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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU SAMEDI 3 AOÛT 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du vendredi 2 août 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE

1.  Justice. - Suite de la discussion d'un projet de loi d'orientation et de programmation, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence «...».

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) «...»
Article 16 «...»

Amendements de suppression n°s 71 de M. Vaxès et 204 de M. Vallini : M. Michel Vaxès, Mme Marylise Lebranchu, MM. Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission des lois ; Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice ; Pierre Cardo. - Rejet.
Amendements n°s 161 et 162 de la commission des lois : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article 16 modifié.

Après l'article 16 «...»

Amendement n° 238 de M. Mariani : MM. Christian Estrosi, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.

Avant l'article 17 «...»

Amendement n° 72 de M. Vaxès : MM. Michel Vaxès, le rapporteur, le garde des sceaux, Pierre Cardo. - Rejet.

Article 17 «...»

Mme Marylise Lebranchu, M. Pierre Albertini.
Amendements de suppression n°s 73 de M. Vaxès et 205 de M. Vallini : MM. Michel Vaxès, André Vallini, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendements n°s 74 corrigé de M. Vaxès et 163 de la commission : MM. Michel Vaxès, le rapporteur, le garde des sceaux, Pierre Cardo, Daniel Garrigue. - Rejet de l'amendement n° 74 corrigé ; adoption de l'amendement n° 163.
Amendement n° 75 corrigé de M. Vaxès : MM. Michel Vaxès, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 7 de M. Albertini : MM. Pierre Albertini, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendement n° 164 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 76, deuxième correction, de M. Vaxès : MM. Michel Vaxès, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
L'amendement n° 8 de M. Albertini n'a plus d'objet.
Amendement n° 165 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article 17 modifié.

Avant l'article 18 «...»

Amendement n° 77 de M. Vaxès : MM. Michel Vaxès, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.

Article 18 «...»

MM. Pierre Albertini, Pierre Cardo.
Amendements de suppression n°s 9 de M. Albertini, 45 de M. Vaxès et 206 de M. Vallini : MM. Pierre Albertini, Michel Vaxès, Mme Marylise Lebranchu, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Adoption de l'article 18.

Avant l'article 19 «...»

Amendement n° 166 de la commission : MM. le rapporteur, Pierre Bédier, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. - Adoption.

Article 19 «...»

Amendement de suppression n° 207 de M. Vallini : MM. Michel Vaxès, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° 167 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article 19 modifié.

Avant l'article 20 «...»

Amendement n° 46 de M. Vaxès : MM. Michel Vaxès, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.

Article 20 «...»

MM. Julien Dray, Pierre Cardo, Christian Estrosi, Guy Geoffroy, Jean-Paul Garraud.
Amendements de suppression n°s 47 de M. Vaxès et 208 de M. Vallini : M. Michel Vaxès, Mme Marylise Lebranchu, MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Richard Mallié, Julien Dray, Léonce Deprez, Michel Vaxès, Pierre Cardo. - Rejet.
Amendement n° 48 de M. Vaxès : MM. Michel Vaxès, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° 105 de M. Salles : MM. Pierre Albertini, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Mme Marylise Lebranchu, M. Hervé de Charette. - Rejet.
Amendement n° 49 de M. Vaxès : MM. Michel Vaxès, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° 50 corrigé de M. Vaxès : MM. Michel Vaxès, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° 168 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article 20 modifié.

Après l'article 20 «...»

Amendement n° 236 de M. Mariani : MM. Richard Mallié, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° 281 de M. Estrosi : MM. Christian Estrosi, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Pascal Clément, président de la commission des lois ; Julien Dray, Claude Goasguen, Jean-Marie Le Guen.
Sous-amendement n° 297 de M. Goasguen : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Claude Goasguen, Xavier de Roux, Christian Estrosi, le président de la commission. - Retrait du sous-amendement ; adoption de l'amendement n° 281.
Amendement n° 11 rectifié de M. Estrosi : MM. Xavier de Roux, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Christian Estrosi. - Retrait.
Amendement n° 33, deuxième rectification, de M. Estrosi : MM. Christian Estrosi, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Mme Marylise Lebranchu, MM. Serge Poignant, Pierre Cardo, Emile Blessig, Jean-Marie Le Guen. - Adoption.
Amendement n° 283 de M. Albertini : MM. Pierre Albertini, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, le président de la commission, Jacques Myard. - Rejet du sous-amendement oral de M. Jacques Myard à l'amendement n° 283 et de l'amendement n° 283.
Amendement n° 284 de M. Albertini. - Rejet.
Amendement n° 287 de M. Albertini : MM. Pierre Albertini, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° 292 de M. Albertini : M. Pierre Albertini. - Retrait.

Article 20 bis «...»

Amendement n° 169 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 170 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article 20 bis modifié.

Articles 20 ter, 20 quater et 20 quinquies. - Adoptions «...»
Article 20 sexies «...»

Amendement n° 171 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article 20 sexies modifié.

Article 20 septies. - Adoption «...»
Après l'article 20 septies «...»

Amendement n° 87 deuxième rectification de M. Fenech : MM. Georges Fenech, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 51 de M. Vaxès : MM. Michel Vaxès, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendement n° 261 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement n° 261 rectifié.

Article 21 A. - Adoption «...»
Après l'article 21 A «...»

Amendement n° 174 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 172 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 173 de la commission : MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 1 de M. Hoguet : MM. Patrick Hoguet, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Daniel Garrigue, Xavier de Roux, Richard Mallié. - Rejet.

Avant l'article 21 «...»

Amendement n° 34 corrigé de M. Teissier : MM. Richard Mallié, le rapporteur, le président de la commission, le secrétaire d'Etat, Jean-Marie Le Guen. - Retrait.
Amendement n° 34 corrigé repris par M. Vallini : M. André Vallini. - Rejet.

Article 21 «...»

M. Claude Goasguen.
Amendement n° 104 rectifié de M. Salles : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendements identiques n°s 218 de M. Garraud et 223 de M. Goasguen : MM. Jean-Paul Garraud, le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption des amendements identiques, rectifiés.
Amendement n° 243 corrigé de M. Deprez : MM. Léonce Deprez, le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 175 de la commission : MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Adoption de l'article 21 modifié.

Article 22 «...»

M. Pierre Albertini.
Amendements de suppression n°s 114 de M. Vallini et 255 de Mme Billard : M. Jean-Pierre Dufau, Mme Martine Billard, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Julien Dray, Xavier de Roux, Claude Goasguen. - Rejet.
Amendement n° 52 de M. Vaxès : MM. Michel Vaxès, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Amendements n°s 176 de la commission et 280 de M. Garraud : MM. le rapporteur, Jean-Paul Garraud, le garde des sceaux. - Retrait de l'amendement n° 176 ; adoption de l'amendement n° 280.
Amendement n° 294 de M. Garraud : MM. Jean-Paul Garraud, le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.
Amendement n° 242 de M. Deprez : MM. Léonce Deprez, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Adoption de l'article 22 modifié.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE
DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à neuf heures.)

1

JUSTICE

Suite de la discussion d'un projet de loi d'orientation
et de programmation, adopté par le Sénat
après déclaration d'urgence

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence (n°s 154, 157).

Discussion des articles (suite)

    M. le président. Hier soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles et s'est arrêtée à l'article 16.

Article 16

    M. le président. « Art. 16. - L'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée est ainsi modifiée :
    « 1° Le premier alinéa de l'article 11 est remplacé par dix alinéas ainsi rédigés :
    « Les mineurs de treize à dix-huit ans mis en examen par le juge d'instruction ou le juge des enfants ne peuvent être placés en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention saisi soit par le juge d'instruction, soit par le juge des enfants, conformément aux dispositions des articles 137 à 137-4, 144 et 145 du code de procédure pénale, que dans les cas prévus par le présent article, à la condition que cette mesure soit indispensable ou qu'il soit impossible de prendre toute autre disposition et à la condition que les obligations du contrôle judiciaire prévues par l'article 10-1 soient insuffisantes.
    « Les mineurs âgés de seize ans révolus ne peuvent être placés en détention provisoire que dans l'un des cas suivants :
    « 1° S'ils encourent une peine criminelle ;
    « 2° S'ils encourent une peine correctionnelle d'une durée égale ou supérieure à trois ans ;
    « 3° S'ils se sont volontairement soustraits aux obligations d'un contrôle judiciaire prononcé conformément aux dispositions de l'article 10-1.
    « Les mineurs âgés de treize ans révolus et de moins de seize ans ne peuvent être placés en détention provisoire que dans l'un des cas suivants :
    « 1° S'ils encourent une peine criminelle ;
    « 2° S'ils se sont volontairement soustraits aux obligations d'un contrôle judiciaire prononcé conformément aux dispositions du III de l'article 10-1.
    « La détention provisoire est effectuée soit dans un quartier spécial de la maison d'arrêt, soit dans un établissement pénitentiaire spécialisé pour mineurs ; les mineurs détenus sont, autant qu'il est possible, soumis à l'isolement de nuit. Les mineurs âgés de treize à seize ans ne peuvent être placés en détention que dans les seuls établissements garantissant un isolement complet d'avec les détenus majeurs ainsi que la présence en détention d'éducateurs dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat.
    « Lorsque les mineurs ayant fait l'objet d'un placement en détention provisoire sont remis en liberté au cours de la procédure, ils font l'objet, dès leur libération, des mesures éducatives ou de liberté surveillée justifiées par leur situation et déterminées par le juge. Lorsque le juge des enfants, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention estime qu'aucune de ces mesures n'est nécessaires, il statue par décision motivée.
    « 1° bis A l'avant-dernier alinéa du même article, les mots : "des quatrième et cinquième alinéas sont remplacés par les mots : "des treizième et quatorzième alinéas.
    « 2° Après l'article 11-1, il est inséré un article 11-2 ainsi rédigé :
    « Art. 11-2. - Lorsqu'à l'égard d'un mineur de treize à seize ans la détention provisoire est ordonnée à la suite de la révocation d'un contrôle judiciaire prononcé conformément aux dispositions du III de l'article 10-1, la durée de la détention provisoire ne peut excéder quinze jours, renouvelable une fois.
    « S'il s'agit d'un délit puni d'au moins dix ans d'emprisonnement, la durée de la détention provisoire ne peut excéder un mois, renouvelable une fois.
    « Lorsque interviennent plusieurs révocations du contrôle judiciaire, la durée cumulée de la détention ne peut excéder une durée totale d'un mois dans le cas visé au premier alinéa et de deux mois dans le cas visé au deuxième alinéa. »
    Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 71 et 204.
    L'amendement n° 71 est présenté par M. Vaxès et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 204 par M. Vallini et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 16. »
    La parole est à M. Michel Vaxès, pour soutenir l'amendement n° 71.
    M. Michel Vaxès. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, chers collègues, avant de défendre cet amendement de suppression, je voudrais me féliciter de la décision prise par le Sénat de n'autoriser la détention provisoire des mineurs âgés de treize à seize ans que dans les seuls établissements garantissant un isolement complet des détenus majeurs ainsi que la présence d'éducateurs dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. C'est un petit pas en avant : il était d'autant plus nécessaire de le souligner qu'il n'y en a pas eu d'autre depuis le début de la discussion.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. C'est faux !
    M. Michel Vaxès. Sauf pour durcir le texte !
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C'est faux !
    M. Michel Vaxès. L'ordonnance du 2 février 1945 permettait, tant en matière de délits que de crimes, de placer en détention provisoire les mineurs âgés de seize à dix-huit ans. Pour les mineurs de treize à seize ans, en revanche, la détention n'était possible qu'en matière criminelle. De même, les mineurs qui ne respectaient pas les obligations du contrôle judiciaire ne pouvaient être incarcérés, en matière délictuelle, qu'à partir de seize ans. Or, l'article 16 du projet de loi porte ce seuil à treize ans.
    Il est à craindre qu'une telle mesure n'accentue sensiblement l'actuelle tendance à l'inflation carcérale. Nous savons en effet que le taux de récidive des mineurs incarcérés est très élevé. Ce constat impose donc le développement de moyens nécessaires à une action éducative de qualité et la recherche de solutions alternatives à l'emprisonnement.
    Un tel dispositif est de plus contraire à la Convention internationale des droits de l'enfant, selon laquelle l'incarcération des mineurs doit rester exceptionnelle, la priorité devant être donnée à l'aspect éducatif.
    Enfin, nous savons tous que la détention provisoire est, dans son principe, contraire à la présomption d'innocence. Dans le cas d'un mineur, le risque qu'elle fait courir de fabriquer des délinquances encore plus dures est considérable.
    Dans un souci d'humanité et dans l'intérêt de l'action éducative pour une meilleure insertion dans la société, nous vous demandons la suppression de cet article.
    M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu, pour soutenir l'amendement n° 204.
    Mme Marylise Lebranchu. Monsieur le président, mon intervention s'inscrira dans la même ligne que celle de M. Vaxès. Cet article prévoit la possibilité de placer en détention provisoire les mineurs âgés de treize à seize ans, possibilité qui avait pourtant été supprimée, certains s'en souviennent. Ce faisant, il aligne le droit des mineurs sur celui des majeurs. C'est une disposition d'autant plus choquante qu'elle consacre la banalisation de la détention provisoire, celle-ci devenant possible dès que l'infraction est punie de trois ans d'emprisonnement, c'est-à-dire pour un vol simple.
    Je me souviens pourtant que M. Albertini, M. Houillon, M. Devedjian et beaucoup d'autres trouvaient déjà exagéré, dans le cas des majeurs, le recours à la détention provisoire, que M. Devedjian, avant son entrée au Gouvernement, qualifiait même de « dernier avatar de la lettre de cachet ».
    Instituer à nouveau la détention provisoire en matière correctionnelle revient à en faire la sanction du non-respect des obligations du contrôle judiciaire. Or la détention provisoire n'est pas une sanction mais une mesure d'ordre public. Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 24 août 1993, a d'ailleurs jugé anticonstitutionnel d'inscrire en droit le recours à ce type de détention en tant que sanction, ce qui, à ses yeux, constituerait une violation de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme, aux termes duquel : « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. » Or c'est bien le contraire que nous ferions en instituant la détention provisoire comme une sanction et non comme une mesure de protection de la société ou de la personne intéressée.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur ces deux amendements.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Décidément, je ne comprends pas Mme Lebranchu. Ce matin, vous vous êtes opposée, madame, à un recours accru à la détention provisoire tandis que, hier soir, vous combattiez le centre éducatif qui est précisément un outil destiné à l'éviter. Je ne m'y retrouve pas.
    Sur les deux amendements, l'avis de la commission est défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Défavorable.
    M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.
    M. Pierre Cardo. On peut comprendre ces réticences. Je le dis d'autant plus volontiers que je ne considérais pas tout à fait indispensable d'aller, en ce qui concerne les majeurs, dans le sens de la loi sur la présomption d'innocence.
    Il me semble que, dans certaines circonstances, on peut admettre que la détention provisoire de mineurs âgés de treize à seize ans soit nécessaire, notamment lorsque, dans certains quartiers, on a du mal à mener la moindre enquête.
    Il faut bien parler de certaines réalités qui sont très préoccupantes. Je prends un exemple très simple, un problème de squat auquel je suis confronté dans ma circonscription. Des jeunes de moins de seize ans sont manifestement payés pour ouvrir les portes en les fracturant. Ces faits posent particulièrement problème dans la mesure où des filières mafieuses se trouvent derrière. Le problème est de remonter ces filières.
    Alors même qu'ils ont été interpellés en flagrant délit, alors que des gens acceptaient de collaborer avec la justice et la police, il a fallu relâcher ces mineurs, compte tenu de leur âge et du fait que le pied-de-biche était par terre au moment de l'interpellation.
    Les faits étaient pourtant établis. Et n'empêche qu'on a dû les remettre dehors, que l'enquête n'a pas toujours pas abouti et que le phénomène continue. Je considère donc pour ma part que dans certaines circonstances il est important de donner la possibilité de mettre les mineurs âgés de treize à seize ans en détention provisoire afin de disposer de temps et de leur éviter certains contacts.
    Mme Marylise Lebranchu. Ce n'est pas la question !
    M. Pierre Cardo. Oui, je sais, madame Lebranchu, vous dites qu'il s'agit d'une sanction. Mais sans même parler de crimes, il est des actes pour lesquels il est parfois nécessaire d'utiliser ce type de mesure.
    Mme Marylise Lebranchu. Même de simples vols ?
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 71 et 204.
    (Les amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je suis saisi par M. le rapporteur de deux amendements, n°s 161 et 162. Ces amendements peuvent faire l'objet d'une présentation commune.
    L'amendement n° 161 est ainsi libellé :
    « Après les mots : "déterminées par, rédiger ainsi la fin du dernier alinéa du 1° de l'article 16 : "le juge des enfants, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention. Lorsque le magistrat estime qu'aucune de ces mesures n'est nécessaire, il statue par décision motivée. »
    L'amendement n° 162 est ainsi rédigé :
    « Dans l'avant-dernier alinéa du 2° de l'article 16, substituer aux mots : "d'au moins, le mot : "de. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Le premier est rédactionnel et le second de précision.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 161.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 162.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 16, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 16, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 16

    M. le président. M. Mariani a présenté un amendement, n° 238, ainsi libellé :
    « Après l'article 16, insérer l'article suivant :
    « L'article 34 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée est ainsi rédigé :
    « Art. 34. - Lorsqu'un mineur fait l'objet d'un placement en centre éducatif fermé, les prestations sociales liées à son hébergement et son éducation ne sont plus versées à la famille pendant la durée du placement.
    « Le juge des enfants informe par lettre simple la caisse d'allocations familiales dont dépend la famille du délinquant.
    « Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. »
    Cet amendement est-il défendu ?
    M. Christian Estrosi. Oui, monsieur le président.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 238.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Avant l'article 17

    M. le président. Je donne lecture de l'intitulé de la section 4 :

« Section 4

« Dispositions instituant une procédure de jugement
à délai rapproché »

    M. Vaxès et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 72, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 17, supprimer la division et l'intitulé suivants :

« Section 4

« Dispositions instituant une procédure de jugement
à délai rapproché »

    La parole est à M. Michel Vaxès.
    M. Michel Vaxès. Les dispositions de la section 4 du titre III instituent une procédure nouvelle de jugement à délai rapproché, proche de la comparution immédiate, laquelle est actuellement appliquée aux seuls majeurs.
    Si le texte est adopté en l'état, des mineurs de seize ans pourront comparaître détenus, dix jours seulement après les faits reprochés.
    Evidemment, nous partageons le souci de juger rapidement les infractions commises par les mineurs qui ont déjà fait l'objet d'investigations suffisantes. Nous estimons néanmoins cette nouvelle procédure inadaptée...
    M. Claude Goasguen. Pourquoi ?
    M. Michel Vaxès. ... et nous en souhaitons la suppression. En effet, si nous ne contestons pas la nécessité de donner une effectivité à la réponse pénale, les carences constatées tiennent essentiellement, à notre sens, à une mauvaise exécution des décisions du juge des enfants. Le manque de moyens est en effet criant.
    Il est nécessaire que les décisions du juge des enfants puissent être appliquées. En l'occurrence, avec ce texte, le risque est réel que la procédure de jugement rapproché ne devienne la règle et que l'on en vienne à une justice d'abattage...
    M. Claude Goasguen. Oh !
    M. Michel Vaxès. ... s'intéressant plus à l'acte qu'à la personnalité de l'auteur. De la rapidité à la précipitation, il n'y a qu'un pas que nous ne souhaitons pas voir franchir.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. L'avis de la commission est exactement l'inverse de celui de M. Vaxès. Il s'agit, dans cette section, de jeunes qui sont connus de la justice, c'est-à-dire sur lesquels on dispose d'une enquête de personnalité récente. Dans leur cas, nous estimons que la sanction, pour être efficace, doit venir suffisamment rapidement après l'infraction. En conséquence, un délai de dix jours à un mois nous apparaît tout à fait raisonnable. Avis défavorable.
    M. Claude Goasguen. Très bien !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Il s'agit d'un point très important du texte, un point clé, car nous savons bien combien est essentielle la proximité entre la commission du délit et la sanction afin que celle-ci ait un effet pédagogique. C'est la raison pour laquelle je suis très défavorable à l'amendement.
    M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.
    M. Pierre Cardo. Voilà des années que nous réclamons un rapprochement entre le temps de la justice et celui de l'enfant, c'est-à-dire que nous réclamons un jugement suffisamment rapproché de l'acte commis pour que l'enfant puisse faire le lien. Lorsque les enquêtes ont déjà été réalisées, il est évident que l'on peut aller plus vite dans la procédure. Une enquête, dans mon département, dure actuellement neuf mois en moyenne. On voit bien quel peut être ce délai si l'on reprend la procédure depuis le début, alors qu'il s'agit d'enfants déjà connus et répertoriés et, en général, de récidivistes. Il me semble que l'on peut admettre, dans ce cas, une procédure à délai rapproché. En tout cas j'y suis très favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 72.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 17

    M. le président. « Art. 17. - L'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée est ainsi modifiée :
    « 1° La deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 5 et ainsi rédigée :
    « Il pourra également saisir le tribunal pour enfants conformément à la procédure de jugement à délai rapproché prévue par l'article 14-2. » ;
    « 2° Au troisième alinéa de l'article 12, les mots : "articles 8-2 et 8-3 sont remplacés par les mots : "articles 8-2 et 14-2 » ;
    « 3° Après l'article 14-1, il est inséré un article 14-2 ainsi rédigé :
    « Art. 14-2.  - I. - Les mineurs de seize à dix-huit ans qui ont été déférés devant le procureur de la République peuvent être poursuivis devant le tribunal pour enfants selon la procédure de jugement à délai rapproché dans les cas et selon les modalités par le présent article.
    « II. - La procédure de jugement à délai rapproché est applicable aux mineurs qui encourent une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à trois ans en cas de flagrance, ou supérieure ou égale à cinq ans dans les autres cas. Elle ne peut être engagée que si des investigations sur les faits ne sont pas nécessaires et que si des investigations sur la personnalité du mineur ont été accomplies, le cas échéant, à l'occasion d'une procédure antérieure de moins de dix-huit mois.
    « III. - Après avoir versé au dossier de la procédure les éléments de personnalité résultant des investigations mentionnées au II, le procureur de la République vérifie l'identité du mineur qui lui est déféré et lui notifie les faits qui lui sont reprochés en présence de l'avocat de son choix ou d'un avocat désigné par le bâtonnier à la demande du procureur de la République si le mineur ou ses représentants légaux n'ont pas fait le choix d'un avocat. Dès sa désignation, l'avocat peut consulter le dossier et communiquer librement avec le mineur.
    « Après avoir recueilli ses observations éventuelles et celles de son avocat, le procureur de la République informe le mineur qu'il est traduit devant le tribunal pour enfants pour y être jugé, à une audience dont il lui notifie la date et l'heure et qui doit avoir lieu dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours ni supérieur à un mois.
    « A peine de nullité de la procédure, les formalités mentionnées aux deux alinéas précédents font l'objet d'un procès-verbal dont copie est remise au mineur et qui saisit le tribunal pour enfants.
    « IV. - Aussitôt après avoir procédé aux formalités prévues au III, le procureur de la République fait comparaître le mineur devant le juge des enfants afin qu'il soit statué sur ses réquisitions tendant soit au placement sous contrôle judiciaire, soit au placement en détention provisoire du mineur jusqu'à l'audience du jugement.
    « Le juge des enfants statue par ordonnance motivée qui doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision, par référence, selon les cas, aux dispositions des articles 137-2 ou 144 du code de procédure pénale. Il statue en audience de cabinet, après un débat contradictoire au cours duquel il entend le procureur de la République, qui développe ses réquisitions, puis les observations du mineur et celles de son avocat. Le juge des enfants peut, le cas échéant, entendre au cours de ce débat les déclarations du représentant du service auquel le mineur a été confié.
    « Les représentants légaux du mineur sont avisés de la décision du juge des enfants par tout moyen. L'ordonnance peut faire l'objet d'un appel devant la chambre de l'instruction ; les dispositions des articles 187-1 et 187-2 du code de procédure pénale sont alors applicables.
    « Dans tous les cas, lorsque le juge des enfants ne fait pas droit aux réquisitions du procureur de la République, il peut ordonner les mesures prévues aux articles 8 et 10, le cas échéant, jusqu'à la comparution du mineur.
    « V. - Le tribunal pour enfants saisi en application du présent article statue conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article 13 et de l'article 14.
    « Il peut toutefois, d'office ou à la demande des parties, s'il estime que l'affaire n'est pas en état d'être jugée, renvoyer à une prochaine audience dans un délai qui ne peut être supérieur à un mois, en décidant, le cas échéant, de commettre le juge des enfants pour procéder à un supplément d'information ou d'ordonner une des mesures prévues aux articles 8 et 10. Si le mineur est en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire, le tribunal statue alors par décision spécialement motivée sur le maintien de la mesure. Lorsque le mineur est en détention provisoire, le jugement au fond doit être rendu dans un délai d'un mois suivant le jour de sa première comparution devant le tribunal. Faute de décision au fond à l'expiration de ce délai, il est mis fin à la détention provisoire.
    « Le tribunal pour enfants peut également, s'il estime que des investigations supplémentaires sont nécessaires compte tenu de la gravité ou de la complexité de l'affaire, renvoyer le dossier au procureur de la République. Lorsque le mineur est en détention provisoire, le tribunal pour enfants statue au préalable sur le maintien du mineur en détention provisoire jusqu'à sa comparution devant le juge des enfants ou le juge d'instruction. Cette comparution doit avoir lieu le jour même, à défaut de quoi le prévenu est remis en liberté d'office.
    « VI. - Les dispositions du présent article sont également applicables aux mineurs de treize à seize ans, à condition que la peine encourue soit d'au moins cinq ans d'emprisonnement, sans qu'elle puisse excéder sept ans. Le procureur de la République ne peut alors requérir que le placement sous contrôle judiciaire du mineur jusqu'à sa comparution devant le tribunal pour enfants, conformément aux dispositions du III de l'article 10-1, à une audience qui doit se tenir dans un délai de dix jours à deux mois ;
    « 4° L'article 8-2 est ainsi rédigé :
    « Art. 8-2. - En matière correctionnelle, le procureur de la République pourra, à tout moment de la procédure, s'il estime que des investigations suffisantes sur la personnalité du mineur ont été effectuées, le cas échéant à l'occasion d'une précédente procédure, et que des investigations sur les faits ne sont pas ou ne sont plus nécessaires, requérir du juge des enfants qu'il ordonne la comparution de mineurs soit devant le tribunal pour enfants, soit devant la chambre du conseil, dans un délai compris entre un et trois mois. Les dispositions des deux derniers alinéas de l'article 82 et des deux premiers alinéas de l'article 185 du code de procédure pénale sont alors applicables, l'appel ou le recours du parquet étant porté devant le président de la chambre spéciale des mineurs de la cour d'appel ou son remplaçant, qui statuera dans les quinze jours de sa saisine et devant lequel le mineur, ses représentants légaux et son avocat à la connaissance de qui l'appel ou le recours du procureur de la République aura été porté, pourront présenter toutes objections utiles par écrit. »
    « 5° L'article 8-3 est abrogé. »
    La parole est à Mme Marylise Lebranchu, inscrite sur l'article.
    Mme Marylise Lebranchu. Pour gagner du temps, je défendrai en même temps l'amendement de suppression.
    Il est important de dire aujourd'hui que cet article répond à une préoccupation juste. Nous connaissons tous les problèmes rencontrés par la justice des enfants. D'ailleurs, pour la première fois depuis bien longtemps, quinze nouveaux tribunaux pour enfants ont été créés.
    C'est essentiellement un problème de moyens qui a conduit à la situation que vient de décrire M. Cardo. La procédure peut parfois attendre un an, et ce depuis des années, en total décalage avec la nécessité de répondre vite à l'enfant.
    Je fais partie de celles et ceux qui pensent que la sanction permet aux mineurs concernés d'être reconnus comme dignes de la République, tandis que l'absence totale de sanction constitue au contraire une humiliation et est souvent vécue comme telle.
    M. Pierre Cardo. Voilà une déclaration responsable !
    Mme Marylise Lebranchu. Quand on transgresse la loi et qu'on n'a pas le droit à une sanction, cela signifie qu'on est indigne d'être citoyen. Voilà pourquoi je reste persuadée que la sanction est importante.
    M. Pierre Cardo. Très bien.
    Mme Marylise Lebranchu. Mais la sanction doit être prononcée dans de bonnes conditions. Je me suis battue contre la comparution immédiate pour les majeurs. J'ai bien évidemment eu l'occasion d'examiner de très près toutes les statistiques du ministère de la justice ainsi que son premier rapport d'activité. On se rend compte que la comparution immédiate entraîne des peines de plus en plus lourdes, dans des conditions que pratiquement aucune organisation professionnelle ou association ni aucun magistrat ne défend.
    M. Pierre Cardo. Ce sont pourtant eux qui les prononcent !
    Mme Marylise Lebranchu. Nous sommes en effet confrontés à ce que les trois grands syndicats de magistrats ont appelé « la justice de dépotage ».
    Je reconnais la nécessité de se donner les moyens d'aller plus vite. J'ai d'ailleurs demandé à l'inspection générale un rapport sur la comparution immédiate qui devrait être communiqué assez vite et nous permettra de mieux connaître les vrais résultats de la comparution immédiate en France.
    Pourquoi réclamer tout de suite des délais aussi rapprochés pour les jeunes ? En attendant le jugement, le juge des enfants sera saisi de réquisitions en vue d'un placement en détention sous contrôle judiciaire. L'expérience montre que la comparution immédiate entraîne beaucoup trop d'incarcérations. Or, je vois mal comment un magistrat des enfants, faute de moyens de placement, par exemple en famille d'accueil, en internat protégé, en semi-liberté, etc., pourrait répondre correctement à cet article. Je pense qu'il arrive beaucoup trop tôt eu égard aux moyens disponibles.
    Je ne vois pas du tout comment la loi pourrait être appliquée dès le mois de septembre, alors que les nouveaux centres ne seront pas encore ouverts. Elle ne le sera d'ailleurs pas avant des mois. Je pense qu'on aurait pu attendre afin de se donner le temps de la réflexion et surtout de créer le deuxième train de tribunaux pour enfants - une trentaine sont prévus - qui permettront de mieux répondre à ce problème.
    M. Christian Estrosi. Incroyable ! Voilà qui explique tout !
    Mme Marylise Lebranchu. Nous donnons, à mon avis, une mauvaise réponse à un vrai constat.
    M. le président. La parole est à M. Pierre Albertini.
    M. Pierre Albertini. Monsieur le président, le délai de comparution des mineurs est plus une question de fait qu'une question de principe.
    Sur les faits, nous sommes bien sûr tous d'accord sur ces bancs pour dire qu'une sanction rapide, appropriée et graduée doit être apportée.
    Mais nous sommes également tous d'accord pour reconnaître que la panoplie de ces sanctions, ou de ces mesures éducatives - on joue sur les mots, car personnellement je n'ai perçu aucune différence entre les deux expressions - doit être vaste. Mais pour qu'elles soient efficaces, encore faut-il que l'institution soit capable de rechercher calmement, sereinement, compte tenu non seulement de la personnalité du mineur, de son environnement familial, mais aussi des moyens qui sont à la disposition du juge, la meilleure solution.
    Or, très franchement, je ne suis pas convaincu que de resserrer les délais, ainsi que vous l'avez prévu - dix jours à un mois au lieu de un à trois mois - permettra d'aboutir aux résultats escomptés. Il est d'ailleurs plus facile de modifier la loi, de faire bouger les curseurs, de modifier les délais, que de modifier les pratiques et d'accroître l'efficacité des moyens. Nous sommes entraînés, je le sens venir depuis deux jours, dans une pente irrépressible consistant à jouer sur le curseur législatif, à raccourcir les délais, à modifier l'arsenal juridique.
    En fait, il est beaucoup plus facile de jouer sur ce registre que d'imposer une approche plus efficace des choses : de faire, par exemple, sortir les magistrats de l'enceinte judiciaire dans laquelle ils se trouvent - la raison en est quelquefois, hélas, le manque de moyens - ou encore de faire sortir la protection judiciaire de la jeunesse des habitudes dans lesquelles elle se trouve. Il est plus difficile, aussi, de faire travailler ensemble les services. Confrontés aux mêmes réalités, ils campent souvent chacun sur leur territoire.
    C'est pourquoi je pense qu'en proposant le raccourcissement du délai vous allez créer un effet d'annonce et que, si celui-ci n'est pas suivi dans les deux ou trois ans qui viennent de moyens substantiels, les mêmes causes produisant les mêmes effets, vous n'obtiendrez pas l'efficacité que vous recherchez : à savoir le traitement plus rapide, plus gradué, plus individualisé de la délinquance des mineurs.
    M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.
    M. Claude Goasguen. J'y renonce, monsieur le président.
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 73 et 205.
    L'amendement n° 73 est présenté par M. Vaxès et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, l'amendement n° 205 par M. Vallini et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 17. »
    La parole est à M. Michel Vaxès, pour soutenir l'amendement n° 73.
    M. Michel Vaxès. Il s'agit d'un amendement de conséquence.
    M. le président. La parole est à M. André Vallini, pour soutenir l'amendement n° 205.
    M. André Vallini. Cet amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde de sceaux. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 73 et 205.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. L'amendement n° 241 n'est pas défendu.
    Je suis saisi de trois amendements, n°s 74 corrigé, 163 et 252, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 74 corrigé, présenté par M. Vaxès et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, est ainsi rédigé :
    « A la fin de la dernière phrase du II du texte proposé pour l'article 14-2 de l'ordonnance du 2 février 1945, substituer aux mots : "dix-huit, le mot : "six. »
    L'amendement n° 163, présenté par M. Warsmann, rapporteur, est ainsi rédigé :
    « A la fin de la dernière phrase du II du texte proposé pour l'article 14-2 de l'ordonnance du 2 février 1945, substituer aux mots : "de dix-huit mois, les mots : "d'un an. »
    L'amendement n° 252, présenté par Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère, est ainsi rédigé :
    « A la fin de la dernière phrase du II du texte proposé pour l'article 14-2 de l'ordonnance du 2 février 1945, substituer aux mots : "dix-huit mois, les mots : "douze mois. »
    La parole est à M. Michel Vaxès, pour soutenir l'amendement n° 74 corrigé.
    M. Michel Vaxès. Il s'agit d'un amendement de repli, notre amendement de suppression n'ayant pas été adopté.
    L'alinéa de l'article 17 sur lequel portent ces amendements en discussion commune prévoit que la procédure de jugement à délai rapproché « ne peut être engagée que si des investigations sur les faits ne sont pas nécessaires et que si des investigations sur la personnalité du mineur ont été accomplies, le cas échéant, à l'occasion d'une procédure antérieure de moins de dix-huit mois. »
    M. Cardo parlait tout à l'heure de la spécificité du temps de l'enfance. Un enfant change. Dix-huit mois, c'est considérable pour lui. Quel sens peuvent avoir des investigations sur sa personnalité dix-huit mois plus tard ?
    Nous proposons donc de réduire ce délai à six mois. Cela nous paraît plus raisonnable et plus réaliste. Il est en effet à craindre que des investigations vieilles de dix-huit mois ne soient d'aucune utilité.
    M. le président. L'amendement n° 252 n'est pas défendu.
    La parole est à M. le rapporteur pour présenter l'amendement n° 163 et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 74 corrigé.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La commission a souhaité réduire le délai de dix-huit mois à un an.
    Que les choses soient claires entre nous : le délai court à partir de l'investigation accomplie par la procédure antérieure.
    Nous avons préféré opter pour douze mois, parce qu'un jeune de treize, quatorze ou quinze ans évolue et sa situation peut donc changer rapidement. Or nous avons souhaité encadrer très nettement cette procédure.
    Si l'expérience prouvait que la commission a été trop prudente, l'Assemblée pourrait être saisie à nouveau de cette question.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Avant de donner l'avis du Gouvernement sur les amendements, je voudrais répondre à certaines interrogations.
    Monsieur Albertini, je ne comprends pas très bien vos hésitations dans la mesure où l'esprit du projet est, d'une part, d'accroître les moyens de la justice et d'affecter en priorité ces moyens au traitement de la délinquance des mineurs - nous y travaillons, et, dès l'affectation des moyens supplémentaires dans le cadre du budget 2003, nous procéderons à la répartition de ceux-ci - et, d'autre part, de proposer un certain nombre de modifications législatives pour que ces moyens puissent être articulés sur une organisation juridique plus efficace.
    Quant à savoir quel sera l'effet premier - l'augmentation et la répartition des moyens ou la modification du texte -, je ne saurais le dire. Il me paraissait cohérent de vous proposer les deux ensemble. J'ai donc été étonné de vous entendre considérer que cette procédure n'était pas utile compte tenu du niveau des moyens actuels.
    En ce qui concerne la réduction du délai de dix-huit mois à un an, tout en étant conscient de l'intérêt de la réflexion menée par la commission des lois, je ne suis pas en mesure aujourd'hui de dire s'il faut absolument dix-huit mois ou si douze mois suffisent. La commission et la majorité de l'Assemblée considèrent qu'il est préférable de commencer avec un délai d'un an puis de faire le point. Le rapporteur a d'ailleurs pris soin de préciser le point de départ de ce délai. C'est un élément important. Je m'en remets, pour ma part, à la sagesse de l'Assemblée.
    M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.
    M. Pierre Cardo. Entre le délai un peu court proposé par M. Vaxès et celui peut-être un peu trop long prévu dans le projet, la proposition de la commission me paraît, dans le contexte actuel, assez raisonnable. Les textes de loi doivent tenir compte d'un certain nombre de réalités de terrain qu'on peut observer, même si la situation n'est pas homogène sur tout le territoire.
    Pour ma part, je voudrais qu'on rapproche la mesure proposée des nouveaux moyens qui sont mis à la disposition de la justice dans le cadre de cette loi et qui devraient lui permettre de fonctionner un peu mieux.
    Il faut savoir que la multiplication des enquêtes auprès de familles à problèmes, qui vivent souvent dans des milieux assez difficiles, n'est pas ce qui plaît le plus aux acteurs de terrain qui se « coltinent » ces enquêtes.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Absolument !
    M. Pierre Cardo. Il faut savoir également que, dans certains secteurs, des médecins du travail accordent à des travailleurs sociaux des certificats d'inaptitude à tout contact avec le public de certaines communes. On en arrive là ! La situation est donc quand même assez préoccupante.
    M. Pierre Albertini. C'est nouveau !
    M. Pierre Cardo. Oui, c'est une nouveauté, ça date de trois semaines, mais, à mon avis, ça va se développer. Où va-t-on si, demain, en face de voyous un peu trop difficiles, les policiers sont déclarés inaptes et, après eux, les médecins ?
    Nous assistons à une exacerbation des tensions chez un grand nombre de professionnels sur le terrain.
    On souffre d'un manque de moyens. Cette loi essaie d'y répondre. Mais une adaptation de la législation reste nécessaire.
    La réduction du délai à douze mois me paraît assez raisonnable. Mais je tiens à vous mettre en garde. Si l'on a une conception trop théorique du problème, on risque un beau jour de voir sur le terrain, et ce malgré nos belles lois, les professionnels ne plus suivre du tout.
    Il y a là une vraie problématique. Il nous appartient de préciser clairement, dans la loi, ce que l'on veut, et les moyens que l'on se donne pour y arriver. Je pense que, ensuite, la mise en pratique suivra un peu mieux. Mais, pour l'instant, nous sommes un peu comme l'armée mexicaine : nous décidons de beaucoup de choses et nous avons de beaux débats, mais, sur le terrain, ça ne se passe pas très bien.
    M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.
    M. Daniel Garrigue. Je ne suis pas favorable à la proposition de la commission des lois de réduire le délai à douze mois pour deux raisons.
    D'abord, il existe un phénomène qu'on évoque peu, mais que nous connaissons dans beaucoup de villes : la délinquance des mineurs s'inscrit souvent dans le cadre de fratries. Ce n'est pas la totalité de la population ou des jeunes d'un quartier qui sombrent dans la délinquance. Il s'agit de quelques familles et petits groupes limités.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Oui, c'est un phénomène parfaitement connu.
    M. Daniel Garrigue. Je reviendrai à cet égard brièvement sur le problème du casier judiciaire. Je regrette qu'on ait décidé de remettre les compteurs à zéro à dix-huit ans.
    M. Christian Vanneste. Tout à fait ! On a eu tort !
    M. Daniel Garrigue. Souvent les jeunes suivent l'exemple d'un frère plus âgé. Alors que les actes de délinquance inscrits sur le casier judiciaire de celui-ci disparaîtront, ils figureront toujours sur ceux des plus jeunes.
    Comme, malheureusement, on observe une continuité dans la délinquance, la réduction du délai n'est pas forcément une bonne chose. C'est le premier aspect.
    Le second aspect, c'est qu'il faut prévoir le temps nécessaire pour mener les enquêtes. On n'en lance pas tous les quatre matins !
    La proposition de la commission me semble donc limiter considérablement la portée de cet article.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je voudrais apporter une précision. Notre collègue Cardo nous a livré un témoignage intéressant et grave tout à l'heure. Il nous a expliqué que, dans son département, entre le moment où une infraction était commise, et donc la justice saisie, et le moment où l'investigation de personnalité était réalisée, il s'écoulait un laps de temps de neuf mois. Que les choses soient très claires : le délai de douze mois proposé dans l'amendement ne court pas à partir de la première infraction, mais du jour où l'investigation est réalisée, c'est-à-dire du jour où l'enquête est faite.
    Dans l'exemple dramatique cité par Pierre Cardo, au cours des douze mois qui suivent l'investigation - intervenue neuf mois après l'infraction -, c'est le procureur lui-même - gros changement par rapport à l'ancienne législation qui ne fonctionne pas - qui va, en cas de nouvelle infraction, actionner la procédure de comparution à délai rapproché. Et entre dix jours et un mois après la nouvelle infraction interviendra le jugement.
    Le dispositif proposé me paraît donc très efficace. En tout état de cause, il n'est pas remis en cause par les situations de retard qui peuvent exister dans un certain nombre de départements.
    M. le président. Nous allons essayer de trouver le bon délai.
    Je mets aux voix l'amendement n° 74 corrigé.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 163.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Vaxès et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 75 corrigé, ainsi rédigé :
    « Compléter le II du texte proposé pour l'article 14-2 de l'ordonnance du 2 février 1945 par les deux alinéas suivants :
    « Le procureur doit, à peine de nullité, recueillir au préalable l'avis du juge des enfants, chargé du suivi des mineurs, sur le caractère suffisant des investigations de personnalités déjà accomplies.
    « La mention de cet avis figure sur le procès-verbal remis au mineur. »
    La parole est à M. Michel Vaxès.
    M. Michel Vaxès. Notre amendement prévoit que le procureur devra recueillir au préalable l'avis du juge des enfants sur le caractère suffisant des investigations de personnalité déjà accomplies. En effet, le juge des enfants connaît mieux le mineur et son dossier que le procureur. Ainsi, avant de saisir le tribunal pour enfant, le procureur aura l'assurance que les investigations auront bien été effectuées.
    En outre, le juge des enfants chargé du suivi du mineur sera en mesure de préparer l'audience dans les meilleures conditions. Tel est l'objet de cet amendement.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je ne comprends pas du tout l'objet de l'amendement.
    Premièrement, si le procureur demande la mise en action de la procédure à délai rapproché, c'est précisément parce qu'il a entre les mains une investigation de moins de douze mois. Donc, il la connaît et il sait à quelle situation il a affaire.
    Deuxièmement, dans les textes que nous proposons, nous cherchons la simplication. Or, l'amendement de M. Vaxès entraînerait un alourdissement,
    C'est la raison pour laquelle la commmission a émis un avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Même avis que celui de la commission.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 75 corrigé.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Albertini a présenté un amendement, n° 7, ainsi rédigé :
    « A la fin du deuxième alinéa du III du texte proposé pour l'article 14-2 de l'ordonnance du 2 février 1945, substituer aux mots : "dix jours ni supérieur à un, les mots : "un mois ni supérieur à trois. »
    La parole est à M. Pierre Albertini.
    M. Pierre Albertini. Cet amendement a été défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 164, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du deuxième alinéa du IV du texte proposé pour l'article 14-2 de l'ordonnance du 2 février 1945, substituer à la référence : "137-2, la référence : 137. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 164.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Vaxès et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicain ont présenté un amendement, n° 76, deuxième correction, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du deuxième alinéa du V du texte proposé pour l'article 14-2 de l'ordonnance du 2 février 1945, substituer aux mots : "un mois les mots : "trois mois. »
    La parole est à M. Michel Vaxès.
    M. Michel Vaxès. L'amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 76 deuxième correction.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. L'amendement n° 8 de M. Albertini tombe.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 165, ainsi libellé :
    « Après les mots : "dans les quinze jours de sa saisine, rédiger ainsi la fin du texte proposé pour l'article 8-2 de l'ordonnance du 2 février 1945 : "L'appel ou le recours du procureur de la République sera porté à la connaissance du mineur, de ses représentants légaux et de son avocat, qui pourront présenter par écrit toutes observations utiles. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 165.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 17, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 17, ainsi modifié, est adopté.)

Avant l'article 18

    M. le président. Je donne lecture de l'intitulé de la section 5 :

« Section 5

« Dispositions relatives au jugement des mineurs
par la juridiction de proximité »

    M. Vaxès et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 77, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 18, supprimer la division et l'intitulé suivants :

« Section 5

« Dispositions relatives au jugement des mineurs
par la juridiction de proximité »

    La parole est à M. Michel Vaxès.
    M. Michel Vaxès. L'institution d'un juge de proximité compétent pour les infractions commises par les mineurs met à mal un principe fondamental, celui de la spécificité de la justice des mineurs. En outre, elle est contraire à la Convention internationale des droits de l'enfant.
    Aujourd'hui, et je m'attendais à ce que vous me le rappeliez, la compétence pour juger les mineurs ayant commis des contraventions de police des quatre premières classes est dévolue, il est vrai, au tribunal de police. Mais je crois qu'il s'agit d'une erreur de procédure. En effet, c'est au moment où un mineur commet une petite infraction qu'il convient de saisir le juge des enfants afin qu'il soit alerté le plus tôt possible de la mise en danger du mineur et qu'il puisse prendre les mesures éducatives ou préventives nécessaires.
    Donc, dans un souci d'efficacité - objectif affiché de ce projet -, il faut que la société puisse détecter le plus en amont possible les mineurs en danger afin de pouvoir mettre en place l'action éducative qui convient et éviter ainsi au jeune d'être pris dans la spirale de la délinquance.
    C'est la raison pour laquelle nous faisons cette proposition. Elle correspond à la volonté que vous avez affichée. Nous allons voir si vous acceptez de la concrétiser.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je relève deux contradictions dans l'argumentation de M. Vaxès.
    La première, c'est que la compétence du juge de proximité en matière de contraventions des quatre premières classes n'empiète en rien sur celle du juge des enfants puisqu'elle est exercée aujourd'hui par le tribunal de police. Donc, on ne porte pas atteinte à la spécificité de la justice des mineurs.
    La seconde contradiction, c'est que, après nous avoir dit il y a quelques minutes qu'il y avait un problème de moyens et qu'il fallait augmenter le nombre des juges des enfants, on nous explique maintenant exactement l'inverse : la moindre contravention pour un pot d'échappement de deux-roues trafiqué devrait être reférée immédiatement au juge des enfants. On ne peut, en l'espace de quelques minutes, soutenir une chose et son contraire.
    M. André Vallini. Ce n'est pas du tout contradictoire !
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable à l'amendement n° 77.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Avis défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 77.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 18

    M. le président. « Art. 18. - I. - Supprimé.
    « II. - L'article 21 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Pour les contraventions de police des quatre premières classes relevant de l'article 706-72 du code de procédure pénale, le juge de proximité exerce les attributions du tribunal de police dans les conditions prévues au présent article. »
    Deux orateurs sont inscrits sur l'article.
    La parole est à M. Pierre Albertini.
    M. Pierre Albertini. L'article 18 prévoit la possibilité pour le juge de proximité de connaître d'une partie des infractions commises par les mineurs. Je crois que nous prenons là un risque. Nous tentons une expérience avec le juge de proximité. Sa mise en place, qui, M. le ministre l'a dit lui-même, sera progressive, n'apporte rien. Le statu quo me paraît bien préférable à la proposition qui nous est faite.
    M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.
    M. Pierre Cardo. Personnellement, je ne trouve pas choquant qu'un autre type d'acteurs intervienne en amont de problèmes plus graves. Les juges des enfants sont actuellement débordés. Même si une augmentation des effectifs est prévue, celle-ci prendra du temps.
    Plusieurs solutions ont été essayées.
    Le gouvernement de gauche a souhaité confier à des médiateurs le soin d'intervenir sur un certain nombre de petits problèmes qui ne sont jamais traités, et qui, la plupart du temps, sont classés.
    M. Pierre Albertini. Les médiateurs ne sont pas des juges.
    M. Pierre Cardo. Non, ce ne sont pas des juges. Cela n'a quasiment pas été suivi d'effet. La magistrature s'y est opposée dans les faits.
    On a ensuite confié ce rôle à des substituts du procureur, c'est-à-dire que, pour certaines infractions, c'est un policier qui traite les affaires.
    On propose maintenant de demander à des gens un peu plus formés à cette problématique, compte tenu des critères de compétence définis pour le recrutement des juges de proximité, de traiter certaines peines en espérant que ces nouveaux acteurs pourront coordonner un tant soit peu des éléments qui, pour l'instant, sont un peu éparpillés dans la nature.
    M. Pierre Albertini. Il ne va rien coordonner du tout !
    M. Pierre Cardo. Si, monsieur Albertini. Savez-vous combien il y a, aujourd'hui, d'infractions commises par des mineurs classées sans suite ?
    M. Pierre Albertini. C'est un autre problème !
    M. Julien Dray. Et, de plus, ce n'est pas vrai !
    M. Pierre Cardo. Par ailleurs, l'intervention de ces nouveaux acteurs me semble intéressante dans le cadre du partenariat qui doit être mis en place entre les élus, les travailleurs sociaux et les magistrats. On va voir comment on va pouvoir organiser le travail en réseau qui, pour l'instant, ne fonctionne pas vraiment. Il y a actuellement un cloisonnement très fort,...
    M. Pierre Albertini. Oh oui !
    M. Pierre Cardo. ... et on a un peu trop tendance à judiciariser. Mais il est vrai que, actuellement, quand ce n'est pas judiciarisé, il ne se passe rien.
    Entre le rien et une judiciarisation par le juge des mineurs qui arrive souvent trop tard, la nouvelle réponse me semble intéressante. Expérimentons-la afin de voir ce que cela va donner, ne commençons pas par dire que cela ne marchera pas, que c'est négatif, ou autre chose. La seule chose dont on soit sûr, c'est que le système actuel ne marche pas. Voyons ce que donnera cette proposition a priori intéressante ; encore conviendra-t-il, au niveau du Gouvernement, d'évaluer ce nouveau mode de fonctionnement...,
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Absolument !
    M. Pierre Cardo. ... et ce dans l'année qui vient, les éventuels dysfonctionnements et les inévitables ratés qui auront pu se produire. Mais, dans ce pays, avant de prendre toute décision, et alors même que chacun s'accorde sur le danger de la situation actuelle par rapport aux mineurs, on se focalise essentiellement sur les risques que pourraient présenter les réponses envisagées et, compte tenu de ces risques, on préfère ne rien faire ! La peur n'évite pas le danger. Il est temps de prendre de véritables dispositions avant que la situation ne nous échappe totalement. Or, jusqu'à présent, reconnaissons-le, aucun gouvernement n'a réussi à régler le problème.
    Une proposition nous est faite ; voyons ce qu'elle vaut, mais ne la taillons pas en pièces avant de l'avoir mise en oeuvre. En revanche, prévoyons l'évaluation. J'espère, monsieur le garde des sceaux, que nous pourrons en obtenir une dans l'année qui vient ; il faut compter un an pour voir ce que ça donne.
    M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques, n°s 9, 45, 206 et 253.
    L'amendement n° 9 est présenté par M. Albertini ; l'amendement n° 45, par M. Vaxès et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 206, par M. Vallini et les membres du groupe socialiste ; l'amendement n° 253, par Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 18. »
    La parole est à M. Pierre Albertini, pour soutenir l'amendement n° 9.
    M. Pierre Albertini. Je l'ai défendu.
    M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès, pour défendre l'amendement n° 45.
    M. Michel Vaxès. Il est défendu.
    M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu, pour défendre l'amendement n° 206.
    Mme Marylise Lebranchu. Une précision, à l'adresse de M. Cardo...
    M. Julien Dray. Il n'y connaît rien !
    Mme Marylise Lebranchu. ... sur le taux de réponse pénale pour les mineurs. Il faut savoir que c'est le taux le plus fort et, puisque vous voulez des évaluations, je vais vous donner quelques chiffres.
    En 1993, on réussissait à traiter 113 000 affaires ; en 2001, 162 000. Pour ce qui concerne les procédures alternatives aux poursuites - sanctions aux yeux de certains, « mesures éducatives fortes » à en croire les autres -, on est passé de 37 000 en 1999 à 49 800, grâce notamment à la création des centres d'éducation renforcée, car le problème se pose aussi du lieu d'exécution de la mesure éducative. Enfin, et vous l'avez sûrement remarqué dans le rapport d'activité, le nombre de procédures classées sans suite diminue d'année en année : de 54 000 en 1996, il est tombé à 32 000 en 2001. Encore faut-il compter dans ce chiffre 2 000 recherches infructueuses, 4 100 victimes désintéressées et 2 699 désistements du plaignant. Cela montre en tout cas l'ampleur du travail réalisé par les magistrats, les greffiers et l'ensemble des services d'enquête. On ne peut pas laisser dire ici que la justice des mineurs serait totalement dépourvue de moyens, quand bien même elle n'en a pas assez, et surtout qu'elle ne serait pas efficace. C'est une justice efficace. Et si certaines mesures de réparations posent problème, c'est plus par manque de lieux d'exécution que par manque de prononcés.
    S'agissant de l'article 18, nous ne pouvons pas tout à la fois vouloir créer des juges de proximité, c'est-à-dire introduire un nouvel étage dans une organisation judiciaire déjà extrêmement complexe pour les citoyens, et confier à ces juges le travail des tribunaux de police. Je suis donc favorable au statu quo, d'autant que, les entretiens de Vendôme l'ont montré, la majorité des magistrats et des avocats qui ont travaillé sur le sujet avaient proposé que les petites infractions, au code de la route en particulier, sanctionnées par une simple amende, puissent relever à nouveau de procédures administratives au lieu d'encombrer la justice d'autant plus inutilement qu'elles sont parfaitement codifiées.
    M. le président. L'amendement n° 253 n'est pas défendu.
    Quel est l'avis de la commission sur les trois amendements restant en discussion ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix par un même vote les amendements n°s 9, 45 et 206.
    (Les amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article n° 18.
    (L'article 18 est adopté.)

Avant l'article 19

    M. le président. Je donne lecture de l'intitulé de la section 6 :

« Section 6

« Dispositions relatives au sursis
avec mise à l'épreuve »

    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 166, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 19, dans l'intitulé de la section 6, après le mot : "relatives, insérer les mots : "à l'exécution des peines d'emprisonnement et. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Amendement de cohérence.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 166.
    (L'amendement est adopté.)

Article 19

    M. le président. « Art. 19. - I. - L'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée est ainsi modifiée :
    « 1. Au quatrième alinéa de l'article 20-2, après les mots : "par les mineurs, sont insérés les mots : "soit dans un quartier spécial d'un établissement pénitentiaire, soit dans un établissement pénitentiaire spécialisé pour mineurs ;
    « 2. Après l'article 20-8, il est inséré un article 20-9 ainsi rédigé :
    « Art. 20-9. - En cas de condamnation d'un mineur de treize à dix-huit ans à une peine d'emprisonnement assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve par le tribunal pour enfants ou, s'il s'agit d'un mineur de seize ans révolus, par la cour d'assises des mineurs, le juge des enfants et le tribunal pour enfants dans le ressort duquel le mineur a sa résidence habituelle exercent les attributions dévolues au juge de l'application des peines et au tribunal correctionnel par les articles 739 à 744-1 du code de procédure pénale jusqu'à l'expiration du délai d'épreuve. Toutefois, par dérogation aux dispositions de l'article 744 de ce code, en cas de violation des mesures de contrôle ou des obligations imposées au condamné, la révocation du sursis avec mise à l'épreuve est ordonnée par le juge des enfants.
    « La juridiction de jugement peut, si la personnalité du mineur le justifie, assortir cette peine de l'une des mesures définies aux articles 16 et 19, ces mesures pouvant être modifiées pendant toute la durée de l'exécution de la peine par le juge des enfants. Elle peut notamment décider de placer le mineur dans un centre éducatif fermé prévu par l'article 33.
    « La juridiction de jugement peut alors astreindre le condamné, dans les conditions prévues à l'article 132-43 du code pénal, à l'obligation de respecter les conditions d'exécution des mesures visées à l'alinéa précédent ; le non-respect de cette obligation peut entraîner la révocation du sursis avec mise à l'épreuve et la mise à exécution de la peine d'emprisonnement.
    « Le responsable du service qui veille à la bonne exécution de la peine doit faire rapport au procureur de la République ainsi qu'au juge des enfants en cas de non-respect par le mineur des obligations qui lui ont été imposées. »
    « II. - L'article 744-2 du code de procédure pénale est abrogé. »
    M. Vallini et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 207, ainsi rédigé :
    « Supprimer l'article 19. »
    M. Michel Vaxès. Cet amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 207.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 167, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le premier alinéa du texte proposé pour l'article 20-9 de l'ordonnance du 2 février 1945 :
    « En cas de condamnation d'un mineur de treize à dix-huit ans à une peine d'emprisonnement assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve, le juge des enfants dans le ressort duquel le mineur a sa résidence habituelle exerce les attributions dévolues au juge de l'application des peines par les articles 739 à 741-2 du code de procédure pénale jusqu'à l'expiration du délai d'épreuve. Le juge des enfants, saisi d'office ou sur requête du procureur de la République, exerce également les attributions confiées au tribunal correctionnel par les articles 741-3 à 744-1, notamment pour ordonner la révocation du sursis avec mise à l'épreuve en cas de violation de mesures de contrôle ou des obligations imposées au condamné. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Par souci de cohérence avec les propositions formulées par le Sénat, cet amendement tend à confier au juge des enfants toutes les compétences du tribunal correctionnel en matière de sursis avec mise à l'épreuve.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 167.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 19, modifié par l'amendement n° 167.
    (L'article 19, ainsi modifié, est adopté.)

Avant l'article 20

    M. le président. Je donne lecture de l'intitulé de la section 7 :

« Section 7

« Des centres éducatifs fermés »

    M. Vaxès et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 46, ainsi rédigé :
    « Supprimer la division et l'intitulé suivants :

« Section 7

« Des centres éducatifs fermés »

    La parole est à M. Michel Vaxès.
    M. Michel Vaxès. Cet amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 46.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 20

    M. le président. « Art. 20. - L'article 33 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée est ainsi rédigé :
    « Art. 33. - Les centres éducatifs fermés sont des établissements publics ou des établissements privés habilités dans des conditions prévues par décret en conseil d'Etat, dans lesquels les mineurs sont placés en application d'un contrôle judiciaire ou d'un sursis avec mise à l'épreuve. Au sein de ces centres, les mineurs font l'objet des mesures de surveillance et de contrôle permettant d'assurer un suivi éducatif et pédagogique remplacé et adapté à leur personnalité. La violation des obligations auxquelles le mineur est astreint en vertu des mesures qui ont entraîné son placement dans le centre peut entraîner, selon le cas, le placement en détention provisoire ou l'emprisonnement du mineur.
    « L'habilitation prévue à l'alinéa précédent ne peut être délivrée qu'aux établissements offrant une éducation et une sécurité adaptées à la mission des centres ainsi que la continuité du service.
    « A l'issue du déplacement en centre éducatif fermé ou en cas de révocation soit du contrôle judiciaire, soit du sursis avec mise à l'épreuve ou en cas de fin de la mise en détention, le juge des enfants prend toute mesure permettant d'assurer la continuité de la prise en charge éducative du mineur en vue de sa réinsertion durable dans la société. »
    La parole est à M. Julien Dray, inscrit sur l'article.
    M. Julien Dray. Si j'ai bien compris, cet article est le coeur du dispositif qui nous est proposé concernant la délinquance des mineurs ; il renvoie au fameux débat sur les centres d'éducation renforcée fermés.
    Les centres éducatifs fermés, évoqués tout au long de la campagne présidentielle, ont été considérés comme une réponse adaptée à une situation, à ceci près que celle-ci ne correspond pas à la réalité.
    M. Claude Goasguen. C'est pourtant ce que disait Jospin !
    M. Julien Dray. Nous allons y revenir, monsieur Goasguen. Je veux bien prendre ma part de responsabilité dans ce débat de clarification nécessaire.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Très bien !
    M. Julien Dray. Revenons au point de départ, c'est-à-dire sur le cas de ces mineurs qui, après avoir commis des actes de délinquance, sont passés devant la justice, contre lesquels certaines procédures ont été engagées, et qui reviennent sur les lieux où ils ont commis leurs forfaits pour narguer la police ou la population, créant un climat délétère dans les quartiers : les victimes sont terrorisées par le retour des agresseurs, la population se demande ce que font la police et la justice et la rumeur d'un véritable laxisme s'amplifie. Voilà la situation, telle qu'elle est décrite et souvent vécue par nombre de nos concitoyens.
    Le problème est de savoir qui sont ces fugueurs. Or ce ne sont précisément pas les mineurs placés dans les centres d'éducation renforcée, généralement très éloignés des zones urbaines et gérés non par des personnels de la protection judiciaire de la jeunesse, mais par des associatifs. Le taux de fugue y est très faible : moins de 4 %. Autrement dit, la situation que l'on présente comme un problème dans l'opinion publique n'est pas liée à un dysfonctionnement de ces structures. Les mineurs fugueurs qui reviennent dans leur quartier ne se sont enfuis des centres d'éducation renforcée. Il n'y a donc pas besoin de créer une structure supplémentaire.
    Le problème posé, je l'ai dit à la tribune et j'y reviens, est lié aux centres de placement immédiat, dont la définition est restée imprécise et qui souvent sont installés à proximité de la cité. Ainsi, dans l'Essonne, le centre de placement immédiat de Savigny, chez M. Marsaudon, accueille souvent les mineurs de ma circonscription, délinquants de Grigny. Il leur suffit de prendre le bus pour revenir dans la cité, et comme il n'y a ni activités obligatoires ni règlement intérieur, le personnel de protection judiciaire de la jeunesse, souvent confronté à des cas sérieux, a bien du mal à exercer quelque autorité que ce soit, ce qui ne fait qu'aggraver le climat à l'intérieur du centre de placement immédiat où les mineurs susceptibles de prendre la mesure de la situation dans laquelle ils sont tombés côtoient des délinquants avérés qui considèrent que tout leur est permis et entendent bien continuer ainsi.
    Si l'on voulait véritablement répondre à la situation - comme nous l'avions proposé dans le cadre de la campagne présidentielle, j'en avais débattu à la télévision et dans la presse avec M. Perben -, c'est le dispositif des centres de placement immédiat qu'il fallait corriger. Il fallait discuter avec la protection judiciaire de la jeunesse pour trouver le moyen de mettre en place un véritable règlement intérieur au sein du centre de placement immédiat, assorti de sanctions en cas de non-respect...
    M. Christian Vanneste. Vous refusez même le mot de sanction !
    Mme Marylise Lebranchu. Il ne s'agit pas de cela !
    M. Julien Dray. Ecoutez plutôt, monsieur Vanneste ! Vous avez pris cinq ans de vacances. Je pensais qu'elles vous avaient été utiles...
    M. Christian Vanneste. Très utiles ! Mais vous aussi, vous vous êtres offert cinq ans de vacances !
    M. Julien Dray. Nous avons un débat sérieux, je souhaite que mon intervention soit constructive. Vous me faites le coup du « vous êtes laxiste, moi, je suis autoritaire ». Cela ne marche pas avec moi, vous le savez fort bien. Tout le monde, dans cet hémicycle, connaît mes positions. Cela fait dix ans que je dénonce la délinquance des mineurs, alors que vous n'étiez pas encore député. Je n'ai pas de leçons à recevoir de vous. Révisez vos classiques et revenons au débat. Suivez une formation, demandez à l'UMP qu'on vous donne tous les textes et nous pourrons discuter sérieusement.
    M. Pierre Cardo. Julien Dray est le seul député à m'avoir soutenu...
    M. le président. Monsieur Dray, revenons au fond du débat.
    M. Julien Dray. Monsieur le président, je voudrais en rester à une discussion sérieuse et concrète. Mais voilà un député qui débarque et qui lance un autre débat. Je ne suis pas contre un débat philosophique...
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Oh non ! Un peu de respect !
    M. Pascal Clément, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Pour la philosophie ! (Sourires.)
    M. Julien Dray. ... mais ce n'est pas le problème pratique qui est posé, celui de la situation dans laquelle...
    M. Pascal Clément, président de la commission. Revenons au débat !
    M. le président. Monsieur Dray, revenons au fond du débat !
    M. Julien Dray. Je veux bien, monsieur le président, mais mon collègue a déjà visiblement pris des amphétamines et il est en pleine forme. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ho !
    M. Julien Dray. Les amphétamines, ça se vend en pharmacie...
    M. Claude Goasguen. Sur ordonnance seulement !
    M. Julien Dray. Ça dépend lesquelles.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. On a connu M. Dray plus rigoureux !
    M. Julien Dray. Revenons-en à la question des centres de placement immédiat, car c'est là que se pose le problème. Et si l'on voulait une réponse adaptée à cette situation particulière, c'est là qu'il fallait concentrer la réforme. Au lieu de cela, on nous met en place une nouvelle structure, les centres d'éducation renforcée fermés, qui ne correspondent en rien à la situation, dans la mesure où ce n'est pas dans les centres d'éducation renforcée que se posait le problème.
    De surcroît, cette nouvelle structure est extrêmement ambiguë. Qu'est-ce qu'un centre d'éducation renforcée fermé ? On peut se poser la question. On nous dit qu'il n'y aura pas de barreaux aux fenêtres, que ce ne sera pas une prison. La garde ne sera pas assurée par le personnel de l'administration pénitentiaire. Bref, personne ne sait ce que c'est. C'est un objet volant non identifié...
    M. Pascal Clément, président de la commission. Non, il ne vole pas !
    M. Julien Dray. Et qui ne vole même pas... Le centre d'éducation renforcée fermé est une mauvaise idée, une mauvaise réponse à un problème qui existe bel et bien mais qui ne se situe pas à cet endroit. Voilà pourquoi nous disons qu'elle doit être rejetée. Du reste, tous ceux qui ont été autorisés à émettre leur avis l'ont condamnée, qu'il s'agisse des personnels de l'administration judiciaire, des magistrats ou des avocats. De fait, on voit bien le risque : la tention de progressivement recréer, que vous le vouliez ou non, des maisons de correction spécialisées pour un certain type de mineurs. Or tous les bilans montrent que ce n'est pas ainsi qu'il faut faire. Si l'on a fermé les maisons de correction, et c'est vous-mêmes qui les avez fermées,...
    M. Pierre Cardo. Parce que nous sommes très pragmatiques !
    M. Julien Dray. ... c'est bien parce que tout le monde considérait qu'elles étaient devenues des écoles du crime, quelles étaient foncièrement criminogènes et qu'il fallait trouver d'autres structures. Votre centre d'éducation renforcée fermé s'apparentera progressivement à une prison spécifique aux mineurs, c'est-à-dire à une maison de correction. Vous avez réinventé un dispositif qui a prouvé son inefficacité, il n'est qu'à voir les exemples étrangers : le gouvernement Blair s'y est essayé avant vous, il y a quatre ans, en mettant en place des maisons de correction de fait, c'est-à-dire des centres fermés pour mineurs. Le bilan qu'il en a fait était catastrophique en termes de taux de récidive. Ils sont en train de les fermer, parce qu'ils considèrent que c'est un échec.
    Il valait mieux continuer à construire les centres d'éducation renforcée ; il n'y en a passez, tout le monde le sait. Mais, et c'est du reste un obstacle, si tout le monde est pour les centres d'éducation renforcée,...
    M. Christian Vanneste. Vous étiez contre !
    M. Julien Dray. ... les maires auxquels ont demande d'en accueillir un répondent toujours que ce serait mieux chez le voisin, craignant de paniquer la population. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Vous étiez contre !
    M. Pierre Cardo. C'est aussi vrai pour les logements HLM, les autoroutes et le reste... C'est toujours mieux chez le voisin !
    M. Julien Dray. Arrêtez de dire que nous étions contre ; c'est nous qui les avons créés. M. Toubon n'a installé qu'une seule unité d'éducation renforcée, et nous quarante-deux ! Alors arrêtez de dire n'importe quoi !
    M. Pierre Cardo. Heureusement que nous avions lancé le processus !
    M. Julien Dray. Oui mais... (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
    M. le président. Monsieur Dray, concluez votre intervention, s'il vous plaît.
    M. Julien Dray. Je vais vous dire un truc, entre nous : il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle).
    M. Christian Vanneste. C'est exact.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Et c'est ce qu'il a toujours pensé ! (Rires.)
    M. le président. Concluez, monsieur Dray.
    M. Julien Dray. Et si vous croyez que le temps est une éternité qui n'est elle-même qu'un éternel recommencement, c'est triste pour vous et pour votre vie. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française).
    Je reviens sur la question des centres d'éducation renforcée fermés. Ce qui m'intéresse maintenant, c'est que le Gouvernement nous explique ce que c'est, comment ça s'organise, qui y exercera l'autorité, avec quels personnels et en quoi ils différeront des centres d'éducation renforcées tel qu'ils existent aujourd'hui.
    M. le président. la parole est à M. Pierre Cardo.
    M. Pierre Cardo. M. Dray a une bonne connaissance du sujet, et depuis assez longtemps. Il faut reconnaître son franc-parler et un certain pragmatisme. Ce qui n'exclut pas certaines contradictions par moments.
    M. Claude Goasguen. C'est vrai.
    M. Pierre Cardo. Mais quand il pense quelque chose, il est même capable de l'écrire, contre l'avis de ses propres amis.
    M. Léonce Deprez. C'est vrai.
    M. Claude Goasguen. C'est le seul !
    M. Pierre Cardo. Ce fut le cas en 1993 sur les allocations familiales : Julien Dray fut le seul parlementaire a me soutenir à l'époque et à reconnaître, avec toutes les réserves nécessaires, que j'avais peut-être raison d'envisager une responsabilisation parentale. Je l'en remercie, ne serait-ce que pour le courage dont il a su faire preuve car je me sentais bien seul.
    Reste que nous sommes confrontés aujourd'hui à un problème extrêmement vaste et qui ne se limite pas à ce que contient cet article, comme l'a souligné à raison Julien - pardon, M. Dray (Sourire.) : celui de tout un système qui, à bien des égards, n'est pas opérationnel.
    Avant d'en arriver à un placement dans ce type d'établissement, fermé sans l'être vraiment, sans barreaux, certes, mais par une décision judiciaire, il faut voir tout ce qui se passe en amont. Or ce n'est pas dans le cadre de cette loi que cela pourra se régler, mais bien dans le cadre d'une décentralisation un peu plus clarifiée.
    Quid aujourd'hui, dans les secteurs notamment les plus difficiles, de l'AEMO administrative qui dépend des conseils généraux ? Quid des placements en internat qui sont censés être contractualisés avec les familles, quand il n'y a plus de contact avec celles-ci, plus de présence sociale ? Comment peut-on réellement faire un travail en amont quand tout cela fait défaut ? C'est là, me semble-t-il, un des premiers débats que nous devrons avoir après la rentrée. Si l'on ne veut pas surcharger le système judiciaire, encore faut-il faire en sorte que le système administratif et le système contractuel fonctionnent, ce qui, dans bien des endroits, n'est pas le cas aujourd'hui.
    Certes, les centres d'éducation renforcée fonctionnent. Mais, entre nous soit dit, lorsque l'on met en rapport l'effectif ainsi traité et les moyens éducatifs mis en oeuvre pour ce faire, force est de reconnaître que le dispositif est excessivement onéreux - je n'ai pas dit « cher ». Et ce n'est pas demain que l'on trouvera tous les éducateurs dont nous avons besoin pour mailler convenablement l'ensemble du territoire !
    M. Claude Goasguen. Absolument !
    M. Jean-Marie Le Guen. Cela va dans le sens de ce que dit Dray !
    M. Pierre Cardo. Deuxièmement, on sait très bien quelle est la situation des internats. Pour commencer, une bonne partie des éducateurs qui devraient être dans la rue aujourd'hui n'y sont plus, pour une raison toute simple : la violence est devenue telle qu'ils préfèrent à la limite travailler en internat, a priori pour s'y protéger. Et si l'on s'y protège, qu'arrive-t-il ? D'abord, comme on est coupé de la réalité des quartiers, on met en oeuvre des méthodes pédagogiques qui n'ont strictement rien à voir avec ce que vit l'enfant dans le quartier - première coupure. Ensuite, si des éducateurs se réfugient dans les internats pour se préserver de la violence de la rue, c'est qu'ils n'ont pas envie de la gérer au quotidien... Sitôt qu'un jeune posera problème, il sera automatiquement expédié à l'extérieur, dans les quarante-huit heures, on le sait très bien. Soit parce qu'il aura fugué, une fois, deux fois, soit tout simplement parce qu'on l'aura mis dehors, « le projet individuel de l'enfant ne correspondant pas au projet pédagogique de l'établissement », selon la formule rituelle bien connue.
    Que fait le juge dans ces cas-là ? Il le remet « hypocritement », mais ce n'est pas hypocrite de sa part, à la famille, tout simplement parce qu'il n'a plus d'autre solution. Et je ne parle pas des mainlevées sur les suivis en AEMO, etc.
    La prison pour mineurs, on en a longtemps parlé. Le débat sur les maisons de redressement a eu lieu pendant très longtemps. Elles ont été fermées. Mais pourquoi, monsieur Dray ? Vous le savez très bien pour connaître le sujet aussi bien que moi, sinon mieux parfois. La première raison, c'est que, dans ces établissements, le statut de l'éducateur n'était pas clair. On lui demandait tout à la fois d'éduquer et de tenir le bâton, c'est-à-dire de faire tout à la fois l'éducateur et le maton.
    Le deuxième problème, c'est que ces établissements étaient complètement coupés de la réalité du quartier et n'avaient plus aucun lien avec le réseau local : enseignants, travailleurs sociaux, etc.
    Le troisième problème, qui a généré des effets pervers et provoqué des violences insoutenables, au point d'entraîner la fermeture de ces établissements, c'est qu'ils étaient de taille beaucoup trop importante.
    On sait pertinemment, aujourd'hui, qu'un établissement prenant en charge des jeunes difficiles, ne peut dépasser huit à dix personnes. Au-delà, personne ne sait faire. Il suffit d'interroger n'importe quel gardien de prison pour savoir que les jeunes délinquants sont beaucoup plus difficiles à « tenir » dans un établissement fermé que les grands criminels.
    Dans ces conditions, ce que propose le Gouvernement permettra sans doute d'éviter d'avoir à développer trop le système carcéral des mineurs qui existe, de par la loi, mais que notre pays n'a jamais organisé de façon humaine. Et l'on peut comprendre qu'un juge ne veuille pas prononcer de peine de prison contre des mineurs quand on sait dans quel type de structure ils seraient accueillis : on préfère leur éviter d'y aller !
    Il y a donc les centres de placement immédiat sur lesquels, certes, des critiques sont à formuler. Il y aura désormais les centres éducatifs fermés que nous propose le Gouvernement.
    Monsieur Dray, quand on ne sait pas où est la solution, on expérimente !
    M. Pierre Albertini. Là, on n'en est plus à expérimenter !
    M. Pierre Cardo. Monsieur Albertini, si quelqu'un avait la solution pour les mineurs délinquants...
    M. Pierre Albertini. Cela se saurait !
    M. Pierre Cardo. ... en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis ou ailleurs, cela se saurait, en effet !
    En France, voilà des années que l'on demande le droit à l'expérimentation. Les acteurs locaux n'en disposent pas toujours et en tout cas, dans ce domaine, il est exclu.
    M. Pierre Albertini. Mais là, il s'agit d'une généralisation !
    M. Pierre Cardo. Quand on vote une loi, on vote une loi ! Ensuite, on procède à une évaluation dans un délai rapproché.
    M. le président. Monsieur Cardo, pas de débat interne : concluez votre intervention, s'il vous plaît !
    M. Pierre Cardo. Vous êtes plus tolérant à l'égard de M. Dray, monsieur le président ! Mais je vais conclure.
    Le centre éducatif fermé, qui mériterait d'être complété par d'autres dispositifs, ne sera intéressant que si l'on peut l'évaluer dans les vingt mois au maximum.
    M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi.
    M. Christian Estrosi. Je trouve M. Dray très courageux...
    M. Claude Goasguen. Ne lui faites pas de compliments, il va vous croire !
    M. Christian Estrosi. ... de tenter de défendre l'indéfendable ! Que de changements d'attitude au cours des années !
    M. Léonce Deprez. C'est une preuve d'intelligence !
    M. Christian Estrosi. On ne va pas refaire l'historique,...
    M. Julien Dray. Ce pourrait être cruel !
    M. Christian Estrosi. ... depuis les unités d'éducation renforcée jusqu'à aujourd'hui. Le bilan des cinq dernières années est bien maigre en tout cas, même si, finalement, monsieur Dray, vous ne faites qu'essayer de défendre la politique que vous avez conduite pendant ce temps, politique dont tout le monde ici, connaît les résultats.
    Lutter contre la délinquance est devenu une priorité qui nécessite des mesures d'urgence, de la rigueur et de la détermination. Les solutions qu'on nous propose sont réclamées par tous ! Nous savons très bien que la prison n'est pas une réponse adaptée parce que c'est un milieu criminogène qui n'offre pas de réelle seconde chance aux enfants. Mais nous savons aussi que remettre en liberté les cas les plus violents, et ils sont de plus en plus nombreux - je vous rappelle que la part de la délinquance des mineurs est de près de 30 % et que, à l'intérieur de cette délinquance des mineurs, la part des actes commis avec violence n'a cessé d'augmenter au cours des dernières années -, les remettre dans le système de l'école publique ne constitue pas non plus une solution. Il fallait une solution intermédiaire : c'est celle qui nous est proposée aujourd'hui.
    Or vous faites tout pour la freiner, chers collègues socialistes. Ainsi Mme Guigou trouvait scandaleux que nous ayons à légiférer dans l'urgence, ce qui ne l'a pas empêché de se plaindre ensuite que nous ne nous donnions pas les moyens d'aller plus vite pour construire de nouveaux CER ou de nouveaux CEF. Quelle contradiction ! Et hier, vous avez voulu supprimer l'article qui simplifiait les procédures d'aménagement, de développement et de construction de ces structures. Tout a été fait pour empêcher d'offrir à notre pays cette structure intermédiaire...
    M. Jean Le Garrec. C'est le débat !
    M. Christian Estrosi. ... qui nous est réclamée, non seulement par la plupart de nos concitoyens mais aussi par certaines familles dont les enfants sont délinquants ! Je reçois dans mes permanences des parents qui me disent ne plus pouvoir « tenir » leurs enfants, trop violents, et qui demandent à ce qu'ils soient placés dans un centre adapté.
    M. Pierre Cardo. On ne pourra plus désormais se débarrasser des gosses sous prétexte qu'ils sont insupportables !
    M. Julien Dray. Baratin !
    M. Christian Estrosi. Les jeunes eux-mêmes le réclament, nous le savons bien, nous qui allons dans les collèges ou les lycées, parfois dispenser des cours d'instruction civique. « Protégez-nous des plus violents d'entre nous », disent-ils. « Nous ne supportons plus d'être menacés, rackettés, de nous voir proposer de la drogue dans notre établissement scolaire. Prenez-les, placez-les dans un établissement spécialisé pour nous protéger. »
    M. Julien Dray. Faites-leur signer des pétitions !
    M. Christian Estrosi. C'est une demande de la jeunesse de France. Il faut lui apporter une réponse concrète. Alors, je veux, quant à moi, remercier le Gouvernement de nous la fournir. Et il est urgent que nous accélérions toutes les procédures pour aménager ces centres. Le projet de programmation et d'orientation prévoit six cents places. Allons le plus vite possible.
    M. Dray prétendait que les élus locaux ne voulaient rien faire. C'est faux ! Moi-même, au sein de mon conseil général, j'ai voté des crédits et j'ai pris des dispositions au mois de décembre dernier pour que soient construits deux CER, avec l'accord de Mme la garde des sceaux de l'époque, d'ailleurs. La PJJ a tout fait pour ralentir les procédures et empêcher la collectivité locale de les réaliser.
    M. Julien Dray. C'est le chevalier Bayard !
    M. Christian Estrosi. Nous allons mettre un terme à tout cela.
    Le rapport de la Cour des comptes dénonce, au sein de la PJJ, « les effectifs imprécis, les emplois fictifs, la gabegie budgétaire ». Sur la gestion même des centres d'éducation renforcée, elle indique que ces centres ne fonctionnent actuellement qu'avec des personnels volontaires et juge regrettable que la protection judiciaire de la jeunesse n'ait pas mêlé davantage des personnels d'âge, de profil et d'expériences différents dans les centres éducatifs renforcés et les centres de placement immédiat.
    Cette politique est donc dénoncée par la Cour des comptes elle-même.
    Avec le présent texte, qui permet à l'éducation nationale de pénétrer à l'intérieur de ces centres d'éducation fermé, nous avons la solution. Sachons lui apporter le soutien qu'elle mérite, parce que c'est à ce prix que nous apporterons une réponse concrète à l'ensemble de nos concitoyens qui nous la réclament. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Julien Dray. Zéro ! Hors sujet !
    M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.
    M. Guy Geoffroy. Quand M. Dray aura fini de noter la copie, je pourrai donner mon opinion !
    M. Julien Dray. J'espère qu'elle sera meilleure que celle de M. Estrosi !
    M. Guy Geoffroy. La nouvelle tentative par M. Dray de rouvrir le débat n'est pas inutile. Elle nous permet d'observer l'incertitude qui règne dans l'esprit de ceux qui ont dirigé le pays, qui n'ont pas réussi là où nous avions échoué nous aussi, et qui se demandent encore quelles sont les solutions. Cela témoigne, je dois le reconnaître, d'une réelle honnêteté intellectuelle.
    Que se serait-il passé si les gouvernants d'hier l'étaient encore aujourd'hui ?
    Qui donc a rédigé le programme de M. Jospin, peut-on se demander d'une façon lancinante, tant on entend aujourd'hui de personnes affirmer à gauche qu'il n'est pas question de créer des centres éducatifs fermés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Ceux qui ont fait la campagne de M. Jospin, à commencer par l'intéressé lui-même, connaissaient-ils son programme ? S'il avait été élu, ce programme aurait-il été appliqué sur cette question fondamentale ?
    M. Claude Goasguen. Complètement hypothétique !
    M. Guy Geoffroy. Je parlais hier de duplicité, et je me demande si elle n'est pas présente chez ceux qui gouvernaient hier, et s'interrogent encore sur les solutions à mettre en oeuvre.
    Celle qui nous est proposée est une mesure de protection éducative de la jeunesse qui n'existait pas et qui est nécessaire.
    M. Pierre Cardo. Et elle est demandée !
    M. Guy Geoffroy. La profession que j'exerçais il y a deux mois encore me donne quelque titre pour confirmer, après Christian Estrosi, que ce que réclame l'immense majorité des jeunes de notre pays, c'est une possibilité de plus, l'ultime peut-être,...
    M. Pierre Cardo. Un outil !
    M. Guy Geoffroy. ... de ne pas jouer à quitte ou double, ou à la roulette russe, entre la liberté pour faire n'importe quoi et la prison pour ne rien faire du tout. Ce qui est proposé ici, c'est le maillon qui manque à une chaîne, comportant après le travail éducatif des établissements scolaires, celui des équipes dans les quartiers, ensuite les mesures prises d'abord en milieu ouvert puis en placement immédiat et en placement en centre d'éducation renforcée. Après quoi, s'ouvre un vide sidéral au moment le pire pour le jeune, celui où il doit avoir en face de lui un vrai adulte responsable.
    M. Pierre Cardo. Une autorité !
    M. Guy Geoffroy. Il le conduit vers l'agonie que peut représenter, à cette étape de sa vie, le placement en détention provisoire dans des conditions qui sont scandaleuses dans notre pays.
    M. Pierre Cardo. Exact !
    M. Guy Geoffroy. L'effectif prévu est faible, huit à dix jeunes, c'est bien. Quant à l'encadrement éducatif, il est pertinent. A cet égard, il faudra bien poser un jour le problème de la conception éducative qu'ont un trop grand nombre d'éducateurs qui, tout en étant fonctionnaires, se considèrent comme des travailleurs indépendants au service de leurs idées ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) A côté de ces personnels d'éducation, il faut - et c'est prévu - dans ces centres une autorité, une vraie autorité qui ait le courage d'affirmer que l'adulte est nécessaire au jeune, quel que soit sont statut et quel que soit son niveau de délinquance. C'est de l'éducation qu'il faut lui fournir et il faudra la diversifier.
    Monsieur Dray, vous avez raison, les élus locaux n'ont pas toujours le courage d'affronter ce problème. Mais nous voici peut-être parvenus à l'heure de vérité. Après que nous aurons adopté cette loi, et affirmé ainsi à l'opinion publique que nous voulons assumer nos responsabilités, il faudra qu'un nombre plus grand d'élus locaux assument les leurs sur le terrain. Si, demain, il faut se porter candidat pour accueillir un vrai centre d'éducation fermé, dernière chance pour un jeune de ne pas plonger dans la vraie délinquance, je le ferai - et beaucoup avec moi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Garraud.
    M. Jean-Paul Garraud. Il faut lever tout malentendu : le centre éducatif fermé n'a strictement rien à voir avec une maison de correction. Je ne comprends pas que la gauche s'entête à faire l'amalgame.
    Il m'est arrivé, malheureusement, lorsque j'étais magistrat, d'avoir à placer des mineurs en détention provisoire, car parfois, on ne peut pas faire autrement. J'ai déploré maintes fois qu'il n'y ait pas d'alternative à la prison, connaissant les conditions de détention. En voici une, et c'est une solution éducative. Alors, de grâce, pas d'amalgame ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques n°s 47, 208 et 254.
    L'amendement n° 47 est présenté par M. Vaxès et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 208 est présenté par M. Vallini et les membres du groupe socialiste ; l'amendement n° 254 est présenté par Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 20. »
    La parole est à M. Michel Vaxès, pour soutenir l'amendement n° 47.
    M. Michel Vaxès. Il est défendu.
    M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu, pour soutenir l'amendement n° 208.
    Mme Marylise Lebranchu. M. Cardo lui-même vient de justifier le bien-fondé de cet amendement. Il nous a expliqué, en effet, que l'un des problèmes majeurs qui se posaient aux centres fermés d'autrefois était le statut des éducateurs.
    M. Pierre Cardo. Entre autres !
    Mme Marylise Lebranchu. Ce problème n'a jamais été réglé. Mais pour les centres fermés tels qu'ils nous sont proposés aujourd'hui, il ne le sera pas non plus.
    M. Pierre Cardo. On le réglera !
    Mme Marylise Lebranchu. Qui assurera le gardiennage des centres et les rondes de nuit pour éviter les fugues ? Les éducateurs, qui sont actuellement chargés des surveillances de nuit dans les centres fermés ?
    M. Pierre Cardo. Pour dix jeunes, le problème n'est pas le même que pour cent !
    Mme Marylise Lebranchu. Ou bien des personnels de l'administration pénitentiaire ? On nous répond que non. Je ne comprends donc pas comment sera organisée la surveillance de ces centres.
    J'ai d'ailleurs une question à poser à M. le secrétaire d'Etat : quid de la responsabilité de l'Etat si, placé dans un de ces centres fermés où personne n'assure de rondes de surveillance, où il n'y a rien pour empêcher de partir, un enfant fugue et a un accident ? L'Etat a une obligation de moyens et il sera, à l'évidence, condamné à la première fugue, puisque les parents, lisant le compte rendu de la décision du magistrat, sont en droit de penser que l'enfant est réellement surveillé et ne peut pas s'enfuir. Il va falloir trouver d'urgence une solution à ce problème majeur.
    Effectivement, monsieur Cardo, les éducateurs ne sont pas des surveillants, et ils ne peuvent pas assumer à la fois une tâche d'éducation et une tâche de surveillance. Le système qu'on nous propose est donc bancal.
    M. Pierre Cardo. Pas du tout ! On a réglé le problème !
    Mme Marylise Lebranchu. Je crois qu'on s'est trompé sur le mot « éducatif ». Il a bien fallu reconnaître l'échec des centres de placement immédiat. J'en connais un qui fonctionne très bien, c'est celui de l'agglomération de Lyon. Un excellent travail y a été réalisé. Il n'est d'ailleurs pas toujours besoin de construire des locaux. Parfois, on peut réutiliser des bâtiments, cela permet d'aller vite. Là, en l'occurrence, le bâtiment était parfaitement approprié. Quant à l'équipe éducative, elle avait un âge moyen très largement supérieur à celui des équipes éducatives de la grande banlieue parisienne.
    L'affectation des personnels a représenté un problème majeur. On sait que, dans certains centres de placement immédiat, la moyenne d'âge du personnel était de vingt-deux ans. Ainsi donc, 100 % des jeunes filles sortant de l'école se sont trouvées face à la mise en placement immédiat, avant jugement - il s'agissait de leur éviter la détention provisoire -, de jeunes ayant commis des délits très graves puisqu'il s'agissait de viols à la tournante avec barbarie.
    Par conséquent, c'est vrai, c'était un échec. Les magistrats, en particulier dans l'agglomération parisienne, nous ont fait observer que les centres de placement ne fonctionnaient pas. J'ai donc négocié en urgence au début de l'année un concours exceptionnel. J'espère qu'il se déroulera bientôt - je suis en effet un peu inquiète, n'en n'ayant pas lu encore l'annonce officielle. M. Bédier me rassurera sans doute. Il s'agissait de recruter 280 personnes issues d'autres métiers, enseignants par exemple, afin de disposer rapidement de personnels plus âgés, ayant une expérience professionnelle.
    M. Pierre Cardo. Ce serait possible pour les éducateurs, mais pas pour les magistrats ?
    Mme Marylise Lebranchu. Ils viendraient renforcer les équipes de la PJJ qui n'en peuvent plus.
    J'avais proposé, pour répondre à des délits très graves, un système qui évite la détention provisoire en centre pénitentiaire car ces centres ne sont pas à la hauteur de ce qu'ils devraient être. Les maisons d'arrêt pour les jeunes, en particulier, ne sont pas du tout performantes. Il faut cependant noter ce qui a été fait à Fleury-Mérogis et à Brest, qui sont les deux cas les plus intéressants. Grâce à un travail de fond et à la participation de parlementaires, dont Julien Dray, qui ont pris le problème à bras-le-corps, il y a maintenant dix ans, on a obtenu des résultats satisfaisants même si ces centres souffrent aujourd'hui d'une surpopulation ne nous permettant plus de les gérer.
    Nous avions proposé de multiplier sur le territoire français l'équivalent des centres de placement immédiat, de les fermer, avec des équipes éducatives, ce qui permet de faire le fameux bilan de trois mois, mais il fallait du temps pour y réfléchir car il y a un problème de personnel. Aujourd'hui, le ministre n'a pas suffisamment de personnels pénitentiaires pour permettre à un magistrat de placer un jeune dans une grande situation de danger pour lui-même et pour les autres. On aura beau voter ce texte, il ne sera pas applicable.
    Il y a, enfin, le problème des très jeunes mineurs. Cela concerne en fait une cinquantaine de jeunes sur le territoire. Au lieu de les placer dans des centres de jeunes détenus surpeuplés dans lesquels ils sont complètement perdus - treize ans et dix-sept ans, ce n'est pas du tout la même chose ! -, mieux vaut être courageux et aller jusqu'au bout du raisonnement. Avec les textes actuels, la détention est possible, la détention provisoire aussi dans des cas très graves. Créons plutôt quelques places pour de très jeunes détenus en dehors des centres pénitentiaires, avec une équipe éducative parfaitement distincte de l'équipe de surveillance, à condition que le placement soit court et débouche à la sortie sur un centre éducatif renforcé qui, lui, ne peut bien évidemment pas être fermé.
    Nous étions conscients de la difficulté. Cela touche un nombre très faible de mineurs dans ce pays mais plusieurs magistrats avaient évoqué le problème. Il avait ainsi été prévu, et je pense que c'est maintenu, de créer sur Paris - le maire de Paris nous avait donné son accord et M. Caresche portait le dossier - un centre de semi-liberté pour les jeunes et les très jeunes, permettant de ne pas rompre le lien avec l'école quand c'est possible ou l'apprentissage pour ceux qui en ont l'âge.
    Ce dossier montre que nous travaillons de façon extrêmement sérieuse à un problème délicat, qui est marginal par rapport à l'ensemble de la délinquance des mineurs mais qui vous conduit à créer aujourd'hui dans l'urgence un centre fermé qui ne l'est pas, avec des problèmes de droit que j'ai posés tout à l'heure et des problèmes de personnels.
    Enfin, vous avez parlé les uns et les autres de la grande difficulté de la détention provisoire. Quand on vous entend, on ne comprend pas pourquoi on démarre sur une détention provisoire à treize ans. Il y a là une vraie contradiction dans notre débat qui doit rester sérieux, serein, mais déterminé.
    M. le président. L'amendement n° 254 n'est pas défendu.
    Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 47 et 208 ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. J'ai été maire d'une commune dont vous avez sans doute entendu parler et je vais commencer par un exemple personnel, comme l'ont fait Pierre Cardo ou Julien Dray, car c'est à partir de cas précis que l'on peut cerner le problème.
    Il y a trois ans, je dînais tranquillement en famille dans un restaurant de cette ville. Un enfant, venu y faire quelques gestes obscènes, a été chassé par un des serveurs. Pour se venger, il est revenu avec une bombe lacrymogène et a aspergé les clients. J'ai déposé une plainte et j'ai décidé de suivre son parcours pour essayer de comprendre où était le dysfonctionnement. Aujourd'hui, ce mineur, dont je ne prononcerai naturellement pas le nom, a quatorze ans. Il y a quarante-huit heures, il a « emprunté » la voiture de sa maman pour faire un petit tour en centre ville. Lorsque les policiers s'en sont aperçus et l'ont poursuivi, il a, innocemment sans doute, emprunté toutes les voies piétonnes, à une vitesse sûrement excessive, si bien que la police ne l'a arrêté qu'un peu plus tard.
    Que s'est-il passé entre-temps, pendant ces trois années ? Centre de placement immédiat : il a fugué. Centre éducatif renforcé : il a fugué. Si bien que sa mère est venue nous demander si nous pouvions lui payer un billet d'avion car elle voudrait le ramener dans son pays d'origine tant elle ne sait plus comment faire.
    Vous voyez bien que, face à ce type de problème, il faut apporter des réponses progressives. C'est l'absence de progressivité de nos réponses qui nous a mis dans une telle situation, et je plains le magistrat qui aura à connaître de cette affaire car il n'a plus qu'une solution, l'incarcération. Comme tous ceux qui ont pu en visiter, je ne suis pas convaincu que la réponse pour un enfant de quatorze ans soit le quartier des mineurs. Pour avoir vu un enfant de treize ans à la maison d'arrêt de Nanterre, je souhaite que l'on fasse tout pour éviter ça, d'où la nécessité d'un échelon supplémentaire.
    Cet échelon sera-t-il suffisant ?
    M. Pierre Cardo. On verra !
    M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Est-ce la bonne solution ? Soyons un peu pragmatiques, nous verrons bien. Comme nous avons prévu une évaluation, nous pourrons savoir si c'est la bonne réponse.
    Je voudrais insister sur la philosophie du texte. Nous souhaitons une progressivité des réponses. Comme nous l'avons confirmé hier à M. le rapporteur, il en est de même pour notre système pénitentiaire. Dans une société aussi sophistiquée que la nôtre, il est absurde de croire qu'avec deux ou trois solutions on règle tous les problèmes. Au contraire, c'est l'honneur de notre pays, c'est le symbole même de son développement que d'être capable, sur des sujets aussi difficiles, d'apporter des réponses adaptées, progressives, plus fines. Telle est en tout cas notre conception de l'humanité et de l'humanisme.
    Plus concrètement, ce qui caractérise ces centres éducatifs fermés, c'est d'abord leur cadre juridique particulier. Ce ne sont donc pas des maisons d'arrêt pour mineurs, ce ne sont pas des camps. Le mineur sait que c'est désormais l'étape ultime avant la sanction éducative qui peut aller jusqu'à l'emprisonnement. Pourquoi d'ailleurs ne pas lui faire visiter un quartier pour mineurs ? Je crois que l'exemple peut parfois être dissuasif.
    Par ailleurs, et c'est la très grande innovation, il y a un volet éducatif. L'éducation nationale sera un partenaire incontournable.
    Quant à la notion d'enfermement, je voudrais encore prendre un exemple très concret. En visitant un centre de placement immédiat à Villeneuve-d'Ascq, j'ai constaté qu'il suffisait d'ouvrir une fenêtre et de l'enjamber pour partir. C'est l'inconvénient, m'a expliqué la directrice, les jeunes partent quand ils veulent mais, l'avantage, c'est que comme c'est au rez-de-chaussée, ils ne se blessent pas. Or il suffirait de mettre une espagnolette pour ne pas faciliter leur départ. Nous n'imaginons pas du tout je ne sais quel système carcéral, ou un mirador. Nous souhaitons les empêcher matériellement de partir facilement et nous souhaitons avoir un cadre juridique tel que, si on lui explique bien la situation dans le projet éducatif, l'enfant sache que, s'il décide de partir de son propre chef, il y aura derrière une sanction beaucoup plus forte.
    Naturellement, madame Lebranchu, la responsabilité de l'Etat est la même que dans les centres de placement immédiat ou les centres éducatifs renforcés. Il y aura donc des rondes de nuit effectuées par des agents techniques éducatifs.
    M. Jean-Marie Le Guen. Mme Lebranchu parlait de la responsabilité juridique.
    M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Si l'enfant s'échappe, la responsabilité juridique sera engagée de la même façon.
    J'en profite, madame Lebranchu, puisque ceux qui critiquent la tenue d'une session extraordinaire sont tout de même contents d'avoir des informations en direct, pour vous dire que le concours exceptionnel que vous aviez prévu aura lieu dans les semaines qui viennent.
    Je vous remercie, monsieur le président, de votre patience, mais je crois qu'il était important, à ce stade du débat, de rappeler la philosophie du Gouvernement à partir d'exemples concrets. Dans cette affaire, l'humanisme est bien de notre côté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.
    M. Richard Mallié. Ce qui est important, je crois, avec ces centres fermés, c'est l'éducation dans la contrainte, mais je n'y reviens pas.
    Mme Lebranchu et M. le secrétaire d'Etat ont parlé de concours. Nous, élus locaux, avons quelques soucis aussi bien avec le code des marchés publics qu'avec, quelquefois, les concours dans la fonction publique. Pourquoi, dans ce cas, ne pas organiser une gestion déléguée, en faisant intervenir peut-être des fonctionnaires à la retraite ou des personnes assez qualifiées ? C'est l'exemple même de ce qu'il est possible de faire en gestion déléguée.
    M. le président. La parole est à M. Julien Dray.
    M. Julien Dray. Je ne veux pas faire durer ce débat plus qu'il ne doit mais, si l'on a parlé de beaucoup de choses, on n'a toujours pas défini ce qu'est un centre d'éducation renforcée fermé.
    M. Jean Dionis du Séjour. Oh !
    M. Julien Dray. Je vais donc revenir sur plusieurs questions.
    Premièrement, on nous explique qu'on va créer des centres d'éducation renforcée fermés parce que les quartiers pour mineurs des prisons ne font pas leur travail. Mieux vaudrait les réformer, comme nous avons commencé à le faire, par exemple à Fleury-Mérogis.
    Le quartier pour mineurs de la prison posait énormément de problèmes il y a quatre ans, parce que c'était l'école du crime. On a fait une réforme en profondeur en mettant en place un adulte référent, un membre de l'administration pénitentiaire chargé du suivi individualisé de chaque mineur, et vérifiant le programme dans la journée pour éviter que le jeune soit devant la console Nintendo ou la télé ou dans la cour en train de préparer des mauvais coups. Cet adulte référent était volontaire, il était d'ailleurs le plus souvent non pas en uniforme mais en survêtement, et il prenait en charge le jeune toute la journée, faisant son planning d'activité et un bilan d'évaluation en fin de semaine. Et cela a marché. Le climat a changé à l'intérieur du centre pour mineurs. Les choses ont commencé à évoluer et on a commencé à obtenir des solutions. Mais cette réforme a montré ses limites avec l'augmentation des effectifs.
    Au lieu de réformer les quartiers pour mineurs et de leur donner plus de moyens, vous inventez une structure que vous n'êtes pas capables de définir, sans compter qu'il va falloir trouver les lieux, définir les cadres juridiques, trouver les personnels, et que cela ne va pas se faire en vingt-quatre heures.
    Deuxième aspect des choses, et l'intervention de M. Bédier de ce point de vue est révélatrice. Il nous explique qu'il suffit d'une espagnolette pour que les jeunes ne puissent partir d'un centre de placement immédiat. Il n'est donc pas nécessaire de créer un centre d'éducation renforcée fermé et mieux valait effectivement améliorer les dispositifs de placement immédiat !
    J'aurais préféré que M. Bédier décide en tant qu'architecte, puisque c'est un peu sa fonction, d'améliorer le fonctionnement des centres de placement immédiat, plutôt que de créer une structure, dont il n'est pas capable de définir lui-même la nature...
    M. Jean-Marie Geveaux. C'est de la mauvaise foi !
    M. Julien Dray. ... et dont d'ailleurs il soulève lui-même les difficultés.
    M. le président. Monsieur Dray !
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ça tourne en rond !
    M. Julien Dray. Quelqu'un m'a rétorqué que nous avions nous aussi utilisé le terme « fermé » pour les centres éducatifs renforcés pendant la campagne électorale. Dommage que M. Perben ne soit pas là car nous avons déjà eu ce débat. Je lui avais expliqué que le terme pouvait prêter à confusion, parce que, pour nous, ce n'était pas la même notion.
    Plusieurs députés du groupe Union pour la démocratie française. Ce n'est pas clair !
    M. Yves Bur. Vous ne savez pas vous-mêmes où vous en êtes !
    M. Julien Dray. Pour nous, il s'agissait de créer des centres d'éducation renforcée spécialisés, pour un certain type de profils, ce qui correspond aux situations qu'a décrites M. Bédier. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Yves Bur. Ce n'est pas défendable !
    M. le président. Monsieur Dray, s'il vous plaît !
    M. Julien Dray. Comme le terme « fermé » créait une confusion, nous avons ensuite parlé dans la campagne électorale de centres d'éducation renforcée spécialisés. C'était plus utile et plus efficace, car cela montrait une meilleure compréhension des phénomènes, et une volonté de s'y adapter.
    Vous vous lancez dans une aventure, et vous ne pourrez pas vous en sortir. Je suis certain que, dans vingt mois, quand on fera le bilan, quasiment aucun centre n'aura été créé. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Vous aurez lancé un gadget qui ne marchera pas et vous ne vous serez pas donné les moyens d'améliorer la détention des mineurs en prison, et de renforcer les dispositifs existants, les centres d'éducation renforcée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du parti socialiste.)
    M. Jean-Pierre Dufau. Excellent !
    M. le président. La parole est à M. Léonce Deprez.
    M. Léonce Deprez. Depuis quinze ans et plus, on évoque ces questions ici, et la situation s'est aggravée au point que toute la population française a mis en avant il y a quelques mois le caractère insupportable de l'insécurité. Il y a eu une espèce de révolte devant l'inefficacité des mesures à cet égard.
    Les esprits ont évolué ici, nous l'avons constaté. Les propos de M. Dray ne sont pas du tout ceux qu'il tenait il y a quelques années. Ceux de Mme Lebranchu montrent aussi que la réflexion de ceux qui avaient hier la responsabilité du pouvoir a beaucoup progressé.
    Dans la mesure où la situation s'est aggravée au point que, pour les Français, l'insécurité est le problème numéro un, il n'est pas anormal, monsieur Dray, que ceux qui arrivent au pouvoir adoptent des formules nouvelles et novatrices. Le conservatisme n'a pas été la solution en matière de sécurité. Il est donc normal que nous soyons réformateurs et il est curieux de vous retrouver dans le camp du conservatisme.
    Il nous faut aujourd'hui adopter des formules nouvelles. Ce que nous ne voulons pas, c'est faire courir aux jeunes le risque de la prison. Le formule proposée par le nouveau Gouvernement est novatrice et recueille l'adhésion des Français. Voilà pourquoi nous la défendons. C'est nous qui avons maintenant la responsabilité du pouvoir et nous devons être des réformateurs dans ce domaine.
    M. le président. La parole est à M. Michel Vaxès, pour une brève intervention.
    M. Michel Vaxès. Elle sera brève, monsieur le président.
    Nul ne conteste ici la nécessité d'innover, mais le problème qui se pose tient au fait que le contenu de l'innovation proposée est confus.
    A cet égard, Mme Lebranchu a posé une question simple : qui assurera dans ces centres éducatifs fermés la fonction de surveillance, fonction qui s'apparentera à celle des agents des établissements pénitentiaires, et qui y assurera la fonction d'éducation ? La réponse à cette question simple est fondamentale. Or, en dépit de la longue intervention de M. le secrétaire d'Etat, je n'ai toujours pas entendu de réponse.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Nous connaissons la réponse depuis le début du débat !
    M. Michel Vaxès. Là aussi, il faut avoir le courage d'appeler les choses par leur nom. Soit l'on s'oriente vers une conception carcérale du centre éducatif fermé, soit l'on s'oriente vers une conception éducative, mais je ne vois pas comment les fonctions liées à cette seconde conception, qui sont complètement différentes de celles inhérentes à la première, pourront s'exercer dans un univers fermé.
    Je trouverais plus judicieux que l'on s'oriente vers la création d'établissements pénitentiaires spécialisés, qui permettraient de mettre en oeuvre dans un même cadre la fonction de surveillance et celle d'éducation.
    M. Claude Goasguen. C'est faire un débat sur les mots !
    M. Michel Vaxès. De la sorte, les choses seraient plus claires. Un accompagnement éducatif, formatif et sanitaire permettrait de réellement prendre en compte la situation des jeunes et de les éloigner pour un temps du cadre environnemental dans lequel ils ont commis les délits qui justifient leur enfermement.
    Après deux jours de débats, nous n'avons toujours pas obtenu de réponse à cette question. Alors, je la repose.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Vous avez la réponse depuis le début du débat !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre !
    M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo, pour une brève intervention également.
    M. Pierre Cardo. Le lieu d'enfermement le plus dur que je connaisse, c'est la rue, notamment dans les quartiers difficiles. C'est le lieu le plus criminogène, c'est là que l'on trouve le « caïdat » et où se produisent tous ces phénomènes contre lesquels nous voulons lutter pour sauver une bonne partie de notre jeunesse. C'est aussi, hélas ! le lieu fermé le plus utilisé, faute de réponse adaptée de notre société, et moi, je n'en veux plus.
    Voilà des années que nous sommes un certain nombre à combattre cette incapacité de la société à sortir les jeunes d'un tel environnement. Il faut que nous nous donnions les moyens de placer ces jeunes dans un lieu où ils recevront un accompagnement éducatif.
    Les mesures que le précédent gouvernement a mises en oeuvre ont parfois permis d'apporter certaines réponses, mais elles ne sont pas suffisantes.
    La proposition du Gouvernement me semble aller dans le bon sens là. C'est notre devoir : sur un plan moral, nous avons l'obligation de tout tenter pour essayer de régler le problème qui est posé par ces jeunes, mais aussi celui auxquel sont confrontés ceux qui dépendent d'eux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Très bien !
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 47 et 208.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. M. Vaxès et les membres du goupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 48, ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du texte proposé pour l'article 33 de l'ordonnance du 2 février 1945, supprimer les mots "ou des établissements privés habilités dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. »
    La parole est à M. Michel Vaxès.
    M. Michel Vaxès. Etant donné que les centres éducatifs fermés seront des lieux de privation de droit - nous n'avons pas eu d'explications tendant à prouver le contraire -, ils relèveront donc de la compétence régalienne de l'Etat. Dans ces conditions, il n'y a aucune raison que leur gestion puisse être confiée à des établissements privés.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 48.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Salles a présenté un amendement, n° 105, ainsi rédigé :
    « Après le premier alinéa du texte proposé pour l'article 33 de l'ordonnance du 2 février 1945, insérer l'alinéa suivant :
    « Les mineurs âgés de treize à quinze ans ne seront placés dans les centres éducatifs fermés que dans des conditions garantissant leur isolement d'avec les mineurs de seize à dix-huit ans. »
    La parole est à M. Pierre Albertini, pour défendre cet amendement.
    M. Pierre Albertini. L'amendement met l'accent sur la difficulté qu'il y a concevoir ce que seront ces centres éducatifs fermés.
    Le problème qui se pose n'est pas d'ordre philosophique mais d'ordre pratique. Comment trouver des réponses adaptées à une forme de délinquance considérée comme insupportable par ceux qui la subissent, par l'opinion en général et qui, ainsi que je l'ai indiqué dans mon intervention dans la discussion générale, met en danger en priorité les mineurs eux-mêmes ?
    Pour répondre à cette question, il faut prendre en compte trois critères.
    D'abord, l'échelle des réponses doit être graduée pour trouver la réponse appropriée à la situation et au parcours de chaque mineur. Sur ce point, les réponses proposées ne sont pas satisfaisantes, et je vais le démontrer dans un instant.
    Ensuite - c'est le deuxième critère -, quelles que soient l'échelle des sanctions et les mesures éducatives retenues, on sera confronté à des difficultés pratiques considérables si le nombre des places est insuffisant. Aucune théorie philosophique, si belle soit-elle, ne pourra résister à cette cruelle réalité.
    Le troisième critère est celui de la durée. En matière d'éducation, il n'est de traitement efficace que s'inscrivant dans une durée suffisamment longue et cohérente pour qu'un projet éducatif soit formé, pour que l'obligation de faire que l'on veut imposer au mineur lui permette de structurer sa personnalité et de comprendre la différence entre la règle et l'infraction, ou - pour faire simple - entre le bien et le mal.
    Or, de ce point de vue, et même si l'inspiration philosophique du Gouvernement n'est pas contestable, les centres éducatifs fermés ne s'inscrivent pas dans un arsenal de moyens suffisamment gradués. Tous les responsables savent que, en général, ce ne sont que quelques dizaines de délinquants multirécidivistes par département qui posent problème. J'en ai une connaissance directe dans l'agglomération de Rouen, en tout cas dans ma ville, où ne posent de réels problèmes que trente à cinquante délinquants de treize à dix-huit ans, qui sont souvent multirécidivistes et pour lesquels nous ne disposons pas aujourd'hui de traitement adapté. L'un d'entre eux, qui a aujourd'hui une quinzaine d'années, a commis dans le même quartier quarante-trois vols avec effraction avant de de se voir infliger une première sanction dans un département voisin où il a été interpellé pour une autre affaire.
    M. Christian Estrosi. Eh oui !
    M. Pierre Albertini. Policiers, magistrats, éducateurs, tout le monde le connaissait. Il était parfaitement identifié et revenait régulièrement sur les lieux de ses délits. Chacun était impuissant à traiter le problème.
    J'ai demandé au procureur de la République du tribunal de grande instance de Rouen de combien de places il disposait dans les centres éducatifs renforcés. Il n'en avait que dix, alors qu'on compte de trente à cinquante mineurs délinquants multirécidivistes pour l'agglomération de Rouen, une centaine au maximum pour le département de la Seine-Maritime. Vous voyez la disproportion !
    Dans l'échelle des placements qui sont offerts aujourd'hui au juge des enfants, celui-ci est confronté tous les jours à question cruciale suivante : « Que vais-je faire ? ».
    La gauche a créé les centres de placement immédiat, qui correspondent à une conception philosophique irréprochable. Toutefois, dans la pratique, les magistrats s'en sont servis dans une perspective totalement différente de celle qui avait été prévue. Les juges des enfants seraient-ils à ce point pervers et incapables de comprendre l'esprit de la loi ? Pas du tout ! Simplement, ils ont devant eux une panoplie de places, dans des foyers ou dans des centres, totalement insuffissante et ils se débrouillent avec ce qu'ils ont.
    Comment les centres éducatifs fermés vont-ils s'insérer dans la chaîne ? Vont-ils constituer le maillon manquant dont j'ai entendu parler tout à l'heure ?
    Là aussi, il s'agit d'une bonne inspiration philosophique, mais pour que cela marche, il faut qu'il y ait une cohérence dans le traitement. Si vous placez dans ces centres des mineurs âgés de treize à quinze ans à côté d'autres mineurs âgés de seize à dix-huit ans, vous connaîtrez des déboires. L'amendement de Rudy Salles a le mérite de mettre l'accent sur cette difficulté, même si je dois reconnaître qu'il n'est pas praticable. En effet, tant que les moyens nécessaires ne seront pas mis en place, il faudra gérer des situations de manière tout à fait chaotique.
    C'est bien pour cette raison que je considère que les centres éducatifs fermés, même s'ils répondent au souci éducatif que vous avez exprimé,...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Finissez ! Ce n'est même pas votre amendement !
    M. Pierre Albertini. ... ne trouveront pas leur place dans cette chaîne. En effet, globalement, c'est tout le système des places et des moyens d'hébergement et de traitement des mineurs délinquants qui fait défaut aujourd'hui. Tel est le problème.
    Vous obtenez un effet d'annonce avec la création des centres éducatifs fermés, mais, ensuite, vous jouerez de la façon la plus chaotique possible sur tous les curseurs dont vous disposez parce que vous n'aurez pas les moyens (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) d'offrir le nombre de places suffisant avant deux ou trois ans...
    M. Christian Estrosi. Mais enfin !
    M. Pierre Albertini. ... pour répondre à un problème dont la priorité ne va pas rétrograder du jour au lendemain. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Ça fait dix ans que nous parlons de l'exploitation de la délinquance des mineurs !
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Albertini.
    M. Pierre Albertini. Donc, j'appelle votre attention sur le fait que si vous mélangez dans les centres éducatifs fermés des primo-délinquants et des multirécidivistes,...
    M. André Vallini. Il a raison !
    M. Pierre Albertini. ... des mineurs d'âges différents, vous n'obtiendrez pas les résultats que vous espérez.
    M. André Vallini. Très juste !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Tout l'esprit de ce projet est de mélanger le moins possible les différentes catégories de jeunes ! En effet, que constate-t-on aujourd'hui ? Que les centres de placement immédiat ne répondent pas à leur vocation - et vous l'avez très bien dit, monsieur Albertini - car on a mis à côté de jeunes qui ont de bonnes raisons d'y être des multirécidévistes, faute de places ailleurs.
    Tout l'intérêt du projet de loi dont nous débattons est précisément d'instaurer une gradation entre les centres de placement immédiat, dont nous voulons qu'ils retrouvent leur vocation initiale qu'ils n'auraient jamais dû perdre, les centres éducatifs renforcés et, pour les jeunes récidivistes qui ont commis une infraction suffisamment grave pour encourir une peine de prison de plus de cinq ans - c'est l'objet de l'avant-dernier amendement que nous avons voté la nuit dernière -, les centres éducatifs fermés.
    M. Bernard Schreiner et M. André Schneider. Voilà !
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Toute la logique du texte est de prévoir des solutions pour les différents types de situation.
    Je trouve que vous avez été un peu dur, monsieur Albertini.
    M. André Schneider. C'est un euphémisme !
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. En effet, aucun gouvernement n'a jamais mis autant de postes et autant de moyens en investissement pour la justice.
    M. André Vallini. On verra !
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ce texte prévoit la création de 1 200 postes d'éducateur et l'argent pour les investissements. Ce Gouvernement a dit depuis le début des débats, et auparavant en commission, qu'il allait rapidement mettre en oeuvre le dispositif. On peut lui faire tous les procès du monde, sauf celui d'avoir proposé un texte dépourvu de moyens...
    M. André Vallini. On verra !
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. ... et de manquer de volonté politique.
    De surcroît, comme vous l'avez très bien dit, l'amendement n° 105 ne sera pas concrètement applicable.
    Pour toutes ces raisons, la commission des lois est défavorable à cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Je trouve que pour un amendement qu'il a l'intention de retirer, M. Dray (Sourires), pardon, M. Albertini a eu la dent un peu dure !

    Je rappelle à l'Assemblée nationale que ces centres éducatifs fermés vont concerner une dizaine de jeunes. Ils pourront donc accomplir un vrai travail, dont le coût important - qui a été évoqué par Pierre Cardo - est justifié par l'espoir de permettre à ces jeunes de trouver leur place dans la société.
    Vouloir rigidifier un système qui ne concerne que dix jeunes risque de le rendre ingérable. En outre, c'est de toute évidence du domaine réglementaire.
    M. Claude Goasguen. Bien sûr !
    M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Le Gouvernement est là pour gouverner. De grâce, ne le faites pas à sa place ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Je suis défavorable à l'adoption de l'amendement n° 105.
    M. Claude Goasguen. Bien sûr ! Nous n'allons pas discuter du règlement intérieur !
    M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.
    Mme Marylise Lebranchu. J'avais rarement entendu un ministre donner une telle leçon à un député appartenant à sa propre majorité. Maintenant, c'est fait !
    M. Claude Goasguen. Cela est arrivé chez vous aussi !
    Mme Marylise Lebranchu. Je suis d'accord avec M. Albertini : nous avons peu de recul en ce qui concerne les centres de placement immédiat, qui datent de 1998. Nous avons d'ailleurs pu voir le temps qu'il fallait pour les créer, pour les organiser et pour y affecter du personnel.
    Je voudrais également indiquer à l'un de nos nouveaux collègues - dont j'ai malheureusement oublié le nom mais qui siège derrière M. Estrosi - que, contrairement à ce qu'il a dit, ce n'est pas forcément du personnel de la PJJ qui gère les CER.
    M. Jacques Masdeu-Arus. Nous perdons du temps ! Soyons positifs : tout ce que nous entendons est négatif !
    Mme Marylise Lebranchu. Dans la très grande majorité des cas, ces centres sont gérés par secteur associatif habilité.
    M. Claude Goasguen. Nous perdons du temps. Tout cela, c'est du Café du commerce !
    M. le président. Madame Lebranchu, je vous rappelle que vous intervenez sur l'amendement.
    Mme Marylise Lebranchu. J'y viens, monsieur le président. M. Albertini souhaite éviter que les centres éducatifs fermés comprennent des jeunes d'âges trop différents. Mais vous avez voté la détention provisoire à partir de treize ans sans prévoir de centres pour séparer les jeunes âgés de treize à seize ans de ceux qui sont plus âgés. Pourtant, il n'est pas possible de les traiter de la même manière !
    M. Christian Estrosi. Cela relève du domaine réglementaire !
    M. Jean-Marie Le Guen. Alors prenez en l'engagement !
    Mme Marylise Lebranchu. Nous ne sommes pas favorables aux centres fermés parce que nous ne savons toujours pas de quoi il retourne. Nous voterons donc l'amendement défendu par M. Albertini, parce que c'est un moindre mal.
    M. le président. La parole est à M. Hervé de Charette.
    M. Hervé de Charette. J'ai trouvé la réponse de M. le secrétaire d'Etat bien peu satisfaisante.
    M. Bernard Schreiner. Il n'est pas question d'enfants de coeur !
    M. Hervé de Charette. La question posée par M. Albertini est pourtant pertinente. Du reste, je suis persuadé que, dans la pratique, l'administration essaiera de répartir les jeunes...
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Eh oui !
    M. Hervé de Charette. ... en fonction de divers critères, dont celui de l'âge.
    Il est vrai qu'à trop rigidifier le dispositif législatif, le système devient difficile à gérer. Cependant, le secrétaire d'Etat ne peut pas se contenter de renvoyer l'argument sans expliquer la position du Gouvernement - et derrière celui-ci de l'administration - sur le sujet.
    M. André Vallini. Très juste !
    M. Claude Goasguen. Cela a été fait !
    M. Hervé de Charette. J'ai trouvé la réponse de M. Bédier un peu sommaire.
    M. François Brottes. Lapidaire !
    M. Hervé de Charette. Je voudrais qu'il soit un peu plus explicite et un peu plus positif vis-à-vis de la majorité.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je tiens à réagir. On ne peut tout de même pas laisser dire que la majorité manque de volonté pour traiter du problème des établissements pénitentiaires pour mineurs ! Pour la première fois, un plan est proposé à l'Assemblée, assorti des financements nécessaires, pour créer des établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs !
    Ces établissements permettront d'éviter toute rencontre entre les majeurs et les mineurs et d'appliquer à ces derniers un régime de détention spécifique comprenant une part d'éducatif.
    Je regrette ce procès d'intention et je souhaite, monsieur le président, que l'on passe au vote ! (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 105, défendu par M. Albertini.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Vaxès et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 49, ainsi rédigé :
    « Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 33 de l'ordonnance du 2 février 1945. »
    La parole est à M. Michel Vaxès.
    M. Michel Vaxès. Cet amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Avis identique du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Oui, monsieur le président.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 49.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Vaxès et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 50 corrigé, ainsi rédigé :
    « Compléter le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 33 de l'ordonnance du 2 février 1945 par les mots : ", après avis du président du tribunal pour enfants territorialement compétents. »
    La parole est à M. Michel Vaxès.
    M. Michel Vaxès. Cet amendement est de repli. Il prévoit que, si une habilitation doit être donnée à des établissements privés, celle-ci doit être délivrée après avis du président du tribunal pour enfants territorialement compétent. En effet, lui seul est capable d'évaluer si ces établissements offrent une éducation et une sécurité adaptées à leur mission et à la conduite du service.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La procédure proposée par le Gouvernement offre toutes les garanties de rigueur puisqu'elle sera codifiée par un décret en Conseil d'Etat. De plus, l'habilitation se fera au cas par cas.
    Telle est la raison pour laquelle la commission est défavorable à l'amendement n° 50 corrigé. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 50 corrigé.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 168, ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 33 de l'ordonnance du 2 février 1945, substituer aux mots : "en cas de révocation soit du contrôle judiciaire, soit du sursis avec mise à l'épreuve ou en cas de fin de la mise en détention les mots : ", en cas de révocation du contrôle judiciaire ou du sursis avec mise à l'épreuve, à la fin de la mise en détention. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 168.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 20, modifié par l'amendement n° 168.
    (L'article 20, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 20

    M. le président. M. Mariani a présenté un amendement, n° 236, ainsi rédigé :
    « Après l'article 20, insérer l'article suivant :
    « L'article 20-6 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est supprimé. »
    L'amendement est-il défendu ?
    M. Richard Mallié. Oui, monsieur le président.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Défavorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 236.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Estrosi a présenté un amendement, n° 281, ainsi libellé :
    « Après l'article 20, insérer l'article suivant :
    « Après l'article 33 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, il est inséré un article 33-1 ainsi rédigé :
    « Art. 33-1. - Lorsque le mineur est placé dans l'un des centres prévus à l'article 33, les allocations familiales sont suspendues, sauf décision du juge des enfants lorsque la famille participe à la prise en charge morale ou matérielle de l'enfant ou en vue de faciliter le retour de l'enfant dans son foyer.
    « Les allocations familiales suspendues concernent la seule part représentée par l'enfant délinquant dans le calcul des attributions d'allocations familiales. »
    La parole est à M. Christian Estrosi.
    M. Christian Estrosi. Nous venons de créer les centres d'éducation fermés, ce dont nous sommes un certain nombre à nous réjouir.
    M. Jacques Myard. A juste titre !
    M. Christian Estrosi. Nous devons nous interroger sur la responsabilisation des parents qui manquent au devoir d'éducation des enfants.
    La collectivité verse des prestations aux familles pour assurer l'éducation de leurs enfants, parmi lesquelles les allocations familiales. Dès l'instant où le juge décide de placer dans un centre d'éducation fermé un enfant qui a commis des fautes envers le droit français et que la charge d'éducation de l'enfant n'incombe plus directement à la famille mais à la collectivité qui le prend en charge dans ce centre, il me paraît normal que les allocations familiales versées à la famille, pour la part de cet enfant et non pas pour celle des autres enfants qui restent à la charge de la famille, ne soient plus versées à la famille.
    M. Jacques Myard. C'est du bon sens !
    M. Christian Estrosi. En outre, je considère qu'il serait utile, toujours dans le but de responsabiliser les parents, dès lors que ceux-ci accepteraient de prendre en partie en charge l'éducation de ces enfants à l'intérieur du centre d'éducation fermé ou pour faciliter, au terme de leur séjour dans le centre, leur retour à la vie publique de laisser au juge le soin d'apprécier le bien-fondé d'un retour progressif du reversement de ces allocations.
    M. Jacques Masdeu-Arus. Très bien !
    M. Christian Estrosi. En tout état de cause, je le répète, dès lors que le juge décide du placement en centre d'éducation fermé, la suppression des allocations familiales versées à la famille pour la part de l'enfant placé me paraît normale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Richard Mallié. C'est le bons sens.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Notre collègue Christian Estrosi avait présenté un amendement ayant le même objet en commission des lois sur lequel j'avais donné un avis défavorable, considérant qu'il posait des problèmes juridiques. Aujourd'hui, Christian Estrosi nous propose un nouvel amendement. Il n'a pas été soumis à la commission mais je trouve qu'il relève du parfait bon sens et j'y suis, pour ma part, tout à fait favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. L'article 40 de l'ordonnance du 2 février 1945 prévoit déjà le versement automatique des allocations familiales à la personne ou à l'institution qui a la charge du mineur placé et la possibilité pour le juge de fixer la part contributive des parents à l'entretien du mineur pendant le placement.
    L'amendement n° 281 modifie légèrement ce système pour les centres éducatifs fermés. Il fait de cette suspension une possibilité en permettant au juge de tenir compte de la participation des parents à la prise en charge morale ou matérielle de l'enfant en vue de faciliter son retour au foyer.
    Dans la mesure où cet amendement montre de façon pédagogique que la prise en charge de ces mineurs devrait d'abord être exercée par les familles et qu'il ne fait que reprendre une disposition qui existe déjà par ailleurs, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jacques Masdeu-Arus. Ça vient de chez vous, messieurs.
    M. Jean-Marie Le Guen. Vous l'avez votée !
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Pascal Clément, président de la commission. L'amendement de Christian Estrosi met un terme, me semble-t-il, à un débat qui dure maintenant depuis sept ou huit ans.
    Contrairement à ce qu'affirmaient les commentaires qui ont pu être faits lorsque l'amendement a été évoqué en commission des lois, je rappelle que si le Parlement souhaite légiférer à nouveau, c'est que la législation actuelle ne s'applique pas.
    Personne ne conteste que le code de la sécurité sociale donne aux CAF la possibilité de retirer les allocations familiales à ce type de famille. Mais personne ne conteste non plus que cette disposition n'est jamais appliquée.
    M. Yves Bur. Absolument.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Dans ces conditions, les parlementaires ont ressenti le besoin de reprendre cette question. Le premier à l'avoir fait il y a sept ans ou huit ans, et je tiens à lui en rendre hommage, c'est Pierre Cardo. J'en garde des souvenirs personnels, cela m'avait, à l'époque, coûté assez cher. (Sourires.)
    Le Président de la République lui-même s'est prononcé, de façon plus indirecte. Il a, en effet, fait savoir, au cours de la campagne électorale, qu'il souhaitait non point une suppression des allocations familiales, mais une sanction financière. La réflexion allait bien dans le même sens.
    Pour quelle raison cet amendement est-il très intéressant ? Parce qu'il inverse la problématique. Il ne dit pas « le juge peut supprimer », il considère qu'à partir du moment où un mineur se retrouve dans ce type d'établissement fermé, par définition les parents n'ont plus la charge de cet enfant. On pourrait même pousser la logique : si les parents n'ont plus la charge de l'enfant, c'est que quelqu'un d'autre l'a. Et ce quelqu'un, c'est la société. Or, qui donne l'argent aux CAF si ce n'est la société ? Il y a donc une logique à ce que l'argent qui permettait aux parents d'élever leur enfant ne leur soit plus versé dès lors que cet enfant se trouve dans un centre, et qu'il soit récupéré, sinon directement par le centre, du moins par l'Etat. Autrement, on pourrait considérer cela comme un avantage indu, selon les termes du droit.
    M. Jacques Myard. Un abus de bien social !
    Mme Marylise Lebranchu. Mais les CAF, ce n'est pas l'Etat !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Néanmoins, nombre d'entre nous, sur tous les bancs, car personne ne détient le monopole de l'humanisme, se sont émus de cas où la suppression des allocations familiales pose un vrai problème. La solution passe par le juge des enfants qui connaît parfaitement le dossier - et nous avons insisté sur la nécessité de l'instruction avant de prendre une décision concernant les mineurs. C'est à lui de décider, au cas par cas, de faire bénéficier la famille de tout ou partie des allocations familiales. Si bien que cette affaire me paraît heureusement réglée. Nous respectons le souci humaniste que nous avons tous pour ces familles difficiles et dont tout le monde sait qu'elles n'ont pas la vie facile - il ne s'agit aucunement de laisser tomber les familles « irrécupérables », selon le mot si affreux de Sartre - en alliant la suspension des allocations parce que la famille n'a plus de charge, la capacité pour le juge de prendre une décision humaniste. Je crois que, cette fois-ci, nous avons trouvé la solution et j'en félicite l'auteur. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Julien Dray.
    M. Julien Dray. L'amendement qui nous est proposé aujourd'hui a été profondément modifié par rapport à celui qui avait été initialement déposé en commission, dans le bon sens d'après moi, je le reconnais, puisqu'il est beaucoup moins dur. M. Estrosi « se réjouit ». Moi, je le dis honnêtement, je me résous à certaines situations, mais je ne me réjouis pas. Je ne me dis pas « Chouette, c'est formidable, on a créé les prisons ». (Protestations sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jacques Masdeu-Arus. Personne ne se réjouit !
    M. Richard Mallié. C'est scandaleux d'entendre cela !
    M. Julien Dray. Certains termes sont révélateurs d'un état d'esprit.
    Cet amendement pose beaucoup de problèmes.
    D'abord, et c'est révélateur, les termes employés sont confus. Vous voulez que la CAF reverse à l'Etat les allocations familiales ? Mais les allocations familiales, ce sont des prestations qui dépendent de cotisations. La CAF, ce n'est pas l'Etat.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. On le sait !
    M. André Schneider. Il nous prend pour des demeurés !
    M. Claude Goasguen. Cela s'est déjà fait.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Vous l'avez fait il y a un an. Vous n'aviez pas de scrupule à l'époque !
    M. Julien Dray. Mais là n'est pas l'essentiel. Le plus important, c'est que l'amendement montre bien la nature des centres fermés. En effet, l'ordonnance de 1945 prévoyait un dispositif financier en cas de détention. En alignant le dispositif financier prévu pour les centres de détention sur les centres fermés, vous démontrez bien, validant ainsi notre démonstration, que, pour vous, les centres fermés sont, non pas des centres éducatifs mais bien des systèmes carcéraux. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Voilà pourquoi nous ne pouvons pas vous suivre sur cette proposition.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je suis extrêmement surpris par les propos de M. Dray, pour deux raisons.
    D'une part, parce que l'amendement de Christian Estrosi relève du parfait bon sens.
    Lorsqu'un enfant n'est plus hébergé dans sa famille, ses parents n'ont plus à supporter ses dépenses d'entretien.
    M. Jean-Marie Le Guen. Ce n'est pas vrai ! Les habits, la chambre, le loyer, il faut bien continuer à les payer.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il est donc logique que ce ne soit plus la famille qui touche les prestations destinée aux dépenses d'entretien.
    D'autre part, l'amendement de M. Estrosi correspond mot pour mot à une mesure déjà votée par notre Assemblée. En effet, le code de la sécurité sociale prévoit que lorqu'un enfant est confié aux services de l'aide sociale à l'enfance - pas à l'administration pénitentiaire, monsieur Dray - il se passe exactement la même chose.
    M. Julien Dray. Oui, pas à l'administration pénitentiaire !
    M. Yves Bur. Tout à fait ! Et cela ne choque personne.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. L'amendement de M. Estrosi reprend mot pour mot l'article L.521-2 qui prévoit la possibilité de maintenir le reversement des allocations à la famille « lorsque celle-ci participe à la prise en charge morale ou matérielle de l'enfant ou en vue de faciliter le retour de l'enfant dans son foyer ». Or cet article, mes chers collègues de l'opposition, a été voté par notre Assemblée dans la loi du 6 janvier 1986 sous le gouvernement de M. Laurent Fabius par une majorité socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jacques Myard. C'est l'amnésie !
    M. Jean-Jack Queyranne. Cela concernait l'aide à l'enfance, ce n'est pas la même chose !
    M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.
    M. Claude Goasguen. Le dispositif proposé par cet amendement est déjà employé, non seulement par l'aide sociale à l'enfance, M. le rapporteur vient de le rappeler, mais également par l'éducation nationale. Certes, il présente des difficultés d'ordre technique car il n'est pas facile de mettre en relation un établissement public avec la CAF. Mais si on veut être efficace, il faut prévoir un dispositif simple. A ce propos, je trouve que si on supprimait le membre de phrase « lorsque la famille participe [...] dans son foyer », on y gagnerait beaucoup. Car la loi de 1986 est assez restrictive et finalement elle complique bêtement.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Pas du tout, elle précise de manière intéressante !
    M. Claude Goasguen. Non, il faut laisser le juge des enfants juger de l'application. C'est un choix.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Pas du tout !
    M. Claude Goasguen. D'autant que le danger de l'arbitraire existe. Je vous rappelle que le Président de la République avait évoqué cette question en précisant que l'examen devait se faire cas par cas pour laisser la possiblité d'individualiser l'application de cet article dont, moi non plus, monsieur Dray, je ne me félicite pas de la nécessité. Personne ici ne s'en félicite. Car la loi à laquelle nous sommes contraints est bien l'aveu de notre échec à tous dans ce domaine de la délinquance des jeunes. Votre argument me paraît donc pour le moins fallacieux.
    Mme Claude Greff. Très bien !
    M. Claude Goasguen. Je dépose donc un sous-amendement pour supprimer cette partie de phrase qui n'amène rien, qui semble enfermer le juge pour enfants dans une prédétermination. Je souhaite que le juge des enfants, lui aussi, puisse participer au débat.
    Mme Claude Greff. Bravo !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. Je voudrais rappeler quelques éléments fondamentaux. On sent, dans ce projet de loi et dans les amendements d'un certain nombre de nos collègues de la majorité, que l'on dérive vers une vision uniquement répressive de la société. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Claude Goasguen. Oh, ne commencez pas !
    M. Jacques Myard. Fantasme !
    M. Jean-Marie Le Guen. La famille continuera à supporter des charges importantes. L'enfant conservera sa chambre chez ses parents, il faudra bien payer le loyer. Il faudra bien qu'il soit habillé. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Les charges sociales perdurent. Je sais que ce genre de préoccupation vous semble assez négligeable. (Exclamations sur les mêmes bancs.) Nous avons bien compris que votre souci n'était pas d'utiliser correctement les ressources publiques, mais bien de réprimer, de sanctionner les familles des enfants délinquants.
    M. Bernard Schreiner. Non, on les responsabilise. On en a assez de votre assistanat !
    M. Jean-Marie Le Guen. La question de la responsabilité peut en effet se poser. Il existe des cas où, sans aucun doute, la famille est responsable ou coresponsable de la délinquance de l'enfant, nous le savons. Mais en préjuger d'une façon systématique est une tout autre affaire. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Marie Geveaux. Ce n'est pas systématique !
    M. Jean-Marie Le Guen. Cet amendement est une erreur. Votre comparaison avec l'aide sociale à l'enfance ne tient pas car les prestations étaient versées en cas soit d'abandon, soit de déchéance prononcée par le juge.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C'est faux !
    M. Jean-Marie Le Guen. L'Etat devenait, en quelque sorte, tutélaire. Ce n'est absolument pas le cas ici.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C'est faux !
    M. Jean-Marie Le Guen. A moins que vous n'alliez encore plus loin...
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C'est un mensonge !
    M. Jean-Marie Le Guen. Monsieur le rapporteur, l'aide sociale à l'enfance intervenait en cas d'abandon ou de déchéance des parents et prise en charge par l'Etat de l'éducation des enfants.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C'est faux !
    M. Claude Goasguen. Cela se fait dans les collèges !
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est donc tout à fait différent ! Il n'est nullement question ici que l'Etat assure l'éducation de ces enfants placés dans ces centres d'éducation fermés en temps réel et dans le futur. Ce que vous proposez n'a rien à voir avec ce qui se passe avec l'aide sociale à l'enfance. Je vous prie donc de modérer vos commentaires quant à nos argumentations.
    M. Claude Goasguen. Vous aussi !
    M. Jean-Marie Le Guen. Pour le reste, je pense que vous êtes, une fois de plus, dans l'erreur et que, d'amendement en amendement, vous continuez de dériver ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi.
    M. Christian Estrosi. M. Dray laisse planer l'idée selon laquelle le Parlement déciderait du sort de cotisations familiales et notamment des allocations familiales. Comme le rappelait à l'instant M. le secrétaire d'Etat, l'article 40 de l'ordonnance de 1945 sur la délinquance des mineurs prévoit déjà un tel dispositif. Nous n'innovons pas.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Absolument !
    M. Christian Estrosi. Le problème, c'est que, le rapporteur et le président de la commission l'ont souligné, cette mesure n'est jamais appliquée.
    M. Jean-Marie Le Guen. Ce n'est pas vrai !
    Mme Claude Greff. Eh oui !
    M. Christian Estrosi. Ce que nous proposons aujourd'hui, c'est simplement de rendre la décision obligatoire.
    Monsieur Le Guen, vous parlez de « répression » des parents. Nous n'avons pas le même vocabulaire. Nous, nous parlons ici de « responsabilisation » des parents qui manquent à leur devoir d'éducation. C'est totalement différent.
    M. André Schneider. Très bien !
    M. Julien Dray. Oui...
    M. Christian Estrosi. L'ordonnance de 1945, telle que nous la réformons aujourd'hui, prévoit cette notion de responsabilisation des parents.
    M. Jean-Marie Le Guen. La responsabilité collective !
    M. Christian Estrosi. Nous considérons qu'il est temps que certaines familles commencent à prendre leurs responsabilités dans l'éducation de leurs enfants pour éviter les dérives que nous connaissons aujourd'hui. Alors, de grâce, même si nous n'avons pas le même langage, ne caricaturez pas les propositions que nous faisons aujourd'hui. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Julien Dray. C'est sûr, nous n'avons pas le même langage, ni la même philosophie !
    M. le président. Je donne lecture du sous-amendement qui portera le numéro 297, présenté par M. Goasguen sur l'amendement n° 281 :
    « Après le mot : "enfants, supprimer la fin du deuxième alinéa de l'amendement n° 281. »
    Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je suis défavorable à ce sous-amendement. Quelle est l'économie de l'amendement de Christian Estrosi ? Elle consiste à dire que lorsqu'un enfant est placé dans un centre, ce n'est plus la famille qui supporte les charges d'entretien.
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est faux !
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Dès lors, les allocations sont suspendues. C'est clair. Mais le juge garde la possibilité de moduler : si les parents font un effort pour essayer de reprendre leur rôle d'éducateur et participent, en se déplaçant, en hébergeant, en accueillant l'enfant pendant les vacances ou le week-end, par exemple, - on peut imaginer beaucoup de choses...
    M. Jean-Marie Le Guen. Il ne va pas rester toute sa vie en prison !
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. ... le juge peut lâcher un peu de lest.
    Mme Claude Greff et M. Claude Goasguen. C'est le contraire qu'il faut faire.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. L'économie de l'amendement de Christian Estrosi me convient parfaitement parce que, contrairement à ce qui a été dit, il est beaucoup plus clair encore que la précédente version. Le principe, c'est la suspension des allocations puisque l'enfant n'est plus confié à la famille pendant la durée du placement, mais avec une possibilité pour le juge de moduler. Et je préfère que la possibilité donnée au juge soit strictement encadrée. Si l'on supprime la fin de la phrase, nous n'avons plus aucun critère de modulation. On a souffert dans le passé d'un excès de souplesse plutôt que d'un manque de souplesse.
    Voilà pourquoi je suis hostile au sous-amendement de M. Goasguen et toujours très favorable à l'amendement de M. Estrosi.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Sagesse sur le sous-amendement comme sur l'amendement.
    M. Julien Dray. Cela disparaîtra en commission mixte paritaire !
    M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.
    M. Claude Goasguen. Je me félicite que M. Warsmann ait été convaincu par l'amendement de M. Estrosi. Voilà quelques jours, il disait exactement le contraite ! Ce qui signifie qu'il est toujours possible d'évoluer...
    Cet amendement aboutirait exactement à l'inverse de ce que vous souhaitez. Son intérêt, pourtant, est de renverser la charge.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Absolument !
    M. Claude Goasguen. La logique du système proposé est en effet la suivante : l'allocation est supprimée, sauf décision du juge. Mais pourquoi dire au juge ce qu'il doit faire ? Celui-ci peut interpréter dans n'importe quel sens telle ou telle partie de phrase. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la loi de 1986 a « tourné » exactement à l'inverse de ce que vous souhaitiez. Que signifie : « La famille participe à la prise en charge morale et matérielle » ? C'est le juge qui le déterminera. Que signifie : « ... en vue de faciliter le retour de l'enfant dans son foyer » ? Si une mère téléphone le matin pour demander ce qui est arrivé à son fils, le juge peut parfaitement en conclure que celle-ci, finalement, s'intéresse au sort de son fils et décider de ne pas appliquer le dispositif.
    Mon cher collègue, laissez faire les juges de temps en temps ! Et ne les enfermez pas dans des dispositions ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe socialiste.)
    M. Julien Dray. Quelquefois la sagesse le gagne !
    M. le président. La parole est à M. Xavier de Roux.
    M. Xavier de Roux. Le sous-amendement de M. Goasguen est absolument nécessaire. Tel qu'il est actuellement rédigé, le texte peut être interprété par le juge des enfants exactement comme il le veut. Que veut dire en effet « en vue de faciliter le retour de l'enfant dans son foyer » ? N'importe qui peut avoir n'importe quelle interprétation. Avec le sous-amendement de M. Goasguen, le texte serait bien plus clair et lisible.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je n'ai pas changé d'avis. J'étais hostile à la première rédaction parce qu'elle posait des problèmes.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Evidemment !
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Elle instaurait en effet la suspension des allocations à l'encontre de parents auxquels on ne reprochait aucune infraction. J'avais d'ailleurs peur que cette première rédaction ne soit « taclée » par le Conseil constitutionnel. Voilà pourquoi je suis très satisfait par la nouvelle rédaction, que je soutiens.
    Je ne comprends pas l'argumentation de M. Goasguen. Il ne faudrait pas, entend-on, que le juge des enfants puisse trop facilement restituer les allocations.
    M. Claude Goasguen. C'est l'intitulé de l'article qui n'est pas bon !
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. L'amendement de M. Estrosi cadre l'action du juge, et on me répond qu'il faut faire sauter les balises et laisser le juge libre d'agir.
    M. Claude Goasguen. Ce serait beaucoup mieux !
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je ne suis pas d'accord ! Le législateur n'est pas là pour laisser les juges libres de tout faire, mais pour laisser les juges libres d'appliquer la loi. Je préfère que la loi soit balisée et je soutiens l'amendement de M. Estrosi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Marie Le Guen. Est-ce une bagarre de courants au sein de l'UMP ?
    M. le président. La parole est à M. Estrosi.
    M. Christian Estrosi. Monsieur Goasguen, je crains le pire avec votre sous-amendement qui risque d'avoir l'effet inverse de ce que vous recherchez. Si on lui laisse la possibilité de moduler son choix, le juge va saisir toutes les opportunités de se « défiler » pour s'exonérer de la responsabilité de supprimer les allocations familiales. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Marie Le Guen. Quelle caricature des magistrats ! On leur montrera le Journal Officiel !
    M. Christian Estrosi. Or je ne souhaite pas qu'on laisse au juge de telles ouvertures.
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Certains parmi nous ont la spécialité de créer des tempêtes dans un verre d'eau. Cela me rappelle la pièce de Sacha Guitry où le mari dit à sa femme : « Chérie, pourquoi me contredis-tu pour dire la même chose ? » Car nous sommes dans le même cas de figure.
    Nous voulons que le juge puisse redonner les allocations familiales à une famille. D'ailleurs, le juge, par définition, cher collègue Goasguen, a la totale liberté de les rendre. Et que dit le Parlement ? Ce que le juge aurait dit si on ne le disait pas.
    Le juge motivera de toute façon le retour des allocations familiales. Et le Parlement facilite le travail du juge en l'aidant à motiver sa décision. Cela dit, le juge peut faire ce qu'il veut.
    En conclusion, monsieur Goasguen, vous ne donnez pas un droit au juge. Vous empêchez le Parlement d'indiquer au juge dans quelle direction il pourra motiver son arrêt - le juge sera d'ailleurs ravi.
    Alors, se battre sur ce sous-amendement ? Les bras m'en tombent ! C'est strictement la même chose et on aboutira strictement à la même chose.
    M. Goasguen pourrait retirer son amendement, dans la mesure où, dans l'amendement de M. Estrosi, la liberté du juge avait déjà été prise en compte.
    Inutile d'en débattre pendant une heure...
    M. le président. Monsieur Goasguen, maintenez-vous votre sous-amendement ?
    M. Claude Goasguen. J'ai été tout à fait convaincu par les arguments tirés de Feydeau (Sourires), que M. le président de la commission connaît bien, et je retire mon sous-amendement. (Rires.)
    M. le président. Le sous-amendement n° 297 est retiré. Feydeau nous aura fait économiser un vote. (Sourires.)
    M. Jean-Marie Le Guen. Il s'agissait de Guitry. Mais en l'occurrence, cela ressemble davantage à du Labiche !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 281.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Les amendements n°s 234 et 235 de M. Mariani ne sont pas défendus.
    M. Estrosi et M. de Roux ont présenté un amendement, n° 11 rectifié, ainsi libellé :
    « Après l'article 20, insérer l'article suivant :
    « L'article 375 du code civil est ainsi rédigé :
    « Art. 375. - Si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation sont gravement compromises, des mesures d'assistances éducatives peuvent être ordonnées par la justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l'un d'eux, de la personne ou du service à qui l'enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public.
    « Le juge pour enfant ne peut prescrire les mesures prévues à l'alinéa précédent sans en avoir préalablement informé le président du conseil général et le procureur de la République. Il appartient à ce dernier de choisir entre le traitement judiciaire ou l'action sociale préalable du département.
    « Elles peuvent être ordonnées en même temps pour plusieurs enfants relevant de la même autorité parentale.
    « La décision fixe la durée de la mesure sans que celle-ci puisse, lorsqu'il s'agit d'une mesure éducative exercée par un service ou une institution, excéder deux ans. La mesure peut être renouvelée par décision motivée et après avis des services du conseil général et du parquet. »
    La parole est à M. Xavier de Roux.
    M. Xavier de Roux. Dans nos départements, de jeunes délinquants sont placés, parfois quelques heures, dans des foyers de l'enfance, qui ne sont pas destinés à les accueillir et où ils peuvent commettre certains actes sans que le conseil général, qui est responsable de ces foyers, en soit informé et puisse réagir.
    Il y a deux ans, j'avais d'ailleurs saisi, avec M. le procureur de la République de Rochefort, qui a désormais d'importantes responsabilités à l'Union syndicale des magistrats, et un ancien ministre de l'intérieur, qui se trouve être conseiller général de Charente-Maritime, le garde des sceaux de cette situation qui peut s'avérer intolérable.
    M. Estrosi, est confronté dans son département au même type de difficultés - qui existent sans doute dans tous les départements de France -. Voilà pourquoi nous avons adopté un amendement qui prévoit que le juge des enfants doit informer le président du conseil général et le procureur de la République préalablement à toute mesure de placement d'un jeune délinquant dans un foyer de l'enfance.
    De toutes façons, ces foyers ne sont d'ailleurs pas là pour incarcérer des jeunes mais pour protéger une population se trouvant déjà dans une situation difficile.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, mais elle a souhaité que l'amendement vienne en séance pour que s'engage sur le sujet un débat avec le Gouvernement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. L'amendement déposé par M. Estrosi et M. de Roux pose la question complexe des relations entre les conseils généraux et les juridictions de la jeunesse. Evidemment, nous souhaitons que ces relations soient les plus étroites possibles, et je note qu'une certaine collaboration existe déjà entre eux.
    Des protocoles de signalement ont été ainsi élaborés dans la moitié des départements environ. Ils permettent de mettre en place des circuits d'urgence, des évaluations pluriprofessionnelles et des échanges d'information entre juridictions et conseils généraux.
    De la même manière, ont été élaborés des schémas départementaux conjoints entre les conseils généraux et les directions départementales de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), en lien avec les juridictions. Ce sont des outils essentiels de la prise en charge des mineurs placés.
    Les services de la Chancellerie s'attacheront, dans le cadre d'un partenariat actif avec l'Assemblée des départements de France, à encourager la généralisation de ces protocoles et des schémas conjoints : c'est un engagement du Gouvernement.
    Pour autant, il n'est pas possible de subordonner le prononcé des décisions d'assistance éducative ou leur renouvellement à une information préalable du conseil général. Je crois avoir bien expliqué que nous étions totalement favorables sur le fond, mais qu'il était impossible, pour des raisons constitutionnelles, de prévoir l'obligation, pour une autorité judiciaire d'aviser une autorité administrative avant de prendre une décision. Cette information préalable aurait de sucroît pour effet de rendre quasiment impossible des décisions urgentes. Elle enlèverait une certaine souplesse.
    Je souhaite que M. Estrosi et M. de Roux veuillent bien entendre cet engagement du Gouvernement. Mieux vaut un engagement à agir - en particulier avec l'Assemblée des conseils généraux de France - qu'une mesure législative qui risque d'être frappée d'inconstitutionnalité. Mieux vaut rechercher le mieux que le bien absolu.
    M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur de Roux ?
    M. Xavier de Roux. Je pense que nous débattons d'un problème extrêmement important pour le traitement des jeunes délinquants.
    Je veux vous citer un exemple que j'ai vécu il n'y a pas très longtemps. A onze heures du soir, un agent du foyer de l'enfance du conseil général reçoit un appel du commissariat de police d'une des villes balnéaires de mon département : on lui demande de venir chercher un jeune au commissariat. Chose extravagante, elle y va. Mais après tout, c'est le commissaire qui l'appelle. Elle se trouve alors en présence d'un jeune de quatorze ans auquel on avait passé les menottes. On ôte les menottes au jeune homme, avant de l'installer dans la voiture de cette personne, qui a vingt-trois ans. Evidemment, au premier feu rouge, il n'y avait plus de jeune homme dans la voiture. Elle en était d'ailleurs bien contente, parce qu'elle avait très peur...
    Tout cela pour dire que de graves problèmes de responsabilité se posent. On ne peut pas laisser perdurer des situations de ce genre, et il me semble normal que le procureur avise au moins le président du conseil général - ou son délégué ou son vice-président - de ce qui est en train de se passer. Sinon, nous risquons des dysfonctionnements extrêment graves, entraînant des problèmes de responsabilité des élus, problèmes qui n'ont pas été prévus.
    M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi.
    M. Christian Estrosi. Je remercie M. de Roux d'avoir défendu cet amendement avec beaucoup de talent. Nous sommes confrontés tous les deux, comme d'autres sur ces bancs, à cette expérience difficile. De par la loi, les conseils généraux ont en charge la protection de l'enfance et nos foyers de l'enfance - ils sont vingt-cinq dans mon département - sont chargés d'accompagner des enfants issus d'un milieu familial parfois difficile. Or les juges envoient dans ces foyers des gamins délinquants qui se livrent à la prostitution - c'est la réalité -, au trafic de drogue, à des agressions, dégradant parfois gravement une ambiance qui se voulait conviviale, chaleureuse, éducative. Nous ne pouvons plus l'accepter.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, je comprends le problème que rencontre le Gouvernement dans cette affaire. Il serait donc plus sage de retirer cet amendement. En revanche, je souhaiterais que des dispositions soient prévues dans l'avenir et que des instructions soient d'ores et déjà données par le Gouvernement aux parquets et à toutes les juridictions afin que nous ne soyons plus confrontés à de telles difficultés.
    Mon collègue M. de Roux et moi-même sommes donc favorables au retrait de cet amendement. Mais nous attendons, de votre part, des initiatives concrètes.
    M. le président. L'amendement n° 11 est retiré.
    M. Estrosi a présenté un amendement, n° 33 deuxième rectification, ainsi rédigé :
    « Après l'article 20, insérer l'article suivant :
    « Dans le deuxième alinéa de l'article 322-1 du code pénal, après les mots : "est puni de 3 750 EUR d'amende, sont insérés les mots : "et d'une peine de travail d'intérêt général. »
    La parole est à M. Christian Estrosi.
    M. Christian Estrosi. Cet amendement mérite quelque explication. Il s'agit de faire face à un phénomène que ne supportent plus nos administrés dans toutes les villes, voire les campagnes.
    En dix ou quinze ans, l'ensemble des murs de France ont été noircis et salis par des centaines de milliers de « tags », qui constituent de véritables actes de violence visuelle.
    Il n'est pas de jour sans qu'un de nos administrés nous arrête dans la rue pour nous dire : monsieur le maire, monsieur le député, pourquoi ne faites vous rien pour que les gamins qui viennent salir les bâtiments privés ou publics, et dont le nettoyage est à la charge du contribuable, réparent eux-mêmes les dégâts qu'ils ont occasionnés ?
    Je n'aime pas prendre des exemples étrangers mais je vous citerai celui de la ville de New York qui est éloquent à cet égard. Dans les années 85, 86 et 90, New York était devenue une ville sale, provocante, où l'on n'osait même plus descendre dans le métro. Aujourd'hui, c'est l'une des villes les plus propres au monde. Le métro y est impeccable et les murs de la ville sont d'une propreté inouïe.
    M. André Vallini. Dans le centre seulement !
    M. Christian Estrosi. C'est simplement parce qu'on a mis en place des peines de réparation : un enfant qui est pris en train de dessiner un « tag » y est immédiatement condamné à réparer.
    Lorsqu'on est condamné, un ou deux week-ends d'affilée, à repeindre les murs de la ville, on y refléchit à deux fois avant de recommencer à y dessiner ces « tags ». C'est comme cela que nous pourrons ramener la propreté dans les villes de France. Tel est le sens de cet amendement. (Applaudissement sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Dans sa première rédaction, cet amendement avait reçu un avis défavorable de la commission, pour des raisons de forme. Maintenant qu'il a été rectifié, j'y suis très favorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Cet amendement complète l'article 322-1 du code pénal qui punit d'une peine d'amende les inscriptions sur les façades, - ce que l'on appelle communément « tags » - afin que ces faits puissent également être punis de la peine de travail d'intérêt général.
    Actuellement, cette peine ne peut être prononcée contre les auteurs de tags, car aucune peine d'emprisonnement à laquelle le travail d'intérêt général peut se substituer n'est encourue. Par conséquent, si le Gouvernement n'est pas opposé, sur le fond, à cet amendement, il considère que la question ne relève pas directement du projet de loi.
    En outre, je le précise dans un esprit d'ouverture, cette rédaction comprend quelques omissions sur les articles 322-2 et 322-3 du code pénal. Il nous semble donc qu'il vaudrait mieux insérer cette disposition, en la complétant, dans un prochain projet de loi.
    Cela étant, nous pouvons comprendre que l'Assemblée nationale veuille manifester une plus grande vigilance. C'est pourquoi nous nous en remettons à sa sagesse.
    M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.
    Mme Marylise Lebranchu. Je suis contre l'amendement parce qu'il est possible, aujourd'hui, de faire ce que demande M. Estrosi pour les tags.
    Monsieur le secrétaire d'Etat, vous allez trouver au ministère de la justice une excellente brochure sur l'ordonnance du 2 février 1945. Comme elle sera obsolète après le vote de cette loi, je propose qu'elle soit distribuée à l'ensemble des parlementaires, pour ne pas jeter au panier un document qui a coûté de l'argent public et qui demeure très intéressant, en particulier sur le thème de la réparation.
    On y trouve, à ce sujet, l'exemple de six mineurs âgés de quatorze à seize ans, auteurs de tags sur les murs d'une gare SNCF, qui ont dû dans le cadre d'une mesure de réparation directe, nettoyer les murs dégradés. Les jeunes ont acheté eux-mêmes les fournitures nécessaires au nettoyage, qu'ils ont effectué pendant leurs vacances scolaires. L'encadrement a été assuré, sous la responsabilité du magistrat, par deux parents volontaires. Cette forme de réparation active existe donc bien, d'ores et déjà, dans l'ordonnance de 1945.
    Je citerai également l'exemple des villes de Rennes et de Chambéry, où le juge des enfants a incité les délégués du procureur, dans les maisons de la justice et du droit, à prononcer la même mesure de réparation directe. Dans l'un de ces cas, des jeunes qui avaient tagué l'intérieur des bus ont, pendant trois semaines, après l'école, accompagné les équipes de nettoiement et ainsi pris conscience de la peine qu'ont les personnels à réparer les conséquences de ce qu'ils prenaient eux-mêmes pour de simples jeux.
    Tout tag peut donc faire l'objet d'une mesure de réparation directe, dont l'efficacité est indéniable. Après avoir passé toutes ses soirées à accompagner une équipe de nettoiement, on ne tague plus un autobus, car non seulement on a appris le sens de la responsabilité, mais on a compris que l'on cause du tort à autrui.
    Cette possibilité existe déjà, et M. Estrosi est donc satisfait. Le problème est de trouver des sociétés qui acceptent de coopérer. La SNCF l'a fait, de même que les compagnies de transport de ces villes, qui ont permis que quelques jeunes viennent, à des heures définies, nettoyer les dégâts qu'ils avaient causés en payant les fournitures.
    M. le président. La parole est à M. Serge Poignant.
    M. Serge Poignant. Madame Lebranchu, possible ou pas possible, ce n'est pas la question. Ce que je sais, c'est que dans nos villes, et en particulier dans les grandes agglomérations - à Nantes, par exemple - on a trois ou quatre mois de retard pour nettoyer les tags.
    M. Julien Dray. A Nantes ? Ça m'étonnerait ! (Sourires.)
    M. Serge Poignant. Alors, si c'était concrètement possible, cela se ferait beaucoup plus facilement.
    Cela étant, nous devons montrer notre volonté, et de façon urgente. Je suis donc tout à fait d'accord sur l'amendement, même s'il faut le parfaire dans un texte futur. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo.
    M. Pierre Cardo. C'est un problème de volonté et de mise en oeuvre. Comme l'a dit Mme Lebranchu, ces mesures de réparation existent. Mais où ? Dans ma commune, alors que tous les organismes sont d'accord pour encadrer leur mise en oeuvre, le pointage 2001 est sans appel : zéro mesure !
    Cela nécessite donc :
    Un, de préciser la volonté du législateur ;
    Deux, et j'en reviens à l'amendement précédent, de préciser la volonté du Gouvernement vis-à-vis d'un parquet qui, dans beaucoup de départements - malgré l'obligation qui lui incombe, madame Lebranchu - , n'a toujours pas défini de procédure pénale en direction des mineurs. Voilà un manque dont nous souffrons. Comment assurer la transparence du fonctionnement de la justice des mineurs dans ces conditions ?
    M. le président. La parole est à M. Emile Blessig.
    M. Emile Blessig. Qu'il s'agisse de l'amendement sur les allocations familiales, de l'amendement précédent qui concernait les relations entre les parquets et les conseils généraux pour les foyers de jeunes ou du présent amendement relatif au nettoyage des tags, on nous dit chaque fois que le texte existe. Hier soir, nous avons même légiféré pour appeler à l'application d'une disposition légale.
    Ainsi, ce qui m'apparaît gravissime, c'est que, à la limite, nous légiférons maintenant plutôt pour rappeler la volonté de nos concitoyens que pour édicter une norme devant être appliquée. Plus fondamentalement, je le dis sans volonté polémique, notre société est aujourd'hui confrontée à un problème d'exécution de la loi par ceux qui sont chargés de l'exécuter.
    Mme Marylise Lebranchu. Exactement !
    M. Emile Blessig. Je suis d'accord avec vous, madame Lebranchu, il est arrivé que des mesures de réparation soient prononcées. Mais ce n'est pas parce qu'un juge pour enfant est arrivé, dans des circonstances bien particulières, à en faire appliquer certaines, qu'il faut en conclure que cela marche. Ça ne marche pas ! Et cela pose un problème plus général : comment faire pour que les lois soient appliquées, pour que ça marche dans l'intérêt de tous nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Julien Dray. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. J'abonderai dans le sens de M. Blessig. Nous avons tous été invités au début de cette législature à ne légiférer que de façon utile et opportune.
    M. Pierre Cardo. Oui.
    M. Pierre Albertini. Vaste programme !
    M. Jean-Marie Le Guen. A juste titre, car nous sommes confrontés, Mme Lebranchu l'a rappelé, à une curieuse contradiction : d'un côté, le cadre légal permet d'agir dans le sens voulu par le législateur, par exemple en matière de tags ; de l'autre, les textes votés ne sont pas appliqués. Il y a là, indéniablement, un très sérieux problème de gouvernance publique.
    M. Claude Goasguen. Bien sûr !
    M. Jean-Marie Le Guen. Mais la solution est-elle de rajouter un amendement à ce texte ? Absolument pas ! Nous savons très bien que cette disposition n'apportera rien à l'effectivité des mesures prises sur le terrain. L'important - je le dis sans esprit polémique, car c'est vrai pour le gouvernement actuel comme ce l'était pour le précédent - c'est que le législateur n'hésite pas à interpeller le pouvoir exécutif pour savoir s'il a effectivement les moyens de faire en sorte que la loi, en l'occurrence cette mesure plutôt pédagogique, soit respectée.
    Voilà la question qui nous est posée. Il ne sert à rien d'ajouter à la législation des dispositions redondantes qui correspondent essentiellement à une posture et certainement pas à ce que doit être une action de député. Notre rôle, qui est non seulement de faire la loi, mais aussi de contrôler le Gouvernement, devrait nous pousser non pas à voter cet amendement, mais à interpeller le gouvernement en place - cela valait aussi, je le répète pour le précédent - afin qu'il s'assure de l'application des textes.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Monsieur Le Guen, vous venez de me rassurer, car je me disais qu'à vouloir interpeller un gouvernement juste installé depuis deux mois, vous auriez pu aussi bien avoir cette idée géniale dans les cinq années précédentes. (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Pascal Clément, président de la commission. Dommage qu'il le dise un peu tard !
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Pour le reste, deux constatations : premièrement, le dispositif de réparation existe ; deuxièmement, il ne marche pas bien, donc il ne suffit pas.
    Que propose Christian Estrosi ? D'introduire plus de souplesse dans la loi en la complétant par un deuxième dispositif d'une nature un peu différente. En effet, le travail d'intérêt général est une sanction et, par conséquent, s'il permet de faire nettoyer les tags, il permet aussi de faire faire autre chose aux mineurs, puisque c'est à un certain nombre d'heures que la personne est condamnée.
    Mme Claude Greff. Eh oui !
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ainsi, je considère que l'initiative de Christian Estrosi est très heureuse puisqu'elle élargit la gamme des réponses. Et je pense que tous les députés ici présents devraient voter son amendement.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33, deuxième rectification.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. MM. Albertini, Morin et les membres du groupe Union pour la démocratie française et apparentés ont présenté un amendement, n° 283, ainsi rédigé :
    « Après l'article 20, insérer l'article suivant :
    « La Marseillaise sera apprise aux élèves à l'école élémentaire. »
    La parole est à M. Pierre Albertini.
    M. Pierre Albertini. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps cet amendement, qui institue l'obligation d'apprendre la Marseillaise à l'école élémentaire, et l'amendement suivant, qui traduit notre volonté de faire comprendre aux jeunes, notamment au collège, ce que sont les fondements de la loi, c'est-à-dire les fondements de toute vie en société.
    Nous sommes tous préoccupés par l'atomisation qui guette la société, par son éclatement, son émiettement, l'apparition de communautarismes assez forts. Face à cela, il existe des symboles qui n'auront pas à eux seuls l'effet magique de rendre à la société la cohésion qu'elle a un peu perdue au fil du temps, mais leur mise en valeur peut certainement y contribuer. L'hymne national est de ceux-là.
    Nous avons tous été très choqués, il y a quelques mois, de voir la Marseillaise sifflée à l'occasion d'un match de football entre la France et l'Algérie. Et, plus récemment, j'ai moi-même particulièrement souffert, compte tenu de mon origine géographique, qu'elle soit à nouveau sifflée, huée copieusement, à l'occasion d'un match de football qui opposait un club corse à un club breton.
    M. Jean-Marie Le Guen. Au moins, ils la connaissaient !
    M. Pierre Albertini. Ils n'en connaissaient peut-être pas les paroles ni même l'air, mais ils savaient ce qu'elle représentait, ce qui peut être différent.
    Je pense donc que l'idée de faire apprendre la Marseillaise à l'école élémentaire est bienvenue, pour faire ressentir aux enfants ce que représentent notre histoire et les valeurs auxquelles nous sommes attachés. La valeur fondamentale de la Marseillaise, c'est à la fois la liberté, condition même de l'indépendance de la nation, et la fraternité, qui assure notre cohésion.
    De la même manière, enseigner ce qu'est la loi, ce qu'elle permet et ce qu'elle interdit, diffère profondément de l'instruction civique dont l'objet est la connaissance des institutions.
    Nous aurions tout intérêt à affirmer que nous sommes attachés à ces deux symboles. Ce serait l'occasion d'une explication aux élèves, et peut-être même certains professeurs des écoles découvriraient-ils ainsi...
    M. Jacques Myard. La Marseillaise !
    M. Pierre Albertini. ... au moins son contenu, ce qui ne serait pas mauvais pour ces serviteurs de la République. Une telle initiative serait donc féconde et fructueuse, et c'est pourquoi nous la proposons.
    On m'objectera : quelle est la place de cet amendement dans un texte sur la justice ?
    M. Pascal Clément, président de la commission. C'est la bonne question !
    M. Pierre Albertini. Sans doute. Mais je vous répondrai, monsieur Clément, que nous avons déjà touché à bien d'autres domaines, à bien d'autres textes, par exemple le code de la sécurité sociale en ce qui concerne le versement des allocations familiales. Sur divers sujets, nous avons débordé du champ de ce projet. Et je tiens personnellement à ce que soit affirmée - sur le plan symbolique également - la cohésion de cette communauté des citoyens que nous cherchons à refonder très largement, objectif que nous sommes assez loin, hélas, d'avoir atteint.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je serai bref, monsieur le président, car si l'on se lance dans des interventions qui n'en finissent pas, nos débats eux-mêmes n'auront pas de fin. Pour ma part, je n'ai rien prévu demain, ni dimanche, ni lundi, mais je ne suis pas sûr que tout le monde soit dans ce cas.
    L'amendement n° 283 n'ayant pas été présenté à la commission, je ne peux émettre qu'un avis personnel. J'y suis évidemment très favorable sur le fond, mais je suis très gêné et je trouve même un peu incorrect, sur le plan parlementaire, qu'on nous demande de voter des dispositions qui engagent le ministre de l'éducation nationale en son absence.
    M. Pierre Albertini. Tout est lié !
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. J'attends donc avec beaucoup d'impatience ce que va nous dire le Gouvernement.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Sagesse !
    M. le président. Allez-vous répondre à l'impatience du rapporteur, monsieur le secrétaire d'Etat ?
    M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Mesdames et messieurs les députés, s'il est gênant pour votre rapporteur de prendre position sur un texte qui ne le concerne pas au nom du ministre de l'éducation nationale, vous imaginez bien que, pour un membre du Gouvernement, c'est encore plus difficile. Nous sommes naturellement d'accord sur le fond, mais nous ne pouvons pas commettre cette grossièreté vis-à-vis de M. Ferry. Je m'en remets donc à la sagesse bien élevée de l'Assemblée. (Sourires.)
    M. Claude Goasguen. Très bien !
    M. André Vallini. L'argumentation au fond est remarquable...
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Nous sommes en train de faire la loi, et la commission des lois, dans cette assemblée, a une fonction très précise : faire respecter strictement non seulement les principes juridiques, mais aussi la relative modestie du propos juridique, autrement dit le sujet, rien que le sujet.
    C'est là tout l'enseignement que le président Mazeaud a essayé d'inculquer à la commission. Comme on me dit qu'il risquerait un infarctus du myocarde si le Conseil constitutionnel avait à connaître d'un tel cavalier dans une loi qui n'a strictement rien à voir avec la Marseillaise, je vous demande, mes chers collègues, pour la pureté de la tradition juridique et par fidélité aux anciens qui m'ont tout appris, de ne surtout pas voter cet amendement.
    M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.
    M. Jacques Myard. Un peu d'audace ! Et pour être encore plus radical, je propose un sous-amendement. La présence d'un futur risque de frapper cette mesure de procrastination. Si l'on ne veut pas qu'on nous réponde : « Ben oui, demain matin... », il faut écrire au présent : « La Marseillaise est apprise », et non pas « sera ».
    M. le président. Monsieur Albertini, maintenez-vous votre amendement ?
    M. Pierre Albertini. Bien entendu !
    M. le président. Je mets donc aux voix le sous-amendement oral de M. Myard.
    (Le sous-amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 283.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Un peu de pureté, de décence juridique !
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. Jacques Myard. Très mauvais signal !
    M. le président. L'amendement n° 284, également présenté par MM. Albertini, Morin et les membres du groupe Union pour la démocratie française, est ainsi rédigé :
    « Après l'article 20, insérer l'article suivant :
    « La loi et ses fondements seront enseignés au collège. »
    Cet amendement a été défendu en même temps que le précédent.
    La commission et le Gouvernement y sont également défavorables.
    Je le mets aux voix.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Albertini, Morin et les membres du groupe Union pour la démocratie française et apparentés ont présenté un amendement, n° 287, ainsi rédigé :
    « Après l'article 20, insérer l'article suivant :
    « Une coresponsabilité pénale des parents d'enfants délinquants sera établie dès lors qu'ils auront permis ou favorisé les crimes et délits commis par ceux-ci. »
    Cet amendement est-il défendu ?
    M. Pierre Albertini. Oui, monsieur le président.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cet amendement est déjà satisfait par un autre amendement que nous avons voté hier et qui a introduit dans le rapport annexé tout un paragraphe sur la responsabilisation des parents. La disposition proposée n'est pas normative. Sa place aurait donc été également dans le rapport annexé, mais elle reste de moindre portée que celle que nous avons déjà adoptée. Par conséquent, avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Identique à celui de la commission.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 287.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Albertini, M. Morin et les membres du groupe Union pour la démocratie française et apparentés ont présenté un amendement, n° 292, ainsi rédigé :
    « Après l'article 20, insérer l'article suivant :
    « Sera effectuée la vérification systématique, lorsqu'un mineur commet des actes de délinquance, de l'utilisation des prestations familiales prévues par l'article L. 552-6 du code de la sécurité sociale et sera mise en oeuvre une procédure de mise en tutelle des prestations familiales déjà prévue par les textes, lorsque l'enfant fait l'objet d'une mesure de placement. »
    La parole est à M. Pierre Albertini.
    M. Pierre Albertini. Cet amendement, déposé un peu tardivement, n'a pas été examiné par la commission des lois. Comme nous avons déjà eu un long débat sur le versement des prestations familiales, je considère qu'il n'a plus lieu d'être et je le retire.
    M. le président. L'amendement n° 292 est retiré.

Article 20 bis
Section 8
Dispositions diverses

    « Art. 20 bis. - Le code pénal est ainsi modifié :
    « 1° Après le douzième alinéa (11°) de l'article 222-12, il est inséré un 12° ainsi rédigé :
    « 12° Par un majeur agissant avec l'aide ou l'assistance d'un mineur » ;
    « 2° Après le douzième alinéa (11°) de l'article 222-13, il est inséré un 12° ainsi rédigé :
    « 12° Par un majeur agissant avec l'aide ou l'assistance d'un mineur ».
    M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 169, ainsi rédigé :
    « Compléter le 1° de l'article 20 bis par l'alinéa suivant :
    « Dans la deuxième phrase de l'avant-dernier alinéa du même article, les mots "1° à 10° sont remplacés par les mots "1° à 12°. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination. L'utilisation d'un mineur pour commettre des violences doit figurer parmi les circonstances aggravantes permettant de majorer la peine lorsque ces dernières sont au nombre de deux. Cet amendement devrait recueillir l'unanimité.
    M. le président. Reçoit-il déjà l'avis favorable du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Oui, monsieur le président.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 169.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 170, ainsi rédigé :
    « Compléter le 2° de l'article 20 bis par l'alinéa suivant :
    « Dans la deuxième phrase du dernier alinéa du même article, les mots : "1° à 10° sont remplacés par les mots : "1° à 12°. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Même cas de figure.
    M. le président. Même avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. En effet.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 170.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 20 bis, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 20 bis, ainsi modifié, est adopté.)

Articles 20 ter, 20 quater et 20 quinquies

    M. le président. « Art. 20 ter. - Après l'article 311-4 du code pénal, il est inséré un article 311-4-1 ainsi rédigé :
    « Art. 311-4-1. - Le vol est puni de sept ans d'emprisonnement et 100 000 EUR d'amende lorsqu'il est commis par un majeur avec l'aide d'un ou plusieurs mineurs, agissant comme auteurs ou complices.
    « Les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et 150 000 EUR d'amende lorsque le majeur est aidé d'un ou plusieurs mineurs âgés de moins de treize ans. »
    Je mets aux voix l'article 20 ter.
    (L'article 20
ter est adopté.)
    « Art. 20 quater. - Au premier alinéa de l'article 227-17 du code pénal, le mot : "gravement est supprimé. » - (Adopté.)
    « Art. 20 quinquies. - L'article 227-21 du code pénal est ainsi modifié :
    « 1° Dans le premier alinéa, les mots : "habituellement des crimes ou des délits sont remplacés par les mots : "un crime ou un délit ;
    « 2° Dans le deuxième alinéa, après les mots : "mineur de quinze ans, sont insérés les mots : ", que le mineur est provoqué à commettre habituellement des crimes ou des délits. » (Adopté.)

Article 20 sexies

    M. le président. « Art. 20 sexies. - Après l'article 10 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée, il est inséré un article 10-1-A ainsi rédigé :
    « Art. 10-1-A. - Lorsqu'ils sont convoqués devant le juge des enfants, le juge d'instruction, le tribunal pour enfants ou la cour d'assises des mineurs, les représentants légaux du mineur poursuivi qui ne défèrent pas à cette convocation peuvent, sur réquisitions du ministère public, être condamnés par le magistrat ou la juridiction saisie à une amende civile dont le montant ne peut excéder 3 750 EUR.
    « Cette amende peut être rapportée par le magistrat ou la juridiction qui l'a prononcée s'ils défèrent ultérieurement à cette convocation.
    « Les personnes condamnées à l'amende en application du premier alinéa peuvent former opposition de la condamnation devant le tribunal correctionnel dans les dix jours à compter de sa signification. »
    M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 171, ainsi rédigé :
    « A la fin du dernier alinéa du texte proposé pour l'article 10-1-A de l'ordonnance du 2 février 1945, substituer au mot : "signification, le mot : "notification. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C'est un amendement de simplification. L'amende civile à laquelle pourraient être condamnés des parents ne nous semble pas devoir être signifiée. Il est suffisant de la notifier.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 171.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 20 sexies, modifié par l'amendement n° 171.
    (L'article 20 sexies, ainsi modifié, est adopté.)

Article 20 septies

    M. le président. « Art. 20 septies. - Dans le deuxième alinéa de l'article 14 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée, après les mots : "assister aux débats, sont insérés les mots : "la victime, qu'elle soit ou non constituée partie civile,. »
    Je mets aux voix l'article 20 septies.
    (L'article 20
septies est adopté.)

Après l'article 20 septies

    M. le président. M. Fenech a présenté un amendement, n° 87, deuxième rectification, ainsi libellé :
    « Après l'article 20 septies, insérer l'article suivant :
    « I. - Le huitième alinéa de l'article 8 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée est complété par une phrase ainsi rédigée : "Toutefois lorsque la peine encourue est supérieure ou égale à sept ans et que le mineur est âgé de seize ans révolus, il devra obligatoirement renvoyer celui-ci devant le tribunal pour enfants.
    « II. - Le cinquième alinéa (3°) de l'article 9 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée est complété par les mots : "toutefois, lorsque la peine encourue est supérieure ou égale à sept ans et que le mineur est âgé de seize ans révolus, le renvoi devant le tribunal pour enfants est obligatoire. »
    La parole est à M. Georges Fenech.
    M. Georges Fenech. Lorsque le procureur saisit le juge des enfants de faits délictueux, celui-ci peut décider soit de traiter l'affaire en audience de cabinet, soit de la renvoyer devant le tribunal pour enfants. Pour les faits les plus graves, ceux qui sont punis d'une peine d'emprisonnement au moins égale à sept ans, et si le mineur est âgé de seize ans révolus, nous estimons qu'il faut rendre obligatoire la saisine du tribunal.
    Il ne s'agit pas pour moi, vous l'aurez compris, de manifester une quelconque défiance à l'égard du juge des enfants. Il s'agit tout simplement de renforcer le rôle du parquet des mineurs, qui pourra se faire le porte-parole de la société devant le tribunal pour enfants. Il s'agit aussi, en prévoyant une audience en présence du président et de ses assesseurs, de donner au jugement une solennité à la mesure de la gravité des faits qui sont reprochés le tribunal pour enfants pouvant toujours prononcer une mesure éducative.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Avis favorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 87 deuxième rectification.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Vaxès et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 51, ainsi rédigé :
    « Après l'article 20 septies, insérer l'article suivant :
    « Compléter la première phrase du deuxième alinéa de l'article 20-5 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 par les mots : "tant en milieu ouvert qu'en milieu fermé. »
    La parole est à M. Michel Vaxès.
    M. Michel Vaxès. Cet amendement vise à confier au juge des enfants les attributions du juge de l'application des peines.
    Cette mesure permettrait de s'engager dans une véritable réforme de la détention des mineurs, réforme qui nous semble d'autant plus nécessaire au regard des dispositions que nous venons de prendre dans ce projet de loi. Elle avait d'ailleurs été retenue par la commission sénatoriale sur la justice des mineurs à la suggestion du président de l'Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille.
    Cette disposition permettra à la justice des mineurs de poursuivre son intervention dans la durée avec pour principal objectif le changement en profondeur du comportement personnel des mineurs concernés. Elle aura également l'avantage de permettre une amorce de travail avec les collectivités locales, notamment en vue de créer les conditions d'une véritable resocialisation à l'issue du processus judiciaire.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. L'amendement a été repoussé par la commission. Le problème qu'il soulève est déjà résolu puisqu'un amendement sénatorial adopté à l'annexe prévoit précisément l'engagement d'une réflexion sur ce point.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 51.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 261, ainsi libellé :
    « Après l'article 20 septies, insérer l'article suivant :
    « Après l'article 33 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée, il est inséré un article 34 ainsi rédigé :
    « Art. 34. - Les députés et les sénateurs sont autorisés à visiter à tout moment les établissements publics ou privés accueillant des mineurs délinquants. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je souhaite rectifier cet amendement en séance en ajoutant, après les mots « établissements publics ou privés », les mots « de leur département ».
    L'amendement modifie l'ordonnance de 1945 afin de permettre aux députés et sénateurs de visiter à tout moment les établissements accueillant des mineurs délinquants. Il vient s'ajouter à une mesure semblable que nous avons votée pour les prisons il y a quelques années. Après débat en commission des lois, nous avons cherché à vérifier si le champ de la rédaction était assez large. Il l'est.
    M. le président. L'amendement est rectifié tel qu'il vient d'être dit.
    Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 261, rectifié.
    (L'amendement est adopté.)

Article 21 A

    M. le président. Je donne lecture de l'article 21 A :

TITRE IV
DISPOSITIONS TENDANT À SIMPLIFIER
LA PROCÉDURE PÉNALE
ET À ACCROÎTRE SON EFFICACITÉ

    « Art. 21 A. - Au premier alinéa de l'article 2-15 du code de procédure pénale, après les mots : "dans un lieu ou local ouvert au public, sont insérés les mots : "ou dans une propriété privée à usage d'habitation ou à usage professionnel. »
    La parole est à M. Claude Goasguen, inscrit sur l'article.
    M. Claude Goasguen. J'y renonce.
    M. le président. Je mets aux voix l'article 21 A.
    (L'article 21 A est adopté.)

Après l'article 21 A

    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, et M. Marsaud ont présenté un amendement, n° 174, ainsi rédigé :
    « Après l'article 21 A, insérer la division et l'intitulé suivants :

« Chapitre Ier A

« Dispositions relatives à l'enquête »

    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Coordination.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 174.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, et M. Marsaud ont présenté un amendement, n° 172, ainsi rédigé :
    « Après l'article 21 A, insérer l'article suivant :
    « I. - Les articles 77-2 et 77-3 du code de procédure pénale sont abrogés.
    « II. - L'avant-dernier alinéa de l'article 63-1 du même code est supprimé. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il s'agit d'une simplification des procédures.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 172.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, et M. Marsaud ont présenté un amendement, n° 173, ainsi libellé :
    « Après l'article 21 A, insérer l'article suivant :
    « I. - Il est inséré, après la première phrase du premier alinéa de l'article 706-71 du code de procédure pénale, une phrase ainsi rédigée : " Dans les mêmes conditions, la présentation aux fins de prolongation de la garde à vue ou de la retenue judiciaire peut être réalisée par l'utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle. »
    « II. - Dans l'article 22 de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, après les mots : "du présent chapitre sont insérés les mots : ", à l'exception de l'article 32,. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. L'amendement vise à autoriser l'usage de la visioconférence aux fins de prolonger la garde à vue. Ce dispositif, déjà expérimenté dans certains ressorts, permet d'éviter les transferts de personnes, ce qui, je crois, est positif. Soyons clairs, cette mesure n'est pas destinée à se généraliser, mais partout où elle peut permettre de faciliter les procédures, elle relève du pur bon sens.
    M. Pierre Cardo. C'est vrai.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 173.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Hoguet a présenté un amendement, n° 1, ainsi libellé :
    « Après l'article 21 A, insérer l'article suivant :
    « Après l'article 41 du code de procédure pénale, il est inséré un article 41-1-A ainsi rédigé :
    « Art. 41-1-A. - Le maire peut saisir le procureur de la République pour tous actes commis dans sa commune susceptibles d'être constitutifs d'une infraction à la tranquillité publique ou à l'intégrité des personnes et des biens.
    « Le parquet engage sans délai les procédures d'enquête nécessaires et informe le maire, dans les meilleurs délais possibles, du suivi donné à cette saisine. »
    La parole est à M. Patrick Hoguet.
    M. Patrick Hoguet. Cet amendement se situe, monsieur le secrétaire d'Etat, dans le droit-fil de l'objectif visé par votre projet de loi, qui tend à rapprocher la justice de ceux qu'elle a pour mission de protéger. Il a pour but de renforcer la capacité d'intervention des maires et d'améliorer la sécurité dans leurs communes. Il convient pour cela de prévoir que ces magistrats municipaux se verront reconnaître la possibilité de saisir le procureur de la République de tous actes commis dans leurs communes de nature à troubler la tranquillité publique ou à porter atteinte à l'intégrité des personnes et des biens.
    Cette saisine doit constituer le premier stade d'une procédure à laquelle le procureur devra donner suite en diligentant une enquête dont les conclusions devront être communiquées au maire concerné dans les plus brefs délais.
    Je souhaite vivement que l'amendement soit adopté par notre assemblée, bien que la commission s'y soit montrée défavorable. En effet, il redonnerait au maire, que les délinquants se targuent si volontiers de dévaloriser, une position dans le domaine de la sécurité, et atténuerait le sentiment d'impuissance qui l'envahit si souvent...
    M. Xavier de Roux. Tout à fait !
    M. Patrick Hoguet. ... notamment en secteur rural, où il se sent très démuni, ne disposant même pas de comités locaux de sécurité pour s'exprimer ou pour agir.
    Il ne s'agit nullement pour ces maires - je fais allusion à une préoccupation exprimée par M. Perben hier soir - de participer à la définition de la sanction, mais seulement du pouvoir de déclencher une procédure, à charge, bien évidemment, pour le procureur d'y donner ou de ne pas y donner suite. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C'est un amendement qui a été rejeté par la commission des lois, car un problème de fond rend impossible son adoption. La phrase : « Le parquet engage sans délai... », est en effet totalement incompatible avec le système français d'organisation de la justice, fondé sur un régime d'opportunité des poursuites.
    Cela étant, je partage cette préoccupation - probablement parce que je suis élu dans un département du même type que le vôtre. Mais je me permets de vous indiquer qu'elle relève plutôt de la loi sur la sécurité intérieure. Nicolas Sarkozy s'est d'ailleurs déjà exprimé sur le sujet. Quoi qu'il en soit, il est impossible d'adopter l'amendement en l'état.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Défavorable.
    M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.
    M. Daniel Garrigue. Je comprends bien le sens de l'amendement proposé par notre collègue, mais il existe une disposition qui permet au maire de saisir le procureur de la République : l'article 16 du code de procédure pénale...
    M. Patrick Hoguet. Cela ne suffit pas !
    M. Daniel Garrigue. ... qui donne au maire et aux adjoints la qualité d'officier de police judiciaire. Le vrai problème est celui du respect de cet article. Sur ce point, des précisions ne seraient sans doute pas inutiles, qu'elles proviennent du ministre de l'intérieur ou de celui de la justice.
    Certes, les maires ne sauraient aller trop loin dans l'exercice de leur fonction d'officier de police judiciaire, parce qu'il ne leur revient pas, dans des conditions normales, de recueillir les témoignages, rechercher les preuves ou poursuivre les délinquants. En revanche, lorsqu'il ont connaissance d'infractions à la loi, la saisine du parquet n'est, pour eux, pas seulement un droit, c'est une obligation.
    M. Richard Mallié. Exact.
    M. Daniel Garrigue. Je suis moi-même en train d'écrire au procureur de la République pour lui signaler des faits dont j'ai été saisi dans ma circonscription. Cela relève du droit commun. Peut-être faut-il simplement préciser la portée exacte de l'article 16 du code de procédure pénale. A ce sujet, un certain nombre de circulaires ont été publiées mais elles sont d'ordre interne à l'administration. Il serait peut-être bon qu'une nouvelle circulaire, adressée non seulement au parquet et à la police nationale, mais aussi aux élus, précise clairement les responsabilités que l'article 16 confie à ces derniers.
    M. le président. La parole est à M. Xavier de Roux.
    M. Xavier de Roux. Je sais que la loi que nous élaborons est parfois redondante, mais nous débattons là d'un vrai problème, notamment dans les communes rurales.
    Les maires sont généralement informés des délits qui s'y commettent.
    Malheureusement, les relations entre les parquets et les maires sont telles que, dans la plupart des cas, les premiers classent l'affaire sans même répondre à ceux qui les ont saisis.
    Je connais, bien entendu, l'article 16 qu'a cité notre collègue Garrigue. Mais encore faudrait-il que les parquets veuillent bien appliquer la loi ou ne reçoivent pas instruction de ne pas l'appliquer. Ce que rappelle, ici, notre collègue Hoguet est fondamental. Alors que nous saisissons le parquet de faits que nous connaissons, nous n'obtenons aucune réponse. Nous ne savons même pas si l'affaire est classée ou non. Ce que tout cela laisse entendre - en particulier pour les délinquants -, c'est que le maire peut toujours chanter : il n'a strictement aucune importance.
    M. Patrick Hoguet. Voilà !
    M. Xavier de Roux. On parle de justice de proximité. Or dans les communes rurales, le premier échelon de la proximité est occupé par celui qui connaît les infractions et leurs auteurs. Nous pourrions entrer dans une voie dans laquelle les maires agiraient pleinement en tant qu'officiers de police judiciaire, dresseraient des procès-verbaux formels et les transmettraient au parquet. Mais quelle lourdeur ! D'ailleurs on nous dit : messieurs les maires, ne vous lancez pas dans cette aventure. Ou bien faire le choix d'une procédure plus simple : lorsque le maire saisit le parquet, ce dernier a, alors l'obligation de lui répondre. Après, il fait ce qu'il veut ; il classe ou ne classe pas ; poursuit ou ne poursuit pas. Mais au moins, il indique au maire qu'il l'a entendu et précise ce qu'il va faire.
    L'amendement Hoguet ne cherche pas à porter atteinte au principe de l'opportunité des poursuites. Il précise simplement que le parquet doit engager sans délai des procédures d'enquête. Regarder, enquêter et répondre.
    C'est pourquoi, même si cela peut paraître redondant à certains, je soutiens personnellement l'amendement de notre confrère Hoguet qui constituera au moins un signe clair en faveur de la police de proximité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Richard Mallié.
    M. Richard Mallié. Tous les jours, en tant que maires, nous appliquons ce genre de procédure. Ne serait-ce qu'une matière d'urbanisme : l'OPJ doit transmettre au procureur tout délit ou toute infraction dont il est saisi. Là où le bât blesse, c'est lorsque le procureur ne réagit pas. On n'y peut malheureusement rien, car c'est lui qui a l'opportunité du suivi. Je suis, sur ce point, d'accord avec le rapporteur, Jean-Luc Warsmann. Dans ce cas, avoir de bons rapports avec son procureur arrange bien les choses.
    M. le président. La parole est à M. Patrick Hoguet.
    M. Patrick Hoguet. En effet, comme l'a précisé M. de Roux, il ne s'agit pas de donner des instructions au parquet, mais simplement de lui demander d'engager une enquête. De plus, il s'agit de donner un signal aux maires, ceux des communes rurales notamment. En effet, les relations suivies entre les maires et les parquets sont peut-être possibles dans le cas de grandes villes, mais je peux vous garantir que dans beaucoup de communes rurales, alors que l'on connaît pertinemment les problèmes, les délinquants se font un plaisir de mettre en cause l'autorité du maire, parce qu'ils savent que ses requêtes ne seront pas suivies d'effet.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je maintiens l'avis négatif de la commission. On ne vote pas un article du code de procédure pénale pour donner un signe. Les mesures ainsi décidées doivent s'appliquer. Il est donc impossible de voter un tel texte. Je suis désolé de devoir le dire. Juridiquement, c'est impossible. Je ne peux que proposer de retravailler sur ce sujet.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Avant l'article 21

    M. le président. Je donne lecture de l'intitulé du chapitre Ier :

Chapitre Ier
Dispositions relatives à la composition pénale

    M. Teissier et M. Mallié ont présenté un amendement, n° 34 corrigé, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 21, insérer l'article suivant :
    « Dans la dernière phrase du premier alinéa de l'article 40 du code de procédure pénale, les mots : "lorsqu'il s'agit de faits commis contre un mineur et prévus et réprimés par les articles 222-23 à 222-32 et 227-22 à 227-27 du code pénal sont supprimés. »
    La parole est à M. Richard Mallié.
    M. Richard Mallié. Nous retrouvons le problème de l'opportunité des poursuites.
    L'article 40 du code de procédure pénale dispose : « Le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner. Il avise le plaignant du classement de l'affaire ainsi que la victime lorsque celle-ci est identifiée. Lorsqu'il s'agit de faits commis contre un mineur et prévus et réprimés par les articles 222-23 à 222-32 et 227-27 du code pénal, l'avis de classement doit être motivé et notifié par écrit. »
    Je propose de rendre obligatoire la motivation de toutes les décisions de classement sans suite, et pas seulement lorsqu'il s'agit de faits commis par un mineur.
    Pourquoi ? Imaginez comment réagit la victime d'une agression qui a subi quelque trente-sept points de suture, vingt jours d'interruption temporaire de travail - ce n'est pas mon cas, je vous rassure ! - lorsqu'elle reçoit, quelques mois après, une lettre type du procureur, probablement informatisée, l'informant que la plainte est classée sans suite. Elle est encore plus choquée.
    L'esprit de la loi que nous examinons fait référence aux victimes ; nous ne devons pas l'oublier.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. L'avis de la commission des lois est défavorable pour une raison essentielle, le problème de la charge de travail. Il n'est pas possible de demander au procureur de passer davantage de temps sur toutes les affaires. Cela aurait pour effet de déstabiliser le ministère public.
    Etant déjà présent pendant la précédente législature, j'ai bien volontiers reconnu devant l'actuelle opposition que les budgets de la justice avaient augmenté ces dernières années. Alors pourquoi le service rendu aux justiciables ne s'est-il pas amélioré ? Pourquoi les délais de jugement se sont-ils accrus ? Pourquoi le taux de classement sans suite n'a t-il pas baissé ?
    Tout simplement parce que la précédente majorité a commis l'erreur de faire voter des lois ayant pour effet d'exiger de la part des magistrats et des fonctionnaires de justice encore plus de travail, et ce malgré l'augmentation du nombre de postes. De grâce, ne faisons pas la même chose ! Nous souhaitons non seulement engager des moyens massifs en faveur de la justice, mais aussi les concentrer pour obtenir une plus grande efficacité. N'alourdissons pas le travail quotidien de la justice. Pour l'instant, nous voulons faire en sorte que la machine marche mieux et plus vite. Puis, quand nous aurons rétabli l'équilibre du système, nous engagerons d'autres réformes.
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Je comprends d'autant plus la proposition de MM. Mallié et Teissier que beaucoup des gens que nous rencontrons nous adressent ce reproche, surtout dans les régions méridionales : telle affaire est classée sans suite, on n'a aucune nouvelle, etc.
    Mais j'ai envie de vous adresser à mon tour la supplique d'un procureur que nous avons auditionné en commission des lois : pitié pour le parquet !
    En effet, cette augmentation de la délinquance qui nous conduit aujourd'hui à examiner ce projet de loi, c'est, avant tout le monde, le parquet qui y a été confronté. Il y a une incroyable charge de travail dans tous les parquets français.
    M. Pierre Cardo. Cela dépend où !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Vous me rétorquerez que cela ne justifie pas l'absence de motivation des décisions de classement.
    En fait la motivation existe. Elle est toute prête, sur informatique et porte sur des motifs de droit, de fait ou d'opportunité.
    Ce que vous demandez, c'est une surmotivation, une personnalisation. Elle se fait naturellement pour les délits mais pas pour les contraventions. Or votre proposition, monsieur Mallié, concerne surtout ces dernières et c'est là où les parquets ne peuvent pas suivre.
    Très honnêtement, ce que vous demandez - et ce sera mon dernier argument - irait à l'encontre de ce que vous recherchez, à savoir que les auteurs de délits ou de contraventions soient poursuivis. Ce que vous demandez obérerait l'activité des parquets. S'ils sont occupés à motiver ou à surmotiver, ils ont d'autant moins de temps pour poursuivre les auteurs d'infraction. Le mieux est l'ennemi du bien.
    Enfin je rappelle qu'il est toujours possible pour celui qui considère que le classement n'est pas fondé, et cela lui est expliqué dans la lettre de rejet,...
    M. Richard Mallié. C'est vrai.
    M. Pascal Clément, président de la commission. ... de se constituer partie civile devant le doyen des juges d'instruction. Tout est donc prévu.
    Mon avis sur l'amendement rejoint celui du rapporteur.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Même avis que celui de la commission.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
    M. Jean-Marie Le Guen. L'amendement de nos collègues est fondamental. Répondre de manière un peu négligente que les parquets n'ont pas le temps parce qu'ils ont beaucoup de travail ne me paraît pas opportun pour un amendement qui traite en fait d'un droit minimal à accorder aux citoyens par rapport à la justice.
    M. Claude Goasguen. Démagogue !
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Que ne l'avez-vous fait alors !
    M. Julien Dray. Ce n'est pas parce qu'on ne l'a pas fait qu'il ne faut pas le faire !
    M. Claude Goasguen. Franchement, vous êtes amnésiques. Il fallait le faire il y trois mois ! On sait bien que vous venez de le découvrir, mais quand même !
    M. Jean-Marie Le Guen. Il y aura d'autres législatures. On modifiera la loi et j'espère qu'on progressera. Mais ce n'est pas parce qu'on ne l'a pas fait qu'on ne peut pas trouver opportunes les propositions d'un de nos collègues.
    L'un des problèmes majeurs auxquels on est confronté, est effectivement le fossé qui sépare les citoyens et la justice. Obtenir un minimum de réponses sur ces questions me paraît normal et sain dans une démocratie.
    La disposition proposée permettrait de resserrer les relations entre la justice et les citoyens...
    M. Claude Goasguen. Il fallait le faire avant !
    M. Jean-Marie Le Guen. ... et constitue un élément de modernisation. Je suis donc tout à fait favorable à cet amendement.
    M. le président. Monsieur Mallié, maintenez-vous votre amendement ?
    M. Léonce Deprez. Il va le retirer, monsieur le président !
    M. Richard Mallié. Je suis tout de même un peu scandalisé. Non seulement je me suis déjà fait traiter de « petit nouveau », mais, maintenant, un « ancien », député socialiste, de surcroît, vient m'expliquer que ce que je propose est bien.
    Pardon, monsieur Le Guen, moi, je ne pouvais pas le proposer avant mais vous, en revanche vous le pouviez ! Alors, puisque vous faites preuve de démagogie, je retire l'amendement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. André Vallini. Je le reprends, monsieur le président !
    M. Claude Goasguen. Démagogie !
    M. le président. Vous avez la parole, monsieur Vallini.
    M. André Vallini. Si je reprends l'amendement de notre collègue Mallié, c'est pour une raison très simple et très claire, et je vais rafraîchir la mémoire de mes collègues qui siégeaient sous la législature précédente, et notamment de M. Warsmann qui se souvient très bien du projet de loi chancellerie-parquet. Je siégeais alors à sa place, car j'en étais le rapporteur. Nous avions voté une disposition, qui prévoyait justement la motivation des classements sans suite et le recours contre ceux-ci. Mais ce texte est resté en plan après la première lecture. Et savez-vous à cause de qui ? A cause du Président de la République...
    M. Claude Goasguen. Ça n'a rien à voir, enfin ! Vous vouliez rendre le parquet indépendant à l'époque !
    M. André Vallini. ... qui a annulé la convocation du Congrès de Versailles sur la réforme du Conseil supérieur de la magistrature.
    M. Pascal Clément, président de la commission. On ne répond pas !
    M. André Vallini. Donc, cette disposition, monsieur Mallié, non seulement nous l'approuvons, mais nous l'avions déjà votée. C'est pourquoi nous reprenons l'amendement, monsieur le président.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34 corrigé.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. Jean-Marie Le Guen. C'est la première couleuvre ! Il y en aura d'autres !

Article 21

    M. le président. « Art. 21. - Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
    « I. - L'article 41-2 est ainsi modifié :
    « 1° Au premier alinéa, après la référence : "314-6,, il est inséré la référence : "321-1, ;
    « 2° Au 3°, les mots : "quatre mois sont remplacés par les mots : "six mois ;
    « 3° Après le 4°, il est inséré un 5° ainsi rédigé :
    « 5° Suivre un stage ou une formation dans un service ou organisme sanitaire, social ou professionnel pour une durée qui ne peut excéder trois mois dans un délai qui ne peut être supérieur à dix-huit mois. » ;
    « 4° Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « Les compositions pénales exécutées sont inscrites au bulletin n° 1 du casier judiciaire. »
    « II. - Le premier alinéa de l'article 41-3 est complété par les mots : "ainsi que pour les contraventions dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. »
    « III. - L'article 768 est complété par un 9° ainsi rédigé :
    « 9° Les compositions pénales, dont l'exécution a été constatée par le procureur de la République ».
    « IV. - L'article 769 est complété par un 6° ainsi rédigé :
    « 6° Les mentions relatives à la composition pénale, à l'expiration d'un délai de trois ans à compter du jour où l'exécution de la mesure a été constatée, si la personne n'a pas, pendant ce délai, soit subi de condamnation à une peine criminelle ou correctionnelle, soit exécuté une nouvelle composition pénale. »
    « V. - L'article 775 est complété par un 14° ainsi rédigé :
    « 14° Les compositions pénales mentionnées à l'article 768. »
    La parole est à M. Claude Goasguen, inscrit sur l'article
    M. Claude Goasguen. Nous abordons, avec l'article 21, un autre volet du projet qui traite beaucoup de proximité : il ne s'agit pas seulement de la notion territoriale, mais aussi de la célérité qui, tout autant que le première, donne à nos concitoyens le sentiment d'être entendus.
    M. Garraud et moi-même allons vous proposer un amendement sur la composition pénale. Apparue en 1999 dans notre droit, cette procédure n'est pas encore suffisamment passée dans les habitudes judiciaires. Elle présente pourtant des avantages indéniables. Elle permet d'éviter des procédures lourdes. Elle a, avec l'ordonnance pénale en matière de contravention routière dont nous parlerons tout à l'heure, une communauté d'objectifs, à savoir décharger les tribunaux de procédures qui peuvent être traitées plus rapidement par cette voie sans hypothéquer les moyens déjà insuffisants de la justice.
    La composition pénale est améliorée dans votre texte grâce, en particulier, aux dispositions concernant le recel et la récidive.
    Mais je voudrais insister sur son intérêt et je défendrai par là-même l'amendement que j'ai déposé à ce sujet.
    La composition pénale est une discussion entre le prévenu, le procureur et l'officier de police judiciaire. Ce qui a empêché son développement, c'est qu'il n'était pas possible de tenir cette discussion pendant la garde à vue, parce que, à l'époque, le prévenu était seul face au procureur et à l'officier de police judiciaire. Voyez que parfois les libéraux sont utiles ! Vous m'avez attribué ce qualificatif, je le garde avec plaisir.
    M. Julien Dray et M. André Vallini. Non ! Non !
    M. Claude Goasguen. Ce sont vos propres paroles !
    M. Julien Dray et M. André Vallini. Jamais !
    M. Claude Goasguen. N'insistons pas ! La présence de l'avocat dès la première heure permet désormais de rétablir l'équilibre. Le prévenu ayant auprès de lui son avocat, l'obstacle juridique est ainsi levé et la composition pénale peut se faire dès la garde à vue.
    Elle présente un autre avantage : si, auparavant, les policiers, l'OPJ et le procureur hésitaient à laisser sortir le prévenu après la garde à vue sans avoir statué, la question ne se pose plus puisque celui qui a accepté la composition pénale se voit sanctionné.
    Cette procédure, héritée de nos pays voisins, est une mesure d'assouplissement en moyens.
    J'attire cependant votre attention, monsieur le garde des sceaux, sur la nécessité, pour faire connaître la composition pénale, de mener une campagne d'explication tant auprès des magistrats que des justiciables. Si nous voulons décharger les tribunaux d'un certain nombre de travaux que les magistrats eux-mêmes repoussent, la meilleure manière est de faire connaître cette procédure. Tout le monde y gagnerait, les magistrats, les avocats, et les prévenus.
    M. le président. M. Salles a présenté un amendement, n° 104 rectifié, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le 2° du I de l'article 21 :
    « 2° Au 3°, après les mots : "permis de conduire, sont insérés les mots : ", pour une période maximale de six mois. »
    Cet amendement est-il défendu ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Oui, monsieur le président, et la commission a émis un avis favorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Sagesse.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 104 rectifié.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 218 et 223.
    L'amendement n° 218 est présenté par M. Garraud ; l'amendement n° 223 par M. Goasguen.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Après le 2° du I de l'article 21, insérer l'alinéa suivant :
    « 2° bis. La dernière phrase du troisième alinéa du 4° est supprimée. »
    La parole est à M. Jean-Paul Garraud, pour soutenir l'amendement n° 218.
    M. Jean-Paul Garraud. Mon amendement est identique à celui que M. Goasguen a défendu en intervenant sur l'article.
    Tout le monde s'accorde à reconnaître l'utilité de la composition pénale. C'est une très bonne mesure. Mais elle n'est pas assez employée. L'objet de cet amendement est de faire en sorte qu'elle soit proposée dès la garde à vue, puisque l'avocat est désormais présent dès ce stade.
    M. André Vallini. Grâce à la loi Guigou !
    M. Jean-Paul Garraud. Actuellement, le parquet ne peut pas le faire, ce qui impose aux officiers de police judiciaire de rechercher à nouveau l'auteur des faits alors qu'il a été libéré à l'issue de la garde à vue. C'est un alourdissement considérable de la procédure et c'est la raison pour laquelle elle n'est pas plus employée.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je propose à mon collègue M. Garraud d'accepter une rectification purement formelle, consistant à remplacer les mots : « troisième alinéa du 4e », par les mots : « septième alinéa du 4e ».
    Si notre collègue l'accepte...
    M. Jean-Paul Garraud. Volontiers.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. La commission des lois est favorable à l'amendement.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Le Gouvernement est très favorable à cet amendement. Je remercie M. Goasguen et M. Garraud de l'avoir proposé, car il va tout à fait dans le bon sens. C'est une manière très intelligente d'utiliser la présence de l'avocat dès le début de la garde à vue.
    M. Goasguen m'a demandé de mieux faire connaître la composition pénale. Ce n'est pas un sujet très facile à faire connaître et, en tout cas, ce n'est pas sur les chaînes de télévision aux heures de grande écoute qu'on pourra le faire, mais cette simplification en favorisera l'utilisation.
    M. le président. Avec l'accord de leurs auteurs, je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 218 et 223, tels qu'ils ont été rectifiés par le rapporteur.
    (Ces amendements, ainsi rectifiés, sont adoptés.)
    M. le président. M. Deprez a présenté un amendement, n° 243 corrigé, ainsi rédigé :
    « Après le 3° du I de l'article 21, insérer l'alinéa suivant :
    « 3° bis La quatrième phrase du dixième alinéa est supprimée. »
    La parole est à M. Léonce Deprez.
    M. Léonce Deprez. M. le rapporteur a insisté sur la nécessité de ne pas alourdir la tâche des juges et des parquets. L'article 41-2 du code de procédure pénale offre précisément la possibilité d'une condamnation sans audience publique, donc sous une forme allégée. Mais il y a encore beaucoup de formalisme inutile dans la procédure. Mon amendement vise à la simplifier encore en évitant une audition par le juge.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cet amendement n'a pas été examiné par la commission mais je n'y suis pas hostile. Je m'en remets à la sagesse de l'assemblée.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Sagesse, également.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 243 corrigé.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Warsmann, rapporteur, a présenté un amendement, n° 175, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le premier alinéa du V de l'article 21 :
    « Après le 13° de l'article 775, il est inséré un 14° ainsi rédigé. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 175.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 21, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 21, ainsi modifié, est adopté.)

Article 22

    M. le président. Je donne lecture de l'article 22 :

Chapitre II
Dispositions relatives à la détention provisoire
et à l'instruction

Section 1
Dispositions relatives à la détention provisoire

Paragraphe 1
Dispositions renforçant la cohérence des règles relatives
aux conditions de placement en détention provisoire

ou de prolongation des détentions
    « Art. 22. - Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
    « 1° L'article 137-4 est ainsi rédigé :
    « Art. 137-4. - Lorsque, saisi de réquisitions du procureur de la République tendant au placement en détention provisoire, le juge d'instruction estime que cette détention n'est pas justifiée et qu'il décide de ne pas transmettre le dossier de la procédure au juge des libertés et de la détention, il est tenu de statuer sans délai par ordonnance motivée, qui est immédiatement portée à la connaissance du procureur de la République. » ;
    « 2° L'article 137-5 est abrogé ;
    « 3° Le quatrième alinéa de l'article 143-1 est supprimé ;
    « 4° La deuxième phrase du quatrième alinéa de l'article 144 est supprimée ;
    « 5° L'article 145-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « A titre exceptionnel, lorsque les investigations du juge d'instruction doivent être poursuivies et que la mise en liberté de la personne mise en examen causerait pour la sécurité des personnes et des biens un risque d'une particulière gravité, la chambre de l'instruction peut prolonger pour une durée de quatre mois la durée de deux ans prévue au présent article. La chambre de l'instruction, saisie par ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention, statue conformément aux dispositions de l'article 207. » ;
    « 6° Après le deuxième alinéa de l'article 145-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « A titre exceptionnel, lorsque les investigations du juge d'instruction doivent être poursuivies et que la mise en liberté de la personne mise en examen causerait pour la sécurité des personnes et des biens un risque d'une particulière gravité, la chambre de l'instruction peut prolonger pour une durée de quatre mois les durées prévues au présent article. La chambre de l'instruction, saisie par ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention, statue conformément aux dispositions de l'article 207. Cette décision peut être renouvelée une fois sous les mêmes conditions et selon les mêmes modalités. » ;
    « 7° Dans l'article 207, les mots : "formée en application de l'article 137-5 sont supprimés. »
    La parole est à M. Pierre Albertini, inscrit sur l'article.
    M. Pierre Albertini. La détention provisoire est une question à la fois importante et complexe et peut difficilement être résolue par une série de corrections législatives tous azimuts.
    On conviendra qu'il existe des abus dans notre pays en la matière. Comment assurer une répression efficace en faisant un usage plus modéré de la détention provisoire ?
    Vous le savez, les prisons sont encombrées par des détenus en attente de jugement. Le nombre des détenus s'élève à 55 000 aujourd'hui, ce qui est très supérieur au nombre de places offertes dans les prisons. Le problème reste donc d'actualité.
    Certains dysfonctionnements laissent penser que la loi du 15 juin 2000 aurait mérité une évaluation de la détention provisoire mais ils ne justifient pas que l'on revienne sur la question des seuils et le rôle du parquet en la matière.
    J'étais très sceptique, lors de la discussion de la loi de 2000, en ce qui concerne la création du juge des libertés et de la détention. Personnellement, je suis partisan d'une solution plus simple, plus radical, à savoir la séparation complète des fonctions d'instruction et de jugement et même - et je crois qu'il faudra y venir un jour - la séparation fonctionnelle du parquet et du siège.
    Le juge des libertés et de la détention a déjà une place ambiguë dans notre système. Or vous allez encore fragiliser ce magistrat.
    En tous les cas, la diminution de la détention provisoire reste ou devrait rester un objectif actuel et vous ne ferez pas l'économie d'une réflexion sereine - qui demandera un peu de temps - sur une réforme de la procédure pénale afin de mieux assurer l'équilibre entre répression, d'un côté, et droits de la défense, de l'autre.
    M. André Vallini. Très bien !
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 114 et 255.
    L'amendement n° 114 est présenté par M. Vallini et les membres du groupe socialiste ; l'amendement n° 255 par Mme Billard, MM. Yves Cochet et Yves Mamère.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 22. »
    La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.
    M. Jean-Pierre Dufau. Les propos de M. Albertini, sur l'article étaient pleins de bon sens. Tout le monde reconnaît que la détention provisoire est un sujet sérieux, grave. M. Patrick Devedjian a dit d'elle, lors du débat sur la présomption d'innocence, qu'elle était « le dernier avatar de la lettre de cachet ».

    Les dispositions de cet article ne sont pas acceptables, car elles réduisent à néant le caractère contradictoire de la mise en détention provisoire et suppriment le droit d'appel du prévenu, qui ne serait plus respecté. On constate donc bien une aggravation dans un domaine déjà difficile et complexe.
    Plus grave encore, ces dispositions autorisent une prolongation de la détention de quatre mois, renouvelable une fois - soit huit mois, au total - au-delà du délai maximum de deux ans. Ainsi, sont remis en cause les équilibres de la loi sur la présomption d'innocence et le droit des victimes du 15 juin 2000.
    M. Pierre Cardo. On ne peut pas vraiment parler d'équilibre !
    M. Jean-Pierre Dufau. Pourtant, lors des débats sur la présomption d'innocence, notre rapporteur lui-même déclarait : « J'ai eu l'occasion d'affirmer à plusieurs reprises combien la réduction de la durée de la détention provisoire était un objectif d'intérêt général absolu. » Ce n'est pas une réduction qu'on nous propose aujourd'hui, mais une aggravation. Curieuse conception du progrès en matière de détention provisoire.
    M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 255.
    Mme Martine Billard. Je partage totalement les propos de mes deux collègues. Alors que la France est régulièrement condamnée pour des recours abusifs à la détention provisoire, les mesures que l'on nous propose aujourd'hui ne feront qu'aggraver la situation. Qui plus est, elles reviennent sur les dispositions de la loi du 9 juillet 1984, précisément introduites à l'occasion d'un débat sur les excès de la détention provisoire.
    Ajoutons qu'il en est des prisons comme des transports : plus on construit de routes, plus le trafic augmente ; plus on crée de prisons, plus le nombre de détentions s'accroît.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Dans ce cas, ne faisons plus de routes...
    Mme Martine Billard. Nos prisons sont déjà surpeuplées. On retrouve dans les mêmes cellules des gens qui ne sont pas encore passés en procès et des prisonniers déjà condamnés, d'où un mélange des genres qui ne peut qu'encourager la récidive. Le temps que vous construisiez de nouvelles prisons, cette surpopulation s'accroîtra encore. Les personnels de l'administration pénitentiaire nous ont pourtant alertés ces derniers temps sur le caractère explosif de la situation dans toutes les prisons françaises ; la seule solution que vous nous proposez, c'est de la rendre plus explosive encore ! Ce n'est pas une bonne proposition. Soyons responsables et prenons la mesure du problème. Il serait de bonne justice de retirer ces dispositions, ne serait-ce que pour éviter les explosions à répétition que nous avons connues il y a quelques années dans plusieurs prisons françaises.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable. La loi du 15 juin 2000 avait posé le principe de n'autoriser la détention provisoire qu'en cas d'atteinte aux biens entraînant une peine de prison ferme supérieure à cinq ans, ce plancher étant ramené à trois ans pour les atteintes aux personnes. Que s'est-il passé ? On s'est heurté à une multitude de difficultés avec des délinquants qui réitéraient leurs actes alors que la loi interdisait de réagir. L'ancienne majorité, par la loi du 4 mars 2002, a tenté d'adapter ces seuils...
    M. Julien Dray. Justement !
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Permettez-moi de vous lire, mes chers collègues, cette disposition de la loi du 4 mars 2002 : « La détention provisoire peut également être ordonnée ou prolongée à l'égard d'une personne mise en examen pour un délit prévu par le livre III du code pénal et puni d'une peine égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement si, dans les six mois qui précèdent, cette personne a déjà fait l'objet pour un délit puni d'une peine d'emprisonnement supérieure à deux ans... soit d'une mesure prévue aux articles 41-1 ou 41-2 - c'est-à-dire une mesure alternative aux poursuites - soit d'une poursuite pénale qui n'a pas été clôturée par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement. »
    Autant dire que la loi du 4 mars 2002, vous l'aurez tous compris, pose des problèmes d'application. C'est la raison pour laquelle le projet revient à une disposition extrêmement simple en ne retenant plus que le seuil de trois ans.
    Il ne s'agit absolument pas de revenir à ce qui existait avant la loi du 15 juin 2000, où la détention provisoire était encourue pour toute peine supérieure à deux ans d'emprisonnement, seuil ramené à un an en cas de flagrance. Là, ce sera trois ans dans tous les cas.
    Je partage tous les discours sur le thème « il y a trop de personnes en détention provisoire dans nos prisons ». C'est la stricte réalité et ce reproche est totalement fondé. Mais ce que vous proposez est le type même de la fausse bonne solution : elle revient à interdire au magistrat qui trouve en face de lui un délinquant d'avoir recours à la détention provisoire. La bonne solution consiste dans l'accélération des procédures. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Je sais, mes chers collègues, qu'il existe des cas de détention provisoire totalement scandaleux et indéfendables. Lorsqu'une personne est poursuivie pour crime et mise en détention provisoire, l'affaire fait généralement l'objet d'une instruction. Lorsque le juge d'instruction a fini son travail et signe la mise en accusation, c'est-à-dire lorsqu'il signifie à l'intéressé qu'il sera poursuivi devant une cour d'assises, que se passe-t-il ? La personne mise en accusation pour un crime se retrouve à attendre un an environ dans sa cellule. Attendre quoi ? Pas qu'on lui pose de nouvelles questions, l'instruction est finie ; simplement qu'on lui trouve un juge disponible pour la juger. Cela, c'est le type même de détention provisoire inacceptable. C'est à celle-là qu'il faut s'attaquer. Mais interdire au juge d'avoir un moyen de réagir à un comportement délinquant est, je le maintiens, totalement inadapté à la situation que nous vivons aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Richard Mallié. Ce serait de la démagogie !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Même avis que la commission.
    M. le président. La parole est à M. Julien Dray.
    M. Julien Dray. Notre rapporteur a beaucoup de talent...
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Vous le reconnaissez ! (Sourires.)
    M. Julien Dray. ... à tel point qu'il est d'ores et déjà capable, alors même que, ainsi que vous nous l'avez expliqué - mais vous venez seulement d'arriver et de prendre connaissance de la situation - que des dispositions mises en place seulement en mars posent problème, créent un blocage et par conséquent doivent être revues...
    Il nous avait fallu plusieurs mois pour évaluer l'application de la loi sur la présomption d'innocence avant d'y apporter un correctif en matière de détention provisoire, pour un cas bien particulier, et notre assemblée en avait longuement discuté en février : le cas de ceux qui, alors qu'ils faisaient déjà l'objet de procédures judiciaires, n'en continuaient pas moins à commettre des délits et, de ce fait, à poser problème à l'ensemble de la société. Aussi avons-nous mis en place un dispositif spécifique qui visait à permettre de placer en détention provisoire ces « réitérants », qui persistaient à s'attaquer aux biens d'autrui. Le but était de répondre à une situation bien particulière, fondée sur des cas concrets évoqués tant par les maires que par les forces de police.
    Aujourd'hui, nous vous proposons d'aller plus loin et de lever purement et simplement toutes les barrières. Or, vous le savez très bien, cette logique avait prévalu dans tout le débat sur la loi sur la présomption d'innocence : la facilité consiste à mettre systématiquement en détention provisoire. On aura beau inventer tous les dispositifs possibles pour accélérer les délais, ce n'est pas ainsi que les choses se passent dans la réalité : la réalité, c'est que la mise en détention provisoire est la solution de facilité.
    M. Claude Goasguen. Allons !
    M. Julien Dray. Monsieur Goasguen, la presse de ce matin publie tout un florilège de vos déclarations sur la détention provisoire.
    M. Claude Goasguen. Je n'y suis pas !
    M. Julien Dray. Un florilège des déclarations des uns et des autres sur la détention provisoire. Vous saviez quelle était la réalité, vous pouvez changer d'avis et revenir en arrière, mais vous savez très bien ce qui s'est passé et comment fonctionne notre système judiciaire. Vous savez très bien, vous étiez nombreux à nous le dire, que la détention provisoire était même un moyen d'instruction et que cela dénaturait sa fonction : la facilité, vers vingt et une heures ou vingt-deux heures, c'est de menacer le prévenu, s'il ne signe pas immédiatement ses aveux, que le fourgon est là, en bas, qui l'attend... Tout cela avait été dit dans cet hémicycle. Voilà pourquoi nous avions corrigé le dispositif de détention provisoire, car il était porteur d'énormes dérapages. Et voilà qu'après nous avoir dit tout ce que vous nous avez dit, alors que nous avons apporté la correction nécessaire,...
    M. Claude Goasguen. Non !
    M. Julien Dray. ... vous proposez purement et simplement de la supprimer, sans même l'évaluer pour savoir si elle posait problème ou non. Personne n'en a eu la possibilité, je n'ai vu aucun rapport, entendu aucune discussion là-dessus. Vous n'êtes jamais allés en parler concrètement avec les magistrats.
    M. Pierre Cardo. Nous avons eu l'occasion de discuter avec les magistrats bien avant que ne soit déposé ce texte.
    M. Julien Dray. Vous balayez tout cela d'un revers de main. On revient en arrière, c'est-à-dire qu'on rouvre la voie à une détention provisoire qui redeviendra, parce que c'est ainsi que cela va se passer, un moyen d'instruction, et qui sera vécue comme un drame par ceux auxquels on n'avait finalement rien à reprocher. Vous connaissez tous ce type de situation et ce que cela a représenté pour ceux qui se voient remis en liberté à l'issue d'une longue détention provisoire. Alors que nous avions mis en place des dispositifs de sécurité, non seulement vous reniez toutes vos interventions précédentes,...
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C'est faux !
    M. Julien Dray. ... mais vous rouvrez la voie à l'utilisation systématique de la détention provisoire comme moyen d'instruction.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C'est faux !
    M. le président. La parole est à M. Xavier de Roux.
    M. Xavier de Roux. Monsieur le garde des sceaux, je suis extrêmement réservé sur cet article. Le débat sur la détention provisoire en France est long, compliqué et chacun s'est accordé sur le fait que sa durée devait rester dans des limites raisonnables, ce qui suppose que les investigations menées par les juges d'instruction doivent elles aussi être menées dans un temps raisonnable.
    Or l'expérience prouve que plus on permet aux juges d'instruction d'allonger leurs délais, plus ils vont au bout du processus et sont tentés de les rallonger encore... On sait comment fonctionne dans la pratique la chambre de l'instruction notamment à Paris : dans 98 % des cas, les demandes des juges d'instruction sont satisfaites par la chambre de l'instruction. Je crains fort que l'on n'entre de nouveau dans un mécanisme d'allongement de cette détention provisoire au-delà du raisonnable, ce que nous reprochent d'ailleurs les instances chargées d'appliquer les conventions internationales que nous avons nous-mêmes signées.
    Prudence, mes chers collègues ! Ce mécanisme, nous le savons bien, est évidemment demandé par les magistrats instructeurs, mais c'est un mécanisme dangereux.
    M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.
    M. Claude Goasguen. Je partage tout à fait l'état d'esprit qui sous-tend cet article. Lorsque nous avons discuté de la présomption d'innocence, nous avons essayé, par des dispositions législatives portant sur le fond du droit, de raccourcir les délais de détention provisoire. En réalité, nous nous sommes trompés d'objectif.
    M. Julien Dray. Ah ?
    M. Claude Goasguen. Pourquoi ? Parce que je ne crois pas que le problème porte sur le fond du droit. Nous n'arriverons jamais à rédiger un article suffisamment savant pour couvrir tous les cas et les délais d'instruction qui, par nature, varient en fonction des affaires traitées. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle vous avez vous-mêmes dû apporter des corrections...
    M. Julien Dray. Pour un seul cas !
    M. Claude Goasguen. ... après vous être aperçu que ces dispositions pouvaient entraîner des abus parfois dramatiques. La raison de tout cela, c'est que nous n'arriverons vraisemblablement pas à gérer cette affaire par un texte législatif.
    Cela dit, monsieur le garde des sceaux, il faudra bien un jour se décider à poser le problème franchement et frontalement.
    M. Xavier de Roux et M. Jean-Marie Le Guen. Bien sûr !
    M. Claude Goasguen. Il est posé dans toute l'Europe : c'est le problème du « délai raisonnable ». Il faut dire les choses telles qu'elles sont : je sais bien que l'expression « délai raisonnable » est porteuse de connotations polémiques. Mais c'est un problème général de notre justice. Il nous vaut d'être très régulièrement condamnés par les cours européennes.
    M. Jean-Marie Le Guen. Absolument !
    M. Claude Goasguen. Est-ce la peine d'inventer des usines à gaz qui ne feront qu'entraîner des abus calamiteux ? Non. Il faudra, tôt ou tard, avoir le courage de poser devant cette assemblée la question des délais raisonnables d'instruction. L'Europe les fixe à quatre ou cinq ans à peu près. Tôt ou tard, nous devrons bien nous résoudre à nous mettre à la norme européenne et cesser de compliquer notre droit pour n'aboutir finalement qu'à l'inverse du résultat souhaité,...
    M. Julien Dray. Autrement dit, vous êtes contre l'article !
    M. Claude Goasguen. ... faute d'avoir osé poser la question du délai de l'instruction.
    M. le président. Je mets aux voix les amendements n°s 114 et 255.
    (Les amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. M. Vaxès et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 52, ainsi rédigé :
    « Supprimer le 1° de l'article 22. »
    La parole est à M. Michel Vaxès.
    M. Michel Vaxès. Les motivations de cet amendement rejoignent les préoccupations exprimées par mes collègues de l'opposition sur les deux amendements précédents. La réécriture de l'article L. 137-4 inverse totalement le principe de la présomption d'innocence. Et n'allez pas soutenir, monsieur Goasguen, que ce n'est pas une question de fond : conformément à ce principe, c'est lorsqu'il est porté atteinte à la liberté de l'individu que le juge doit motiver expressément sa décision, et non lorsqu'il est en désaccord avec le ministère public.
    C'est la raison qui nous conduit à proposer, à soutenir et à défendre l'amendement n° 52.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Avis défavorable également du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux, ministre de la justice. Egalement.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 52.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 176 et 280 pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 176, présenté par M. Warsmann, rapporteur, est ainsi rédigé :
    « I. - Dans la dernière phrase du dernier alinéa du 5° de l'article 22, substituer aux mots : "des libertés et de la détention, les mots : "d'instruction.
    « II. - En conséquence, dans la deuxième phrase du dernier alinéa du 6° de ce même article, procéder à la même substitution. »
    L'amendement n° 280, présenté par M. Garraud, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi la dernière phrase du dernier alinéa du 5° de l'article 22 :
    « La chambre de l'instruction, devant laquelle la comparution personnelle du mis en examen est de droit, est saisie par ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention selon les modalités prévues par le dernier alinéa de l'article 137-1, et elle statue conformément aux dispositions des articles 144, 144-1, 145-3, 194, 197, 198, 199, 200, 206 et 207. »
    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 176.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. L'amendement n° 176 a pour but de simplifier la procédure de prolongation exceptionnelle de la détention provisoire. Cela dit, la commission l'a adopté sans avoir pu examiner l'amendement n° 280. J'attends de connaître la position du Gouvernement pour savoir lequel de ces deux amendements concurrents mérite d'être adopté.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Garraud, pour présenter l'amendement n° 280.
    M. Jean-Paul Garraud. L'amendement n° 280 tend effectivement à préciser les conditions de la prolongation, à titre exceptionnel, de la détention provisoire par la chambre d'instruction, en énumérant de façon beaucoup plus complète les articles applicables, la seule référence à l'article 207 étant insuffisante. A noter que l'amendement n° 270 traite de la procédure correctionnelle ; l'amendement suivant, n° 294, fait de même pour la procédure criminelle.
    Le renvoi à l'article 137-1 signifie que le juge des libertés et de la détention sera saisi par le juge d'instruction, après réquisitions du parquet, comme pour les prolongations précédentes.
    Le renvoi aux articles 144, 144-1 et 145-3 signifie que la chambre de l'instruction devra motiver sa décision de prolongation par référence à ces dispositions, applicables à pour les précédentes prolongations.
    Enfin, le renvoi aux articles 194 à 207 signifie que les règles procédurales prévues par ces articles sont applicables.
    Cet amendement, tout comme le suivant, apparaît finalement comme un amendement de complément.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Le Gouvernement considère que les réécritures proposées par M. Garraud sont les bonnes. La solution la plus sage serait que la commission retire son amendement et que l'Assemblée retienne l'amendement n° 280.
    M. le président. Monsieur le rapporteur, retirez-vous l'amendement de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. L'amendement 176 est retiré et je donne un avis favorable à l'amendement n° 280.
    M. le président. L'amendement n° 176 est retiré.
    Je mets aux voix l'amendement n° 280.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Garraud a présenté un amendement, n° 294, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi la deuxième phrase du dernier alinéa du 6° de l'article 22 :
    « La chambre de l'instruction, devant laquelle la comparution personnelle du mis en examen est de droit, est saisie par ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention selon les modalités prévues par le dernier alinéa de l'article 137-1, et elle statue conformément aux dispositions des articles 144, 144-1, 145-3, 194, 197, 198, 199, 200, 206 et 207. »
    La parole est à M. Jean-Paul Garraud.
    M. Jean-Paul Garraud. Cet amendement vient d'être défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Favorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 294.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Deprez a présenté un amendement, n° 242, ainsi libellé :
    « Compléter l'article 22 par les deux alinéas suivants :
    « 8° Le deuxième alinéa de l'article 137-1 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
    « Le juge des libertés et de la détention est un magistrat du siège, désigné par le tribunal de grande instance. Lorsqu'il statue sur la détention ou le contrôle judiciaire d'une personne mise en examen par un juge d'instruction, il doit avoir, au moins, rang de vice-président. Lorsqu'il statue, à l'issue d'un débat contradictoire, il est assisté d'un greffier. »
    La parole est à M. Léonce Deprez.
    M. Léonce Deprez. Le caractère particulièrement grave de la décision de mise en détention a poussé les auteurs de la loi du 15 juin 2000 à mettre en place une forme de collégialité et à donner au juge des libertés et de la détention un rang de vice-président. Mais la nécessité de mobiliser un vice-président pour les tâches annexes du juge des libertés pose de lourds problèmes de gestion, ce qui me ramène à l'observation de tout à l'heure : il faut rendre la justice plus rapide et ne pas alourdir la tâche des vice-présidents, car ils sont moins nombreux que les juges. Mon amendement n° 242 n'a d'autre but que d'alléger la tâche des vice-présidents et de limiter leur responsabilité au contentieux de la détention.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. L'amendement de votre collègue n'a pas été examiné par la commission. Je m'exprimerai donc à titre personnel. Il pose un véritable problème de fond dans la mesure où il propose que certaines compétences confiées aux juges des libertés et de la détention ne soient plus confiées systématiquement à un vice-président. Or ces compétences appartenaient initialement au président du tribunal. J'émets donc un avis défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable, pour les raisons qui viennent d'être indiquées par M. Warsmann.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 242.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 22, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 22, ainsi modifié, est adopté.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Cet après-midi, à quinze heures, deuxième séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d'urgence, n° 154, d'orientation et de programmation pour la justice.
    M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 157) ;
    M. Jacques Pélissard, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (avis n° 158).
    A vingt et une heures, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT