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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 19 JUILLET 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du jeudi 18 juillet 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN

1.  Loi de finances rectificative pour 2002. - Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

DISCUSSION GÉNÉRALE, (suite) «...»

MM.
Marc Laffineur,
Jean-Louis Idiart,
Yves Censi,
Jean-Louis Dumont,
Jean-Jacques Descamps,
Gérard Bapt,
Hervé Novelli,
François Grosdidier,
Mme
Martine Lignières-Cassou,
MM.
Pierre Hériaud,
Roger-Gérard Schwartzenberg,
Jean-Michel Fourgous.
Clôture de la discussion générale.
M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION «...»

Motion de renvoi en commission de M. Alain Bocquet : MM. Jean-Pierre Brard, le ministre délégué, Augustin Bonrepaux, François Guillaume, Michel Vaxès, Charles de Courson. - Rejet.
MM. Augustin Bonrepaux, le ministre délégué, Jean-Pierre Brard, Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances ; le président.

Rappel au règlement «...»

M. Jean-Pierre Brard.

DISCUSSION DES ARTICLES  «...»
Première partie
Avant l'article 1er «...»

Amendement n° 29 de M. Vaxès : MM. Jean-Claude Sandrier, Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances ; le ministre délégué, Charles de Courson, Jean-Pierre Brard. - Rejet.
Amendement n° 30 de M. Vaxès : MM. Jean-Claude Sandrier, le rapporteur général, le ministre délégué, Jean-Pierre Brard. - Rejet.

Article 1er «...»

MM. Jacques Myard, Jean-Claude Sandrier, Augustin Bonrepaux, Yves Cochet.
MM. Augustin Bonrepaux, le président, le ministre délégué.
Amendements de suppression n°s 9 de M. Bonrepaux, 31 de M. Vaxès et 38 de M. Cochet : MM. Didier Migaud, Jean-Claude Sandrier, Yves Cochet, le rapporteur général, le ministre délégué, Charles de Courson, Augustin Bonrepaux, Jean-Louis Dumont, Marc Laffineur. - Rejet par scrutin.
Amendement n° 32 de M. Vaxès : MM. Jean-Claude Sandrier, le rapporteur général, le ministre délégué. - Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance
2.  Ordre du jour de la prochaine séance. «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE FRANÇOIS BAROIN,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2002

Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2002 (n°s 29, 57).

Discussion générale (suite)

    M. le président. Ce matin, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale. Dans la suite de cette discussion, la parole est à M. Marc Laffineur, pour quinze minutes.
    M. Marc Laffineur. Monsieur le président, monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, mes chers collègues, le présent collectif budgétaire, le premier de la législature, trace un sillon de transparence et d'efficacité.
    Un sillon de transparence, car il rompt avec les méthodes du précédent gouvernement qui ont abouti à fausser l'ensemble de nos comptes publics.
    M. Jean-Louis Dumont. N'importe quoi !
    M. Marc Laffineur. L'audit réalisé de manière indépendante par Jacques Bonnet et Philippe Nasse a, en effet, confirmé les craintes que nous avions exprimées lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2002 au mois d'octobre 2001. Le ministre de l'économie avait alors récusé nos analyses sans même vouloir les étudier. Aujourd'hui, malheureusement, le passif est établi : il est sans appel.
    Le précédent gouvernement, pour masquer son incapacité à maîtriser les finances publiques, a sciemment surestimé la croissance en retenant un taux de 2,5 %, que tous les instituts de conjoncture jugeaient irréaliste. Or, aujourd'hui, force est de constater que la croissance prévisionnelle pour l'année en cours ne devrait pas dépasser 1,4 %, soit 1,1 % de moins que le taux retenu par les socialistes.
    Cette erreur de prévision est lourde de conséquences : elle explique l'importance des moins-values fiscales - plus de 5,3 milliards d'euros - constatées par l'audit et par le présent collectif. Le mauvais état de la conjoncture se traduit en effet par une contraction des recettes de l'impôt sur les sociétés et de TVA.
    La sous-estimation volontaire des dépenses ou le non-paiement de certaines dépenses constituent les autres sources de dérèglement de nos finances publiques. Pour les dépenses publiques, le dérapage a été évalué à 7,4 milliards d'euros, dont 5 milliards pour le seul budget général.
    Le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a été ainsi amené à apurer des dettes datant de l'année dernière. Elles n'ont pas été réglées afin d'éviter un dérapage plus important du déficit 2001, qui est passé, pour mémoire, de 28 à 32 milliards d'euros en cours d'exécution, 1,8 milliard d'euros ayant été ainsi mis sous le tapis.
    La loi de finances pour 2002 comporte de nombreuses sous-budgétisations, qui contribuent également à fausser les comptes de cette année. La surestimation de la croissance et des recettes, la dissimulation et la sous-évaluation de nombreuses dépenses ont provoqué l'envolée du déficit budgétaire.
    Déjà à l'automne, au vu des dérapages qui se faisaient jour, personne ne jugeait crédible l'objectif de 30 milliards d'euros de déficit retenu par le précédent gouvernement. Ce dernier avait même refusé de réviser son projet de loi de finances, malgré les événements du 11 septembre. De fait, la loi de finances pour 2002 n'avait qu'une réalité électorale qui n'a trompé personne.
    Il apparaît donc logique et indispensable de remettre les pendules à l'heure, en retenant un déficit de 45 milliards d'euros.
    Ce collectif trace également un sillon d'efficacité, car il rompt avec la politique budgétaire précédente.
    En cinq ans de gestion de gauche, la France n'a réalisé aucun progrès en matière de réduction de ses déficits publics ou très peu. Le déficit de l'Etat, qui s'élève à 3,2 % du PIB, se rapproche de celui de 1997. Ce triste résultat est d'autant plus inacceptable que, durant près de quatre ans, notre pays a bénéficié d'un fort taux de croissance.
    La gestion précédente est devenue, au fil des années, de moins en moins transparente, avec la création de multiples fonds dont l'objectif était de masquer la réalité des engagements de l'Etat, en particulier en ce qui concerne les 35 heures ou la CMU. Des taxes et des impôts ont changé d'affectation au gré des besoins, passant de l'Etat à la sécurité sociale puis au fonds de financement des 35 heures.
    Ces dernières années, les Français ont donc assisté à un véritable gâchis : celui qui a été fait de la croissance créée par leur travail.
    L'augmentation exponentielle des dépenses de fonctionnement et la contraction des dépenses d'investissement ont largement contribué à affaiblir notre pays.
    Les dépenses, hors dette et hors fonction publique, ont constamment reculé, passant de 49 à 42 % de 1990 à 2002.
    Les dépenses d'investissement sont ainsi passées en cinq ans de 12 à 10 % des dépenses de l'Etat. Il faut rompre avec la politique qui fait de l'investissement la variable d'ajustement budgétaire, messieurs les ministres. Cette politique est responsable de la vétusté de nos prisons, de celles de nos commissariats, de nos écoles et de notre système de santé.
    M. Hervé Novelli. Oui !
    M. Marc Laffineur. Après des années de laisser-aller, le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, dans un contexte économique délicat, se doit de remettre à niveau l'équipement de nombreux services publics, de nombreux ministères et, plus globalement, des infrastructures du pays.
    L'Etat n'est plus à même d'assurer ses fonctions régaliennes du fait du manque d'investissements. Ainsi, la sécurité, tant intérieure qu'extérieure, a été laissée à l'abandon. Il s'agit de mettre en oeuvre de véritables plans ORSEC.
    Faute de moyens, de locaux décents, de prisons, de palais de justice modernes, la police, la gendarmerie et la justice avaient le sentiment que leur travail ne servait plus à rien. L'actuel gouvernement a réussi à casser le cycle vicieux du défaitisme grâce aux premières mesures qu'il a prises.
    Il convient maintenant de restaurer durablement la confiance en privilégiant les dépenses régaliennes et utiles.
    En matière de défense, on ne peut pas accepter que 50 % des chars et des avions des armées françaises soient immobilisés faute de pièces détachées. Il est tout aussi inacceptable que 60 % des hélicoptères soient hors service. C'est pourquoi je me réjouis que, dans le cadre du collectif budgétaire, une enveloppe d'urgence de 908 millions d'euros soit affectée au ministère de la défense.
    Les plus-values fiscales ont été dilapidées dans des projets malthusiens, anti-économiques et antisociaux, comme les 35 heures. Plus de 15 milliards d'euros sont absorbés chaque année par le financement de la réduction du temps de travail, dont les effets sur l'emploi sont très faibles, pour ne pas dire nuls.
    Toujours en raison des 35 heures et par facilité, le gouvernement précédent a eu recours de manière inconsidérée à l'emploi public : plus de 35 000 emplois créés ces deux dernières années pèseront longtemps sur le budget de l'Etat.
    Le départ de près de la moitié des fonctionnaires durant la prochaine décennie est une chance pour l'Etat, non pour remettre en cause les services publics, mais bien au contraire pour en améliorer l'efficacité.
    Dans les ministères de la justice et de l'intérieur, il est légitime d'augmenter les effectifs. Dans d'autres ministères, messieurs les ministres, l'augmentation de la productivité provoquée grâce à l'informatisation devrait conduire à une diminution des emplois. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Les nombreux départs à la retraite ouvrent des portes permettant de donner plus de souplesse dans la gestion de la fonction publique. Le passif du Gouvernement ne disparaîtra pas d'un coup de baguette magique.
    M. François Goulard. C'est vrai !
    M. Marc Laffineur. Il faudra, en particulier, traiter la question lancinante de la dette publique, qui s'est accrue de près de 160 milliards d'euros en cinq ans,...
    M. François Goulard. C'est monstrueux !
    M. Marc Laffineur. ... pour atteindre 860 milliards d'euros, soit plus de 14 000 euros par Français.
    M. Hervé Novelli. C'est une catastrophe !
    M. Marc Laffineur. Cette augmentation est la traduction de l'absence de maîtrise des finances publiques. Elle permet de prendre conscience de l'ampleur de la tâche d'assainissement à laquelle l'actuel gouvernement doit s'atteler.
    Cette mission est d'autant plus délicate que la conjoncture est peut-être incertaine, mais l'incertitude économique doit être un catalyseur pour le Gouvernement. Le temps de l'action est venu. Après l'immobilisme, après la gestion à la petite semaine,...
    M. Richard Mallie. Ça, c'est vrai !
    M. Marc Laffineur. ... il est urgent de traduire en actes le programme du Président de la République et de l'Union pour la majorité présidentielle. La majorité est attendue sur sa capacité à traiter le problème des retraites, ainsi que ceux des 35 heures et des prélèvements.
    Sous la précédente législature, les Français ont dû supporter une augmentation de leurs prélèvements de plus de 60 milliards d'euros. Les familles et les personnes âgées ont été les principales victimes de cette augmentation fiscale : la hausse de la CSG, la remise en cause de l'AGED, le plafonnement du quotient familial, la diminution de la réduction pour emploi de proximité les ont touchées de plein fouet.
    Au nom du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle, je ne peux que me réjouir de la diminution de l'impôt sur le revenu de 5 % applicable dès 2002. Il s'agit de la mise en oeuvre d'un engagement du Président de la République, et nous y sommes très attachés.
    Cette mesure concernera plus de seize millions de contribuables. Ce n'est donc pas, comme certains l'affirment à gauche, une mesure élitiste. Du reste, n'est-ce pas le précédent gouvernement qui a supprimé la vignette pour tous les véhicules personnels, de la Twingo à la Ferrari ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Gérard Bapt. Le rapport n'était pas le même !
    M. Augustin Bonrepaux. Au moins la Twingo était-elle concernée, tandis que là, les moins favorisés n'auront rien !
    M. Marc Laffineur. Eh oui ! Vous n'avez pas de quoi être fier, monsieur Bonrepaux !
    La mesure proposée par le Gouvernement présente l'avantage d'être simple et compréhensible pour tous.
    M. Augustin Bonrepaux. Surtout pour ceux qui vont en bénéficier, car les autres n'auront rien !
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, continuez à lire votre journal ou bien écoutez M. Laffineur, mais ne l'interrompez pas !
    Poursuivez, monsieur Laffineur.
    M. Marc Laffineur. Une telle mesure ne crée pas une tuyauterie fiscale qui ne peut être comprise que par quelques experts. Sa simplicité est son meilleur gage de réussite.
    Il faut redonner confiance aux Français et aux contribuables. Il est indispensable de lancer un vaste mouvement de reflux des prélèvements, qui, à l'inverse de ce que nous avons connu depuis cinq ans, doit concerner tout le monde.
    Depuis vingt ans, les gouvernements pratiquent le pointillisme fiscal : quelques baisses ciblées, des hausses qui le sont moins, mais pour un résultat identique qui se traduit par plus d'impôts, plus de dépenses publiques, plus de déficits, plus de dettes.
    M. Richard Mallie. Toujours plus !
    M. Marc Laffineur. Pour casser cette mécanique infernale et improductive, il est crucial de réussir la baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu.
    L'actuel gouvernement est le premier qui, dans le cadre d'un collectif budgétaire suivant une élection, ne recourt pas à des augmentations d'impôt. Ce geste est, je l'espère, porteur de prochaines bonnes nouvelles. Lors de son intervention du 14 juillet, le Président de la République a d'ailleurs réaffirmé le caractère indispensable d'une décrue des prélèvements pour fortifier la croissance.
    Il convient, bien évidemment, de réduire les déficits en réalisant des économies. Mais il est tout aussi important de relancer le moteur anémié et entravé de l'économie française en mettant en oeuvre un plan de réduction des prélèvements. Je souhaite vivement que le Gouvernement puisse annoncer rapidement une diminution des charges sociales salariées sur les bas salaires...
    M. Richard Mallie. C'est une nécessité !
    M. Marc Laffineur. ... afin d'améliorer le pouvoir d'achat de millions de Français.
    M. Richard Mallie. Ils en ont tous besoin !
    M. Marc Laffineur. Une telle mesure redonnerait espoir aux salariés qui ont été les principales victimes des 35 heures du fait de la remise en cause des heures supplémentaires.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Très bien !
    M. Jean-Claude Abrioux. Et ces salariés sont nombreux !
    M. Marc Laffineur. Il ne faut pas être totalement bloqué par une lecture exclusivement comptable des mesures fiscales. Il est vrai qu'une baisse d'impôt représente, dans un premier temps, un coût pour Bercy - ou plutôt un manque à gagner - , mais, dans un second temps, elle constitue un gain pour l'économie comme pour les services fiscaux. Une réduction d'impôt ou de charges sociales est en effet immédiatement créatrice de revenus, d'investissements, de consommation et d'emplois.
    M. Hervé Novelli. Très bien !
    M. Marc Laffineur. Du fait de ses pesanteurs administratives et du poids de ses prélèvements, la France attrape toujours en retard le train de la croissance. Il en fut ainsi en 1998. Nous aimerions que, pour une fois, notre pays puisse être en avance et soit le premier à renouer avec un taux de croissance élevé.
    Nous avons tous, messieurs les ministres, été un peu surpris par les prélèvements sur la MSA.
    M. Hervé de Charette. En effet !
    M. Marc Laffineur. Certes, il servira à financer le budget annexe des prestations sociales agricoles ; il n'y a donc pas de détournement.
    M. Gérard Bapt. Il ne manquerait plus que ça !
    M. Marc Laffineur. Néanmoins, la brutalité de l'annonce de la mesure a suscité de nombreuses craintes que le Gouvernement, j'en suis certain, lèvera en cours de discussion.
    Il ne faut pas oublier que, ces dernières années, la MSA est venue en aide à de nombreux agriculteurs, surout après la crise de l'ESB. Il ne faudrait pas que ce prélèvement obère les capacités d'assistance de la MSA alors que l'agriculture française traverse plusieurs crises.
    M. Gérard Bapt. Eh oui !
    M. Marc Laffineur. Ce collectif budgétaire met la France dans la bonne direction grâce aux objectifs qu'il poursuit : la remise en ordre de nos finances publiques, la restauration des pouvoirs régaliens de l'Etat et la baisse des prélèvements pour favoriser l'éclosion des énergies productives.
    Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera le collectif budgétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Pour le groupe socialiste, la parole est à M. Jean-Louis Idiart.
    M. Jean-Louis Idiart. Monsieur le président, messieurs les ministres, le présent projet de loi de finances rectificative nous est présenté pour trois raisons : premièrement, pour revoir à la baisse les perspectives d'activités par rapport au projet de loi de finances pour 2002 ; deuxièmement, pour prendre en compte les conclusions de l'audit sur les finances publiques ; troisièmement, pour mettre en oeuvre la baisse supplémentaire de 5 % de l'impôt sur le revenu pour 2002.
    Chacun comprend, messieurs les ministres, que, dès votre prise de fonction, vous ayez souhaité vous démarquer des choix politiques du gouvernement précédent.
    M. Richard Mallie. Il le fallait ! Et il fallait le faire vite !
    M. Jean-Louis Idiart. Un tel comportement est normal. Vous êtes libéraux et vous voulez l'affirmer.
    Vous considérez qu'il vaut mieux baisser l'impôt direct et vous ne cherchez pas d'autres pistes.
    M. Marc Laffineur. Vous, vous augmentez tout !
    M. Jean-Louis Idiart. Vous estimez, comme l'a dit M. le ministre de l'économie et des finances, qu'il est bien normal de rendre l'impôt à ceux qui le paient. Et tant pis pour ceux qui n'ont pas suffisamment de revenus, ils ne vont tout de même pas avoir le beurre et l'argent du beurre !
    M. François Grosdidier. Et la crémière !
    M. Jean-Louis Idiart. Qu'ils se contentent de margarine !
    Vous cherchez à désengager l'Etat. Nous n'avons pas les mêmes conceptions et nous le disons. C'est politique contre politique, et donc c'est le vrai jeu du débat démocratique.
    Mais là où le bât blesse, c'est que le Gouvernement ne peut s'empêcher de recourir à cette bonne vieille grosse ficelle qui consiste à incriminer la gestion de son prédécesseur en utilisant un audit. Vous caricaturez, vous durcissez le trait et vous cherchez à prendre quelques assurances sur vos éventuels dérapages, présents ou futurs. « Après le gâchis, l'espoir », a écrit modestement le ministre du budget dans un journal du soir qui n'est pas, comme il nous l'a dit, un traité de droit.
    M. François Grosdidier. « De finances publiques », c'est ce qu'il a dit !
    M. Jean-Louis Idiart. Vous nous annoncez une nouvelle méthode mais vous employez de vieilles méthodes. La faute incombe d'abord aux prédécesseurs puis, dans un deuxième temps, à l'extérieur - ce sera l'Europe ou autre chose.
    Je me souviens de ce brillant ministre du budget de 1993, expert du redressement budgétaire, et aujourd'hui de la sécurité interne, qui, deux ans plus tard, voyait son bilan qualifié de calamiteux par le nouveau Premier ministre, lui-même laissant la place en 1997. Alors, messieurs les ministres, prudence.
    Nous aurions pu penser que travailler autrement devenait possible et même impérativement nécessaire. Le Parlement mérite mieux, il doit mieux travailler, mieux contrôler et donc être mieux respecté.
    Or vous ne commencez pas dans la transparence la plus totale et vous ne respectez pas la prudence dont ont fait preuve les rédacteurs de l'audit, vous l'interprétez. Le rôle du Parlement est d'interpeller et de veiller à ce que nos concitoyens soient informés des outils nouveaux qui sont à notre disposition.
    Force est en effet de constater que de nombreuses mesures et initiatives ont été prises ces dernières années afin de développer les moyens de surveillance, de contrôle et d'évaluation dans un but de transparence et d'une optimisation de l'utilisation des deniers publics, je pense principalement à la création, au sein de la commission des finances de l'Assemblée nationale, de la mission d'évaluation et de contrôle, sous l'impulsion du président de l'Assemblée nationale de l'époque, du président de la commission des finances de l'époque, Augustin Bonrepaux, et du rapporteur général de l'époque, Didier Migaud. J'entendais tout à l'heure M. Laffineur critiquer le nombre, selon lui excessif, des fonds existants.
    M. Marc Laffineur. C'est vrai !
    M. Jean-Louis Idiart. Je lui rappelle que j'avais proposé, dans le cadre de la MEC, de supprimer le fonds d'intervention des transports terrestres et des voies navigables au ministère de l'équipement et du logement, ce qui a été fait dans les deux ans qui ont suivi, grâce à la volonté conjointe du Gouvernement et du Parlement. Agir dans ce sens est donc possible, ce que nous avions commencé à faire sous la précédente législature le prouve.
    M. Marc Laffineur. Dix autres fonds ont été créés après !
    M. Jean-Louis Idiart. Le but est d'améliorer la gestion publique et de renforcer le pouvoir budgétaire du Parlement. Une autre évolution, on pourrait même parler de révolution, a été initiée avec la réforme de l'ordonnance organique de 1959, décidée par l'Assemblée nationale sous l'impulsion de notre collègue Migaud, en accord avec le Sénat, et notamment un certain président de la commission des finances de l'époque, M. Lambert. Là encore, il s'agissait d'améliorer la gestion publique. Le moment fut historique, tant la révision complète de la constitution financière de l'Etat semblait improbable.
    Nous veillerons ensemble à la bonne application de ces mesures, mais aujourd'hui, monsieur le ministre, votre façon de caricaturer l'audit n'est pas admissible et personne n'est dupe. La situation budgétaire ne se serait pas améliorée entre 1997 et 2002 ? Je rappelle que le gouvernement Juppé prévoyait, en fin d'année 1996, un déficit public de 3,05 % du PIB. Ces prévisions s'avérèrent très irréalistes, et la situation alarmante des comptes publics entraîna la chute d'un certain nombre de députés de la majorité d'alors. Entre la notification à la Commission européenne au printemps 1997 et l'audit de la même année, l'écart a représenté entre 34,4 milliards d'euros et 51,4 milliards d'euros.
    C'était le résultat de la politique économique et sociale menée par M. Balladur et M. Juppé : allégements de charges, sans contrepartie, pour les entreprises, allégements fiscaux pour les plus aisés compensés par une augmentation massive des prélèvements obligatoires payés par tous, notamment les revenus modestes, à savoir la TVA, la CSG et la CRDS. Et l'on se souvient que les augmentations de TVA n'avaient pas rapporté ce que l'on escomptait.
    L'audit de 2002, en réalité, ne fait que constater une meilleure santé des finances de l'Etat par rapport à cette époque.
    M. Hervé Novelli. Ça, c'est hasardeux.
    M. Jean-Louis Idiart. En effet, le déficit public se situerait dans une fourchette de 2,3 à 2,6 % du PIB, alors que la politique conduite a permis d'accroître les moyens des services publics et de faire reculer le chômage de 900 000 unités en cinq ans.
    M. Hervé Novelli. C'est pour ça que vous avez été battus ?
    M. Jean-Louis Idiart. En définitive, entre 1997 et 2002, les déficits publics ont été réduits de près de un point.
    Monsieur Lambert, vous qui avez fait de la transparence votre cheval de bataille lorsque vous étiez dans l'opposition, vous qui avez fixé comme axe de votre action le renforcement du contrôle du Parlement, comment pouvez-vous faire une telle présentation des comptes de la nation ? Vous voulez noircir la situation budgétaire laissée par le gouvernement précédent afin de pouvoir présenter par la suite une situation meilleure par rapport à 2002. L'astuce est de toujours retenir la partie haute de la fourchette de l'audit. D'ailleurs, si vos inquiétudes concernant les finances publiques étaient réelles, vous n'aggraveriez pas les comptes publics par des cadeaux fiscaux de l'ordre de 2,7 milliards d'euros. A moins que vous ne sombriez dans l'irresponsabilité, ce que nous ne croyons pas...
    M. Jean-Pierre Gorges. Ah, tout de même !
    M. Jean-Claude Abrioux. Vous nous rassurez !
    M. Jean-Louis Idiart. D'autant que cela vous pose quelques problèmes pour tenir vos engagements européens. Nous avons même tout lieu de nous inquiéter lorsque nous entendons le Président de la République annoncer que vous iriez plus loin dans les baisses d'impôts.
    Vous vous drapez de la vertu d'une gestion future rigoureuse des dépenses. Mais, alors que le gouvernement précédent affichait dans sa loi de finances pour 2002 une augmentation des dépenses de 0,3 % - cette estimation s'effectuait, comme c'est l'usage, en comparaison avec les chiffres énoncés en loi de finances initiale précédente -, nous vous prenons en flagrant délit d'insincérité politique dans vos lettres de cadrage pour la loi de finances pour 2003. En effet, l'augmentation des dépenses de l'ordre de 0,2 % que vous annoncez est calculée par rapport aux estimations sur l'année 2002. Ainsi, l'augmentation réelle des dépenses serait en fait de 1,2 %. Et le risque est grand de voir les dépenses filer, surtout avec les majorations de budgets annoncées par le Gouvernement : loi d'amnistie, loi sur la sécurité intérieure, loi sur la justice. Sans compter que le Président de la République ne se prive pas de vous rappeler, à côté de ces nouvelles dépenses, la nécessité de diminuer certaines recettes fiscales.
    Or que nous proposez-vous pour stabiliser une situation que vous jugez difficile ? D'abord, de baisser l'impôt sur le revenu de 5 %, c'est-à-dire de nous priver de recettes au moment où nous en aurions le plus besoin si l'on vous écoutait.
    M. Jean-Claude Abrioux. Extra !
    M. Jean-Louis Idiart. Il est incohérent de baisser l'impôt sur le revenu alors que des mesures de baisse avaient déjà été prises dans la loi de finances initiale. C'est vraiment vouloir en remettre une louche en faisant fi de la situation de nombreux Français à qui vous refusez un coup de pouce sur le SMIC et qui vont payer plus cher leur essence ou leur électricité. Deux poids, deux mesures !
    Ces mesures privilégient les plus aisés, vos clients en quelque sorte. Ainsi, 1 % des ménages les plus aisés se répartiront 30 % de la baisse de l'impôt sur le revenu prévue, soit pour chacun d'entre eux une baisse d'au moins 1 500 euros, 10 000 francs, alors que pour un tiers des foyers fiscaux, la mesure rapportera moins de 40 euros, 270 francs de réduction. Et un couple avec deux enfants dont chaque parent gagne le SMIC ne tirera aucun avantage de la mesure, alors qu'un couple toujours avec deux enfants qui gagne l'équivalent de dix fois le SMIC bénéficiera d'une économie d'impôt équivalente à plus de deux tiers du SMIC, soit 760 euros.
    Cette mesure néglige la moitié des Français qui ne paient pas cet impôt.
    M. le président. Monsieur Idiart, s'il vous plaît, vous devez conclure.
    M. Jean-Louis Idiart. La volonté de favoriser une croissance forte et solidaire a manifestement disparu.
    Ensuite, vous nous expliquez qu'ayant besoin de nouvelles mesures pour équilibrer le BAPSA vous allez puiser dans les réserves des caisses de la MSA. Merci pour le monde rural, merci pour les caisses bien gérées, merci pour les plus petites de ces caisses !
    M. le président. Monsieur Idiart, votre temps de parole est écoulé.
    M. François Grosdidier. Voilà, c'est fini !
    M. Philippe Auberger. Rideau ! (Sourires.)
    M. le président. Si nous voulons terminer la discussion avant vingt heures ou vingt heures trente, chaque orateur doit respecter son temps de parole. Or vous avez largement dépassé le vôtre.
    M. Jean-Pierre Brard. Mais il dit des choses intéressantes, monsieur le président !
    M. Jean-Louis Idiart. Je conclus. D'un côté, avec la baisse de l'impôt sur le revenu, vous rendez de l'argent, dans le style « remboursement électoral », de l'autre, vous taxez le régime social agricole. Si je comprends bien, vous êtes politique, voire politicien, sur l'impôt sur le revenu et vous devenez « techno-Bercy » sur le régime social agricole.
    Monsieur Lambert, vous avez parlé de « réenchanter » la politique. Merlin a beaucoup de travail pour y parvenir et il commence plutôt mal. Le groupe socialiste ne votera pas ce projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Claude Abrioux. Les socialistes n'ont rien compris !
    M. le président. La parole est à M. Yves Censi.
    M. Yves Censi. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative constitue la première déclinaison budgétaire du choix effectué par les Français. Le suffrage universel a tranché en optant pour la rupture, et je veux, pour ma part, mettre en lumière une double rupture.
    D'abord, une rupture philosophique, avec le passage d'une culture qui décourageait le travail à une culture qui rend aux Français leur dignité par le travail. Ensuite, une rupture de méthode, puisque nous avons décidé qu'il fallait arrêter de nier la réalité et rétablir la sincérité des comptes, en tirant les conséquences des résultats de l'audit.
    Concernant le premier point, malgré un héritage lourd, sur lequel je reviendrai, le Gouvernement et sa majorité tiennent les engagements pris devant les Français. A travers la baisse de l'impôt sur le revenu, nous décidons d'inverser le raisonnement économique qui prévalait jusqu'alors : pour le précédent Gouvernement et sa majorité, la baisse des impôts n'était qu'une restitution d'une partie des plus-values absorbées par l'Etat ; pour le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, la baisse de la fiscalité et l'augmentation du pouvoir d'achat des Français sont les préalables à la reprise d'une croissance plus vigoureuse. Le message aux Français est clair et sans ambiguïté : désormais, le travail sera payant et valorisé.
    Ainsi, cette baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu constitue avant tout un encouragement au travail clairement assumé. C'est du reste la raison pour laquelle le Gouvernement a choisi d'écarter de la baisse les revenus soumis à un prélèvement libératoire ou à un taux d'imposition forfaitaire. Il s'agit bien de concentrer les efforts de diminution de la pression fiscale sur les revenus du travail et de l'initiative, tels que les salaires ou les revenus des professions indépendantes - je pense en particulier aux artisans, aux infirmières libérales ou encore aux petits exploitants agricoles, qui se sont sentis littéralement oubliés durant les cinq dernières années.
    Et à ceux qui, aujourd'hui, nous accusent d'enrichir les riches...
    M. Jean-Pierre Brard. C'est vrai ! Vous êtes leurs fondés de pouvoir !
    M. Yves Censi. ... et de ne pas penser aux populations modestes, je rappelle simplement les conséquences de leur politique : l'un des effets pervers de l'application des 35 heures a été le gel des salaires et par conséquent la stagnation du pouvoir d'achat des salariés les plus modestes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Nicolas Perruchot. Très bien !
    M. Jean-Pierre Brard. Vous avez raison, il faut revaloriser le SMIC !
    M. Yves Censi. J'ajoute que la politique de baisse de la pression fiscale est globale. Nous souhaitons que la baisse de l'impôt sur le revenu s'articule tout au long de la législature avec une baisse des charges sociales pour atteindre un double objectif.
    M. Jean-Pierre Brard. La suppression de l'ISF...
    M. Yves Censi. D'abord, augmenter le revenu disponible des ménages, ensuite accroître l'activité et l'attractivité de notre pays pour faciliter de nouveaux investissements et créer davantage d'emplois durables.
    M. Jean-Claude Abrioux. Très bien !
    M. Yves Censi. J'en viens maintenant à la rupture de méthode.
    Ce collectif budgétaire est aussi un acte de vérité sur l'état réel de nos finances publiques révélé de manière indiscutable par l'audit remis au Premier ministre le 27 juin dernier. Quel est l'état des lieux dont nous héritons aujourd'hui ? Un déficit budgétaire qui dérape de plus de 14 milliards d'euros, soit un écart de plus de 50 % avec les prévisions de la loi de finances initiale ; des recettes qui sont majorées à hauteur de 5,4 milliards d'euros ; des dépenses qui sont minorées pour un montant de 5 milliards d'euros au titre du budget général et surtout des engagements non financés, notamment dans le domaine social. Les deux tiers de la dégradation du déficit budgétaire sont liés à la dérive des dépenses. Vous ne pouvez donc plus dire, aujourd'hui, que la dégradation s'explique par la faiblesse de la conjoncture économique internationale. Je comprends, mes chers collègues de l'opposition, votre gêne face à ce tableau.
    M. Jean-Louis Dumont. Oh !
    M. Jean-Louis Idiart. Nous ne sommes nullement gênés !
    M. Yves Censi. Voilà pour le passé. S'agissant du présent, nous devons maintenant tirer les conséquences et trouver des financements pour le bon fonctionnement de l'Etat et de notre système de protection sociale. Tel est notamment l'objet de l'article 2 relatif au financement du BAPSA sur lequel je souhaite formuler quelques remarques.
    Est-il vraiment utile de rappeler que le déficit du BAPSA en 2002 montre la volonté délibérée du gouvernement précédent de ne pas assumer ses responsabilités en utilisant, par exemple, le report, chiffré à 200 millions d'euros, pour masquer le déficit ? Comment ne pas arriver à un tel déficit quant le gouvernement Jospin a sciemment minoré les dépenses et majoré les recettes, ce qu'avait signalé et évalué le précédent rapporteur spécial du BAPSA dans son rapport ? Comment ne pas arriver à un tel déficit quand le gouvernment précédent a diminué à un niveau jusque-là jamais atteint la contribution de l'Etat au BAPSA et a, de surcroît, proposé une contribution à la retraite complémentaire obligatoire sans en prévoir le moindre financement ? Oui, mes chers collègues, pas un euro n'est prévu pour financer la retraite complémentaire obligatoire, alors que sa mise en place était initialement prévue pour début 2003.
    Devant l'urgence de la situation, afin d'éviter une crise de financement de la protection sociale agricole et permettre un fonctionnement correct du régime, le Gouvernement est contraint de proposer des mesures exceptionnelles. Il s'agit de rétablir la vérité des comptes et d'envisager l'avenir du BAPSA sur des bases réelles. Devant l'importance du déficit, la solution retenue par le Gouvernement, celle d'un effort de la solidarité nationale associé à la solidarité de la filière agricole, me paraît être sur le fond la plus adaptée dans l'esprit et dans la forme, à quelques nuances près. Un amendement à l'article 2 sera d'ailleurs proposé pour que la solidarité s'applique aussi à l'ensemble des caisses et pas uniquement à celles qui, de par leur histoire ou leur gestion, ont constitué des réserves. Nous devons, dès à présent, nous inscrire dans une perspective d'avenir, messieurs les ministres, et l'avenir du BAPSA en tant que tel est à un horizon très court, puisqu'il devra disparaître au plus tard en 2006. Il est indispensable, à ce sujet, d'associer étroitement et dès à présent les mutuelles sociales agricoles dans une concertation constructive qui permettra, j'en suis sûr, de tenir compte de la spécificité de la gestion de ce régime.
    N'oublions pas que les MSA sont gérées de manière décentralisée par plus de 76 000 délégués élus qui ne demandent qu'à agir dans le bon sens et donc à être d'abord entretenus et considérés. C'est une ligne et une exigence qu'il conviendra de tenir.
    Pour finir, je voudrais évoquer le respect, le respect du travail, le respect de la réalité, le respect des Français. Je constate, messieurs les ministres, que vous avez su imprimer au collectif budgétaire cette valeur fondamentale dont le Président de la République, avec le soutien des Français, a fait la pierre angulaire de son projet pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Pierre Brard. Avec 19 %, quel soutien massif !
    M. François Grosdidier. Et avec 16 % et même 3 % de votre côté, monsieur Brard ?
    M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour cinq minutes.
    M. Jean-Louis Dumont. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis aujourd'hui, s'il procure quelques satisfactions à la majorité, peut néanmoins sembler bien timoré au regard des propos et des coups de menton de celle-ci après lecture de l'audit et les ambitions déclarées lors de la campagne électorale. En quelques minutes, permettez-moi d'émettre quelques observations et de formuler quelques questions.
    Tout d'abord sur la baisse de l'IRPP, mesure annoncée à grand son de trompe lors de la campagne électorale. Cette disposition, d'un coût de 2,5 milliards, ne bénéficiera qu'à quelques ménages pour qui le profit sera d'autant plus grand que l'impôt sur le revenu acquitté est élevé.
    Au-delà du caractère quelque peu démagogique, voire inconsidéré, de cette annonce, c'est surtout son caractère anti-républicain que je souhaite dénoncer. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    En effet, au moment où tous ensemble, de façon différente, chacun avec sa philosophie, nous nous interrogeons sur les moyens à mettre en oeuvre, sur la méthode à utiliser pour faire partager un esprit de responsabilité, pour donner corps à un acte collectif au service de la nation, on s'en prend à la juste contribution des personnes physiques à l'effort de la nation.
    L'IRPP doit être, il est un acte citoyen. Mais à force d'être dévalorisé par des exonérations, des réductions, il devient un geste obligé, mal supporté, dénigré. Nous devrions au contraire souligner que cette contribution des personnes physiques sur leurs revenus est une action fondamentale pour notre société. Dans ce pays, peu nombreux sont les actes universels et collectifs au bénéfice de la République. Je rappelle que le Président de la République a supprimé l'un d'entre eux, peut-être le plus fort, à l'origine de la nation : je veux parler du service national.
    Il est donc étrange que la mesure phare prônée par le Président de la République lors de sa campagne électorale fasse fi ou aussi peu de cas de l'engagement solidaire et républicain. Cette mesure oublie les faibles et traduit, de la part de la nouvelle majorité, un sentiment de basse satisfaction à son propre bénéfice.
    Après avoir réduit une recette pour la France, on nous propose une deuxième mesure qui m'interpelle tout autant : la baisse du prélèvement au bénéfice de l'Union européenne. L'économie de 1,9 milliard d'euros au bénéfice du budget de l'Etat serait due à une correction visant à tenir compte de l'audit, d'après la présentation de M. le ministre de l'économie dans le document remis à la commission. S'agit-il en fait de corrections, de restitutions, de révisions à la baisse ou à la hausse ? A nous de faire notre analyse, mais qui croire ?
    Quel avenir peut-on imaginer pour nos projets soutenus par l'Union européenne et relatifs aux PME, au tourisme ou aux nouveaux gisements d'emplois quand on connaît les moyens développés en particulier par le ministère de l'agriculture pour ne plus aider les agriculteurs, et récupérer à leur corps défendant les aides versées dès qu'une erreur, même involontaire, est décelée ?
    Tout ici vient malheureusement démontrer que le développement des actions européennes est freiné et que, sur la route de l'Europe, nous allons régresser.
    J'en viens à ma troisième remarque. Elle concerne les nouveaux crédits inscrits au chapitre 67-50 du ministère de l'intérieur et qui complètent les subventions pour les équipements des collectivités locales, qu'ils permettent parfois d'achever.
    Je profite de l'occasion, messieurs les ministres, pour vous rappeler une dette d'honneur que l'Etat a contractée envers les populations rurales voilà cinquante-deux ans : le remplacement des ponts détruits par faits de guerre. Que je ne revienne pas sur le sujet aurait étonné mes collègues.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est vrai !
    M. Jean-Louis Dumont. Je prends à témoin M. Bouvard qui avait bénéficié à une époque, dixit le Premier ministre d'alors, d'une des dernières opérations.
    Le dernier ministre de l'intérieur du dernier gouvernement de la XIe législature avait pris des engagements. Je souhaite que ces engagements soient tenus.
    En effet, dans mon département, la Meuse, la construction d'un premier pont est lancée, subventionnée à 100 % par l'Etat. Mais il reste d'autres cas, et pas seulement dans ce département.
    Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, vous pourriez objecter que la reconstruction de ces ponts aurait pu être financée par l'adversaire de l'époque, mais c'est l'armée française qui les a détruits. Les ponts concernés sont aujourd'hui en acier, mais il ne s'agit pas d'acier français car ils sont arrivés avec les fameuses travées Arromanches !
    Je souhaite que ces crédits supplémentaires puissent bénéficier aux collectivités locales rurales qui, depuis cinquante ans, attendent la reconstruction définitive de leurs ponts aux normes d'aujourd'hui. J'attends donc des engagements précis.
    Enfin, quatrième et dernière observation...
    M. le président. Il faudrait vous approcher de votre conclusion, monsieur Dumont.
    M. Jean-Louis Dumont. Je m'achemine, monsieur le président. (Sourires.)
    M. le président. Allez-y, ne perdez pas de temps !
    M. Jean-Louis Dumont. Si vous m'interrompez...
    M. le président. Vous avez déjà perdu dix secondes !
    M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes un homme pressé, monsieur le président !
    M. Jean-Louis Dumont. M. Méhaignerie s'est inquiété ce matin des crédits consacrés au logement.
    Messieurs les ministres, s'agissant de la mise en place de la société de garantie pour l'accession sociale, je n'ai rien vu dans le collectif budgétaire. Je n'avais rien vu non plus à ce sujet dans les documents budgétaires précédents.
    Depuis plus de dix-huit mois, nous cherchons 30 millions d'euros pour constituer le capital de cette société. Je vous propose de reporter d'une année supplémentaire l'application de la mesure qui avait été envisagée dans la loi SRU et que j'ai toujours combattue et que je continuerai de combattre, même si mon amendement ne venait pas, pour des raisons réglementaires, en discussion cet après-midi. Quoi qu'il en soit, nous aurons l'occasion d'y revenir dès le mois de septembre et nous devrons, monsieur Méhaignerie, messieurs les ministres, trouver une solution au bénéfice des accédants à la propriété.
    M. le président. Merci, monsieur Dumont...
    M. Jean-Louis Dumont. J'en arrive à ma conclusion.
    M. le président. Monsieur Dumont, un temps a été fixé pour la discussion générale, qui doit être suivie par la défense d'une motion de renvoi en commission, pour laquelle une heure et demie est prévue. Après quoi, c'est une trentaine d'amendements qui devront être discutés. Le tout doit être bouclé aux environs de vingt heures trente. Si tous les orateurs socialistes dépassent leur temps de parole, on ne s'en sortira pas !
    M. Jean-Pierre Brard. On n'est pas pressés, monsieur le président !
    M. Jean-Louis Dumont. Je conclurai en trois points, très brefs, très précis... (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Non !
    M. Jean-Louis Dumont. ... sinon, je considérerai que vous m'aurez censuré, mes chers collègues ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)

    En conclusion donc (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), je considère, d'abord, que le versement de l'IRPP devrait être considéré comme un acte citoyen responsable et solidaire devant transcender les sentiments républicains.
    Ensuite, je souhaite que l'Europe soit au coeur de notre action et dotée des moyens financiers dans les domaines de la solidarité, de l'emploi et du développement de la coopération.
    Enfin, le Gouvernement devra répondre aux besoins des collectivités locales, et tout particulièrement honorer les dettes que la défense nationale a contractées envers elles. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Descamps.
    M. Jean-Jacques Descamps. Messieurs les ministres, permettez-moi tout d'abord de vous féliciter pour votre célérité à nous présenter, tout juste un mois après les élections, un collectif budgétaire clair, concis, et responsable.
    Ce collectif associe des mesures de redressement de nos comptes dans le cadre d'une opération vérité nécessaire et une mesure d'allégement fiscal promise à ceux qui représentent les forces vives de la nation et qui doivent retrouver confiance dans leurs responsables politiques.
    Il est vrai que l'audit que le Gouvernement a demandé à M. Bonnet et à M. Nasse dans les mêmes conditions qu'en 1997 et donc de façon objective, a largement facilité votre travail.
    Il est habituel que, lorsqu'elle revient au pouvoir, la droite apure les déficits accumulés par les promesses non financées de ses prédécesseurs de gauche.
    M. Jean-Louis Idiart. Et inversement !
    M. Jean-Jacques Descamps. La gauche sait et saura toujours faire rêver les Français à crédit, mais les Français ont du bon sens et ils finissent toujours par s'en rendre compte. C'est ainsi qu'ils nous ont confié le soin de remettre les finances de la France en état.
    M. Hervé Novelli. Il y a du travail à faire !
    M. Jean-Jacques Descamps. Il était d'ailleurs temps car nos partenaires européens auraient probablement exigé des mesures bien plus radicales si notre retour aux affaires ne s'était pas produit.
    Vous avez ajouté à cette mise à niveau budgétaire les incidences d'une réduction de 5 % de l'impôt sur le revenu. Je vous remercie d'avoir tenu parole en notre nom. Vous avez trouvé une méthode de calcul simple et parfaitement lisible pour ceux qui paient cet impôt sur les revenus de leur travail. C'est un signe clair d'une nouvelle façon de gérer le pays en accompagnant le dynamisme des acteurs économiques par une diminution de la pression fiscale qui, trop souvent, les décourage.
    M. Hervé Novelli. C'est vrai !
    M. Jean-Jacques Descamps. A ce propos, j'ai entendu ce matin M. Migaud se féliciter de ce que, disait-il, grâce aux socialistes l'économie française n'allait pas si mal que cela. Heureusement que ce ne sont pas les politiques qui font et défont l'économie française, mais ils peuvent la freiner ou la développer par leurs décisions. Ce sont les entrepreneurs qui créent l'économie française. Pendant cinq ans les socialistes les ont freinés. Nous disposons maintenant d'au moins cinq ans pour les aider de nouveau à créer la croissance et procéder en même temps aux réformes qui s'imposent.
    Vous avez pris l'engagement de ne pas accroître pour autant le déficit annoncé par les auteurs de l'audit. C'est un engagement indispensable car toute réduction d'impôt devra, dorénavant, s'accompagner d'une réduction de la dépense publique. Dans notre pays suradministré, il est vraiment temps de commencer à faire maigrir l'Etat.
    Vous avez comblé le déficit non financé du BAPSA en 2002 en prévoyant un financement associant une contribution budgétaire et des prélèvements sur les réserves de certaines caisses ou organismes de la profession agricole. Il s'agit d'un geste de solidarité nécessaire, mais il ne résoudra pas le problème de fond des prestations agricoles.
    Une réflexion sur l'ensemble du problème des retraites agricoles s'impose.
    Je voterai le collectif budgétaire, en espérant que vous accepterez quelques amendements que nous souhaitons, avec M. le président de la commission des finances, voir prendre en compte dans l'élaboration de la prochaine loi de finances pour 2003. Je pense en particulier à notre proposition de réduire les crédits alloués au Conseil de la politique monétaire. C'est un très bon exemple de cette méthode, que vous connaissez bien dans les entreprises, monsieur le ministre, et qui consiste, ce qui est la moindre des choses, à se reposer tous les ans la question de l'utilité de reconduire nombre de dépenses du passé qui ne servent plus à rien. Pourquoi ne pas l'appliquer systématiquement à tous les services de l'Etat ?
    Permettez-moi enfin de vous rappeler deux idées simples que j'aimerais, comme beaucoup de mes collègues, voir appliquées dans l'élaboration du budget de 2003, qui sera particulièrement important.
    En premier lieu, une rapide simplification des procédures d'action et de contrôle de vos administrations, de toutes les administrations, est nécessaire.
    L'administration doit être là pour créer un environnement favorable à l'économie, pour corriger les inégalités sociales, pour contrôler l'utilisation de l'argent public, mais certainement pas pour faire le bonheur des gens contre eux, pour envahir nos entreprises et, je le dis en tant que maire, nos collectivités locales, de paperasses de toutes sortes, pour les assaillir de contrôles tatillons dont on se demande s'ils ne sont pas décidés seulement pour justifier l'existence même des services qui les effectuent.
    M. Jean-Pierre Brard. Vous parlez de la Cour des comptes ?
    M. Jean-Jacques Descamps. En second lieu, il convient de réduire fortement, fermement les dépenses publiques au sommet des administrations centrales, et non sur le terrain, où le maintien rationalisé de services publics assorti d'une présence humaine minimale est nécessaire.
    C'est sur ces deux idées principales que j'ai eu pour ma part l'impression d'avoir été élu. Il ne peut plus être question pour nous de nous laisser impressionner par les mécanismes d'autodéfense habituels de l'administration, et notamment par ceux de ses représentants les plus hauts placés dans la hiérarchie, et quelquefois même de certains hauts fonctionnaires qui ont décidé de faire le saut dans la vie politique sans pour autant avoir changé de culture. Par leur attitude défensive, tous ceux-là nuisent au respect que l'on doit à tous les fonctionnaires utiles et compétents et qui sont souvent les premiers à espérer une revalorisation de leur métier au service du public. Ils sont nombreux à souhaiter qu'enfin nous engagions les réformes qui s'imposent.
    Messieurs les ministres, connaissant vos origines professionnelles comme votre détermination, je suis sûr que vous saurez surmonter les obstacles que vous rencontrerez sur votre route pour réformer l'administration et, surtout, pour aider l'économie française à retrouver le chemin de l'espoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.
    M. Gérard Bapt. Messieurs les ministres, pour nous présenter ce collectif budgétaire, vous vous appuyez sur le rapport d'audit de M. Nasse et de M. Bonnet, qui met en évidence une aggravation du déficit prévisible du budget de l'Etat pour 2002 à partir d'un constat réalisé sur le premier semestre.
    C'est dire que ce constat n'est qu'indicatif. C'est dire que ce constat n'est qu'aléatoire car dépendant du niveau des recettes, c'est-à-dire de l'évaluation de la croissance, et du niveau des dépenses, c'est-à-dire de l'ampleur des mesures de régulation que le Gouvernement peut adopter, va adopter, tel le vôtre aujourd'hui. Mais cela aura été le cas les années passées de tout gouvernement, quelle que soit la nature de la majorité qui, dans cette assemblée, l'ait légitimée.
    Cela signifie que vous ne pouvez pas aujourd'hui sans arrière-pensée préjuger de la manière la plus négative comme vous le faites de l'ampleur du déficit de fin d'année en retenant le niveau le plus haut de la fourchette de prévision avancée par les auditeurs.
    En 1997, l'audit réalisé par les mêmes magistrats avait fait apparaître un déficit révélant un dérapage des comptes qui était la conséquence de la politique économique et sociale de MM. Balladur et Juppé, lesquels avaient allégé les impôts pour les plus hauts revenus et accru la charge pesant sur la masse des consommateurs.
    Aujourd'hui, le dérapage, bien réel, est dû au retournement de la conjoncture mondiale, aggravé par les attentats terroristes du 11 septembre, qui ont cassé le début de reprise pronostiqué par les conjoncturistes. Cela explique d'ailleurs la prudence de vos prédécesseurs, M. Fabius et Mme Parly, lorsqu'ils pronostiquaient la croissance à venir.
    Je pense qu'il est dans le rôle d'un ministre de l'économie et d'un ministre du budget non de participer à une sinistrose, mais d'afficher toujours un volontarisme optimiste. Je suis sûr que, à leur place, vous auriez procédé de la même manière.
    Vous avez dit, monsieur le ministre de l'économie, que le dérapage était dû pour deux tiers aux surcoûts de dépenses par rapport à la loi de finances initiale. Mais vous avez surestimé ce dérapage, notamment en ce qui concerne les dépenses sociales, par rapport aux chiffres des auditeurs. Vous avez d'ailleurs procédé à une rectification dans la présentation de votre collectif en précisant que celui-ci n'intègre pas l'impact des mesures conservatoires que le Gouvernement mettra en oeuvre dans les prochaines semaines pour éviter la dégradation du déficit au-delà de la situation qu'il a trouvée. J'en veux pour preuve le décret d'annulation que vous venez de publier en application de l'article 14 de la loi organique du 1er août 2001 et qui concerne 2,2 milliards d'euros de crédits inscrits à la section des charges communes, dont 1,339 milliard d'euros sur le chapitre 15-01 concernant les dégrèvements compensés par l'Etat de recettes fiscales locales directes.
    Cela signifie que, s'il y a eu une sous-estimation dans la loi de finances initiale, il y a eu aussi des surestimations de votre part. Aujourd'hui, vous réalisez 2,2 milliards d'euros d'économie sur des surestimations. M. le président de la commission des finances a d'ailleurs lui-même indiqué que les membres de sa commission seraient vigilants quant à la nature des économies qui seront réalisées, et il a évoqué les crédits du logement. Les commissaires socialistes seront quant à eux attentifs à tout ce qui concerne les crédits inscrits au titre de la solidarité et du bon fonctionnement des services publics, garants du pacte républicain, comme les crédits destinés à la sécurité.
    En fait, mais peut-être est-ce normal après une campagne électorale, il y a bien une arrière-pensée dans le fracas avec lequel vous affichez ce qui n'est qu'une prévision au 15 juillet. Il serait intéressant, messieurs les ministres, que vous nous informiez sur l'état des rentrées de l'impôt sur les sociétés à la même date. Sans doute le connaissez-vous déjà.
    Votre habileté de présentation est à double détente concernant l'impôt sur le revenu puisqu'il vous sera aisé de présenter l'allégement de cet impôt concernant la moitié des ménages comme relevant de votre seule décision, alors que la baisse uniforme de 5 % s'ajoutera à la baisse décidée par vos prédécesseurs. Mais ceux-ci l'avaient faite dans le cadre d'une politique visant à la justice fiscale et les allégements de l'impôt sur le revenu, inscrits dans le plan d'allégements et de réforme des impôts présenté au mois d'août 2000, prévoyaient une baisse plus importante des taux des premières tranches du barème, afin de corriger les distorsions, mises en évidence ce matin même par M. Migaud, de la baisse uniforme que vous mettez en oeuvre et qui aboutit, pour un ménage de même structure, à une réduction supérieure de soixante fois pour un revenu imposable supérieur de cinq fois seulement.
    Votre diminution de 5 % concernera, pour 70 % de la perte de recettes, les 10 % de Français les plus aisés !
    Le rapport entre les grosses cylindrées et les petites cylindrées, pour ce qui touchait à la suppression de la vignette, était d'un tout autre ordre, puisque 20 % seulement concernaient les grosses cylindrées.
    Le plan triennal d'allégements de l'impôt concernait tous les contribuables non redevables, c'est-à-dire les plus modestes, par des mesures d'allégement de la taxe d'habitation, de la TVA, par la création de la prime pour l'emploi, qui concernait pour ses deux tiers des ménages non imposables, ou bien encore par la réforme des aides au logement, qui concourait au même objectif de justice fiscale et sociale.
    Si elle est injuste socialement, votre diminution de 5 % est aussi inopportune, non seulement en ce qui concerne l'état des finances publiques, dont vous affirmez sur la gravité, mais aussi sur le plan économique.
    Quelle est, monsieur le ministre de l'économie, votre analyse de l'état de la France permettant de bâtir une politique au service de la croissance et de l'emploi telle que vous l'affichez ?
    Cette baisse d'impôt concourt, d'après vous, à la croissance et à l'emploi. Cela semble signifier que notre économie souffrirait d'une insuffisance de la demande. Mais, dans ce cas, au lieu d'alimenter pour l'essentiel l'épargne au moment où celle-ci se porte mal à la bourse, il faut alimenter la consommation. Or, quel meilleur moyen pour ce faire que de majorer la prime pour l'emploi ou l'allocation de rentrée scolaire ou de procéder à tous allégements que l'on est sûr de retrouver quasi instantanément dans la consommation ? Avec le refus de donner un coup de pouce au SMIC, la hausse des tarifs de l'EDF, l'abandon du mécanisme stabilisateur du prix de l'essence à la pompe, c'est clairement l'inverse que vous êtes en train de faire.
    Notre économie souffre peut-être d'une insuffisance de l'offre. Il faut alors favoriser l'investissement, ce qu'avait semblé penser M. le Président de la République lorsqu'il avait évoqué, le 14 juillet, des entreprises françaises accablées par les impôts et les charges. Mais alors il vaudrait mieux consacrer aux allégements de charges les 2,55 milliards d'euros que vous accordez inutilement aux catégories les plus favorisées.
    Votre collectif est à la fois injuste socialement et inopportun économiquement. C'est pourquoi le groupe socialiste s'y opposera. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli.
    M. Hervé Novelli. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le 16 octobre 2001, lors de la discussion du projet de loi de finances initiale pour 2002, M. Didier Migaud, alors rapporteur général du budget, affirmait, pour justifier les hypothèses économiques sous-tendant les prévisions, tant en recettes qu'en dépenses, de la loi de finances, prétendant citer le Général de Gaulle : « Là où il y a une volonté, il y a un chemin. »
    Laurent Fabius, le ministre des finances de la même époque, parlait, pour justifier cette hypothèse de 2,5 % de croissance en 2002, d'« une approche volontaire ».
    Pour autant, ces hypothèses étaient jugées irréalistes non seulement par l'opposition de l'époque devenue majorité aujourd'hui - je pense à MM. Pierre Méhaignerie, Gilles Carrez, Marc Laffineur et François d'Aubert, notamment -, mais aussi par la très grande majorité des économistes, comme le soulignait Le Monde du 9 octobre 2001 : « France : l'hypothèse de croissance française de 2,5 % est considérée comme très optimistes par les économistes. »
    Seul le volontarisme affiché de nos dirigeants de l'époque pouvait tenter de justifier des hypothèses aussi irréalistes que celles présentées par le gouvernement de M. Lionel Jospin. Certes, l'erreur est toujours possible en matière de prévisions comme de citations, et Didier Migaud y sacrifiait doublement en prêtant au général de Gaulle ce qui appartient à Guillaume d'Orange.
    Reconnaissons simplement que l'erreur de prévision était de taille, parce que l'hypothèse de croissance de 2,5 % en 2002 ne se vérifiera bien évidemment pas, et de loin. En effet, nous sommes maintenant à 1,4 % de croissance pour 2002, selon la dernière note de conjoncture de l'INSEE. Un point c'est tout, mais c'est beaucoup !
    Cet écart important justifie à lui seul l'audit commandé par le Gouvernement, dont les conclusions sous-tendent largement le collectif budgétaire qui nous est présenté aujourd'hui.
    Ces conclusions sont en effet sans appel. La sous-évaluation des recettes et le dérapage des dépenses amènent à conclure à une aggravation du déficit prévisible pour 2002 qui se situerait entre 2,3 % et 2,6 % du PIB, soit près d'un point de plus par rapport aux chiffres annoncés par le précédent gouvernement.
    Tout cela était prévisible, tout cela était prévu et parfaitement connu : un quotidien du soir annonçait, le 9 février 2002 : « Le Gouvernement a fait le choix de laisser filer légèrement les déficits, selon François Hollande, premier secrétaire du PS. » Le 15 février 2002, Le Monde titrait : « Bercy doit se résigner à laisser filer les comptes de l'Etat. » Un tel écart est-il tolérable ?
    M. Marc Laffineur. Non !
    M. Hervé Novelli. Je rappelle que c'est d'une augmentation du déficit de près de 50 % qu'il s'agit. Ce n'est pas mince !
    Certains ont pu dire qu'en période électorale « le Gouvernement a fait ce que fait tout gouvernement, surévaluer les recettes, sous-estimer les dépenses ». Il ne faut pas s'y résoudre !
    Faisons un instant le parallèle avec ce qui se passe dans le secteur privé, où l'insincérité des comptes des entreprises, pourtant encadrés par des procédures, par les commissariats au compte, entraîne des conséquences lourdes...
    M. Jean-Pierre Brard. Pour Jean-Marie Messier !
    M. Hervé Novelli. ... et parfois judiciaires et pénales pour ceux qui en sont responsables.
    M. Augustin Bonrepaux. On voit le résultat !
    M. Jean-Pierre Brard. Quand allez-vous apporter des oranges à M. Messier ?
    M. Hervé Novelli. Cela est justifié, car il doit y avoir une éthique du comportement entrepreneurial.
    M. Jean-Pierre Brard. Oui !
    M. Hervé Novelli. J'appelle de mes voeux une éthique du comportement des responsables de ce pays.
    Selon l'article 27 de la loi organique du 1er août 2001, « les comptes de l'Etat doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle de son patrimoine et sa situation financière ». On peut lire ensuite, à l'article 32 : « Les lois de finances présentent de façon sincère l'ensemble des revenus et des charges de l'Etat. Leur sincérité s'apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler. » On a là un principe quasi constitutionnel de sincérité.
    M. Jean-Jacques Guillet. C'est clair !
    M. Hervé Novelli. Devant ce principe quasi constitutionnel de sincérité, je pose la question avec force : la présentation de faux bilans, qui est pénalement punissable en droit des sociétés, ne pourrait-elle pas faire l'objet d'une transposition s'agissant des comptes de l'Etat ? En effet, cette loi organique très importante, dont on peut à raison s'enorgueillir, présente une grave lacune : qui apprécie la sincérité des comptes publics et qui sanctionne son absence ?
    Monsieur le ministre de l'économie, monsieur le ministre délégué au budget, le collectif que vous nous présentez est d'abord un collectif de vérité, un collectif de sincérité, un collectif éthique.
    M. Marc Laffineur. Ça change !
    M. Hervé Novelli. Monsieur le ministre de l'économie, permettez-moi d'ajouter, à titre plus personnel, que ce collectif porte votre marque de vérité et de sincérité. Ce n'est pas surprenant pour qui connaît et apprécie comme moi votre passé d'entrepreneur. Vous avez remarquablement su redresser la sidérurgie française, au point d'en faire la première du monde.
    M. Jean-Pierre Brard. A quel prix ?
    M. Hervé Novelli. Je vous souhaite, je nous souhaite le même succès pour redresser les comptes de l'Etat.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Très bien !
    M. Marc Laffineur. Ce sera dur !
    M. Hervé Novelli. Ce collectif vérité solde la piteuse gestion socialiste en assurant le bon fonctionnement de l'Etat et le paiement des dettes acquises à la fin de l'année 2001. Car c'est une véritable opération vérité que de financer pour près de 5 milliards d'euros les dépenses prévisibles de la loi de finances initiale, mais non financées, dont la moitié, mesdames, messieurs, dans le secteur social !
    Comme si décidément une sorte de malédiction planait sur nos collègues socialistes dont les bonnes intentions supposées se terminent mal, souvent au détriment des plus faibles : 900 millions d'ouverture de crédits sont ainsi nécessaires pour les minima sociaux, 200 millions pour le financement de la couverture maladie universelle et 445 millions pour l'aide médicale de l'Etat.
    Ajoutons, pour être complet, l'obligation de financer le budget annexe de la protection sociale agricole à hauteur de 750 millions d'euros pour pouvoir continuer de payer la retraite pourtant bien modeste - chacun en conviendra ici - de nos agriculteurs.
    Mais ce collectif de vérité est aussi, messieurs les ministres, un collectif d'espoir puisqu'il met en oeuvre la baisse de l'impôt sur le revenu de 5 % en 2002. Comme l'a souligné le Président de la République ce 14 juillet, cette action sera poursuivie tout au long de la législature.
    M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas l'avis de M. Mer !
    M. Hervé Novelli. Je le cite - je sais que cela fait plaisir - : « Ce n'est pas un choix politique, c'est un choix de survie. Il faut une nouvelle politique économique qui soit caractérisée par la réduction de la fiscalité et des charges, par la réduction des réglementations excessives et inutiles qui pèsent notamment sur les petites et moyennes entreprises et puis également l'assouplissement de règles comme celle des 35 heures. »
    Tout cela est vrai, mes chers collègues, et je pense que le temps est venu de mieux récompenser le travail, le mérite et l'effort. Le temps est venu aussi de compléter cette baisse de la fiscalité par une réduction de la dépense publique dont on sait combien elle a dérapé au cours des années précédentes.
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Novelli, me permettez-vous de vous interrompre ?
    M. Hervé Novelli. Tout de suite après !
    Vérité des comptes, espoir pour le monde du travail, tels sont les axes principaux de ce collectif et je voulais le souligner.
    Messieurs les ministres, j'ai confiance en vous deux, sous l'autorité bienveillante du Premier ministre...
    M. Jean-Pierre Brard. C'est un acte de foi ! A genoux !
    M. François Grosdidier. Vous, vous êtes sans foi ni loi !
    M. Jean-Pierre Brard. Votre culture m'impressionne, monsieur Grosdidier !
    M. le président. Monsieur Brard, vous pourrez bientôt parler une heure et demie pour présenter la motion de renvoi en commission. Vous ne serez pas en manque de parole !
    Mme Martine Lignières-Cassou. M. Grosdidier l'a provoqué !
    M. Hervé Novelli. Je ne vous ai pas autorisé à m'interrompre, monsieur Brard !
    Messieurs les ministres, j'ai confiance en vous, sous l'autorité bienveillante du Premier ministre, en votre détermination et en votre capacité à résister à toutes celles et à tous ceux qui vous diront, qui nous diront : « Ça n'est pas possible. On ne peut pas baisser les impôts durablement. On ne peut pas freiner puis réduire la dépense publique ». Eh bien si, messieurs les ministres, on le peut si l'on s'appuie, comme vous avez commencé à le faire, sur tous ceux qui travaillent, qui créent, qui produisent, qui innovent, et ils sont nombreux dans le pays. Ne les décevez pas ! Ne les décevons pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. François Grosdidier.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est un revenant ! C'est son deuxième noviciat ! (Sourires.)
    M. François Grosdidier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues que je suis heureux de retrouver, jamais une loi de finances rectificative n'aura aussi bien porté son nom ! Etudiant en finances publiques, je pensais alors que l'appellation de « loi de finances modificative » aurait été plus appropriée. Mais cette année, il s'agit non pas seulement de modifier le budget de l'Etat, mais bien de le rectifier, comme un professeur rectifie les erreurs dans la mauvaise copie de son élève. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Pierre Brard. Vous commencez mal !
    M. François Grosdidier. Les élèves Jospin et Fabius étaient-ils mauvais ? Les résultats, en tout cas, le sont puisque, après cinq années de croissance soutenue, ils dépassent le déficit budgétaire laissé en 1997 après quatre années de croissance faible ou négative, pendant lesquelles nous avions tout de même réduit le déficit. Alors mauvais ? Peut-être, mais malhonnêtes, trompeurs et dissimulateurs, certainement. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Louis Idiart. C'est grossier !
    M. François Grosdidier. Il n'y a pas eu seulement erreur d'appréciation. Il y a eu mensonge délibéré pour abuser la représentation nationale et tromper les Français avant la double échéance nationale engageant le pays pour cinq ans. Il y a eu mensonge réitéré, car les orateurs de l'opposition d'alors avaient mis en garde le Gouvernement socialiste, très solennellement, lors du débat sur la loi de finances initiale. Je n'étais pas là, je l'ai lu dans Le Monde.
    M. Fabius ironisait sur les « Cassandre de l'opposition », alors qu'il surestimait sciemment la croissance, et donc les recettes de l'Etat.
    M. Hervé Novelli. C'est vrai !
    M. François Grosdidier. De même, il sous-estimait les dépenses. Certaines sont aléatoires, certes oui, mais pas à de telles hauteurs. Le déficit dépasse les prévisions de 15 milliards d'euros. Du jamais vu ! Un écart de 50 % entre les prévisions et la réalité : c'est le record absolu d'insincérité.
    Les socialistes essaient de se justifier, a posteriori, par l'affaissement de la croissance. D'abord, le taux de croissance était surestimé. L'ancien gouvernement en fut prévenu par l'opposition à cette tribune. Ensuite, la surestimation des recettes n'explique qu'un tiers du dérapage. Les deux autres tiers proviennent de la sous-estimation des dépenses.
    Il n'y a aucun rapport entre la conjoncture et le manque de 700 millions d'euros pour financer le RMI ou de 150 millions d'euros pour l'allocation d'adulte handicapé. Le nombre des RMIstes et des handicapés ne s'est pourtant pas accru dans ces proportions. On dit parfois que les socialistes ont le coeur à gauche et le portefeuille à droite. Ces derniers temps, ils ont eu le coeur humide, certes, mais le portefeuille sec, car ils n'ont pas financé leurs nouvelles mesures sociales comme l'APA. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jacques Myard. Il a raison !
    M. François Grosdidier. Il manque encore 220 millions d'euros pour la CMU et, au total, 2,56 milliards d'euros pour le secteur social.
    M. Hervé Novelli. C'est vrai !
    M. François Grosdidier. Cynisme et mauvaise foi ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Comment les socialistes peuvent-ils expliquer par les « variations de la conjoncture internationale » le non-financement des loyers de l'Etat aux collectivités locales pour les gendarmeries, ou à la SNCF pour le transport des militaires ? Avec ce budget insincère qu'ils ont présenté au Parlement à l'automne dernier, ils se sont révélés menteurs et dissimulateurs. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Dévoilés, ils se montrent désinvoltes. Je les entends encore, en commission des finances, ricaner de leur forfait,...
    Mme Martine Lignières-Cassou. Oh !
    M. Jean-Louis Idiart. Godillot !
    M. François Grosdidier. ... comme si de telles insuffisances pour financer les minima sociaux relevaient d'un jeu, du jeu politique normal !
    Ce déficit laissé, leur chef, François Hollande, le balaie du revers de la main, parlant d'« écume médiatique » ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jacques Myard. Cela ne leur fait pas plaisir !
    M. François Grosdidier. Outre le scandale du mensonge, ce trucage révèle les carences de leur gestion, la dilapidation des fruits de la croissance, le laisser-aller des dépenses courantes et la création démagogique de nouvelles dépenses récurrentes. « Le mensonge est la seule et facile ressource de la faiblesse », écrivait Stendhal.
    M. Jean-Pierre Brard. Qui vous a soufflé cette citation ? Vous n'avez pas pu la trouver tout seul !
    M. François Grosdidier. Il faut en revanche de la force au Gouvernement et au Parlement pour rectifier ce budget tronqué et truqué. C'est l'objet de ce projet qui m'incite à vous faire part d'un regret, d'un satisfecit et d'un souhait.
    Le regret, c'est que la situation ne nous permette pas d'engager des actions nouvelles, à l'instar du budget supplémentaire d'une commune. Nous paierons simplement les factures de nos prédécesseurs.
    Le satisfecit, c'est que, dans ce contexte, nous tenions quand même l'engagement du Président de baisser l'impôt sur le revenu. C'est un tour de force. (Rires sur les bancs du groupe socialiste.) Il faut toute la mauvaise foi des truqueurs de chiffres pour utiliser le prétexte de cette baisse afin de minimiser le résultat accablant de l'audit. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Roger-Gérard Schwartzenberg. C'est Petitdidier !     M. François Grosdidier. Comme si votre mérite, messieurs les ministres, enlevait aux socialistes de leur turpitude.
    Mme Martine Lignières-Cassou. Oh !
    M. François Grosdidier. En revanche, nous sommes conscients de ce que la baisse de l'impôt sur le revenu supposera encore davantage de rigueur dans la gestion et de courage dans la réforme de l'Etat. La gauche proteste parce que cette baisse de l'impôt sur le revenu bénéficiera à ceux qui le payent comme, hier dans cet hémicycle, elle nous reprochait de lutter contre la délinquance en voulant réprimer les délinquants. Nos concitoyens, même les plus modestes, comprennent, eux, qu'on ne peut rétablir la sécurité qu'en s'attaquant aux voyous et baisser la fiscalité qu'en diminuant les impôts. Nous partageons avec l'immense majorité des Français ce bon sens populaire que la gauche persiste à réfuter !
    Le souhait, enfin, c'est qu'au-delà du procès en tromperie qu'il convient de faire aux socialistes aujourd'hui, de tels trucages deviennent désormais impossibles, quelle que soit la majorité en place.
    M. Hervé Novelli. Absolument !
    M. François Grosdidier. Ce ne doit plus être le jeu politique normal tel que vous le considérez. Surestimer les recettes de façon si irréaliste, sous-estimer les dépenses pourtant connues, occulter même des dépenses obligatoires, engage la responsabilité de tout chef d'entreprise. De telles manoeuvres sont impossibles de la part des maires que nous sommes pour beaucoup. Elles entraînent la saisine de la chambre régionale des comptes et, si le maire persiste, son dessaisissement et l'exécution d'office du budget municipal par le préfet.
    Les Français aspirent à l'Etat de droit et à la transparence dans tous les domaines. L'Etat ne peut plus échapper à cette exigence de vérité et de sincérité dont il est, pour les autres niveaux, le garant. Il nous faut mettre en place des mécanismes nouveaux garantissant la sincérité budgétaire, mécanismes qui devraient survivre à la législature et compléter notre nouvelle « constitution » financière.
    Parce que le mensonge budgétaire de l'Etat, avec ce record de 50 % d'écart, n'avait jamais atteint une telle ampleur, nous devons faire en sorte qu'il soit le dernier de l'histoire budgétaire de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme Martine Lignières-Cassou.
    Mme Martine Lignières-Cassou. Monsieur le ministre, votre collectif se veut marqué du sceau de la simplicité et de la transparence. Cependant, les interventions précédentes ont montré que cette volonté ne se traduisait que peu dans les faits. Je souhaite donc revenir sur certains points précis, afin d'obtenir de votre part certains éclaircissements susceptibles de diminuer quelque peu notre perplexité.
    Ma première interrogation porte sur votre présentation de la mesure de baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu. Ici encore, vous avez insisté sur la simplicité de la mesure, allant jusqu'à la décrire comme un simple rabais sur facture. L'exposé des motifs est a priori clair, indiquant que l'ensemble des contribuables bénéficiera de cette mesure. Vous omettez simplement de souligner que les contribuables en question sont uniquement ceux redevables de l'impôt sur le revenu, soit 16 millions de foyers fiscaux.
    Quel sera, pour chacun de ces foyers, la réduction de l'impôt dû ? Annoncer que tous les contribuables bénéficieront de cette mesure, c'est masquer le fait que, pour plus de la moitié des foyers fiscaux, le gain sera compris entre 0 et 4 EUR. Pour un tiers, ce gain représentera moins de 40 EUR. En revanche, les ménages aisés retireront un avantage conséquent de la baisse puisque 20 % parmi les plus aisés bénéficieront d'une baisse d'au moins 150 EUR et 1 % d'entre eux d'une baisse d'au moins 1 500 EUR.
    Vous nous annoncez que certains bénéficiaires de la prime pour l'emploi profiteront également de cette baisse. Alors, il faut éclairer la représentation nationale : quel pourcentage des bénéficiaires de la PPE sera concerné, et pour quelle réduction moyenne de l'impôt dû ? Il ne suffit pas d'allumer des contre-feux pour tenter de masquer l'injustice fondamentale de la mesure que vous proposez. Vous devez aux Françaises et aux Français la vérité sur l'impact de votre mesure.
    Ma seconde interrogation porte sur la traduction de l'audit à laquelle vous vous livrez dans le collectif. Vous affirmez vouloir traduire fidèlement les constatations faites par les auditeurs. Si tel est le cas, vous pourrez certainement nous éclairer sur certains points et, tout d'abord, sur le décalage qui apparaît parfois entre les estimations de l'audit et celles présentes dans le collectif.
    Comment justifiez-vous qu'en matière de RMI et d'allocations adultes handicapés, l'audit analyse un total de 740 millions d'euros d'engagements non financés, alors que le collectif ouvre un total de 850 millions d'euros, soit 110 millions de plus que les résultats de l'audit ? De même, les insuffisances en matière de loyers de la gendarmerie nationale sont évaluées par l'audit à 30 millions d'euros, alors que ce sont 68 millions d'euros qui sont ouverts par le collectif pour le paiement de ces loyers.
    Il est légitime que nous attendions vos explications sur ces écarts, qui paraissent avant tout destinés, comme l'ont souligné les précédents orateurs de mon groupe, à « charger la barque ».
    Il en va de même en matière d'économies budgétaires. Et ma question s'adresse plus particulièrement au ministre du budget, dont nous reconnaissons tous le rôle important qu'il a joué dans la réussite de la réforme de l'ordonnance organique relative aux lois de finances que Didier Migaud et le précédent gouvernement ont su mener à bien - un défi, après trente-cinq tentatives avortées...
    Le dossier de présentation du texte indique sommairement que le collectif, comme mon collègue Gérard Bapt le rappelait, n'intègre pas l'impact des mesures conservatoires que le Gouvernement mettra en oeuvre très prochainement pour éviter la dégradation du déficit.
    Les débats qui ont mené au vote de la loi organique ont montré l'importance qu'attache le Parlement, et notamment vous, monsieur le ministre, à l'information la plus complète possible du Parlement sur les mouvements de gestion et de régulation décidés en cours d'année, par le Gouvernement. Dès lors, comment pouvez-vous aujourd'hui vous satisfaire d'un collectif qui, tout en annonçant à demi-mot que de telles mesures seront prises, ne les met pas en oeuvre, ce qui aurait, pourtant, permis au Parlement d'être informé de la meilleure des manières ? Votre but ne serait-il pas d'afficher un déficit de l'Etat le plus médiocre possible, tout en sachant que le résultat d'exécution fera certainement apparaître une amélioration par rapport aux chiffres que vous nous annoncez aujourd'hui ? Je rappelle que le montant total des économies et des redéploiements de crédits de paiement identifiés par le précédent rapporteur général était de près de 2,7 milliards d'euros, chiffre sensiblement équivalent à celui constaté au cours des années précédentes.
    Dans le même ordre d'idées, l'audit dont vous faites grand cas avait présenté un dérapage brut des dépenses, évalué entre 10,3 et 10,8 milliards d'euros, ainsi que des économies réalisables, de l'ordre de 3,4 milliards d'euros. Nous n'avons pas de précisions sur la nature des économies ainsi identifiées et, surtout, sur la manière dont vous avez pu les prendre en compte. A priori ces économies n'ont pas été prises en compte dans le présent collectif.
    L'article 10 du projet de loi qui prolonge les dispositions que nous avions votées lors du collectif budgétaire 2001 me conduit à soulever la question du produit des cessions effectuées en application de ces dispositions.
    M. le président. Il faudrait conclure, madame, s'il vous plaît.
    Mme Martine Lignières-Cassou. Je n'y manquerai pas. En effet, si la mesure proposée aujourd'hui est un transfert à titre gratuit aux collectivités locales, l'article 81 de la loi de finances rectificative pour 2001 organisait, pour sa part, un transfert à titre onéreux vers les opérateurs. Les estimations disponibles à l'époque tablaient sur des recettes de l'ordre de 2 milliards d'euros. Or, aujourd'hui, à trois mois de la fin de cette opération, on pourrait penser que ces estimations ont été affinées et il serait légitime que nous puissions en disposer. Or, de telles informations ne figurent pas dans le projet qui nous est présenté.
    En conclusion, je voudrais aborder un sujet qui, en tant qu'ancienne présidente de la délégation au droit des femmes, me tient particulièrement à coeur. Les dernières élections législatives ont montré que les partis politiques, et plus particulièrement l'UMP, n'ont pas respecté la législation sur la parité et ont préféré subir des sanctions financières plutôt que de présenter un pourcentage légal de femmes candidates.
    M. le président. S'il vous plaît, madame.
    Mme Martine Lignières-Cassou. Je termine... Si un durcissement de la législation en la matière me semble souhaitable, une action simple pourrait être menée en procédant à la création d'un fonds visant à la promotion des droits des femmes. Ce fonds pourrait être alimenté par des sommes parfaitement identifiables, équivalant au manque à gagner par les partis politiques qui ne respectent pas la loi. Ce fonds pourrait ainsi contribuer à l'amélioration des femmes et à l'égalité des sexes dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jacques Myard. L'amélioration des femmes ? (Sourires.)
    M. Hervé Novelli. Il y a du boulot ? (Sourires.)
    M. le président. La parole est à M. Pierre Hériaud.
    M. Pierre Hériaud. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative 2002 poursuit deux objectifs principaux : rétablir la sincérité des comptes de l'Etat, diminuer les impôts et, partant, l'ensemble des prélèvements obligatoires.
    Lors de l'élaboration de la loi de finances initiale pour 2002, nous n'avons cessé de dénoncer les incohérences qui conduisaient inévitablement à une présentation fallacieuse et à l'impossibilité d'atteindre les objectifs annoncés.
    A l'automne dernier, quelles qu'en soient les causes, il était clair que la croissance ne serait pas au rendez-vous et qu'il ne fallait pas inscrire au budget des ressources qui ne viendraient pas. Mais il y avait surtout l'autre versant, celui des dépenses, dont, selon la formule euphémique, le dynamisme ne s'est pas démenti et a conduit à un dérapage quatre fois supérieur aux prévisions initiales : plus de 2 % au lieu de 0,5 %.
    Les dépenses, en effet, ont largement dépassé les prévisions initiales, évoluant de cinq à six points sur année mobile en ce qui concerne le fonctionnement. Cela constitue la tendance lourde qui ne peut être rectifiée que dans le temps, même si la présentation budgétaire générale peut être atténuée par la diminution des investissements qui, en la matière, jouent le rôle de variables d'ajustement, mais qui atteignent leurs limites.
    C'est cette situation déséquilibrée, avec des recettes en moins et des dépenses en plus, qu'a confirmée, sans surprise, l'audit remis au Premier ministre. Il a constaté un déficit de 2,6 % du PIB, contre 1,4 %. La différence de 1,2 point s'explique pour un tiers par des recettes en moins et pour deux tiers par des dépenses en plus. Le dérapage global résulte donc moins du retournement de conjoncture, qui est cependant réel, que de l'aggravation des dépenses publiques non maîtrisées.
    Le collectif budgétaire s'inscrit donc dans un contexte difficile quand, de surcroît, des dépenses ont été engagées sans crédits suffisants dans la loi de finances initiale et qu'il faut régler les impayés antérieurs à l'année 2002. Respectant l'engagement pris d'une baisse des impôts, le collectif budgétaire présente un déséquilibre supplémentaire de 15,56 milliards d'euros par rapport à la prévision initiale. Et nous allons retrouver, à la fin de l'année, les 3 % de déficit du budget général que nous connaissions déjà à la fin de l'année 1997. Alors que le redressement des finances du pays s'impose à nous tous, voilà le résultat d'une législature pour rien !
    Il faut souligner la situation délicate du BASPSA, dont le déséquilibre de 746 milliards d'euros est comblé pour 40 % par le budget général et pour 60 % par des contributions en provenance d'Unigrains, du fonds des calamités et des réserves des caisses de mutualité sociale agricole, non sans provoquer des réactions, car ces mesures sont considérées comme pénalisantes pour les caisses les mieux gérées. Mais il faut impérativement faire face aux dépenses de retraite et d'assurance maladie des assurés sociaux agricoles.
    En définitive, le Gouvernement a trouvé une situation déséquilibrée qu'il faut bien redresser, et cela passe par des ajustements indispensables. Votre projet, monsieur le ministre, est bon, mais de telles mesures ne sauraient être pérennisées. La situation exige un plan à moyen terme de baisse des prélèvements obligatoires, dont chaque point, je le rappelle, représente environ 7 milliards d'euros.
    Cette indispensable décroissance emporte, mécaniquement, la nécessité de maîtriser la dépense publique et doit essentiellement porter sur les titres III et IV si l'on veut relancer et programmer une politique d'investissements civils et militaires en réduisant très sensiblement le déficit budgétaire.
    Monsieur le ministre, la solution de cette équation apparaît impossible sans un minimum de croissance, vous le savez bien. En effet, chaque point de croissance apporte de son côté une marge de manoeuvre de 7 milliards d'euros qu'il convient d'utiliser de façon pertinente, entre la baisse des prélèvements obligatoires, la variation maîtrisée des dépenses publiques et la réduction du déficit budgétaire.
    Vous partez avec un handicap représentant l'équivalent de 2 points de croissance économique, que la précédente gestion a gâchée. Votre tâche est difficile mais sachez que dans ce processus de redressement des finances publiques de notre pays, vous avez notre total soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.
    M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Un ministre des finances doit trouver généralement un moyen terme entre avarice et prodigalité. Certes, s'il n'est pas nécessairement obligé de copier Harpagon ou le Père Grandet, il a encore moins à imiter Gatsby le Magnifique. (Sourires.)
    Ce collectif et votre politique budgétaire sont donc assez inhabituels pour Bercy : ils consistent à pratiquer l'addition pour les dépenses et la soustraction pour les recettes, comme si, assumant vos contradictions internes sans les résoudre, vous vouliez une chose et son contraire, en l'occurrence augmenter les dépenses et baisser les recettes.
    D'un côté, tout en proclamant la nécessité de réduire les déficits publics, vous annoncez une flambée des dépenses budgétaires pour les ministères que vous qualifiez de régaliens - intérieur, justice, défense. Je ne dis pas que ces dépenses soient toutes inutiles ou inopportunes, mais, en tout cas, elles ont un coût qui va peser lourdement et pour plusieurs années sur votre politique budgétaire. Sécurité intérieure : 5,6 milliards d'euros sur cinq ans ; justice, 3,6 milliards d'euros sur cinq ans ; défense : ce collectif budgétaire comporte déjà 908 millions d'euros de plus pour 2002 et la ministre de la défense, anticipant sur la loi de programmation militaire 2003-2008, annonce la construction d'un second porte-avions à propulsion nucléaire.
    M. Jean-Pierre Brard. Un porte-avions sans hélice ?
    M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Pour faire face à cette forte augmentation des dépenses publiques, vous espérez des rentrées fiscales accrues qui résulteraient d'une croissance de 3 % en 2003 ; c'est en tout cas l'hypothèse retenue dans les lettres de cadrage pour préparer le budget 2003. Cet optimisme excessif tend à vous faire prendre vos désirs pour la réalité. Il contraste avec l'analyse de nombreux conjoncturistes qui prévoient une reprise plus modérée, comme si le wish/ful thinking devenait une nouvelle variable de la stratégie budgétaire.
    Qu'allez-vous donc faire pour financer la progression des dépenses publiques ? Allez-vous laisser se creuser les déficits publics en 2003, alors que vous les chiffrez déjà à 45 milliards d'euros en 2002, soit 2,6 % du PIB ? Vous ne le pouvez pas sans renier nos engagements européens qui nous imposent d'avoir un déficit public inférieur à 3 % du PIB, avant de revenir à l'équilibre en 2004.
    Allez-vous décider une baisse nette du nombre des fonctionnaires en 2003, comme vous l'aviez envisagé le 9 juillet ? Le lendemain, le conseil des ministres adoptait le projet de loi de programmation sur la sécurité intérieure, qui prévoit la création de 13 500 emplois. Hier, le conseil des ministres adoptait le projet de loi de programmation relatif à la justice, prévoyant la création de 10 000 emplois. Alors, qu'allez-vous faire ? Allez-vous devoir condamner à l'austérité les ministères non régaliens : éducation, recherche, affaires sociales, équipement ? Allez-vous diminuer le nombre d'infirmières ou d'enseignants en réduisant la qualité du service rendu aux usagers ? Allez-vous abandonner certaines missions de service public ou, en tout cas, moins les assurer ?
    Paradoxalement, face à cette situation très difficile, vous choisissez de diminuer les recettes fiscales, alors qu'elles décroissent déjà d'elles-mêmes de 5,3 milliards de francs avec le ralentissement de la croissance économique, qui ne dépassera pas 1,4 % en 2002. Et vous baissez de 5 % l'impôt sur le revenu en 2002, ce qui coûtera, on l'a dit, 2,5 milliards d'euros. Cette baisse uniforme de 5 % rapportera beaucoup aux hauts revenus, très peu aux autres et rien du tout aux 50 % de Français non assujettis à l'impôt sur le revenu. En outre, la pérennité de la prime pour l'emploi créée en 2000 et attribuée aux ménages à faibles revenus est très incertaine, M. Raffarin ayant déclaré lui-même : « Nous verrons dans l'avenir ce qu'il faudra en faire. »
    Bref, vos mesures fiscales semblent négliger la France d'en bas et être très profitables aux classes sociales d'en haut, comme si vous vouliez mener une politique fiscale qui soit en réalité une politique de classe.
    M. Jean-Pierre Brard. Et c'est un radical qui vous le dit !
    M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Je remarque que cette baisse de l'impôt sur le revenu de 16,7 milliards de francs pour 2002 est sensiblement inférieure à celle de 25 milliards de francs décidée par le gouvernement Juppé au budget de 1997.
    Pendant la campagne présidentielle, le Président de la République a promis de baisser de 30 % l'impôt sur le revenu en cinq ans. Cette promesse a été de nature à séduire les électeurs, mais vous doutez déjà qu'elle puisse être tenue. Déjà, le ministre des finances refuse de s'engager sur une baisse supplémentaire de l'impôt en 2003 en renvoyant la décision à septembre et déclare que l'engagement d'aller plus loin « n'a pas été quantifié et planifié au-delà de la première étape ». M. Raffarin était encore plus clair dans sa déclaration de politique générale en indiquant que le rythme de baisse d'impôt « dépendra de la vigueur de la croissance ». Cette condition n'avait nullement été annoncée pendant la campagne électorale. Désormais, les promesses des brochures électorales seraient-elles semblables à des Kleenex qui serviraient le temps d'une campagne et qu'on s'empresserait de jeter une fois élu ?
    En réalité, vous êtes confronté à ce dilemme : soit renier nos engagements européens de retour à l'équilibre des finances publiques en 2004, engagements pourtant confirmés au Conseil européen de Séville le 22 juin dernier ; soit ne pas respecter les promesses électorales des campagnes présidentielles et législatives.
    La première hypothèse porterait atteinte à notre crédibilité au sein de l'Union européenne, qui pourrait d'ailleurs déclencher une procédure d'alerte. La seconde serait très négative pour la démocratie, qui ne peut supporter la discordance entre les paroles et les actes, entre les propos de campagne et les décisions de gouvernement.
    La démocratie, disait Pierre Mendès-France, c'est un code moral, qui repose en fait sur deux règles essentielles : parler vrai en campagne électorale et tenir parole une fois élu. Nous souhaitons le respect de ces deux règles, qui fondent la confiance de nos concitoyens dans la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Fourgous.
    M. Jean-Michel Fourgous. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a trois sortes de mensonges. D'abord, le mensonge utilitaire qui permet de sortir d'une situation difficile occasionnelle. Ensuite, le mensonge pervers : on prend un réel plaisir à duper l'autre, à en faire sa victime pour prendre le pouvoir. Enfin, le mensonge commercial et politique : on sait qu'on ne respectera pas le contrat au moment où on le signe.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est digne de la curie romaine !
    M. Jean-Michel Fourgous. Le communisme n'est plus agréé dans cette catégorie. Il relève plutôt de l'humour, des gags et des plaisanteries !
    M. Jean-Pierre Brard. Vous datez, mon cher collègue ! Vos fiches ne sont pas à jour !
    M. Jean-Michel Fourgous. Le socialisme quant à lui représente une bonne synthèse de ces trois cultures du mensonge. Pour le comprendre, il faut avoir ces modèles explicatifs.
    Par ailleurs, il y a, dans cet hémicycle, un choc culturel entre la gauche et la droite. Il faudra tirer les oreilles de M. Juppé, car il s'était trompé de 15 milliards de francs en matière de déficit budgétaire. Cela dit, il s'était trompé dans l'autre sens puisqu'il avait surestimé le déficit de 15 milliards. Voilà la preuve qu'il n'est pas socialiste !
    M. Jean-Pierre Brard. C'est surtout la preuve qu'il ne sait pas compter ! (Sourires.)
    M. Jean-Michel Fourgous. Il avait surestimé le déficit budgétaire de 15 milliards de francs par excès de prudence ! On ne peut pas en vouloir à quelqu'un qui gère de cette manière. Quant à vous, mesdames, messieurs de l'opposition, vous avez sous-estimé le déficit non de 15 milliards mais - ne soyons pas ingrats - de 100 milliards de francs ! Voilà une belle démonstration de l'écart culturel qui existe entre la gauche et la droite.
    Par ailleurs, mesdames, messieurs, j'attire votre attention sur le développement de cette culture de la tromperie, du mensonge, de la manipulation, de la falsification, de la désinformation. Que n'a t-on pas entendu, que n'a-t-on pas lu dans la presse ! On peut véritablement parler de travestissement, de publicité mensongère, de duperie. Prenons garde car ce type d'atteinte à la transparence des comptes publics touche à l'esprit même de la démocratie. Comme l'a dit mon collègue Novelli, ne laissons pas cela impuni ; on pourrait y voir un encouragement aux stratèges socialistes de l'économie administrée.
    M. Gérard Bapt. Et à la Ville de Paris ?
    M. Jean-Michel Fourgous. L'impunité n'est plus tolérable s'agissant des comptes de la nation, des comptes des Français, des comptes de la richesse de chaque Français, du plus pauvre au plus riche.
    M. Gérard Bapt. Et pour la Ville de Paris, vous n'avez rien à dire ? A trop vouloir démontrer, on se blesse !
    M. Jean-Michel Fourgous. Quel est le délit ? Faux en écritures publiques, dissimulation de passifs, présentation de faux bilans, fausses déclarations, et on pourrait allonger la liste.
    Les Français ont le sentiment d'une iniquité de traitement en voyant les comptes que vous avez présentés, messieurs. Au cours des vingt ans où vous avez été au pouvoir, il y a eu en effet près d'un million de dépôts de bilan. Or, il faut voir comment tous les entrepreneurs concernés ont été traités : plus d'un sur deux a eu les pires ennuis ! Aujourd'hui, nous sommes là pour restaurer le sentiment de justice des Français. Le citoyen ne doit pas être soumis à un traitement différent selon qu'il vient du secteur public et parapublic ou du privé, où la loi est sans merci.
    M. Augustin Bonrepaux. Vous parlez en connaissance de cause !
    M. Gérard Bapt. On pourrait vous demander de nous donner des cours du soir, monsieur Fourgous !
    M. Jean-Michel Fourgous. Cette situation suscite une certaine tristesse chez les Français.
    Aujourd'hui, alors que onze pays sur quinze sont excédentaires en Europe, la France, après cette expérience socialiste, est à nouveau en queue de peloton. Il y a eu, bien sûr, les 35 heures. Comment un gouvernement, comment une majorité ont-ils pu commettre une telle imposture ? Ces 35 heures dont Martine Aubry a dit que c'était une erreur économique, mais un bonheur politique ! Comment, dans une démocratie, une majorité a-t-elle pu se constituer sur un tel modèle issu d'une culture du mensonge ?
    Cela fait apparaître, monsieur le ministre, qu'il y a eu, dans cette affaire, un déficit de contrôle. A l'avenir, il faudra mettre en place des structures privées et indépendantes, où le contrôleur et le contrôlé ne seront pas issus de la même promotion d'une grande école de fonctionnaires.
    M. Gérard Bapt. Sur ce point, on est d'accord !
    M. Jean-Michel Fourgous. Il y a là un problème qui préoccupe aujourd'hui beaucoup de Français.
    Quels garde-fous peut-on mettre en place, monsieur le ministre, pour faire cesser cette culture du mensonge et de la falsification des comptes publics ?
    M. Augustin Bonrepaux. C'est un connaisseur qui parle !
    M. Jean-Michel Fourgous. Quelle garantie avons-nous que la liste des « surprises » de ce premier audit est exhaustive ?... (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Gérard Bapt. Nous on ne vous connaissait pas ! Mais on sait maintenant à qui on a affaire !
    M. le président. La discussion générale est close.
    La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
    M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voudrais remercier tous les orateurs, quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent, pour leur contribution au débat démocratique. Les échanges ont été vifs, comme on les connaît à l'Assemblée nationale et comme parfois on les envie dans une autre assemblée (Sourires), mais respectueux, ce qui est la marque d'une démocratie apaisée et responsable.
    Je vais reprendre ici un certain nombre de sujets. Je commencerai, si le rapporteur général le permet, par le président de la commission des finances, Pierre Méhaignerie, qui a évoqué l'importance de la baisse des charges salariales, relayé ensuite par Charles de Courson. Mais il a insisté aussi, comme d'autres après lui, sur la nécessité, pour chaque acteur public, de réaliser des économies.
    Mesdames, messieurs les députés, permettez-moi de profiter de cette chance qui m'est offerte de m'exprimer devant vous pour vous dire qu'en effet nous avons à prendre nos responsabilités. Baisser la dépense publique est la première nécessité qui s'impose à nous.
    M. Marc Laffineur. Très bien !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. C'est une nécessité à l'endroit de nos enfants, de nos petits-enfants et de toutes les générations futures. La gestion du gouvernement dont la mission vient de s'achever nous conduit, aujourd'hui, à emprunter pour payer les intérêts de notre dette.
    M. Marc Laffineur. Eh oui !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Nous n'avons pas le droit d'en arriver à ce niveau de dépenses. Une génération qui n'a plus le courage d'assumer les dépenses courantes qu'elle croit devoir engager et qui les renvoie aux générations futures, est-elle responsable ? Non. Nous avons donc pour premier devoir de rétablir les comptes. Je m'étonne d'ailleurs que l'on caricature parfois cette première exigence qui vise à rendre à nos enfants une situation gérable.
        Nous avons également besoin de marges de manoeuvre pour mener nos politiques. S'ils en sont privés, la nouvelle majorité et le nouveau gouvernement ne pourront rien faire. C'est en réduisant la dépense que nous allons reconquérir ces marges de manoeuvre qui nous serviront à mener la politique voulue par les Français.
    Enfin, si nous voulons baisser les impôts pour retenir ceux de nos compatriotes qui sont à même de faire gagner le pays, il nous faut des moyens.
    Voilà pourquoi la baisse de la dépense est une de nos priorités. Nous assumerons en ce domaine nos responsabilités.
    M. Didier Migaud. Vous commencez mal !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Réduction de l'impôt sur le revenu ou allègements des charges : je sais qu'il y a débat sur ce point. N'ayons toutefois pas de dogme en la matière. Il faut savoir faire les deux, car ces deux baisses sont complémentaires l'une de l'autre. Il faut savoir jouer des deux instruments fiscaux pour pouvoir soutenir la croissance et l'emploi.
    S'agissant de la baisse des charges, sachez, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, que le Gouvernement est à votre écoute. Il mesure l'importance que vous accordez à cette question et il sera à vos côtés lorsqu'il s'agira de passer à une traduction dans les faits.
    Tel est déjà le sens, d'ailleurs, de la mesure voulue par M. le Premier ministre avec ce que l'on appelle un peu trivialement l'« exo-jeunes ». Je sais que vous voulez aller plus loin. Je suis à votre disposition pour y travailler. J'attire cependant votre attention sur le fait que, dans les charges qui pèsent sur les salaires, il y a la cotisation pour la retraite. Méfions-nous d'une disposition qui consisterait à exonérer de cotisation de retraite quelque salarié que ce soit.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est bien la première chose raisonnable qu'on entend depuis le début de l'après-midi !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le rapporteur général, je tiens d'abord à vous rendre hommage pour votre rapport ; il est d'une très grande qualité. Je n'ignore rien de la fonction de rapporteur général, j'en connais le poids et je sais qu'être rapporteur général à l'Assemblée nationale est encore plus difficile qu'au Sénat, les délais impartis étant plus brefs.

    Vous avez eu raison de souligner que les constatations faites par MM. Bonnet et Nasse n'étaient pas totalement imprévisibles. Je l'ai dit respectueusement à l'endroit des membres de l'opposition actuelle en commission des finances : vous aviez vu plus clair, vous qui étiez dans l'opposition de l'époque, à moins que vous n'ayez eu plus de chance - pour être encore plus respectueux. En tout cas, franchement, les prévisions que vous aviez faites étaient plus réalistes que celles du gouvernement de l'époque et de sa majorité. Aujourd'hui, l'audit Nasse-Bonnet ne fait que nous révéler ce que vous aviez - hélas ! - prévu.
    M. Jean-Pierre Brard. Des extralucides !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous avez également rappelé, monsieur le rapporteur général, la nécessité d'arrêter l'hémorragie des talents. Ne cessons jamais de le dire : une France qui gagne, c'est une France riche de ses talents. Il faut que tous ceux qui naissent dans ce pays, qui, grâce à la formation qu'ils reçoivent, peuvent être nos conquérants sur l'ensemble des activités, soient convaincus qu'ils sont dans un pays qui les respecte, eux et leur travail, qui accepte de leur laisser leur part des fruits de ce travail et qui les encourage à faire en sorte que la France demeure un grand pays. Elle a déjà le mérite d'être restée à un haut niveau, en dépit des mauvais traitements qu'on lui a réservés.
    Je voudrais dire à M. Charasse, qui s'est exprimé au nom de la commission de la défense, que le Gouvernement a ouvert des crédits sur le titre V au profit de l'entretien des matériels parce qu'il y avait urgence. Comme cela s'est très peu fait dans le passé, je voudrais qu'il s'en réjouisse avec nous.
    J'en viens à la réponse à Charles de Courson, dont chacun connaît l'attachement qu'il porte à certaines de ses convictions et la détermination qui est la sienne pour les défendre. S'agissant des charges qui pèsent sur l'emploi, il trouvera dans ma réponse au président Méhaignerie de l'espoir pour demain et un encouragement à travailler à ce sujet. Pour le reste, oui nous respecterons la loi organique. Nous avons trop oeuvré les uns et les autres à la révolution silencieuse qu'a constitué sa réforme pour qu'il n'en soit pas ainsi. Nous communiquerons l'ensemble des instructions données aux contrôleurs financiers pour la mise en réserve des crédits aux commissions des finances de l'Assemblée et du Sénat, à la fin du mois de juillet.
    S'agissant du BAPSA, je vous propose, monsieur de Courson, d'y revenir à l'occasion de l'examen des articles.
    Marc Laffineur a insisté lui aussi, comme le président Méhaignerie, sur la nécessité de travailler tant sur les dépenses que sur leur redéploiement. Je le remercie d'avoir signalé que le Gouvernement, en très peu de temps, l'a déjà fait. Il a en effet d'ores et déjà consenti des moyens supplémentaires à la justice et à la sécurité, qui constituent des préoccupations majeures pour l'ensemble de nos concitoyens. Notons, sans vouloir être désagréables, que ces secteurs avaient fait l'objet de bien peu d'attention pendant cinq ans.
    M. Hervé Novelli. Très juste !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je lui sais gré, pour ma part, d'avoir posé la question des emplois publics sans tabou, car ceux qui procèdent autrement ne servent pas les intérêts de la France. Il a souligné aussi que la suppression de la vignette n'avait pas été un modèle de mesure fiscale équitable. Nous y reviendrons si certains d'entre vous au sein de cette assemblée le souhaitent. Il a également fait part de sa préoccupation pour la mutualité sociale agricole. Naturellement, le débat sur les articles nous permettra d'approfondir cette question.
    M. Vaxès et M. Idiart ont marqué de manière un peu classique leur appartenance à l'opposition - et je trouve cela tout à fait normal en démocratie - en exprimant leur désaccord sur la baisse de l'impôt sur le revenu. J'en prends acte. M. Idiart a craint que nous caricaturions l'audit : nous avons précisément essayé de faire le contraire. Nous avons la conviction profonde que le résultat de la gestion du gouvernement précédent a été tranché par les Français. Dès lors, il importe de faire réussir la France et surtout pas de la démobiliser. Il s'agit de rendre aux Français l'image fidèle de leurs comptes. J'ai coutume de le dire : les comptes publics ne sont pas ceux des gouvernements, ce sont les leurs.
    Concernant le contrôle parlementaire, qu'il se rassure, c'est la voie que le Gouvernement croit la plus prometteuse pour progresser dans le domaine de l'évolution de la dépense.
    Je voudrais remercier Yves Censi d'avoir utilisé l'expression de double rupture. Il a eu totalement raison : la baisse de l'impôt constitue en effet une rupture tout comme la réhabilitation du travail.
    Il convient d'élever de nouveau le travail au rang de valeur (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Ne cessons jamais de le répéter, le travail est une valeur. Ceux qui ont dirigé le pays précédemment ont trop souvent eu tendance à l'oublier et les Français ont fini par croire que ceux qui travaillent n'étaient plus reconnus au sein de notre nation.
    M. Hervé Novelli et M. François Grosdidier. Très juste !
    M. Jean-Louis Idiart. Caricature !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. A propos du BAPSA, et en sa qualité de rapporteur, il connaît particulièrement bien le sujet, il a dénoncé le report de charges de 200 millions opéré fin 2001. Il a souligné la sous-estimation des dépenses, la sur-évaluation des recettes et donc la situation très difficile dans laquelle nous sommes. Il en a conclu qu'il était nécessaire de prendre des mesures d'urgence. Nous en reparlerons tout à l'heure. Pour l'avenir, il a eu raison de dire qu'au-delà de l'urgence, il faudra prendre des mesures d'ampleur, dans le cadre d'une concertation avec les différents acteurs. Nous nous y emploierons.
    M. Dumont, dont je connais les liens avec la région de Verdun, puisque je l'y ai croisé voilà maintenant de très nombreuses années, a prétendu que baisser l'impôt serait antirépublicain. Il s'agit là, sans doute, d'un excès de tribune.
    M. Jean-Pierre Brard. Pas du tout ! C'est la Déclaration des droits de l'homme de 1789.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. J'ai cru comprendre qu'il souhaitait que tous les Français y soient assujetti. C'est une question qui mérite débat, en effet.
    Quant à la baisse de notre contribution au budget européen, vous devriez vous en réjouir, monsieur le député. Cela limitera un peu la dégradation des comptes.
    Jean-Jacques Descamps a souhaité que l'on évite de faire rêver à crédit. Cette formule me paraît bonne. Il importe en effet, sur ce sujet, de parler avec des mots simples à nos compatriotes. Aujourd'hui, rappelons-le, plus de 200 milliards d'euros de dettes ont été accumulés en cinq ans et nous emprunterons cette année pour rembourser les intérêts, puisque le déficit est supérieur à la charge de la dette. Voilà une situation qui devrait humilier notre génération.
    M. Bapt a évoqué le décret d'annulation. Oui, il y a eu quelque surestimation de la part du gouvernement précédent. C'est si rare que je ne résiste pas à l'envie de l'en complimenter. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Grosdidier a regretté, avec une verve à laquelle je suis peu accoutumé mais que j'ai naturellement remarquée et même enviée, que nous n'ayons pu engager de nouvelles dépenses pour financer nos priorités. Je lui demanderai de faire preuve d'un peu de patience. Nous allons faire en sorte en effet que le budget pour 2003 traduise les priorités du nouveau gouvernement et de la nouvelle majorité. Il a apporté son soutien total à la mesure visant à baisser l'impôt sur le revenu, et je veux l'en remercier. Il a souhaité que la nouvelle constitution budgétaire de la France soit l'occasion de plus de sincérité budgétaire. Monsieur le député, je m'en porte garant.
    Mme Lignières-Cassou a critiqué, quant à elle, la baisse de l'impôt sur le revenu. Pardonnez-moi, mesdames, messieurs les députés, mais je n'ai pas encore trouvé la méthode pour baisser l'impôt de ceux qui n'en paient pas ! Sans doute n'ai-je pas l'esprit assez raffiné.
    M. Augustin Bonrepaux. Vous croyez qu'il y en a qui ne paient pas d'impôt ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Il faut être un intellectuel de très haut niveau pour réussir cet exercice. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Certes, il faut veiller à faire en sorte que notre système fiscal soit le plus équitable possible. Mais dénoncer toute baisse d'impôt comme une injustice me paraît peu responsable et relever davantage de la dialectique.
    M. Augustin Bonrepaux. Nous, on ne l'a pas fait comme vous.
    M. Gérard Bapt. Les Twingo ont été défavorisées, c'est certain.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Sur la vignette, monsieur Bonrepaux, vous croyez avoir fait oeuvre de justice. Si vraiment c'est votre impression, je crains que vous ne vous soyez trompé.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Mme Lignières-Cassou a, sur un plan purement pratique, constaté un décalage entre l'audit et le collectif. Mais l'audit ne comporte pas de chiffres précis par catégorie de dépenses ; il n'y a donc aucun écart à constater. Les 30 millions de loyers de gendarmerie correspondent à l'état des dettes de fin 2001, et 38 millions supplémentaires ont été inscrits au titre des insuffisances 2002.
    Quant aux « économies de constatation », madame la députée, elles résultent, comme leur nom l'indique, de constatations faites à la fin de chaque année. Elles n'ont rien à voir avec le gel des dépenses que le Gouvernement mettra en oeuvre très prochainement, comme je l'ai indiqué dans mes réponses précédentes.
    Pierre Hériaud est intervenu sur le BAPSA et je veux saluer son sens des responsabilités en l'assurant de notre souci de répartir au mieux les prélèvements entre les caisses. Il en sera sans doute question tout à l'heure. Pour ce qui touche à sa demande d'un plan à moyen terme des prélèvements obligatoires, le Gouvernement s'efforcera de donner le maximum de précisions à l'occasion de la discussion de la loi de finances pour 2003. Je partage son souci de maîtriser les titres III et IV et je veux le remercier très chaleureusement de son soutien énergique.
    A M. Roger-Gérard Schwartzenberg, à qui je ne cacherai pas mon estime, je voudrais rappeler que, entre l'avarice et la prodigalité, il y a la sagesse et j'entends bien en faire preuve. Sa crainte d'une contradiction interne au sein du Gouvernement doit être une réminiscence du passé... Je peux lui affirmer qu'il n'y en a aucune ni dans le Gouvernement ni au sein de la majorité. Il s'est méfié d'un optimisme excessif de notre part : je confesse que nous avons eu la même impression s'agissant du projet de loi de finances pour 2002, sur lequel nous travaillons aujourd'hui. Vous craignez enfin, monsieur le ministre, que nous ne menions une politique de classe. Ce que nous menons, c'est une politique pour le travail, une politique pour sortir de l'assistance, parce que nous croyons que le travail est une valeur et un élément de la dignité de la personne humaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Enfin, par une figure de dialectique que je connais bien, vous m'avez enfermé dans un dilemme constitué de deux hypothèses naturellement impossibles et aussi insoutenables l'une que l'autre. Je ne retiendrai ni l'une ni l'autre ; je choisirai de participer à la construction d'une société de confiance. Ce sera le meilleur code moral, puisque vous y avez fait allusion.
    Jean-Michel Fourgous s'est livré à une présentation du mensonge que je ne connaissais pas ; j'ai donc beaucoup appris en l'écoutant.
    M. Jean-Louis Idiart. Le pardon, le mensonge !
    M. Gérard Bapt. Ainsi soit-il !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Il a dressé un bilan politique de la législature précédente qui mérite d'étre médité de l'autre côté de l'hémicycle. Il m'a demandé quel était le meilleur garde-fou pour le mensonge : c'est la démocratie, c'est le jugement des Français tel qu'il s'est exprimé au cours des mois qui viennent de s'écouler, et c'est effectivement aussi la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, pardonnez-moi d'avoir été un peu long au terme de cette discussion générale. Il faut savoir garder raison. Ce n'est naturellement pas une nouvelle loi de finances que le Gouvernement vous a proposée. Ce collectif traduit fidèlement les constatations de l'audit. Grâce à la baisse d'impôts, il apporte aux Français un encouragement, un encouragement au travail, un encouragement pour que chacun se sente partie de l'avenir de son pays, pour que chaque Français lui donne le meilleur de lui-même, pour que chaque Français soit heureux d'y vivre et d'entreprendre, et qu'ainsi réussisse et vive la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

Motion de renvoi en commission

    M. le président. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
    La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. Notre discussion évoque plus le Concile de Trente, me semble-t-il, qu'un débat à l'Assemblée nationale...
    M. Charles de Courson. C'était un très grand concile !
    M. Jean-Pierre Brard. ... et votre ton patelin, monsieur le ministre, y a largement contribué. Je vous verrais bien distingué de la pourpre cardinalice ; vous en avez, à n'en pas douter, certains des attributs.
    M. Jacques Myard. C'est un expert qui parle !
    M. Pierre Hériaud. Un défroqué !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je ne suis qu'un chanoine ! (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Brard. On trouve dans ce qui a été dit des choses fort intéressantes et qui justifient plus que jamais le renvoi en commission. Mais j'avoue que je suis gêné : en effet, lorsque je suis intervenu ce matin, M. Mer était parti - à Matignon, nous a t-on dit ; et cet après-midi, il est de nouveau absent. Ce matin, il prenait le petit déjeuner avec le président de Merrill Lynch ; peut-être est-ce maintenant l'heure du thé. (Sourires.) Reste que je suis très ennuyé, monsieur le ministre, de l'absence de votre collègue Francis Mer. M. Fourgous a parlé tout à l'heure de manque de transparence. Vous-même vous avez dit à l'instant qu'il n'y avait pas de contradiction interne dans le Gouvernement. J'ai du reste bien compris que la présence de M. Jean-François Copé à vos côtés n'a d'autre but que de faire régner la cohésion et la cohérence, et de mettre un terme à la cacophonie gouvernementale...
    Car après tout, sur quel thème avez-vous surtout communiqué à propos de ce projet de loi de finances rectificative ? Celui de la baisse des impôts. Vous-même avez d'ailleurs déclaré que les engagements du Président de la République seraient tenus, que cette loi de finances rectificative n'était en quelque sorte qu'un hors-d'oeuvre et que vous continueriez à baisser l'impôt. Or ce n'est pas du tout ce qu'a dit M. Francis Mer. Dans une interview aux Echos parue vendredi, à la question : « Pourriez-vous dire que l'impôt sur le revenu baissera tous les ans ? », M. Francis Mer, avec la spontanéité qui le caractérise, a immédiatement répondu : « Au risque de vous décevoir, non, je ne le peux pas, cela me paraîtrait trop rigide. »
    Le problème, monsieur le ministre, c'est que, pour évaluer votre projet de loi de finances rectificative, nous avons besoin d'une vision en perspective sur les cinq années qui viennent. Or nous ne savons que penser. Vous nous plongez dans le doute, vous et votre collègue.
    M. Jacques Myard. C'est le désarroi chez l'ennemi !
    M. Jean-Pierre Brard. Par ailleurs, monsieur Myard, M. le ministre vient de répondre aux orateurs. Or, la lecture en creux de ses réponses est très intéressante.
    Certains de nos collègues sont prompts à s'enflammer. Nous avons entendu un de ceux-là tout à l'heure, M. Grosdidier, qui revient dans l'hémicycle au gré des vagues provoquées par le suffrage universel.
    M. Jacques Myard. Méfiez-vous-en, monsieur Brard !
    M. Jean-Pierre Brard. Mais d'autres sont plus stables, que l'on peut comparer à ces phares qui brillent dans la mer déchaînée quel que soit le temps. C'est le cas du président Méhaignerie, qui vous a posé une question très précise : qu'allez-vous faire de la politique du logement ? Vous ne lui avez pas répondu, mais cette non-réponse en est bien une. Tout le monde, l'opinion publique, la représentation nationale, se demande : comment vont-ils financer la réduction des impôts ? A cette question, vous avez commencé à répondre en ne répondant pas à M. Méhaignerie, cautionnant par le fait ce qui se dit sur la révision, sinon la disparition de la politique du logement au niveau de l'Etat.
    Vous êtes obnubilé par la baisse de la dépense publique, monsieur le ministre. Nous, c'est par la pertinence de l'utilisation des fonds publics, mais aussi par l'augmentation des ressources. Car il faut les augmenter. Il faut augmenter l'impôt pour ceux qui peuvent le payer.
    Vous parlez tout le temps des charges. Mais les charges, monsieur le ministre, ce sont d'abord des ressources, en particulier pour les comptes sociaux. Et ce que vous ne voulez pas dire aux Français, c'est qu'en réduisant les charges, vous réduisez les ressources et vous compromettez l'avenir des régimes sociaux, ce à quoi les élus qui siègent à la gauche de cet hémicycle ne peuvent évidemment se résoudre.
    Vous avez de nouveau manié le sophisme en ironisant sur ceux qui vous font remarquer que vous ne pouvez baisser l'impôt pour ceux qui ne le paient pas. C'est oublier que, dans notre pays, tout le monde est soumis à l'impôt, en particulier les plus modestes qui paient le plus injuste, c'est-à-dire l'impôt indirect que constitue la TVA. Or il est possible de baisser la TVA. Mais proposer des baisses ciblées, vous le savez fort bien, c'est renvoyer la baisse de la TVA à plus tard, pour ne pas dire à la Saint-Glinglin. Alors qu'en baissant l'actuel taux maximum, ce qui est parfaitement possible, vous pouvez donner du pouvoir d'achat supplémentaire à tous les habitants de notre pays, en particulier à ceux qui en ont le plus besoin.
    Le débat que nous engageons aujourd'hui à l'occasion du projet de loi de finances rectificative est un débat central, non seulement pour les finances publiques, mais plus encore sur les orientations fondamentales qu'il convient de donner à notre société dans une période où elle est soumise à de fortes tensions. Ce qui est en question, en effet, c'est la justice fiscale avec son poids très fort dans notre contrat social, en particulier depuis que les auteurs de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ont ainsi rédigé son article 13 que votre manière de baisser l'impôt revient à nier : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. » C'est précisément ce que vous ne voulez pas faire.
    Ce dernier membre de phrase a une importance toute particulière, car la justice fiscale est une des conditions majeures de la cohésion de notre société. Elle est indispensable pour donner du contenu et du sens à l'égalité et à la fraternité. Améliorer la justice fiscale, c'est renforcer cette cohésion, aujourd'hui fragilisée par nombre de facteurs déstabilisants pour nos concitoyens. S'attaquer à la justice fiscale, c'est jouer contre la cohésion et, en dernière analyse, renforcer les comportements protestataires, individualistes, égoïstes, qui contribuent au délitement du corps social.
    L'injustice fiscale que vous allez accentuer avec ce projet brouille jusqu'à les annihiler les notions de légitimité et d'utilité sociale de l'impôt, qu'il faut, au contraire, défendre et réaffirmer comme des principes républicains fondamentaux.
    Aujourd'hui, l'impôt est de plus en plus souvent présenté comme confiscatoire, comme un abus, voire une spoliation, une ingérence de la puissance publique dans la sphère privée. La propagande démagogique de la droite sur ce sujet, comme le harcèlement des associations anti-impôt dont l'une est dirigée par un escroc qui a le front de se présenter devant les électeurs, a un rôle des plus négatifs dans le débat sur la place de l'impôt dans notre société.
    L'impôt permet à l'Etat non seulement d'assurer ses fonctions régaliennes, mais aussi de garantir la solidarité nationale au moyen des services publics et de la protection sociale et, plus généralement, d'agir à chaque fois que cela est nécessaire dans le sens de l'intérêt général.
    L'objectif de réduire de 30 % en cinq ans l'impôt sur le revenu va en réalité constituer un véritable poison pour notre démocratie qui tout au contraire a besoin d'un effort général de solidarité et de cohésion. Car la perte massive de recettes qui en résultera pour les finances publiques va devoir être compensée par d'autres contributions dans le contexte du pacte de stabilité. Or nous n'avons pas oublié la hausse de deux points du taux de TVA qui fut un des aspects saillants de la politique fiscale du gouvernement de M. Juppé. Ce sont bien les impôts indirects qui vont devoir combler le manque à gagner lié à la baisse de l'impôt sur le revenu, ou bien les services publics qui verront leurs moyens diminuer sensiblement, sans préjudice de transferts de charges sur les collectivités territoriales, opportunément dissimulés dans un grand projet de relance de la décentralisation.
    Il faut rappeler à cet égard le caractère profondément injuste des impôts indirects comme la TVA qui, pour un même achat, frappe de la même manière le smicard ou le titulaire de minima sociaux et l'assujetti à l'impôt de solidarité sur la fortune. La TVA supportée sur l'achat de la baguette ou de la machine à laver sera dans les deux cas identique, à ceci près qu'elle grèvera de 5 % le budget du smicard et de seulement 0,1 % celui de certains milliardaires cités dans Challenges !
    En outre, comment ne pas réagir à l'annonce de l'abandon de la TIPP flottante, qui concernera l'immense majorité des contribuables, alors que, dans le même temps, vous voulez baisser l'impôt sur le revenu ? La France d'en bas, comme le Président de la République la nomme, saura apprécier, n'en doutez pas, la répartition de vos cadeaux fiscaux dont certains sont clairement empoisonnés.
    Baisser de 30 % l'impôt sur le revenu, c'est donc faire, sans le dire bien sûr, le choix délibéré de transférer la charge de l'impôt de ceux qui peuvent payer grâce à des revenus confortables vers la grande masse de ceux qui ont des fins de mois difficiles, surtout les trente derniers jours, comme le disait si bien Coluche. (Sourires.)
    Mais ce transfert sur l'impôt indirect ne sera pas le seul effet pervers de votre politique de baisse de l'impôt sur le revenu. La réduction des dépenses publiques en sera une autre et il apparaît, à l'écoute de vos déclarations, monsieur le ministre, que cette réduction se fera prioritairement par une baisse nette du nombre de fonctionnaires. Mais, comme l'ont souligné les organisations syndicales, on ne peut en rester là. Il faut préciser, chers collègues de droite, monsieur de Courson...
    M. François Goulard. Décidément, c'est obsessionnel !
    M. Jean-Pierre Brard. ... et quelques autres, dans quelles administrations, dans quels services, dans quels établissements seront effectuées les coupes.
    M. Charles de Courson. Je l'ai dit !
    M. Jean-Pierre Brard. L'avez-vous dit aux écoles de votre circonscription, à votre hôpital, aux prisons, aux commissariats, à la gendarmerie, à vos services sociaux ? Allons ! Ayez le courage d'annoncer clairement la couleur au lieu de prendre les Français pour des imbéciles,...
    M. François Goulard. Pour nous, c'est bleu !
    M. Jean-Pierre Brard ... comme s'ils ne pouvaient pas comprendre que si l'on réduit les dépenses publiques, c'est forcément au détriment du rendu de ces services publics.
    M. François Goulard. Eh non, l'efficacité a un sens !
    M. Charles de Courson. Il y a la productivité !
    M. Jean-Pierre Brard. Bien sûr ! La productivité dans un service d'hôpital, la nuit, la productivité de l'infirmière qui assure la permanence ?
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Il n'y a pas que les hôpitaux !
    M. Jean-Pierre Brard. Comment voulez-vous faire pour améliorer la productivité, sinon en mettant en danger la sécurité des patients ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Richard Cazenave. Ça, c'est aujourd'hui ! C'est vous !
    M. Jean-Pierre Brard. Non, c'est vous qui voulez le mettre à bas précisément en réduisant le nombre de fonctionnaires !
    M. François Goulard. Vous êtes le premier ennemi des services publics !
    M. Charles de Courson. Vous détruisez les services publics !
    M. Jean-Pierre Brard. Comment voulez-vous faire pour augmenter la productivité des gardiens de prison ? Comment voulez-vous faire pour augmenter la productivité d'un professeur de langue ?
    M. Jacques Myard. Si, c'est possible ! Au travail ! (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Brard. Tout ça n'est que pur discours idéologique, démagogique, qui vise à tromper les Français avec des « il y a qu'à » et des « faut qu'on ».
    M. François Goulard. Il y en a aussi des vrais ! (Rires.)
    M. Jean-Pierre Brard. Dans vos rangs, forcément ; vu le nombre, il doit s'en trouver quelques-uns...
    Il faut en matière de fiscalité partir de quelques principes essentiels. L'impôt sur le revenu est juste parce qu'il est progressif, bien que cette progressivité ait été rabotée au fil du temps. Cet aspect fondamental, la droite tente de l'occulter en vantant à l'occasion les mérites de l'imposition proportionnelle qui serait la plus équitable et elle réduit en conséquence les taux de l'impôt.
    M. François Goulard. C'est la gauche qui a inventé la CSG !
    M. Jean-Pierre Brard. Vous ne pouvez pas le nier, monsieur le ministre, quand vous réduisez d'un taux égal de 5 %, vous réduisez donc, que vous le vouliez ou non - et en plus, vous le voulez - la progressivité de l'impôt !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Non !
    M. Jean-Pierre Brard. Il n'y a pas besoin d'avoir fait HEC ou, pire encore, l'ENA, pour le comprendre.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. L'école primaire de Tinchebray suffit. (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Brard. Absolument, j'en suis tout à fait d'accord, encore que celle de Flers n'est pas plus médiocre. (Sourires.)
    C'est ainsi qu'en 1996, selon les orientations de M. Juppé, la loi de finances avait fixé les barèmes de l'impôt pour cinq ans. Le taux supérieur était ramené de 58,6 % à 54 % pour 1996. Il devait passer ensuite à 52 % en 1997, 50 % en 1998, 48,5 % en 1999 et 47 % en 2000. D'une manière générale, la baisse des taux supérieurs de l'impôt sur le revenu, quelle que soit la couleur du gouvernement qui la pratique, est une atteinte à la progressivité de cet impôt, c'est-à-dire à sa logique et à son principe même. En effet, la véritable prise en compte des facultés contributives implique la progressivité, qui permet de ponctionner davantage les revenus les plus élevés. D'ailleurs, pour ponctionner vraiment, il faudrait additionner tous les revenus.
    M. Charles de Courson. « Ponctionner ! » Voilà une nouvelle expression !
    M. Jean-Pierre Brard. Oui, monsieur de Courson. Votre protestation me conforte dans l'idée que j'ai raison, parce que, comme le disait August Bebel, quand l'adversaire vous félicite, il faut toujours vous demander quelle erreur vous avez commise. Le fait que vous protestiez parce que nous voulons nous en prendre aux privilégiés, dont vous êtes l'un des représentants les plus remarquables, me réjouit profondément.
    M. Charles de Courson. J'ai été élu au premier tour, de surcroît, ce qui n'est pas votre cas, camarade...
    M. Jean-Pierre Brard. Eh non ! Je n'appartiens pas aux privilégiés !
    M. François Goulard. Nous avons le même salaire !
    M. Jean-Pierre Brard. Pour moi, ce sont deux titres de gloire d'être fils d'ouvrier, qui fut domestique de ferme près de Tinchebray, monsieur le ministre, et instituteur de la République.
    M. Charles de Courson. On ne choisit pas son berceau, monsieur Brard !
    M. Jean-Pierre Brard. Non, mais on peut faire acte de contrition. (Rires.)
    M. Charles de Courson. Vous faites du racisme social !
    M. Jean-Pierre Brard. Ne nous y trompons pas, les Français n'adhèrent pas par principe à la baisse des impôts. En revanche, ils formulent des exigences claires de transparence et de pertinence quant à l'utilisation des impôts. Je vois que M. de Courson déserte l'hémicycle parce qu'il sait que j'ai raison... Les Français formulent des exigences quant à la qualité des services publics rendus, à bon droit. Le gouvernement précédent s'est essayé à des exercices contre nature, avouons-le, à la baisse de l'impôt sur le revenu, au nom de la compétitivité du territoire national. Qu'il ait convaincu le contribuable, permettez-moi d'en douter.
    M. Hervé Novelli. En tout cas, vous n'avez pas convaincu l'électeur...
    M. Jean-Pierre Brard. La composition, aujourd'hui, de notre assemblée est d'ailleurs édifiante sur ce plan.
    Le taux supérieur du barème est agité par les détracteurs de l'impôt progressif comme un épouvantail, mais c'est le taux moyen d'imposition qui est significatif, monsieur le ministre - vous qui êtes un expert, vous le savez parfaitement, même si vous agitez toujours le taux marginal pour effrayer le bourgeois et impressionner le bon peuple -, et non le taux marginal qui ne s'applique que sur la partie supérieure du revenu imposable. C'était donc une réforme très utile que celle qui a consisté à préciser sur les avis d'imposition le taux moyen de cette dernière.
    Pour illustrer les caractéristiques principales de notre système fiscal, citons quelques extraits de divers rapports officiels mis en perspective par le Syndicat national unifié des impôts.
    Commençons par le rapport La Martinière de 1996 :
    « Le produit de l'impôt sur le revenu n'a représenté en 1995 que 8,7 % de l'ensemble de nos prélèvements obligatoires. Aucune partie de notre système fiscal, pourtant, ne suscite autant de passion et ne fait l'objet d'observations aussi contradictoires...
    « En dehors de son rendement, plus faible dans notre pays que chez ses principaux partenaires, cet impôt présente trois défauts majeurs : une assiette trop étroite, une progressivité excessive aux deux extrémités du barème (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), pour les revenus les plus faibles plus encore que pour les plus élevés, une réglementation excessivement complexe. »
    M. Jacques Myard. Il faut le supprimer, on n'en parlera plus !
    M. Jean-Pierre Brard. « Il faut cependant faire un sort à l'affirmation selon laquelle seule une moitié des Français paie un impôt progressif ; la CSG et la CRDS, prélèvements proportionnels assis sur l'ensemble des revenus, sont acquittés par la très grande majorité de nos concitoyens. »
    Vous voyez donc que vous avez des marges pour baisser l'impôt pour tous et pas seulement pour les plus riches !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Il y a des bons aristocrates, si je comprends bien !
    M. Jean-Pierre Brard. Il y a des aristocrates qui sont venus à résipiscence, ce qui n'est pas encore le cas de M. de Courson !
    M. Jacques Myard. Il résiste et il a raison !
    M. Jean-Pierre Brard. Absolument. J'en viens au rapport Duramin :
    « Les propositions que nous formulons en matière d'impôt sur le revenu forment un tout qui repose sur une ligne directrice cohérente ; notamment, la baisse des taux ne peut être dissociée de l'élargissement de l'assiette et des modifications de mode de calcul de l'impôt que nous préconisons. »
    Voici un extrait du dix-huitième rapport du Conseil des impôts de l'an 2000 :
    « La progressivité réelle de l'imposition des revenus en France est difficile à appréhender parce que l'application du barème est concurrencée par de nombreux mécanismes dérogatoires qui permettent d'en atténuer les effets. L'imposition des revenus en France est également caractérisée par l'existence du prélèvement à taux proportionnels qui réduisent très fortement le champ d'application du barème. Il s'agit du prélèvement libératoire forfaitaire sur les revenus de capitaux mobiliers à revenus fixes au taux de 15 % dont le rendement annuel est supérieur à 10 milliards de francs. Il s'agit également de la taxation proportionnelle des plus-values de cession de valeurs mobilières au taux de 16 %, dont le rendement est de l'ordre de 5 milliards de francs. On peut citer également la taxation professionnelle des plus-values d'acquisition des options de souscription ou d'achat d'action, dites "stock-options. »
    M. Jacques Myard. Il parle anglais !
    M. Jean-Pierre Brard. Eh oui ! Il faut bien s'y mettre. Je trouve d'ailleurs que le Gouvernement ne fait pas assez, monsieur Myard, pour défendre la francophonie, et je pense que, là-dessus, nous serons d'accord.
    M. Jacques Myard. Vous parlez de l'ancien Gouvernement !
    M. Jean-Pierre Brard. Pas seulement ! On peut parler de l'actuel puisque je n'ai pas vu dans les responsabilités gouvernementales apparaître le mot « francophonie ». (« Si ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Richard Cazenave. Il y a un ministre délégué à la coopération et à la francophonie, M. Wiltzer.
    M. le président. Monsieur Brard, ne cédez pas à toutes les tentations ! (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Brard. Je suis aussi raisonnable que le ministre lui-même. Nous sommes d'une région où nous sommes habitués à résister aux tentations. (Sourires.)
    M. Jacques Myard. C'est très mauvais !
    M. Jean-Pierre Brard. Si vous le permettez, je voudrais poursuivre mon propos.
    En réalité, dans notre système de prélèvements obligatoires, près de 80 % des ressources publiques proviennent de taxes, d'impôts ou de cotisations dégressives en fonction des revenus ou, au mieux, proportionnelles à ces derniers. Nous sommes donc très loin d'une réelle prise en compte des facultés contributives. Nous avons rompu avec l'esprit de la Déclaration des droits de l'homme.
    Ce débat entre impôt progressif et impôt proportionnel est fort ancien dans notre pays et remonte à la fin du xixe siècle. Depuis la Révolution, les « quatre vieilles » ne dépendaient pas du revenu du contribuable. L'impôt dû était calculé à partir d'indices censés mesurer les capacités contributives des assujettis. La loi du 29 juin 1872 avait introduit un impôt sur le revenu des valeurs mobilières : il s'agissait d'un impôt de quotité, doté d'un taux uniforme, mais avec une assiette extrêmement large et prélevé à la source. L'autre évolution dans le système fiscal, avant 1914, fut la création de l'impôt progressif sur les successions par la loi du 25 février 1901, remplaçant un impôt proportionnel existant depuis 1799. Déjà, cette réforme avait donné lieu à de longs et tumultueux débats parlementaires du fait de l'opposition de la droite à cette réforme progressiste.
    Mais c'est concernant l'impôt progressif sur le revenu que s'est produite la bataille la plus significative en termes de choix de société.
    Dans son ouvrage Les Hauts Revenus en France au xxe siècle, M. Thomas Piketty retrace très bien les enjeux et les évolutions de ce combat remarquable et permanent pour plus de justice fiscale :
    « L'impôt sur le revenu fit l'objet d'un conflit gauche/droite relativement "classique, dans ses grandes lignes ; le projet fut porté par les groupes parlementaires et les partis politiques situés dans la partie gauche de l'échiquier politique, alors les groupes parlementaires et partis politiques situés à droite s'y opposèrent : les premiers voyaient dans l'impôt sur le revenu un indispensable instrument de redistribution et de justice sociale, alors que les seconds décrivaient ce projet comme une "dangereuse aventure qui au mieux répandrait l'illusion selon laquelle "taxer les riches suffirait à améliorer le sort des masses, et qui au pire risquait de perturber gravement les "forces naturellesqui conduisaient spontanément à une telle amélioration. »
    Vous voyez, votre discours n'a pas beaucoup changé !
    M. Jacques Myard. La réalité non plus !
    M. Jean-Pierre Brard. Eh oui, et les objectifs qui visent à changer cette réalité ont conservé toute leur actualité !
    M. Jacques Myard. Réfléchissez à ce qu'a écrit Marx : l'apologie du capital !
    M. Jean-Pierre Brard. Si vous le souhaitez, on peut discuter du Capital !
    M. le président. Dans le respect de votre temps de parole, monsieur Brard !
    M. Charles de Courson. On peut parler du chapitre IV uniquement !
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur de Courson, je ne suis pas sûr que vous soyez le plus à même d'en faire l'exégèse.
    M. Jacques Myard. Si, si !
    M. Jean-Pierre Brard. On pourrait discuter d'autres ouvrages de Marx qui font référence à des sujets que connaît mieux M. de Courson.
    Je poursuis la lecture de M. Piketty :
    « La nouveauté de l'enjeu, notamment par comparaison à la question du régime politique et de la place de l'église (questions qui structuraient encore fortement la vie politique de l'époque), explique cependant pourquoi les positionnements politiques individuels furent souvent plus complexes. »
    M. Richard Cazenave. Hors sujet !
    M. Jean-Pierre Brard. En fait, vous êtes très gêné parce que je suis en train de démontrer que vous aggravez encore plus l'injustice fiscale. Vous préférez que la démonstration ne soit pas établie.
    Au risque de vous décevoir, monsieur Cazenave, je vais continuer de citer M. Piketty.
    M. François Guillaume. Un communiste ?
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Guillaume, ça ne m'étonne pas de vous ! Etre à ce point inculte, bien qu'agriculteur, n'est pas digne d'un parlementaire ! M. Piketty a publié un ouvrage remarquable...
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Contestable !
    M. Jean-Pierre Brard. Incontestable, en effet !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Non, contestable !
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, j'étais tellement convaincu que vous l'aviez lu de la première à la dernière page que j'avais mal entendu l'adjectif que vous utilisiez ! Si vous trouvez l'ouvrage de M. Piketty contestable, cela me confirme dans l'idée que vous avez un point de vue strictement idéologique. (Sourires.)
    M. Richard Cazenave. C'est un expert qui vous le dit !
    M. Jean-Pierre Brard. M. Piketty dit encore :
    « Rappelons également que c'est le second projet Caillaux en 1907 qui finit par devenir, après de multiples péripéties, dont la plus spectaculaire fut sans doute l'affaire Calmette, le socle du système adopté en 1914-1917... »
    « Le projet déposé par Caillaux en 1907 proposait la suppression pure et simple des "quatre vieilles » - vous voyez comme quoi c'était un homme de modernité -, « et leur remplacement par un double système composé d'un ensemble d'impôts dits "cédulaires pesant séparément sur chaque catégorie (ou "cédule) de revenus, et d'un "impôt général sur le revenu, (IGR), impôt progressif pesant sur le revenu global des contribuables (c'est-à-dire sur la somme de tous les revenus des différentes catégories. »
    Caillaux le disait déjà, monsieur le ministre, et vous, vous faites marche arrière, c'est-à-dire que vous n'êtes même pas au niveau du début du xxe siècle, vous allez à toute vapeur vers le xixe.
    M. Jacques Myard. Grand siècle de progrès technique !
    M. Jean-Pierre Brard. « Le principe général du système Caillaux était que chaque catégorie de revenus devait d'abord être imposée une première fois au titre de l'impôt cédulaire lui correspondant, puis que la petite minorité de contribuables dont le revenu global était suffisamment élevé devait être imposée une seconde fois au titre de l'impôt général sur le revenu, suivant un barème progressif dont le taux devait être une fraction croissante du revenu global des contribuables. » (...)
    « Pour l'essentiel, la loi du 15 juillet 1914 reprenait la forme générale de l'IGR proposé par Caillaux en 1907 et adopté par la chambre des députés en 1909. En particulier, de la même façon que dans le projet Caillaux, il était prévu que seuls les contribuables dont le revenu global dépassait les 5 000 francs par an, soit plus de trois fois plus que le revenu moyen de l'époque, qui était avant la première guerre mondiale de l'ordre de 1 400-1 500 francs par foyer et par an, seraient imposables au titre de l'IGR et devraient obligatoirement déposer une déclaration de revenus. Car le point essentiel du second projet Caillaux, repris par le Sénat en 1914, était en effet que l'IGR était conçu comme un véritable impôt sur le revenu global, reposant sur la déclaration annuelle par chaque contribuable imposable de l'ensemble des revenus effectivement perçus par les membres de son foyer au cours de l'année précédente. »
    Quelques années plus tard, le Front populaire a innové en matière fiscale ; quand il adopta en 1936 son barème défini en taux moyen, un de ses principaux objectifs était d'ordre pédagogique : il s'agissait d'afficher clairement le montant de l'impôt que les différentes strates de la hiérarchie des revenus allaient devoir payer, et en particulier le montant de l'impôt exigé des « très gros revenus », c'est-à-dire des revenus imposables supérieurs à 1,33 million de francs de l'époque, soit près de 7 millions de francs en 1998 de revenu fiscal.
    « En pratique, la progressivité réelle effectivement obtenue pour les très hauts revenus était moindre que ce qu'un système moins démonstratif aurait pu apporter : le taux moyen d'imposition était bloqué à 40 % pour tous les revenus imposables supérieurs à 1,33 million de francs, alors qu'un système de barème défini en taux marginal aurait permis de faire en sorte que le taux moyen d'imposition continue de progresser au-delà de 1,33 million de francs, y compris avec un seuil d'appplication très inférieur pour le taux marginal supérieur. »
    « Mais cet inconvénient apparut bien léger par comparaison aux vertus pédagogiques et symboliques du système choisi : le Front populaire pouvait ainsi exhiber les "200 familles, telles un trophée, "200 familles dont il offrait d'ailleurs une définition opérationnelle d'un point de vue fiscal (il s'agissait des foyers dont les revenus imposables dépassaient 1,33 million de francs). »
    On le voit, rien n'a changé dans les positionnements des uns et des autres sur ce sujet sensible de l'existence d'un impôt véritablement progressif.
    Je pourrais d'ailleurs dire qu'aujourd'hui ce n'est pas des 200 familles qu'il faut parler, mais, si j'en crois Challenges, au moins des 500 familles, et peut-être davantage.
    M. Jacques Myard. Ça s'est démocratisé !
    M. Jean-Pierre Brard. En effet !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ça va dans le bons sens !
    M. Jean-Pierre Brard. Ça va dans le bon sens !
    M. Jacques Myard. Le peuple s'enrichit !
    M. Pierre Lellouche. Même M. Brard !
    M. Jean-Pierre Brard. A cette vitesse-là, je doute que l'éternité suffise pour parvenir à la justice. Bien entendu, parmi ces 500 familles, je ne compte pas celles qui ont dissimulé leur patrimoine dans les paradis fiscaux, contre lesquels vous ne vous battez pas avec suffisamment d'énergie, monsieur le ministre.
    M. Jacques Myard. Non !
    M. Richard Cazenave. Quel est votre bilan ! Il y a quand même eu quinze ans de pouvoir de gauche !
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Cazenave, j'ai fait un rapport sur la fraude, j'ai formulé des propositions.
    M. François Guillaume. Les socialistes n'en ont pas voulu !
    M. Jean-Pierre Brard. Si ma mémoire n'est pas infidèle, je ne me rappelle pas vous avoir entendu soutenir ces propositions ni les amendements que j'ai déposés pour combattre les voleurs qui dissimulent dans les paradis fiscaux de l'argent dont on ne sait trop comment il a été acquis.
    M. Richard Cazenave. Il est trop intelligent pour nous !
    M. François Guillaume. A une certaine époque, les paradis fiscaux, c'était à Moscou !
    M. Jean-Pierre Brard. J'espère que votre interruption, monsieur Cazenave, est une sorte de début d'autocritique et que, puisque maintenant, avec vos amis, vous tenez la queue de la poêle, vous allez enfin faire prévaloir des mesures beaucoup plus fortes pour combattre cette immoralité que constituent les paradis fiscaux.
    M. Richard Cazenave. L'espoir est en nous !
    M. Jean-Pierre Brard. Quand vous parlez d'espoir, je sens à votre ton le peu de conviction qui vous anime.
    Au débat sur l'impôt progressif ou proportionnel s'ajoute celui sur l'imposition au taux marginal ou au taux moyen. Cette mesure, qui est tout sauf une question technique, était au coeur du grand projet de réforme démocratique développé par le Front populaire. Elle fut supprimée par le gouvernement de Vichy...
    M. Guy Geoffroy. C'est vous qui lui aviez donné les pleins pouvoirs !
    M. Jean-Pierre Brard. C'est nous qui avons donné les pleins pouvoirs à Vichy ? Quatre-vingts députés ont sauvé l'honneur de la France, dont les vingt-sept des chemins de l'honneur ! Ceux qui ont trahi massivement étaient dans la partie de l'hémicycle où vous siégez. Ne vous trompez pas là-dessus. Il est certaines choses que nous ne laisserons jamais dire. Certains de ces députés ont laissé leur nom ici sur les plaques de nos bancs, comme Lucien Sampaix et Gabriel Péri. S'il y a des gens dont nous n'avons pas de leçons à recevoir, c'est bien de vous, les héritiers des Coblençards qui défendent ceux qui veulent aller mettre leur patrimoine à l'étranger...
    M. Pierre Lellouche. Vous aggravez votre cas !
    M. Hervé Novelli. Lamentable !
    M. Jean-Pierre Brard. ... alors que nous, nous avons toujours défendu la patrie quand elle était agressée.
    M. Pierre Lellouche. L'association avec les collabos est prouvée, hélas pour vous, monsieur Brard, jusqu'à Stalingrad !
    M. le président. Monsieur Brard, je vous ai invité à ne pas céder à toutes les tentations.
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Lellouche, que vous soyez ignorant à ce point m'afflige !
    M. Pierre Lellouche. Revenez à la loi de finances : ça vaut mieux pour vous !
    M. le président. Mes chers collègues, laissons M. Brard développer son discours.
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, quand des sujets aussi graves sont évoqués, les mises au point s'imposent. En tenant de tels propos, M. Lellouche participe d'un mouvement de révision de l'histoire qui est inacceptable.
    M. Pierre Lellouche. Vous êtes orfèvre, monsieur Brard !
    M. Jean-Pierre Brard. J'en parle d'autant plus librement que je ne suis plus membre du parti communiste, mais que je reste fidèle à l'idéal que ce parti a incarné. Lorsque les nazis sont arrivés, l'organisation secrète du nord de la France a été créée par des communistes qui avaient pour nom, par exemple, Ferrari.
    M. Pierre Lellouche. Mon père était gaulliste, monsieur Brard : vous ne pouvez pas en dire autant !
    M. Jean-Pierre Brard. Mon prédécesseur à la mairie de Montreuil, Marcel Dufriche, a été emprisonné dès 1939 parce qu'il s'opposait...
    M. Pierre Lellouche. A la ligne du parti !
    M. Jean-Pierre Brard. ... à la politique de capitulation incarnée par les Daladier et consorts...
    M. Hervé Novelli. Que le parti communiste cautionnait !
    M. Jean-Pierre Brard. ... qui étaient soutenus par ceux qui siégeaient à la droite de l'hémicycle. Cela, nul ne peut le contester.
    M. Frédéric de Saint-Sernin. Qui a défendu le pacte germano-soviétique ?
    M. Jean-Pierre Brard. Et je ne parle pas des délégations spéciales, de l'arrestation de Daniel Renoult, compagnon de Jaurès et autre maire de Montreuil - pardonnez-moi de revenir toujours à ma ville. Tout cela, c'était bien avant le 22 juin 1941. Révisez vos classiques, messieurs, vous vous honoreriez en disant des choses qui ne sont pas inexactes (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française) et n'insultent pas la Résistance.
    M. le président. Mes chers collègues, monsieur Brard, s'il vous plaît !
    Monsieur Brard, ne me mettez pas dans l'obligation de vous interrompre. Je vous propose, à vous, de poursuivre le développement de votre motion de renvoi en commission...
    M. Jean-Pierre Brard. Merci, monsieur le président !
    M. le président. ... et à vous, chers collègues, de lui accorder une écoute relativement sereine.
    M. Jean-Pierre Brard. Je n'ai rien contre !
    M. Jacques Myard. Ça va être difficile !
    M. Charles de Courson. Difficile, c'est le moins que l'on puisse dire !
    M. Jean-Pierre Brard. J'en reviens donc à mon propos... (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Un député du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Ça vaut mieux !
    M. Jean-Louis Idiart. Il s'en était écarté ?
    M. Jean-Pierre Brard. ... en citant ce que disait M. Piketty : « L'avantage des barèmes exprimés "en taux moyen qui en France ont été utilisés uniquement lors de l'imposition des revenus des années 1917-1918 et 1936-1941, est précisément qu'ils permettent de mieux "cibler les groupes de revenus sur lesquels on entend faire porter la charge fiscale. Avec un barème en taux moyen, il suffit de déterminer les taux moyens d'imposition que l'on souhaite faire subir à différents groupes "cibles(par exemple, en 1917-1918, 1,5 % pour les revenus de l'ordre de 3 000 - 8 000 francs, 16 % pour les revenus de l'ordre de 153 000 francs, et 20 % pour les revenus supérieurs à 553 000 francs), après quoi il est toujours possible de "raccorder les différents taux moyens choisis par une courbe de taux moyens applicables aux revenus intermédiaires. »
    M. Pierre Lellouche. Incompréhensible !
    M. Jean-Pierre Brard. « Les barèmes exprimés "en taux marginal n'autorisent pas une telle liberté de manoeuvre. Par exemple, à partir du moment où l'on souhaite abaisser le taux d'imposition applicable aux revenus les plus faibles, on est également contraint d'abaisser l'impôt dû par les revenus les plus élevés, puisque le taux marginal applicable aux revenus les plus faibles s'applique également aux premières fractions des revenus les plus élevés. »
    M. Pierre Lellouche. On croirait entendre du Bercy !
    M. Jean-Pierre Brard. L'absence de lisibilité, de transparence quant au niveau de prélèvement réel sur les revenus conduit nos concitoyens à s'interroger sur le bien-fondé d'un impôt qui serait confiscatoire. Pourtant, le plus grand nombre est convaincu de sa légitimité, au regard des services publics assurés, alors que, dans beaucoup de pays, les mêmes services sont payants, je pense en particulier à l'éducation et à la santé, qui interdisent toute comparaison avec les pays anglo-saxons.
    « Le "prix à payer pour cette transparence est évidemment que les barèmes définis "en taux moyen ne font pas apparaître clairement les taux marginaux, qui peuvent fort bien suivre une évolution relativement chaotique en fonction du revenu. » « Autrement dit, les barèmes définis "en taux moyen afin de faire monter suffisamment vite le taux moyen d'imposition entre les différents groupes cibles qui ont été choisis, sont souvent conduits à imposer des taux marginaux implicites plus élevés sur les revenus intermédiaires entre deux groupes cibles que sur les revenus supérieurs à la seconde cible, contrairement au barème défini "en taux marginal qui en pratique choisissent systématiquement d'imposer des taux marginaux qui sont toujours d'autant plus élevés que le revenu est élevé. »
    On voit donc bien que cette question du taux moyen mériterait réellement un débat que la majorité d'aujourd'hui n'est pas prête à ouvrir. Toujours sous l'angle de la justice fiscale, dans le même ouvrage, M. Piketty souligne l'effet dynamique et redistributeur de l'impôt sur le revenu.
    M. Hervé Novelli. Staline-Piketty ! (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Brard. « L'impôt sur le revenu n'a pas simplement pour effet de réduire de façon immédiate et mécanique les disparités présentes de niveaux de vie. L'impôt sur le revenu a également un impact plus complexe sur les inégalités, dont les effets ne se font pleinement sentir qu'au bout d'un certain nombre d'années : en comprimant la hiérarchie des revenus disponibles » - ce dont bien sûr vous ne voulez pas - « l'impôt progressif modifie structurellement les capacités d'épargne et d'accumulation des uns et des autres, et il conduit donc à réduire les inégalités patrimoniales futures, et par conséquent l'inégalité future des revenus avant impôt. »
    M. Pierre Lellouche. C'est incompréhensible !
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Lellouche, que vous ne compreniez pas, cela ne m'étonne guère !
    M. Pierre Lellouche. Je n'ai pas fait d'études, moi !
    M. Jean-Pierre Brard. Mais, pour vous, je ferai une répétition particulière. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jacques Myard. Lellouche, maso !
    M. le président. Ne recommençons pas !
    M. Jean-Pierre Brard. Evidemment, ces perspectives donnent le frisson sur les bancs de la droite de cet hémicycle. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Pourtant, il est indispensable de souligner le caractère juste et moral de l'impôt progressif.
    Aujourd'hui, cet impôt garde toute son actualité, compte tenu de l'évolution à la hausse des revenus supérieurs relevée par M. Piketty.
    M. Pierre Lellouche. Mais qui est-ce donc, ce Piketty ? (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Lellouche, c'est invraisemblable ! Monsieur le ministre, vous, vous connaissez évidemment M. Piketty.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Pas plus que ça ! (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Brard. Je sais que vous êtes modeste, humble, monsieur le ministre, mais j'ai bien vu tout à l'heure, quand vous m'avez interrompu, que vous l'aviez lu. Imaginez-vous que M. Lellouche n'a jamais entendu son nom ! (Rires sur tous les bancs.) Si vous le voulez bien, monsieur le ministre, nous inviterons M. Lellouche à une lecture contradictoire de M. Piketty, et je suis sûr que, si nous le lui proposons, M. Piketty participera à notre échange.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Si cela peut accélérer le débat, c'est d'accord.
    M. Pierre Lellouche. Moi, j'ai lu Lénine, Rosa Luxembourg, Proudhon.
    M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas la même chose, vous n'avez rien compris. (Sourires.)
    En reprenant les données fiscales concernant les plus riches contribuables, on voit les effets différents du taux marginal et du taux moyen. Tout cela souligne le bien-fondé de la progressivité de l'impôt après un siècle de pratique et son apport fondamental à la justice fiscale.
    Mais il est vrai, monsieur le ministre, que vous ne justifiez pas votre laminage en règle de l'impôt sur le revenu par des raisons de justice fiscale, laquelle n'est pas au nombre de vos priorités.
    Comme l'ont dit d'une façon étonnante deux de nos collègues, Mme Taubira, dans un autre débat avant-hier, et tout à l'heure Roger-Gérard Schwartzenberg, reprenant une expression que nous n'utilisons plus, vous développez une « politique de classe », c'est-à-dire que vous beurrez la tartine de ceux qui font déjà du cholestérol. (Rires.) Et vous réservez du pain sec aux autres.
    Votre argumentation, monsieur le ministre, est essentiellement fondée sur des aspects économiques. La baisse des prélèvements obligatoires est justifiée par l'encouragement à l'initiative et au travail, et, du même coup, par la dissuasion de l'expatriation des cadres pour des raisons fiscales.
    Monsieur de ministre, je sais bien que vous n'avez pas siégé dans cet hémicycle, mais je suis sûr que, pendant les débats qui parfois étaient ennuyeux au Sénat, vous pouviez lire les débats de l'Assemblée nationale : avez-vous déjà entendu nos collègues de gauche faire l'éloge de la paresse ? Historiquement, il n'y en a qu'un qui l'ait fait, c'est Paul Lafargue.
    M. Pierre Lellouche. Et Piketty !
    M. Jean-Pierre Brard. Non, pas Piketty, vous n'avez décidément rien compris. (Sourires.)
    Monsieur le ministre, on a toujours tort de manier la caricature dans le débat politique. (Rires.)
    M. Marc Laffineur. M. Brard ne le fait jamais !
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Laffineur, vous, vous défendez le travail pour l'exploiter.
    M. Pierre Lellouche. C'est bien connu, c'est un exploiteur, Laffineur !
    M. Jean-Pierre Brard. Il en est d'autres qui, comme le disait l'ancêtre qu'évoquait tout à l'heure Pierre Lellouche...
    M. Pierre Lellouche. Piketty ?
    M. Jean-Pierre Brard. ... n'ont qu'une chose, leur force de travail à vendre ou à louer. Mais, de ceux-là, vous vous préoccupez peu. Vous vous préoccupez davantage de ceux qui achètent cette force de travail et s'en nourrissent.
    M. Pierre Lellouche. C'est pour cela que « le capitalisme est malade » ! Lisez Le Monde !
    M. Jean-Pierre Brard. Imputer le départ de jeunes cerveaux vers l'étranger à la lourdeur supposée de l'impôt sur le revenu est, en réalité, tout à fait excessif, puisque notre impôt sur le revenu se situe à un niveau plutôt inférieur - en taux réel et non en taux marginal, bien sûr - à celui de nos principaux partenaires européens.
    Là encore, le taux marginal crée un effet d'affichage trompeur et idéologique que les détracteurs de l'impôt progressif ne manquent pas d'exploiter. S'y ajoute le fait que le phénomène est médiatiquement surexposé, car il ne s'agit pas que de jeunes cerveaux, mais aussi de jeunes raquettes, de jeunes crampons ou de jeunes plastiques qui alimentent fréquemment les chroniques de la grande presse et les émissions télévisées spécialisées.
    M. Pierre Lellouche. Vous parlez de Loana ?
    M. Jean-Pierre Brard. Mais, je vous l'ai dit, mon idéal n'a jamais été Coblence.
    M. François Guillaume. C'est de la bouffonnerie.
    M. Jean-Pierre Brard. Enfin, plus fondamentalement, les candidats à l'expatriation ont intérêt à s'enquérir, avant de prendre leur décision, de l'existence, de la densité et de la qualité des services publics dans les pays où ils souhaitent s'installer. Ils risquent, en effet, d'être extrêmement déçus, par exemple lorsqu'ils voudront prendre le train ou se faire soigner en Grande-Bretagne...
    M. Pierre Lellouche. Chacun sait que c'est un pays sous-développé !
    M. Jean-Pierre Brard. ... ou lorsqu'ils actionneront l'interrupteur électrique en Californie.
    En effet, le niveau des prélèvements obligatoires dans notre pays a pour contrepartie directe, depuis des décennies, des services publics globalement de grande qualité, sur tout le territoire.
    M. Pierre Lellouche. C'est vrai !
    M. Jean-Pierre Brard. Les Français y sont tellement habitués qu'ils n'imaginent pas qu'il puisse en être autrement, avant bien sûr d'en avoir fait très concrètement la douloureuse expérience. Et, si j'en crois les gazettes, monsieur le ministre, M. Mer, mais peut-être serez-vous de nouveau en désaccord avec lui... (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Mais je ne veux pas semer la zizanie à Bercy...
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous n'y parviendrez pas !
    M. Jean-Pierre Brard. Je sais bien, je connais votre discrétion.
    Si j'en crois, donc, ce qui était publié de nouveau dans Le Monde, daté du 18 juillet...
    M. Jacques Myard. Il ne faut pas croire ce canard !
    M. Jean-Pierre Brard. ... « le ministère de l'économie et des finances a envoyé, vendredi 12 juillet, deux appels d'offres confidentiels à l'ensemble des banques d'affaires de la place de Paris en vue de la privatisation de treize entreprises publiques ou dont l'Etat est encore actionnaire, a révélé Libération, mercredi 17 juillet ».
    M. Hervé Novelli. Très bien ! Il était temps !
    M. Jean-Pierre Brard. « Les entreprises concernées seraient Air France, ASF, Bull, CNP, Crédit lyonnais, Dassault Systèmes, EADS, France Télécom, Renault, Thales, Thomson Multimédia, ainsi qu'EDF et Gaz de France. »
    M. Pierre Lellouche. C'est moins que ce qu'a fait Jospin en son temps !
    M. Jean-Pierre Brard. Je ne sais si c'est vrai, mais certainement ne ferez-vous pas preuve d'autant de discrétion quand vous me répondrez que vous en avez témoigné à l'égard du président Méhaignerie quand il vous a interrogé sur les financements pour la politique du logement. Certains de nos compatriotes sont en vacances, mais d'autres vous écoutent encore, et il est important qu'ils sachent quelle purge vous leur préparez. Si, d'aventure, vous voulez mettre en cause toutes ces entreprises publiques, vous pouvez compter sur nous pour les défendre, car nous considérons qu'elles constituent, en quelque sorte, les bijoux de famille (Sourires) et qu'elles sont constitutives de notre identité nationale.
    M. Charles de Courson. C'est tellement récent, en plus !
    M. Jean-Pierre Brard. Un des premiers devoirs de la nation est de défendre la notion de justice fiscale et de rappeler la raison de l'impôt. La France n'a pas d'impôts élevés en raison d'une mauvaise gestion ou d'un nombre pléthorique de fonctionnaires.
    M. Pierre Lellouche. Nous sommes juste à dix points au-dessus de la moyenne de l'OCDE !
    M. Jean-Pierre Brard. J'attendais vos protestations sur le nombre de fonctionnaires.
    M. Pierre Lellouche. Nous avons six millions de fonctionnaires, mais à part cela, tout va bien !
    M. Jean-Pierre Brard. Oui, parce que, ici, nous sommes soignés, monsieur Lellouche ! Ici nos trains arrivent sans mettre en danger la sécurité des usagers. Le courrier arrive. Cela nécessite plus de fonctionnaires quand le service est rendu que lorsqu'il n'est pas rendu : le cartésien que je suis adhère volontiers à ce truisme.
    Un des premiers devoirs de la nation, disais-je, est de défendre la notion de justice fiscale et de rappeler la raison de l'impôt.
    Dans un grand nombre de pays étrangers, la santé et l'école sont directement financées par les familles en fonction de leur fortune. Historiquement, dans notre pays, ces dépenses sont payées par l'impôt ou les cotisations sociales. Vous parlez de prélèvements qui seraient plus lourds ici qu'ailleurs, mais, ailleurs, ces prélèvements sont privatisés, sans pour autant que cela garantisse la qualité que chacun reconnaît aux services de santé et d'éducation de notre pays. En contrepartie, notre système éducatif ou notre système de protection sociale, sans être exempts de défauts, permettent à chacun d'accéder à l'éducation ou à la santé.
    La mise en place récente de la couverture maladie universelle vient renforcer cette conception d'une société solidaire.
    M. Pierre Lellouche. C'est ça ! Vous connaissez les dérives de ce système !
    M. Jean-Pierre Brard. Pour vous, monsieur Lellouche, soigner tout le monde, c'est une dérive. C'est une façon de voir les choses, mais je pense qu'un pays comme le nôtre s'honore de reconnaître à chacun le droit d'être soigné, de même qu'il reconnaît à chacun le droit à l'éducation. Oser parler de dérive sur de tels sujets revient à afficher des sentiments qui ne sont guère conformes aux valeurs républicaines traditionnelles de notre pays.
    Nous devons veiller à l'amélioration du caractère redistributif de l'impôt et des cotisations. De nombreuses études récentes ont révélé que cette spécificité française, loin d'être renforcée, avait déjà tendance à se réduire, et vous voulez accentuer ce phénomène.
    Il est juste que ceux qui sont plus fortunés participent davantage au financement de la solidarité. Contrairement à une idée reçue, les plus pauvres, qui n'ont d'argent que pour financer l'indispensable, ne sont pas du tout épargnés par l'impôt. En effet, sur tous les produits qu'ils achètent, ils paient la TVA, qui est un impôt particulièrement lourd.
    De ce point de vue, si la CSG est simple et si elle présente l'avantage de taxer les revenus du capital comme ceux du travail, elle n'est pas juste, puisqu'elle les frappe tous au même taux : c'est l'impôt proportionnel par excellence. C'est la raison pour laquelle nous militons pour un remboursement, au moins partiel, de la CSG payée par les salariés modestes, deux fois par an. Cela permettrait, d'une part, de redonner du pouvoir d'achat aux familles concernées et, d'autre part, d'instiller une dose de progressivité, qui reste le fondement théorique de notre système fiscal.
    Ceux qui ont plus de revenus doivent contribuer davantage. Nos compatriotes comprennent que l'impôt est nécessaire. Ils ne pensent pas toujours qu'il est juste. A cela plusieurs explications.
    D'abord, ils ont raison de penser que l'impôt est injuste. Si les revenus proviennent du placement de capitaux, d'une façon générale, vous paierez moins d'impôts que si vous n'avez que des revenus salariaux. Si vous avez beaucoup d'argent, de nombreuses possibilités vous sont offertes de réduire l'impôt ou même d'y échapper : emploi d'une personne à domicile, investissement dans les DOM-TOM ou le cinéma, par exemple. Tout cela justifie une réforme fiscale ambitieuse pour aller vers plus de justice.
    Une des autres raisons du doute des Français sur la justice de l'impôt tient à l'ignorance dans laquelle nous sommes de ce que l'Etat finance et du coût des services dont nous bénéficions.
    L'habitant de l'Ile-de-France qui prend le métro chaque jour et paie sa carte orange sait-il qu'il bénéficie d'une subvention annuelle qui fait qu'il paie le ticket de transport en commun le moins cher du monde pour les grandes capitales ?
    Le malade qui est en réanimation intensive à l'hôpital sait-il que chaque journée qui passe coûte 852 euros, dans les cas les moins coûteux ?
    La famille dont l'enfant est étudiant en sciences sait-elle qu'il en coûte environ 12 200 euros par an au budget de l'Etat ?
    Si nous voulons rétablir un rapport citoyen entre l'Etat et les Français, il faut expliquer à ces derniers à quoi sert l'impôt. Ce sera le moyen de les intéresser davantage à la chose publique et de placer celle-ci sous leur contrôle.
    Parmi les autres raisons qui suscitent le doute sur le caractère juste de l'impôt, on peut ajouter le manque de stabilité de la loi fiscale, ainsi que - et je pense que vous serez d'accord avec moi, monsieur le ministre - son manque de simplicité et son manque de transparence.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Pour une fois, je suis d'accord !
    M. Jean-Pierre Brard. L'impôt dans notre pays est l'expression de nos valeurs identitaires. Pour se convaincre de leur pertinence et de leur légitimité, il suffit de comparer avec la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis. Il est depuis longtemps question de réforme fiscale, mais aucun gouvernement ne s'y risque. Le système actuel est tellement complexe et embrouillé qu'il est difficile de mesurer avec certitude ce que seraient les conséquences d'une réforme. Néanmoins, nous ne pouvons en rester à la situation actuelle, d'autant plus qu'elle vous sert de prétexte, monsieur le ministre, pour modifier le sytème à coups de touches impressionnistes qui, peu à peu, le transforment, pour le rendre moins juste fiscalement.
    De plus en plus, le cadre dans lequel nous évoluons est européen, et nous devrions garder à l'esprit la nécessité d'aller vers une harmonisation fiscale européenne - et je suis sûr que si M. Myard était encore là il ne partagerait pas mon point de vue -  afin d'exclure le dumping fiscal. Tout cela suppose une forte volonté politique. Derrière le système fiscal, c'est un modèle de société qui se dessine.
    On voit bien, monsieur le ministre, que votre politique fiscale a, en fait, des motivations beaucoup plus idéologiques que réellement économiques. Ce n'est d'ailleurs pas seulement votre point de vue, c'est aussi celui du Président de la République, qui, le 14 juillet, a osé dire à la télévision à propos de la baisse des impôts que ce n'était pas un problème idéologique, mais « un choix de survie ».
    M. Hervé Novelli. M. Chirac a raison !
    M. Jean-Pierre Brard. Toutefois, il ne nous a pas expliqué en quoi notre vie était menacée par l'impôt. Il ne suffit pas de formuler des incantations, pour convaincre, monsieur le ministre.
    M. Pierre Lellouche. C'est pourtant ce que vous faites depuis une heure, monsieur Brard !
    M. Jean-Pierre Brard. Si vous voyez le Président lors du prochain conseil des ministres, vous pourriez lui faire savoir que ses talents pédagogiques méritent d'être confirmés. En effet, quand on veut convaincre, il faut expliquer. Or il ne peut pas le faire car il se contente de procéder par des affirmations qui répondent à des choix purement idéologiques, mais non à la nécessité de développer la justice fiscale.
    Il s'agit essentiellement de soigner une clientèle électorale de possédants et de privilégiés pour lesquels les impôts, la solidarité nationale et l'intérêt général ne sont que de vieilles lunes contre-productives, des freins illégitimes à la réussite des gagneurs, des golden boys, des grands capitaines d'industrie, qui sont devenus les nouveaux héros de la mondialisation ultralibérale. Nous sommes évidemment très loin de la France d'en bas, pourtant si chère à M. le Premier ministre. Si chère en affichage, mais il n'aura guère fallu de temps pour que la pratique démontre le contraire.
    C'est pourquoi, monsieur le ministre, l'étude sémantique de votre discours, de même que celle du discours de M. Raffarin, est tout à fait intéressante. Pour bien défendre les privilégiés, vous avez besoin néanmoins du soutien des électeurs ; or, vous ne pouvez pas leur dire clairement ce que vous êtes en train de faire à leurs dépens. C'est pourquoi vous parlez de « proportionnalité » au lieu de « progressivité », d'« équité » au lieu d'« égalité », comme M. le Premier ministre l'a fait à cette tribune dans sa déclaration de politique générale, mais ces glissements sémantiques en disent plus que de longs discours sur la dérive dans laquelle vous engagez notre pays.
    Dans la France d'en bas dont vous parlez tout le temps - et vous devez en parler d'autant plus que vous avez du mal à l'apercevoir -, déjà la moitié des foyers fiscaux ne paient pas l'impôt sur le revenu et ne vont donc rien gagner du tout avec sa baisse. Ce sont, pour une bonne part, les mêmes qui se sont vus privés du coup de pouce au SMIC et qui s'interrogent légitimement sur le devenir de la prime pour l'emploi.
    D'ailleurs, je suis frappé de voir comment, en fin de compte, vous allez donner encore 3 francs 6 sous, et même un peu plus puisque maintenant on compte en euros, à M. Messier, à M. Mulliez ou à Mme Bettencourt, et combien vous avez été pingre à l'égard des smicards, puisque vous avez réduit l'actualisation du SMIC au minimum.
    Pour beaucoup d'autres contribuables, pour la grande majorité d'ailleurs, l'économie résultant de la baisse de 5 % sera pratiquement symbolique, voire dérisoire ou quasiment humiliante.
    C'est ainsi que pour un célibataire n'ayant aucune personne à charge et dont le revenu net imposable est de 8 080 euros, soit environ 53 000 francs, la réduction de 5 % représentera environ 3 euros, c'est-à-dire 20 francs ; si son revenu net imposable est de 14 500 euros, soit environ 95 100 francs, la baisse de cotisation sera de quelque 83 euros, soit 544 francs. Pour un couple marié avec deux enfants, soit trois parts, ayant un revenu de 30 600 euros net imposable, soit environ 200 000 francs, la réduction sera de 110 euros, soit approximativement 721 francs ; si son revenu net imposable est de 150 000 euros, soit environ 983 000 francs, ce qui n'est pas la situation la plus courante, vous le reconnaîtrez avec moi, monsieur le ministre, le bénéfice de la baisse de 5 % se montera alors à 2 746 euros, soit environ 18 000 francs. Mécaniquement, le gain réalisé augmente avec le niveau des revenus.
    Seulement 5 000 foyers fiscaux sont dans la catégorie la plus privilégiée : avec un revenu imposable de plus de 421 150 euros, la réduction d'impôt de 5 % pour un couple marié, soit deux parts, devrait s'élever à environ 10 100 euros, soit plus de huit fois le SMIC mensuel brut ! Encore un effort, mais il nous est annoncé pour les années futures, et ces familles, miséreuses sans doute à vos yeux, auront gagné en économie d'impôt plus que le salaire annuel d'un smicard !
    D'autres formules, plus justes, auraient été possibles, mais vous n'avez pas voulu les retenir. Ainsi, on pouvait parfaitement prévoir de moduler la baisse en fonction du niveau de revenus afin de l'amplifier pour les familles les plus modestes et de la réduire pour les foyers fiscaux les plus riches. Vous auriez même pu accorder une déduction forfaitaire. Monsieur le ministre, je ne vous propose pas de réduire de trois euros l'impôt de M. Messier, je reconnais que ce serait mesquin, mais on aurait pu trouver une réduction forfaitaire moyenne et, pour le coup, on aurait même pu accepter que Mme Bettencourt en profite pour ne pas vous fâcher !
    On objecte parfois que l'administration fiscale ne pourrait pas faire face aux problèmes techniques posés par de telles modulations, en termes d'adaptation des logiciels informatiques notamment. Cependant, l'expérience nous a montré à plusieurs reprises dans le passé que les services de Bercy ont su faire preuve de réelles facultés d'adaptation et mettre en oeuvre des dispositifs nouveaux et annoncés comme techniquement irréalisables - je pense notamment à la prime pour l'emploi. En outre, un retard dans l'envoi des avertissements ne constituerait pas un drame, d'ailleurs, la perception du traditionnel tiers provisionnel va, même avec le dispositif actuel, devoir être retardée.
    Une autre disposition, très simple à mettre en oeuvre, consisterait à plafonner en valeur absolue le montant de l'avantage que pourraient retirer de la mesure les foyers fiscaux les plus aisés. Cela éviterait que les grandes fortunes ne bénéficient d'un véritable jackpot fiscal dès l'automne et à chaque fois que vous pratiquerez des baisses de l'impôt sur le revenu. Mais, évidemment, un tel plafonnement constituerait une horrible déception pour les bénéficiaires appartenant à la catégorie des milliardaires à laquelle vous ne voulez pas causer de soucis supplémentaires.
    Avec la baisse proportionnelle que vous avez choisie, 1 % des assujettis à l'impôt sur le revenu empocheront 30 % de l'ensemble du coût de la mesure. Pour cette catégorie, le bénéfice moyen sera de 2 240 euros.
    Il faut également remettre en perspective le montant du cadeau fiscal opéré dans ce collectif : 2,55 milliards d'euros. C'est le montant du budget de la culture en 2002 ! Le ministère de l'environnement ne dispose, quant à lui, que de 761 millions d'euros, plus de trois fois moins que le coût de la baisse de l'impôt.
    Avec une telle somme, il aurait été possible de doter la recherche environnementale, de renforcer les corps de contrôle pour éviter des catastrophes comme celle d'AZF, d'initier une véritable politique de développement des énergies renouvelables, de former et de recruter des milliers d'infirmières et d'enseignants, d'accroître les moyens de nos services publics et d'enrichir durablement la croissance.
    L'impact économique de cette mesure sera-t-il à la hauteur du « choix de survie » asséné péremptoirement par le Président de la République ?
    L'opération que vous allez réaliser consiste à ne rien donner à la moitié des foyers fiscaux les plus modestes qui ne paient pas l'impôt sur le revenu et à accorder aux autres ménages une baisse d'impôt d'autant plus forte qu'ils sont plus fortunés. C'est exactement l'inverse qu'il faudrait faire pour obtenir un impact positif sur l'économie : il faudrait cibler les baisses des impôts de toutes sortes au profit de ceux qui ont les plus faibles revenus, car ils utilisent immédiatement leur pouvoir d'achat supplémentaire pour satisfaire des besoins de consommation et alimentent ainsi la croissance économique.
    M. le ministre de l'économie l'a clairement dit en commission : « le Gouvernement n'a, sur cette affaire, aucun état d'âme : la baisse augmentera les revenus disponibles des ménages de 0,2 à 0,3 % et conduira à un surcroît de croissance de 0,1 %, dans un contexte où la consommation et le taux d'épargne sont stables ». Une croissance supplémentaire de 0,1 % bénéficiant aux privilégiés, cela justifie-t-il un tel effort budgétaire ? Certainement pas !
    Pourtant, vous le savez, le pouvoir d'achat supplémentaire accordé aux foyers fiscaux aisés a un très faible impact sur la consommation et s'oriente massivement sur ce que, pudiquement, vous appelez « l'épargne », puisque leurs besoins sont déjà très largement satisfaits.
    Mais peut-être nourrissez-vous l'espoir que les allégements consentis aux plus hauts revenus aillent alimenter la capitalisation boursière, qui n'a pas tellement le vent en poupe depuis quelques mois, notamment à cause des frasques financières de quelques-uns de ceux que vous allez gâter avec ce collectif budgétaire.
    Les grands patrons, ex-patrons ou futurs ex-patrons de Vivendi Universal ou de France Télécom, qui ont ruiné, ou qui sont en train de le faire, des milliers de salariés actionnaires et de petits porteurs, qui ont creusé la tombe de l'épargne de ces derniers, ne pourront que vous remercier de votre immense générosité pour ceux qui ont creusé la tombe de leur épargne.
    Dans le même temps, les contribuables usagers du service public de l'eau - appelons-le encore ainsi - dans les villes où il est assuré par Vivendi Environnement devront payer les dettes astronomiques de Vivendi Universal. Je suis très étonné, monsieur le ministre, que vous ne vous soyez pas indigné du transfert par M. Messier de 18 milliards d'euros de dettes de Vivendi Universal sur Vivendi Environnement : ainsi, les habitants des 8 000 communes dont le service de l'eau est assuré par Vivendi Environnement devront payer, dans leur facture d'eau, les frasques de M. Messier. Tout de même, 18 milliards d'euros, ce n'est pas marginal ! Mais cela ne semble pas vous inquiéter.
    J'ai demandé la création de commissions d'enquête sur ces entreprises. Nous verrons bien comment vous et votre majorité réagirez à mes propositions.
    Monsieur le président, afin de ne pas abuser de votre patience, je vais aller lentement vers ma conclusion. (« Ah » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Pierre Lellouche. Prenez votre temps.
    M. Jean-Pierre Brard. Absolument. Vous n'avez pas, semble-t-il, tout compris dans mon propos tout à l'heure, mais vous persévérez, ce qui est un bon signe pour la suite.
    M. Pierre Lellouche. Vous allez m'expliquer.
    M. le président. S'il vous plaît. Il vous reste dix minutes en tout et pour tout, monsieur Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. Vous êtes aussi parcimonieux que M. le ministre du budget, monsieur le président.
    M. le président. Le droit n'est pas négociable, monsieur Brard, et une heure et demie, c'est une heure et demie.
    M. Jean-Pierre Brard. Le droit n'est pas négociable mais, dans une démocratie, dès lors qu'il s'agit de la liberté de parole, ce droit exige quelques accommodements.
    M. le président. Monsieur Brard, il vous reste neuf minutes trente.
    M. Jean-Pierre Brard. Dans son interview du 14 juillet, le Président Chirac a fait de la baisse de l'impôt la pierre angulaire de la politique que le gouvernement de M. Raffarin est chargé d'appliquer. Cette baisse est censée être financée par une amélioration de la croissance du produit intérieur brut. Si cette source de financement venait à être défaillante, le Président a indiqué qu'il faudrait alors réaliser des économies sur les dépenses publiques. On devine aisément, messieurs les ministres, les conséquences que cela aurait en termes de dégradation de la qualité des services publics et de la protection sociale, notamment du fait de baisses d'effectifs dans les emplois publics.
    M. Chirac a insisté, pour justifier sa position, sur la situation de la France comparée à celle de ses voisins. Certes, la France n'est pas seule au monde et les pressions pour suivre l'exemple fiscal des pays pratiquant le dumping fiscal sont devenues particulièrement fortes à l'aube du xxie siècle. Il faut cependant insister sur le fait que le maintien d'une fiscalité fortement progressive pose uniquement un problème de coordination entre pays, et non un problème économique en soi, à condition d'être habité par la volonté politique. Pendant toute la période des Trente Glorieuses, tous les pays développés appliquaient des taux supérieurs de l'ordre de 60-70 % - voire 90 %, comme aux Etats-Unis dans les années cinquante et soixante. Cela n'a pas empêché ces mêmes pays de connaître une croissance économique exceptionnellement forte.
    La question est donc politique et non économique. Vous arguez toujours d'arguments économiques. En fin de compte, vous n'êtes mus que par des obsessions idéologiques. Il s'agit de savoir si l'Europe est capable de décider collectivement de ne pas suivre le yo-yo anglo-saxon. De plus, l'expérience américaine la plus récente suggère qu'une telle course-poursuite avec les Etats-Unis peut aller très, très loin : le Président Bush envisage d'abaisser de nouveau les taux supérieurs de l'impôt sur le revenu et de supprimer purement et simplement l'impôt sur les successions. Il est vrai que M. Bush n'est pas obsédé par les services publics qui sont rendus à ses concitoyens !
    Si la France et les différents pays européens décidaient de mettre à mal leur fiscalité progressive avec la même vigueur que cela a été fait aux Etats-Unis, il serait fort étonnant que l'on n'observe pas dans les décennies à venir un fort mouvement de retour aux inégalités patrimoniales du début du xxe siècle avec, à la clé, un risque de sclérose économique et sociale.
    Nous souhaitons connaître l'avantage fiscal qui sera retiré par les possesseurs des plus grandes fortunes.
    Vous ayant déjà posé la question à la commission des finances l'autre jour, monsieur le ministre, je suis sûr qu'aujourd'hui vous pourrez me répondre, notamment pour Mme Bettencourt, dont la fortune a augmenté de 70 % en quatre ans.
    M. Charles de Courson. Liliane !
    M. Jean-Pierre Brard. Liliane Bettencourt ! Je vois que vous avez un grand lien d'intimité avec elle, monsieur Charles-Amédée du Buisson de Courson !
    M. Charles de Courson. Grâce à vous !
    M. Pierre Lellouche. Vous n'arrêtez pas d'en parler !
    M. Charles de Courson. C'est rien, il fait une fixation !
    M. Pierre Lellouche. Je ne manquerai pas d'ailleurs de lui faire part de votre admiration. Elle y sera très sensible.
    M. Jean-Pierre Brard. Je la cite souvent parce que c'est une image emblématique pour tous ceux qui n'ont rien alors que, précisément, vous ne vous préoccupez que de remplir davantage son assiette, même si dans son assiette il y a plutôt du caviar que des nouilles ! (Sourires.)
    Je pense aussi à Bernard Arnault, avec ses 13,6 milliards d'euros, à Gérard Mulliez, d'Auchan, avec 13 milliards d'euros, à François Pinault, avec 8,8 milliards d'euros, à Serge Dassault, avec 5,3 milliards d'euros, à Jean-Louis Dumas, d'Hermès, avec 4,8 milliards d'euros, à Paul-Louis Halley, de Carrefour, avec 4,4 milliards d'euros, à Pierre Peugeot, avec seulement 3,9 milliards d'euros, à Jean-Claude Decaux et à Philippe Foriel-Destezet dont je ne dis même pas la fortune parce qu'ils font partie des pauvres parmi les milliardaires !
    M. Jacques Myard. Et Jean-Pierre Brard, combien ?
    M. Jean-Pierre Brard. En l'état actuel des choses, le Gouvernement ayant décidé de ne pas compenser le coût de la baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu, tout en multipliant les déclarations ambiguës et lénifiantes quant au respect du pacte de stabilité européen, les nuages commencent à s'amonceler du côté de la Commission européenne. Elle ne comprend visiblement pas comment on peut à la fois annoncer des trains de dépenses prioritaires fort coûteuses au bénéfice des ministères régaliens - défense, justice, sécurité...
    M. Pierre Lellouche. La faute à qui ?
    M. Jean-Pierre Brard. ... et, dans le même temps, amputer les recettes fiscales sans espoir de contrepartie en termes d'accélération de la consommation.
    Sans doute faudrait-il avoir le courage de remettre en cause le pacte de stabilité tel qu'il a été négocié à l'origine, dans un contexte économique très différent de ce qu'il est aujourd'hui. Au lieu de cela, le Gouvernement cultive déjà les ambiguïtés et les faux semblants à usage interne ou européen, sans crainte des déclarations contradictoires et de la cacophonie.
    Il est très étonnant d'avoir entendu le président de la République affirmer le 14 juillet : « Ce que je sais, c'est que la planète aujourd'hui se dégrade à un rythme plus rapide que sa capacité de régénération... Par conséquent, nous devons aujourd'hui réagir à cela aussi. C'est comme la baisse des impôts et des charges, c'est vital ! » Le rapport direct entre la première partie de la citation et la deuxième partie vous apparaît certainement lumineux.
    M. Pierre Lellouche. Oui, il parle de la régénérescence, phénomène naturel !
    M. Jean-Pierre Brard. Derrière ces mots il n'y a évidemment aucune profondeur de réflexion mais une volonté idéologique obsédante de satisfaire l'appétit infini des privilégiés !
    M. Pierre Lellouche. On croirait entendre Piketty !
    M. Jean-Pierre Brard. On connaissait la fiscalité écologique chère à M. Cochet.
    M. Charles de Courson. Très chère !
    M. Jean-Pierre Brard. Voilà que l'on invente à présent l'écologie fiscale pour justifier de nouveaux cadeaux fiscaux assez difficiles à avaler, il est vrai, pour ceux qui vont devoir les financer.
    On peut à cet égard pronostiquer, à l'écoute des déclarations récentes que vous avez faites, monsieur le ministre, que ce ne seront pas les assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune qui seront mis à contribution puisque vous leur promettez un petit geste à eux aussi, à travers des allégements de cotisations.
    Après tout, je vous comprends : pourquoi n'y en aurait-il pas pour tout le monde ?
    M. Pierre Lellouche. Bien sûr !
    M. Jean-Pierre Brard. Vous avez choisi d'avancer toujours dans le même sens, c'est-à-dire vers la droite, vers les privilégiés. Il faudra bien quand même que vous pensiez aux autres à un moment ou à un autre, sinon ils risquent de s'en souvenir au moment des échéances.
    Sur le fond, il est clair que la mesure phare de ce projet de loi de finances rectificative, à savoir la baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu calculée sur le montant total de l'impôt brut 2002, est fiscalement injuste, économiquement inefficace et moralement choquante.
    En conséquence, je vous invite, mes chers collègues à voter la motion de renvoi en commission afin de nous permettre, d'une part, de mieux analyser les conséquences de cette mesure et de prendre en considération les intérêts et les attentes de tous les contribuables, y compris de ceux dont vous ne parlez pas, en particulier les plus modestes qui sont totalement oubliés par ce projet, d'autre part, de mener des investigations pour déterminer comment les nouveaux déficits seront financés. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. Yves Cochet. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Avis défavorable, monsieur le président.
    M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le groupe socialiste.
    M. Augustin Bonrepaux. Cette demande de renvoi en commission me paraît pleinement justifiée. La preuve : la commission n'a rien à en dire ! (Sourires.)
    Voilà déjà plusieurs heures que nous débattons. Or M. le ministre ne nous a toujours pas expliqué comment il comptait résoudre la quadrature du cercle. Il souhaite réduire le déficit budgétaire. Pour ce faire il commence par réduire les recettes, son intention étant de poursuivre en ce sens, tout en augmentant les dépenses. J'ai certainement un esprit un peu simple mais je ne comprends pas comment il peut atteindre l'objectif affiché. Il serait bon de renvoyer ce texte en commission pour qu'il puisse nous l'expliquer.
    Je vous ai posé des questions encore plus simples, monsieur le ministre, et je suis extrêmement déçu que vous n'ayez pas encore répondu. J'espère que vous allez le faire avant que nous engagions le débat.
    Vous indiquez dans le projet que des bénéficiaires de la prime pour l'emploi vont bénéficier aussi de la réduction de 5 %. Je souhaitais savoir combien de personnes seraient concernées, quel serait le montant moyen de la baisse pour chacun d'entre eux, combien de smicards pourraient en bénéficier ? Pour un couple avec deux enfants dont les deux parents touchent le SMIC, quel serait le gain et combien tout ceci représenterait dans les 2,5 milliards que vous consacrez à la baisse de l'impôt sur le revenu ?
    Vous êtes venu en commission l'autre jour nous dire que vous alliez nous donner toutes les informations utiles. Vous ne cessez de réclamer la transparence. Et à des questions aussi simples, nous n'avons pas de réponses ! Dans ces conditions, comment engager le débat sur des questions importantes, notamment sur l'article 1er ? Ce renvoi en commission me paraît donc pleinement justifié.
    M. Didier Migaud. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. François Guillaume, pour le groupe de l'UMP.
    M. François Guillaume. Je n'ai pas entendu, dans le long propos de M. Brard, les justifications nécessaires à un renvoi en commission du texte qui nous est proposé.
    Si l'on s'en tient au constat objectif, si l'on est attaché à la sincérité des comptes, on ne peut contester la nécessité premièrement de solder les dettes sociales de 2001, je pense notamment au déficit du BAPSA à hauteur de 180 millions d'euros ; deuxièmement, de prendre en compte l'évolution prévisible des recettes et des dépenses de 2002 qui ont notablement dérivé par rapport aux estimations optimistes et électoralistes du gouvernement précédent, qui avait artificiellement majoré les recettes, et minoré les dépenses.
    Ce projet de loi rectificative ne fait que tirer les conclusions de l'audit sur l'état des finances de la France, dont personne ne conteste réellement l'objectivité et le sérieux.
    Certes, au-delà, le Gouvernement diminue les ressources de 2,55 milliards d'euros, en proposant un allégement de l'impôt sur le revenu, conformément aux engagements pris. Cette mesure ne nécessite pas d'examen complémentaire par la commission, elle a été longuement explicitée par les ministres. On est pour, on est contre, chacun doit choisir et prendre ses responsabilités, non pas en pensant à l'apologie de l'impôt qu'a faite M. Brard, mais en se souvenant que la majorité socialo-communiste d'hier a réussi l'incroyable performance de faire des Français les contribuables les plus taxés des pays industrialisés.
    M. Jacques Myard. Il a raison !
    M. François Guillaume. Cela n'a pas empêché notre pays de garder un déficit budgétaire parmi les plus élevés d'Europe, en dépit d'une conjoncture économique exceptionnellement favorable de 1997 à 2001.
    Quelques orateurs de l'opposition ont contesté certaines mesures, notamment la mobilisation des réserves de divers organismes agricoles pour faire face à hauteur de 50 % - le reste étant fourni par le budget de l'Etat - à l'insuffisance des recettes du BAPSA pour 2002 et à son déficit de 2001.
    Comme l'ont fait observer plusieurs orateurs, les excédents dégagés par certaines caisses de mutualité sociale agricole, par le Fonds des calamités agricoles et par Unigrains ont effectivement pour origine des cotisations des agriculteurs. Mais il est bon aussi de rappeler que ces cotisations ne sont pas appelées pour être thésaurisées, mais pour servir aux fins auxquelles elles sont destinées. C'est ce à quoi j'ai toujours veillé en d'autres temps, sous d'autres responsabilités. Car les agriculteurs n'ont pas à être privés des ressources prélevées sur leurs revenus pour financer des actions qui, bonnes dans leur principe, ne seraient pas mises en oeuvre à hauteur des ressources fournies par les cotisants.
    Dans cet esprit il est souhaitable, monsieur le ministre, que dans le cadre d'une concertation confiante avec les organisations professionnelles agricoles soient revus le volume et l'emploi de toutes les taxes parafiscales et autres cotisations dénommées volontaires obligatoires. Il est vrai qu'au titre des solidarités diverses, économiques et sociales, l'action sanitaire et sociale de la MSA en faveur des crèches, garderies, ou de l'aide ménagère, se justifie pleinement, comme sont utiles les interventions économiques d'Unigrains et comme est indispensable un fonds de calamité doté provisionnellement pour faire face aux aléas climatiques et aux risques non assurables qui leur sont liés. Mais la contribution des agriculteurs ne saurait être sollicitée au-delà de ces nécessités.
    Vous nous avez fait comprendre, monsieur le ministre, mais vous devez le confirmer, qu'il n'est question ni de remettre en cause ces solidarités ni de priver de réserves à hauteur nécessaire, et seulement à ce niveau-là, les organismes professionnels qui les mettent en oeuvre. Ces engagements ministériels dont le monde agricole, j'en suis certain, ne manquera pas de surveiller le respect intégral, sont de nature à lever toute crainte pour l'avenir.
    Cette hypothèque étant levée, aucune raison ne justifie le renvoi en commission réclamé par l'opposition. Je vous propose donc, mes chers collègues, de le rejeter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Michel Vaxès. Monsieur le ministre, sauf en réponse à nos interpellations, à aucun moment, sur les bancs de la droite de cet hémicycle comme sur ceux du Gouvernement, n'ont été abordées sérieusement les conséquences des dispositions que contient ce projet de loi de finances, lequel traite de façon très inégalitaire le contribuable français selon qu'il est puissant ou misérable.
    A l'évidence, ce projet sera perçu comme l'expression d'un superbe mépris à l'égard de la moitié de la population française, trop modeste pour avoir la chance d'être imposée sur ses revenus. Pourtant, elle voudrait bien, cette moitié-là, contribuer elle aussi au financement des charges communes de la nation. Ce serait même sûrement le meilleur moyen de raffermir son sentiment d'appartenance à la communauté nationale. Hélas ! les logiques libérales ne lui laissent aucune chance.
    Monsieur le ministre, il faut arrêter de répéter qu'il n'était pas possible de prendre en compte les attentes de cette minorité-là en matière d'allégement de la pression fiscale. Pourquoi n'avoir pas fait le choix de la réduction de l'imposition indirecte, par exemple de la TVA qui a été évoquée ce matin ?
    J'ajoute qu'à aucun moment les effets contre-productifs des mesures proposées en matière d'évolution de la croissance n'ont été sérieusement analysés. Un de nos collègues, Didier Migaud, disait ce matin que votre projet était « gonflé à l'hélium ».
    M. Jacques Myard. Cela monte, l'hélium ! (Sourires.)
    M. Michel Vaxès. Or, monsieur le ministre, vous avez à maintes reprises tenu à réaffirmer que vous y étiez fortement attaché.
    Prenez garde de prendre trop d'altitude car la chute n'en sera que plus douloureuse. Et celle-ci risque de survenir plus tôt que certains ne le pensent.
    Voilà pourquoi, mes chers collègues, le groupe des députés et députées communistes et républicains votera avec conviction la motion de renvoi en commission défendue si élégamment, si pertinemment et avec le talent que l'on sait par notre excellent collègue Jean-Pierre Brard. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Pierre Lellouche. La fin est juste !
    M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe UDF.
    M. Charles de Courson. Le groupe UDF votera bien entendu contre le renvoi en commission.
    Il est amusant de voir un représentant, maintenant apparenté, du groupe communiste prendre ses références chez M. Piketty et non plus chez Karl Marx. C'est tout de même assez savoureux ! (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas fromage ou dessert : c'est les deux !
    M. Charles de Courson. Mais ce qui est encore plus étrange, c'est que M. Brard ne semble pas connaître le parcours assez sinueux d'une autre de ses références : Joseph Caillaux.
    Permettez-moi, mon cher collègue, de vous rappeler ce que déclarait dans sa profession de foi, lors des élections législatives de 1902, Joseph Caillaux : « Mon programme se résume en deux phrases : ordre et progrès dans la République ; ni réaction ni Révolution. »
    M. Pierre Lellouche. Vaste programme, comme a dit quelqu'un !
    M. Charles de Courson. Vous devriez évitez, monsieur Brard, de citer Joseph Caillaux qui, comme vous le savez, a mal fini...
    M. Jean-Pierre Brard. Il a apporté une réponse progressiste !
    M. Charles de Courson. ... puisqu'il a voté les pleins pouvoirs au maréchal Pétain et qu'il a même été arrêté à la Libération pendant quelques jours à Mamers. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.
    (La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)
    M. le président. Nous allons maintenant en venir à la discussion des articles...
    M. Augustin Bonrepaux. Je demande la parole.
    M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, je regrette, mais nous ne pouvons engager la discussion des articles sans avoir reçu de réponses aux questions que nous avons posées d'abord en commission, puis ce matin en séance publique, et encore tout à l'heure par la voix de Mme Lignières-Cassou.
    Mme Martine Lignières-Cassou. C'est vrai !
    M. Augustin Bonrepaux. Si ces réponses ne nous sont pas données ici, nous devons aller les chercher ailleurs à la faveur d'une suspension de séance. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le ministre peut-il donc nous répondre avec précision afin que nous puissions être pleinement informés ?
    M. le président. Monsieur le ministre, souhaitez-vous répondre dès maintenant ou lors de la discussion des amendements ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, j'avais l'intention de donner des éléments chiffrés à M. Bonrepaux à l'occasion de l'amendement de suppression de l'article 1er, qui a été déposé par son groupe. J'entends lui communiquer le maximum d'éléments en ma possession et, si j'ai attendu jusqu'à présent pour intervenir, c'était précisément pour disposer de l'information la plus large.
    M. Loïc Bouvard. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, je rappellerai, sur le même registre que M. Bonrepaux, que j'ai posé tout à l'heure une question très importante. Mais y répondre n'exigera pas de votre part de procéder à des recherches car vous êtes forcément au courant.
    Oui ou non le ministère de l'économie a-t-il lancé deux appels d'offres confidentiels en direction de l'ensemble des banques pour la privatisation des entreprises que j'ai évoquées ?
    Vous n'êtes pas obligé de me répondre, mais votre silence vaudrait aveu.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Ce matin, j'ai commencé mon propos liminaire en vous disant que je respectais la représentation nationale et qu'en vous parlant j'avais le sentiment de m'adresser au peuple français comme, en vous écoutant, d'écouter le peuple français.
    Monsieur Brard, si je n'ai pas pris la parole après votre intervention, c'est que j'ai pensé que le choix que vous aviez fait d'être complet n'appelait pas de ma part de réponse immédiate.
    Il faut savoir raison garder, cher Jean-Pierre Brard. Quand on choisit de parler une heure et demie, c'est que l'on a vraisemblablement beaucoup de choses à dire, mais c'est aussi parce que l'on veut consommer du temps.
    Pour répondre à l'ensemble des questions que vous avez posées, je me tiendrai à votre disposition pendant toute une journée si vous le souhaitez, par exemple dans ce beau département de l'Orne dont vous êtes originaire. (Sourires.)
    L'ouverture du capital d'un certain nombre d'entreprises fait partie de la gestion ordinaire du ministère des finances. La politique du Gouvernement a été clairement exposée par le Premier ministre dans son discours de politique générale. Celui-ci a indiqué que, dans l'intérêt économique de la France, un certain nombre de nos entreprises pourraient voir leur capital ouvert, ce qui leur permettrait de conquérir des parts de marché à l'extérieur. Cela doit faire l'objet d'un examen attentif préalable, sur lequel vous disposerez, le moment venu, de toutes les informations.
    Je n'ai donc ni à démentir ni à confirmer qu'une telle démarche, qui relève de la gestion patrimoniale de l'Etat, ait été engagée. La décision politique viendra plus tard. Vous n'avez pas à vous inquiéter.
    En tout état de cause, vous connaissez le point de vue du Gouvernement puisque vous avez écouté avec beaucoup d'attention le discours de politique générale de M. le Premier ministre. Quant à mon point de vue personnel, vous le connaissez encore mieux puisque nous nous sommes croisés dans certains conseils de surveillance : je suis tout à fait favorable à l'ouverture du capital de nos entreprises.
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, je voudrais faire deux observations, l'une sur la forme et l'autre sur le fond.
    Sur la forme, je rappellerai à nos collègues que nous avons été nous aussi dans leur situation, c'est-à-dire dans l'opposition, mais que nous n'avons jamais essayé de prolonger inutilement les débats, voulant préserver la qualité de notre travail et permettre au plus grand nombre de députés d'assister à nos travaux jusqu'à la levée de la séance.
    Sur le fond : jusqu'à présent, l'essentiel du débat a porté sur l'idée de l'équivalence entre une baisse des charges sociales et une réhabilitation du travail pour tous.
    Le ministre a été précis quant au budget de 2003, et chacun sait que M. Fillon travaille aujourd'hui sur l'alignement des SMIC. La réhabilitation du travail vaut pour tous les salariés, quel que soit le niveau de leurs salaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole.
    M. Richard Cazenave. Non, c'est terminé !
    M. Jean-Pierre Brard. Je pourrais demander une suspension de séance...
    M. le président. Monsieur Brard, vous aurez tout loisir de vous exprimer lors de l'examen des articles.
    M. Jean-Pierre Brard. Dois-je vraiment demander une suspension de séance ?
    M. le président. Vous pourriez faire un rappel au règlement.
    M. Jean-Pierre Brard. En effet.
    M. le président. Alors, je vous en prie, mais en vous fondant sur le bon article !
    M. Jean-Pierre Brard. Celui-ci est tout trouvé : c'est l'article 58, alinéa 2 !

Rappel au règlement

    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un rappel au règlement.
    M. Jean-Pierre Brard. Mon rappel au règlement sera très bref car je ne souhaite pas allonger les débats.
    Monsieur le ministre, vous venez de me répondre d'une façon assez claire, même si vous avez enrobé vos propos d'une façon sénatoriale.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. C'est un compliment, j'espère !
    M. Jean-Pierre Brard. C'est plutôt un constat à défaut d'être un compliment car le compliment mériterait réflexion. (Sourires.)
    M. Richard Cazenave. Est-ce un véritable rappel au règlement ?
    M. Jean-Pierre Brard. Vous m'avez lancé une invitation - une invitation au débat, cela s'entend.
    On sait ce qu'en politique l'absence de démenti veut dire. Vous m'avez en fin de compte répondu par des propos qui sont conformes à vos convictions, et ce que personne ne peut critiquer : en fait, vous êtes en train de préparer la privatisation de certaines entreprises. J'en déduis que l'information du Monde n'était pas fausse.
    En me permettant, monsieur le président, d'intervenir maintenant, vous m'avez évité de prolonger nos travaux par des suspensions de séance inutiles.

Discussion des articles

    M. le président. Je vais maintenant appeler les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Avant l'article 1er

    M. le président. Je donne lecture de l'intitulé de la première partie, avant l'article 1er :

PREMIÈRE PARTIE
CONDITIONS GÉNÉRALES
DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER


    MM. Vaxès, Brard, Sandrier et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 29, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Dans le troisième alinéa du I de l'article 158 bis du code général des impôts, les mots "à la moitié sont remplacés par les mots : "au tiers. »
    La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
    M. Jean-Claude Sandrier. Nous proposons, afin de dégager plusieurs milliards d'euros pour soutenir l'activité et le service public, de revenir à l'alignement du taux de l'avoir fiscal sur le taux de l'impôt sur les sociétés.
    Le principe même de l'avoir fiscal est des plus discutables et les doutes sur les vertus de ce dispositif fiscal coûteux, qui a une incidence majeure sur la sous-imposition des revenus financiers, sont aujourd'hui largement partagés.
    Rééquilibrer la fiscalité pesant sur le travail en mettant davantage à contribution les revenus du capital et des placements financiers est une exigence de justice sociale : c'est également nécessaire pour lutter contre les effets pervers de la financiarisation de l'économie, pour dégager les moyens d'une relance et notamment du crédit pour l'emploi, et pour mieux mobiliser le budget en faveur de la croissance d'emplois stables et qualifiés. Rien ne justifie que le taux de l'avoir fiscal demeure plus important que le taux de l'impôt auquel il se rapporte.
    Au-delà des aspects sociaux et économiques, il s'agit tout simplement d'être fidèle au législateur de l'époque où la mesure a été prise.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie et du Plan.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. La commission n'a pas examiné cet amendement, mais un amendement analogue avait été rejeté lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2002.
    Il est exact, cher collègue, que le taux de l'avoir fiscal n'a pas suivi la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés. Mais il faut s'en réjouir car cela permet de favoriser l'orientation de l'épargne vers les entreprises, ce qui est une absolue nécessité pour le développement de l'investissement et de l'emploi.
    M. Jacques Myard. Absolument !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il va convenir plus que jamais de favoriser l'orientation de l'épargne vers les entreprises, le cours des actions traversant une période difficile. Il faut donc à cet égard donner des signaux incitatifs clairs. J'invite en conséquence l'Assemblée à rejeter l'amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je fais miennes les observations du rapporteur général. J'ajoute simplement que l'amendement pénaliserait de nombreux ménages modestes qui se sont constitué une épargne de précaution sous forme d'actions.
    Je mets donc en garde les auteurs de l'amendement et je les invite à le retirer.
    M. Jacques Myard. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
    M. Charles de Courson. Le groupe communiste a des positions étranges.
    L'avoir fiscal a pour but de neutraliser l'impôt sur les sociétés pour la partie distribuée des bénéfices. C'est donc une mesure de justice sociale.
    M. Henri Emmanuelli. Oh, je vous en prie !
    M. Charles de Courson. Mais absolument, monsieur Emmanuelli !
    Comment expliquerez-vous à la veuve retraitée, non imposable,...
    M. Henri Emmanuelli. Avec trois orphelins !
    M. Charles de Courson. ... qui s'est constitué avec son conjoint un portefeuille d'actions de 150 000 à 200 000 francs, que l'avoir fiscal ne lui sera plus remboursé ? C'est totalement absurde !
    Et qu'il y ait des orphelins ou non n'a rien à voir car cela ne change pas le montant de l'impôt.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. L'avoir fiscal est en soi immoral.
    M. Charles de Courson. Non !
    M. Jean-Pierre Brard. Bien sûr que si. Nous n'avons pas les mêmes convictions, mais c'est rassurant.
    M. Charles de Courson. C'est un dispositif technique !
    M. Jean-Pierre Brard. Non, il s'agit au contraire d'un dispositif très politique et idéologique.
    Si vous connaissez beaucoup de veuves éplorées qui n'ont pas de ressources, qui ne sont pas imposables mais ont de telles économies ouvrant droit à l'avoir fiscal, alors il y a un problème.
    La justice consisterait plutôt à revaloriser les retraites qu'à pérenniser l'avoir fiscal.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Vaxès, Brard, Sandrier et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 30, ainsi libellé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Après l'article 242 quater du code général des impôts, il est inséré un article 242 quinquies ainsi rédigé :
    « Art. 242 quinquies. - Le taux d'impôt prévu au dernier alinéa du II de l'article 158 bis est fixé à 5 % pour les crédits d'impôts utilisés à compter du 1er janvier 2002 par une personne morale non-résidente, dans le cadre d'une convention fiscale prévue par l'alinéa précédent. »
    La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
    M. Jean-Claude Sandrier. Je m'étonne que M. de Courson pense que de nombreuses personnes qui ne paient pas l'impôt sur le revenu ont un gros portefeuille d'actions.
    M. Charles de Courson. Vous ne connaissez pas la réalité des ménages !
    M. Jean-Claude Sandrier. S'il y en a qui sont dans ces situations, ils ne sont pas des millions !
    La réduction des avantages fiscaux accordés aux revenus financiers répond à une exigence de justice, ainsi que nous l'avons amplement démontré. Mais elle permettrait aussi de dégager de nouveaux moyens pour soutenir l'activité économique et les services publics.
    Alors que la croissance annoncée risque de ne pas être au rendez-vous, il est essentiel d'orienter l'argent vers la consommation et l'investissement plutôt que de gonfler les revenus financiers. C'est la seule voie que l'on puisse emprunter pour désendetter durablement l'Etat.
    Je rappelle que les plus gros contribuables ont un taux d'imposition réel qui est vraiment très inférieur à ce qu'il serait si ce type de revenus était imposé aux conditions de l'impôt progressif.
    Avec cet amendement, nous visons une situation encore plus aberrante, celle de l'avoir fiscal restitué aux non-résidents. La suppression de ce mécanisme serait immédiatement possible pour ce qui concerne les ressortissants des pays avec lesquels nous n'avons pas signé de convention fiscale. Il faudrait bien entendu engager des négociations avec les autres pays.
    Vous dénoncez l'état alarmant des finances publiques. Eh bien, nous vous proposons d'abonder le budget par une mesure d'économie et de justice fiscale.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission n'a pas examiné cet amendement, au demeurant bien connu.
    Rappelons que l'avoir fiscal a été ramené de 50 à 15 % pour les personnes morales et qu'il s'applique de la même manière pour les résidents et les non-résidents.
    Je vous propose, mes chers collègues, de rejeter cet amendement, qui serait de toute façon inopérant.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Le Gouvernement a le même avis que la commission.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
    M. Jean-Pierre Brard. Il y a quand même un problème car nous remboursons l'avoir fiscal y compris dans les pays avec lesquels nous n'avons pas de convention fiscale.
    Je ne défends pas ici les tenants du capital, mais je tiens à dire que nous faisons des cadeaux à des non-résidents ressortissants de pays avec lesquels il n'y a pas de réciprocité.
    Vous cherchez de l'argent ? Vous avez là une occasion d'en récupérer.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 1er

    M. le président. « Art. 1er. - Pour l'imposition des revenus de l'année 2001, le montant de l'impôt résultant de l'application des dispositions des 1 à 4 du I de l'article 197 du code général des impôts est réduit de 5 %. »
    Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.
    La parole est à M. Jacques Myard.
    M. Jacques Myard. Monsieur le ministre, c'est de votre succès que dépendra le succès du Gouvernement, et nous sommes ici nombreux à souhaiter que vous réussissiez.
    La marge de manoeuvre est, ainsi que l'audit l'a montré, réduite. Or il est indispensable d'accroître cette marge pour financer les réformes nécessaires. Mais comment y parvenir ?
    Nous vivons dans un monde totalement ouvert et il est vain de croire que l'on reviendra à un protectionnisme qui nous a coûté très cher. Cela ne signifie pas que nous ne puissions pas, au cas par cas, protéger une industrie. Les Américains le font. Nous devons être pragmatiques et les imiter.
    Mais nous participons aussi à une monnaie unique, ce qui présente des avantages, mais impose aussi, des contraintes. Ainsi, nous n'avons plus aucune possibilité d'ajuster, grâce à une politique monétaire nationale faisant jouer les taux internes et les taux externes, la compétitivité de notre économie. De surcroît, le pacte de stabilité nous impose des économies drastiques qui sont, et je ne suis pas le seul à le penser, irréalisables d'ici à 2004. Je suis de ceux qui estiment que ce carcan ne résistera pas aux faits, sauf à engendrer une crise politique grave en Europe et à rejeter même l'idée de la construction européenne, ce à quoi je ne suis pas favorable.
    Si nous devons supprimer les dépenses publiques inutiles, il nous faut aussi prendre en compte les réalités.
    Cela dit, au-delà de ces contraintes monétaro-budgétaires bien réelles, il nous reste des atouts propres, que ce Parlement et le Gouvernement peuvent utiliser. J'en vois deux principaux.
    Le premier est la capacité créative des Français, qui est grande. Nos concitoyens, il faut s'en convaincre, ne sont pas favorables, en dépit d'une propagande idéologique forcenée, à une limitation du temps de travail, tant annuellement qu'à l'échelle de la vie. Ils sont prêts c'est une évidence, à travailler davantage pour gagner davantage. Je sais d'ailleurs que vous êtes en train d'examiner un assouplissement des 35 heures comme la question des retraites. Je pense que la règle de non-cumul travail-retraite doit être également assouplie. Bref, il faut laisser les Français créer des richesses.
    Le second atout est la fiscalité, qui reste de notre compétence. Vous le savez comme moi, monsieur le ministre, les Français sont un peuple d'épargnants : nous épargnons environ 14 % de nos revenus nets, ce qui est énorme. Les Américains en sont à zéro !
    Cependant, si les Français épargnent, ils n'investissent plus guère en France : l'an passé, 900 milliards de francs, soit 130 milliards d'euros, ont été exportés par nos compatriotes, par les institutionnels, par nos entreprises, alors que 250 milliards ont été investis en France. Cette situation mérite à coup sûr réflexion.
    Cette situation, c'est d'abord le résultat d'une législation qui bride le travail et qui se retourne contre l'intérêt des travailleurs eux-mêmes. Nous y reviendrons. Mais c'est ensuite le résultat - et je le dis haut et fort - d'une fiscalité qui fustige le succès et frappe le capital, moteur de la croissance.
    Monsieur le ministre, il est urgent de repousser le terrorisme intellectuel fiscal des idéologues attardés. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Il est urgent de se rendre compte qu'en taxant de manière outrancière l'épargne des entreprises et des ménages, on la fait fuir, alors qu'elle représente les investissements de demain et les emplois qui en découlent.
    M. Richard Cazenave. C'est une évidence !
    M. Jacques Myard. Monsieur le ministre, vous nous proposez de baisser de 5 % les tranches de l'IRPP pour rendre une marge de manoeuvre aux Français, c'est bien, mais il faut aller plus loin. Il faut agir avec audace...
    M. Henri Emmanuelli. De l'audace, toujours de l'audace !
    M. Jacques Myard. ... pour favoriser les investissements, pour faire revenir les capitaux qui désertent la France et ont créé des emplois ailleurs, chez nos voisins.
    Agissez avec audace et instaurez un moratoire sur les capitaux exportés afin qu'ils reviennent s'investir en France !
    M. Henri Emmanuelli. Comme Berlusconi !
    M. Jacques Myard. Il faut de surcroît baisser l'impôt sur les sociétés qui investissent, baisser l'impôt sur les successions qui détruit des dizaines de milliers d'emplois, notamment dans les PME, réformer l'impôt sur la fortune. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Oui, monsieur le ministre, maîtriser la dépense publique, c'est bien, mais créer des conditions pour que les Français investissent, c'est mieux ! Agissez avec audace ! Ne vous laissez impressionner ni par une technocratie bruxelloise, qui propose des dogmes dépassés, ni par les professionnels du misérabilisme qui viennent d'échouer avec éclat. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Henri Emmanuelli. Dans le genre sabre de bois !
    M. Gérard Bapt. La chute est un peu misérable !
    M. le président. Pour le groupe des député-e-s communistes et républicains, la parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
    M. Jean-Claude Sandrier. Monsieur le ministre, chers collègues, ce n'est pas d'un excès d'impôts directs que souffre la France, c'est d'une mauvaise répartition de l'effort contributif et d'une mauvaise utilisation du produit de cet impôt.
    Je suis désolé mais, après Jean-Pierre Brard, je voudrais, moi aussi, vous renvoyer à l'étude sur les revenus en France durant le dernier siècle de l'économiste Piketty, avec lequel nous n'avons pourtant passé aucun contrat publicitaire ou promotionnel.
    M. Jacques Myard. Il doit toucher 5 % de droits d'auteur !
    M. Jean-Claude Sandrier. Il n'est qu'à voir l'accroissement des inégalités pour s'inquiéter de votre volonté de vous attaquer en fait au seul impôt véritablement juste, à savoir l'impôt sur le revenu.
    M. Jacques Myard. Il y a 50 % des Français qui le paient !
    M. Jean-Claude Sandrier. C'est un cadeaux au plus aisés que vous faites !
    M. Jacques Myard. A ceux qui travaillent !
    M. Jean-Claude Sandrier. Si vous vouliez soutenir la croissance, vous commenceriez par augmenter les bas salaires, le pouvoir d'achat des couches modestes et moyennes, et sûrement pas par le texte que vous nous proposez.
    De plus, il y a malheureusement un corollaire à ce cadeau, c'est la baisse des dépenses publiques, des dépenses sociales ; c'est la privatisation annoncée de services publics qui sont les fleurons de notre pays et qui ont montré leur efficacité. Je pense d'abord à EDF-GDF, service public plébiscité par nos concitoyens. Les exemples de services publics donnés au privé, comme l'eau ou les déchets, devraient nous inciter à beaucoup de prudence. Et ne parlons pas des exemples britanniques et américains !
    C'est déjà parce qu'elle va pénaliser les plus modestes que cette baisse est injuste. Elle va les pénaliser par moins de service public. Elle est également injuste car, alors que vous avez refusé un coup de pouce au SMIC et à l'allocation logement, vous accordez aux plus gros contribuables, c'est-à-dire à ceux qui gagnent beaucoup d'argent, une prime qui est loin d'être symbolique.
    Il ne s'agit donc nullement d'une mesure équitable. Il s'agit d'un choix politique, que je qualifierai de poudre aux yeux, qui accentue les injustices et les inégalités. Il est d'ailleurs confirmé par la hausse sur l'essence et les produits pétroliers. En fait, vous reprenez d'une main ce que vous donnez de l'autre et, encore, de façon injuste car, là aussi, ce sont les plus modestes qui sont les plus touchés. Non seulement ils n'auront pas de baisse d'impôt, mais ils subiront les hausses de l'essence, de l'électricité et des transports que vous allez imposer.
    Vous dites que vous ne savez pas baisser les impôts de ceux qui n'en paient pas. C'est d'un très bel effet dialectique, mais vous auriez pu baisser les impôts indirects - cela a été dit - ou réévaluer la prime pour l'emploi. Au lieu de cela, au moment où les experts laissent entendre que la croissance en 2003 ne sera pas de 3 %, comme envisagé, ce qui, d'ailleurs, remet en cause la réalisation des promesses du Président de la République, au moment où le ressort de la consommation, facteur premier de la croissance en France, est en train de lâcher...
    M. Jacques Myard. Alors favorisez les investissements !
    M. Jean-Claude Sandrier. ... vous prenez des mesures pour limiter cette consommation en favorisant une épargne stérile. En effet, les quelques priviliégés qui profiteront de plusieurs milliers d'euros de baisse d'impôt vont, à n'en pas douter, s'en servir pour faire gonfler des portefeuilles boursiers et tant pis pour la consommation et l'investissement direct !
    Vous avez choisi la solution la plus injuste et la plus mauvaise pour l'économie française. C'est pourquoi le groupe des député-e-s communistes et républicains s'opposera à l'article 1er, comme au reste du texte.
    M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le groupe socialiste.
    M. Augustin Bonrepaux. La première question qui vient à l'esprit, c'est : pourquoi cette réduction d'impôt, pourquoi cette perte de recettes fiscales de 2,5 milliards d'euros, quand on nous explique que la situation de notre pays serait dramatique ? Il y a là une contradiction qui montre que celle-ci est sans doute bien meilleure que ce que vous dites.
    Ensuite, une baisse d'impôt, après tout pourquoi pas ? Cela pourrait contenter tout le monde, mais je suis extrêmement surpris que vous considériez que le seul impôt qui puisse s'y prêter est celui sur le revenu. Il y a bien d'autres moyens de baisser la fiscalité. Je pense à la taxe d'habitation, par exemple, ou à la prime pour l'emploi. Vous nous expliquez que vous voulez encourager le travail, mais le travail de qui ? Voulez-vous encouragez les travaux les plus pénibles ? Voulez-vous revaloriser le travail ? Et vous nous expliquez qu'en France l'impôt sur le revenu est particulièrement lourd. Mais lisez donc le rapport instructif de notre nouveau rapporteur général : « Pour sa part et comme l'illustre le tableau suivant, le rapport de l'impôt sur le revenu sur le PIB est en France comparable, voire inférieur, à celui des autres pays de l'OCDE. » Je pense, quant à moi, qu'il est plutôt inférieur. Je continue ma lecture : « En effet, il était, en 1999, de 8,1 % contre 10,9 % en moyenne au sein de l'Union européenne et 10,1 % en moyenne au sein de l'OCDE. »
    On nous cite toujours le Royaume-Uni, mais le rapport de l'impôt sur le revenu sur le PIB y est quand même de 10,4 %. Aux Etats-Unis il est de 11,8 % et en Belgique de 14 %. Alors que l'on ne vienne pas nous dire que le poids de l'impôt sur le revenu est si lourd en France qu'il faudrait l'alléger !
    Il y a d'autres moyens de faire baisser la fiscalité, mais vous choisissez le plus injuste, parce qu'en réalité vous voulez remercier les classes les plus aisées, auxquelles vous pensez être redevables de votre élection, en leur faisant un cadeau fiscal. Cette mesure est particulièrement injuste, nous ne le répéterons jamais assez, puisque 10 % des plus aisés capteront 70 % de la baisse.
    Cela représente 1,8 milliard ! Imaginez un peu ce que vous auriez pu faire avec une telle somme pour les huit millions de travailleurs dont le revenu n'atteint pas 1,4 SMIC ! Là, oui, on pourrait parler d'amélioration de pouvoir d'achat. J'ai été scandalisé quand, ce matin, M. le ministre des finances, que nous n'avons d'ailleurs pas revu depuis,...
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Si !
    M. Augustin Bonrepaux. Il est revenu, c'est vrai, rapidement, mais nous ne l'avons pas entendu ! Il nous expliquait donc ce matin que cette réduction permettrait d'améliorer le pouvoir d'achat de ceux qui vont en bénéficier. C'est scandaleux ! Il est vrai que ceux qui bénéficieront d'une réduction de 10 000 francs,...
    M. Philippe Cochet. En liquide alors !
    M. Augustin Bonrepaux ... pourront peut-être passer une nuit supplémentaire à l'île Maurice, par exemple, dans l'un de ces hôtels que certains d'entre vous connaissent bien. (Rires sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Mais les travailleurs qui ont les emplois les plus pénibles, les salaires les plus bas, ne verront rien de tout cela. Et quand vous nous parlez de revaloriser le travail, mais excusez-moi, vous êtes un peu à côté de l'objectif ! Vous auriez été mieux inspirés de suivre nos propositions, c'est-à-dire de baisser les impôts les plus modestes ou de revaloriser la prime pour l'emploi. Celle-ci, cette année, représente 2,3 milliards, même pas le cadeau fiscal que vous allez faire aux plus favorisés ! N'y a-t-il pas là déjà une aggravation de l'injustice ? N'avez-vous pas l'impression que la France d'en bas est un peu oubliée, que les travailleurs qui ont les plus bas revenus,...
    M. le président. Pourriez-vous conclure, s'il vous plaît !
    M. Augustin Bonrepaux. Il me reste encore quelques minutes, monsieur le président !
    M. le président. Non ! Je suis désolé !
    M. Augustin Bonrepaux. C'est un sujet important.
    Avec une telle somme, vous auriez pu doubler, voire quadrupler la prime pour l'emploi, c'est-à-dire donner réellement un peu de pouvoir d'achat à ceux qui en ont besoin. En outre, cela aurait été une mesure efficace pour l'économie, parce que ce sont ces nécessiteux qui ont le plus besoin de dépenser. Leur donner un peu de pouvoir d'achat aurait permis de relancer l'économie et, finalement, cela aurait servi le pays, mais vous ne le faites pas.
    M. le président. La parole est à M. Yves Cochet, pour les non-inscrits.
    M. Yves Cochet. Je veux redire ici que les députés Verts voteront contre ce collectif budgétaire pour des raisons qui ont été amplement développées par mes collègues de l'opposition. Mais j'ajouterai quelques arguments.
    D'abord, ce fétichisme de la baisse, en général, des prélèvements obligatoires, n'est pas un objectif pertinent de politique économique dans l'état actuel de notre pays.
    La situation de la France n'est pas anormale au sein de l'Union européenne. Certes, nous sommes dans la fourchette haute des prélèvements par rapport aux autres Etats de l'Union,...
    M. François Guillaume. Ça c'est vrai !
    M. Yves Cochet. ... mais quand on fait des comparaisons internationales, il faut toujours être complet et prendre en compte les services rendus à l'ensemble de la population en retour de ces prélèvements. Et, de ce point de vue, mieux vaut vivre en France qu'aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne, surtout si l'on est malade, pauvre ou retraité.
    M. François Guillaume. Il ne faut pas tout confondre !
    M. Yves Cochet. Vous voulez donc baisser l'impôt sur le revenu pour les plus riches. Il faut rappeler que cet impôt est complexe, inéquitable et peu progressif. La relative faiblesse de l'imposition des revenus en général - pas simplement de l'IRPP - dans le total des prélèvements obligatoires constitue en soi un problème. En effet, seule l'imposition des revenus est capable de prendre en compte la situation réelle des personnes. De plus, les quelque 600 milliards de prélèvements obligatoires français, si je ne me trompe, se caractérisent globalement par une très faible progressivité et, plus grave encore, l'ensemble des impôts sur les revenus est lui-même peu progressif, malgré le poids, en son sein, de l'IRPP.
    Pour compléter les propos de certains collègues, et notamment ceux de M. Brard, je vous poserai quelques questions à propos de cet impôt. Globalement, monsieur le ministre, êtes-vous d'accord pour réformer l'impôt sur le revenu, non pas dans le sens que vous préconisez actuellement, mais dans celui d'un élargissement du nombre de redevables et d'une amélioration de sa progressivité d'ensemble ? Plus précisément, seriez-vous d'accord pour intégrer tous les revenus, et notamment les revenus financiers, dans l'assiette, comme pour la CSG, par exemple ?
    Deuxième question : seriez-vous d'accord pour supprimer l'abattement de 20 %, qui, en fait, réduit, l'effet du barème progressif sans justification autre qu'historique ?
    M. Marc Laffineur. N'importe quoi !
    M. Yves Cochet. Troisième question : seriez-vous d'accord pour réduire les taux d'imposition des premières tranches du barème, par exemple avec une entrée à 0,5 %, car ces taux sont trop forts, trop peu progressifs, comme l'a montré M. Brard.
    M. Richard Cazenave. Vous n'étiez pas ministre, il y a quelques semaines encore ?
    M. Yves Cochet. Quatrième question : seriez-vous d'accord pour supprimer le quotient familial, qui ne corrige pas les inégalités de revenus ? Je pense qu'il serait, par exemple, préférable d'instituer un abattement forfaitaire par enfant et d'envisager une augmentation des allocations familiales sous condition de ressources.
    Enfin, dernière question sur cet impôt sur le revenu, et l'on vient d'en parler : seriez-vous d'accord pour la suppression de l'avoir fiscal, notamment par le biais du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu et le remplacement de l'imposition par foyer fiscal par une imposition personnelle, par personne, qui garantisse la neutralité de la situation matrimoniale au regard de l'impôt sur le revenu,...
    M. Charles de Courson. Surtout pas !
    M. Yves Cochet. ... quelle que soit la forme matrimoniale dans laquelle on se trouve, que l'on soit marié ou pacsé,...
    M. Jacques Myard. Ça manquait ça !
    M. Yves Cochet. ... comme cela fait envie à M. de Courson - il a beaucoup parlé du PACS ! - ou que l'on soit un simple célibataire ?
    M. Charles de Courson. Ce serait une politique antifamiliale !
    M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, n°s 9, 31 et 38,...
    M. Augustin Bonrepaux. Je demande la parole, monsieur le président !
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, s'il vous plaît ! Sur la méthodologie : M. le président de la commission des finances, M. le rapporteur général et M. le ministre auront tout le loisir de vous répondre lors de la discussion des amendements !
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, si vous ne me donnez pas la parole, je serai obligé de demander une suspension de séance, parce que je voudrais que M. le ministre réponde à mes questions avant la discussion des amendements ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Richard Cazenave. Chantage ! Obstruction !
    M. Augustin Bonrepaux. Il me l'a promis ! Il me faut ces informations avant d'examiner les amendements.
    M. Richard Cazenave. C'est un chantage indigne ! Vous les aurez tout à l'heure vos réponses ! Arrêtez votre cinéma !
    M. le président. M. le ministre, dans sa gentillesse, veut bien vous donner quelques éléments de réponse.
    Vous avez la parole, monsieur le ministre.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je ne voudrais pas qu'il y ait la moindre ambiguïté quant au respect que le Gouvernement porte à la représentation nationale.
    M. Richard Cazenave. Ce sont eux qui ne vous respectent pas, monsieur le ministre !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Bonrepaux, si vous souhaitez que je vous fasse une réponse maintenant, je suis à votre disposition, mais dans ce cas vous ne vous étonnerez pas si, au moment de l'examen des amendements, je vous dis que je vous ai déjà répondu. Donc, ne placez pas ici votre amour propre ! Le moment n'est pas approprié. Lorsque M. le président appellera les amendements, vous aurez les réponses que je vous ai promises.
    M. Richard Cazenave. Ils jouent la montre depuis le début de l'après-midi !
    M. Jean-Louis Dumont. Je demande la parole sur l'article, monsieur le président !
    M. le président. Vous n'êtes pas sur la liste des inscrits !
    Je suis saisi de trois amendements identiques.
    L'amendement n° 9 est présenté par MM. Bonrepaux, Migaud, Emmanuelli, Idiart et les membres du groupe socialiste ; l'amendement n° 31 par MM. Vaxès, Brard, Sandrier et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 38 par M. Yves Cochet, Mme Billard et M. Mamère.
    Les amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 1er. »
    Avant de donner la parole à M. Migaud sur l'amendement n° 9, j'informe l'Assemblée que je suis saisi, sur les trois amendements, par le groupe socialiste, d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à M. Didier Migaud.
    M. Didier Migaud. Je pense, monsieur le président, que le règlement vous permettait de donner la parole à M. Jean-Louis Dumont, qui souhaitait s'exprimer sur l'article.
    M. le président. Il n'était pas inscrit !
    M. Didier Migaud. Le fait de lever la main pendant la discussion doit le permettre, normalement...
    M. le président. Que le groupe socialiste s'organise mieux ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Henri Emmanuelli. Oh ! je vous en prie !
    M. Didier Migaud. Merci du conseil ! Nous savons parfaitement le faire, mais je ne pense pas que ce soit une bonne façon d'engager le débat, monsieur le président !
    M. Henri Emmanuelli. Si vous commencez comme ça, on peut s'amuser !
    M. Didier Migaud. Cela dit, j'en viens à l'objet de notre amendement. Nous sommes défavorables à la réduction supplémentaire de l'impôt sur le revenu que vous proposez, monsieur le ministre. Nous avons eu l'occasion de nous exprimer à plusieurs reprises sur ce point, ce matin au cours des motions et à l'instant par le biais de l'intervention d'Augustin Bonrepaux.
    La majorité précédente a voté elle-même certaines réductions d'impôts - 6 milliards d'euros dans la loi de finances, au titre de l'impôt sur le revenu ; 14 milliards sur les années 2001-2002 -, mais ces baisses de l'impôt sur le revenu étaient différenciées. Elles s'adressaient davantage aux tranches les plus basses et, de plus, s'inscrivaient dans des actions concernant l'ensemble des contribuables de notre pays.
    Nous reprochons à votre proposition de s'ajouter à des mesures déjà prises, dans un contexte économique que chacun reconnaît comme étant plus difficile que prévu. Le ministre de l'économie et des finances, reconnaissait lui-même ne pas avoir estimé convenablement l'ampleur du ralentissement économique mondial, européen et français.
    Comme nous le démontrons, ce matin, votre proposition est inappropriée, déraisonnable et profondément injuste : 10 % des Français les plus aisés capteront 70 % du bénéfice de la mesure, et 1 % des plus aisés en capteront 30 %. C'est dire... Et nous avons donné ce matin des exemples qui traduisent bien cette injustice.
    De surcroît, comme l'ont rappelé nos collègues Bonrepaux et Brard, cette mesure sera économiquement inefficace parce qu'elle ne viendra pas soutenir le pouvoir d'achat, contrairement à ce qu'a dit M. le ministre. Or, si certains ont besoin de voir leur pouvoir d'achat soutenu, ce sont précisément les personnes les moins favorisées.
    Monsieur le ministre, Augustin Bonrepaux vous a posé plusieurs questions sur les bénéficiaires de la PPE susceptibles de bénéficier de la mesure dont vous parlez. Nous attendons vos réponses, mais nous tenons à répéter ce que nous disons depuis ce matin, à savoir que la mesure que vous proposez est inappropriée, injuste et qu'elle n'aura aucun effet économique. Voilà pourquoi nous souhaitons sa suppression.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sandrier, pour soutenir l'amendement n° 31.
    M. Jean-Claude Sandrier. Trois raisons font que nous demandons la suppression de cet article.
    Premièrement, la disposition de réduction de 5 % de l'impôt sur le revenu est socialement injuste. La moitié de nos concitoyens n'en bénéficieront pas et elle profitera surtout aux contribuables les plus favorisés.
    Deuxièmement, elle prive l'Etat d'une recette de 2,55 milliards d'euros. Cette somme, particulièrement importante, pourrait être mieux utilisée.
    Troisièmement, cette mesure n'est pas fondée économiquement, notamment du point de vue de la consommation et de la croissance. Vous n'êtes d'ailleurs pas convaincu de sa portée puisque, lors de votre audition devant la commission, vous êtes resté extrêmement prudent, en indiquant - au conditionnel - que cette mesure « devrait » procurer une croissance supplémentaire, peut-être autour de 0,1 %. Ce n'est pas le but poursuivi. D'autant qu'il existe d'autres moyens - plus sûrs - de relancer la croissance.
    Votre objectif est de mieux reconnaître la valeur du travail. Mais il y a un moyen très simple, qui est de payer les salariés !
    Sur ces deux questions, je me reporterai aux propos tenus par notre président de commission, M. Méhaignerie, à l'occasion d'une interview : « Attention de ne pas oublier les bas salaires qui sont prioritaires car cela est bon aussi pour la croissance, bien entendu. » J'ajouterai qu'il ne faut pas oublier non plus les salaires moyens ni les retraites.
    Enfin, vous avancez souvent qu'il convient de tenir une promesse faite par le président de la République. Or, je le rappelle, il n'a pas été élu sur ce projet. Par ailleurs, vous devez faire preuve de prudence car - et ce fut à l'origine d'une certaine cacophonie dans la presse - vous n'êtes pas certains de pouvoir aller au bout de cette promesse consistant à baisser l'impôt sur le revenu de 30 % en cinq ans. Nous demandons donc la suppression pure et simple de cet article.
    M. le président. La parole est à Yves Cochet, pour soutenir l'amendement n° 38.
    M. Yves Cochet. Nous souhaitons également supprimer l'article 1er car la baisse d'impôt proposée est particulièrement injuste. Elle favorisera les revenus les plus élevés et ne concerne pas les revenus les moins élevés ni les contribuables qui ne paient pas l'impôt sur le revenu. Au plan économique, elle sera inefficace car rien ne garantit que cette baisse d'impôt ne favorisera pas l'épargne, voire la spéculation, plutôt que le consommation.
    A la suite de M. Brard, je reviendrai sur l'exemple des célibataires sans personne à charge. En effet, il n'a pas précisé quelle serait la différence de gain entre plusieurs types de célibataires. Ainsi, le moins favorisé, dont le revenu imposable net est de 8 080 euros, gagnera 0,037 % par rapport à son impôt dû, ce qui est évidemment ridicule ; celui dont le revenu imposable net est de 14 500 euros, gagnera 0,57 %. Quant à notre riche célibataire sans autre charge que lui-même, dont le revenu imposable est de 60 000 euros, il gagnera en pourcentage 1,79 % par rapport à son revenu imposable, soit 1 078 euros. Il fallait le faire ! Vous êtes en train de le faire, personne ne l'oubliera.
    Ce bricolage fiscal constitue une nouvelle attaque contre l'impôt sur le revenu, qui est pourtant le principal prélèvement progressif en France. Ce cadeau fiscal pour les plus riches des contribuables contrevient aux grands principes républicains d'égalité et de solidarité.
    Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a examiné l'amendement n° 9 de suppression de l'article et l'a rejeté pour les raisons suivantes : tout d'abord, il s'agit d'un engagement qui a été pris clairement par le Président de la République dans le cadre de la campagne présidentielle, puis repris dans le cadre des élections législatives. Et les Français ont clairement tranché ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Nous mettons aussitôt en application cet engagement : c'est cela la démocratie, chers collègues.
    M. Augustin Bonrepaux. Dites plutôt que c'est de la démagogie !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ensuite, c'est dans notre pays que l'impôt sur le revenu est le plus progressif...
    M. Augustin Bonrepaux. C'est aussi le moins lourd !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... puisque 10 % des ménages en acquittent 70 %.
    Monsieur Bonrepaux, vous avez fait des comparaisons avec d'autres pays, et il est exact que l'impôt sur le revenu en France ne représente pas un pourcentage plus élevé que dans les autres pays. Mais c'est tout simplement parce qu'il n'y a qu'en France que seule la moitié des ménages acquitte l'impôt sur le revenu.
    M. Augustin Bonrepaux. Mais il n'y a pas que cet impôt !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous sommes donc confrontés à un impôt qui est tellement progressif, tellement concentré...
    M. Augustin Bonrepaux. C'est parce que la richesse est concentrée !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... qu'il décourage le travail et provoque une véritable hémorragie des talents, en particulier chez les plus jeunes de nos compatriotes. Ce n'est pas nous qui le disons. Le ministre Laurent Fabius l'a dit clairement ici même...
    M. Jacques Myard. Eh oui !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... lorsqu'il a proposé la baisse des taux du barême.
    M. Augustin Bonrepaux. Oui, mais il n'a pas fait pareil !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cela a encore été écrit par notre collègue Charzat dans son rapport. Nous sommes confrontés à un véritable problème de délocalisation de notre matière grise et il nous faut absolument donner un signal.
    Ensuite, cette mesure de baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu a le mérite d'être claire et lisible. Elle permettra d'encourager à nouveau le travail...
    M. Augustin Bonrepaux. Quel travail ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... que notre système fiscal et notre système d'allocations ont tendance à décourager au profit de l'assistance.
    Enfin, si cette mesure de baisse de l'impôt sur le revenu intervient dès le présent collectif, le Gouvernement n'oublie pas pour autant la question générale de la baisse des charges ; cette baisse des charges est d'ores et déjà engagée dans un texte, qui est actuellement en discussion au Sénat...
    M. Augustin Bonrepaux. Encore des cadeaux !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... et qui propose la suppression des charges sur les emplois des jeunes en entreprise. De fait, dans le programme de baisse des prélèvements obligatoires qui a été proposé aux Français, et que les Français ont approuvé, est prévue une baisse générale des charges sur la durée de la législature.
    M. Yves Cochet. Ce ne sont pas des charges, ce sont des cotisations de solidarité !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pour toutes ces raisons, la commission a rejeté cet amendement de suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Le rapporteur général vient de très bien poser le problème. Monsieur Bonrepaux, je vais vous donner la réponse complète que vous attendez.
    D'abord, la France a un taux de prélèvement obligatoire qui est plus élevé que celui de ses principaux partenaires, qui sont ses concurrents potentiels : 45,8 % en France, 37,7 % en Allemagne, 36,3 % au Royaume-Uni. Et je ne voudrais pas vous mettre de mauvaise humeur, mais aux Etats-Unis, il est de 25,9 %.
    M. Henri Emmanuelli. Cela s'explique, monsieur le ministre : l'éducation, la santé...
    M. Didier Migaud. Ces comparaisons n'ont pas de sens, vous le savez très bien.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. La moyenne est de 41,6 %, contre 45,8 % en France. Cette pression, que l'on pourrait qualifier de « fiscalo-sociale », est excessive.
    M. Jacques Myard. « Fiscalo-sociale »... ou « socialo-fiscale » !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Il y a même un terme technocratique pour cela, mais j'essaie de parler pour les Français...
    M. Jean-Pierre Brard. C'est un vrai Normand, un homme du terroir !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Cette pression excessive pénalise le travail et l'initiative. Elle freine le développement économique et le développement de l'emploi. Notre impôt sur le revenu est par ailleurs très, voire trop concentré : 1 % des foyers acquitte près de 30 % de l'impôt. Ce n'est pas parfait.
    M. Henri Emmanuelli. Instituez le prélèvement à la source !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Pour les revenus les plus élevés, il atteint avec la CSG plus de 60 % des revenus, ce qui le situe très au-dessus de nos partenaires et concurrents que je viens de citer : 48,5 % en Allemagne, 40 % au Royaume-Uni, 39 % aux Etats-Unis. Cette situation menace la France dans sa compétitivité. Elle pousse nos cadres à s'expatrier. Elle rend difficile la venue de cadre de l'étranger.
    Je vous renvoie sur ce point, comme le rapporteur général l'a très bien fait il y a quelques instants, aux multiples rapports sur l'attractivité de notre pays. Le plus célèbre sans doute qui ont été faits est celui de M. Charzat, qui se situe dans votre courant de pensée et dont, j'espère, vous ne reniez pas les convictions.
    M. Henri Emmanuelli. Monsieur Lambert, pas à moi !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Il faut donc dès maintenant agir en centrant la baisse de l'impôt sur les revenus du travail. Nous avons voulu, et c'est un choix politique, faire du travail notre priorité. C'est un élément de la dignité de la personne humaine et nous ferons tout pour qu'il soit récompensé en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    La baisse de 5 % ne concerne pas les plus-values, elle ne concerne pas les revenus de placements financiers, elle s'applique pour l'essentiel aux revenus du travail et aux retraites qui constituent, monsieur Bonrepaux, 93 % des revenus imposables au barème.
    La baisse que nous proposons est donc équitable, c'est incontestable. Tous les contribuables imposables en profitent. La mesure n'affecte en rien, contrairement à ce que disait tout à l'heure M. Brard, la progressivité de l'impôt sur le revenu. M. Brard s'était donc trompé. Ainsi, un contribuable qui payait vingt fois plus d'impôt qu'un autre paiera toujours vingt fois après la réduction d'impôt. Il faut vous en convaincre. Certes, les contribuables non imposables ne bénéficient pas de cette mesure ; mais il n'est pas simple de baisser l'impôt de quelqu'un qui n'en paie pas.
    Cela étant, le Gouvernement se préoccupe de cette situation parce que son but est de lutter contre le chômage et de permettre à tous ceux qui le souhaitent l'accès au travail. Vous serez d'ailleurs amenés prochainement à discuter d'un projet de loi qui porte création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes. Par ailleurs, la prime pour l'emploi, à propos de laquelle vous m'avez interrogé et sur laquelle je vais vous livrer tous les éléments chiffrés dont je dispose, a d'ores et déjà été doublée cette année.
    M. Augustin Bonrepaux. On le sait déjà !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Nous ferons en sorte que cette prime soit adaptée, notamment, au temps partiel, pour qu'elle devienne un véritable instrument de justice sociale et de valorisation du travail.
    A l'heure actuelle, il y a 8,6 millions de bénéficiaires de la prime pour l'emploi, dont 5,8 millions ne sont pas imposables. Pour ceux-ci, la restitution de prime pour l'emploi augmentera donc de 5 %, selon le mécanisme que vous comprenez aussi bien que moi, puisque vous êtes un parlementaire chevronné. Je précise que le montant moyen de la prime pour l'emploi est de 180 euros par foyer.
    La mesure que nous proposons nécessite un effort budgétaire que le ministre du budget est peut-être le mieux à même d'apprécier. Cet effort est d'autant plus lourd que les finances publiques sont dans une situation tendue. Mais la baisse des impôts est à nos yeux indispensable pour redynamiser l'initiative, pour relancer l'activité, pour restaurer la collectivité de notre pays et rendre à nos concitoyens le goût d'entreprendre et de réussir.
    Pour tous ces motifs, je ne peux que demander le rejet des amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
    M. Charles de Courson. Mes chers collègues, je suis un peu étonné par la position de nos collègues de gauche. Je croyais qu'après les premières mesures d'abaissement des taux de l'impôt sur le revenu, la gauche - en tous les cas les socialistes - avait commencé à comprendre qu'il fallait raisonner : impôt sur le revenu plus CSG et CRDS, plus cotisations sociales salariées. Car il n'y a pas que l'impôt sur le revenu qui taxe les revenus du travail.
    M. Henri Emmanuelli. C'est ce qu'on a dit, mais vous n'écoutez rien !
    M. Charles de Courson. J'écoute ! Mais attendez donc ma démonstration, mon cher collègue !
    Aujourd'hui, vous ne pouvez pas contester que le taux marginal de l'impôt sur le travail n'est pas le taux marginal de l'impôt sur le revenu, mais la somme du taux de l'impôt sur le revenu majoré par les taux fixes que sont la CSG, la CRDS et les cotisations sociales des salariés. Ce qui fait qu'on aboutit à un taux marginal réel d'imposition astronomique et confiscatoire !
    M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas le propos !
    M. Jacques Myard. Mais si !
    M. Charles de Courson. On en est, en effet, par rapport au salaire brut, à 70 %. Et si vous raisonnez en salaire brut majoré des charges sociales patronales, on atteint à peu près à 80 % !
    M. Henri Emmanuelli. Allez voir en Allemagne !
    M. Jean-Pierre Brard. C'est le taux moyen qui compte !
    M. Charles de Courson. Quand vous augmentez de 100 francs une personne pour laquelle vous payez des charges sociales patronales, il ne lui en reste après impôts, cotisations sociales, CSG, impôt sur le revenu, qu'à peu près 20.
    M. Henri Emmanuelli. Mais non, c'est n'importe quoi !
    M. Charles de Courson. Mais bien sûr que si ! C'est ce qui se passe pour les tranches marginales supérieures, monsieur Emmanuelli.
    Il est donc indispensable de commencer à réduire l'impôt sur le revenu. Mais, comme le groupe UDF n'a cessé de le dire, les mesures concernant l'impôt sur le revenu doivent s'accompagner de mesures concernant les cotisations sociales. C'est cela l'équilibre d'ensemble. Or vous vous battez, mes chers collègues, contre ce que vous avez vous-mêmes préconisé - il est vrai, sous une légère pression de M. Fabius. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Arrêtez de nous dire que le barème n'est pas excessif. Si, il l'est si vous tenez compte des trois composantes de la taxation du travail.
    M. Henri Emmanuelli. Et les déductions ?
    M. Charles de Courson. Les déductions ne portent pas sur le travail. Et vous savez bien qu'elles ne jouent pas au-delà d'un certain niveau.
    M. Henri Emmanuelli. Le taux marginal est le même qu'en Allemagne !
    M. Charles de Courson. Non, parce qu'il n'y a ni CSG ni CRDS en Allemagne.
    M. Henri Emmanuelli. L'UMP n'a pas besoin de supplétif, monsieur de Courson ! (Protestations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Charles de Courson. Je ne joue pas ce rôle !
    M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux.
    M. Augustin Bonrepaux. J'aurais volontiers remercié le ministre si ses réponses avaient été complètes. Mais elles furent plutôt partielles, ce que je comprends très bien.
    Monsieur le ministre, comme vous, en effet, j'ai entendu un candidat à la présidence de la République expliquer que la baisse de 30 % d'impôt sur le revenu bénéficierait même aux smicards. J'attendais donc avec curiosité de savoir comment vous alliez procéder à cette réduction de 5 % pour eux. Malheureusement, je n'ai pas de réponse. Pas plus que pour le couple de smicards avec deux enfants. C'est sans doute parce qu'ils ne paient pas d'impôt. Peut-être même n'ont-ils pas de travail !
    Mes chers collègues, je voudrais bien partager votre préoccupation pour le travail. Mais elle me paraît trop sélective. Vous ne vous intéressez, en effet, qu'à certains travailleurs...
    M. Jean-Michel Fourgous. C'est vous qui ne vous occupez que de certains travailleurs !
    M. Augustin Bonrepaux. ... qui n'occupent pas les emplois les plus difficiles, ni les plus pénibles. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Votre sollicitude ne porte pas sur tous ceux qui ont les emplois les plus durs et les revenus les plus faibles, malgré la bonne volonté de M. de Courson qui proposera un amendement que, du reste, je soutiendrai.
    M. Charles de Courson. C'est nouveau !
    M. Augustin Bonrepaux. Ce soir, après ce débat, il restera qu'on n'aura pas pensé à l'harmonisation du travail. Ainsi, comment vous croire quand vous prétendez vouloir revaloriser le travail ? Nous aussi nous le voulons et nous l'avons fait d'ailleurs.
    M. Jean-Michel Fourgous. Avec les 35 heures ?
    M. Augustin Bonrepaux. Nous l'avons fait notamment en instaurant la prime pour l'emploi. Vous disposiez là d'un instrument pour aider les hauts revenus - après tout pourquoi pas - mais aussi pour faire un geste en direction des autres. Vous n'avez pas fait ce choix. C'est là tout ce qui nous différencie. Vous ne vous préoccupez que d'une partie de la population. C'est pour cela que vous n'avez pas de réponse à apporter aux trois catégories que j'ai évoquées. Elles ne sont pas concernées par ces cadeaux que vous faites aujourd'hui à la France la plus favorisée.
    M. Jean-Michel Fourgous. Démagogie !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.
    M. Jean-Louis Dumont. Certes, la majorité a fait le choix d'une stratégie de baisse de l'impôt sur le revenu des personnes physiques, pour celles ou ceux qui effectivement sont imposables. Mais pensons aussi aux non-imposables et aux automobilistes qui vont subir une augmentation très forte des carburants sans par ailleurs avoir bénéficié de cette largesse. Or en milieu rural, notamment, la voiture est souvent indispensable pour se rendre à son travail ou pour en trouver.
    Monsieur le ministre, vous nous expliquez qu'en abaissant l'impôt sur le revenu vous alliez favoriser l'emploi. N'eût-il pas mieux valu diminuer les charges ou d'autres taxes supportées par l'ensemble des ménages comme la taxe d'habitation ?
    En ce 18 juillet 2002, les choses sont parfaitement claires : il y a, d'un côté, un cadeau pour ceux qui paient l'impôt sur le revenu et, de l'autre, pour la masse des travailleurs issus du milieu rural, une hausse du prix des carburants. Vous comprendrez que nous soyons déterminés à voter contre votre mesure.
    M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur.
    M. Marc Laffineur. L'opposition nous répète à l'envi qu'elle se préoccupe du sort des personnes modestes. C'est précisément ce que nous faisons, nous aussi, dans la cohérence de la politique mise en place par le Gouvernement.
    M. Henri Emmanuelli. En augmentant l'essence ?
    M. Marc Laffineur. Qui pâtit le plus de l'insécurité que vous avez laissé se développer dans les banlieues, messieurs ?
    M. Henri Emmanuelli. Arrêtez donc avec l'insécurité !
    M. Marc Laffineur. Notre pays a aussi besoin de créateurs d'entreprises. Il faut que ceux qui créent la richesse ne partent pas à l'étranger...
    M. Jean-Louis Dumont. Les artisans ne partent pas à l'étranger !
    M. Marc Laffineur. ... comme ils ont malheureusement tendance à le faire depuis quelques années parce que les prélèvements obligatoires sont de plus en plus élevés. Cette disposition tendant à baisser l'impôt sur le revenu, comme celles à venir visant à diminuer les charges sociales sur les bas salaires forment un tout cohérent. Bien entendu, nous ne voterons pas ces amendements de suppression de l'article 1er.
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais maintenant mettre aux voix les 3 amendements de suppression de l'article 1er.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même, et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   56
Nombre de suffrages exprimés   56
Majorité absolue   29
Pour l'adoption   16
Contre   40

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    MM. Vaxès, Brard, Sandrier et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 32, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi l'article 1er :
    « I. - Dans l'article 278 du code général des impôts, le taux "19,6 % est remplacé par le taux "18,6 %, à compter du 1er août 2002.
    « II. - Le taux de l'impôt sur les sociétés est relevé à due concurrence.
    « Le taux des deux plus hautes tranches de l'impôt sur le revenu est relevé à due concurrence. »
    La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
    M. Jean-Claude Sandrier. Notre amendement de suppression ayant été repoussé, nous proposons de substituer à la baisse de l'impôt sur les revenus une baisse du taux normal de la TVA qui passerait de 19,6 à 18,6 %. On s'attaquerait ainsi à un impôt injuste qui grève lourdement les petits budgets. Une baisse globale ou bien ciblée favorise en outre la relance de la consommation, de l'investissement et donc de la croissance. Nous avons pu le constater avec la baisse de TVA sur les travaux dans les logements. Elle permettrait aussi incidemment de limiter le travail au noir.
    Puisque vous avez annoncé, monsieur le ministre, la consolidation de la baisse d'impôt pour les années futures, celle-ci peut légitimement passer par la diminution du taux de TVA. Outre les salariés, les retraités, les chômeurs, nombre de commerçants et d'artisans attendent un geste significatif sur la TVA. C'est donc un amendement efficace pour l'activité économique et la consommation que nous vous demandons de voter.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission n'a pas examiné cet amendement auquel, à titre personnel, je suis défavorable. D'abord parce que le choix fait à l'occasion de ce collectif est clairement celui de la baisse de l'impôt sur le revenu. Sur un plan plus global, la baisse générale d'un point de TVA est particulièrement coûteuse. Je rappelle qu'elle représente trente milliards de francs en année pleine. En outre, et comme nous avons pu le constater, il y a trois ans, ses effets économiques sont très limités.
    M. Henri Emmanuelli. C'est faux !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Les baisses ciblées de TVA sont beaucoup plus positives et plus efficaces. Par exemple, la baisse de TVA sur les travaux dans les logements qui a été proposée par la précédente majorité et à laquelle nous avions apporté notre appui a eu des effets positifs, en termes d'emplois, notamment.
    M. Gérard Bapt. C'est une bonne mesure !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Dans notre projet, la baisse envisagée concerne la TVA sur la restauration. Nous sommes convaincus que les baisses ciblées sont, à tous égards, préférables.
    M. Henri Emmanuelli. Vous êtes pour la fiscalité indirecte et contre la fiscalité directe ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pour ces différentes raisons, j'émets un avis défavorable sur cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Même avis. Cette mesure doublerait le coût du dispositif. Comme l'a dit le rapporteur général, il s'agit en outre de rendre notre pays attractif, et de retenir tous ceux qui peuvent contribuer au développement et à la création d'emplois. Or une baisse de la TVA n'atteindrait pas le même objectif. Avis défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique.
    Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2002, n° 29 :
    M. Gilles Carrez, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport n° 56) ; M. Gérard Charasse, rapporteur pour avis au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées (avis n° 57).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
annexe au procès-verbal
de la 2e séance
du jeudi 18 juillet 2002
SCRUTIN (n° 2)


les amendements n° 9 de M. Bonrepaux, n° 31 de M. Vaxès et n° 38 de M. Cochet tendant à supprimer l'article premier de la loi de finances rectificative pour 2002 (réduction de l'impôt sur le revenu acquitté en 2002).

Nombre de votants

56


Nombre de suffrages exprimés

56


Majorité absolue

29


Pour l'adoption

16


Contre

40

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (365) :
    Contre : 35 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votants :     Mmes Michèle Alliot-Marie (membre du Gouvernement), Nicole Ameline (membre du Gouvernement), Roselyne Bachelot-Narquin (membre du Gouvernement), MM. François Baroin (président de séance), Pierre Bédier (membre du Gouvernement), Léon Bertrand (membre du Gouvernement), Mme Marie-Thérèse Boisseau (membre du Gouvernement), MM. Jean-Louis Borloo (membre du Gouvernement), Dominique Bussereau (membre du Gouvernement), Jean-François Copé (membre du Gouvernement), Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale), Patrick Devedjian (membre du Gouvernement), Renaud Dutreil (membre du Gouvernement), François Fillon (membre du Gouvernement), Hervé Gaymard (membre du Gouvernement), Christian Jacob (membre du Gouvernement), François Loos (membre du Gouvernement), Jean-François Mattei (membre du Gouvernement), Renaud Muselier (membre du Gouvernement), Dominique Perben(membre du Gouvernement), Henri Plagnol (membre du Gouvernement), Nicolas Sarkozy (membre du Gouvernement) et Pierre-André Wiltzer (membre du Gouvernement).
Groupe socialiste (141) :
    Pour : 12 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (29) :
    Contre : 4 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Gilles de Robien (membre du Gouvernement).
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 3 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Contre : 1. - M. Jean-Claude Sandrier.
Non-inscrits (20).
    Pour : 1. - M. Yves Cochet.

Mise au point au sujet du présent scrutin
(Sous réserve des dispositions de l'article 68, alinéa 4,
du règlement de l'Assemblée nationale)

    M. Jean-Claude Sandrier, qui était présent au moment du scrutin ou qui avait délégué son droit de vote, a fait savoir qu'il avait voulu voter « pour ».