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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU JEUDI 10 JUILLET 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
1re séance du mercredi 9 juillet 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE
de Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER

1.  Rappel au règlement «...».
M. André Gerin, Mme la présidente.
2.  Maîtrise de l'immigration et séjour des étrangers en France. - Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi «...».

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) «...»
Article 17 «...»

Amendement n° 87 de la commission des lois : MM. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois ; Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. - Adoption.
Amendement n° 88 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 392 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 160 de Mme Colot : Mme Maryse Joissains-Masini, MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 393 de la commission. - Adoption.
Amendement n° 262 rectifié de M. Caresche : MM. Christophe Caresche, le rapporteur. - Retrait.
Adoption de l'article 17 modifié.

Article 18 «...»

Amendement de suppression n° 229 de M. Mamère : MM. Noël Mamère, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 265 de M. Caresche : MM. Christophe Caresche, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article 18.

Après l'article 18 «...»

Amendement n° 230 de M. Mamère : MM. Noël Mamère, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Article 19 «...»

MM. Christophe Caresche, Jean-Christophe Lagarde, le ministre.
Amendement de suppression n° 319 de M. Braouezec : MM. André Gerin, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 89 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 19 rectifié de M. Scellier : MM. François Scellier, le rapporteur, le ministre, Noël Mamère, Jean-Christophe Lagarde, Etienne Pinte. - Adoption.
Amendement n° 266 de M. Caresche : MM. Christophe Caresche, le ministre, le rapporteur, Noël Mamère, Manuel Valls. - Rejet.
Amendement n° 90 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 267 de M. Caresche : MM. Christophe Caresche, le rapporteur. - Rejet.
Amendement n° 394 de la commission : M. le rapporteur. - Adoption.
Amendement n° 268 de M. Caresche : MM. Christophe Caresche, le rapporteur. - Rejet.
Amendement n° 91 de la commission : M. le rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article 19 modifié.

Après l'article 19 «...»

Amendement n° 92 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre, André Gerin. - Adoption.
Amendement n° 93 de la commission, avec le sous-amendement n° 474 de M. Goasguen : MM. le rapporteur, le ministre, Christian Estrosi. - Adoption du sous-amendement n° 474 corrigé et de l'amendement n° 93 modifié.

Article 20 «...»

Amendements n°s 269 de M. Caresche, 429 de M. Mamère et 187 de M. Pinte : MM. Christophe Caresche, Noël Mamère, Etienne Pinte, le rapporteur. - Rejets.
Amendement n° 231 de M. Mamère : M. Noël Mamère. - Rejet.
Adoption de l'article 20.

Article 21 «...»

Amendement n° 395 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 188 de M. Pinte : MM. Etienne Pinte, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 232 de M. Mamère : MM. Noël Mamère, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 295 de Mme Gautier : MM. Christophe Caresche, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 419 de M. Pinte : MM. Etienne Pinte, le rapporteur. - Rejet.
Adoption de l'article 21 modifié.

Après l'article 21 «...»

Amendement n° 320 de M. Braouezec : MM. André Gerin, le rapporteur. - Rejet.
Amendement n° 321 de M. Braouezec : MM. André Gerin, le rapporteur. - Rejet.

Article 22 «...»

MM. André Gerin, Noël Mamère, le ministre.
Amendement n° 189 de M. Pinte : MM. Etienne Pinte, le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Les amendements n°s 391 de M. Cardo, 271 corrigé de M. Caresche et 322 de M. Braouezec n'ont plus d'objet.
Amendements n°s 372 de M. Cardo et 379 de M. Mourrut : MM. Pierre Cardo, Etienne Mourrut, le rapporteur, le ministre. - Retrait de l'amendement n° 372 ; adoption de l'amendement n° 379.
Amendement n° 323 de M. Braouezec : MM. André Gerin, le rapporteur, Jean-Christophe Lagarde. - Rejet.
Amendement n° 270 de M. Blisko : M. Christophe Caresche. - Rejet.
Amendement n° 324 de M. Braouezec : MM. André Gerin, le rapporteur. - Rejet.
Amendement n° 396 de la commission : M. le rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article 22 modifié.

Article 23. - Adoption «...»
Article 24 «...»

MM. Jean-Pierre Grand, le ministre, Pascal Clément, président de la commission des lois ; Christophe Caresche, le rapporteur, Noël Mamère, Etienne Pinte, Jean-Christophe Lagarde, Patrick Braouezec, Christian Vanneste.
Amendements n°s 191 et 190 de M. Pinte et 272 de M. Caresche : MM. Etienne Pinte, Manuel Valls, le rapporteur. - Rejets.
Amendement n° 297 de M. Myard : MM. Jacques Myard, le ministre, Etienne Pinte. - Retrait.
Amendement n° 298 de M. Myard. - Retrait.
Amendements n°s 273 de M. Caresche, 192 et 196 de M. Pinte : MM. Christophe Caresche, Etienne Pinte, le rapporteur, le ministre. - Rejets.
Amendement n° 325 de M. Braouezec et amendements identiques n°s 193 de M. Pinte et 274 de M. Caresche : MM. Patrick Braouezec, Etienne Pinte, Christophe Caresche, le rapporteur. - Rejets.
Amendement n° 326 de M. Braouezec : MM. Patrick Braouezec, le rapporteur. - Rejet.
Amendement n° 194 de M. Pinte : M. le rapporteur. - Rejet.
Amendement n° 94 de la commission. - Adoption.
Amendements identiques n°s 195 de M. Pinte et 275 de M. Caresche : MM. Etienne Pinte, Christophe Caresche, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements n°s 197 de M. Pinte et 327 de M. Braouezec : MM. Etienne Pinte, Patrick Braouezec, le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement n° 197 ; l'amendement n° 327 n'a plus d'objet, non plus que les amendements n°s 420 de M. Pinte et 328 de M. Braouezec.
Adoption de l'article 24 modifié.

Article 25 «...»

Amendement de suppression n° 233 de M. Mamère : MM. Noël Mamère, le rapporteur. - Rejet.
Adoption de l'article 25.

Article 26 «...»

Amendement n° 95 rectifié de la commission, avec le sous-amendement n° 465 de M. Perruchot : MM. le rapporteur, Jean-Christophe Lagarde, le rapporteur, le ministre. - Adoption du sous-amendement n° 465 et de l'amendement n° 95 rectifié et modifié.
Amendement n° 96 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 97 rectifié de la commission : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article 26 modifié.

Article 27 «...»

Amendement n° 98 de la commission : M. le rapporteur. - Adoption.
Amendement n° 99 de la commission : M. le rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article 27 modifié.

Article 28 «...»

MM. Jean-Christophe Lagarde, Noël Mamère.
Amendements de suppression n°s 234 de M. Mamère et 330 de M. Braouezec : MM. Noël Mamère, André Gerin, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements n°s 167 et 168 de M. Goasguen et 347 de M. Perruchot : MM. Claude Goasguen, Jean-Christophe Lagarde. - Retrait des amendements n°s 167 et 347.
MM. le rapporteur, le ministre, Christophe Caresche. - Adoption de l'amendement n° 168.
Amendements n°s 36 de M. Mourrut et 169 de M. Goasguen : MM. Etienne Mourrut, Claude Goasguen, le rapporteur, le ministre. - Retraits.
Amendement n° 348 de M. Perruchot : MM. Jean-Christophe Lagarde, le rapporteur, le ministre, Christophe Caresche. - Rejet.

PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES

Amendement n° 37 de M. Mourrut : MM. EtienneMourrut, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 38 de M. Mourrut : MM. EtienneMourrut, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 20 de M. Léonard : MM. Gérard Léonard, le rapporteur, Noël Mamère, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 100 de la commission, avec les sous-amendements n°s 455 de M. Perruchot et 412 de M. Mamère : MM. le rapporteur, le ministre, Noël Mamère, Christophe Caresche, Jean-Christophe Lagarde, Etienne Pinte. - Adoption des sous-amendements n°s 455 rectifié et 412 et de l'amendement n° 100 modifié.
Amendement n° 329 de M. Braouezec : MM. Patrick Braouezec, le rapporteur. - Rejet.
Amendements n°s 3 de M. Bourg-Broc et 101 rectifié de la commission : MM. Christian Vanneste, le rapporteur, le ministre. - Rejet de l'amendement n° 3 ; adoption de l'amendement n° 101 rectifié.
Amendement n° 102 de la commission : MM. le rapporteur, le ministre, Christophe Caresche. - Adoption.
Adoption de l'article 28 modifié.

Article 29. - Adoption «...»

3.  Modification de l'ordre du jour prioritaire «...».
4.  Maîtrise de l'immigration et séjour des étrangers en France. - Reprise de la discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi «...».

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) «...»
Article 30 «...»

Amendement de suppression n° 235 de M. Mamère : MM. Noël Mamère, Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois. - Rejet.
Amendement n° 103 de la commission : M. le rapporteur. - Adoption.
Amendement n° 331 de M. Braouezec : MM. Patrick Braouezec, le rapporteur. - Rejet.
Amendement n° 104 de la commission : M. le rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article 30 modifié.

Article 31 «...»

Amendement n° 105 de la commission : M. le rapporteur. - Adoption.
Amendement n° 373 de M. Cardo : MM. Claude Goasguen, le rapporteur. - Rejet.
Adoption de l'article 31 modifié.

Article 32 «...»

Amendement de suppression n° 236 de M. Mamère : MM. Noël Mamère, le rapporteur. - Rejet.
Amendement n° 397 de la commission : M. le rapporteur. - Adoption.
Amendement n° 398 de la commission : M. le rapporteur. - Adoption.
Amendement n° 399 de la commission : M. le rapporteur. - Adoption.
Amendement n° 332 de M. Braouezec : MM. Patrick Braouezec, le rapporteur. - Rejet.
Amendement n° 425 de M. Perruchot : M. le rapporteur. - Rejet.
Adoption de l'article 32 modifié.

Article 33 «...»

MM. Noël Mamère, Etienne Pinte.
Amendements de suppression n°s 237 de M. Mamère et 276 de M. Caresche : MM. Noël Mamère, Christophe Caresche, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ; le rapporteur, Christian Estrosi, André Gerin. - Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
5.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE
DE Mme PAULETTE GUINCHARD-KUNSTLER,
vice-présidente

    Mme la présidente. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

RAPPEL AU RÈGLEMENT

    M. André Gerin. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    Mme la présidente. Sur quel article ce rappel au règlement est-il fondé, monsieur Gerin ?
    M. André Gerin. Sur l'article 58, alinéa...
    Mme la présidente. Alinéa 1, sans doute.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Vous lui avez soufflé, madame la présidente ! (Sourires.)
    M. André Gerin. Oui, c'est cela, madame la présidente.
    Monsieur le ministre de l'intérieur, vous avez attiré mon attention sur le souci que nous devons avoir de la police, compte tenu du rôle qui est le sien pour assurer l'ordre républicain et le respect des valeurs de cette République, et cette opinion est certainement partagée par l'ensemble des élus de notre assemblée. Cependant, au-delà de cette attitude que nous devons avoir d'un point de vue général vis-à-vis de la police, il est évident que, comme vous l'avez dit vous-même, quand il y a des problèmes, il faut absolument réagir et faire respecter le caractère exemplaire qui doit être celui de la police dans le cadre de la République.
    C'est pourquoi je me permets d'attirer votre attention sur certains propos du Syndicat national des officiers de police, selon lesquels la ville de Bagneux serait une commune bananière. Je ne pense pas qu'une telle déclaration aille dans le sens du respect des valeurs républicaines que vous prônez. Il me semble donc important dans cet esprit de vous demander ce que vous comptez faire face à de tels comportements.
    Mme la présidente. Je prends acte de cette demande, monsieur Gerin.

2

MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION
ET SÉJOUR DES ÉTRANGERS EN FRANCE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence,
d'un projet de loi

    Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France (n°s 823, 949).

Discussion des articles (suite)

    Mme la présidente. Hier soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles et s'est arrêtée à l'article 17.

Article 17

    Mme la présidente. Je rappelle les termes de l'article 17 :
    « Art. 17. - Il est créé un article 21 bis rédigé comme suit :
    « Art. 21 bis. - I. - Les infractions au I de l'article 21 sont punies de dix ans d'emprisonnement et de 750 000 euros d'amende :
    « 1° Lorsqu'elles sont commises en bande organisée ;
    « 2° Lorsqu'elles ont pour effet ou sont susceptibles, par les moyens utilisés, de mettre en danger la vie des étrangers ;
    « 3° Lorsqu'elles ont pour effet de soumettre les étrangers à des conditions de vie, de transport, de travail ou d'hébergement incompatibles avec la dignité de la personne humaine.
    « II. - Outre les peines complémentaires prévues au II de l'article 21, les personnes physiques condamnées au titre des infractions visées au I du présent article encourent également la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie de leurs biens quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis.
    « III. - Les étrangers condamnés au titre de l'un des délits prévus au I du présent article encourent également l'interdiction définitive du territoire français, dans les conditions et sous les réserves des dispositions prévues par les articles 131-30 à 131-30-2 du code pénal. »
    M. Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, a présenté un amendement, n° 87, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le premier alinéa de l'article 17 :
    « Il est inséré, après l'article 21 de l'ordonnance précitée, un article 21 bis ainsi rédigé : ».
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Amendement rédactionnel.
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 87.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 87.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 88, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le 2° du I du texte proposé pour l'article 21 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 :
    « 2° Lorsqu'elles sont commises dans des circonstances qui exposent directement les étrangers à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ; ».
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Dans un souci de cohérence avec le code pénal, il convient de modifier la définition proposée pour la circonstance de mise en danger de la vie d'autrui, afin de reprendre mot pour mot la rédaction de l'article 225-4-2 du code pénal, issue de l'article 32 de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 88.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 392, ainsi rédigé :
    « Compléter le I du texte proposé pour l'article 21 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 par l'alinéa suivant :
    « 4° Lorsqu'elles sont commises au moyen d'une habilitation ou d'un titre de circulation en zone réservée d'un aérodrome. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Cet amendement, relativement important, crée une nouvelle circonstance aggravante de l'infraction d'aide à l'entrée et au séjour irréguliers, lorsque celle-ci est commise au moyen des documents nécessaires à l'entrée et à la circulation en zone réservée des aéroports.
    En clair, mes chers collègues, cet amendement vise à sanctionner les détenteurs de badges de sécurité dans les aéroports, qui, en commettant l'infraction mentionnée, en font un usage contraire à la mission qui leur est confiée, ou utilisent ce badge pour une mission qui n'est pas celle prévue à l'origine.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis que précédemment.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 392.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. Mme Colot a présenté un amendement, n° 160, ainsi rédigé :
    « Compléter le I du texte proposé pour l'article 21 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 par l'alinéa suivant :
    « 4° Lorsqu'elles ont comme effet pour des mineurs étrangers de les éloigner de leur milieu familial ou de leur environnement traditionnel. »
    La parole est à Mme Maryse Joissains-Masini.
    Mme Maryse Joissains-Masini. Nous sommes là dans le domaine de la traite des êtres humains et des sanctions qui s'y appliquent. Cet amendement s'attache au trafic des mineurs, qu'il convient de différencier de la traite et de l'exploitation de l'être humain, comme le prouve le nombre considérable de mineurs livrés à eux-mêmes dans nos rues. Les mineurs isolés étrangers, qui sont arrivés au nombre de plus de cinq mille en 2002, font l'objet de l'attention des réseaux qui ne s'intéressent qu'à leur transit, exploitant l'illusion d'un eldorado, profitant de leur naïveté et de leur pauvreté.
    Le phénomène des mineurs isolés étrangers ne ressortit pas tant de la traite que du trafic - celui-ci peut cependant être la première étape de la traite -, contre lequel nous devons nous donner les moyens d'agir avant que des régions ne soient dépeuplées de leur jeunesse et qu'un certain nombre de mineurs et d'individus soient condamnés à l'errance et à l'abandon.
    J'ajoute que ce phénomène conduit souvent à la pédophilie puisque ces jeunes, livrés à eux-mêmes dans nos villes, finissent par trouver des « protecteurs » et la plupart du temps cela tourne mal.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. La commission est particulièrement favorable à cet amendement de Mme Colot, que vient de défendre Mme Maryse Joissains-Masini. Il appelle en effet notre attention sur le cas des mineurs isolés qui se pose de plus en plus fréquemment et qui est très préoccupant et très complexe. A cet égard, la création d'une infraction aggravée pour le trafic des mineurs isolés est un élément de réponse pertinent.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 160.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 393, ainsi rédigé :
    « Dans le III du texte proposé pour l'article 21 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, supprimer les mots : "et sous les réserves des dispositions. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Rédactionnel.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets au voix l'amendement n° 393.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Caresche, M. Blisko et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 262 rectifié, ainsi rédigé :
    « Compléter le texte proposé pour l'article 21 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 par le paragraphe suivant :
    « IV. - Sans préjudice de l'article 19 ne peut donner lieu à des poursuites pénales sur le fondement du présent article l'infraction commise par :
    « 1° des ascendants ou descendants de l'étranger, de leur conjoint, des frères et soeurs de l'étranger ou de leur conjoint ;
    « 2° du conjoint de l'étranger, ou de la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui ;
    « 3° de toute personne physique ou morale, lorsque l'acte reproché était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de l'étranger, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace. »
    La parole est donnée à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Cet amendement vise à préciser que les membres proches d'une famille ne peuvent être considérés comme faisant partie d'une bande organisée. Mais je me demande s'il n'est pas satisfait par ailleurs.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Cet amendement est effectivement satisfait, monsieur Caresche. Si les personnes sont protégées pour l'infraction simple, elles le sont, a fortiori, pour l'infraction aggravée.
    Mme la présidente. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Caresche ?
    M. Christophe Caresche. Non, je le retire, madame la présidente.
    Mme la présidente. L'amendement n° 262 rectifié est retiré.
    Je mets aux voix l'article 17, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 17, ainsi modifié, est adopté.)

Article 18

    Mme la présidente. « Art. 18. - L'article 21 ter de la même ordonnance est modifié comme suit :
    « I. - Au premier alinéa, les mots : "de l'infraction à l'article 21 sont remplacés par les mots : "des infractions prévues aux articles 21 et 21 bis de la présente ordonnance.
    « II. - Il est ajouté un dernier alinéa ainsi rédigé :
    « En cas de condamnation pour les infractions prévues au I de l'article 21 bis, le tribunal pourra prononcer la confiscation de tout ou partie des biens des personnes morales condamnées, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis. »

    M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet ont présenté un amendement, n° 229, ainsi rédigé :
    « Supprimer l'article 18. »
    La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Compte tenu de l'amendement présenté par mes collègues Caresche et Blisko et sous-amendé par la majorité et l'opposition, qui a été adopté hier, je ne sais pas si cet amendement est encore fondé.
    Il s'agissait de dire que, dans la mesure où les associations apportant une aide aux étrangers ne sont pas à l'abri de poursuites pénales, elles sont directement concernées par l'aggravation des peines qui nous est proposée. De plus, la confiscation de bien indivis sans indemnisation, telle que prévue à l'article 18 contient une atteinte au droit de propriété et devrait, de ce fait, être déclarée inconstitutionnelle. C'est en ce sens que nous proposons la suppression de cet article 18.
    Nous le savons, ce projet de loi a suscité des protestations de la part d'un certain nombre d'associations et de personnalités qui ont lancé un appel contre la création d'un « délit de solidarité ». Notre devoir consiste précisément à mettre à l'abri ces associations à but non lucratif qui font un travail formidable. Je pense au MRAP, à la CIMADE, au GISTI, entre autres.
    M. Jean-Pierre Grand. La CIMADE rassemble de dangereux gauchistes !
    M. Noël Mamère. Je pense également au Secours catholique. Il serait dramatique de mettre ces associations dans le même sac que les mafieux qui organisent des réseaux clandestins et qui profitent de ces damnés de la terre.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Monsieur Mamère, vos craintes sont légitimes, mais non fondées. Nous avons longuement débattu de ce problème hier soir et nous avons adopté, avant de lever la séance, un amendement de notre collègue Caresche, que vous avez vous-même sous-amendé, qui va protéger les associations. Les risques auxquels vous avez fait allusion n'existent vraiment plus. Avis défavorable.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis que la commission.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 229.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Caresche, M. Blisko et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 265, ainsi rédigé :
    « Supprimer le II de l'article 18. »
    La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Il s'agit de supprimer le II de l'article 18 qui prévoit la confiscation des biens d'une personne morale qui aurait soutenu des immigrés en situation irrégulière.
    L'article 21 ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945 prévoit déjà, en effet, la possibilité de prononcer la peine complémentaire prévue à l'article 131-39 1° du code pénal qui conduit à la dissolution de la personne morale lorsqu'elle a été créée « pour commettre les faits incriminés ». Cette sanction est en soi suffisante. Ajouter la peine de confiscation « de tout ou partie des biens de la personne morale » présente un risque sérieux de créer une peine assimilable à une « dissolution judiciaire » puisque la personne morale peut se voir privée de tous ces moyens de fonctionnement sans pourtant exiger qu'elle ait été constituée « pour commettre les faits incriminés ».
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement vise à supprimer la possibilité de confisquer les biens des personnes morales. Or la structure et le mode opératoire des réseaux de criminalité organisée impliqués dans l'immigration clandestine rendent cette peine nécessaire. Elle est déjà prévue par le code pénal pour le trafic de stupéfiants afin de s'attaquer véritablement aux profits générés par les filières d'immigration clandestine. De plus, je vous le rappelle une fois encore, l'amendement que nous avons adopté hier permet de protéger les associations contre cette peine au cas où elles commettraient l'infraction au motif de l'état de nécessité.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Caresche, il est trois cas dans lesquels une association peut se voir confisquer ses biens. Il faut :
    Soit que l'association en cause mette en danger la vie des étrangers. Cela découle de la convention de Palerme. Or qui peut penser que le GISTI, par exemple, pourrait mettre en danger la vie des étrangers ? Aucune des associations avec lesquelles nous travaillons n'est concernée.
    Soit que l'association soumette les étrangers à des conditions de vie, de transport, de travail, d'hébergement contraires à la dignité humaine, par exemple les transporter dans des camions frigorifiques sans aération ou les jeter à fond de cale comme cela est fréquemment constaté sur les côtes italiennes. Or qui pourrait penser que le GISTI ou une autre association peut être concernée ?
    Soit que l'association agisse en bande organisée, notion qui fait l'objet d'une définition juridique très précise.
    M. Noël Mamère. Non ! Elle est floue !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Cela n'est pas du tout une injure. Enfin, cela dépend pour qui, monsieur Mamère, et j'espère que vous ne vous sentez pas visé. (Sourires.)
    M. Noël Mamère. Non, mais sur le plan juridique, la notion est floue.
    M. Jean-Christophe Lagarde. M. Mamère est une bande désorganisée !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. « Bande », peut-être, mais « organisée » est de trop, monsieur Mamère ! Je vous le dis en toute amitié ! (Sourires.)
    M. Noël Mamère. Je ne pense pas être une bande organisée à moi tout seul ! Et même à trois députés, nous pouvons nous réunir dans une cabine téléphonique !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Etant devant l'Assemblée nationale, je tiens à donner des éléments juridiques précis.
    Ainsi pour qu'il y ait bande organisée, il faut du matériel et des moyens mis en commun, une concertation, de la préméditation et, comme toujours en matière pénale, une volonté de violer la loi. Vous savez en effet que la différence entre le pénal et le civil repose sur la claire conscience que l'on est dans l'illégalité, sur l'intentionnalité.
    Or qui pourrait considérer que les associations avec lesquelles nous travaillons seraient concernées par cela ?
    En revanche, pourquoi ne traiterions-nous pas tous ceux qui se conduisent ainsi, comme nous nous en prenons aux trafiquants de drogue, c'est-à-dire en saisissant leurs biens non seulement pour les punir, mais aussi pour qu'ils ne recommencent pas à exploiter la misère humaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme Maryse Joissains-Masini. Tout à fait !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Avis défavorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 265.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 18.
    (L'article 18 est adopté.)

Après l'article 18

    Mme la présidente. M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet ont présenté un amendement, n° 230, ainsi rédigé :
    « Après l'article 18, insérer l'article suivant :
    « Toute personne physique ou morale qui pourra prouver qu'elle apporte une aide désintéressée aux étrangers en situation irrégulière bénéficiera d'une immunité quant aux peines prévues aux articles 15 à 18 ».
    La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Il s'agit d'un amendement de précaution. Selon nous, en effet, il convient de réaffirmer avec force la nécessité d'introduire dans le projet de loi une clause que l'on pourrait qualifier d'humanitaire visant à immuniser pénalement les personnes physiques et morales qui apportent une aide désintéressée aux étrangers en situation irrégulière.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Cet amendement est déjà satisfait !
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Peut-être pourriez-vous retirer cet amendement, M. Mamère, car il a effectivement été satisfait par l'adoption hier de l'amendement n° 261 de M. Caresche.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est exact !
    M. François Goulard. Absolument !
    Mme la présidente. L'avis du Gouvernement est-il identique ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Oui, madame la présidente !
    Mme la présidente. Retirez-vous votre amendement, monsieur Mamère ?
    M. Noël Mamère. Je le maintiens.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 230.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 19

    Mme la présidente. « Art. 19. - Après l'article 21 ter de la même ordonnance, il est inséré un article 21 quater ainsi rédigé :
    « Art. 21 quater. - I. - Le fait de contracter un mariage dans un but étranger à l'union matrimoniale et aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.
    « Ces mêmes peines sont applicables en cas d'organisation ou de tentative d'organisation d'un mariage aux mêmes fins. Elles sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée.
    « Les personnes physiques coupables de l'une ou de l'autre des infractions visées au présent article encourent également les peines complémentaires suivantes :
    « 1° L'interdiction de séjour pour une durée de cinq ans au plus ;
    « 2° L'interdiction du territoire français, dans les conditions et sous les réserves prévues par les articles 131-38 à 131-30-2 du code pénal, pour une durée de dix ans au plus ou à titre définitif ;
    « 3° L'interdiction pour une durée de cinq ans au plus d'exercer l'activité professionnelle ou sociale à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise, sous les réserves mentionnées à l'article 131-27 du code pénal.
    « Les personnes physiques condamnées au titre de l'infraction visée au troisième alinéa du I du présent article encourent également la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie de leurs biens, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis.
    « II. - Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, des infractions prévues aux deuxième et troisième alinéas du I ci-dessus.
    « Les peines encourues par les personnes morales sont :
    « 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ;
    « 2° Les peines mentionnées aux 1°, 2°, 3°, 4°, 5° et 9° de l'article 131-39 du code pénal ;
    « L'interdiction visée au 2° de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ;
    « 3° La confiscation de tout ou partie des biens des personnes morales condamnées, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis. »
    Plusieurs orateurs sont inscrits sur cet article.
    M. Claude Goasguen a renoncé.
    La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Cet article est l'une des premières dispositions traitant du mariage, en fait la deuxième, parce que nous avons examiné auparavant l'allongement de un à deux ans du délai nécessaire à l'obtention d'un titre de séjour pour le conjoint d'un citoyen français. Il porte création d'un délit spécifique pour mariage de complaisance.
    Je ne reprendrai pas tous les arguments que j'ai développés en défendant l'exception d'irrecevabilité, mais je tiens à souligner que nous reconnaissons évidemment l'existence de fraudes en la matière. Il faut donc les sanctionner et dissuader ceux qui seraient tenter d'y recourir. A cet égard, la création de ce délit ne nous pose aucun problème de principe : nous acceptons donc l'idée d'introduire dans l'arsenal juridique français un délit spécifique de mariage simulé.
    En fait, nous sommes surtout inquiets du fait que cette disposition s'ajoute à d'autres, en particulier à celle qui tend à renforcer fortement le contrôle du mariage par les maires, au point d'ailleurs de mettre en cause, à notre avis, le principe de la liberté du mariage. Nous nous demandons donc si vous ne mettez pas en oeuvre des moyens totalement disproportionnés au regard de l'infraction visée. D'ailleurs, en parlant de votre dispositif pour lutter contre les mariages de complaisance, Patrick Weill a évoqué l'image d'un bazooka. Tel sera le cas puisque sont cumulés la création d'un délit spécifique, le renforcement du contrôle des mariages par les maires et le contrôle par les consulats des mariages célébrés hors de France.
    Cela nous semble beaucoup pour combattre un phénomène qui, s'il existe,...
    M. Claude Goasguen. Tout de même !
    M. Christophe Caresche. ... nous ne le nions pas, demeure assez marginal comme j'ai essayé de le démontrer en défendant l'exception d'irrecevabilité.
    M. François Goulard. On reconnaît bien là l'angélisme de la gauche !
    M. Christophe Caresche. Sur le principe, je le répète, nous sommes d'accord avec la création de ce délit, mais nous estimons qu'il suffirait de sanctionner normalement ceux qui recourent au mariage de complaisance pour avoir une dissuasion efficace. Or les peines prévues sont extrêmement lourdes, puisque les interessés seront passibles de cinq ans d'emprisonnement, de 30 000 euros d'amende, de la confiscation de leurs biens personnels. Ce délit serait assimilé à ceux de trafic de stupéfiant, d'enlèvement et de séquestration, de proxénétisme.
    M. François Goulard. Nous n'en sommes pas loin, effectivement !
    M. Christophe Caresche. Nous avons le sentiment que vous avez eu la main lourde et que le quantum de peine prévu est disproportionné par rapport au délit considéré.
    Nous vous proposerons donc un amendement tendant à mieux adapter la peine à l'infraction. Si vous l'acceptiez, nous pourrions disposer d'une incrimination qui permettrait à la fois de sanctionner et de dissuader les mariages de complaisance.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Je ne partage pas du tout l'avis de M. Caresche. Certes il accepte la création d'un délit, ce qui est bien, mais il affirme que le problème est relativement limité. Or il ne l'est pas.
    Au cours d'une discussion que j'ai eue ce matin avec elle, la personne responsable de l'état civil de ma ville m'a indiqué qu'elle estimait à 20 % le taux des mariages de complaisance célébrés dans ma commune au cours de l'année écoulée. Certes ils viennent tous avec deux témoins et sont parfois filmés, même s'ils recourent à des sociétés pour donner le change, mais il arrive qu'ils n'attendent même pas d'avoir le livret de famille pour disparaître. Il n'y aura évidemment aucune vie commune, comme l'ont démontré les quelques enquêtes que nous avons menées ensuite. Ce n'est donc pas marginal.
    Elle a même estimé que ce taux s'était élevé à 40 % depuis le début du mois de juillet, ce qui confirme les propos que j'ai tenus dans la discussion générale en évoquant l'accélération de ce processus depuis l'annonce de la loi.
    M. Jacques Masdeu-Arus. Bien sûr !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Ce moyen facile d'accéder à l'obtention d'un titre de séjour n'est donc pas un phénomène limité.
    Contrairement à M. Caresche, je suis favorable au quantum des peines prévu par le texte parce qu'il ne s'agit pas d'un délit mineur. Certes, lorsqu'on les interroge, les auteurs de cette infraction ont l'impression d'avoir commis un délit fort banal. Ils pensent que cela n'est pas grave. Pourtant les conséquences peuvent être lourdes et il arrive qu'un mariage blanc entraîne des complications sérieuses dans la vie des personnes qui se retrouvent victimes de ce délit. En effet, une personne contrainte à un mariage forcé aura sa vie obérée pendant plusieurs années avant d'obtenir l'annulation du mariage. Cela peut être encore plus grave pour les ressortissants de pays qui, comme l'Algérie, ont passé avec le nôtre des conventions relatives à l'application du droit. J'ai connu le cas d'une personne qui a dû attendre l'annulation de son mariage pendant cinq ans, au cours desquels elle n'a pu reconstruire sa vie à cause de l'épée de Damoclès qui planait au-dessus de sa tête.
    Je ne parle même pas des situations dans lesquelles la crédulité des intéressés a été utilisée à des fins de trafic ou des cas où, après des mariages blancs, les services sociaux ont dû prendre en charge une jeune fille enceinte. De tels actes obèrent la vie de façon durable.
    Le mariage n'est pas un jouet et cette utilisation frauduleuse de la loi ne doit pas être considérée comme un délit banal, car elle cause de réels ravages.

    Mme la présidente. Monsieur Raison, il serait agréable que vous écoutiez votre collègue, M. Lagarde, ce que vous n'avez pas fait jusqu'à présent.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Je voudrais terminer, madame la présidente.
    Mme la présidente. Vous avez terminé d'autant que vous avez parlé davantage sur un amendement que sur l'article en général.
    M. Jean-Christophe Lagarde. C'était également le cas du collègue qui m'a précédé.
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Nous parlons de sujets concrets et il est très important que nous puissions passer le temps nécessaire pour examiner les amendements et les propositions du Gouvernement.
    M. Jacques Masdeu-Arus. Bien sûr !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je vais verser au débat la note que m'a envoyée le préfet de l'Essonne au mois de mars dernier : « Je crois, monsieur le ministre, devoir attirer votre attention sur le fait que plusieurs maires de communes importantes de mon département, l'Essonne, m'ont saisi récemment de l'accroissement des mariages qu'ils sont amenés à célébrer en qualité d'officier de l'état civil dont l'un des futurs époux se trouve en situation irrégulière sur le territoire. Tel est le cas de M. Manuel Valls, de M. Paul Loridant, sénateur-maire des Ulis et de M. Serge Dassault. »
    M. Christophe Caresche. Nous sommes en effet pour la sanction !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. J'ai lu cette lettre pour bien montrer que les mariages blancs vous concernent tous. Or la sincérité du législateur doit le conduire à mettre en accord sa demande d'élu au ministre de l'intérieur et son choix législatif.
    M. Claude Goasguen. Evidemment !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. S'il y a un problème, dont me saisissent des maires de gauche comme de droite, on doit essayer de le résoudre ensemble. Je ne devrais donc pas voir à l'Assemblée nationale une séparation entre la gauche et la droite au moment où il s'agit de passer de la réalité vécue et dénoncée au texte ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il convient d'examiner la proposition du Gouvernement et de définir le cadre dans lequel nous voulons mettre fin à la pratique délictueuse constatée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. M. Braouezec, M. Gerin et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 319, ainsi rédigé :
    « Supprimer l'article 19. »
    La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce n'est pas moi qui vais vous dire que les mariages de complaisance n'existent pas. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jacques Masdeu-Arus. Il est honnête !
    Mme la présidente. N'interrompez pas M. Gerin !
    M. André Gerin. L'article 19 crée un nouveau délit spécifique aux mariages dits de complaisance. La volonté affichée par le Gouvernement est de sanctionner les membres des réseaux organisateurs de mariages de complaisance entre Français et étrangers, ou entre étrangers. Pourrions-nous connaître les chiffres dans ce domaine ? Combien de mariages de complaisance sont-ils célébrés chaque année ? Quelle est l'implantation de ces réseaux sur le territoire ? Pour l'essentiel, nous ne possédons aujourd'hui que quelques témoignages.
    La sanction proposée semble pour le moins disproportionnée. En effet, les tribunaux ont déjà les moyens de sanctionner l'aide apportée à l'étranger en situation irrégulière. Par ailleurs, les mariages de complaisance ne concernent pas uniquement les étrangers désireux d'obtenir un titre de séjour. Ainsi, le cas n'est pas rare de Français utilisant ce moyen pour obtenir certains avantages ; je pense en particulier à des fonctionnaires qui souhaitent obtenir des mutations. Or, si ces derniers encourent une annulation du mariage, ils ne seront en aucun cas menacés d'une peine pouvant aller de cinq ans de prison jusqu'à dix ans si l'infraction est commise en bande organisée. Désormais, la suspicion régnera autour de tous les mariages mixtes.
    M. Jacques Myard. Tous les mariages sont mixtes ! (Sourires.)
    M. Claude Goasguen. Pour le moment !
    M. André Gerin. Ce ne sont pas les réseaux qui en paieront le prix fort, mais toutes les personnes honnêtes souhaitant s'unir avec le conjoint de leur choix.
    Mon expérience m'a appris, monsieur le ministre, que, dans la très grande majorité des cas, les mariages mixtes sont des éléments positifs et constructifs du point de vue de l'intégration.
    M. Claude Goasguen. Ce n'est pas le sujet !
    M. André Gerin. Par conséquent, en donner une vision globale et péjorative nous paraît dangereux.
    Avec notre amendement, nous voulons faire litière de cette vision qui criminalise les étrangers. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Claude Goasguen. Lamentable !
    Mme la présidente. Monsieur Claude Goasguen !
    M. Claude Goasguen. Je peux tout de même dire que c'est lamentable !
    M. Jacques Masdeu-Arus. Hors sujet !
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Monsieur Gerin, ne commençons pas à caricaturer. Il n'est bien sûr pas question de remettre en cause les mariages mixtes. Nous sommes tous d'accord pour reconnaître qu'ils constituent certainement l'une des meilleures voies d'intégration.
    Cela étant, nous ne disposons pas actuellement de chiffres fiables, qu'il s'agisse du nombre des clandestins ou de celui des mariages arrangés. En revanche, il est indéniable que ce phénomène existe. Vous l'avez d'ailleurs reconnu vous-mêmes, monsieur Gerin, monsieur Caresche.
    Tous les mois, nous rencontrons des maires qui avouent leur impuissance, car ils ne peuvent rien faire.
    M. Jacques Myard. Ah oui ? Ce n'est pas possible ! (Sourires.)
    M. Thierry Mariani, rapporteur. C'est pourquoi nous vous proposons d'agir et de faire en sorte que l'Etat de droit prévale afin que l'on puisse sanctionner les filières, ce qui n'est pas possible actuellement.
    M. Manuel Valls. Sur le principe, nous sommes d'accord avec nos collègues de la majorité !
    Mme la présidente. Ecoutez M. Mariani !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. La disposition que porte cet article le permettra. Vous savez, en effet, monsieur Gerin, qu'en matière d'immigration, l'effet d'annonce est dissuasif : les responsables des filières savent très bien que quand la sanction est forte, il vaut mieux arrêter d'employer certaines méthodes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Défavorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 319.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 89, ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du I du texte proposé pour l'article 21 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945, supprimer les mots : "dans un but étranger à l'union matrimoniale et. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Il s'agit de la suppression d'une mention inutile.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 89.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Scellier et M. Estrosi ont présenté un amendement, n° 19 rectifié, ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du I du texte proposé pour l'article 21 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945, après les mots : "titre de séjour, insérer les mots : ", ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française. »
    La parole est à M. François Scellier.
    M. François Scellier. Cet amendement a pour objet d'étendre le délit spécifique créé par l'article 19 aux cas d'acquisition de la nationalité française par le fait d'un mariage frauduleux.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis favorable à cet amendement judicieux.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    Mme la présidente. La parole est M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Comme mes collègues M. Caresche et M. Gerin, je considère que les dispositions proposées sont totalement disproportionnées et qu'elles jettent une fois de plus le discrédit et la suspicion sur les mariages mixtes.
    En effet, les mariages de complaisance ne sont pas célébrés qu'entre étrangers et Français. Ils unissent parfois des Français, mais la sanction n'est alors que l'annulation sans qu'il soit question de peine d'emprisonnement.
    M. Jacques Masdeu-Arus. Ce n'est pas notre problème !
    M. Noël Mamère. Nous connaissons des cas de fonctionnaires qui, pour faciliter leur mutation, ont procédé à des mariages de complaisance. Or, cela n'a été sanctionné que par l'annulation du mariage. (Exclamations sur les bancs de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme Sylvia Bassot et M. Jacques Myard. Et le PACS ?
    M. Noël Mamère. Le PACS n'a rien à voir ; ce n'est pas la même chose. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jacques Masdeu-Arus. C'est scandaleux !
    M. Noël Mamère. Quand on entend nos collègues de la majorité, on a l'impression qu'ils voudraient changer la société dans un sens qui nous ramènerait au xixe siècle.
    Mme Sylvia Bassot. Dans le bon sens !
    M. Noël Mamère. Je vous signale que le PACS dont vous parlez, et dont M. Goasguen nous a dit hier qu'il était encore un tabou, est aujourd'hui bien accepté par la société française. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il fait partie des éléments de progrès de notre société. Je considère donc les cris d'orfraie lancés par nos collègues de la majorité comme une réaction à ce mouvement.
    Les peines prévues pour les mariages dits blancs, qui sont des mariages mixtes, nous semblent disproportionnées et la disposition que rajoutent nos deux collègues de la majorité est encore une manière de considérer que tous les étrangers sont des fraudeurs. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jacques Myard. Ça n'a rien à voir ! Amalgame !
    M. Noël Mamère. C'est une atteinte au droit au mariage.
    Mme Sylvia Bassot. Caricature !
    M. Noël Mamère. Comme si un étranger n'avait pas le droit de vivre son bonheur !
    Mme Arlette Franco. C'est vraiment Voici et Gala !
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. M. Mamère provoque souvent les membres de la majorité. Mais sa dernière intervention est scandaleuse parce qu'elle est une accusation vis-à-vis de nous tous.
    M. Noël Mamère. Tout à fait !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Elle revient à dire que nous ne souhaitons pas les mariages mixtes dans ce pays. Or, nous en célébrons les uns et les autres des dizaines semaine après semaine, qui sont de vrais mariages d'amour, unissant des personnes qui veulent construire, fonder une famille. Et vous mettez sur le même plan ces gens-là et ceux qui trichent avec la loi dans l'espoir d'obtenir un titre de séjour. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce genre de propos n'est pas acceptable. Moi je suis heureux qu'il y ait des mariages mixtes. C'est aussi, bien qu'il ne soit pas le meilleur, un moyen d'intégration, en tout cas c'en est une démonstration. Nous nous réjouissons tout autant d'un mariage entre deux étrangers en situation régulière, qui vont s'installer, avoir des enfants, s'intégrer dans la société. Le mariage n'est pas un chiffon de papier, c'est une institution qui a une représentation dans la société. Il est à l'origine de la famille, qui est la cellule de base au sein de laquelle un individu peut s'épanouir. A ce titre, il est reconnu par la loi. Il n'est pas acceptable qu'il soit foulé aux pieds par un individu qui a trouvé là le moyen le plus simple d'obtenir une carte de séjour. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Noël Mamère. Vous légiférez à partir d'exceptions !
    Mme la présidente. La parole est à M. Etienne Pinte.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Pourquoi êtes-vous plusieurs à répondre à M. Mamère ? Vous lui servez la soupe ! C'est exactement ce qu'il veut.
    M. Etienne Pinte. Monsieur Mamère, je vous ai dit hier soir qu'il y a quarante ans, j'ai fait un mariage mixte. J'imagine que c'est le cas de beaucoup d'entre nous ici.
    Aujourd'hui, je voudrais attirer votre attention sur ce que nous vivons, comme l'a très bien dit notre collègue Jean-Christophe Lagarde, quasiment quotidiennement en tant que maires.
    Il y a trois mois, une jeune femme de nationalité tunisienne, en France de façon irrégulière depuis sept ans bien que née en France, est venue me voir et m'a dit : « Monsieur le député, si vous ne trouvez pas une solution pour régulariser ma situation, ma mère (Rires) m'a trouvé un homme de nationalité française,...
    M. Noël Mamère. Vous voyez que je peux être utile ! (Sourires.)
    M. Etienne Pinte. ... qui est prêt, contre espèces sonnantes et trébuchantes, à m'épouser de façon à régulariser ma situation ». De surcroît, sa mère, qui est femme de ménage, était prête à emprunter 80 000 francs - c'est à Versailles (Rires) -...
    M. Jean-Christophe Lagarde. A Drancy c'est 30 000 francs !
    M. Etienne Pinte. ... pour que ce mariage puisse avoir lieu. Devant une telle situation, je n'avais pas d'autre solution que de l'emmener par la main chez le préfet et d'enclencher une procédure de régularisation. Il est inconcevable que les préfets ou nous-mêmes puissions porter, en quelque sorte, la responsabilité d'inciter, sinon de forcer, des hommes et des femmes à régulariser leur situation sur le territoire français de telle manière.
    M. Noël Mamère. C'est une exception. Moi aussi j'en ai connu depuis quatorze ans que je suis maire !
    M. Etienne Pinte. Je trouve normal, pour essayer d'éviter ce type de situation, d'installer des barrières contre les mariages de complaisance.
    M. Noël Mamère. Ce ne sont pas des barrières, ce sont des herses !
    M. Etienne Pinte. C'est la raison pour laquelle je crois que, décemment, nous ne pouvons pas refuser un tel amendement.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 19 rectifié.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Caresche, M. Blisko et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 266, ainsi rédigé :
    « I. - Dans le premier alinéa du I du texte proposé pour l'article 21 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945, substituer au nombre : "cinq le nombre : "deux.
    « II. - En conséquence, dans la dernière phrase du deuxième alinéa du I de cet article, substituer au nombre : "dix le nombre : "trois. »
    La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Puisque M. le ministre nous a invités à être clairs, je voudrais revenir d'abord sur le constat qui a été fait. Nous sommes d'accord pour dire que les mariages de complaisance existent et qu'il faut les combattre. Il n'y a pas là-dessus d'ambiguïté et je pense que M. Valls a eu parfaitement raison, de par sa fonction, d'alerter les autorités sur cette question.
    Deuxième point : vous nous proposez, pour les combattre, de créer un délit. Je l'ai dit tout à l'heure, nous n'y sommes pas hostiles sur le principe. Peut-être d'ailleurs sommes-nous en désaccord avec nos collègues MM. Gerin et Mamère sur ce point. Nous admettons, je le dis très clairement, l'idée d'un délit spécifique et d'une pénalisation des mariages de complaisance.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Encore un effort, Christophe !
    M. Christophe Caresche. Par contre, monsieur le ministre, là où nous sommes en désaccord, c'est sur l'importance de la peine que vous prévoyez et j'aimerais que le rapporteur ou vous-même, monsieur le ministre, puissiez nous donner des explications sur ce point. Elle est manifestement disproportionnée.
    Je cite l'article 19 : « Le fait de contracter un mariage dans un but étranger à l'union matrimoniale et aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.
    « Ces mêmes peines sont applicables en cas d'organisation ou de tentative d'organisation d'un mariage aux mêmes fins. Elles sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée.
    « Les personnes physiques coupables de l'une ou de l'autre des infractions visées au présent article encourent également les peines complémentaires suivantes :
    « 1° L'interdiction de séjour pour une durée de cinq ans au plus ;
    « 2° L'interdiction du territoire français (...) pour une durée de dix ans au plus ou à titre définitif ;
    « 3° L'interdiction pour une durée de cinq ans au plus d'exercer l'activité professionnelle ou sociale à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise. »
    M. Jacques Myard. Et alors ?
    M. Christophe Caresche. « Les personnes physiques condamnées au titre de l'infraction visée au (...) du présent article encourent également la peine complémetaire de confiscation de tout ou partie de leurs biens, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis. »
    Encore une fois, la peine que vous prévoyez est totalement disproportionnée. Comme l'a dit M. Weil, vous ne tirez pas au pistolet mais au bazooka.
    Notre amendement a pour objet de revenir à une sanction plus adaptée, moins lourde, même si elle reste tout à fait conséquente puisque nous proposons de ramener la peine d'emprisonnement de cinq ans à deux ans et, dans l'hypothèse où il s'agit d'un acte commis en bande organisée, de dix à trois ans afin que la sanction corresponde, dans l'échelle des peines du code pénal, à la nature de l'infraction commise.
    Encore une fois, ce que nous contestons, c'est l'inadaptation, la disproportion de la peine avec le délit lui-même.
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Avec l'autorisation de la commission, je souhaite répondre tout de suite à M. Caresche afin qu'il comprenne bien que nous n'avons pas choisi cette échelle des peines au hasard. Nous avons essayé de nous caler sur celle applicable aux passeurs, soit cinq ans d'emprisonnement et dix lorsque le délit est commis en bande organisée.
    Qu'est-ce qu'un passeur ? C'est quelqu'un qui essaie de détourner le droit au séjour pour faire entrer un étranger en situation irrégulière.
    Qu'est-ce que l'organisation d'un mariage frauduleux ? C'est une façon d'utiliser l'institution du mariage pour détourner le droit au séjour.
    On a donc considéré - peut-être à tort, mais je veux faire comprendre que notre démarche ne répond pas à une réaction d'humeur mais suit une parfaite logique - que détourner l'institution du mariage pour faire rentrer quelqu'un en France, c'est détourner le droit au séjour. Or, comme lorsqu'on détourne le droit au séjour, on risque un maximum de cinq ans de prison, il doit en être de même lorsqu'on détourne l'institution du mariage pour tourner le droit au séjour.
    Je comprendrais très bien que l'on ne soit pas d'accord avec ce raisonnement, mais je veux lever toute ambiguïté sur le choix de la peine.
    De surcroît, pour aller jusqu'au fond des choses, monsieur Caresche, et essayer de vous convaincre, je fais remarquer que si l'on veut que le code pénal soit efficace, il faut que l'échelle des peines ne soit pas l'échelle du perroquet, mais la même pour les infractions de même nature.
    Quand il y a violation du droit au séjour, la peine d'emprisonnement est de cinq ans. Pour les uns, la violation peut résulter de l'organisation de filières pour faire rentrer des gens sur notre territoire de façon irrégulière, pour les autres, du détournement de l'institution du mariage. Mais au final, le résultat est le même.
    Voilà pourquoi, monsieur Caresche, nous avons fixé la peine d'emprisonnement à cinq ans et non pas à deux ans. Les deux infractions nous semblent devoir être punies de la même façon. Vous n'avez pas modifié la peine d'emprisonnement pour les passeurs. C'est donc qu'elle ne vous choquait pas. Un organisateur de mariages blancs pour détourner le droit au séjour doit être passible de la même peine. Car il n'est ni plus ni moins qu'un passeur qui emploie d'autres moyens pour arriver au même résultat.
    M. Jacques Myard. Très bien !
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable.
    Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. M. Gerin et moi-même ne sommes pas d'accord avec les observations formulées par M. Caresche. En acceptant ce délit spécifique, il cautionne une juridiction d'exception vis-à-vis des étrangers...
    M. Jacques Myard. Oh !
    M. Noël Mamère. ... et semble ignorer que la question des mariages dits de complaisance est déjà réglée par le droit commun. Les tribunaux ont déjà les moyens de réprimer les faits visés en poursuivant les intéressés pour aide au séjour irrégulier - selon les dispositions de l'article 21 de l'ordonnance de 1945 - et pour faux et usage de faux, l'étranger en situation irrégulière étant, quant à lui, poursuivi pour séjour irrégulier. C'est d'ailleurs ce que recommande une circulaire du garde des sceaux du 16 juillet 1992. Donc, je ne vois pas pourquoi il cautionne ce que propose la majorité aujourd'hui alors que les tribunaux suffisent à régler ce problème.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Libérez le parti socialiste ! (Sourires.)
    M. Noël Mamère. Nous assistons à une sorte de cautionnement d'une justice d'exception.
    C'est la raison pour laquelle nous combattons cet article et les amendements de la majorité.
    Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Quelques mots pour répondre à ce qu'a dit M. Mamère. Que les choses soient claires. Nous reconnaissons aussi que le système de sanctions, aujourd'hui, ne marche pas.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Eh bien, voilà !
    M. Christophe Caresche. Nous voyons se développer un phénomène qui, s'il est beaucoup moins important que certains veulent bien le dire, n'en est pas moins réel.
    Cela étant, monsieur le ministre, vous n'allez pas sanctionner seulement les personnes qui organisent le mariage, mais également la personne concernée par le mariage. La femme qui est venue voir M. Pinte n'était manifestement pas une délinquante. Que va-t-il se passer ? La personne qui va contracter le mariage, et qui sera peut-être forcée de le faire du fait du contexte familial, va encourir une peine de cinq ans de prison.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Non !
    M. Christophe Caresche. La situation n'est pas tout à fait la même qu'avec le passeur, qui organise lui-même son activité et en fait son gagne-pain. Nous ne trouvons pas choquant qu'il soit sanctionné très lourdement. Mais avec cette incrimination, vous allez également sanctionner des gens qui ont, certes, commis une infraction, mais qui sont aussi, par certains aspects, des victimes.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Au contraire !
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Excusez-moi, madame la présidente, de redemander la parole.
    Mme la présidente. Vous savez, monsieur le ministre, que vous pouvez prendre la parole quand vous le désirez.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Raison de plus pour ne pas en abuser, madame la présidente !
    Il s'agit là d'un point très important, monsieur Caresche, et je ne veux pas fuir le débat. Imaginons qu'une femme soit abusée ou obligée de se marier. Quelle solution peut-elle trouver aujourd'hui, dans l'arsenal législatif, pour se défendre ?
    Elle n'a, monsieur Caresche, que l'action en nullité du mariage - et rien d'autre. Pourquoi ? Parce que si un étranger en situation irrégulière l'a abusée dans le mariage - je parle sous le contrôle de maître Dreyfus -, elle n'est pas victime de la situation d'irrégularité touchant le droit au séjour. Elle ne peut donc pas se porter partie civile.
    Avec la procédure que je vous propose, et la création de ce délit, la femme abusée ou la femme forcée de se marier pourra se porter partie civile, faire annuler le mariage et faire valoir ses droits de victime. Je viens de vous démontrer, monsieur Caresche, en reprenant la même argumentation que la vôtre, que nous protégeons des personnes qui sont aujourd'hui abusées.
    Je reçois quantité de lettres de femmes qui m'expliquent les mésaventures qui leur sont arrivées. Sont-elles toujours exactes, d'ailleurs ? Je ne saurais le dire. Ce ne sont jamais que des témoignages. Quoi qu'il en soit, avec la création de ce délit, une femme abusée dans ces conditions pourra se porter partie civile et faire valoir ses droits dans le cadre d'une procédure pénale.
    M. Christian Estrosi. Bravo !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Dans la situation actuelle, elle n'a à sa disposition que la procédure civile de nullité du mariage, qui est une procédure plus longue et beaucoup plus difficile pour elle. J'affirme donc que la mesure que je vous propose est juste, car plus sévère pour les passeurs, que l'on peut classer en deux catégories : celui qui est à la frontière, et celui qui est à la mairie. Vous voyez ce que je veux dire par là.
    Demain, grâce à la création de ce délit, la femme abusée ou la femme forcée se portera partie civile et le juge pénal pourra en tirer toutes les conséquences, alors qu'elle n'a aujourd'hui, je le répète, que la possibilité d'invoquer la nullité de l'acte de mariage, ce qui la contraint, par parenthèse, à payer elle-même la procédure civile.
    Merci, monsieur Caresche, de m'avoir donné l'occasion de démontrer combien cette mesure était juste, plus encore que je ne le pensais. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Christophe Caresche. Ce n'était pas mon intention !
    Mme la présidente. La parole est à  M. Manuel Valls.
    M. Manuel Valls. Je ne suis pas sûr que ce soit sur cette question que notre divergence soit la plus forte, monsieur le ministre, mais il est vrai que nous sommes confrontés à des problématiques de ce genre. Excusez-moi de m'éloigner quelques secondes du sujet. Nous évoquions hier la question des attestations d'accueil : les maires que nous sommes saisissons le préfet ou le procureur quand nous constatons une répétition des demandes d'attestation d'accueil. Par ce moyen, nous montrons que nous ne sommes pas de simples signataires.
    Pour ce qui concerne les mariages, vous avez fait allusion tout à l'heure aux maires de l'Essonne qui ont saisi non seulement le préfet, mais aussi le procureur sur des cas qui ne leur semblaient pas très clairs. Ils étaient amenés, eux aussi, à faire valoir leur autorité de maire.
    Comme l'a dit Christophe Caresche, nous ne sommes pas opposés à une sanction. Nous souhaitons simplement - et c'est bien l'objet du débat - que ne soit pas créée, pardon d'utiliser cette expression, une autre « double peine ». Il faut être impitoyable à l'égard des passeurs, quelle que soit leur place - qu'ils soient de l'autre côté de la rive ou qu'ils côtoient ou fassent partie de l'administration, comme c'est déjà arrivé dans de trop nombreuses affaires.
    Nous avons le souci de ne pas faire de ces femmes, celle qui est allée voir M. Pinte et celles qui vous écrivent, monsieur le ministre, des doubles victimes : victimes d'une situation familiale ou d'une filière qu'il faut évidemment impitoyablement attaquer, et victimes d'une nouvelle pénalisation, que ce que vous proposez va rendre encore plus lourde. Si nous sommes d'accord pour qu'il y ait sanction, nous estimons que celle-ci ne doit pas être disproportionnée.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 266.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

    Mme la présidente. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 90, ainsi rédigé :
    « Substituer au deuxième alinéa du I du texte proposé pour l'article 21 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 les deux alinéas suivants :
    « Ces mêmes peines sont applicables en cas d'organisation ou de tentative d'organisation d'un mariage aux mêmes fins.
    « Elles sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 90.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Caresche, M. Blisko et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 267, ainsi rédigé :
    « Supprimer le 1° du I du texte proposé pour l'article 21 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945. »
    La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Il s'agit, là encore, de revenir sur le quantum de peine prévu, notamment en matière d'interdiction de séjour.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Même réponse que sur l'amendement n° 266 : avis favorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis que la commission.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 267.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 394, ainsi rédigé :
    « Dans le 2° du I du texte proposé pour l'article 21 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945, supprimer les mots : "et sous les réserves. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Cet amendement propose la suppression d'une mention inutile.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 394.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Caresche, M. Blisko et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 268, ainsi rédigé :
    « I. - Supprimer le dernier alinéa du I du texte proposé pour l'article 21 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
    « II. - En conséquence, supprimer le dernier alinéa du II de cet article. »
    La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. L'amendement est défendu.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Défavorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 268.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 91, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le dernier alinéa du II du texte proposé pour l'article 21 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 :
    « Les personnes morales condamnées au titre de l'infraction visée au troisième alinéa du I du présent article encourent également la peine de confiscation de tout ou partie de leurs biens, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision. La confiscation des biens n'interviendra que dans le cas d'une infraction commise en bande organisée.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 91.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 19, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 19, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 19

    Mme la présidente. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 92, ainsi libellé :
    « Après l'article 19, insérer l'article suivant :
    « Après l'article 21 quater de la même ordonnance, il est inséré un article 21 quinquies ainsi rédigé :
    « Art. 21 quinquies. - Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier sera tenu d'acquitter une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Cet amendement renforce les sanctions contre les employeurs d'étrangers en situation irrégulière. Il prévoit que les frais de réacheminement de l'étranger vers son pays d'origine, jusqu'à présent supportés par l'ensemble des contribuables, seront désormais à la charge de l'employeur, sans préjudice des poursuites engagées par ailleurs à son encontre.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Avis favorable.
    Mme la présidente. La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. Je vais voter cet amendement qui faisait partie des propositions que nous avions retenues dans la discussion de le loi sur la sécurité intérieure.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 92.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 93, ainsi rédigé :
    « Après l'article 19, insérer l'article suivant :
    « Dans le dernier alinéa du I de l'article 22 de la même ordonnance, les mots : "immédiatement mis en mesure sont remplacés par les mots : "mis en mesure, dans les meilleurs délais,. »
    Sur cet amendement, M. Goasguen a présenté un sous-amendement, n° 474, ainsi rédigé :
    « Au début de l'amendement n° 93, insérer le paragraphe suivant :
    « I. - Le 2° du I de l'article 22 de la même ordonnance est complété par les mots : "ou si pendant cette même durée l'étranger a méconnu les dispositions de l'article L. 314-4 du code du travail. »
    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 93.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Cet amendement prévoit que l'étranger auquel est notifié un arrêté de reconduite à la frontière devra être mis en mesure d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix « dans les meilleurs délais » et non plus, comme le précisait précédemment la loi, « immédiatement ». Ce changement, qui introduit une certaine souplesse dans la procédure, est cohérent avec les réformes en cours dans le cadre du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi, pour soutenir le sous-amendement n° 474.
    M. Christian Estrosi. De plus en plus d'étrangers profitent de séjours touristiques de courte durée pour travailler de manière clandestine. Des filières se développent pour organiser ces aller et retour. Ce sous-amendement a pour objet d'écourter le séjour de l'étranger dans ce cas.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. J'y suis favorable sous réserve que mon collègue y apporte une correction. Il ne s'agit pas, en effet, de l'article L. 314-4, mais de l'article L. 341-4, du code du travail.
    M. Christian Estrosi. Je fais bien évidemment confiance à M. le rapporteur !
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 474, tel qu'il vient d'être rectifié.
    (Le sous-amendement, ainsi rectifié, est adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 93, modifié par le sous-amendement n° 474 rectifié.
    (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)

Article 20

    Mme la présidente. « Art. 20. - Au deuxième alinéa du I de l'article 22 bis de la même ordonnance, les mots : "quarante-huit heures sont remplacés par les mots : "soixante-douze heures. »
    Je suis saisie de trois amendements, n°s 269, 429 et 187, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 269, présenté par M. Caresche et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
    « Au début de l'article 20, insérer le paragraphe suivant :
    « I. - Le premier alinéa du I de l'article 22 bis de la même ordonnance est ainsi rédigé :
    « L'étranger qui fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière peut, dans les 72 heures suivant sa notification lorsque l'arrêté est notifié par voie administrative, demander l'annulation de cet arrêté au président du tribunal administratif. Lorsque l'étranger est maintenu en rétention administrative, ce délai court à compter de sa première présentation devant le juge des libertés et de la détention. »
    L'amendement, n° 429, présenté par M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet, est ainsi libellé :
    « Au début de l'article 20, insérer le paragraphe suivant :
    « I. - Le premier alinéa du I de l'article 22 bis de la même ordonnance est ainsi rédigé :
    « L'étranger peut, dans les 72 heures suivant sa notification lorsque l'arrêté est notifié par voie administrative, demander l'annulation de cet arrêté devant le tribunal administratif. Lorsque l'étranger est maintenu en rétention administrative, ce délai court à compter de sa première présentation devant le juge des libertés et de la détention. »
    L'amendement n° 187, présenté par M. Pinte, est ainsi rédigé :
    « Au début de l'article 20, insérer le paragraphe suivant :
    « I. - Le premier alinéa du I de l'article 22 bis de la même ordonnance est complété par une phrase ainsi rédigée : "Lorsque l'étranger est maintenu en rétention administrative, ce délai court à compter de son arrivée au centre. »
    La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l'amendement n° 269.
    M. Christophe Caresche. Il s'agit tout simplement d'allonger le délai, actuellement de quarante-huit heures, pendant lequel un étranger peut contester l'arrêté de reconduite à la frontière dont il fait l'objet. Pourquoi le porter à soixante-douze heures ? Parce que vous prévoyez - et cette disposition sera sans doute adoptée, même si nous la contestons fortement - d'allonger la durée de rétention, le juge administratif disposant désormais de soixante-douze heures pour rendre sa décision. Accorder également un délai supplémentaire à l'étranger pour exercer son droit de recours lui permettrait de le faire dans de meilleures conditions.
    Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère pour défendre l'amendement n° 429.
    M. Noël Mamère. Aux motifs présentés par mon collègue Caresche, j'en ajouterai quelques autres pour démontrer qu'il convient d'allonger le délai accordé à l'étranger pour contester l'arrêté de reconduite à la frontière. En effet, dans les premières quarante-huit heures, l'étranger est souvent placé dans un local de rétention où aucune disposition n'est prévue pour l'aider dans l'exercice de ses droits. Il ne peut bénéficier de l'aide ni de l'OMI, ni de la CIMADE, ni d'avocats ; aucun matériel n'est mis à sa disposition. En outre, les étrangers sont très souvent transférés dans un centre de rétention administrative après l'expiration des délais de recours. Nous pensons qu'il serait plus juste que le délai ne coure qu'à compter de l'audience devant le juge des libertés et de la détention, qui est souvent la première opportunité pour eux de se voir expliquer la procédure et les possibilités de recours. Ainsi la mesure correspondrait à l'esprit qui nous anime depuis le début de cette discussion.
    Mme la présidente. La parole est à M. Etienne Pinte, pour soutenir l'amendement n° 187.
    M. Etienne Pinte. La différence entre les amendements de mes collègues et le mien, c'est que celui-ci ne modifie pas le délai dans lequel l'intéressé peut faire un recours, mais se contente de préciser qu'il court à partir du moment où l'étranger est arrivé en centre de rétention car c'est à partir de ce moment, et non de celui où il est présenté pour la première fois devant le juge des libertés, qu'il a toute possibilité par l'intermédiaire, notamment, de l'Office des migrations internationales, d'être informé de ses droits à un recours éventuel.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Si vous le permettez, madame la présidente, je donnerai aussi l'avis de la commission sur un quatrième amendement, qui sera présenté ultérieurement, car il est relativement voisin des trois autres. Les amendements n°s 269, 429 et 187, présentés respectivement par nos collègues Caresche, Mamère et Pinte, et n° 231, qui sera présenté par notre collègue Mamère dans un instant, ont été repoussés par la commission.
    Tous quatre ont le même objet qui est d'étendre, selon des modalités différentes, le délai de recours dont disposent les étrangers en voie d'éloignement contre les arrêtés de reconduite à la frontière.
    Dans l'état actuel du droit, un étranger peut faire appel d'un arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre dans un délai de quarante-huit heures - sept jours en cas de notification par voie postale. L'amendement de M. Caresche porte ce délai à soixante-douze heures et, dans le cadre de la rétention, le fait courir à compter de la présentation devant le juge des libertés et de la détention, c'est-à-dire à l'issue d'un premier délai de quarante-huit heures. Le premier amendement de M. Mamère - le n° 429 - est identique. L'amendement d'Etienne Pinte fait courir ce délai à compter du placement de l'étranger dans un centre de rétention, c'est-à-dire à l'issue d'un délai maximal de quarante-huit heures en cas de transit par un local de rétention. Enfin, l'amendement ultérieur de M. Mamère porte le délai à sept jours dans tous les cas.
    Effectivement, des arguments peuvent plaider pour une évolution. Il arrive, en effet, que le délai de recours soit épuisé lors du transfert de l'étranger dans un centre de rétention. Le délai dont dispose le juge administratif pour statuer, également fixé à quarante-huit heures, est porté à soixante-douze heures par l'article 20 du projet de loi que nous sommes en train d'examiner. Mais, à mon avis, les solutions proposées par les auteurs de ces amendements mettraient à mal le caractère effectif et opérationnel des mesures d'éloignement, que le projet entend, au contraire, renforcer. En effet, l'allongement concomitant du délai de recours et de celui dont dispose le juge pour statuer allongerait de façon excessive la phase juridictionnelle durant laquelle l'étranger ne peut être éloigné.
    C'est la raison pour laquelle la commission n'a pas adopté ces quatre amendements. Toutefois, vous verrez ultérieurement qu'elle a préféré aller dans le sens d'une meilleure information des droits dont les étrangers disposent dans le cadre de la législation en vigueur, au moyen des amendements qui seront examinés à l'article 33.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 269.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 429.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 187.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet ont présenté un amendement, n° 231, ainsi rédigé :
    « A la fin de l'article 20, substituer aux mots : "soixante-douze heures les mots : "sept jours. »
    La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. M. le rapporteur m'a répondu par avance à propos de cet amendement.
    Il s'agissait en effet de tenir compte des nouveaux délais de rétention administrative qui vont être sans doute votés dans quelques minutes, malgré notre opposition. Il nous semble donc que l'urgence ne peut plus justifier le maintien d'une procédure contentieuse particulière. C'est pourquoi nous demandons le retour à un délai de recours de sept jours, tel qu'il existe pour les arrêtés de reconduite à la frontière qui sont notifiés par voie postale, selon l'article 22 bis de l'ordonnance de 1945.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Défavorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 231.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 20.
    (L'article 20 est adopté.)

Article 21

    Mme la présidente. « Art. 21. - L'article 23 de la même ordonnance est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Par ailleurs, sans préjudice des dispositions de l'alinéa précédent, les motifs de l'arrêté d'expulsion donnent lieu à un réexamen tous les cinq ans à compter de la date d'adoption de l'arrêté. Ce réexamen tient compte de l'évolution de la menace que constitue la présence de l'intéressé en France pour l'ordre public, des changements intervenus dans sa situation personnelle et familiale et des garanties de réinsertion professionnelle ou sociale qu'il présente, en vue de prononcer éventuellement l'abrogation de l'arrêté. A défaut de notification à l'intéressé d'une décision explicite d'abrogation dans un délai de deux mois, ce réexamen est réputé avoir conduit à une décision implicite refusant l'abrogation. Cette décision est susceptible de recours dans les conditions prévues à l'article R. 421-2 du code de justice administrative. Le réexamen ne donne pas lieu à consultation de la commission prévue à l'article 24. »
    M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 395, ainsi rédigé :
    « Après la deuxième phrase du dernier alinéa de l'article 21, insérer la phrase suivante : "L'étranger peut présenter des observations écrites. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Cet amendement tend à permettre à un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement de présenter par écrit des observations, dans le cadre de la nouvelle procédure d'examen, tous les cinq ans, des arrêtés d'expulsion, instituée par l'article 21 de ce projet de loi.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Avis favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 395.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Pinte a présenté un amendement, n° 188, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi la troisième phrase du dernier alinéa de l'article 21 : "Dans un délai de deux mois, une décision explicite de refus ou d'abrogation devra être notifiée à l'intéressé. »
    La parole est à M. Etienne Pinte.
    M. Etienne Pinte. Le réexamen des motifs de l'arrêté d'expulsion constitue à mes yeux une avancée notable, qu'il convient de souligner. Toutefois, au regard de la gravité des conséquences de l'arrêté d'expulsion sur la vie privée de la personne concernée, mais aussi sur la vie de toute sa famille, il me semble important qu'un refus d'abrogation soit notifié en tant que tel, et motivé par l'administration.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable. Le silence de l'administration pendant deux mois vaut rejet. C'est le droit commun.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Défavorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 188.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet ont présenté un amendement, n° 232, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi la dernière phrase du dernier alinéa de l'article 21 : "Lors de ce réexamen, la commission d'expulsion sera consultée. »
    La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. L'article 21, qui complète l'article 23 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 visant les arrêtés préfectoraux d'expulsion, a en fait pour objet, comme les trois articles suivants, de restreindre l'application de la double peine. Nous commençons donc, avec l'examen de cet article, à aborder cette importante question.
    L'article qui nous est proposé permettrait tous les cinq ans un réexamen automatique par l'administration de ces mesures d'expulsion prises pour des motifs de menace à l'ordre public. Cette proposition constitue certes une avancée, car elle obligerait l'administration à un réexamen régulier de l'existence d'une menace à l'ordre public, mais nous regrettons que ne soit pas prévue la consultation de la commission d'expulsion, visée à l'article 24 de l'ordonnance de 1945, lors de ce réexamen. Cela permettrait en effet à l'étranger concerné, ou à son conseil, d'être entendu, ce qui assurerait une meilleure prise en compte de la situation personnelle et familiale de l'intéressé.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Rejet, la procédure nous semble un peu lourde.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Défavorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 232.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Mme Gautier et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 295, ainsi rédigé :
    « Dans la dernière phrase de l'article 21, substituer aux mots : "ne donne pas le mot : "donne. »
    La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. L'amendement n° 295 est défendu.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Défavorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 295.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Pinte a présenté un amendement, n° 419, ainsi rédigé :
    « Compléter l'article 21 par l'alinéa suivant :
    « L'expulsion prononcée en même temps qu'une peine d'emprisonnement ne fait pas obstacle à ce que cette peine fasse l'objet, aux fins de préparation d'une demande d'abrogation, de mesures de semi-liberté, de placement à l'extérieur, de placement sous surveillance électronique ou de permissions de sortir. »
    La parole est à M. Etienne Pinte.
    M. Etienne Pinte. Petit à petit, nous entrons dans le processus législatif concernant la peine complémentaire dite « double peine ».
    La disposition de l'article 38-I du projet, que nous voterons vraisemblement tout à l'heure, qui modifie l'article 131-30 du code pénal et qui prévoit que l'étranger sous le coup d'une interdiction du territoire français et purgeant une peine de prison peut bénéficier, pour préparer une demande de relèvement judiciaire de cette interdiction, de mesures de semi-liberté, de placement à l'extérieur, de placement sous surveillance électronique ou de permissions de sortir, ne peut qu'être approuvée, puisqu'elle permettra aux étrangers condamnés à une peine d'interdiction du territoire français de bénéficier de mesures d'aménagement de peine, ce qui favorisera leur réinsertion, en cas de relèvement de peine.
    Il est donc regrettable et injuste qu'aucune disposition analogue du projet ne concerne le cas des étrangers détenus faisant l'objet, non d'une interdiction du territoire français, mais d'un arrêté d'expulsion, alors que ceux-ci devraient pouvoir bénéficier des mêmes droits à l'aménagement de leur peine, dans la perspective d'une demande d'abrogation de la mesure d'éloignement.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable. Le régime d'interdiction du territoire et l'expulsion sont deux choses différentes. L'expulsion est souvent décidée à la fin de la période d'emprisonnement. Il me semble donc que cet amendement ne se justifie pas.
    Mme la présidente. Même avis du Gouvernement.
    Je mets aux voix l'amendement n° 419.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 21, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 21, ainsi modifié, est adopté.)

Après l'article 21

    Mme la présidente. M. Braouezec, M. Gerin et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 320, ainsi rédigé :
    « Après l'article 21, insérer l'article suivant :
    « I. - Dans le cinquième alinéa du 2° de l'article 24 de la même ordonnance, les mots "assure les fonctions de rapporteur ; sont remplacés par le mot "et.
    « II. - En conséquence, dans ce même alinéa, les mots "est entendu sont remplacés par les mots "sont entendus. »
    La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. Il paraît plus conforme à la Convention européenne des droits de l'homme que les fonctions de rapporteur auprès de la commission statuant sur l'expulsion ne soient pas cumulées avec celles de chef du service des étrangers à la préfecture.
    Par cet amendement, nous souhaitons limiter les mesures d'expulsion connues sous le nom de « doubles peines ».
    M. Thierry Mariani. Défavorable.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Défavorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 320.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Braouezec, M. Gerin et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 321, ainsi rédigé :
    « Après l'article 21, insérer l'article suivant :
    « Dans l'avant-dernière phrase du dernier alinéa de l'article 24 de la même ordonnance, les mots : "avec l'avis motivé de la commission, à l'autorité administrative compétente pour statuer sont remplacés par les mots : "avec l'avis conforme de la commission, à l'autorité administrative en charge d'appliquer cet avis. »
    La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. La procédure d'expulsion administrative n'est pas modifiée par le projet. Il importe à tout le moins que l'avis de la commission d'expulsion redevienne un avis conforme, trop d'expulsions étant décidées unilatéralement, sans garantie de protection du respect du droit à la vie privée et familiale.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Même avis que pour l'article 20 : défavorable.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Défavorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 321.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 22

    Mme la présidente. « Art. 22. - L'article 25 de la même ordonnance est ainsi rédigé :
    « Art. 25. - Sous réserve des dispositions de l'article 26, ne peuvent faire l'objet d'un arrêté d'expulsion, en application de l'article 23 :
    « 1° L'étranger père ou mère d'un enfant français résidant en France, à condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant et qu'il subvienne effectivement à ses besoins ;
    « 2° L'étranger marié depuis au moins un an avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé et que le conjoint ait conservé la nationalité française ;
    « 3° L'étranger qui justifie par tous moyens qu'il réside habituellement en France depuis plus de quinze ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant ;
    « 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention "étudiant ;
    « 5° L'étranger titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 % ;
    « 6° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi.
    « Ces mêmes étrangers ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application de l'article 22 de la présente ordonnance.
    « Par dérogation aux dispositions du présent article, l'étranger entrant dans l'un des cas énumérés aux 1°, 2°, 3°, 4° et 5° peut faire l'objet d'un arrêté d'expulsion en application des articles 23 et 24 s'il a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans, sauf s'il entre dans les cas prévus aux 1°, 2°, 3° ou 4° du I de l'article 26 ou au II du même article. »
    La parole est à M. André Gerin, inscrit sur cet article.
    M. André Gerin. Je tiens à intervenir sur l'article 22 pour deux raisons. D'abord, parce que, enfin, le débat sur la double peine a pris une dimension publique, et il a révélé une réalité dramatique. La double peine relève d'une véritable justice d'exception et de bannissement. Si je veux revenir sur cette question, c'est qu'elle reste entière car elle n'est pas traitée dans sa globalité.
    Ensuite, pour être juste et loyal, je dois reconnaître que M. le ministre nous propose une avancée significative marquée de sensibilité et d'humanité. Je voulais le souligner, moi qui suis de ceux qui se battent depuis très longtemps contre la double peine.
    M. Jean-Pierre Grand. Gaullistes et communistes, même combat !
    M. André Gerin. Encore faut-il aller au bout de cette logique !
    Soyons honnête, je me suis battu, avec un certain nombre de gens de gauche, pour l'abrogation des lois Pasqua et Debré et je n'ai pas changé d'avis.
    M. Jean-Pierre Grand. Défenseur des délinquants !
    M. André Gerin. Mais la question de la double peine aurait pu être traitée depuis longtemps...
    M. Christophe Caresche. Vous devriez faire un duo avec M. le ministre, monsieur Gerin ! (Sourires.)
    M. André Gerin. ... et il est dommage que ce ne soit pas la gauche qui l'ait fait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Beaucoup de gens de gauche le disent, qui ne sont pas tous communistes.
    M. Manuel Valls. Il y en a de moins en moins qui le sont ! (Sourires.)
    Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Gerin.
    M. André Gerin. L'article 22 énumère les personnes qui bénéficient d'une protection dans le cadre d'une expulsion de droit commun. Le projet contient encore des mesures restrictives. Les parents d'enfants français devraient désormais cumuler deux conditions : exercer l'autorité parentale et subvenir aux besoins de l'enfant. C'est un recul par rapport au dispositif actuel qui pose ces conditions de façon alternative et cela semble contraire à l'approche retenue par la loi du 4 mars 2002. Cette nouvelle rédaction se heurte directement aux dispositions issues de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
    Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Nous aurons l'occasion de revenir sur la question dite de la double peine lorsque nous aborderons l'article 24, qui est vraiment au coeur de l'économie du projet sur ce dossier, mais on ne peut pas considérer cet article isolément puisque l'article 22 redéfinit les catégories d'étrangers qui sont relativement protégées contre une mesure administrative d'éloignement.
    Cet article définit les étrangers qui sont protégés par l'article 25 de l'ordonnance de 1945 contre une mesure d'éloignement prononcée au titre de l'article 22 de la même ordonnance, par des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière, mais surtout au titre de l'article 23, par des arrêtés préfectoraux d'expulsion pour menace à l'ordre public. Ces six catégories de personnes ne sont protégées que de manière relative, comme l'étaient les six catégories précédemment définies dans l'article 25 de l'ordonnance de 1945.
    Cette protection relative n'a jamais été considérée comme satisfaisante, et nous regrettons que les seuls cas de protection absolue soient restreints à un article complémentaire de l'ordonnance de 1945 et qu'ils ne reprennent pas l'ensemble des catégories de l'article 25 de l'ordonnance de 1945 dont je viens de parler.
    On aurait pu profiter de l'article 22 pour aller un petit peu plus loin et pour donner plus d'ampleur à la réforme nécessaire de ce qui est effectivement une forme de bannissement insupportable dans une société moderne, la double peine.
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je voudrais prendre quelques minutes, madame la présidente, pour parler de la question qui va nous occuper dans les articles qui viennent, la peine complémentaire ou double peine.
    En lisant les comptes rendus de nos travaux dans la presse, j'ai été très frappé par le fait que, jusqu'à présent, aucun d'entre nous n'avait été caricaturé. C'est l'une des premières fois dans l'histoire de notre démocratie que l'on a pu parler de l'immigration sans que les médias ou l'opinion publique parlent de bataille de chiffonniers et se demandent ce qu'on est en train de faire, avec deux camps qui s'opposent sans jamais se comprendre, les bons ou les mauvais, le bien ou le mal...
    Jusqu'à présent, le débat sur l'immigration fait plutôt honneur à l'Assemblée nationale et ne fait pas l'objet de comptes rendus caricaturaux. On le doit à chacun, majorité comme opposition. Nous ne sommes pas d'accord sur tout, mais nous voulons mettre un terme à l'exaspération de nos compatriotes, qui ne comprennent pas pourquoi la loi s'appliquerait pour eux et pas pour d'autres, sous prétexte qu'ils sont étrangers en situation de grande faiblesse. Je crois que c'est un constat que tout le monde partage.
    J'ai la grande ambition de vouloir que ce soit exactement pareil sur la question de la double peine.
    D'abord, pourquoi est-ce que je vous propose cette réforme ? Parce que ce sujet occupe la vie politique de notre pays depuis des années, où chacun s'en saisit sans savoir ce qu'il y a derrière. C'est un symbole, un totem et une posture. Les uns sont généreux grâce à cela, les autres sont inhumains à cause de cela. Voilà encore une fois un thème dont on parle sans arrêt sans jamais en débattre, et encore moins le comprendre. A partir du moment où l'on veut un débat sur l'immigration, il faut prendre tous les sujets, y compris les plus difficiles, c'est notre honneur, au lieu de se lancer des anathèmes sur le sujet. J'ai abordé celui-ci parce que c'est un sujet qui empoisonne tout et dont on doit parler.
    Personne ne doit douter de ma volonté de mettre en place une politique ferme, mais j'appelle l'attention de tous les membres de la majorité notamment sur le fait que nous ne pourrons le faire sans problème, sans être caricaturés, que si nous prenons soin de ne pas confondre fermeté et injustice. Bien souvent, et je le dis en prenant ma part de responsabilité, la droite républicaine et modérée n'a pas su faire la différence devant l'opinion publique entre ce qui était nécessaire, juste, et ce qui était trop, et elle s'est caricaturée. Elle s'est ainsi condamnée à l'immobilité. Ne voyez-vous pas que, si nous avons pu faire passer certaines mesures dans un climat apaisé et respectueux, y compris les reconduites groupées à la frontière, c'est parce que ceux qui aimeraient tellement nous caricaturer n'ont pu le faire à aucun moment ? Pourquoi, dans le passé, n'avons-nous pas pu aller au-delà du premier avion ? Parce que nous n'avions pas toujours compris que les mots, ça compte, les idées et les attitudes également. Donc, si vous voulez une politique ferme, elle doit être équilibrée.
    Un Français qui commet un crime ou un délit va en prison, et lorsqu'il sort de prison, il reste en France. Un étranger qui commet un crime ou un délit va en prison et, lorsqu'il sort de prison, il est expulsé. Avec les dispositions votées cette nuit, si les faits sont avérés, il peut même être expulsé avant même que le tribunal ne se soit prononcé.
    Qui est concerné par ce que l'on appelle la double peine ? Celui qui est juridiquement étranger mais de facto français. Celui, par exemple, qui est né en France mais qui est resté algérien, qui a vécu toute sa vie en France mais dont les papiers sont ceux d'un pays étranger : c'est le cas de Brahim Chalabi.
    La double peine fabrique des clandestins parce que nul pays n'accepte d'accueillir ses ressortissants sur le papier alors même qu'ils n'y ont jamais vécu. Le cas de Chalabi est caricatural, mais il en existe des dizaines, voire des centaines. En l'occurrence, son pays, c'était l'Algérie. Les Algériens ont refusé de lui donner un laisser-passer consulaire car il est peut-être algérien selon ses papiers, mais il n'a jamais vécu en Algérie. C'est cela aussi qu'il faut comprendre : la double peine est suffisamment ferme pour faire de la peine et briser des familles, mais elle est totalement inefficace pour lutter contre la délinquance ou maîtriser des flux migratoires.
    Par ailleurs, il est des étrangers qui vivent sur notre territoire, qui sont mariés à une Française, qui ont des enfants français. Ils font une bêtise. Ils sont condamnés, et ils vont en prison. Et ils ont sur la tête une décision d'expulsion. Si le ministre de l'intérieur, quel qu'il soit, exécute la décision d'expulsion, qui punit-il ? La femme française et les enfants français. Or il n'a pas été indiqué dans le jugement du tribunal correctionnel ou dans l'arrêt de la cour d'assises qu'ils doivent être punis parce qu'ils ont eu la douleur d'avoir un père qui a fauté ou un mari qui a fait une bêtise.
    Où est-il écrit dans l'arrêt du tribunal correctionnel qu'une fois que Bouchlalek a fait ses cinq années de prison, les six enfants français doivent être privés de père et la mère française de mari ? Si vous expulsez Bouchlalek, que faites-vous de la femme française et des enfants français ? Vous les expulsez ? Vous n'en avez naturellement pas le droit. Vous expulsez un membre de la famille et vous gardez l'autre ? Vous perdez deux fois : vous perdez une première fois au titre de l'humanité parce que je ne crois pas que ce soit la réponse appropriée à des délits que de priver des enfants de leur père, même si celui-ci a commis une faute, et vous perdez une seconde fois car qui peut imaginer sérieusement que celui qui laisse six gosses et sa femme derrière lui restera tranquillement en Tunisie, au Maroc, en Algérie ou ailleurs, alors que sa famille est en situation légale en France ? Vous prenez une décision injuste, cruelle et, de surcroît inefficace.
    Enfin, si je ne vous ai pas convaincus, vous vous serez pour le même prix caricaturés pour des mesures que vous ne pourrez pas mettre en oeuvre et, comme vous n'aurez pas eu la générosité d'ouvrir votre coeur et votre intelligence dans des cas aussi choquants, l'opinion publique vous refusera son soutien pour des décisions tout à fait nécessaires comme l'augmentation de la durée de rétention administrative ou les mesures concernant les certificats d'accueil ou les mariages blancs.
    Juridiquement, il n'y a aucun rapport entres toutes ces questions, mais nous sommes des responsables politiques et, devant le tribunal de l'opinion publique, tout ça est constamment lié. Si vous voulez que notre politique de l'immigration soit comprise, elle doit être ferme, mais elle doit être juste.
    Enfin, c'est le ministre de l'intérieur qui vous le dit, nous n'avons pas besoin de la double peine pour lutter contre l'insécurité ou pour maîtriser les flux migratoires. La double peine n'a jamais servi à cela.
    J'en terminerai par là, madame la présidente, en m'excusant d'avoir été trop long, mais c'est un sujet, vous l'aurez compris, qui me tient à coeur, certains de mes amis le savent. Ce n'est pas une question de tactique, c'est une question de conviction.
    On peut me demander pourquoi j'ai maintenu des exceptions. M. Gerin ou M. Mamère me le reprocheront sans doute. La raison est très simple. Deux catégories de criminels ne seront pas protégées, et j'assume ce choix, je l'ai dit d'ailleurs à tout le monde, - : d'une part, ceux qui ont des activités en relation avec le terrorisme, non que j'estime le moins du monde qu'un acte terroriste soit plus grave qu'un viol, qu'un braquage ou qu'un trafic de drogue, mais le fait qu'il soit commis en liaison avec une puissance étrangère étatique ou non démontre à satiété que son auteur ne témoigne d'aucune intégration dans la société qui l'accueille et qu'il doit respecter ;...
    M. Pierre Cardo. Evidemment !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... d'autre part, ceux qui portent atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, autrement dit qui font de l'espionnage. Si vous travaillez à la solde d'un Etat étranger, vous ne pouvez pas demander en sus que l'Etat contre lequel vous avez travaillé vous accueille. C'est pour le moins la preuve que vous n'avez pas la volonté de vous intégrer.
    M. Jean-Louis Léonard. C'est logique.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Voilà pourquoi j'ai retenu ces deux exceptions, non pas, monsieur Léonard, pour leur gravité morale, mais du fait de leur rapport avec des intérêts étrangers.
    Pourquoi n'ai-je pas retenu la drogue, le viol ou le braquage ? A partir du moment où l'on considère que la double peine est injuste et inefficace, entrer dans le détail des crimes et délits, c'est prendre le risque de faire un inventaire à la Prévert, où chacun d'entre nous, en fonction de son expérience personnelle ou de son système de valeurs, que je respecte par ailleurs, voudra prévoir une exception, lorsqu'il s'agit d'un fonctionnaire de police, par exemple ou d'un enfant, ou de drogue, tout cela n'ayant rien à voir avec le fait de refuser de punir et des femmes et des enfants innocents.
    Le projet que je vous propose sera certainement amendé, mais je le crois équilibré, mesuré, et, surtout, je pense profondément, et ce sera ma conclusion, qu'il correspond à la complexité de notre pays.
    Nos compatriotes ont des aspirations contradictoires, que nous aurions bien tort d'omettre. Ils ne veulent pas de la régularisation de tous les clandestins, mais, quand un ministre de l'intérieur expulse des gens d'une église, ils exigent que ce soit fait sans aucune brutalité. Ils ne veulent pas être submergés par les clandestins, mais ils ne veulent pas que l'on donne de notre pays une image qui ne serait ni humaine ni généreuse. Pourquoi la France est-elle difficile à gouverner ? Parce qu'elle n'est pas faite de sentiments binaires. Il n'y a pas d'un côté ceux qui veulent la fermeté sans la générosité, et, de l'autre, ceux veulent la générosité sans la fermeté. Ils veulent les deux. Avec la réforme que le Gouvernement vous propose, je suis intimement convaincu qu'on leur donnera les deux, et que cela correspond parfaitement à la complexité et à la vérité de la société française. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. M. Pinte a présenté un amendement, n° 189, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le 1° du texte proposé pour l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 :
    « 1° L'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, et ce depuis la naissance de l'enfant ou depuis un an en cas de reconnaissance postérieure à la naissance de l'enfant. »
    La parole est à M. Etienne Pinte.
    M. Etienne Pinte. Dans l'esprit des convictions que le ministre vient de nous rappeler, et je le remercie de les avoir exprimées avec autant de force et de conviction, l'amendement que je vous propose a pour but d'assouplir les conditions requises pour prouver l'existence d'une relation réelle entre le parent menacé d'expulsion et son ou ses enfants.
    Le ministre et moi-même avons été confrontés l'année dernière, à la même époque, à la difficulté de savoir quelle était la relation exacte entre M. Bouchlaleg, ses six enfants et sa femme. En juillet et en août, ni lui ni moi n'avions toutes les informations nécessaires. Ce n'est que fin septembre, à la lumière de tous les rapports que nous avons reçus, que le ministre a pu transformer en assignation à résidence l'arrêté ministériel d'expulsion.
    Cet amendement permettra de mieux préserver l'unité familiale, et particulièrement le lien parental, et de réaffirmer non seulement le droit à la vie personnelle, à la vie familiale, tel qu'il est défini à l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l'homme, mais également le droit des enfants à vivre ou à garder des liens les plus étroits possible avec leurs parents.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Favorable. Cet amendement porte sur la définition de la parentalité effective au regard des protections contre les mesures d'éloignement. Il reprend des mesures qui ont été adoptées avec l'amendement n° 388 à l'article 7. On retrouvera le problème ultérieurement.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 189.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. En conséquence, les amendements n°s 371, 271 corrigé et 322 tombent.
    Je suis saisie de trois amendements, n°s 1, 372 et 379, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 1 n'est pas défendu.
    L'amendement n° 372, présenté par M. Cardo et M. Cova, est ainsi rédigé :
    « Dans le 2° du texte proposé pour l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, substituer aux mots : "au moins un an les mots : "deux ans. »
    L'amendement n° 379, présenté par MM. Mourrut, Ferrand et Bénisti, est ainsi rédigé :
    « Dans le 2° du texte proposé pour l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, substituer aux mots : "un an les mots "deux ans. »
    La parole est à M. Pierre Cardo pour soutenir l'amendement n° 372.
    M. Pierre Cardo. Il s'agit d'un amendement de cohérence avec les dispositions relatives au mariage que nous avons adoptées.
    Mme la présidente. La parole est à M. Etienne Mourrut, pour soutenir l'amendement n° 379.
    M. Étienne Mourrut. Cet amendement est en cohérence avec la nouvelle rédaction du 3° de l'article 15 de l'ordonnance telle qu'elle est prévue par l'article 12 du projet. Dans le cas présent non plus, le mariage de complaisance ne doit pas servir d'immunité contre une procédure d'expulsion dont le fait générateur résulte de l'existence d'une menace grave pour l'ordre public comme le précise l'article 23 de l'ordonnance.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 372 et 379 ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable à l'amendement n° 372, favorable à l'amendement n° 379.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis.
    M. Pierre Cardo. Madame la présidente, je retire l'amendement n° 372.
    Mme la présidente. L'amendement n° 372 est retiré.
    Je mets aux voix l'amendement n° 379.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Braouezec, M. Gerin et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 323, ainsi rédigé :
    « Dans le 3° du texte proposé pour l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, substituer au nombre : "quinze le nombre : "dix. »
    La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. Par principe, nous sommes opposés à la double peine et à son caractère discriminatoire. Par cet amendement, nous souhaitons harmoniser les catégories non expulsables avec celles des bénéficiaires d'un titre de séjour de plein droit.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Les catégories d'étrangers protégés contre les mesures d'éloignement sont énumérées aux articles 22, 24 et 38 du texte. Sur chacun de ces articles, un certain nombre d'amendements ont été déposés par M. Pinte, M. Cardo, M. Bourg-Broc, M. Mourrut, M. Caresche, M. Braouezec ou encore M. Mamère. Pour l'essentiel, la commission des lois a décidé de ne pas modifier le champ des protections, qui résulte d'une longue réflexion. Les solutions proposées par le Gouvernement nous semblent justes et équilibrées. Il est d'ailleurs significatif que certains amendements proposent de limiter ces catégories alors que d'autres visent à les élargir. La commission sera donc conduite, dans la plupart des cas, à émettre un avis défavorable sur ces amendements. C'est pourquoi elle a donné un avis défavorable sur l'amendement n° 323, qui vise à réduire à dix ans la durée de résidence habituelle permettant d'être protégé contre une « double peine ».
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis que celui de la commission : défavorable.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Une fois n'est pas coutume, je soutiendrai l'amendement défendu par M. Gerin.
    Le projet de loi opère une distinction entre l'étranger qui réside habituellement - c'est le 3° de l'article -, autrement dit celui qui n'a pas de titre de séjour régulier et auquel on demande quinze ans de présence, et celui qui a un titre de séjour régulier et auquel on ne demande que dix ans de présence - il s'agit du 4° de l'article. L'amendement présenté par M. Gerin propose de retenir la durée de dix ans dans les deux cas, et je pense qu'il a raison. En effet, au regard de l'argumentation limpide et juste de M. le ministre, il ne me paraît pas normal de pénaliser l'un plus que l'autre. En vérité, cette distinction revient à pénaliser l'entrée irrégulière en France, alors que ce n'est pas ce que nous cherchons à faire. Ce qui doit être pris en compte, ce n'est pas la nature du délit, mais à la situation inextricable de personnes dont la durée de présence sur notre territoire et les attaches qu'elles ont en France les rendent inexpulsables. Etablir une distinction entre le séjour régulier et le séjour irrégulier ne me semble pas légitime. La situation irrégulière n'a rien à voir avec les deux catégories d'exceptions que le ministre a reposées tout à l'heure.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 323.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Blisko, M. Caresche et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 270, ainsi rédigé :
    « Après le 6° du texte proposé pour l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, insérer l'alinéa suivant :
    « 7° L'étranger, ayant suivi une scolarité au moins depuis l'âge de seize ans jusqu'à sa majorité, qui poursuit effectivement des études supérieures constituées par un enseignement à caractère universitaire ou une formation à caractère professionnel dans un établissement public ou privé habilité à délivrer des diplômes visés par l'Etat. »
    La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Cet amendement est défendu.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Rejet.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Rejet également.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 270.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Braouezec, M. Gerin et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 324, ainsi rédigé :
    « Supprimer le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945. »
    La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. Cet amendement tend, en supprimant le dernier alinéa du texte proposé pour l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, à renforcer la protection accordée aux différentes catégories d'étrangers visées à l'article 22.
    J'ajoute à l'intention de M. le ministre que nous voterons sans hésiter l'article 22.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Notre collègue propose de supprimer la possibilité de passer outre à une protection relative en cas de condamnation supérieure à cinq ans. Au nom de l'équilibre du texte, la commission a rejeté cet amendement.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Défavorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 324.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 396, ainsi rédigé :
    « Après les mots : "au moins égale à cinq ans, supprimer la fin du dernier alinéa du texte proposé pour l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 396.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 22, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 22, ainsi modifié, est adopté.)

Article 23

    Mme la présidente. « Art. 23. - Après l'article 25 de la même ordonnance, il est créé un article 25 bis ainsi rédigé :
    « Art. 25 bis. - L'expulsion peut être prononcée :
    « 1° En cas d'urgence absolue, par dérogation à l'article 24 ;
    « 2° Lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, par dérogation à l'article 25 ;
    « 3° En cas d'urgence absolue et lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, par dérogation aux articles 24 et 25. »
    Je mets aux voix l'article 23.
    (L'article 23 est adopté.)

Article 24

    Mme la présidente. « Art. 24. - L'article 26 de la même ordonnance est ainsi rédigé :
    « Art. 26. - I. - Sauf en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à raison de l'origine ou de la religion des personnes, ne peut faire l'objet d'une mesure d'expulsion, y compris dans les hypothèses mentionnées au dernier alinéa de l'article 25 :
    « 1° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ;
    « 2° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ;
    « 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui est marié depuis trois ans soit avec un ressortissant français ayant conservé la nationalité française, soit avec un ressortissant étranger relevant du 1° ci-dessus, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé ;
    « 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France, à condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant et qu'il subvienne effectivement à ses besoins.
    « Sauf en cas d'urgence absolue, les dispositions de l'article 24 sont applicables aux étrangers expulsés sur le fondement du présent paragraphe.
    « Les étrangers relevant du 1° ci-dessus ne peuvent pas faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière prise en application de l'article 22 de la présente ordonnance.
    « II. - L'étranger mineur de dix-huit ans ne peut faire l'objet ni d'un arrêté d'expulsion, ni d'une mesure de reconduite à la frontière prise en application de l'article 22. »
    Plusieurs orateurs sont inscrits sur cet article.
    La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
    M. Jean-Pierre Grand. L'article 24 vise à instaurer une protection absolue contre les mesures d'expulsion au bénéfice de certaines catégories d'étrangers qui commettraient des délits sur notre sol.
    Je ne reviendrai pas sur mes interrogations - qui sont celles d'un très grand nombre d'entre nous - concernant les raisons qui motivent les étrangers vivant depuis longtemps sur notre territoire à n'avoir jamais désiré devenir Français. Je souhaite simplement rappeler, au moment où nous abordons cet important article du projet de loi, que je réclame qu'il soit fait preuve de la plus grande sévérité envers les étrangers qui vivent et font vivre leur famille sur notre territoire en se livrant au trafic de la drogue. La France doit se protéger contre ces criminels sans excuses.
    Pour autant, j'ai entendu le plaidoyer de ceux qui militent contre ce que l'on appelle à tort la double peine, et j'ai compris leurs arguments. Il est indéniable que, dans certains cas, l'interdiction du territoire français n'est pas la bonne solution. En revanche, il est d'autres cas où elle semble s'imposer.
    Aux exemples qui ont alimenté le débat à charge contre la double peine, je voudrais opposer celui d'une famille étrangère qui a récemment défrayé la chronique dans ma région. C'est une famille comme celle que M. Pinte nous a décrite, sauf que deux de ses membres ont été arrêtés à la frontière en possession de 5 000 pilules d'ecstasy, de 2 000 comprimés d'amphétamine, de 18 grammes de cocaïne et de 200 buvards de LSD. La police s'est rendue au domicile de cette charmante famille et y a découvert 38 kilos d'héroïne et tout le matériel du parfait revendeur. Poussant ses investigations plus loin, elle a constaté que cette famille avait 86 000 euros sur des comptes en banque, étaient propriétaires d'appartements et roulaient dans des voitures de luxe, bref, que l'argent coulait à flots. Je m'interroge et j'interroge la représentation nationale sur cette situation.
    Ces trafiquants de drogue sont des dangereux criminels et, dans ce cas, les membres de leur famille sont des complices inexcusables. Aussi, j'estime que nous devons les expulser de notre territoire, même s'ils résident en France depuis dix ans ou plus. C'est le mandat que nous ont confié nos électeurs.
    Pour autant, je n'oublie pas les valeurs de tolérance, d'humanisme et de fraternité qui fondent nos principes républicains et qui ont toujous inspiré ma vie publique. Je n'oublie pas non plus, monsieur le ministre, que le débat qui s'est engagé sur ce sujet, débat qui est tout à votre honneur et celui du gouvernement de la République, nous a permis de nous écouter mutuellement, d'échanger. C'est pourquoi vous comprendrez que je ne sois pas insensible aux arguments que vous avez développés.
    J'appartiens à la majorité qui vous soutient. Par définition, quand on appartient à la majorité, on soutient le ministre de l'intérieur.
    M. Christian Vanneste. Très bien !
    M. Jean-Pierre Grand. Aussi, monsieur le ministre, je vous dis avec toute ma conviction que, même si mes analyses sont différentes des vôtres au regard de l'exemple que je viens de citer, je suis convaincu qu'il faut aujourd'hui vous suivre dans la voie que vous avez choisie. C'est du reste la raison pour laquelle j'ai retiré un amendement que j'avais déposé sur cet article, comme j'en ai retiré un autre que j'avais déposé sur l'article 38.
    Nous avons débattu. Nous débattrons. Nous continuerons à débattre de la double peine, notamment à l'article 38. Je pense que l'opinion publique nous sera reconnaissante d'avoir eu enfin, sur ce difficile sujet de société, une grande explication nationale. Monsieur le ministre, je vous remercie.
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Grand, je souhaite vous répondre tout de suite car nous sommes au coeur d'un débat important. Je crois que nous devons faire valoir nos arguments, les uns et les autres, sans aucune hypocrisie.
    Premièrement, je souhaite que la majorité soit convaincue, et non qu'elle soit contrainte. Et je crois suffisamment fort à la logique de mon argumentation pour que celle-ci puisse convaincre et toucher.
    Deuxièmement, monsieur Grand, j'ai été très sensible à vos propos. Les majorités qui échouent sont celles qui ne savent pas débattre, des majorités où l'on interdit le débat. Pour ma part, je ne l'ai jamais refusé, et vous avez bien voulu le souligner. Non seulement, je n'ai jamais refusé le débat mais, de surcroît, je n'ai pas souhaité qu'il y ait une suspension de séance pour que nous nous retrouvions dans un coin pour parler de choses importantes dans le dos de l'opinion publique. Ces choses-là doivent être débattues devant elle.
    Je respecte votre opinion et je crois que vous respectez la mienne. En échangeant sereinement, nous faisons oeuvre de pédagogie dans un pays comme le nôtre qui n'a ni la tradition du dialogue, ni celle du compromis, et qui, sur des sujets complexes, a trop souvent des réactions binaires. Je vous remercie, monsieur Grand, d'avoir fait cela.
    Troisièmement, vous m'avez convaincu qu'un étranger trafiquant de drogue n'ayant pas de liens anciens avec la France doit pouvoir être expulsé manu militari.
    On voit la logique de la politique que propose la majorité. Les étrangers qui commettent des délits sur notre territoire - je pense au racolage, à la prostitution ou au trafic de drogue - et qui n'ont pas de liens anciens avec la France, doivent être impitoyablement expulsés. Nous n'avons pas besoin de délinquants supplémentaires sur notre territoire national. En revanche, nous devons - et c'est parfaitement complémentaire - faire preuve d'humanité avec ceux qui ont des liens anciens avec notre pays.
    Toutefois, j'ai un point de différence avec vous, monsieur Grand : je ne crois pas que l'on puisse dire sérieusement que les enfants d'une famille de trafiquants sont des complices. Cela n'enlève rien à l'idée que vous vous faites de la famille, mais ces enfants sont d'abord des victimes : on ne choisit pas son père ou sa mère, on ne choisit pas non plus le trottoir où l'on naît. Quand un « gosse » a le malheur d'avoir un père ou une mère qui sont des trafiquants, j'aimerais que l'on m'explique ce qu'il y peut. Il est évident que, quand vous avez l'exemple détestable de deux parents qui sont des repris de justice, cela ne vous amène pas à avoir un parcours spontanément apaisé. Que doit-on faire de ces enfants ? Les aider ou les accabler ? Ils ne sont pas complices, mais victimes, et peut-être même les premières victimes.
    S'agissant du cas particulier que vous avez éloquemment décrit, l'expulsion de ces étrangers peut parfaitement être posée. Je ne demande pas mieux que de revoir les cas particuliers.
    En définitive, monsieur Grand, je retiens que nous avons su chacun faire un pas l'un vers l'autre. Ce n'est pas tellement important pour vous ou pour moi, car nous nous connaissons depuis si longtemps, que nous ne nous connaîtrons pas mieux pour cela, mais c'est très important pour les Français qui voient que, sur un sujet aussi sensible, il y a des hommes et de femmes qui sont capables d'additionner leurs convictions plutôt que de s'excommunier. Et cela, en soi, c'est déjà une grande nouvelle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
    M. Pascal Clément, président de la commission. A mon tour, je tiens à m'exprimer sur le sujet de la double peine. Je dois reconnaître que j'étais de ceux qui ne s'étaient jamais posé de questions avant que NicolasSarkozy n'ouvre le débat.
    M. Patrick Braouezec. Prise de conscience tardive !
    M. Etienne Pinte. L'important, c'est que ce soit arrivé !
    M. Gérard Léonard. Au moins, M. Clément est intellectuellement honnête, lui !
    M. Pascal Clément, président de la commission. Il est vrai que certains sont plus rapides que d'autres !
    Pour ma part, je considérais comme normal qu'un étranger ayant commis un crime ou un délit grave puisse être expulsé. Honnêtement, cela ne choquait pas mon bon sens.
    Je reconnais à Nicolas Sarkozy le mérite d'avoir fait briser un tabou. Grâce à lui, nous avons fait, les uns et les autres, un effort de réflexion sur cette question.
    Première réflexion, quand on condamne un Français à une sanction lourde, à une longue peine de détention, on considère que cette sanction doit aussi lui offrir une chance de réinsertion. La sanction est infligée non seulement pour punir, mais également, théoriquement - je crains d'ailleurs que ce ne soit parfois que théorique - pour donner une chance de réinsertion au condamné. Pourquoi un Français aurait-il une chance d'être réinséré, et pas un étranger ? Ce serait, là encore, d'une autre façon une double peine !
    Deuxième réflexion, quand un étranger n'a plus aucun lien avec son pays d'origine - et c'est sans doute là l'argument qui m'a le plus convaincu -, doit-on le renvoyer dans son pays d'origine pour satisfaire notre électorat, alors que cette personne reviendra sans doute en France comme clandestin pour revivre avec sa famille ? Celui qui a trois ou quatre enfants et une femme en France, va-t-il rester des années en Algérie, en Tunisie, au Maroc, au Mali ou ailleurs, alors qu'il n'a plus la moindre attache avec son pays d'origine ? Cette personne - généralement un homme - n'aura de cesse, quand il aura purgé sa peine, de revenir dans notre pays.
    Troisième réflexion, je crois profondément que la sanction ne doit jamais être définitive. Or, derrière la double peine, il y a quelque chose de définitif, une véritable sanction à perpétuité. Or vous savez très bien que si la condamnation à perpétuité est assortie d'une peine de sûreté, c'est pour éviter que cette condamnation ne soit justement à perpétuité. Or avec la double peine, on condamnerait des gens à vivre hors de leur famille à perpétuité ! Ce n'est pas possible !
    Je remercie donc le ministre de l'intérieur de m'avoir permis de réfléchir à cette question et de m'avoir conduit à adopter ses conclusions. Je tenais à apporter mon propre témoignage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Gérard Léonard. Très bien !
    Mme la présidente. La parole est à  M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Je ne voudrais pas rallonger ce débat à l'excès puisque nous nous sommes exprimés sur la question dans la discussion générale.
    Permettez-moi tout d'abord de faire remarquer que ce texte concerne essentiellement les flux migratoires et que la double peine aurait pu faire l'objet d'un texte séparé, car ce n'est pas tout à fait le même sujet.
    Je ne reviendrai pas sur les éléments politiques du problème que nous avons déjà exposés. Simplement, sur le fond, de quoi s'agit-il ? Certains étrangers vivant dans notre pays depuis très longtemps sont des « Français de fait » ou des « quasi-Français » - j'ai déjà employé cette expression, mais comme le ministre l'a reprise,...
    M. Gérard Léonard. C'est l'inverse !
    M. Christophe Caresche. ... je me permets de me répéter. On peut certes le contester sur le plan juridique, et je pense que d'aucuns ne s'en priveront pas,...
    M. Christian Vanneste. Sans aucun doute !
    M. Christophe Caresche. ... mais c'est une réalité, un fait. Il s'agit donc de faire en sorte que ces étrangers, qui ont été condamnés par les tribunaux après avoir commis un délit, ne soient pas en plus frappés d'une peine complémentaire d'expulsion vers des pays que, bien souvent, ils ne connaissent plus et dont ils ne parlent même plus la langue.
    Les choses doivent être claires : cette mesure ne remet pas en cause le principe de la peine compémentaire. Notre droit pénal comportera toujours des peines complémentaires qui s'adresseront à des catégories d'étrangers extrêmement précises.
    J'ajoute que ces situations sont assez « marginales » dans notre pays : elles doivent concerner entre 500 et 1 000 étrangers. Pour autant, cela n'enlève rien à leur caractère scandaleux sur le plan humanitaire.
    J'appelle la représentation nationale à voter les dispositions qui lui sont proposées : elles sont à la fois justes et adaptées. Ce sera le moyen de faire cesser un débat qui dure depuis des années à propos d'une affaire dans laquelle chacun a sa part de responsabilité.
    Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Pour ma part, j'avais déposé, le 6 février dernier 2002, avec un certain nombre de mes collègues, une proposition de loi visant à appliquer automatiquement la double peine en matière de trafic de stupéfiants.
    Depuis, l'action d'associations - même si, pour certaines, je ne partage pas du tout les opinions politiques -, le film de Tavernier et ce projet de loi m'ont conduit à m'interroger.
    Le texte que nous avions déposé présentait un inconvénient majeur. Si l'on ne peut qu'approuver que les traficants de drogue, à partir d'un certain niveau de délit, soient expulsés, on doit cependant s'interroger : où placer le curseur ?
    Comment expliquer à une personne dont l'enfant a été assassiné que seuls les trafiquants de drogue sont concernés par l'expulsion automatique ? Comment faire comprendre à une personne dont l'un des siens a été violé que l'expulsion ne concerne que les trafiquants de drogue ?
    En fait, le problème avait alors été abordé du mauvais côté. Car définir le niveau de délit à partir duquel la double peine est possible est une entreprise ardue. La double peine doit-elle s'appliquer de manière automatique ? Doit-elle s'appliquer dans les cas de viol, de meurtre, de cambriolage ou de trafic de drogue ? Où s'arrêter ? Chacun a son histoire personnelle et pourra trouver tout à fait justifié que, dans un cas, la double peine s'applique, et pas dans l'autre.
    Votre texte, monsieur le ministre, a l'avantage d'inverser totalement les termes du débat plutôt que de raisonner ; comme je l'ai fait pendant un certain temps ; en fonction du niveau de crime ou du déli : il considère les personnes. C'est l'approche la plus humaine.
    L'expulsion de personnes qui ont, du fait de leur histoire personnelle et de leur structure familiale, un lien très fort avec la France bien qu'elles ne possèdent pas de carte d'identité française, ne réglerait rien à nos problèmes de sécurité et d'immigration. Cette expulsion détruirait en tout cas durablement des familles dont les chefs auraient commis certains crimes ou délits.
    L'approche consistant à considérer non pas le délit ou le crime, mais la personne et son lien avec la France me semble beaucoup plus juste, beaucoup plus humaine pour la famille concernée elle-même, notamment pour l'épouse.
    Au surplus, l'action de la justice va très rarement jusqu'au bout.
    Je rappelle que la double peine ne sera aucunement supprimée, mais qu'elle ne s'appliquera qu'à ceux qui n'ont pas de lien fort avec la France car l'action de la justice doit se concentrer sur eux. Elle ne s'appliquera pas à ceux dont le passé personnel et les attaches familiales feraient que l'expulsion serait plus néfaste pour leur famille qu'intéressante pour la société.
    Voilà pourquoi, monsieur le ministre, je soutiens votre approche. Votre texte consacre un changement d'optique. M. Caresche aurait préféré que l'on prévoie deux textes. Cessons de repousser à chaque fois la solution des problèmes !
    Monsieur le ministre, vous avez tout mon soutien. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. La parole est à  M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Reconnaissons à M. le ministre d'avoir eu le mérite de regarder en face un sujet qui était devenu à la fois idéologique et tabou et qu'aucune majorité n'avait voulu régler. La précédente majorité avait choisi l'esquive plutôt que de traiter ce qui est une forme de bannissement que nous ne pouvons accepter dans notre société moderne et qui crée une inégalité dans le traitement pénal de la délinquance : ce dispositif faisait une différence entre un Français et un étranger puisqu'il permettait de condamner à une peine supplémentaire quelqu'un qui avait déjà purgé sa peine devant la société.
    Reconnaissons aussi au ministre le mérite d'avoir suivi un précurseur qui a été courageux dans ses propres rangs...
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est vrai !
    M. Noël Mamère. ... à l'époque où ses amis n'étaient pas d'accord avec lui et, dans le cadre d'un débat idéologique, en faisaient aussi un sujet tabou : je veux parler de notre collègue Etienne Pinte, avec qui j'ai eu l'occasion, dans l'enceinte de l'Assemblée nationale ou lors de diverses manifestations, de que la double peine n'était pas acceptable dans une grande démocratie comme la nôtre. Nous avons combattu ensemble, aux côtés des associations et du Collectif contre la double peine, qui a fait un excellent travail depuis 2001, pour essayer de convaincre l'opinion française. Celle-ci était d'ailleurs en avance par rapport au personnel politique, qui campait encore sur des idées conservatrices parce qu'il ne savait pas regarder la société en face.
    Il faut donc adresser un grand merci à tous ceux qui, du GISTI à la CIMADE, en passant par le MRAP et le Collectif contre la double peine, se sont mobilisés pour faire prendre conscience de cette iniquité. Adressons également aux artistes qui se sont véritablement engagés, tels que Bertrand Tavernier et Jean-Pierre Thorn, qui a réalisé un film remarquable sur Bouddha un rappeur connu des banlieues et bien au-delà, victime de la double peine.
    Il ne s'agit pas ici d'exalter ceux qui ont commis des indélicatesses, par rapport à la loi, mais de dire qu'on ne peut pas appliquer une justice d'exception à des personnes qui vivent sur notre territoire depuis des années, dont la famille y est installée qui n'ont plus aucun lien avec leur pays d'origine et qui sont des citoyens de résidence. C'est d'ailleurs ce que j'appellerais au nom de cette conception que j'avais eu l'honneur de défendre à la tribune de l'Assemblée une proposition de loi relative au vote des étrangers non communautaires dans les élections locales, par extension de ce que prévoit le traité de Maastricht pour les ressortissants de l'Union européenne
    L'intégration passe évidemment par le vote, mais elle passe aussi par le sentiment que tous ceux qui vivent sur le territoire français bénéficient d'un traitement équitable, égal et uniforme devant la loi. C'est pour cette raison que nous ne bouderons pas notre plaisir : nous voterons l'article 24 qui, contrairement à ce que disent certains, n'abroge pas la double peine, mais qui aménage son dispositif.
    Un certain nombre des dispositions avancées par le groupe de travail constitué à l'initiative du ministre ont été reprises dans le projet de loi, comme la protection absolue accordée aux étrangers installés dans notre pays avant l'âge de treize ans. Mais certaines catégories d'étrangers restent encore passibles de la double peine, et on aurait pu aller plus loin. Sans vouloir faire de surenchère, je demanderai au nom de quoi un étranger célibataire ne pourra pas bénéficier de la future loi alors que ses attaches familiales sont en France et qu'il n'a aucun lien avec le pays où on voudra l'envoyer. Nombre de familles risquent de vivre, dans le déchirement, des situations inextricables.
    De même, nous trouvons injuste de maintenir l'interdiction du territoire français alors que l'appareil juridico-administratif français prévoit déjà l'expulsion administrative.
    Cela dit, un pas est franchi. Nous aurions préféré, comme l'a dit mon collègue Gerin tout à l'heure, qu'il le fût par la gauche lorsqu'elle était la majorité. Mais je m'honore d'avoir, en tant que candidat des Verts à l'élection présidentielle, fait de l'abrogation de la double peine l'une des priorités que l'on pouvait exiger d'un éventuel Président de la République de gauche.
    Mme la présidente. La parole est à M. Etienne Pinte.
    M. Etienne Pinte. Je voudrais une nouvelle fois remercier Thierry Mariani, Jean-Pierre Grand et le ministre.
    Il y a moins d'un an, nous n'étions pas sur la même longueur d'onde. C'est parce que nous avons fait les uns et les autres preuve de tolérence, d'ouverture d'esprit, de coeur, d'écoute, de pédagogie, de souci du dialogue, que nous sommes petit à petit parvenus à comprendre nos positions de départ respectives. C'est parce que nous nous sommes expliqués, en toute transparence, que nous avons pu rapprocher nos points de vue.
    Sur le plan de notre vie parlementaire et démocratique, je trouve que nous avons accompli un travail exemplaire.
    Ainsi que vient de le dire M. Mamère, un grand pas va être fait, dans les minutes qui viennent. Mais je souhaiterais, monsieur le ministre, mes chers collègues, attirer votre attention sur le cas de tous ceux que ne bénéficieront pas des dispositions du texte, alors qu'ils ont des attaches fortes en France. Il s'agit de tous ceux qui, bien qu'ils aient une femme ou une compagne françaises, et, surtout, des enfants français, ne pourront pas, en particulier pour des raisons de délai, bénéficier des nouvelles dispositions.
    Je voudrais vous citer quelques exemples, qui alimenteront notre réflexion.
    M. Aissaoui, ressortissant marocain, est arrivé en France à quatorze ans avec ses parents et ses cinq frères et soeurs. Pour faire partie des catégories protégées, il aurait dû arriver en France avant l'âge fatidique de treize ans. Quand il a été condamné, il n'avait pas quinze ans de résidence.
    On a beaucoup parlé de Maghrébins. Mais il n'y a pas que des Maghrébins parmi ceux qui sont susceptibles d'être victimes de la double peine.
    Ainsi, M. Philippe Ignatenko, de nationalité russe, est arrivé en France à treize ans révolus, donc trop tard. Mais peut-on renvoyer un garçon qui n'a plus aucune famille en Russie, dont le grand-père est mort au goulag, dont la mère journaliste a fui en raison de ses prises de position sur la Tchétchénie, qui n'a pas de père et dont la seule famille qui lui reste, sa mère et son frère, vit en France ?
    M. Jouini, dont le cas a été cité hier par Libération, est de nationalité tunisienne. Il est arrivé en France sans papiers et il peut y justifier de dix ans de présence habituelle. Il a eu une condamnation. Sa compagne est française et ses deux jeunes enfants sont français.
    M. Salmi, de nationalité algérienne, a été condamné une seule fois à une petite peine. Il est marié à une Française et père d'un petit garçon. Mais son mariage et la naissance de l'enfant ont eu lieu après les faits qui lui sont reprochés et après sa condamnation à une interdiction du territoire. Il ne remplit donc pas les conditions de séjour requises.
    Enfin, M. Basakuan, de nationalité congolaise, est arrivé en France en 1988. Il n'a plus aucune famille au Congo et est père de deux petites filles françaises.
    Que va-t-on faire de ces cas ? Que va-t-on décider pour le destin de tous ces enfants qui, si nous ne trouvons pas de solution, n'ont déjà plus ou n'auront plus de père ? Je ne souhaiterais pas qu'un jour tous ces enfants puissent nous jeter à la figure, à nous, parlementaires, la question : qu'avez-vous fait de nos pères ?
    Le projet de loi marque une première étape, que je salue. Cette étape me semble très positive. Mais n'oublions jamais qu'il y a des enfants. Ayons pitié des enfants dont nous condamnons les parents !
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Le groupe UDF souhaite manifester au ministre de l'intérieur son soutien dans cette affaire qui a traversé tous les bancs de l'Assemblée, progressivement et pas toujours au même rythme, comme le montre notre débat.
    Je voudrais également saluer les interventions courageuses du président de la commission des lois et du rapporteur. Elles montrent que nous avons, les uns et les autres, peu à peu évolué, ce que les hommes politiques ont souvent du mal à faire.
    Notre soutien, monsieur le ministre, vous est acquis car les dispositions actuelles ne sont tout simplement pas applicables et elles fabriquent des clandestins. En effet, elles poussent ceux que nous avons expulsés et qui reviendront de toute façon en France étant donné leurs attaches dans notre pays et leur absence d'attaches à l'étranger, à la clandestinité ; elles les replongeront aussi dans la délinquance, que la peine de prison était censée sanctionner et dont elle devait les aider à sortir.
    Cette prise de conscience de la société française a saisi progressivement toutes les familles politiques. François Bayrou, au moment de l'élection présidentielle, à laquelle M. Mamère a fait allusion, avait pris des positions qui m'avaient surpris car nous étions un certain nombre à n'avoir pas été confrontés à des situations inextricables. Depuis, en tant que député et maire, j'en ai rencontré.
    M. Grand a parlé des trafiquants de drogue. Les situations qu'il a évoquées sont choquantes, mais elles ne sont pas passibles d'une expulsion du territoire.
    On a connu aussi des situations inverses, telle celle d'un gérant d'hôtel dont un client détenait un kilo de drogue et qui s'est retrouvé condamné, mis quelques mois en prison, puis placé sous le coup d'un arrêté d'expulsion du territoire.
    Après mon élection à l'Assemblée nationale, il est venu me voir au marché pour me dire qu'il était un clandestin, car un arrêté de reconduite à la frontière avait été pris il y avait huit ans à son encontre alors que ses quatre enfants français sont en France. La police, me dit-il, faisait semblant de le convoquer, on déposait, car on savait qu'il était chez lui, l'arrêté de reconduite à la frontière dans sa boîte aux lettres, mais on n'y donnait pas suite car on se rendait compte que la situation était absurde.
    L'Assemblée nationale et le Parlement en règle générale ne gagnent jamais rien à maintenir en l'état des lois qui ne sont pas appliquées. Nous sommes dans le temple de la loi et la loi est faite pour être appliquée. Quand on ne sait pas l'appliquer, mieux vaut la corriger pour l'adapter à la situation réelle.
    M. Pierre Cardo. Très bien !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Les interventions du président de la commission des lois, du rapporteur, des représentants des Verts, du groupe socialiste, du groupe communiste, de l'UMP et, par ma voix, du groupe UDF présentent à mes yeux un immense avantage.
    En effet, on pourrait craindre que les non-républicains dans ce pays, notamment l'extrême droite, cherchent à récupérer cette avancée, qui est l'oeuvre de nous tous, de toute la société française, en agitant des fantasmes. A cet égard, l'explication que nous avons eue ensemble aura pour nos concitoyens qui pourraient se laisser abuser par des slogans, une portée pédagogique. Il est facile d'évoquer tel ou tel type de délit et de dire : « Vous ne voudriez pas que cela arrive à vos enfants ? Alors, il faut vite jeter le délinquant dehors ! », sans jamais expliquer que ce délinquant ne sera pas jeté dehors ou, s'il l'est, qu'il reviendra.
    Nous avons donc fait oeuvre utile et efficace, notamment en termes de sécurité publique, en modifiant la loi comme nous allons le faire. Nous avons la chance, sur tous ces bancs, de pouvoir expliquer aux Français qu'il s'agit d'une mesure humaine, réaliste et juste, mais aussi, je le répète, efficace en termes de sécurité publique. Cela évitera que, dans quelques semaines ou quelques mois, des gens qui manient la démagogie souvent avec talent, mais toujours sans aucune retenue, n'en fassent un contre-argument.
    M. Eric Raoult. Bravo !
    Mme la présidente. La parole est à M. PatrickBraouzec.
    M. Patrick Braouezec. Monsieur le ministre, vous me permettrez à mon tour de vous donner acte de l'avancée significative, même si elle n'est pas complète - nous y reviendrons y compris par le biais de nos amendements.
    Cette avancée met fin à une injustice qui frappait des personnes vivant sur notre territoire, sanctionnées normalement pour les actes délictueux qu'elles pouvaient avoir commis, mais que la double peine ne mettait pas dans une situation d'égalité par rapport à l'ensemble de ceux qui vivent sur ce même territoire.
    L'article 24 n'atténue en rien le caractère négatif, néfaste de votre projet de loi. Mais il est politiquement honnête de vous reconnaître le mérite de nous le présenter, d'autant plus que nous avions regretté dans le passé que d'autres gouvernements, quels qu'ils aient été, n'aient pas eu ce courage-là.
    Rien ne vous y obligeait pourtant puisque, comme l'a rappelé M. Mamère, trop peu de candidats de gauche ou de droite avaient inscrit cette mesure dans leur programme électoral, qu'il s'agisse de la Présidence de la République ou du mandat de député. Il est utile de reconnaître que vous avez franchi le pas.
    J'aurais pu, comme M. Pinte, reprendre un certain nombre de cas qui, parce que nous limitons la portée du texte, ne pourront pas bénéficier de ses avancées.
    Il faudrait aller le plus loin possible pour intégrer le maximum de personnes et éviter ainsi de rompre les liens familiaux. Les personnes condamnées laisseront de toute façon derrière elles les membres de leur famille, notamment leurs enfants, et elles feront tout pour revenir, d'autant que, bon nombre d'entre elles n'ont plus de lien avec leur pays d'origine.
    Je souhaiterais donc que l'on accorde une attention particulière aux amendements qui iront dans le sens de ce qu'a souhaité M. Pinte à l'instant.
    Mme la présidente. La parole est à M. ChristianVanneste.
    M. Christian Vanneste. A la suite du président de la commission des lois, nous devons vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir provoqué chez nous une véritable prise de conscience.
    Mais je voudrais quand même rappeler trois choses, si vous le voulez bien.
    D'abord, si nous nous rallions tout à fait à la position que vous avez prise à l'égard de la peine complémentaire, c'est parce que votre démarche repose sur deux bases : l'humanisme, bien sûr, mais aussi le réalisme. Comment maintenir séparées les deux moitiés d'une même famille ? On sait très bien que le risque serait énorme d'avoir demain un peu plus de clandestins. Tout simplement ! J'insiste sur l'humanisme en donnant tout son poids à ce mot. Lorsque nous disons qu'il ne faut pas punir doublement les membres d'une famille, c'est à la famille que nous pensons, aux personnes qui la composent, et pas aux citoyens ou aux pseudo-citoyens français. Le texte fondamental de nos institutions, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, opère une distinction entre les deux. Nous n'appliquons pas la peine complémentaire par égard pour les hommes, et non pour les citoyens, c'est très important.
    Ensuite, il ne faudrait pas, comme certains l'ont fait - je pense à M. Caresche en particulier -, parler de « Français de fait ». Il n'y a que des Français de droit. Je ne tiens pas particulièrement à cette expression et vous en proposerai volontiers une autre : celle de « Français de volonté ». Il y a ceux qui ont choisi d'être Français, et les autres, qui sont en France, certes, mais qui ont précisément choisi de ne pas être Français. Pour des gens qui, comme moi, sont également d'origine belge et qui ont toujours vécu à la frontière, sachez que le choix que nous avons fait, nous l'avons payé pendant quatre générations en acceptant la guerre et, parfois, le sacrifice. Rappelez-vous comment Ernest Renan définissait la nation : c'est une volonté de vivre en commun, c'est un plébiscite quotidien, c'est le choix des sacrifices. Alors, s'il vous plaît, suivons le ministre mais ne faisons pas des amalgames qui, personnellement, m'offensent, et je ne pense pas être le seul sur ces bancs à penser de la sorte. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Enfin, troisième chose que je voudrais souligner, lorsque l'on pense à exclure du bénéfice de cette démarche un certain nombre de personnes, ce n'est jamais en fonction de la gravité des faits mais de leur nature, quand il est avéré que l'étranger nous est franchement hostile, qu'il est hostile à la France - et c'est le cas notamment lorsqu'il s'agit d'un terroriste. C'est la raison pour laquelle, personnellement, j'aurais voulu tenir compte également des trafics qui impliquent un lien d'origine avec l'étranger. C'est très compliqué à mettre en oeuvre et j'y ai renoncé volontiers : je n'ai même pas déposé d'amendement.
    Ce n'est donc pas tant la gravité des actes commis qui détermine l'application de la peine complémentaire, mais plutôt une non-intégration totale, absolue, de l'étranger dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, n°s 191, 190 et 272, pouvant faire l'objet d'une discussion commune.
    L'amendement n° 191, présenté par M. Pinte, est ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du I du texte proposé pour l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, substituer aux mots : "comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des les mots : "condamnation pour atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat, ou pour actes terroristes, ou pour. »
    L'amendement n° 190, présenté par M. Pinte, est ainsi rédigé :
    « Au début du premier alinéa du I du texte proposé pour l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, substituer aux mots : "Sauf en cas de les mots : "Sauf en présence d'indices suffisamment graves et concordants laissant présumer des. »
    L'amendement n° 272, présenté par M. Caresche, M. Blisko et les membres du groupe socialiste, est ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du I du texte proposé pour l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, substituer aux mots : "en cas de comportements les mots : "s'il existe des indices graves ou concordants laissant à penser qu'il a commis ou tenté de commettre des actes. »
    La parole est à M. Etienne Pinte, pour soutenir l'amendement n° 191.
    M. Etienne Pinte. Le projet de loi prévoit la création d'une catégorie d'étrangers bénéficiant d'une protection quasi absolue. Ces personnes ne sont pas expulsables, sauf dans certains cas bien précis. L'objet de l'amendement n° 191 est de n'exclure de cette protection que les personnes condamnées pour les délits mentionnés à l'article 24, et non celles qui ne seraient que soupçonnées de les avoir commis.
    Quant à l'amendement n° 190, il précise dans quelles situations cette protection pourrait être refusée aux personnes qui en bénéficient. Le mot « comportements », employé dans l'article, paraît vague. Il me semble juste d'exiger qu'un certain nombre de preuves soient apportées.
    Mme la présidente. La parole est à M. Manuel Valls, pour soutenir l'amendement n° 272.
    M. Manuel Valls. Cet amendement vise également à préciser les comportements susceptibles d'exclure un étranger du bénéfice de la protection contre l'expulsion, en exigeant des indices graves ou concordants laissant penser qu'il a commis ou tenté de commettre les actes dont l'article 24 donne la liste. Je pense que la représentation nationale peut se retrouver sur cette rédaction, notamment quand il s'agit d'exceptions sur lesquelles nous sommes d'accord, comme les actes terroristes.
    Un mot, madame la présidente, pour élargir un peu la discussion sur les amendements et revenir à celle, plus générale, que nous avons eue sur l'article 24 et ce que l'on appelle la double peine. Depuis le début de la discussion, nous avons, notamment avec Christophe Caresche et Serge Blisko, marqué notre opposition à ce texte. Nous considérons tantôt qu'il ne prend pas suffisamment en compte la question de l'immigration et de l'intégration, tantôt qu'il aggrave inutilement certaines peines, même si nous n'en contestons pas le principe, tantôt encore qu'il ajoute toute une série de mesures administratives. Je n'interviens pas pour me réjouir à nouveau de l'attitude du ministre, mais pour souligner que le débat sur la double peine et la proposition qui nous est faite a un double mérite. Le premier, c'est de supprimer - en l'encadrant - la double peine après un débat. Si, comme il aurait fallu, ce débat avait eu lieu il y a deux ans dans cette même enceinte,...
    M. Jacques Myard. Nous vous voyons venir !
    M. Gérard Léonard. Vous ne l'avez pas fait !
    M. Manuel Valls. ... je suis convaincu que les positions se seraient présentées, d'une certaine manière, à front renversé.
    M. Christian Vanneste. C'est un procès d'intention.
    M. Manuel Valls. Et la droite,...
    M. Claude Goasguen. Il fallait prendre M. Sarkozy comme ministre ! (Sourires.)
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Sous Jospin, avec Voynet comme collègue !
    M. Manuel Valls. J'aimerais aller jusqu'au bout de mon propos.
    Les choses auraient été différentes sans aucun doute et c'est le deuxième mérite que je reconnais à notre débat.
    M. Jean-Louis Léonard. Dites les choses clairement !
    M. Manuel Valls. C'est ce que je fais et je l'ai déjà fait à la tribune il y a quarante-huit heures.
    Ainsi, par-delà les différences et les divergences qui se sont exprimées au cours de la discussion, il me semble - et le ministre l'a reconnu il y a un instant - que nous ne sommes pas dans un affrontement droite-gauche avec une utilisation politique de la question de l'immigration, comme cela a été le cas dans le passé. Le fait que la majorité ait évolué aussi sur la question de la double peine est également un signe.
    M. Eric Raoult. Merci Sarkozy !
    M. Manuel Valls. Le vote de l'article 24 sera important pour la suite car il témoignera de la manière dont les responsables politiques et publics traitent de la question de l'immigration. C'est la raison pour laquelle je me réjouis qu'une très large majorité, voire l'unanimité, se dégage sur la question de la double peine. Une telle évolution signifie que, sur une question difficile, symbolique même - Christophe Caresche l'a rappelé -, qui a nécessité de la pédagogie, les uns et les autres peuvent se retrouver. Or, en politique, les symboles ont leur valeur,...
    Mme Marie-Jo Zimmermann. Tout à fait.
    M. Manuel Valls. Ce qui est sur le point de se passer constitue une avancée particulièrement importante de la manière dont la droite et la gauche évoluent en la matière. L'attitude des députés socialistes révèle que le fossé qui les sépare de la droite n'est pas aussi large que certains se plaisent à le faire croire.
    M. Jacques Myard. « Embrassons-nous, Folleville ! »
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ce sont eux qui nous embrassent.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 191, 190 et 272 ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. La commission a rejeté les trois amendements. Nous sommes sur la question de l'expulsion, et non sur celle de l'interdiction du territoire français. Le domaine de l'expulsion ne doit pas obéir à des règles qui relèvent de la procédure pénale. Il appartiendra à l'autorité administrative d'apprécier les faits.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Défavorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 191.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 190.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 272.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Myard a présenté un amendement, n° 297, ainsi rédigé :
    « Dans le premier alinéa du I du texte proposé pour l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, après les mots : "religion des personnes insérer les mots : ", ou en cas de trafic aggravé de stupéfiants. »
    La parole est à M. Jacques Myard.
    M. Jacques Myard. Je vous prie d'excuser mon retard, madame la présidente. Il était dû à un rendez-vous extérieur.
    Je souhaiterais, monsieur le ministre, revenir à l'article 24.
    J'ai été extrêmement frappé par l'argumentation que vous avez développée à la tribune. Sachez que je partage parfaitement vos objectifs d'humanité. Je vais même avouer, monsieur Valls, que lorsque j'étais dans l'opposition, je suis intervenu auprès du ministre de l'intérieur de l'époque pour qu'une décision d'expulsion ne soit pas exécutée compte tenu des liens qui existaient.
    Mais l'article 24 tel qu'il est rédigé me met mal à l'aise parce qu'il apparaît, par certains côtés, extrêmement rigide.
    Etienne Pinte l'a souligné tout à l'heure, en évoquant la situation de l'enfant âgé de douze ans et 364 jours, qui n'aurait pas le même traitement que celui qui a treize ans et un jour. Cette question renvoie au droit international public, au droit des gens. Tout Etat est fondé à réglementer le séjour des étrangers sur son sol, il faut le rappeler, et de ce point de vue, la France agit comme les autres Etats.
    Je comprends parfaitement que les liens qui existent avec notre pays, même si la personne n'est pas française, conduisent à réexaminer une décision d'expulsion. Mais je me demande si, avec un texte aussi précis, vous ne risquez pas, parfois d'aller à l'encontre de ce que vous recherchez. Selon moi, il serait sans doute préférable que les décisions relèvent de la compétence du ministre de l'intérieur, puisqu'il s'agit d'expulsion. Dans un certain nombre de cas, il faudra expulser car l'opinion publique pourrait être choquée qu'une personne puisse rester, alors même qu'elle n'a pas de liens familiaux en France, mais qu'elle fait partie d'une catégorie impersonnelle et générale prévue à l'article 24. C'est la raison pour laquelle je vous dirai franchement que je fais plus confiance au ministre de l'intérieur qu'à des textes qui prétendent régler a priori toutes les situations mais risquent de passer à côté de celle qui va nous poser problème.
    J'aurais préféré, je ne vous le cache pas, monsieur le ministre, réintroduire dans la liste un certain nombre de crimes qui me paraissent odieux et qui choquent l'opinion publique, mais il y a une certaine logique dans votre article. Alors, pour éviter surtout de créer des problèmes là où il n'y en a pas, - puisque nous sommes d'accord sur la nécessité de faire preuve d'humanité, comme sur celle de faire respecter nos lois et coutumes - et pour ne pas donner de pauvres prétextes à ceux qui ont fait profession d'attiser la haine raciale, ce qui n'est pas acceptable, je vais retirer mes amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Thierry Mariani, rapporteur. C'était du grand Myard !
    Mme la présidente. Les amendements n°s 297 et 298 sont retirés.
    La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Myard, deux mots d'explication.
    Actuellement, et quelle n'a pas été ma surprise de le découvrir en devenant ministre de l'intérieur ! c'est le fait du prince !
    M. Jacques Myard. C'est un homme, après tout ! (Sourires.)
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je ne me prends pas pour autant pour un prince. Enfin, ça dépend des jours de la semaine ! (Sourires.)
    Ce sont des décisions individuelles ! Prenons un exemple, pour voir comment ça se passe. Une décision de double peine, comme on l'appelle improprement, est prononcée. Si le cas a suscité la mobilisation d'un parlementaire - monsieur Myard, vous en avez parlé -, d'une association, ou de tel ou tel, la mobilisation est forte et forte aussi la pression sur le ministre, quel qu'il soit. Et que fait le ministre à ce moment là ? Il botte en touche et prononce une assignation à résidence. Autrement dit, le ministre n'applique pas la décision du tribunal !
    M. Robert Pandraud. Tout à fait !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. La voilà, la situation aujourd'hui ! Je n'en fais le reproche à personne mais c'est ainsi. Je ne me doutais de rien, et je me suis retrouvé à gérer toutes les semaines des situations particulières avec des parlementaires de gauche comme de droite qui m'indiquaient le cas de telle ou telle famille, qu'ils connaissaient dans leur circonscription, et je multipliais les assignations à résidence, n'est-ce pas monsieur Fenech ?
    Il est tout de même curieux qu'un ministre, membre de l'exécutif, puisse de facto s'opposer à la décision d'un tribunal. J'assume mes responsabilités mais, dans un Etat de droit, vous conviendrez que ce n'est pas très satisfaisant.
    Deuxièment, pourquoi avoir choisi treize ans ? Là encore, j'ai été guidé par un souci de cohérence avec les différentes règles du code pénal. Treize ans, c'est en effet l'âge à partir duquel un mineur peut être mis en détention provisoire.
    M. Jacques Myard. C'est l'âge de la responsabilité pénale !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Certes vous pourriez m'objecter que cela n'a pas de rapport avec ce dont nous traitons mais cela marque au moins une arrivée précoce en France.
    Troisièmement, j'ai une proposition à vous faire, monsieur Myard : présenter chaque année un rapport d'étape sur l'application de la réforme et sur ses conséquences, ce qui permettra de voir les problèmes qui restent à résoudre, monsieur Braouzec, les points sur lesquels nous serions allés peut-être trop loin ou pas assez, monsieur Pinte, ou encore les cas qui auraient été omis. Je crois ainsi répondre à votre interrogation, monsieur Myard, car, au fond, vous voyez bien où nous voulons aller. Ce qui vous inquiète, ce sont l'application et les conséquences de la réforme, n'est-ce pas ?
    Je suis d'ailleurs de ceux qui sont convaincus que sur un sujet dont on n'a pas parlé depuis des années, on ne peut pas trouver la vérité du premier coup. Je n'assène pas : voici la législation parfaite, je dis qu'il fallait faire bouger les choses. J'espère que cette proposition sera reprise sous forme d'amendement. Si nous l'adoptons chacun d'entre vous aura la certitude d'avoir une clause de rendez-vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Myard.
    M. Jacques Myard. Monsieur le ministre, je suis tout à fait d'accord avec le principe du rapport d'étape car je pense qu'on ne trouvera pas le point d'équilibre du premier coup.
    Par ailleurs, je voudrais revenir sur un autre aspect du problème, et je fais là allusion à une pratique qui m'amenait à appliquer le droit international dans une vie antérieure. (Sourires.) Vous avez dit fort justement que vous étiez ennuyé, en votre qualité de ministre de l'intérieur, de ne pas exécuter une décision de justice. Le problème, c'est que, si la condamnation relève du juge judiciaire, il s'agit ici d'une peine complémentaire qui est une mesure d'accompagnement. Or celle-ci doit-elle être prononcée sans appel par le juge ? Je m'interroge car, qu'on le veuille ou non, elle relève du pouvoir souverain de l'Etat. Jusqu'à très récemment, c'était de l'ordre administratif et non pas du domaine judiciaire stricto sensu. Dans ces conditions pourquoi ne pas prévoir que l'exécution de la mesure complémentaire décidée par le juge sera subordonnée à un certain nombre d'appréciations relevant du ministre de l'intérieur, c'est-à-dire du Gouvernement ?
    Aujourd'hui, et là je sais que je vais choquer un certain nombre de mes collègues, nous souffrons en fait d'avoir trop donné aux tribunaux de l'ordre judiciaire. Le pouvoir administratif, qui a à gouverner au quotidien, et ce n'est jamais facile compte tenu des contraintes de la vie, a été dépossédé. Nous avons là une occasion de donner plus de pouvoir au ministre de l'intérieur et au Gouvernement.
    Mme la présidente. La parole est à M. Etienne Pinte.
    M. Etienne Pinte. C'est vrai, monsieur Myard, que si le juge judiciaire avait appliqué la loi, aussi bien dans ses règles que dans son esprit, jamais, vraisemblablement, nous n'aurions été amenés à légiférer en matière de double peine. Depuis trente ans, le nombre de délits qui sont tombés sous ce qu'on appelle la double peine est passé grosso modo d'une dizaine à 200 au fil des années. A partir du moment où, en effet, le juge judiciaire n'a plus eu le temps ni les moyens de juger convenablement l'individu qu'il avait en face de lui, il en a rajouté une couche systématiquement et automatiquement, comme on dit un peu vulgairement, dès lors qu'il s'agissait d'un étranger. Il n'avait plus la possibilité de distinguer ceux qui pouvaient bénéficier des dispositions des catégories protégées ou des catégories semi-protégées des autres.
    La mesure que vous avez proposée rejoint la mienne et reprend le système britannique. En Grande-Bretagne, le juge prononce une peine de prison à la suite d'un délit, et il suggère ensuite au ministère de l'intérieur d'expulser ou non, d'étudier ou non l'expulsion éventuelle de l'intéressé.
    M. Jacques Myard. Voilà !
    M. Etienne Pinte. C'était, me semble-t-il, la bonne solution pour parvenir à un texte équilibré.
    M. Jacques Myard. Eh oui ! Il faut donner plus de pouvoir au ministre de l'intérieur !
    M. Etienne Pinte. Mais je n'y insisterai pas puisque nous en avons choisi une autre.
    A cet égard, je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir proposé un rapport annuel. Cela correspond en quelque sorte au bilan que j'avais proposé à l'article 1er.
    Par ailleurs, j'estime moi aussi que vous ne devez pas être contrit d'être amené en quelque sorte à reprendre sous une autre forme les décisions de justice car, je le répète, si les juges avaient pris leurs décisions en leur âme et conscience, en appliquant la loi, aussi bien en ce qui concerne les textes que l'esprit des lois que nous avons votées, jamais le ministre de l'intérieur n'aurait été obligé d'assigner systématiquement à résidence. S'il l'a fait, c'est parce que les juges n'avaient pas convenablement appliqué les textes que nous avons votés.
    M. Jacques Myard. Très bien !
    Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, n°s 273, 192 et 196, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements n°s 273 et 192 sont identiques.
    L'amendement n° 273 est présenté par M. Caresche, M. Blisko et les membres du groupe socialiste ; l'amendement n° 192 est présenté par M. Pinte.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Dans le 2° du I du texte proposé pour l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, substituer au mot : "régulièrement le mot : "habituellement. »
    L'amendement n° 196, présenté par M. Pinte, est ainsi rédigé :
    « Dans le 4° du I du texte proposé pour l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, substituer au mot : "régulièrement le mot : "habituellement. »
    La parole est à M. Christophe Caresche pour soutenir l'amendement n° 273.
    M. Christophe Caresche. Je considère que cet amendement est défendu.
    Mme la présidente. La parole est à M. Etienne Pinte pour soutenir les amendements n°s 192 et 196.
    M. Etienne Pinte. Une durée de séjour - même partiellement en situation irrégulière - de vingt ans constitue un véritable ancrage en Fance. De fait, la personne concernée par une condamnation a construit toute sa vie en France ; bien souvent, elle y a toutes ses attaches familiales. Mon amendement n° 192 vise donc à remplacer le mot « régulièrement » par le mot « habituellement », qui est moins restrictif.
    L'amendement n° 196 porte, quant à lui, sur les liens parentaux. Ceux-ci, me semble-t-il, doivent à tout prix être préservés car s'ils sont importants pour les parents, ils sont indispensables pour les enfants. L'expulsion condamne non seulement l'étranger à vivre loin de ses enfants mais prive aussi, et comme l'a rappellé le ministre plusieurs fois, les enfants de leur père ou éventuellement - le cas est très rare - de leur mère. Il convient donc d'adoucir les conditions exigées pour éviter l'expulsion en remplaçant le mot « régulièrement » par le mot « habituellement », moins restrictif.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur les trois amendements ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Rejet.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis que la commission.
    Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 273 et 192.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 196.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, n°s 325, 193 et 274, pouvant faire l'objet d'une discussion commune.
    L'amendement n° 325, présenté par M. Braouezec, M. Gerin et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, est ainsi rédigé :
    « Dans le 2° du I du texte proposé pour l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, substituer au nombre : "vingt le nombre : "dix. »
    Les amendements n°s 193 et 274 sont identiques.
    L'amendement n°s 193 est présenté par M. Pinte ;
l'amendement n° 274 est présenté par M. Caresche, M. Blisko et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Dans le 2° du I du texte proposé pour l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, substituer au nombre : "vingt le nombre : "quinze. »
    La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir l'amendement n° 325.
    M. Patrick Braouezec. Comme avec l'amendement n° 323, il s'agit de protéger contre une expulsion les étrangers qui habitent en France depuis plus de dix ans et non vingt ans comme le prévoit le texte. Nous souhaiterions vraiment que l'on revienne à cette durée de plus de dix ans et qu'un arrêté d'expulsion pris par l'autorité administrative en sus d'une autre condamnation soit réservé à des situations exceptionnelles.
    Il est difficile d'accepter qu'un étranger ayant purgé une peine de prison en France pour la faute qu'il a commise soit en plus condamné à un retour forcé dans un pays où, comme on l'a fait remarquer à plusieurs reprises, il n'est pas retourné depuis plusieurs années, voire une dizaine d'années, et avec lequel il n'a plus aucun lien ni culturel ni linguistique, parfois.
    Mme la présidente. La parole est à  M. Etienne Pinte, pour soutenir l'amendement n° 193.
    M. Etienne Pinte. Une durée de séjour de vingt ans me paraît être une condition trop stricte. Une durée de quinze ans de résidence régulière constitue déjà un véritable ancrage en France. La personne concernée a de fait construit toute sa vie en France et, bien souvent, toutes ses attaches familiales s'y trouvent. Les personnes concernées sont souvent des étrangers arrivés en France juste après l'âge de treize ans, comme dans les deux cas que j'ai cités tout à l'heure. Ainsi, Philippe Ignatenko est arrivé en France à quatorze ans et n'a plus aucune famille en Russie. Son grand-père est mort au goulag, il n'a plus de père et sa mère a dû se réfugier en France car elle était, en sa qualité de journaliste, poursuivie en Russie pour ses articles sur la Tchétchénie. Ses deux enfants pourraient bénéficier des dispositions de mon amendement s'il était approuvé par le ministre et donc adopté.
    Mme la présidente. Puis-je considérer, monsieur Caresche, que vos arguments en faveur de l'amendement n° 274 sont les mêmes que ceux de M. Pinte ?
    M. Christophe Caresche. Tout à fait, madame la présidente.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Rejet.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Rejet.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 325.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 193 et 274.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    Mme la présidente. M. Braouezec, M. Gerin et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 326, ainsi rédigé :
    « Supprimer le 3° du I du texte proposé pour l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945. »
    La parole est à M. Patrick Braouezec.
    M. Patrick Braouezec. Cet amendement est cohérent avec les précédents. En effet, puisque nous estimons que les étrangers vivant habituellement ou régulièrement en France depuis plus de dix ans, doivent, qu'ils soient mariés ou célibataires, être protégés contre une double peine, il n'est nul besoin d'exiger des étrangers mariés qu'ils justifient de trois années de mariage en plus de ces dix années de résidence régulière. Nous pensons même qu'il faudrait aller encore un peu plus loin. Si le Gouvernement a vraiment la volonté de prendre des mesures concrètes contre la double peine, il faudrait faire en sorte que les étrangers mariés avec un Français soient protégés contre cette peine injuste. Qui ne peut imaginer la peine des conjoints d'être séparés et éloignés, alors qu'il y a déjà eu emprisonnement, et surtout lorsqu'il y a des enfants ?
    Cet amendement a minima démontrerait peut-être plus encore, s'il était adopté, que le Gouvernement est au moins prêt à faire un geste en faveur des étrangers mariés à un Français ou une Française.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Rejet.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Rejet.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 326.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Pinte a présenté un amendement, n° 194, ainsi rédigé :
    « Dans le 3° du I du texte proposé pour l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 substituer au mot : "régulièrement le mot : "habituellement. »
    La parole est à M. Etienne Pinte.
    M. Etienne Pinte. Je considère que cet amendement est défendu.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Rejet.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Rejet.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 194.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 94, ainsi rédigé :
    « Dans le 3° du I du texte proposé pour l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, après les mots : "marié depuis, insérer les mots : "au moins. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Amendement rédactionnel.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 94.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, n°s 2, 195 et 275, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 2, présenté par M. Bourg-Broc, est ainsi rédigé :
    « Dans le 3° du texte proposé pour l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, substituer au nombre : "trois le nombre : "cinq. »
    Cet amendement n'est pas défendu.
    Les amendements n°s 195 et 275 sont identiques.
    L'amendement n° 195 est présenté par M. Pinte ; l'amendement n° 275 est présenté par M. Caresche, M. Blisko et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Dans le 3° du I du texte proposé pour l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, substituer au nombre : "trois le nombre : "deux. »
    La parole est à M. Etienne Pinte, pour soutenir l'amendement n° 195.
    M. Etienne Pinte. Amendement d'harmonisation. Je propose d'aligner la durée de vie commune exigée sur celle demandée à l'époux d'un conjoint français pour l'obtention d'une carte de résident qui est prévue à l'article 11 du projet de loi.
    Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l'amendement n° 275.
    M. Christophe Caresche. Je considère qu'il est défendu.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Rejet.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. La protection absolue est un droit plus important que la carte de résident. Il est donc logique que le délai de vie commune soit plus long. C'est la raison pour laquelle, monsieur Pinte, j'ai le regret de donner un avis défavorable sur votre amendement. Il faut voir là le fruit d'un raisonnement et non pas une espèce de réaction d'humeur.
    M. Patrick Braouezec. Vous n'en avez jamais ! (Sourires.)
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Si, cela m'arrive, monsieur Braouzec. Cela peut même se produire à tout moment ! (Sourires.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 195 et 275.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, n°s 197 et 327, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 197, présenté par M. Pinte, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le 4° du I du texte proposé pour l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 :
    « 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui, ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, et ce depuis la naissance de l'enfant ou depuis un an en cas de reconnaissance postérieure à la naissance de l'enfant. »
    L'amendement n° 327, présenté par MM. Braouezec, Gerin et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le 4° du I du texte proposé pour l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 :
    « 4° L'étranger père ou mère d'un enfant français résidant en France, à condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. »
    La parole est à M. Etienne Pinte, pour soutenir l'amendement n° 197.
    M. Etienne Pinte. Cet amendement a pour objet d'assouplir les conditions requises pour prouver l'existence d'une réelle relation entre le parent menacé d'expulsion et son ou ses enfants. Il permettra de mieux préserver l'unité familiale, et particulièrement le lien parental, et de réaffirmer, non seulement le droit à une vie personnelle et familiale, mais également le droit des enfants à vivre ou à garder les liens les plus étroits possibles avec leurs parents.
    Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir l'amendement n° 327.
    M. Patrick Braouezec. L'article 25 de l'ordonnance, tel qu'il est rédigé par le projet de loi, ne prend plus en compte, parmi les catégories d'étrangers protégés contre un arrêté d'expulsion du territoire, les étrangers résidant régulièrement en France avec un titre de séjour qui n'ont pas été condamnés définitivement à une peine d'au moins un an de prison. De ce fait, l'exigence d'une condamnation pénale égale ou supérieure à un an de prison ferme comme condition de toute expulsion d'un étranger, est supprimée, ce qui rend le statut juridique de ce dernier totalement précaire. En effet, cet étranger pourrait se faire expulser avant même d'avoir été définitivement jugé. Ainsi, l'expulsion pourrait être prononcée, alors que l'étranger serait déclaré innocent à l'issue de son procès. Or les conséquences seraient très graves pour lui-même et pour sa famille.
    Le droit de ne pas être soumis à une mesure administrative arbitraire est ainsi remis en cause, car c'est exactement vers ce genre de dérives que nous risquons de glisser. L'étranger peut en effet être expulsé du territoire français dans le cadre de la procédure pénale de droit commun, en l'absence même de toute condamnation pénale. Voilà qui renforce le pouvoir discrétionnaire de l'autorité administrative, seule compétente pour apprécier la notion pour le moins fluctuante d'ordre public.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis favorable sur l'amendement n° 197 de M. Pinte qui concerne le problème de la définition de la parentalité, que l'on a rencontré plusieurs fois déjà dans ce texte. Avis défavorable, en revanche, sur l'amendement n° 327 qui est sans objet, à mon avis.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis que la commission.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 197.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. Les amendements n°s 327, 420 et 328 n'ont plus d'objet.
    Je mets aux voix l'article 24, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 24, ainsi modifié, est adopté.)

Article 25

    Mme la présidente. « Art. 25. - L'article 26 bis de la même ordonnance est complété par l'alinéa suivant :
    Il en est de même lorsqu'un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, qui se trouve sur le territoire français, a fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des autres Etats membres de l'Union européenne. »
    M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet ont présenté un amendement, n° 233, ainsi rédigé :
    « Supprimer l'article 25. »
    La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Madame la présidente, chers collègues, il s'agit là de l'application de la directive européenne du 28 mai 2001 sur la reconnaissance mutuelle des mesures d'éloignement permettant l'exécution d'office, par un pays de l'Union, d'une mesure d'éloignement prononcée par un autre pays. Cette exécution pourrait maintenant se faire sans que l'étranger bénéficie d'un droit de recours suspensif devant la juridiction administrative. Il serait donc tout à fait possible qu'un étranger frappé d'une mesure d'éloignement soit reconduit dans son pays d'origine, alors que le délit ou l'infraction pour laquelle il a fait l'objet de la mesure ne serait pas sanctionné dans le pays procédant à la mise en oeuvre de l'éloignement.
    De plus, on note que la directive définit de façon précise quel type de mesure d'éloignement est visé, définition qu'on ne retrouve pas dans le projet de loi. Celui-ci ne comportant même pas une référence explicite à la directive, on peut se demander si son champ d'application ne risque pas d'être beaucoup plus large.
    Par ailleurs, le principe posé par cette directive lève un obstacle jusqu'ici soulevé par le Conseil d'Etat pour l'application de l'article 26 bis. Pour apprécier la légalité d'une décision de reconduite fondée sur une inscription au système d'information Schengen, la Haute Juridiction s'est en effet considérée comme compétente pour contrôler l'existence et le caractère exécutoire d'une décision d'éloignement prise par un autre Etat. Il est donc à craindre que la nouvelle disposition qu'on nous propose ici permette de considérer ce contrôle comme superflu, avec tous les risques que cela emporte. C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression pure et simple de cet article 25.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Monsieur Mamère, l'article en question transpose une directive qui a été adoptée en mai 2001 sur initiative française, sous l'ancienne majorité. Aujourd'hui, nous sommes au contraire en retard pour la transposition, puisque la limite fixée était le 2 octobre 2002. Avis défavorable donc sur votre amendement. Je vous le signale, cette directive est symbolique de la volonté des Etats membres d'agir de façon concertée et coopérative, pour la maîtrise des flux migratoires. Il me semble par conséquent très important de maintenir l'article 25.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis que la commission.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 233.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 25.
    (L'article 25 est adopté.)

Article 26

    Mme la présidente. « Art. 26. - L'article 28 bis de la même ordonnance est ainsi rédigé :
    « Art. 28 bis. - Peut également faire l'objet d'un arrêté d'assignation à résidence, à titre probatoire et exceptionnel, l'étranger qui fait l'objet d'un arrêté d'expulsion sur le fondement du dernier alinéa de l'article 25 ou du 2° de l'article 25 bis. Cette mesure est assortie d'une autorisation de travail. Elle peut être abrogée à tout moment en cas de faits nouveaux constitutifs d'un comportement préjudiciable à l'ordre public. »
    M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 95 rectifié, ainsi libellé :
    « Au début de l'article 26, insérer le paragraphe suivant :
    « I. - L'article 28 bis de la même ordonnance est ainsi rédigé :
    « Art. 28 bis. - Peut également faire l'objet d'un arrêté d'assignation à résidence l'étranger qui a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion non exécuté sur le fondement du 2° de l'article 25 bis lorsque son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. Cette mesure est assortie d'une autorisation de travail. Les obligations de présentation aux services de police et aux unités de gendarmerie ainsi que les sanctions en cas de non-respect des prescriptions liées à l'assignation à résidence prévues par l'article 28 sont applicables. »
    Sur cet amendement, M. Perruchot et M. Lagarde ont présenté un sous-amendement, n° 465, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du dernier alinéa de l'amendement n° 95 rectifié, supprimer les mots : "sur le fondement du 2° de l'article 25 bis. »
    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 95 rectifié.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Le 6° de l'article 22 du projet de loi, qui tend à modifier l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, reconnaît à l'étranger malade qui fait l'objet d'un arrêté ministériel d'expulsion le bénéfice d'une protection relative contre les mesures d'éloignement. Il s'agit, en l'occurrence, de prendre en compte des considérations médicales qui s'opposent, à un moment donné, à l'exécution de la mesure.
    L'état de santé de l'étranger et l'accès aux soins dans le pays de renvoi sont néanmoins susceptibles d'évoluer. Dès lors, la création d'un nouveau cas d'assignation à résidence semble parfaitement adapté à ce type de situation : c'est l'objet du présent amendement.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir le sous-amendement n° 465.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Il s'agit d'étendre la disposition proposée par notre rapporteur aux personnes qui viendraient à tomber malades ou qui découvriraient leur maladie après que la peine soit prononcée. Sont essentiellement visées les personnes atteintes du sida, maladie qui, on le sait, peut être découverte longtemps après avoir été contractée. Expulser ces malades vers des pays qui, pour la plupart, n'ont absolument pas les moyens de les soigner reviendrait à une « condamnation à mort » faute de soins.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 465 ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Favorable.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 95 rectifié et le sous-amendement n° 465 ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 465.
    (Le sous-amendement est adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 95 rectifié, modifié par le sous-amendement n° 465.
    (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)
    Mme la présidente. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 96, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le premier alinéa de l'article 26 :
    « II. - Après l'article 28 bis de la même ordonnance, il est inséré un article 28 ter ainsi rédigé : ».
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Amendement de codification.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 96.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 97 rectifié, ainsi rédigé :
    « Compléter le texte proposé pour l'article 28 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 par la phrase suivante : "Les obligations de présentation aux services de police et aux unités de gendarmerie ainsi que les sanctions en cas de non-respect des prescriptions liées à l'assignation à résidence prévues par l'article 28 sont applicables. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Coordination.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 97 rectifié.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 26, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 26, ainsi modifié, est adopté.)

Article 27

    Mme la présidente. « Art. 27. - Après l'article 28 bis, il est créé un article 28 ter ainsi rédigé :
    « Art. 28 ter. - Il ne peut être fait droit à une demande de relèvement d'une interdiction du territoire ou d'abrogation d'un arrêté d'expulsion présentée après l'expiration du délai de recours administratif que si le ressortissant étranger réside hors de France. Toutefois, cette disposition ne s'applique pas :
    « 1° Pour la mise en oeuvre du troisième alinéa de l'article 23 ;
    « 2° Pendant le temps où le ressortissant étranger subit en France une peine d'emprisonnement ferme ;
    « 3° Lorsque l'étranger fait l'objet d'un arrêté d'assignation à résidence pris en application de l'article 28 ou de l'article 28 bis. »
    M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 98, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le premier alinéa de l'article 27 :
    « Après l'article 28 ter de la même ordonnance, il est inséré un article 28 quater ainsi rédigé : »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Amendement de codification.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 98.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 99, ainsi libellé :
    « Après les mots : "article 28, rédiger ainsi la fin du 3° de l'article 27 : ", de l'article 28 bis ou de l'article 28 ter. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Cet amendement tend à prendre à compte le nouveau cas d'assignation à résidence que nous venons de créer.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 99.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 27, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 27, ainsi modifié, est adopté.)

Article 28

    Mme la présidente. « Art. 28. - L'article 29 de la même ordonnance est modifié comme suit :
    « I. - Au deuxième alinéa du II, les mots : "procèdent à des vérifications sur place sont remplacés par les mots : "procèdent si nécessaire à des vérifications sur place".
    « II. - Le troisième alinéa du II est remplacé par les dispositions suivantes :
    « Au cours de cette instruction, l'office des migrations internationales communique le dossier au maire et recueille son avis. »
    « III. - Le III est remplacé par les dispositions suivantes :
    « Les membres de la famille entrés régulièrement sur le territoire français au titre du regroupement familial reçoivent de plein droit une carte de séjour temporaire, dès qu'ils sont astreints à la détention d'un titre de séjour. »
    « IV. - Le IV est remplacé par les dispositions suivantes :
    « En cas de rupture de la vie commune, la carte de séjour temporaire qui a été remise au conjoint d'un étranger peut, pendant l'année suivant sa délivrance, faire l'objet d'un retrait ou d'un refus de renouvellement. Lorsque la rupture de la vie commune est antérieure à la délivrance du titre, le préfet ou, à Paris, le préfet de police refuse de délivrer la carte de séjour temporaire. »
    Plusieurs orateurs sont inscrits sur cet article.
    M. Goasguen a renoncé.
    La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Je m'exprimerai sur mon amendement.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Très bien ! (Sourires.)
    Mme la présidente. M. Lagarde, acceptez-vous de faire de même ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Oui ! (Sourires.)
    M. Jean-Christophe Lagarde. Pardonnez-moi, madame la présidente, monsieur le ministre, mais, ayant dû renoncer au dépôt de certains amendements, je tiens à évoquer deux sujets à propos de cet article qui concerne le regroupement familial.
    Le premier, dont j'ai déjà traité dans la discussion générale, concerne les critères retenus par décret ministériel pour accepter la venue de membres de familles en France et qui ont été jugés acceptables par l'OMI. Je m'explique.
    Il est en effet considéré que deux personnes peuvent vivre dans seize mètres carrés. Celles et ceux d'entre nous qui reçoivent des demandes de changement ou d'attribution de logements sociaux savent que de telles conditions d'hébergement ne permettent généralement pas de vivre normalement. Cela signifie que nous allons accepter la venue du conjoint, parce que la condition relative au logement semble remplie, alors que nous savons très bien que cela provoquera une demande de logement, le plus souvent social, supplémentaire.
    J'ai pris cet exemple parce qu'il est le plus simple, mais je peux également citer celui d'une famille de trois personnes qui vit dans un deux-pièces et qui demande l'autorisation d'en faire venir deux ou trois autres. Cela générera évidement aussi une demande de logement social supplémentaire.
    Il me semble donc que la logique de l'acceptation des demandes de regroupement familial devrait conduire à vérifier si les ressources et les conditions de logement des demandeurs leur permettront de recevoir des personnes supplémentaires et de subvenir à leurs besoins sans faire appel directement à la collectivité. Tel n'est pas le cas aujourd'hui.
    Pourtant les normes retenues ne correspondent plus à la réalité d'aujourd'hui. Elles sont anciennes et il serait nécessaire, monsieur le ministre, de les revoir afin que l'avis ne soit pas donné en fonction de critères dépassés, ce qui débouche sur un afflux de demandes de logement social.
    Ce système devient malsain et il conviendrait que le Gouvernement revoie les normes de regroupement.
    Il devrait en aller de même des conditions de ressources. En effet - et je ne veux pas être excessif - on s'aperçoit que, bien souvent, notamment lorsqu'il s'agit de regroupements de familles ayant beaucoup d'enfants à l'étranger, la prise en charge des besoins est assurée essentiellement par les prestations sociales. Je m'interroge donc aussi sur la légitimité de ce système. A mon avis, une personne ne devrait pouvoir faire venir sa famille que si elle est en mesure de subvenir à ses besoins, en tout cas pour le principal. Or, à l'heure actuelle, c'est la collectivité qui, en acceptant la venue de ceux qui ne résidaient pas sur le territoire français, sera conduite à leur donner des ressources.
    Sur le second sujet, j'ai aussi renoncé à un amendement pour éviter une polémique qui aurait pu être caricaturale. Je tiens toutefois à appeler votre attention, monsieur le ministre, sur le problème de l'identification d'une paternité réelle.
    Dans les services municipaux de ma commune, en effet, nous avons pu constater des cas totalement aberrants. Ainsi, nombreux sont les immigrés qui, dès qu'ils obtiennent leur régularisation, après avoir séjourné irrégulièrement sur le territoire pendant de nombreuses années, déposent une demande de regroupement familial en reconnaissant un nombre d'enfants visiblement très supérieur à ceux dont ils sont réellement le père.
    Vous avez certes indiqué que vous souhaitiez lutter contre ces paternités de complaisance. De bons esprits répondront que l'on n'en connaît pas le nombre, mais n'y aurait-il qu'un cas ou deux que cela suffirait à justifier que l'on essaie de s'en préserver car cela montrerait que le système dérape. Monsieur le ministre, je ne sais pas si le préfet de la Seine-Saint-Denis a été aussi vigilant que celui de l'Essonne pour vous signaler ce phénomène. Sachez donc que, dans ma commune, un Malien a demandé à reconnaître auprès de l'état civil cinquante-six enfants.
    M. André Gerin. Lamentable !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Je ne veux certes pas généraliser. Peut-être même s'agit-il d'un homme très actif et très généreux et il est également possible qu'il se fonde sur la notion de parenté telle qu'elle est conçue en Afrique - M. Goasguen connaît bien le problème - où celui auquel on confie l'éducation des enfants, les siens ou même ses neveux, par exemple, en est considéré comme le père.
    Les risques de détournement de la loi sont donc incontestables et c'est pourquoi j'ai immédiatement signalé cet exemple criant au préfet. Je m'interroge d'ailleurs, monsieur le ministre, sur notre capacité à vérifier la paternité réelle d'un individu par rapport aux enfants qu'il veut reconnaître.
    M. André Gerin. Lamentable !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Si l'on ne met pas en oeuvre des moyens sûrs de vérifier la paternité - et je n'en connais qu'un -, tous les abus seront possibles, quelles que soient les dispositions que nous prendrons.
    M. André Gerin. Lamentable !
    M. Jean-Christophe Lagarde. A ma connaissance, le seul moyen scientifiquement fiable est la reconnaissance génétique. Mais j'imagine que, si nous l'avions proposée, on aurait glosé à l'envi sur le sujet, en nous accusant de toutes les arrière-pensées possibles et imaginables. Je souhaiterais donc savoir quelle mesures vous entendez mettre en oeuvre pour éviter de tels détournements de la loi.
    Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Madame la présidente, chers collègues, cet article 28 est important parce qu'il contient plusieurs modifications majeures de la procédure du regroupement familial. D'abord, quelle que soit la nature du titre de séjour détenu par l'étranger qui sollicite le regroupement familial pour les membres de sa famille, ceux-ci se verront délivrer une carte de séjour temporaire. Cette modification aura pour effet de rendre plus précaire le séjour des personnes ayant vocation à rester en France et elle engendrera une importante disparité au sein du couple, car, dans bien des cas, l'un des conjoints aura un statut de résident, tandis que l'autre ne bénéficiera que d'un statut temporaire.
    Ensuite, il n'est pas acceptable que les enfants qui ont bénéficié d'une procédure de regroupement familial dès leur plus jeune âge, qui ont passé leur enfance en France, qui y ont été scolarisés, et qui sont de culture française, ne puissent avoir accès à un statut stable, c'est-à-dire une carte de résident, qu'après cinq années de résidence régulière et après avoir fait la preuve de leur intégration.
    Par ailleurs, le paragraphe 5 de cet article dispose : « En cas de rupture de la vie commune, la carte de séjour temporaire qui a été remise au conjoint d'un étranger peut, pendant l'année suivant sa délivrance, faire l'objet d'un retrait ou d'un refus de renouvellement. Lorsque la rupture de la vie commune est antérieure à la délivrance du titre, le préfet refuse de déliver la carte de séjour temporaire. » Or cette disposition aura pour conséquence de permettre à l'administration de retirer, à tout moment, de manière arbitraire, pendant cinq ans, le titre de séjour du conjoint étranger bénéficiaire du regroupement familial. Cela pénalisera fortement les conjoints, en grande majorité des femmes, venues en France dans le cadre du regroupement familial, qui ne pourront plus bénéficier automatiquement de la carte de résident de dix ans et risqueront, presque à tout moment, de se voir retirer leur titre de séjour en cas de rupture de la vie commune.
    En liant à ce point vie commune et séjour régulier, le législateur - c'est-à-dire cette assemblée - va aggraver la situation de précarisation de ces femmes, et empêcher un peu plus leur émancipation.
    Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, n°s 234 et 330.
    L'amendement n° 234 est présenté par M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet ; l'amendement n° 330 est présenté par M. Braouezec, M.  Gerin et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 28. »
    La parole est à M. Noël Mamère pour soutenir l'amendement n° 234.
    M. Noël Mamère. Cet amendement est la conséquence des remarques que j'ai formulées en m'exprimant sur l'article. Il propose sa suppression, car la modification qu'il apporterait au statut des membres de la famille serait, de toute évidence, contraire au respect de la vie privée et familiale, laquelle, je vous le rappelle, est protégée par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.
    On mesure d'ailleurs sans mal les dégâts que ce mécanisme pourrait entraîner pour les jeunes entrés en France dans le cadre du regroupement familial, parfois dès le plus jeune âge, et qui sont désormais de culture française. En effet, un droit incontestable au séjour lorsqu'ils atteindront l'âge de la majorité ne leur serait plus garanti.
    Par ailleurs, le projet introduit une légère modification dans la procédure d'examen de la demande en renforçant le rôle du maire de la commune d'accueil, encore lui !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Eh oui !
    M. Noël Mamère. Nous avons connu hier la journée des maires ; nous risquons de connaître aujourd'hui la soirée des maires.
    En effet, alors que le maire de la commune où réside l'étranger qui demande le regroupement familial n'était jusqu'à présent consulté qu'en fin de procédure, après que l'OMI a fait son enquête, il le serait désormais « au cours de l'instruction » et donnerait son avis à l'OMI.
    Pour toutes ces raisons il nous semble utile de supprimer cet article, qui n'est pas conforme à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et qui donne au maire un rôle exorbitant qui ne relève pas de sa compétence.
    Mme la présidente. La parole est à M. André Gerin, pour soutenir l'amendement n° 330.
    M. André Gerin. Cet amendement vise à supprimer l'article 28 parce qu'il précarise les personnes admises au séjour en France au titre du regroupement familial. En effet, les modifications prévues par cet article auront pour conséquence de rendre plus précaire le séjour de personnes ayant vocation à rester en France, ainsi que leur situation au sein de leur couple, puisque l'un des conjoints pourrait avoir une carte de résident alors que l'autre ne détiendrait qu'une carte de séjour temporaire.
    Quant à la condition de non-rupture de la vie commune, elle va fortement pénaliser les conjoints, en grande majorité des femmes venues en France dans le cadre du regroupement familial. En liant vie commune et séjour régulier, le Gouvernement va aggraver les situations de précarisation de ces conjointes et conjoints.
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable !
    Je tiens à rappeler aux auteurs de ces deux amendements qu'un précédent amendement adopté a déjà abaissé à deux ans la durée requise avant qu'un arrivant puisse bénéficier du même titre de séjour que la personne qui l'accueille. Cela démontre que nous avons un peu tenu compte de vos remarques.
    M. André Gerin. Peut mieux faire !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. C'est déjà pas mal ! Il ne faut pas exagérer !
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Défavorable.
    Mme la présidente. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 234 et 330.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements n°s 167 et 168 sont présentés par M. Claude Goasguen.
    L'amendement n° 167 est ainsi libellé :
    « Après le premier alinéa de l'article 28, insérer le paragraphe suivant :
    « I. - B. - La dernière phrase du troisième alinéa (1°) du I est ainsi rédigée : "Les ressources sont réputées suffisantes quand elles sont égales ou supérieures au salaire minimum de croissance augmenté d'un coefficient défini par décret prenant en compte le nombre de personnes composant le foyer. »
    L'amendement n° 168 est ainsi libellé :
    « Après le premier alinéa de l'article 28, insérer le paragraphe suivant :
    « I. - A. - La dernière phrase du troisième alinéa (1°) du I est ainsi rédigée : "Les ressources sont réputées suffisantes quand elles sont égales ou supérieures au salaire minimum de croissance augmenté d'un coefficient défini par décret prenant en compte le nombre de personnes composant le foyer. »
    L'amendement n° 347, présenté par M. Perruchot et M. Lagarde, est ainsi libellé :
    « Après le premier alinéa de l'article 28, insérer le paragraphe suivant :
    « I. - A. - La dernière phrase du troisième alinéa (1°) est ainsi rédigée : "L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont supérieures à un seuil fondé sur le salaire minimum de croissance modulé par décret selon la composition de la famille. »
    La parole est à M. Claude Goasguen, pour soutenir les amendements n°s 167 et 168.
    M. Claude Goasguen. Nous abordons l'examen d'un article dont j'espère qu'il va heureusement modifier l'une des dispositions les plus contestables, les plus regrettables, les plus catastrophiques de la loi dite loi RESEDA, que l'on doit à M. Chevènement.
    M. Christophe Caresche. Excellente loi !
    M. Claude Goasguen. Je me demande d'ailleurs comment le ministre de l'intérieur de l'époque, M. Chevènement, avait réussi à apparaître comme quelqu'un de rigoureux dans le domaine des contrôles. Il y a décidément des réputations politiques qui laissent rêveur !
    M. Christophe Caresche. C'est la fonction qui veut ça !

    M. Claude Goasguen. En effet, la loi qui a été alors mise en oeuvre malgré notre opposition et nos critiques, si elle semblait, de toutes les lois sur l'immigration, être celle qui devait permettre de maîtriser le mieux les flux migratoires, est devenue, dans son application, celle par laquelle on a renoncé définitivement à tout contrôle, non pas d'ailleurs pour des raisons idéologiques, mais à cause du laisser-aller administratif.
    En relisant les longs débats qui ont eu lieu en 1997, on s'aperçoit que l'idée maîtresse de M. Chevènement - et non pas de M. Mamère, qui avait déjà la même idéologie, qui n'a pas changé d'avis, ce que je respecte - était que puisque l'Etat n'était pas capable d'assurer un contrôle efficace, il était inutile de mettre en place des dispositifs qui allaient rester inopérants, et qu'il valait mieux laisser aller les choses. Tel a été le cas jusqu'à faire du regroupement familial - alors que cet effet avait été atténué par les lois Pasqua et Debré - l'un des moyens les plus classiques de détournement pour favoriser ce qui est non pas de l'immigration clandestine, mais de l'immigration illégale dans la légalité.
    En effet, M. Chevènement avait réussi ce tour de force de faire apparaître à côté de l'immigration clandestine une nouvelle forme d'immigration qui n'était d'ailleurs pas la moins prospère, utilisée par ceux qui s'arrangeaient avec les textes jusqu'au moment où ils pourraient obtenir, sans contrôle de l'administration mais grâce à la prescription décennale, qui existe encore, je vous le rappelle, la possibilité de bénéficier de la législation en vigueur.
    Il faut en finir ! Le regroupement familial est une notion portée par une convention internationale adoptée par des Etats qui, à l'origine, avaient seulement voulu donner aux travailleurs salariés dans un pays la possibilité d'avoir une vie conforme à celle de tout autre salarié car, à l'époque, on craignait énormément la délinquance de ces travailleurs isolés dans les grandes villes. Il était d'ailleurs sous-entendu que le regroupement familial ne pourrait être demandé que par ceux qui bénéficieraient d'un salaire effectif.
    Tenant compte de cette caractéristique, les législations précédentes avaient attribué au regroupement familial le minimum salarial français, c'est-à-dire le SMIC, avec des augmentations liées au coefficient familial, conformément à la norme internationale. Il fallait vraiment toute la mauvaise foi de la gauche, pour nous expliquer, en 1997, que le SMIC n'était pas une référence et qu'il s'agissait d'un problème de ressources. Je me rappelle parfaitement les discussions qui ont eu lieu à l'époque. On a même donné à un émigré bénéficiant déjà de l'assistance nationale, au travers du RMI notamment, la possibilité de faire profiter d'autres personnes en difficulté de la même assistance nationale, ce qui constituait une déviance absolue de la notion de regroupement familial.

    Tel a été l'effet de la disposition adoptée en la matière en 1997. Je vous propose donc, mes chers collègues, d'en revenir à la définition initiale du regroupement familial et de donner des indications précises, notamment en matière de ressources, qui seront valables pour toutes les administrations sans exception.
    A cet égard, je préfère mon amendement n° 168 à mon amendement n° 167...
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Moi aussi ! (Sourires.)
    M. Claude Goasguen. ... car il est sans ambiguïté, ce qui est essentiel dans ce domaine où les précisions valent de l'or, si j'ose dire. Il indique en effet : « Les ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance augmenté d'un coefficient défini par décret prenant en compte le nombre de personnes composant le foyer. »
    Je le préfère aussi à celui présenté par M. Lagarde qui est susceptible d'interprétations diverses. Son adoption risquerait donc d'avoir un effet inverse à la nécessaire clarification en matière de regroupement familial.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour défendre l'amendement n° 347.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Il s'agit d'un amendement essentiel pour le groupe UDF.
    Au cours de la discussion générale, le ministre de l'intérieur a justement souligné que la partie la moins bien maîtrisée de l'immigration en France était celle liée au regroupement familial. A l'origine, certes, il s'agissait légitimement de permettre à tout immigré de se faire rejoindre par sa famille afin de pouvoir vivre normalement dans notre pays dès lors qu'il avait la capacité de l'accueillir, de subvenir à ses besoins et de permettre à ses membres une bonne intégration dans notre pays avant qu'ils puissent, un jour, accéder à la nationalité française et faire partie de nos concitoyens.

    Comme l'a souligné mon collègue et ami Claude Goasguen, nous avons constaté une forte dérive en la matière. J'ai ainsi vu passer, il y a quelques jours, avec avis favorable de l'OMI, une demande de regroupement familial formulée par un père qui ne disposait que de 78 euros de revenus par mois, et encore ne s'agissait-il que de revenus de l'assistance.
    M. Claude Goasguen. Eh oui !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Cela montre que l'OMI peut donner des avis favorables incompréhensibles, puis, par malheur, être suivi par le préfet et par l'Etat. En clair, cela signifie que la communauté nationale non seulement peut accepter sur son sol une personne qui dépend exclusivement de l'assistance, mais aussi lui donner son accord pour qu'elle en fasse venir d'autres !
    Cela n'est pas sain ; cela n'est pas bon pour l'intégration et je ne pense pas que cela soit accepté par les Françaises et par les Français qui savent très bien qu'il est déjà difficile de subvenir aux besoins de tous dans notre pays.
    En ce qui concerne les problèmes de rédaction, je vais sans doute satisfaire mon collègue Claude Goasguen en lui indiquant que je préfère aussi son amendement n° 168 à son amendement n° 167 et à celui que Nicolas Perruchot et moi-même avons déposé. L'essentiel est que l'on parvienne à définir un seuil crédible.
    Il devrait normalement être le SMIC, pour tout salarié, et l'on pourrait ensuite augmenter ce minimum en fonction de la composition de la famille attendue, à l'image de ce qui est fait aujourd'hui pour les plafonds de ressources en matière d'HLM. Il conviendra qu'un décret détermine avec précision les minima à retenir. Ils devront correspondre aux ressources nécessaires pour vivre décemment dans notre pays, sans recourir systématiquement aux assistances sociales, compte tenu des membres de la famille appelés à rejoindre le territoire français.
    Mme la présidente. Je considère donc que les amendements n°s 167 et 347 sont retirés.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Oui, madame la présidente.
    M. Claude Goasguen. Absolument !
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 168 ?

    M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis favorable. L'amendement n° 168 est pertinent et répond tout à fait au but recherché. De plus, il fait une synthèse qui intègre l'objectif visé par l'amendement de M. Perruchot adopté en commission.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Je m'étonne de la position du Gouvernement sut cet amendement. Les dispositions du texte actuel me paraissent amplement suffisantes puisqu'il est bien précisé que le demandeur doit justifier de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille.
    On peut très bien considérer, par exemple, qu'un étranger ayant une carte de résident, un titre de séjour de dix ans et ayant déjà passé plusieurs années sur notre sol puisse se retrouver momentanément au chômage.
    M. Claude Goasguen. Dans ce cas, il ne fait pas venir sa famille.
    M. Christophe Caresche. Voilà ! On va l'empêcher de faire venir son épouse et ses enfants. Honnêtement, je trouve qu'imposer des conditions de ressources aussi précises...
    M. Claude Goasguen. C'est la loi antérieure.
    M. Christophe Caresche. ... va créer, pour un certain nombre d'étrangers, des difficultés qui ne me paraissent pas justifiées, d'autant plus que, encore une fois, le texte actuel - et il est très clair sur ce point - permet à l'administration d'apprécier les choses. Donc l'étranger qui n'a pas de perspective à court ou à moyen terme de ressources suffisantes n'aura pas accès au regroupement familial.
    Je mets en garde l'Assemblée contre cette mesure que je trouve excessive et qui va exclure un certain nombre d'étrangers du bénéfice du regroupement familial de façon assez arbitraire.
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 168.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, n°s 36 et 169, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 36, présenté par MM. Mourrut, Ferrand et Bénisti, est ainsi rédigé :
    « Après le premier alinéa de l'article 28, insérer les deux paragraphes suivants :
    « I. - B. - Dans le 2° du I, les mots : "ou ne disposera à la date d'arrivée de sa famille en France sont supprimés. »
    « I. - C. - La dernière phrase du deuxième alinéa du II est supprimée. »
    L'amendement n° 169, présenté par M. Goasguen, est ainsi rédigé :
    « Après le premier alinéa de l'article 28, insérer le paragraphe suivant :
    « I. - C. - Dans le quatrième alinéa (2°) du I, les mots : "ou ne disposera à la date d'arrivée de sa famille en France sont supprimés. »
    La parole est à M. Bernard Mourrut, pour soutenir l'amendement n° 36.
    M. Etienne Mourrut. Cet amendement vise à rendre inopérante toute fraude relative à la promesse de location ou de vente de logement produite à l'OMI pour justifier d'un logement conforme aux termes du regroupement et qui, dans la réalité, n'est pas suivie d'effet.
    Mme la présidente. La parole est à M. Claude Goasguen, pour soutenir l'amendement n° 169.
    M. Claude Goasguen. Rappelons-nous qu'il suffisait, avant, d'avoir fait la demande d'un logement pour qu'on ouvre droit au regroupement familial ! Souvenons-nous également du nombre de lettres que nous envoyions, chacun dans nos circonscriptions, concernant ces demandes de logement, relayés en cela par tous les maires de France, et même par les conseillers municipaux qui étaient également sollicités. Cette formalité devenait complètement fictive. Avec cet amendement, nous retrouvons le bon sens qui avait été perdu, par idéologie ou par laxisme, en 1997, et nous remettons les choses à l'endroit afin de répondre à l'intérêt général.
    M. Guy Geoffroy. Très bien !
    Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Avis défavorable sur les deux amendements, et je vais expliquer pourquoi. Monsieur Goasguen et moi-même avons déposé un amendement quasiment identique en 1997. Ce qui est différent, aujourd'hui, c'est que, comme on nous le reproche d'ailleurs sur l'aile gauche de cet hémicycle, on permet au maire d'intervenir dans la procédure. Il pourra déceler les promesses « bidon » de logement. Monsieur Mourrut, dans votre commune, vous saurez si tel ou tel appartement sera vraiment disponible.
    Par ailleurs, nous savons tous que les procédures de regroupement familial sont relativement longues.
    Mme la présidente. Le Gouvernement est du même avis que la commission.
    M. Etienne Mourrut. Je retire mon amendement, madame la présidente.
    M. Claude Goasguen. Moi de même.
    Mme la présidente. Les amendements n°s 36 et 169 sont retirés.
    Mme la présidente. M. Perruchot et M. Lagarde ont présenté un amendement, n° 348, ainsi libellé :
    « Après le premier alinéa de l'article 28, insérer le paragraphe suivant :
    « I. - B. - Après le quatrième alinéa (2°) du I sont insérés six alinéas ainsi rédigés :
    « Le logement visé à l'alinéa précédent est considéré comme normal à partir des critères énumérés ci-dessous :
    - une superficie habitable minimale de 20 mètres carrés pour deux personnes ; 30 mètres carrés pour trois personnes ; 40 mètres carrés pour quatre personnes ;
    - une superficie de 10 mètres carrés par personne supplémentaire ;
    - des conditions minimales de confort et d'habilitalité fixées par le décret n° 87-149 du 6 mars 1987. »
    La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Je reviendrai brièvement sur l'amendement n° 168, que nous avons adopté, et sur l'intervention que M. Caresche a faite à cette occasion.
    Il faut savoir que les personnes qui demandent le regroupement familial - nous le voyons bien dans nos mairies - de toute façon ne renoncent pas : elles cherchent à améliorer leur situation, que ce soit au regard du logement ou des revenus, pour permettre l'accueil de leur famille, ce qui me paraît légitime. Je ne vois pas comment on pourrait admettre - et c'est l'objet de mon amendement - de faire venir des gens qui vont poser des difficultés sur le plan du logement comme sur celui des revenus, alors que nous ne savons déjà pas gérer celles que rencontrent les étrangers présents sur notre territoire.
    Je prends l'exemple du logement, puisque c'est ce sur quoi porte mon amendement. J'imagine bien qu'il ne recueillera l'avis défavorable ni de la commission ni du Gouvernement mais il pose un problème sur lequel je souhaiterais une réponse de M. le ministre de l'intérieur. Cet amendement n° 748 vise à établir une surface minimale raisonnable par personne que l'on veut accueillir, prenant en compte à la fois celle qui vit déjà en France et celles qui devraient la rejoindre.
    M. Christophe Caresche. Avec les critères que vous posez, 10 000 personnes dans le XVIIIe sont déjà exclues du bénéfice du regroupement familial !
    M. Jean-Christophe Lagarde. C'est parce que le système actuel n'est pas raisonnable.
    M. André Gerin. C'est faire preuve d'ignorance que de proposer de telles surfaces !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Ignorance ! Comme vous y allez ! Le jour où vous aurez à gérer ces situations plutôt que d'en parler, vous verrez ce que cela veut dire...
    Mme la présidente. Ne vous laissez pas interrompre, monsieur Lagarde.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Quand vous avez 2 500 demandeurs de logements sociaux pour moins de 200 logements qui se libèrent par an, pouvez-vous accepter de faire venir en plus sur le territoire des personnes qui vont demander des logements supplémentaires parce qu'elles ne sont pas capables de subvenir à leur propres besoins ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. André Gerin. Il ne faut pas en rajouter !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Qu'il s'agisse de Français ou de personnes installées en France en situation régulière, je ne peux pas comprendre cela !
    Dans ma ville, il y a très peu de quatre-pièces et de cinq-pièces. Quand on accepte une famille qui fait venir cinq ou six enfants, avec les deux parents, cela fait sept personnes : il leur faut un quatre-pièces ou un cinq-pièces. Délai moyen d'attente : sept à huit ans pour ceux qui sont ici.
    M. Claude Goasguen. Démagogie !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Qu'est-ce qu'on dit à ceux qui arrivent ? D'aller dans des gourbis ? On fait le bonheur et la force des marchands de sommeil avec ce type de disposition. Dans votre arrondissement comme dans ma ville, il n'y a qu'eux qui en bénéficient. Je ne suis pas d'accord avec ça.
    M. André Gerin. C'est minable !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le ministre, il faut que les normes fixées au nom de l'OMI soient au moins calées sur celles en vigueur dans les HLM.
    M. Claude Goasguen. Evidemment !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Si on nous dit que, dans le parc de logement, privé ou public, on ne peut pas laisser une famille de plus de tant de personnes dans un logement de tant de mètres carrés, je ne vois pas au nom de quoi on accepterait qu'une personne fasse venir dans ces logements trop petits trop de personnes pour ensuite accéder directement au logement social.
    M. Claude Goasguen. C'est clair !
    M. Guy Geoffroy. Il a raison.
    M. Jean-Christophe Lagarde. A ce moment-là, le regroupement familial serait non seulement l'acceptation d'un titre de séjour en France, mais aussi l'acceptation d'un logement décent, prioritairement à tous ceux qui sont déjà sur le territoire !
    M. Claude Goasguen et M. Guy Geoffroy. Très bien !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Si je comprends l'idée défendue par M. Lagarde, je suis défavorable à son amendement tel qu'il est rédigé, car les superficies de logements n'ont pas du tout la même signification à Paris, dans la région parisienne et en province. L'amendement n° 100 que je proposerai tout à l'heure devrait lui donner satisfaction puisque, dans chaque commune, le maire pourra visiter les différents logements et vérifier qu'ils sont conformes aux normes en vigueur dans sa commune. Il est évident qu'on ne va pas fixer les mêmes superficies à Paris, en région parisienne ou à Valréas, dans le Vaucluse.
    Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis que la commission.
    Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Je serai bref, puisque le Gouvernement n'accepte pas l'amendement. Je tiens cependant à insister sur le fait qu'il est totalement théorique...
    M. Noël Mamère. Idéologique, même !
    M. André Gerin. Et complètement aberrant !
    M. Christophe Caresche. ... et méconnaît complètement les conditions de logement dans un certain nombre de villes ou d'arrondissements. Dans le XVIIIe arrondissement, par exemple, il exclurait, s'il était adopté, des centaines d'étrangers du regroupement familial.
    M. Pinte a insisté sur la nécessité de définir des critères. Je ferai cependant remarquer que le XVIIIe n'a rien de commun avec Versailles. Je connais beaucoup de familles qui vivent dans le tissu d'habitat ancien dans des conditions très difficiles, voire précaires, quatre, cinq, six personnes se serrant dans une, deux ou trois pièces.
    C'est la réalité. Faut-il, au nom de cette réalité, empêcher le regroupement familial pour un certain nombre d'étrangers ? Je crois que c'est une vision totalement théorique des choses.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Ils sont déjà six dans une pièce, et on ferait en sorte qu'ils soient encore plus nombreux ! C'est un non-sens !
    Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 348.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    (M. Rudy Salles remplace Mme Paulette Guinchard-Kunstler au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES,
vice-président


    M. le président. MM. Mourrut, Ferrand et Bénisti ont présenté un amendement, n° 37, ainsi libellé :
    « Après le premier alinéa de l'article 28, insérer le paragraphe suivant :
    « I. - D. - Après le quatrième alinéa (2°) du I est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « 2° bis. - Le demandeur a fait l'objet d'une ou plusieurs condamnations définitives à une ou des peines d'emprisonnement ferme d'une durée cumulée au moins égale à six mois dans les cinq années qui précèdent sa demande. »
    La parole est à M. Etienne Mourrut.
    M. Etienne Mourrut. Cet amendement vise à s'assurer de la stabilité du chef de famille, de sa volonté d'intégration et de son respect pour les lois de la République, son honorabilité servant d'exemple pour les membres de sa famille qu'il regroupe.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. L'amendement a été repoussé.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis que la commission.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37.

    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. MM. Mourrut, Ferrand et Bénisti ont présenté un amendement, n° 38, ainsi libellé :
    « Après le premier alinéa de l'article 28, insérer le paragraphe suivant :
    « I. - E. - Après le quatrième alinéa (2°) du I est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « 2° ter. - L'avis défavorable et motivé du maire du lieu du regroupement, lorsque la commune ou le quartier concerné fait l'objet d'une qualification à titre réglementaire en raison de difficultés sociales ou éducatives. »
    La parole est à M. Etienne Mourrut.
    M. Etienne Mourrut. L'amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. L'amendement a été repoussé.
    M. le président. Même avis du Gouvernement.
    Je mets aux voix l'amendement n° 38.

    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gérard Léonard a présenté un amendement, n° 20, ainsi libellé :
    « Après le premier alinéa de l'article 28, insérer le paragraphe suivant :
    « I. - A. - Après le huitième alinéa (3°) du I, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « 4°. - Un membre de la famille de plus de seize ans, né en France et l'ayant quittée sans ses parents pour résider à l'étranger, s'il n'a pas suivi une scolarité d'au moins cinq ans dans un établissement scolaire français dans le cadre de la scolarité obligatoire. »
    La parole est à M. Gérard Léonard.
    M. Gérard Léonard. Cet amendement ajoute un motif de refus du regroupement familial pour les enfants nés en France mais qui l'ont quittée sans leurs parents avant d'y revenir par la voie du regroupement familial. Cette disposition évitera à l'avenir des situations qui ne sont pas admises dans le cadre de l'article 12 bis 8° de l'ordonnance du 2 novembre 1945, qui prévoit qu'un enfant né en France ne peut acquérir de carte de séjour temporaire à l'âge de seize ans s'il n'a pas suivi, après l'âge de dix ans, une scolarité d'au moins cinq ans en France et qui posent de réelles difficultés d'intégration.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Favorable.
    M. le président. Le Gouvernement est du même avis.
    La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. On ne peut pas être favorable à une telle disposition,...
    M. Guy Geoffroy. Mais si !
    M. Noël Mamère. ... qui relève de la provocation. C'est ainsi en effet qu'il faut la prendre, parce que c'est une atteinte directe au regroupement familial et aux enfants qui sont nés en France. En imposant autant d'exigences, ce ne sont pas des barrières que vous mettez pour refuser les étrangers, ce sont des herses !
    M. Gérard Léonard. Vous ne semblez pas avoir lu l'amendement !
    M. Noël Mamère. Si vous continuez ainsi, vous allez dénaturer complètement les maigres progrès que nous avons faits depuis tout à l'heure. On ne peut pas reprendre d'une main ce que l'on donne de l'autre. Le ministre de l'intérieur fait faire un pas important sur la question de la réduction de la double peine...
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Cela n'a rien à voir !
    M. Noël Mamère. ... de l'autre, le rapporteur se déclare favorable à l'amendement qui nous est proposé. Vous essayez de marier les contraires. Cela ne peut pas marcher.
    M. Christian Vanneste. C'est un texte équilibré !
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Mamère, on peut pas se prévaloir du droit à la vie familiale si on n'en a pas profité au moins pendant les seize premières années de l'enfant en question.
    M. Gérard Léonard. Bien sûr !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Cela ne remet en rien en cause le regroupement familial.
    L'amendement évoque le cas d'un enfant qui est né en France et est renvoyé dans le pays de ses parents où il réside sans ces derniers et qui est ramené en France à seize ans alors qu'il est devenu totalement inintégrable.
    M. Noël Mamère. Pourquoi « inintégrable » ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Encore une fois, le droit au regroupement familial est réservé à ceux qui veulent vivre en famille. Ceux qui ne veulent pas vivre en famille, c'est leur droit le plus absolu, mais dans ce cas-là, ils n'ont pas accès au regroupement familial. L'amendement qui nous est proposé me semble raisonnable.
    M. Noël Mamère. Quels sont les critères d'inintégrabilité ?
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 100, ainsi libellé :
    « Substituer aux I et II de l'article 28 le paragraphe suivant :
    « I. - Les quatre premiers alinéas du II sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
    « L'autorisation d'entrer sur le territoire dans le cadre de la procédure du regroupement familial est donnée par le représentant de l'Etat dans le département après vérification des conditions de logement et de ressources par le maire de la commune de résidence de l'étranger ou le maire de la commune où il envisage de s'établir.
    « Pour procéder à la vérification des conditions de logement, le maire examine les pièces justificatives requises dont la liste est déterminée par décret. Des agents spécialement habilités des services sociaux de la commune, ou, à la demande du maire, des agents de l'Office des migrations internationales peuvent pénétrer dans le logement. Ils doivent s'assurer au préalable du consentement écrit de son occupant. En cas de refus de l'occupant, les conditions de logement permettant le regroupement familial sont réputées non remplies. Lorsque ces vérifications n'ont pas pu être effectuées parce que le demandeur ne disposait pas encore du logement nécessaire au moment de la demande, le regroupement familial peut être autorisé si les autres conditions sont remplies et après que le maire a vérifié sur pièces les caractéristiques du logement et la date à laquelle le demandeur en aura la disposition.
    « A l'issue de l'instruction, le maire émet un avis motivé. Cet avis est réputé favorable à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la communication du dossier par le préfet. Si cet avis est négatif, le dossier est transmis à l'Office des migrations internationales qui statue sur les conditions de ressources et de logement. »
    Sur cet amendement, je suis saisi de deux sous-amendements, n°s 455 et 412.
    Le sous-amendement n° 455, présenté par M. Perruchot et M. Lagarde, est ainsi rédigé :
    « Compléter l'amendement n° 100 par l'alinéa suivant :
    « Le représentant de l'Etat dans le département informe le maire de la décision rendue. »
    Le sous-amendement n° 412, présenté par M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet, est ainsi rédigé :
    « Compléter l'amendement n° 100 par le paragraphe suivant :
    « II. - Le dernier alinéa du II est complété par une phrase ainsi rédigée : "En cas de mise en oeuvre de la procédure du sursis à l'octroi d'un visa prévue aux deux derniers alinéas de l'article 34 bis de la même ordonnance, ce délai ne court qu'à compter de la délivrance du visa. »
    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 100.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. L'amendement n° 100 propose de confier aux services sociaux communaux la charge de procéder à la vérification des conditions de logement et de ressources requises dans le cadre du regroupement familial.
    M. Christophe Caresche. Ah ! Il y a du boulot !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Ce n'est qu'en cas d'avis négatif du maire que le dossier sera transmis à l'Office des migrations internationales qui statuera. Cet amendement est cohérent avec les orientations du projet de loi. Il met en oeuvre une association renforcée des élus de terrain à des décisions qui engagent directement le territoire de la commune dont ils ont la responsabilité et qu'ils connaissent mieux que quiconque.
    J'ajoute que nous suivons la même logique que celle qui a présidé à la réforme des attestations d'accueil, pour lesquelles le maire voit son pouvoir renforcé, ...
    M. André Gerin. Allez, continuez !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. ... ou à d'autres étapes du projet de loi dans lesquelles nous faisons confiance aux maires...
    M. André Gerin. Encore !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. ... - excusez-nous - pour prendre des décisions opportunes.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Vous vous doutez, monsieur le président, quelle est notre position puisque M. le rapporteur veut faire intervenir le maire dans un système où il appartient à l'Etat, et notamment à l'Office des migrations internationales, de prendre des décisions. Jusqu'à présent, le maire est consulté une fois que l'Office des migrations internationales a fait son travail. On essaie de l'introduire dans le système au nom de la proximité et du fait qu'il serait investi d'une sorte de science infuse qui lui permettrait de décider mieux que quiconque.
    Je rappelle que le maire est un élu, et qu'un élu a ses contraintes. Dans certaines situations, il peut vouloir satisfaire une partie de son opinion qui peut ne pas être très favorable à l'intégration des étrangers. Si vous adoptez cet amendement, vous prenez le risque de l'arbitraire, de l'idéologie et de tensions inutiles. Laissons donc à l'Etat ses responsabilités et au maire les siennes.
    M. Pascal Clément, président de la commission. Décidément, vous n'aimez pas les élus, monsieur Mamère !
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. J'ai eu le temps, depuis hier, de consulter les chiffres de l'OMI. Si les maires ne font pas ce travail, ce sera l'OMI qui le fera, n'est-ce pas ?
    M. Noël Mamère. Effectivement.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Or l'OMI représente 671 agents dont 190 vacataires. L'année dernière, il s'est occupé de 23 980 dossiers de regroupement familial, de 30 000 dossiers de travail et de 197 751 dossiers concernant le contrôle médical et, vous le savez comme moi, mes chers collègues, l'OMI aura en charge la mise en place des plates-formes d'intégration.
    Je prendrai deux exemples : la région PACA et la région Champagne-Ardennes.
    En région PACA, l'OMI représente cinquante-deux personnes dont trois titulaires, vingt et un statutaires, vingt-deux vacataires et six contractuels. Ces cinquante-deux personnes ont en moyenne chacune soixante-treize dossiers à traiter sur l'année, en supposant qu'elles travaillent toutes.
    En Champagne-Ardennes, en revanche, chaque agent de l'OMI est en charge en moyenne de trente-cinq dossiers.
    L'inégalité est donc totale sur l'ensemble du territoire puisque, selon les régions, la charge de travail des fonctionnaires de l'OMI n'est pas égale. L'on vous propose de rétablir une certaine égalité : chacun aura désormais le même traitement. En outre, mes chers collègues, entre le maire d'une commune et un agent contractuel ou vacataire de l'OMI, je pense, malgré tout le respect que j'ai pour ces derniers, que le maire est au moins aussi compétent.
    Confier au maire une telle mission, à la fois, rapprochera les décisions du terrain et permettra de disposer d'un service public, l'OMI, beaucoup plus efficace puisqu'il sera sollicité en deuxième ressort et ne se concentrera plus que sur les dossiers les plus délicats.
    M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Tout cela va coûter cher aux communes. Avec l'intervention des maires en matière d'hébergement et de regroupement familial, on a l'impression d'assister à une forme de transfert de charges subreptice de l'Etat vers les communes...
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Oh !
    Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Tout est bon pour parler, monsieur Caresche !
    M. Christophe Caresche. Vous verrez que ces dispositions ne seront pas sans incidence financière sur le fonctionnement des communes.
    M. le président. Je considère qu'il a été suffisamment discuté de l'amendement n° 100. Je donne la parole à M. Jean-Christophe Lagarde, pour défendre le sous-amendement n° 455.
    M. Jean-Christophe Lagarde. Je vais être obligé d'évoquer l'amendement n° 100, pour parler de mon sous-amendement.
    Lorsqu'un maire fait un travail de « vérification » sur papier des demandes de regroupement familial, il est tenu de donner un avis. Le sous-amendement n° 455 tend à informer celui-ci des suites données à cet avis. On a souvent l'impression de travailler pour rien car nous ne savons pas si nos avis ont été pris en compte et nous ne sommes pas informés de la décision prise par le préfet. Je serais intéressé de savoir ce qui est finalement retenu par l'Etat - et, je pense que cela intéressera également tous les maires - afin de savoir comment rendre tel ou tel avis.
    Je voudrais revenir sur l'amendement n° 100. Monsieur Mariani, vous m'avez indiqué que ma demande concernant la révision des « seuils » - et je conviens tout à fait que les mêmes seuils ne peuvent pas s'appliquer à toutes les régions - serait satisfaite par l'amendement n° 100. Or, si j'ai bien compris, il s'agit de permettre aux maires de vérifier le respect des seuils et non de les adapter. Les seuils actuels sont absurdes et nécessiteraient d'être modifiés. A trois reprises, monsieur le ministre - dans la discussion générale et lors de l'examen d'amendements -, j'ai sollicité une réponse du Gouvernement sur cette question. Les seuils absurdes et totalement dépassés d'aujourd'hui resteront-ils le critère de l'OMI ? Si oui, tout ce qu'on fait ici ne servira pas à grand-chose. Sinon, il faut évaluer concrètement la capacité d'accueil des familles. Vérifier que des gens vivent à deux dans seize mètres carrés, prendre en compte le fait qu'ils vont faire venir cinq personnes, et évaluer la situation en la qualifiant de plus ou moins bonne dans le mécanisme actuel ne me sert à rien. Ce que je sais, c'est que ces personnes-là ne pourront pas rester dans de telles conditions de logement. Le sous-amendement n° 455 vise à ce que les maires soient informés de la décision rendue par l'Etat. Excusez-moi, monsieur le ministre, mais il est nécessaire que l'on sache si ces seuils vont être modifiés et rendus plus réalistes, même s'il est exact qu'ils devront être différents d'une région à l'autre pour correspondre à chacune d'elle et à chaque situation.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur Lagarde, le Gouvernement est tout à fait disposé à revoir les seuils, sous réserve de deux remarques. D'abord, vous le savez aussi bien que moi, le problème des seuils relève du domaine réglementaire et non législatif.
    M. Jean-Christophe Lagarde. C'est pourquoi mon amendement était un amendement d'appel !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Deuxième remarque - peut-être est-ce un point de désaccord mais je l'assume -, le regroupement familial ne peut pas être accordé qu'en fonction du nombre de mètres carrés de l'appartement.
    M. Pascal Clément président de la commission. Bien sûr !
    M. André Gerin. Très bien !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ou on a le droit d'avoir sa femme et ses enfants avec soi, ou on ne l'a pas ! Mais ce droit n'est pas subordonné à la taille de l'appartement. Je veux l'affirmer clairement quitte à me faire des ennemis, car c'est ce que je crois profondément. M. Lagarde, qui connaît parfaitement ces sujets, sait bien aussi qu'il existe des situations qui sont rendues inextricables par la précarité de certains logements.
    En vérité, c'est toute la logique du texte que nous vous proposons qui est en cause. En raison du caractère un peu pointilliste de la discussion par amendement, on oublie parfois cette logique qui est d'exercer, en y associant les maires, à votre demande d'ailleurs, un meilleur contrôle.
    Par conséquent, monsieur Lagarde, si le préfet doit vous donner une information, je reverrai le décret et les critères avec vous.
    M. André Gerin. Pas seulement avec M. Lagarde !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Bien sûr ! Mais je ne voudrais pas, je le répète, qu'on puisse penser que la question du regroupement familial n'est liée qu'à la taille du logement !
    M. Christophe Caresche. Absolument !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je connais des gens qui vivent dans de grands appartements et qui ne me semble pas élever leurs enfants de manière exemplaire et d'autres, qui, bien que vivant dans des conditions extrêmement précaires, donnent l'exemple de la dignité et de la qualité de l'éducation.
    M. Patrick Braouezec. Nous sommes contents de vous l'entendre dire !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Cela dit, je ne fais pas de procès à M. Lagarde qui s'inquiète que le détournement des procédures aboutisse à des situations ingérables. S'il en est d'accord, nous pourrions travailler sur ce sujet, mais dans le cadre réglementaire...
    M. Jean-Christophe Lagarde. Bien sûr !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. ... et avec le présupposé que j'ai indiqué et sur lequel nous sommes tous d'accord : pas de conditions de mètres carrés !
    M. Jean-Christophe Lagarde. Mais il ne faut pas tomber dans l'absurde !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Personne n'a dit cela, monsieur Lagarde. Et si j'ai rappelé ce principe, c'est parce que tout le monde n'est pas aussi familier que vous de nos débats.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani rapporteur. Avis favorable au sous-amendement n° 455. Mais je suggère à M. Lagarde de remplacer « sur » par « de ».
    J'insiste encore sur le fait qu'il est écrit dans l'amendement n° 100 : « A l'issue de l'instruction, le maire émet un avis motivé. » C'est à ce moment que le maire peut faire prendre en compte des conditions locales.
    M. le président. Le sous-amendement sera ainsi rectifié.
    La parole est à M. Etienne Pinte.
    M. Etienne Pinte. J'ai deux réflexions à vous livrer sur les interventions de M. Lagarde et de M. Caresche.
    M. Lagarde a raison quant à notre capacité d'accueillir dignement chaque année dans notre pays 100 000 personnes d'origine étrangère. Il est évident que, à l'heure actuelle, le nombre de logements est insuffisant, en particulier dans la région Ile-de-France, dont beaucoup ici sont élus.
    M. Patrick Braouezec. Il y en a qui vivent et qui résident en France depuis longtemps !
    M. Etienne Pinte. Tout à fait ! Il est bien d'accueillir régulièrement 100 000 personnes chaque année. Encore faut-il que ce soit dans des conditions décentes et dignes. Or ce n'est pas le cas, il faut le reconnaître très honnêtement.
    M. André Gerin. C'est vrai !
    M. Christophe Caresche. Il faudrait que les communes construisent plus de logements, y compris de logements sociaux !
    M. Etienne Pinte. Quant à M. Caresche, lui aussi a raison à propos des transferts de charges.
    J'approuve, pour ma part, le transfert des responsabilités aux communes, et nous en avons d'ailleurs déjà transféré un certain nombre.
    M. Jean-Paul Bacquet. Sans compensation !
    M. Etienne Pinte. L'Etat nous a déjà transféré depuis longtemps toute une série de responsabilités régaliennes sans presque jamais accorder, quelles que soient les majorités au pouvoir, de compensations financières. Il faut que nous en soyons tous, nous élus locaux siégeant ici, bien conscients. Nous avons désormais la charge de délivrer cartes d'identité et passeports, de nous occuper des SDF, de gérer les polices municipales et bien d'autres choses encore. Que nous prenions ces responsabilités au nom du réalisme et de la proximité, soit, mais à condition que l'Etat transfère les moyens nécessaires.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère pour soutenir le sous-amendement n° 412.
    M. Noël Mamère. Il est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Une nouvelle fois, la commission accepte un amendement de M. Mamère ! Je crois que nous en avons accepté beaucoup plus que dans toute la loi RESEDA !
    M. André Gerin. Ça se gâte !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 455, tel qu'il a été rectifié.
    (Le sous-amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 412.
    (Le sous-amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 100, modifié par les sous-amendements adoptés.
    (L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)
    M. le président. MM. Braouezec, Gerin et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 329, ainsi libellé :
    « Après le II de l'article 28, insérer les paragraphes suivants :
    « II bis. Dans le quatrième alinéa du II, le nombre "deux est remplacé par le nombre "un.
    « II ter. Dans l'avant-dernier alinéa du II, le nombre "six est remplacé par le nombre "trois.
    « II quater. L'avant-dernier alinéa du II est complété par une phrase ainsi rédigée : "A l'expiration de ce délai, la décision du représentant de l'Etat quant au regroupement familial est réputée favorable et les membres de famille sont autorisés à entrer sur le territoire national. »
    La parole est à M. André Gerin.
    M. André Gerin. Cet amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Contre.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 329.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 3 et 101 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 3, présenté par M. Bourg-Broc, est ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du dernier alinéa du IV de l'article 28, substituer aux mots : "l'année les mots : "les cinq années. »
    L'amendement n° 101 rectifié, présenté par M. Mariani, rapporteur, et M. Vanneste est ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du dernier alinéa du IV de l'article 28, substituer aux mots "l'année les mots "les deux années. »
    L'amendement n° 3 est-il défendu ?
    M. Christian Vanneste. Il est défendu.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour présenter l'amendement n° 101 rectifié.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Il est défendu. Et la commission est défavorable à l'amendement n° 3.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Même avis. Défavorable au n° 3. Favorable à l'amendement n° 101 rectifié.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 101 rectifié.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 102, ainsi libellé :
    « Compléter l'article 28 par le paragraphe suivant :
V. - Après le IV, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
    « IV bis. - Le titre de séjour d'un étranger qui n'entre pas dans les catégories visées aux 1° à 6° de l'article 25 peut faire l'objet d'un retrait lorsque son titulaire a fait venir son conjoint ou ses enfants en dehors de la procédure du regroupement familial. La décision de retrait du titre de séjour est prise après avis de la commission du titre de séjour visée à l'article 12 quater. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. C'est un amendement relativement important puisqu'il concerne les regroupements familiaux sur place.
    Un certain nombre de personnes qui n'entrent pas dans les critères exigés pour effectuer un regroupement familial font venir leur famille, souvent l'été - régulièrement - mais au bout des trois mois autorisés par le visa, ils gardent leur famille, au lieu qu'elle retourne dans le pays d'origine.
    Il s'agit désormais de sanctionner de tels regroupements familiaux sur place, qui sont illégaux, et de retirer son titre de séjour à celui qui se rend coupable d'un tel détournement de procédure.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. Je combats vigoureusement cet amendement. D'abord, parce qu'il n'est pas justifié. En effet, les admissions sur place n'ont pas sensiblement progressé depuis 1998, comme le montre le tableau figurant à la page 107 du rapport, un tableau qui indique les décisions relatives au regroupement familial à Paris. Elles étaient au nombre de 821 en 1998, elles sont aujourd'hui de 899. Le phénomène n'a donc pas l'ampleur scandaleuse et inadmissible que l'on veut bien dire.
    Par ailleurs, les conséquences d'une telle mesure seraient catastrophiques pour l'ensemble de la famille. Imaginons qu'elle s'applique à un étranger qui vit en France depuis longtemps, qui est titulaire, par exemple, d'une carte de résident de dix ans. En lui supprimant son titre de séjour, alors que sa famille est arrivée chez lui, on le plongera dans la clandestinité. Cette mesure est totalement disproportionnée.
    M. le ministre nous a invités, à propos de l'aménagement de la double peine, à prendre en considération la situation des enfants et du conjoint. Nous avons donc adopté des dispositions qui permettent de protéger la vie familiale et de ne pas pénaliser les enfants et le conjoint. Il y a donc deux poids, deux mesures puisque, avec cet amendement, nous faisons tout le contraire.
    Il y a, je le répète, deux poids et deux mesures et ce, dans tout le texte, qui comportent des avancées incontestables, comme celle qui concerne la double peine mais aussi de fortes régressions. En tout cas, il manque tellement de cohérence qu'il en est inquiétant. Et l'on peut se demander si l'aménagement de la double peine ne serait pas une sorte d'alibi pour faire passer d'autres mesures. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Gérard Léonard Ce n'est pas convenable de dire cela !
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Nous voulons lutter contre les détournements de procédure. Il ne sert à rien de légiférer sur le regroupement familial, de le conditionner à des critères de revenus et de logement, de prévoir des vérifications, si n'importe quel étranger peut faire venir sa famille avec un visa.
    M. Eric Raoult Très bien !
    M. Christophe Caresche. Mais ce n'est pas vrai !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Cela se passe exactement ainsi, monsieur Caresche !
    N'importe quel étranger peut faire venir sa famille avec un visa, en général l'été, et en septembre, celle-ci reste en France. Alors, comme c'est normal, les enfants sont scolarisés.
    M. Eric Raoult. Et voilà !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Voilà donc des enfants en situation irrégulière qui, à seize ans, se retrouveront dans la nature. N'est-ce pas fabriquer des délinquants potentiels ?
    M. Jean-Paul Bacquet. Pourquoi délinquants ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Vous prétendez que le nombre des regroupements n'augmente pas. Reprenons le tableau que vous citiez. Certes, nous sommes aux alentours de 800 ou 900 décisions de regroupement familial à Paris. Mais les décisions de refus sont passées de 200 en 1998, à 400 puis 830, puis 720 ces trois dernières années, ce qui équivaut à dire que dans votre ville, le système fabriquait 2 000 personnes en situation illégale.
    M. Christophe Caresche. Non, 2 000 admissions refusées !
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Il y a, à Paris, monsieur Caresche, 2 000 personnes sans titre de séjour et qui continuent à séjourner abusivement dans notre pays.
    C'est dire que si l'on ne sanctionne pas le détournement de procédure, qu'est le regroupement familial sur place, il ne sert à rien de légiférer sur le regroupement familial. Mieux vaut carrément dire que toute personne qui fera venir sa famille pendant trois mois avec un visa pour un séjour de vacances aura le droit, sans risque de sanctions de la faire résider sur le territoire national.
    Sanctionnons de tels détournements pour donner un coup d'arrêt aux regroupements familiaux sur place, sans quoi, c'est en pure perte que nous aurons légiféré sur le regroupement familial.
    M. Gérard Léonard. Très bien !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 102.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 28, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 28, ainsi modifié, est adopté.)

Article 29

    M. le président. « Art. 29. - Au titre du chapitre VII de la même ordonnance, après les mots : "d'asile sont ajoutés les mots : "et des bénéficiaires de la protection temporaire. ».
    M. le président. Je mets aux voix l'article 29.
    (L'article 29 est adopté.)

3

MODIFICATION
DE L'ORDRE DU JOUR
PRIORITAIRE

    M. le président. M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement la lettre suivante :

    Paris, le 9 juillet 2003

    « Monsieur le président,
    « J'ai l'honneur de vous informer qu'en application des articles 29, 30 et 48 de la Constitution, le Gouvernement retire de l'ordre du jour du mercredi 9 juillet 2003 la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à restreindre la consommation de tabac chez les jeunes, et modifie comme suit l'ordre du jour du jeudi 10 juillet :
    « - Proposition de loi visant à restreindre la consommation de tabac chez les jeunes, adoptée par le Sénat.
    « - Projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.
    « Je vous prie d'agréer, Monsieur le président, l'expression de mes sentiments les meilleurs. »
    L'ordre du jour prioritaire est ainsi modifié.

4

MAÎTRISE DE L'IMMIGRATION
ET SÉJOUR DES ÉTRANGERS EN FRANCE

Reprise de la discussion, après déclaration d'urgence,
d'un projet de loi

    M. le président. Nous reprenons la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France.

Discussion des articles (suite)

Article 30

    M. le président. « Art. 30. - L'article 32 est rétabli et est ainsi rédigé :
    « Art. 32. - L'entrée et le séjour en France des étrangers appartenant à un groupe spécifique de personnes bénéficiaires de la protection temporaire instituée en application de la directive n° 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les Etats membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil sont régis par les dispositions suivantes :
    « I. - Le bénéfice du régime de la protection temporaire est ouvert aux étrangers selon les modalités définies par la décision du Conseil de l'Union européenne visée à l'article 5 de ladite directive, définissant les groupes spécifiques de personnes auxquelles s'applique la protection temporaire, fixant la date à laquelle la protection temporaire entrera en vigueur, et contenant notamment les informations communiquées par les Etats membres de l'Union européenne concernant leurs capacités d'accueil.
    « II. - L'étranger appartenant à un groupe spécifique de personnes visé par la décision du Conseil de l'Union européenne bénéficie de la protection temporaire à compter de la date mentionnée par cette décision. Il est mis en possession d'un document provisoire de séjour assorti le cas échéant d'une autorisation provisoire de travail. Ce document provisoire de séjour est renouvelé tant qu'il n'est pas mis fin à la protection temporaire.
    « Le bénéfice de la protection temporaire est accordé pour une période d'un an renouvelable dans la limite maximale de trois années. Il peut être mis fin à tout moment à cette protection par décision du Conseil de l'Union européenne.
    « Le document provisoire de séjour peut être refusé lorsque l'étranger est déjà autorisé à résider sous couvert d'un document de séjour au titre de la protection temporaire dans un autre Etat membre de l'Union européenne et qu'il ne peut prétendre au bénéfice de la disposition prévue au V du présent article.
    « III. - Le bénéfice de la protection temporaire ne préjuge pas de la reconnaissance du statut de réfugié au titre de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés.
    « Le bénéfice de la protection temporaire ne peut être cumulé avec le statut de demandeur d'asile. L'étranger qui sollicite l'asile reste soumis au régime de la protection temporaire pendant l'instruction de sa demande. Si, à l'issue de l'examen de la demande d'asile, le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire n'est pas accordé à l'étranger bénéficiaire de la protection temporaire, celui-ci conserve le bénéfice de cette protection aussi longtemps qu'elle demeure en vigueur.
    « IV. - Un étranger peut être exclu du bénéfice de la protection temporaire :
    « 1° S'il existe des raisons sérieuses de penser qu'il a commis un crime contre la paix, un crime de guerre, un crime contre l'humanité ou un crime grave de droit commun commis hors du territoire français, avant d'y être admis en qualité de bénéficiaire de la protection temporaire, ou qu'il s'est rendu coupable d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies ;
    « 2° Lorsque sa présence sur le territoire constitue une menace pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat.
    « V. - S'ils sont astreints à la détention d'un titre de séjour, les membres de la famille d'un étranger bénéficiant de la protection temporaire qui ont obtenu le droit de le rejoindre sur le fondement des dispositions de l'article 15 de la directive n° 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 reçoivent de plein droit un document provisoire de séjour de même nature que celui détenu par la personne qu'ils sont venus rejoindre, sauf si leur présence constitue une menace à l'ordre public.
    « Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article. »
    M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet ont présenté un amendement, n° 235, ainsi rédigé :
    « Supprimer l'article 30. »
    La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. Le projet de loi introduit dans l'ordonnance du 2 novembre 1945 des modalités d'application de la protection temporaire. Ce qui est étonnant car il s'agit clairement d'un domaine relevant de l'asile. Depuis 1998, la plupart des dispositions relatives à l'asile ont été transférées dans la loi du 25 juillet 1952. Il aurait été plus cohérent de l'introduire dans la loi réformant le droit d'asile, que nous avons examinée récemment.
    Le projet de loi ne précise pas à partir de combien de personnes déplacées on considérera qu'il y a « afflux massif ».
    En outre, il reprend a minima les normes issues de la directive du 20 juillet 2001. En particulier le texte fait mention d'une autorisation provisoire de séjour et non d'un titre de séjour. Il est donc vraisemblable que les personnes ne bénéficieront au mieux que de récipissés de six mois. De plus, cette autorisation peut être assortie d'une autorisation de travail - a contrario l'accès au travail peut leur être refusé ! -, l'accès à l'emploi n'est prévu que le cas échéant, et la situation de l'emploi pourrait leur être opposable.
    Le projet prévoit encore des causes d'exclusion qui reprennent la directive. Aux trois clauses d'exclusion de la Convention de Genève, s'ajoute la menace à l'ordre public, sans que cette notion soit réellement précisée.
    Le projet de loi ne précise même pas qui est compétent pour examiner ces exclusions, alors que l'OFPRA et la Commission des recours des réfugiés examinent aujourd'hui avec précaution la mise en oeuvre de ces clauses d'exclusion. De plus, aucun critère ne vient encadrer les « sérieuses raisons ». Enfin, si la directive mentionne que les personnes exclues du bénéfice de la protection temporaire ou du regroupement familial « doivent avoir accès à des voies de recours juridictionnel », aucun dispositif de recours n'est prévu dans cet article.
    Telles sont les raisons pour lesquelles nous en demandons la suppression.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Rejet.
    M. le président. L'avis du Gouvernement est défavorable.
    Je mets aux voix l'amendement n° 235.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 103, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le premier alinéa de l'article 30 :
    « L'article 32 de la même ordonnance est ainsi rétabli : »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
    M. le président. L'avis du Gouvernement est favorable.
    Je mets aux voix l'amendement n° 103.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Braouezec, M. Gerin et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 331, ainsi rédigé :
    « Dans l'avant-dernière phrase du premier alinéa du II du texte proposé pour l'article 32 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, supprimer les mots : "le cas échéant. »
    La parole est à M. Patrick Braouezec.
    M. Patrick Braouezec. Cet amendement vise à lier autorisation de séjour et de travail pour les réfugiés sous protection temporaire. Il importe, en effet, que les personnes admises au titre de la protection temporaire soient en mesure de subvenir à leurs besoins et de vivre décemment. C'est pourquoi nous proposons de supprimer « le cas échéant ». Il faut que le titre de séjour et le titre de travail puissent être donnés en même temps. Nous pensons qu'il y va de l'intérêt de ces personnes, comme, d'ailleurs, de la société d'accueil, l'immense majorité des demandeurs d'asile demeurant dans les quartiers populaires. Nous sommes donc particulièrement bien placés pour connaître les effets de la multiplication des statuts précaires.
    L'amendement participe d'une logique qui est totalement absente du projet. Il s'agit de conforter le statut des étrangers résidant sur notre sol, de façon à ne pas favoriser leur exploitation par les employeurs responsables de l'offre massive de travail illégal, notamment dans les secteurs du bâtiment, de la restauration, du nettoyage, de la sécurité ou de la confection.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. La commission a repoussé l'amendement n° 331, l'octroi d'un titre de travail est optionnel dans le cas de la protection temporaire, conformément à la directive européenne.
    M. le président. Même avis du Gouvernement.
    Je mets aux voix l'amendement n° 331.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 104, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le début du 1° du IV du texte proposé pour l'article 32 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 :
    « 1° S'il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'il ait pu commettre un crime contre la paix, ...(le reste sans changement) ».
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Amendement de précision.
    M. le président. Avis favorable du Gouvernement. Je mets aux voix l'amendement n° 104.
    (L'amendement est adopté.)
    Je mets aux voix l'article 30, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 30, ainsi modifié, est adopté.)

Article 31

    M. le président. « Art. 31. - L'article 32 ter de la même ordonnance est remplacé par les dispositions suivantes :
    « Art. 32 ter. - L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé, ou l'étranger exclu du bénéfice de la protection temporaire ou qui, ayant bénéficié de cette protection, cesse d'y avoir droit, et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre, doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une des mesures d'éloignement prévues aux articles 19 et 22 ».
    M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 105, ainsi libellé :
    « Après les mots : "faire l'objet, rédiger ainsi la fin du texte proposé pour l'article 32 ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : "d'une mesure d'éloignement prévue à l'article 22 et, le cas échéant, des pénalités prévues à l'article 19. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Amendement de précision.
    M. le président. Avis favorable du Gouvernement.
    Je mets aux voix l'amendement n° 105.
    (L'amendement est adopté.)
    Mme la présidente. M. Cardo et M. Cova ont présenté un amendement, n° 373, ainsi rédigé :
    « Compléter le texte proposé pour l'article 32 ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945 par la phrase suivante : « Il ne pourra pas se maintenir sur le territoire national au motif d'être un parent d'un enfant né en France si l'enfant peut bénéficier, en application de la loi étrangère, de la nationalité d'un de ses parents étrangers. »
    Cet amendement est-il défendu ?
    M. Claude Goasguen. Oui, monsieur le président.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Même avis du Gouvernement.
    Je mets aux voix l'amendement n° 373.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 31, modifié par l'amendement n° 105.
    (L'article 31, ainsi modifié, est adopté.)

Article 32

    M. le président. « Art. 32. - L'article 34 bis de la même ordonnance est complété par les alinéas suivants :
    « Les agents diplomatiques ou consulaires peuvent, de leur propre initiative, procéder à la légalisation ou la vérification de tout acte d'état civil étranger en cas de doute sur l'authenticité de ce document, lorsqu'ils sont saisis d'une demande de visa ou d'une demande de transcription d'un acte d'état civil. »
    « Pour ces vérifications, et par dérogation aux dispositions de l'article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, les autorités diplomatiques et consulaires surseoient à statuer sur la demande de visa présentée par la personne qui se prévaut de l'acte d'état civil litigieux, pendant une période maximale de six mois.
    « Lorsque, malgré les diligences accomplies, ces vérifications n'ont pas abouti, la suspension peut être prorogée pour une durée strictement nécessaire et qui ne peut excéder six mois. »
    M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet ont présenté un amendement, n° 236, ainsi rédigé :
    « Supprimer l'article 32. »
    M. Noël Mamère. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, cette disposition déroge à l'article 47 du code civil aux termes duquel « tout acte de l'état civil des Français et des étrangers, fait en pays étranger, fera foi s'il a été rédigé dans les formes usitées dans ledit pays ». La nouvelle rédaction revient pratiquement à vider de son sens ledit article.
    En effet, sur quelles bases les autorités diplomatiques ou consulaires pourront-elles émettre des doutes sur l'authenticité d'un document civil ? J'attends qu'on me le précise !
    La possibilité de surseoir à une demande de visa, pendant une année de plus, constitue une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir, et au droit au respect de la vie privée et familiale des intéressés.
    De plus, la possibilité de surseoir à statuer sur une demande de visa pour un délai de six mois contrevient au principe général selon lequel le silence gardé par l'administration pendant plus de deux mois vaut décision de rejet et entraîne la garantie qui en résulte pour l'administré. En pratique, l'étranger sera privé pendant tout ce temps, en l'absence de décision formelle de refus, de la possibilité d'intenter un recours.
    Cette disposition pourra également paralyser les procédures de regroupement familial. En effet, la loi prévoit que la décision préfectorale autorisant le regroupement familial est caduque si la famille n'est pas entrée en France dans les six mois. Les intéressés seront donc contraints de lancer une nouvelle procédure s'ils n'ont pas obtenu une dérogation. Dans ces conditions, il est impératif de prévoir la suppression du délai de péremption de l'autorisation préfectorale de regroupement familial.
    Voilà des raisons qui nous paraissent suffisantes pour supprimer cet article 32, qui est dangereux.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Le Gouvernement est défavorable.
    Je mets aux voix l'amendement n° 236.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 397, ainsi rédigé :
    « Substituer au premier alinéa de l'article 32 les alinéas suivants :
    « L'article 34 bis de la même ordonnance est ainsi modifié :
    « I. - Dans cet article, après les mots : "aux dispositions, sont insérés les mots : "du deuxième alinéa.
    « II. - Cet article est complété par trois alinéas ainsi rédigés : »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Coordination.
    M. le président. Avis favorable du Gouvernement.
    Je mets aux voix l'amendement n° 397.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 398, ainsi rédigé :
    « Dans le deuxième alinéa de l'article 32, après les mots : "consulaires peuvent, insérer le mot : "également. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. C'est un amendement rédactionnel.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 398.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Mariani, rapporteur, a présenté un amendement, n° 399, ainsi rédigé :
    « I. Dans l'avant-dernier alinéa de l'article 32, substituer au nombre : "six le nombre "quatre.
    « II. En conséquence, procéder à la même substitution dans le dernier alinéa de cet article. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Cet amendement est défendu.
    M. le président. Le Gouvernement y est favorable.
    Je mets aux voix l'amendement n° 399.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Braouezec, M. Gérin et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 332, ainsi rédigé :
    « Supprimer le dernier alinéa de l'article 32. »
    La parole est à M. Patrick Braouezec.
    M. Patrick Braouezec. Dans la même logique que M. Mamère, nous proposons de supprimer au moins le dernier alinéa de l'article.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Le Gouvernement y est défavorable.
    Je mets aux voix l'amendement n° 332.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Perruchot et M. Lagarde ont présenté un amendement, n° 425, ainsi rédigé :
    « Compléter l'article 32 par l'alinéa suivant :
    « Les agents diplomatiques ou consulaires chargés de l'application de cette ordonnance sont obligatoirement de nationalité française. »
    Cet amendement est défendu.
    Quel est l'avis de la commission ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Le Gouvernement y est défavorable.
    Je mets aux voix l'amendement n° 425.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 32, modifié par les amendements adoptés.
    (L'article 32, ainsi modifié, est adopté.)

Article 33

    M. le président. « Art. 33. - L'article 35 bis est remplacé par les dispositions suivantes :
    « Art. 35 bis. - I. - Le placement en rétention d'un étranger dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire peut être ordonné lorsque cet étranger :
    « 1° Soit, devant être remis aux autorités compétentes d'un Etat de la Communauté européenne en application de l'article 33, ne peut quitter immédiatement le territoire français ;
    « 2° Soit, faisant l'objet d'un arrêté d'expulsion, ne peut quitter immédiatement le territoire français ;
    « 3° Soit, faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris en application de l'article 22 et édicté moins d'un an auparavant, ne peut quitter immédiatement le territoire français ;
    « 4° Soit, faisant l'objet d'un signalement ou d'une décision d'éloignement visés au deuxième ou au troisième alinéa de l'article 26 bis de la présente ordonnance, ne peut quitter immédiatement le territoire français ;
    « 5° Soit, ayant fait l'objet d'une décision de maintien au titre de l'un des cas précédents, n'a pas déféré à la mesure d'éloignement dont il est l'objet dans un délai de sept jours suivant le terme du précédent maintien ou, y ayant déféré, est revenu sur le territoire français alors que cette mesure est toujours exécutoire ;
    « Après l'interpellation de l'étranger et, le cas échéant, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de la période d'incarcération en cas de détention, le préfet ou, à Paris, le préfet de police décide son placement en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée qui ne peut excéder 48 heures. Le juge des libertés et de la détention est saisi sans délai.
    « Dès la saisine du juge des libertés et de la détention et pendant toute la période de rétention, l'intéressé peut demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil, d'un médecin et communiquer avec son consulat et avec une personne de son choix.
    « Une copie de la saisine du juge des libertés et de la détention est remise à l'intéressé. Celui-ci est immédiatement informé de ses droits, par l'intermédiaire d'un interprète s'il ne connaît pas la langue française. En cas de nécessité résultant de l'impossibilité pour l'interprète de se déplacer, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication.
    « Le juge statue au siège du tribunal de grande instance dans le ressort duquel se situe le lieu de placement de l'étranger en centre de rétention. Il statue par ordonnance dans un délai maximum de quarante-huit heures, après audition du représentant de l'administration, si celui-ci dûment convoqué est présent, et de l'intéressé en présence de son conseil, s'il en a un. Il peut ordonner la prolongation du maintien en rétention pour une période de quinze jours. Jusqu'à la décision du juge, l'intéressé est maintenu à sa disposition par le représentant de l'Etat dans le département dans un local ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, le cas échéant dans un centre de rétention. L'ordonnance de prolongation du maintien en rétention court à compter de l'expiration du délai de quarante-huit heures fixé au septième alinéa ci-dessus.
    « A titre exceptionnel, le juge peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives, après remise à un service de police ou de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité, et sur lequel est portée la mention de la mesure d'éloignement en instance d'exécution. L'assignation à résidence concernant un étranger qui s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une mesure de reconduite à la frontière en vigueur, d'une interdiction du territoire prononcée par le juge pénal dont il n'a pas été relevé, ou d'une mesure d'expulsion en vigueur doit faire l'objet d'une motivation spéciale.
    « L'étranger est astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par le juge et doit se présenter périodiquement aux services de police ou de gendarmerie en vue de l'exécution de la mesure d'éloignement. A défaut du respect des obligations d'assignation à résidence, le procureur de la République est saisi sans délai en application des dispositions de l'article 27 de la présente ordonnance.
    « II. - Quand un délai de quinze jours s'est écoulé depuis l'ordonnance mentionnée au dixième alinéa du I ci-dessus et en cas d'urgence absolue ou d'une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public, ou lorsque l'impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement, le juge des libertés et de la détention est à nouveau saisi. Il lui appartient de statuer par ordonnance après audition du représentant de l'administration, si celui-ci, dûment convoqué, est présent, et de l'intéressé en présence de son conseil, s'il en a un.
    « Si le juge ordonne la prolongation du maintien, l'ordonnance de prolongation court à compter de l'expiration du délai de quinze jours mentionné à l'alinéa précédent, et pour une nouvelle période d'une durée maximale de quinze jours.
    « III. - Le juge peut également être saisi lorsque, malgré les diligences de l'administration, la mesure d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé, de l'absence de moyens de transport approprié ou de la mise en oeuvre d'une procédure d'éloignement groupé avec un ou plusieurs pays membres de l'Union européenne, et qu'il est établi par le représentant de l'Etat que l'une ou l'autre de ces circonstances doit intervenir à bref délai. Il peut également être saisi aux mêmes fins lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement, malgré les diligences de l'administration, pour pouvoir procéder à l'exécution de la mesure d'éloignement dans le délai prescrit au dixième alinéa du I ci-dessus.
    « Le juge statue par ordonnance après audition du représentant de l'administration, si celui-ci dûment convoqué est présent, et de l'intéressé en présence de son conseil, s'il en a un.
    « Si le juge ordonne la prolongation du maintien, l'ordonnance de prolongation court à compter de l'expiration du délai de quinze jours fixé au dixième alinéa du I ci-dessus. La prolongation ne peut excéder une durée de soixante-douze heures, renouvelable dans les mêmes conditions pour une durée totale qui ne peut excéder neuf jours.
    « IV. - Les ordonnances mentionnées au dixième alinéa du I, au deuxième alinéa du II et au troisième alinéa du III du présent article sont susceptibles d'appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué, qui est saisi sans forme et doit statuer dans les quarante-huit heures de sa saisine ; l'appel peut être formé par l'intéressé, le ministère public et le représentant de l'Etat dans le département ou, à Paris, le préfet de police ; ce recours n'est pas suspensif. Toutefois, l'appelant peut demander au premier président de la cour d'appel ou à son délégué de déclarer le recours suspensif. Dans ce cas, l'appel, accompagné de la demande, est immédiatement formé et transmis au premier président de la cour d'appel ou à son délégué. Celui-ci décide, sans délai, s'il y a lieu de donner à l'appel un effet suspensif, en fonction des garanties de représentation dont dispose l'étranger, par une ordonnance motivée rendue contradictoirement qui n'est pas susceptible de recours. L'intéressé est maintenu à la disposition de la justice jusqu'à ce que cette ordonnance soit rendue et, si elle donne un effet suspensif à l'appel, jusqu'à ce qu'il soit statué sur le fond.
    « V. - Un étranger ne peut être maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet.
    « Si la mesure d'éloignement est annulée par le juge administratif, il est immédiatement mis fin au maintien de l'étranger en rétention et celui-ci est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas.
    « VI. - L'intéressé peut bénéficier de l'aide juridictionnelle.
    « Par décision du juge sur proposition du représentant de l'Etat, et avec le consentement de l'étranger, les audiences prévues aux I, II et III du présent article peuvent se dérouler avec l'utilisation de moyens de télécommunication garantissant la confidentialité de la transmission. Il est alors dressé, dans chacun des lieux, un procès-verbal des opérations effectuées.
    « VII. - Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.
    « Pendant toute la durée de la rétention, l'autorité administrative a la possibilité de déplacer l'étranger dans un autre centre de rétention, sous réserve d'en informer les juges des libertés et de la détention compétents du lieu de départ et du lieu d'arrivée.
    « Il est tenu, dans tous les locaux recevant des personnes maintenues au titre du présent article, un registre mentionnant l'état civil de ces personnes ainsi que les conditions de leur maintien.
    « Pendant toute la durée de la rétention, le procureur de la République ou le juge des libertés et de la détention peut se transporter sur les lieux, vérifier les conditions du maintien et se faire communiquer le registre prévu à l'alinéa précédent.
    « VIII. - L'interdiction du territoire prononcée à titre de peine principale et assortie de l'exécution provisoire entraîne de plein droit le maintien de l'étranger dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, dans les conditions définies au présent article, pendant le temps strictement nécessaire à son départ. Quand un délai de quinze jours s'est écoulé depuis le prononcé de la peine ou la fin de la période de détention, il est fait application des dispositions des II et III du présent article.
    « L'interdiction du territoire prononcée à titre de peine complémentaire peut également donner lieu au maintien de l'étranger dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, le cas échéant à l'expiration de sa peine d'emprisonnement, dans les conditions définies aux I, II et III du présent article.
    « IX. - Il est créé une commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention. Cette commission veille au respect des droits des étrangers maintenus en application du présent article et à la qualité des conditions de leur hébergement. Elle peut effectuer des missions sur place et fait des recommandations au gouvernement en la matière.
    « La commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention comprend un membre ou ancien membre de la Cour de cassation d'un grade au moins égal à celui de conseiller, président, un membre ou ancien membre du Conseil d'Etat, une personnalité qualifiée en matière pénitentiaire, deux représentants d'associations humanitaires et deux représentants des principales administrations concernées. Les membres de la commission sont nommés par décret. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités de fonctionnement de la commission.
    « X. - Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités selon lesquelles les étrangers maintenus en rétention bénéficient d'actions d'accueil, d'information et de soutien, pour permettre l'exercice effectif de leurs droits et préparer leur départ. »
    La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. L'article 33 est sans doute, avec l'article 24, l'un des plus importants du projet qui nous est proposé. L'article 24 proposait un aménagement de la double peine, c'est celui qui ouvrait, élargissait, faisait preuve d'une certaine humanité. L'article 33, c'est l'exact contraire. C'est l'un des plus spectaculaires, puisque c'est une modification radicale, pour ne pas dire un véritable changement, du régime de la rétention administrative des étrangers, qui peut aller jusqu'à trente-deux jours. On a un peu l'impression, dans cet hémicycle, d'être transformés en danseurs de tango : un pas en avant, deux pas en arrière. Le pas en avant, on l'a fait avec la double peine, et les deux pas en arrière, on les fait avec cet article 33, qui est recul manifeste...
    M. Claude Goasguen. Un recul par rapport à quoi ?
    M. Noël Mamère. ... et qui est, à notre avis, extrêmement dangereux. Je voudrais brièvement expliquer pourquoi.
    D'abord, qu'est-ce que la rétention ? C'est une dérogation permettant à l'administration, et donc à la police, de détenir un étranger qui doit être éloigné du territoire dans des locaux non pénitentiaires.
    Cette entorse aux protections et aux règles fondamentales en matière de privation de liberté existe depuis le début des années 80. Elle a été tolérée par le Conseil constitutionnel à la double condition d'être limitée au temps strictement nécessaire à l'organisation du départ de l'étranger et fortement encadrée et contrôlée par le juge judiciaire, garant de la liberté individuelle.
    Au fil des années et des multiples lois sur l'immigration, le ministère de l'intérieur a obtenu que soit validé par le juge constitutionnel l'allongement de cette rétention de sept à dix jours maximum, le délai supplémentaire de deux jours introduit par la loi de 1998 n'ayant pas été soumis à la censure du Conseil constitutionnel.
    Le projet que nous examinons renvoie toutes ces prévenances, comme s'il s'agissait d'us et coutumes dépassés, et instaure une rétention pouvant être prolongée au-delà d'une durée de trente jours. On passe de douze jours à trente-deux jours ! S'agit-il d'un allongement ou d'un changement radical de nature de la rétention ? Car du « temps strictement nécessaire » au départ, on en vient à une privation de liberté dont la durée est largement supérieure aux besoins, intégrant une autre logique : celle de l'internement et de la peine.
    Quelles sont les raisons avancées pour justifier un tel basculement ?
    L'efficacité ? Un certain nombre d'associations sont bien placées, parce qu'elles sont présentes dans les centres de rétention depuis 1985, pour attester que le délai utile à l'administration pour mettre à exécution les mesures d'éloignement varie de quatre à sept jours. Un délai supérieur aux douze jours actuels permettra peut-être quelques renvois supplémentaires, mais l'effet sera globalement marginal et ne justifie en rien un changement de loi.
    L'harmonisation européenne, puisque ce serait la vertu première à laquelle il faut se soumettre ? Elle est en cours et nulle urgence ne vient expliquer cette précipitation. Et quand bien même ! Si d'autres Etats européens ont des législations moins regardantes quant au respect des libertés individuelles, on comprendrait mal que le gouvernement français, si prompt à défendre les grands principes dans les sphères internationales, accepte de renoncer à ces derniers sans résister, lorsqu'il s'agit du droit des étrangers en France.
    Dénué de toute justification, un tel renversement de perspective semble principalement motivé par un objectif de communication : cette mesure spectaculaire, comme l'est la résurgence des renvois par chanters, veut adresser des signaux à l'opinion publique, pour lui prouver que le Gouvernement prend les moyens nécessaires au renvoi de ces « clandestins » qui, paraît-il, sont si terribles, aux candidats à l'émigration, pour les dissuader de tenter leur chance en France, et aux réseaux, pour les inciter à orienter leurs filières vers d'autres contrées.
    Il faut comprendre que cette logique est dangereuse : elle fait peu de cas de l'humiliation et de la douleur des étrangers qui en subiront les conséquences, véritablement embastillés dans ces centres de rétention totalement inadaptés pour des séjours aussi longs ; elle renforce encore et poursuit l'illusion selon laquelle les mesures policières et répressives permettent de contrôler les mouvements migratoires et de stopper ce que vous appelez « l'immigration irrégulière », et parce que cette option sécuritaire n'aura jamais que des résultats bien relatifs, ...
    M. le président. Je vous remercie de conclure, monsieur Mamère.
    M. Noël Mamère. ... et que l'ogre aura toujours faim, elle conduira nécessairement à l'avenir, comme on le constate depuis vingt ans, à l'élaboration de nouveaux dispositifs encore plus suspicieux, encore plus répressifs, encore plus attentatoires aux libertés fondamentales.
    M. Thierry Mariani, rapporteur. C'est caricatural !
    M. Noël Mamère. C'est la raison pour laquelle nous combattons l'article 33.
    M. le président. La parole est à M. Etienne Pinte.
    M. Etienne Pinte. Monsieur le ministre, je ne remettrai pas en cause l'esprit de l'article 33, mais je voudrais attirer votre attention sur les centaines d'étrangers qui vivent actuellement sur notre territoire dans une situation de « ni-ni ». Ils n'ont jamais été expulsés, soit parce que l'administration n'a pas procédé à leur expulsion, soit parce que leur pays d'origine n'a pas voulu leur délivrer un laissez-passer. Ils sont donc restés en France légalement, mais sans titre de séjour et sans droit au travail. Ils vivent dans une semi-clandestinité, travaillant bien souvent au noir pour faire vivre leurs familles, sauf s'ils ont été assignés à résidence avec droit au travail.
    Certains pourront, grâce à votre texte, être régularisés, mais d'autres n'entrent pas dans les catégories régularisables. Je donnerai deux exemples. M. Chalek, de nationalité algérienne, est entré en 1977 dans notre pays. Tous ses frères et soeurs y vivent. Il a été condamné à deux peines de prison et reconduit à la frontière. L'Algérie n'en a pas voulu. Il vit donc en France, mais sans titre de séjour. M. Sassi, d'origine tunisienne, est entré très jeune en France où résident ses parents et tous ses frères et soeurs. Il a été condamné à une interdiction du territoire mais libéré en 2001 pour bonne conduite. Il n'a jamais été expulsé. Depuis, il vit dans la clandestinité. Voilà deux cas, je pourrais en citer beaucoup d'autres, de gens dont il faudra, d'une manière ou d'une autre, régulariser la situation. Je vous pose la question.
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 237 et 276.
    L'amendement n° 237 est présenté par M. Mamère, Mme Billard et M. Yves Cochet.
    L'amendement n° 276 est présenté par M. Caresche, M. Blisko et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer l'article 33. »
    La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l'amendement n° 237.
    M. Noël Mamère. Je l'ai défendu en m'exprimant sur l'article 33.
    M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche, pour défendre l'amendement n° 276.
    M. Christophe Caresche. Nous avons de très fortes réserves sur l'allongement de la durée de rétention, je l'ai expliqué en défendant l'exception d'irrecevabilité, et ce sera l'un des points centraux que nous développerons dans le recours que nous déposerons auprès du Conseil constitutionnel. Nous changeons, en effet, de régime avec cet allongement inconsidéré du délai de rétention, nous passons de la rétention à la détention. Cela met en cause l'une des libertés fondamentales inscrites dans notre Constitution qui doit s'appliquer aux Français comme aux étrangers, tout simplement le droit d'aller et venir, et je crois honnêtement que le Conseil constitutionnel devra censurer ce texte.
    Je le dis d'autant plus qu'il aurait pu être envisagé de l'allonger de quelques jours. On pouvait effectivement comprendre que l'administration ait besoin de quelques jours supplémentaires - d'ailleurs, le projet de loi RESEDA, qui avait été présenté par le gouvernement de Lionel Jospin, prévoyait initialement quinze jours - mais là, nous sommes passés dans un autre régime.
    Enfin, je ne suis pas certain que cette augmentation importante du délai de rétention changera beaucoup la nature des choses et accroîtra l'efficacité des mesures d'expulsion. Je ne vois pas en quoi les décisions des consulats de ne pas accorder de laissez-passer, qui sont des décisions d'ordre politique, seraient modifiées par l'allongement du délai de rétention. Vous avez expliqué que vous aviez pris de multiples contacts avec les pays d'origine. C'est bien ainsi que vous pourrez débloquer la situation, pas en allongeant de façon inappropriée un délai de rétention, ce qui n'aura aucune conséquence sur la position d'un certain nombre de consulats, qui, parce qu'il s'agit de problèmes politiques, ne délivreront pas plus de laissez-passer pour autant.
    Bref, cette mesure menace la liberté fondamentale d'aller et venir et, par ailleurs, n'aura aucune efficacité.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Voyons ce qu'est cette mesure qui menace les libertés. Si elle menace les libertés en France, Monsieur Caresche, elle doit les menacer dans tous les autres pays de la Communauté européenne. (« Très bien » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Christian Vanneste. En Grande-Bretagne, par exemple !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Au moins, on peut se mettre d'accord là-dessus ?
    M. Patrick Braouezec et M. André Gérin. Tout à fait !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Parfait.
    Les quatorze autres démocraties européennes ont des délais de rétention administrative supérieurs aux nôtres, même si vous acceptez le délai proposé par le Gouvernement qui est de trente-deux jours au maximum. Pourquoi le pays qui a le délai le plus court mettrait-il en cause les droits fondamentaux, mais pas les quatorze autres qui ont des délais plus longs ?
    M. Patrick Braouezec. Mais si !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est tout de même une question à laquelle il faudra répondre une bonne fois pour toutes devant l'opinion publique française !
    M. Patrick Braouezec. Les quatorze autres sont plus réactionnaires !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Mais non !
    M. Noël Mamère. Mais si !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. On peut être en désaccord, c'est même la noblesse de la démocratie, mais chacun d'entre nous doit respecter l'autre. On peut dire qu'allonger le délai est inutile, je vais y venir et balayer cet argument, mais prétendre que cela menace les libertés, cet argument ne tient pas, il n'y a pas une personne de bonne foi pour l'affirmer.
    M. Patrick Braouezec, M. André Gérin et M. Noël Mamère. Si !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Au Royaume-Uni et dans d'autres pays, le délai est illimité. Sont-ce des dictatures ?
    M. Noël Mamère. Souvenez-vous des armes de destruction massive !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je ne vais pas reprendre l'exemple de l'Allemagne, parce que je sais qu'il vous fait mal. Pourquoi trente-deux jours ? L'objectif, c'est de mettre un étranger en situation de rétention administrative le temps qu'on examine son dossier et qu'on voie si on doit faire droit à sa demande. On doit donc le garder suffisamment longtemps pour pouvoir examiner sa demande, et être sûr qu'au cas où elle serait refusée, il pourra être raccompagné. Cela, on le doit aux Français dans le cadre de l'Etat de droit.
    L'Union européenne dit une chose qui me paraît intéressante. Les pays avec qui nous négocions des accords de réadmission ayant un mois pour accorder un laissez-passer consulaire et récupérer leurs ressortissants qui auraient été refusés chez nous, il faut bien que nous gardions l'étranger à qui on peut dire oui ou non pendant un mois. Si on ne le garde que douze jours et que les pays sources nous répondent au bout d'un mois, qu'est-ce qu'il fait pendant vingt jours ? Excusez-moi, expliquerait alors le ministre de l'intérieur, quel qu'il soit, j'aurais bien voulu le raccompagner, mais il m'a manqué dix-huit jours et je ne peux donc pas le raccompagner. C'est comme ça qu'on fait monter le racisme et la xénophobie !
    Nous proposons un mois, monsieur Caresche, parce que c'est cohérent. S'il faut un mois pour donner un laissez-passer consulaire, on prévoit un mois pour instruire le dossier. L'étranger à qui on répondra oui entrera : bienvenue à lui ! Celui à qui on répondra non sortira : au revoir et merci. C'est d'une logique implacable.
    Enfin, que dit la jurisprudence du Conseil constitutionnel - il faut revenir au droit, on ne peut pas dire des choses inexactes : le temps de rétention est un temps nécessaire, le Gouvernement doit justifier la nécessité qu'il a de tenir l'étranger. Autrement dit, le Conseil n'a pas considéré que douze jours, c'était conforme aux droits de l'homme et que quinze jours, ça ne l'était pas. Il dit que cela doit être nécessaire et doit être expliqué par le Gouvernement.
    Nous avons été devant le Conseil d'Etat. Dans des discussions longues et très argumentées en assemblée générale, le Conseil d'Etat a considéré que trente-deux jours, c'était parfaitement acceptable. Monsieur Caresche, vous annoncez que vous ferez un recours devant le Conseil constitutionnel, et qu'on verra bien. Eh bien, vous le ferez, ce recours. Mais j'aurai tout de même une recommandation de l'assemblée générale du Conseil d'Etat validant le délai de trente-deux jours. Et ce n'est un secret pour personne que, à titre personnel, j'avais proposé plus. Monsieur Caresche, vous le savez bien.
    M. Christophe Caresche. Oui.
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Je ne le cache pas. Ce n'était pas une punition. Dans le cadre d'un débat avec le Conseil d'Etat, j'essaie d'écouter ce qu'on nous dit pour vous présenter des textes qui soient juridiquement les plus conformes. Vous vous souvenez certainement de la LSI : près de cent quarante articles, cinquante recours devant le Conseil constitutionnel. Aucun n'a été jugé fondé. Je ne vous souhaite pas la même chose. Je ne dis pas -  ne faisons pas preuve d'arrogance - qu'il n'y aura pas de problème devant le Conseil constitutionnel, je dis simplement que je peux justifier et expliquer chaque mesure et démontrer la cohérence du choix. C'est tout sauf un produit d'appel politicien. C'est une volonté politique fondée sur un raisonnement juridique. J'espère, sur ce point-là aussi, vous l'avoir démontré. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements ?
    M. Thierry Mariani, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.
    M. Christophe Caresche. La vérité, c'est que vous avez choisi de rester dans le régime de rétention actuel. Il pouvait y avoir une autre solution. D'ailleurs, elle a existé, c'est la rétention judiciaire, qui avait été créée en 1993. Le délai était de plusieurs mois, mais c'est le juge qui était maître de l'opportunité de placer ou de ne pas placer un étranger en rétention.
    Le problème du régime actuel, c'est qu'il s'agit d'une mesure administrative. Or, dans notre ordre juridique, c'est le juge qui est le garant des libertés.
    Vous vous êtes donc mis dans une situation telle...
    M. Claude Goasguen. Vous aussi, d'ailleurs !
    M. Christophe Caresche. ... que vous courez le risque d'être censuré par le Conseil constitutionnel.
    M. Claude Goasguen. Les socialistes n'ont pas supprimé la rétention administrative !
    M. Christophe Caresche. Selon moi, il y avait peut-être un autre moyen de procéder en plaçant le juge au centre du système.
    M. Claude Goasguen. Que ne l'avez-vous fait ?
    M. Christophe Caresche. Nous l'avons fait ! La loi Chevènement prévoyait douze jours, et cette disposition a été appliquée.
    M. Claude Goasguen. La rétention administrative, c'est vous, monsieur Caresche !
    M. Gérard Léonard. Et on a vu les résultats !
    M. Christophe Caresche. J'ai dit que quelques jours supplémentaires étaient envisageables, mais ce n'est pas le problème central. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le problème central, c'est celui posé par l'attitude de certains consulats qui ne veulent pas délivrer de laissez-passer. C'est un problème politique,...
    M. Gérard Léonard. Non, c'est un alibi !
    M. Christophe Caresche. ... ce n'est pas un problème administratif.
    En tout cas, il existait peut-être d'autres possibilités que de continuer...
    M. Claude Goasguen. Vous auriez dû le faire !
    M. Christophe Caresche. ... à appliquer un système assez contestable et qui, je le pense, sera contesté.
    M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.
    M. Noël Mamère. J'indique d'abord que nous nous associerons au recours qui sera déposé devant le Conseil constitutionnel sur l'article 33 et sur le dispositif proposé.
    Comme hier soir, M. le ministre s'est livré à un plaidoyer enflammé pour l'Europe, ...
    M. Pascal Clément, président de la commission. Elle le mérite !
    M. Noël Mamère. ... oubliant simplement de nous dire que les pays avec lesquels il a comparé la France appliquent des dispositions légales et des procédures très différentes d'un pays à l'autre, notamment pour ce qui est du droit au séjour, de la protection contre l'éloignement ou des voies de recours.
    Quant à la directive dont il est question, elle n'est pas encore effective. De surcroît, quand elle sera prise, chaque pays pourra l'appliquer a minima, c'est-à-dire aller au-delà de ce qu'elle propose, en l'occurrence faire plus pour la garantie des libertés individuelles.
    Cela étant, depuis quelques années, depuis la chute du mur de Berlin, depuis les accords de Schengen, chaque fois que l'Europe prend des dispositions concernant l'entrée et le séjour des étrangers, ce sont des dispositions qui ont tendance à la transformer en une forteresse, en une citadelle, et qui vont peut-être nous conduire un jour à mettre en oeuvre une sorte de développement séparé du monde, une sorte de grand apartheid planétaire !
    M. Claude Goasguen. Oh !
    M. Noël Mamère. Le jour viendra où l'on ne voudra plus dans nos contrées de gens fuyant la misère ou la tyrannie, voire les deux !
    S'agissant de l'argument invoqué par rapport au délai consulaire, l'expérience prouve que le temps que vous indiquez n'est absolument pas nécessaire. En général, au bout de sept jours, on sait parfaitement ce qui peut se passer pour ce qui est de l'obtention des papiers.
    Enfin - et ce n'est pas le moindre argument qu'on peut opposer au vôtre pour le "nettoyer, comme vous dites -, ce qu'il y a de très grave dans les dispositions que vous nous présentez, c'est, ainsi que l'a souligné M. Caresche, le recul du juge. En effet, ce n'est plus lui qui décidera de la durée de rétention. A cet égard, c'est un recul des garanties des libertés. Cela justifie encore un peu plus - surtout après avoir écouté vos arguments, monsieur le ministre - notre combat contre l'article 33, notre demande de suppression de celui-ci et la saisine du Conseil constitutionnel.
    M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi.
    M. Christian Estrosi. Je voudrais dénoncer l'attitude de M. Caresche et de M. Mamère, ...
    M. André Gerin. C'est un compliment !
    M. Christian Estrosi. ... qui, en déposant ces amendements et en faisant de telles interventions, donnent vraiment le sentiment qu'ils veulent tout faire pour empêcher l'Etat français de se donner les moyens d'identifier celles et ceux qui se sont placés volontairement en situation irrégulière dans notre pays.
     En vérité, un centre de rétention ne doit pas étre confondu avec une zone d'attente. Comme beaucoup d'entre vous, j'ai eu l'occasion de voir ce qui se passait à Roissy, qui est, en quelque sorte, la plus importante frontière « aérienne » de France. Mais je suis aussi l'élu, tout comme le président de séance, d'un département qui comporte la frontière terrestre où les passages sont les plus nombreux. Eh bien, la zone d'attente de Vintimille ne doit pas être confondue avec le centre de rétention de Nice. C'est dans la zone d'attente que sont placés ceux qui franchissent la frontière sans être en règle; ils peuvent même être raccompagnés immédiatement de l'autre côté de celle-ci dans la mesure où ils ont été pris sur le fait.
    Mais par quel canal ceux qui sont placés en centre de rétention s'y retrouvent-ils ? La plupart du temps, c'est après une garde à vue qui résulte d'une infraction qu'ils ont commises. En effet, on n'arrête pas les gens dans la rue en fonction de leur faciès ou pour leur réclamer leurs papiers d'identité ; on les arrête seulement si une infraction a été commise. Quand il apparaît que l'interpellé placé en garde à vue ne possède pas de papiers, n'est pas en règle et est de toute évidence un étranger en situation irrégulière, on le place en centre de rétention pour une durée de douze jours. Bien entendu, la CIMADE est là pour l'accueillir - en tout cas, c'est de cette façon que ça se passe à Nice -, pour le prendre en charge, pour lui expliquer tous les moyens légaux et toutes les astuces qui lui permettront, durant ce délai de douze jours, de ne pas être identifié et de cacher son pays d'origine. Si bien que, passé ce délai de douze jours, cet individu est remis en liberté et peut circuler librement sans papiers. Voilà, la réalité !
    Résultat : sur cent étrangers sans papiers placés dans les centres de rétention, moins de vingt sont identifiés et raccompagnés aux frontières. Cela signifie qu'au bout de douze jours de placement en rétention, 80 % d'étrangers sans papiers en situation irrégulière sont remis en liberté... jusqu'à leur prochaine interpellation pour infraction quelques mois plus tard, de préférence l'hiver, car c'est le bon moment pour être à l'abri, au chaud, nourri et logé !
    Voilà à quoi aboutit notre législation. Voilà la réalité ! Voilà les images que voient les Français au quotidien. Nos compatriotes dénoncent cette situation et ils ne comprennent pas l'impuissance des pouvoirs publics.
    C'est pourquoi il faut considérer le projet de loi dans son équilibre global : non seulement il prolonge la durée de rétention de douze à trente-deux jours, mais, de plus, il met en oeuvre d'autres moyens d'action comme celui qui consiste à relever les empreintes digitales lors de la délivrance d'un visa touristique par un consulat ou une ambassade. Ce texte permettra de régler tous les problèmes que nous sommes incapables de résoudre aujourd'hui.
    J'ai simplement souhaité faire part de mon expérience, laquelle repose sur une réalité, celle qu'observent tous les Français et qu'ils ne comprennent pas.
    Sincèrement, monsieur Caresche et monsieur Mamère, les Français ne pourront pas comprendre que vous vous fassiez encore les défenseurs de telles irrégularités !
    M. André Gerin. Un rappel au règlement !
    M. le président. La parole est à M. Gerin, pour un rappel au règlement.
    M. André Gerin. Je refuse de laisser passer ce qu'a dit M. Estrosi à propos de la CIMADE. Cette association n'agit absolument pas comme il l'a prétendu.
    M. Jean-Pierre Grand. C'est une association de gauchistes qui défend des étrangers délinquants !
    M. le président. Ce n'était donc pas un rappel au règlement.
    Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 237 et 276.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

5

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 823, relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France :
    M. Thierry Mariani, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (rapport n° 949).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures trente.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT