M. Brard !
    M. Didier Migaud. Ce collectif budgétaire comprend une disposition fiscale qui reprend une promesse du candidat Chirac et que vous avez - je crois que c'est M. Mer - qualifiée de « rabais sur facture ».
    M. Jean-Pierre Brard. On ne se refait pas ! (Sourires.)
    M. Philippe Auberger. C'est un rabais sur facture socialiste !
    M. Didier Migaud. Il vient en quelque sorte récompenser l'électeur ou, tout au moins, une partie de l'électorat, comme il est d'usage de le faire entre une entreprise et un client dans une transaction commerciale.
    Outre que cette mesure pose quelques problèmes d'ordre constitutionnel, il faut observer en premier lieu qu'elle est en fait de peu d'ampleur comparée à celles déjà votées pour 2002 à l'initiative du précédent gouvernement. Les 2,55 milliards d'euros de MM. Raffarin, Mer et Lambert sont à mettre en regard des 6 milliards d'euros de baisses votés à l'initiative du gouvernement Jospin pour 2002 et des 14 milliards d'euros de baisses compris sur 2001 et 2002. Mais elle vous permettra d'apparaître à l'origine de la baisse de l'impôt sur le revenu au moment de payer le dernier tiers alors que la part la plus importante aura été votée à l'initiative de l'ancienne majorité. Il sera en effet difficile de faire la différence entre ce rabais de 5 % et la baisse votée dans la loi de finances initiale pour 2002.
    M. Marc Laffineur. Vous êtes pour ou vous êtes contre ?
    M. Didier Migaud. Nous sommes contre votre mesure d'aujourd'hui tout simplement à cause des mesures prises hier. Qui plus est, nous pensons, et j'aurai l'occasion de le redire, qu'elle est déraisonnable compte tenu de la situation économique.
    M. Philippe Auberger. Vous êtes pour la facture socialiste !
    M. Didier Migaud. Mais sa moindre ampleur ne doit pas occulter un des traits majeurs de cette baisse qui la distingue de celle que nous avons votée. Lorsque nous avons baissé les impôts,...
    M. Charles de Courson. Vous ne les avez pas baissés !
    M. Didier Migaud. ... nous l'avons fait pour tous et de façon différenciée...
    M. Marc Laffineur. Comme la vignette entre la Twingo et la Ferrari, sans doute !
    M. Jean-Pierre Brard. Nous, on n'a pas de Ferrari !
    M. Didier Migaud. ... sans oublier, surtout, ceux qui ne paient pas l'impôt sur le revenu. Augustin Bonrepaux a eu raison tout à l'heure de le rappeler : les Français contribuables ne se réduisent pas à ceux qui paient l'impôt sur le revenu. C'est pourquoi notamment nous avions proposé la prime pour l'emploi, qui a justement permis de prendre en considération les Français qui ne paient pas d'impôt sur le revenu, si bien que l'ensemble de nos concitoyens ont pu bénéficier des baisses d'impôts.
    Vous faites vous-mêmes le contraire en concentant à l'extrême la baisse sur les 10 % de Français les plus aisés qui vont capter 70 % de la baisse, soit 1,8 milliard d'euros. Ainsi, 1 % des foyers les plus aisés capteront 30 % de la baisse alors que 50 % des foyers ne percevront rien !
    M. Jean-Claude Lefort. La pilule est amère !
    M. Didier Migaud. Compte tenu de l'ampleur de ces écarts, on comprend, monsieur le ministre, que le dossier de presse ne donne aucune échelle d'impact. Il ne fournit en effet qu'une seule simulation, celle d'un couple marié avec deux enfants et 40 000 euros de salaires déclarés, pour lequel le gain lié à ce rabais est de 92 euros.
    On ne dispose pas d'éléments de comparaison permettant d'apprécier la portée relative de ce rabais dans la structure des revenus. Il est pourtant très intéressant de connaître le gain, pour un foyer identique déclarant 20 000 euros de revenu imposable - seul un quart des foyers environ gagne plus - et un autre déclarant 100 000 euros. Selon nos calculs, le foyer déclarant 20 000 euros gagnera 24 euros, et celui déclarant 100 000 euros gagnera 1 428 euros. Ainsi, un foyer gagnant cinq fois plus bénéficiera d'une baisse de l'impôt sur le revenu soixante fois plus élevée ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Pierre Brard. C'est « équitable » !
    M. Jean-Claude Lefort. C'est de la « justice fiscale » !
    M. Didier Migaud. Voilà votre conception de la justice fiscale, monsieur le ministre, et je ne crois pas que vous puissiez contester ces ordres de grandeur. Je le répète, un foyer gagnant cinq fois plus bénéficiera d'une baisse de l'impôt sur le revenu soixante fois plus élevée.
    M. Michel Bouvard. Mais ce foyer paie combien de fois plus ?
    M. Richard Mallie. Mille fois plus !
    M. Didier Migaud. Pour justifier ce privilège, vous tentez de faire croire aux Français modestes qu'ils ne paient pas d'impôt. C'est ce que nous a expliqué M. le ministre Mer : puisqu'ils ne paient pas d'impôt, on ne peut rien pour eux. Vous savez pourtant que tous les Français, même les plus modestes, sont des contribuables. Chacun d'entre eux paie la TVA, la CSG, la taxe d'habitation,...
    M. Philippe Auberger. Non ! tout le monde ne paie pas la taxe d'habitation !
    M. Didier Migaud. ... la redevance audiovisuelle. Si vous aviez voulu, vous auriez donc pu baisser d'autres impôts ou prendre d'autres mesures pour ces contribuables qui représentent ce que vous appelez « la France d'en bas ». Mais vous avez préféré privilégier, dans vos choix, ceux de la France d'en haut : ce 1 % des foyers les plus aisés qui, je le répète, bénéficieront de 30 % de la mesure que vous proposez.
    M. Georges Tron. Et la suppression de la vignette, à qui a-t-elle bénéficié ? Aux propriétaires de Ferrari !
    M. Didier Migaud. Telle qu'elle est conçue, votre mesure diminue la redistributivité de l'impôt, quand nous l'avions renforcée, notamment avec la prime pour l'emploi.
    M. Philippe Auberger. Vous avez tenté d'acheter des votes, mais cela n'a pas marché !
    M. Didier Migaud. Cette baisse est non seulement déraisonnable, dans le contexte économique actuel, mais aussi et surtout profondément injuste. D'ailleurs, M. Méhaignerie le reconnaît implicitement, dans l'interview qu'il a donnée au journal Les Echos. Elle est d'autant plus considérée comme injuste par nos concitoyens que, parallèlement, leurs cotisations sociales vont augmenter - certes, cela relève de l'UNEDIC - tout comme le prix de l'essence du fait de votre décision de relever la fiscalité pétrolière.
    M. Philippe Auberger. Comme le dollar a baissé par rapport à l'euro, cela va compenser !
    M. Gérard Bapt. Quelle chance vous avez, monsieur Auberger ! Pourvu que cela dure...
    M. Didier Migaud. Car prétendre que la loi prévoyait le démantèlement du dispositif de la TIPP flottante est un mensonge supplémentaire, monsieur le ministre. Vous aviez tout à fait la possibilité de maintenir ce dispositif. Nous regrettons donc votre décision, qui va alourdir la facture pour nombre d'automobilistes, qui partent en vacances. Mais il est évidemment bien plus facile d'augmenter la charge pour beaucoup de contribuables que de baisser l'impôt sur le revenu pour peu d'entre eux.
    Votre mesure visant à baisser l'impôt sur le revenu est, en outre, tout à fait inefficace sur le plan économique...
    M. François Grosdidier. L'avenir le dira !
    M. Didier Migaud. ... car ceux qui vont bénéficier de cette baisse ont déjà les moyens financiers de satisfaire leurs besoins de consommation.
    M. Charles de Courson. 50 % des Français ?
    M. Didier Migaud. Pour eux, cette baisse est un effet d'aubaine qui leur permettra de gonfler leur bas de laine, alors même que le taux d'épargne est, en France, singulièrement plus élevé que chez nos voisins. Vous allez ainsi stériliser 2,55 milliards d'euros alors qu'on aurait pu concevoir qu'il fallait soutenir, au contraire, la consommation des ménages, par exemple en continuant à augmenter la prime pour l'emploi, qui bénéficie à l'ensemble des salariés modestes, qu'ils paient ou non l'impôt sur le revenu, ou en réduisant un autre impôt.
    M. le ministre Mer reconnaissait d'ailleurs lui-même, dans une interview donnée la semaine dernière, que cette mesure avait peu de chance de relancer la consommation des ménages. Il indiquait, malgré tout, que si une petite partie de l'argent économisé par les contribuables était dépensée et non pas épargnée, ce serait positif pour l'économie. Nous souhaitons, pour notre part, que la partie dépensée soit beaucoup plus importante. Ce serait beaucoup plus positif pour l'économie.
    Or, il apparaît, sur ce plan, de plus en plus évident - et François Goulard, qui est malheureusement parti, devrait être plus modeste dans ses appréciations - que la croissance ne sera pas de 3 % en 2003. Pratiquement plus aucun conjoncturiste ne considère ce chiffre comme crédible tant les aléas à la baisse sont nombreux (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) : ...
    M. Richard Mallie. Cessez donc de donner des leçons !
    M. Georges Tron. Qu'est-ce qui était crédible, l'année dernière ?
    M. Didier Migaud. ... secousses sur les marchés financiers, effritement de la confiance en raison de nombreux scandales financiers, atonie de la croissance aux Etats-Unis, faiblesse exagérée du dollar. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Philippe Auberger. Pas du tout ! La croissance vient d'augmenter aux Etats-Unis !
    M. Didier Migaud. M. le ministre nous a dit tout à l'heure que la conjoncture commençait à se redresser. Je veux bien l'entendre. Mais de là à faire remonter la croissance à 3 % l'année prochaine...
    M. Georges Tron. Et 2,5 % en 2002 ?
    M. Marc Laffineur. Vous êtes vraiment de très mauvaise foi, monsieur Migaud !
    M. Charles Cova. C'est socialiste !
    M. Didier Migaud. Il a ajouté que la France était bien placée pour bénéficier d'une reprise plus rapide. Je veux l'en remercier. C'est la preuve que la gestion précédente n'était pas aussi mauvaise que vous souhaitez le faire croire. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Georges Tron. Elle était calamiteuse !
    M. Didier Migaud. Non, ça, c'est M. Juppé qui parlait de la gestion de M. Balladur !
    M. Georges Tron. Non, il parlait de 1993 !
    M. Philippe Cochet. Un minimum de décence, monsieur Migaud !
    M. Georges Tron. Doit-on vous rappeler les 340 milliards de déficit de l'Etat ? La gestion socialiste creuse toujours les déficits ! 1993 ou 2002, c'est pareil !
    M. Didier Migaud. Si notre pays peut bénéficier d'une reprise plus rapide que d'autres pays, c'est parce que, je veux le répéter, la gestion du gouvernement précédent...
    M. Georges Tron. Pitoyable !
    M. Philippe Cochet. Ruineuse !
    M. Didier Migaud. ... a préparé notre pays...
    Un député du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. A la catastrophe !
    M. Didier Migaud. ... à cette reprise plus rapide. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    D'ailleurs, lorsqu'on regarde objectivement les choses,...
    M. Georges Tron. Si vous étiez objectifs, vous ne diriez pas ce que vous dites !
    M. Didier Migaud. ... on voit parfaitement que ces dernières années, la France a plutôt obtenu des résultats supérieurs à ses voisins.
    M. Georges Tron. Vous nous avez ruinés ! En matière de déficit, nous sommes les avant-derniers en Europe !
    M. Didier Migaud. Mais non !
    M. Georges Tron. Regardez les chiffres !
    M. Didier Migaud. Tous les éléments de comparaison objectifs (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
    M. Georges Tron. Derrière nous, en Europe, il n'y a que le Portugal !
    M. Didier Migaud. ... qui sont le résultat d'organismes internationaux montrent que la France a obtenu plutôt de meilleurs résultats de 1997 à 2002 que lors de la période précédente. Nous pourrons reprendre ce débat quand vous le voulez, monsieur Tron, mais à partir de documents précis. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Du calme, monsieur Tron !
    M. Didier Migaud. Nous connaissons tous votre tendance à l'emportement, monsieur Tron ! (Exclamations.)
    M. Georges Tron. Je ne suis pas emporté, je suis consterné !
    M. le président. Laissez donc M. Migaud s'exprimer, monsieur Tron !
    M. Jean-Louis Idiart. Le président est impartial !
    M. le président. L'observation vaut également pour vous, monsieur Idiart !
    M. Jean-Louis Idiart. Je me tais, monsieur le président.
    M. le président. Cela ne s'entend pas ! (Sourires.)
    M. Didier Migaud. Les prévisions de croissance tournent désormais plutôt autour de 2,5 %, soit tout juste le niveau nécessaire à une stabilisation des déficits publics. Or votre pari repose entièrement sur ce chiffre de 3 %. Je ne sais si vous nous parlerez de « prévisions volontaristes » ou bien « excessivement optimistes » pour reprendre les termes de M. le ministre Mer mais, en l'écoutant, j'ai relevé une contradiction entre le milieu de son propos où il affichait une politique volontariste et le début de son intervention où il nous reprochait une politique trop volontariste tout en reconnaissant que la France était plutôt bien préparée pour bénéficier de la reprise.
    Si nous n'atteignons pas le chiffre de 3 %, l'impasse budgétaire que vous êtes en train de créer se reformera sur vous, comme en 1997. Vous aurez alors à prendre des décisions douloureuses.
    M. Jean-Claude Lefort. Dissoudre l'Assemblée !
    M. Didier Migaud. Et vous serez obligés peut-être, comme je l'ai dit tout à l'heure, l'histoire se répétant, de dissoudre une nouvelle fois l'Assemblée nationale !
    Au-delà de ce rappel histoire, nous savons combien ce type de situation est défavorable à une grande majorité de nos concitoyens. Ce sont toujours eux qui trinquent en période de rigueur.
    Pour terminer, nous pensons que plusieurs principes constitutionnels sont mis à mal par votre projet. Le motif d'irrecevabilité le plus flagrant dans ce texte est, d'une certaine façon, son caractère rétroactif, même si on peut le trouver sympathique. Que n'avons-nous pas entendu d'ailleurs sur ce principe de non-rétroactivité durant la dernière législature ! Je pourrais vous citer des propos de M. Sarkozy, de M. Marini, voire de M. Lambert,...
    M. Jean-Claude Lefort. Non ! Non !
    M. Didier Migaud. ... mais je vous épargnerai cette lecture.
    La disposition fiscale que vous proposez est donc rétroactive. Vous me direz qu'elle est justifiée par l'intérêt général et qu'elle est favorable aux contribuables. Mais ce n'est pas le cas pour tout le monde. Et rien, surtout pas l'intérêt général, ne peut justifier selon nous une telle situation.
    En pratique, un certain nombre de contribuables vont subir un préjudice du fait de cette mesure prise dans l'urgence et bricolée tant bien que mal. Citons le cas du contribuable non mensualisé qui va, du fait de ce « rabais » sur facture, se retrouver sous le seuil de recouvrement par voie d'acompte, fixé à 296 euros. Alors qu'il n'aurait pas dû être prélevé, il aura, en fin de compte, accordé une avance de trésorerie à l'Etat.
    M. Philippe Auberger. C'est tiré par les cheveux !
    M. Didier Migaud. La situation est donc clairement préjudiciable pour tous les contribuables...
    M. Philippe Auberger. C'est en dessous de la ceinture !
    M. le président. Monsieur Auberger !
    M. Didier Migaud. ... qui sont privés, du fait de votre mesure, de la capacité prévue aux articles 1664-4 et 1681 B du code général des impôts, de moduler à la baisse le montant de leurs acomptes et versements mensuels.
    Il leur faudra attendre la fin du mois d'octobre pour obtenir le reversement du trop-perçu. Est-il prévu pour ces contribuables le versement d'intérêts moratoires ? (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Philippe Auberger. Le ridicule ne tue plus !
    M. Didier Migaud. Monsieur le ministre, il sera intéressant de vous entendre sur ce sujet.
    Je pourrais citer d'autres exemples, et notamment le cas auquel vous ne serez sûrement pas insensible - Jean-Pierre Brard trouvera cela peut-être curieux - d'un contribuable assujetti à l'ISF et bénéficiant du plafonnement de cet impôt.
    Le paradoxe, que certains apprécieront, est que le contribuable qui a payé son ISF, plafonné le 17 juin dernier sur la base d'un montant d'impôt sur le revenu n'intégrant pas le rabais de 5 %, va supporter une augmentation de son ISF !
    M. Michel Bouvard. Oui, mais, grâce à vous, il pourra bénéficier de l'APA !
    M. Didier Migaud. Il devra donc faire l'objet d'un redressement de la part de l'administration fiscale. Je souhaite, monsieur le ministre, que l'administration fiscale veille effectivement à ce qu'il en soit ainsi. Cela étant, si la justice sociale va en sortir gagnante, compte tenu de l'augmentation de l'ISF qui en résultera, le principe de non-rétroactivité de la loi fiscale que vous mettez en avant en sort meurtri.
    Enfin, le principe d'égalité devant l'impôt est sérieusement écorné puisque votre disposition entraîne une triple rupture d'égalité. Contrairement à ce que vous affirmez, tous les contribuables soumis à l'impôt sur le revenu ne bénéficient pas de votre rabais. C'est d'abord le cas de certains contribuables non résidents, soumis à l'impôt sur le revenu et qui perçoivent des revenus soumis, en vertu de l'article 182 B, à une retenue à la source non libératoire. Concrètement, cette retenue à la source s'appliquera sur le barème, c'est-à-dire en ne tenant pas compte du rabais de 5 %. Or, vous ne prévoyez aucun mécanisme de restitution de l'excédent de retenue à la source. Il s'agit là d'une première rupture d'égalité entre contribuables non résidents, selon qu'ils sont ou non soumis à la retenue à la source pour certains de leurs revenus.
    Deuxième cas de rupture, entre les contribuables résidents cette fois, et selon des modalités proches de l'exemple précédent. Certains revenus, comme les plus-values réalisées par les petites entreprises, sont nécessairement soumises à l'imposition à taux proportionnel, et non au barème, ce qui, en soi, est un avantage. Si la baisse de 5 % s'était appliquée au barème, ces contribuables auraient logiquement été exclus du bénéfice de la mesure. Mais votre rabais ne s'appliquant pas au barème, rien ne justifie, en droit, l'exclusion de ces contribuables du bénéfice de ce rabais. C'est le second cas de rupture d'égalité de cette disposition, dont les effets sont manifestement contraires à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme. Je regrette d'ailleurs que toutes ces dispositions ne soient pas incluses dans le rapport de notre rapporteur général.
    Nous contestons également, vous l'aurez compris, la sincérité de ce texte. Elle doit être « appréciée en fonction des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler », selon une formule qui nous est chère, monsieur le ministre. Cette sincérité est manifestement absente. Tout laisse à penser, je me suis efforcé de le démontrer...
    M. Jean-Claude Lefort. Très clairement !
    M. Didier Migaud. ... à travers quelques exemples tout à l'heure, que le véritable déficit en exécution du budget de l'Etat pour 2002 n'est pas en fait de 46 milliards d'euros, comme vous le prétendez. Tout indique que ce texte n'a pas d'autre objectif que de noircir la situation du budget de l'Etat dans un souci politicien, et d'hypothéquer l'avenir en finançant par le déficit des largesses fiscales clientélistes. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Un député du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. C'est l'audit qui le dit !
    M. Didier Migaud. Je voudrais d'ailleurs, monsieur le ministre, attirer votre attention sur une situation à laquelle vous serez certainement sensible. Nous avons, je crois, l'un comme l'autre, avec l'aide de nos collègues et de votre prédécesseur, travaillé pour améliorer la transparence.
    M. Georges Tron. Vous êtes servi !
    M. Didier Migaud. Nous nous sommes efforcés également de renforcer le contrôle parlementaire. Et nous avions veillé justement, lors de la législature précédente, à faire en sorte que l'opposition puisse avoir connaissance des éléments d'information sur l'exécution du budget, par l'intermédiaire notamment des présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat. Le Sénat étant historiquement, traditionnellement, dans l'opposition, lorsque la gauche gouverne,...
    M. Philippe Auberger. Il n'y a là aucune tradition !
    M. Didier Migaud. ... cette situation permettait à l'opposition de notre pays d'être informée de l'exécution des lois de finances. Tel n'est pas le cas aujourd'hui. Monsieur le ministre, je voudrais que vous réfléchissiez à une initiative qui permettrait d'éviter que cette situation perdure. Dans l'intérêt de notre pays, et pour assurer la transparence nécessaire au contrôle parlementaire, il est important que l'opposition puisse bénéficier d'un certain nombre d'informations qui sont tout à fait nécessaires, comme vous-mêmes en aviez bénéficié hier.
    En conclusion - et je n'aurai pas utilisé mon heure et demie, monsieur le président,...
    M. Jean-Pierre Brard et M. Jean-Claude Lefort. C'est dommage !
    M. Philippe Auberger. C'était tellement vide !
    M. Didier Migaud. ... malgré les interruptions - , ce projet de collectif est en trompe-l'oeil, il comprend des mesures injustes, il soulève des difficultés d'ordre constitutionnel, il fait aussi courir un risque majeur à nos finances publiques. Mes chers collègues, je vous invite donc à voter cette exception d'irrecevabilité, pour que notre pays ne connaisse pas cette situation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
    M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi de vous dire que c'est avec émotion que je parle pour la première fois dans cet hémicycle, devant les députés, car j'ai le sentiment de m'adresser à la représentation du peuple français.
    M. Jean-Claude Lefort. Ce n'est pas qu'un sentiment !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Aussi, je prends devant vous l'engagement - et j'espère que vous m'aiderez à le tenir - de vous parler et de vous écouter comme si j'étais devant le peuple français.
    M. Didier Migaud. Tournez-vous aussi vers nous, monsieur le ministre.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je souhaite aussi, mesdames et messieurs les députés, monsieur le président, être fidèle comme nous y a invités le Président de la République, aux valeurs de respect et de dignité, parce que ce sont celles que nous avons reçues de la République, et nous avons, chaque jour qui nous est offert, à les cultiver.
    M. Marc Laffineur. Très bien !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Didier Migaud a eu la délicatesse, que j'ai appréciée, de dire qu'il gardait de moi l'image de la sincérité. Peut-être au titre des travaux que nous avons menés ensemble dans le passé, je garde de lui celle de la modération. Je pense donc que c'est la vigueur matinale qui l'a entraîné au-delà de sa réserve naturelle.
    M. Jean-Pierre Brard. Non, c'est le dynamisme de la jeunesse !
    M. Augustin Bonrepaux. Mais je l'ai trouvé très modéré !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je souhaite en tout cas le rassurer quant à la recevabilité du texte qui vous est proposé, mesdames et messieurs les députés.
    D'abord, Didier Migaud a craint, s'adressant à quelqu'un qui a consacré une partie de sa vie professionnelle aux successions, que je n'accepte celle-ci sous bénéfice d'inventaire. Or, l'honneur de notre gouvernement est de l'accepter purement et simplement, même si certains, dans le passé, n'ont accepté l'héritage de leur propre camp que sous bénéfice d'inventaire.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est cruel pour M. Balladur !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ensuite, Didier Migaud a regretté que je noircisse le trait. Veut-il que je l'aide - oh ! juste un instant - à se réjouir des résultats du gouvernement précédent ? Est-il fier au nom de son groupe, du dérapage du déficit budgétaire constaté par MM. Bonnet et Nasse, qui estiment qu'il sera supérieur de 50 % à celui que vous aviez prévu.
    M. Jean-Claude Lefort. Tout est relatif !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je n'avais pas l'intention d'insister sur ce point, mais vous m'y avez invité.
    Plus de 50 %, cela représente 15 milliards d'euros, soit, pour ceux de nos compatriotes qui s'intéressent à nos travaux, 100 milliards de francs.
    M. Augustin Bonrepaux. Vous n'êtes pas très objectif !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le député, est-ce cet héritage-là dont vous voulez que nous soyons fiers ?
    M. Augustin Bonrepaux. Mais nous en sommes fiers !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. M. Bonrepaux est fier de ce dérapage. J'en prends acte, mais je veux lui dire que ce n'est pas un acte de responsabilité vis-à-vis des générations futures, de nos enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Hervé Novelli. C'est vrai !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Par ailleurs, Didier Migaud s'est étonné de la date de publication des résultats de l'audit. Or, il y a cinq ans, la publication de l'audit commandé par M. Jospin était intervenue dans les mêmes conditions et il ne s'en était pas étonné. Il nous a précisé d'ailleurs que cet audit confirmait ce que chacun savait. La situation était donc connue avant les élections.
    Je rappellerai également, et c'est le point le plus important, mesdames et messieurs les députés, car cela touche aux fondements mêmes de notre démocratie, que Didier Migaud a affirmé que la situation était tellement dégradée qu'il n'y avait pas de politique alternative. Eh bien, figurez-vous, monsieur le député, que c'est parce que les Français voulaient une politique alternative qu'ils ont élu le Président de la République et souhaité changer de majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Augustin Bonrepaux. Oh non !
    M. Gérard Bapt. Ils ont voulu éviter Le Pen !
    M. Augustin Bonrepaux. 19 % au premier tour !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Et Jospin 16 % !
    M. Georges Tron. Qui était le troisième homme ?
    M. le président. Calmez-vous, monsieur Bonrepaux !
    Poursuivez, monsieur le ministre.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. S'agissant de l'information dont le président de la commission des finances de l'Assemblée ou du Sénat dispose en permanence grâce à la situation hebdomadaire, je voudrais rappeler à Didier Migaud, mais ce n'est pas lui faire offense, que celle-ci ne traite que des comptes de l'Etat. Cela ne lui a sans doute pas échappé.
    M. Didier Migaud. Non !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Il ne peut donc pas me reprocher d'ignorer une information qui n'est pas détenue par les présidents ou les rapporteurs généraux des commissions des finances de l'Assemblée et du Sénat. Du reste, la mauvaise performance de l'Etat avait été dénoncée par l'opposition d'alors. Si vous voulez bien relire le compte rendu des travaux de l'Assemblée, vous pourrez constater que les craintes qui avaient été exprimées étaient tout à fait justifiées.
    M. Gérard Bapt. Donc, vous étiez informé !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous avez dit également, monsieur le député, que ce collectif était une caricature. Ce n'est pas gentil à l'égard des responsables de la gestion antérieure parce que ce collectif traduit les constatations de l'audit.
    M. Augustin Bonrepaux. Mais non.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Nous, nous ne faisons que constater le résultat de la gestion antérieure.
    M. Augustin Bonrepaux. Vous la déformez.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Il ne s'agit donc pas d'une caricature.
    Vous vous étonnez, par ailleurs, que le remboursement de sa dette par l'UNEDIC ait été différé.
    M. Didier Migaud. Je n'ai pas dit cela.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Or, c'était aussi un acte de responsabilité. En effet, face à la situation dans laquelle il se trouve, cet organisme a décidé, cette année, d'augmenter ses cotisations. Devions-nous aggraver un peu plus sa situation ? Puisqu'il a pris la responsabilité de relever le montant de ses cotisations pour retrouver l'équilibre, il était tout à fait naturel de différer ce remboursement d'un an afin de le récompenser, en quelque sorte, du courage dont il a fait preuve.
    On me dit également : vous retenez le haut de la fourchette.
    M. Augustin Bonrepaux. Oui.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. C'est vrai, mais c'est parce qu'il demeure, mesdames et messieurs les députés, des incertitudes sur le produit de l'impôt sur les sociétés.
    M. Augustin Bonrepaux. En plus !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Du reste, c'est un élément du produit fiscal auquel nous devons être attentifs.
    M. Augustin Bonrepaux. Vous êtes de mauvaise foi.
    M. Didier Migaud. Pouvez-vous nous donner le résultat au 15 juillet ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous avez, monsieur le député, exprimé votre point de vue sur le budget pour 2003. Ne nous privez pas d'un débat qui commencera après l'été. Nous en reparlerons le moment venu. Toutefois, s'agissant de la norme d'évolution, c'est-à-dire la loi de finances initiale rebasée, comme nous disons, elle est définie en fonction des dépenses pérennes que vous n'aviez pas, vous, prises en compte dans la loi de finances initiale,...
    M. Didier Migaud. Pas seulement !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... et non pas en fonction de dettes que nous apurons dans ce collectif. Donc, ne vous inquiétez pas, la base est celle de la loi de finances initiale, augmentée des dépenses pérennes pour environ 2,5 milliards d'euros.
    S'agissant des modalités de l'impôt sur le revenu, un article traite de ce sujet et je vous propose que nous en reparlions au moment de son examen afin de ne pas alourdir nos débats.
    En ce qui concerne la TIPP, je voudrais vous dire, mesdames et messieurs les députés, que la mesure est limitée dans son effet. L'augmentation sera plus que compensée par l'évolution et l'appréciation de l'euro par rapport au dollar.
    M. Didier Migaud. Ce n'est pas une raison.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Et je peux vous assurer que le prix à la pompe sera, après l'entrée en vigueur des mesures que nous avons prises, inférieur à celui que l'on payait lorsque vous gouverniez. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Ne vous inquiétez donc pas et ne dites pas aux Français qu'ils vont avoir de mauvaises surprises : l'essence qu'ils consommeront coûtera moins cher qu'elle ne coûtait il y a deux mois. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Cela doit être rappelé. En outre, je veillerai personnement à ce que les compagnies pétrolières répercutent convenablement les mesures que nous avons prises.
    M. Augustin Bonrepaux. Quelle mauvaise foi !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. J'irai moi-même vérifier sur place qu'il en est bien ainsi.
    M. Michel Bouvard. C'est nécessaire !
    M. Jean-Pierre Brard. Elf n'a qu'à bien se tenir ! (Sourires.)
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. J'insiste sur le fait que si l'euro s'est apprécié, l'histoire, même récente, nous a appris qu'il pouvait en être autrement et, en aucune façon, nous ne nous priverons de nouvelles mesures qui permettraient de nous adapter à l'évolution du prix du pétrole.
    Un député du groupe socialiste. Encore heureux !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je terminerai, mesdames et messieurs les députés, en évoquant la question de la constitutionnalité de ce texte puisque c'est l'objet de l'exception d'irrecevabilité. Je répondrai en quelques mots à son auteur que la mesure de baisse d'impôt sur le revenu ne remet pas en cause le caractère progressif de celui-ci, dont il revient au législateur de fixer les limites. Le Conseil d'Etat n'a d'ailleurs soulevé aucune objection à l'encontre de cette disposition, qui n'est pas non plus contraire au principe d'égalité devant les charges publiques.
    C'est la raison pour laquelle, mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement ne peut que vous inviter à rejeter l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Dans les explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, la parole est à M. Georges Tron.
    M. Georges Tron. Monsieur le président, j'ai cinq minutes pour répondre au discours de cinquante minutes de M. Migaud, qui, du reste, ressemblait tant à ceux qu'il prononçait il y a quelques mois que l'on peut se demander si la donne a bien changé au cours des mois de mai et de juin derniers.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est surtout le 21 avril qui a changé la donne !
    M. Georges Tron. A entendre le discours que M. Migaud a tenu sur les comptes publics, il semble que non.
    En effet, on se croirait revenu au temps où, dans ce même hémicycle, avec une arrogance dont même les plus hardis d'entre nous n'oseraient pas faire preuve à l'égard de l'opposition, on nous expliquait que tout ce que nous disions était complètement faux...
    M. Didier Migaud. Je n'ai jamais dit cela.
    M. Georges Tron. ... que nous étions incapables de prendre la mesure exacte de la situation et qu'il fallait croire M. Fabius et, avant lui, M. Strauss-Kahn sur leur bonne mine. Lorsque, et le rapporteur général l'a très justement souligné, nous osions indiquer que l'on pouvait se poser des questions sur les hypothèses de croissance - en particulier celles qui étaient prévues pour 2002 et dont les résultats figurent dans l'audit - nous étions considérés comme des incapables.
    Or, quelle est la situation aujourd'hui ? Après avoir entendu M. Migaud, je la résumerai très simplement car, avec le talent que je lui ai toujours connu, il nous a inondés d'informations qui pourraient cacher l'essentiel.
    Qu'est-ce donc que l'essentiel au terme de l'audit ?
    Il tient en trois points très simples.
    Premièrement, la situation des comptes publics de la France est aujourd'hui extrêmement dégradée : 2,6 % de déficit public et, ce chiffre résume d'ailleurs à lui seul la gestion du gouvernement socialiste, 3,2 % de déficit pour les comptes de l'Etat. Nous occupons la quatorzième place, c'est-à-dire l'avant-dernière, au sein de l'Union européenne.
    L'histoire se répète-t-elle ? Bien entendu, la réponse est : oui, mes chers collègues.
    En effet, nous avions trouvé le même type de situation en 1993. Entre 1988 et 1993, les déficits, en particulier celui de l'Etat, avaient été multipliés. Celles et ceux qui siégeaient sur ces bancs en 1993 se souviennent que le rapporteur général, qui était M. Richard à l'époque, et le ministre du budget, M. Malvy, nous expliquaient que la croissance faiblissait dans le monde entier mais que la France résistait mieux.
    Le projet de loi de finances pour 1993 prévoyait un déficit de 160 milliards de francs. Or, en 1993, nous avons trouvé un déficit du budget de l'Etat de 340 milliards de francs. C'était, pardon de le dire, monsieur le député, un record...
    M. Didier Migaud. Balladur a fait mieux !
    M. Georges Tron. ... puisque le déficit avait doublé.
    Quelle est la situation actuelle ? La loi de finances pour 2002 prévoyait un déficit des comptes de l'Etat de 200 milliards de francs. Or, il est évalué aujourd'hui entre 300 et 315 milliards de francs.
    Pensez-vous, mes chers collègues, que cela suscite la moindre interrogation dans l'esprit de M. Migaud, le moindre doute dans le regard de M. Bonrepaux ? Pas le moins du monde !
    M. Didier Migaud. Caricatural !
    M. Georges Tron. Bien entendu, les conclusions des auditeurs, qui avaient déjà été choisis par M. Jospin en 1997, sont absolument fausses, le gouvernement précédent a parfaitement géré les choses et il n'y a aucun problème ! Je rappelle donc que nous sommes presque le dernier pays de l'Union européenne en matière de déficit, et force est de constater que les conséquences de cette situation budgétaire sont importantes.
    Pourtant, nous avions averti M. Fabius que les dépenses publiques étaient en train de déraper. A cet égard, mes chers collègues, je me souviens d'une séance de questions d'actualité du mois de novembre dernier au cours de laquelle j'avais dit à M. Fabius - puisque vous l'avez défendu à la tribune, monsieur Migaud, je ne doute pas que vous lui rappellerez cet épisode - que nous étions inquiets des dépenses qu'il engageait de façon absolument inconsidérée et je lui avais rappelé la litanie de ces dépenses : 2,4 milliards de francs pour la police, 1,7 milliard de francs pour la gendarmerie, 13 milliards de francs pour l'hôpital public, 2,7 milliards de francs pour les cliniques, 35 milliards de francs pour la politique de la ville.
    M. Jean-Louis Idiart. Qu'est-ce que vous faites, vous ?
    M. Georges Tron. Et, monsieur Idiart, les députés socialistes applaudissaient et se prononçaient en faveur de la dépense publique.
    Enfin, j'avais conclu mon propos en demandant au ministre de l'économie comment il comptait financer les 60 milliards de francs de dépenses engagées, sinon en creusant le déficit.
    M. Augustin Bonrepaux. Qu'est-ce que vous faites ?
    M. Georges Tron. L'inverse de ce que vous avez fait, monsieur Bonrepaux !
    M. Fabius m'a alors répondu en nous regardant avec un air méprisant : « Nous n'avons pas de leçons à recevoir de vous, parce que nous, nous savons gérer. »
    Or, l'audit révèle, comme nous l'avions annoncé, que la croissance n'a pas été au rendez-vous et que les dépenses ont dérapé.
    M. Augustin Bonrepaux. Pourquoi prévoyez-vous 3 % de croissance ?
    M. Georges Tron. Parlons-en, des prévisions de croissance, monsieur Bonrepaux ! Je me souviens que nous avons, les uns et les autres, interrogé M. Fabius dans cet hémicycle au cours des mois d'octobre et de novembre, sur la situation des pays qui nous entourent, l'Allemagne et l'Italie en particulier, qui révisaient alors leurs prévisions de croissance. Nous lui avons fait remarquer qu'il maintenait la sienne à 2,5 % alors que l'Allemagne et l'Italie passaient à 1,5 % et que la Commission européenne, ainsi que tous les instituts de conjoncture, nationaux et internationaux, étaient en train de réviser les prévisions de croissance.
    A chaque fois, il nous répondait que nous nous trompions, qu'il fallait être volontariste et faire en sorte que les Français gardent le moral. A cette tribune, M. Migaud nous regardait bien droit dans les yeux et nous disait : « Mes chers collègues, vous n'y comprenez rien ; nous n'y connaissez rien. Nous, nous savons, nous, nous comprenons. » Résultat, au mois de février, M. Fabius a révisé ses prévisions de croissance en les abaissant d'un point, soit 40 milliards de francs.
    Quelle est la situation actuelle ? Le déficit n'a jamais été aussi important et nous sommes au premier rang des pays de l'Union européenne en matière de prélèvements obligatoires.
    Enfin, et je conclus, monsieur le président, ce sont surtout les crédits nécessaires au paiement du RMI, de l'allocation adultes handicapés et de la CMU qui ont été amputés, alors que nos chers collègues socialistes passent leur temps à nous expliquer ce qu'il faut que nous fassions en faveur des plus fragiles de nos concitoyens.
    M. le président. Monsieur Tron...
    M. Gérard Bapt. Pourquoi ne l'ont-ils pas nommé au Gouvernement ?
    M. Georges Tron. Je dis très clairement les choses : ce sont eux qui sont les premières victimes de votre gestion et de la situation budgétaire que vous nous avez laissée.
    Bien entendu, nous allons voter contre l'exception d'irrecevabilité, non seulement parce que, comme l'a dit M. le ministre, les dispositions de ce projet de loi ne sont pas contraires à la Constitution, mais aussi parce que, compte tenu des résultats de la gestion socialiste au cours des cinq dernières années, le seul mot que vous auriez dû prononcer à la tribune, monsieur Migaud, c'est : pardon ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. Le pluriel commence à deux, monsieur le ministre, et, comme aurait dit Lamartine « un seul être vous manque et tout est dépeuplé ». Or, M. Mer n'est déjà plus là. Est-ce parce qu'il préfère les conseils d'administration au roulis que provoquent les débats dans l'hémicycle ?
    M. Hervé Novelli. Vous tanguez !
    M. le président. Monsieur Brard, permettez-moi de vous dire que j'ai reçu un mot de M. Mer, m'informant qu'il était retenu par une réunion à Matignon, et qu'il reviendrait ensuite.
    M. Jean-Pierre Brard. Il a un mot d'excuse ?
    M. le président. Tout à fait, mais ce n'est pas un conseil d'administration, monsieur Brard ! (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Brard. Encore que !
    M. le président. C'est un « conseil de l'administration » ! (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Brard. D'accord. (Sourires.)
    M. le président. Continuez, monsieur Brard !
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, j'accepte cette explication.
    Je me disais que M. Lambert, lui, avait l'habitude de ces débats. Et puis, c'est un homme de courage, du sang viking coule dans ses veines, n'est-ce pas ? Il est donc prêt au combat. M. Mer, quant à lui, est un sujet politique non clairement identifié, mais un relais idéologique clairement profilé... (Sourires.)
    D'ailleurs, qui fréquente-t-il ? Il nous l'a dit : il a pris le petit déjeuner avec le président de Merril Lynch, et il semble que la rencontre lui a fait au moins autant plaisir que les viennoiseries qu'il a dû consommer. Pour ce qui est des premiers pas de M. Mer en tant que ministre, encore malhabile dans l'exercice, on peut se référer à l'article publié dans Le Monde du 13 juillet : « Les tours de passe-passe budgétaires de M. Mer ». Vous savez bien, monsieur Lambert, que Le Monde est un journal objectif (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française)...
    M. Charles Cova. Oui, bien sûr !
    M. Michel Bouvard. Au moins autant que L'Humanité !
    M. Jean-Pierre Brard. ... et qu'il est rarement engagé à gauche. (Mêmes mouvements.) On pouvait y lire, sous la plume d'un excellent journaliste, M. Mauduit : « On peut ainsi relever à titre d'exemple que le Gouvernement a subrepticement décidé de renoncer à une créance de 1,2 milliard d'euros sur l'UNEDIC. Peut-être cette décision avait-elle une justification compte tenu de la situation du régime d'assurance chômage ; mais, en tout état de cause, il n'est pas honnête d'imputer cette moindre recette à l'héritage du précédent gouvernement. »
    Plus loin, il relève que votre projet de loi ne gage pas les ouvertures de crédit par des annulations correspondantes. Or, tout à l'heure, M. Mer nous a annoncé à la tribune que, pour l'année prochaine, les lettres de cadrage prévoient une augmentation des dépenses de 0,2 %. Le Monde nous aide à comprendre pourquoi vous présentez ce projet de loi de finances rectificative, qui, en réalité, n'est pas financé. C'est pour afficher une augmentation des dépenses ne dépassant pas 0,2 %.
    M. Didier Migaud. Bien sûr !
    M. Jean-Pierre Brard. Pourquoi ? Parce que la convention budgétaire repose sur un tout autre calcul. « Quand on cherche, dit Laurent Mauduit, à mesurer une évolution, c'est toujours loi de finances initiale sur loi de finances initiale ».
    « En clair » - poursuit le journaliste pour faciliter la lecture à ceux que vous essayez d'anesthésier - « la vraie progression des dépenses de l'Etat pour 2003 se calcule en rapportant les crédits prévus pour l'exercice de 2003 à ceux qui figuraient dans la loi de finances initiale de 2002. »
    « Cela change quoi ? », se demande M. Mauduit. Et de répondre : « Dans le cas présent, cela change tout : les dépenses de l'Etat augmentent non plus de 0,2 % mais de près de... 1,2 % ! »
    M. Jean-Claude Lefort. Ah !
    M. Jean-Pierre Brard. « Or, poursuit le journaliste, la norme d'évolution est d'ordinaire d'environ + 1 % pour les dépenses sur trois ans, soit 0,3 % l'an en moyenne. » Donc, vos propositions, monsieur le ministre, ne sont pas sincères.
    Certes, vous essayez de nous endormir en renvoyant au constat des auditeurs. Mais vous appartenez à un gouvernement homogène, qui parle d'une même voix. Donc ce que dit l'un vaut pour les autres. Et M. Borloo, à propos de l'audit, a dit qu'il n'y avait pas de quoi fouetter un chat.
    M. Jean-Claude Lefort. Et il s'y connaît !
    M. François Goulard. C'est par respect pour les animaux !
    M. François Grosdidier. Un chat, peut-être, mais un socialiste ?
    M. Jean-Pierre Brard. J'imagine que, quand M. Borloo disait cela, il parlait au nom du Gouvernement.
    Et que dire des déclarations de M. Mer lors de son audition devant la commission des finances ? Vous étiez avec lui, monsieur le ministre, cela ne vous a certainement pas échappé et j'imagine que l'homme d'expérience que vous êtes a dû être étonné de l'entendre dire qu'il n'avait pas vu, et ses collègues non plus, le retournement de la conjoncture se produire lorsqu'il occupait ses fonctions précédentes et qu'il fallait donc faire preuve de mansuétude dans l'appréciation que l'on pouvait faire de ce qui s'était passé avant.
    M. Didier Migaud. C'est vrai !
    M. Jean-Pierre Brard. Plus fondamentalement, cette exception d'irrecevabilité qui nous est soumise, monsieur le président, est justifiée.
    M. Jean-Claude Lefort. Tout à fait !
    M. Jean-Pierre Brard. En effet, monsieur le ministre, vous ne revenez pas à l'Ancien Régime, qui reposait - n'est-ce pas M. de Courson ? - sur les trois ordres. (Rires.)
    M. François Goulard. M. de Courson est une véritable obsession pour M. Brard !
    M. Charles de Courson. Je vous expliquerai, monsieur Brard.
    M. le président. Revenez au régime actuel, monsieur Brard, et à notre règlement. Vous avez dépassé votre temps de parole depuis longtemps. Je vous prierai de bien vouloir conclure.
    M. Jean-Claude Lefort. Ce qu'il dit est intéressant, monsieur le président.
    M. Jean-Pierre Brard. Je vais m'acheminer vers ma conclusion, monsieur le président, mais M. de Courson m'invite à aller plus loin dans mon explication.
    Monsieur le ministre, vous ne revenez pas à l'Ancien Régime. Vous faites mieux puisque vous réduisez les ordres à deux. Il y a ceux que vous appelez : « tous », tous les Français qui vont bénéficier de la réduction d'impôt, au nombre de 16 millions, et puis les autres, ceux qui n'ont rien. Dorénavant, il y a deux ordres : les « tous », ceux que vous avantagez, et les autres. Cela n'est pas acceptable.
    Monsieur le ministre, vous disiez tout à l'heure que vous vous exprimiez ici avec émotion, ce que je comprends, parce que vous avez le ton plein de componction caractéristique de l'assemblée où vous siégiez auparavant.
    Hier soir, j'étais au Sénat...
    M. François Grosdidier. Il est temps !
    M. le président. Ne dévoilez pas votre vie privée, monsieur Brard. (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Brard. ... et l'un des anciens collègues de M. Lambert me disait : « Ici les moquettes sont plus épaisses, si bien qu'il y a autant de tueurs qu'ailleurs, mais quand les corps tombent, on ne les entend pas. » (Rires.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Idiart.
    M. Jean-Louis Idiart. Monsieur le président, monsieur le ministre, j'indique d'emblée que le groupe socialiste votera, bien sûr, l'exception d'irrecevabilité présentée par Didier Migaud.
    M. François Goulard. On s'en doutait !
    M. Jean-Louis Idiart. Je tiens à dire que j'ai été navré d'entendre certaines déclarations qui ont été faites dans cet hémicycle.
    M. Hervé Novelli. Vous n'avez pas encore tout entendu !
    M. Jean-Louis Idiart. Nous sommes tous ici des élus de la République. Les choix que nous formulons nous livrent forcément à la critique. Mais je ne savais pas - et ce sont certainement des séquelles de la discussion de cette semaine - que les élus de la République devaient aussi parfois demander pardon.
    M. Georges Tron. Pour votre gestion, si !
    M. François Grosdidier. Pour des fausses écritures aussi !
    M. Jean-Louis Idiart. Nous nous exprimons tous de façon libre. Et même si nous ne sommes pas d'accord sur l'appréciation portée sur la gestion précédente ou sur les propositions qui nous sont faites aujourd'hui, nous devons être suffisamment respectueux les uns envers les autres pour ne pas utiliser des propos de ce genre.
    Je vous signale que c'est un dérapage, monsieur Tron, par rapport à ce que nous ont demandé tant le président de l'Assemblée nationale que le Président de la République, que nous avons entendu l'autre jour, ou que le Premier ministre.
    M. François Grosdidier. Ça coûte moins cher qu'un dérapage budgétaire !
    M. Jean-Louis Idiart. Je sais que sortir d'une campagne électorale est un exercice difficile...
    M. François Goulard. Certains s'en sortent mieux que d'autres !
    M. Jean-Louis Idiart. ... et que nous sommes tous un peu fatigués mais nous devons malgré tout contrôler nos propos. Nous devons faire cet effort.
    M. Georges Tron. Je maintiens mes propos, je les assume et je les réitère !
    M. le président. Monsieur Tron !
    M. Jean-Louis Idiart. Monsieur Tron, vous faites ce que vous voulez,...
    M. Georges Tron. Merci !
    M. Jean-Louis Idiart. ... mais l'important, c'est que nous nous respections les uns les autres.
    Je rappellerai quand même ce que nous avons fait durant la précédente législature pour améliorer le contrôle budgétaire. La création de la MEC, initiée par les socialistes, qui a été un travail collectif et en relation avec le Sénat, partait de la volonté que notre Parlement puisse mieux contrôler le budget et donc mieux s'exprimer. Il s'agissait de mieux faire fonctionner la démocratie dans notre pays. Dans ces conditions, je suis un peu déçu de la façon dont les choses sont exprimées.
    Monsieur le ministre, nous voterons l'exception d'irrecevabilité, puis, tout à l'heure, nous voterons contre le collectif que vous nous proposez car nous pensons que vous auriez pu vous dispenser d'un tel exercice. Nous comprenons que vous le fassiez et la lecture de la presse nous montre que cela était peut-être nécessaire. Lorsqu'une nouvelle majorité arrive au pouvoir, elle a besoin de se démarquer de ses prédécesseurs.
    M. François Goulard. Mais c'est ce que nous ont demandé les électeurs !
    M. François Grosdidier. Ce n'est pas un besoin, c'est une nécessité !
    M. Philippe Auberger. Une obligation !
    M. Jean-Louis Idiart. Franchement, si la situation budgétaire de notre pays est aussi catastrophique que vous le dites, ne fallait-il pas plutôt diminuer les dépenses et, surtout, première des choses, éviter de diminuer les recettes ?
    M. Jean-Claude Lefort. Eh oui !
    M. Jean-Louis Idiart. Vous avez choisi le volontarisme que certains nous ont reproché tout à l'heure. Vous avez fait ce que le Président de la Républiquez vous a demandé mais sans tenir en définitive vos engagements de respecter les équilibres budgétaires.
    Il me paraît difficile de manier un double langage. Vous ne pouvez pas, d'un côté, reprocher à vos prédécesseurs d'avoir été dispendieux et, de l'autre, connaissant l'état des finances, l'être vous-même encore plus, et ce dès le premier texte que vous soumettez au Parlement. C'est la raison pour laquelle nous voterons l'exception d'irrecevabilité.
    M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
    M. Charles de Courson. Mes chers collègues, il manque une personne dans cet hémicycle : M. Laurent Fabius.
    M. François Goulard. Très juste !
    M. Charles de Courson. Il est très regrettable que l'ancien ministre des finances, qui fait partie de notre assemblée, ne soit pas présent aujourd'hui. Pourquoi ?
    M. Gérard Bapt. Mais il est là !
    M. Charles de Courson. Je ne l'ai pas vu !
    M. François Grosdidier. Y a-t-il un parapluie dans l'hémicycle ?
    M. Augustin Bonrepaux. Et votre ministre des finances, où est-il ?
    M. le président. Monsieur Bonrepaux !
    M. Charles de Courson. Pourquoi, mes chers collègues, est-ce regrettable ? Que ceux qui étaient déjà députés et ceux qui, à gauche, ont survécu aux élections, se souviennent. Pour ce qui concerne les pespectives économiques, nous avons tous dit dans l'opposition à M. Fabius, dès le mois d'octobre : « Monsieur le ministre, la cadrage macroéconomique est totalement dépassé. »
    M. Jean-Louis Idiart. L'opposition a toujours raison !
    M. Nicolas Perruchot. Pas cette année !
    M. Charles de Courson. Laurent Fabius et Didier Migaud se sont arcboutés sur leur position, nous ont répondu que non et ont maintenu les mêmes prévisions. Mais, dès le mois de janvier, Laurent Fabius commençait à cracher le morceau...
    M. Jean-Pierre Brard. Quelle trivialité, monsieur de Courson !
    M. Charles de Courson. Relisez la presse, monsieur Brard !
    Dès le début de l'année, à peine le budget était-il voté, Laurent Fabius a reconnu que le déficit public ne représentait plus 1,4 % du PIB mais s'établissait déjà autour de 1,8 %. Et il atteint aujourd'hui 2,6 %.
    Nous étions très nombreux sur les bancs de l'opposition à dire à M. Fabius : « Lisez les états mensuels des recettes budgétaires, en particulier sur la TVA. Ils ne conduisent pas aux prévisions que vous affichez. »
    Donc, on ne peut pas dire qu'il y ait eu une surprise sur les recettes.
    Ce qui est plus grave, c'est que l'audit montre que deux tiers de la dérive n'est pas due à des perspectives économiques complètement et volontairement surévaluées, mais à un dérapage sur les dépenses.
    L'avions-nous vu dans l'opposition ? Oui pour ce qui concerne l'assurance maladie. Pour ce qui concerne les dépenses de l'Etat - j'en ferai état tout à l'heure dans la discussion générale - les quelques rapporteurs de l'opposition que nous étions alors l'avions dit. Je vous citerai des extraits de mon rapport sur le BAPSA. J'avais prévu un déficit d'au moins 400 millions d'euros. Il est en réalité de 750 millions d'euros.
    Ce qui est extrêmement critiquable, monsieur Bonrepaux, c'est que le ministre des finances et le gouvernement dans son ensemble de l'époque ont volontairement sous-estimé les dotations budgétaires et surestimé les recettes budgétaires. Cela vaut d'ailleurs aussi pour la sécurité sociale. Si bien qu'aujourd'hui on se trouve dans une situation extrêmement difficile.
    A votre place, je m'écrierais, monsieur Migaud, « heureusement que nous avons été battus ». (Sourires.) Parce que, s'il vous avait fallu gérer les conséquences des dérives que vous avez laissé s'instaurer tant sur les recettes que sur les dépenses, vous auriez été dans une mouise épouvantable.
    M. Jean-Claude Lefort. Là, on va être carrément dans le pétrin !
    M. Charles de Courson. Le peuple français a fait preuve de beaucoup de bon sens en préférant confier les affaires à ceux qui avaient vu clair et qui avaient dit la vérité sur la situation des finances publiques.
    Mes chers collègues, vous ne vous étonnerez pas, dans ces conditions, que le groupe UDF vote contre cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je souhaite éviter toute ambiguïté.
    Le ministre des finances a un agenda très chargé. Il est venu ouvrir nos travaux.
    M. Jean-Claude Lefort. C'est la moindre des choses !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Pour avoir siégé dix ans au Sénat, je peux vous dire que les ministres des finances ne peuvent pas toujours venir lors de la discussion d'un collectif.
    M. Jean-Pierre Brard. Au Sénat, ce n'est pas pareil !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Il ne faut pas lui reprocher son absence. Il reviendra dans un instant.
    Je veux maintenant répondre à M. Brard.
    J'indique tout d'abord à l'Assemblée que, s'il m'a qualifié de Viking, c'est parce que nous sommes tous deux originaires du beau département de l'Orne et que nous sommes donc issus d'une lignée commune.
    M. Jean-Pierre Brard. Presque !
    M. Philippe Auberger. Heureusement, vous avez divergé !
    M. le président. Que de révélations aujourd'hui ! (Sourires.)
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je tiens à rappeler à M. Brard que le journal Le Monde n'a jamais prétendu être un traité de finances publiques. J'en vois une preuve supplémentaire dans le fait que l'exemple qu'il a pris n'est pas le meilleur possible. Le report de la dette de l'UNEDIC n'a aucun effet sur le solde des administrations publiques.
    M. Didier Migaud. Il apparaît pourtant dans votre déficit !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. J'ajoute que, selon une jurisprudence très claire du Conseil constitutionnel, lorsque l'équilibre est bouleversé, le Gouvernement est dans l'obligation de présenter un collectif budgétaire.
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Si l'équilibre n'est pas bouleversé avec 50 % de dérapage du déficit public, je me demande quand il le sera !
    Mesdames, messieurs les députés, travailler sur une base aussi peu sérieuse que la loi de finances pour 2002 ne serait pas raisonnable. Il faut y ajouter les dépenses pérennes qui ont été soit oubliées, soit sciemment non introduites. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.
    (L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

Question préalable

    M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
    M. Augustin Bonrepaux. Je comprends parfaitement que le ministre des finances ait des impératifs, mais, lorsqu'on veut donner la priorité au Parlement, comme je l'ai entendu dire, on peut au moins faire l'effort d'entendre le premier orateur de l'opposition. D'ailleurs, cette intervention aurait été extrêmement instructive pour M. le ministre des finances, qui ne paraît pas encore connaître tous les détours d'un budget de la nation, car Didier Migaud a parfaitement démontré que ce collectif n'était pas indispensable.
    En effet, si la situation économique de notre pays est si désastreuse, comment pouvez-vous prévoir, alors que vous n'y êtes pour l'instant pour rien, un taux de croissance pour l'année prochaine de 3 % ? Comment pouvez-vous, par ailleurs, augmenter les dépenses et réduire les recettes ?
    Cela prouve tout simplement que votre seul objectif est de noircir la gestion du précédent gouvernement en exagérant les résultats de l'audit sur les comptes publics et de créer ainsi l'illusion que vous pourrez tenir toutes les promesses du Président de la République. J'espère, à ce propos, que vous nous expliquerez comment vous réduisez les recettes et le déficit en augmentant les dépenses pour la défense, la police et la justice. Allez-vous trancher dans les crédits du logement, comme semble y tenir M. Méhaignerie, ou bien dans ceux de l'aménagement du territoire ? Cela nous promet des débats intéressants.
    Puisque vous faites grand cas de l'audit, comparons-le avec celui de 1997, sur lequel il serait, dites-vous, calqué.
    Permettez-moi de rappeler les résultats du rapport sur l'état des finances publiques, remis par M. Bonnet et M. Nasse - déjà - le 21 juillet 1997.
    Le gouvernement Juppé prévoyait à la fin de 1996 un déficit de 248,5 milliards de francs, soit 3,05 % du PIB, ce qui aurait permis d'aborder l'euro sans problème majeur. Pourtant, ces prévisions étaient loin de la réalité et tout le monde le savait, M. Juppé comme M. le Président de la République. Malgré cela, ils ont transmis en mars 1997 un rapport à la Commission européenne en expliquant que le déficit serait de 3,03 %.
    Mais un mois plus tard, en avril, la situation était devenue tellement dramatique qu'ils en étaient réduits à dissoudre l'Assemblée nationale, car, pour assurer la qualification à l'euro, ils ne voyaient pas d'autre solution que d'opérer de nouveaux prélèvements impopulaires sur les ménages.
    Il est apparu un écart très important entre la notification de la Commission européenne et les résultats de l'audit : un déficit de 3,5 à 3,7 % du PIB, et même de 4 % si l'on tient compte de la soulte de France Télécom, soit près de 1 point de plus par rapport au taux de 3,03 % communiqué un mois plus tôt à la Commission européenne, ce qui représentait une dérive de 34 à 51 milliards. La sécurité sociale et les comptes de l'Etat accusaient un dérapage de 37 à 52 milliards, principalement imputable à la situation financière de l'Etat, avec des pertes de recettes de 15 à 17 milliards, et à un dérapage des dépenses de 12 à 20 milliards.
    Or, mes chers collègues, je n'ai jamais entendu ni M. Juppé, ni M. Chirac, et encore moins M. Tron, demander pardon pour cette gestion désastreuse ! On peut pourtant la comparer à l'audit de l'exercice de 2002 que vous avez commandé puisqu'il évalue le besoin de financement des administrations publiques entre 2,3 et 2,6 %, soit déjà 1 point de moins que celui du gouvernement Juppé. Vous pouvez certes nous reprocher que ces taux soient beaucoup plus élevés que ceux figurant dans la loi de finances initiale en septembre 2001, mais vous me permettrez de rappeler que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a rapidement corrigé ce chiffre au printemps pour le porter à 1,8 ou 1,9 %, quand les conséquences de la dégradation conjoncturelle venue des Etats-Unis, amplifiées par la catastrophe du 11 septembre, ont pu être mieux appréciées.
    Ce rappel permet de relativiser le prétendu dérapage dont vous faites état et de mettre mieux en évidence l'amélioration de l'état de nos finances publiques depuis 1997, puisque le déficit se situe désormais entre 2,3 et 2,6 % du PIB, alors que, avec la soulte de France Télécom, il était à près de 4 %.
    Ajoutons que, parallèlement à cette baisse de 1 % du déficit en cinq ans, nous avons diminué de plus de 900 000 le nombre de chômeurs et procédé à une réduction sans précédent des prélèvements obligatoires, mais en en faisant systématiquement et prioritairement bénéficier les plus modestes, y compris pour ce qui touchait à l'impôt sur le revenu. Certes, nous avons réduit le taux applicable à toutes les tranches, mais plus particulièrement celui des tranches basses. Nous avons également baissé la taxe d'habitation et créé la prime pour l'emploi pour répondre à une préoccupation très largement partagée : la revalorisation du revenu net des salariés. Autant de résultats qui sont loin, vous le voyez, d'être aussi catastrophiques que vous le prétendez ; et c'est précisément cela qui vous conduit à noircir le tableau, par des moyens qui s'apparentent à ce que M. Méhaignerie appelle « le mensonge d'Etat ».
    Comme l'a souligné tout à l'heure Didier Migaud, votre collectif procède d'une curieuse analyse de la situation financière et d'une lecture très sélective de l'audit que vous avez commandé. La grande prudence dont ont fait preuve ses auteurs dans la présentation de leurs résultats ne vous autorise pas, monsieur le ministre, à retenir le niveau supérieur de cette fourchette. Faut-il vous rappeler quelques-unes des précautions prises par les deux auditeurs ? Ils ont bien prévenu que les prévisions d'évolution des recettes se sont révélées particulièrement difficiles, en raison de circonstances particulières, que l'administration fiscale a connu quelques perturbations informatiques, sources de décalage dans le recouvrement de l'impôt, notamment de l'impôt sur le revenu, ou encore que la création de la direction des grandes entreprises au sein de la direction nationale des impôts, si elle a constitué un indéniable progrès, n'en a pas moins induit une perturbation, limitée dans le temps, mais réelle, par exemple au niveau du rythme de remboursement de la TVA. Je lis un peu plus loin : « L'incertitude est particulièrement élevée en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés - une quarantaine de millions -, car la détermination de la masse imposable obéit non seulement à la conjoncture de l'année antérieure, mais à de nombreux facteurs de prise en compte délicate. » Encore un peu plus loin : « L'échéance de notre audit, fin juin, nous empêche de disposer des recouvrements de ce même mois, alors que ces recouvrements constitueront les premières données réellement significatives du futur versement global de l'impôt sur les sociétés 2002. » Or ces données ne seront disponibles qu'à la mi-juillet. Dans ces conditions, comment pouvez-vous affirmer que le dérapage sera aussi élevé que vous le prétendez et systématiquement retenir la fourchette supérieure ? En fait, vos affirmations excessives trahissent votre véritable préoccupation : en focalisant ainsi l'attention sur les prévisions les plus sombres de l'audit, vous cherchez à noircir volontairement la situation dans un but purement politicien.
    Mais vos réévaluations des recettes et des dépenses posent elles aussi question et s'apparentent à ce mensonge d'Etat, qu'il s'agisse de la réduction de 1,22 milliard d'euros au titre du report du versement de la créance de l'UNEDIC ou de la révision à la baisse des dividendes versés par les entreprises publiques. Si la plupart de ces opérations sont neutre, en termes de déficit public, ce n'est pas le cas en termes de déficit de l'Etat. Il est clair que vous avez décidé de vous choisir un symbole, celui de la prétendue mauvaise gestion du gouvernement précédent, que rien ne vous permet de démontrer. Sans doute voulez-vous répondre à la volonté du Premier ministre de « réenchanter » les Français. Vous savez bien que vous n'y parviendrez pas avec votre politique. Aussi vous faut-il commencer par noircir le plus possible celle de vos prédécesseurs afin que la vôtre apparaisse un tant soit peu attrayante. Or les Françaises et les Français ont besoin de vérité sur l'état de l'économie et des finances publiques, et non d'obscurité.
    Sans ces artifices, vous seriez incapables de justifier l'urgence du dépôt d'un projet de loi de finances rectificative. Car si la situation est effectivement moins bonne en exécution que ce que prévoyait la loi de finances initiale, cela est uniquement dû, et vous le savez fort bien, à la conjoncture économique mondiale - que nous avions au demeurant prévue, même si nous ne disposions pas des moyens d'en prédire totalement l'ampleur.
    Au total, le budget de l'année 2002 que nous avions voté et mis en oeuvre visait bien, comme l'indiquait le titre du rapport présenté par Didier Migaud, à absorber les chocs pour préparer le rebond dans le cadre de la politique visant à maintenir et renforcer la croissance que nous avons suivie avec succès depuis 1997. Et c'est précisément cette préparation qui vous permet aujourd'hui d'envisager une croissance à 3 % pour l'année prochaine.
    Venez-en donc à ce projet injuste, inutile parce qu'économiquement irrationnel, et dangereux pour l'avenir.
    Injuste, c'est le qualificatif qui vient aussitôt à l'esprit lorsque l'on constate que la principale mesure consiste en une baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu.
    J'ai été stupéfait d'entendre M. le ministre des finances nous expliquer que cette disposition allait revaloriser le pouvoir d'achat ! Les 10 % de contribuables qui appartiennent aux catégories les plus aisées de France, avaient-ils vraiment besoin, monsieur le ministre, de ces 1 000 francs à 10 000 francs supplémentaires pour améliorer leur pouvoir d'achat ?
    M. François Grosdidier. Bien sûr !
    M. Augustin Bonrepaux. Et que pensez-vous de la revalorisation du pouvoir d'achat des smicards, de ces smicards qui viennent d'écrire - lisez Libération - à M. le Premier ministre pour lui expliquer qu'avec un SMIC, on ne vit pas, on survit seulement ?
    M. Michel Bouvard. Qu'avez-vous fait vous ?
    M. Augustin Bonrepaux. Pour ceux-là, vous n'avez rien prévu, monsieur le ministre. Votre cadeau, comme tout ce collectif et la politique que vous suivez depuis deux mois, ne s'adresse qu'aux plus privilégiés !
    M. François Grosdidier. Vous aussi devriez demander pardon !
    M. Augustin Bonrepaux. Depuis deux mois, que faites-vous ? Vous refusez tout aux plus modestes et vous accordez tout aux plus aisés ! Ainsi, en dépit des difficultés, sur lesquelles vous insistez pourtant, de la sécurité sociale, vous n'avez pas hésité à inciter à porter à 20 euros la consultation des médecins. Or vous savez pertinemment que cela provoque une réaction en chaîne, une escalade de l'ensemble des dépenses de santé. Car les infirmières et les puéricultrices aussi ont des revendications tout aussi justifiées.
    M. Michel Bouvard. Il y a des médecins au SMIC !
    M. Augustin Bonrepaux. Vous êtes tout aussi incapables que les responsables de l'audit de chiffrer et de justifier les prétendues économies qui seraient réalisées grâce aux génériques ou au contrôle des visites à domicile. Comment peut-on s'assurer qu'une visite est médicalement justifiée alors que l'on ne parvient déjà pas à le faire pour un arrêt de travail ? Vous incitez à un dérapage dont les plus défavorisés feront les frais. Comme l'ont déjà laissé imprudemment entendre plusieurs de plusieurs de vos ministres, vous devrez vous résoudre soit à augmenter les cotisations, soit à réduire les prestations, au détriment, une fois encore, des plus pauvres. Mais sur la revalorisation du SMIC, là, vous restez inflexible, vous refusez aux travailleurs les plus modestes le coup de pouce qui précisément relèverait leur pouvoir d'achat, leur niveau de vie et aurait à coup sûr un résultat indéniable sur la relance de la consommation et la croissance. Mais ces préoccupations-là, justice, relance de la consommation, vous restent étrangères. Vous les connaissez pourtant, puisque nombre de travailleurs, qui décidément nourrissent encore quelques illusions, en ont fait part en écrivant au Premier ministre.
    En fait, votre préoccupation essentielle se résume à faire des cadeaux fiscaux aux plus riches, puisque 10 % des personnes les plus aisées de notre pays en percevront 70 %, soit 1,8 milliard d'euros sur 2,5 milliards. Et les autres, la moitié des Français, eux, n'auront rien ! Aucune amélioration de leur pouvoir d'achat. Les 20 % des foyers les plus aisés bénéficieront d'une baisse d'au moins 150 euros, soit 1 000 francs ; pour les 1 % des plus riches, ce sera 1 500 euros, soit 10 000 francs : merci pour eux ! Leur pouvoir d'achat sera effectivement revalorisé ; mais pour tous les autres, les smicards, ceux qui perçoivent la prime pour l'emploi, il n'y aura rien.
    Je vous ai interrogé en commission des finances, monsieur le ministre, et je repose mes questions en séance publique afin d'éclairer notre débat de cet après-midi, en espérant que d'ici là, vous pourrez me répondre. Combien de bénéficiaires de la prime pour l'emploi bénéficieront d'une réduction d'impôt ? De combien sera-t-elle en moyenne ? Combien de smicards profiteront de vos 5 % ? Qu'est-ce que cela représentera en moyenne pour eux ? Combien de ménages avec deux SMIC et deux enfants bénéficieront de cette baisse d'impôt ? De combien sera-t-elle en moyenne ? Combien sur ces 2,5 milliards allez-vous consacrer à ces trois catégories ?
    Car il s'agit bien de travailleurs, monsieur le ministre ! de travailleurs qui travaillent ! « Il faut encourager ceux qui travaillent », avez-vous dit tout à l'heure. C'est bien le cas de ceux dont je vous parle, mais je crains fort que, sur vos 2,5 milliards, vous ne leur accordiez pas grand-chose. Comment comptez-vous corriger cette injustice ? Vos réponses devraient éclairer nos débats ; pour l'heure en tout cas, nous ne pouvons que la dénoncer.
    Et pourtant, une mesure de justice était facile. Vous disposez de tous les instruments pour cela, que ce soit une réduction de la taxe d'habitation, que ce soit l'amélioration de la prime pour l'emploi. Avec ces 2,5 milliards, vous pourriez tripler la prime pour l'emploi en donnant 1 000 francs de plus. Savez-vous au moins ce que cela représente dans le salaire d'un smicard ? Bien plus que les 1 000 francs que vous avez accordés aux 10 % des catégories les plus riches de France.
    Cette injustice, vous l'amplifiez encore par les mesures qui s'annoncent : non seulement les plus modestes ne bénéficieront d'aucune amélioration de leur revenu, réservée aux plus aisés, mais ils supporteront de plein fouet les augmentations à venir.
    Certes, M. le ministre du budget nous a expliqué tout à l'heure que la suppression de la TIPP flottante n'aurait pas d'incidence sur les prix des carburants. Nous verrons bien. Mais au fait, pourquoi supprimez-vous ce dispositif, puisque cela n'aura aucune incidence ? Rappelons au passage que M. Balladur et M. Juppé avaient augmenté les impôts indirects : vous semblez reprendre la même tendance. Pourtant, cela frappera tous les secteurs de l'activité économique, mais aussi les agriculteurs et les salariés dans leurs déplacements de travail - en d'autres termes les plus modestes ; sans oublier évidemment toutes les futures augmentations, EDF et autres, et les réductions des prestations de santé.
    Ainsi, contrairement au raisonnement simpliste défendu par le Premier ministre, l'effet de relance et d'amélioration des conditions de vie des plus modestes lié à une élévation du niveau de vie des plus aisés reste à démontrer.
    M. Jean-Claude Lefort. Ça oui !
    M. Augustin Bonrepaux. On nous explique que si l'on donne un peu plus aux riches, les plus modestes vont en bénéficier. Ce discours bien difficile à comprendre s'apparente étonnamment au raisonnement simpliste avancé en d'autre temps par le président Reagan, qui parlait d'une montée de la marée entraînant tous les bateaux, y compris les plus petits, pour justifier ses cadeaux fiscaux aux plus aisés et son désintérêt total pour les ménages modestes.
    M. Jean-Pierre Brard. Marie-Antoinette aussi tenait ce discours !
    M. Augustin Bonrepaux. Ce matin, nous n'avons rien entendu dans la bouche du ministre des finances ou de celui du budget sur ces catégories modestes, sur cette moitié des Français, qui travaille et qui est malheureusement oubliée dans ce collectif.
    De surcroît, il est impensable que ces dépenses nouvelles puissent s'autofinancer. Non seulement vous ne faites que des cadeaux fiscaux aux plus hauts revenus, au mépris de toute rationalité économique et de tout souci de justice fiscale, mais l'effet de relance que vous en escomptez sur la consommation des ménages reste, du fait précisément de son caractère socialement injuste, peu probable.
    M. Gérard Bapt. Très juste ! C'est cela, la vérité !
    M. Augustin Bonrepaux. La volonté qui était la nôtre de favoriser une croissance forte car solidaire, riche en emplois, a disparu. Or c'est le soutien à la consommation qui a permis à l'économie française d'affronter les difficultés de l'économie mondiale durant cinq ans. Nos mesures fiscales - plan de baisse des impôts, mise en place de la prime pour l'emploi - ont permis de soutenir la consommation des ménages, seul moteur interne de la croissance en 2001. Elles ont ajouté leur effet à la hausse du pouvoir d'achat liée à l'amélioration de l'emploi : plus de 900 000 chômeurs ont retrouvé du travail. Et c'est cette situation qui vous permet aujourd'hui d'espérer 3 % de croissance pour 2003. Vous avez, au moins pour votre part, l'honnêteté d'avouer, monsieur le ministre, que ce n'est pas un effet de relance que vous cherchez, puisque vous avez déclaré qu'il s'agirait fondamentalement d'une mesure d'offre et que votre objectif n'était pas de vous lancer dans une politique keynésienne, c'est-à-dire de relancer la machine par la demande. Tout juste concédez-vous que si, par hasard, une partie de l'argent réinjecté était dépensé et non épargné, ce serait positif pour notre économie. Quel aveu !
    M. Gérard Bapt. Eh oui ! Quel aveu !
    M. Augustin Bonrepaux. Il est certain en effet que votre cadeau fiscal sera épargné par les hauts revenus, et non consommé. Ce qui, une fois encore, pose la question du bien-fondé d'une telle mesure.
    Enfin, votre collectif engage des tendances que Didier Migaud a déjà dénoncées tout à l'heure. Je vous conseille de relire son intervention, monsieur le ministre, parce qu'elle souligne les dangers auxquels vous nous exposez pour l'avenir.
    En effet, après avoir dénoncé une situation catastrophique, vous l'aggravez, à court terme, par cette baisse d'impôt, mais aussi à long terme, en renonçant totalement à maîtriser les dépenses. Car si la situation est aussi catastrophique que vous le prétendez, pourquoi diminuer les recettes, pourquoi augmenter les dépenses ? Que signifie cette annonce par le Premier ministre « d'une volonté de contenir la progression des dépenses par rapport à des résultats rebasés » ? Vous-même avez d'ailleurs repris cette expression tout à l'heure. Tout simplement que les dépenses ne progresseront pas de 0,2 %, comme vous l'avez annoncé, mais de plus de 1 % en un an, selon un mode de calcul communément accepté jusqu'ici, qui consiste à calculer la progression des dépenses publiques par rapport à la loi de finances initiale précédente. C'est en nous basant sur ce mode de calcul que nous avons respecté durant la législature précédente une règle de progression de 1 % sur trois ans. Et vous, vous le ferez en un an !
    Que sont devenues vos bonnes résolutions, mes chers collègues, sur la maîtrise des dépenses publiques ? Sans doute avez-vous déjà senti et identifié le danger, monsieur le ministre délégué au budget, ce qui expliquerait pour une part vos hésitations de la semaine dernière à propos de la pérennisation de la baisse d'impôt. Symbole éminent de cette hésitation, la forme choisie pour inscrire cette mesure dans ce collectif, sous la forme non d'une baisse des taux de chaque tranche, qui aurait été inscrite pour l'avenir, mais d'une mesure temporaire dont le renouvellement n'est en rien assuré en 2003.
    Au demeurant, si vous la renouvelez,...
    M. Gérard Bapt. Ce n'est d'ailleurs pas souhaitable !
    M. Augustin Bonrepaux. ... il faudra nous expliquer comment vous comptez simultanément financer les dépenses souhaitées par M. le Président de la République et augmenter les crédits de la défense, de la police, de la justice, qui pour nous étaient déjà une priorité ; et surtout il faudra indiquer celles que vous allez réduire.
    Monsieur le ministre, vous êtes ici pour répondre au Parlement. Je souhaite donc que vous nous indiquiez comment vous allez réussir ce délicat exercice d'équilibre qui consiste à diminuer les recettes, réduire le déficit et augmenter les dépenses... Il serait par exemple intéressant de répondre à l'interrogation de M. Méhaignerie, qui s'inquiète des dépenses du logement, ou aux nôtres à propos des services publics ou de l'éducation nationale, ou encore à celles des territoires ruraux qui doutent de la pérennité des moyens attribués à l'aménagement du territoire. Jusqu'à présent, nous n'avons pas eu de réponse. J'espère que vous pourrez vous rassurer tout à l'heure.
    M. René Couanau. Les réponses, on les attend depuis cinq ans !
    M. Jean-Louis Idiart. Il n'est jamais trop tard pour bien faire !
    M. Augustin Bonrepaux. Vous qualifiez les journalistes qui peinent à interpréter vos propos divergents, parfois même au sein de votre ministère, d'« artistes ». Je crains plutôt que certains membres du Gouvernement ne se transforment en intermittents du spectacle, cela dit avec tout le respect que je dois à cette profession, qui ne mérite pas cette comparaison. (Sourires.)
    M. Carrez, qui n'est pas présent...
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Si, je suis là, monsieur Bonrepaux !
    M. Augustin Bonrepaux. Ah oui, j'avais oublié que vous étiez rapporteur général !
    M. François Grosdidier. La majorité a changé, souvenez-vous !
    M. Augustin Bonrepaux. M. Carrez va devoir nous expliquer comment il pourra continuer à tenir les mêmes propos que quand il était dans l'opposition. Ecoutez bien : « La multiplication des promesses électorales non financées a pour effet mécanique de creuser le déficit et de transférer les charges sur les générations futures. »
    M. Nicolas Forissier et M. Hervé Novelli. C'est vrai !
    M. René Couanau. Et alors ?
    M. Augustin Bonrepaux. Je l'ai demandé tout à l'heure à MM. les ministres, et je le lui demande aussi : comment allez-vous faire pour tenir les promesses du Président de la République,...
    M. Hervé Novelli. Vous verrez bien !
    M. Augustin Bonrepaux. ... entre autres la baisse des impôts. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Tron exigeait, il y a quelques instants, que nous demandions pardon. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Philippe Cochet. A juste raison !
    M. Augustin Bonrepaux. Mais lui n'a jamais demandé pardon. Pas plus que M. Chirac et M. Juppé !
    M. Georges Tron. Ils n'ont pas ruiné la France, comme vous !
    M. le président. Monsieur Tron, ne vous énervez pas !
    M. Augustin Bonrepaux. Ils n'ont jamais demandé pardon pour leur gestion calamiteuse en 1997 !
    M. Georges Tron. Vous avez ruiné la France deux fois de suite : 340 milliards de déficit en 1993 ! Et 6 500 milliards de dettes !
    M. Augustin Bonrepaux. M. Tron non plus, bien qu'il y ait contribué !
    M. Georges Tron. Vous ruinez la France tous les dix ans. Vous avez été les champions dans ce domaine !
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le rapporteur général, j'espère que vous allez nous expliquer comment on peut à la fois réduire les impôts, donc diminuer les recettes, et diminuer le déficit tout en augmentant les dépenses prioritaires. Qui va en faire les frais ? Moi, je le sais.
    M. René Couanau. Voici les angoisses de Bonrepaux !
    M. Augustin Bonrepaux. Ce sont toujours les mêmes, les plus modestes. Ce sont toujours eux que vous prenez pour cible.
    Et qu'arrivera-t-il si la croissance, que vous n'encouragez pas,...
    M. Hervé Novelli. Ah bon ?
    M. Georges Tron. Parce que vous, vous l'avez encouragée ?
    M. Jean-Michel Fourgous. Avec les 35 heures ?
    M. Augustin Bonrepaux. ... n'était malheureusement pas au rendez-vous - d'ailleurs, avec vos mesures, vous commencez à en réduire les effets.
    Mme Sylvia Bassot. Que vous aviez déjà largement entamés !
    M. Augustin Bonrepaux. Et si elle n'atteignait pas les 3 % en 2003, avec une progression aussi forte des dépenses publiques et la baisse - que vous accentuez - des recettes fiscales, le solde des finances publiques risque fort de se dégrader, comme en 1997.
    M. Georges Tron. Vous plaisantez ! C'est faux et c'est votre propre audit qui l'a démontré !
    M. Augustin Bonrepaux. Ça ne vous fait pas plaisir qu'on vous le rappelle, c'est normal !
    On peut penser, disais-je, que le solde des finances publiques va se dégrader.
    M. Georges Tron. 340 milliards de déficit en 1993, 300 milliards sur les comptes de l'Etat, 50 milliards sur les comptes sociaux !
    M. Augustin Bonrepaux. Et vous serez contraints...
    M. le président. Monsieur Tron, laissez parler l'orateur.
    M. Georges Tron. Il affabule !
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur Tron, nous sommes loin des 4 % que vous aviez laissés en 1997.
    M. Georges Tron. On leur donne des caisses pleines, ils les rendent vides ! Et ils nous donnent des leçons !
    M. le président. Monsieur Tron, n'en rajoutez pas, ça ne sert à rien !
    M. Augustin Bonrepaux. Et vous serez contraints de revenir sur vos promesses inconsidérées et d'abdiquer en faveur d'une politique de rigueur accentuée dont l'ensemble des Français, et plus particulièrement les plus modestes, feront les frais, comme ce fut déjà le cas dans le passé.
    Mme Sylvia Bassot. Avec vous !
    M. Augustin Bonrepaux. Car quand il s'agit de relever les prélèvements ou de diminuer les dépenses publiques, ce ne sont pas les seuls ménages aisés que vous avez en tête.
    Je vous rappelle que vous aviez augmenté la TIPP et la TVA, bref des contributions qui concernent tout le monde. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Georges Tron. En 1999, il y a eu des prélèvements obligatoires records - 47,7 % - avec M. Strauss-Khan !
    M. Augustin Bonrepaux. Aujourd'hui, votre principale préoccupation est de servir les plus aisés !
    Pour conclure, mes chers collègues, je souligne que des alternatives existent qui, contrairement aux mesures que vous nous proposez, permettraient d'accompagner et d'encourager le retour de la croissance.
    Un collectif budgétaire aurait pu se justifier s'il avait été fondé sur une volonté de tenir pleinement compte des effets, aujourd'hui mieux connus, du ralentissement économique mondial sur notre économie et nos finances publiques. Il aurait été légitime s'il avait visé à encourager et accompagner le retour possible de la croissance pour la fin de l'année.
    Si vous tablez sur 3 % de croissance - j'y reviens -, c'est bien parce que la situation économique de notre pays que nous vous laissons est plutôt bonne.
    Mme Sylvia Bassot. Non, catastrophique !
    M. Augustin Bonrepaux. Alors, de grâce ! ne la freinez pas ! Encouragez-la, comme nous l'avons fait. Cela nécessiterait, dès maintenant, une action résolue en termes de relance de la consommation des ménages. Pour cela, vous aviez à votre disposition des outils simples, qu'il s'agisse de la prime pour l'emploi que nous avons mis en place ou de la baisse progressive de la taxe d'habitation. Cela aurait permis de redistribuer du pouvoir d'achat aux ménages, surtout aux plus modestes, et d'encourager la consommation qui a été, depuis 1997, le principal soutien de la croissance économique.
    Vous avez choisi la voie inverse, celle de l'affichage électoral, au mépris de la réalité et des nécessités économiques.
    C'est pourquoi je vous propose, mes chers collègues, de voter la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je serai bref puisque j'ai déjà répondu longuement à M. Didier Migaud et que l'intervention de M. Augustin Bonrepaux comporte des éléments communs avec celle de son collègue.
    S'agissant du sujet qui l'inquiète, c'est-à-dire les écarts constatés respectivement dans l'audit de 1997 et dans celui de 2002, je lui répondrai que, en recettes, l'écart était de 17 milliards de francs en 1997 et qu'il est de 41 milliards en 2002. En dépenses, l'écart était de 15 milliards en 1997, il est de 78 milliards aujourd'hui.
    Le dérapage est donc trois fois supérieur à celui constaté en 1997, alors que vous avez bénéficié, monsieur Bonrepaux, pendant quatre années d'une croissance remarquable tandis qu'elle a été extraordinairement faible en 1996 et 1997.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Absolument !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. J'ajoute que la dette s'est alourdie de 40 % et que son aggravation en stock est de 1 400 milliards en cinq ans.
    Monsieur Bonrepaux, cela justifie bien que le collectif prenne acte de l'audit pour les raisons constitutionnelles que je vous ai indiquées tout à l'heure !
    Vous avez peur que nous soyons tout à coup habités d'une excessive ardeur dépensière. Seriez-vous contre le fait que nous soyons obligés d'ouvrir des crédits de 700 millions d'euros pour financer le RMI ? Et les 475 millions d'euros de compensation des exonérations de charges sociales,...
    M. Georges Tron. Non financés !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... êtes-vous contre ?
    Les 445 millions d'euros pour l'aide médicale d'Etat,...
    M. Georges Tron. Non financés !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... êtes-vous contre ?
    Les 380 millions d'euros pour les opérations militaires extérieures, les 294 milliards de dépenses de personnel militaire, qui sont des dettes, êtes-vous contre ? Les 290 millions d'euros pour les subventions au BAPSA, les 220 millions d'euros pour la couverture maladie universelle, j'imagine que vous n'êtes pas contre non plus ? Pas plus que vous n'êtes contre les 150 millions d'euros pour l'allocation adulte handicapé, les 137 millions d'euros pour les engagements du précédent gouvernement !
    M. Georges Tron. Voilà un milliard d'euros de dépenses sociales non financées !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je ne doute pas, monsieur le député, que vous approuviez ces ouvertures de crédits. C'est la raison pour laquelle je propose à l'Assemblée nationale, au nom du Gouvernement, de rejeter la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Jean-Pierre Brard.
    M. François Grosdidier. Voici la revue de presse du matin !
    Mme Sylvia Bassot. Est-ce la Pravda que vous avez entre les mains monsieur Brard ?
    M. Jean-Pierre Brard. Oh ! Madame Bassot, je ne suis pas sûr que vous sachiez déchiffrer les caractères cyrilliques, mais, si vous voulez, je peux parler patois avec vous.
    M. Jean-Claude Lefort. Ce n'est pas orthodoxe !
    M. le président. Il n'en est pas question ! Nous avons déjà parlé des moquettes du Sénat ! Alors, poursuivez, monsieur Brard !
    M. Jean-Pierre Brard. Mme Bassot s'aventure sur un terrain incertain. Dans notre Normandie natale, pourtant, qui est faite de bocage, il faut se méfier des fossés !
    Monsieur le ministre délégué, vous avez répondu mais vous n'avez pas convaincu. C'est normal puisque c'est la première fois que vous venez ici. (Sourires.)
    L'objet de la question préalable qui vient d'être défendue est de démontrer qu'il n'y a pas lieu de délibérer. Et c'est le cas ! Certes, vous avez recours à des sophismes, ce qui montre que vous avez plusieurs cordes à votre arc et que la philosophie ne vous est pas étrangère.
    Vous nous demandez : « Etes-vous contre le paiement du RMI et des allocations pour les adultes handicapés ? »
    M. François Grosdidier. Puisque vous allez voter contre !
    M. Jean-Pierre Brard. Est-ce que je vous demande, monsieur le ministre délégué, si vous préférez être malade ou en bonne santé ? La réponse est évidente.
    M. Nicolas Forissier. Pourquoi n'avez-vous pas financé ces mesures ?
    M. Jean-Pierre Brard. Vous qui êtes encore novice, écoutez donc ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Georges Tron. Voilà près de dix ans qu'il est élu !
    M. Jean-Pierre Brard. C'est qu'il n'a guère rallongé les débats jusqu'à présent ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Pas quand vous étiez là, monsieur Brard !
    M. Georges Tron. Demandez-lui pardon !
    M. Jean-Pierre Brard. Messieurs les ministres, que critiquons-nous surtout dans votre collectif budgétaire ? C'est la baisse des impôts, en particulier pour les plus riches. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. François Grosdidier. Ce sont ceux qui en paient !
    M. Jean-Pierre Brard. On l'a déjà dit.
    On l'a déjà dit, 1 % des contribuables vont bénéficier de la manne.
    Vous parlez d'audit. Certes, il y a bien les deux auditeurs que vous avez évoqués. Mais il y en a d'autres, qui ne sont pas sans talent et qui écrivent, par exemple, dans la revue Challenges, dont je vous recommande de lire la dernière livraison, à vos moments perdus. Et si vous n'en avez plus beaucoup, raison de plus pour les utiliser à bon escient ! (Sourires.)
    Qu'y lit-on, par exemple, à propos de Liliane Bettencourt ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Je n'ai malheureusement pas la chance de la connaître personnellement. En revanche, je connais beaucoup d'associations caritatives qui pourraient bénéficier de ses largesses.
    M. Georges Tron. Quel rapport avec l'explication de vote ?
    M. Jean-Pierre Brard. En quatre ans, la fortune de la fille du fondateur de L'Oréal a progressé de 70 %.
    M. Jean-Michel Fourgous. Sous un régime de gauche !
    M. Jean-Pierre Brard. Quant à Bernard Arnault, avec 13,6 milliards d'euros, et malgré ses déboires dans Internet, il reste la deuxième fortune de France.
    M. Jean-Michel Fourgous. Sous un régime de gauche, les riches deviennent de plus en plus riches !
    M. Jean-Pierre Brard. Je vous fais grâce de tous les autres, nous aurons du temps pour y revenir dans le débat.
    En fin de compte, ce que vous auriez dû nous proposer, c'est une manière de réduire le chômage. Et pour réduire le chômage, il faut trouver de l'argent.
    M. Bernard Accoyer. Il ne pense qu'à ça !
    M. Jean-Pierre Brard. Or, de l'argent, il y en a !
    M. François Grosdidier. Non ! Il n'y en a plus !
    M. Jean-Pierre Brard. Pourtant, ce que vous faites, c'est prélever sur les finances publiques de quoi remplir des poches déjà bien fournies. Vous auriez dû, pour trouver de l'argent, vous intéresser aux manipulations de M. Messier ou de M. Bon.
    Il ne fallait donc pas réduire l'impôt (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), mais au contraire l'augmenter pour les plus riches, ou envisager l'instauration d'un impôt sur les transactions spéculatives. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    J'ai le sentiment, messieurs les ministres, que vous êtes loin de ces réalités. Je vous invite donc, en particulier M. Mer, à venir dimanche prochain sur le marché de la Croix de Chavaux, dans ma bonne ville de Montreuil. Nous continuerons par une visite dans nos cités HLM ou dans nos petits pavillons.
    Plusieurs députés de l'Union pour la majorité présidentielle. Nous avons tous des HLM dans nos communes !
    M. Jean-Pierre Brard. Vous rencontrerez là des gens qui n'appartiennent pas à la catégorie que vous nommez « tous les Français », c'est-à-dire les 16 millions, mais à l'autre, celle qui n'existe pas pour vous.
    Mme Sylvia Bassot. Vous n'avez pas le monopole des HLM !
    M. Jean-Michel Fourgous. Vous n'êtes même pas né à Montreuil !
    M. le président. Monsieur Fourgous, madame Bassot, du calme !
    M. Jean-Pierre Brard. Ce sont des novices, monsieur le président !
    M. le président. Par rapport à vous, certes !
    M. Jean-Pierre Brard. Messieurs les ministres, décidément, vous êtes trop en haut pour voir ce qui est en bas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. C'est grotesque !
    M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.
    M. Michel Bouvard. Monsieur le président, mes chers collègues, le groupe RPR (Rires et exclamations sur divers bancs) - je veux dire le groupe UMP, bien évidemment, c'est-à-dire les élus RPR, UDF et libéraux qui y siègent,...
    Un député du groupe socialiste. Quel aveu sur l'hégémonie de l'UMP !
    M. Michel Bouvard. ... ne votera pas cette question préalable.
    J'ai le sentiment - je sais bien que c'est la loi du genre - que M. Bonrepaux a passé beaucoup plus de temps à justifier la gestion passée et à critiquer le contenu du collectif qu'à nous dire pourquoi nous n'en aurions pas besoin.
    Or, le collectif est indispensable avant tout pour mettre de l'ordre dans les finances publiques. Il est d'autant plus justifié que nous avons adopté une loi organique sur les lois de finances qui - même si elle n'est pas applicable immédiatement - nous recommande, en quelque sorte, de mettre à jour la comptabilité publique aussi souvent que nécessaire.
    Il nous faut tirer les conséquences des déficits ainsi que de certains errements commis au moment de l'adoption de la dernière loi de finances de la législature précédente. Souvenons-nous dans quelles tristes circonstances ont été financées les mesures en faveur de la police et de la gendarmerie : à partir de reports et de redéploiements quasi fictifs, puisque les articles budgétaires n'existaient même plus.
    M. Bernard Accoyer. Très juste, il fallait le rappeler !
    M. Michel Bouvard. Des crédits de 800 millions ont été accordés à chacune, grâce à la suppression de financements dont on savait qu'ils étaient obligatoires. Je pense aux 4 900 000 euros pour le financement des élections présidentielles...
    M. Bernard Accoyer. C'est de la cavalerie !
    M. Michel Bouvard. ... chapitre 37-61 du ministère de l'intérieur et aux 6 742 500 euros pour celui des élections législatives. Je pense à ce qui a été enlevé à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, et à diverses mesures sociales...
    M. Bernard Accoyer. On n'entend plus l'opposition !
    M. Michel Bouvard. ... en faveur des personnes handicapées, entre autres, chapitre 46-31, titre IV, du ministère de la santé et de la solidarité.
    Nous avions fait ces observations à l'époque. Et le Conseil constitutionnel, même s'il n'a pas donné suite à notre recours, a néanmoins écrit, en s'appuyant sur l'ordonnance du 2 janvier 1959, qui est toujours en vigueur : « Lorsque des dispositions d'ordre législatif ou réglementaire doivent entraîner des charges nouvelles, aucun projet de loi ne peut être définitivement voté, aucun décret ne peut être signé tant que ces charges n'ont pas été prévues, évaluées et autorisées dans les conditions fixées par la présente ordonnance. » Il précise que « ces dispositions n'imposent pas de prévoir dans la loi de finances initiale les conséquences budgétaires de décisions à venir dont le coût, la date et les modalités de mise en oeuvre restent à déterminer ». Le Conseil constitutionnel, lorsqu'il a pris sa décision sur notre recours relatif à la loi de finances pour 2002, a convenu qu'il y avait bien lieu de trouver très rapidement les adaptations nécessaires. C'est justement ce que prévoit ce collectif.
    J'ajouterai deux remarques.
    Le rapport Bonnet-Nasse a mis un certain nombre de choses en évidence, mais il n'a pas encore tout dit.
    Nous aurons un autre rendez-vous dans quelques mois, et je ne sais pas si nous serons aussi nombreux, ce sera la loi de règlement, et nous reparlerons du rapport de la Cour des comptes sur l'exécution des lois de finances pour 2001. Là, on s'aperçoit que les bombes à retardement sont tout de même relativement nombreuses.
    Ce rapport parle évidemment des défauts sur les dépenses d'entretien du patrimoine de l'Etat. Il évoque, par exemple, le volume des autorisations de programme provisionnelles dans le budget des routes : on en est à deux années et demie de programmation. Il souligne de nombreux points qui montrent bien qu'une clarification des dépenses budgétaires est nécessaire.
    On y trouve aussi un élément intéressant pour le débat sur la diminution de l'impôt sur le revenu de 5 %, c'est que l'impôt moyen par foyer imposé a augmenté de 3,2 % au cours de l'année 2001. Cela justifie parfaitement la réduction d'urgence de l'impôt sur le revenu puisque c'est un nouveau signal négatif en direction de tous les contribuables qui quittent notre pays, sujet mis en évidence par M. Charzat en son temps et qui avait d'ailleurs beaucoup intéressé M. Migaud.
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur le député.
    M. Michel Bouvard. Je termine, monsieur le président.
    M. Bernard Accoyer. C'est important, monsieur le président.
    M. le président. Peut-être, mais M. Bouvard doit conclure.
    M. Michel Bouvard. Le 23 janvier 2002, dans une interview au Figaro, le rapporteur général de l'époque indiquait que les impôts pouvaient avoir un effet pervers car ils incitent de nombreux contribuables à délocaliser leur fortune ou leur patrimoine professionnel, au détriment de l'emploi.
    M. Bernard Accoyer. CQFD !
    M. Michel Bouvard. Telles sont les raisons pour lesquelles il y a lieu à délibérer. Nous appelons donc au rejet de cette question préalable.
    M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
    M. Charles de Courson. Le groupe UDF votera contre cette question préalable. Sinon, où irait-on, mes chers collègues ? (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.) On violerait la loi organique ! Vous refuseriez tout simplement de reconnaître ce que l'ancien rapporteur général a reconnu tout à l'heure dans son discours, c'est qu'il fallait tout de même recaler un petit peu tant en recettes qu'en dépenses. Alors, écoutons M. l'ancien rapporteur général et votons contre la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Je mets aux voix la question préalable.
    (La question préalable n'est pas adoptée.)

Discussion générale

    M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Charles de Courson.
    M. Charles de Courson. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative pour 2002 traduit deux axes de l'action gouvernementale : il s'agit, d'une part, de mettre fin au mensonge d'Etat qu'a constitué la présentation par M. Laurent Fabius en octobre 2001, tant en dépenses qu'en recettes, du projet de loi de finances pour 2002, et, d'autre part, d'encourager le travail par une première mesure de baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu.
    Sur le souci d'honnêteté et de transparence du Gouvernement, le groupe UDF ne peut qu'approuver une telle orientation. Il ne peut que regretter une chose, c'est que le ministre soit trop modéré dans la critique du précédent gouvernement.
    M. Jean-Pierre Brard. Extrémiste, va !
    M. Charles de Courson. En effet, lors de mon intervention au nom du groupe UDF, le 16 octobre 2001, j'avais qualifié, avec Pierre Méhaignerie, de mensonge d'Etat le projet de budget pour 2002 présenté par Laurent Fabius. J'avais fait un pronostic qui s'est hélas ! révélé exact : « Vous continuez à laisser déraper la dépense sans vous rendre compte que vous nous laisserez comme à la fin de 1992 et au début de 1993 un trou béant. »
    M. Jean-Pierre Brard. C'est de l'autosatisfaction !
    M. François Grosdidier. Il aurait préféré se tromper !
    M. Charles de Courson. Quels sont les faits aujourd'hui tels qu'ils résultent de l'audit des finances publiques, que l'opposition d'ailleurs ne conteste pas, et du projet de loi de finances rectificative qui nous est proposé ?
    M. Fabius avait prévu un déficit budgétaire de 30,5 milliards d'euros en 2002. Nous en sommes à 43,5 milliards : 13 milliards de plus, 43 % d'augmentation. Ce n'est pas mal ! En 1993, la gauche avait fait encore plus fort. L'écart était à ce moment-là de 20 milliards d'euros : 25 milliards prévus en loi de finances initiale 1993 par M. Bérégovoy et, en exécution, 45 milliards de francs. Au fond, Laurent Fabius aura fait les deux tiers de la performance de Pierre Bérégovoy. Ce n'est déjà pas si mal !
    M. Jean-Pierre Brard. Parlez-nous de ce qu'a fait Balladur !
    M. Charles de Courson. Deuxième remarque, sur la croissance des dépenses de l'Etat. L'ancien gouvernement avait prévu une hausse de 2 % en valeur, c'est-à-dire de 5,2 milliards d'euros, ou encore une hausse en volume de 0,5 % puisqu'il était prévu une inflation prévisionnelle de 1,5 %. Quelle est la réalité ? On est au double. Au lieu d'avoir 5,2 milliards, on est à 10,6 milliards d'augmentation.
    M. Bernard Accoyer. 100 % d'erreur !
    M. Charles de Courson. M. Fabius ne pouvait ignorer l'essentiel de ces charges supplémentaires, et j'ai été étonné de certains propos de l'ex-rapporteur du budget.
    Comment expliquer qu'il y ait 0,9 milliard d'euros afférents à 2001 non budgétés dans le budget de 2002, liés à des dettes à l'égard de la CNAV, sur le RMI, l'AAH ou l'API ?
    Quant aux loyers de la gendarmerie, cela faut six mois que, dans ma circonscription, à Vertus, pour être précis, ils ne sont plus payés. Quand le maire s'en est inquiété, on lui a répondu qu'il n'y avait plus de crédits. Or c'était parfaitement prévisible.
    M. Hervé Novelli. Oui !
    M. Charles de Courson. C'est nous qui sommes obligés de réinscrire des crédits pour payer les loyers impayés depuis des mois des gendarmeries, propriétés des collectivités territoriales dans lesquelles sont les gendarmeries, service de l'Etat.
    M. Hervé Novelli. C'est scandaleux !
    M. Charles de Courson. Et on nous dit qu'on ne savait pas ? Vous saviez parfaitement !
    Quant au BAPSA, j'en connais un petit morceau puisque j'ai été rapporteur pendant cinq ans.
    M. Jean-Pierre Brard. Comme cultivateur !
    M. Charles de Courson. Dans mon rapport écrit, en octobre 2001, j'avais expliqué qu'il y avait un déficit prévisionnel de 200 millions d'euros sur 2001 et qu'on ne pouvait pas faire moins de 200 millions de déficit supplémentaire en 2002. Le déficit prévisionnel est à un peu plus de 500, 550 millions d'euros, c'est-à-dire qu'on est à 750 millions d'euros de déficit. Quand j'interrogeais M. Glavany sur des recettes surévaluées ou des dépenses sous-évaluées, il ne répondait pas...
    Vous devez donc faire repentance, comme disait M. Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. Vous me confondez avec Mgr Olivier de Béranger !
    M. Charles de Courson. Même si vous êtes les premiers à le faire, cela vous honorerait. Je ne pense pas que le débat budgétaire gagne à avoir des documents totalement insincères puisqu'il n'y a alors plus de discussion digne de ce nom dans cet hémicycle.
    Au total, les dépenses du budget de l'Etat vont augmenter cette année de 3,8 %, soit presque deux fois plus que prévu et, en volume, elles n'augmenteront pas de 0,5 % mais de 2,3 %, presque cinq fois plus. J'avais dit à M. Fabius que ce pourcentage de 0,5 % ne tenait pas ! Il avait, en plus, truffé le projet de budget pour 2002 de ce que j'appelle « les farces et attrapes budgétaires »,...
    M. Jean-Pierre Brard. Ça a l'air très drôle !
    M. Hervé Morin. C'est classique chez Fabius !
    M. Charles de Courson. ... c'est-à-dire toute une série de contractions, l'utilisation des prélèvements sur recettes pour dissimuler la réalité de la hausse.
    J'en avais d'ailleurs fait une analyse assez longue dans mon discours de l'époque.
    Troisième point, les recettes fiscales de l'Etat.
    M. Fabius nous annonçait une hausse de 2,2 %, 250,4 milliards d'euros. En fait, on atteindra péniblement les 245 milliards d'euros. Par parenthèse, c'est quasiment le même chiffre que l'exécution 2001. Là encore, M. Fabius ne pouvait pas ignorer les statistiques mensuelles de la direction générale des impôts et de la direction des douanes sur la TVA. Je les lui ai sorties en lui expliquant qu'il sous-estimait déjà la réalisation 2001. Or on était en octobre et lui avait un mois d'avance sur nous, puisque les ministres ont au moins un mois d'avance par rapport au Parlement pour la notification des résultats mensuels. Et je lui avais dit aussi qu'il sous-estimait les perspectives économiques. Quand vous voyez qu'on va finir avec une recette de TVA cette année qui va être de l'ordre de 2,3 % dans le recalage alors qu'il avait prévu 5 %, ça fait tout de même beaucoup !
    Quant à l'IS, on l'avait averti, c'est un impôt extrêmement fragile. Dès que ça va bien, on a de très fortes augmentations. Dès que ça va mal, on a une forte chute. On va finir l'année avec une baisse de 9 %. Et on continuait à nous dire que la chute serait moins importante que prévu. On finira à 37,3 milliards selon les prévisions actuelles, en espérant que la situation ne continue pas à se dégrader, alors qu'il avait rapporté 41,2 milliards en 2001. On voit bien la très forte chute !
    Quatrième remarque, et j'adorerais développer ce point devant M. Fabius, le taux de prélèvements obligatoires.
    Au fond, la gauche aura constamment menti pendant cinq ans, car il n'y a pas une année pendant laquelle elle a été au pouvoir où les promesses de baisse de taux de PO ont été réalisées. On avait même parfois des inversions de signes, comme en 1999. Et que l'ex-rapporteur du budget ne dise plus jamais que la gauche a baissé les impôts. Elle a rendu aux contribuables une partie des résultats de la très forte hausse à laquelle elle a procédé.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Très juste !
    M. Charles de Courson. Le taux de prélèvements obligatoires est-il plus ou moins élevé que celui que la gauche a trouvé quand elle est revenue au pouvoir par hasard à la mi-1997 ?
    M. Jean-Louis Dumont. Par hasard ?
    M. Jean-Claude Bateux. La dissolution est hasardeuse !
    M. Charles de Courson. Eh bien, on est encore un peu au-dessus après avoir atteint un sommet historique en 1999.
    Enfin, voyons le niveau des déficits publics et, sur ce point, messieurs les représentants de l'opposition, toute l'opposition vous a mis en garde, pendant cinq ans.
    M. Jean-Louis Idiart. On est toujours plus intelligent dans l'opposition que dans la majorité !
    M. François Grosdidier. Ce n'est pas encore le cas. La cure d'opposition n'a pas été assez longue !
    M. Charles de Courson. Les déficits publics étaient abyssaux quand nous sommes arrivés au pouvoir en avril 1993 : 6,3 %, ramenés à 6 % après un collectif. Quand nous sommes partis, ils étaient à 3 %. Nous avons donc réduit les déficits publics de 3,3 % en quatre ans, avec une situation économique extrêmement difficile. Vous, vous avez trouvé un déficit à 3 %...
    M. Augustin Bonrepaux. 4 % !
    M. Charles de Courson. Non, 3,3 % pour être honnête, monsieur Bonrepaux.
    M. Augustin Bonrepaux. Regardez l'audit !
    M. Charles de Courson. ... et ils sont aujourd'hui à 2,6 %, c'est-à-dire qu'avec quatre années de l'une des plus fortes croissances depuis les quinze dernières années, vous n'avez été capables de réduire que de 0,4 ou 0,7 point, selon la façon dont on compte, le montant des déficits publics. C'est une performance calamiteuse !
    M. Jean-Louis Idiart. Oh !
    M. Charles de Courson. Aujourd'hui, nous sommes dans le bas du cycle, et il va falloir une nouvelle fois que l'actuelle majorité essaie de remonter la pente.
    M. Augustin Bonrepaux. Elle risque de faire du sur-place !
    M. Jean-Louis Idiart. Et Chirac va l'y aider...
    M. Charles de Courson. En conclusion de cette première partie, je voudrais dire une chose simple. Au fond, la gauche a été constante dans ses errements. Elle n'a pas failli à sa réputation de « dépensophile » et de laxiste budgétaire, pendant les cinq dernières années. Comme d'habitude, ce sera à cette majorité de redresser la situation, mais il conviendrait tout de même que l'ancien ministre des finances fasse repentance pour avoir présenté de faux bilans pour utiliser l'expression de la comptabilité privée.
    Le second objectif de ce collectif, c'est d'encourager le travail en réduisant de 5% le montant de l'impôt sur le revenu. Le groupe UDF souhaite que ce ne soient pas seulement les couches moyennes et supérieures de la société qui bénéficient de cet encouragement du travail, mais l'ensemble de ceux qui travaillent, qu'ils gagnent le SMIC ou dix fois le SMIC.
    Aussi le groupe UDF a-t-il déposé un amendement d'appel visant à accroître le salaire de tous ceux dont le salaire net est compris entre le SMIC et un SMIC et demi, en réduisant les charges sociales des salariés. Cet objectif, toute la majorité actuelle et, d'ailleurs, une partie même de l'opposition, y sont favorables. D'ailleurs, la majorité actuelle s'est engagée sur ce point devant les électeurs. Aussi, messieurs les ministres, le groupe UDF souhaiterait que vous précisiez dès aujourd'hui les intentions du Gouvernement en matière de revalorisation des salaires modestes et moyens.
    La meilleure solution technique nous paraît être un système de franchise sur les cotisations sociales salariées, et non pas sur la CSG. L'actuelle opposition avait essayé d'utiliser une réduction de la CSG pour encourager le travail, mais elle s'était heurtée à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, au nom du principe d'égalité. Il faudrait, selon nous, consacrer à la réduction des charges sociales salariées une somme équivalente à celle consacrée à la réduction de l'impôt sur le revenu.
    Au fond, ce que nous souhaitons tous, c'est que le SMIC s'écarte progressivement des minima sociaux. On ne peut accepter qu'une famille de trois enfants dont le père gagne le SMIC et la mère s'occupe des trois enfants ait un niveau de vie inférieur de 40 euros par mois à celui de la même famille au RMI. Avec deux enfants, c'est simplement 40 euros par mois de plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    La justice sociale, c'est de remettre la valeur travail au centre de notre société et d'en tirer les conséquences quant au niveau relatif des revenus du travail par rapport à ceux venant de la solidarité. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française et de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Troisième point, très bref, le groupe UDF souhaiterait des précisions sur les économies susceptibles d'être réalisées d'ici à la fin de l'année pour gager la dépense nouvelle de 2,5 milliards due à la baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu.
    M. Hervé Morin. Cela va être difficile...
    M. Charles de Courson. Le groupe UDF a toujours plaidé pour que la France revienne progressivement à l'équilibre budgétaire, conformément à nos engagements européens. Tout le monde sait que le retour dès 2004 à l'équilibre budgétaire n'est pas possible, à moins de réaliser 22 milliards d'euros d'économie par an. Cependant, il convient de gager les dépenses nouvelles décidées par le nouveau gouvernement que nous soutenons.
    Messieurs les ministres, à la question posée par le groupe UDF sur les annulations de crédits, vous nous avez répondu que vous procéderiez par voie de gels, puis d'annulations en fin d'année. Depuis la nouvelle loi organique, le Gouvernement doit notifier aux commissions des finances le contenu des gels de crédits. Le groupe UDF vous demande de protéger les investissements dont le niveau est déjà insuffisant, notamment pour les routes, comme le rappelait M. Bouvard, et d'arrêter la dérive continue des dépenses de fonctionnement au détriment des dépenses d'investissement.
    M. Hervé Morin. Très bien !
    M. Charles de Courson. Pour ce qui concerne la préparation du budget pour 2003, votre lettre de cadrage, qui vient de nous être distribuée, qui fixe à 0,2 % en volume la croissance des dépenses du budget général, est sage, mais notre Etat n'échappera pas à une lente réduction des effectifs de fonctionnaires et à leur redéploiement, en particulier vers les fonctions régaliennes de sécurité et de justice.
    La cession d'actifs publics qui n'ont plus aucune raison de demeurer dans le giron de l'Etat peut contribuer à réduire le montant de la dette publique et, donc, de la charge des intérêts.
    Enfin, le groupe UDF souhaiterait une adaptation des mesures visant à combler le déficit de 756 millions d'euros du BAPSA.
    En conclusion, le groupe UDF votera en faveur du collectif, mais souhaiterait des précisions sur trois grandes questions, le mécanisme de réévaluation des bas salaires, les économies à réaliser d'ici à la fin de 2002 et dans le budget pour 2003 et, enfin, le rééquilibrage du BAPSA mis en péril par le précédent gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.
    M. Michel Vaxès. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificatives pour 2002 répond à deux exigences, nous a-t-on dit. La première s'attache à concrétiser l'engagement pris par le Gouvernement d'opérer, dès 2002, une diminution de 5 % de l'impôt sur le revenu, pour un montant total de 2,5 milliards d'euros. La seconde entend prendre en compte les constations effectuées par MM. Bonnet et Nasse - beaucoup plus prudentes, humbles et nuancées qu'on ne le prétend - dans le cadre de l'audit sur la situation des finances publiques remis au Premier ministre.
    Pour répondre à la première de ces exigences, l'article 1er du projet de loi prévoit une réduction de 5 % de l'impôt sur le revenu acquitté en 2002.
    Cette réduction uniforme, simple dans sa rédaction et dans sa finalité mais profondément injuste dans ses effets, a le mérite d'annoncer sans détour la volonté du Gouvernement. Pour ne tromper personne, il n'est peut être pas inutile de préciser les incidences qu'elle aura sur le niveau de ressources des différents foyers fiscaux. Une analyse, même grossière, nous permet, en effet, de bien comprendre à qui s'adresse cette mesure.
    Monsieur le ministre, vous commencez par écarter purement et simplement un foyer sur deux du bénéfice de cette disposition. En effet, 47 % des foyers fiscaux - les plus modestes - ne sont pas imposables et ne tireront donc aucun profit de votre mesure. La capacité de consommation de la moitié des Françaises et des Français les moins fortunés ne s'améliorera donc pas.
    Permettez-moi, monsieur le ministre de l'économie, d'en être choqué, tout comme je l'ai été lorsque, soulevant ce point au cours de votre audition de la semaine dernière, je vous ai entendu répondre : « On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre ! »
    M. Charles de Courson. Et le sourire de la fermière !
    M. Michel Vaxès. Je suis certain que les personnes concernées sauront apprécier la formule.
    M. Jean-Louis Idiart. Il reste la margarine !
    M. Michel Vaxès. Mais détaillons plus avant votre proposition pour mieux identifier ceux qui ne devraient pas avoir l'audace de réclamer « l'argent du beurre » : ce sont, par exemple, 40 % des salariés de ce pays, 60 % des retraités, un peu plus d'un tiers des foyers qui tirent essentiellement leurs revenus d'exploitations agricoles.
    Quant à ceux qui mériteront de bénéficier de la réduction d'impôt, il me paraît nécessaire d'évaluer, par catégories de contribuables, les avantages qu'ils en tireront. Il faut, en effet, avoir le courage de dire que vous organisez une sorte de progressivité à l'envers qui fera bénéficier les contribuables les plus fortunés de la remise la plus élevée.
    Permettez-moi de vous livrer quelques chiffres. Les personnes concernées jugeront. Par exemple, un célibataire qui perçoit un revenu annuel net de 12 000 euros bénéficiera d'une remise d'impôt de 21 euros, soit moins de 2 euros par mois. En revanche, s'il déclare des revenus s'élevant à 120 000 euros, soit dix fois plus, la remise, autrement plus généreuse, atteindra 1 775 euros, soit près de quatre-vingt-cinq fois le montant exempté du premier.
    L'injustice de la mesure pénalisera non seulement les bas revenus, mais également les personnes ayant des enfants à charge. Un couple sans enfant qui perçoit un revenu annuel net de 40 000 euros bénéficiera d'une remise égale à 163 euros. En revanche, un couple ayant les mêmes revenus mais avec quatre enfants bénéficiera d'une réduction d'impôt de 31 euros. Mais je sais, monsieur le ministre, ce que vous pensez : « On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. »
    Pour être encore plus explicite, 68 % du montant de l'enveloppe reviendra à 10 % de la population, tandis que 50 % de la population se partagera moins de 1 % de l'enveloppe. Telle est la réalité.
    Cette mesure, outrancièrement injuste, inspire plusieurs réflexions. Tout d'abord, parallèlement à votre cadeau fiscal, nous savons d'ores et déjà qu'il y aura une augmentation des impôts locaux pour 2002. Une des raisons de cette augmentation - ce n'est pas la seule - est liée à la mise en place de l'allocation personnalisée d'autonomie pour les personnes âgées, excellente mesure de justice sociale et de dignité humaine, - je tiens à le redire, car j'entrevois déjà une volonté d'en remettre en cause certains de ses aspects les plus essentiels. De plus, la forme que prendra une décentralisation inspirée par la pensée libérale transférera de plus en plus de charges aux collectivités locales, sans que celles-ci bénéficient pour autant en proportion des moyens correspondants aux compétences qu'elles devront exercer.
    Ainsi, nous allons nous trouver face à un paradoxe qui amplifiera l'injustice que vous avez délibérément organisée : les ménages les plus modestes ne bénéficieront pas de la baisse de l'impôt sur le revenu mais supporteront, au même titre que tous les autres, une pression fiscale sensiblement aggravée. Comme quoi, certains doivent parfois accepter de payer plus cher leur motte de beurre, en appréciant à sa juste valeur le sourire cynique de la fermière. (Sourires.)
    Ajoutez à cela - c'est la logique de la mesure - que les communes accueillant les populations les plus modestes ne bénéficieront qu'à la marge des effets de la réduction d'impôt de 50 %. Un nouvel exemple vous laissera, chers collègues, le loisir d'apprécier l'équité de la mesure prise par le Gouvernement. Je me suis livré à un petit calcul, sans doute imprécis : la réduction d'impôt moyenne qui s'appliquera aux contribuables de la commune dont je suis l'heureux maire s'élèvera à 746 euros, et le nombre de ces contribuables y est bien inférieur à la moyenne nationale d'environ 50 %. Pour la commune de Neuilly-sur-Seine - exemple pris au hasard, évidemment (Sourires) -, la réduction moyenne s'élèvera à 2 268 euros par contribuable, et leur nombre est significativement supérieur à la moyenne nationale. Ainsi, chez les miens, la réduction moyenne sera bien moins élevée que chez les vôtres. Il est vrai que nos soutiens sont différents.
    Je dirais même, pour imiter Victor Hugo, qu'« il y a des hommes qui sont nés pour servir leur pays et d'autres qui sont nés pour être servis à table ».
    Une autre question se pose, tout aussi importante : si la réduction d'impôt décidée dans l'article 1er est profondément injuste, servira-t-elle au moins à remplir la mission que vous lui assignez, qui est, je le rappelle, « de créer les conditions d'une croissance qui profitera à l'ensemble des Français » ? Non seulement, vos arguments ne m'ont pas convaincu, mais je peux même affirmer, sans détour, que la réduction d'impôt viendra surtout grossir l'épargne de quelques grandes fortunes.
    Le postulat selon lequel la propension à consommer diminue avec l'accroissement du revenu, tandis que l'épargne suit une progression inverse, a été démontré depuis plus d'un siècle, et jamais démenti depuis lors, vous le savez fort bien, monsieur le ministre de l'économie, et j'attends que vous puissiez nous démontrer le contraire, pas seulement par des mots mais par des résultats sur lesquels nous aurons à débattre à nouveau dans quelques mois. Je reste convaincu, hélas, que ce sera bien avant 2007.
    D'ailleurs, vous en doutez vous-même puisque, à propos de votre mesure de réduction, vous affirmez, dans Les Echos du 12 et 13 juillet, que « si une partie de l'argent réinjecté est dépensée, et non pas épargnée, ce sera positif pour l'économie ».
    Votre seconde exigence, qui justifie la présentation de ce texte au Parlement au milieu de l'été, est la nécessité, dites-vous, de faire face, par des mesures immédiates, à la situation des finances publiques désastreuses laissée par le gouvernement précédent.
    Vous appuyant sur les résultats de l'audit que vous avez commandé, vous ne cessez de stigmatiser l'envolée des déficits et l'irresponsable fuite en avant dans la dépense.
    Mon interrogation est donc simple. La réduction de 5 % de l'impôt sur le revenu n'offre aucune garantie quant à une relance de la consommation. Vous prévoyez en outre de nouvelles dépenses significatives pour régler les dettes contractées par l'Etat, pour financer le dérapage des dépenses sociales liées à la mauvaise conjoncture, pour financer vos priorités de campagne électorale. Où donc allez-vous trouver l'argent ?
    Vous ne nous apportez aucune réponse dans ce collectif, vous ne faites qu'évoquer des annulations de crédits dans l'exposé des motifs. Cette méthode, si elle est conforme au droit budgétaire, souligne les limites de la nouvelle loi organique, votée l'an passé, relative aux droits du Parlement.
    En fait, le Gouvernement se réserve le droit, au travers de mesures de gestion - sans contrôle parlementaire a priori, j'y insiste - d'affecter de manière différente les ressources publiques ou de procéder à des manoeuvres dilatoires de gestion en cours d'exercice.
    Des choix douloureux vont par conséquent être faits dans la loi de finances pour 2003. Vous avez d'ores et déjà annoncé le non-remplacement de dizaines de milliers de serviteurs de l'Etat qui partiront à la retraite. Ces choix seront douloureux, nous le pressentons, pour ceux qui ont le plus besoin d'aide et de soutien, donc de service public.
    Vous refusez de relever le SMIC et les minima sociaux alors que, nous en avons la certitude, toute augmentation du pouvoir d'achat accordée aux plus modestes est directement consommée. En outre, cela permettrait de faire reculer les inégalités qui ne cessent de s'accroître depuis ces dernières années entre les revenus salariaux et les revenus financiers, entre « la France d'en haut » et « la France d'en bas », selon la formule du chef du Gouvernement, qui dénote au demeurant un certain mépris à l'égard des hommes et des femmes qui sont et qui font la richesse de la nation. Mais, nous le savons, un jour viendra où les derniers seront les premiers. (Sourires.)
    Ce coup de pouce au pouvoir d'achat serait pourtant un moyen efficace de faire reculer les situations de pauvreté, de surendettement et d'exclusion dont souffrent de plus en plus de salariés pauvres.
    Aujourd'hui, nos concitoyens dans leur ensemble, qu'ils soient ou non imposables, doivent faire face à une augmentation des tarifs de la SNCF - pour la seule année 2001, elle se monte à 4,1 % -, à une augmentation de près de 5 % des tarifs d'EDF et, pour les Franciliens, à une augmentation de quelque 4 % de la Carte orange. A cela s'ajoute une augmentation prévisible du prix des carburants suite à la suppression de la TIPP flottante.
    Quitte à me répéter, je vous redemande ce que vous prévoyez pour relancer la consommation de ceux qui subiront de plein fouet ces augmentations, mais qui ne profiteront aucunement, ou si peu, de votre mesure ?
    Nous sommes, quant à nous, convaincus que c'est en mobilisant tous les leviers de l'action publique pour une croissance réelle et soutenue, plus riche en emplois stables et correctement rémunérés que nous pourrons répondre aux besoins de notre pays, préparer l'avenir et faire reculer l'endettement de l'Etat.
    Le groupe des député-e-s communistes et républicains fera des propositions pour corriger les incohérences de votre projet. Vous les soutiendrez, si vous êtes convaincu de la nécessité de « créer les conditions d'une croissance qui profitera à l'ensemble des Français ». Vous les combattrez si, comme je le crains, vous persistez à dire aux plus riches : « Enrichissez-vous encore ! »
    Mon collègue Jean-Claude Sandrier vous proposera un amendement de suppression de l'article 1er. Cette mesure remet en cause le principe républicain selon lequel chacun participe aux dépenses communes en fonction de ses capacités contributives.
    Nous vous proposons, en fait, avec ces 2,5 milliards d'euros, de couvrir une partie des besoins de l'hôpital, de l'école et des grands services publics.
    Par exemple, avec les 2,5 milliards d'euros que pèse l'enveloppe de la réduction, nous pourrions doubler simultanément le budget de la jeunesse et des sports et celui de l'environnement, ou doubler simultanément la somme allouée à la couverture maladie universelle et à la prime pour l'emploi. On pourrait multiplier les exemples qui démontrent la nécessité de soutenir notre amendement de suppression pour utiliser plus solidairement ces 2,5 milliards d'euros.
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Vaxès.
    M. Michel Vaxès. Je vais conclure, monsieur le président, en essayant d'aller un peu plus vite.
    M. le président. Vous avez entièrement épuisé votre temps de parole.
    M. Michel Vaxès. Pour conclure, j'ajouterai simplement que ce collectif budgétaire, au-delà des mesures limitées qu'il propose, s'inscrit dans la logique de votre politique, inféodée aux dogmes libéraux et aux exigences du MEDEF.
    M. Hervé Novelli. Ça faisait longtemps !
    M. Michel Vaxès. Oui, mais c'est la réalité. Ne m'interrompez pas, sinon j'aurai un prétexte pour dépasser mon temps de parole.
    Sans apporter des réponses aux difficultés que rencontrent des millions de nos concitoyens, cette politique ne fera que les aggraver.
    Permettez-moi d'ajouter qu'il n'est pas possible de dissocier les déboires des finances publiques, que vous dénoncez, de l'excès de croissance financière et du krach boursier rampant qui connaît chaque jour de nouvelles dérives. Celles-ci montrent combien votre politique, fondée sur le soutien aux marchés financiers, est source de gâchis économiques et de gâchis humains.
    Vous affirmez, monsieur le ministre - je l'ai lu dans la presse -, que « le système capitaliste est quand même le moins mauvais pour créer des richesses ». Vous auriez dû ajouter : « au bénéfice de quelques-uns, mais il est sans aucun doute le meilleur pour multiplier les souffrances du plus grand nombre ».
    Vous l'avez sans doute compris, le groupe des député-e-s communistes et républicains votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2002 (n° 29) :
    M. Gilles Carrez, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 56) ;
    M. Gérard Charasse, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (avis n° 57).
    A vingt et une heures, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à treize heures cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT