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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 2 AOÛT 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du jeudi 1er août 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Loi de finances rectificative pour 2002. - Transmission et discussion du texte de la commission mixte paritaire «...».
M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission mixte paritaire.
M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement.

DISCUSSION GÉNÉRALE «...»

MM.
Michel Vaxès,
Hervé Morin,
Didier Migaud,
Marc Laffineur.
Clôture de la discussion générale.

TEXTE DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE «...»

MM. Pierre Méhaignerie, président de la commission mixte paritaire, le secrétaire d'Etat.

EXPLICATIONS DE VOTE «...»

MM.
Jean-Pierre Brard,
Jean-Louis Idiart,
Marc Laffineur.

VOTE SUR L'ENSEMBLE «...»

Adoption de l'ensemble du projet de loi compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

Suspension et reprise de la séance «...»

2.  Justice. - Suite de la discussion d'un projet de loi d'orientation et de programmation, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence «...».

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION «...»

Motion de renvoi en commission de M. Alain Bocquet : MM. Michel Vaxès, Xavier de Roux. - Rejet.

DISCUSSION DES ARTICLES «...»
Article 1er et rapport annexé «...»

MM. Claude Goasguen, Richard Mallié, Yves Jego, Alain Marsaud, Eric Diard, Mme Henriette Martinez, MM. Jean Dionis du Séjour, Joël Beaugendre, André Thien Ah Koon, Philippe Folliot.
Amendement n° 124 de la commission des lois : MM. Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission des lois ; Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. - Adoption.
Amendement n° 125 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 21 de M. Albertini : MM. Pierre Albertini, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 41 de M. Albertini : MM. Hervé Morin, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 226 de Mme Joissains-Masini : MM. Christian Estrosi, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 126 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 127 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 128 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 129 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 130 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 131 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 132 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 78 de M. Garraud : MM. Jean-Paul Garraud, le rapporteur, le garde des sceaux, Mme Marylise Lebranchu, M. Pascal Clément, président de la commission des lois. - Adoption.
Amendement n° 133 corrigé de la commission : MM. le rapporteur, Pierre Bédier, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice ; Mme Marylise Lebranchu, M. Hervé Morin, Mme Christine Boutin. - Adoption de l'amendement n° 133 corrigé et rectifié.
Amendement n° 134 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Mme Marylise Lebranchu. - Adoption.
Amendement n° 135 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 262 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Mme Marylise Lebranchu. - Adoption.
Amendement n° 136 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 137 de la commission : MM. Guy Geoffroy, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 138 corrigé de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 139 de la commission : MM. Guy Geoffroy, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 140 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 141 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 142 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 143 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 144 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 145 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 146 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 147 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Mme Marylise Lebranchu. - Adoption.
Amendement n° 148 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article 1er et du rapport annexé modifié.

Article 2 «...»

MM. Pierre Albertini, Michel Vaxès, le garde des sceaux, René Dosière, Mme Marylise Lebranchu, M. Jacques Pélissard, rapporteur pour avis de la commission des finances.
Adoption de l'article 2.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
3.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2002

Transmission et discussion du texte
de la commission mixte paritaire

    M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

    « Monsieur le président,                                

    « Conformément aux dispositions de l'article 45, alinéa 3, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous demander de soumettre à l'Assemblée nationale, pour approbation, le texte proposé par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2002.
    « Veuillez agréer, Monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »
    En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire (n° 159).
    La parole est à M. le rapporteur de la commission mixte paritaire.
    M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, mes chers collègues, nous arrivons au terme de notre débat sur ce premier collectif de la législature et je me réjouis que la commission mixte paritaire ait pu élaborer le texte qui vous est maintenant soumis.
    M. Didier Migaud. On a les plaisirs qu'on peut !
    M. Gilles Carrez, rapporteur. A l'issue de la première lecture dans chaque assemblée, dix articles ont été adoptés conformes. Quatre articles restaient donc en discussion devant la commission mixte paritaire.
    L'Assemblée nationale et le Sénat se sont accordés sur les points essentiels : premièrement, les modalités de la baisse de l'impôt sur le revenu ; deuxièmement, les ajustements de crédits en dépenses et en recettes à la suite de l'audit des finances publiques de MM. Bonnet et Masse, et, troisièmement, les mesures d'urgences nécessitées par le déficit très important du budget annexe des prestations sociales agricoles.
    Hier matin, la commission mixte paritaire a retenu une amélioration rédactionnelle à l'article 10 sur le transfert par l'Etat du réseau de transport de gaz, qui complète les améliorations déjà introduites par notre assemblée.
    La CMP a également adopté, dans les propositions du Sénat, l'article 13 supprimant la redevance cynégétique « gibier d'eau » à compter du 1er juillet 2003 (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française) et l'article 12 qui précise le contenu du rapport de la commission des comptes des transports de la nation.
    M. Hervé Novelli. Enfin du bon travail !
    M. Gilles Carrez, rapporteur. La commission mixte paritaire a enfin examiné l'article 14, ajouté par le Sénat, sur la rémunération des membres du Gouvernement.
    M. Didier Migaud. Le Premier ministre ne s'y est pas déclaré favorable.
    M. Gilles Carrez, rapporteur. La question de la rémunération des ministres se pose depuis la suppression des fonds spéciaux.
    Le 14 novembre 2001, Mme Parly, alors secrétaire d'Etat au budget, s'est engagée devant notre assemblée à répondre à cette question, qui se posait d'ailleurs aussi pour les collaborateurs de cabinet. Par décret du 5 décembre dernier, une solution a été trouvée pour ces derniers. Elle semble donner satisfaction. En revanche, le problème de la rémunération des ministres est resté en suspens. C'est pourquoi nos collègues sénateurs ont pris l'initiative de le résoudre.
    M. René Dosière. De leur plein gré !
    M. Gilles Carrez, rapporteur. C'est une initiative légitime, au nom tout simplement de la dignité, de l'indépendance et de la juste gratification des fonctions ministérielles.
    M. René Dosière. Confusion des pouvoirs !
    M. Gilles Carrez, rapporteur. C'est une nécessité également dans le souci de transparence qui doit prévaloir concernant les rémunérations de l'ensemble des responsables publics.
    Depuis quelques mois, en effet, chers collègues, les membres du Gouvernement français perçoivent une rémunération sensiblement inférieure à celle des hauts fonctionnaires des administrations qu'ils dirigent,...
    M. Xavier de Roux. Oh !
    M. Gilles Carrez, rapporteur. ... inférieure à celle des parlementaires que nous sommes,...
    M. Xavier de Roux. Oh !
    M. Gilles Carrez, rapporteur. ... très inférieure à celle de leurs collègues européens, allemands, britanniques, italiens, par exemple.
    M. Arnaud Lepercq. C'est lamentable !
    M. Gilles Carrez, rapporteur. Aussi la commission mixte paritaire a-t-elle adopté hier à l'unanimité moins deux abstentions un dispositif un peu différent de celui qui avait été voté en première lecture lundi dernier par nos collègues sénateurs.
    Il s'agit de définir la rémunération des membres du Gouvernement exclusivement par rapport à celle des hauts fonctionnaires, sans passer par le détour des indemnités parlementaires.
    Cela apparaît beaucoup plus logique, au nom du principe de séparation des pouvoirs, d'autant plus que les ministres sont les responsables directs, les patrons, des administrations.
    M. Arnaud Lepercq. Tout à fait !
    M. Gilles Carrez, rapporteur. C'est d'ailleurs la formule qui est pratiquée chez nos voisins européens, par exemple en Allemagne.
    Aussi le dispositif adopté par la commission mixte paritaire est-il calqué sur un texte ancien - l'ordonnance du 13 décembre 1958 - qui prévoit une indemnité de base calculée en référence au traitement des hauts fonctionnaires classés hors échelle. On prend la moyenne entre la lettre A et la lettre G et on la multiplie par deux pour tenir compte de l'incidence des primes dont bénéficient les hauts fonctionnaires. S'y ajoutent l'indemnité de résidence de 3 % que perçoivent tous les fonctionnaires et une indemnité de fonction de 25 %.
    Ces éléments de rémunération sont totalement transparents et ils sont fiscalisés pour l'essentiel, à l'exception de l'indemnité de fonction qui correspond à la notion de frais professionnels.
    M. Arnaud Lepercq. Tout à fait !
    M. Gilles Carrez, rapporteur. Cette rémunération des ministres est définie dans le texte adopté par la CMP comme un maximum, ce qui permet une modulation à la baisse pour tenir compte d'une éventuelle hiérarchie ministérielle : ministres, ministres délégués, secrétaires d'Etat.
    M. Arnaud Lepercq. Très bien !
    M. Gilles Carrez, rapporteur. Quant au Premier ministre, il bénéficie d'une majoration de 50 % par rapport à la rémunération adoptée pour les ministres.
    Comment se situera, en pratique, cette rémunération ?
    Elle sera analogue à la moyenne de la rémunération de la centaine de hauts fonctionnaires qui dirigent notre administration. Elle sera inférieure à celle du premier des hauts fonctionnaires, qui est le vice-président du Conseil d'Etat.
    M. Arnaud Lepercq. Ce n'est pas normal !
    M. Gilles Carrez, rapporteur. Elle sera comparable à celle des parlementaires. Elle sera inférieure à celle d'une bonne partie des ministres chez nos voisins européens.
    Pour conclure sur ce point, j'ajouterai deux observations.
    Premièrement, dans le dispositif adopté par la commission mixte paritaire, les principes de transparence et d'assujettissement à l'impôt et aux cotisations sociales des rémunérations des membres du Gouvernement sont désormais garantis. C'est un progrès indéniable pour notre fonctionnement démocratique.
    M. Arnaud Lepercq. Très bien !
    M. Gilles Carrez, rapporteur. Deuxièmement, les modalités de rémunération retenues par la CMP seront beaucoup moins coûteuses pour le contribuable que le système dit des fonds spéciaux ou fonds secrets qui a prévalu jusqu'en 2001. (« Absolument ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. François Goulard. Lang a coûté cher !
    M. Gilles Carrez, rapporteur. En conclusion, je vous propose, mes chers collègues, d'adopter le projet de loi de finances rectificative pour 2002 compte tenu du texte sur lequel s'est mis d'accord la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement.
    M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, nous achevons, avec cette lecture des conclusions de la commission mixte paritaire, le processus d'adoption du projet de loi de finances rectificative pour 2002.
    Vous voudrez bien, tout d'abord, excuser M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et M. le ministre délégué au budget, qui sont, l'un et l'autre, actuellement retenus par les arbitrages budgétaires du projet de loi de finances pour 2003, que nous devons mener à bien dans des délais particulièrement tendus cette année.
    M. Didier Migaud. Quel manque de respect vis-à-vis de l'Assemblée !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Je voudrais, d'emblée, saluer l'importance du travail accompli, dans des délais extrêmement brefs, par votre commission des finances et par la commission mixte paritaire.
    Vous connaissez la cause de ces délais tendus. Le 26 juin, le Gouvernement prend connaissance des résultats de l'audit de MM. Bonnet et Nasse.
    M. François Goulard. Résultats catastrophiques !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. La traduction de cet audit requiert le dépôt d'un collectif budgétaire en raison de l'ampleur des écarts constatés par rapport à la loi de finances initiale.
    M. Arnaud Lepercq. C'est honteux !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Début juillet, le Gouvernement saisit le Conseil d'Etat. Le 10 juillet, le Conseil des ministres adopte le collectif. Trois semaines plus tard, il est désormais possible, pour l'Assemblée, d'adopter définitivement ce collectif budgétaire.
    Vous comprendrez que, dans ce contexte, le Gouvernement adresse un hommage tout particulier au président de votre commission des finances, Pierre Méhaignerie, et à son rapporteur général, Gilles Carrez. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Vous avez, monsieur le président, monsieur le rapporteur général, formulé des demandes et exprimé des souhaits lors de ces débats au nom de vos collègues. Le Gouvernement les a entendus. J'y reviendrai dans quelques minutes.
    Deux enjeux majeurs s'attachent à ce texte : la baisse immédiate de 5 % de l'impôt sur le revenu des Français...
    M. Jean-Pierre Brard. Il va y avoir des augmentations aussi !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. ... et la traduction, dans la loi de finances, des résultats de l'audit.
    Ces deux points ont été longuement débattus tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat et n'ont d'ailleurs pas fait l'objet de modifications lors des débats parlementaires. Néanmoins, je voudrais rappeler très brièvement leur contenu.
    La baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu s'opérera par le biais d'un dispositif d'une extrême simplicité. Elle sera effective dès cet automne au profit de 16 millions de foyers fiscaux. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Grâce au vote favorable que je sollicite de votre assemblée, les Français vont pouvoir constater que nos engagements sont tenus, immédiatement tenus.
    M. René Dosière. Pour les plus riches !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. La traduction de l'audit, pour sa part, restitue au budget 2002 sa sincérité. Cet exercice, pour reprendre les termes du ministre de l'économie et des finances devant votre assemblée, n'est pas un acte de création politique mais un acte de constatation.
    M. Hervé Novelli. Absolument !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Le financement de nos priorités, afin de ne pas dégrader le déficit, a été entièrement remis au projet de loi de finances pour 2003, qui est en cours de construction. Ce projet sera soumis au conseil des ministres le 18 septembre et sera ensuite immédiatement présenté à votre commission des finances, monsieur le président et monsieur le rapporteur général.
    Il comportera un effort important en faveur de la sécurité et de la justice, traduisant ainsi les lois d'orientation dont vous débattez au cours de la présente session. Conformément à la lettre de cadrage du Premier ministre dont votre commission a eu connaissance, il prévoira également une augmentation de notre aide publique au développement et une remise à niveau des crédits d'équipement militaire.
    Ce projet de budget pour 2003 répondra également à la demande d'économies qu'a exprimée votre commission des finances lors des débats. Comme l'a indiqué le Premier ministre, ce travail d'économies comprendra les mesures nécessaires pour limiter nos déficits publics. Il n'affectera pas en revanche les dépenses utiles aux Français.
    Au-delà des dispositions prévues initialement par le Gouvernement, les deux assemblées ont apporté des améliorations à ce texte.
    L'Assemblée nationale a prévu d'accroître le contrôle du Parlement, dans un souci de maîtrise des dépenses publiques, sur l'ensemble des instances consultatives placées auprès des ministres, du Premier ministre et de la Banque de France. D'ores et déjà, le Gouvernement a donné les instructions nécessaires à l'élaboration du document demandé.
    Le Sénat, pour sa part, a souhaité que les informations relatives au coût des transports soient plus précises et a, en outre, vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur général, dans un souci de simplification, supprimé la redevance sur le permis de chasse des gibiers d'eau. (« Très bien ! » sur les bancs de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Ces améliorations au texte du Gouvernement ont reçu l'accord des deux assemblées.
    A la suite des travaux de la commission mixte paritaire, il en va de même pour la question que vous venez d'évoquer du traitement des membres du Gouvernement. (Exclamations sur divers bancs.)
    A ce propos, je voudrais faire quelques observations.
    Le 14 novembre 2001, Mme Parly déclarait devant votre assemblée : « Comme l'a annoncé le Premier ministre, le régime de rémunération des ministres sera clarifié. Plusieurs références sont envisageables : nos voisins allemands appliquent un coefficient multiplicateur à la rémunération du fonctionnaire placé au sommet de la hiérarchie administrative ; on peut aussi retenir comme référence les émoluments des parlementaires, nombre de ministres étant choisis dans leurs rangs. Les décisions en ce domaine seront annoncées avant le 1er janvier 2002. »
    Le Gouvernement précédent n'a pas donné suite à ces intentions.
    M. Jean-Marc Nudant. Comme d'habitude !
    M. François Goulard. Si, Mme Parly en a parlé aux électeurs de l'Yonne !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Un parlementaire de l'opposition a pris l'initiative de déposer un amendement se référant aux émoluments des parlementaires. La commission mixte paritaire l'a modifié en retenant la référence à la rémunération des fonctionnaires placés au sommet de la hiérarchie. Le Gouvernement, en cette affaire, n'était pas demandeur d'autant que cela ne correspondait pas pour lui à une priorité immédiate.
    M. René Dosière. Quelle hypocrisie ! Assumez vos responsabilités !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Il reste que la question était pendante. Le Parlement a souhaité s'en saisir. Dans son texte, il a voulu créer une situation transparente : le nouveau dispositif a le mérite de permettre le total contrôle du Parlement. Les mesures d'application de la loi feront l'objet, dans la clarté, d'une consultation de M. François Logerot, premier président de la Cour des comptes, déjà associé à cette démarche par le gouvernement précédent.
    Dans cet esprit, le Gouvernement s'en remet bien volontiers à la sagesse du Parlement.
    Au terme de cette brève intervention, je vous demande de bien vouloir adopter les conclusions de votre commission mixte paritaire et, par là même, le projet de loi de finances rectificative pour 2002. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

Discussion générale

    M. le président. La parole est à Michel Vaxès.
    M. Michel Vaxès. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative pour 2002 revient en discussion à l'Assemblée nationale après la réunion de la commission mixte paritaire.
    Avant toute chose, monsieur le ministre, il me faut faire amende honorable. J'avais en effet, en première lecture, produit quelques chiffres pour illustrer les incidences profondément injustes des dispositions de ce projet de loi de finances rectificative.
    J'avais, avec, je l'avoue, un peu de précipitation, probablement liée à l'impatience aiguë du Gouvernement qui l'a conduit à faire examiner trop de textes en si peu de temps,...
    M. Jean-Marc Nudant. Il ne fallait pas vous laisser faire !
    M. Michel Vaxès. ... affirmé, sur la base de calculs erronés, que l'avantage attendu par chaque foyer fiscal résidant dans ma commune était trois fois moindre que celui observé dans celle de Neuilly-sur-Seine.
    J'en suis confus. La réalité est bien différente et je vous devais la vérité. J'ai sous-estimé gravement l'injustice de ce projet puisque l'avantage pour mes concitoyens est en fait vingt-huit fois moindre que pour les contribuables de Neuilly.
    Vous ne serez pas surpris, monsieur le rapporteur, de n'avoir pu nous arracher une seule larme sur le sort des ministres de votre gouvernement.
    M. Arnaud Lepercq. C'est le gouvernement de la France !
    M. Michel Vaxès. Nous les gardons toutes pour partager la peine de millions de nos concitoyens dans la souffrance de fins de mois autrement plus difficiles.
    M. Jean-Marc Nudant. M. Gayssot a bénéficié des fonds secrets !
    M. Michel Vaxès. Monsieur le ministre, je confirme donc, avec plus de conviction et de force encore, que vos propositions contribueront à aggraver les inégalités, déjà insupportables, entre la grande majorité des Français et une petite minorité aisée. De plus, elles seront inefficaces à relancer la croissance.
    Elles sont malheureusement, de surcroît, contraires à l'esprit de notre République, fondé sur le principe de la solidarité nationale et de la justice sociale. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en préambule de notre Constitution, pose en effet le principe d'une contribution commune qui doit être également répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés contributives.
    Votre gouvernement a exprimé ces derniers jours son intention de s'intéresser aux ménages modestes, mais l'une de ses premières décisions sera de faire le contraire de ce qu'il dit.
    Dans les faits, monsieur le ministre, en vous attaquant à l'impôt sur le revenu, le seul impôt progressif, socialement le plus juste, vous illustrez la véritable nature de votre politique en l'inaugurant par une disposition qui pénalise la majorité la plus modeste de nos concitoyens. Vous renforcez cette illustration par le refus persistant d'une baisse de la TVA, y compris celle que nous avions proposée, « l'amendement Chirac », une baisse de 5 % de la TVA sur la restauration...
    M. Jean-Marc Nudant. C'est un comble !
    M. Michel Vaxès. ... qui, elle, aurait eu des effets puissants sur le pouvoir d'achat de tous les ménages, sur la consommation et sur la croissance.
    M. Xavier de Roux. Que ne le fîtes-vous lorsque vous fûtes aux affaires !
    M. Michel Vaxès. Notre collègue et mon ami Jean-Pierre Brard l'a rappelé en première lecture, la TVA ponctionne 5 % du budget du smicard et 0,1 % de celui du milliardaire. En d'autres termes, elle ponctionne cinquante fois plus le pauvre que le riche. N'y aurait-il pas là des réserves de moyens en faveur d'une croissance au profit de tous ?
    Vos décisions, en favorisant les contribuables les plus riches, vont à l'évidence gonfler l'épargne et les spéculations financières (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), alors que la consommation, source essentielle de la croissance, ne pourra que se contracter du fait de l'augmentation des tarifs publics et de celui du carburant que les salariés utilisent quotidiennement pour travailler et que les transporteurs vont répercuter sur les prix des biens de consommation, à l'exception, il est vrai, du prix de l'électricité et des timbres-poste parce que votre Premier ministre, sans doute plus sensible à une colère qui s'amplifie, vous l'interdit aujourd'hui.
    M. Jean-Marc Nudant. Nous sommes d'accord avec lui !
    M. le président. Monsieur Nudant, s'il vous plaît.
    M. Jean-Pierre Brard. Si encore c'était intéressant !
    M. Michel Vaxès. La vérité le dérange !
    Votre estimation du déficit budgétaire n'est pas non plus anodine, elle servira probablement à justifier les mesures d'austérité à venir. L'article du Monde d'aujourd'hui en est une parfaite démonstration.
    M. Xavier de Roux. Ce n'est pas nous qui l'avons écrit !
    M. Michel Vaxès. Dans cette optique, cette loi de finances rectificative a au moins le mérite de circonscrire la petite partie de la population que vous voulez servir et celle que vous voulez faire payer.
    Les députés du groupe communiste et républicain ont fait des propositions visant à une politique budgétaire plus efficace et plus solidaire.
    M. Xavier de Roux. Confiscateur !
    M. Michel Vaxès. Comme nous le proposions, le Gouvernement aurait pu réduire l'avoir fiscal, qui n'a jamais pris en compte la forte baisse de l'impôt sur les sociétés. Vous ne l'avez pas voulu. Il aurait pu intégrer une partie des biens professionnels dans l'assiette de l'ISF pour que les plus grosses fortunes de France...
    M. François Goulard. Partent un peu plus à l'étranger !
    M. Michel Vaxès. ... contribuent équitablement au financement des dépenses publiques. Vous ne l'avez pas voulu.
    Il aurait pu introduire les actifs financiers dans l'assiette de la taxe professionnelle et dégager plus de 12 milliards d'euros, soit 70 milliards de francs environ, pour permettre aux collectivités locales de répondre aux besoins de leurs habitants. Vous ne l'avez pas voulu.
    L'enveloppe de plus de 2,5 milliards alloués à la baisse de l'impôt sur le revenu aurait pu permettre de rembourser la CSG ou la RDS aux foyers les plus modestes. Vous ne l'avez pas voulu.
    Les moyens, vous le voyez, sont nombreux pour réduire les prélèvements sur les populations les plus modestes dans un souci à la fois d'efficacité économique et de justice sociale, en allant chercher l'argent là où il se trouve. Mais cela, vous ne le voulez pas.
    Vous aurez compris, monsieur le secrétaire d'Etat, mes cher collègues, que les députés du groupe communiste et républicain voteront sans états d'âme contre un texte qui fait payer les pauvres pour enrichir encore plus les plus riches. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur divers bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.
    M. Hervé Morin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le groupe UDF considère que le collectif va dans le bon sens : rétablir la sincérité des comptes de la nation, engager une baisse des prélèvements obligatoires, notamment la baisse de l'impôt sur le revenu, annoncer pour l'avenir une baisse des cotisations sociales pour les plus bas salaires. Il était temps car nous avons récupéré, nous majorité, une situation absolument calamiteuse,...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Eh oui !
    M. Hervé Morin. ... avec des dépenses non financées, des recettes surévaluées et toute une série d'engagements que la France aura bien du mal à respecter. (« Tout à fait ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Quant à la baisse de l'impôt sur le revenu, ce qui est intolérable, monsieur Vaxès, ce n'est pas qu'il y ait des gens riches, c'est qu'il y ait des gens pauvres et des gens exclus. (« Exactement ! » sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Ce qui est intolérable, c'est de voir les jeunes diplômés issus de nos écoles financées sur fonds publics partir à l'étranger car ils y vivent mieux.
    M. Jean-Pierre Brard. Mais non ! Ce sont des histoires !
    M. Hervé Morin. Ce qui est intolérable, c'est de voir des patrons de PME-PMI partir à l'étranger pour créer de la richesse, de l'emploi, de l'activité...
    M. Jean-Pierre Brard. C'est Coblence !
    M. Hervé Morin. ... plutôt que de rester en France.
    C'est ce chemin, sur lequel le Gouvernement s'engage avec courage, qu'il faudra suivre dans les années à venir car, si l'on continue à augmenter sans cesse les prélèvements obligatoires, ce sont les classes moyennes qui finissent par supporter la totalité du coût de la solidarité. Il est donc absolument indispensable que celles et ceux qui créent de la richesse la créent chez nous et non pas ailleurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Bravo donc pour le Gouvernement et pour les mesures qu'il vient de prendre.
    Il reste la question abordée nuitamment par le biais d'un amendement de Michel Charasse sur la rémunération des ministres.
    Les Français ont toujours eu une attitude compliquée à l'égard de l'argent, et c'est pourquoi nous voudrions aborder le sujet à la fois sur le fond et sur la forme.
    Sur le fond, il faut dire les choses clairement et franchement, nous héritons d'une situation que le Gouvernement Jospin n'a pas eu le courage de régler.
    M. Jean-Marc Nudant. Exactement !
    M. Hervé Novelli. C'est l'héritage !
    M. Hervé Morin. Tout le monde savait que les fonds spéciaux servaient à arrondir les fins de mois des membres du Gouvernement. Et, bien entendu, contrairement à ce qui avait été dit, personne n'a fait un geste au sein du Gouvernement jusqu'aux élections présidentielle et législatives.
    M. Laurent Hénart. Quel courage !
    M. Hervé Novelli. Courage, fuyons !
    M. Hervé Morin. En réalité, est-il normal qu'un membre du Gouvernement gagne moins qu'un parlementaire, un Premier ministre moins qu'un haut fonctionnaire de la République, un membre du Gouvernement moins qu'un cadre supérieur d'une entreprise privée ? A ces trois questions, je réponds non.
    Il faut correctement indemniser les membres du Gouvernement, au moins pour trois raisons : parce qu'ils exercent des responsabilités importantes, parce que, si l'on veut avoir du personnel politique de qualité, compétent, il doit être correctement rémunéré, et, enfin, parce que, si l'on veut que le personnel politique ne soit pas soumis à la tentation, il faut qu'il soit correctement rémunéré.
    Nous sommes donc totalement favorables au fait que les membres du Gouvernement perçoivent une indemnité digne de leur fonction.
    Reste la question de la forme.
    Peut-on aborder ce problème par le biais d'un amendement déposé par un sénateur du groupe socialiste puis repris par un collègue de la majorité ? Pour notre part, nous croyons qu'il faut considérer les Français comme des hommes et des femmes responsables et leur expliquer clairement et sincèrement les problèmes qui se posent dans l'exercice de la fonction d'élu.
    Mais là n'est pas la seule question qui se pose.
    Est-il normal qu'un élu qui est fonctionnaire continue à bénéficier de la cotisation de l'Etat pour sa retraite ?
    M. Arnaud Lepercq. Non.
    M. Hervé Morin. Est-il normal qu'un parachute protège les parlementaires qui sont fonctionnaires ? (« Non ! » sur plusieurs bancs.)
    Est-il normal que dans le cadre de la décentralisation, qui sera l'un des grands projets du Gouvernement, nous n'abordions pas plus généralement les conditions d'exercice des fonctions locales ?
    Est-il normal que nous, parlementaires, ayons les pires difficultés à embaucher des collaborateurs de qualité, compétents, en nombre suffisant pour nous permettre d'exercer notre fonction ?
    Ce sont toutes ces questions qui devraient être posées, dont celle du cumul des mandats, du cumul des fonctions, et régler un tel problème au moment où les Français sont sur la plage, ou partent en vacances, par le biais d'un amendement sénatorial la nuit, comme si on avait honte, ne nous semble pas être la bonne solution.
    Le groupe UDF votera, bien entendu, le collectif, sans états d'âme, car il va dans le bon sens pour l'intérêt du pays, mais, pour l'intérêt de la démocratie, nous proposons au Gouvernement qu'une mission parlementaire associant des députés et des sénateurs soit constituée pour que soient abordées l'ensemble des questions relatives aux conditions d'exercice des fonctions d'élu. Dans ce cadre, nous pourrons examiner sereinement, sans une espèce de honte que nous aurions du mal à dissimuler, les conditions de rémunération des membres du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. René Dosière. C'est le Gouvernement qui a honte ! Il ne prend pas ses responsabilités !
    M. le président. La parole est à M. Didier Migaud.
    M. Didier Migaud. Je me réjouis de votre présence, monsieur le secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement, mais je trouve quelque peu curieux, et je regrette, que ni le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, ni le ministre délégué au budget ne soient présents pour l'adoption définitive du collectif.
    M. Arnaud Lepercq. Cela vous est arrivé souvent !
    M. Jean-Louis Idiart. Jamais ! Pas une fois en cinq ans !
    M. Didier Migaud. Je crois qu'il y a peu de précédents.
    M. François Goulard. On ne voyait jamais Fabius !
    M. Didier Migaud. Mais on voyait au moins Mme Parly !
    M. Lionnel Luca. C'est vrai qu'on y gagnait !
    M. Didier Migaud. Quant à l'excuse qui a été donnée, une réunion interne d'arbitrage pour la prochaine loi de finances, c'est, monsieur le président de l'Assemblée nationale, une marque de mépris vis-à-vis de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Xavier de Roux. Mais non !
    M. François Brottes. C'est une insulte au Parlement !
    M. Didier Migaud. En tout cas, c'est une situation exceptionnelle.
    Il est grave qu'un ministre choisisse d'assister à une réunion de travail au niveau du Gouvernement, au niveau de son administration, plutôt que d'être présent au sein de l'Assemblée nationale. Je ne trouve pas cela normal et je m'étonne que vous trouviez cela normal. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Lionnel Luca. Il ne faut pas avoir grand-chose à dire pour parler cinq minutes là-dessus !
    M. Didier Migaud. Ne vous inquiétez pas, nous avons également des choses à dire sur le fond.
    En ce qui concerne le collectif, nous avons donné un certain nombre de raisons qui ont expliqué notre opposition à ce texte.
    Contrairement à ce qui vous avez dit, nous pensons que ce projet est, en fait, en trompe-l'oeil,...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Comme votre budget !
    M. Didier Migaud. ... nous nous sommes efforcés de le démontrer, truffé d'artifices, de tours de passe-passe grossiers. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Bernard Schreiner. Vous êtes maître en la matière ! Vous saviez faire !
    M. Didier Migaud. Parfois, la vérité peut blesser, je le constate.
    Nous sommes, je tiens à le dire, en total désaccord avec l'analyse qui a été faite.
    M. Yves Bur. Elle vous gêne !
    M. Didier Migaud. Vous avez fait le choix délibéré de noircir le tableau (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), d'augmenter délibérément le niveau de déficit (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), tout simplement, peut-être, pour apparaître comme les sauveurs de la situation budgétaire, l'année prochaine.
    M. Yves Bur. On s'en passerait bien !
    M. Didier Migaud. L'estimation du déficit budgétaire à 46 milliards d'euros est tout à fait surévaluée.
    M. Lionnel Luca. Comme vos recettes !
    M. Didier Migaud. Nous avions eu l'occasion de le chiffrer à 37 milliards d'euros.
    M. Arnaud Lepercq. Prouvez-le !
    M. Didier Migaud. Je le confirme !
    M. Yves Bur. Vous persistez !
    M. Didier Migaud. Oui, nous persistons effectivement...
    M. Yves Bur. Dans l'erreur !
    M. Didier Migaud. ... dans un certain nombre d'analyses.
    Nous avions également déploré l'injustice de votre projet de collectif, avec cette mesure phare qui est, non pas la réduction de l'impôt sur le revenu, déjà contenue dans la loi de finances pour 2002, pour près de 6 milliards d'euros, mais la baisse supplémentaire de 5 %. Et contrairement à ce qui était prévu dans le loi de finances pour 2002, les mesures que vous proposez concernent l'impôt sur le revenu et donc une partie seulement des Français.
    M. Xavier de Roux. C'est très bien !
    M. Didier Migaud. C'est tout à fait anormal. Lorsque nous baissions les impôts, nous nous efforcions de le faire pour la totalité des Français. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. François Goulard. 500 milliards de prélèvements supplémentaires en cinq ans !
    M. Hervé Novelli. Vous avez augmenté les dépenses !
    M. Didier Migaud. Cette mesure est d'autant plus injuste que vous avez refusé d'augmenter le SMIC (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
    M. Arnaud Lepercq. Et, vous, vous avez fait six SMIC !
    M. Didier Migaud. ... mais accepté l'augmentation des cotisations sociales et augmenté l'essence et le fioul domestique. D'une certaine façon, vous reprenez d'une main, mais à tous les Français, ce que vous accordez seulement à une petite partie d'entre eux.
    M. René Dosière. Tout à fait !
    M. Lionnel Luca. Seize millions de foyers, une petite partie !
    M. Didier Migaud. Nous avons eu l'occasion de le dire, 1 % des ménages vont bénéficier de 30 % de la réduction d'impôt et 10 % d'entre eux de 70 %. En revanche, tous les consommateurs, tous les automobilistes vont payer l'augmentation de l'essence et du fioul. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Arnaud Lepercq. Vous savez très bien que ce n'est pas vrai !
    M. Didier Migaud. M. Lambert nous a expliqué que la suppression du dispositif de la TIPP flottante et du bonus fiscal serait sans conséquence sur le prix de l'essence. Il a même dit qu'il veillerait personnellement à ce que le prix des carburants à la pompe n'augmente pas.
    M. René Dosière. Il ne paie pas l'essence, lui !
    M. Didier Migaud. La vérité, c'est qu'il a été démenti - vous me direz qu'il commence à avoir un petit peu l'habitude.
    M. François Brottes. C'est pour cela qu'il ne vient pas !
    M. Didier Migaud. Dans ce Gouvernement, il y a parfois un peu de cacophonie !
    M. Lionnel Luca. Ce n'est pas comme chez vous !
    M. Didier Migaud. Les prix des carburants à la pompe ont augmenté en France depuis le 22 juillet d'environ deux centimes d'euros, à la suite de la suppression de la TIPP flottante et du bonus fiscal,...
    M. Arnaud Lepercq. Ça a baissé de combien depuis les élections ?
    M. Didier Migaud. ... ce qui a été confirmé par l'UFIP, l'Union française des industries pétrolières.
    M. Lionnel Luca. Démagogue !
    M. Patrick Labaune. Mamère est d'accord !
    M. Didier Migaud. Je ne sais si Alain Lambert est allé faire des vérifications sur place.
    M. René Dosière. Il ne paie pas l'essence lui-même !
    M. Didier Migaud. En tout cas, les automobilistes s'en sont aperçus, et la hausse concernera aussi le fioul domestique au moment où nos concitoyens devront payer leur facture, avant l'hiver.
    Augmentent un certain nombre de tarifs publics, France Télécom, SNCF, RATP.
    M. Arnaud Lepercq. Tout ce que vous n'avez pas osé faire !
    M. Lionnel Luca. C'est votre bilan !
    M. Didier Migaud. Le Premier ministre, dans sa bonté, s'apercevant que la coupe était pleine, a souhaité bloquer les augmentations qui pouvaient être prévues par EDF et La Poste.
    M. Lionnel Luca. Celles que vous avez refusées vous-mêmes !
    M. Didier Migaud. Quelle bonté ! Mais cela ne cache ni le reste des augmentations des tarifs publics, ni l'injustice de la politique économique et sociale conduite depuis que vous êtes revenus aux affaires.
    Mme Maryse Joissains-Masini. Deux mois !
    M. Didier Migaud. En outre, cela nous inquiète par rapport aux services publics. Pourquoi avoir accepté une augmentation des tarifs de la SNCF, de la RATP, de France Télécom et avoir dit non à La Poste et à EDF ? Si vous posez la question au Premier ministre, il n'en sait rien ! « Tout d'un coup, comme ça, au feeling, je me suis dit que ça valait mieux. Je navigue en fonction du sentiment que peuvent exprimer les Français. » (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Arnaud Lepercq. N'importe quoi !
    M. Alain Gest. Un peu de pudeur !
    M. Didier Migaud. Et, de fait, on constate effectivement une certaine navigation à vue, qui nous inquiète d'autant plus - et nous aurons l'occasion de le redire - qu'elle cache une politique particulièrement droitière et conservatrice.
    M. Lionnel Luca. C'est votre politique que paient les Français !
    M. Didier Migaud. En ce qui concerne la conjoncture, nous sommes inquiets. Nous le voyons bien à travers les chiffres fournis par les services du ministère de l'économie et des finances, le chômage continue d'augmenter, le moral des ménages s'effrite (« La faute à qui ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française)...
    M. Lionnel Luca. Comment pouvez-vous parler ainsi !
    M. Didier Migaud. Permettez-moi de vous rappeler que le bilan du gouvernement Jospin en matière de lutte contre le chômage, ce sont 900 000 chômeurs de moins. Quand vous en serez là, vous pourrez peut-être parler avec un peu plus de conviction et d'autorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Hervé Novelli. C'est sûrement à cause de ce bilan glorieux que vous avez été battus !
    M. Didier Migaud. En ce qui concerne l'enquête mensuelle de conjoncture auprès des ménages, l'indicateur résumé d'opinion des ménages se replie nettement au mois de juillet et retrouve le niveau atteint en avril dernier. Toutes les soldes d'opinions composant l'indicateur résumé sont défavorablement orientées en juillet. On voit bien, aussi, que la production industrielle stagne, que le PIB américain se ralentit au second trimestre. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Yves Bur. C'est la faute à la droite !
    M. Bernard Schreiner. Et les prévisions que vous aviez faites ?
    M. Lionnel Luca. Vous vous livrez à un exercice lamentable !
    M. Arnaud Lepercq. Ce n'est pas sérieux !
    M. le président. Poursuivez, monsieur Migaud.
    M. Didier Migaud. Ce qui n'est pas sérieux, mes chers collègues, ce sont vos réactions ! Parce que nous savons parfaitement que la conjoncture économique française est également dépendante de l'économie américaine...
    M. Bernard Accoyer. Tout cela, c'est la conséquence du budget que vous avez vous-même élaboré !
    M. le président. Monsieur Accoyer !
    M. Didier Migaud. ... et qu'il ne sert à rien de dire que la croissance l'année prochaine atteindra 3 % alors même que tous les économistes aujourd'hui prétendent le contraire. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Bernard Schreiner. Mais c'est ce que vous disiez lors de la discussion de la dernière loi de finances !
    M. le président. Laissez M. Migaud continuer !
    M. Didier Migaud. La différence, mes chers collègues, c'est que vous avez essayé de nous donner des leçons en disant que nous surestimions les hypothèses de croissance. Or, vous êtes maintenant en train de faire de même (« Quel aveu ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
    M. Yves Bur. Vous êtes un manipulateur !
    M. Didier Migaud. ... puisque la croissance ne sera malheureusement pas au niveau de vos hypothèses.
    M. Philippe Auberger. Elle ne sera pas au niveau des vôtres !
    M. le président. Monsieur Auberger, du calme !
    M. Didier Migaud. Un mot sur un sujet qui vient d'être évoqué par le rapporteur général et par un certain nombre d'orateurs, je veux parler de la rémunération des ministres. (« Charasse ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Il faut avoir l'honnêteté de dire, monsieur le rapporteur général, que M. Charasse a retiré son amendement, que celui-ci a été repris par la commission des finances du Sénat...
    M. Arnaud Lepercq. Il est malin, monsieur Charasse !
    M. Jean-Pierre Brard. Ce n'est pas la première fois qu'il se trompe !
    M. Didier Migaud. ... et que c'est l'amendement de la commission des finances du Sénat qui a été adopté.
    M. Hervé Novelli. Ça change tout !
    M. Didier Migaud. Puis nous avons examiné en commission paritaire une proposition qui a été faite par le rapporteur général.
    Mme Maryse Joissains-Masini. C'est lamentable !
    M. Didier Migaud. Ce qui est lamentable, madame, ce n'est pas du tout l'attitude que nous avons sur ce sujet...
    M. Robert Lamy. C'est votre amnésie !
    M. Didier Migaud. Pas du tout ! Nous pensons, et cela a été dit par de nombreux responsables du Parti socialiste, que les ministres doivent être payés en fonction du niveau de responsabilités qui est le leur.
    M. Hervé Novelli. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
    M. Didier Migaud. Il est tout à fait légitime qu'un ministre soit payé davantage que des fonctionnaires qui sont sous son autorité.
    M. Jean-Pierre Brard. Selon leur mérite, ce serait mieux !
    M. Didier Migaud. Cela ne me choque pas...
    M. Lionnel Luca. Ah ! Quand même !
    M. Didier Migaud. ... et cela doit être parfaitement assumé devant l'opinion publique.
    M. François Goulard. Dites-le à Jack Lang !
    M. Arnaud Lepercq. Mais vous ne l'avez pas assumé !
    M. Didier Migaud. Mais je l'assume tout à fait ! Celui qui ne l'assume pas, c'est le Premier ministre !
    M. Jérôme Lambert. Il a honte, Raffarin !
    M. Didier Migaud. Il est tout à fait légitime que l'ensemble des élus, et je partage ce qui a été dit par Hervé Morin, soient à l'abri de la dépendance et soient payés en toute transparence. Nous avons d'ailleurs beaucoup contribué à cette transparence.
    M. Lionnel Luca. A moitié !
    M. Didier Migaud. Il faut qu'ils soient indépendants, ce qui implique un certain niveau de rémunération. Cela dit, je trouve que le Gouvernement a une attitude extrêmement choquante et profondément hypocrite...
    M. René Dosière. Tout à fait !
    M. Lionnel Luca. Moins que la vôtre !
    M. Didier Migaud. ... et je regrette que le Premier ministre, alors même que chacun peut reconnaître en privé que la question est posée, au lieu d'assumer, au lieu de prendre aussi cette responsabilité, déclare tout simplement : c'est clair, net et précis, l'action gouvernementale n'a pas pour ambition d'augmenter le salaire des ministres.
    M. Jérôme Lambert. Il ferait bien de venir s'expliquer !
    M. Didier Migaud. Et si le Premier ministre n'est pas hypocrite, j'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous allez nous proposer un amendement de suppression, pour faire en sorte que la proposition d'Hervé Morin soit retenue, c'est-à-dire que nous puissions examiner plus tard, en toute sérénité...
    M. Arnaud Lepercq. Le Parlement est souverain !
    M. Didier Migaud. Le Parlement, mon cher collègue, n'est pas là pour assumer ce que le Gouvernement ne veut pas assumer. Dans cette affaire, voyez-vous, c'est la forme, plus que le fond, qui est particulièrement choquante. La qualité d'un Premier ministre se mesure aussi à son courage. Il ne suffit pas de se dire le représentant de la France d'en bas, de se prétendre humble pour l'être.
    M. Alain Gest. Il vaut mieux être humble que naïf !
    M. Didier Migaud. Etre Premier ministre, cela nécessite un peu de courage vis-à-vis de l'opinion publique.
    M. Lionnel Luca. Que n'en avez-vous fait preuve quand vous étiez au pouvoir ?
    M. Didier Migaud. Or, je considère, avec mes collègues du groupe socialiste, que ce qui caractérise l'action du gouvernement Raffarin depuis, maintenant presque cent jours,...
    M. Jean-Pierre Brard. Attention, les Cent-Jours, ça a mal fini !
    M. Didier Migaud. ... c'est beaucoup de comédie, beaucoup de communication (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle),...
    M. Arnaud Lepercq. Ce n'est pas l'avis des Français !
    M. le président. Monsieur Lepercq, s'il vous plaît !
    M. Didier Migaud. ... une fausse humilité, un manque de courage, une belle hypocrisie,...
    M. Jean-Pierre Brard. Waterloo, c'est pour bientôt !
    M. Didier Migaud. ... et une navigation à vue d'autant plus inquiétante qu'elle cache une politique très orientée et très droitière.
    C'est pour ces raisons que nous renouvelons notre opposition à ce projet de collectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Claude Lenoir. Tartuffe !
    M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur.
    M. Jean-Pierre Brard. Le porte-parole des godillots !
    M. Marc Laffineur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon prédécesseur à cette tribune a parlé d'un collectif en trompe-l'oeil. Il faut dire qu'il s'y connaît !
    M. Jean-Marc Nudant. Oh oui !
    M. Marc Laffineur. Car s'il est un budget qui mérite d'être qualifié ainsi, c'est bien le budget 2002 : des dépenses non financées, des recettes surestimées et un déficit affiché inférieur - selon un audit réalisé par les mêmes auteurs que celui commandé par M. Jospin en 1997 - de 50 % à celui que nous trouvons.
    M. Lionnel Luca. Eh oui ! De 50 % !
    M. François Brottes. Pourquoi baissez-vous les impôts, alors ?
    M. Marc Laffineur. Vous avez parlé, monsieur Migaud, de tour de passe-passe. Là aussi, vous êtes experts en la matière ! (« Ça oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Car, enfin, comment avez-vous financé les 35 heures, sinon en réalisant un hold-up sur les finances de la sécurité sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Vous nous avez parlé de croissance. Oui, celle que vous prévoyiez dans le budget 2002 était de 2,5 %...
    M. Bernard Schreiner. Tout à fait !
    M. Marc Laffineur. ... alors que nous avions dit, à cette tribune, qu'une telle hypothèse était irréaliste. Alors, vous n'avez vraiment pas de leçons à nous donner !
    M. Jérôme Lambert. Et vous dites quoi, aujourd'hui, sur la croissance ?
    M. Marc Laffineur. Nous examinons aujourd'hui ce collectif budgétaire et, bien entendu, l'UMP le votera. Je ne reviendrai pas sur la situation qu'a révélée l'audit,...
    M. Patrick Delnatte. Ça fait trop mal !
    M. Marc Laffineur. ... mais je souligne quand même que nous tenons nos promesses en dépit d'un héritage budgétaire particulièrement lourd.
    M. Jacques Pélissard. Calamiteux !
    M. Marc Laffineur. En baissant tout de suite l'impôt sans attendre le retour de la croissance,...
    M. François Brottes. Et le prix de l'essence, vous le baissez aussi ?
    M. Marc Laffineur. ... nous faisons un acte de confiance envers nos concitoyens. En leur redonnant une part plus importante de revenu disponible, le Gouvernement marque une rupture. Il fait en sorte que le travail soit mieux valorisé.
    Le deuxième but de cette diminution d'impôt est d'enrayer la fuite de nos jeunes talents vers des pays plus attrayants en termes de revenus.
    Nos collègues sénateurs ont par ailleurs enrichi le texte de deux dispositions sur lesquelles je souhaite dire un mot.
    D'abord, l'arrêt de la perception de la redevance cynégétique sur le gibier d'eau,...
    M. Hervé Novelli. Très bien !
    M. Marc Laffineur. ... qui doit être salué. Cet article 13 nouveau constitue également un préalable à une véritable politique équilibrée de la chasse, qui va être mise en oeuvre par Mme Roselyne Bachelot et qui tiendra compte à la fois du souci de préservation des espèces et du respect d'une tradition qui remonte à la Révolution française.
    M. Alain Gest. Absolument !
    M. Marc Laffineur. J'en viens maintenant à la rémunération des ministres (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste),...
    M. François Brottes. C'est essentiel !
    M. Marc Laffineur. ... qui constitue l'autre innovation majeure apportée par les sénateurs, à l'initiative de Michel Charasse. Cette question ne faisait pas partie des priorités du Gouvernement, mais je salue une initiative parlementaire qui va dans le bon sens, puisqu'elle constitue une suite logique de la réforme des fonds spéciaux et qu'elle accroît la transparence. Il était temps, je crois, de moraliser la vie politique.
    Et en parlant d'hypocrisie, monsieur Migaud, les déclarations récentes d'un ancien ministre de l'éducation nationale ne manquent pas de sel...
    M. Robert Lamy. Ça oui !
    M. Marc Laffineur. ... lorsque l'on sait qu'il était un ministre dont le moins que l'on puisse dire est que la transparence dans la gestion de ses fonds spéciaux n'était pas la principale vertu ! (« C'était scandaleux ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Claude Goasguen. Il paraît qu'on peut le rencontrer place des Vosges !
    Un député du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Il était, paraît-il, le plus gourmand !
    M. Marc Laffineur. Si nos collègues sénateurs ont, dans un premier temps, aligné la rémunération des ministres sur celle des parlementaires, il nous a semblé finalement préférable de faire référence au traitement des fonctionnaires classés dans la catégorie hors échelle. En distinguant clairement le traitement brut mensuel de l'indemnité de résidence et de l'indemnité de fonction, nous aboutissons à un dispositif qui présente plusieurs avantages.
    Tout d'abord, ce système permet de maintenir une nette séparation entre l'exécutif et le législatif. Il est plus logique que la rémunération du ministre soit basée sur les critères de rémunération de l'administration qu'il dirige. J'ajoute également que cette mesure présente un moindre coût pour le contribuable que les anciennes pratiques liées à l'existence des fonds spéciaux.
    M. Laurent Hénart. Eh oui, c'est mieux !
    M. René Dosière. Le problème n'est pas là !
    M. Marc Laffineur. Il s'agit donc d'un dispositif qui moralise les pratiques dans la transparence, et qui permettra un meilleur contrôle.
    J'ajoute enfin que, lorsqu'on regarde le niveau des rémunérations ministérielles chez nos voisins européens, on constate que les ministres de la République française sont loin d'être les plus favorisés. Je pense que le Parlement est dans son rôle en réglant définitivement cette question en toute transparence.
    M. Jérôme Lambert. Vous ne croyez pas qu'il y a d'autres problèmes plus urgents ?
    M. Marc Laffineur. Et bien entendu le groupe de l'UMP votera ce collectif budgétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La discussion générale est close.

Texte de la commission mixte paritaire

    M. le président. Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :

« PREMIÈRE PARTIE
« CONDITIONS GÉNÉRALES
DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER
« DEUXIÈME PARTIE
« MOYENS DES SERVICES
ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
« TITRE IER
« DISPOSITIONS APPLICABLES À L'ANNÉE 2002

« I. - OPÉRATIONS À CARACTÈRE DÉFINITIF
« A. - Budget général
« B. - Budgets annexes
« II. - AUTRES DISPOSITIONS
TITRE II
« DISPOSITIONS PERMANENTES

    « Art. 10. - I. - L'article 81 de la loi de finances rectificative pour 2001 (n° 2001-1276 du 28 décembre 2001) est complété par un VI ainsi rédigé :
    « VI. - A compter du 30 septembre 2002, tout ouvrage de transport appartenant à l'Etat destiné à relever du régime de la distribution publique de gaz sera, après déclassement, transféré en pleine propriété à titre gratuit à l'autorité concédante concernée. »
    « II. - Les transferts de biens effectués en application des II, III et VI de l'article 81 de la loi de finances rectificative pour 2001 (n° 2001-1276 du 28 décembre 2001) sont exonérés des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et des salaires des conservateurs des hypothèques prévus à l'article 879 du code général des impôts. »
    « Art. 12. - La commission des comptes des transports de la Nation remet un rapport annuel au Gouvernement et au Parlement retraçant et analysant l'ensemble des flux économiques, budgétaires et financiers attachés au secteur des transports.
    « Ce rapport annuel :
    « - récapitule les résultats socio-économiques du secteur des transports en France, en termes notamment de production de richesse et d'emplois ;
    « - retrace l'ensemble des contributions financières, fiscales et budgétaires versées aux collectivités publiques par les opérateurs et usagers des transports ;
    « - retrace l'ensemble des financements publics en faveur des opérateurs et usagers des transports en distinguant clairement les dépenses consacrées au fonctionnement du secteur des transports de celles consacrées à l'investissement ;
    « - met en valeur les résultats obtenus par rapport aux moyens financiers publics engagés ;
    « - récapitule la valeur patrimoniale des infrastructures publiques de transport en France. »
    « Art. 13. - La redevance cynégétique "gibier d'eau, instituée par l'article R. 223-26 du code rural, n'est plus perçue à compter du 1er juillet 2003. »
    « Art. 14. - I. - Les membres du Gouvernement reçoivent un traitement brut mensuel calculé par référence au traitement des fonctionnaires occupant les emplois de l'Etat classés dans la catégorie dite "hors échelle. Il est au plus égal au double de la moyenne du traitement le plus bas et du traitement le plus élevé de cette catégorie.
    « Ce traitement est complété par une indemnité de résidence égale à 3 % de son montant et par une indemnité de fonction égale à 25 % de la somme du traitement brut et de l'indemnité de résidence.
    « Le traitement brut mensuel, l'indemnité de résidence et l'indemnité de fonction du Premier ministre sont égaux aux montants les plus élevés définis aux deux alinéas ci-dessus majorés de 50 %.
    « Le traitement brut mensuel et l'indemnité de résidence sont soumis aux cotisations sociales obligatoires et imposables à l'impôt sur le revenu suivant les règles appli cables aux traitements et salaires.
    « II. - L'indemnité prévue à l'article 5 de l'ordonnance 58-1099 du 17 novembre 1958 portant loi organique pour l'application de l'article 23 de la Constitution est égale au total du traitement brut, de l'indemnité de résidence et de l'indemnité de fonction définis au I du présent article. La part de cette indemnité égale à la somme du traitement brut mensuel et de l'indemnité de résidence est soumise aux cotisations sociales obligatoires et imposable à l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et salaires.
    « III. - Les dispositions du présent article sont applicables à compter du 8 mai 2002. »

ÉTAT A
Tableau des voies
et moyens applicables au budget de 2002
ÉTAT B
Répartition, par titre et par ministère,
des crédits ouverts
au titre des dépenses ordinaires des services civils
ÉTAT C
Répartition, par titre et par ministère, des autorisations
de programme et des crédits de paiement ouverts

au titre des dépenses en capital des services civils
    La parole est à M. le président de la commission mixte paritaire.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le collectif : nous le soutenons, et nous avons dit au Gouvernement ce que nous souhaitions pour 2003. Et à M. Migaud, je dis clairement que M. Fillon a rappelé à plusieurs reprises qu'il avait besoin de temps et de dialogue social pour faire en sorte que la priorité de revalorisation des SMIC soit engagée.
    M. Lionnel Luca. Eh oui !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission mixte paritaire. C'est donc une réponse à toutes les critiques que l'on entend parfois, selon lesquelles le Gouvernement se préoccuperait moins des uns que des autres.
    Deuxièmement, sur un sujet aussi sensible pour l'opinion publique que l'article 14 concernant la rémunération des ministres,...
    M. Jérôme Lambert. Pour ça, les choses vont plus vite que pour le SMIC !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission mixte paritaire. ... je dirais que notre devoir est de l'affronter sans hypocrisie...
    M. Didier Migaud. Nous sommes d'accord. Vous vous adressez à M. Raffarin en disant cela ?
    M. Lionnel Luca. Vous n'avez rien fait, vous !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission mixte paritaire. ... dans un souci de transparence, de vérité et d'objectivité. Et pour ma part, chers collègues, je me limiterai à trois réflexions, qui sont autant de réponses aux interrogations légitimes de nos compatriotes.
    L'amendement adopté en commission mixte paritaire à l'initiative de Gilles Carrez, fixe un plafond de rémunération. Je dis bien un plafond : « au plus égale. » Le Gouvernement a donc la possibilité, monsieur le secrétaire d'Etat, de maintenir le statu quo en ne changeant rien au niveau actuel de rémunération des ministres, ou de l'adapter en fonction de leurs responsabilités, celles-ci pouvant être différentes.
    M. Jean-Pierre Brard. Ou en fonction du mérite, ce serait mieux !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission mixte paritaire. A mon collègue et ami Hervé Morin, je dis qu'il est normal que le Parlement assume pleinement ses responsabilités en fixant en plein jour, en pleine transparence, par la loi, un plafond, c'est-à-dire des limites à l'intérieur desquelles l'exécutif peut régler le niveau de rémunération des ministres, rémunérations dont je rappelle que, contrairement au passé, elles sont désormais fiscalisables et ne dépassent pas la rémunération moyenne des hauts fonctionnaires.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Très bien !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission mixte paritaire. Quant à la question - posée en termes médiatiques - de savoir s'il s'agit d'une augmentation des indemnités des ministres, il m'est impossible d'y répondre. Pourquoi ? Parce que, comme l'a dit tout à l'heure notre collègue Laffineur, personne ne connaît l'utilisation passée des fonds spéciaux.
    M. René Dosière. Pour quelqu'un qui a été maire de Paris, on la connaît. Ce sont, par exemple, des voyages privés en avion !
    M. François Brottes. Vous attaquez Chirac, monsieur le président de la commission !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission mixte paritaire. Je ne commettrai pas d'erreur en disant que par rapport au passé de ces dernières années, pour certains ministres, ce sera une baisse de revenu.
    Mme Maryse Joissains-Masini. Tout à fait !
    M. Jacques Myard. On va tout savoir !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission mixte paritaire. Quant à ceux qui se sont exprimés publiquement dans la presse au cours des derniers jours, je voudrais qu'ils soient aussi soucieux de faire toute la vérité sur l'utilisation personnelle qu'ils ont pu faire des fonds spéciaux dans le passé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Enfin, dernière question, la plus importante pour la commission des finances et pour les contribuables : cette mesure conduit-elle à une aggravation des dépenses publiques ou au contraire à une économie ? Au regard de la suppression de 30 millions d'euros dans les comptes spéciaux, c'est une mesure d'économie de dépenses publiques, qui correspond au souci que nous avons de protéger les contribuables.
    M. François Goulard et M. Hervé Novelli. Très bien !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission mixte paritaire. C'est la raison pour laquelle je dis que l'honneur du Parlement était d'assumer ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
    M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, quelques mots à mon tour pour apporter quelques éléments de réponse aux différents auteurs.
    Monsieur Vaxès, je n'ai naturellement pas prévu de rouvrir le débat que nous avons eu durant ces derniers jours à l'occasion de l'examen du collectif budgétaire. Mais, au-delà des chiffres, que vous avez sans doute imaginés, pour partie, parce que je ne les lis pas dans les documents statistiques, je voudrais rappeler que nous avons, nous, dit à plusieurs reprises notre conviction que la baisse de l'impôt sur le revenu aurait un effet positif sur le pouvoir d'achat, sur la consommation des ménages et donc sur l'activité économique. Ce choix-là est un choix délibéré, qui repose sur des réflexions nombreuses que nous avons eues lorsque nous étions dans l'opposition. Et nous avons unanimement, au sein de notre famille politique, considéré qu'il s'agissait là d'une priorité majeure pour notre pays.
    M. Laurent Hénart. Tout à fait !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Sur ce point, il faut arrêter, monsieur Vaxès, d'opposer les Français les uns aux autres.
    M. Lionnel Luca. Très bien !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Nous sommes de ceux qui considèrent qu'il nous faut aujourd'hui clairement promouvoir des valeurs qui pendant des années ont été foulées au pied : le travail, l'esprit de responsabilité, l'effort. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Une bonne fois pour toutes, il faut se débarrasser de tout complexe et de toute hésitation, car ce sont aussi ces valeurs qui font la cohésion nationale.
    Enfin, en ce qui concerne le choix que nous aurons fait, dès cet été, de la baisse de l'impôt sur le revenu, il s'agit tout simplement d'un engagement que nous avons pris devant les Français pendant la période électorale. Ils ont voté en connaissance de cause et nous avons tenu cet engagement.
    M. René Dosière. L'augmentation du prix de l'essence, c'était aussi un engagement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. En ce qui concerne le reste des propositions fiscales que vous avez évoquées, nous aurons bien entendu d'autres occasions d'ouvrir ce débat de la réforme fiscale. En tout état de cause, sachez-le, pour ce qui nous concerne le choix est clair : la baisse des impôts et des charges sociales sera l'une des grandes priorités de cette législature. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Monsieur Morin, vous avez évoqué de nombreux sujets et je ne peux pas forcément répondre à tout. Mais, en tout état de cause, j'ai pris bonne note de l'hommage que vous avez bien voulu rendre à l'action que le Gouvernement a commencé de conduire dans le domaine économique et social, et j'y suis très sensible. Sur ce point, j'ai bien noté que votre groupe allait voter le collectif budgétaire et, parce que les temps sont toujours difficiles, je veux vous dire qu'il n'y a pas de petites satisfactions. Je vous en remercie donc.
    M. Jean Le Garrec. Ça, c'est vachard !
    M. Jean-Louis Idiart. C'est mesquin !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Monsieur Migaud, vous m'avez fait un peu de peine...
    M. Jean-Pierre Brard. Il ne faut pas être aussi susceptible !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. ... en soulignant que vous regrettiez l'absence du ministre de l'économie et des finances. Je veux tout de même vous rappeler, à vous qui êtes expert de la conduite des procédures budgétaires, combien est lourde pour le ministre de l'économie et des finances cette période de préparation budgétaire, d'autant que les délais sont très courts et que nous tenons évidemment à les tenir pour le mois de septembre.
    J'aurais aimé que vous passiez autant de temps à dire, par courtoisie républicaine - et je sais que c'est une qualité qui vous est reconnue - que vous étiez au moins satisfait de me voir sur les bancs du Gouvernement. (Sourires.)
    M. Didier Migaud. Il en fallait au moins un !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. S'agissant de la baisse de l'impôt sur le revenu, je ne rouvrirai pas le débat et me bornerai à rappeler que le texte en examen est un collectif et non un budget initial. Nous aurons d'autres occasions, notamment cet automne lors de la discussion de la loi de finances initiale pour 2003, d'évoquer cette question.
    Je ne peux pas vous laisser dire, comme vous l'avez fait, monsieur Migaud, que nos pratiques sont comparables à celles du passé. Je voudrais tout de même vous rappeler que le précédent ministre de l'économie et des finances, Laurent Fabius, était devenu expert dans cet art pourtant difficile qui consiste, d'un côté, à faire exploser les dépenses publiques, à surestimer les recettes fiscales sur la base d'hypothèses de croissance largement factices et, de l'autre, à donner avec une grande constance des leçons de morale et de bonne gestion à l'ancienne opposition.
    M. Claude Goasguen. Très juste !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Dans ces conditions, vous comprendrez que je ne puisse pas vous dire que je suis d'accord avec vous sur ce qui relève tout de même un peu, il faut bien le reconnaître, d'un procès d'intention.
    M. Didier Migaud. Nous aurons d'autres rendez-vous !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. La TIPP a été l'objet d'une discussion à l'Assemblée comme au Sénat. Nous avons recueilli certaines informations, et il est bon que, en ce domaine, la vérité soit connue. Nous nous sommes demandé quelle avait été l'incidence de la suppression du mécanisme de la TIPP flottante pour le consommateur. Les premiers résultats montrent qu'elle a, en moyenne, été comprise entre 1,5 et 1,7 centime d'euro par litre de carburant. Par rapport au prix du 24 avril 2002, les consommateurs continuent aujourd'hui à bénéficier d'une baisse...
    M. Lionnel Luca. Eh oui !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. ... comprise entre 1 centime d'euro pour le gazole et 2 centimes d'euro pour le super sans plomb 98. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Lionnel Luca. C'est toujours moins cher qu'à l'époque où la gauche était au pouvoir !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Les chiffres sont incontestables, et je sais que vous nous aiderez à faire passer cette bonne nouvelle auprès des consommateurs. Malgré la suppression du stabilisateur et du bonus, le prix des carburants demeure moins élevé qu'en avril dernier.
    M. Didier Migaud. Vous avez augmenté la fiscalité !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Enfin, en ce qui concerne la rémunération des ministres, monsieur Migaud, je regrette votre agressivité.
    M. Jacques Myard. M. Migaud n'aime pas Charasse !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Vous parliez de courage politique. Pardonnez-moi de vous dire qu'il s'agit d'un terrain un peu glissant. Ne m'obligez pas à rappeler les nombreux rendez-vous qui ont été manqués durant les cinq dernières années, faute, justement, de suffisamment de courage politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. René Dosière. C'est facile et inexact !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Monsieur Laffineur, je tiens à vous remercier d'avoir rendu hommage au Gouvernement pour avoir tenu les promesses qui avaient été faites. Comme vous l'avez rappelé, nous voulons conduire une politique économique et sociale qui soit en rupture avec celle qui a été menée précédemment : elle est fondée sur d'autres valeurs, mais certainement pas sur des idéologies, car nous sommes très attentifs à être réactifs à l'évolution de l'économie, mais aussi fidèles à la philosophie que vous avez rappelée, celle qui consiste à libérer les énergies.
    Vous avez évoqué la suppression de la taxe sur le gibier d'eau. Je tiens à préciser que vous avez été un artisan décisif dans le règlement de cette affaire, sur laquelle s'est penchée Roselyne Bachelot : en proposant, avec d'autres, la suppression de cette taxe, vous avez souligné combien notre système fiscal était complexe et qu'il était parfois opportun de le simplifier. (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Alain Gest. C'était indispensable !
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Monsieur le président de la commission des finances, vous avez rappelé l'exigence de transparence et de rigueur qui vous a animé dans l'élaboration de l'amendement sur la rémunération des ministres. Vous savez que le Gouvernement la partage pleinement.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je voudrais, en conclusion, dire de nouveau la détermination totale du Gouvernement à tenir ses engagements. Ce collectif budgétaire correspond à une première étape dans ce domaine. Je vous remercie de l'approuver, et ainsi de nous permettre d'aller plus avant encore dans le respect des engagements que le Président de la République veut tenir devant les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)

Explications de vote

    M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe communiste et pour cinq minutes. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mes chers collègues, il s'agit de l'application de l'article 54, alinéa 3, de notre règlement.
    M. Hervé Novelli. Il faut supprimer cet article !
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, soyez plein de mansuétude avec nos nouveaux collègues qui ne connaissent pas notre règlement. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Monsieur le secrétaire d'Etat, je trouve que Didier Migaud a été un peu sévère avec vous et je vais vous expliquer pourquoi.
    M. Jacques Myard. Ça commence mal !
    M. Jean-Pierre Brard. Vous avez parlé du temps où vous étiez dans l'opposition. Et il est vrai que vous en avez été l'un des idéologues. Vous êtes en particulier l'un des trois rédacteurs du fameux texte Alternance 2002, que beaucoup d'ailleurs d'entre vous n'ont pas lu. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement. Il s'agit de « La Société de confiance » !
    M. Jean-Pierre Brard. Si j'interrogeais certains d'entre vous, je pense qu'il y aurait des surprises.
    M. Lionnel Luca. Nous sommes à l'Assemblée ou à la Sorbonne ?
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes membre de plein exercice du Gouvernement et vous avez un titre, mais il ne faut pas se fier aux titres pour mesurer l'influence et l'importance des personnes. Je dis cela, non pour vous flattez, mais pour vous situer et pour préciser que vous jouez un rôle dans le choix des options perverses que le Gouvernement retient.
    M. Lionnel Luca. Finalement, M. Brard se prend au sérieux !
    M. Jean-Pierre Brard. Vous avez voulu jouer sur l'héritage, mais mettez-vous d'accord entre vous. M. Jean-Louis Borloo a dit à propos de l'audit qu'« il n'y a pas de quoi fouetter un chat » et M. Francis Mer nous a indiqué en commission de finances qu'il n'avait pas constaté de retournement de la conjoncture. Je sais que c'est toujours de bonne guerre de parler de l'héritage (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française), mais tenons-nous-en à l'essentiel.
    Rappelez-vous l'héritage que M. Balladur a laisssé à M. Juppé et ayez une petite pensée émue pour les difficultés que ce dernier a rencontrées par la suite.
    M. Georges Colombier. C'était l'héritage de Bérégovoy !
    M. Jean-Pierre Brard. Je ne reviendrai pas sur ce qu'a dit mon ami Michel Vaxès, car vous imaginez bien que j'adhère à ses propos.
    Quand vous nous dites, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous êtes là pour promouvoir certaines valeurs, pour promouvoir l'esprit de responsabilité et l'effort, et qu'il ne faut pas opposer les Français les uns aux autres,...
    M. Xavier de Roux. M. Copé a raison !
    M. Jean-Pierre Brard. ... vous omettez de signaler que vous voulez en fait rétablir l'alliance du grand capital avec ceux qu'il exploite. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Or il y a des intérêts contradictoires dans notre société, que vous le vouliez ou non ! Vous, en baissant les impôts, vous avez fait le choix de beurrer une deuxième fois la tartine de ceux qui font déjà du cholestérol ! (Rires.)
    M. Lionnel Luca. Il y a le bon et le mauvais cholestérol !
    M. Jean-Pierre Brard. Il a été question de l'augmentation des rémunérations des ministres. Pour ma part, je ne trouve pas choquant qu'on fasse la transparence sur les rémunérations du personnel politique. Ce serait une bonne chose, mais nous ne sommes pas encore au bout du chemin ! Il suffit pour s'en convaincre de penser à l'exercice un peu alambiqué auquel s'est livré Hervé Morin, en ayant recours à des formules absolument étranges quand il évoquait la tentation dont nous devions nous préserver ; j'ai même pensé qu'il allait nous réciter le Notre Père.
    Pourquoi les Français ont-ils un rapport compliqué à l'argent dès lors qu'il s'agit de politique ? Nous payons tous les turpitudes de certains, qui, il faut le dire clairement, ont occupé de hautes responsabilités. (« Hue ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Quelques députés du groupe de l'Union pour la démocratie française. Des noms !
    M. Jean-Pierre Brard. Des noms ? Vous ne m'obligerez pas à être désagréable, je pense que ce n'est pas le lieu.
    En tout cas, c'est parce que vous n'avez pas fait le ménage correctement que nous sommes toujours face à cette difficulté.
    M. Jean-Claude Lenoir. Mais qui a été au pouvoir ces cinq dernières années ?
    M. Jean-Pierre Brard. Il faut établir la transparence totale sur l'ensemble des revenus du personnel politique et de leurs familles, pour que les Français puissent croire à son honnêteté.
    M. Lionnel Luca. Les 200 familles ?
    M. Jean-Pierre Brard. A votre place, mes chers collègues - je ne parle pas de vous personnellement, mais de certains qui ont siégé ici ou qui siègent encore -, je ferai preuve de discrétion sur ce sujet.
    Ce qui est choquant, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est que vous vous abritiez derrière l'amendement malicieux de M. Charasse. Pourquoi malicieux ? Parce qu'il l'a déposé, puis retiré par la suite,...
    M. Arnaud Lepercq. C'est un malin !
    M. Jean-Pierre Brard. ... ce qui, évidemment, vous a laissé en état d'« apesanteur ». En effet, au lieu de vous retrouver en situation d'assumer clairement une disposition qui, en soi, va vers plus de transparence, vous vous êtes trouvé en état d'« apesanteur ».
    M. le président. Monsieur Brard, selon l'article 54, alinéa 3, que vous n'ignorez pas, vous avez droit à cinq minutes pour expliquer le vote de votre groupe. Comme vous avez déjà dépassé votre temps de parole, je vous demande de conclure.
    M. Jean-Pierre Brard. Mais j'ai été interrompu, monsieur le président.
    M. Jean-Pierre Brard. Ce qui est choquant, c'est de prendre de telles dispositions, alors que vous avez refusé le coup de pouce au SMIC. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Vous protestez, monsieur Goasguen, mais vous, vous ne vivez pas avec le SMIC et vous ne pouvez pas savoir ce que c'est ! (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)
    D'autant que les électeurs de votre arrondissement ne sont pas en majorité des smicards.
    M. le président. Monsieur Brard, je vous prie de conclure.
    M. Jean-Pierre Brard. Ce qui est choquant, c'est que vous opposez les Français les uns aux autres en réservant les dispositions favorables aux riches et en ne donnant rien aux autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Idiart, pour cinq minutes.
    Un député du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Encore !
    M. Jean-Louis Idiart. J'entends l'un de nos collègues dire : « Encore ! ». Mais pour que la démocratie vive, ce n'est jamais suffisant !
    M. Xavier de Roux. Ils ne sont pas nombreux, mais ils causent beaucoup !
    M. le président. Je vous en prie.
    M. Jean-Louis Idiart. Est-il possible de s'exprimer ?
    Elus voilà quelques semaines, nous avons entendu ce que notre peuple nous a dit aux uns et aux autres.
    M. Hervé Novelli. Surtout à vous !
    M. Jean-Louis Idiart. Et, aujourd'hui, nous ne devrions pas nous livrer au jeu un peu traditionnel auquel nous nous laissons aller d'habitude. Certes, vous êtes majoritaires, et nous, nous sommes minoritaires,...
    M. François Goulard. C'est vrai !
    M. Jean-Louis Idiart. ... mais, demain, nous pouvons être sanctionnés encore plus fortement et collectivement, comme nous l'avons été un mois plus tôt.
    M. Claude Goasguen. A qui la faute ?
    M. Jean-Louis Idiart. Nous devons apprendre à nous parler franchement, clairement, et cesser un certain nombre de jeux s'accompagnant de quelques petites hypocrisies.
    M. Lionnel Luca. Elles ont duré pendant cinq ans !
    M. Jean-Louis Idiart. Nous sommes réunis ce jour pour discuter du collectif. En première lecture, nous avons marqué notre désaccord sur ce texte, car nous ne jugions pas judicieux, dans la mesure où vous nous indiquiez que la situation financière de notre pays était délicate, de diminuer un certain nombre de recettes, tout en baissant l'impôt sur le revenu, mesure qui avait déjà été prise dans la loi de finances initiale.
    Nous avons en effet baissé l'impôt sur le revenu, mais dans des conditions différentes de celles que vous avez choisi de retenir. Aujourd'hui, vous ajoutez un petit supplément, et il est vrai que, lorsqu'ils recevront leur feuille d'imposition, les Français diront : « Ils l'avaient promis et ils l'ont fait ! »
    M. Hervé Novelli. Ça change d'avant !
    M. Jean-Louis Idiart. C'est certes astucieux en termes de communication, mais ce n'est pas juste.
    Si vous aviez voulu véritablement faire preuve de rigueur pour rétablir les comptes de la nation, vous n'auriez pas dû diminuer les recettes, comme vous venez de le faire.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous avez parlé de la défense de certaines valeurs, comme celle que représente le travail. Mais nous défendons tous une telle valeur !
    Mme Maryse Joissains-Masini. Non, pas vous !
    M. Jean-Louis Idiart. Elle n'appartient ni aux uns ni aux autres,...
    M. Lionnel Luca. Vous n'avez défendu que la bourse !
    M. Jean-Louis Idiart. ... et nous avons le devoir de la défendre ensemble.
    Il est particulièrement grave de vous entendre récupérer à votre seul profit la défense d'un certain nombre de valeurs qui sont communes à tous.
    S'agissant de la rémunération des ministres, il est vrai qu'aborder le sujet sous un seul angle n'était peut-être pas la meilleure façon de le faire. Mais, pour notre part, nous sommes très clairs : nous pensons qu'il faut parler franchement aux Français et qu'il est normal que des ministres soient mieux rémunérés que leurs collaborateurs ou qu'ils le soient aussi bien que certains hauts fonctionnaires de notre pays. En quoi cela serait-il scandaleux ?
    Cessons de nous draper dans le voile d'une pseudo-vertu. Ou plutôt, cessons de nous cacher derrière celui-ci. Depuis une quarantaine d'années, le financement de la vie politique, la relation entre l'argent et la vie publique est un sujet tabou dans ce pays. Mais oui, il faut de l'argent pour que la vie publique puisse fonctionner convenablement !
    M. Lionnel Luca. Que ne l'avez-vous fait !
    M. Jean-Louis Idiart. Il serait temps d'en parler franchement et en toute clarté.
    M. Lionnel Luca. C'est ce que vous n'avez pas fait !
    M. Jean-Louis Idiart. La décision qui a été prise en la matière découlait d'une initiative parlementaire, paraît-il.
    M. Claude Goasguen. L'amendement Charasse !
    M. Jean-Louis Idiart. Mais il aurait été tout de même plus correct,...
    M. Jérôme Lambert. Plus honnête !
    M. Jean-Louis Idiart. ... plus transparent, que le Premier ministre dise que cette décision allait « dans le bon sens ».
    M. Robert Lamy. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
    M. Lionnel Luca. Pourquoi Mme Parly ne l'a-t-elle pas fait ?
    M. Jean-Louis Idiart. Nous ne l'avons pas fait, et vous considérez que c'était une erreur. Ce n'est donc pas une raison pour persévérer !
    M. Lionnel Luca. En tout cas, nous, nous le faisons aujourd'hui !
    M. Jean-Louis Idiart. Nous avons pu lire dans la presse que le chef de l'Etat s'est ému qu'une telle décision puisse être prise. Franchement, ce n'est pas très correct.
    Puisque nous sommes tous d'accord, ayons le courage de le dire. En tout cas, nous devons avancer sur ce sujet.
    Il est regrettable que vous ayez passé sous silence le fait que c'est que sous la précédente législature qu'a été entreprise la réforme des fonds spéciaux.
    M. Lionnel Luca. Elle est incomplète !
    M. le président. Laissez parler M. Idiart, il a déjà épuisé son temps de parole.
    M. Jean-Louis Idiart. Incomplète, peut-être, mais c'est mieux que rien, comme cela a été le cas de 1995 à 1997 !
    M. le président. Monsieur Idiart, veuillez conclure.
    M. Jean-Louis Idiart. Il est clair que nous ne voterons pas ce collectif budgétaire (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), dans un souci de justice.
    M. Claude Goasguen. Que ce fut long pour en arriver là !
    M. Jean-Louis Idiart. Je tenais aussi à stigmatiser le fait que le Gouvernement ne respecte pas l'Assemblée nationale. Certes, il y a toujours une bonne excuse pour cela, mais ce n'est pas admissible.
    M. le président. En tout cas, il n'y a pas de bonne raison de ne pas respecter le règlement ! (Sourires.)
    M. Jean-Louis Idiart. Exactement, monsieur le président.
    J'ajouterai que, aujourd'hui, 1er août 2002, nous fêtons le premier anniversaire de la loi organique relative aux lois de finances, qui va renforcer les prérogatives du Parlement en matière financière. Il aurait été bon qu'un an après, le ministre de l'économie et des finances et le ministre délégué au budget commémorent cet événement. (Applaudissements sur le bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Claude Goasguen. Puis quoi encore !
    M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur, pour cinq minutes trente, puisque les intervenants précédents ont bénéficié de cinq minutes trente. (Sourires.)
    M. Marc Laffineur. Rassurez-vous, monsieur le président, je ne les utiliserai pas.
    Bien entendu, le groupe UMP votera ce collectif budgétaire.
    Monsieur Brard, vous nous parliez tout à l'heure de l'héritage. Mais avouez que les droits de succession sont lourds : les Français devront payer 15 milliards d'euros de déficit supplémentaire,...
    M. Lionnel Luca. Une paille !
    M. Marc Laffineur. ... en raison du manque de transparence de la gestion du précédent gouvernement et des nombreux « tours de passe-passe » - expression chère à M. Migaud - auxquels il s'est livré.
    Cet héritage, ce sont aussi les SMIC que vous nous laissez : cinq SMIC différents !
    M. Arnaud Lepercq. Six !
    M. Marc Laffineur. Et c'est justement ce à quoi va s'attaquer le Gouvernement : faire en sorte de remonter les SMIC les plus bas pour arriver à un SMIC unique, le même pour tous. Cela aussi va dans le sens d'une plus grande justice sociale.
    Mais ce collectif budgétaire, c'est surtout une rupture avec le passé.
    Pendant cinq ans, nous avons eu toujours plus de dépenses, toujours plus d'impôts, pour aboutir à plus de déficits.
    M. Didier Migaud. Ce n'est pas vrai du tout !
    M. Jérôme Lambert. Le déficit a été réduit !
    M. Marc Laffineur. Aujourd'hui, nous agissons enfin dans la clarté, la transparence. Aujourd'hui, nous faisons confiance aux Français en leur proposant de diminuer l'impôt sur le revenu de 16 millions de foyers fiscaux pour relancer l'économie. Aujourd'hui, nous revalorisons le travail.
    Voilà toutes les raisons pour lesquelles les Français ont voté pour nous aux dernières élections, et pour lesquelles vous avez été battus.
    Voilà pourquoi nous voterons, tous, ce collectif budgétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

Vote sur l'ensemble

    M. le président. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
    (L'ensemble du projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente.)
    M. le président. La séance est reprise.

2

JUSTICE

Suite de la discussion d'un projet de loi d'orientation
et de programmation, adopté par le Sénat
après déclaration d'urgence

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence (n°s 154 et 157).

Motion de renvoi en commission

    M. le président. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
    La parole est à M. Michel Vaxès.
    M. Michel Vaxès. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l'examen du projet de loi de programmation et d'orientation pour la justice que vous nous proposez d'engager aujourd'hui s'inscrit au coeur d'un débat de fond, essentiel pour notre société, dans une période où celle-ci connaît de fortes turbulences.
    Dès l'exposé des motifs, vous affirmez, monsieur le ministre, que la loi d'orientation et de programmation pluriannuelle constituera la première étape de la réconciliation des Français avec leur justice mais qu'il vous était apparu indispensable d'arrêter d'ores et déjà un certain nombre de mesures fondamentales en matière administrative, pénitentiaire et pénale, notamment à l'égard des mineurs.
    Ainsi, vous souhaitez instaurer un juge « de proximité » ; modifier en profondeur l'ordonnance de 1945 sur l'enfance délinquante ; transformer la procédure pénale tout comme le fonctionnement des établissements pénitentiaires ; réviser la justice administrative ; dessiner enfin une nouvelle politique à l'égard des victimes. Tout cela ne constitue pas une réforme à la marge de notre système judiciaire. Il s'agit, bien au contraire, d'une totale et complète réécriture de notre droit. Et c'est cette philosophie toute nouvelle que le texte qui nous est proposé aujourd'hui vise à mettre en place.
    Un texte d'une telle ampleur, d'une telle portée, méritait une réflexion approfondie du législateur, conduite en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés par les bouleversements qu'il propose. Il exigeait de surcroît, par respect pour nos concitoyens, que l'on se donnât le temps d'en peser les effets sur l'évolution même de la société française. Pourquoi nous imposer son examen dans des délais aussi courts, monsieur le ministre ?
    Permettez-moi de vous rappeler le calendrier. Ce texte nous a été transmis, dans son écriture définitive, le jeudi 18 juillet. Nos collègues au Sénat ont commencé son examen le jeudi 25 juillet. Nous avons pu prendre connaissance de sa version modifiée par les sénateurs le samedi 27 juillet. Et hier, mercredi 31 juillet, nous entamions son examen à l'Assemblée nationale. Si vous ajoutez à cela que la commission mixte paritaire devra se réunir avant que notre assemblée ne le vote définitivement, c'est-à-dire avant la fin de la semaine, vous avouerez avec moi que c'est faire peu de cas d'un projet de loi auquel pourtant le Gouvernement et chacun des éminents grands démocrates qui le composent semblent tant tenir. A moins, mais je ne le crois pas, que vous considériez qu'il s'agit finalement d'un texte de moindre importance, un projet qui ne mériterait pas que le législateur s'y attarde et y apporte sa contribution, toujours enrichissante.
    Mais il est possible aussi, autre hypothèse, que cette précipitation ne cache la volonté non avouable de faire passer le plus rapidement possible ce projet pour ne pas avoir à révéler trop tôt à l'opinion publique ses défauts, ses carences, ses conséquences à moyen terme sur la vie de nos concitoyens, de tous nos concitoyens. Je dois vous l'avouer, cette dernière hypothèse emporte ma conviction.
    Pour étayer cette conviction, je vous propose de partager les quelques réflexions que m'inspire un volet essentiel de ce projet de loi, le titre III, c'est-à-dire vos propositions pour la modification de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante.
    Êtes-vous bien certain d'avoir mesuré les conséquences de cette réforme du droit pénal des mineurs ? Le groupe des député-e-s communistes et républicains partage évidemment le souci, parfaitement légitime, d'une majorité des Français d'apporter une solution aux problèmes que posent aujourd'hui l'enfance délinquante et, plus généralement, l'évolution préoccupante des comportements déviants qui empoisonnent la vie de nos concitoyens, particulièrement d'ailleurs des plus modestes d'entre eux.
    Mais êtes-vous vraiment assuré, monsieur le ministre, de les satisfaire en vous engageant dans la voie que vous nous proposez de suivre ? Non seulement rien n'est moins sûr, mais je crains qu'en empruntant ce chemin, vous ne participiez à amorcer une bombe à retardement qui explosera demain en renforçant la colère de celles et ceux que vous dites avoir entendus aujourd'hui.
    Car ce que nos concitoyens ont exprimé, c'est effectivement le souhait que leur soit assurée une vie plus sereine, mais ils n'ont jamais dit que les choix que vous faites étaient de nature à répondre à cette attente. Arrêtez de tenter de valider vos choix en rappelant l'expression légitime de cette exigence populaire car, je l'ai dit, rien n'est moins sûr.
    M. Richard Cazenave. C'était dans notre programme.
    M. Michel Vaxès. En effet, vous ne vous intéressez qu'aux effets de la politique économique qui nourrit ces déviances comportementales et vous ne vous penchez pas sur ce qui est l'essentiel, les causes véritables des dysfonctionnements de notre société. Seule cette réflexion permettrait pourtant de comprendre, de contenir puis de réduire les manifestations délictueuses que ces dysfonctionnements engendrent.
    Pour m'en expliquer sur le fond, il me paraît indispensable de remonter aux fondements de la politique française en matière d'enfance délinquante et de bien comprendre pourquoi la France a décidé, il y a plusieurs décennies, de mettre en place une politique qui est tout à son honneur.
    Souhaitant tourner le dos aux colonies pénitentiaires, aux sanctions expiatoires, abandonnant les maisons de correction, la justice des mineurs a, dès 1912, privilégié la notion de discernement sur l'affirmation d'une économie punitive proportionnant la peine à la gravité des actes. Elle a alors mis en place une formation spécifique du tribunal correctionnel, qui siège à huis clos, préfigurant le dispositif édifié par les ordonnances de 1945 et de 1958. Elle a ainsi instauré des juridictions spécifiques pour les mineurs, l'individualisation du traitement des mineurs délinquants et la primauté de l'éducatif sur le répressif.
    Cela demeure, je veux le dire avec force et conviction, le contraire du laxisme ou de l'archaïsme dont certains l'accusent aujourd'hui.
    Dans ce domaine, comme dans bien d'autres, le recours à l'excès d'autoritarisme jusqu'au risque du tout-répressif est toujours le constat d'un échec, l'aveu d'une impuissance, le signe, au-delà des apparences, d'une très grande fébrilité.
    M. Richard Cazenave. C'est pourquoi nous ne faisons pas ce choix !
    M. Michel Vaxès. La force, lorsqu'elle n'est pas celle de l'esprit, au service des valeurs de fraternité, de tolérance, de partage et de justice sociale, restera toujours l'argument des faibles.
    L'ordonnance de 1945 ne serait qu'une vieillerie de notre droit ; incapable de répondre aux enjeux qui se posent cinquante ans plus tard, elle mériterait d'être dépoussiérée. Pour mettre fin à ces idées reçues, il est sans doute important de rappeler que, depuis 1945, l'ordonnance a été modifiée maintes et maintes fois, dix-sept, très exactement : en 1951, 1958, 1970, 1983, 1984, 1985, 1987, 1989, 1992, 1993, 1994, 1995, 1996, 1997, 1998 et, tout récemment encore, en 2000.
    M. Richard Cazenave. Une fois de plus, ce ne sera pas un drame.
    M. Michel Vaxès. Mais revenons au début du xxe siècle. Après une longue période d'éducation pénitentiaire faite d'abus et d'injustice, la France a décidé de rompre avec ce passé indigne d'une société démocratique. Dans ce contexte, l'ordonnance de 1945 a pris valeur de symbole et nous a été enviée par bon nombre de sociétés modernes.
    Elle se heurte pourtant aujourd'hui à l'impression d'inefficacité et au scepticisme de l'opinion publique, encouragés, il est vrai, par l'idée de tolérance zéro à l'égard de la délinquance, en vogue à l'étranger. Une demande de justice pénale, relayée par la mise en exergue de faits spectaculaires, s'affirme avec une force croissante. Pourquoi en sommes-nous arrivés là ?
    Durant les Trente Glorieuses, la politique pénale des mineurs n'a pas été remise en cause, car le pari de l'« éducabilité » de tous a été tenu, dans une société dotée d'une grande capacité d'intégration. L'économie était alors en pleine croissance et le travail pour tous était garanti.
    C'est seulement dans le dernier tiers du siècle, avec la disparition de cette conjoncture favorable, que s'est ouverte une nouvelle ère. Une violence juvénile indéchiffrable s'est installée et nous lance un nouveau défi, qui désarçonne nos institutions, fondées dans l'après-guerre. La France n'est d'ailleurs pas la seule touchée ; un peu partout, en Europe, sur un fond de précarité chronique, l'on observe des phénomènes de ghettoïsation des banlieues et des flambées de violence périodiques.
    En vérité, nos sociétés se trouvent confrontées à une délinquance d'exclusion et n'y répondent que dans la confusion et dans l'urgence.
    M. Richard Cazenave. C'est le résultat de quinze ans de socialisme !
    M. Michel Vaxès. Nos institutions, quant à elles, ne semblent pas en capacité d'y faire face. Les procédures existantes ne paraissent plus adaptées à la prise en charge d'une délinquance nouvelle, nouvelle dans ses causes, dans ses formes, dans son contenu, comme au regard des publics concernés.
    Ainsi, par exemple, les plus jeunes, les moins de treize ans, apparaissent intouchables aux yeux du plus grand nombre. Ils sont trop jeunes pour être sanctionnables pénalement mais suffisamment grands pour être utilisés dans le trafic de stupéfiants.
    Je vous recommande vivement la lecture d'un excellent article de Denis Salas, ancien juge des enfants et maître de conférences à l'Ecole nationale de la magistrature, article intitulé Un péril jeune. Dans l'immédiat, permettez-moi de vous livrer quelques-unes de ses réflexions :
    « Pour ces jeunes de la deuxième génération du chômage, qui n'ont connu que des adultes non insérés, l'absence totale de figure d'identification n'offre aucun point d'appui. »
    M. Jean-Marc Nudant. C'est vrai.
    M. Michel Vaxès. « On les fait souvent passer de classe en classe au bénéfice de l'âge alors qu'ils ne maîtrisent pas les acquisitions scolaires du primaire, ce qui les installe dans les logiques de répétition de l'échec. Le fait nouveau est là : cette délinquance n'est ni initiatique ni pathologique, mais généralisée à une classe d'âge, territorialisée. La transformation du rapport à la toxicomanie en est une autre preuve : loin de revêtir un caractère initiatique, comme peut le faire une consommation ponctuelle, le rapport à la drogue s'insère dans un marché et imprègne toute la vie de la cité, dont il constitue, pour certaines familles, une source de revenus. A quoi bon, pour un jeune, suivre un laborieux projet d'insertion, quand l'argent est facile et immédiat ? Sa vie quotidienne est structurée dans ces réseaux d'entraide et d'échange, où se mêlent l'économie parallèle et la solidarité des quartiers. Véritable violence sans violence, elle est régie par un code implicite qui offre les conditions nécessaires au développement du marché.
    « Fruit d'un décrochage de quartier par rapport à la vie sociale, la délinquance d'exclusion est une forme désespérée de survie, avant tout collective et non individuelle. Jadis, la violence des jeunes était balisée par des structures d'intégration collectives qui lui donnaient une direction, derrière la confusion apparente. Grâce à la famille et aux références culturelles, cette violence avait un contenant qui en garantissait le caractère expérimental et intégrateur. Désormais, loin d'être ce passage tumultueux vers l'âge adulte, l'indétermination des trajectoires adolescentes est aléatoire et ne débouche sur rien, dès lors qu'aucune offre sociale ne se présente pour lui donner une perspective. La violence subsiste et tourne à vide, sans permettre de franchir des seuils, d'autant qu'elle ne trouve généralement personne en face d'elle pour la comprendre ou s'y opposer autrement que par une surviolence.
    « La justice outillée pour répondre aux crises adolescentes et aux pathologies individuelles est en panne. Que peut-elle faire devant ces jeunes issus d'un prolétariat urbain, nés de l'échec scolaire, égarés dans des filières sans débouchés, dépendant prématurément, avec leurs familles, des mécanismes d'assistance ? Que peut-elle faire face à des jeunes qui, loin de ces violences transitoires de jadis, se fixent très tôt dans une marginalité chronique où ils ne sont ni vraiment en danger, ni totalement délinquants ? Que peut-elle faire lorsqu'elle ne trouve devant elle qu'impuissance et silence ? En effet, lorsque domine la transmission générationnelle du chômage, la famille ne produit rien d'autre que de la vulnérabilité. Les autres institutions, qui plus est, ne sont pas préparées à porter cette fracture initiale. L'école reste composée d'enseignants ayant appris à transmettre un savoir, non à être les référents d'une parentalité défaillante. Le travail ne remplit plus la fonction d'intégrateur universel qu'il avait il y a quelques décennies. La justice, cette institution du bout de la chaîne, voit donc ses outils dépassés par une délinquance chronique, autodestructrice, fortement territorialisée.
    « Ce nouveau défi que constitue cette délinquance d'exclusion fait vaciller les institutions. Beaucoup de conflits que vivent les jeunes aujourd'hui ont une forte résonance sociale et un enracinement territorial dans des quartiers qui génèrent un mode de règles opposé à la loi commune. Nous comprenons mal cette violence parce qu'elle appartient à un monde qui tourne le dos à notre code moral. Apparentée à celle des adultes par ses manifestations, elle garde encore son allure de provocation à l'égard de toute forme d'autorité. Dès lors que nous ne savons pas l'interpréter, elle peut réveiller en nous des peurs, ce fantasme de "classes dangereuses, né des émeutes urbaines de la fin du XIXe siècle. La justice des mineurs, qui a puisé sa force dans la compréhension des conduites adolescentes, pourra-t-elle surmonter le retour des réflexes répressifs ? En France, notamment, la répression policière et la prison restent des recours permanents.
    « Cette justice a commencé à sortir de la dialectique de la faute et du châtiment, caractéristique d'une époque où dominait le rôle rédempteur de la prison. Puis, en conquérant son autonomie, en identifiant mieux le phénomène de l'adolescence, elle s'est inscrite dans une dialectique du symptôme et du traitement. Ce modèle de justice individualise son action au moyen d'un droit dérogatoire et d'équipes spécialisées. Mais nous ne pourrons plus longtemps nous aveugler sur les conflits que vivent les jeunes, les traiter comme s'ils n'étaient encore que des erreurs de jeunesse ou nous obstiner à les pathologiser. En effet, à la délinquance des jeunes que nous connaissons, s'ajoute une autre délinquance, née d'une société où les parcours individuels sont de plus en plus précaires, dans des aires territoriales où la loi républicaine est absente. Ce sont moins les carences de leur personnalité qu'une cascade de ruptures sociales qui entraîne ces jeunes dans une chute que l'on ne peut que constater : emploi précaire ou absence de travail, fatigue des pères, mères trop protectrices, violence des fils dans la cité close. »
    Monsieur le ministre, ce magistrat a raison. Il nous faut alors répondre à la question de savoir comment nous en sommes arrivés là :
    « A n'en pas douter, cette violence partagée et sans perspectives s'enracine dans la disparition du travail et une assignation à territoire. On pourrait naturellement évoquer longuement la crise de l'emploi et ses effets destructeurs. Il est vrai que, sur une population active de 25 millions de personnes, plus de 5 millions d'entre elles sont quasiment exclues du marché du travail, et qu'on compte 3 millions de personnes vivant dans plus de 500 quartiers en difficulté ; qu'en dix ans, le nombre des emplois temporaires a plus que doublé ; qu'enfin, parmi les 3 millions de personnes sans emploi, plus d'un tiers sont des chômeurs de longue durée, dont les plus touchés ont moins de vingt-cinq ans.
    « Quand on sait à quel point le travail apporte statut et identité dans nos sociétés démocratiques, on mesure l'effet de dissolution sur la parenté. Le père d'abord, le fils ensuite, seront tous deux les bénéficiaires d'un des multiples stages palliatifs de chômage. Si l'absence de travail réduit l'homme à un poids inutile sur la terre, le travail précaire tend à en faire une marchandise. Quand on analyse la crise de la famille comme une crise de l'institution familiale, il ne faut pas perdre de vue le démantèlement de la valeur statutaire du travail, aussi bien pour les parents que pour les enfants qui ont perdu leur héritage de jadis : la fierté éprouvée pour le travail accompli par leurs pères. L'exclusion n'est plus à la marge de la société, comme un coût résiduel, mais en son centre, dans chaque famille, et pèse dans chaque destin individuel.
    « L'exclusion creuse terriblement le trouble identitaire propre à nos sociétés. Autrefois l'identité était fixée une fois pour toutes comme un parcours transmis de génération en génération. Les individus doivent désormais vivre avec la nécessité de redéfinir leur identité en permanence. Avec les recompositions familiales, la précarité de l'emploi ou la sélection scolaire, une logique de liberté individuelle l'emporte sur toute référence à un sens commun fixé dans les institutions. Toute nouvelle identitié est instable et précaire dans cette liberté qui ressemble tant à une coquille vide. Tout cela semble vouer l'individu de nos sociétés à une quête permanente. Dans de telles sociétés, la reconnaissance devient une question politique car elle commande la réponse à une quête de plus en plus insatisfaite. La nécessité de trouver soi-même son identité dans une société fondée sur son incapacité à proposer des sens crée une sensation de vertige. Tant qu'un tel système était soutenu par une économie prospère, une forte tradition d'intégration, une vraie culture de la citoyenneté, un tissu social et local suffisamment riche, la société pouvait absorber ses membres et garder son homogénéité. La tâche de l'individu était moins lourde et son fardeau était du moins partagé par la communauté.
    « Or, dans le monde de la précarité, les identités ne sont plus soutenues par l'épaisseur du lien social. Pour beaucoup de jeunes, c'est l'assignation à un territoire qui tient lieu d'identité. (...) Le territoire est aujourd'hui un découpage administratif, non un lieu forgé par la mémoire et la collectivité elle-même. La référence au territoire devient affective, se limite vite à la mémoire du quartier et rejette tout ce qui est extérieur. »
    Monsieur le ministre, dans leur ensemble, les observateurs avertis font ce constat. De nouvelles identités se construisent pour faire face à l'exclusion et à la ghettoïsation des quartiers. Tous, ici, dans chacune de nos circonscriptions, nous pouvons en faire la douloureuse expérience.
    Notre société n'a su que donner une identité délinquante aux auteurs des violences nées de l'exclusion. Dès lors, les mineurs, pour se prouver qu'ils existent, se forgent leur propre identité. Elle correspond à leur territoire, à leur groupe d'appartenance, à leur cité, à leur immeuble, à leur cage d'escalier. Dans ces sociétés collectives, l'identité se construit alors dans la violence, par rapport au groupe dont la défense est assurée et qui donne en échange un statut à des individus sans projets.
    Evidemment, nous n'excusons pas cette violence. Elle reste la plus mauvaise des réponses, pire, une réponse contre-productive à de vraies questions, parce qu'elle sera utilisée, comme vous le faites, pour justifier les réponses les plus inadaptées. C'est précisément pour cela qu'il nous faut en comprendre le sens, si nous voulons efficacement la contenir puis l'enrayer.
    Comment donc répondre à ces nouvelles formes de délinquance, à la fois plus massives, territorialisées et surtout « chronicisées » dans la précarité ?
    La tentation est forte d'y répondre, comme vous le faites avec ce texte, par un changement d'orientation radical, en se tournant vers une politique autoritaire et répressive dont les modèles sont pris outre-Atlantique. C'est une réponse mais c'est en même temps un aveu de faiblesse.
    Quel est réellement ce modèle de tolérance zéro, dont l'échec est d'ores et déjà constaté et a nourri, outre-Atlantique, une explosion de comportements délictueux, en quantité et en intensité ?
    M. Patrick Labaune. Et en Corée du Nord, c'est comment ?
    M. Michel Vaxès. Avant de décrire dans le détail la politique pénale américaine, appuyée sur ce concept qui date de plus de vingt ans et tend à se répandre comme une traînée de poudre, je crois nécessaire de dresser un portrait de cette douce Amérique dont rêvent apparemment bon nombre de membres du Gouvernement et la majorité de cette assemblée. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Dino Cinieri. N'importe quoi !
    M. Richard Cazenave. C'est ridicule ! Mais d'où sort-il ?
    M. Patrick Labaune. Qu'il aille à Cuba !
    M. Michel Vaxès. Je comprends que cela ne vous plaise pas, mais la vérité est toujours bonne à dire ! Connaître le tissu social de ce grand pays permettra, j'en suis sûr, d'enrichir notre réflexion. Les Etats-Unis comptent officiellement 35 millions de pauvres pour un taux de pauvreté double ou triple de celui des pays d'Europe occidentale. La pauvreté frappe d'abord les enfants. Un petit américain de moins de six ans sur cinq grandit dans la misère, un sur deux parmi la communauté noire. La population officiellement répertoriée comme « très pauvre », c'est-à-dire tentant de survivre en deçà de 50 % du « seuil de pauvreté » fédéral, a doublé entre 1975 et 1995 pour atteindre 14 millions de personnes.
    M. Richard Cazenave. Le communisme c'est mieux !
    M. Michel Vaxès. Ces citoyens ne peuvent en outre guère compter sur le soutien de l'Etat puisque les dépenses sociales destinées aux ménages démunis sont les plus faibles des grands pays industrialisés.
    M. Richard Cazenave. Bravo la gauche !
    M. Michel Vaxès. C'est un débat sur lequel nous reviendrons lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2003 dans quelques semaines à peine.
    Depuis qu'existent chez eux ces poches de pauvreté, les Américains doivent faire face à cette délinquance d'exclusion, notamment dans les ghettos où survivent les communautés noires. Les jeunes noirs de ces ghettos sont aussi ceux qui peuplent les prisons. Pour plus d'un tiers, les Noirs de dix-huit à vingt-neuf ans sont soit incarcérés, soit sous l'autorité d'un juge d'application des peines ou d'un agent de probation, soit en attente de passer devant un tribunal.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Et en France ?
    M. Michel Vaxès. Dans les grandes villes, cette proposition dépasse couramment la moitié, avec des pointes à 80 % au coeur du ghetto. Vous le savez, l'origine de ce drame n'est pas à rechercher, comme certains discours abjects l'ont quelquefois suggéré, dans le patrimoine génétique des publics concernés. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Oui, on entend dire cela depuis longtemps, et pas seulement aux Etats-Unis.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Et en France ?
    M. le président. Monsieur Lagarde !
    M. Richard Cazenave. Ce n'est pas comme à Moscou ? Ça marchait bien là-bas !
    M. Michel Vaxès. Oui, mon camarade. (Rires.)
    M. le président. Monsieur Cazenave !
    M. Michel Vaxès. Lorsque j'entends dire ici même, dans cette assemblée, aujourd'hui, qu'il n'y a pas de détermination sociale à la délinquance, je commence à me poser de sérieuses questions.
    M. Jean-Christophe Lagarde. C'est une insulte aux gens d'origine populaire !
    M. Michel Vaxès. L'origine de cette délinquance est à rechercher au coeur même d'un modèle économique et politique qui connaît là-bas ses formes les plus élaborées.
    Notre modèle français de justice, dont nous pouvons aujourd'hui encore être fiers - mais qu'en sera-t-il demain ? -, diffère de ce modèle américain, où la réponse apportée est systématiquement répressive et où dominent le contrôle social et la prison. La France est, en effet, contrairement aux Etats-Unis (« Ah ! enfin ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) ... J'avais prévu d'intervenir une heure pour économiser du temps, monsieur le président, mais si je suis interrompu, je risque d'être plus long.
    M. le président. Ne vous laissez pas interrompre !
    M. Richard Cazenave. La menace ne marche pas avec nous !
    M. Michel Vaxès. La France est, en effet, contrairement aux Etats-Unis, porteuse d'une volonté délibérée de comprendre la violence juvénile. Elle l'exprime sous la forme d'un droit qui garantit une action éducative et d'une justice qui y voit avant tout le signe d'un individu en conflit avec lui-même. Une comparaison entre notre système et celui des Américains, qui considèrent la violence des mineurs comme irrémédiablement intolérable, permet sans nul doute d'apprécier le choix d'une politique tournée vers le tout-pénal, le tout-répressif, le tout-prison.
    Je vais de nouveau prendre appui sur l'article de Denis Salas auquel je faisais référence il y a quelques instants. « Le premier enseignement est tiré de la nature même de la société politique où germe cette violence : il y a une délinquance inhérente aux sociétés démocratiques. Orphelins de tout héritage, il ne reste pour beaucoup d'individus que la violence pour exister. Derrière l'égalité de droit ressurgissent les inégalités de fait fondées sur la race, le sexe, le sang, l'âge. La formidable poussée d'égalitarisme qui livre la société américaine au marché, à la compétition, au dualisme social laisse aussi des groupes entiers dans un abandon chronique. La violence est l'expression de ceux qui n'ont plus de part à cette société, tous ceux qu'abandonne la promesse démocratique. C'est en ce sens que le symptôme de la violence américaine nous concerne directement. La violence n'est pas seulement le fruit d'une culture où la jeunesse est en proie à la "rage. Pour beaucoup de jeunes orphelins de l'Etat, sans attente à l'égard d'une société qui les ignore, que reste-t-il,...
    M. Jacques Myard. De nos vingt ans ! (Rires.)
    M. Michel Vaxès. ... sinon de la violence ? »
    M. Richard Cazenave. C'est quand même dur pour les socialistes !
    M. Michel Vaxès. J'ai dit, pas plus tard qu'hier soir, qu'il faudrait en ce domaine faire preuve de beaucoup d'humilité, mais sans doute était-il trop tard pour que vous l'entendiez. Le problème nous est posé à tous et nous ne serons pas de trop pour y réfléchir sur le fond.
    Second enseignement, dans un pays où il n'y a pas d'Etat au sens où nous l'entendons, à la fois interventionniste et universel, la violence des jeunes n'a pas de spécificité. Elle ne se distingue pas des autres violences de la société. S'il existe de bons programmes éducatifs pour les mineurs dans certains Etats, ils n'ont rien de permanent et dépendent de la conjoncture électorale. On n'y retrouverait ni un droit ni des institutions pénales dérogatoires, du moins aussi nettement que les nôtres. Régulièrement, on voit des chiffres exploser et des courbes monter ou descendre. Mais quel en est le sens ? Derrière la masse des chiffres, il y a des destins individuels qui restent une énigme. Pourquoi ne pas voir aussi derrière chaque acte de violence un séisme familial caché, un conflit non résolu, une dépression non soignée ?
    Nous, Français, différencions nettement dans le droit et dans les institutions la violence des jeunes de la masse anonyme des violences de la société. Nous nous interrogeons sur le symptôme de la violence et sur la nécessité de connaître l'histoire de ces jeunes avant de la juger. Nous allons même plus loin, puisque nous donnons la priorité à une mesure éducative, même dans des affaires criminelles. Loin de tout cela, les Américains, confrontés de longue date à une délinquance d'exclusion, globalisent, chiffrent, mettent cette violence en courbes. Ils soumettent les programmes éducatifs à des résultats alors que la prison demeure un service public permanent que nul ne songe un instant à remettre en cause. On mesure chaque jour les ravages de la pénalité dure quand on sait qu'un grand nombre d'Etats conservent la peine de mort pour les mineurs. Dès lors, la violence devient presque naturellement la seule manière d'exister pour des minorités, alors que l'Etat n'y voit qu'un désordre à résorber. (« Oh ! là ! là ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Patrick Labaune. Vous n'êtes pas au Congrès ! Vous êtes à l'Assemblée nationale !
    M. Michel Vaxès. Chez nous, la violence a davantage un visage et une histoire depuis qu'existe une justice pour mineurs. Elle renvoie au sujet non sa violence, mais l'exigence inéluctable d'un conflit à surmonter dans la perspective d'une intégration sociale.
    Alors que, là-bas, la violence est constitutive d'une affirmation identitaire face à la violence en miroir de l'Etat, chez nous, la réponse de l'Etat vise à désamorcer une telle construction, à la prendre à revers, à imposer la voie éducative. C'est sur cette voie qu'il faut rester.
    M. Richard Cazenave. C'est bien de nous soutenir !
    M. Michel Vaxès. Avec l'enjeu des représentations, nous touchons ici le troisième élément de cette comparaison : l'ethnicisation de la délinquance d'exclusion que nous ne connaissons pas au même degré en France. Aux Etats-Unis, la fonction éducative se replie dans l'espace communautaire, alors que la police et la prison limitent l'Etat à une fonction punitive, expression d'une violence légitime face à une société violente. Alors que, chez nous, l'Etat républicain a pris en charge de longue date la fonction éducative, les Américains abandonnent celle-ci aux communautés naturelles. Mais jusqu'où peut-on aller quand on connaît le degré de la dislocation de la parenté dans certains quartiers ?
    Dernier point (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française), ces données doivent nous permettre de mieux mesurer nos atouts politiques : une tradition de la citoyenneté qui dépasse les clivages communautaires, un droit pour tous les mineurs qui reste un rempart contre la « sur-violence » de la prison et une justice qui a nourri, ces trente dernières années, une culture professionnelle autour de la priorité éducative.
    En l'absence d'un tel héritage, comment s'étonner qu'aux Etats-Unis la justice pénale devienne omniprésente comme mode de régulation des relations interindividuelles et se borne à gérer une population qui a choisi globalement la violence comme mode de vie ? Elle exprime la conflictualité de la démocratie face aux carences familiales, aux failles d'un système éducatif et aux peurs de la classe moyenne. Une société oubliant de penser que sa relation aux jeunes suppose une attitude de tolérance...
    M. Jean-Christophe Lagarde. De responsabilité !
    M. Michel Vaxès. ... voue son destin à la prolifération des prisons. Aux Etats-Unis (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle),...
    M. Patrick Labaune. Les Etats-Unis c'est bien, mais parlez-nous plutôt de Cuba !
    M. Michel Vaxès. Mais oui, il faut bien en parler puisque non seulement vous avez pris ce modèle, mais vous voulez nous faire légiférer dans la même direction ! Je vous donne rendez-vous. La vie tranchera et je crains que cela ne soit contre les intérêts de la population française, mais nous en reparlerons !
    M. Patrick Labaune. C'est une attaque, une menace ?
    M. le président. Monsieur Labaune, calmez-vous !
    M. Michel Vaxès. Non, c'est une inquiétude face aux orientations de votre politique.
    M. le président. Monsieur Vaxès, ne répondez pas à M. Labaune parce que, sinon, M. Biancheri et M. Cinieri parleront. Alors, continuez ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Michel Vaxès. Aux Etats-Unis, l'abandon de plus en plus prononcé de toute idée de réinsertion ou de toute différenciation de la violence juvénile aboutit à créer un véritable Etat pénal. La prison s'installe dans les villes américaines comme le seul moyen pour la société d'éponger sa marginalité, de masquer les dégâts du libéralisme, qui est quand même bien notre modèle, et de mettre à l'abri les citoyens. Alors, je vous le demande, mes chers collègues, monsieur le ministre, souhaitons-nous vraiment abandonner notre droit des mineurs, qui constitue un rempart contre la surviolence de la prison, au profit d'une justice pénale calquée sur le modèle américain, où la violence est devenue naturellement le seul moyen pour les exclus d'affirmer leur existence ?
    Souhaitons-nous réellement nous appuyer sur les institutions judiciaires et pénitentiaires pour juguler les désordres engendrés par le chômage de masse, l'imposition du salariat précaire et le rétrécissement de la protection sociale ? C'est pourtant le chemin que l'on suivra si le projet de loi que nous présente le Gouvernement est adopté.
    La justice des mineurs est en effet ici vidée de toute sa substance au nom, prétendument, de ses résultats non évaluables, et vous effacerez, à terme, avec quelques articles supplémentaires, la singularité et la force de notre justice éducative. Vous voulez le faire parce que vous refusez de porter un regard lucide et courageux sur un système économique à bout de souffle et des choix politiques qui le servent en magnifiant des logiques d'affrontement et de tout-concurrence, au détriment de celles de codéveloppement, de coopération et de partage.
    Mais revenons au texte. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Tout d'abord, vous instituez un juge de proximité, que vous déclarez compétent pour les contraventions des quatre premières classes. Une porte est ouverte, selon nous, à une extension de ces compétences dans l'avenir. D'ailleurs, dans votre avant-projet, il était prévu qu'il exerce une fonction pénale pour certains délits, par exemple pour les vols, les violences et les outrages.
    Ensuite, vous étendez considérablement les prérogatives du parquet, ce qui, nous devons l'avouer, nous interroge beaucoup. La rupture des équilibres, en ce domaine plus que dans d'autres, est porteuse de fortes préoccupations.
    Vous instaurez également une procédure de jugement à délai rapproché qui devient comparable à la comparution immédiate, applicable aujourd'hui aux seuls majeurs. La mise en place de ce dispositif m'oblige à vous livrer ces réflexions sur le temps procédural d'un professionnel averti, M. Alain Bruel, ancien président du tribunal pour enfants de Paris : « Au pénal, le temps nécessaire au déroulement de l'instruction peut et doit être mis à profit pour transformer le retard à juger en une période de mutation, tant pour le présumé auteur que pour sa victime. La peur de la sanction est souvent plus mobilisatrice que son accomplissement. Par ailleurs, une étude récente a démontré que la psychologie de celui qui a eu à souffrir d'un dommage évolue du déni des faits au rejet global de ceux qui les commettent, pour parvenir enfin au besoin de connaître l'autre délinquant et de comprendre ce qui l'a fait agir, sinon de lui pardonner. »
    Votre projet prévoit également la création de centres éducatifs fermés dans lesquels des mineurs de treize à dix-huit ans pourraient être placés sous contrôle judiciaire avec obligation de respecter les conditions du placement ordonné dans le cadre pénal, sous peine d'être placés en détention provisoire avant jugement ou emprisonnés après jugement. Le risque est grand que l'établissement pénitentiaire devienne de fait le « mitard » de ce centre éducatif fermé. Et ce centre, dont la fonction sera surtout d'assurer une étanchéité absolue entre la vie interne et la vie de la société, se condamnera vite à renoncer à la perspective de tout processus intégratif.
    Enfin, le texte prévoit le renforcement de la responsabilité pénale des enfants de dix à treize ans, tout comme la retenue de ces mêmes enfants. L'ensemble de ces dispositions aurait mérité une concertation préalable avec les professionnels de la justice des mineurs. Cela n'a pas été le cas et je sais, monsieur le ministre, qu'ils vous ont fait part de leurs regrets.
    Cela n'a pas été le cas non plus de l'institution du défenseur des enfants, laquelle a pourtant été chargée par la loi du 6 mars 2000 de « défendre et de promouvoir les droits de l'enfant consacrés par la loi » ; nous en sommes profondément choqués. Evidemment, ce projet de loi ayant été rédigé dans la précipitation, vous n'avez sans doute pas pu disposer du temps nécessaire pour recueillir leurs avis.
    Et vous nous demandez, en plus, d'examiner ce texte dans l'urgence
    Considérant que cette précipitation n'est pas digne d'un comportement responsable, au regard d'une matière si complexe ; considérant qu'elle exprime un manque évident d'humilité car on ne peut s'affranchir de compétences reconnues avant de forger, puis d'arrêter son opinion ; considérant que, dans ces conditions, nul ne peut exclure qu'elle témoigne davantage de la préoccupation politicienne d'occuper le terrain de formations politiques extrémistes en attente d'une conception expéditive de la justice, nous vous proposons de nous accorder le temps nécessaire à un examen détaillé et sérieux d'un texte qui le mérite, et ce dans les meilleures conditions possible, propices à la réflexion et à l'échange, avec des spécialistes de l'enfance, les mieux placés pour nous éclairer dans un débat complexe.
    Je n'ai pris l'exemple que du volet sur les mineurs, mais je pourrais tout autant, pour les mêmes raisons, vous demandez de voter notre motion de renvoi en commission pour réexaminer l'ensemble du projet de loi.
    Deux magistrats, dont le président de l'Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille, nous mettent en garde sur une telle précipitation et nous invitent à bien mesurer la portée d'une telle refonte de notre droit. Je les cite : « La politique du "tout-pénal ne peut que nous conduire à une impasse.
    « Notre expérience de la violence des jeunes nous a appris une chose : face à des politiques qui ont pour seul projet l'enfermement et la répression, les petits adultes iront jusqu'au bout de leur révolte. Orphelin d'une loi comprise par lui, l'adolescent interroge la loi biologique, celle qui délimite la vie et la mort. Au bout de lui-même, il peut engager une lutte à mort et se tient prêt à risquer sa vie ou celle des autres. Plus le message sera stigmatisant, plus on produira des hors-la-loi et plus leur révolte se croira légitime. » (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

    Monsieur le garde des sceaux, les dramatiques exemples que nous avons connus dans l'actualité internationale ces dernières années...
    M. Patrick Labaune. Le Goulag !
    M. Michel Vaxès. ... ne manquent hélas pas pour l'illustrer.
    Parce qu'une telle mise en garde d'éminents professionnels et spécialistes devrait alerter les membres de cette assemblée, qui ne peut et ne doit être à l'origine de telles dérives et de tels risques ; parce que le groupe des député-e-s communistes et républicains est convaincu de la nécessité de repenser notre politique à l'égard de nos mineurs afin d'offrir un traitement adapté à la délinquance d'exclusion ; parce que nous appelons de nos voeux une réforme sérieuse et durable, les membres du groupe des député(e)s communistes et républicains demandent le renvoi de ce texte à la commission des lois afin que cette dernière puisse procéder, dans la sérénité, avec le temps nécessaire, aux auditions des professionnels concernés et à une étude approfondie de cette réforme.
    M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Xavier de Roux.
    M. Xavier de Roux. L'intervention de M. Vaxès pour le groupe communiste montre une fois de plus combien les relations sont difficiles entre notre République et sa justice, et combien ces relations sont peuplées de fantasmes ; combien il est difficile de fournir des moyens permettant à la justice de fonctionner dignement et efficacement ; combien il est difficile d'aménager son accès pour la rendre plus citoyenne ; combien, enfin, est difficile l'acte de sanctionner.
    Monsieur Vaxès, vous nous avez emmenés aux Etats-Unis d'Amérique. Là n'est vraiment pas le sujet. Tout le monde sait que si nous appliquions les critères américains, ce ne seraient pas 50 000 personnes incarcérées qu'il y aurait en France, mais environ 300 000. Or personne, dans cette assemblée ni ailleurs, ne propose de près ou de loin de suivre le modèle américain. Nous avons plutôt entendu parler ce matin, et à plusieurs reprises, du modèle canadien qui est un modèle éducatif. Et je ne polémiquerai pas en vous renvoyant au système socialiste d'incarcération du système soviétique, qui n'a pas été réellement un exemple. (Exclamations sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Michel Vaxès. La situation ne s'est pas améliorée. C'est pire depuis.
    M. le président. Monsieur Vaxès, vous n'avez plus la parole !
    M. Xavier de Roux. Cette loi, monsieur Vaxès, a pour objet de donner des moyens considérables à l'institution judiciaire qui fonctionne mal, justement parce qu'elle manque de moyens. Il est donc urgent de fournir ces moyens à la justice, parce que nos concitoyens en expriment le besoin jour après jour.
    C'est une partie de notre longue histoire de France, notre société a très longtemps préféré le guichet et l'administration aux juges. Mais finalement, nous sommes entrés dans un Etat de droit. Et notre rôle à nous, législateurs, est de remettre au juge, pour qu'il l'applique librement au nom du peuple français, la loi qui est celle de la République.
    Nos concitoyens ont besoin que leurs litiges quotidiens soient arbitrés rapidement, sans coût excessif et dans la transparence. Ils ont besoin de voir sanctionner clairement la violation de la loi, c'est-à-dire l'atteinte à la paix civile.
    La délinquance s'est terriblement rajeunie parce que les structures de notre société ont à ce point évolué que l'autorité n'existe plus ou existe moins, pour des raisons sociologiques que nous connaissons tous et sur lesquelles je ne vais pas m'étendre ; et pas simplement, monsieur Vaxès, dans les milieux les plus défavorisés. Et puisque la délinquance s'est rajeunie dans les villes comme dans les campagnes, nous avons l'obligation d'y faire face ; c'est la demande pressante qui nous est faite.
    Les conservateurs comme vous, monsieur Vaxès,...
    M. Michel Vaxès. Je vous en prie !
    M. Xavier de Roux. ... s'y opposeront toujours, au motif qu'il faudrait d'abord changer la société avant d'amender la justice. Or le texte que nous avons à voter aujourd'hui n'est qu'un premier pas vers une réforme plus générale de notre système judiciaire. Nous le savons bien, il s'agit de mesures d'urgence et de mesures financées. Qui peut s'opposer sérieusement à la création immédiate d'une justice de proximité rendue par des citoyens à d'autres citoyens, parce que ces arbitrages quotidiens sont nécessaires ? Il faudra d'ailleurs, monsieur le ministre de la justice, poursuivre dans la voie de l'élaboration d'une justice citoyenne.
    Qui peut s'offusquer de la création de centres éducatifs fermés, alors que les juges pour enfants n'ont souvent à leur disposition, pour leurs mesures de placement, que les foyers départementaux de l'enfance qui ne sont pas faits pour recevoir les délinquants, fussent-ils très jeunes ? Il est clair que le texte qui nous est proposé fait une différence entre les sanctions éducatives pour les mineurs de moins de treize ans et les peines qui sont appliquées aux plus âgés.
    Il n'y a rien de liberticide dans ces dispositions. Il n'y a rien de liberticide à construire rapidement des établissements spécialisés pour les mineurs et à moderniser - enfin - nos prisons qui, parfois, font honte. La justice est faite pour servir nos concitoyens et non pour être au service de ceux qui la rendent ou de ceux qui y participent. Les moyens nouveaux qu'elle recevra doivent servir sa mission et non les intérêts catégoriels. Sa mission est fixée par le peuple français que nous représentons. Il faut agir d'urgence. C'est la raison pour laquelle je m'oppose au renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.
    (La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)

Discussion des articles

    M. le président. J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Sénat.

Article 1er et rapport annexé

    M. le président. Je donne lecture de l'article 1er et du rapport annexé :

TITRE Ier
DISPOSITIONS DE PROGRAMMATION

    « Art. 1er. - Les orientations et la programmation des moyens de la justice pour les années 2003 à 2007 figurant dans le rapport annexé à la présente loi sont approuvées. »

RAPPORT ANNEXÉ

    « La loi d'orientation et de programmation a pour objectifs d'améliorer l'efficacité de la justice en renforçant ses moyens, de faciliter l'accès au juge et de développer l'effectivité de la réponse pénale à la délinquance des majeurs comme des mineurs.
    « Ces objectifs sont fixés par le présent rapport.

« I. - AMÉLIORER L'EFFICACITÉ DE LA JUSTICE
AU SERVICE DES CITOYENS

« A. - Permettre à la justice de faire face à l'accroissement de ses charges et au développement de ses missions

« 1. - Réduire les délais de traitement
des affaires civiles et pénales

    « Répondant à une attente essentielle des Français, les moyens des juridictions seront développés afin de réduire les délais de jugement et les stocks d'affaires en attente.
    « L'objectif visé consiste à ramener les délais moyens de traitement des affaires civiles à 12 mois dans les cours d'appel, six mois dans les tribunaux de grande instance et 3 mois dans les tribunaux d'instance. De même, les effectifs des juridictions seront adaptés afin de supprimer les goulets d'étranglement qui affectent la chaîne de traitement des affaires pénales, dont les moyens spécifiques seront désormais précisément identifiés.
    « Il est parallèlement nécessaire d'accroître de façon significative le nombre d'agents placés, qu'il s'agisse de magistrats, de greffiers en chef ou de greffiers afin de palliers les vacances d'emploi et d'assurer la continuité du service dans l'ensemble des cours et tribunaux.
    « La création de ces emplois s'accompagnera d'une modernisation de l'organisation et des méthodes de travail des juridictions :
    « - la politique de contractualisation par objectifs avec les juridictions, initiée avec les contrats de résorption de stocks dans les cours d'appel, sera généralisée ;
    « - la participation des magistrats de l'ordre judiciaire à des commissions administratives représente une charge lourde, correspondant à environ 130 000 heures de travail par an. Il est ainsi prévu d'engager une démarche de retrait de ces magistrats des commissions à caractère purement administratif ou dans lesquelles l'institution judiciaire n'a pas vocation à figurer, eu égard à ses missions ;
    « - le magistrat doit se recentrer sur ses tâches juridictionnelles et être entouré d'une équipe. C'est pourquoi les missions des greffiers seront étendues, pour assister véritablement le magistrat dans le cadre de la mise en état des dossiers et des recherches documentaires. Ces greffiers rédigeront également des projets de décisions et de réquisitoires selon les indications des magistrats ;
    « - par ailleurs, sans porter atteinte au maillage territorial des implantations judiciaires, il est envisagé de mutualiser les ressources humaines et les moyens budgétaires, dans le cadre d'un futur "Tribunal de première instance, pour parvenir à une gestion plus cohérente des juridictions de grande instance, d'instance et de proximité.

« 2. - Maîtriser les politiques publiques
appelant l'intervention de l'autorité judiciaire

    « Phénomène récent, la conduite de politiques publiques par l'institution judiciaire, et notamment par les parquets, s'est fortement développée ces dernières années. Il s'agit là d'une condition essentielle de l'action de la justice et spécialement de la politique d'action publique des parquets liée à ses missions de lutte contre la délinquance.
    « Qu'elles soient menées par la justice ou en partenariat avec d'autres institutions, le maintien et le développement de ces actions requièrent la création d'emplois de magistrats et de fonctionnaires à défaut desquels, soit elles ne peuvent être pleinement remplies, soit le traitement du contentieux en est affecté.

« B. - Rapprocher la justice du citoyen
et créer une véritable justice de proximité

    « Afin de répondre au besoin d'une justice plus accessible, plus simple et capable de résoudre plus efficacement les litiges de la vie quotidienne en matière tant civile que pénale, il est prévu de créer une nouvelle juridiction de proximité.
    « Il ne s'agira pas de juges de carrière, mais de personnes disposant d'une compétence et d'une expérience professionnelle les qualifiant tout particulièrement pour exercer des fonctions judiciaires.
    « La juridiction d'instance verra ses compétences élargies.
    « La généralisation des guichets uniques de greffe améliorera l'accueil personnalisé du justiciable en lui offrant un seul point d'entrée commun à plusieurs juridictions.
    « Par ailleurs, les courriers et requêtes des justiciables appelant l'attention du garde des sceaux sur les problèmes de fonctionnement des juridictions méritent une attention particulière ainsi qu'un traitement rapide, cohérent et adapté. La création à la Chancellerie d'un service centralisé traitant l'ensemble des requêtes des particuliers aura pour effet d'apporter une réponse précise aux requérants dans les meilleurs délais. Elle permettra également de définir les actions générales à engager pour améliorer le fonctionnement de la justice sur la base de l'analyse des problèmes rencontrés et des dysfonctionnements éventuels.

« C. - Renforcer la justice administrative
dans le sens de la célérité

    « L'augmentation continue du contentieux devant les juridictions administratives (plus de 20 % durant les cinq dernières années) engendre des délais de jugement trop longs : 1 an et 9 mois devant les tribunaux administratifs et 3 ans et 1 mois devant les cours d'appel.
    « Les juridictions administratives doivent être dotées des moyens nécessaires pour résorber le retard actuel et faire face à l'afflux prévisible du contentieux dans les années à venir.
    « L'objectif est de ramener à un an l'ensemble des délais de jugement à l'issue de la période de programmation, comme c'est le cas devant le Conseil d'Etat.
    « Trois volets sont prévus :

« 1. - Augmenter les effectifs

    « Les effectifs seront renforcés par le recrutement de magistrats et par la création d'emplois de fonctionnaires destinés à renforcer les greffes des juridictions et les services administratifs du Conseil d'Etat. Des assistants de justice seront en outre recrutés afin d'apporter leurs concours aux tâches juridictionnelles des membres du Conseil d'Etat et des magistrats des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel.
    « L'attractivité du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sera renforcée.

« 2. - Renforcer les moyens en fonctionnement
et en investissement

    « Des investissements seront engagés afin de permettre la réhabilitation, l'extension ou le relogement des juridictions existantes, ainsi que la création de trois nouvelles juridictions (une cour administrative d'appel en région parisienne et deux tribunaux administratifs).
    « Des moyens nouveaux seront affectés au fonctionnement des juridictions administratives ainsi qu'à l'amélioration de l'outil informatique.

« 3. - Engager des réformes

    « D'ores et déjà, le projet de loi comporte des dispositions nécéssaires à la réalisation de ces objectifs : prorogation pendant la durée de la loi de programmation du régime du concours de recrutement complémentaire et pérennisation de la possibilité pour les magistrats administratifs d'être maintenus en surnombre au-delà de la limite d'âge ; création d'un cadre juridique permettant le recrutement des assistants de justice.
    « D'autres réformes devront être mises en oeuvre pour améliorer l'efficacité de la justice administrative et, en particulier, pour lutter contre l'encombrement des cours administratives d'appel.
    « En outre, après la création, en région parisienne, d'une nouvelle cour administrative d'appel, interviendra le transfert du Conseil d'Etat aux cours administratives d'appel, de l'appel contre les jugements relatifs aux arrêtés de reconduite à la frontière, dont le principe a été posé par l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France.

« D. - Développer l'efficacité de l'administration
judiciaire

« 1. - Efficacité des services centraux

    « L'administration centrale n'est pas en capacité suffisante de faire face aux tâches de préparation de textes ou de suivi de négociations internationales alors que la complexité de ces champs d'intervention ne cesse de croître. De même, les moyens de gestion dont elle est dotée n'ont pas suivi ceux qu'elle est chargée globalement d'administrer. Les études d'impact des projets de textes législatifs et réglementaires sont encore insuffisantes de même que les fonctions de pilotage des services d'administration déconcentrée.
    « De façon à atteindre les objectifs énoncés par la présente loi de programmation, l'organisation de l'administration centrale du ministère de la justice doit être adaptée mais également renforcée.
    « Les fonctions de gestion et d'expertise technique et juridique seront renforcées quantitativement et qualitativement de même que l'attractivité des fonctions d'administration centrale. Ces renforts seront en grande partie affectés aux fonctions de support des juridictions et des services déconcentrés (immobilier, informatique). Les conditions de travail de ses agents seront améliorées. La politique immobilière du ministère ainsi que la politique de développement informatique seront réévaluées et développées.

« 2. - Mettre à niveau les services de formation
et d'administration des juridictions judiciaires

    « Pour répondre à l'élargissement de ses missions et à l'accroissement des effectifs à former, l'Ecole nationale de la magistrature verra son encadrement pédagogique et administratif ainsi que ses moyens logistiques et financiers renforcés. Ses implantations à Bordeaux et à Paris seront adaptées en conséquence. Un contrat d'objectifs sur cinq ans sera établi à cette fin.
    « L'Ecole nationale des greffes disposera de moyens accrus afin d'être en mesure de former les personnels dans le cadre de départs massifs à la retraite (60 % des corps de catégorie A et B entre 2002 et 2020) et d'assurer en sus la formation initiale de plus de 3 500 stagiaires environ dans les cinq prochaines années. Dans le même temps, une réforme statutaire redéfinira la durée et le contenu des formations dispensées.
    « Pour conduire efficacement la gestion d'un parc immobilier dont l'ensemble représente 1 800 000 mètres carrés, les cours d'appel bénéficeront de l'expertise de techniciens de haut niveau.
    « Dans le cadre de la déconcentration mise en oeuvre au sein des services judiciaires pour les personnels et les crédits, les services administratifs régionaux et les cellules budgétaires d'arrondissement judiciaire seront développés en tenant compte de la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
    « La professionnalisation des personnels et le renforcement des moyens des services administratifs régionaux en matière budgétaire, immobilière et informatique seront poursuivis.

« 3. - Mesures intéressant le traitement financier
et le déroulement de carrière des agents en juridiction

    « La formation, les responsabilités et le professionnalisme des magistrats et fonctionnaires des juridictions doivent être mieux reconnus et pris en compte.
    « Pour les fonctionnaires des greffes, la spécificité de leurs fonctions liées aux contraintes de l'activité juridictionnelle sera également reconnue.
    « Une meilleure cohérence entre les métiers de greffe et les statuts des personnels concernés sera recherchée.
    « La prise en compte de la charge effective de l'activité exercée sera assurée par une modulation des régimes indemnitaires.

« E. - Equipement et fonctionnement matériel,
notamment informatique, des juridictions judiciaires
« 1. - Immobilier

    « Le patrimoine des juridictions représente un million de mètres carrés de surface utile judiciaire, soit 1 800 000 mètres carrés S.H.O.N. (surface hors oeuvre nette), répartis sur plus de mille juridictions et près de huit cents sites.
    « Malgré un premier programme de constructions neuves réalisé au cours de la dernière décennie, il demeure vétuste et insuffisant, et trop souvent en deçà des normes de sécurité et d'accessibilité des bâtiments publics.
    « En outre, le déficit des surfaces judiciaires reste important. Un renforcement significatif des crédits affectés à cette fin sera prévu.
    « Les mesures de protection et, en particulier, celles relatives au gardiennage des palais de justice, notamment grâce à une externalisation accrue de la prestation à des entreprises spécialisées, doivent également bénéficier de crédits supplémentaires. Il en va de la protection des personnels, des usagers et du patrimoine immobilier de l'Etat.

« 2. - Fonctionnement

    « L'installation des nouveaux magistrats et fonctionnaires induit des besoins de premier équipement mobilier et informatique et engendre des dépenses de fonctionnement prérennes, liées à leur activité. Ces moyens, indissociables des créations d'emplois, sont indispensables pour garantir l'efficacité de l'activité judiciaire.

« 3. - Informatique

    « Les juridictions doivent être dotées de moyens informatiques modernes et performants.
    « Le développement des réseaux informatiques internes et externes favorisera la communication électronique avec les auxiliaires de justice, tant en matière civile que pénale, les échanges avec les autres administrations, en particulier avec les services de police et de gendarmerie, ainsi que le partage d'informations entre l'administration centrale et les juridictions.
    « La réalisation de ces objectifs, permettant à la justice de faire face à l'accroissement de ses charges et au développement de ses missions, se traduira par la création de 4 397 emplois dont 3 737 pour les services judiciaires, 480 pour les juridictions administratives et 180 pour l'administration centrale ; 1 329 MEUR (coût des emplois compris) seront consacrés à ces objectifs en dépenses ordinaires ainsi que, pour les investissements, 382 MEUR en autorisations de programme.
    « Les crédits de fonctionnement comprendront les crédits de vacations, permettant le recrutement de 3 300 juges de proximité.
« II. - ADAPTER LE DROIT PÉNAL À L'ÉVOLUTION DE LA DÉLINQUANCE ET DÉVELOPPER l'EFFECTIVITÉ DE LA RÉPONSE PÉNALE

« A. - Adapter le droit pénal et la procédure pénale
à l'évolution de la délinquance

    « Les réformes successives de la procédure pénale introduites au cours des dernières années ont conduit à une complexité croissante des règles applicables qui, dans de nombreux cas, affaiblissent l'efficacité de la répression et compromettent largement l'autorité de l'Etat en laissant se développer un sentiment d'impunité chez les auteurs d'infractions et d'exaspération chez nos concitoyens.
    « Il importe d'ores et déjà de procéder à des simplifications pour permettre de recentrer les magistrats intervenant en matière pénale sur leurs missions premières. Il conviendra également de faciliter l'exercice des poursuites pénales et de mieux prendre en compte les formes nouvelles de criminalité.

« B. - Mettre en place les conditions d'un traitement
judiciaire rénové de la réponse pénale
« 1. - Réduire les délais de jugement des affaires pénales

    « Une forte augmentation du nombre de magistrats et de greffiers nécessaires pour renforcer de manière significative les délais de traitement des affaires sera prise en compte dans le renforcement des moyens en personnel des services judiciaires,
    « Ces renforts permettront d'augmenter le nombre des poursuites et d'améliorer le délai de traitement du contentieux pénal.

« 2. - Accroître le soutien aux associations
oeuvrant en amont des condamnations pénales

    « Ce renforcement permettra le développement des enquêtes sociales rapides, des enquêtes de personnalité et des mesures de contrôle judiciaire socio-éducatives afin de donner aux juridictions pénales les moyens de mieux ajuster la sanction.

« 3. - Réduire les délais d'exécution des peines

    « Les emplois de magistrats du parquet et de fonctionnaires créés pour contribuer à réduire les délais de jugement pénaux seront utilisés, pour partie, pour renforcer les services de l'exécution des peines, afin de mettre rapidement à exécution les peines prononcées et, notamment, de ramener à environ trois mois le délai d'exécution des jugements contradictoires. Afin de mieux cerner les besoins, une grille d'évaluation et des indicateurs de résultats et de délais seront développés.

« C. - Développer la capacité de mise
à exécution des peines en milieu pénitentiaire
« 1. - Augmenter la capacité des établissements
pénitentiaires et améliorer les conditions de détention

    « Le parc pénitentiaire souffre d'une capacité d'accueil insuffisante et de la vétusté de certains de ses établissements. Pour remédier à ces difficultés, un programme de construction d'établissements pénitentiaires sera mis en oeuvre. ll comportera 11 000 places, dont 7 000 consacrées à l'augmentation de la capacité du parc et 4 000 en remplacement de places obsolètes. En outre, la réalisation des établissements pourra être fortement accélérée grâce à des dispositions prévues par la présente loi. Le programme de construction des établissements pénitentiaires prévoira des espaces de travail de manière qu'une activité professionnelle adaptée puisse être proposée à toute personne qui en fait la demande.

« 2. - Développer fortement le placement
sous surveillance électronique

    « Le dispositif de placement sous surveillance électronique de personnes condamnées à une peine d'emprisonnement ferme a été mis en oevre de façon expérimentale depuis plus de dix-huit mois dans quatre, puis neuf sites.
    « Ce dispositif doit maintenant être généralisé, ce qui suppose l'externalisation d'une partie des fonctions de gestion des alarmes. L'objectif est de permettre, à l'échéance d'un délai de cinq ans, le placement simultané sous surveillance électronique de 3 000 personnes.

« 3. - Renforcer les services pénitentiaires
d'insertion et de probation

    « Pour assurer le suivi et le contrôle de l'ensemble des 180 000 personnes dont ils ont la charge, les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) de l'administration pénitentiaire disposent aujourd'hui de 2 000 agents directement au contact du public placé sous main de justice. Pour raccourcir les délais de prise en charge et intensifier le suivi des personnes prévenues et condamnées à l'égard desquelles les risques de récidive sont les plus importants, il est nécessaire de renforcer les effectifs de ces services.

« D. - Améliorer le fonctionnement des services
pénitentiaires

« 1. - Accroître le niveau de sécurité des établissements

    « Les évasions et tentatives d'évasion survenues au cours de l'année 2001 sont venues rappeler la nécessité de renforcer les dispositifs de sécurité dans les établissements pénitentiaires.
    « L'administration pénitentiaire devra, au cours de la période des cinq prochaines années, mettre en place, dans les établissements pénitentiaires les plus exposés, un dispositif de brouillage des communications par téléphones portables et un tunnel d'inspection à rayons X pour éviter des contacts non contrôlés avec l'extérieur. Les miradors et les dispositifs de filins anti-hélicoptères seront adaptés pour prévenir les risques d'évasion et préserver la sécurité des personnels. Un programme spécifique de renforcement de la sécurité dans les maisons centrales sera mis en place.

« 2. - Améliorer la prise en charge et le taux d'activité
des détenus

    « Afin d'améliorer la prise en charge des personnes détenues et de préparer leur sortie dans un souci de réinsertion et de prévention de la récidive, il est primordial de renforcer la lutte contre l'indigence, de veiller au maintien des liens familiaux, d'améliorer les conditions d'exercice du travail des personnes détenues et de valoriser leurs acquis sociaux et professionnels.

« 3. - Favoriser l'accès des détenus aux soins médicaux
et psychologiques

    « Les personnes détenues doivent pouvoir bénéficier du même accès aux soins que celui qui est donné à la population générale tout en respectant les règles de sécurité liées à leur condition de détenus.
    « Les hospitalisations d'urgence et de très courte durée des personnes incarcérées ont lieu dans les hôpitaux de rattachement qui ne sont toutefois pas encore tous dotés des équipements de sécurité nécessaires. Il convient de parfaire les conditions de sécurité pendant les transferts et le séjour des personnes détenues hospitalisées.
    « Les contraintes carcérales ne permettent pas un suivi médical continu des patients atteints de troubles mentaux. Pour répondre à ce besoin seront créées des unités hospitalières sécurisées psychiatriques en établissements de santé.
    « S'agissant de l'incarcération des personnes âgées et des personnes handicapées, il convient d'accroître le nombre de cellules aménagées et d'améliorer leur prise en charge socio-sanitaire.
    « Les conditions de transfert à l'administration pénitentiaire de missions nouvelles (surveillance des détenus hospitalisés et, plus généralement, gardes et escortes des détenus) feront l'objet d'une réflexion interministérielle.

« 4. - Mettre à niveau les services
d'administration déconcentrée et de formation

    « Il est impératif que les directions régionales soient en mesure de mettre en oeuvre les politiques publiques, de gérer les moyens financiers qui leur sont délégués et d'assurer la gestion des ressources humaines de leurs services.
    « Par ailleurs, la capacité de formation de l'Ecole nationale de l'administration pénitentiaire sera accrue pour pourvoir aux besoins de recrutement dans les prochaines années.

« 5. - Revaloriser le statut des personnels pénitentiaires
et améliorer les conditions d'exercice de leur mission

    « Le statut des personnels pénitentiaires devra mieux prendre en compte les obligations particulières auxquelles ces personnels sont astreints.
    « La réalisation de l'ensemble des actions consacrées à l'effectivité de la réponse pénale se traduira par la création de 3 600 emplois dont 410 dans les services judiciaires et 3 190 dans les services pénitentiaires.
    « 762 MEUR seront affectés à cet objectif en dépenses ordinaires ainsi que, pour l'investissement, 1 198 MEUR en autorisations de programme.

« III. - TRAITER PLUS EFFICACEMENT
LA DÉLINQUANCE DES MINEURS

    « Le nombre des mineurs mis en cause par les services de police et de gendarmerie a augmenté de 14,92 % entre 1997 et 2001, passant de 154 037 à 177 017. Ils représentent à eux seuls 21 % du total des mis en cause.
    « La délinquance des mineurs est principalement une délinquance de voie publique, donc une délinquance visible. Elle se caractérise notamment par une augmentation significative des faits de violence (+ 16,4 % de vols avec violences entre 1997 et 2000, + 39,5 % d'atteintes aux personnes) et d'atteintes aux moeurs (+ 18,5 %).
    « Ces caractéristiques appellent des réponses fortes de la part des pouvoirs publics. Il convient donc d'adapter les conditions procédurales de la réponse pénale à cette délinquance ainsi que de réaffirmer la valeur de la sanction, tout en poursuivant et en développant les actions de prévention et de réinsertion.
    « Il est ainsi nécessaire d'adapter l'ordonnance du 2 février 1945 aux nouvelles caractéristiques de cette délinquance dans le respect de ses principes directeurs, à savoir la spécialisation des magistrats et la primauté de l'action éducative, en diversifiant les sanctions éducatives pour les mineurs de 10 à 13 ans, en permettant aux magistrats de la jeunesse de placer les mineurs délinquants, y compris les moins de 16 ans, dans des centres éducatifs fermés dans le cadre d'un contrôle judiciaire ou d'un sursis avec mise à l'épreuve dont la révocation peut entraîner la détention, et en instaurant une procédure de jugement à délai rapproché.
    « Pour permettre la mise en oeuvre et rendre effectives ces dispositions, il est prévu de développer, d'une part, un dispositif de prise en charge fortement renforcé pour les mineurs récidivistes, dans un double souci de protection de l'ordre public et de traitement des difficultés des mineurs concernés, d'autre part, des actions de prévention et de réinsertion.

« A. - Renforcer et encadrer le dispositif de
traitement des mineurs récidivistes ou violents

« 1. - Sous la responsabilité de la protection judiciaire de la jeunesse, créer des centres éducatifs fermés destinés à accueillir les mineurs délinquants dans un cadre permettant de s'assurer de leur présence effective
    « Sur les 65 000 mineurs jugés en matière pénale en 2001, 3 800 ont fait l'objet d'une mesure de placement dans les établissements du secteur public et du secteur associatif habilité, 3 200 ont été incarcérés. Il est parfois difficile, notamment dans les régions les plus concernées par la délinquance juvénile (Ile-de-France, Nord, Rhône-Alpes, PACA) de trouver dans les délais très brefs imposés par la procédure pénale, notamment en alternative à l'incarcération, un lieu de placement adapté pour les mineurs multirécidivistres.
    « Il convient d'augmenter les capacités d'accueil des centres éducatifs renforcés tout en développant un contrôle plus strict de ces mineurs délinquants de manière à prévenir les fugues afin de mieux répondre aux demandes des magistrats. Les moyens des centres éducatifs existants devront être renforcés et leur action éducative développée.
    « Par ailleurs, le présent projet crée des centres éducatifs fermés dans le secteur public et dans le secteur associatif habilité en vue d'accueillir, d'une part, des mineurs placés sous contrôle judiciaire, d'autre part, des mineurs ayant fait l'objet d'une peine de prison avec sursis et mise à l'épreuve. En outre, il prévoit que les mineurs placés au sein des centres éducatifs fermés, dont ceux âgés de 13 à 16 ans, pourront être mis en détention en cas de violation des conditions du placement, et notamment en cas de fugue. Le placement au sein des centres éducatifs fermés répondra ainsi à la nécessité d'une prise en charge renforcée des mineurs multiréitérants. Parallèlement, une prise en charge éducative, fondée sur l'enseignement et l'insertion professionnelle sera mise en oeuvre sur la base d'un programme rigoureux élaboré en étroite collaboration avec les autres départements ministériels concernés et notamment le ministère de l'éducation nationale. 600 places seront créées dans les centres éducatifs fermés.
    « Des outils d'évaluation de l'action éducative et de suivi de la trajectoire des mineurs suivis seront élaborés conformément aux orientations de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances et de la loi du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale.
« 2. - Sous la responsabilité de l'administration pénitentiaire et avec la protection judiciaire de la jeunesse, créer de nouveaux quartiers de mineurs dans les établissements pénitentiaires et créer des établissements pénitentiaires autonomes pour mineurs
    « Le nombre de places dans les établissements pénitentiaires pour l'accueil des mineurs détenus est insuffisant. De nombreux quartiers de mineurs sont très dégradés. 500 places devront être créées dans les quartiers de mineurs et des travaux de rénovation vont être engagés. 400 places seront créées dans de nouveaux établissements pénitentiaires spécialisés pour l'accueil des mineurs.
    « L'intervention continue des services de la protection judiciaire de la jeunesse sera organisée auprès de l'ensemble des mineurs incarcérés, car ceux-ci justifient une prise en charge pluridisciplinaire et un soutien personnalisé.
    « La réflexion sera engagée sur la possibilité de faire du juge des enfants le juge de l'application des peines en matière de détention. En effet, l'une des difficultés actuelles est que le juge des enfants n'est pas juge de l'application des peines lorsqu'un mineur est incarcéré, cette fonction revenant au juge de l'application des peines.

« B. - Développer la prévention de la récidive

    « La justice des mineurs doit apporter une contribution majeure à la prévention de la récidive et de la réitération des infractions commises par les mineurs.
    « Cet objectif doit être atteint grâce à trois réformes de procédure opérées par le présent projet, ainsi que par un plan de relance de mesures de milieu ouvert :

« 1. - L'intervention du juge de proximité
en matière de répression de la délinquance des mineurs

    « Le juge de proximité, dont la spécialisation sera garantie à l'instar des assesseurs des tribunaux pour enfants, pourra connaître de certaines contraventions des quatre premières classes commises par les mineurs.
    « A l'initiative du procureur de la République, il pourra ainsi intervenir rapidement dans le champ des petites infractions commises par des primo-délinquants, et dans un cadre plus solennel et ferme que celui de l'alternative aux poursuites, prononcer des mesures éducatives et préventives telles que l'admonestation, la remise à parents et l'aide ou réparation. S'il estime qu'une autre mesure ou une peine sont nécessaires, il renverra le dossier au parquet pour qu'il saisisse le juge des enfants.

« 2. - La procédure de jugement à délai rapproché

    « De la rapidité de l'intervention du juge des enfants dépend souvent l'efficacité répressive et préventive de sa décision. Le présent projet permet ainsi au procureur de la République, dès lors que des investigations suffisantes auront été opérées quant aux faits et à la personnalité du mineur, de saisir le juge des enfants afin qu'il comparaisse devant le tribunal pour enfants dans un délai rapproché pour y être jugé.
    « Ainsi la comparution en justice et la décision du tribunal pour enfants seront, en raison de leur proximité dans le temps avec les infractions commises, de nature à dissuader effectivement le mineur de réitérer ou récidiver.

« 3. - La retenue et les sanctions éducatives
pour les mineurs de 10 à 13 ans

    « La délinquance des mineurs de 10 à 13 ans connaît depuis quelques années une progression importante et inquiétante (augmentation de 8 % du nombre de mineurs de 12 ans déférés devant les juges des enfants en 2001). Il est donc indispensable de faciliter les conditions de l'enquête en portant de dix à douze heures renouvelables une seule fois la retenue dont ils peuvent faire l'objet et en diminuant le seuil des sanctions permettant cette retenue. Il convient aussi de créer pour cette classe d'âge très jeune une réponse pénale originale à vocation éducative et préventive, le cas échéant plus ferme et dissuasive qu'une simple mesure éducative.
    « Ces sanctions éducatives sont la confiscation de l'objet ayant servi à la commission de l'infraction, l'interdiction de paraître en certains lieux et notamment celui de l'infraction, l'interdiction d'entrer en rapport avec la victime, l'accomplissement d'un stage de formation civique, une mesure d'aide ou de réparation.
« 4. - Améliorer la prise en charge en milieu ouvert (relance des mesures de réparation, augmentation des classes-relais)
    « Le renforcement d'une politique pénale tendant à traiter de manière immédiate et systématique les infractions commises par les mineurs, l'accélération des procédures devant les juridictions ont créé un goulet d'étranglement au moment de la mise à exécution des mesures et des peines prononcées par les tribunaux. Le délai moyen des prises en charge des mesures éducatives et des peines est de 51,9 jours.
    « Les objectifs sont donc pour fin 2007 de réduire les délais de prise en charge des mesures éducatives et des peines de 51,9 jours à 15 jours, d'augmenter le nombre de mesures de réparation, et d'accroître la participation de la protection judiciaire de la jeunesse aux 200 classes-relais supplémentaires qui seront créées.
« C. - Mise à niveau des services de formation et d'administration des services de la protection judiciaire de la jeunesse
« 1. - Renforcer les capacités de pilotage et d'administration des services de la protection judiciaire de la jeunesse au niveau territorial
    « La direction de la protection judiciaire de la jeunesse doit renforcer l'inscription de son action dans les politiques publiques concernant l'enfance et la coordination avec les responsables territoriaux (notamment conseils régionaux et départementaux). Elle doit aussi améliorer ses capacités de gestion au plan local afin de renforcer son expertise et poursuivre le processus de déconcentration qui n'est réalisé actuellement que pour les crédits de fonctionnement. Cela nécessite un renforcement quantitatif et qualitatif de la filière administrative.

« 2. - Adapter le dispositif de formation aux besoins

    « Pour faire face aux besoins de recrutement dans les prochaines années, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse devra adapter ses moyens de formation et de recrutement.
    « Les objectifs sont de renforcer la professionnalisation de la formation, d'allonger la formation initiale et continue des directeurs de service et de développer la formation des directeurs territoriaux notamment en matière de gestion, de transformer le Centre national de formation et d'étude de la protection judiciaire de la jeunesse en établissement public administratif et de mener à bien sa délocalisation.
« 3. - Améliorer le patrimoine immobilier des établissements qui accueillent des mineurs de la protection judiciaire de la jeunesse
    « Il est indispensable de développer au sein des structures régionales l'expertise et les capacités en termes de conduite de projets immobiliers pour réaliser les opérations d'entretien et de maintenance des installations ainsi que la réalisation des nouveaux dispositifs prévus par la présente loi.
    « 1 988 emplois seront créés pour la mise en oeuvre de cet objectif de traitement plus efficace de la délinquance des mineurs, dont 188 dans les services judiciaires, 550 dans les services pénitentiaires et 1 250 dans les services de la protection judiciaire de la jeunesse. 423 MEUR en dépenses ordinaires seront affectés à cet effet sur la période couverte par la présente loi, ainsi que 170 MEUR en autorisations de programme.

« IV. - AMÉLIORER L'ACCÈS DES CITOYENS
AU DROIT ET À LA JUSTICE
« 1. - Améliorer l'aide aux victimes


    « Un plan national d'aide aux victimes sera mis en oeuvre.
    « Il comprend les volets suivants dont les deux premiers figurent d'ores et déjà dans le présent projet :
    « - informer la victime, dès son audition par les services de police et de gendarmerie, de la possibilité de se voir désigner immédiatement un avocat d'office par le bâtonnier ;
    « - accorder de droit l'aide juridictionnelle sans condition de ressources aux victimes des atteintes les plus graves à la personne ou à leurs ayant droit. Les personnes gravement bléssées et psychologiquement fragilisées ou qui viennent de perdre un proche dans des circonstances dramatiques à la suite des infractions criminelles les plus graves telles que le meurtre, les violences et viols aggravés bénéficieront systématiquement de l'aide juridictionnelle, quel que soit le montant de leur ressources ;
    « - informer plus largement et plus rapidemennt la victime sur ses droits et sur le déroulement de l'ensemble de la procédure ;
    « - indemniser les préjudices de façon plus juste et plus transparente en améliorant notamment le déroulement des expertises et en harmonisant les méthodes d'évaluation.

« 2. - Faciliter l'accès au droit


    « La loi de programmationn permettra de rationaliser et de compléter l'implantation des différentes structures oeuvrant en faveur de l'accès au droit (maisons de justice et du droit, antennes de justice...).

« 3. - Permettre un accès effectif à la justice


    « A cette fin, l'amélioration du dispositif d'aide juridictionnelle doit être recherchée de telle sorte que l'accès à la justice soit mieux garanti.
    « Cet objectif doit tout à la fois prendre en considération les seuils d'admission et la rénumération des auxiliaires de justice intervenant en matière d'aide juridictionnelle.
    « 262 MEUR en dépenses ordinaires et 115 emplois seront mis en place sur la période de la loi pour la mise en oeuvre de ces objectifs d'amélioration de l'accès au droit et à la justice.
    « Au total, la loi d'orientation et de programmation pour la Justice prévoit la création de 10 100 emplois, et de 2 775 MEUR en dépenses ordinaires (coût des emplois compris). Pour financer les investissements correspondants, 1 750 MEUR d'autorisations de programme viendront s'ajouter au niveau actuel des autorisations de programme du ministère de la justice.
    « En dépenses ordinaires et en crédits de paiement, la ressource totale consacrée à la loi s'élèvera à 3 650 MEUR.
    « Les services judiciaires bénéficieront de 4 450 emplois (950 magistrats et 3 500 fonctionnaires), de 1 207 MEUR en dépenses ordinaires et de 277 MEUR d'autorisations de programme.
    « Le Conseil d'Etat et les juridictions administratives bénéficieront de 480 emplois, de 114 MEUR en dépenses ordinaires et de 60 MEUR en autorisations de programme.
    « L'administration pénitentiaire bénéficiera de 3 740 emplois, de 801 MEUR en dépenses ordinaires et de 1 313 MEUR en autorisations de programme.
    « Les services de la protection judiciaire de la jeunesse bénéficieront de 1 250 emplois, de 293 MEUR en dépenses ordinaires et de 55 MEUR en autorisations de programme.
    « L'administration centrale bénéficiera de 180 emplois, de 360 MEUR en dépenses ordinaires et de 45 MEUR en autorisations de programme. »
    Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits. La parole est à M. Claude Goasguen.
    M. Claude Goasguen. L'annexe, un élément essentiel du dispositif, me paraît bien résumer la politique pénale choisie par le Gouvernement, à une exception près cependant. C'est la raison de mon intervention.
    Je souhaite, monsieur le garde des sceaux, que vous puissiez vous entretenir avec vos collègues des finances et de l'intérieur au sujet de l'exécution des peines, qui me paraît un élément essentiel du dispositif de lutte contre l'impunité. Quand je dis « ministère des finances », je pense au recouvrement des amendes. J'en ai parlé dans le débat général et j'insiste sur cette question.
    Cette remarque vaut pour l'exécution des peines et pour ce qu'un de nos collègues a appelé « l'érosion des peines », formule que je fais mienne. Il y a désormais, au-delà des difficultés internes de la justice, un véritable problème de crédibilité de la sanction rendue par la justice. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez ajouter dans votre politique, sinon dans le rapport annexé, cette question de l'exécution des peines et de la réalité de la sanction.
    Les magistrats, les avocats, les victimes y verront un avantage. Mais les délinquants eux-mêmes retrouveront dans cette nouvelle sanction la fin d'une incertitude qui pèse très lourd sur les mentalités et le civisme en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.
    M. Richard Mallié. Je relèverai trois points importants dans les orientations retenues pour la justice pour les années 2003-2007.
    Le premier, c'est la rapidité du jugement. Au bout de plusieurs mois, les souvenirs se perdent et l'effet dissusif de la sanction n'existe plus.
    Monsieur le ministre, la création d'un juge de proximité pour les petites fautes me paraît importante et intéressante, surtout pour les victimes. En effet, celles-ci doivent attendre parfois plusieurs mois un jugement, d'où une tendance à prendre mal les choses au plan psychologique.
    Le deuxième point qui me paraît intéressant concerne la possibilité, pour les victimes d'infractions les plus graves, de bénéficier de l'aide juridique gratuite. Cependant, je vous propose d'aller un peu plus loin. C'est pourquoi j'ai déposé avec Guy Teissier, deux amendements n°s 34 et 35, aux articles 21 et 28.
    Le troisième point, le plus important, concerne la délinquance des mineurs. C'est en fait un problème de société. Aujourd'hui, pour les multirécidivistes, la prévention est dépassée et il est temps de passer à l'action mais aussi à la thérapie. Le praticien du corps de santé que je suis constate qu'il s'agit d'une épidémie et donc qu'il y a urgence. Monsieur le ministre, votre projet de loi est présenté en urgence, ce que je comprends et soutiens.
    M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !
    M. Richard Mallié. Mme Guigou ce matin, en citant M. Badinter, disait qu'un mineur n'est pas un adulte en miniature, mais un être en devenir, en évolution. Seulement le mineur doit savoir aussi qu'il est responsable.
    N'en déplaise aux rousseauistes que j'ai pu entendre tout au long de ce débat (Sourires sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française), la vie en société a des règles et la liberté de chacun se termine où commence celle d'autrui.
    M. Claude Goasguen. Ils n'ont jamais lu Rousseau !
    M. Richard Mallié. La société et la famille ont une mission d'éducation, c'est l'instruction et la sanction. Aujourd'hui les jeunes vivent dans un monde virtuel. Ils sont sans repères ni valeur. Ce public, extrêmement difficile, destructuré, rétif à l'autorité, doit apprendre les règles de la vie en société, le respect d'autrui et de soi-même ainsi que le travail et la discipline.
    Dans la gradation des sanctions, il n'y a rien entre le centre ouvert et la prison.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Absolument.
    M. Richard Mallié. Quand la famille est dépassée, quand le mineur fugue, que faire ? La création de centres fermés est une bonne chose, monsieur Vaxès, car les mineurs pourront y recevoir l'éducation dans la contrainte. Ne parlez donc pas de phobie de l'enfermement et de la prison.
    Dans le même sens, monsieur le ministre, j'aurais souhaité que les travaux d'intérêt général dont le côté dissuasif et réparateur n'est plus à démontrer, soient étendus aux jeunes de quatorze à dix-huit ans. J'ai pu constater depuis treize ans, en tant que maire, leur efficacité. C'est pourquoi je vous propose un amendement n° 37 à l'article 13, qui permet de condamner à des travaux d'intérêt général des jeunes de treize à dix-huit ans. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Yves Jego.
    M. Yves Jego. Le Gouvernement nous propose, à travers cet article de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, une série de mesures adaptées, justes et efficaces.
    Ce texte apporte une première réponse globale permettant de traiter à la fois la question indispensable des moyens de la justice, la mise en place d'une justice de proximité, la nécessaire réforme du droit pénal des mineurs et l'amélioration du fonctionnement de nos tribunaux.
    Il est aujourd'hui plus que jamais vital de défendre et de protéger notre institution judiciaire car elle est la première des fondations de notre République. Je voudrais insister ici sur un point primordial : la perception de la légitimité de la loi et, par là, de toutes les institutions de la République. N'en doutons pas, celle-ci est directement liée à la place et à la visibilité de la justice. Pourquoi dois-je respecter la loi ? Parce qu'elle me protège. Or cela n'est possible que si la justice peut, par les moyens dont elle dispose, par la qualité de ses personnels, par l'efficacité de ses procédures, rendre des décisions qui renforcent ce sentiment de protection et d'équité.
    Dans le cadre du nouvel ordre juridictionnel de proximité que vous instaurez, deux des axes de ce projet me semblent particulièrement importants.
    Vous répondez, monsieur le ministre, au premier devoir social de la justice qui est d'être l'un des représentants visibles de la République, en contribuant avec les forces de l'ordre à la paix sociale.
    L'évolution des formes de la délinquance nous oblige aujourd'hui à nous pencher sur les réponses les plus adaptées à apporter, notamment à la délinquance des mineurs. C'est aussi un devoir social, et à un double titre.
    Il s'agit d'abord de protéger de cette délinquance les victimes, qui sont parmi les plus démunies de notre société. Les mesures proposées en ce sens me semblent particulièrement importantes et appropriées.
    Mais il s'agit également de protéger les auteurs mêmes de ces actes délictueux et d'éviter, dans les cas les plus difficiles, que leur présence dans le quartier n'en entraîne d'autres sur le chemin du non-respect de la loi.
    Sans supprimer l'ordonnance de 1945, vous avez choisi de l'amender. Votre texte ne nie pas sa philosophie générale, mais parvient à l'adapter à l'évolution de notre temps. Vous réaffirmez l'absolue nécessité des mesures éducatives - qui sont largement renforcées avec, notamment, le recrutement exceptionnel, que je salue, de plus de mille éducateurs de la PJJ -, tout en ayant le courage de mettre en place ce que, il y a peu encore, tout le monde, y compris l'actuelle opposition, semblait appeler de ses voeux : je veux parler, bien sûr, des centres éducatifs fermés.
    En cela, vous ne tombez pas dans l'opposition, aussi stupide que stérile, entre sanction et éducation, dans laquelle certains voudraient nous enfermer. Chacun sait ici combien les deux approches vont de pair, combien il est indispensable pour la protection même des mineurs de mettre de la contrainte dans l'éducation et de l'éducation dans la contrainte.
    Oui, les mesures proposées dans cette logique sont équilibrées et justes. Oui, elles permettront de préserver l'avenir des mineurs délinquants en leur offrant d'autres alternatives que la prison ou la récidive. Oui, elles sauront, grâce à la célérité des jugements, rendre les décisions de justice mieux comprises et donc mieux acceptées.
    Comme vous, monsieur le garde des sceaux, j'ai bien entendu les donneurs de leçons, plus aptes d'ailleurs à critiquer dans l'opposition qu'à agir quand ils sont au pouvoir. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Toutefois, je ne parviens pas à voir dans votre texte une loi liberticide qui permettrait demain d'emprisonner sans jugement de jeunes innocents. Je ne parviens pas à saisir en quoi les grands principes de notre démocratie seraient mis à mal par cette loi.
    Mais cela est certainement lié à ma position. Maire d'une ville comptant plus de 76 % de logements sociaux et qui a connu en dix ans 100 % d'augmentation des faits de délinquance, étant chaque jour au contact des habitants des quartiers HLM de Surville à Montereau ou des quartiers nord de Melun, je ne vois, pour ma part, que la difficulté de vivre, que les tensions nées d'une justice trop lente et trop affaiblie. Je ne vois que la montée des exaspérations face à une délinquance des mineurs dont les gens des classes populaires sont les premières victimes en tant que citoyens mais aussi en tant que parents. Je ne vois que leurs demandes, sans cesse répétées, d'une république plus forte, plus visible, plus juste.
    Avec les six millions de celles et ceux qui vivent dans des conditions particulièrement difficiles dans les mille quartiers urbains de notre pays, je ne vois dans cette loi que le rempart qui protégera le plus faible et le plus pauvre contre l'injustice, qui viendra soutenir l'effort éducatif des parents, qui confirmera les actions de prévention et d'insertion des collectivités locales et des associations.
    Je ne vois, dans votre texte, que le point de départ d'une politique qui prend enfin en compte les réalités de notre pays, sans fantasmes ni fausse pudeur, qui refuse d'opposer grands principes et courage politique.
    Je ne vois décidément, monsieur le garde des sceaux, aucune raison valable pour que notre assemblée ne vous apporte pas son plein et entier soutien en adoptant l'article 1er comme l'ensemble du texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

    M. le président. La parole est à M. Alain Marsaud.
    M. Alain Marsaud. Mes chers collègues, notre débat concerne la justice, mais il n'est pas sans lien avec celui qui a eu lieu il y a quelques jours sur le projet de loi relatif à la sécurité de nos concitoyens. Or je suis particulièrement fier d'appartenir à la majorité qui soutient un Gouvernement qui a pris, le 27 mai 2002, un décret très particulier puisqu'il avait lui-même pour objet de rapporter un décret de naturalisation ayant attribué la nationalité française à un jeune homme qui trimballait sa Kalachnikov en Afghanistan ! Ce problème avait d'ailleurs été soulevé par M. Myard. Vous me direz que cela n'a rien à voir avec le texte dont nous discutons mais, comme la presse vient de révéler cette mesure, je crois qu'il était important de constater que ce gouvernement a eu le courage, il y a quelques jours, de retirer la nationalité à une personne qui, bien évidemment, est aujourd'hui dans les geôles de la République pour faits de terrorisme. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mais revenons, monsieur le garde des sceaux, au sujet qui nous préoccupe.
    M. André Vallini. Ce serait bien !
    M. Alain Marsaud. Je voulais vous entretenir quelques instants du juge de proximité. Nous allons, bien sûr, en soutenir la création, mais j'ai eu l'occasion, en commission des lois, de vous faire part de mes craintes, car j'ai l'impression que ce juge que vous instituez ressemble par beaucoup de traits à celui qui avait été créé par votre prédécesseur, M. Méhaignerie, en 1995.
    De plus, j'ai le sentiment que vous le situez à un niveau hiérarchique un peu élevé. Sans doute avez-vous eu la crainte de créer une justice au rabais, une justice de seconde zone pour des sous-citoyens. Mais, en réalité, que demandons-nous à la justice de proximité ? On se rend bien compte qu'avec 6 000 magistrats, nous n'arrivons pas à pourvoir à la tâche et que nous avons besoin tout simplement d'un peu plus de bras, d'un peu plus d'esprits qui puissent aider les magistrats dans l'exercice quotidien de leur fonction. Or vous mettez la barre très haut en termes de recrutement - 3 300 juges sur cinq ans - et sans doute un peu haut en termes de qualité des gens que vous allez recruter puisque vous voulez faire appel pour une bonne part à des retraités de la magistrature, de la police, des professions juridiques ou judiciaires.
    De mon côté, je milite depuis pas mal d'années pour ce que certains d'entre nous appellent au sein de la commission des lois, le « juge citoyen ». Ce juge citoyen, nous l'avons vu à l'oeuvre, notamment en Grande-Bretagne. Il s'agit tout simplement d'un citoyen, j'allais dire ordinaire, qui rend la justice au nom de ses semblables. Et si cette justice est peut-être mieux acceptée, c'est parce qu'elle est rendue par quelqu'un qui ressemble à celui qui la reçoit. J'aurais donc préféré que l'on abaisse le niveau de compétence exigé pour le recrutement des juges de proximité afin d'être bien sûr que 3 300 personnes viendront répondre aux sollicitations du ministère de la justice.
    Aujourd'hui, monsieur le garde des sceaux, le mieux à faire est de lancer une grande campagne de recrutement, afin de faire savoir aux Françaises et aux Français qu'en leur qualité de citoyens et dans la mesure où ils en ont la compétence, ils sont invités à venir rejoindre les bancs de la justice pour vous prêter main forte. Même si l'entreprise s'annonce assez difficile, vous aurez tout notre soutien, et je souhaite que vous réussissiez à installer le juge de proximité. Car c'est sans doute pour nous la dernière occasion de faire rendre une justice acceptable. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Éric Diard.
    M. Eric Diard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice est dicté par l'impérieuse nécessité et l'urgence de restaurer l'autorité de l'Etat. Nul ne doute que le renforcement de la justice, tout comme la lutte contre l'insécurité, constitue l'un des piliers fondamentaux d'une action qui permettra de stopper le glissement dangereux de nombreux Français vers l'exaspération, voire l'extrémisme.
    L'encombrement des tribunaux, le classement sans suite de nombreuses affaires, le fait que 30 % des décisions de justice prévoyant un emprisonnement ne sont pas appliquées, les délais de jugement trop longs, tous ces phénomènes ont créé un véritable sentiment d'impunité.
    Ce projet de loi est d'autant plus nécessaire et urgent qu'il va permettre à la France de ne plus être montrée du doigt pour ses conditions d'incarcération. Le pays des droits de l'homme mis à l'index pour le délabrement des prisons et les conditions déplorables d'exécution des peines, cela doit appartenir bientôt au passé.
    Le texte s'attaque au délicat problème de la délinquance des mineurs, qui augmente de façon exponentielle.
    Bien sûr, les centres éducatifs fermés ne doivent pas être de simples lieux d'enfermement, mais offrir aussi aux mineurs multirécidivistes une deuxième chance de s'insérer en insistant sur les fonctions essentielles de rééducation.
    Bien sûr, dans ce type de dossiers, il est difficile d'affirmer que l'on va réussir tout de suite et du premier coup. Il faudra peut-être opérer des réajustements, et l'exemple canadien, qui reçoit l'assentiment conjoint de Julien Dray et de Christine Boutin (Sourires), doit être suivi attentivement par une commission parlementaire.
    En tout cas, l'heure n'est plus aux affirmations manichéennes selon lesquelles la gauche pense aux jeunes, à la prévention, à leur avenir, quand la droite ne pense qu'à la répression. L'heure est à l'action. C'est ce que les Français ont demandé et demandent toujours. A un moment où notre justice est dans une situation plus que difficile, ce texte va dans le sens de l'action. Mes chers collègues, le temps n'est plus aux discussions sans fin, aux poncifs, aux « y a qu'à », aux anathèmes : tout cela, je pense, relève déjà d'une autre époque.
    Cette loi, pendant indispensable de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, est peut-être perfectible, mais elle va de l'avant, et là est l'essentiel.
    M. le président. La parole est à Mme Henriette Martinez.
    Mme Henriette Martinez. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 1er de la loi d'orientation et de programmation pour la justice nous renvoie en fait à l'esprit de la loi et aux moyens pour l'appliquer. Voter cet article, c'est voter cette loi.
    C'est dire « oui » à l'effort financier et humain important que vous nous proposez dans les cinq ans à venir pour le bon fonctionnement de la justice, les investissements nécessaires et le recrutement de personnels supplémentaires.
    C'est dire « oui » à la création d'une justice plus proche des citoyens et plus efficace.
    C'est dire « oui » à la réforme de l'ordonnance de 1945 pour traiter plus efficacement la délinquance des mineurs.
    C'est dire « oui » à la simplification de la procédure pénale.
    C'est dire « oui » au meilleur fonctionnement et à une plus grande sécurité des établissements pénitentiaires.
    C'est dire « oui » à une meilleure prise en charge des victimes.
    Enfin, dire « oui », pour nous qui siégeons sur les bancs de l'UMP, c'est tenir les engagements du Président Jacques Chirac et du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, sur lesquels nous avons été élus.
    En s'opposant à ce texte, les députés de l'opposition démontrent qu'ils n'ont toujours rien compris aux attentes des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Ils persistent à opposer l'idéologie au bon sens, la permissivité à l'éducation, le laxisme à la responsabilité. Ils démontrent leur mépris à l'égard de la France d'en bas, qui n'aspire qu'à vivre tranquillement, à travailler dans de bonnes conditions, à avoir confiance en la justice et en l'Etat, dans une société dont les règles soient respectées, dont les valeurs fondamentales basées sur le respect de la loi et d'autrui soient restaurées.
    Alors, monsieur le garde des sceaux, nous vous remercions de respecter nos engagements. Nous soutenons avec détermination les moyens que vous mettez en oeuvre pour une meilleure justice. Nous approuvons avec conviction et enthousiasme l'esprit de votre loi, car nous savons que notre liberté s'arrête là où commence celle des autres.
    Nous savons aussi, avec Saint-Exupéry, qu'il n'y a pas de solutions toutes faites mais des forces en marche. Il faut les créer et les solutions apparaissent. C'est ce que nous faisons aujourd'hui avec vous. Nous en sommes heureux et fiers et nous vous en remercions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.
    M. Jean Dionis du Séjour. Mes chers collègues, je voudrais d'abord apporter ici le témoignage d'un citoyen récemment élu après une campagne d'écoute longue et patiente, comme ce doit être le cas pour beaucoup d'entre nous dans cette assemblée.
    Cette campagne nous a permis de rencontrer des milliers de personnes très diverses qui nous ont mandatés sur des orientations parfaitement claires : « Soyez plus durs avec les voyous et les tricheurs et respectez ceux qui travaillent. » Voilà ce que nous avons tous entendu des centaines de fois et voilà pourquoi le remarquable travail législatif accompli par le Gouvernement sur la sécurité et sur la justice est profondément légitime. C'est pour cette raison, monsieur le garde des sceaux, que Pierre Albertini, au nom du groupe UDF, a apporté notre soutien à votre texte.
    Oui, il y avait une urgence symbolique, au sens fort du terme, à changer de politique dans ce domaine.
    « En tardant à prendre la mesure des souffrances engendrées, surtout dans les quartiers défavorisés, par la montée de l'insécurité, les socialistes ont trahi ce qu'ils appelaient avec emphase, en 1981, le "peuple de gauche. La réalité s'est vengée. Elle est cruelle pour la gauche : au moment de voter, les couches populaires se sont détournées d'elle. » Ce n'est pas moi qui le dis, messieurs de l'opposition, c'est un des vôtres, Hervé Algalarrondo, rédacteur en chef adjoint au service politique du Nouvel Observateur dans un très bon livre, Sécurité : la gauche contre le peuple.
    Oui, les chiffres sont là, têtus : en 1988, 74 % des ouvriers avaient choisi François Mitterrand au deuxième tour de l'élection présidentielle ; le 21 avril dernier, 40 % choisissaient l'abstention, 30 % Jean-Marie Le Pen ; 20 % Jacques Chirac et 17 % Lionel Jospin. Et quand ils étaient interrogés sur leurs motivations, ils citaient la montée de l'insécurité comme raison première de leur choix.
    Oui, nous serions tous bien inspirés de garder en mémoire le discours prononcé le 25 octobre 2001, à Nîmes, par le Président de la République. Constatant que l'insécurité avait franchi un palier inacceptable que nous n'aurions jamais imaginé atteindre en France, pays d'équilibre, de mesure, d'intégration et de tradition civique, le Président de la République avait tenu à préciser : « Nous avons tous été plus ou moins complices de cette évolution. » Oui, tous, même si la responsabilité de la gauche est plus directement engagée. Parce qu'elle a gouverné plus longtemps que nous ces vingt dernières années, et puis aussi parce qu'elle a été plus directement sous l'influence des lobbys post-soixante-huitards.
    Comme militant politique, j'ai en mémoire la discussion à l'Assemblée nationale, en 1996, du projet de loi présenté par notre président, alors ministre de l'intérieur. Julien Dray, alors orateur du groupe socialiste, s'opposait à ce que les forces de l'ordre pénètrent de nuit dans un domicile privé de terroriste, sauf si l'attentat avait déjà eu lieu.
    Oui, nous sommes en face d'un échec collectif des politiques publiques menées depuis vingt ans. Nous espérions un consensus de la représentation nationale sur ce sujet, marquant une détermination nouvelle de la nation dans ce domaine. Il n'aura pas lieu, la gauche préférant adopter une prudence bien frileuse plutôt que de faire à cette occasion l'aggiornamento dont elle ne pourra pas faire l'économie.
    C'est dommage, parce qu'un certain nombre des critiques faites au texte du garde des sceaux, hier soir, par le même Julien Dray sont à notre avis pertinentes.
    Oui, la justice de réparation est une des voies d'avenir pour faire reculer l'insécurité, et le texte qui nous est présenté, trop discret sur ce point, aura à être complété. Alors qu'il procède d'une réflexion très riche sur la gradation progressive en matière d'éloignement et finalement d'enfermement, il nous semble faible quant à la panoplie des moyens à déployer en matière de réparation : réparations financières d'abord, réparations d'intérêt général ensuite.
    Nous craignons que vous ne croyiez pas assez aux vertus des travaux d'intérêt général. Pourtant, tout tagueur ayant tenu assez longtemps un Kärcher et une brosse métallique pour effacer le produit de son oeuvre et de son énergie débordante est convaincu du contraire.
    Reste qu'un cadre plus général, plus efficace, est à créer. Il passe sans doute par les maires ou, plus largement, par les collectivités territoriales, qui connaissent bien ces petits délinquants et qui ont les moyens d'encadrer les travaux d'intérêt général avec leurs services de production, d'animation, de police municipale.
    Oui, l'implication, qui n'est pas assez forte et reste encore ambiguë, des élus locaux dans le nouveau paysage judiciaire et policier mis en place par le Gouvernement reste une des faiblesses de ce dispositif.
    A l'UDF, nous saisirons l'opportunité du grand débat sur la décentralisation pour proposer de compléter sur ce point les textes fondateurs présentés par M. le garde des sceaux et M. le ministre de l'intérieur.
    Enfin, monsieur le garde des sceaux, en tant que professionnel des télécommunications et élu d'Agen, où est implantée l'Ecole nationale d'administration pénitentiaire, j'ai pris le temps de discuter de votre projet de loi avec plusieurs fonctionnaires de cette administration et je voudrais vous alerter à propos de la mise en place des dispositifs de brouillage des communications par téléphone portable prévus à l'article 29. Le groupe UDF soutiendra un amendement, n° 288, tendant à la suppression de cette mesure. Il me semble en effet que c'est une fausse bonne idée qui coûtera très cher - à peu près 53 millions d'euros -, qui posera des problèmes de fonctionnement pour vos services, pour le voisinage, et qui ne sera pas très efficace.
    M. le président. Monsieur Dionis du Séjour,...
    M. Jean Dionis du Séjour. Je termine, monsieur le président.
    M. le président. Je n'en attends pas moins de vous, car votre temps est écoulé.
    M. Jean Dionis du Séjour. En effet, si l'on veut que les dispositifs restent efficaces face à une technologie en permanente évolution, il faudra engager de grosses dépenses. Le nombre d'évasions, qui est faible, ne le justifie peut-être pas. En outre, les portables permettent parfois des écoutes qui peuvent être utiles pour agir à l'extérieur.
    A notre sens, la réflexion sur cette mesure demande à être approfondie, y compris du point de vue de l'isolement des détenus, et notamment de l'utilisation du Web en prison, qui est un des moyens les plus féconds pour la réinsertion.
    En faisant ces remarques, l'UDF reste fidèle à la ligne fixée hier par M. Albertini : la volonté d'améliorer un texte que, pour l'essentiel, nous approuvons sans réserve. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Vous restez fidèle à la ligne de M. Albertini, c'est très bien. (Sourires.)
    M. Pierre Albertini. Je ne peux que vous approuver, monsieur le président !
    M. le président. La parole est à M. Joël Beaugendre.
    M. Joël Beaugendre. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je n'entends pas faire, en intervenant ici, de la grande littérature empreinte d'angélisme ni de belle syntaxe. Mon propos se veut ancré dans les réalités du terrain et dans le quotidien de la société guadeloupéenne en particulier.
    Oui, monsieur le ministre, le père de famille et le représentant de toute une population que je suis vous donne raison de nous présenter ce projet de loi qui vise à améliorer l'efficacité de la justice au service des citoyens, à adapter le droit pénal à l'évolution de la délinquance, et à traiter plus efficacement celle des mineurs pour faire échec à l'autodéfense et à ses conséquences souvent fâcheuses.
    Dans les départements d'outre-mer, la part constatée de la délinquance a progressé de 31,05 % depuis 1991. Notre société est violente, très violente, et je ne ferai pas ici l'énoncé de faits divers qui ont défrayé la chronique guadeloupéenne il y a quelques mois et la société guyanaise la semaine dernière. Insécurité scolaire, insécurité pesant sur les personnes, insécurité pesant sur les biens, voilà le triptyque de notre quotidien qui gêne la cohésion sociale dans nos départements.
    Les mineurs impliqués dans ces crimes et délits multiplient les dégradations de biens publics ou privés, oeuvrent en bandes et ne respectent plus aucune autorité, ni celle des parents, ni celle des éducateurs et encore moins celle de l'Etat.
    Les services de la protection judiciaire de la jeunesse en Guadeloupe ne sont pas en mesure d'endiguer la violence générée par une frange de notre jeunesse consommatrice de drogue et de stupéfiants en tous genres.
    Monsieur le ministre, ce dont nous aurions besoin en Guadeloupe, c'est d'un centre tel que fut celui de Saint-Jean-Bosco qui a pétri bien des hommes de notre génération qui y ont appris les règles fondamentales de la vie sociale. Nous avons eu besoin aussi que la majorité précédente respecte ses engagements concernant la prison de Basse-Terre. Des promesses ont été faites, qui n'ont pas été tenues. Voilà les mesures concrètes qu'attendent nos compatriotes et que nous soutenons à travers votre projet de loi.
    Enfin, je me félicite de la refonte de l'article 140 du code minier. Celui-ci permettra désormais aux forces de l'ordre de détruire le matériel des orpailleurs clandestins en Guyane. Je tiens à rendre un hommage appuyé à M. Georges Othily, sénateur de la Guyane, de l'avoir défendu.
    Monsieur le ministre, après avoir voté la loi sur la sécurité et celle présentée par le ministre François Fillon, je peux vous dire que je repartirai en Guadeloupe fier des travaux parlementaires de ce début de nouvelle législature. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. André Thien Ah Koon.
    M. André Thien Ah Koon. Monsieur le ministre, je félicite le Gouvernement pour la réponse rapide et efficace qu'il apporte aux attentes des Français en matière de sécurité et de justice.
    Comme moi, la majorité des élus locaux d'outre-mer, conscients des problèmes d'insécurité et de justice que rencontre notre société, vous soutient.
    Vous le savez, monsieur le ministre, de lourdes responsabilités pèsent chaque jour sur les épaules des maires. Face à la dégradation du climat social, au taux de chômage record, beaucoup d'élus ont déjà pris leur courage à deux mains. L'action sociale permanente auprès des familles, le soutien matériel aux associations de quartier et d'entraide solidaire, le renforcement des services d'éducation familiale et le financement des missions locales d'insertion, les médiateurs sociaux sont les outils quotidiens de l'élu de proximité pour lutter contre la dégradation des liens sociaux et l'augmentation de la délinquance.
    Mais cela ne suffit pas. Parfois, nous devons taper du poing sur la table pour prévenir l'insécurité.
    Au Tampon, par exemple, la ville dont je suis le maire, est entré aujourd'hui même en application un arrêté municipal interdisant aux moins de treize ans de circuler en ville à partir de 23 heures. Il a été plébiscité.
    M. Gérard Hamel. C'est bien !
    M. André Thien Ah Koon. La population réclame même non pas vingt-trois heures mais vingt heures, et non pas treize ans mais quinze ans. Cela exprime bien ses inquiétudes.
    Au niveau du département de la Réunion, ce sont des mesures urgentes et percutantes qui doivent être décidées avec, d'une part, la mise en place d'un schéma de développement des commissariats et, d'autre part, l'amélioration du service public pénitentiaire.
    Je parlerai des commissariats tout d'abord.
    Dans notre île, 33 000 crimes et délits ont été recensés en 2001, dont 20 % commis par des mineurs. La délinquance est en constante augmentation. Entre 2000 et 2001, elle s'est accrue, dans certaines villes, de 70 % et, parfois même, de 93 %.
    Les honnêtes citoyens et les services de police et de gendarmerie sont découragés. Trop de mineurs délinquants restent impunis. Les moins de 18 ans savent aujourd'hui qu'ils sont intouchables.
    Le découragement des forces de l'ordre est accentué par le manque d'effectifs et de moyens.
    En guise d'illustration, Le Tampon, ville de 62 000 habitants, accueille vingt-trois gendarmes au lieu de quarante-six comme le prévoient les textes. D'autres grandes villes de l'île, comme Saint-Paul avec 90 000 habitants et Saint-Louis avec 45 000 habitants, ne disposent pas d'un seul commissariat. Ces territoires ont été littéralement abandonnés.
    Face à ce climat d'insécurité, la réponse de l'Etat doit être énergique. C'est pourquoi, monsieur le ministre, je préconise la mise en place à la Réunion d'un schéma départemental de développement des commissariats de police.
    M. André Vallini. C'est une loi sur la justice !
    M. André Thien Ah Koon. Il faut également que le Gouvernement intervienne à la Réunion dans un autre domaine : le service public pénitentiaire.
    Le système carcéral à la Réunion est en effet sinistré. La commission d'enquête parlementaire l'a démontré il y a deux ans. D'un point de vue humain, la surpopulation carcérale - 1 200 personnes en prison pour 600 places - rend insoutenables les conditions de détention et nuit à la réinsertion des délinquants et à l'image de notre pays.
    Le sous-effectif chronique du personnel alimente l'exaspération et le désespoir des gardiens de prison en proie à d'incommensurables difficultés dans l'accomplissement de leur mission. Du point de vue matériel, l'insalubrité, la vétusté et l'exiguïté des locaux rappellent les pires heures de l'ère coloniale.
    Il est temps d'inscrire la politique pénitentiaire de la Réunion dans le respect de la personne humaine et d'entamer un processus de rattrapage et de remise à niveau.
    Il doit être procédé au recrutement de personnel et à la construction de nouveaux établissements de manière urgente. Dans un souci d'aménagement équilibré du territoire, je propose la construction d'un nouvel établissement pénitentiaire dans le sud de l'île et de centres éducatifs fermés en plus de ce qui est déjà prévu. Cette mesure permettra en outre de rapprocher les familles qui font actuellement plus de quatre heures de route pour rendre visite à un proche détenu.
    Je sais, monsieur le ministre, pouvoir compter sur votre appui pour la concrétisation des mesures que je viens de vous présenter. Je vous remercie à nouveau pour l'ordre public et le respect de l'autorité de l'Etat... ainsi que pour votre écoute. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.
    M. Philippe Folliot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un proverbe dit : « qui trop embrasse mal étreint ». Or l'Etat fait tellement de choses aujourd'hui qu'il en arrive souvent à oublier ses missions essentielles et régaliennes. Et quand l'Etat républicain n'assume pas ses responsabilités, notamment dans le domaine de la justice, cela peut avoir des conséquences graves.
    La première d'entre elles, c'est que, désespérés par le manque de moyens, nos concitoyens pourraient avoir envie de se substituer à l'Etat et même, pour certains d'entre eux, de se faire justice eux-mêmes, ce qui serait le début de la barbarie.
    Oui, mesdames, messieurs de l'opposition, il y a urgence à s'occuper de la justice.
    Vous avez bien fait, monsieur le ministre, de nous proposer ce texte de loi. Vous avez écouté et entendu la parole du peuple de France.
    Si nous n'avions rien fait, je suis convaincu que notre attitude aurait pu être assimilée par bon nombre de nos concitoyens à une forme de non-assistance à personnes en danger, celles-là mêmes que la majorité de ces cinq dernières années n'a pas su écouter.
    Un certain nombre de problèmes graves sont liés à l'insécurité et, plus particulièrement, à la délinquance de notre jeunesse. Si, quand un jeune vole un paquet de bonbons, on ne lui dit rien et qu'on ne lui dit toujours rien s'il vole un disque, une trottinette, un vélo, une mobylette, une voiture, il ne comprendra pas qu'on lui dise quelque chose quand il braquera une banque.
    M. Christian Estrosi. Mais on ne lui dira rien non plus, avec le système actuel !
    M. Philippe Folliot. La justice de proximité apportera une réponse adaptée aux problèmes qui se posent.
    Comme Pierre Albertini, je suis convaincu que les juges de proximité joueront un rôle essentiel de par le lien qu'ils établiront entre nos concitoyens et la justice.
    J'ai été choqué, pour ne pas dire scandalisé, d'entendre la justice de proximité qualifiée de « justice au rabais ».
    Je me permettrai d'user d'une métaphore rugbystique, puisque je représente une région adepte non pas du ballon rond, mais du ballon ovale. A certains égards, mieux vaut avoir des rugbymen amateurs qui mouillent le maillot plutôt que des professionnels qui ne veulent pas assumer correctement leurs missions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Union pour la majorité présidentielle.)
    Pour avoir travaillé dans le secteur de l'économie sociale et solidaire et côtoyé pendant des années les partenaires sociaux, je suis choqué par les propos qui sont tenus et les procès d'intention qui sont faits. Nous assistons à une remise en cause de la justice prud'homale...
    M. André Schneider. Très juste.
    M. Philippe Folliot. ... qui a tant apporté sur le plan de l'organisation judiciaire de notre pays et qui prouve que des juges amateurs peuvent exercer dans de connes conditions.
    Neuf Français sur dix sont favorables à la justice de proximité. Les personnes qui assumeront ces fonctions seront des juristes confirmés, nommés dans les mêmes conditions que les juges d'instance. La justice de proximité permettra de désengorger les tribunaux, et donc d'avoir une justice plus rapide.
    La souplesse de la tenue d'audiences foraines dans divers lieux publics créera un lien plus étroit entre nos concitoyens et la justice.
    Monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir, dans le cadre des décrets d'application de ce texte, tenir compte de la situation spécifique du milieu rural profond.
    M. le président. Monsieur Folliot, ici, comme sur un terrain de rugby, on ne dispose que d'un certain temps...
    M. Philippe Folliot. Une dernière remarque, monsieur le président, pour souligner que les maisons de services publics situées en milieu rural pourraient être un moyen tout à fait intéressant de jumeler la justice de proximité avec l'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, a présenté un amendement, n° 124, ainsi rédigé :
    « Compléter le troisième alinéa du 1 du A du I du rapport annexé par la phrase suivante :
    « Enfin, des efforts seront consentis pour améliorer les délais de traitement des affaires portées devant les juridictions spécialisées non pénales. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission des lois, de la législation et de l'administration générale de la République. Par cet amendement, la commission souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur les délais de traitement beaucoup trop longs des affaires devant les juridictions spécialisées non pénales. Nous pensons particulièrement aux tribunaux des affaires de sécurité sociale, aux juridictions du contentieux technique, qui sont saisies en cas de contestation du taux d'incapacité permanente ou partielle et du degré d'invalidité, ainsi qu'à la Cour nationale de l'incapacité, juridiction d'appel en matière de contentieux technique de la sécurité sociale.
    M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, pour donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement.
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Avis favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 124.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Abstention du groupe socialiste !
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 125, ainsi rédigé :
    « Dans le troisième alinéa du B du I du rapport annexé, après les mots : " d'une compétence , substituer au mot : " et , le mot : " ou . »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La commission des lois a voulu montrer sa volonté d'ouverture en matière de recrutement des juges de proximité. Nous souhaitons qu'une solide expérience professionnelle, d'une durée suffisante, dans les secteurs juridiques ou économiques puisse être également un critère de sélection.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 125.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Albertini et les membres du groupe Union pour la démocratie française ont présenté un amendement, n° 21, ainsi rédigé :
    « Compléter le cinquième alinéa B du I du rapport annexé par la phrase suivane :
    « La capacité des greffes sera sensiblement augmentée humainement et matériellement. »
    La parole est à M. Pierre Albertini.
    M. Pierre Albertini. Compte tenu de l'importance des greffes dans la logistique judiciaire, nous demandons l'amélioration de leurs moyens, à la fois humains et matériels. On ne peut pas dire, d'ailleurs, que l'équipement informatique de la justice ait été une réussite. Nous avons, là aussi, quelques progrès à accomplir.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Les remarques de M. Albertini sont justifiées sur le fond, mais la commission a considéré que son amendement était satisfait par la rédaction actuelle du projet de loi. Elle a donc émis un avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Même avis que celui de la commission.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Albertini et les membres du groupe Union pour la démocratie française ont présenté un amendement, n° 41, ainsi rédigé :
    « Compléter le B du I du rapport annexé par l'alinéa suivant :
    « Une réserve judiciaire sera créée. Les magistrats qui le désirent pourront prolonger leur activité au-delà de l'âge de la retraite afin de constituer des groupes d'encadrement et de formation pour les plus jeunes magistrats et l'ensemble des conciliateurs. »
    La parole est à M. Hervé Morin, pour soutenir cet amendement.
    M. Hervé Morin. M. Albertini propose la création d'une réserve judiciaire afin de faire face aux nombreux départs de magistrats qui vont intervenir dans les prochaines années. Les magistrats qui prolongeraient leur activité pourraient encadrer les juges et les conciliateurs.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Des magistrats surnuméraires sont déjà en fonction. Par ailleurs, en dehors du dispositif envisagé, il n'est pas proposé de solution très concrète. Cet amendement a recueilli un avis défavorable de la commission.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Mme Joissains-Masini a présenté un amendement, n° 226, ainsi rédigé :
    « Compléter le C du I du rapport annexé par les cinq alinéas suivants :
    « Diversifier le corps des magistrats :
    « Le corps des magistrats devra être constitué pour moitié des membres issus de la magistrature, pour un quart de membres de professions judiciaires ayant officié dans la fonction pendant au moins cinq ans et pour un quart de chefs d'entreprise et de hauts fonctionnaires.
    « Les magistrats ainsi désignés devront :
    « Pour ceux issus de l'école de la magistrature avoir satisfait aux stages obligatoires et à un examen. Pour les autres, ils devront, après avoir été retenus sur des critères de réussite dans leur fonction, satisfaire à des stages obligatoires.
    « Ces magistrats ainsi recrutés se verront appliquer le statut de la magistrature et pour ce qui est de la deuxième moitié, pour le déroulement de leur carrière, seront prises en compte les années d'ancienneté dans leur profession. »
    Cet amendement est-il défendu ?
    M. Christian Estrosi. Il l'est, monsieur le président.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Même avis que celui de la commission.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 226.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 126, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le début du premier alinéa du 1 du D du I du rapport annexé :
    « 1. - Renforcer l'efficacité... » (Le reste sans changement.)
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 126.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 127, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le début du premier alinéa du 3 du D du I du rapport annexé :
    « 3. - Améliorer le traitement... » (Le reste sans changement.)
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Amendement rédactionnel.
    M. le garde des sceaux, ministre de la justice. Avis favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 127.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 128, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le début du premier alinéa du E du I du rapport annexé :
    « E. - Améliorer l'équipement et le fonctionnement... » (Le reste sans changement.)
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Amendement rédactionnel.
    M. le garde des sceaux. Avis favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 128.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 129, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le premier alinéa du 1 du E du I du rapport annexé :
    « 1. - Mieux prendre en compte les besoins immobiliers des juridictions. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Amendement rédactionnel.
    M. le garde des sceaux. Avis favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 129.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 130, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le premier alinéa du 2 du E du I du rapport annexé :
    « 2. - Assurer un bon fonctionnement courant des juridictions. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Amendement rédactionnel.
    M. le garde des sceaux. Avis favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 130.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 131, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le premier alinéa du 3 du E du I du rapport annexé :
    « 3. - Développer le recours à l'informatique dans les juridictions. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Amendement rédactionnel.
    M. le garde des sceaux. Avis favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 131.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 132, ainsi rédigé :
    « Substituer aux deuxième et dernier alinéas du 1 du B du II du rapport annexé, l'alinéa suivant :
    « Le nombre de magistrats et de fonctionnaires de justice sera fortement augmenté afin de réduire les délais de traitement des affaires soumises aux juridictions pénales et d'accroître le nombre de poursuites. Dans cette même optique de réduction des délais, les modalités de désignation des experts et de suivi des expertises devront être revues. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Par cet amendement, je souhaite appeler l'attention du Gouvernement sur la nécessité de revoir les modalités de désignation des experts et de suivi des expertises. Dans un certain nombre de contentieux des dysfonctionnements apparaissent, qui entraînent des retards dans les procédures.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 132.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Garraud a présenté un amendement, n° 78, ainsi rédigé :
    « Compléter le B du II du rapport annexé par l'alinéa suivant :
    « Engager une réflexion sur la mesure et l'effet des dispositifs d'invidualisation des peines en cours d'exécution. »
    La parole est à M. Jean-Paul Garraud.
    M. Jean-Paul Garraud. Le système d'érosion des peines est préoccupant. Avec des dispositifs tout à fait légaux comme les remises de peine, les libérations conditionnelles, les grâces, les semi-libertés, et j'en passe, on arrive finalement à un grand fossé entre les peines prononcées par les tribunaux et les cours d'assises et celles effectivement subies par les délinquants. Ce phénomène est d'ailleurs très méconnu de nos concitoyens et entraîne souvent une assez grande incompréhension de leur part, à juste titre.
    Tout cela porte aussi atteinte à l'autorité de l'Etat. Une grande loi sur la sécurité a été mise en place, une grande loi sur la justice va l'être, mais comment faire respecter l'autorité de l'Etat ? Il est bien évident qu'il faut faire respecter les décisions de justice. Or par le système que je décris, l'autorité de l'Etat est finalement battue en brèche.
    Actuellement, nous n'avons pas d'élément fiable en la matière, et cet amendement tend à nous permettre d'avoir une réflexion et de faire un bilan pour que l'on puisse savoir ce qui se passe réellement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Sur le fond, le débat est très intéressant, mais il mériterait une loi entière. La commission va vous proposer dans quelque temps un amendement réclamant une loi pénitentiaire. Celui-ci relevant d'une telle loi pénitentiaire, la commission, pour une raison de forme, lui a donné un avis défavorable.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Dommage !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Je comprends très bien votre souci, monsieur Garraud. Dans le rapport annexé à la présente loi, plusieurs objectifs sont affichés, parmi lesquels une amélioration de l'efficacité de la justice et une adaptation du droit pénal à l'évolution de la délinquance. L'application de la loi sera évaluée chaque année et je pense que tel sera le cas concernant le point que vous avez soulevé.
    La question de l'érosion des peines est importante et ses conséquences sur l'effectivité des sanctions doivent effectivement être mieux appréhendées. Cela étant, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
    M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.
    Mme Marylise Lebranchu. Il me paraît dangereux d'isoler ce problème. Je ne reprendrai pas la parole sur l'amendement n° 134 qui fait référence à un texte indispensable, qui a d'ailleurs déjà été travaillé et qui sera donc plus facile à mettre en oeuvre.
    C'est un vrai sujet de fond, monsieur Garraud. Mais vous remettez tout de même deux choses en cause : le rôle du juge d'application des peines et la juridictionnalisation de l'application des peines, qui a été largement votée et, si mes souvenirs sont exacts, à l'unanimité dans cette assemblée. Pour cela, il faut des yeux extérieurs.
    Ceux qui gèrent les détenus peuvent parler de bonne conduite ou de mauvaise conduite, de semi-liberté. Effectivement, il y a une incompréhension du public, mais c'est la seule solution pour gérer les établissements pénitentiaires.
    Sans aller au fond d'un exposé qui a sûrement un peu écrasé vos arguments, y compris sur l'amnistie et les grâces du 14 juillet, je pense que ce serait dangereux de remettre en question le travail de tous ceux qui s'occupent de ces problèmes.
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Les arguments de Mme Lebranchu me paraissent fondés. Pour autant, je comprend très bien ce que veut dire M. Garraud. C'est l'incompréhension du mécanisme par l'opinion qui fait qu'il y a parfois quelque chose de révoltant. Si c'est pour mieux faire connaître le problème, je ne vois personnellement aucun inconvénient à l'adoption de cet amendement, mais je prends tout à fait en compte ce qu'a dit Mme Lebranchu.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 78.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 133 corrigé, ainsi rédigé :
    « Après la troisième phrase du dernier alinéa du 1 du C du II du rapport annexé, insérer la phrase suivante :
    « Des membres du personnel de l'administration pénitentiaire seront consultés, lors de l'élaboration de ce programme, sur les caractéristiques des constructions envisagées. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je souhaite rectifier cet amendement en séance, pour ajouter, au début de la phrase, les mots : « L'ensemble des personnes intéressées au sujet et notamment ».
    M. le président. L'amendement n° 133 corrigé est donc ainsi rectifié.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Le Gouvernement nous propose un très intéressant programme de reconstruction des établissements pénitentiaires. Dans la commission d'enquête sur les prisons et lors des auditions auxquelles nous avons procédé, nous nous sommes aperçus que, dans certains établissements, des choix architecturaux s'étaient révélés peu heureux à l'expérience. Nous avons donc voulu attirer l'attention du Gouvernement, qui est de toute façon très sensible à ce problème. Avant de faire des choix architecturaux, avant de définir les caractéristiques techniques des constructions, il est très important d'associer les personnes qui auront à travailler dans les établissements : les membres de l'administration pénitentiaire évidemment, les surveillants, mais aussi les autres intervenants, comme les travailleurs sociaux ou les éducateurs.
    Un certain nombre d'entre nous sont élus locaux. Quand nous construisons une école, il ne nous viendrait pas à l'idée de ne pas prendre l'avis des enseignants.
    M. René Dosière. Bien sûr !
    M. Hervé Morin. Et des parents d'élèves !
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C'est, je crois, la même logique. Lors d'une audition, un surveillant nous a indiqué que certains établissements relevaient d'une catastrophe architecturale. Que l'expérience d'un ou deux échecs nous serve donc !
    M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 133 corrigé et rectifié.
    M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Cet amendement va tout à fait dans le sens de ce que le garde des sceaux et moi-même souhaitons faire. Nous ne pouvons donc qu'y être favorables.
    J'ajoute d'ailleurs que doivent être associés, outre les maires, des parlementaires qui ont une certaine connaissance en la matière grâce aux nombreuses missions qui ont eu lieu, je pense en particulier aux sénateurs. Nous avons l'intention de créer une commission dans les semaines qui viennent, qui entendra toutes celles et tous ceux qui ont quelque compétence sur le sujet.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Très bien !
    M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.
    Mme Marylise Lebranchu. C'est évident qu'il faut prendre l'attache des personnels. Si cela avait été le cas dans des affaires que je ne citerai pas, on n'aurait pas eu certains drames ou certaines évasions. Il y avait, en effet, des anomalies dues aux architectes ou aux bureaux d'étude.
    Cela dit, nous ne voterons tout de même pas cet amendement, car, si on ne confiait pas la construction, la gestion et la maintenance des établissements à des entreprises privées, l'Etat en étant directement responsable, on travaillerait avec l'administration pénitentiaire et en direct avec ses personnels qui sont les mieux placés pour savoir comment on conçoit un établissement pénitentiaire.
    J'ajouterai simplement une chose car je me souviens de remarques de Mme Boutin. Les sénateurs ont mis en place une mission d'enquête parlementaire, monsieur Bédier, mais les députés ont créé une commission d'enquête qui a publié un excellent rapport sur l'ensemble des conditions de détention dans ce pays.
    M. René Dosière. Les députés aussi sont allés en prison !
    Mme Marylise Lebranchu. Mme Boutin avait souligné que, s'agissant de parloirs, des relations avec les enfants, les familles, de la relation à la vie, des liens à la sortie, la place des travailleurs sociaux n'était jamais prise en compte.
    Bref, il ne faut pas de plan type, mais des plans adaptés à chaque projet avec l'avis des surveillants d'abord, mais aussi de tous ceux qui travailleront à la réinsertion des détenus, à la lutte contre la récidive et la dangerosité.
    M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.
    M. Hervé Morin. Nous sommes plusieurs ici à avoir participé à la commission d'enquête sur les établissements pénitentiaires lors de la précédente législature, dont notre rapporteur, et je voudrais insister sur la nécessité de construire des établissements pénitentiaires à taille humaine. Le gouvernement précédent s'était engagé sur la construction de grands établissements.
    Mme Marylise Lebranchu. Non !
    M. Hervé Morin. Il est clair que, si l'on veut suivre les détenus, essayer de faire un travail de réinsertion, il est indispensable de construire des établissements pénitentiaires à taille humaine, c'est-à-dire des établissements de quelque cent ou cent cinquante détenus et non pas de plusieurs centaines, voire d'un millier de détenus comme il en a parfois été fait le projet. Si vous construisez des établissements comme j'ai pu en visiter, où les détenus sont laissés à eux-mêmes avec un ou deux gardiens de prison derrière des caméras et des vidéos, le pire est à redouter à la sortie pour ces prisonniers.
    M. le président. La parole est à Mme Christine Boutin.
    Mme Christine Boutin. Je suis heureuse de constater que le travail que nous avons accompli en commission d'enquête ressort à l'occasion de ces débats et je pense que, comme M. le garde des sceaux nous l'a dit, les prochaines réformes profondes nous permettront d'aller encore un peu plus loin.
    Bien entendu, je m'associe à tout ce qui a été dit, en particulier sur la nécessaire taille humaine de ces centres, mais je voudrais rebondir sur la proposition de M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice d'associer à la réflexion les parlementaires concernés par les lieux d'implantation des nouvelles constructions. Je crois, sans faire offense à la représentation nationale, que nous ne connaissons pas suffisamment la réalité carcérale. Il conviendrait qu'au moins les députés et les sénateurs concernés par une prison qui sera construite dans telle ville soient associés dès le départ à la construction.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 133, corrigé et rectifié.
    (Cet amendement est adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement n° 134, ainsi rédigé :
    « Compléter le 1 du C du II du rapport annexé par l'alinéa suivant :
    « Le Gouvernement présentera également une loi d'orientation pénitentiaire qui aura pour objet de définir le sens de la peine et de préciser les missions assignées à la prison. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Par cet amendement qui a été adopté à l'unanimité par la commission des lois, nous manifestons notre souhait que le Gouvernement présente également une loi d'orientation pénitentiaire qui aura pour objet de définir le sens de la peine et de préciser les missions assignées à la prison.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Très bien.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C'est un texte extrêmement court car nous n'avons pas voulu ouvrir les débats sur la loi pénitentiaire au détour d'un amendement. Nous avons simplement voulu poser le principe que tout le travail effectué durant la dernière législature au sein de la commission d'enquête ne doit pas être perdu. C'est une perche que nous tendons au Gouvernement pour que cette mobilisation ait une suite et qu'il y ait au cours de cette législature des avancées pour le système pénitentiaire de notre pays.
    M. le président. Monsieur le ministre, allez-vous saisir cette perche ?
    M. le garde des sceaux. Absolument, monsieur le président.
    Comme je l'ai expliqué ce matin en répondant aux orateurs qui se sont exprimés dans la discussion générale, et en particulier à Mme Boutin, je suis d'accord pour reprendre les réflexions sur ce sujet et essayer de déboucher le plus rapidement possible. Je suis d'accord sur le principe d'une loi, mais ce qui compte, c'est l'ensemble de la démarche sur l'organisation des différents établissements pénitentiaires, l'évolution du fonctionnement de ces établissements, le travail en matière éducative, et en matière d'insertion professionnelle. Il faut voir notamment comment d'autres pays ont réglé ces questions, comment ils ont progressé sur ces sujets, pour nous en inspirer de la manière la plus positive.
    Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.
    M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.
    Mme Marylise Lebranchu. On ne peut qu'être favorable à un projet de loi, car cela relève de la loi de parler de l'application de la peine, du sens de la peine et de la lutte contre la récidive. Un énorme travail a été réalisé pendant à peu près une année, il est bien sûr aujourd'hui à la disposition du garde des sceaux, qui s'en est sûrement déjà saisi.
    C'est urgent parce que l'on ne peut pas construire des établissements sans relire la carte pénitentiaire en France - maisons d'arrêt, centres de détention. J'ai noté que l'on voulait prendre en compte les malades dangereux. C'est aussi une urgence, mais il faudra bien là encore une loi. S'il n'y a pas des normes qui rendent la détention plus digne on risque d'oublier le sens de la peine et la lutte contre la récidive. Ce serait une grave erreur.
    Donc, construire, oui, mais il faut savoir pourquoi on construit et comment.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 134.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 135, ainsi rédigé :
    « Compléter le C du II du rapport annexé par les alinéas suivants :
    « 4. Développer les structures en milieu ouvert.
    « Afin d'exécuter les courtes peines ou de préparer les condamnés à la sortie, une attention particulière sera portée sur les centres destinés à mettre en place les mesures d'exécution des peines en milieu ouvert. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Nous souhaitons insister sur l'importance du développement des structures en milieu ouvert.
    Très concrètement, il s'agit notamment d'appeler l'attention sur les peines réalisées dans les centres de semi-liberté. Cela peut être une manière d'exécuter des peines de courte durée sans perdre son travail, et donc l'insertion dans la vie active. Cela peut être également l'occasion de faire un sas sur la dernière partie d'une peine, permettant à une personne de retrouver du travail tout en achevant d'exécuter la sanction judiciaire dont elle était l'objet.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 135.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 262, ainsi rédigé :
    « Compléter le 2 du D du II du rapport annexé par l'alinéa suivant :
    « Dans la perspective de la suppression des frais d'entretien, une réforme de la gestion des comptes nominatifs sera étudiée. Elle visera en particulier à augmenter la part réservée aux parties civiles et à introduire un principe de progressivité sur l'ensemble des prélèvements. Un rapport présentant les axes de cette réforme et incluant le projet de décret nécessaire à sa mise en oeuvre sera déposé au Parlement dans un délai de six mois. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cet amendement tend à inscrire dans la loi la perspective de la suppression des frais d'entretien perçus sur les revenus touchés par les détenus. Au-delà, nous souhaitons demander au Gouvernement une réforme de la gestion des comptes nominatifs des détenus.
    C'est un sujet extrêmement complexe et il y a des injustices. Au sein des établissements, sont ouverts des comptes, qui reçoivent l'ensemble des sommes perçues par les détenus. Ils sont divisés en trois parts : une part pour l'indemnisation des victimes, environ 10 %, une part pour la constitution d'un pécule de libération, environ 10 %, le reste étant théoriquement disponible. Mais il y a un système de prélèvement pour frais de fonctionnement qui est totalement injuste, qui ne favorise pas les détenus qui travaillent et qui, de surcroît, n'a pas de progressivité.
    Nous demandons donc au Gouvernement d'abord d'acter la perspective de la suppression des frais d'entretien, ensuite d'étudier l'ensemble de la réforme qui est nécessaire, en suivant la réflexion pour voir si l'on ne peut pas augmenter la part réservée aux parties civiles, en prêtant donc une plus grande attention à l'indemnisation des victimes, et introduire un principe de progressivité sur l'ensemble des prélèvements pour que le système soit un peu plus juste et notamment que les détenus qui travaillent profitent un peu plus de l'argent qu'ils gagnent en travaillant. Je crois qu'en prison aussi le travail doit être une valeur qu'il faut protéger.
    Nous avons prévu un délai de six mois pour que le Gouvernement dépose un rapport à ce sujet qui devra inclure un projet de décret, puisque cette affaire peut se régler par décret.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.
    Mme Marylise Lebranchu. Nous sommes forcément favorables à cette proposition qui faisait partie des textes dont je viens de parler, avec toutefois une réserve, c'est que la loi devra aborder le problème du contrat de travail des détenus. Il est en effet une forme d'inégalité puisque certains détenus reçoivent beaucoup d'argent pour des activités antérieures qui sont dans certains cas illicites, et ne paient rien.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 262.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 136, ainsi rédigé :
    « Après le quatrième alinéa du 3 du D du II du rapport annexé, insérer l'alinéa suivant :
    « Une attention particulière doit également être portée à la prévention et à la lutte contre la toxicomanie en détention, ainsi qu'au suivi du toxicomane après son incarcération. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Un grand nombre de mes collègues souhaitent que l'on porte une attention particulière à la prévention et à la lutte contre la toxicomanie en détention, ainsi qu'au suivi du toxicomane après son incarcération. Plusieurs responsables d'établissements pénitentiaires nous ont décrit le niveau très élevé de la consommation de stupéfiants dans les établissements pénitentiaires.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 136.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur et M. Geoffroy ont présenté un amendement, n° 137, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi l'intitulé du III du rapport annexé :
    « III. - Prévenir et traiter plus efficacement la délinquance des mineurs. »
    La parole est à M. Guy Geoffroy.
    M. Guy Geoffroy. Il s'agit tout simplement d'insister dans l'intitulé du III sur le caractère indissociable de la prévention et du traitement de la délinquance des mineurs.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 137.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 138 corrigé, ainsi rédigé :
    « Compléter le quatrième alinéa du III du rapport annexé par les deux phrases suivantes :
    « Des actions de prévention de la délinquance et de la violence devront être menées au sein des établissements scolaires, dès l'école primaire, en direction des élèves, de leurs parents et des enseignants. Ces actions seront notamment mises oeuvre par des psychologues et des médecins scolaires et par l'ensemble des travailleurs sociaux concernés. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il s'agit de souligner la continuité qui doit exister entre les actions de prévention de la délinquance et de la violence menées au sein des établissements scolaires et les actions d'éducation dont nous parlerons dans la suite du projet de loi.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 138 corrigé.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, et M. Geoffroy ont présenté un amendement, n° 139, ainsi rédigé :
    « Compléter le deuxième alinéa du 2 du A du III du rapport annexé par la phrase suivante :
    « L'objectif, à terme, est de favoriser au maximum la suppression des quartiers de mineurs au profit de ces nouveaux établissements spécialisés. »
    M. Guy Geoffroy. Il est clair, que pour l'incarcération des mineurs, on s'oriente vers une spécialisation des établissements afin que le mélange - comprenez la nocivité - soit le plus réduit possible.
    Cet amendement vise donc à insister sur le fait que l'objectif sera bien de favoriser le plus possible la suppression des quartiers de mineurs au profit des établissements nouveaux qui vont voir le jour grâce à la loi que nous allons voter.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 139.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 140, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le début du premier alinéa du 1 du B du III du rapport annexé :
    « 1. - Organiser l'intervention... » (le reste sans changement). »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Amendement rédactionnel.
    M. le président. Le Gouvernement est favorable ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 140.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 141, ainsi rédigé :
    « Dans le deuxième alinéa du 1 du B du III du rapport annexé, supprimer les mots : ", dont la spécialisation sera garantie à l'instar des assesseurs des tribunaux pour enfants,. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Amendement rédactionnel.
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 141.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 142, ainsi libellé :
    « Après les mots : "et préventives, supprimer la fin du dernier alinéa du 1 du B du III du rapport annexé. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Amendement rédactionnel.
    M. le garde des sceaux. Favovable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 142.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 143, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le début du premier alinéa du 2 du B du III du rapport annexé :
    « 2. - Créer une nouvelle procédure... » (Le reste sans changement.)
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Amendement rédactionnel.
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 143.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 144, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le début du premier alinéa du 3 du B du III du rapport annexé :
    « 3. - Faciliter la retenue et créer des sanctions... » (Le reste sans changement.)
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Amendement rédactionnel.
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 144.
    (L'amendement est adopté.)
    M. Julien Dray. Ça va trop vite !
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 145, ainsi rédigé :
    « Compléter le B du III du rapport annexé par les alinéas suivants :
    « 5. - Responsabiliser les parents de mineurs délinquants.
    « L'implication des parents dans les mesures prononcées à l'égard du mineur délinquant est essentielle pour la prévention de la récidive. Il est donc nécessaire, parallèlement aux mesures de soutien dont ces parents peuvent bénéficier, de renforcer cette implication en créant une amende civile à l'encontre des parents qui ne défèrent pas aux convocations du juge et en appliquant effectivement l'article 227-17 du code pénal, qui permet de condamner les parents qui manquent à leur obligations et mettent en danger leur enfant mineur. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cet amendement se justifie par son texte même.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 145.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 146, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le début du premier alinéa du C du III du rapport annexé :
    « C. - Mettre à niveau les services... » (Le reste sans changement.) »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Amendement rédactionnel.
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 146.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 147, ainsi rédigé :
    « Compléter le deuxième alinéa du 2 du C du III du rapport annexé par les mots : "et bénéficier de la possibilité de recruter des personnes dont l'expérience professionnelle favorisera la diversification des compétences des personnels ainsi que la mise en oeuvre des actions en faveur de la réinsertion des mineurs dont elle a la charge. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Par cet amendement, la commission des lois souhaite attirer l'attention du Gouvernement - qui en est, je crois, déjà convaincu - sur la nécessité de recruter, au sein de la protection judiciaire de la jeunesse, des personnes dont l'expérience professionnelle favorisera la diversification des compétences des personnels, ainsi que la mise en oeuvre des actions en faveur de la réinsertion des mineurs dont elle a la charge. Un certain nombre de problèmes de recrutement sont aujourd'hui posés concernant le profil des personnels dont la protection judiciaire de la jeunesse a besoin. Une ouverture est nécessaire, des personnes d'un autre profil doivent pouvoir être recrutées afin que ce personnel soit à la fois plus efficace et plus diversifié.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.
    Mme Marylise Lebranchu. Je suis un peu étonnée par ce que vient de dire M. le rapporteur. Au mois d'avril a été actée l'autorisation d'un recrutement exceptionnel pour couvrir, justement, l'ensemble des compétences dont on a besoin et pour que la répartition des classes d'âge au sein du personnel soit plus harmonieuse. Il s'agissait derééquilibrer la gestion d'un certain nombre de centres. Ce que propose le rapporteur existe donc déjà et a été accepté par le budget et par la fonction publique, avant le 21 avril, bien évidemment.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 147.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 148, ainsi rédigé :
    « Compléter l'avant-dernier alinéa du 1 du IV du rapport annexé par les mots : "ainsi que sur les services sociaux, médicaux et de soutien psychologique auxquels elle peut s'adresser ;. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Par cet amendement, la commission des lois a souhaité insister sur le fait que l'information des victimes devait aussi comprendre des informations sur les services sociaux, médicaux et de soutien psychologique auxquels elles peuvent s'adresser. Ce n'est pas seulement d'une assistance juridique que les victimes ont besoin.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 148.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 1er et le rapport annexé, modifiés par les amendements adoptés.
    (L'article 1er et le rapport annexé, ainsi modifié, sont adoptés.)

Article 2

    M. le président. « Art. 2. - Les crédits nécessaires à la mise en oeuvre des orientations figurant dans le rapport annexé à la présente loi, qui seront ouverts par les lois de finances entre 2003 et 2007, sont fixés à 3,65 milliards d'euros. Ils couvrent le coût des créations d'emplois, des mesures relatives à la situation des personnels, du fonctionnement, des actions d'intervention et des équipements de l'administration centrale du ministère de la justice, des juridictions de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif ainsi que des services chargés de l'exécution des décisions de justice.
    « Le montant des autorisations de programme prévues pour l'exécution de cette programmation est fixé à 1 750 millions d'euros.
    « Les crédits prévus par la présente loi s'ajoutent à la reconduction annuelle des moyens d'engagement et de paiement ouverts par la loi de finances initiale pour 2002 et à ceux nécessaires pour faire face aux conséquences sur le coût des rémunérations des mesures générales d'augmentation et des ajustements pour tenir compte de la situation réelle des personnels.
    « Seront créés, sur la période 2003-2007, 10 100 emplois budgétaires permanents.
    « Par ailleurs, il est prévu le recrutement sur crédits de vacations de juges de proximité et d'assistants de justice pour un équivalent à temps plein de 580 emplois. »
    Sur cet article, plusieurs orateurs sont inscrits.
    La parole est à M. Pierre Albertini.
    M. Pierre Albertini. Je voudrais revenir sur un aspect qui a été évoqué à plusieurs reprises hier, non seulement par le rapporteur pour avis de la commission des finances, M. Pélissard, mais aussi par le ministre lui-même, je veux parler de la qualité et de la rapidité du taux de consommation des crédits du ministère de la justice.
    Depuis plusieurs années, on constate, hélas, que les crédits ne sont jamais totalement consommés. Et s'agissant d'une loi de programmation qui couvre une période allant de 2003 à 2007, cette préoccupation a évidemment un intérêt majeur et décisif.
    Or j'observe que, dans les crédits d'investissement, dans les crédits d'équipement, que vous avez prévus pour un peu plus de 1,7 milliard d'euros, vous n'avez inscrit que 50 % en crédits de paiement. Le taux de consommation de ces crédits sur cinq ans ne sera donc que de 50 %, selon votre propre estimation. Ce qui veut dire que le rythme de réalisation et de construction sera probablement de dix ans, et non pas de cinq ans. Il faut le savoir, puisque c'est l'hypothèse même que fait le Gouvernement dans cet article 2.
    Alors, comment consommer mieux sans nécessairement dépenser plus ? On a évoqué hier les dérives auxquelles ont donné lieu, par exemple, certaines pratiques liées aux marchés d'entreprise de travaux publics, les METP. Ceux-ci coûtent forcément plus cher à la collectivité publique sur le long terme, parce qu'il faut bien, naturellement, que ceux qui investissent se paient. Et ils l'ont fait, spécialement pour les lycées de la région parisienne, de manière assez lourde, aux dépens du contribuable.
    M. Jean-Jack Queyranne. Il faut le rappeler, en effet !
    M. Pierre Albertini. Comment consommer mieux sans dépenser plus ? Ce souci rejoint la question de l'organisation même des services. On peut essayer d'introduire, en termes de mission, des moyens un peu plus significatifs, avec des méthodes de management des projets un peu plus modernes. Sans doute faut-il éviter de considérer que c'est l'affaire exclusive des magistrats. Je ne crois pas, d'ailleurs, qu'ils soient nécessairement bien formés pour concevoir des projets et gérer des crédits d'équipement. Je pense que nous aurions intérêt, là aussi, à introduire des compétences, des expertises, des évaluations supplémentaires.
    C'est un vrai défi, car quand on annonce une loi de programmation couvrant la période 2003-2007 en sachant pertinemment qu'une partie des crédits sera en réalité consommée sur une période deux fois plus longue, on voit d'emblée quelle est la limite de la réponse que nous allons offrir.
    Or il existe des administrations qui, je crois, consomment mieux et plus vite que les services de la justice. Nous aurions donc intérêt à nous inspirer des exemples qui marchent pour essayer d'introduire un peu plus de rapidité dans ce rythme. L'attente étant considérable, notamment en ce qui concerne les établissements pénitentiaires, il est très important de prendre en compte dès maintenant l'urgence et l'acuité de ce problème.
    M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès.
    M. Michel Vaxès. Nous avions déposé un amendement à cet article 2 qui tendait à intégrer les 580 créations d'emplois prévues sur les crédits de vacations dans le contingent des emplois budgétaires permanents. Malheureusement, cet amendement n'a pas passé le cap de la commission des finances, sacrifié qu'il a été sur l'autel de l'article 40.
    Néanmoins, je tiens à dire ici que les moyens dévolus à la justice sont largement insuffisants depuis de trop nombreuses années. Les députés communistes n'ont jamais cessé de le dénoncer, notamment dans le cadre de l'examen du budget du ministère de la justice. Nous manquons de juges, de greffiers, de personnels de l'administration pénitentiaire. L'institution judiciaire est en sous-effectifs. Un de nos collègues de la majorité me reprochait tout à l'heure dans son explication de vote de refuser à la justice les moyens dont elle a besoin. Avec la proposition que nous avions faite, on voit bien que c'est très exactement le contraire qui est vrai.
    Le recours aux auxiliaires de justice n'est qu'un palliatif et ne répond qu'à des soucis d'économie, nullement à un souci d'efficacité. Le recours à des juges de proximité est, je crois, une mauvaise réponse à un vrai problème, mais j'aurai l'occasion d'y revenir ultérieurement dans le débat.
    Monsieur le garde des sceaux, dans l'exposé des motifs de ce projet de loi, vous motivez votre décision de créer des juges de proximité : « Le projet de loi prévoit d'instituer un juge disposant du temps nécessaire pour privilégier l'écoute des justiciables ainsi que la voie de la conciliation et pour s'impliquer sur le terrain. » Ce sont vos propres mots. Vous reconnaissez donc qu'actuellement, les juges ne disposent pas de ce temps pour une meilleure justice au service des justifiables. Dès lors, pourquoi ne pas prévoir tout simplement un recrutement massif de magistrats professionnels, afin qu'ils puissent, en bons professionnels, remplir leur mission au service de la justice de notre pays ?
    En outre, il ne sera pas non plus superflu de prévoir une modernisation des outils de travail des juridictions. La majorité d'entre elles ne disposent pas, à l'époque où nous sommes, d'outils informatiques dignes de ce nom.
    M. le président. Vous m'avez demandé la parole, monsieur le garde des sceaux. Selon l'article 31 de la Constitution, le Gouvernement peut prendre la parole quand il veut : la parole est à M. le ministre.
    M. le garde des sceaux. Je voulais en effet répondre brièvement à la question très pertinente qu'a posée M. Albertini. Je voudrais d'abord rappeler ce que j'ai dit hier en introduction à nos débats : les crédits qui sont visés à cet article s'ajoutent à la base 2002 d'où nous partons. Cela veut dire en particulier qu'en crédits de paiements, les sommes qui sont prévues dans le texte s'ajoutent à une base qui est reportée d'année en année. Cela permet de relativiser le chiffre que vous avez évoqué tout à l'heure de 50 % de crédits de paiement par rapport aux autorisations de programme. En réalité, c'est beaucoup plus.
    Cela étant, la remarque que vous avez faite sur l'organisation de l'administration des différentes directions et sur notre capacité à déclencher les processus d'investissement et leur mise en oeuvre reste pertinente. Ce sera d'ailleurs l'une des missions essentielles de Pierre Bédier, placé au près de moi. Nous sommes en train de travailler sur ces questions d'organisation pour faire en sorte que les crédits que le Parlement accorde à la justice soient effectivement consommés, et cela le plus rapidement possible.
    Cela étant dit, je voudrais préciser que le ministère de la justice est d'ores et déjà l'administration d'Etat qui investit le plus. Depuis quelques années, elle a fait de gros progrès en termes de capacité à consommer les crédits qui lui étaient attribués. Je crois qu'il faut rendre hommage aux responsables de cette administration (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste), et éventuellement à d'autres, car je ne suis pas sectaire.
    M. Julien Dray. Il faut dire merci à Marylise alors !
    M. le garde des sceaux. Je n'irai pas jusque-là.
    M le président. La parole est à M. René Dosière.
    M. René Dosière. Bien entendu, l'augmentation des moyens de la justice qui est prévue dans ce texte recueille notre approbation. D'abord, parce que nous portons intérêt à la justice. Et puis, comme vient de le dire le ministre, parce que cette politique se situe, au moins du point de vue des crédits et des créations de postes, dans la continuité des efforts qui ont été réalisés par le précédent gouvernement. Il faut tout de même rappeler que le budget de la justice a augmenté de 30 %, c'est-à-dire à un rythme beaucoup plus rapide que les autres dépenses de l'Etat et que, de ce fait, il est passé de 1,51 % du budget de l'Etat en 1997 à 1,74 % en 2002, que les créations d'emplois ont également été importantes puisque entre 1998 et 2002, on a créé 957 postes de magistrats supplémentaires - la loi de programmation en prévoit 950 sur une période équivalente. Et comme il faut en moyenne, ce que vous n'ignorez pas, deux ans et demi pour pourvoir les postes, pour former les magistrats, c'est donc vous, monsieur le ministre, qui allez bénéficier des créations de ces dernières années...
    M. Jérôme Lambert. Eh oui !
    M. Hervé Morin. Ah ! Vous nous aviez dit l'inverse !
    M. René Dosière. ... qui se sont d'ailleurs accélérées puisque nous avons créé 300 postes en 2001 et encore 300 postes en 2002. Il faut d'ailleurs que les créations effectives correspondent aux prévisions que vous faites et ne soient pas remises en cause comme ce fut le cas au démarrage de votre précédente loi de programmation. Mais nous vous soutiendrons pour obtenir, en tout cas, les crédits nécessaires.
    M. Richard Mallié. Très bien !
    M. René Dosière. Je souligne tout de même que, même sans loi de programmation, le gouvernement précédent n'a cessé de renforcer ses efforts...
    M. Lucien Guichon. Timides !
    M. René Dosière. ... puisqu'il a créé 762 emplois, toutes catégories, en 1998, 930 en 1999, 1 237 en 2000, 1 378 en 2001 et 2 764 en 2002.
    Monsieur le ministre, si vous mainteniez le rythme que nous avons installé, vous pourriez donc créer 13 820 emplois, dépassant ainsi l'effectif de 10 000. Ce serait d'autant plus judicieux que, en matière de personnel pénitentiaire, la loi de programmation est peut-être un peu insuffisante.
    On peut créer des emplois par la loi, mais cela ne suffira pas à améliorer le fonctionnement des juridictions. Il convient - et c'est beaucoup plus difficile - de procéder aux nécessaires changements de structures. La Cour des comptes ou la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale en ont préconisé quelques-uns. Un bon juge n'est pas nécessairement un bon gestionnaire : il n'est d'ailleurs pas formé à cela. Pour mieux fonctionner, nos juridictions ont besoin de gestionnaires. Lorsque, monsieur le ministre, vous annoncez dans votre texte, la « modernisation de l'organisation et des méthodes de travail des juridictions », on ne peut que se réjouir. Encore faudrait-il que vous nous disiez comment vous allez procéder. Ainsi, vous n'évoquez pas la réforme de la carte judiciaire, qui peut être l'un des moyens d'améliorer ce fonctionnement.
    Enfin, il est un autre aspect qui n'est pas évoqué. Je veux parler de la répartition des postes sur le territoire national. On ignore toujours quels sont les critères qui permettent d'en décider. Allez-vous profiter de l'occasion pour réduire les inégalités flagrantes que l'on peut constater ? Je prends l'exemple de deux tribunaux de grande instance, celui de Nice et celui de Béthune. Le TGI de Nice dispose de cinquante-cinq postes, celui de Béthune en compte quarante-trois. Or, Béthune compte 20 % de population en plus : 20 % de population en plus, 20 % de magistrats en moins. Résultat, le temps nécessaire pour divorcer à Béthune est de 20 % supérieur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ils roulent vite, pourtant, à Béthune ! (Sourires.)
    M. René Dosière. En outre - et je le constate dans mon département -, il y a une très forte rotation des magistrats liée à la faible attractivité de certains territoires.
    M. Claude Goasguen. Les juges ne veulent pas aller chez Mellick !
    M. René Dosière. Certains postes sont trop souvent vacants, et la proportion de jeunes magistrats est élevée dans certaines juridictions. On voit bien, dans ces conditions, que l'égalité entre les citoyens en matière de justice reste à établir.
    Nous souhaitons que vous mettiez ces débats à profit pour nous éclairer sur la manière dont vous allez rééquilibrer la répartition des magistrats et de l'ensemble des personnels dans les différentes juridictions, pour garantir ainsi l'égalité des Français devant la justice.
    M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.
    Mme Marylise Lebranchu. Il ne faudrait pas croire que le budget de la justice va passer de 4,7 milliards d'euros en 2002 à 8,35 milliards. Quand on étudie attentivement ce projet de loi, on s'aperçoit que, en fait, l'augmentation moyenne par rapport à 2002, n'atteindra que 15,5 %...
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Oh !
    Mme Marylise Lebranchu. ... ce qui, à mon avis, est insuffisant.
    Je ne reviens pas sur les postes de magistrats : on en créera moins, mais j'admets que, à partir de septembre 2005, on aura atteint les fameux 1 200, objectif fixé par le plan d'action pour la justice. Effectivement, on peut peut-être ralentir cette progression, même si je pense qu'on aurait mieux fait d'augmenter les effectifs dans les tribunaux d'instance plutôt que de créer des juges de proximité.
    Mais je ferme cette parenthèse. Je me concentrerai sur l'administration pénitentiaire, où 3 085 postes ont été créés entre 1997 et 2002. Nous savons tous, et en particulier les parlementaires qui ont accompagné le travail de la commission d'enquête parlementaire, que nous sommes très en-dessous du niveau acceptable pour encadrer convenablement les détenus.
    M. Julien Dray. Voyez Fleury-Mérogis !
    Mme Marylise Lebranchu. De ce fait, les personnels sont confrontés à de très nombreuses agressions et vivent des situations très difficiles. Rien que pour faire face à la situation actuelle, on avait estimé, sans aller trop loin, à 3 000 postes les besoins en personnel. Vous en prévoyez 3 740. Or, vous prévoyez en même temps énormément de places de détention en plus, 10 000 je crois. Je ne vois pas du tout comment on va réussir cet équilibre difficile dans l'administration pénitentiaire, tout en donnant des missions supplémentaires au personnel. A mon avis, il y a là une faute lourde, et une contradiction par rapport aux annonces qui sont faites sur le nombre de places.
    Concernant la protection judiciaire de la jeunesse, 1 310 postes ont été créés entre 1997 et 2002. Vous annoncez la création de 1 250 postes. Compte tenu des besoins actuels, nés du doublement des centres éducatifs renforcés, qui était déjà programmé et que vous allez naturellement poursuivre, auquel s'ajoute l'annonce des centres fermés, ainsi que des centres de jeunes détenus mieux encadrés, ce chiffre me semble trop juste pour pouvoir faire face.
    Ne serait-ce que pour cette raison, mon groupe ne pourra pas vous suivre sur cette loi de programmation.
    J'ajouterai un dernier point, qui est sûrement un motif d'inquiétude pour le ministre et son secrétaire d'Etat : comment le ministère du budget interprète-t-il les 1 750 millions d'euros à répartir sur cinq ans, qui s'ajoutent aux autorisations de programme disponibles en 2002 ? Si on suit l'interprétation habituelle du ministère du budget, on voit bien en fait qu'on va reconduire exactement le socle 2002, en y ajoutant les sommes nécessaires à la réalisation du programme pénitentiaire, qui s'élevaient à 1,5 milliard d'euros et qui sont maintenant de 1,3 milliard d'euros, il vous en manque un peu. Mais peut-être l'interprétation du ministre de la justice prévaudra-t-elle. Je l'espère pour M. le ministre et pour nous tous, et pour que ce soit le cas, je vous souhaite bon courage, monsieur le garde des sceaux.
    Parce que c'est une loi de programmation, parce que, en ce qui concerne les personnels en particulier, on est en dessous de l'étiage nécessaire, et parce, en plus, nous ne sommes pas d'accord avec la justice de proximité,...
    M. Jacques Myard. Vous n'êtes donc pas d'accord avec Lionel Jospin !
    Mme Marylise Lebranchu. ... nous ne pouvons évidemment pas voter cet article.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Jacques Pélissard, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 2, si vous me permettez un raccourci, est un article qui pèse 3,65 milliards d'euros. Sa consistance effective est donc essentielle pour la commission des finances.
    Mais je souhaite, monsieur le ministre, que vous nous apportiez certaines précisions sur l'article 2, alinéa 3, qui, malgré une nouvelle rédaction adoptée par le Sénat, souffre de quelques ambiguïtés. Je vous livre mon interprétation et je vous saurais gré de la confirmer ou de l'infirmer.
    S'agissant des dépenses ordinaires, les crédits prévus s'ajoutent à la reconduction annuelle des moyens de paiement en loi de finances initiale, mais aussi, et c'est fondamental, à ce que l'on pourrait appeler l'évolution tendancielle, d'ordre plus mécanique, de certaines dépenses : je pense aux mesures générales d'augmentation ou aux ajustements pour tenir compte de la situation réelle des personnels, des traitements. A mon sens, on doit aussi y inclure, conformément à la logique du texte, les pensions, l'aide juridique et les frais de justice.
    En ce qui concerne les opérations plus complexes d'équipement, il va de soi que les crédits de paiement prévus par le projet ne sauraient être utilisés pour couvrir des autorisations de programme précédemment engagées.
    Au-delà de ce principe de base, nous voudrions, monsieur le ministre, avoir confirmation que les opérations d'équipement précédemment engagées bénéficieront bien au cours des prochaines années de l'ouverture des autorisations de programme et des crédits de paiement nécessaires.
    A cet égard, la référence à la loi des finances initiale pour 2002 nous semble quelque peu pénalisante dans la mesure où les crédits de paiement ont enregistré une baisse : 185 millions d'euros en 2002, montant bien inférieur aux 250 millions en moyenne les années précédentes.
    Nous souhaiterions donc des précisions sur ces points, monsieur le ministre, pour être sûrs que l'ampleur et la pérennité des moyens financiers que vous nous proposez ne seront ni altérées ni remises en cause.
    M. Pierre Albertini. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
    M. le garde des sceaux. Je tiens à vous rassurer, monsieur Pélissard.
    S'agissant des dépenses de fonctionnement, je considère que les pensions font effectivement partie des dépenses qui évoluent automatiquement. Elles doivent donc être incluses dans l'évolution tendancielle à laquelle vous avez fait référence.
    En revanche, pour ce qui est de l'aide juridique et des frais de justice, ils sont rattachés à des chapitres évaluatifs, le cas de figure n'est donc pas le même.
    En ce qui concerne les dépenses d'investissement, je voudrais souligner que, dans l'établissement de cette loi de programme, nous avons considéré que le socle des autorisations de programme constituait un point de départ dans les discussions avec le ministère des finances. Autrement dit, si l'on ajoute les crédits qui sont inscrits à l'article 2, l'effort d'investissement est multiplié par deux sur cinq ans, ce qui est considérable.
    Tout aussi considérable - et je rejoins là la remarque qu'a faite M. Albertini - est le défi lancé à l'administration du ministère, car il faut se mettre en capacité d'engager l'ensemble de ces crédits. C'est le pendant du défi à relever en particulier en matière pénitentiaire, et dans d'autres domaines.
    Pour ce qui est des crédits de paiement, je répéterai ce que j'ai indiqué à M. Albertini. Il est très important que nous ayons obtenu qu'ils soient inscrits dans la loi d'orientation et de programmation, ce qui n'est pas habituel. J'ai voulu justement privilégier la capacité globale à réaliser cette loi de programme, étant donné ce que sont les habitudes de certaines administrations financières. Il faut que le contenu de la loi d'orientation et de programmation soit suffisamment précis pour que la mise en oeuvre de celle-ci soit assurée dans de bonnes conditions. Par conséquent, l'inscription des crédits de paiement dans la loi de programme constitue, vous l'imaginez bien, pour le ministre de la justice que je suis, un atout important.
    Il est vrai que, pour les crédits de paiement, la référence à l'année 2002 n'est pas bonne, car, pour des raisons qu'il ne me revient pas de juger, le montant des crédits de paiement dans le budget 2002 était en baisse par rapport aux années précédentes.
    Cela étant, les discussions qui sont en cours sur ce point sont assez satisfaisantes, et les crédits de paiement pour 2003 devraient être à un niveau tout à fait convenable, si tant est, bien sûr, que ces discussions aboutissent de manière positive. Je ne peux pas en dire davantage aujourd'hui.
    M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
    (L'article 2 est adopté.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

ORDRE DU JOUR
DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures quinze, troisième séance publique :
    Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant création d'un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise ;
    Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, n° 154, d'orientation et de programmation pour la justice :
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 157) ;
    M. Jacques Pélissard, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 158).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT