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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 11 JUILLET 2003

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du jeudi 10 juillet 2003


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES

1.  Ville et rénovation urbaine. - Discussion, après déclaration d'urgence, d'un projet de loi «...».
M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine.
M. Philippe Pemezec, rapporteur de la commission des affaires économiques.
Mme Cécile Gallez, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles.
M. François Grosdidier, rapporteur pour avis de la commission des finances.
M. Philippe Houillon, rapporteur pour avis de la commission des lois.
Mme Frédérique Rastoll, rapporteure de la section du cadre de vie du Conseil économique et social.
Mme Pierrette Crosemarie, rapporteure de la section des finances du Conseil économique et social.
M. le ministre.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ «...»

Exception d'irrecevabilité de M. Jean-Marc Ayrault : MM. Jean-Yves Le Bouillonnec, le ministre, Eric Raoult, Mmes Muguette Jacquaint, Odile Saugues, M. Maurice Leroy. - Rejet.
Mme Muguette Jacquaint.

Suspension et reprise de la séance «...»
QUESTION PRÉALABLE «...»

Question préalable de M. Jean-Marc Ayrault : MM. Pierre Cohen, le ministre, Jacques-Alain Bénisti, Mmes Muguette Jacquaint, Annick Lepetit, M. Maurice Leroy. - Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2.  Publication du rapport d'une commission d'enquête «...».
3.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. RUDY SALLES,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

VILLE ET RÉNOVATION URBAINE

Discussion, après déclaration d'urgence,
d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine (n°s 950, 1003).
    La parole est à M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine.
    M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je pourrais résumer ce projet de loi par ces mots : un espoir pour la République.
    La France, vous le savez, vous, parlementaires, ne trouve pas toujours le chemin le plus court pour réduire ses fractures avec efficacité. Cela fait vingt ans que la politique de la ville a été instituée. Cela fait vingt que, au-delà des alternances, malgré les efforts de mes prédécesseurs, de nombreux quartiers continuent de dériver, menacés de marginalisation définitive par un habitat parfois indigne, par un chômage massif, par un environnement la plupart du temps médiocre, voire criminogène et, finalement, par un sentiment d'abandon qui est toujours le résultat d'une impuissance publique.
    Cela fait vingt ans, mais cela ne peut plus continuer !
    Il nous faut impérativement et collectivement refuser qu'un pays aussi prospère et aussi généreux que le nôtre connaisse 750 territoires classés zones urbaines sensibles et restés en marge du développement du territoire national. Il nous faut impérativement et collectivement refuser que la vie urbaine soit à ce point destructurée que la vie tout court y soit devenue au quotidien une souffrance. Il nous faut impérativmenet et collectivement refuser que l'idée même d'harmonie sociale disparaisse de ces quartiers, véritables foyers où brûle une braise incandescente, celle du mal de vivre, du repli sur soi et parfois, malheureusement, de la haine de l'autre. Cette braise qui peut enflammer l'incendie de la violence et de l'extrémisme, il nous faut impérativement et collectivement l'éteindre avant qu'il ne soit trop tard.
    Notre idéal républicain et notre cohésion nationale sont en jeu. C'est pourquoi, au-delà des clivages, une prise de conscience est aujourd'hui nécessaire pour soutenir une politique ambitieuse, conçue et échelonnée sur plusieurs années, pour que la ville se réconcilie réellement partout avec la vie.
    Ainsi que chacun peut le mesurer aujourd'hui, l'équilibre des quartiers n'est pas un sujet secondaire de la République ; ce n'est pas un sujet que la République pourrait, sans risques, reléguer dans la catégorie des pertes et profits des bonnes intentions. Il est devenu un sujet prioritaire, car c'est l'équilibre de la République elle-même qui est en question. Notre pays ne saurait vivre durablement avec une part de son territoire urbain livré à l'insouciance ou à l'inconscience des élites, sauf à rechercher les mauvaises surprises et à subir de dangereux soubresauts.
    M. Pierre Cardo. Très bien !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. L'avertissement du 21 avril 2002 nous renvoie tous, quel que soit le niveau de nos responsabilités, à l'impératif d'une action immédiate, claire et massive.
    Par cette loi, des moyens nouveaux, tant financiers que juridiques, seront réunis pour inverser la tendance des vingt dernières années. Ce texte tient humblement compte des actions engagées précédemment et qui ont obtenu de bons résultats. Je pense aux avancées massives en matière d'emploi grâce au pacte de relance pour la ville, notamment dans le cadre des zones franches urbaines.
    M. Gérard Hamel. Grâce à notre excellent collègue Eric Raoult !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Je pense également, - pourquoi ne pas le dire même si la mesure qu'il avait préconisée n'a pas eu autant d'effets que cela aurait été souhaitable -, à Louis Besson, qui, le premier, a laissé entendre qu'il fallait, massivement parfois, détruire et reconstruire, ainsi qu'aux grands projets de ville lancés par mon prédécesseur. Il y a donc une continuité, mais la nouveauté est constituée par une prise de conscience collective. Aujourd'hui la situation est claire : la loi est au rendez-vous et les moyens envisagés sont massifs. Toutes les divisions sont prêtes au combat.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Très bien !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Chacun connaît notre ambition. D'abord 600 000 logements inacceptables seront réhabilités, restaurés ou reconstruits, sans distinction entre les catégories dans lesquelles nous allons agir.
    Ensuite 165 des 750 quartiers seront intégralement refaits, qu'il s'agisse de l'accès, de l'éclairage, de la voirie, des squares, de l'environnement, des maisons, des écoles, des crèches, afin qu'ils redeviennent des quartiers de la République. Quant aux 585 autres, il faudra leur donner le coup de main nécessaire pour éviter qu'ils ne tombent dans la première catégorie.
    Au-delà de ces actions matérielles, nous traiterons de l'emploi, nous reprendrons le pacte de relance en faisant passer de nouveaux quartiers en zones franches urbaines, nous nous occuperons des familles surendettées. En fait, nous nous inscrivons dans une dynamique existante, car il n'est pas concevable que la République oublie ces familles broyées, dont les chances de retrouver le chemin du dynamisme étaient pratiquement réduites à néant. Ce serait même une faute pour la collectivité de se priver du talent de ces familles.
    Telle est la philosophie générale de ce texte.
    Sans entrer dans le détail que vous connaissez sans doute, je veux cependant évoquer certaines dispositions en commençant par le premier chapitre du titre Ier intitulé : « Réduction des inégalités dans les zones urbaines sensibles ».
    En fait, ce texte est simplement le résultat du travail effectué par un élu dans les soutes de la République pour offrir aux maires, aux présidents d'agglomération et à leurs partenaires, départements et régions ou organismes d'HLM, les moyens de travailler. Je n'ai en effet été, pendant dix ou onze mois, qu'un soutier dans l'antre de la pieuvre pour faire comprendre l'importance de ce dossier, moins visible parce qu'épars puisqu'il ne concerne que des quartiers éloignés les uns des autres et qui sont déjà en marge de la République. Le combat n'est pas parlementaire : il nous a opposé à certaines technostructures, auxquelles il a fallu faire comprendre qu'il s'agissait d'un sujet prioritaire pour la République.
    Un pays où un enfant est bastonné dans une école à cause de sa confession, un pays dans lequel 165 de ses quartiers sensibles connaissent un taux de chômage de 43% - la moyenne étant de 23% dans les 585 autres -, un pays où les repères ont disparu, où la haine est présente, n'est pas digne de notre belle France de la liberté, de l'égalité et de la fraternité.
    Ce premier chapitre décrète donc la mobilisation générale. Ce texte permet que les indices les plus révélateurs de chaque quartier soient enfin publics et communiqués aux maires, aux agglomérations, aux départements, aux régions et aux responsables des services de l'Etat. L'évolution des principaux indicateurs sera donnée chaque année sur tous les sujets cruciaux à toutes nos instances républicaines ainsi qu'aux services de l'Etat, afin que chacun puisse se rendre compte des moyens humains et financiers exceptionnels qui seront mis en oeuvre.
    Pour asssurer le contrôle et l'évaluation de la politique de la ville, sera créé un observatoire national des zones urbaines sensibles qui collationnera les informations émanant des différents ministères concernés. Il ne constituera pas pour autant un institut ; il permettra simplement au ministère de la ville d'évaluer les résultats de sa propre politique.
    Le chapitre II instaure le « programme national de rénovation urbaine », qui a été élaboré à partir des remarques formulées au cours des deux cents réunions de travail tenues dans les quartiers. En fait, nous en avons eu environ mille deux cents depuis un peu plus d'un an. Il fallait venir soutenir les maires et les directeurs d'organismes d'HLM qui s'épuisent en voulant changer ces quartiers, sachant que jamais bon argent n'arrive au bon endroit, la bonne année ! Ils doivent en effet sans cesse se battre pour obtenir des dotations de telle ligne du logement, de telle ligne de la politique de la ville, de telle ligne de la Caisse des dépôts, de telle ligne du 1 %, de telle ligne de la CGLLS ! Cela n'était plus tenable pour nos partenaires.
    La nouvelle agence nationale pour la rénovation urbaine, qu'il faudra bien considérer comme un guichet unique, sera, avec un seul compte en banque, au service des maires, des agglomérations, des organismes d'HLM, avec un engagement garanti sur la base d'une loi de programmation mise en oeuvre année après année. Je précise cependant qu'il s'agira non pas d'une de ces lois de programmation dans laquelle on se borne à indiquer un chiffre global des engagements, mais d'une loi de programmation dans le cadre de laquelle il faudra engager chaque année un minimum inscrit dans la loi. Cela sera aisément vérifiable, puisque cette somme sera versée en une seule fois, chaque année à l'agence qui sera le guichet unique réunissant tous les partenaires : HLM, Caisse des dépôts et consignations, Etat et, au titre des personnels qualifiés, représentants des collectivités locales et des organismes. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Robert Pandraud. Très bonne idée !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Il ne s'agira pas d'une agence de plus. Elle comprendra six ou sept personnes qui auront simplement pour tâche de fongibiliser les crédits.
    Nous avons d'ailleurs déjà commencé à travailler. Ainsi, la semaine dernière deux villes ont été conventionnées : Trélazé, pays de l'ardoise dans la banlieue d'Angers, qui a un gros programme de rénovation urbaine, et Montereau pour son quartier Surville. Ce sera le cas de quatre nouvelles villes le 17 juillet et de dix-sept autres le 24. Nous espérons en avoir terminé avant Noël afin que l'agence puisse se mettre à la disposition de toutes les villes, non seulement des plus connues à cet égard, mais également de celles qui n'ont qu'un tout petit quartier, y compris des villes réputées riches, mais qui sont à la limite de la rupture, car un petit problème dans une ville riche peut créer des tensions aussi violentes que dans d'autres où le drame est plus global. Voyant le président Ollier, je pense à Rueil-Malmaison, où nous avons fini de mettre au point le CIL hier soir avec son directeur général.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Merci !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Nous allons ainsi véritablement mettre à disposition les moyens de la République et ceux de nos partenaires pour réussir enfin ce programme de rénovation urbaine que vous connaissez tous parfaitement bien parce que vous l'avez ardemment souhaité et défendu.
    Son financement représentera 1,2 milliard d'euros par an pendant cinq ans. La loi prévoit un versement annuel de l'Etat avec la possibilité d'un « flottant » de crédits supplémentaires pouvant atteindre 500 millions d'euros. La loi précise également le montant conventionné avec les partenaires sociaux, la Caisse des dépôts et consignations ainsi que les efforts de solidarité des organismes d'HLM.
    Voilà pour le plan de rénovation urbaine.
    Le titre II du projet porte des mesures de nature à favoriser le développement de l'emploi dans les quartiers.
    Les zones franches urbaines, qui n'ont évidemment d'effets que là où elles existent, relèvent d'un système dérogatoire. Par nature, il ne peut donc être généralisé au plan national. A cet égard, nous avons tout entendu au moment de leur création, mais les résultats ont été au rendez-vous. S'il restait encore quelques détracteurs de ce dispositif, je leur dirais qu'il n'est vraiment pas facile de créer des emplois dans ces quartiers et qu'il ne faut pas mégoter sur les chiffres. Peu importe qu'il y ait eu 42 000, 45 000 ou 48 000 créations, les emplois n'ont rien à voir avec ceux créés sur les Champs-Elysées. Il s'agit en fait d'une compensation normale à la difficulté à créer de l'emploi dans ces zones et non pas d'un avantage extraordinaire donné à telle ou telle partie de notre territoire national. Cela relève de la solidarité républicaine.
    Le titre III vise le problème des familles surendettées que vous connaissez aussi bien que moi.
    Il s'agit en réalité de personnes qui veulent honorer leurs créances, de fonctionnaires, de travailleurs du privé ou de retraités qui, à un moment ou à un autre, se sont trouvés confrontés à une spirale de difficultés face à laquelle ils ne disposaient d'aucune marge de manoeuvre. En effet, eux déclarent tout, parce qu'ils sont corrects et ne falsifient pas les documents de crédit. Ils constituent de bons éléments de la République.
    Ils ont généralement été entraînés dans cette spirale infernale à la suite de la résiliation d'un crédit, à cause de la vente forcée d'un pavillon qui, alors qu'on est muté dans le sud de la France, n'a plus tout à fait la valeur attendue, parce qu'une voiture a été brûlée et qu'on ne peut pas le revendre. Les difficultés peuvent être nées à la suite d'un coup de main donné au gendre pour construire un petit garage, ou de l'abandon du foyer conjugal par l'un des deux conjoints suivi du non-paiement des impôts pendant deux ou trois ans.
    Il est ainsi, en France, des familles qui n'envoient plus leurs enfants à l'école par crainte qu'ils soient un jour exclus de la cantine scolaire. Il serait inacceptable de les laisser au bord du chemin.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine Cela dit, il fallait aussi rester dans une logique de responsabilité
    M. Eric Raoult Très bien !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. En République, on honore ses engagements, on respecte ses contrats. Il fallait faire ce geste pour les 650 000 familles qui sont en commission de surendettement, mais pas pour toutes, seulement pour celles qui sont dans cette situation de difficulté et dont le stock - mot utilisé par les rapports - augmente malheureusement tous les ans. Sans oublier le « chiffre noir », celui de ceux qui ne sont pas en commission de surendettement parce qu'ils ne veulent pas être contraints de se contenter du reste à vivre, qui peut être de 2 450 francs par mois, quelles que soient les capacités opérationnelles ou l'intérêt à avoir une activité. Mais il convenait en même temps d'éviter toute incitation à l'irresponsabilité. Il fallait faire en sorte que seuls les débiteurs de bonne foi, vraiment de bonne foi, victimes d'un accident de la vie, n'entrent pas dans la spirale des procédures cumulatives - parfois huit ou neuf ! - dont le coût ajouté à celui des conflits entre créanciers peut mener à la saisie même de l'allocation de ressources des handicapés, ou à la préemption à vie sur la retraite !
    L'idée est donc de donner une deuxième chance, mais aux gens corrects, aux gens de bonne foi.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Après que la commission de surendettement, renforcée dans son rôle conventionnel, aura fait son oeuvre, pour les cas les plus difficiles, on procédera à un examen objectif de la situation, en toute transparence, sous l'autorité de la justice, sans oublier aucun créancier, y compris les plus petits qui seront traités comme les autres. Ensuite, on élaborera un plan de remboursement. A défaut de le pouvoir, on liquidera les avoirs en vendant tout, sauf le minimum nécessaire à la vie et les peluches des enfants. Ainsi, personne ne sera montré du doigt, bien que la procédure soit publique et il sera possible de repartir à zéro. Après quoi, bonne chance dans la vie ! Car nous, nous croyons en la famille, nous croyons en l'être humain, nous avons foi dans les Français ! Jusqu'à présent finalement, seules les familles n'avaient pas droit à une deuxième chance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Les maires souhaitaient l'introduction de quelques éléments plus techniques dans le texte, notamment à propos des copropriétés dégradées. Ceux qui connaissent ce sujet se souviennent de l'impuissance publique face à ce phénomène. Les copropriétés dégradées finissaient par être acquises par des marchands de sommeil et devenaient de véritables bunkers qui paralysaient nos quartiers. Des moyens nous sont donnés pour agir rapidement, soit pour soutenir une copropriété fragile, soit pour procéder à l'expropriation, de manière publique, à la demande du maire et du préfet.
    Je ne prolongerai pas davantage cette présentation générale, me réservant d'exposer les autres points techniques au cours de l'examen des articles et des amendements. La France a le génie des débats. C'est le pays de la critique et du commentaire littéraires. On y oppose l'humain à l'urbain comme si l'humain n'était pas dans l'urbain. On s'interroge toujours sur les moyens garantis par l'Etat et les partenaires. Cette fois-ci, les moyens sont au rendez-vous.
    M. Pierre Cohen. Lesquels ?
    Mme Odile Saugues. Ce n'est pas vrai !
    Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Plus qu'hier !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est la vérité !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. En réalité, le plan qui vous est proposé, c'est celui des maires, des présidents d'agglomération et des présidents d'offices HLM. Pour la première fois depuis longtemps, un programme a été établi avec tous les partenaires sociaux, tous les acteurs. Ce n'est plus de la concertation, c'est du copilotage en toute transparence. Je vois bien ce que tous les esprits chagrins se disent : « Et s'il parvenait à mettre à la disposition des maires les moyens dont ils ont besoin ? » (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Eric Raoult. Eh oui ! Là où ils ont échoué ! Ça leur fait mal !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. J'ai hésité à vous lire la très jolie lettre que m'a adressée Mme Neiertz, à qui je veux rendre hommage. Dans cette lettre admirable, elle parle de ses combats...
    M. Jean-Pierre Blazy. Quel hommage mérité !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. ... et vient, en ce début de discussion, m'apporter son soutien tout en me disant que je ne parviendrai pas à mes fins : « Vous aurez contre vous tous les conservatismes, tous les frileux, tous ceux qui pensent que les autres trichent, tous ceux qui veulent bien qu'on change à condition qu'on change chez les autres, tous ceux finalement qui n'ont que l'égoïsme chevillé au corps. » Aujourd'hui, je pense à elle et à tous ceux qui se sont battus avant moi pour la ville.
    Quand je suis arrivé au ministère, j'ai commencé par inviter tous mes prédécesseurs : Eric Raoult, Jean-Claude Gaudin, Simone Veil, Michel Delebarre, Bernard Tapie, Claude Bartolone,...
    M. Eric Raoult Et François Loncle !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. ... bien sûr ! En effet, je savais que chacun avait apporté sa pierre à l'édifice, chacun avec sa sensibilité : Simone Veil sur les associations et la santé ; Eric Raoult et Jean-Claude Gaudin sur l'emploi dans les quartiers ; Claude Bartolone qui a lancé la révolution urbaine, qu'on le veuille ou non. Tous ont essayé de faire quelque chose. Le problème, c'est que la dégradation de nos quartiers allait plus vite qu'eux.
    M. Jacques Masdeu-Arus. Tout à fait !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Il fallait faire intervenir la cavalerie, l'infirmerie, l'aviation, bref, tout le monde en même temps pour gagner cette bataille-là ! (Applaudissements sur les bancs du groupe pour l'Union pour un mouvement populaire et du group Union pour la démocratie française.) C'est en tout cas l'objectif de cette loi, n'en déplaise aux grincheux !
    Plus on est loin de cette loi, plus on la regarde avec suspicion.
    M. Eric Raoult. Eh oui !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Plus on est près, plus on la soutient.
    Je rappellerai qu'elle a été volontairement soumise, dans tous ses aspects, au Conseil économique et social, lequel regroupe les forces vives du pays. Dieu sait qu'on m'avait averti qu'elle serait battue en brèche par les lobbies du Conseil économique et social. Eh bien, ce n'est pas vrai ! Le Conseil économique et social a publié deux rapports exceptionnels en moins de quinze jours. On peut être pour ou contre tel ou tel élément de ces rapports, il n'en reste pas moins qu'ils sont favorables.

    En vérité, ce ne sont pas les lobbies qui se sont exprimés, ce sont des gens aux regards différents qui, face à l'enjeu que représente ce problème pour la République, se sont déterminés en conscience, émettant un vote favorable à l'unaminité moins une abstention.
    Le Conseil économique et social nous a vraiment aidés à « dépiéger » ce dossier. Je lui en suis reconnaissant ainsi qu'au Conseil d'Etat, qui a passé des heures, non pas à être un contrôleur formel de la République mais à nous aider à obtenir des moyens exceptionnels pour ce combat, en faisant en sorte que la règle de droit soit respectée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Philippe Pemezec, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire
    M. Eric Raoult. Voilà un homme de terrain !
    M. Philippe Pemezec, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, treize ans, il aura fallu treize ans au ministère de la ville pour présenter sa première loi de programmation ! Cela, monsieur le ministre, nous le devons à votre pugnacité et à la force de vos convictions.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
    M. Philippe Pemezec, rapporteur. En effet, malgré les ambitions affichées au début des années 90, des zones de non-droit se sont développées, et les inégalités sociales ont continué à se creuser dans certains quartiers. Il devenait donc plus qu'urgent d'agir. C'est la mission que s'est donnée le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin dès son arrivée aux responsabilités.
    Je salue le dialogue social, le pragmatisme et la recherche du consensus, qui ont permis d'aboutir à un texte équilibré.
    Sa forte portée sociale est à la hauteur de notre ambition pour la lutte contre la fracture sociale et territoriale. Je suis donc particulièrement fier, monsieur le ministre, d'en être le rapporteur.
    Ce gouvernement se donne cinq ans pour réaliser un programme de rénovation urbaine, ambitieux mais réaliste.
    Les crédits de la ville vont enfin être « sanctuarisés » et ne seront plus une variable d'ajustement dans les lois de finances. C'est une évolution significative, presque une révolution.
    Après avoir rétabli l'ordre et la sécurité en préalable à toute action, il s'agit maintenant pour le Gouvernement de restructurer en profondeur ces quartiers défavorisés, par des actions sur le cadre de vie et l'habitat.
    C'est donc un véritable plan Marshall que nous lançons aujourd'hui en faveur des quartiers en difficulté.
    Ce projet s'articule autour de trois axes principaux :
    A l'échelle nationale, d'abord, avec la rénovation de l'habitat, du cadre de vie et le rétablissement de l'équité territoriale ;
    A l'échelle locale ensuite, avec le développement économique des quartiers prioritaires et la création de quarante et une nouvelles zones franches urbaines.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
    M. Philippe Pemezec, rapporteur. Enfin, à l'échelle humaine, avec la lutte contre la marginalisation des ménages surendettés.
    Comment rénover durablement l'habitat ?
    Les objectifs fixés par le programme de rénovation urbaine seront, pour la première fois, quantifiés grâce à des indicateurs précis. Ils feront l'objet d'une évaluation annuelle, et un rapport sera remis au Parlement. C'est un changement majeur dans la manière de traiter la politique de la ville. Enfin, un peu de transparence !
    M. Eric Raoult. Très bien !
    M. Philippe Pemezec, rapporteur. Pour y parvenir, vous créez un observatoire des zones urbaines sensibles. L'exploitation globale de ces données permettra ainsi de mieux mesurer l'efficience des politiques conduites. Car, pour être à la hauteur de leur ambition, ces politiques se doivent d'être efficaces : 200 000 logements très dégradés seront démolis, 200 000 logements locatifs sociaux seront réhabilités et 200 000 autres seront construits, en plus des constructions effectuées chaque année sur les crédits ordinaires de la politique du logement.
    Oui, ces objectifs sont très ambitieux mais il ne peut en être autrement si l'on souhaite réellement faire de ce programme un acte refondateur. Car il s'agit de casser ces ghettos de béton, triste symbole d'un urbanisme improvisé, d'une architecture aussi sinistre que le sont ceux qui ont dessiné ces barres, ces tours, ces vides, engendré toute cette désespérance et créé le « mal vivre ». Il nous faut aujourd'hui complètement restructurer ces quartiers laissés en déshérence.
    Nous sommes bien conscients que pour réussir, il faudra assurer une parfaite coordination, dans le temps et dans l'espace, entre les démolitions et les reconstructions, afin de ne pas laisser ces familles en transit dans des logements précaires.
    Le coordinateur naturel de ces moments clefs, beaucoup d'entre vous en ont conscience, ne peut être que le maire, qui est l'acteur incontournable dans ce type de situation, puisqu'il est au centre de la vie sociale de sa commune.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
    M. Philippe Pemezec, rapporteur. Je suis depuis très longtemps un ardent défenseur de la mixité sociale. Le besoin de répartition harmonieuse dans les quartiers est un préalable. Et je pense que le moment du relogement doit être aussi l'occasion, pour les villes concernées, d'aller dans le sens d'une mixité sociale réussie.
    Pour obtenir de bons résultats dans la réalisation de la mixité sociale, il paraît désormais évident que le maire doit voir son pouvoir renforcé dans l'attribution de logements sociaux. C'est la raison pour laquelle je pense qu'il devrait avoir une voix prépondérante dans la décision puisqu'il est le garant de l'harmonie et de la cohérence du tissu social de sa ville.
    Dans le même esprit, monsieur le ministre, vous avez choisi d'affirmer les principes qui devront régir la gouvernance des SA d'HLM en donnant aux actionnaires un poids de vote proportionnel à la part de capital détenu. Ainsi, les collectivités territoriales et les locataires desdites sociétés pourront jouer un rôle déterminant dans les instances décisionnelles.
    Mais je persiste à penser qu'il faudra aller plus loin quant au rôle accordé au maire.
    Pour mener à bien cet ambitieux programme de rénovation urbaine, l'Etat va consacrer deux milliards et demi d'euros de crédits sur la période 2002-2008 avec un minimum de 465 millions d'euros par an. Ces crédits s'ajoutent à l'effort des autres financeurs : la Caisse des dépôts et consignation qui participera à hauteur de 90 millions d'euros : le « 1 % » pour environ 550 millions d'euros et l'Union sociale pour l'habitat pour environ 35 millions d'euros, soit un total de cinq milliards et demi d'euros. C'est colossal !
    Ces crédits seront affectés à un seul et même secteur : l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, que nous créons. EPIC, géré à plus de 50 % par l'Etat, au fonctionnement souple et autonome, ce « guichet unique » sera au service des collectivités locales pour le financement et la réalisation des projets de rénovation urbaine. C'est la fin du « parcours du combattant ». Voilà qui va changer la vie des collectivités locales !
    Cette agence participera donc activement à la simplification administrative engagée par le Gouvernement. J'en profite d'ailleurs pour souligner la cohérence de la politique gouvernementale en la matière.
    Il me semblait, par ailleurs, indispensable que les subventions apportées par l'Agence fassent l'objet de conventions pluriannuelles. Il s'agit là de mettre un terme aux effets pervers de l'annualisation budgétaire qui conduit trop souvent à engager précipitamment les crédits en fin d'année, de peur qu'ils ne soient annulés. Cette approche va offrir aux maîtres d'ouvrage des perspectives de travail stable sur une période de trois à cinq ans. Si l'on réformait, en plus, les règles des marchés publics, nous gagnerions aussi en efficacité. Mais c'est là un autre débat.
    Il est aussi prévu que l'Agence puisse, à titre exceptionnel et sur demande des conseils municipaux, être maître d'ouvrage en l'absence de dispositif local, car il arrive que les moyens humains ou intellectuels pour ce type de projet fassent défaut dans certaines communes, dont le nombre reste toutefois très limité.
    Par ailleurs, les maires doivent aussi faire face au problème des copropriétés dégradées, sur lesquelles ils ne pouvaient jusqu'a présent agir qu'en cas de péril. Pour résoudre ce problème, vous mettez en place, monsieur le ministre, un système qui va améliorer la sécurité et la protection de ces immeubles. Le maire pourra désormais s'en saisir, en alerter le juge, et prescrire aux copropriétaires la remise en état des équipements communs, voire faire exécuter les travaux d'office aux frais des propriétaires.
    En cas d'incapacité manifeste du syndic ou de la société d'attribution d'exercer ces missions de gestion, et sur saisine du maire, le président du tribunal de grande instance pourra, en outre, déclarer « l'état de carence » et procéder à l'expropriation de l'immeuble.
    Voilà un échantillon des mesures pratiques enfin destinées à faciliter le travail des maires.
    Ce programme de rénovation urbaine et l'agence ainsi créée vont donc permettre aux villes françaises de retrouver un visage humain. Mais pour aider les plus défavorisées d'entre elles, et les redynamiser, vous nous proposez, monsieur le ministre, d'aller plus loin et de créer - c'est la seconde idée force de votre texte - de nouvelles zones franches urbaines. Ce dispositif, créé en 1996 par Jean-Claude Gaudin et Eric Raoult, répond à un double objectif : favoriser le développement économique et l'insertion professionnelle ; donner un levier fiscal efficace au programme de rénovation urbaine.
    En décembre 2002, le bilan de ces quarante-quatre zones franches urbaines présenté au Parlement s'avérait très positif, avec 11 000 entreprises installées en cinq ans et 45 000 emplois supplémentaires, dont 80 % de CDI.
    M. Jacques-Alain Bénisti. Très bien !
    M. Philippe Pemezec, rapporteur. Le projet de loi relance donc le dispositif pour quarante et un nouveaux sites au 1er janvier 2004, avec le même régime dérogatoire d'exonérations fiscales et sociales réservé aux petites entreprises de moins de cinquante salariés. Le gouvernement socialiste avait choisi de suspendre ce dispositif au 31 décembre 2002, prétextant un mauvais résultat.
    M. Pierre Cohen. C'est vrai !
    M. Philippe Pemezec, rapporteur. C'est loin d'être exact puisque le système fonctionne et les chiffres parlent d'eux-mêmes.
    M. Pierre Cohen. Effet d'aubaine !
    M. Philippe Pemezec, rapporteur. Mais l'urbain, vous le disiez, monsieur le ministre, n'est rien sans l'humain. Et si redonner un visage humain à la ville, c'est, bien sûr, agir sur la rénovation urbaine et redynamiser les quartiers en grande difficulté, il nous faut également aider les personnes en grande difficulté. C'est le but du troisième grand axe de votre projet : la procédure de rétablissement personnel.
    Ce projet de loi propose une procédure novatrice pour débloquer la situation de la majorité des surendettés auxquels les commissions de surendettement n'ont pas donné de perspective d'amélioration. En effet, sur 1 100 000 ménages passés en commission de surendettement depuis 1989, seuls 300 000 en sont sortis. Autrement dit, les trois quarts des problèmes n'ont pas été résolus. Pour traiter plus efficacement et plus rapidement les situations de surendettement des particuliers, vous avez décidé, monsieur le ministre, de créer, au profit des personnes gravement surendettées, une procédure dite de rétablissement personnel, inspirée du système de « faillite civile » existant en Alsace-Moselle.
    Lorsqu'un débiteur de bonne foi ne sera absolument plus en mesure de faire face à ces créanciers et que sa situation sera irrémédiablement compromise, la commission de surendettement, préalablement saisie, renverra le dossier au juge de l'exécution, qui ouvrira la procédure de rétablissement personnel. Au terme de cette procédure, le juge pourra procéder à la liquidation des biens avant d'effacer toutes les dettes, à l'exception bien sûr des dettes alimentaires et pénales.
    Cet effort permettra d'offrir une seconde chance aux personnes frappées par un événement grave et imprévu, comme la maladie ou un divorce, car ces accidents de la vie sont malheureusement à l'origine de plus des deux tiers des cas de surendettement.
    Nous avons un double objectif, humain et social : rendre à ces citoyens surendettés l'espoir et la responsabilité financière.
    C'est une seconde chance, mais une dernière chance. Il a en effet paru également indispensable à la commission de limiter le bénéfice de cette procédure à une seule fois, car l'effacement total des dettes n'a de sens que si la personne surendettée s'engage à honorer ce pacte de confiance.
    L'Etat pouvait-il encore fermer les yeux sur tant de détresse humaine et laisser des ménages prisonniers d'une véritable spirale de l'échec ? Non, bien sûr que non !
    Par le passé, l'improvisation la plus totale a défiguré nos villes, puis l'inaction en a fait des ghettos. Aujourd'hui, l'heure n'est plus à la polémique, aux paroles et aux beaux discours, aux promesses non tenues, l'heure est à l'action ! Avec cette loi de programmation et d'orientation, monsieur le ministre, vous nous faites la démonstration que vous êtes animé d'une vraie volonté d'agir. Alors, au nom de tous les habitants de ces quartiers, dont je me fais aujourd'hui le porte-parole, un seul mot : merci. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    Mme Cécile Gallez, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a jugé utile de se saisir pour avis des dispositions du projet de loi qui concernent le traitement du surendettement, car c'est un problème social très grave que nous n'avons pu résoudre jusqu'à présent.
    Un grand nombre de personnes sont endettées, et on peut le comprendre : la publicité énorme faite sur certains crédits incite une partie de la population à acheter, et de nombreuses personnes aux modestes revenus n'ont que ce moyen pour obtenir une maison ou des biens de consommation courante. Dans un secteur comme le mien où le taux de chômage a été de 22 % - 40 % dans certains quartiers - pendant plus de vingt-cinq ans, tous les parents, en dépit de leurs faibles ressources, souhaitent offrir un petit cadeau à leurs enfants ou les aider à s'installer quand ils entrent dans la vie adulte.
    Toutefois, si le crédit est souhaitable pour l'économie générale et pour certaines familles, il ne faut pas arriver à des situations catastrophiques : des crédits dans les grandes surfaces et ailleurs aboutissent à des taux d'endettement ahurissants de 80 % des revenus, comme je l'ai déjà vu dans ma longue carrière de maire.
    En France, 600 000 familles sont surendettées, dont 200 000 sont réellement démunies. Le nombre de dossiers déposés chaque année augmente et on pense arriver à 170 000 fin 2003. Dans 27 % des cas, la capacité de remboursement est nulle ou négative ; 72 % des dossiers correspondent à des ménages dont les revenus sont inférieurs à 1 525 euros et 42 % inférieurs au SMIC. Tous ces dossiers, loin s'en faut, ne sont pas dûs à un recours excessif au crédit. Dans 64 % des cas, il s'agit d'un accident de la vie : chômage, divorce, décès, maladie.
    Actuellement, les commissions de surendettement traitent les dossiers un peu à la chaîne et ne pratiquent l'effacement des dettes qu'exceptionnellement.
    La loi Neiertz du 31 décembre 1989, utile en son temps, a désormais montré ses limites. Nous sommes face à un vrai problème de société, particulièrement sensible dans nos quartiers difficiles, auquel le projet de loi qui nous est soumis propose de remédier en ses articles 27 et 28 par l'aménagement de la procédure existante et par la création de la procédure de rétablissement personnel.
    Cette nouvelle loi me paraît effectivement apporter des avancées intéressantes socialement. En réintégrant dans les mécanismes de l'économie plusieurs milliers de familles qui sont en marge de notre système social, tout en prévenant le coût social de ces familles démunies, la présente réforme leur permettra de prendre un nouveau départ dans la vie.
    J'en rappelle les mesures les plus significatives :
    La nouvelle composition de la commission de surendettement, qui, désormais, comprendra une personnalité d'expérience dans le domaine juridique et une autre dans le domaine de l'économie sociale et familiale, et les mesures d'accompagnement social prévues dans la procédure de rétablissement personnel ;
    Le plafonnement de la durée des plans de remboursement et leur non-renouvellement, mesure très positive mais il me semble qu'une dérogation devrait être prévue pour les prêts immobiliers liés au logement principal, j'y reviendrai ;
    Le traitement global des créances et l'intégration des dettes fiscales, mesure fondamentale car les dettes fiscales sont souvent une des raisons du non-respect par les débiteurs des plans établis par la commission, et la remise ou le rééchelonnement de ces dettes pourtant envisagés dans la précédente loi étaient rarement appliqués ;
    Dans le cadre du rétablissement personnel, la vérification des créances, ce qui permettra d'éviter bien des litiges et la suspension immédiate des poursuites dès l'ouverture de la procédure par le juge ;
    Enfin, l'effacement des dettes une fois l'actif réalisé.
    Mais il faut à mon avis clarifier et compléter ce dispositif sur de nombreux points, en essayant d'éviter le plus possible les effets pervers de toute nouvelle loi et de ménager un nécessaire équilibre entre créanciers et débiteurs, d'abord parce que la règle reste que les créanciers ont un droit à récupérer leur créance, ensuite parce qu'il ne faudrait pas que les créanciers deviennent à leur tour surendettés. C'est l'objectif qu'a poursuivi la commission en adoptant les amendements que je vous proposerai au cours des débats.
    Plusieurs problèmes qui me tiennent à coeur sont abordés par les amendements : d'abord le suivi social des personnes sorties du surendettement afin d'éviter les rechutes, mais aussi et surtout la prévention, qui me paraît primordiale tant auprès des femmes dans les quartiers en leur expliquant ce que coûte réellement un crédit, qu'auprès des jeunes enfants dans les écoles, en accord, bien entendu, avec l'éducation nationale. A cet égard, je tiens à saluer le travail de prévention remarquable qu'effectuent certaines associations telles que Crésus en Alsace, dont on pourrait s'inspirer pour l'étendre au reste de la France.
    Par ailleurs, je voudrais insister sur une proposition très importante de la commission des affaires sociales qui, je le sais bien, ne fait pas l'unanimité : nous proposons d'instaurer un registre « positif » où seraient recensées toutes les opérations de crédits aux particuliers avec leurs principales caractéristiques, comme le montant et le taux. Nous savons bien que les fichiers suscitent le plus souvent les plus grandes réserves, mais cela existe en Allemagne, en Italie, en Belgique, au Royaume-Uni. Si j'ai proposé cet amendement, c'est parce que, à ma grande surprise, j'ai constaté le ralliement à cette idée des principales organisations des consommateurs ou des familles que j'ai rencontrées ou dont j'ai lu des contributions écrites : l'UNAF, l'UFC Que Choisir, la CLCV notamment. Certains organismes de crédit y sont également favorables.
    Même si nous préférons par principe valoriser la responsabilité individuelle, il y a des cas où il faut adopter des règles de prévention collectives. Nous le faisons pour la sécurité routière. Je crois que nous devons aussi avoir notre ceinture de sécurité pour le crédit, en essayant de prendre toutes les précautions pour éviter un usage abusif du système, ce que nous avons fait dans notre amendement.
    Permettez-moi de citer ces quelques mots tirés d'un courrier d'une personne en situation de surendettement qui a dû vendre sa maison pour rembourser plus de dix crédits pris par sa femme à son insu : « Madame la députée, je suis écoeuré, en colère et déprimé par la tolérance de la législation actuelle en cette matière qui me laisse sans défense au bord de la route à soixante-treize ans. C'est la raison pour laquelle je vous fais part de mon cas s'il peut servir à élaborer les bases d'une réglementation stricte qui, je l'espère, se mettra en place. Les commissions de surendettement interviennent quand le mal est fait. Il ne faut pas que les gens s'endettent inconsidérément, il leur faut des garde-fous avant les dégâts. » Sans commentaires... Je pense que le fichier positif est l'un de ces garde-fous.
    Autre problème difficile : celui des cautions. Il arrive souvent que des parents se portent caution pour un de leurs enfants qui crée un commerce ou une petite entreprise, sans pour cela être eux-mêmes dans l'entreprise. Si l'enfant fait faillite, la dette est reportée sur les parents, qui peuvent se trouver endettés jusqu'à leur mort ou être amenés à vendre leur maison sans jamais avoir reçu des avantages de ce pour quoi ils s'étaient portés caution.
    J'appelle également votre attention sur le problème fondamental du logement. Seulement 15 % des surendettés, me direz-vous, sont propriétaires de leur logement principal, mais pourquoi, dans l'intérêt et des créanciers et des surendettés, ne pas prévoir une exception à la durée maximale que vous instituez pour les plans d'apurement, dès lors que cela permettrait d'autoriser la sauvegarde d'un élément essentiel du patrimoine et de la vie familiale du débiteur ? Vous savez bien que, si le logement doit être vendu, non seulement il l'est généralement dans des conditions défavorables, mais, en outre, le loyer qui devra être payé est souvent supérieur à ce qu'auraient été les échéances du prêt immobilier s'il avait été maintenu. Par ailleurs, si finalement, le logement doit tout de même être vendu, il est essentiel de prévoir une protection concernant le prix de vente, car, bien souvent, le logement part à un prix inférieur à celui du marché.
    J'en termine en appelant l'attention sur les oubliés de ce projet de loi : d'une part, les professions libérales, les anciens commerçants et artisans, qui ne peuvent bénéficier ni de la procédure de surendettement des particuliers et du rétablissement personnel, ni de celle applicable aux entreprises, aucune procédure collective ne permet donc de traiter leur situation d'insolvabilité, ce qui est parfaitement inéquitable ; d'autre part, les Français de certains territoires d'outre-mer, pour lesquels rien n'a été prévu et qui sont également bien concernés par le surendettement. Le Gouvernement peut-il s'engager sous quelque forme que ce soit à leur apporter une réponse le plus rapidement possible ?
    Sous réserve de l'adoption de ses amendements, la commission des affaires culturelles familiales et sociales a émis un avis favorable à l'adoption du nouveau dispositif proposé par le Gouvernement sur le surendettement. Quand on pense à ce que représentent un décès brutal, le chômage d'un ou des deux conjoints dans un foyer, la maladie, cette loi est une extraordinaire avancée qui redonnera le goût de vivre à bien des familles actuellement en plein désarroi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Tout en maintenant un certain équilibre avec les droits des créanciers, elle permettra à ceux qui, dans notre société contemporaine, ont trébuché de reprendre une vie normale et de retrouver le moral, grâce à vous, monsieur le ministre. Ils pourront vous dire un grand merci. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout ce qui a été fait depuis vingt-cinq ans en matière de politique de la ville était nécessaire, mais cela n'a pas été suffisant. La vérité, c'est que la réalité dans nos quartiers est pire qu'il y a vingt-cinq ans, mais elle aurait été pire que pire encore sans la politique de la ville. Tout ce qui a été réalisé jusqu'à présent n'a pas permis d'inverser globalement la tendance, mais a permis tout de même de le faire dans certains quartiers et certaines villes.
    Cette politique a été trop longtemps superficielle ou limitée : prévention sans répression, action socio-éducative péchant par la complaisance et le jeunisme, rénovation éphémère de l'habitat, assistanat social sans incitation forte à prendre son destin personnel en main.
    L'actuelle majorité a déjà engagé deux politiques de rupture pour s'attaquer à deux problèmes de fond : d'abord l'insécurité et l'impunité, ensuite l'assistanat, avec le RMA.
    Autre problème de fond : l'habitat dégradé dans des univers concentrationnaires.
    Droite et gauche sont d'accord sur la nécessité de rénover plus en profondeur, de restructurer les quartiers, de démolir pour reconstruire autrement, mais la volonté s'est souvent diluée avant de se concrétiser. En revanche, sur le problème de fond du chômage endémique et de la culture du non-travail, droite et gauche ont une analyse jusqu'à présent divergente.
    Dans la majorité, nous croyons en l'insertion par l'économique, en la nécessité de la revitalisation économique et en l'affirmation du travail comme modèle et comme référence dans nos quartiers. C'est le sens et l'objectif des zones franches urbaines. La gauche n'y a jamais cru, ni lors de l'adoption du pacte de relance pour la ville, Eric Raoult s'en souvient, ni au cours de la précédente législature où elle envisageait la fin des zones franches urbaines. Le débat d'aujourd'hui permettra peut-être à nos collègues de l'opposition de se rallier enfin à ce projet, je le souhaite en tout cas.
    Poursuivre et amplifier la revitalisation économique, « booster » la restructuration urbaine, c'est ce qu'il faut pour répondre aux besoins les plus criants d'une population qui se sent toujours abandonnée dans ces quartiers. C'est ce que vous nous proposez, monsieur le ministre, en vous inscrivant dans la durée.
    Dans le texte particulièrement riche qui nous est aujourd'hui soumis, la commission des finances a décidé de se saisir pour avis des articles 5 à 8 relatifs à l'évaluation et à la programmation des crédits pour la rénovation urbaine et des articles 20 à 26 relatifs aux zones franches urbaines.
    Parlons de ces quartiers : alors que le taux de vacance moyen enregistré sur l'ensemble du parc du logement social est de 3 %, celui constaté dans les ZUS est trois fois supérieur, de 9 %, avec des pics à plus de 20 % dans certains quartiers.
    Le projet de loi que vous nous présentez fixe des objectifs ambitieux pour améliorer le cadre de vie : construction de 200 000 logements sociaux nouveaux, rénovation de 200 000 logements ou copropriétés dégradés, démolition de 150 000 à 200 000 logements qu'il vaut mieux ne pas chercher à récupérer.
    Est ainsi ouverte la possibilité, chaque année, de démolir sept fois plus de logements sociaux et d'en reconstruire près de dix fois plus par rapport aux données actuellement enregistrées. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    L'action ne se limitera pas au logement social et portera également sur l'aménagement urbain. Dans cette perspective, la création de l'Agence nationale de la rénovation urbaine, regroupant les principaux partenaires nationaux, est à la fois une chance et un risque, donc un défi.
    Cette agence sera une sorte de frappe, concentrée et rapide. Elle doit simplifier les circuits de financement et mutualiser les moyens financiers.
    M. Philippe Pemezec, rapporteur. Très bien !
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Ces moyens sont aujourd'hui éclatés, et ils sont même menacés, d'abord en raison de leur sous-utilisation qui résulte elle-même de leur dispersion et de la complexité des circuits d'instruction et de décision.
    Parlons clair ! La nécessité de créer cette agence tient d'abord aux défauts de mode de fonctionnement de l'administration française, à l'inertie des instructeurs et au manque de volontarisme des décideurs.
    Mme Odile Saugues. C'est en contradiction avec la décentralisation !
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Elle tient aux faiblesses de l'interministérialité et aux limites de la déconcentration, quand le nombre d'affaires déconcentrées noie nos préfets et leurs collaborateurs qui ne sont pas toujours nécessairement à la hauteur des enjeux.
    C'est une réalité de l'administration de notre pays qui suscitait votre colère, exprimée longuement sur 180 pages dans le livre que vous aviez commis avant les élections, monsieur le ministre.
    Cette agence nationale est l'enfant de votre saine, de votre juste colère.
    Les crédits consacrés à l'agence doivent s'élever à 5,5 milliards d'euros sur les cinq prochaines années. La collégialité des décisions d'attribution et de financement et la concentration des moyens apportés par les partenaires doivent alléger et accélérer les procédures. Elles doivent aussi garantir aux porteurs locaux la sécurité nécessaire à la mise en oeuvre des projets complexes, étalés sur plusieurs années.
    Cette reconcentration était souhaitable, même si elle fait grincer les administrations centrales et déconcentrées car elle sonne comme un désaveu. Trop de grands projets de ville, trop d'opérations de renouvellement urbain ont été ralentis, embourbés, enlisés dans le maquis des administrations cloisonnées et le marais des différents échelons de déconcentration. (« Très bien ! » et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    L'agence est une chance, mais aussi un risque, car le remède ne doit pas devenir pire que le mal. Il faudra veiller à ce que l'agence respecte la mission qui lui est assignée. Elle ne doit pas constituer un doublon par rapport à l'administration déconcentrée, ni juger de l'opportunité de chaque projet, car il faut être sur le terrain pour en juger, et il est temps qu'en la matière l'Etat fasse enfin confiance aux maires. Sinon, la création de l'agence n'ira pas dans le sens de la simplification et de l'efficacité recherchées.
    La politique de la ville a trop souffert des effets d'annonce et des velléités non suivies d'effet.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Eh oui ! C'est le problème !
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. La programmation des crédits consacrés par l'Etat à la rénovation urbaine témoigne d'une volonté résolue d'agir dans la durée et la sécurité des financements. Seront ainsi mobilisés 2,5 milliards d'euros sur cinq ans, les dotations annuelles ne pouvant être inférieures à 465 millions d'euros. Il s'agit d'un engagement politique fort du Gouvernement vis-à-vis du pays et de la représentation nationale, qui devra être réaffirmé et concrétisé chaque année en loi de finances.
    Le Président de la République s'est prononcé, dans son discours de Troyes du 14 octobre dernier, en faveur de la relance des zones franches urbaines. Une première réponse a été apportée à cette demande dans la seconde loi de finances rectificative pour 2002. L'article 79 du collectif a ainsi prorogé jusqu'au 31 décembre 2007 le dispositif d'exonérations applicable dans les quarante-quatre zones franches urbaines créées par le pacte de relance pour la ville. Vous nous proposez une étape supplémentaire avec la création de quarante et une zones franches urbaines qui bénéficieront d'un système calé sur celui des quarante-quatre zones existantes. Le coût du dispositif est évalué à 79 millions d'euros pour 2004.
    Il s'agit de maintenir et de développer les activités économiques, l'objectif étant de les doubler en cinq ans dans ces quarante et une nouvelles zones. Cela contribuera à la création d'emplois et à la résorption du chômage, 60 000 emplois devant être créés dans ces quarante et une zones.
    Il faut surtout en faire bénéficier en priorité les habitants de ces quartiers, d'où la clause d'embauche locale, passant d'un cinquième à un tiers.
    Au-delà des effets économiques, il faut souligner l'effet psychosociologique. Il nous faut agir sur les mentalités à l'intérieur des quartiers et sur les représentations à l'extérieur. Il faut réhabiliter le travail, honnête et déclaré. Il faut sortir du modèle de l'assistanat à vie, subi ou choisi. Il faut aussi briser le modèle du dealer flamboyant qui parade impunément (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française), briser ce modèle en sanctionnant - c'est le travail des GIR de Nicolas Sarkozy -, mais surtout en érigeant un contre-modèle, celui de la réussite dans l'entreprise, même dans la très petite entreprise, dont il faut favoriser l'éclosion.
    Je ne vois donc que des avantages aux ZFU. Pourtant, l'ancienne majorité les a constamment critiquées, au point de les avoir condamnées à disparaître.
    Nous sommes, nous, persuadés de la pertinence de ce dispositif, convaincus qu'elles sont le plus puissant levier de la revitalisation économique.
    Le dispositif d'exonérations fiscales et sociales a été mis en oeuvre dans les quartiers les plus difficiles, qui souffraient d'un taux de chômage supérieur de 25 % à la moyenne nationale et où près d'un tiers des jeunes n'avaient pas de diplôme.
    Les quartiers classés en ZFU se trouvaient, en 1996, dans une totale déshérence et semblaient privés d'avenir. Les habitants subissaient une paupérisation forcée, tandis que les entreprises, particulièrement dans le commerce et l'artisanat, s'empressaient de fuir ces quartiers.
    Sept ans plus tard qu'observons-nous ?
    Un rapport sur les ZFU de la première génération a été établi en décembre dernier. Le bilan est incontestable : entre 1997 et 2001, elles ont permis un triplement du nombre d'entreprises et du nombre de salariés. Grosso modo, les effectifs présents en ZFU s'élèvent désormais à 75 000 salariés, soit une augmentation des effectifs de 45 000, dont 35 000 correspondent à des créations d'emplois. L'étude d'impact du pacte de relance sur la ville avait estimé l'enjeu à 10 000 emplois supplémentaires. Bilan : trois fois plus ! Et les créations d'emplois ont largement profité aux habitants des quartiers défavorisés. L'objectif était un cinquième. On a été atteint 30 % et on cible le tiers avec le nouveau dispositif.
    M. le président. Il faut conclure.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Enfin, même si la commission des finances ne s'est pas saisie des dispositions sur le redressement personnel, et que le rapporteur de la commission n'a donc rien à dire sur le sujet, permettez au député de la Moselle que je suis de dire tout le bien qu'il pense d'un projet, qui est directement inspiré du dispositif de faillite civile en vigueur en Alsace-Moselle, qu'il améliore. Ainsi, nous abolirons dans la France entière cette condamnation à vivre à perpétuité dans la misère pour d'innombrables familles.
    M. Guy Geoffroy. C'est vrai !
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, connaissant bien le nombre et la puissance des adversaires de ce dispositif, je salue votre détermination et votre succès, que le Parlement ne peut aujourd'hui que conforter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Eric Raoult. Très bien ! Excellent rapport !
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
    M. Philippe Houillon, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre commission des lois a été saisie pour avis de l'examen du titre III du projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, c'est-à-dire des articles 27 et 28 relatifs à la procédure de rétablissement personnel inspirée de la procédure de faillite civile en vigueur en Alsace-Moselle.
    Cette initiative attendue, déjà légitimement saluée, est motivée par la nécessité d'améliorer le droit du surendettement et de tenir compte de l'évolution du profil des surendettés. Mais elle procède surtout de l'objectif de cohésion sociale que s'est fixé le Gouvernement, qui joint le geste à la parole. En effet, non seulement il permet de traiter efficacement et plus rapidement ces situations dans leur globalité mais il offre une seconde chance, un nouveau départ aux surendettés de bonne foi, qui se trouvent dans une situation irrémédiablement compromise, notamment à la suite d'un accident de la vie. Il faut donc, monsieur le ministre, vous en féliciter.
    Ce texte constitue une avancée substantielle, tant sur le plan juridique que sur le plan social, d'autant qu'il concerne un nombre significatif de nos concitoyens : depuis la loi Neiertz de 1989, ce sont 1,1 million de familles - ce chiffre a déjà été cité - qui sont passées en commission de surendettement ; quelque 140 000 dossiers nouveaux sont déposés chaque année, et l'étude d'impact qui a été réalisée à l'occasion de ce projet de loi laisse à penser que 35 000 familles seront chaque année concernées par ce nouveau dispositif. En 2002, 1,9 million de débiteurs étaient inscrits dans le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, dont 500 000 au titre du surendettement. La plupart du temps, les commissions de surendettement ont en face d'elles des débiteurs aux capacités de remboursement extrêmement modestes, puisque, dans 78 % des cas, elles sont inférieures au RMI, et, dans 27 % des cas, il n'y a pas de ressources du tout.
    On remarque aussi que le phénomène a changé de nature : on est passé d'un surendettement « actif » - le recours abusif au crédit - à un surendettement « passif », c'est-à-dire l'impossibilité de faire face, à la suite d'une contraction des ressources, ce qu'on appelle un « accident de la vie », c'est-à-dire, par exemple, le chômage, le divorce ou un décès. D'ailleurs, 58 % des surendettés sont célibataires, divorcés, séparés ou veufs et 80 % ne possèdent qu'un seul des trois éléments d'actifs habituels que sont la résidence principale, l'épargne et le véhicule. On rapprochera utilement ce chiffre d'un autre : 60 % des ménages français sont propriétaires de leur résidence principale. C'est dire l'évolution du profil des surendettés.
    Sur le plan législatif, la loi du 31 décembre 1989 met en place une forme de procédure collective pour les particuliers et crée le fichier des incidents de paiement. Elle est complétée par la loi du 8 février 1995, qui renforce le rôle des commissions, puis par la loi du 29 juillet 1998, qui amorce la prise en compte des situations durablement compromises.
    Le projet de loi a le mérite d'aboutir au traitement global et efficace de ces situations en adaptant les réponses à la diversité des cas susceptibles d'être rencontrés tout en respectant l'accord du débiteur. Il renforce et recentre le rôle des commissions dans le dessein essentiel d'aboutir à un plan ou à des recommandations, et, face à une situation irrémédiablement compromise, il confie au juge la possibilité de prononcer la liquidation judiciaire du patrimoine personnel - procédure collective avec réalisation des actifs lorsqu'il en existe. En cas d'insuffisance d'actifs, il permet de rendre un jugement de clôture qui entraîne l'effacement de toutes les dettes non professionnelles, à l'exception des dettes alimentaires mais en incluant les dettes fiscales ou contractées auprès des organismes sociaux. C'est pourquoi nous vous adressons, monsieur le ministre, nos très vives félicitations, car j'imagine que cela n'a pas dû être simple à obtenir.
    En revanche, comme l'a dit Mme Gallez, notre droit manque toujours d'un dispositif spécifique concernant le traitement du surendettement des professions libérales, incluant par conséquent les dettes professionnelles, comme cela existe précisément dans le dispositif de la faillite civile applicable en Alsace et en Moselle. Il serait donc souhaitable que le Gouvernement, comme il s'y est déjà engagé, me semble-t-il, présente rapidement un texte sur ce sujet.
    La commission des lois a donc approuvé l'objectif poursuivi par ce projet de loi, mais vous connaissez la commission des lois, monsieur le ministre, elle lui a apporté plusieurs corrections ou ajouts essentiellement techniques.
    Ainsi, le projet confie aux tribunaux d'instance le traitement du rétablissement personnel : notre commission a opté pour l'unicité de juridiction. Aujourd'hui, c'est, en effet, le juge de l'exécution qui est le juge institutionnel du surendettement et qui intervient déjà pour régler les contestations ou ordonner des mesures à chaque étape du processus devant la commission.
    Il paraissait donc logique d'éviter les interférences, les doublons ou les lourdeurs, voire les risques de contradiction de décisions et de confier aussi au juge de l'exécution la connaissance de l'ensemble du dispositif, dont celui qui est créé par votre projet de loi.
    En second lieu, nous renforçons le rôle de la commission en matière d'instruction du dossier et d'élaboration d'un plan tout en lui laissant, à la marge et pour conserver de la souplesse, la faculté de recommander à titre exceptionnel l'effacement de certaines dettes. Tout ce qui est l'équivalent du redressement judiciaire incombera donc à la commission tandis que nous laissons au juge le rétablissement personnel, c'est-à-dire l'équivalent de la liquidation avec effacement des dettes.
    Nous essayons aussi d'alléger un peu le travail du juge.
    Enfin, nous proposons certaines précisions concernant, par exemple, la définition de la notion de situation irrémédiablement compromise qui ne figurait pas dans le projet, l'exclusion des condamnations pénales du bénéfice de l'effacement, ou encore l'assiette des revenus à prendre en compte pour le calcul du « reste à vivre ».
    La plupart des amendements proposés par notre commission des lois ont été repris par la commission des affaires économiques saisie au fond, et je veux ici saluer l'excellente et fructueuse collaboration menée avec son rapporteur.
    C'est sous le bénéfice de ces observations et amendements que notre commission des lois a adopté ce projet de loi qui, encore une fois, monsieur le ministre, mérite d'être particulièrement salué. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Conformément à l'article 69 de la Constitution, le Conseil économique et social a désigné Mme Frédérique Rastoll, rapporteure de la section du cadre de vie, et Mme Pierrette Crosemarie, rapporteure de la section finances, pour exposer devant l'Assemblée l'avis du conseil sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.
    Messieurs les huissiers, veuillez faire entrer Mmes les rapporteures du Conseil économique et social.
    Veuillez conduire Mme Frédérique Rastoll à la tribune et Mme Pierrette Crosemarie à la place qui lui est réservée. (Applaudissements.)
    La parole est à Mme Frédérique Rastoll, rapporteure de la section du cadre de vie du Conseil économique et social.
    Mme Frédérique Rastoll, rapporteure de la section du cadre de vie du Conseil économique et social. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les députés, le Conseil a été saisi par le Gouvernement sur ce projet. Il a confié les travaux à deux sections : la section du cadre de vie pour la partie relative à la rénovation urbaine et au développement économique, et la section des finances pour la partie relative au surendettement. Je vous parlerai, pour ma part, des points relatifs à la rénovation urbaine.
    Dès les années 70 et jusqu'aux années 2000, l'intervention en faveur des quartiers en difficulté est passée de la réhabilitation des immeubles de logements sociaux à l'action sur les équipements et les quartiers ; puis du quartier à la ville ; puis de la ville à l'agglomération.
    La démarche adoptée a été celle de la contractualisation entre l'Etat et les collectivités locales à travers la mise en place de contrats de ville. Les difficultés prises en compte ont concerné d'abord les logements locatifs sociaux, puis les copropriétés en difficulté. Enfin, le champ d'intervention, limité au bâti dans un premier temps, s'est élargi au bénéfice d'une action sociale interministérielle. D'ores et déjà, je souhaite vous dire que, pour le Conseil économique et social, cette progression est précieuse.
    M. Eric Raoult. Très bien !
    Mme Frédérique Rastoll, rapporteure du Conseil économique et social. Parallèlement, en 1996, l'intervention des pouvoirs publics a été renforcée sur certains territoires. Le pacte de relance pour la ville a mis le développement économique au coeur de la politique de la ville, avec des mesures en faveur des zones franches urbaines.
    Le projet de loi pour la ville et la rénovation urbaine qui est présenté aujourd'hui s'inscrit dans ce cadre. Il poursuit la politique de zonage en identifiant des périmètres pour le traitement des difficultés, relance les mesures fiscales en faveur des quarante-quatre premières zones franches urbaines et propose l'extension du dispositif à quarante et une nouvelles zones.
    Le Conseil reconnaît l'intérêt des zones franches urbaines, car elles permettent la gradation de l'action en fonction des difficultés des quartiers. Mais il demande que ni la démarche contractuelle ni l'échelle intercommunale ne soient remises en cause. En outre, il suggère de compléter les exonérations prévues par des mesures favorisant l'implantation des associations et l'investissement locatif privé.
    Le projet prévoit aussi la création d'un observatoire national pour évaluer la situation urbaine, sociale et économique dans les ZUS, suivre la mise en oeuvre des politiques publiques et en évaluer les effets. Il répondra au double souci de transparence et d'efficacité, d'autant qu'il prend en compte la dimension interministérielle de la politique de la ville. Pour le Conseil, cet observatoire devrait faciliter le repérage des disparités afin de permettre aux acteurs locaux de les corriger. Par ailleurs, la liste des indicateurs de résultats gagnerait à s'enrichir d'indicateurs sur les statuts d'occupation dans les zones urbaines sensibles et sur la mobilité des habitants.
    Une agence nationale sera créée pour assurer le financement des opérations de rénovation urbaine. Cela va dans le sens des recommandations relatives à la connaissance et au regroupement des moyens financiers consacrés à la politique de la ville. Toutefois, pour le Conseil, cette création ne marque qu'une première étape. Il considère que l'agence devrait également travailler à la mise en place de guichets uniques au niveau local, à la simplification du dispositif. Appuyée sur une grande diversité de zonage, elle devrait aussi veiller au devenir des projets pour lesquels l'Etat s'est déjà engagé et qui couvrent parfois des territoires en dehors des zones urbaines sensibles - je pense notamment aux grands projets de ville.
    Il est essentiel que l'agence travaille en étroite collaboration avec la délégation interministérielle à la ville, chargée d'animer les réseaux de professionnels et les services déconcentrés de l'Etat, pour résoudre les difficultés rencontrées par les acteurs locaux. En ce qui concerne le conseil d'administration de l'agence, le Conseil signale que des places devraient être prévues pour les représentants des collectivités locales et des associations d'habitants.
     Le programme de rénovation urbaine sera financé en premier lieu par des crédits de l'Etat qui ont deux origines : les crédits du ministère du logement pour 250 millions d'euros par an et les crédits d'investissement du ministère de la ville pour 215 millions. Le CES a regretté la faiblesse des moyens supplémentaires affectés par l'Etat.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Eh oui !
    Mme Frédérique Rastoll, rapporteure du Conseil économique et social. Il s'inquiète de la diminution corrélative des moyens pour la politique de construction des logements locatifs sociaux sur le reste du territoire au moment où émerge une inquiétante crise du logement.
    Mme Odile Saugues. On déshabille Pierre pour habiller Paul !
    Mme Frédérique Rastoll, rapporteure du Conseil économique et social. Parallèlement, le Conseil insiste fortement sur le fait que tout programme d'investissement génère des dépenses de fonctionnement que certaines collectivités locales auront du mal à couvrir.
    Mme Janine Jambu. Très juste !
    Mme Frédérique Rastoll, rapporteure du Conseil économique et social. Il propose donc que de nouveaux moyens soient étudiés et mis en oeuvre au travers de la DGF et de la DASU.
    Mme Muguette Jacquaint. Très bien !
    M. Pierre Cardo. C'est une bonne idée, ça !
    Mme Frédérique Rastoll, rapporteure du Conseil économique et social. Au côté des crédits de l'Etat, des contributions de l'Union économique sociale pour le logement et de la caisse de dépôts, seule la contribution des bailleurs sociaux est un apport nouveau.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Voilà !
    Mme Frédérique Rastoll, rapporteure du Conseil économique et social. Le Conseil propose de faire également appel aux organismes bancaires proches du logement social.
    Mme Odile Saugues. Pour trouver l'argent du logement social.
    Mme Frédérique Rastoll, rapporteure du Conseil économique et social. Pour répondre aux difficultés opérationnelles, l'Agence nationale pourrait assurer la maîtrise d'ouvrage d'opérations d'aménagement lorsqu'un dispositif local fait défaut. Le Conseil s'interroge sur la capacité de l'agence à répondre aux problèmes qui nécessitent une intervention locale. Il considère qu'un des rôles de l'agence devrait être la mise en place d'opérateurs locaux sous la forme d'établissements publics locaux.
    M. Pierre Cohen. Oui !
    Mme Frédérique Rastoll, rapporteure du Conseil économique et social. La mission de la Caisse de garantie pour le logement locatif social sera élargie pour travailler à une réorganisation des organismes de HLM face aux enjeux urbains. Il paraît nécessaire, avant de lancer cette restructuration, de passer par une étape comprenant l'élaboration d'un rapport précis et une évaluation objective, car les attentes sont très diverses et formulées très diversement par les partenaires concernés.
    Enfin, en ce qui concerne la gouvernance des sociétés anonymes de HLM, le projet renvoie à une loi ultérieure pour donner du temps à une négociation en cours avec le monde professionnel. Sur ce point, la section du cadre de vie du Conseil économique et social s'est interrogée sur le statut de ce qui est prévu dans le texte alors qu'une discussion se déroulait en d'autres lieux. Elle a présenté deux réflexions au Conseil : d'une part, pourquoi se limiter à la question de la gouvernance des SA alors que ce sont surtout les offices de HLM et les SEM qui sont présents dans les ZUS ? D'autre part, s'il est question de légitimité, on peut penser que celle des habitants, celle des collectivités locales, et même celle des salariés de l'organisme, pourraient être reconnues.
    Mme Odile Saugues. Cela renvoie à l'article 30.
    Mme Frédérique Rastoll, rapporteure du Conseil économique et social. Mais, sur cette question, une discussion se déroulant en d'autres lieux, le Conseil n'a pas émis d'avis.
    Les mesures relatives aux copropriétés en difficulté ont été largement appréciées par le Conseil, qui avait émis des propositions en ce sens en septembre 2002. Le projet tient compte des difficultés de certains syndicats de copropriétaires en plan de sauvegarde ou en opération programmée d'amélioration de l'habitat, et les font bénéficier de l'aide juridictionnelle. Il améliore ainsi l'étape préventive. Il permet enfin la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique. Cette intervention est en effet nécessaire lorsque le rétablissement d'une situation satisfaisante et pérenne ne peut plus être retrouvée dans un ensemble immobilier en copropriété. A ce sujet, le Conseil suggère toutefois de sécuriser juridiquement l'action des opérateurs et de prévoir une assistance au relogement des propriétaires occupants.
    En conclusion, le Conseil apprécie l'étape marquée par le présent projet de loi pour la rénovation urbaine, mais il précise que les mesures présentées attendent un complément nécessaire au traitement des difficultés des quartiers, notamment le programme d'action pour l'éducation et le soutien social que vous avez annoncé, monsieur le ministre, car, pour être efficace, la politique de la ville doit être interministérielle. Il rappelle aussi que le programme de rénovation urbaine est circonscrit aux zones urbaines sensibles ; il doit donc s'intégrer dans une politique plus large, celle de la ville, et se décliner en partenariat, au niveau intercommunal, avec les collectivités locales. (Applaudissements.)
    M. le président. Je vous remercie, madame.
    La parole est à  Mme Pierrette Crosemarie, rapporteure de la section des finances du Conseil économique et social.
    Mme Pierrette Crosemarie, rapporteure de la section des finances du Conseil économique et social. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les députés, permettez-moi de commencer cette intervention en vous indiquant combien la section des finances, le Conseil économique et social dans son ensemble sont sensibles au fait de pouvoir, par ma voix, intervenir devant votre assemblée en séance plénière, dans le cadre de l'examen d'un dispositif nécessaire pour lutter contre les exclusions, toutes les exclusions, donc les exclusions financières et sociales.
    M. Eric Raoult. Très bien !
    Mme Pierrette Crosemarie, rapporteure du Conseil économique et social. Nous espérons pouvoir ainsi contribuer modestement à ce débat public sur un sujet de société essentiel, apporter des éléments de réflexion, susciter des interrogations et présenter des propositions émanant de la société civile pour plus de cohésion sociale.
    Comme cela vous a déjà été dit, le Conseil a été saisi en mai de ce projet de loi, et les 10 et 11 juin, l'assemblée plénière s'est prononcée, par le biais de deux avis, sur le projet de texte tel qu'il lui avait été transmis. Depuis, ce texte a évolué, puisque le Conseil d'état suggère des modifications qui ont été prises en compte.
    La présentation aujourd'hui des travaux du Conseil, et plus particulièrement de la section des finances, s'intègre dans le cadre de cette succession de regards, de sensibilités différentes, d'enrichissement mutuel, mais aussi de confrontation d'idées. Certaines de nos préoccupations ont rejoint les vôtres et ont été prises en compte ; d'autres ne le sont pas encore totalement.
    Pour ce qui est de la partie de la loi concernant le rétablissement personnel, le Conseil a souhaité apprécier la nécessité, ou non, d'une nouvelle procédure, en s'efforçant de mieux appréhender le phénomène d'endettement et de surendettement. En effet, si l'encours actuel des crédits à la consommation est, d'après les professionnels, d'environ 100 milliards d'euros, 98% sont remboursés sans problème particulier. Les cas de surendettement sont donc inclus dans les 2% restants.
    Toutefois, nous avons également noté, et M. le ministre y a fait référence dans son intervention, que le rythme des dépôts des dossiers auprès des commissions de surendettement s'est accéléré dans la dernière période, que le surendettement change de nature et qu'il est essentiellement dû aujourd'hui à ce qu'on appelle pudiquement un accident de la vie, expression qui recouvre en fait le chômage dans la plupart des cas, mais aussi le décès, la maladie ou des séparations.
    Nous avons aussi constaté que la part des débiteurs qui ne disposent d'aucune capacité de remboursement augmente, ainsi que celle pour lesquels aucune amélioration de la situation n'est envisageable dans un délai raisonnable. Une enquête de la Banque de France montre que 72% des dossiers correspondent à ceux de ménages dont le revenu mensuel est inférieur à 1 524 euros et que 42% d'entre eux ont des revenus inférieurs au SMIC. Cette enquête montre également que moins de 15% des surendettés sont propriétaires de leur logement et que, dans ce cas, pour 60% d'entre eux, le prix de ce logement est estimé à moins de 76 225 euros.
    Le Conseil a donc considéré que la nouvelle procédure d'effacement des dettes personnelles pouvait permettre un nouveau départ dans l'existence à des personnes en grande difficulté, notamment des victimes d'accidents de la vie, prises dans des procédures sans issue, car le débiteur dépourvu d'actifs ne peut pas rembourser son passif.
    Le Conseil a estimé les objectifs et la finalité du texte gouvernemental positif, mais il a souhaité que l'examen de la nouvelle procédure soit l'occasion d'une approche critique du traitement d'ensemble du surendettement réalisé par les commissions, et éventuellement par le juge.
    M. Jacques-Alain Bénisti. Très bien !
    Mme Pierrette Crosemarie, rapporteure du Conseil économique et social. Il insiste ainsi sur l'importance de la prévention du surendettement, et je note que nous rejoignons l'une de vos préoccupations.
    Cela pose d'abord le problème de l'appréhension des causes du surendettement : les questions de pouvoir d'achat, de développement de l'emploi, de résorption du chômage, ne peuvent être occultées. Cela pose aussi la question de l'information réelle, effective, de l'emprunteur, notamment le respect des règles en matière de publicité.
    Dans cette logique, le Conseil a donc formulé deux nouvelles propositions : d'une part, que les commissions de surendettement constituent une cellule de prévention où les travailleurs sociaux auraient un rôle essentiel ; d'autre part, qu'une procédure d'alerte soit instaurée afin que tout magistrat, qui, à l'occasion d'une affaire dont il aurait été saisi, constaterait qu'une partie est susceptible d'être surendettée, puisse alerter la commission de surendettement du domicile de l'interessé.
    S'agissant plus précisément du projet de loi, le Conseil estime positif que la nouvelle procédure prévoie une entrée unique de tous les dossiers : la commission de surendettement. Celle-ci, dont la composition a été modifiée pour une plus grande efficacité, apprécie la bonne foi du débiteur, instruit le dossier, décide sa recevabilité et de son orientation. Si elle estime que la situation du débiteur est irrémédiablement compromise, elle lui propose un traitement judiciaire de ce dossier. Ce travail de la commission revêt donc une grande importance.
    Le Conseil a noté qu'il était nécessaire de doter les commissions de moyens matériels et humains, et ce dans le contexte particulier de la restructuration de la Banque de France, qui assure leur secrétariat. Le Conseil a en particulier constaté que l'organisation de bureaux d'accueil et d'information, ouverts un ou deux jours par semaine, n'assurant pas le traitement complet des dossiers, n'allait pas dans le sens d'une meilleure prise en compte des préoccupations de personnes déjà fragilisées par l'exclusion financière. De plus, ce type d'organisation rendrait difficile la mise en place de la cellule de prévention évoquée précédemment.
    Par ailleurs, l'absence de traitement dans le délai prévu ouvrirait la voie à une saisine directe du juge par le débiteur, ce qui, nous semble-t-il, romprait l'équilibre entre le traitement transactionnel et le traitement juridictionnel.
    Le Conseil a noté avec intérêt la nouvelle composition des commissions de surendettement, avec l'entrée d'un conseiller en économie sociale et familiale et d'une personne justifiant d'une expérience dans le domaine juridique. Elle a toutefois souhaité que le mode de désignation, la rémunération et le rôle de ces nouveaux intervenants soient précisés. A cet égard, le Conseil souligne la responsabilité de l'Etat et des collectivités locales en la matière.
    D'ores et déjà, compte tenu de l'inclusion des dettes fiscales dans les compétences des commissions et du rôle nouveau qu'auront à jouer le trésorier-payeur général et le directeur des services fiscaux, qui deviennent des créanciers directements intéressés, le Conseil préconise un renforcement de la représentation des associations familiales et de consommateurs dans un souci d'équilibre entre représentants des créanciers et des débiteurs.
    Venons-en maintenant au rôle de chaque commission.
    Celle-ci apprécie la bonne foi du débiteur car c'est une condition de la recevabilité du dossier, la dissimulation de ressources ou l'organisation de son insolvabilité faisant perdre la bénéfice de la procédure. L'importance de l'élément intentionnel a donc été souligné.
    Par ailleurs, elle examine si la situation du débiteur est irrémédiablement compromise. Cette dernière notion ne se confond pas avec celle de l'insolvabilité notoire mais elle implique l'impossibilité prévisible de retour à meilleure fortune. Elle est de toute façon appréciée par le juge sur la base de travail réalisé par la commission.
    Dans la version du projet de loi sur laquelle nous avons travaillé, le traitement du surendettement pouvait provoquer l'intervention de deux juges : un juge d'instance et un juge de l'exécution. Le Conseil a estimé souhaitable l'intervention d'un seul juge : les rapporteurs nous ont rassurés à ce sujet.
    L'inclusion des dettes fiscales et sociales pose, quant à elle, une série de problèmes nouveaux. Le Conseil estime que tout dépôt de dossier à la commission de surendettement comportant des dettes fiscales doit être considéré comme valant automatiquement demande de remise gracieuse et entraîner son instruction immédiate par l'administration fiscale. De plus, la demande de remise gracieuse ne valant pas suspension des mesures de recouvrement, celle-ci doit être explicitement prévue. Si elle l'estime nécessaire, la commission peut demander au juge la suspension des poursuites. Pour instruire ces nouvelles données, la commission doit donc disposer de tous les éléments d'appréciation.
    Par ailleurs, le Conseil a souhaité que la hiérarchie des sûretés soit rendue plus lisible, pour les créanciers comme pour les débiteurs.
    Pour ce qui concerne la phase judiciaire du traitement du surendettement, l'emploi de l'expression « liquidation judiciaire » demande à être précisé. La non-inscription au casier judiciaire étant une raison essentielle de l'appréciation positive que nous avons portée à l'égard du nouveau dispositif, nous estimons que cela doit être explicitement inscrit dans la loi.
    Par ailleurs, le Conseil s'est interrogé sur les professionnels susceptibles de remplir les fonctions de mandataires : il a considéré que, lorsqu'il n'y avait pas d'actifs réalisables, le juge pourrait désigner comme mandataire un juge de proximité ou un agent de la Banque de France. En tout état de cause, la nouvelle procédure doit être gratuite pour le débiteur comme l'est aujourd'hui la procédure devant les commissions de surendettement.
    M. le président. Merci de conclure, madame la rapporteure.
    Mme. Pierrette Crosemarie, rapporteure du Conseil économique et social. Est-ce que je peux vous donner la conclusion du Conseil, monsieur le président ?
    M. le président. Bien sûr, mais votre temps de parole est épuisé.
    Mme Pierrette Crosemarie, rapporteure du Conseil économique et social. Je suis désolée, mais la néophyte que je suis fait son expérience.
    M. Pierre Cardo. Nous avons tous le même problème !
    Mme Pierrette Crosemarie, rapporteure du Conseil économique et social. Le Conseil a donc partagé l'objectif poursuivi par ce texte et qui vise à améliorer le traitement du surendettement, tout en luttant contre l'exclusion financière et sociale.
    Ce projet de loi répond à une attente sociale, humaine et économique, ce que le Conseil a apprécié positivement, puisque l'avis de la section des finances a été voté à l'unanimité. (Applaudissements sur tous les bancs.)
    M. le président. Je vous demande de m'excuser, madame, mais nous sommes très stricts sur les temps de parole, et ce pour tout le monde. J'étais dans l'obligation de vous demander de conclure. Mais je tiens à vous remercier pour votre intervention.
    La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Mesdames les rapporteures du Conseil économique et social, avant que vous ne partiez, je tiens à vous remercier pour le travail effectué par le Conseil économique et social et pour votre participation à cette séance. Il était important que l'avis du CES soit exposé devant l'Assemblée.
    Je vais dire maintenant quelques mots des propositions du Conseil économique et social et des commissions.
    S'agissant de l'amendement relatif aux associations de zone, surtout celles qui s'occupent de réinsertion, je crois qu'il recevra un accueil favorable de la part de tout le monde. Je ne doute pas que l'Assemblée donne son accord sur ce point, de même que sur la mixité sociale en matière de logement.
    Je voudrais également clarifier les choses à propos des chiffres. Ceux que je vais donner sont officiels et vérifiables. En 2002, les crédits s'élevaient à 200 millions d'euros au titre de l'article 80 et à 60 millions au titre du ministère de la ville, soit 260 millions d'euros ; en 2001, ils étaient moins élevés et atteignaient 243 millions ; pour 2004, ce seront 1 200 millions d'euros qui seront garantis par tous les partenaires. Voilà la réalité des chiffres ! Mais ce qui est important, ce ne sont pas les autorisations de programme, mais les crédits de paiement.
    M. Pierre Cohen. Vous nous faites votre numéro préféré : un tour de passe-passe !
    Mme Odile Saugues. C'est un spécialiste du bonneteau !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Au-delà, le Gouvernement s'est engagé, par convention et par la loi, à ne plus toucher au 1% social, qui servait, depuis quelques années, à boucler les fins de mois du budget général.
    En ce qui concerne le surendettement, le débat sur l'alerte, question qui tenait à coeur à nombre de personnes et à certaines associations de magistrats notamment, il est en cours. Une petite interrogation subsiste quant au caractère volontaire et conventionnel de la saisine de la commission de surendettement. D'une certaine façon, cela peut être assimilé à l'obligation qu'a tout détenteur de l'autorité publique, en application de l'article 40 du code de procédure pénale, de dénoncer une infraction. Il y a donc un débat qui porte sur la protection des libertés et l'intérêt de l'alerte. Je ne peux pas vous dire quelle sera la réponse qui sera apportée à cette interrogation. En tout cas, l'Assemblée aura l'occasion d'en débattre.
    Je remercie les quatre rapporteurs. En fait, ils se sont exprimés comme des maires très concernés par ces sujets que sont la rénovation urbaine, la nouvelle pauvreté et l'exclusion.
    Monsieur Houillon, les remarques juridiques de fond de la commission des lois ne posent pas de difficulté au Gouvernement, notamment en ce qui concerne l'unicité ou le non aller-retour.
    Je dis la même chose à Cécile Gallez, pour qui, vous le savez, j'ai une attache quasi familiale.
    J'ai répondu à Philippe Pemezec et à François Grosdidier en évoquant les chiffres, le rôle des maires et la décentralisation ou la non-décentralisation. Qu'on se comprenne bien, ce sont les maires qui piloteront désormais la rénovation urbaine, alors que, jusqu'à présent, aucun DDE ne pouvait leur garantir des PALULOS un ou deux ans à l'avance.
    L'Agence sera leur outil et il sera à leur disposition. Celle-ci n'aura pas à valider l'instruction qui sera menée par le préfet et les services de la mairie. L'utilisation de l'objet social des fonds nécessitera six, huit ou dix personnes. La sous-traitance sera possible, éventuellement avec des établissements publics locaux, dans des secteurs sans opérateur ou pour des copropriétés dégradées de villes extrêmement pauvres.
    L'Agence aura pour mission de s'assurer que les financements arrivent le bon jour. Un sous-compte sera ouvert au nom de la ville dès que la convention sera signée, et un tiers de confiance ordonnera le paiement.
    Jamais, dans la République, les maires et les HLM n'auront été aussi protégés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Messieurs les huissiers, reconduisez mesdames les rapporteures du Conseil économique et social.

Exception d'irrecevabilité

    M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une exception d'irrecevabilité, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le ministre, lors du congrès des HLM de Lyon, le 2 octobre 2002, vous avez annoncé votre intention d'engager une « nouvelle bataille de France » pour briser les ghettos urbains.
    Au conseil des ministres de la fin de ce même mois d'octobre, vous avez fait une communication évoquant, dans les mêmes termes, une démarche volontaire de démolition de 200 000 logements et autant de constructions.
    Enfin, dans une abondance de déclarations, vous avez affirmé que s'ouvrait pour notre pays une nouvelle et, cette fois-ci, une réelle prise en compte de la problématique urbaine.
    Neuf mois plus tard, vous nous présentez votre plan de bataille que vous décrivez « comme la plus importante opération de reconstruction que connaît notre pays depuis l'après-guerre. »
    Mme Odile Saugues. Et modeste avec ça !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous soulignez le fait que votre texte est « le premier projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine depuis la création de la Ve République » et qu'il engagera l'Etat pour cinq ans.
    L'enthousiasme étant une merveilleuse qualité - et vous n'en manquez pas -, vous avez même exprimé le souhait que « dans cinq ans il n'y ait plus de ministère de la ville » !
    Nous nous souvenons que lors de la campagne présidentielle de 1995, alors qu'il affirmait sa volonté de combattre la fracture sociale, Jacques Chirac évoquait un « plan Marshall pour les banlieues ». On peut donc considérer que votre démarche est la réminiscence de cette initiative.

    Il s'agirait, en fait, d'une grande inspiration, d'une forte volonté et d'un beau dessein pour répondre à des besoins essentiels de nos concitoyens.
    Monsieur le ministre, les députés qui se trouvent aujourd'hui dans l'hémicycle portent un réel attachement à la démarche de la politique de la ville. Beaucoup parmi eux ont la charge du lourd enjeu d'un « vivre ensemble » dans des territoires dont la structure et l'histoire sont, en elles-mêmes, les causes de grandes ruptures.
    Comme vous, donc, nous sommes porteurs de cette exigence de faire progresser les choses, ...
    M. Pierre Cardo. Très bien !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ... de les voir aboutir dans la dimension de solidarité et de partage qu'impose le pacte républicain.
    M. Eric Raoult. Très bien !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous êtes, à la tête de ce ministère, à votre place, dans la tradition des ministres de la ville porteurs des volontés déclarées de l'Etat, exprimant une générosité et un volontarisme sans lesquels cette action ne peut être connue et reconnue.
    M. Eric Raoult. Très bien !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Votre expérience personnelle, votre engagement dans les projets locaux portent la marque d'une compétence indéniable.
    M. Gérard Hamel. Pour le moment, tout va bien !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. J'ajouterai même, si vous me le permettez, que vos qualités personnelles et la sympathie qu'inspire votre manière d'être, de faire et de dire...
    M. Eric Raoult. Cela devient inquiétant !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ... nous font accueillir avec beaucoup d'attention et d'intérêt vos initiatives. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Mais (« Oh ! » sur les mêmes bancs)...
    M. Guy Geoffroy. Ça se dégrade !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais, monsieur le ministre, tout cela suffit-il vraiment à faire une politique de la ville ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jacques-Alain Bénisti. Aidez-nous, monsieur Le Bouillonnec !
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Plutôt que de faire de l'obstruction !

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Est-ce suffisant pour graver dans le marbre des grands engagements de l'Etat une nouvelle étape de reconquête des territoires des quartiers en difficulté, et par là même marquer une nouvelle étape de la solidarité nationale envers leurs habitants ? Permettez-moi non seulement d'en douter mais même de le contester.
    Monsieur le ministre, je suis contre votre projet, et, pourtant, je ne suis pas frileux, je ne suis pas loin de ces quartiers.
    M. Eric Raoult. Mais vous êtes socialiste !
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Et partisan !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et pourtant je porte dans mon expérience d'élu et dans mes compétences de parlementaire la même volonté que vous d'une politique de la ville.
    Il ne s'agit pas, vous l'aurez compris - j'ai pris toutes les précautions -, d'ouvrir la voie à des polémiques stériles, doctrinales, voire doctrinaires sur un sujet aussi grave.
    M. Guy Geoffroy. Cela se saurait !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il ne s'agit pas de faire des procès d'intention qui n'ont pas leur place lorsque sont en cause les profondes aspirations de tant de nos concitoyens exclus. Mais l'exigence, l'impérieuse exigence, veut que l'on se donne les moyens de la réussite.
    Comme vous avez choisi, monsieur le ministre, de mettre la barre très haut, d'utiliser la technique législative inhabituelle de la loi d'orientation et de programmation, comme vous avez exprimé le souhait que cette loi conduise à la disparition de votre ministère, ce débat doit permettre d'exprimer toutes les analyses et toutes les idées, de dire toutes les réalités. Nos remarques, nos critiques, nos propositions doivent être à la mesure de cette ambition, la vôtre, parce que, nous aussi, nous considérons qu'elle est essentielle. Nous ne voulons pas que des annonces fracassantes soient génératrices d'espoirs qui seront déçus. Ce serait le plus grand risque que nous pourrions faire courir à ces territoires et à leurs habitants.
    Or, si l'on excepte les dispositions du titre III sur le surendettement et les mesures particulières, d'une portée limitée au regard de l'enjeu que vous exposez, votre texte dans son ensemble suscite de nombreuses interrogations et de graves inquiétudes chez tous les acteurs de la politique de la ville, quels que soient leur statut et leurs compétences.
    Nous ne sommes pas les seuls à le dénoncer, vous conduisez la politique de la ville sans les habitants. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. C'est faux ! Vous êtes d'une mauvaise foi extraordinaire !

    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est scandaleux ! C'est le contraire de ce que vous avez dit tout à l'heure !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous agissez par le prisme étroit de la rénovation urbaine, et vous le faites sans argent ! (Protestations sur les mêmes bancs.)
    Tout d'abord, nous éprouvons une totale incompréhension.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Vous n'avez rien compris, c'est sûr ! Vous n'avez pas lu le texte !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le ministre, où sont les habitants dans votre projet ? Ah, bien sûr, c'est de leurs problèmes que vous parlez !
    M. Eric Raoult. Ils votent pour nous, les habitants !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce sont leurs difficultés que vous voulez résoudre, mais sans eux !
    M. Eric Raoult. Nous les représentons !
    M. Gérard Hamel. On travaille avec eux !
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Nous sommes maires !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Par exemple, on évoque la mise en place d'indicateurs pour évaluer les politiques publiques ou celle d'un Observatoire national des zones sensibles.
    M. Philippe Pemezec, rapporteur. Faites ce que je dis, mais pas ce que je fais !

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. A aucun moment, vous n'affirmez la place prépondérante des habitants, vous ne prévoyez même pas leur participation.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Quelle mauvaise foi !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et les évaluations annuelles, une fois réalisées, ne donneront lieu à aucun débat public et démocratique.
    M. Guy Geoffroy. Il faut agir !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Plus éloquent encore, vous fixez un objectif de démolition à 200 000 logements.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. La population veut que cela avance. Rien ne bougeait !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Sur quelles bases avez-vous fondé cette estimation ? Sur un calcul de cabinet ministériel ?
    M. Eric Raoult. Et Mme Liennemann !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Sur un calcul des experts ? En tout état de cause, vous n'avez pas effectué un recensement des volontés exprimées par les occupants de ces immeubles. Ne pensez-vous pas que leurs paroles, leurs désirs, doivent être placés en préalable à toutes les démarches de démolition ? Celle-ci ne doit-elle pas être quantifiée, après que les attentes et les souhaits des habitants auront été réellement mesurés ?
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Quelle mauvaise foi ! Il n'y a pas de démolition sans consultation !
    M. Philippe Pemezec, rapporteur. Il faut ne pas être maire pour dire des choses pareilles !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Dans son avis de mars dernier, le Conseil national des villes, que vous citez dans votre rapport, monsieur le rapporteur, souligne que « la démolition ne doit pas être un acte destiné à faire le bonheur des gens malgré eux. Au-delà de l'amélioration du bâti, les démolitions-reconstructions sont une opportunité unique de "réembarquer les gens dans leur vie et leur quartier, de créer les ressorts du "vivre ensemble. Dans l'idéal, les populations doivent être associées, très en amont dans les prémices du projet et en être les porteurs. »
    Sans permettre une démarche d'appropriation, d'implication des occupants, votre projet est un « projet urbain technicien », alors que la démolition reconstruction doit être un projet humain, un acte fondateur, porté et choisi par les habitants.
    Mme Annick Lepetit. Bravo !

    M. Jacques-Alain Bénisti. Evidemment !
    M. Guy Geoffroy. C'est du bla-bla !
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Pour l'instant, les projets sont lancés !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cela exige un travail avec eux dès le début du projet. Des mesures concrètes auraient pu être prévues par le projet de loi pour assurer la concertation des habitants, en créant, par exemple, une instance chargée de veiller à la qualité et à l'obligation de concertation, comme le suggérait un autre avis du CNV, rendu en janvier 2003 et portant sur l'architecture urbaine.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. On crée des commissions pour régler les problèmes !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cette instance susceptible d'être saisie par des groupes d'habitants les entendrait et rendrait publics les désaccords en les faisant valoir auprès des collectivités et des maîtres d'ouvrage. Rien n'est prévu en ce sens dans le projet. Cela est d'autant plus incompréhensible que, contrairement aux situations antérieures, les immeubles dont nous parlons actuellement, et qui sont promis à la démolition, sont toujours actuellement occupés.
    M. Michel Vergnier. Eh oui !
    Mme Annick Lepetit. Tout à fait !
    M. Gérard Hamel. C'est faux ! C'est une méconnaissance de la réalité !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cette situation d'occupation des immeubles voués à la démolition et les conséquences qui en résultent sont ignorées par votre projet. Cela a été souligné par l'association Villes et Banlieues de France, qui affirme que « la question du relogement, transitoire ou définitif, des populations » est insuffisamment prise en compte.
    D'abord, il n'existe aucune disposition au sujet de l'accompagnement social du relogement. Dans son avis sur les démolitions, le Conseil national des villes a pourtant souligné que l'on devrait accompagner ces familles au moment de l'entrée dans les lieux, durant le maintien dans les lieux, ou pour les réorganisations de relogement.
    M. Jacques-Alain Bénisti. C'est déjà prévu !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Toutes ces questions ont des incidences sur le budget familial - inscription, décohabitation, augmentation du coût du loyer ou des transports. Cet état de rupture que vont vivre les familles n'est pas évoqué. Rien n'est promis en ce sens dans le projet de loi et la FNARS, la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale, n'a pas été consultée pour élaborer ces perspectives d'accompagnement.
    M. Jacques-Alain Bénisti. Démagogie !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. De même, rien n'est prévu pour permettre de meilleures conditions de vie aux locataires des logements démolis.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Ils ne veulent que des procédures supplémentaires ! Nous perdrons des années encore !
    M. Jacques-Alain Bénisti. C'est navrant ! Ce n'est pas connaître le terrain.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Aucune garantie n'est évoquée pour faire en sorte que ces locataires ne soient pas relogés dans un immeuble lui-même promis à la démolition.
    M. Jacques-Alain Bénisti. Mais si !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Aucune mesure ne rend effective la diversification de l'offre locative pour permettre aux habitants un véritable parcours résidentiel. Vous n'y faites pas allusion, sauf dans le registre des bonnes intentions de l'exposé des motifs. Monsieur le ministre, c'est vous qui avez choisi l'instrument de la loi d'orientation et de programmation ! Cela signifie que ce qui ne figure pas dans ce projet ne fait pas partie de notre démarche !
    M. Pierre Cohen. Eh oui ! C'est le problème !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Aucune assurance n'est donnée aux locataires de pouvoir effectivement assurer la charge des nouveaux loyers, qui seront, bien sûr, plus élevés, sans que soit compromise la vie du foyer !
    M. Gérard Hamel. C'est faux !
    Mme Odile Saugues. C'est vrai !
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Les textes prévoient déjà cela.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Au-delà de ces importantes problématiques, vous n'avez pas saisi l'occasion de ces opérations de démolition-reconstruction pour préserver et élargir la mise en oeuvre de la mixité sociale ! Pour éviter de reconstruire des tours et des barres sur les ruines des anciennes, pour intégrer les habitants des ZUS au coeur des villes, il aurait fallu, soit élargir l'application de l'article 55 de la loi SRU pour renforcer la solidarité intercommunale, notamment au sein des communautés d'agglomération, soit provoquer par de vraies mesures incitatives la libération du foncier au profit des collectivités locales dans la perspective du renouvellement urbain.
    M. Philippe Pemezec, rapporteur, et M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
    M. Pierre Cohen. C'est ce que nous avons fait !
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. La loi SRU n'était pas bonne !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La rénovation urbaine ne doit pas être conçue simplement comme un mode de renouvellement du bâti, mais également et surtout comme un moyen de réduire les inégalités entre les habitants d'une même ville.
    En l'absence de dispositions efficaces de cette nature, on peut craindre que ces opérations de rénovation urbaine ne se fassent en définitive, malgré votre intention, contre les habitants des quartiers renvoyés toujours plus loin à la périphérie des villes. Le DAL, l'association Droit au logement, évoque durement, je l'admets, mais non sans pertinence, le risque d'une épuration sociale urbaine.
    M. Eric Raoult. Vous citez le DAL ?
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Scandaleux !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En termes plus mesurés, le CNV précise que les « opérations de démolition-reconstruction, dont on attend tout, risquent de favoriser "l'évaporation des indésirables et leur concentration dans d'autres lieux ».
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. C'est un procès d'intention ! C'est scandaleux !
    Mme Annick Lepetit. C'est vous qui êtes scandaleux !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous accusez le CNV de faire des procès d'intention ? Je vous laisse la responsabilité de vos propos !
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. C'est scandaleux !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ainsi, votre projet de rénovation urbaine est-il conçu comme un objectif en soi, qui ne trouverait sa justification que dans la règle arithmétique des trois fois 200 000 : 200 000 démolitions, 200 000 reconstructions, 200 000 réhabilitations !
    M. Jacques-Alain Bénisti. Vous n'êtes pas avocat ici, vous êtes député !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Les habitants ne sont que des figurants...
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Et vous, vous êtes un clown !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ... d'une pièce qui se joue, au mieux, sans eux.
    M. Guy Geoffroy. Quelle caricature !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La démolition-reconstruction est envisagée comme un simple objectif statistique et quantitatif déterminé...
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. C'est faux !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ... sans prendre en compte les gens qui vivent dans les quartiers, leurs espoirs et leurs craintes.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Les textes existent déjà. Vous nous reprochez de ne pas les déposer à nouveau ?
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cette démarche révèle une perspective extrêmement technocratique de la rénovation urbaine, qui tient plus du plan quinquennal basé sur des calculs abstraits que d'une loi d'orientation et de programmation pour cinq ans fondée sur des besoins réels.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. L'abstraction, c'était avant. Désormais, on sera dans le concret !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il s'agit, monsieur le ministre, d'une conception désincarnée de la politique de la ville, ce qui, dans un projet législatif de programmation et d'orientation, est pour le moins alarmant.
    M. Eric Raoult. Vous n'avez vraiment rien à dire pour tenir de tels propos !
    M. Jacques-Alain Bénisti. Il faudrait lire le projet d'abord !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On pourrait trouver des indulgences à cette carence lorsque l'on sait la difficulté et la complexité de la mobilisation des habitants. Mais on ne peut excuser l'indifférence que votre texte manifeste à l'égard des associations, qui en sont l'émanation directe et l'expression vivante dans les quartiers.
    Ces associations se sont imposées comme des acteurs indispensables et des interlocuteurs à privilégier dans toutes les démarches de la politique de la ville. Votre prédécesseur en avait fait un partenaire essentiel du dispositif contractuel.

    Dans la conclusion de la synthèse du rapport sur la consultation nationale des associations engagées dans la politique de la ville, il est écrit : « D'une manière générale, les associations souhaitent [...] être considérées comme des interlocuteurs légitimes lors des débats d'orientation et de choix stratégiques ou lors de l'élaboration des projets concernant les espaces où elles interviennent. »
    M. Gérard Hamel. Quelle méconnaissance des choses !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La FNARS n'a pourtant pas été consultée sur votre projet. A travers elle, vous avez tenu à l'écart toutes les structures associatives, les initiatives professionnelles ou bénévoles qu'elle fédère.
    Les auteurs de ce même rapport sur la consultation nationale des associations poursuivent : « Les associations oeuvrant pour la politique de la ville sont nombreuses à avoir le sentiment de ne pas être reconnues par les pouvoirs publics : nous sommes considérées comme manquant de professionnalisme, de recul et de légitimité. »
    Pour faire évoluer l'attitude des administrations qui méconnaissent leur réalité, les associations et le CNV vous ont proposé plusieurs mesures concrètes dont certaines relèvent du champ législatif. J'en donne deux exemples : préciser et faire connaître les critères objectifs d'attribution des subventions ; garantir la transparence du traitement des dossiers et le montant des subventions.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. C'est déjà le cas aujourd'hui !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Aucune de ces propositions, qui auraient pourtant pu trouver leur place dans une loi de programmation et d'orientation pour la ville, n'a été prise en compte dans votre projet de loi.
    A ce manque de reconnaissance de la part de l'Etat s'ajoutent les difficultés financières et matérielles que souligne le rapport sur la consultation nationale des associations.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Vous faites votre propre procès !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Dans son introduction, il est indiqué que « les associations sont des partenaires indispensables pour la politique de la ville, mais dont les difficultés récurrentes - délais de financement trop longs, lourdeur des procédures administratives... - ont désormais un caractère d'urgence. »
    Les associations sont nombreuses à dénoncer les délais incompatibles avec leurs contraintes d'équilibre budgétaire. Les études réalisées montrent que les délais moyens de versement des subventions sont longs, environ six mois, et cela quel que soit le financeur, Etat, FAS ou collectivités locales.

    M. Eric Raoult. C'est mieux qu'avant.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En outre, l'amélioration dans l'anticipation du versement des financements en cours d'année reste un objectif essentiel pour réduire le handicap de trésorerie de ces associations.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Ce n'est pas le sujet.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. De plus, il apparaît que la complexité des procédures, leur lourdeur, les délais de validation sont vécus par les associations comme des suspicions par les financeurs à leur égard.
    Enfin, l'appui de l'Etat dans la durée doit mieux permettre la pérennisation des actions et des fonctionnements institutionnels, en offrant aux associations la possibilité de projeter leur engagement à plus long terme. Or seulement un huitième des associations bénéficient de conventions pluriannuelles.
    Face à ces difficultés, les associations proposent des solutions que vous connaissez bien : simplifier les procédures qui allongent les délais d'instruction, les délais de paiement et multiplient le travail administratif des associations...
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Si on parlait de la population et pas seulement des associations ? La ville, c'est la population !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ... limiter les dispositifs qui morcèlent les projets associatifs ; modifier le financement des associations, notamment par la prise en compte des coûts de fonctionnement de l'association ou par l'extension du recours aux conventions pluriannuelles d'objectifs.
    Aucune de ces propositions, qui trouvaient pourtant légitimement place dans une loi d'orientation et de programmation pour la ville, n'a été prise en compte par votre projet de loi alors que vous aviez connaissance des rapports de la consultation.
    Plus symbolique encore, l'extension des exonérations fiscales pour les associations en ZFU, que vous aviez publiquement déclarée comme acquise au CES, n'a finalement pas été retenue par le Gouvernement.
    Ainsi, pas plus que les habitants eux-mêmes, leurs associations ne sont considérées commes des acteurs importants, légitimes, indispensables du renouveau des quartiers.
    M. Rodolphe Thomas. Le ministre vient de le signaler !
    M. Eric Raoult. M. Le Bouillonnec n'écoute pas !
    M. Jacques-Alain Bénisti. Et il n'a pas lu le projet !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Négligés en tant que locataires par la démolition de leur logement, oubliés comme citoyens acteurs de la reconquête de leur quartier, les habitants voient le Gouvernement méconnaître la complexité de leurs difficultés quotidiennes et la diversité des réponses que celles-ci impliquent.
    En effet, votre projet s'assigne pour objectif essentiel la démolition reconstruction de 200 000 logements.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Ce sont des taudis !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Or, d'une part, ces opérations de rénovation, comme a pu le souligner l'un de nos éminents collègues présent dans cet hémicycle, traitent du problème du béton, pas du problème de l'humain qui est à l'intérieur. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Ce sont des humains qui vivent dans les taudis !
    M. Pierre Cohen. C'était déjà le cas avec Balladur.

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. D'autre part, ces opérations sont conduites dans des délais très longs, plusieurs années. Il est impératif de s'interroger sur l'accompagnement de la vie quotidienne des habitants jusqu'à l'achèvement des travaux.
    M. Philippe Pemezec, rapporteur. Votre mauvaise foi vous rend amnésique !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Des secteurs entiers de la politique de la ville dans sa dimension transversale, interministérielle, partenariale et de proximité, ceux qui touchent les habitants au plus près de leur vie de tous les jours, sont totalement ignorés par ce projet de loi.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. C'est faux ! Les gens veulent de l'action, pas des commissions !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il en est ainsi de l'accompagnement social, de la lutte contre l'échec scolaire, de l'insertion professionnelle, de la prévention sanitaire, du développement des services publics, de la prévention, des loisirs socio-éducatifs, culturels et sportifs, autant d'aspects que la loi de programmation sur la ville et la rénovation n'évoquent même pas !
    Vous nous opposerez bien sûr, monsieur le ministre, les dispositions du chapitre Ier du titre Ier de votre projet de loi. Mais nous constatons que ce chapitre se borne à énumérer une liste de bonnes intentions, auxquelles nous souscrivons tous, bien évidemment, sans prévoir les moyens budgétaires et normatifs de leur mise en oeuvre.
    Le chapitre Ier renvoie à une annexe, mais celle-ci, par nature, n'a aucune valeur législative. L'étude d'impact jointe au texte ne comporte aucune mention à un impact juridique ou administratif, ce qui est pour le moins éloquent, symbolique et, permettez-nous de le dire, pathétique !
    De plus, aucune force contraignante n'est attachée à ces dispositions, puisque rien n'est prévu dans l'hypothèse où les objectifs ne seraient pas atteints. C'est pour le moins assez inattendu, pour ne pas dire plus, s'agissant de la première loi de programmation et d'orientation pour la ville.
    Le rapport du Conseil économique et social, dont vous avez publiquement, et encore tout à l'heure, souligné la qualité du travail a lui-même relevé...
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Vous faites des avis du CES une lecture sélective !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ... que « même si l'accompagnement social est évoqué en annexe, aucun moyen d'Etat ne lui est affecté ». Ces observations ont fait l'objet d'un vote unanime du CES, sauf une abstention, comme vous vous plaisez fort légitimement à le rappeler.

    Pour ce qui concerne les aspects strictement financiers, l'association Villes et Banlieues s'est émue pour sa part que le projet de loi ne prévoie que des crédits d'investissement alors qu'il aurait fallu y inscrire également « les crédits de fonctionnement nécessaires à leur bonne gestion dans le temps ».
    Ainsi, dans la première loi d'orientation et de programmation pour la ville, presque tout l'arsenal de la politique de la ville est absent. Il est vrai, monsieur le ministre, que vous expliquez, par exemple, que le volet éducation de la politique de la ville sera traité dans le projet de loi présenté à la rentrée par Luc Ferry. Mais vous ne pouvez imaginer qu'à la lumière du bilan du ministère de l'éducation nous soyons rassurés par cette consultation.
    D'autres démarches seraient également initiées, avez-vous dit, auprès d'autres ministères. Mais est-il bon, pour le ministre de la ville, de lâcher la proie pour l'ombre ? Tout l'histoire du ministère de la ville n'est-elle pas celle de sa difficile mais progressive autonomisation par rapport aux autres ministères ? Toutes les conquêtes de vos prédécesseurs ont porté sur cet enjeu. Il devrait appartenir au ministre de la ville, surtout dans le cadre d'un projet de loi d'orientation qui prétend fixer les grandes lignes de son action sur cinq ans, de prendre lui-même en compte tous les aspects des politiques publiques en faveur des quartiers en difficulté.
    Vous évoquez en dernier recours la convocation prochaine d'un CIV. Cela fait déjà neuf mois qu'un communiqué de presse de votre ministère l'a annoncé. Cette promesse est-elle encore crédible ? Le CIV, pourtant réuni régulièrement, parfois deux fois par an, par le précédent gouvernement, ne s'est pas réuni une seule fois depuis votre investiture,...
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Oui, mais les GPV progressent plus vite !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ... et tout le monde, y compris le Conseil national des villes, s'en émeut. Quelle est la logique qui peut justifier que la réunion du CIV intervienne après la promulgation de la loi de programmation et d'orientation ? Nous n'en voyons qu'une : la politique de la ville, et particulièrement sa dimension sociale et humaine, n'est plus une priorité du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    L'Etat ne peut cependant se défausser sur les associations de ses responsabilités en matière d'accompagnement social. Dans le rapport de consultation nationale des associations, on observe que les domaines les plus investis par elles, à savoir l'économie, la culture et l'intégration, sont justement ceux qu'elles estiment être le moins investis par l'Etat. C'est donc que les besoins sont énormes et que l'Etat ne peut pas les abandonner aux seuls engagements des associations. De même, la présence des services publics est essentielle car elle est la manifestation concrète de la solidarité nationale.
    C'est cette même conviction que défend le Conseil économique et social quand il affirme dans son rapport que « le succès du projet proposé dépend largement de la mise en oeuvre simultanée des mesures d'accompagnement social ».
    Au-delà de cette lacune, en soi fortement révélatrice, qu'est-ce qui nous fait douter des effets d'un prochain CIV ou de ceux des projets de loi que pourraient porter d'autres ministères dans les prochains mois ? C'est évidemment l'accablant bilan de l'action du Gouvernement depuis un an.
    Lors du débat sur le budget de la ville, j'avais souligné que « votre ministère procède à des coupes sombres dans l'enveloppe de fonctionnement du fonds d'intervention pour la ville, véritable coeur de la stratégie contractuelle et partenariale, en ramenant de 179 à 145 millions d'euros son financement ». J'avais ajouté : « C'est la démarche de terrain qui est compromise par cette baisse de budget, celle qui associait dans une action concertée les partenaires des contrats villes et les acteurs de proximité. »
    Après le vote budgétaire, ce désengagement de l'Etat n'a pas paru suffisant puisqu'un gel de 75 millions d'euros a affecté les politiques publiques en faveur de l'insertion dans les quartiers défavorisés.

    Il a fallu le cri d'alarme lancé par le Comité national des entreprises d'insertion le 4 juin 2003 dans une lettre au Premier ministre dénonçant le risque de voir « plus de 900 entreprises en cessation de paiement et donc au bord du dépôt de bilan et plus de 30 000 salariés perdre leur emploi » pour que le Gouvernement fasse marche arrière.
    Pourtant, l'annonce du dégel de ces crédits n'est pas rassurante : délégués trop tard par les préfectures, ces crédits ne seront probablement pas consommés. On imagine déjà le Gouvernement nous justifier l'annulation de ces crédits reportés au motif qu'ils n'auront pu être dépensés. Nous connaissons la chanson ! C'est d'ailleurs ce qui s'est passé en décembre 2002 lorsque 17,42 % des crédits pour 2002 du ministère de la ville ont été annulés au motif qu'ils n'avaient pas été consommés.
    Je voudrais, pour illustrer d'une manière concrète et symbolique ce risque grave, prendre l'exemple d'une association que vous connaissez bien, monsieur le ministre : l'AJAR, Auprès des jeunes adolescents de la rue.
    Lancé en juin 2002 par le ministre de la ville et président de la communauté d'agglomération de Valenciennes, le SAVU, piloté par l'AJAR, a porté assistance à 1 806 victimes ou proches de victimes en un an. Financée essentiellement par le ministère de la ville, l'association a besoin de 440 000 euros par an pour faire fonctionner le SAVU. N'ayant obtenu que la garantie de se faire verser moins de la moitié de cette somme pour 2003, elle a fait savoir, le 16 juin, que son expérience était menacée faute de financement.
    Il est probable et heureux que cette association obtienne in extremis, grâce à votre intervention, les crédits manquants. Mais qu'en sera-t-il pour les autres, pour tous les autres ?
    En somme, les seules dispositions du projet qui concernent la vie quotidienne de l'habitant sont celles du titre II, qui relancent le dispositif des ZFU et promettent la création de 100 000 emplois.
    Il ne s'agit pas d'entamer un débat dogmatique, mais d'analyser toutes les données que nous détenons.
    Il faut d'abord rappeler le rapport très critique de l'IGAS de décembre 1998, selon lequel l'efficacité du dispositif est aléatoire, ce qui signifie qu'il peut être bon ou mauvais, mais qu'en général on ne sait pas, lorsqu'on le met en place, quel sera son résultat.
    Vous faites vous-même, monsieur le ministre, cette concession puisque vous avez reconnu que, dans 50 % des précédentes ZFU, les résultats avaient été « mitigés ». Nous sommes tous d'accord sur cette analyse.
    M. Eric Raoult. Il fallait essayer !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La fondation Abbé Pierre estime que les résultats officiels sont surévalués, tant il est difficile de savoir si, par exemple, les emplois créés le sont exclusivement grâce aux exonérations.
    M. Gérard Hamel. Que faites-vous des petits commerces au bas des immeubles ?

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Par contre, le coût est considérable pour les recettes de l'Etat et il est bien connu : 397 millions d'euros en 2002, soit plus que l'ensemble des crédits de votre ministère.
    Les inconvénients sont identifiés : effets d'aubaine, distorsions de concurrence à la périphérie des ZFU, absence de critères objectifs pour déterminer les quartiers pertinents,...
    M. Philippe Pemezec, rapporteur. Avec vous, la politique de la ville ne risque pas de progresser !
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. La seule chose que vous feriez progresser, c'est le commerce du shit !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ... concertation incertaine avec les élus locaux, risque de clientélisme.
    Au surplus, l'idée que ce dispositif consacre un enfermement des habitants dans leur quartier n'est pas fausse. Le travail doit aussi être une possibilité de sortir des quartiers pour s'intégrer au reste de la ville. La stratégie de développement pour les quartiers ne saurait se mener dans les seuls quartiers : elle doit se concevoir à l'échelle des villes et même des agglomérations.
    M. Ghislain Bray. Que dit-il ? Il faut se pincer pour y croire !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Enfin, avec l'intercommunalité et la taxe professionnelle unique, nous savons que les ZFU ne présenteront plus les mêmes avantages.
    Face à ces contradictions, les termes de l'alternative sont évidents : soit on élargit le dispositif à l'ensemble des quartiers en difficulté, et alors ses effets bénéfiques seront dilués au point de disparaître, ...
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. N'importe quoi !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ... soit on le limite à quatre-vingt-cinq quartiers comme vous le faites, et il faut trouver un autre moyen de redynamiser les autres quartiers en difficulté. Sur ce point, la position du gouvernement de Lionel Jospin avait conduit à l'extinction progressive de ces procédures. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste), ...
    M. Eric Raoult. Vous avez voulu les casser !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ... mais à une extinction accompagnée, ce qui était à nos yeux équilibré.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Et sept ans plus tard, vous persévérez dans l'erreur ! Vous n'avez rien compris !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est ce caractère temporaire, provisoire qu'il faut mettre en relief, et ce sont les dispositifs de sortie qu'il faut aménager. Il convient aussi d'ouvrir d'autres perspectives de développement économique. Votre projet ne les évoque pas, et c'est ce que regrette le Conseil national des villes, qui aurait « souhaité qu'une loi d'orientation et de programmation soit l'occasion de faire émerger de nouvelles notions comme celles tendant à définir un développement soutenable et durable en milieu urbain ».
    Le même Conseil s'était prononcé pour le maintien des « mesures d'accompagnement d'accès à l'emploi, notamment des jeunes (emplois-jeunes, programme TRACE, emplois aidés) », autant de mesures aujourd'hui abandonnées ou remises en cause, et dont le prix est chèrement payé par les habitants.
    Mme Annick Lepetit. Absolument !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. A ce sujet, je ne résiste pas au besoin d'évoquer la remarque de l'association Ville et banlieue : « On ne peut déclarer vouloir favoriser l'insertion professionnelle et sociale des jeunes et mettre fin aux mesures qui y contribuent le plus directement. » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Pierre Cardo. Les emplois-jeunes sur cinq ans, ce sont les socialistes qui les ont votés !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Dans le registre des mesures alternatives aux ZFU conduites directement par l'Etat, rappelons la disparition du FRE dans le budget de 2003. J'avais déploré cette décision en ces termes :
    « Par l'octroi d'aides directes, il favorisait la création et l'installation d'entreprises et la réalisation d'investissements de production dans les ZUS. Une aide à l'ingénierie était apportée pour des actions d'animation économique, de soutien à la création et au montage de projets.

    « En fonctionnement, le budget de ce dispositif est réduit de 37 millions d'euros et, en investissement, 19 millions d'euros sont purement et simplement supprimés.
    « Le motif invoqué pour justifier cette diminution drastique - la difficulté de la mise en oeuvre - est inacceptable », ce que vous aviez vous-même reconnu, s'agissant de la première année de fonctionnement. Je suis heureux de vous avoir entendu dire dans l'hémicycle qu'il convenait que l'ensemble des procédures créées aient le temps de manifester leurs qualités et leurs défauts.
    Je confirme cette déclaration.
    Par ailleurs, le Conseil national des villes a souligné la place importante du secteur associatif dans la redynamisation économique des quartiers : « Les associations constituent un employeur non négligeable et apportent, dans un certain nombre de cas, le soutien socio-éducatif indispensable pour réussir l'accès à l'emploi. »
    Cet avis rejoint les conclusions du rapport de la consultation nationale des associations, acteurs locaux et de proximité : « Aujourd'hui, les associations ont des salariés, parfois nombreux, et sont à cet égard génératrices d'emplois. Il apparaît donc incontestable que les actions menées par les associations permettent la création d'emplois tout en venant fortifier la cohésion sociale par les rapports sociaux spécifiques qu'elles tendent ainsi à instaurer. »
    Les ZFU peuvent répondre à des problématiques économiques et d'emplois, mais toujours temporairement. Elles ne peuvent, en tout état de cause, répondre aux problématiques d'exclusion. L'accompagnement social et psychologique est indispensable pour réussir l'insertion par le travail. Les associations y contribuent sur le terrain, mais votre projet ne les soutient pas. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Que l'on me cite les passages du projet de loi qui me prouveraient le contraire !
    M. Pierre Cohen. Ce que dit notre collègue est la vérité !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ignorant, comme je viens de le dire, les habitants, leurs associations, les problèmes et les difficultés qu'ils rencontrent dans leur vie de tous les jours, votre projet de loi marque une rupture avec l'objet même de la politique de la ville. Celle-ci est en train de perdre son centre de gravité. Alors qu'elle s'était rapprochée toujours plus depuis vingt ans, à l'initiative de tous ses ministres, de l'homme et de sa vie quotidienne dans les quartiers, elle reflue aujourd'hui vers le béton, le « hard », comme disent nos acteurs dans les quartiers.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Qui vit dans les taudis, si ce ne sont pas des êtres humains ?
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Alors que votre collègue ministre du logement semble singulièrement vous abandonner l'initiative dans le domaine du logement social, le risque est majeur que vos responsabilités de ministre chargé de la politique de la ville ne se trouvent profondément altérées.
    Le CNV, dans son avis sur la rénovation urbaine, a déjà déploré qu'« alors que la politique de la ville était censée apporter un "plus au droit commun, afin de tenir compte des difficultés locales, elle se soit progressivement substituée aux crédits existants ».
    Dans ce cadre, que peut signifier l'expression « offre nouvelle de 200 000 logements locatifs sociaux » figurant à l'article 6 ?
    Mme Odile Saugues. Un mirage, peut-être !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cette offre est-elle nouvelle parce que supplémentaire à l'offre ordinaire de logement social offerte par les moyens de l'Etat dans un programme pluriannuel ?
    M. Pierre Cardo. C'est ce qui est prévu !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ou est-elle nouvelle car différente, c'est-à-dire simplement plus importante que cette dernière ?
    Je souhaite, monsieur Cardo, qu'il s'agisse de la première hypothèse. Mais alors, pourquoi ne l'a-t-on pas clairement précisé ?
    M. Pierre Cohen. Très bonne question !

    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On aurait eu là un vrai engagement de l'Etat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Ayant quitté l'orbite de l'habitant, il est à craindre que la politique de la ville ne se désintègre dans celle du logement social. Mais ce qui est le plus inacceptable, c'est que cette atrophie programmée de la politique de la ville ne suffira pas à rendre réalisables les objectifs que vous vous donnez, même limités à la seule rénovation urbaine. En effet, votre projet ne comporte pas les engagements financiers correspondant aux solutions que vous voulez mettre en oeuvre.
    Mme Odile Saugues. Exact !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L'un des grands objectifs de la politique de la ville est de pallier les inégalités et les inégales répartitions des richesses entre les territoires, entre les quartiers dans nos villes et entre les agglomérations elles-mêmes.
    Dans son avis sur le projet de loi, le CNV est catégorique : « La réforme préalable à toutes les autres »...
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Est-ce qu'il pense par lui-même ?
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ... « et qui conditionne leur succès pour les villes et les quartiers pauvres de la politique de la ville est la réforme des clés de répartition pour les finances locales : DGF et DSU. »
    En 2002, la Cour des comptes avait déjà préconisé « un soutien renforcé aux communes financièrement les plus démunies pour les mettre en mesure d'assumer leur participation aux actions menées dans le cadre de la politique de la ville ».
    Le Conseil économique et social a rappelé récemment qu'« il est donc indispensable que de nouveaux moyens soient mis en oeuvre au service des communautés territoriales les plus démunies, particulièrement au travers de la DGF et de la DSU, volet non abordé par le présent projet de loi ».
    Cette exigence est d'autant plus manifeste que les communes devront faire face aux frais de fonctionnement générés par les investissements de votre projet.
    Le CNV a proposé, pour y remédier, deux mesures : l'instauration d'une subvention exceptionnelle d'équilibre de l'Etat, que vous auriez pu prévoir dans votre projet de loi d'orientation, et l'extension du bénéfice du remboursement du FCTVA pendant l'exercice en cours.
    Si, comme le précise le CNV, ces mesures ne pouvaient bien évidemment se substituer à la réforme en profondeur du système de péréquation qui relève de la révision générale du système des finances locales, comment ne pas regretter que, dans votre projet de loi, vous n'y fassiez pas allusion, ne serait-ce dans ses orientations ? Peut-être n'avez-vous pas obtenu les bons arbitrages car je sais que vous pensez à ces dispositions, qui sont au coeur de la vraie solution. Il est dommage, je vous le dis sincèrement, que vous ne les ayez pas obtenus car la situation nous contraint à penser que le Gouvernement ne vous suit pas totalement dans votre démarche de politique de la ville. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Eric Raoult. Ne vous faites pas de souci !
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Ne prenez pas vos désirs pour des réalités ! Vous faites de la pure spéculation !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Etait-il impossible de répondre d'ores et déjà aux suggestions du CNV ? Etait-il impossible de formuler ces réponses ne serait-ce que dans le projet de loi d'orientation, même pas dans les engagements financiers ?
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous ne croyez pas à ce que vous dites ! C'est un jeu !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Votre projet n'ignore pas seulement la nécessité d'arrêter la péréquation, mais il présente aussi un très grave défaut : l'engagement financier de l'Etat est dérisoire en comparaison de l'ampleur de la tâche que vous lui assignez.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Elle est énorme par rapport à ce que vous avez fait !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je vais répéter pour que M. le ministre comprenne bien.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Présomptueux !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Non pas que je craigne qu'il ne comprenne pas, mais il importe qu'il saisisse notre approche de la problématique...
    M. Jacques-Alain Bénisti. Vous avez dit tout à l'heure que le ministre était compétent, et vous craignez maintenant qu'il ne comprenne rien !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. J'ai dit, monsieur le ministre, que l'engagement financier de l'Etat était dérisoire en comparaison de l'ampleur de la tâche que vous lui assignez. Ce que je viens de dire est très important. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Gérard Hamel. La réponse que vous apportera le ministre ne le sera pas moins !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Avant de nous inquiéter par leur faiblesse, vos estimations financières, monsieur le ministre, nous étonnent par leur grande imprécision.
    Depuis des mois, au travers de vos déclarations publiques et de vos interviews, vous brassez des milliards d'euros avec l'agilité un peu douteuse du prestidigitateur. Confondus par tant d'habileté, de nombreux partenaires, engagés à vos côtés dans la politique de la ville, reconnaissent ne plus s'y retrouver. Certes, la Cour des comptes a dénoncé, dès 2002, l'opacité des efforts budgétaires consentis pour les quartiers en difficulté. Dont acte !
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. C'est votre gestion qu'elle a dénoncée !
    M. Eric Raoult. Celle des années 1997-2001 !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est votre gouvernement qui était en cause, monsieur Le Bouillonnec !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais, loin de remédier à la situation, vos déclarations, monsieur le ministre, l'ont considérablement aggravée.
    Les imprécisions touchent d'abord le coût total des travaux de démolition, reconstruction et réhabilitation. Le chiffre le plus souvent avancé est celui de 30 milliards d'euros, mais vous avez vous-même reconnu devant le Conseil économique et social, monsieur le ministre, qu'il s'agissait là d'une fourchette basse, et que ce montant pourrait atteindre 50 milliards, soit une augmentation de 60 %.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Mais que lui a-t-on mis dans son verre ? (Sourires).
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ces imprécisions s'étendent ensuite à la participation supplémentaire de l'Etat sur laquelle les chiffres les plus contradictoires ont circulé. Le 2 octobre 2002, monsieur le ministre, lors du congrès annuel des HLM à Lyon, vous vous êtes engagé, je cite vos propos rapportés par l'AFP : « Environ un à deux milliards d'euros supplémentaires seront fournis par l'Etat en plus des sommes actuellement consacrées au logement par le budget. »
    A ce propos, le journaliste d'un grand quotidien du soir, selon la formule usuelle, a écrit : « Le ministre délégué à la ville n'a pas été très limpide sur le coup de pouce financier qui sera consenti, mais celui-ci devrait se situer entre un et deux milliards d'euros sur cinq ans. »
    Dès cette époque, il pouvait paraître troublant que l'estimation de la participation supplémentaire de l'Etat puisse varier du simple au double. La confusion est devenue totale lorsque, le 17 juin 2003, lors du congrès de l'Union sociale pour l'habitat de Lille, et nous y étions vous avez annoncé cette fois : « un effort supplémentaire par an de 800 millions d'euros, soit 4 milliards sur cinq ans », correspondant à une augmentation de 100 % par rapport aux évaluations les plus optimistes faites à Lyon. Le lendemain, dans une interview à un journal parisien, vous avez confirmé cette étonnante mais réjouissante nouvelle, en affirmant que, les pouvoirs publics consacraient jusque-là, en moyenne, quelque 250 millions d'euros par an à la rénovation urbaine et qu'on passerait dorénavant à 1,2 milliard d'euros.
    D'où sortent ces millions d'euros ? Quelle alchimie secrète permet de les transformer en milliards ? Comme l'a déjà fait remarquer notre collègue sénateur Jean-Yves Mano, qui est aussi respectable que M. Cardo et que moi-même, monsieur le ministre, nous sommes dans l'univers d'Harry Potter ! Mais dissipons les nuages de fumée pour établir précisément le montant de l'effort budgétaire consenti.
    L'article 7 de votre projet a le mérite de lever une partie du voile sur la somme qui sera engagée par l'Etat pour les cinq années à venir : « Les crédits qui seront consacrés par l'Etat à la mise en oeuvre du programme national de rénovation urbaine et qui seront ouverts par les lois de finances entre 2004 et 2008 sont fixés à 2,5 milliards d'euros, aucune dotation annuelle au cours de la période ne pouvant être inférieure à 465 millions d'euros. » Certes, cela ne correspond pas à ce que vous aviez annoncé, mais, au moins, les choses sont enfin écrites et nous pourrons en juger lors de la loi de finances pour 2004.
    Toutefois, malgré cette apparente limpidité, une question essentielle reste en suspens : d'où viennent les fonds ? S'agit-il d'un effort supplémentaire de l'Etat s'ajoutant aux crédits ordinaires de la politique de la ville et du logement ? Ou bien d'un simple redéploiement de crédits prélevés sur différentes lignes budgétaires ?
    Selon le calcul fait par la rapporteure du Conseil économique et social, dont l'avis a été adopté à l'unanimité, à une abstention près, la réponse est sans appel : « Ces crédits ont deux origines : d'une part, les crédits du ministère du logement pour 250 millions d'euros inscrits à l'article 65-48 de la loi de finances pour 2003 ; d'autre part, des crédits d'investissement du ministère de la ville pour 215 millions d'euros. Une augmentation de la ligne 67-10-30 est donc prévue pour passer de 155 à 215 millions. » Après décryptage, il apparaît donc que la participation supplémentaire de l'Etat à la nouvelle « bataille de France », au « plan Marshall pour les banlieues », se limitera à 60 millions d'euros chaque année, soit 300 millions seulement sur cinq ans, c'est-à-dire cinq fois moins que ce qui était annoncé en octobre 2002. La voilà la vérité de cette loi de programmation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    D'autres dispositions du projet de loi, au fil du texte et de ses annexes, permettent d'apprécier plus ou moins clairement le montant des sommes engagées chaque année par l'ensemble des partenaires de l'Etat.
    Dans l'annexe 1, nous découvrons ainsi que la contribution annuelle de l'UESL est fixée à 550 millions d'euros entre 2004 et 2008, alors même que la convention dont elle fait l'objet n'est toujours pas signée. Cela dit, vous avez réglé le problème cette nuit, et cela vous a coûté cher : une réforme du conseil d'administration des sociétés anonymes d'HLM. Mais peut-être était-ce le prix à payer ? Nous en discuterons lors de l'examen des amendements. En définitive, la participation au titre du 1 % n'est que de 100 millions de plus par rapport à ce que prévoyait la convention signée par le précédent gouvernement.

    Nous nous étonnons également que la participation de la Caisse des dépôts et consignations et celle de l'Union européenne ne soient pas chiffrées. Quant à la contribution des organismes HLM, nous sommes renvoyés, pour l'évaluer, aux mécanismes byzantins de l'article 29. Le dispositif est si compliqué, monsieur le ministre, que vous espérez en tirer 200 millions d'euros par an, alors que l'Union sociale qui doit payer, elle, n'a prévu que 35 millions. Vous n'êtes pas près d'ajuster les comptes entre vous. Vous en attendez pourtant beaucoup dans ce tour de table.
    Dans ces conditions, et quel que soit le mode de calcul retenu, on arrive vraiment très difficilement au 1,2 milliard par an que vous avez annoncé. En outre, la rigueur nous oblige à souligner que, contrairement à ce que suggèrent certaines de vos déclarations, cette enveloppe de 1,2 milliards d'euros n'est pas seulement alimentée par l'Etat. Le montant de l'argent frais pour la rénovation urbaine s'avère, en définitive, extrêmement faible ; quelque 200 millions d'euros sur le 1,2 milliard d'euros. On est loin du plan Marshall et de la mobilisation financière que vous prétendez conduire !
    En supposant malgré tout que l'objectif annuel de 1,2 milliard soit atteint, le pire, et même le plus scandaleux, monsieur le ministre, est que l'on ne dégagerait pour la démarche que 6 milliards d'euros sur cinq ans.
    Mme Janine Jambu. Tout à fait !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ... c'est-à-dire un cinquième des 30 milliards d'euros qui sont nécessaires pour mener à bien le projet « 200 000 démolitions, 200 000 reconstructions, 200 000 réhabilitations ». Un cinquième de l'estimation la plus basse des besoins ! Et un huitième avec la marge de secours maximale.
    Au-delà de vos déclarations d'intention, ce qui nous choque, c'est que sur les 30 milliards annoncés, 24 ne sont pas mobilisés et que vous n'invoquez qu'un effet de levier pour espérer conduire les opérations. C'est cette réalité qui a conduit tous ceux qui, comme nous, souscrivent à vos intentions à dénoncer, à l'instar du Conseil économique et social, « la faiblesse des moyens supplémentaires affectés par l'Etat au programme de renouvellement urbain proposé par la loi ».
    Mme Annick Lepetit et Mme Nathalie Gautier. Très bien !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous-même, monsieur le ministre, reconnaissez d'ailleurs, que l'Agence nationale de renouvellement urbain, dont je vais parler dans quelques instants, ne débloquera qu'entre 10 % et 50 % des crédits indispensables aux projets sauf en Seine-Saint-Denis.
    Comment combler la différence si l'on veut atteindre des objectifs, avec lesquels nous sommes d'accord, monsieur le ministre ? Vous utilisez des formules incantatoires pour conjurer le péril : « effet de levier », « union sacrée », dans Le Parisien du 18 juin 2003. On est pourtant loin de l'union sacrée quand on sait les difficiles négociations que vous avez dû mener avec les différents partenaires - l'Union sociale pour l'habitat ou l'UESL - qui, à juste titre, n'entendent pas être dépossédées de leurs ressources sans avoir reçu de garantie. Je l'ai dit à propos du 1 %, monsieur le ministre, l'addition va être lourde pour vous.
    M. Jean-Pierre Blazy. Très lourde !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le tour de table nous pose problème.
    Je vous assure, chers collègues, sur un tel sujet, je ne voudrais pas polémiquer... (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. C'est extraordinaire !
    M. Eric Raoult. Il dit ça sans rire !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je suis sérieux.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Vous êtes de trop mauvaise foi pour être crédible !
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est un pompier pyromane !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. J'ai la conviction que le coeur du problème, c'est une erreur de stratégie. Mais la stratégie est souvent dictée par les circonstances.
    Quant à l'effet de levier, ce ne sont pas sur les collectivités locales des ZUS qu'il faut compter puisque ce sont précisément elles - hélas ! - qui sont en difficulté. Au niveau local, vous tournerez-vous vers les bailleurs sociaux ? Mais ils sont déjà mis à contribution au niveau national. De plus, tous les présidents d'offices le savent, les recettes des organismes de logements sociaux sont constituées à 97 % par les loyers, ce qui signifie que ce sont les locataires qui paieront. C'est un comble ! Et ils commencent à le craindre. Il faut y voir la raison du silence glacial qui a accueilli M. de Robien lorsqu'il est allé au dernier congrès de l'Union sociale.
    Plus grave encore, les crédits prévus par le projet de loi sont uniquement des crédits d'investissement. Or, beaucoup l'ont dit - Villes et Banlieues, le CNV et nous-mêmes qui sommes des acteurs locaux, il aurait fallu inscrire au budget de cette loi les crédits de fonctionnement sans lesquels il n'y aura pas de requalification urbaine durable des sites.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Vous savez bien que c'est l'investissement qui péchait !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Par ailleurs, il est à craindre, en raison du champ d'application limité de la loi, que les crédits manquent totalement aux opérations conduites hors des ZUS - heureusement, la vie existe aussi en dehors des ZUS ! - comme les sites ressortissant de la politique de la ville, comme les GPV et les ORU. Vous le savez, tous les élus, quels qu'ils soient, s'interrogent sur la pérennité des contrats passés par l'Etat en contrat-ville ou dans les démarches de GPV et d'ORU.
    Vous n'ignorez pas que ces quartiers risquent de basculer faute d'intervention et de réhabilitation préventive. Le Conseil économique et social (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) ...
    Pourquoi réagissez-vous ? Vous avez écouté ses rapporteurs tout à l'heure...
    M. Eric Raoult. On n'a pas entendu la même chose !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous n'avez pas lu le rapport : « Hors des ZUS, les crédits au logement sont amputés de 42 % » !
    M. Pierre Cohen. Voilà l'essentiel !
    Mme Annick Lepetit. La voilà la vérité !
    Mme Odile Saugues. On déshabille Pierre...
    M. Eric Raoult. Vous ne prenez que ce qui vous intéresse, soit 1 % du rapport !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Enfin, ces engagements minimaux sont lourdement hypothéqués par l'objectif budgétaire général de ramener à zéro l'augmentation des dépenses publiques en 2004. On le sait, la politique de la ville et du logement social ne figure pas dans les priorités du Gouvernement.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. C'est faux ! C'est un procès d'intention !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Les coupes budgétaires depuis un an l'ont démontré. L'ensemble des gels et des annulations de crédits affectant la participation au fonds de solidarité pour le logement des défavorisés s'est soldé par 5 millions d'euros de mesures nouvelles négatives ; il atteint 28 % des mesures nouvelles concernant la construction et l'amélioration de l'habitat et se monte à 31,4 millions de mesures nouvelles négatives pour la ville et le développment urbain. Enfin 40 % des mesures nouvelles prévues au titre de l'investissement en faveur du développement social urbain sont gelées ou annulées. Nous n'appelons pas cela une politique prioritaire pour la ville.
    Ce constat liste doit être rapproché des conclusions du huitième rapport de la Fondation Abbé Pierre sur l'état du mal-logement en France pour 2003. « Cette année, des signes alarmants traduisent une détérioration du contexte général. Les sorties des structures d'accueil et d'hébergement temporaire vers les logements sont de plus en plus difficiles. Par ailleurs, la construction neuve ne couvre pas les besoins nouveaux et ne permet pas de répondre aux attentes légitimes des ménages défavorisés. De plus, phénomène nouveau, la crise ne touche pas seulement les plus démunis, mais s'élargit aux salariés modestes, même s'ils disposent d'un emploi stable. [...] Autant d'indicateurs qui font dire que la crise du logement est devenu une crise de société .»
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Vous jouez à vous faire peur !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L'annonce récente d'un dégel des crédits « en matière de construction de logements locatifs sociaux » n'a pas rassuré, car rien n'a changé en ce qui concerne les annulations de crédits - 9 % pour la construction de nouveaux logements.
    Et chacun a noté que le communiqué du ministère annonçant le dégel ne fournit aucun chiffre et la décision est tellement tardive que tous les opérateurs et tous les acteurs de la construction du logement savent que ses effets ne se feront pas sentir avant la fin de l'année. Pire encore, les premières informations sur les lettres de cadrage laissent craindre, mes chers collègues, que les engagements de l'Etat ne soient pas tenus dès 2004 !
    M. Eric Raoult. C'est du Hector Malot !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il est donc évident que cette insuffisance de moyens conduira votre programme de rénovation urbaine à un échec certain et que l'objectif des « trois fois 200 000 » ne sera malheureusement pas tenu.
    M. Eric Raoult. Nous passons à Eugène Sue !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cette évidence s'impose plus encore lorsque l'on sait qu'il ne suffira pas de reconstruire les 40 000 logements détruits tous les ans. Pour faire face à la demande ordinaire de logements sociaux, il faudrait au rythme de 90 000, voire 120 000 logements sociaux par an. Ne riez pas, ce sont les chiffres du ministère.
    Il est vrai que pour essayer de convaincre de la crédibilité de votre programme, monsieur le ministre, vous disposez d'un dernier artifice : l'Agence nationale de renouvellement urbain, que j'appellerai l'ANRU, puisqu'elle vient d'entrer dans notre vocabulaire.
    Point n'est besoin d'argent, tout est dans la méthode !
    Les fonds seraient suffisants à condition qu'ils soient mieux articulés et distribués, nous dit-on. L'idée d'un guichet unique est a priori très séduisante pour tous les acteurs de terrain confrontés aux difficultés des tours de table avec des partenaires multiples. Assurer la fongibilité, la pérennité et l'engagement rapide des crédits, privilégier le projet contre les procédures, sont effectivement des enjeux déterminants.
    Le Conseil national des villes a ainsi pu faire part de son souhait de voir se créer « un fonds national pour le développement urbain rassemblant tous les crédits de la politique de la ville - crédits de droit commun et crédits spécifiques - pouvant être rendus fongibles ».
    Il préconisait également une décentralisation de ce fonds...
    M. Pierre Cohen Eh oui ! C'est dans ce sens qu'il fallait s'orienter !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ... et un débat public sur l'affectation des dotations aux différents projets urbains !
    Le Conseil national des villes envisageait même, « la constitution d'un fonds local associant tous les financeurs au projet urbain dans le cadre d'un comité d'engagement financier local [...] et la création d'agences locales capables de recevoir des missions précises et d'être opérateur sans possible confusion entre le niveau de décision stratégique et politique et celui relevant de la réalisation des opérations ».
    Dans les faits, des conventionnements avaient déjà ouvert cette politique de regroupement des crédits.
    Le création de l'ANRU ne permettra pas de poursuivre cette démarche pourtant pertinente.
    En premier lieu, l'extension du regroupement des crédits est limitée aux seuls bailleurs sociaux, seuls présents autour de la table.
    On s'étonne de ne trouver aucune référence à la fongibilité de vos crédits de fonctionnement et à celle des crédits ordinaires - investissement et fonctionnement - des autres ministères participant à la politique de la ville.
    Sur le plan du regroupement des crédits, la création de l'ANRU ne constituera, en fait, comme l'a indiqué le Conseil économique et social, qu'une première étape.
    En second lieu, les pouvoirs et le fonctionnement de l'ANRU sont si vagues que tous les doutes, et donc toutes les craintes, sont autorisés. Le projet de loi renvoie, en effet, a des dispositions de droit commun et à un décret en Conseil d'Etat pour déterminer son organisation et les règles de financement.
    S'agira-t-il d'un simple guichet unique ou d'une institution dotée d'un pouvoir autonome d'appréciation en opportunité ? Cette imprécision pose, par elle-même, de sérieux problèmes. Comment les décisions seront-elles prises par le conseil d'administration ? Quelles seront les relations entre l'ANRU, la DIV, la DGUHC, les DDE et les collectivités locales ?
    M. Eric Raoult. Et le CNV ?
    M. Pierre Cohen. Ce n'est pas la même chose. Il faut suivre !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Comment ce dispositif va-t-il s'intégrer avec les projets du Gouvernement en matière de décentralisation ? J'insiste, monsieur le ministre, sur ce point.
    En l'état, loin de simplifier les procédures, la mise en place d'un nouvel acteur aux pouvoirs si mal définis risque de tout compliquer et donc de contrarier le financement rapide et pérenne des projets de rénovation urbaine.
    Cependant, plusieurs indices laissent clairement entendre qu'il s'agira d'un EPIC disposant d'un pouvoir d'arbitrage au service de l'Etat : absence totale de référence aux communautés d'agglomération ; absence de représentation des collectivités locales au sein du conseil d'administration ; assurance pour l'Etat de disposer de la majorité au sein de ce conseil d'administration, la Caisse des dépôts et consignations étant rangée aux côtés des autre partenaires ; nomination du président de l'ANRU par décret et de son directeur par arrêté ; representation de l'ANRU au niveau local par le préfet et, enfin, prise en charge, dans certains cas, de maîtrises d'ouvrage par l'ANRU. On a connu des politiques de renouvellement urbain plus « concertatives » !
    Si ces indices devaient être confirmés par le décret pris en Conseil d'Etat, l'ANRU serait à contre-courant de la nécessaire déconcentration de la politique de la ville
    Dans son avis sur l'architecture de la République, le CNV a fait le diagnostic suivant : « Le déficit de déconcentration est la cause la plus évidente des limites rencontrées par la politique de la ville et par son outil privilégié, la contractualisation. »
    Ce même avis préconisait de mettre en concordance les circonscriptions de l'Etat avec les régions et les intercommunalités, et de conférer aux agents locaux de l'Etat de réels pouvoirs pour engager leur administration dans un projet.
    De son côté, dans une lettre adressée à M. de Robien, l'Union sociale pour l'habitat déclarait : « Les organismes HLM souhaitent que les systèmes de décision et les procédures correspondantes » - « relatives aux projets de renouvellement urbain - soient simplifiés et déconcentrés au niveau le plus proche des réalités locales. »
    Autant de conseils avisés que le projet a manifestement méconnus ! Par-dessus tout, l'ANRU prend le contre-pied du processus de décentralisation. Alors que le Gouvernement explique partout qu'il faut rapprocher la décision du niveau local pour en garantir la qualité, la politique de la ville fera mystérieusement exception !
    Sous le couvert de la négociation de conventions avec les collectivités locales, et en l'absence de dispositions plus précises, le risque est grand que l'ANRU, seul interlocuteur possible, impose ses conditions et un modèle standardisé de projet de renouvellement urbain éloigné des spécificités que portent les élus locaux. Ce n'est pas admissible !
    Chacun s'accorde, aujourd'hui, pour considérer que la politique de la ville doit être déterminée au niveau local. Le législateur, par la loi du 12 juillet 1999, a attribué compétence aux communautés d'agglomération en matière de politique de la ville.
    La Cour des comptes et le CNV ont insisté sur la nécessité de transférer davantage de compétences à ces dernières.
    Le CNV, dans son avis sur le projet de loi, a également rappelé que « les choix stratégiques et les décisions de financement du projet local devraient relever exclusivement du niveau politique local ». De même, dans son avis sur les démolitions, il a préconisé « la décentralisation des politiques de l'habitat et du logement à l'échelle des agglomérations », estimant que, « pour réussir une opération de démolition, il faut avoir une connaissance du marché de l'habitat local à l'échelle de l'agglomération ». C'est simple, c'est clair et c'est efficace.
    L'Union sociale pour l'habitat envisage que « ne soient examinées au niveau national que certaines opérations spécifiques » en raison de leur taille, de la difficulté ou des enjeux.
    Cette recentralisation de la politique de la ville mettrait à mal sa dimension contractuelle, à laquelle l'ensemble des acteurs restent très attachés.
    Il s'agit là d'un sujet d'inquiétude suffisamment sérieux pour qu'il soit mis en exergue dans le document officiel contenant l'avis du Comité économique et social, en ces termes : « Le CES estime que les orientations proposées par le projet de loi ne doivent pas remettre en question le développement de politiques contractuelles locales. » Ce serait un terrible retour en arrière, un renvoi à une époque où l'Etat pensait pouvoir décider seul des opérations de rénovation urbaine. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. C'est du pur délire ! Vous fantasmez !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En réduisant la politique de la ville à la seule rénovation urbaine, le projet de loi, comme je vous l'ai démontré au début de mon intervention,...
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Vous n'avez rien démontré du tout : vous fantasmez !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ... altère son fondement essentiel : la place des habitants et la dimension transversale de l'action.
    Pour pallier les insuffisances budgétaires, vous mettez en place un dispositif qui en atteint également la dimension contractuelle. C'est donc bien, et je l'affirme à cette tribune, à une remise en cause globale de la politique de la ville que procède ce projet de loi.
    M. Maurice Leroy. Le début était meilleur !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le ministre, vous aviez vous-même choisi de placer à un très haut niveau l'ambition de votre projet. On ne peut vous blâmer d'une telle intention, tant les enjeux et les attentes sont forts pour nos concitoyens vivant dans les quartiers en difficulté.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Vous les avez ignorés, ces citoyens !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous comprendrez, dès lors, que nos critiques se soient voulues à la hauteur de cette intention et qu'elles portent l'immense déception d'un rendez-vous manqué.
    Vous espériez faire disparaître le ministère de la ville, d'ici à cinq ans. Nous craignons que ce soit bien plus la politique de la ville qui s'éteigne avant cette échéance.
    M. Maurice Leroy. Mais non !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Certes, mes chers collègues, ce texte n'est pas contraire à la Constitution (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française),...
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ah, quand même !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. ... et je n'ai pas démontré son irrecevabilité en droit.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Quel aveu !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais il est manifestement contraire à l'idée que nous nous faisons de la politique de la ville.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. C'est une allocution surréaliste !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est pourquoi nous pouvons vous dire qu'il n'est peut-être pas irrecevable en droit, mais qu'il est socialement irrecevable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Il est « socialistement » irrecevable : ce n'est pas la même chose !
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, rassurez-vous, je ne vais pas relever toutes les inexactitudes ou erreurs factuelles de l'excellente plaidoirie de M. Le Bouillonnec. J'ai admiré l'artiste, le professionnel de la sémantique et du sophisme...
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous êtes un connaisseur !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Je me limiterai à évoquer quelques points pour nos collègues qui n'auraient pas eu le temps de lire à la fois le projet de loi et les avis du CNV.
    Premier avis : « Le Conseil national des villes, à l'unanimité, estime que cette loi-cadre pour la politique de la ville est enfin reconnue et défendue. »
    M. Jacques-Alain Bénisti. C'est le « enfin » qui est important !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Deuxième avis : « Le principe de réduction des inégalités sociales et territoriales devient un objectif central de l'action gouvernementale sur tous les territoires de la République, au nom de la cohésion sociale. »
    Troisième avis : « La création d'un observatoire et l'instauration d'indicateurs pour suivre les progrès accomplis et faciliter le pilotage du renouvellement urbain est soutenu et apprécié. »
    Quatrième avis : « La nécessité de démolir certains ensembles d'habitat social et d'amplifier le mouvement d'investissement en faveur des démolitions-reconstructions est concrétisée. »
    (« Voilà ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Jean-Pierre Blazy. Ce n'est pas nouveau !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Cinquième avis : « Des mesures novatrices sont prises en faveur des copropriétés dégradées ou en difficulté. »
    Sixième avis : « Un système de rétablissement personnel permettant aux familles surendettées de sortir de la spirale de l'exclusion est ainsi prévu. »
    Voilà ce qu'a voté à l'unanimité le Conseil national des villes.
    Je ne savais pas que j'entendrai une revue de presse s'étendant sur plusieurs années,...
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Revue de presse très sélective...
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. ... mélangeant des avis de l'IGAS de 1998, un rapport qui a mis un an et demi à être fait sur une mesure datant de dix-huit mois et qui n'avait pas produit ses effets, ainsi qu'un certain nombre de commentaires divers et variés.
    Monsieur Le Bouillonnec, j'aurais préféré que vous disiez à cette assemblée, à propos de l'aide à l'ingénierie et du fonctionnement prévu à l'article 9, lequel constitue une nouveauté, que ...
    M. Maurice Leroy. En effet !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. ... premièrement, les crédits de l'agence peuvent financer le fonctionnement - y compris l'ingénierie sociale ; deuxièmement, et contrairement au programme précédent de M. Bartolone qui imposait aux villes pauvres d'intervenir à concurrence de 20 % sur les grands projets de ville,...
    M. Eric Raoult. Exactement !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. ... nous pourrons maintenant assurer 100 % du financement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Troisièmement, vous avez décidément un problème avec les chiffres ; mais je vous comprends !
    M. Damien Meslot. Ce n'est pas nouveau !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Qu'est-ce qu'un dossier de renouvellement urbain ? Je vais vous expliquer. Montereau ? On en a déjà délibéré. Surville ? C'est en apesanteur par rapport à la ville de Montereau, à l'instar des hauts de Rouen ou du Valdegour à Nîmes et de beaucoup d'autres. Ça n'a pas d'âme...
    Que souhaitent les partenaires sociaux dans le cadre de la concertation ? Car, monsieur Le Bouillonnec, ce n'est pas le ministre de la ville qui fait la concertation.
    M. Eric Raoult. Absolument !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Ce sont les élus locaux, les responsables des exécutifs et l'opposition. Pas le ministre de la ville ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Quelle idée vous faites-vous de la réalité des exécutifs communaux ? Le maire et le directeur des organismes HLM souhaitent plusieurs choses. Un : qu'on améliore l'accès. Deux : qu'on fasse les éclairages. Trois : qu'il y ait des équipements sportifs. Quatre : qu'il y ait des équipements culturels. Cinq : que soient démolies certaines barres. A Montereau, 41 % des logements était vacants, depuis dix ans. A Dreux...
    M. Gérard Hamel. 100 % de logements vacants !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. ... où je suis allé appuyer sur le bouton, cela faisait douze ans que c'était vide. A Montgaillard au Havre, au quartier Wilson à Reims, c'est la même chose ! Au chemin Vert à Boulogne, à Wilvorde à Maubeuge, voilà neuf ans que c'était dans cet état-là !
    M. Gérard Hamel. C'est la réalité du terrain !
    M. Pierre Cohen. Ce n'est pas le problème, et vous le savez bien !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Toutes ces opérations ont des financeurs et des partenaires : conseil régional dans le cadre de ses attributions sur le sport ; conseil général dans le cadre d'autres attributions ; communes et agglomérations ; fonds européens ; organismes HLM ; DDE pour la voirie d'accès, si ce n'est pas une route départementale. A un moment donné, il se trouve que, pour que cela se fasse, il manque de l'argent.
    M. Gérard Hamel. Voilà !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation. C'est ce qu'on appelle l'argent marginal.
    Oui : le programme est d'un peu plus de 30  milliards. Non : il n'a pas été fait dans un bureau. Depuis le 15 juin 2002, toutes les SA et tous les offices d'HLM se sont mobilisés, nous ont remis les dossiers de tous leurs bâtiments et de toutes leurs cités. Nombre de vos amis de votre formation politique sont venus et ont les dossiers.
    M. Maurice Leroy. Bien sûr !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Ils les défendent bien entendu corps et âme, parce que, pour la première fois, ils ont la réelle capacité d'agir.
    Je reviens aux chiffres, avec lesquels vous êtes un peu fâché, monsieur Le Bouillonnec : à Surville, je peux vous dire qu'il y en a exactement pour 246 millions d'euros et que la quote-part de l'Agence sera de 96 millions d'euros. Mais il y a aussi la quote-part de la région, celle du département, celle des différents organismes, celle de la ville, celle de l'Etat au titre des droits communs... Ou vous ne savez pas qu'il y a un Etat, un département, une région, une commune et des organismes, et c'est grave ; ou vous avez fait semblant de ne pas le savoir, et je comprends votre difficulté avec les chiffres. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Vous avez fini par vous dire que j'allais me rattraper sur les chiffres et vous avez conclu que les sommes allouées aux banlieues était notoirement insuffisantes. Désormais, 1 200 millions par an, monsieur Le Bouillonnec, leur seront consacrées. Que dire des 260 millions d'euros de 2000 à 2002 ?
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Pire que dérisoires !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Comment qualifier la somme qui leur a été allouée tous ministères d'Etat confondus, dans les années précédentes. Ce n'était pas dérisoire ? (« Eh si ! » et applaudissement sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Ce qui vous gêne dans cette histoire, monsieur Le Bouillonnec, ce qui vous met dans un embarras invraisemblable, c'est que, pour la première fois, les partenaires sociaux se sont mis d'accord. Pendant cinq ans, vous n'avez pas pu le faire ! Et pourquoi ? Pour une raison simple : pendant cinq ans, vous n'avez assuré les fins de mois du budget général de l'Etat qu'en prélevant en douce, tous les ans, 600 à 800 millions d'euros sur le logement social !
    M. Jacques-Alain Bénisti. Il le sait très bien !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Voilà pourquoi vous n'avez pas pu faire ce programme.
    Ce qui vous dérange, c'est que : un, il y a un accord avec FO, la CFDT, la CGPME, le MEDEF, la CGT, l'Union des HLM et l'Etat, ministère du logement et ministère de la ville regroupés ; deux on copilote ; trois, nous avons enfin les moyens de réussir ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Pierre Cohen. Chiche !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Autre point : vous avez fait preuve d'indélicatesse à l'égard de l'AJAR de Valenciennes. Je trouve cela un peu suffocant !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce n'est pas de l'indélicatesse !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Mais parlons-en. De quoi s'agit-il ? D'expérimenter un service d'aide aux victimes d'urgence dans six villes de France. Ce service donne aujourd'hui satisfaction à tout le monde.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est ce que j'ai dit !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. La seule ville de Valenciennes a secouru 1 820 victimes dans les six premiers mois. Puisque c'est une expérimentation, nous avons expérimentalement mis des crédits expérimentaux pour une période expérimentale de six mois, avant évaluation ! (Sourires.)
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On est d'accord !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Cette opération a été évaluée à Blois, à Boulogne, à Marseille, à Bordeaux, à Mulhouse chez M. Bockel, à Valenciennes. Bien entendu, elle sera reprise par des crédits de droit commun. Quant aux locataires, nous avons prévu qu'ils soient enfin representés aux assemblées générales des SA. Or un amendement contre a été déposé : et il vient de chez vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)     Mme Odile Saugues. Cette mesure est destinée à faire avaler la pilule !
    M. le président. Nous en venons aux explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité.
    La parole est à M. Eric Raoult, pour le groupe Union pour un mouvement populaire.
    M. Eric Raoult. Je ne vais pas reprendre les propos de M. Le Bouillonnec, qui a reconnu que son exception d'irrecevabilité n'en était pas une puisqu'elle répondait en aucun cas au quatrième alinéa de l'article 91. Rien dans ce texte n'est contraire à la Constitution ! Essayons d'être moins polémique que M. Le Bouillonnec l'a été.
    Ayant écouté M. Le Bouillonnec, durant tout le débat sur la justice, je puis affirmer qu'il est meilleur dans la plaidoirie que dans le réquisitoire. S'il connaît bien la justice, il me semble beaucoup moins compétent sur la politique de la ville. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pas du tout !
    M. Eric Raoult. Pardonnez-moi, cher collègue, et attendez la fin de mon propos.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est inadmissible !
    M. Eric Raoult. Vous êtes beaucoup moins expert sur les dossiers des quartiers les plus difficiles de notre pays.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Vos propos !
    M. Eric Raoult. Je suis allé à Cachan à plusieurs reprises, ce qui m'a permis de constater que cette ville ne connaît pas les mêmes problèmes que d'autres.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je n'ai pas parlé de ma commune !
    M. le président. Monsieur Le Bouillonnec, vous vous êtes exprimé pendant une heure et quart ! Laissez parler M. Raoult !
    M. Eric Raoult. La rénovation urbaine, monsieur Le Bouillonnec, ne concerne pas l'ensemble des villes. Elle doit d'abord être orientée vers celles qui ont les quartiers les plus difficiles.
    Lorsque M. Chevènement ou Mme Aubry demandaient à rencontrer M. Gaudin et moi-même, ils savaient qu'ils ne venaient pas voir des ministres de la ville qui ne connaissaient pas le dossier et nous avons essayé de définir le mieux possible les délimitations des zones franches urbaines.
    Il ne faudrait pas être à la fois, monsieur Le Bouillonnec, un député qui critique le ministre dans cet hémicycle, et un maire qui l'invite à venir dans sa ville pour obtenir des subventions de rénovation urbaine. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Absolument !
    M. Eric Raoult. Cela ne se fait pas. Nous ne l'avons pas fait et nous ne le ferons pas. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Cela vous touche, mais c'est la vérité.
    M. Pierre Cohen. C'est inadmissible !
    M. le président. Monsieur Cohen !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. J'ai parlé du projet, pas du ministre !
    M. le président. M. Raoult a seul la parole. Laissez-le parler !
    M. Eric Raoult. Je ne parlerai pas de Toulouse et de La Reynerie, monsieur Cohen !
    Monsieur Le Bouillonnec, je ne suis pas un vieux parlementaire, mais je me souviens du premier débat qui s'est déroulé ici sur ce sujet le 18 décembre 1990, en présence de l'actuel président de l'Union sociale pour l'habitat, M. Delebarre. Or j'avais réagi par rapport à lui, comme vous l'avez fait aujourd'hui, c'est-à-dire idiotement, en m'attachant d'abord à la couleur politique du ministre, avant de voir la boîte à outils proposée pour trouver des solutions.
    Tout ministre de la ville, quelle que soit sa tendance politique, a toujours travaillé en fonction des dossiers présentés et non des positions politiques défendues.
    En l'occurrence, il convient simplement de se demander si ce texte peut apporter des améliorations en matière de développement économique. Nous estimons que l'on peut répondre par l'affirmative.
    Pour un maire qui, à cause d'un quartier de sa ville, est souvent à l'honneur dans la rubrique faits divers, il est bon, un jour, de figurer dans la rubrique « développement économique ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    En ce qui concerne la rénovation urbaine, monsieur Le Bouillonnec, je dois rappeler que, quand Mme Lienemann avait proposé, elle aussi, de passer de quelques milliers de démolitions-reconstructions à plusieurs dizaines de milliers, nous ne l'avions pas critiquée.
    M. Pierre Cohen. Il n'a pas écouté !
    M. Eric Raoult. Nous savions d'ailleurs que le Président de la République allait formuler la même proposition.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous n'avons jamais critiqué cela ; vous n'entendez rien !
    M. Eric Raoult. Si vous n'entendez pas, vous pourriez soit vous déboucher les oreilles (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)...
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est vous qui ne nous entendez pas !
    M. Eric Raoult. Dans ce dossier, monsieur Le Bouillonnec, nous avons essayé de travailler tous ensemble, plus avec notre coeur qu'en fonction de notre couleur politique.
    Aujourd'hui j'ai invité à déjeuner, avec ses parents, ma députée junior, Sarah-Lise, qui habite Clichy-sous-Bois, dans un quartier difficile.
    Mme Odile Saugues. On fait pleurer Margot !
    M. Eric Raoult. Je les ai ensuite emmenés dans les tribunes du public en leur disant que nous allions parler de la politique de la ville et de Clichy-Montfermeil. Je voudrais donc qu'elle puisse ensuite raconter dans son quartier qu'elle a vu non pas la droite qui en mettait plein la tête à la gauche ou l'inverse, mais un ministre, M. Borloo, qui avait de bonnes idées et qui voulait faire avancer les choses.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce n'est pas le problème, le ministre !
    M. Eric Raoult. Monsieur Le Bouillonnec, puisque vous êtes bon en matière de justice, essayez d'être meilleur en matière de ville ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du goupe Union pour la démocratie française.)
    M. Pierre Cohen. Lamentable !
    M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Mme Muguette Jacquaint. Si nous avions pu défendre une motion de procédure, nous aurions également eu beaucoup de choses à dire, mais nous en aurons l'occasion, au cours des débats. Je ne suis évidemment pas tout à fait d'accord avec mon collègue M. Raoult.
    M. Eric Raoult. Heureusement ! J'en suis content !
    Mme Muguette Jacquaint. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois !
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Et pas la dernière !
    Mme Muguette Jacquaint. En effet, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas critiquer ici le ministre de la ville quand il nous propose un projet de loi. Parlementaires, nous siégeons pour donner notre avis. Cela n'est pas incompatible avec le fait de l'inviter, comme cela a été notre cas à La Courneuve, pour lui montrer à quelles difficultés on se heurte quand on veut agir contre les injustices et les inégalités dont vous parlez...
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C'est bien ce qu'on dit !
    Mme Muguette Jacquaint. ... et lui demander que nous soient donnés les moyens nécessaires.
    Qui ne voudrait pas, dans cet hémicycle, que l'on agisse contre les inégalités, contre les injustices et en faveur de la rénovation urbaine ? Nous y sommes favorables, monsieur le ministre.
    Je ne suis pas mariée avec les chiffres, mais je constate que nous avons d'énormes difficultés dans nos villes pour mettre fin aux injustices et à la mal-vie que nous connaissons dans les quartiers.
    M. Jacques-Alain Bénisti. Cela va changer !
    Mme Muguette Jacquaint. Monsieur, je suis comme saint Thomas, j'attends de voir avant de juger. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Eric Raoult. Vive la laïcité !
    M. Jacques-Alain Bénisti. On en parlera dans quatre ans !
    Mme Muguette Jacquaint. On verra !
    M. Jacques-Alain Bénisti. Eh bien, vous verrez !
    M. Patrick Braouezec. Voyons déjà les crédits de paiement, par exemple !
    Mme Muguette Jacquaint. Ainsi, nous avons de grandes difficultés, après les démolitions, pour reloger les familles concernées. Je peux vous assurer que c'est un véritable casse-tête et un crève-coeur. D'ailleurs, ceux qui, aujourd'hui, sur les bancs de droite, disent qu'il faut lutter contre les inégalités ne sont pas souvent ceux qui acceptent de recevoir les familles en cause.
    Mme Nathalie Gautier. C'est vrai !
    Mme Muguette Jacquaint. Il est en effet très difficile de les reloger dans d'autres villes. Je ne dis pas cela parce que nous voudrions envoyer ailleurs ces populations, d'autant que, malgré les difficultés qu'elles éprouvent, elles aiment leur ville et elles veulent continuer à y vivre mais à condition de ne pas se sentir exclues et d'avoir des logements de qualité,...
    M. Gérard Hamel. C'est ce que veut le ministre !
    Mme Muguette Jacquaint. ... un urbanisme de qualité, un enseignement de qualité pour leurs enfants, ainsi que des possibilités d'y trouver des emplois.
    M. Jacques-Alain Bénisti. Vous allez donc voter le projet de loi ! C'est bien !
    Mme Muguette Jacquaint. Nous reviendrons sur les zones franches, dont on nous dit qu'elles vont être créatrices d'emplois. Or le bilan actuel demande à être bien amélioré.
    M. Jacques-Alain Bénisti. Nous sommes d'accord !
    Mme Muguette Jacquaint. Si, dans certaines, à Roubaix par exemple, les résultats sont bons, ailleurs cela a coûté cher pour peu d'emplois.
    Nous avons une zone franche à La Courneuve, mais ma principale inquiétude n'est pas liée uniquement à la politique de la ville. Imaginons - et encore faudrait-il en revoir le périmètre - que l'on y crée quelques emplois, notamment dans le commerce,...
    M. Gérard Hamel. Il y a aussi ceux que l'on préserve !
    Mme Muguette Jacquaint. ... mais que l'on nous annonce, dans quelques mois, la fermeture du site d'Alstom, qui représente 400 emplois. Il ne servira plus à rien d'essayer de tenir ce quartier au-dessus de l'eau car ce sera l'équilibre général de la ville qui sera percuté de plein fouet, à commencer par la perte de taxe professionnelle.
    M. le président. Il faut conclure, madame Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Nous avons aussi le droit de nous interroger quand on nous dit qu'il va falloir diminuer les crédits et les dépenses publiques, car les moyens annoncés ne suffiront déjà pas à satisfaire l'ambition que le ministre se fixe et ils ne correspondront pas à l'action que nous voulons mener pour nos villes et nos populations.
    Voilà pourquoi nous voterons l'exception d'irrecevabilité.
    M. le président. La parole est à Mme Odile Saugues, pour le groupe socialiste.
    Mme Odile Saugues. M. Le Bouillonnec a fort bien démontré que ce projet était socialement irrecevable. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire).
    M. Eric Raoult. Non, justement !
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Socialistement irrecevable, vous voulez dire ! Ce n'est pas la même chose !
    Mme Odile Saugues. Je conçois que cela vous déplaise !
    Il a aussi démontré la minceur de votre texte, monsieur le ministre. En effet, vous proposez une politique de la ville sans les habitants. C'est l'essentiel de votre démarche, mais cela ne correspond pas à la nôtre. Vous proposez un projet urbain technicien, sans accompagnement social, en contradiction avec vos projets de décentralisation. Nous aurons largement le temps de revenir sur ces thèmes tout au long des débats.
    Jean-Yves Le Bouillonnec a également fort bien démontré que votre projet de loi était un catalogue de bonnes intentions présentées la larme à l'oeil - et ce n'est pas l'intervention d'Eric Raoult qui y prouvera le contraire -, mais sans moyens solides, surtout du côté de l'Etat, nous avons déjà, en un an, pu mesurer le désengagement en ce domaine. La conception que nous avons des devoirs de l'Etat envers nos concitoyens des quartiers défavorisés est totalement différente de la vôtre, monsieur le ministre. Pour nous, de bonnes intentions ne feront jamais une bonne loi.
    Le soutien aux quartiers en difficulté et à nos concitoyens les plus fragiles n'est pas l'apanage de la seule droite de l'Assemblée, mais votre projet n'est pas le nôtre.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Tant mieux !
    Mme Odile Saugues. Pour toutes ces raisons, nous voterons l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Maurice Leroy, pour le groupe Union pour la démocratie française.
    M. Eric Raoult. Lui, c'est un expert !
    M. Maurice Leroy. Je dois dire que l'explication de vote du groupe UDF est grandement facilitée par la conclusion honnête - il faut le reconnaître - de l'auteur de l'exception d'irrecevabilité. Il n'est donc pas utile d'en débattre longuement et je ne comprends même pas pourquoi il va la voter. Je crois que c'est la première fois dans cet hémicycle - j'en prends à témoin Jean Le Garrec - que le défenseur d'une exception d'irrecevabilité conclut son propos sans même faire semblant de la justifier par un motif constitutionnel. En effet, quand il n'existe aucune possibilité crédible et que les auteurs de la motion n'ont pu trouver une disposition de la Constitution de 1958 pour appuyer leur démonstration, ils se rabattent sur le préambule de celle de 1946 dont le contenu général est très pratique. A cet égard au moins, notre collègue Jean-Yves Le Bouillonnec a été clair, franc, massif, honnête ! (Sourires.)
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je souhaitais parler de la politique de la ville.
    M. Eric Raoult. C'est un honnête homme !
    M. Maurice Leroy. C'est comme s'il avait conclu, après une intervention d'une heure et quart, que son propos était irrecevable.
    M. Jean-Pierre Blazy. C'est vous qui êtes irrecevable !
    M. Maurice Leroy. En conséquence, nos explications de vote paraissent complètement irréalistes puisqu'on nous demande de prononcer l'irrecevabilité d'un texte auquel on n'a rien trouvé d'irrecevable !
    Cela tient sans doute au fait que, dans la forme - d'ailleurs, Victor Hugo disait que la forme, c'était toujours du fond qui revient à la surface -, nos collègues socialistes sont très gênés !
    A cet égard, j'ai mieux compris l'intervention de Muguette Jacquaint. (Rires et exclamations.)
    M. Jean-Pierre Blazy. C'est normal.
    M. Maurice Leroy. Ce qu'elle a dit est juste.
    M. Patrick Braouezec. Eh oui !
    Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est la nostalgie !
    M. Jacques-Alain Bénisti. Momo le Rouge ! (Sourires.)
    M. Maurice Leroy. Je n'ai jamais renié ni mon passé ni ma nostalgie, mes chers collègues, et nous pouvons en parler quand vous le voudrez.
    M. Patrick Braouezec. Nostalgie, quand tu nous tiens ! (Sourires.)
    M. Maurice Leroy. Monsieur Braouezec, je ne vais tout de même pas vous chanter Souvenirs, souvenirs ! (Sourires.)
    Bref, Muguette Jacquaint a tenu des propos réalistes, car il est indéniable que la politique de la ville ne peut parvenir à elle seule à résoudre tous les problèmes et tous les drames sociaux. Elle a évoqué le cas d'Alstom, mais nous connaissons tous des plans sociaux qui ont provoqué de véritables drames. Nous devons tous travailler à les éviter.
    Cela étant, j'ai un regret, monsieur Le Bouillonnec, car, s'il est un domaine dans lequel on devrait transcender les clivages, c'est bien la politique de la ville. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Eric Raoult. Exactement !
    M. Maurice Leroy. Mais si, chers collègues ! De grâce, cessons de nous balancer à la figure des exemples et des chiffres !
    M. Patrick Braouezec. Depuis deux mois, c'est au moins le cinquième sujet sur lequel on devrait « transcender les clivages » !
    M. Maurice Leroy. Il est plus facile de gesticuler sur les bancs que de tenir compte de la réalité du terrain. Or vous savez bien que si ce texte n'était pas voté, même avec ses imperfections, car il en a forcément, les seuls gagnants dans les quartiers seraient les barbus et les crânes rasés.
    Il faut le dire clairement !
    Nous voterons ce texte et nous rejetterons évidemment l'exception d'irrecevabilité dont son défenseur lui-même a démontré qu'elle n'en était pas une !
    Par ailleurs, chers collègues de l'opposition, avez-vous oublié que, dans le gouvernement « Jospin I », comme on dit dans les revues de presse que nous a abondamment servies M. Le Bouillonnec, il n'y avait même pas de ministère de la ville ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Eric Raoult. Eh non !
    M. Maurice Leroy. Cela a été récupéré dès le premier remaniement, tellement c'était flagrant. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Ne protestez pas, et allez regarder les attributions des ministres ! Tout le monde peut le vérifier dans le Journal officiel.
    M. Pierre Cohen. C'était Mme Aubry !
    M. Yves Jego. Personne ne s'en est aperçu !
    M. Maurice Leroy. Non, cela ne figurait même pas dans les attributions à rallonge de Mme Aubry, trop préoccupée à se charger des 35 leurres. (Rires sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    Nous voterons donc contre cette exception d'irrecevabilité, parce que, comme Jean-Louis Borloo l'a très bien démontré, l'objectif de ce texte est de rétablir l'égalité des chances dans les quartiers, de soutenir l'activité et l'emploi. Or chacun sait que le succès passe par là. Certes, le temps médiatique ne correspond jamais au temps du projet. Cela est vrai sous tous les gouvernements ; il faut avoir le courage politique de le dire.
    M. le président. Il faut conclure, cher collègue.
    M. Patrick Braouezec. Dommage ! (Sourires.)
    M. Maurice Leroy. Nous devrions donc adopter à l'unanimité ce texte qui va dans la bonne direction et qui permettra d'asseoir la politique de la ville dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.
    (L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)

    (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint.
    Mme Muguette Jacquaint. Je demande, avant d'entamer l'examen de la question préalable, une suspension de séance de quelques minutes.
    M. le président. Elle est de droit, puisque vous êtes porte-parole du groupe des député-e-s communistes et républicains. Cela vous permettra de la réunir. (Sourires.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.)
    M. le président. La séance est reprise.

Question préalable

    M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à M. Pierre Cohen.
    M. Pierre Cohen. Nous sommes ici aujourd'hui, monsieur le ministre, un 10 juillet, en session extraordinaire, à quelques députés seulement, presque à huis clos, et au moment où la France découvre les joies d'un repos bien mérité,...
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous préféreriez partir en vacances plutôt que de traiter de la politique de la ville. Ah bravo !
    M. Pierre Cohen. ... même si le conflit des intermittents du spectacle est là pour rappeler que la politique de votre gouvernement, avec ses options libérales, sa précipitation et sa brutalité, est de plus en plus rejetée par les Français.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est vrai !
    M. Pierre Cohen. C'est dans ce contexte que le Gouvernement a choisi de soumettre au Parlement ce qui aurait pu être l'un des grands projets de loi de cette législature.
    Je voudrais dire à M. Raoult que nous ne sommes pas du tout dans une logique de critique - je ne pense pas avoir entendu M. Le Bouillonnec s'en prendre personnellement au ministre.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Certainement pas !
    M. Pierre Cohen. Nous sommes tous ici des députés qui connaissons la politique de la ville, qui y travaillons et qui en avons une certaine conception.
    Ce projet de loi nous donne l'occasion de mettre sur la table ce que nous pensons. Il s'agit de faire ensemble une politique de la ville qui réussisse. En ce domaine, nous devons tous faire preuve d'humilité, car, depuis une bonne dizaine d'années, nos majorités respectives ont à peu près autant gouverné et nous avons tous manqué de capacité d'anticipation.
    Cela dit, après le difficile débat sur les retraites, ce sujet méritait mieux qu'un traitement précipité dans un contexte d'indifférence générale. Nous nous soumettrons donc, monsieur le ministre, à ce calendrier avec regret. Toutefois, si je défends cette question préalable, ce n'est pas pour contester le calendrier, mais pour déplorer que cette loi d'orientation, en l'état actuel, ne soit pas à la hauteur de son intitulé. J'aurais tendance à la renommer « diverses mesures d'ordre législatif pour quelques quartiers ». En elles-mêmes, ses dispositions sont positives. Mais « loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine » laissait attendre un texte fort, à la hauteur des enjeux. On nous propose des déclarations d'intention, et des mesures bien incomplètes, et c'est ce que nous allons essayer de prouver par des amendements que nous allons proposer. Pourtant, monsieur le ministre, vous avez fort bien décrit les enjeux.
    La politique de la ville fait l'objet d'une attention particulière depuis près d'une vingtaine d'années et chaque gouvernement a pu mesurer, quelles que soient son implication et sa volonté, plus ou moins affirmée, à résoudre les inégalités territoriales et sociales, que l'action publique dans ce domaine est extrêmement complexe.
    La loi d'orientation sur la ville, le pacte de relance pour la ville et la loi sur l'intercommunalité de 1999 constituent le socle de notre législation dans ce domaine, mais, malgré les efforts déployés, comme vous l'avez dit, et ainsi que Jean-Yves Le Bouillonnec l'a bien décrit, la fracture territoriale s'est installée, et la crise urbaine a engendré la ségrégation sociale et ses corollaires, spirale de disqualification et de paupérisation.
    La question est rendue plus complexe encore par la difficulté d'anticiper l'évolution des phénomènes socio-urbains, afin d'en mieux maîtriser les tendances exacerbées, d'endiguer la violence et de répondre à des situations bloquées, n'offrant aucune perspective d'avenir à bon nombre de ceux qui vivent là et n'ont très souvent pas eu le choix de vivre ailleurs.
    Sur le terrain, des associations, des bénévoles, des élus - et on ne peut pas parler de bons ou de mauvais élus - se mobilisent dans des actions souvent consensuelles pour sortir les quartiers sensibles de l'impasse dans laquelle ils se trouvent. Il y a une volonté commune d'agir, avec des ambitions affichées, mais force est de constater que, si les grandes orientations ont été globalement partagées par les différents ministères qui se sont succédé, les dispositifs et leur mise en oeuvre sur le terrain sont pour partie différenciés en fonction de la sensibilité politique des gouvernements qui les ont portés. Il y a des différences de points de vue, il ne faut pas le nier, même si notre objectif à tous est de réussir.
    Ce nouveau projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine est à ce titre significatif. Nous aurons l'occasion de pointer au cours de ce débat les divergences qui nous différencient.
    Si nous critiquons et montrons un certain nombre d'insuffisances, monsieur Raoult, ce n'est pas pour attaquer le ministre ou nier ce qui est à faire, c'est pour mettre sur la table ce qu'il nous semblerait opportun de faire.
    M. Eric Raoult. Voilà qui est mieux !
    M. Jacques-Alain Bénisti. Cela commence bien, on ne sait pas comment ça va finir !
    M. Pierre Cohen. C'est exactement ce qu'a fait pendant une heure et quart mon collègue Jean-Yves Le Bouillonnec.
    M. Jacques-Alain Bénisti. Non !
    M. Pierre Cohen. Tout d'abord, monsieur le ministre, je salue votre volonté de légiférer dans ce domaine par une loi-cadre qui fixe des orientations et des moyens pour une durée de cinq ans. L'objectif pouvait paraître louable et ambitieux, mais, à trop se précipiter, on passe parfois à côté de l'essentiel. L'échéance du 14 juillet, fête nationale de plus en plus médiatisée en discours de politique générale, a sûrement accéléré les choses et on examine ainsi ce texte avant les vacances. Cela permettra au Président de la République d'indiquer dans son bilan d'une année de gouvernement une action en faveur des quartiers.
    M. Gérard Hamel. Cela va surtout nous permettre d'agir !
    M. Pierre Cohen. Mais, comme nous certainement, je pense que les quartiers ne peuvent plus souffrir d'effets d'annonce.
    Ce texte soulève quelques interrogations et, en premier lieu, en ce qui concerne l'objectif à atteindre, car, contrairement à ce qui semblait être affiché, la loi d'orientation ne traite pas de la politique de la ville, mais de la politique de certains quartiers. Elle se limite, en effet, aux zones urbaines sensibles, vision assez réductrice de la politique de la ville, qui peut induire sa remise en cause si on n'y prend pas garde.
    Par ailleurs, tout nouveau dispositif doit pouvoir s'articuler avec ceux qui sont en place et qui fonctionnent de façon à mettre en cohérence les actions de l'Etat, celles des collectivités territoriales et celles des associations. Dans la négative, il est voué à l'échec.
    Or votre loi d'orientation et de programmation de la ville ne fait jamais référence aux dispositifs essentiels de la politique de la ville, qui, même s'ils sont loin d'être totalement concluants, ont permis tout de même des avancées - que serait-il arrivé, en effet, s'il n'y avait pas eu de politique de la ville ? -,...
    M. Eric Raoult. Très bien !
    M. Pierre Cohen. ... dispositifs comme les contrats de ville, les grands projets de ville, les contrats locaux de sécurité et autres conventions locales, qui structurent déjà fortement la politique de la ville, en particulier localement.
    La mise en oeuvre d'un projet urbain relève de négociations contractuelles entre l'Etat et les collectivités territoriales, j'aurai l'occasion d'y revenir, et il ne faut pas se mettre en colère si nous mettons en avant le fait qu'il faut absolument l'enrichir de la participation des habitants. Ce n'est pas du leurre. En tant qu'élu local, on représente les habitants, mais on sait très bien qu'on a de plus en plus besoin d'avoir l'avis des gens concernés. Pour la deuxième génération des contrats de ville, on a fait le constat cruel que la participation des habitants était absolument défaillante.
    M. Gérard Hamel. Pas partout !
    M. Pierre Cohen. C'est peut-être l'occasion d'en parler, ce n'est pas évident à mettre en oeuvre. En tout cas, l'articulation nécessaire entre les acteurs n'apparaît pas dans cette loi d'orientation.
    Mon dessein n'est pas de remettre en cause la politique de la ville, dont vous êtes personnellement porteur - mais un ministre porte la politique d'un Gouvernement -, mais plutôt de démontrer les illusions et les insuffisances d'un texte. Sur tout ce que vous dites, on est d'accord, mais c'est sur un texte qu'on va discuter pendant deux jours. Dans trois ans ou dans cinq ans, ce n'est pas ce qu'aura déclaré M. Borloo qui comptera,...
    M. Eric Raoult. On est d'accord !
    M. Pierre Cohen. ... c'est la loi que nous aurons votée.
    M. Eric Raoult. Il ne faut pas critiquer avant alors ! Il faut voir !
    M. Pierre Cohen. La critique a priori peut être très constructive.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !
    M. Eric Raoult. D'accord !
    M. Pierre Cohen. Ce n'est pas le texte de M. Borloo, c'est celui du Gouvernement. Or le Gouvernement a agi depuis un an, et tout le monde a vu l'émotion qui, depuis cinq ou six mois, a suivi un certain nombre d'annonces. Je veux parler des gels de crédits, même si plusieurs d'entre eux ont été supprimé qui s'ajoutent à des restrictions et qui affectent notamment le FASILD.
    Qu'aurait-on fait à la fin des cinq ans, pourra-t-on, je sais, me rétorquer ? Mais vous savez très bien que, pour les associations, les aides à l'emploi et les emplois-jeunes ont été un moteur extraordinaire pour pallier quelques insuffisances de l'Etat et parfois même des collectivités territoriales.
    M. Gérard Hamel. Et la sortie ?
    M. Pierre Cohen. Vous en étiez tellement convaincu, monsieur le ministre, que vous nous avez annoncé de nombreuses fois que vous alliez mettre en oeuvre les métiers de l'humain. Je trouvais le terme ambitieux, il y a tout de même la force des mots. Où sont-ils dans cette loi ? J'aurais bien aimé les y trouver car ils me semblent être la continuité des emplois-jeunes ou en tout cas d'un certain nombre d'aides à l'emploi dans les quartiers.
    Je parlerai également de la suppression des crédits CAF pour le périscolaire, de l'atteinte portée aux services publics - avec tous ces débats qui désignent la fonction publique et les fonctionnaires comme l'ennemi à abattre - et des incertitudes concernant le maintien des ZEP.
    Une telle politique, globalement, nous empêche d'appréhender cette loi dans un contexte serein et de la soutenir. Comment peut-on afficher des ambitions pour la ville alors que, dans le même temps, vous faites abstraction de ce qui avait pourtant donné des résultats tangibles, même s'ils étaient imparfaits ?
    Des omissions, des abandons, votre texte, dont le contenu apparaît assez étriqué, pourrait aussi frôler le hors-sujet avec le chapitre sur l'endettement - Alain Vidalies en parlera plus longuement et avec beaucoup plus de brio que moi puisqu'il connaît extrêmement bien le sujet - qui, s'il garde sur le fond toute sa légitimité, apparaît ici décalé. La plupart du temps, en effet, les populations touchées par ce phénomène ne vivent pas dans les quartiers en difficulté.
    Il y a donc bien là une juxtaposition de mesures parfois intéressantes et d'autres dangereuses. C'est l'occasion de les passer en revue point par point.
    L'article 1er me paraît être le parfait exemple de ce que j'ai avancé.
    Il fixe des ambitions : la réduction des inégalités sociales et le rééquilibrage du développement entre les territoires.
    M. Maurice Leroy. Excellent !
    M. Pierre Cohen. On ne peut qu'y adhérer. Jusque-là, tout va bien.
    Il nomme ensuite les partenaires concernés : l'Etat, les collectivités territoriales et les organismes qui les représentent. Ce n'est pas nouveau d'ailleurs car les rapports Dubedout et Bonnemaison ont été les premiers à montrer, dès le début des années 80, qu'il fallait un partenariat, donc une contractualisation, entre l'Etat et les collectivités territoriales. Tout le monde, je crois, a travaillé dans ce sens.
    Enfin, et le sujet est beaucoup plus délicat et doit être débattu, il fixe un territoire, la ZUS, la zone urbaine sensible, comme l'unité de référence de la nouvelle politique de la ville. Vous l'avez même appelée en commission le cordon sanitaire. Tout est donc concentré sur la ZUS.
    Nous ne couvrons pas ainsi la totalité des territoires qui sont en difficulté, même si cela concerne une bonne partie des quartiers les plus en difficulté, et cette nouvelle géographie met en instance un certain nombre de questions cruciales pour les communes. Que deviendront en effet des dispositifs comme les contrats de ville, dont, parfois, une partie seulement des territoires concernés sont en ZUS, les GPV, les territoires n'étant pas obligatoirement en ZUS ou d'autres comme les ORU ? Comment des dispositifs à vocation de traitement social s'intégreront-ils dans des conventions qui reposent essentiellement sur l'aménagement urbain ?
    Il y a là de fait une absence d'articulation qui va soulever localement de nombreux problèmes. Ce manque de visibilité - tous les acteurs ont quelques difficultés à s'y retrouver - aurait pu être l'occasion de permettre une meilleure lisibilité des territoires de la politique de la ville : ZUS, ZRU, ORU, GPV, ZFU. On a juxtaposé les dispositifs. Une loi d'orientation et de programmation aurait dû avoir l'ambition de remettre tout à plat.
    M. Jacques-Alain Bénisti. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait pendant cinq ans ?
    M. Pierre Cohen. J'y reviendrai.
    Comme l'ont dit plusieurs intervenants, on doit agir sur les acteurs qui travaillent sur les quartiers en difficulté mais aussi faire mieux accepter ces quartiers par les gens de l'extérieur. Ce n'est qu'à ce prix que l'on arrivera à mener une politique de la ville jusqu'au bout.
    Cette nouvelle donne doit pouvoir intégrer tous les territoires prioritaires dans le périmètre des ZUS, car, à trop juxtaposer les dispositifs, on perd beaucoup en lisibilité.
    Ensuite, je relève un problème de fond qui, même s'il est rarement soulevé, nous oppose en raison de nos sensiblités politiques respectives.
    Comme le gouvernement d'Edouard Balladur en 1993 - on sait qui était ministre de la ville...
    M. Maurice Leroy. C'était Mme Veil.
    M. Pierre Cohen. ... vous pensez résorber les inégalités territoriales en appréhendant la politique de la ville dans la limite des périmètres des quartiers en difficulté.
    Bien sûr, nous sommes loin d'avoir parfaitement réussi, mais, pour nous, une politique de la ville ne peut se faire que si l'ensemble des habitants sont concernés. C'est un tout qui se conjugue avec une politique spécifique des quartiers. La loi Chevènement, qui a confié la politique de la ville aux communautés d'agglomération, et la loi SRU vont dans le bon sens.
    Les réponses doivent être apportées sur un territoire qui dépasse largement le quartier. Il y a le problème de l'intercommunalité, le problème de l'emploi, le problème du logement. J'aurai l'occasion d'y revenir. Je tiens néanmoins à souligner que mon propos n'est pas de mettre l'accent sur les échecs des uns ou les avancées des autres.
    Enfin, l'article 1er indique que les programmes d'action fixent des objectifs sur la base d'indicateurs qui renseignent sur l'évolution des difficultés observées.
    Vous affichez des ambitions, et vous nous donnez comme seule perspective de créer un observatoire avec des indicateurs. On peut en discuter, mais ils ne sont même pas dans la loi, ils sont en annexe. Le problème, c'est qu'ils peuvent être fluctuants. Ils permettront de mesurer l'évolution, comme un thermomètre. Nous n'avons donc aucun affichage exact, seulement des déclarations. On verra avec le projet de loi de finances pour 2004.
    La plupart des territoires ayant signé un contrat de ville se sont doté d'observatoires. L'agglomération toulousaine, que je suis de très près, a déjà un observatoire qui fonctionne très bien sur les phénomènes de délinquance. Comme un thermomètre, il donne la température et donc le niveau de difficulté, mais, si vous ne précisez pas dans la loi quels sont les moyens de régler le problème, comment faites-vous ? Vous voulez imposer dans les instances de délibération des collectivités territoriales un débat autour des rapports qui s'appuient sur les indicateurs. C'est largement insuffisant. Il peut en effet y avoir un débat avec des réflexions très pertinentes. S'il n'y a pas de moyens, de volontarisme et surtout d'orientations définies par l'Etat, parce que l'Etat est aussi un pilote de la politique de la ville, on peut avoir de très bons débats avec le même constat dans plusieurs années.
    Sur ces critères, ces indicateurs, il y a là de quoi débattre. J'espère qu'à l'occasion de la discussion des amendements, vous pourrez être plus précis.
    Dans les quartiers, la question du logement est prégnante. Vous vous y attaquez. L'emploi est un facteur déterminant. Vous essayez de faire quelque chose. Je ne suis pas sûr que ce soit le meilleur moyen, nous en discuterons. On sait très bien que l'éducation, dans sa dimension scolaire, mais aussi à travers les acteurs qui l'animent, y compris les parents, est fondamentale, également la sécurité - on aurait d'ailleurs dû parler de prévention, mais, malheureusement, M. Sarkozy s'est accaparé ce dossier, j'espère qu'on le fera à la rentrée - , ainsi que la santé, la culture ou le sport.
    On ne voit donc pas la colonne vertébrale qui permettrait de savoir quel serait au-delà du logement, c'est-à-dire le hard, le soft, les moyens humains, pour arriver à faire une véritable politique de la ville. La loi est silencieuse sur tout cela.
    Je ne peux pas préjuger le contenu des décrets, mais, vous le savez certainement mieux que moi, s'ils ne font pas référence à des dispositifs qui existent comme les PLIE, la veille éducative, les CLS, les contrats de ville, qui ont pourtant fait avancer la politique de la ville, ...
    M. Jacques-Alain Bénisti. Rien à voir ! Ce n'est pas le même débat !
    M. Pierre Cohen. ... je ne vois pas quelle coordination et quelle cohérence nous aura apporté ce nouvel édifice.
    Une loi d'orientation et de programmation aurait été l'occasion de poser de nouvelles bases, un nouveau cadre, en affirmant des nouveaux axes tout en s'appuyant sur les actions à développer et à renforcer. Vous nous avez expliqué, tout à l'heure, qu'il n'était pas question pour vous de remettre en cause ce qui existe. Le problème, c'est que les acteurs ne savent pas ce qui sera renforcé. Surtout après une année budgétaire où l'on a eu des va-et-vient entre les gels, où les associations se sont mises à protester parce qu'elles avaient l'impression qu'elles ne finiraient pas l'année, je peux vous garantir qu'il n'y a pas dans ce texte de quoi les rassurer.
    Je note, de plus, qu'il y a une grande absente dans ce texte, cela a été mentionné plusieurs fois par le CNV ou d'autres, c'est la place des habitants. La deuxième génération des contrats de ville a déjà démontré que leur participation était nécessaire. Il y a eu un certain nombre de tentatives. Il aurait fallu dresser un bilan. Pourquoi la place des habitants est-elle si complexe et si difficile ? Je ne pense pas que ce soit simplement parce que les élus ont le sentiment de représenter tout le monde, d'autant plus que, dans le cadre de la loi sur la démocratie de proximité, il est aussi créé des conseils des quartiers. On peut organiser une réunion publique avec les conseils des quartiers pour discuter des fameux critères, connaître la position des habitants et, peut-être, déboucher sur une dynamique autre que celle qui résulte d'un débat au conseil municipal.
    Vous défendez l'idée d'un observatoire d'évaluation des indicateurs. Nous pouvons y avoir quelques divergences parce que votre texte de loi donne l'impression, comme souvent M. Sarkozy quand il parle de la politique de la ville, que l'évaluation n'existe pas. On sait très bien que, depuis quelques années, il y a eu un déficit d'évaluation. Maintenant, pour pratiquement toutes les actions, il faut prévoir une évaluation. La plupart des GIP ont des chargés de mission à l'évaluation. On n'a peut-être pas de résultat, mais ceux qui connaissent bien la politique de la ville savent très bien que c'est extrêmement difficile. C'est en tout cas quelque chose qui est en marche. La loi ne fait que confirmer. Fallait-il légiférer pour cela ?
    L'article 1er est donc une bonne déclaration d'intention, mais il manque réellement de contenu et s'appuie sur un certain nombre de dispositifs qui existaient pratiquement déjà.
    Vous attaquez ensuite ce qui me semble être le coeur de votre loi. C'est le programme national de la rénovation urbaine.
    Vous annoncez de manière ambitieuse vouloir construire 200 000 logements locatifs sociaux en cinq ans et en réhabiliter 200 000 autres, avec des opérations de démolition, la réhabilitation des parties communes des immeubles, un soutien aux copropriétés dégradées et en situation de fragilité financière. Bref, vous reconnaissez que le logement est au coeur des difficultés que nous rencontrons.
    Je ne sais pas si, moi aussi, je suis fâché avec les chiffres. En tout cas, je vais être obligé d'en citer certains qui nous semblent incontournables.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr, il faut le faire !
    M. Pierre Cohen. Pour la mise en oeuvre de ce programme, l'Etat débloquera un financement de 2,5 milliards d'euros sur cinq ans, avec une dotation annuelle de 465 millions d'euros. La Caisse des dépôts et consignation participe sous forme de prêts. Les organismes HLM interviennent également dans le financement, mais, à ce jour, le chiffrage annoncé par le ministère est contesté par l'Union sociale pour l'habitat. L'Union européenne est aussi partenaire, de même que les collectivités territoriales et l'Union d'économie sociale du logement.
    Globalement, l'effort supplémentaire fourni par l'Etat est relativement faible, puisqu'il est estimé à 60 millions d'euros par an sur les 465 prévus. Nous sommes donc très loin des 30 milliards par an que vous aviez annoncés.
    M. Maurice Leroy. Mais non, ce ne sont pas les bons chiffres !
    M. Pierre Cohen. Une fois de plus, l'Etat va se tourner vers les collectivités territoriales et les bailleurs sociaux.
    Certes, la commune de Toulouse pourra le faire puisqu'elle a zéro euro d'endettement. Mais nombreuses seront les villes - je ne sais pas si M. Cardo est encore là - qui auront de grosses difficultés à finir le tour de table. D'ores et déjà, les financements sont incertains : le logement social est devenu une variable d'ajustement du budget de l'Etat. En 2003, 30 % des financements réservés au logement dans le budget ont été gelés par Bercy et 9 % ont été définitivement annulés.
    Vous tenez donc, monsieur le ministre, un discours volontariste pour changer la physionomie des quartiers d'habitat social. Nombre de vos partenaires sont prêts à vous suivre dans cette voie, mais ces annonces sont-elles à la hauteur des besoins criants que nous connaissons, dont nous parlent ceux que nous recevons dans nos permanences ?
    Plusieurs députés ont rappelé que Mme Lienemann avait déjà souhaité faire de la notion de destruction-reconstruction une priorité.
    M. Maurice Leroy. C'est vrai !
    M. Pierre Cohen. Cela me paraissait une bonne démarche.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !
    M. Pierre Cohen. Pourquoi ces dossiers rencontrent-ils de grosses difficultés ? Peut-être, sur la question, avons-nous une divergence de points de vue. Pour vous, le seul problème, le seul frein, c'est le montage financier, c'est la difficulté de réunir des fonds. La notion de guichet permettant d'avoir des financements communs est une bonne idée. Mais nous verrons tout à l'heure pourquoi l'agence nous fait peur.
    Pourquoi un guichet peut-il nous amener plus loin ? On sait très bien que, même si la destruction-reconstruction est un concept extrêmement fort, qu'il faut soutenir, elle ne se fait pas. Quand cela se fait rapidement, la gestion du peuplement vide les immeubles et les cages d'escalier.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Voilà !
    M. Pierre Cohen. Cette solution était relativement aisée, et acceptée par tout le monde ou presque...
    M. Maurice Leroy. Demandez à Le Drian à Lorient !
    M. Pierre Cohen. ... car elle évitait de transformer les lieux en squats. Mais cela devient beaucoup plus compliqué quand, comme dans ma circonscription, on se heurte à la réticence des habitants eux-mêmes, qui ne savent pas ce qu'on leur offre. C'est un des défauts de votre loi.
    Le financement des logements sociaux qui devaient se faire en dehors des ZUS risque d'être transféré vers les ZUS. Paradoxalement, la dynamique de l'offre des logements sociaux ne couvrira pas toute une agglomération, La politique de la ville est donc bien une politique d'agglomération, d'intercommunalité. Il faudra déplacer des gens sans avoir de projet à leur offrir. Même si elle est encore insuffisante, la loi SRU a été déterminante, et il faut, comme elle le prévoit, obliger les quartiers ou les autres communes à créer des logements sociaux, et répartir ces publics en fonction d'un programme accompagné et consenti.
    Ce projet est extrêmement ambitieux et difficile, car les réticences ne s'additionnent pas, mais se multiplient à un rythme exponentiel. En l'état actuel des choses, votre loi, telle que vous la présentez, n'est pas conforme à l'ambition que vous affichez et à laquelle on peut souscrire, comme l'avait défini Marie-Noëlle Lienemann.
    J'en viens à l'outil que vous mettez en place pour essayer de développer cette politique, l'agence nationale pour la rénovation urbaine. Tant que vous étiez dans le domaine de l'affichage médiatique, cela pouvait paraître attrayant. D'ailleurs, presque tout le monde soutenait le projet. Vous étiez aussi venu à Toulouse, où vous aviez exprimé fortement la notion de guichet financier. Mais, depuis, les associations de maires, de communes, de villes de banlieue se posent des questions, et pour des raisons qui ne sont pas forcément idéologiques. Peut-être devriez-vous en profiter pour recentrer ce débat. Les procédures de financement sont actuellement si lourdes et si complexes que cette création d'un guichet unique - sinon le projet de loi lui-même - pourrait paraître louable. La mutualisation des fonds pourrait en effet être une réponse appropriée. Mais, même si c'est un plus, cela ne fait que mobiliser des fonds existants. Jean-Yves Le Bouillonnec a déjà exprimé cette critique : peut-être cherche-t-on à donner l'impression d'une masse relativement importante, alors que l'Etat est incapable de fournir des moyens supplémentaires. Nous aurons l'occasion, chiffres à l'appui, de mesurer ses engagements dans les cinq ans qui viennent.
    D'ailleurs, on l'a vu, le projet urbain est avant tout un projet local des élus. Ce sont eux qui sont les maîtres d'ouvrage sur la base de la convention. Mais c'est là, aussi, qu'apparaîssent certains questionnements. Ainsi, comment le pouvoir de l'ANRU se situe-t-il par rapport à ces projets ? Vous avez, oralement, apporté un début de réponse, mais rien n'est écrit dans la loi. On sait que le préfet est le représentant de cette agence. Quid des opérateurs habituels,c'est à dire de la DDE ? Quid du préfet par rapport au ministre ? Quid de sa position vis-à-vis d'un projet qui, a priori, devra s'accompagner d'une décision d'acceptation des financements ? Vous avez dû prendre des gants dans le dernier alinéa de l'article, mais vous donnez bel et bien à l'agence la possibilité d'agir en lieu et place d'acteurs traditionnels. Sans doute, vous dites régulièrement que, sans cette possibilité, on pourrait connaître des situations où aucun acteur local n'agit. Mais on sait très bien qu'il est relativement dangereux d'ouvrir cette porte. D'ailleurs, la plupart des élus, le Conseil national des villes et différents opérateurs en parlent comme d'un risque.
    Que peut devenir l'ANRU ? Pourquoi cette agence ? N'y a-t-il pas une sorte de désengagement de l'Etat, qui aurait pourtant les moyens d'agir, s'il acceptait de « fongibiliser » certains fonds ministériels ? Les députés du groupe UDF ont déposé plusieurs amendements pour essayer de donner de nouvelles missions à l'agence. Elles ressemblent étrangement à des missions qui existent déjà comme celles de la délégation interministérielle à la ville et au développement urbain ou celles que peuvent remplir nos groupements d'intérêt public locaux.
    Comment allez-vous faire le tour de table de financement ? Comment articulez-vous entre eux les projets à soutenir sans donner un rôle de décision et d'opportunité à l'ANRU ? Tout le monde est unanime, pourtant : il n'est pas question de lui confier un tel pouvoir. Vous prévoyez d'ailleurs vous-même qu'elle puisse devenir juge et partie si les acteurs locaux vous le demandent.
    Toutes ces questions méritent qu'on en débatte. Une meilleure définition de l'agence, de ses missions et de son articulation avec les politiques à mettre en oeuvre localement s'impose. Peut-être est-il temps que vous nous expliquiez pourquoi votre première proposition allait dans le sens d'une agence locale. Le CNV, diverses associations et, même, le Conseil économique et social ont réfléchi à la possibilité de mobiliser localement les financements et de les négocier directement avec l'interlocuteur que pourrait être le préfet.
    D'autre part, la volonté de coordonner les crédits d'Etat et d'affirmer le caractère transversal de la politique de rénovation urbaine trouve ses limites dans l'absence de programmation interministérielle. En fait, l'agence ne recueille que les crédits de la ville et du logement, et ne mobilise aucun autre financement. Vous le savez, monsieur le ministre, la création de cette agence est de nature à inquiéter les élus locaux et ils sont nombreux à évoquer le principe des agences locales initialement prévues dans l'avant-projet de loi.
    Le dernier point, qui me paraît le plus pertinent de cette loi, nous amène à considérer que nous sommes plus dans une loi de mesures que dans une loi d'orientation et de programmation. Vous déclarez, par exemple, que la déclaration de l'état de carence permettrait aux pouvoirs publics d'intervenir pour assurer la conservation des immeubles et la sécurité des occupants.
    M. Maurice Leroy. C'est une bonne chose !
    M. Pierre Cohen. Je n'ai pas très bien saisi en quoi c'était une amélioration par rapport à la situation actuelle. Aujourd'hui, en cas de problème, on peut déjà mettre en demeure les occupants, les responsables ou les propriétaires d'assurer la sécurité des habitants. De même, la loi SRU a donné aux locataires la possibilité de mettre en demeure les propriétaires de leur logement de le rendre décent et habitable.
    Il est vrai que nous avons quelques difficultés à lancer l'opération des plans de sauvegarde - j'en ai un dans ma commune. Peut-être cela se substitue-t-il à cette démarche. Mais, quand des immeubles sont dans une situation de dégradation avancée, ce qui, normalement, devrait être couvert par la loi, la commune pourra-t-elle faire autre chose que l'équivalent du plan de sauvegarde ? Elle ne pourra pas se contenter de lancer, de son propre chef, un simple projet de réhabilitation. Elle sera obligée d'agir avec le conseil syndical et d'attendre que l'Etat ou d'autres collectivités territoriales acceptent de l'accompagner. Je ne vois donc pas comment on peut recourir à un autre mécanisme que le plan de sauvegarde actuel, avec toutes les difficultés et tous les freins que l'on connaît, même si la loi donne réellement l'impression que cela peut aller plus vite et être plus efficace.
    Si l'on considère que le logement est au coeur de votre projet, votre deuxième axe consiste à considérer que l'économie des quartiers prioritaires est à renforcer. Ce n'est pas étonnant, puisque, depuis que vous êtes au Gouvernement, tout a été fait pour aller dans le sens de la diminution des charges sociales. Là aussi, je note de véritables divergences : vous croyez que la seule façon de relancer l'économie, c'est de diminuer ces charges sociales.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. C'est la plus efficace ! C'est l'INSEE qui le dit !
    M. Pierre Cohen. On verra ! Vous avez été au Gouvernement quelques fois, mais, chaque fois que vous avez fait cela, ça n'a pas marché...
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. C'est faux ! Il faut lire les rapports de l'INSEE !
    M. Pierre Cohen. ... alors que la relance par la consommation avait porté ses fruits et réussi à créer 2 millions d'emploi : malheureusement, vous avez tendance à l'oublier !
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. La consommation augmente davantage les importations que la production !
    M. Pierre Cohen. Vous renouez donc avec vos habitudes : vous misez sur les zones franches urbaines et en créez quarante et une nouvelles en cinq ans.
    Ce dispositif est classique : il crée un régime d'exonérations fiscales et sociales, offre des allégements d'impôt sur les bénéfices, une exonération temporaire de la taxe professionnelle et de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour les entreprises de moins de cinquante salariés, propose la réduction des droits de mutation pour les acquisitions de fonds de commerce et de clientèle et l'exonération des charges sociales et patronales.
    M. Yves Jego. Vous préférez donner des primes aux entreprises ?
    M. Pierre Cohen. Un dispositif est créé pour contrôler le transfert des activités implantées dans les anciennes ZFU vers les nouvelles.
    Monsieur le ministre, examinons ces mesures sans esprit de polémique.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Allons donc !
    M. Gérard Hamel. Jamais !
    M. Pierre Cohen. Nous sommes convaincus que ce dispositif s'accompagne d'effets d'aubaine. Songeons à des zones...
    M. Yves Jego. Fantasmes !
    M. Pierre Cohen. ... comme celle de Bordeaux, où, a priori, certains territoires auraient pu être des lieux d'activité économique,...
    M. Yves Jego. Demandez aux maires socialistes de l'agglomération de Bordeaux ce qu'ils en pensent ! Et venez ensuite nous rapporter leurs propos. Et soyez honnête !
    M. Pierre Cohen. ... que nous connaissons tous dans l'agglomération toulousaine. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. Eric Raoult. La délimitation a été faite avec trois maires de votre sensibilité : Cenon, Floirac, Mormont !
    M. Pierre Cohen. Je prendrai l'exemple que je connais le mieux,...
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Vous ne connaissez pas grand-chose !
    M. Pierre Cohen. ... celui de Toulouse.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Quand ils sont députés, ils ne sont plus maires !
    M. Pierre Cohen. Nous sommes face à des préoccupations qui me semblent bien différentes.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. C'est la schizophrénie socialiste !
    M. Pierre Cohen. Dans certains quartiers que je connais bien, l'activité économique et, peut-être, la notion de zone franche ont attiré une ou deux entreprises. Dont acte. Comme vous l'avez dit, créer un emploi, c'est déjà extraordinaire.
    M. Gérard Hamel. Les commerces de proximité aussi !
    M. Pierre Cohen. Je vais y venir, justement. Quels sont les emplois qui se créent le plus dans ces quartiers ?
    M. Yves Jego. Les mêmes qu'ailleurs. Les études le démontrent, à Roubaix notamment !
    M. Pierre Cohen. Non, pas les mêmes qu'ailleurs.
    M. Yves Jego. Aller voir à Roubaix ! Ce sont les mêmes emplois qu'ailleurs. Ce que vous dites est un mensonge !
    M. Pierre cohen. Ceux qui se créent, dans les zones franches, ce sont les emplois des associations, que vous avez sabordés.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Les associations, ce sont les contribuables qui les paient !
    M. Pierre Cohen. Vous supprimez les emplois de service public.
    M. Yves Jego. L'emploi, ce n'est pas que le service public !
    M. Pierre Cohen. Même quand nous étions au pouvoir, ces emplois ont été déplacés. Ils le sont de plus en plus. Nombre d'ANPE ont quitté ces quartiers. Les îlotiers aussi.
    M. Eric Raoult. Qui était Premier ministre ?
    M. Pierre Cohen. Les postes ont fermé. Quel est le problème ? C'est le problème des zones de non-droit.
    M. Eric Raoult. Le Premier ministre était élu de Haute-Garonne !
    M. Pierre Cohen. L'élu de Haute-Garonne, vous le connaissez bien, c'est votre secrétaire général !
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Il n'y a plus de policiers ? Ce n'est pas vrai !
    M. Pierre Cohen. Que disent les commerçants ? Leur gros problème, ce n'est pas d'avoir des décharges, c'est d'avoir des places publiques accessibles de l'extérieur du quartier...
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Ils veulent la sécurité et moins d'impôts !
    M. Eric Raoult. Et moins de socialisme !
    M. Pierre Cohen. Mais, puisque la sécurité est si importante, pourquoi ne figure-t-elle pas dans ce projet de loi ?
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Vous ne la leur avez pas donnée. C'est la loi Sarkozy.
    M. Pierre Cohen. Vous savez très bien qu'elle n'est pas efficace.
    M. Maurice Leroy. On n'est pas au conseil général de Haute-Garonne !
    M. Yves Jego. Demandez aux commerçants s'ils veulent renoncer à la zone franche. Vous n'apportez pas de réponse à ma question !
    M. Pierre Cohen. Au fur et à mesure, M. Nicolas Sarkozy prouve que ce qu'il a mis en place n'est pas efficace.
    C'est apporter une fausse réponse à une vraie question.
    M. Yves Jego. Répondez à ma question !
    M. Pierre Cohen. Vous savez, je suis continuellement en contact avec eux. Les associations et les commerces attendent autre chose qu'une zone franche.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Supprimez les ZFU dans les communes socialistes !
    M. Pierre Cohen. Que faut-il ? Embaucher des chômeurs de ces quartiers. Pourquoi ne pas donner des avantages aux entreprises, quel que soit l'endroit où elles sont installées, qui recrutent ces publics en grande difficulté ?
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Voilà !
    M. Yves Jego. Dans les zones franches !
    M. Pierre Cohen. Non, car, avec les zones franches, on est obligé d'être dans ces quartiers. Pourquoi lier obligatoirement...
    M. Yves Jego. Cela s'appelait les emplois-ville, et vous les avez supprimés en arrivant au pouvoir !
    M. Pierre Cohen. J'avais prévu de ne parler qu'une demi-heure, mais, avec vos invectives, cela risque de durer une heure !
    M. le président. Monsieur Jego !
    M. Pierre Cohen. Ce n'est pas le passé qui compte, c'est ce projet de loi ! Nous avons un esprit constructif.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. C'est l'amnésie !
    M. Pierre Cohen. Nous souhaitons tout mettre sur la table et que le projet de loi soit réellement à la hauteur de l'enjeu.
    M. Jean-Louis Dumont. Très bien !
    M. Pierre Cohen. Il faut donc embaucher des chômeurs de ces quartiers, créer de la vie économique sur ces territoires. Mais la vie économique, dans ces quartiers, passe par l'emploi, et l'emploi passe essentiellement par certains acteurs économiques. Mais encore faut-il les y attirer. Or, dans les zones que je connais, ce n'est pas le cas. Pour les associations, vous nous l'avez prouvé, vous faites le contraire. J'ai souvent rencontré les commerçants. Il est évident que, ce qu'ils attendent, ce n'est pas une diminution des charges, mais une capacité plus grande à accueillir et à attirer des clients qui viennent non seulement des quartiers, mais de l'extérieur.
    M. Yves Jego. Quelle vision livresque !
    M. Pierre Cohen. On pose là réellement le problème de l'espace public, de la possibilité d'organiser une sorte d'osmose entre les quartiers et l'extérieur.
    Cela rejoint une critique que j'avais déjà formulée en 1993 : vous avez une vision étriquée, vous vous limitez à une zone, vous installez une sorte de cordon sanitaire,...
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C'est cela !
    M. Pierre Cohen. ... vous n'accompagnez pas les quelques avancées dues aux lois Chevènement et à la loi SRU et vous ne vous donnez pas les moyens de trouver des solutions pour l'ensemble des territoires concernés.
    M. Maurice Leroy. On a dit qu'on ne parlerait plus du passé !
    M. Pierre Cohen. Pour autant, il existe !
    J'en viens à un point que je connais moins.
    M. Maurice Leroy. Qu'est-ce que cela va être ?
    M. Eric Raoult. Il ne connaît pas, mais il va tout de même en parler !
    M. Pierre Cohen. Je veux parler de la procédure de rétablissement personnel. Bien que ce dispositif ne me semble pas être à sa place dans le cadre de ce texte, nous le soutiendrons.
    Cette nouvelle procédure, qui est appliquée depuis longtemps sous la forme de faillite civile en Alsace et en Lorraine, constitue une avancée importante pour les familles frappées par les accidents de la vie. Toutefois, si nombre d'entre elles résident dans les quartiers sensibles, ce n'est pas le cas de toutes.
    Quoi qu'il en soit, un nombre de plus en plus élevé de familles se trouvant en situation difficile quittent les zones urbaines pour vivre dans la deuxième, voire dans la troisième couronne. Il s'agit très souvent de publics qui ont accédé à la propriété grâce à des dispositifs que nous avons les uns et les autres créés et qui ont incité à la consommation.
    C'est pourquoi, monsieur le ministre, sans remettre en cause la légitimité du chapitre concernant ce dispositif, je pense qu'il aurait été plus opportun de légiférer sur cette question dans un texte relevant de la politique de lutte contre l'exclusion plutôt que de celle du renouvellement urbain et de la ville.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Par exemple !
    M. Pierre Cohen. Néanmoins, par ces dispositions, qui visent des familles de bonne foi surendettées, on ouvre la voie qui leur permettra de sortir de l'impasse dans laquelle elles sont engagées, c'est-à-dire la voie du rétablissement de la dignité et de la réintégration sociale.
    Pour autant, je regrette que soit occulté le phénomène des crédits à la consommation, qui constitue un véritable viol des pauvres. Ces crédits, actuellement très répandus, participent malheureusement en grande partie au surendettement des familles. Les délais de rétractation prévus par la loi Neiertz sont insuffisants car ils supposent que l'emprunteur se ressaisisse rapidement. Les situations abusives créées par les organismes de crédit devraient être prises en charge par ceux-là mêmes qui en sont à l'origine.
    M. Eric Raoult. C'est assez vrai !
    M. Pierre Cohen. En revanche, je relève avec satisfaction que les « biens meublants courants et les éléments indispensables à l'exercice de l'emploi » sont protégés de la liquidation. Je vous en félicite. Sur cette question, beaucoup reste à faire. Elle fait l'objet d'une réflexion approfondie du Conseil national des villes qu'il faudra peut-être traduire à brève échéance par de nouvelles mesures et de nouveaux dispositifs.
    J'en viens enfin à la dernière partie de la loi, c'est-à-dire aux dispositions diverses, qui, elles, me semblent parfaitement entrer dans le cadre de ce texte. Il s'agit de mesures nécessaires pour améliorer ou faire évoluer des dispositifs.
    Je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été dit concernant les HLM. Je me contenterai de noter que certains dispositifs et votre politique du logement s'appuient sur le volontarisme des collectivités territoriales.
    Les collectivités territoriales qui ont le plus besoin de financement ne sont pas obligatoirement celles qui ont des quartiers en difficulté. C'est pourquoi il me semble que vous auriez pu, à l'occasion de l'examen de ce projet - mais rien ne vous empêche de prendre date -, modifier le mécanisme de la DSU. Il est en effet inimaginable de voir certaines communes - je ne les citerai pas, mon but n'est pas de faire de la délation - percevoir cette dotation alors qu'elles sont riches et n'ont pas un euro d'endettement.
    M. Eric Raoult. Vous pensez à Nantes ?
    M. Pierre Cohen. C'est Toulouse que je visais, mais peu importe.
    M. Eric Raoult. Pourtant, c'est clairement le cas de Nantes !
    M. Pierre Cohen. De toute façon, une loi ne dispose pas pour une seule ville. Ce texte donnait par exemple l'occasion - l'article 40 nous empêche de le proposer nous-même - de mettre en place un mécanisme qui permette d'accroître la dotation en augmentant fictivement la population totale par l'application d'un coefficient au nombre des habitants des quartiers relevant de la DSU. Nous aimerions vous voir prendre date afin que cette mesure figure dans la loi de finances pour 2004. Cela permettrait d'augmenter l'enveloppe. Nous espérons que, au cours de ce débat, qui sera sans aucun doute constructif et positif, vous prendrez un tel engagement.
    Je crois savoir que vous étiez en désaccord avec M. Perben à propos de l' article L. 552-3 du code de la sécurité sociale, qui supprime les allocations familiales en cas de manquements à l'obligation scolaire. Votre ministère étant complètement convaincu que ce n'est pas de cette façon que l'on peut résoudre les difficultés que peuvent rencontrer les parents d'enfants en dérive ou en difficulté, l'occasion s'offrait à vous d'abroger cet article et ainsi de faire avancer l'humain dans les quartiers.
    En conclusion, je voudrais rappeler ce que disait Jean-Marie Delarue en 1993 - ce qui montre que je n'interviens pas obligatoirement en ayant un souci purement partisan.
    M. Maurice Leroy. Quel dommage !
    M. Pierre Cohen. Alors qu'il était délégué interministériel à la ville, celui-ci a déclaré : « La politique de la ville doit tenir compte de quatre exigences :
    « En premier lieu, il ne peut y avoir d'actions pour les cités sans engagement convergeant du maire et de l'Etat. C'est pourquoi la politique de la ville ne peut être que contractuelle.
    « En deuxième lieu, il importe que la politique de la ville soit locale, c'est-à-dire adaptée aux conditions économiques et sociales qui sont celles des cités en tenant compte de la grande diversité des situations.
    « En troisième lieu, il convient que la politique de la ville appréhende sur un territoire donné tous les aspects de la vie quotidienne.
    « Enfin, la dernière exigence est l'association des habitants aux décisions qui les concernent. »
    Dix ans après, période durant laquelle vous avez gouverné cinq ans et nous cinq ans également, cette citation est toujours d'actualité, même si de nombreux efforts ont été fournis depuis.
    Vous avez déclaré en introduction, monsieur le ministre, que « cette loi est un espoir pour la République ». Je le souhaite. En tout cas, ce dont je suis sûr - et je crois l'avoir prouvé tout au long de mon propos -, c'est que votre projet de loi n'est pas un texte d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine. C'est pourquoi je demande à l'Assemblée de voter la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Monsieur Cohen, vous avez évoqué à de nombreuses reprises l'intérêt de ce débat. La conséquence sur le vote en découle. Puisque vous souhaitez le débat, il serait contradictoire de faire en sorte qu'il n'ait pas lieu.
    Vous avez évoqué le relogement : c'est une question réelle. Nous sommes d'accord sur la nécessité de « résidentialiser » lourdement, ou de détruire et de reconstruire. Mais il est clair que le relogement est un sujet qui touche à l'humain sous tous ses aspects. Parler de concertation avec les habitants est même insuffisant.
    M. Pierre Cohen. C'est tout à fait exact !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Il s'agit bien plutôt d'accompagnement physique, technique et affectueux. Donc, penser que les élus locaux ou les responsables des HLM, qui, aujourd'hui, sont tous arrivés à maturité, pourraient engager un tel programme sans accompagnement est assez effrayant. Je dois dire, pour avoir visité presque tous les sites, que j'ai été très impressionné par le travail des associations, notamment par celui de l'une d'entre elles qui est intervenue dans le quartier Wilson à Reims - elle intervient également sur de nombreux sites en France. Alors que, en général, lors d'une démolition par implosion, les habitants ressentent un mélange de joie, de tristesse et de nostalgie, l'opération a provoqué cette fois-là une joie unanime. Nous allons recommander de tels organismes auprès des maires, car, pour un grand nombre d'entre eux, l'accompagnement de telles opérations est presque une « première ».
    On doit pas sous-estimer la complexité de ces opérations. Il faut à la fois construire - où et pour qui ? - et tenir compte de la mauvaise image véhiculée par le logement social. Cette image est injustifiée et elle est due à la confusion entre logements conventionnés et situations d'urgence. C'est justement à cause de cette complexité qu'il faut de la visibilité, de la durée, de l'autonomie et de la transparence.
    Le problème financier ne doit pas non plus être négligé. Encore actuellement, des immeubles - je peux vous en citer un à Vaulx-en-Velin, un autre à Montgaillard, un autre encore à Dreux - sont inhabités ou presque depuis des années et néanmoins ils sont encore debout. La raison en est que l'autorisation de démolition dépend du financement par l'Etat de la perte d'exploitation résultant de la démolition. Si ces immeubles ne sont pas détruits, ce n'est pas parce que les fonctionnaires de la DDE partent en week-end, comme certains le prétendent,...
    Mme Odile Saugues. Nous n'avons jamais dit cela !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. ... mais parce qu'il y a des contraintes financières. Voilà pourquoi on ne peut pas dire non plus que l'aspect financier n'est pas important.
    Mme Odile Saugues. Evidemment ! Nous sommes d'accord !
    M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. C'est vrai que le temps qu'une tour ou une barre se vide, il y a une perte de recettes pour un grand nombre d'organismes, notamment dans des départements touchés comme la Seine-Saint-Denis, qui concentre le maximum de problèmes : grand nombre de jeunes, surdensification d'activité, trois quarts des organismes faisant appel à la CGLLS en raison de la difficulté de la situation - et non parce qu'ils auraient de mauvais dirigeants. Selon le Gouvernement et le conseil général de Seine-Saint-Denis, plus d'un milliard d'euros devront être consacrés à ce seul département. Il s'agit donc d'enjeux majeurs.
    Pour une ville puissante, l'intervention du guichet unique sera proportionnellement beaucoup moins élevée que pour Montfermeil, Clichy-sous-Bois, Chanteloup-les-Vignes, Corbeil-Essonnes, Montereau, ou Dreux, qui est une ville de taille moyenne.
    L'Agence interviendra massivement dans les villes pauvres, où le problème est presque de la taille de la ville, et moins dans des villes qui sont puissantes. D'où la nécessité de transparence de l'opération.
    S'agissant de l'ORU et de l'ANRU, ce ne sont pas les maires qui en ont besoin qui sont inquiets, mais ceux qui se demandent si ce n'est pas une façon de ne pas aller au bout de la décentralisation de la politique de l'aide à la pierre. C'est un problème dont je suis d'ailleurs conscient. Là, il s'agit d'une opération financièrement massive et ponctuelle. Près de 40 % des dossiers seront conventionnés d'ici Noël. Autrement dit, l'Agence n'interviendra plus, un sous-compte sera ouvert au nom de la ville et de ses organismes partenaires. Nous nous sommes fixé l'année prochaine pour boucler l'ensemble des 165 dossiers.
    En ce qui concerne le financement des collectivités locales, il est évident que la DSU ancienne formule, qui repose sur des critères prenant en compte la taille de la population, mérite de faire l'objet d'un débat démocratique. En attendant, le Parlement a autorisé le Gouvernement à utiliser une ligne budgétaire exceptionnelle de trente millions d'euros pour venir en aide de manière discriminante aux villes qui en ont le plus besoin. Vous avez cité Pierre Cardo : eh bien, il y a une quinzaine de jours, Chanteloup-les-Vignes s'est vu attribuer 1 230 000 euros. Au même titre qu'un certain nombre de villes, comme Montfermeil et Clichy-sous-Bois, elle a des besoins urgents en matière de rénovation urbaine, qui nécessitent des sur-moyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Jacques-Alain Bénisti, pour le groupe UMP.
    M. Jacques-Alain Bénisti. M. Le Bouillonnec a soulevé une exception d'irrecevabilité en disant qu'il n'y avait pas de motif d'irrecevabilité. M. Cohen, lui, a opposé - de façon beaucoup plus mesurée, il est vrai - une question préalable sans poser réellement cette question. Nous avons vraiment du mal à bien cerner ce que veut l'opposition, tant elle a une position paradoxale.
    D'un côté, elle couvre le ministre d'éloges en disant que c'est un homme compétent, un homme de terrain, qui connaît parfaitement la politique de la ville, ...
    M. Gérard Hamel. C'est mérité !
    M. Jacques-Alain Bénisti. ... et souligne que l'ensemble des partenaires sont prêts à suivre les différentes orientations fixées, que le débat doit faire abstraction de toute idéologie, qu'elle adhère au projet, que le ministre a placé la barre très haut, mais que l'ambition est essentielle, et, d'un autre côté, elle prête de mauvaises intentions à ce même ministre.
    M. Eric Raoult. Ils sont schizophrènes !
    M. Pierre Cohen. Non, nous jugeons le Gouvernement !
    M. Jacques-Alain Bénisti. Tout cela est quelque peu capillo-tracté - en bon français : tiré par les cheveux -, et je suis bien placé pour le dire. (Sourires.)
    D'un côté, l'opposition demande : « Pourquoi cette précipitation, monsieur le ministre ? », et, de l'autre, elle dit : « Depuis un an, vous n'avez rien fait. » Il faudrait savoir : ou nous n'avons rien fait, ou nous nous précipitons !
    Comme l'a indiqué M. le ministre, près de 1 200 réunions ont eu lieu sur l'ensemble du territoire. Je fais partie de ces maires de cités sensibles qui ont été reçus par le ministre, qui ont débattu de ses projets avec lui et qui lui ont fait part de leur avis sur les orientations qu'il avait retenues.
    Ensuite, l'opposition lui a demandé : « Comment se fait-il que le texte ne prévoit pas d'utiliser les dispositifs existants ? » Qui a dit qu'ils n'allaient pas être utilisés ? A aucun moment cela n'a été mentionné.
    Il en est de même pour ce qui est de la participation des habitants. Je me vois mal, en tant que député-maire, faire appliquer le projet du ministre sans organiser de réunions avec les habitants. Pensez-vous qu'il soit nécessaire de nous dire, à nous maires de villes où il y a des cités sensibles, d'organiser des réunions avec les habitants pour faire appliquer des textes ?
    Par ailleurs, j'avoue ne pas vous avoir compris, monsieur Cohen, quand vous avez parlé des fonctionnaires comme de l'ennemi à abattre. Qu'est-ce que cela vient faire dans le cadre du projet que nous sommes en train de discuter ? Lorsque les dispositions du présent texte seront votées, on fera justement appel aux fonctionnaires pour les mettre en oeuvre. Par conséquent, je ne vois pas en quoi ce seraient des ennemis à abattre !
    Concernant les périmètres de ZUS, de ZRU et autres zones urbaines, nous sommes d'accord. Mais permettez-moi de vous poser une question. Pendant les cinq ans où vous avez été au pouvoir,...
    M. Maurice Leroy. Bien sûr !
    M. Jacques-Alain Bénisti. ... pourquoi n'avez-vous pas fait justement ce que vous proposez, notamment le redécoupage de ces zones ?
    M. Eric Raoult. Ils ont dormi !
    M. Pierre Cohen. Et la réduction du taux de TVA sur les travaux ?
    M. Jacques-Alain Bénisti. Le ministre l'a dit, la politique de la ville implique l'ensemble de la ville. Une école qui accueille les enfants des quartiers ZRU, ZUS, ZEP ne sera pas écartée du projet même si elle n'est pas située dans ces quartiers.
    Quant à l'observatoire, votre attitude est pour le moins paradoxale. D'abord, vous vous félicitez qu'à Toulouse l'observatoire fonctionne correctement, et vous le jugez utile, et après, vous dites ne pas comprendre pourquoi on se servirait de ces observatoires pour faire de l'évaluation.
    M. le président. Merci de conclure.
    M. Jacques-Alain Bénisti. Enfin, vos propos sur les zones franches me laissent perplexes. Certaines marchent, dites-vous, mais d'autres pas. Pour ma part, je connais plusieurs zones franches qui tournent bien, qui créent des emplois et permettent de faire avancer la politique de la ville. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. La parole est à Mme Muguette Jacquaint, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Mme Muguette Jacquaint. Il vous est reproché de n'avoir rien fait ? Je ne suis pas d'accord.
    Au contraire, en un an, vous avez beaucoup oeuvré. Mais pour qui ? Toute la question est là.
    M. Eric Raoult. Pour Mme Bettencourt ! (Sourires.)

    Mme Muguette Jacquaint. Je n'irai pas jusque-là, mais enfin, à qui la diminution des impôts a-t-elle profité ?
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Voilà !
    Mme Odile Saugues. Et sans effets en plus !
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Ah oui, les grands patrons qui sont commerçants dans les ZUP !
    Mme Muguette Jacquaint. La crise urbaine serait due à la crise du logement. Mais il n'y a pas que ça, même si c'est un aspect important pour la vie des quartiers, M. le ministre l'a reconnu. Sont également touchés l'éducation, la formation, l'emploi.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Eh oui !
    Mme Muguette Jacquaint. La supression, par exemple, des surveillants dans les zones d'éducation prioritaires...
    M. Pierre Cohen. Et des emplois jeunes !
    Mme Muguette Jacquaint. ... ne peut pas améliorer la vie dans les quartiers et les villes. Le Conseil économique et social le reconnaît lui-même, entre autres choses.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !
    Mme Muguette Jacquaint. Et les difficultés qu'on a avec les contrats de ville ? Beaucoup d'associations font de l'aide aux devoirs, de l'aide à l'alphabétisation. Il faut bien en parler.
    Quant au commerce, quelqu'un a dit tout à l'heure - le rapporteur pour avis de la commission des finances, je crois -, qu'on l'avait aidé en réglant les problèmes de sécurité. Comme si les commerçants qui travaillent dans ces zones n'avaient que ce genre de problèmes. Quand plus de 60 % de la population d'un quartier ne paient pas d'impôt sur les revenus,...
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. C'est le cas dans ma commune !
    M. Gérard Hamel. Justement, il faut les aider !
    Mme Muguette Jacquaint. ... quand les habitants sont dispensés de payer les impôts locaux, comment croyez-vous que les commerçants puissent survivre ? Ces populations ne sont pas les clients du petit commerce. Ils font leurs courses à Carrefour, à Auchan, tous ces magasins qui inventent les cartes les plus divers comme la carte Pass et autres. Ce sont des familles qui mangent à crédit. C'est aussi cela la misère. Et cela n'aide pas à développer le petit commerce.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Ce sujet est traité dans la loi avec les dispostions sur le redressement personnel.
    Mme Muguette Jacquaint. Alors, la sécurité, c'est une chose. Mais ce n'est pas tout. Et ce n'est pas la politique antisociale qui est menée actuellement qui va aider les familles en difficulté.
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Et le redressement personnel, c'est quoi ?
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Qu'avez-vous fait pendant cinq ans !
    Mme Muguette Jacquaint. On peut y revenir.
    M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ce ne serait pas inutile.
    Mme Muguette Jacquaint. Compte tenu de l'importance de ce texte, compte tenu de toutes les questions qu'il soulève, je regrette qu'on examine ce texte...
    Mme Odile Saugues. A la sauvette.
    Mme Muguette Jacquaint. ... en session extraordinaire, en deux jours. (« Merci les retraites ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Justement ! La réforme qui vient d'être votée va appauvrir encore un peu plus les familles. (« Mais non ! » sur les mêmes bancs.)
    Pour toutes ces raisons le groupe communiste votera pour la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et du groupe socialiste.)
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis. Vous faites de l'obstruction, et après vous le regrettez !
    M. le président. La parole est à Mme Annick Lepetit, pour le groupe socialiste.
    Mme Annick Lepetit. Nous souhaitons tous, ici, débattre. Mais vous en conviendrez, monsieur le ministre, nous pouvons légitimement poser la question : y a-t-il adéquation entre la nomination de votre loi, « loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine », et les mesures que vous nous présentez ?
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Voilà la question !
    Mme Annick Lepetit. Votre ambition est louable, votre intention est certainement bonne. Ce n'est pas le ministre, je tiens à le dire, que nous critiquons.
    M. Eric Raoult. Il est bon, le ministre !
    Mme Annick Lepetit. Mais le texte que vous nous présentez, qui ne traite pas de la politique de la ville.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bon ministre, mauvais projet !
    Mme Annick Lepetit. Il traite seulement de la politique de certains quartiers, il se limite aux seules ZUS. C'est une vision réductrice de la politique de la ville, alors que celle-ci aurait plutôt besoin d'une approche globale.
    M. Jacques-Alain Bénisti. On s'occupe des défavorisés !
    Mme Annick Lepetit. Notre collègue Pierre Cohen l'a dit, la politique de la ville, c'est l'emploi, l'école, la prévention. Mais le contexte budgétaire actuel et les choix du Gouvernement, en tout cas ses priorités, ne permettent pas de traiter tous ces domaines.
    Votre projet de loi, monsieur le ministre, s'attache surtout à la rénovation urbaine. Il nous apparaît vraiment incomplet en tant que loi d'orientation. C'est la raison pour laquelle nous voterons, bien sûr, la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Eric Raoult. Vous ne pensez pas ce que vous dites.
    M. le président. La parole est à M. Maurice Leroy, pour le groupe UDF.
    M. Maurice Leroy. Décidément, le groupe socialiste paraît être en grande difficulté dans ce débat.
    M. Eric Raoult. Ils ne savent plus où ils en sont !
    M. Damien Meslot. Ils sont en difficulté sur tous les débats !
    M. Maurice Leroy. On vient d'entendre une collègue députée, également porte-parole éminente du parti socialiste.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Jaloux !
    M. Maurice Leroy. L'exercice était difficile. Nous avons un bon ministre de la ville.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il a un mauvais projet, c'est cela qui nous gêne !
    M. Maurice Leroy. Un bon texte, de bons outils et des moyens. On comprend que le groupe socialiste soit gêné !
    Prenons l'exemple des zones franches urbaines. Eric Raoult avait raison de le relever tout à l'heure,...
    M. Gérard Hamel. Il a bien souvent raison !
    M. Maurice Leroy. ... et, comme ministre de la ville, il sait de quoi il parle.
    M. Eric Raoult. Eh oui ! Et j'avais d'excellents collaborateurs !
    M. Maurice Leroy. Vous critiquez, chers collègues socialistes, les quarante et une zones franches supplémentaires du texte, mais, sur le terrain, en tant que maires, vous serez les premiers à plaider auprès de l'excellent Jean-Louis Borloo la possibilité d'être éligible au dispositif que vous aurez dénoncé dans cet hémicyle.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Certainement pas !
    M. Maurice Leroy. Que tout cela est plaisant !
    M. Eric Raoult. Eh oui ! Janus !
    Mme Annick Lepetit. Ce n'est pas très honnête de dire cela, ni très républicain !
    M. le président. Mes chers collègues, laissez parler Maurice Leroy ! Lui seul a la parole !
    M. Maurice Leroy. On connaît le refrain sur l'antirépublicain, le bidule et son patin-couffin ! (Sourires.) On connaissait la non-demande en mariage de Brassens, on subit maintenant la non-question préalable de Pierre Cohen, après la non-irrecevabilité défendue tout à l'heure par M. Le Bouillonnec. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Eric Raoult. Eh oui !
    M. Maurice Leroy. Décidément, vous aurez fait grandement progresser le débat procédural. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Eric Raoult. C'est une opposition virtuelle !
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cela ne vous est jamais arrivé ?
    M. Maurice Leroy. Il faut vraiment que ce débat vous gêne. Moi, j'ai écouté vos interventions dans le silence.
    M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pas toujours !
    M. Maurice Leroy. Dieu sait, pourtant, que certains propos avaient de quoi nous faire bondir. Surtout quand le défenseur de la question préalable, motion dont l'objet est de démontrer qu'il n'y a pas lieu à débattre, a dit au moins dix fois dans son discours : « Il faudrait en débattre. » Malgré cela, nous avons écouté sagement.
    M. Alain Vidalies. Vous avez beaucoup à vous faire pardonner par l'UMP !
    M. Maurice Leroy. C'est une affaire sérieuse, qui mérite qu'on en débatte. Le guichet unique avait été annoncé il y a longtemps par le regretté Hubert Dubedout, pour la boucle nord des Hauts-de-Seine.
    M. Eric Raoult. Eh oui !
    M. Maurice Leroy. Et vous devriez, cher Pierre Cohen, demander à Jacques Brunhes, l'ancien maire de Gennevilliers,...
    Mme Muguette Jacquaint. Il n'est pas là !
    M. Maurice Leroy. ... qu'il vous explique ce que cela représente de racheter une barre, de la vider pour la démolir et reconstruire un projet urbain.
    M. Eric Raoult. Au Luth !
    M. Maurice Leroy. Il s'agissait en effet de la barre mal nommée Gérard-Philipe dans le quartier du Luth, à Gennevilliers. Vous verrez si les moyens financiers, cela ne compte pas.
    M. Jean-Louis Dumont. Cela fait dix ans qu'on réalise de telles opérations !
    M. Maurice Leroy. Ce projet de loi permet d'enrichir la boîte à outils de la politique de la ville. Les contrats de ville demeurent. Ils seront d'ailleurs peut-être appelés à changer. C'est tout à fait normal, parce que la politique de la ville évolue.
    M. Jean-Louis Dumont. Je préférerais que ce soit le ministre qui tienne ces propos ! Certains contrats de ville ne sont pas respectés en ce moment.
    M. Maurice Leroy. Il est reproché au texte de ne pas être assez complet. Mais, enfin, la politique de la ville n'est pas une nouveauté. Et ce texte représente une bonne orientation. C'est pourquoi nous voterons contre la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
    M. le président. Je mets aux voix la question préalable.
    (La question préalable n'est pas adoptée.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

PUBLICATION DU RAPPORT
D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

    M. le président. Le jeudi 3 juillet 2003, j'ai informé l'Assemblée nationale du dépôt du rapport de la commission d'enquête sur la gestion des entreprises publiques afin d'améliorer le système de prise de décision.
    Je n'ai été saisi, dans le délai prévu à l'article 143, alinéa 3, du règlement, d'aucune demande tendant à la constitution de l'Assemblée en comité secret afin de décider de ne pas publier tout ou partie du rapport.
    En conséquence, celui-ci, imprimé sous le n° 1004, sera distribué.

3

ORDRE DU JOUR DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi, n° 950, d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine :
    M. Philippe Pemezec, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire (rapport n° 1003) ;
    M. François Grosdidier, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan (avis n° 997) ;
    M. Philippe Houillon, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République (avis n° 1001) ;
    Mme Cécile Gallez, rapporteure pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (avis n° 1002).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT