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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU JEUDI 3 OCTOBRE 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du mercredi 2 octobre 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Salaires, temps de travail et développement de l'emploi. - Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

QUESTION PRÉALABLE «...»

Question préalable de M. Jean-Marc Ayrault : MM. Gaëtan Gorce, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité ; Maxime Gremetz, Patrick Bloche, Georges Tron.

Demande de vérification du quorum «...»

M. Jean-Marc Ayrault.
Le vote sur la question préalable est réservé dans l'attente de la vérification du quorum.

Suspension et reprise de la séance «...»

Le bureau constate que le quorum n'est pas atteint.
Le vote sur la question préalable est reporté.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2.  Dépôt de projets de loi «...».
3.  Dépôt d'une proposition de loi constitutionnelle «...».
4.  Dépôt d'une proposition de résolution «...».
5.  Dépôt de rapports «...».
6.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

SALAIRES, TEMPS DE TRAVAIL
ET DÉVELOPPEMENT DE L'EMPLOI

Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi (n°s 190, 231).

Question préalable

    M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste une question préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, mes chers collègues, l'emploi, l'emploi, toujours l'emploi et encore l'emploi, telle devrait être la priorité, je devrais même dire l'obsession de tous les gouvernements, et en particulier de celui-ci.
    La situation, en effet, depuis quelques mois et plus encore depuis quelques semaines, se dégrade. Les préoccupations sont nombreuses. Les annonces de plans sociaux se succèdent, comme les indications sur l'augmentation mensuelle du nombre de demandeurs d'emploi, qui atteint aujourd'hui un rythme comparable à celui de l'année 1993. Les analystes de la Caisse des dépôts viennent même d'indiquer qu'ils redoutaient, pour la zone euro, une croissance zéro en 2002.
    Mais, à bien examiner votre politique, on serait tenté d'en tirer la conclusion - pardonnez cette impertinence - que l'emploi serait presque devenu une chose trop sérieuse pour être laissée au ministre des affaires sociales. Tout au long du débat qui s'engage, vous devrez nous expliquer, ce que vous n'avez voulu faire ni en commission ni depuis le début du débat en séance plénière, quelle est votre politique de l'emploi. Plus encore, quels effets sur l'emploi attendez-vous du démantèlement de la réduction du temps de travail ? Plus encore, quels effets sur l'emploi attendez-vous de votre mécanisme d'allègement de cotisations sociales ? Pardonnez-moi, je préfère parler de cotisations sociales plutôt que de charges, car elles servent à alimenter le système de sécurité sociale ; ce ne sont pas des charges pour la collectivité mais bien le moyen de répartir l'effort de solidarité. Vous devez vous expliquer sur tous ces points.
    M. Jean Le Garrec. Très bien !
    M. Gaëtan Gorce. Près de 15 milliards d'euros vont être engagés dans cet effort d'allègement, désormais déconnecté de la réduction du temps de travail, sans que l'on nous dise ce que l'on peut en attendre pour l'emploi.
    J'ai le souvenir des débats que nous avons eus, dans cet hémicycle, en 1998, 1999 et 2000, lorsque nous étions sommés par l'opposition d'alors d'expliquer combien d'emplois allait créer la réduction du temps de travail. Nous étions alors mis en demeure de prévoir, j'allais presque dire à l'unité près, ce que le franc que nous engagerions produirait en emplois. Eh bien, je vous retourne ma question, monsieur le ministre : puisque la préoccupation centrale, depuis peu, pour le Premier ministre, est devenu l'emploi, quels effets sur l'emploi attendez-vous du dispositif que vous créez ?
    Oui, l'emploi, encore l'emploi, toujours l'emploi. Car qui, dans cette affaire, fait preuve de dogmatisme et non de pragmatisme ? Est-ce ceux qui considèrent qu'il faut jouer sur tous les leviers de l'emploi, comme nous l'avons fait de 1997 à 2002, ou bien ceux qui se réfugient sans cesse - toujours le même débat, toujours le même discours - derrière les allègements de cotisations ?
    Nous ne sommes pas hostiles à l'allègement des cotisations sociales. Mme Aubry et le gouvernement de Lionel Jospin ont maintenu la ristourne Juppé et nous avons même créé une nouvelle forme d'allègement en complément de ce dispositif, qui est venue accompagner l'effort de réduction du temps de travail. Mais, à côté de l'allègement, nous avons mis la réduction du temps de travail. A côté de la réduction du temps de travail, nous avons mis les emplois-jeunes. A côté des emplois-jeunes, nous avons mis une politique de soutien à la consommation. A côté de la politique de soutien à la consommation, nous avons mis une volonté de favoriser l'innovation et l'investissement dans les entreprises.
    M. Jean Le Garrec. Très bien !
    M. Gaëtan Gorce. Bref, nous avons mis tous les fers au feu. Et voilà qu'au moment où le feu est sans doute le plus vif vous proposez de les retirer les uns après les autres, pour leur substituer une seule mesure, qualifiée de « mesure miracle », censée régler l'ensemble du problème.
    M. Richard Mallié. Où sont les résultats de votre politique ?
    M. Gaëtan Gorce. Les résultats, mon cher collègue, nous y reviendrons dans le débat sur l'emploi, parce que nous ne craignons pas les chiffres et nous, nous prenons référence sur des sources indiscutables. Les résultats étaient là : le bilan de 1997 à 2002, ce sont 2 millions d'emplois créés et une situation plus favorable à l'emploi dans notre pays que dans le reste de l'Europe.
    Certes, depuis quelques mois, on constate un ralentissement économique, mais justement, doit-il servir de prétexte au démantèlement de la politique de l'emploi ? Ne doit-il pas au contraire vous conduire à la renforcer, à y consacrer davantage de moyens ? Non, vous commencez à diminuer les CES, mais le débat n'est pas terminé, monsieur le ministre. Vous commencez et peut-être continuerez-vous à démanteler les CEC. Vous mettrez en cause le programme TRACE. On voit bien tous les projets qui sont aujourd'hui dans les tuyaux. Et puis vous avez annihilé les emplois-jeunes, vous remettez en cause la réduction du temps de travail.
    Que faites-vous pour la consommation ? Vous dites que vous allez réinjecter 4 milliards d'euros pour la soutenir, mais à qui vont profiter ces baisses d'impôts ? A ceux qui épargnent et pas à ceux qui consomment. C'est toute la différence avec la politique menée en 1997, lorsque le précédent gouvernement s'est installé :...
    M. Jean Le Garrec. Très juste !
    M. Gaëtan Gorce. ... quadruplement de l'allocation de rentrée scolaire, augmentation du SMIC, c'est-à-dire un vrai soutien à la consommation, qui a produit son effet...
    M. Richard Mallié. En pleine période de croissance !
    M. Gaëtan Gorce. ... dans un contexte présenté par tous comme difficile, à commencer par le Président de la République. Il estimait même qu'aucun gouvernement ne pouvait se maintenir sans avoir obtenu une nouvelle légitimité des urnes et s'est empressé de dissoudre l'Assemblée.
    Alors que l'on ne nous dise pas qu'il est aujourd'hui impossible de conduire la politique de l'emploi comme nous l'avons fait il y cinq ans. Il ne s'agit pas de donner des leçons, de considérer que tout a été parfait. Notre politique a eu ses limites, et nous en reparlerons, parce que toute majorité, vous l'éprouverez aussi à votre tour, a ses défauts et parfois les rencontre plus vite qu'elle ne l'espère. Quoi qu'il en soit, dans le débat, nous reviendrons sans cesse sur ces questions : quels effets sur l'emploi auront les mesures que vous proposez ? pourquoi 15 milliards d'euros ? à quoi serviront-ils ?
    Mais plutôt que de répondre à ces questions, vous convoquez l'un après l'autre les instruments de la politique de l'emploi pour instruire leur procès et les remettre en cause. Aujourd'hui, c'est le tour de la réduction du temps de travail. Vous avez considéré que le temps du procès était venu, quoiqu'il soit un peu tôt pour le temps du bilan. Le processus a été engagé, non pas brutalement, non pas uniformément, il y a presque cinq ans, avec une première loi, votée en 1998, puis une deuxième, en janvier 2000. Un mouvement continu de négociations s'est produit entre ces deux lois et après la seconde.
    M. Daniel Mach. Un mouvement continu de conflits sociaux !
    M. Jean Dionis du Séjour. Et de grèves !
    M. Gaëtan Gorce. Près de 9 millions de salariés sont aujourd'hui aux 35 heures et le mouvement se poursuit, si j'en crois les chiffres des accords signés depuis le début de l'année, mais vous avez choisi de l'interrompre. Il est sans doute un peu tôt pour faire le bilan, mais le Gouvernement a fixé l'échéance, presque dans la précipitation.
    M. Jean Dionis du Séjour. La situation était grave !
    M. Gaëtan Gorce. Je suis frappé par la vitesse à laquelle on veut tourner la page, j'y reviendrai. Il y a sans doute un peu d'esprit de revanche, car on n'arrive jamais à s'en défaire complètement.
    Cinq années de négociations, cinq années de discussions, cinq années d'évaluations, cinq années de travail avec des experts, des universitaires, des syndicalistes, des économistes. Ici, dans cette assemblée, des dizaines d'heures de débat, en commission et en séance. La première loi, celle de juin 1998 : six mois de travail avant qu'elle ne soit définitivement adoptée, une discussion dans cet hémicycle, mais surtout un grand débat public comme le pays en connaît rarement. La seconde loi : six mois, encore, de discussions parlementaires. Et vous voudriez aujourd'hui remettre en cause, d'un simple trait de plume, ce processus de réduction du temps de travail encore inachevé.
    Alors que vous professez une volonté de concertation, la Commission nationale de la négociation collective n'a été consultée que sur une partie du texte : deux titres sur trois. Elle n'a pris connaissance du titre II, qui porte notamment sur les heures supplémentaires, qu'au moment où la presse en rendait compte, après le conseil des ministres.
    Alors qu'était annoncée une négociation par branche, elle sera finalement devancée par la publication d'un décret, qu'on nous dit imminente, même si la représentation nationale ne l'a toujours pas vu, ce que je regrette.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est faux !
    M. Gaëtan Gorce. L'Assemblée nationale a été saisie sans délai et je crois que seule la certitude d'un vote conforme du Sénat nous a fait échapper à l'urgence, qui semble être devenue une habitude sur ces questions - vous venez d'ailleurs d'employer le terme.
    L'UMP a enfilé les godillots du RPR au point qu'à peine une dizaine d'amendements ont été déposés par le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, et aucun par les députés de la majorité - à moins qu'ils ne se soient rattrapés en commission, tout à l'heure, monsieur le président, mais je ne le crois pas, et, de toute façon, si c'était le cas, je doute que la nature du texte en soit vraiment modifiée.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Il est déjà parfait !
    M. Richard Mallié. Vous n'étiez même pas présent en commission !
    M. Gaëtan Gorce. La majorité n'a donc déposé aucun amendement, comme si la consigne avait été passée et, surtout, comme si la consigne avait été respectée (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française), ce qui en dit long sur les conditions dans lesquelles le débat s'engage !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. C'est un procès d'intention !
    M. Gaëtan Gorce. Le moins que l'on puisse dire, monsieur le ministre, c'est qu'au regard des dizaines de milliers d'accords qui ont été signés, des dizaines de milliers de négociateurs qui se sont engagés dans ce processus, vous n'y mettez guère la manière. De notre point de vue, la réduction du temps de travail mérite mieux que ce jugement expéditif et cette exécution sommaire. Il est vrai, monsieur le ministre, à votre décharge, que vous avez fort à faire. Votre attelage comprend des chevaux impulsifs qui se prennent parfois pour le postillon. (Sourires sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Richard Mallié. Ce sont des pur-sang !
    M. Gaëtan Gorce. Il vous faut aussi répondre à la pressante invitation du MEDEF, de M. Seillière, celui que vous n'aimez pas entendre cité dans cet hémicycle !
    M. Daniel Mach. Il va très bien !
    M. Dominique Tian. Et ce n'est pas le problème !
    M. Gaëtan Gorce. Au mois de juillet, lorsque nous parlions des contrats-jeunes, ces fameux emplois sans charges - décidément - ni formation,...
    M. Richard Mallié. Et les emplois-jeunes, ils sont formés ?
    M. Gaëtan Gorce. ... je rappelais à cette tribune les propos de M. Seillière : « Ce gouvernement, s'il n'avance pas dans le bons sens, recule au moins dans la bonne direction. »
    M. Jean Le Garrec. Excellente formule !
    M. Gaëtan Gorce. Je crois que vous avez entendu le message. Vous avez accéléré le mouvement, vous avez changé de rythme, vous avez pris le « bon rythme », comme vous disiez tout à l'heure, et c'est un véritable retour en arrière auquel vous êtes en train de procéder, sur la réduction du temps de travail comme sur l'ensemble de la politique de l'emploi.
    Jean Le Garrec a brillamment rappelé tout à l'heure plusieurs des éléments du dossier. Je voudrais y revenir, parce qu'il faut que nous sachions bien de quoi nous débattons et quelles seront les conséquences, même si nous sommes obligés de travailler un peu dans la précipitation et l'urgence.
    Le relèvement du contingent d'heures supplémentaires de 130 à 180 heures s'apparente à un véritable déplafonnement. On nous explique que le Gouvernement, au fond, ne change pas grand-chose. On nous dit surtout - quel hommage, d'ailleurs, rendu à la réduction du temps de travail - que l'on ne touche pas à la référence légale des 35 heures. Cela dit, j'ai entendu les propos apocalyptiques tenus dans cet hémicycle, au cours des mois précédents et encore tout à l'heure, et j'ai par conséquent du mal à comprendre que vous soyez si tièdes, que vous ne remettiez même pas en cause la référence légale. C'est que vous n'osez pas le faire, vous n'osez pas vous en prendre aux 35 heures dans leur définition juridique. Vous avez choisi la méthode du contournement : un contingent à 180 heures, chacun l'aura compris, représente en moyenne un peu plus de quatre heures par semaine, c'est-à-dire un bon moyen de revenir à la semaine de 39 heures.
    Mais la référence légale, contournée par l'augmentation du contingent, ne pourra pas non plus être respectée puisque le lien précisément établi par la loi du 19 juillet 2000 entre la réduction du temps de travail et le bénéfice des allègements est coupé. Autrement dit, les entreprises n'auront même plus intérêt à respecter l'engagement qu'elles ont pris ou qu'elles s'apprêtaient à prendre.
    Cela pose un problème, soulevé tout à l'heure par Jean Le Garrec et sur lequel nous reviendrons dans le débat, celui du respect de l'économie des accords. J'ai été, quant à moi, très frappé, dans nos débats de 1999 et de 2000, par le reproche qui nous était fait de ne pas respecter les accords de branche et d'entreprise. Je rappellerai tout à l'heure que, pour l'essentiel, lorsque nous n'avons pas respecté la lettre de certains accords de branche, c'est qu'ils dérogeaient au principe de l'ordre public social :...
    M. Jean Le Garrec. Exactement !
    M. Gaëtan Gorce. ... travail du dimanche, extension du travail des cadres, remise en cause du repos compensateur au-delà de 130 heures.
    M. Jean Le Garrec. Très bien !
    M. Gaëtan Gorce. Mais pour le reste, pour l'essentiel, les accords de branche avaient été préservés, « validés », selons le terme qui prévalait à l'époque.
    Au fond, vous nous proposez d'autoriser les entreprises à bénéficier des allègements - les 15 milliards d'euros dont je parlais tout à l'heure - sans qu'elles signent d'accord sur la réduction du temps de travail, alors que les 100 000 accords d'entreprise signés ou appliqués à partir d'accords de branche directs reposaient très justement sur ce compromis.
    Si les salariés et les syndicats ont accepté une autre organisation du travail, parfois une modération salariale - nous en débattrons aussi -, c'est qu'en contrepartie il y avait les créations d'emplois et la réduction du temps de travail. Si la réduction du temps de travail ne fait plus partie du contrat, alors c'est le contrat lui-même qui est remis en cause, et le respect de la liberté contractuelle, pardonnez-moi, à travers le dispositif que vous nous proposez, aura subi une sérieuse entorse. Nous aurons l'occasion, je crois, d'en rediscuter sur un plan technique, mais je voulais insister sur ce point, car il montre bien que votre souci apparent de respecter la référence légale s'accompagne en réalité d'une approche plus subtile consistant à dépecer ce texte point par point, y compris au mépris des accords signés par les salariés et les partenaires sociaux, dont vous nous parlez si souvent.
    Et cette question du contingent soulève d'autres problèmes, notamment celui des garanties sociales apportées aux salariés ; je voudrais également insister sur les risques et les dérives que représente votre texte en la matière.
    En relevant le contingent d'heures supplémentaires à 180, vous laissez croire, d'une certaine manière, qu'il était jusqu'à présent impossible de faire des heures supplémentaires. En clair, c'est le discours que nous entendons en permanence : les 35 heures auraient été ce fameux carcan étouffant les entreprises et l'économie de notre pays. Mais la réalité est bien différente. La loi du 19 janvier 2000 ne remettait pas en cause le contingent de 130 heures, auquel vous avez touché par décret. Ce contingent n'était pas sorti du cerveau de je ne sais quel ministre socialiste, mais résultait d'un accord entre les partenaires sociaux acquis en 1981 et 1982, lors de la mise en place des 39 heures.
    M. René Couanau. En 1981, il y en avait des cerveaux ! (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Gaëtan Gorce. On pouvait donc faire 130 heures supplémentaires et même davantage. La loi du 19 janvier 2000 n'empêchait pas de faire 140, 150, 160 ou 170 heures supplémentaires, et certaines conventions de branche prévoyaient d'ailleurs - nous y reviendrons au cours du débat - de tels contingents.
    M. Jean Le Garrec. Très juste.
    M. Gaëtan Gorce. Mais ce qui est important et constitue la différence essentielle, que vous ne mentionnez pratiquement jamais, c'est qu'au-delà de ce seuil de 130 heures les entreprises devaient accorder aux salariés un repos compensateur de 100 %,...
    M. Jean Le Garrec. Eh oui !
    M. Gaëtan Gorce. ... pour favoriser l'emploi mais d'abord pour une raison sociale : faire en sorte que les salariés, au-delà de ces 130 heures, puissent bénéficier d'un repos intégral.
    M. Jean Le Garrec. Tout à fait.
    M. Gaëtan Gorce. C'est en effet sur cette mécanique, sur ce principe du repos compensateur qu'est basé notre droit du travail depuis des décennies.
    M. Jean Le Garrec. C'est fondamental.
    M. Gaëtan Gorce. Cette limite, par ailleurs, compte tenu de son objet, était traditionnellement d'ordre public. La collectivité, l'Etat prenait ses responsabilités pour protéger le salarié.
    De plus, je rappelle que le repos compensateur était de 100 % dans les entreprises de plus de dix salariés et de 50 % dans les entreprises de moins de dix salariés ; or vous faites maintenant remonter le seuil à vingt salariés.
    Or avec cette réforme subreptice, vous relevez le seuil pertinent de la taille d'entreprise de dix à vingt salariés pour l'application du repos compensateur de 50 %. Cela veut dire que 1,5 million de salariés vont perdre l'équivalent des 100 % de repos compensateur auxquels ils avaient droit, soit trois jours. Cela vous paraît peu, mais c'est beaucoup sur une année en termes de récupération. Et vous avez décidé de renvoyer aux conventions de branche la définition des seuils à partir desquels le repos compensateur s'appliquera. Vous considérez donc que cette question d'ordre public, d'intérêt social, voire de santé au travail, relève désormais non plus de l'Etat, mais des partenaires sociaux et que les salariés auront un repos compensateur différent qui se déclenchera à un seuil différent selon la branche professionnelle dans laquelle ils travaillent. Vous introduisez une inégalité sur la question fondamentale du droit au repos des salariés.
    De la même manière, vous remettez en cause le taux de rémunération des heures supplémentaires. Alors qu'il était fixé depuis longtemps à 25 %, vous revenez à 10 %, notamment pour les entreprises de moins de vingt salariés et, pis encore, vous en renvoyez la définition aux accords de branche et à la négociation professionnelle. Or, là encore, de notre point de vue de telles questions ne doivent pas figurer dans le champ de la négociation, car il s'agit des garanties fondamentales qui sont accordées aux salariés. Comment demander à une organisation syndicale de négocier une réduction de la rémunération des heures supplémentaires au-dessous du seuil légal de 25 % ? C'est pourtant ce que vous avez prévu puisque vous indiquez que ces accords ne pourront pas descendre au-dessous de 10 %.
    Enfin, l'usage et ce que j'appellerai le bon sens social veulent que lorsque l'on accorde pareilles dérogations sur des sujets qui touchent à l'ordre public social celles-ci soient accompagnées de contreparties. Or je n'en vois aucune dans votre texte. Les salariés doivent tout abandonner, renoncer à tout, sans aucune contrepartie, en tout cas en matière de réduction du temps de travail.
    De plus, vous ne vous contentez pas de remettre en cause la réduction légale du temps de travail à 35 heures, de réduire, voire de démolir, les garanties sociales apportées aux salariés, vous supprimez également toute incitation à la réduction du temps de travail. En dissociant les allégements de cotisations des accords de réduction du temps de travail, vous privez la négociation de son principal instrument. En effet, la principale motivation, l'élément moteur de la négociation, qui permettait de construire un compromis, c'était le fait que l'accord déclenchait le bénéfice de l'allégement. Or ce ne sera plus le cas. Par conséquent, vous indiquez aux entreprises qui ne sont pas encore passées aux 35 heures qu'elles n'ont plus d'intérêt à négocier pour cela. Mais ce qui est sans doute le plus grave c'est que ces allégements s'appliqueront aux entreprises qu'elles aient négocié 35 heures ou qu'elles aient voulu rester à 39 heures par le jeu des heures supplémentaires. Pis, une entreprise à 35 heures n'aura aucun avantage supplémentaire par rapport à une autre restée à 39 heures, ou plus exactement cette dernière sera autant aidée que celle passée à 35 heures. Les entreprises qui n'auront fait aucun effort de négociation, aucun effort d'organisation du travail bénéficieront très exactement du même niveau d'allégements que celles qui auront entamé une négociation sur la réduction du temps de travail. J'ajoute que les entreprises passées aux 35 heures seront doublement pénalisées de fait puisqu'elles auront fait un effort d'organisation qui ne sera pas « récompensé » et que le montant des aides dont elles pourront profiter sera moindre.
    En effet, si l'on regarde le profilage de l'allégement sur lequel vous avez travaillé, on s'aperçoit que les entreprises qui bénéficient aujourd'hui de cette aide jusqu'à 1,5 fois le SMIC et au-delà,...
    M. Richard Mallié. Il va trop vite, on n'arrive pas à suivre !
    M. Gaëtan Gorce. Je pensais que mes arguments seraient suffisamment convaincants, qu'ils créeraient chez vous un trouble vous incitant à interroger le ministre pour qu'il vous dise la vérité sur ce texte que je commence à vous faire découvrir.
    M. Georges Tron. Vous allez trop vite !
    M. Pierre Bourguignon. Il faudrait leur expliquer davantage tout de même ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean Le Garrec. Oui, c'est vrai, vous allez trop vite, monsieur Gorce ! Ils ne peuvent pas tout comprendre !
    M. le président. Monsieur Le Garrec, laissez l'orateur s'exprimer au rythme qui lui convient !
    M. Gaëtan Gorce. Je me demande si je ne devrais pas reprendre le raisonnement dès le début ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Georges Tron. Parce qu'il y avait un raisonnement ?
    M. Richard Mallié. On veut l'entendre en slovène !
    M. Gaëtan Gorce. Les entreprises qui sont passées à 35 heures seront donc pénalisées non seulement parce qu'elles ne bénéficieront plus d'un avantage par rapport aux autres, mais aussi parce que le montant de l'aide qui leur sera allouée sera minoré par rapport à ce dont elles bénéficient aujourd'hui. Autrement dit, vous les placez théoriquement sur un pied d'égalité, mais en réalité vous les pénalisez pour autant qu'elles aient des salariés à un niveau de salaire supérieur à 1,5 fois le SMIC. Je rappelle que le dispositif Aubry reposait sur l'idée qu'une entreprise passée à 35 heures allait bénéficier de deux avantages : une aide structurelle de 4 000 francs et un allégement dégressif en fonction du montant du salaire. Ce dispositif fonctionnait jusqu'à 1,8 fois le SMIC pour le mécanisme dégressif. Quant à l'aide structurelle, elle était conservée au-delà de ce montant.
    M. Pierre Hellier. Personne n'a rien compris !
    M. Gaëtan Gorce. Alors je vais vous l'expliquer autrement !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Non ! Non !
    M. Gaëtan Gorce. Mais si ! La politique, c'est de la pédagogie !
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Très bien ! Continuez !
    M. Gaëtan Gorce. Il est vrai qu'avec ce que j'ai entendu sur les 35 heures en quelques heures je comprends que certains aient du mal à suivre parce qu'ils disent des choses qui ne correspondent pas à la réalité !
    M. Georges Tron. Nous on suit ! On ne veut pas vous interrompre !
    M. Gaëtan Gorce. Vous qui défendez les entreprises - nous le faisons aussi en défendant les salariés - comment pouvez-vous accepter que votre gouvernement, celui dont vous attendez tant, présente un texte qui en réalité va pénaliser celles passées aux 35 heures ? Certes, c'est une réforme honnie que vous rejetez, mais les entreprises qui ont fait cet effort, qui se sont organisées, bénéficiaient, pour l'ensemble de leurs salariés, quel que soit le niveau de salaire, d'une aide de 4 000 francs et elles ne l'auront plus demain. Alors qu'elles bénéficiaient d'une aide dégressive jusqu'à 1,8 fois le SMIC, elles n'en profiteront plus que jusqu'à 1,7 fois et si, l'on regarde où les courbes de ces deux allégements se rencontrent, on s'aperçoit que la perte pour les entreprises intervient à partir de 1,5 fois le SMIC. Autrement dit, vous pénalisez une fois de plus les entreprises qui sont passées aux 35 heures. J'espère que vous nous exposerez vos motivations et qu'elles ne sont pas strictement budgétaires, mais qu'elles répondent à un raisonnement. Et si elles répondent à un raisonnement, il est clair que c'est la remise en cause des 35 heures, une fois de plus !
    M. Georges Tron. Mais non !
    M. Gaëtan Gorce. Mais là où votre mécanisme est le plus pervers, c'est que vous retirez aux salariés mêmes tout intérêt à passer aux 35 heures. En effet, dans le dispositif que vous nous présentez, le salaire du salarié passé à 35 heures est bloqué sur la garantie mensuelle du 1er juillet 2002. Tout salarié qui passera aux 35 heures après le 1er juillet 2003 se verra appliquer le niveau de salaire du SMIC, la garantie mensuelle du 1er juillet 2002.
    Autrement dit, l'augmentation du SMIC horaire dont il aura bénéficié grâce à votre dispositif, de l'ordre de 3,5 % ou 3,7 %, lui sera reprise lorsqu'on lui appliquera la garantie mensuelle pour le temps qui restera à courir jusqu'au 1er juillet 2005. Non seulement on pénalise les entreprises qui sont passées à 35 heures, non seulement on n'encourage pas celles qui n'y sont pas passées à le faire puisqu'on déconnecte les allégements de la réduction du temps de travail, mais en plus en décourage les salariés de bénéficier d'une telle réforme ! Très sincèrement, monsieur le ministre, comment pouvez-vous parler d'« assouplissement » des 35 heures ? Vous devriez revoir votre lexique. Nous sommes plus près de la réalité lorsque nous parlons d'anéantissement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. François Hollande et M. Jean Le Garrec. Très bien !
    M. Gaëtan Gorce. Par ailleurs, vous installez un système à deux vitesses et c'est sans doute l'un des aspects les plus inquiétants de votre dispositif.
    M. Georges Tron. Il y a combien de SMIC déjà ?
    M. René André. Vous en aviez cinq !
    M. Gaëtan Gorce. Je vois que vous suivez !
    M. Richard Mallié. Et pourtant, ce n'est pas évident !
    M. Gaëtan Gorce. Pour l'orateur que je suis, c'est un grand réconfort et un grand encouragement de voir que les députés sont attentifs à son propos, mais il est vrai que le sujet le mérite.
    Avec le relèvement du contingent à 180 heures pour toutes les entreprises et une rémunération des heures supplémentaires limitée à 10 %, non seulement vous n'incitez pas les entreprises qui sont encore à 39 heures - je rappelle que ce sont des petites entreprises et que près de 2,5 millions de salariés sont concernés - à passer à 35 heures, mais vous les encouragez plutôt à rester à 39 heures puisque la rémunération des heures supplémentaires sera limitée à 10 %. Cette situation n'est pas sans inquiéter les professionnels des secteurs concernés. Au départ, ils se sont réjouis des mesures d'assouplissement proposées, mais maintenant qu'ils regardent les choses d'un peu plus près, ils craignent que ce système à deux vitesses qui pénalise les salariés ne pénalise aussi les entreprises.
    C'est ainsi que le Centre des jeunes dirigeants, dans un article de Liaisons sociales du 30 septembre dernier - je cite toujours mes sources, c'est mieux que faire des pétitions de principe ! -, estime que la solution retenue par le Gouvernement consistant à relever le contingent d'heures supplémentaires de 130 à 180 heures risque d'être défavorable à l'emploi. Quand la croissance reprendra, dit le CJD, les entreprises seront plus tentées d'utiliser ces heures supplémentaires que de recruter. A quoi la CAPEB ajoute : « Les entreprises qui veulent rester aux 39 heures vont se retrouver en compétition avec celles qui sont passées aux 35 heures, ce qui va augmenter nos difficultés de recrutement. »
    Mme Catherine Génisson. C'est exact !
    M. Gaëtan Gorce. Et ce système, vous l'acceptez sans difficulté. Vous acceptez de pérenniser cette situation qui était provisoire dans le dispositif voté en 2000 ! Vous me répondrez sans doute, monsieur le ministre, que vous ne faites qu'allonger le délai que nous avions prévu. Moi je crois que vous le délayez, que vous l'étirez et je serais curieux de savoir comment vous allez encourager les entreprises qui ne sont pas passées aux 35 heures à le faire d'ici au 1er juillet 2005. Je cherche désespérément dans votre texte le moindre élément qui pourrait les y inciter.
    M. Richard Mallié. Il n'y en a pas !
    M. Gaëtan Gorce. Vous l'avez dit ! Donc vous acceptez l'installation de ce système à deux vitesses, et je vous remercie de votre franchise.
    Que penser, enfin, de votre attitude à l'égard des cadres ? La loi du 19 janvier 2000, reprenant une indication donnée par de nombreux accords d'entreprise et de branche, avait introduit une distinction entre les cadres dirigeants, les cadres associés à l'horaire collectif et les autres cadres qui pouvaient bénéficier des forfaits. Il était précisé, en revanche, que ces forfaits ne pouvaient profiter qu'à des cadres dont l'une des caractéristiques était que leur temps de travail ne pouvait être « prédéterminé ». A cette dernière notion vous proposez de substituer celle d'autonomie, ce qui va faire entrer dans la catégorie des cadres susceptibles de « bénéficier » d'un forfait-jours de nombreux cadres qui n'ont pas de réelles responsabilités. Le forfait-jours permet de faire réellement profiter de la réduction du temps de travail des cadres dont le décompte horaire n'est pas possible, mais qui ne sont pas pour autant des cadres dirigeants. Or là vous allez faire entrer dans le dispositif des centaines de milliers de cadres qui n'ont pas de véritables responsabilités de décision, mais qui n'ont pas pour autant été intégrés dans le collectif de travail. Je rappelle que ces forfaits-jours introduisent des dérogations aux durées maximales de travail sur la journée et sur la semaine, qui sont des règles d'ordre public, sauf exceptions que nous avions essayé d'encadrer.
    M. Jean Le Garrec. C'est un point très important !
    M. Gaëtan Gorce. Oui, c'est un point très important pour les cadres. J'entendais tout à l'heure M. le ministre, M. le président de la commission et d'autres nous dire : « Mais vos 35 heures n'ont bénéficié qu'aux cadres ! » Comme si ce n'était rien ! Ils n'ont d'ailleurs pas été les seuls à en profiter. Mais si vous vous intéressiez un petit peu à la situation professionnelle de cette catégorie de salariés, si vous discutiez avec leurs représentants syndicaux, vous sauriez que la revendication de réduction du temps de travail était forte chez eux. La CGC, la CFDT, la CGT ont exercé une forte pression sur les pouvoirs publics pour que des dispositifs adaptés soient mis en oeuvre afin que les cadres puissent en profiter, des cadres qui, comme les autres dans les années 90, ont été victimes des plans sociaux, des cadres qui étaient soumis à des horaires moyens de travail de l'ordre de 45 heures, quand ce n'était pas plus - 50, 51, 52 heures ! -, en dehors de la légalité. Des sanctions commençaient d'ailleurs à s'appliquer aux entreprises !
    Nous avons voulu mettre en place un dispositif équilibré pour les entreprises, en leur donnant un cadre juridique adapté, et équilibré pour les salariés, en faisant en sorte qu'ils bénéficient d'une vraie réduction du temps de travail. Or ce dispositif, là encore, vous le remettez en cause avec des références - l'autonomie - tellement imprécises, tellement vagues, que l'on peut craindre qu'il n'y ait plus de règles strictes applicables dans ce domaine. J'observe d'ailleurs - nous y reviendrons dans le débat sur l'article concernant les cadres - que ces dispositions sont contraires à la directive du 23 novembre 1993, qui fait de l'impossibilité de prédéterminer le travail des cadres l'un des critères à partir desquels on doit définir le cadre au regard du temps de travail. Donc vos propositions, qui vont sans doute dans le sens souhaité par certains représentants du patronat, sont contraires aux règles protectrices définies par l'Union européenne.
    Tous ces éléments - remise en cause du contingent d'heures supplémentaires, remise en cause des garanties apportées aux salariés, suppression de toute incitation, création d'un système à deux vitesses avec les petites entreprises, modifications pour les cadres - permettent indiscutablement de qualifier l'opération dans laquelle vous êtes engagés. Et puis, il y a aussi ces petites mesquineries qui sont autant d'indices supplémentaires. Vous voulez ainsi monétariser le compte épargne-temps. L'intérêt de ce compte, d'ailleurs mis en place par les partenaires sociaux à l'origine, était de pouvoir épargner du temps sur les congés, le temps de travail, le repos compensateur. On pouvait ainsi disposer de temps pour sa famille, sa formation, ses vacances, sa retraite. Eh bien cela ne sera plus du temps, ça devra être de l'argent ! Vous ne nous dîtes d'ailleurs pas dans quelles conditions, sur quels critères, à quel taux cette monétarisation sera opérée. Vous nous le préciserez sans doute, monsieur le ministre, cela nous sera utile pour la suite du débat.
    Encore une de ces petites mesquineries : la remise en cause de la durée moyenne hebdomadaire de 35 heures en cas d'annualisation. Jean Le Garrec a posé la question tout à l'heure. Cela signifie-t-il que les seuils à partir desquels se déclenchent les heures supplémentaires ne seront plus pris en compte à l'échelle de la semaine ? Il serait intéressant pour nous d'avoir des réponses.
    Alors je sais bien, vous allez nous répondre contre toute évidence : « Non ! Vous avez beau accumuler les arguments, il s'agit bien d'un assouplissement. » Vous maniez avec aisance l'art de la rhétorique, monsieur le ministre, nous l'avons constaté, même si nous vous pratiquons depuis peu. Mais le Premier ministre n'a pas de ces coquetteries. Il nous a dit, à Strasbourg, non pas que l'on allait assouplir les 35 heures, mais que l'on allait « revenir à 39 heures ». M. Seillière a ainsi été écouté. Il est vrai que M. Seillière et M. Raffarin sont un peu comme les Dupond et Dupont des 35 heures. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) L'un dit : « Il faut assouplir les 35 heures » et l'autre répond : « Je dirais même plus, il faut supprimer les 35 heures ! » Je note d'ailleurs, ce qui a dû faire dresser l'oreille à plus d'un, que le Premier ministre a parlé non pas de « rester » aux 39 heures, mais bien de « revenir » aux 39 heures. Cela laisse penser qu'il considère que certaines situations acquises dans le cadre des 35 heures pourraient être remises en question.
    M. Jean Le Garrec. C'est une autre phrase clef !
    M. Gaëtan Gorce. Absolument ! Citer le Premier ministre ne peut d'ailleurs pas gêner la majorité.
    M. Richard Mallié. N'interrompez pas l'orateur, monsieur Le Garrec !
    M. le président. Merci, monsieur Le Garrec, de souligner les phrases clefs de votre ami. Continuez, monsieur Gorce !
    M. René Couanau. Pour une fois qu'il y en a deux de la même tendance !
    M. Gaëtan Gorce. Monsieur le ministre, c'est bien à une remise en cause complète et radicale des 35 heures que vous vous livrez aujourd'hui. A moins évidemment, s'agissant de la déclaration de Strasbourg, qu'un statut particulier ne s'applique au droit du travail en Alsace, comme pour le culte. Mais je ne crois pas.
    S'agissant d'une remise en cause radicale et complète, il faut vous en expliquer devant cette assemblée.
    M. René André. C'est ce que nous faisons !
    M. Gaëtan Gorce. Vous ne pouvez pas venir devant le Parlement comme s'il s'agissait de faire ratifier un accord de coopération. Vous devez engager le débat avec nous sur le fond. Vous parlez d'assouplissement, mais dites la vérité ! Dites que vous ne voulez plus des 35 heures, sinon comment ne pas voir dans votre attitude une volonté justement d'esquiver le débat ? Cette explication devant la représentation nationale est d'autant plus nécessaire que les Français s'interrogent. Ils sont sceptiques. Ils ne ressentent pas comme vous l'urgente nécessité de revenir sur la réduction du temps de travail ou, dans votre langage, de l'assouplir comme on assouplit le métal sur l'enclume. Ils s'interrogent sur le sens de tout cela. Je ne sais pas quel jugement ils portent sur les 35 heures au plan collectif, mais je peux vous assurer qu'aucun des salariés passés à 35 heures n'accepterait, si on lui demandait son avis, que l'on remette en question la réduction du temps de travail dont il a profité. (« C'est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

    M. Pierre Hellier. En fait tout allait bien !
    M. Gaëtan Gorce. Tentez l'expérience ! C'est donc que vous ne pourrez compter sur l'appui de l'opinion qu'au prix d'une mystification. Reprenant la bonne vieille méthode du bouc émissaire, vous avez cherché à faire des 35 heures la cause de tous les maux, réels ou supposés, de notre société. Le poumon est remplacé par la réduction du temps de travail. Dites : « Aubry ! 35 heures » et vous avez l'explication de la maladie. Vous savez pourquoi votre fille est malade. Pour parvenir à vos fins, vous avez compté sur un débat précipité, mené à la hussarde. Vous avez aussi compté sur une opposition encore trop près de son échec pour relever le défi.
    M. Jean Le Garrec. Non !
    M. Bernard Accoyer. Et si vous vous demandiez pourquoi vous avez perdu ?
    M. Gaëtan Gorce. Mais, monsieur Accoyer, vous ne l'avez pas fait entre 1997 et 2002. Je vous ai souvent écouté dans cet hémicycle et je n'ai pas entendu la moindre résipiscence de votre part s'agissant du gouvernement de M. Juppé. Je considère donc que c'est un exemple que vous allez suivre, ce qui ne nous rassure pas.
    M. René Couanau. On ne comprend rien à ce qu'il dit !
    M. Gaëtan Gorce. Alors, je recommence !
    Plusieurs députés du groupe Union pour la majorité présidentielle. Lisez, lisez !
    M. René Couanau. Monsieur Le Garrec, traduisez !
    M. Gaëtan Gorce. Monsieur Couanau, j'expliquais simplement que M. Accoyer n'avait pas montré, entre 1997 et 2002, d'esprit de résipiscence. Il a fait de l'expérience de M. Juppé une référence, ce qui ne nous rassure pas.
    M. le président. M. Couanau avait compris. Allez-y !
    M. Gaëtan Gorce. Pour notre part, nous voulons que le débat s'engage. Nous le voulons d'autant plus que notre vision des 35 heures n'est pas le pendant caricatural de ce que nous entendons trop souvent. Nous connaissons les limites de la réduction du temps de travail et ses défauts d'application. Et justement parce que le processus de réduction du temps de travail n'a pas été uniforme, qu'il n'a pas été imposé de manière mécanique et systématique, ses résultats sont aussi variés que les situations auxquelles il s'est appliqué.
    Nous étions prêts à débattre avec vous de l'ensemble de ces questions, mais pas, en revanche, à débattre de l'abandon des 35 heures. On aurait pu, par exemple, réfléchir à la façon de renforcer les moyens et les responsabilités des organisations syndicales dans les secteurs où la négociation a été des plus difficiles. Pour autant, nous ne dissocions pas ces difficultés des formidables réussites que les 35 heures ont permises.
    Les 35 heures méritent un vrai bilan. Mieux qu'un faux débat, et sans doute mieux qu'un faux procès. C'est pourquoi je vais m'employer, dans le cadre de cette question préalable, à démontrer les mystifications et les manipulations auxquelles vous essayez de vous livrer.
    M. Bernard Accoyer. Question mystifications, vous êtes les meilleurs !
    M. Gaëtan Gorce. D'abord, vous prétendez que la réduction du temps de travail a été imposée aux entreprises, alors qu'elle était le résultat d'une formidable dynamique de négociation. Ensuite, vous nous dites que les 35 heures se sont retournées contre les salariés, alors que la majorité d'entre eux y est très attachée. Enfin, vous nous expliquez que les 35 heures n'ont eu aucun effet sur l'emploi, alors que les créations d'emploi liées aux 35 heures sont nombreuses et identifiables parmi les deux millions qui ont été enregistrées entre 1997 et 2002. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Ah, vous n'aimez pas les comparaisons ! Vous redoutez déjà qu'on compare la législature qui s'engage à celle qui s'est achevée. Nous attendons au contraire ce moment.
    Vous nous dites que les 35 heures ont remis en cause la valeur travail, alors qu'elles ont ramené au travail des centaines de milliers de nos compatriotes. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Vous prétendez enfin que la réduction du temps de travail n'est pas financée. Nous y reviendrons. En tout cas, comparée à la ristourne Juppé, la comparaison, là encore, peut être soutenue.
    M. Claude Evin. Elle est moins chère !
    M. Gaëtan Gorce. Il faut purger, monsieur le ministre, le débat de ces représentations caricaturales. Il faut débattre sur l'emploi et il faut débattre aussi clairement des 35 heures et des conséquences de leur abandon. Pour ce faire, je m'appuierai sur des données qui sont pour l'essentiel des données validées par vos services, publiées dans les documents officiels et à partir desquelles nous pouvons engager la discussion.
    D'abord, alors qu'elles sont le résultat d'une volonté politique et d'une formidable dynamique de la négociation, selon vous, les 35 heures auraient été imposées, elles se seraient substituées à un mouvement de négociation si fort que nous l'aurions étouffé avec empressement. La réalité, là encore, est un peu différente.
    Sans pour autant refaire l'histoire, car vous n'aimez pas que nous citions des références, surtout celle du Front populaire, le débat sur la réduction du temps de travail est consubstantiel au mouvement ouvrier et au débat politique sur la question sociale depuis le début du siècle précédent.
    C'est d'abord la revendication de la journée de 8 heures, la semaine des 40 heures. J'observe d'ailleurs, monsieur le ministre, que non seulement vous voulez remettre en cause les 35 heures, mais que même les 40 heures suscitent votre irritation. C'est ensuite un mouvement d'augmentation du temps de travail au lendemain de la guerre, dans le cadre de la reconstruction : 44 heures puis 46 heures dans les années 60.
    M. Christian Cabal. Heureusement !
    M. Gaëtan Gorce. Ce mouvement de réduction du temps de travail reprend avec Grenelle : on retrouve 42 heures dans les années 70, 39 heures en 1981 et 1982. Puis le système se bloque. La réduction collective du temps de travail ne progressera plus pendant une vingtaine d'années et il faudra près de dix ans pour que les 39 heures trouvent leur application concrète sur le terrain. Mais dans le même temps se développent d'autres formes de travail, ainsi que d'autres formes de réduction du temps de travail : la réduction du temps de travail, non pas négociée mais imposée, non pas collective mais individuelle, liée au développement du temps partiel.
    Entre 1985 et 1998, un million d'emplois sont créés, et 900 000 sont des emplois à temps partiel. 56 % des hommes et 40 % des femmes expliquent qu'ils acceptent ce travail faute de mieux et qu'ils souhaiteraient travailler plus. 75 % de ces emplois sont faiblement qualifiés et faiblement rémunérés. Du milieu des années 80 à la fin des années 90, le nombre de salariés à temps partiel doublera pour représenter 17 % des salariés. Le temps partiel augmentera durant cette période de presque 50 %.
    A cela s'ajoute un temps de travail en miettes, une individualisation du temps de travail qui n'est absolument pas organisée. De plus en plus de salariés voient leurs horaires changés, différés. Près de la moitié des salariés déclarent à cette époque que leur temps de travail ne sera pas le même le lendemain. Près d'un sur quatre dit qu'il va travailler au moins une fois dans l'année le dimanche, un sur deux au moins une fois dans l'année le samedi. Voilà la situation du temps de travail que nous avons trouvée !
    Le blocage de la réduction collective, le développement du temps partiel avec les inégalités qui s'y attachent avaient préoccupé les partenaires sociaux comme les pouvoirs publics. Les partenaires sociaux, à trois reprises au moins - la dernière fois, par l'accord du 31 octobre 1995 -, inscrivent la réduction du temps de travail comme moyen de faire diminuer le chômage. Pour autant, cet accord ne déboucha que sur une vingtaine d'accords de branche. A telle enseigne que, dans cet hémicycle, la majorité de l'époque discuta de la réduction du temps de travail en votant la loi de Robien du 11 juin 1996 - qu'il aurait d'ailleurs été plus légitime d'appeler loi Chamard.
    Mais la loi Robien n'avait pas déclenché un mouvement de négociations, bien qu'on en fasse aujourd'hui l'éloge. Elle ne fut pas non plus adoptée avec un consensus total dans les rangs de la majorité d'aujourd'hui : 2 300 accords signés au bout d'un an et demi, contre 13 000 accords dans les six premiers mois de la loi Aubry 1. D'ailleurs, contrairement à ce vous tentez de nous démontrer, les deux lois Aubry de 1998 et de 2000 ont enclenché un mouvement de négociations dont l'élan est encore perceptible aujourd'hui.
    A la fin de 2001, je l'ai rappelé, près de neuf millions de salariés étaient passés à 35 heures et plus de 100 000 accords avaient été signés. Ce mouvement de négociation présentait des caractéristiques particulièrement intéressantes puisqu'il s'était traduit non seulement par une réduction effective du temps de travail, mais, plus encore, par une relance de la négociation collective comme on n'en avait jamais connu dans ce pays. Auparavant, le nombre d'accords d'entreprise signés dans ce pays se montait à 7 000 par an en moyenne. Depuis la mise en place des lois Aubry, c'est 35 000 par an ! S'est ainsi développée une dynamique de la négociation comme on n'en avait jamais connu...
    M. Jean Dionis du Séjour. Forcément, puisque c'est obligatoire !
    M. Gaëtan Gorce. C'est en totale contradiction avec les explications que vous donnez en permanence, selon lesquelles cette loi imposée aurait étouffé la négociation.
    En outre, ces accords présentaient l'avantage de ne pas se limiter à un point précis - les salaires, l'organisation du travail, rarement l'emploi -, mais de regrouper l'ensemble de ces questions dans une négociation globale, présentée par tous les observateurs comme un outil de modernisation sociale.
    Cet outil de modernisation sociale fonctionne notamment en direction des petites et moyennes entreprises. Avant les lois Aubry, sur les 7 000 accords d'entreprise dont j'ai parlé, 5 % seulement étaient signés par des entreprises de moins de cinquante salariés. Depuis les lois Aubry, le pourcentage est monté à 45 % ! Autrement dit, et pour reprendre presque mot pour mot les termes de la DARES, la négociation est entrée dans toutes les entreprises. Elle n'est plus réservée désormais, comme l'indiquait le ministère du travail, aux grandes entreprises. Quel progrès pour les entreprises, quel progrès pour les salariés !
    La tendance est la même pour le secteur tertiaire. Jusqu'alors, six accords sur dix étaient conclus dans l'industrie ; désormais, le chiffre est identique pour le tertiaire, qui est entré aussi plus largement dans la négociation grâce à la réduction du temps de travail.
    Plus frappant encore, le mouvement s'est poursuivi depuis le 1er janvier de cette année. Le rythme des signatures d'accords a été multiplié par trois, et il a explosé par rapport à 2001 dans les toutes petites entreprises, celles de moins de vingt salariés. Ainsi, le temps de travail a encore diminué de 0,2 % depuis le début de cette année, et même de 0,4 % dans les entreprises de moins de vingt salariés.
    C'est ce mouvement de négociation que vous allez briser et que vous prenez aujourd'hui la responsabilité d'interrompre. Cela mérite d'être souligné. Tout votre texte va à l'encontre de ce mouvement de négociation.
    Comme ce fut le cas pour la négociation de branche et la négociation d'entreprise, les accords majoritaires, qui constituent une avancée considérable, se trouvent remis en cause. Vous dites sans cesse que vous voulez réformer les relations sociales. Mais cela suppose que les accords qui sont signés au niveau de l'entreprise, voire des branches, représentent une majorité des salariés, au moins une majorité syndicale. Nous avions introduit dans la loi sur la réduction du temps de travail l'idée que le bénéfice des allègements était conditionné par un accord majoritaire. Pourquoi ne pas retenir cette novation ? Pourquoi même l'abandonner, l'effacer ? En effet, l'article 12 de votre loi supprime l'ensemble du dispositif de négociation - accord majoritaire, mandatement, possibilité de négocier à travers les délégués du personnel, référendum des salariés.
    J'observe que le niveau de satisfaction des salariés augmente s'ils ont été consultés dans le cadre de la procédure de mise en oeuvre des 35 heures. Vous nous dites que vous souhaitez corriger les défauts de ce texte. Mais vous n'en prenez pas le chemin.
    La deuxième mystification concerne les salariés. Vous reprenez cette vieille tactique qui consiste à essayer de les retourner contre les avantages sociaux. Le SMIC serait en réalité un dangereux instrument contre l'emploi des non-qualifiés. Et les règles contre le licenciement décourageraient les embauches. La réduction du temps de travail jouerait contre les salariés, dégradant les conditions de vie, de travail et les salaires.
    Regardons les éléments. Ils sont nuancés. Ils ne sont pas tout d'un bloc, comme vous le pensez, et ils méritent considération.
    Il existe différents moyens de vérifier l'incidence de la réduction du temps de travail sur les conditions de vie et de travail des salariés.
    Le premier consiste à vérifier si les salariés ont bénéficié ou non d'une réduction effective de leur temps de travail. La réduction du temps de travail constitue en elle-même une amélioration de ces conditions de vie et de travail. Ou alors, il faut remettre en cause l'ensemble des lois sociales qui ont été votées depuis des décennies... On observe que la réduction effective du temps de travail a été de l'ordre de 10 % pour les entreprises qui ont bénéficié de la loi Aubry 1, contre un peu plus de 6 % pour les autres. Elle a été de 9 % avec la loi Aubry 2 et encore d'environ 6 % pour les autres entreprises, qui ont réduit le temps de travail sans accord. En moyenne, la réduction effective du temps de travail au cours de ces cinq dernières années a été de l'ordre de 8 %.
    Autrement dit, les salariés ont bénéficié concrètement d'une diminution de leur temps de travail. Aujourd'hui, il est d'environ 36 heures par semaine, voire moins. Si ce n'est pas un progrès, je ne sais pas ce qu'il faut qualifier de progrès social.
    Le deuxième moyen de vérifier l'incidence de la réduction du temps de travail sur les conditions de vie des salariés consiste à regarder le contenu et les modalités des accords.
    Dans un tiers des accords, la réduction du temps de travail s'est faite avec des jours de congé supplémentaires à prendre sur l'année, dans un autre tiers, avec des jours de congé ou des demi-journées à prendre sur la semaine et sur la quinzaine, et dans un quart, des réductions du temps de travail à prendre uniquement sur la semaine dans les horaires journaliers.
    Sans doute la modulation s'est-elle développée. Près de la moitié des accords y font référence. C'est ce qu'on appelle la flexibilité. Je rappelle que la loi de janvier 1990 a substitué à trois régimes de modulation un seul régime de modulation encadré par les négociations, et garantissant des droits aux salariés, notamment s'agissant des délais de prévenance.
    Un grand nombre d'accords font référence à la modulation, mais 23 % des accords appliquent celle-ci. Et quand on interroge les salariés, 18 % seulement nous disent qu'ils sont soumis à un régime de modulation.
    Le troisième moyen de vérifier l'effet des 35 heures sur les conditions de travail consiste à interroger les salariés eux-mêmes.
    M. Pierre Hellier. Ils ont répondu par un vote !
    M. Gaëtan Gorce. Interroger les salariés eux-mêmes me semble plus légitime que de faire parler les représentants de votre éminente majorité sur ces sujets. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Et ces salariés, que disent-ils ?
    Une enquête a été menée sur les effets de la réduction du temps de travail sur les modes de vie aux mois de décembre 2000 et de janvier 2001, auprès de 1 628 salariés interrogés en face-à-face - et non par téléphones - 59 % des salariés ont ainsi indiqué que les 35 heures représentaient une amélioration de leurs conditions de vie et de travail. 13 % seulement ont indiqué que leurs conditions de vie et de travail n'avaient pas été améliorées par la réduction du temps de travail. Il est vrai que les cadres sont plus nombreux à penser cela : 64 %.
    M. Pierre Lequiller. Pourquoi n'ont-ils pas voté pour vous ?
    M. Gaëtan Gorce. Mais 57 % des ouvriers non qualifiés tiennent le même raisonnement et 15 % seulement disent que leurs conditions de travail se sont dégradées.
    Certes, le jugement porté sur les seules conditions de travail est plus nuancé. Indiscutablement, dans certains secteurs, on a observé une intensification du travail. Un salarié sur dix dit en avoir fait l'objet dans le cadre des accords des 35 heures.
    Mais on observe aussi que les salariés que l'on interroge se déclarent généralement satisfaits de la mise en place des 35 heures, en particulier s'ils ont une famille et quel que soit leur niveau de rémunération. Ce qui différencie le jugement porté sur les 35 heures n'est pas, comme vous nous le dites, le niveau de salaire ou de responsabilités, mais les conditions dans lesquelles la réduction du temps de travail s'est opérée. Le niveau de satisfaction est toujours plus élevé lorsque celle-ci s'est faite dans le cadre d'un accord d'entreprise, lorsque les salariés ont été consultés.
    Donc, si vous voulez améliorer les conditions des salariés passant aux 35 heures, ainsi que celles des 10 ou 13 % de salariés dont la situation s'est dégradée à l'issue du processus, ce n'est pas en faisant encore en sorte que disparaissent les accords majoritaires, en faisant en sorte qu'il n'y ait plus d'intérêt à négocier que vous y parviendrez. C'est en renforçant la négociation à tous les niveaux et dans les entreprises, quelle que soit leur taille. Cette négociation doit devenir l'outil à partir duquel les conditions de vie et de travail pourront avancer.
    M. Richard Cazenave. Que ne l'avez-vous fait plus tôt !
    M. Gaëtan Gorce. Vous qui êtes si attachés à la négociation, pourquoi ne le proposez-vous pas ? D'ailleurs, je suis frappé par le fait que vous proposez une loi sans même avoir interrogé les branches professionnelles sur le jugement qu'elles portaient sur les 35 heures. Car, si votre motivation était bien, comme je l'ai entendu, la défense des salariés, pourquoi ne pas avoir interrogé les syndicats dans le cadre des branches professionnelles ? Pourquoi ne pas leur avoir demandé une évaluation de la situation liée à la réduction du temps de travail, et les aménagements qu'ils souhaitaient ? On aurait pu l'imaginer, plutôt que d'agir avec cette précipitation.
    M. Christian Cabal. Les électeurs ont tranché !
    M. Gaëtan Gorce. Vous avancez des arguments péremptoires. Pour ma part, je ne fais que citer les données fournies par le ministère du travail et que je tiens à votre disposition. Cette enquête est connue, elle a été dépouillée et commentée, depuis un an.
    Concernant l'incidence de la réduction du temps de travail sur les salariés, le débat n'est pas facile, ni pour vous ni pour nous. Vous prétendez que les salariés auraient été pénalisés par la réduction du temps de travail. D'abord, vous êtes fort mal placés pour aborder cette question. Le pouvoir d'achat du salaire net mensuel ouvrier a augmenté d'environ 1 % ces dix dernières années. 1 %. C'est peu. Sauf qu'il a baissé de 4,1 % entre 1993 et 1997, pour remonter ensuite de 5,1 %. On pourra discuter de ces chiffres, mais voilà la réalité.
    M. René André. N'importe quoi !
    M. Gaëtan Gorce. Il est par ailleurs faux de dire que la RTT se serait faite au détriment des salaires. Tout d'abord, et, vous nous le reprochez presque, nous avons mis en place une garantie évitant qu'un salarié au SMIC touche moins en travaillant 35 heures qu'en travaillant 39 heures. Nous avons même prévu une indexation sur le pouvoir d'achat, c'est-à-dire sur l'évolution de la croissance ; ce que vous supprimez. Le mécanisme des allégements que nous avions mis en place avait été calculé pour faire en sorte que le coût pour l'entreprise - jusqu'à 1,3 fois le SMIC - soit nul au regard du maintien du salaire ; autrement dit, qu'il ne justifie pas une modération salariale.
    M. Pierre Hellier. Cinq fois le SMIC !
    M. Gaëtan Gorce. C'est le deuxième élément qu'il faut prendre en compte.
    Troisième élément, dans 98 % des cas - ce sont là aussi les chiffres de votre ministère - les accords sur les 35 heures se sont traduits par une compensation salariale. Autrement dit, le salaire a été maintenu. C'est vrai qu'il y a eu des accords de modération salariale dans près d'un tiers des cas et gel des salaires dans 14 % des cas, donc, sur près de la moitié des accords, mais cette modération salariale ou ce gel ont été introduits de manière limitée dans le temps et avec des effets qu'il est possible de mesurer sur la réalité du pouvoir d'achat.
    Si l'on compare - et là encore, c'est votre ministère qui a fait ce travail - l'évolution des salaires dans les entreprises passées aux 35 heures avec celle des entreprises de même structure, de même taille, de même profil qui sont restées à 39 heures, il apparaît que l'écart de rémunération entre les unes et les autres est de l'ordre de 0,8 %. Autrement dit, le moindre gain de pouvoir d'achat est de l'ordre de 0,8 % pour ces salariés. Si l'on considère que le salaire horaire de base ouvrier a progressé de près de 8 % en cette période, c'est donc 7,2 % de progression seulement qu'auraient enregistré ces salariés.
    Pour l'essentiel - et c'est là qu'est la réponse - s'il y a un sentiment de frustration bien réel et que vous aurez à gérer à votre tour par rapport aux salaires, c'est que la revendication salariale a commencé à poindre au moment où la situation de l'emploi s'améliorait - et c'est bien normal - par l'effet des 35 heures et qu'elle créait donc une contradiction par rapport à la mise en place d'un certain nombre d'accords qui incluaient la modération pour mettre en place les 35 heures.
    M. Richard Cazenave. C'est les contes de Perrault ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Gaëtan Gorce. Mais cela n'a pas mis en cause l'évolution globale du pouvoir d'achat. Une frustration s'est exprimée et il importe aujourd'hui d'y apporter une réponse politique et sociale.
    On fera observer que la perte de salaire peut être liée aussi aux heures supplémentaires. Là encore, je crois qu'il faut que le débat s'engage sur le sujet. En moyenne, les heures supplémentaires représentent 23 à 24 heures par salarié et 30 % des salariés font des heures supplémentaires. Pour ces derniers, le nombre d'heures effectuées est plus important : entre 52 et 58 heures selon que l'on est à 35 ou à 39 heures. Notons à ce propos qu'il y a eu moins d'heures supplémentaires dans les entreprises passées à 35 heures, ce qui n'a rien d'évident car on pouvait estimer qu'étant contraintes elles auraient eu besoin de la liberté d'utiliser ce contingent pour avancer. Votre argument ne se vérifie pas.
    Selon les études de la DARES, ce sont ainsi huit heures en moyenne - entre six et dix heures supplémentaires - que les salariés auraient pu perdre, ce qui correspond grosso modo à 0,6 point de salaire. Ajouté au 0,8 point que j'indiquais, cela donne donc 1,5 point, ce qui n'est pas négligeable. Cela étant, il s'agit non pas d'un appauvrissement mais d'un moindre gain de pouvoir d'achat.
    Au total, ces données un peu fastidieuses, j'en conviens, mais utiles à rappeler, peuvent être résumées par une formule beaucoup plus simple et plus claire : en moyenne, lorsque nous étions aux responsabilités, la croissance a progressé de 3 % par an, 2 % de cette croissance sont allés à l'emploi, 1 % aux salaires. Fallait-il faire moins pour l'emploi, plus pour les salaires ? Répondez à cette question, le débat sera plus clair.
    Pour l'heure, c'est un marché de dupes que vous proposez aux salariés. Vous nous dites en effet que les 35 heures sont contraires à l'intérêt des salariés et contre les salaires. Mais dans la pratique, que proposez-vous pour remédier à cette situation ? Vous présentez vos mesures comme particulièrement généreuses. Je prends l'exemple du SMIC. Vous annoncez une augmentation de 11,4 % du pouvoir d'achat. J'observe d'abord que tous les smicards n'en profiteront pas, que l'augmentation moyenne pour l'ensemble des salariés au SMIC sera de l'ordre de 2 % et, que pour ceux qui sont passés au SMIC au 1er janvier, cette augmentation est de 0,2 %. La réponse que vous nous apporterez, monsieur le ministre, lorsque nous ouvrirons ce débat sera l'occasion de clarifier un certain nombre de choses.
    Parallèlement, de quel type de rémunération vont bénéficier les salariés qui seront restés à 39 heures ? S'ils sont dans une entreprise de moins de vingt salariés, ils bénéficieront de 10 % de rémunération d'heures supplémentaires, soit 1 % de salaire en plus. Travailler plus pour gagner plus : 1 % en plus contre treize jours de congé. Pour ceux qui seront dans une entreprise de plus de vingt salariés, la majoration sera de l'ordre de 2,5 %. Pas de quoi considérer qu'il y a là un changement considérable, d'autant que vous remettez en cause, par ailleurs, le repos compensateur dont ils pouvaient bénéficier.
    Au total, le dispositif que vous proposez n'améliore pas sensiblement la situation. En outre, l'évolution du pouvoir d'achat du SMIC, que vous annoncez à 11,4 %, plus l'inflation, sur les trois ans qui viennent, correspond à peine à l'augmentation du SMIC horaire constatée sur les cinq dernières années : plus de 15 %. Là encore, nous pourrons vérifier les chiffres.
    Troisième point : la croissance et l'emploi. Vous nous dites que les 35 heures n'auraient été qu'un épiphénomène, qu'elles n'auraient pas eu d'incidence sur l'emploi. Je crois d'abord qu'il faut rappeler le contexte. En effet, on peut juger les mesures que nous avons prises dans le temps, mais il faut d'abord voir dans quel contexte elles ont été décidées. C'était en 1997, soit après cinq ans de majorité de droite, une situation que je décrirai rapidement, sans polémique, à partir des chiffres bruts : trois millions de chômeurs, une explosion du chômage de longue durée, un taux de chômage des jeunes à 25 %, une augmentation de 460 000 du nombre de Rmistes et de bénéficiaires de l'ASS, une quasi-stagnation du pouvoir d'achat - plus 1 % sur cinq ans  -, une croissance plus faible - 1,5 % seulement - que la moyenne européenne, à hauteur de 2,1 %, soit un écart négatif de croissance par rapport au reste de la zone européenne de 0,6 point. Voilà la réalité dans laquelle nous étions en 1997.
    J'insisterai d'abord sur la réalité sociale, que vous n'avez quand même pas oubliée, celle d'un chômage de masse qui a d'ailleurs probablement justifié l'alternance que nous avons connue à cette époque. L'enjeu pour le gouvernement de Lionel Jospin était donc d'abord de relancer la croissance. Nous l'avons fait en prenant les mesures que j'ai indiquées : augmentation du pouvoir d'achat du SMIC avec un coup de pouce de 2,3 % - soit une augmentation globale de 4 % -, quadruplement de l'allocation de rentrée scolaire, transfert sur la CSG de cotisations salariales.
    Une fois la croissance relancée, l'enjeu consistait ensuite à partager ces fruits de la croissance en faveur de l'emploi, partage qui ne fonctionnait plus depuis près d'une vingtaine d'années. Car contraitement à ce que vous dites souvent, la réduction du temps de travail, ce n'est pas un partage du travail, c'est un partage de la richesse en faveur de l'emploi. Chaque année, notre pays crée un peu plus de richesse mais celle-ci allait vers l'ensemble des autres acteurs et non plus vers l'emploi. Le pari qui a été fait - pari audacieux, comme l'avait dit Lionel Jospin - consistait à considérer que ce gain lié à l'évolution de la richesse nationale devait être orienté prioritairement vers l'emploi.
    M. Richard Mallié. Cela n'a pas marché !
    M. Gaëtan Gorce. Que s'est-il passé, précisément ? Regardons les chiffres. Sur la période 1997-2001, la croissance est passée en moyenne de 1,4-1,5 % à 3-3,3 %.
    M. Jean Dionis du Séjour. Ce n'est pas grâce à vous ! Un peu de décence !
    M. Gaëtan Gorce. En cinq ans, deux millions d'emplois ont été créés, autant qu'au cours des vingt-cinq années précédentes.
    M. Jean Dionis du Séjour. Arrêtez !
    M. Gaëtan Gorce. Oh ! je ne dis pas que c'est grâce à nous. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Je constate une évolution que nous avons soutenue. Ce sont les entreprises françaises, ce sont les salariés français qui ont gagné le pari. En dénigrant ces résultats, vous dénigrez non pas les résultats du gouvernement de Lionel Jospin, mais les efforts que notre pays est capable de fournir. Au point où il en était de chômage, de difficultés économiques et sociales, il a trouvé des ressources pour rebondir et faire mieux que le reste de l'Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Deux millions d'emplois, c'est cinq fois plus que sur la période 1993-1997. A conjoncture égale...
    M. Richard Cazenave. Ce n'est pas la même période ! Il faut regarder aussi les autres pays !
    M. Gaëtan Gorce. Vous répétez sans cesse que la croissance a été plus élevée à partir de 1997, monsieur Cazenave, mais les chiffres sont là : au cours de la période 1993-1997, le PIB mondial a augmenté de 3,2 % par an, contre 2,7 % entre 1997 et 2002.
    M. Richard Cazenave. De qui vous moquez-vous ? Soyez sérieux !
    M. Gaëtan Gorce. Pour expliquer les résultats du gouvernement Jospin, mieux vaudrait discuter à partir de l'ensemble des données économiques dont on peut disposer au lieu d'invoquer sans cesse la croissance mondiale.
    Au total, la croissance française a été supérieure de 0,6 point à la moyenne européenne et près du double de celle que nous avions connue pendant la période précédente. Sur le chômage, vous vous plaisez à répéter que notre pays est passé au douzième rang. C'est à l'époque de M. Balladur et de M. Juppé que cela s'est produit et nous avons du mal à remonter la pente. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Richard Cazenave. C'est l'histoire revisitée !
    M. Gaëtan Gorce. Là encore, je vous donnerai les chiffres.
    Le chômage a diminué de 1,8 % en France contre 0,8 % pour l'ensemble de la zone euro.
    M. Jean Dionis du Séjour. On est au douzième rang européen !
    M. Gaëtan Gorce. Quelle est la part de la réduction du temps de travail dans ce processus, se demandent certains. C'est un débat intéressant.
    De 1997 à 2002, le surplus de croissance par comparaison à 1993-1997 a été de l'ordre de 1,9 point par an - 3,3 contre 1,4. Parallèlement, on constate que le nombre d'emplois créés dans notre pays chaque année pendant cinq ans a été de l'ordre de 400 000 contre 30 000 perdus grosso modo dans la période précédente. Si l'on considère que c'est la croissance qui a produit ce résultat, il faut prendre la différence de croissance et l'appliquer à l'emploi. La croissance était différente de 1,9 point. Alors, il faut en déduire que la croissance est responsable de l'augmentation de l'emploi pour 1,9 point, ce qui correspond à 250 000 emplois par an. La croissance a joué son rôle. On arrive à 1 250 000 emplois créés par la croissance sur 2 000 000.
    Alors comment expliquer la différence ? Le critère démographique sur lequel vous comptez un peu aujourd'hui ne suffit pas. L'évolution de la population active pendant cette période, c'étaient 150 000 personnes par an en plus sur le marché du travail. C'étaient notamment 150 000 jeunes qui se sont pas allés au service militaire. Ce n'est donc pas la démographie qui explique la différence. Si je rajoute à ces 1 250 000 emplois les 390 000 emplois créés dans le secteur public, notamment à travers les emplois-jeunes, reste effectivement un solde de 350 000 à 360 000 emplois, que l'on peut attribuer pour une part - quelle autre explication donner, sinon ? - aux 35 heures. Ces chiffres recoupent d'ailleurs très exactement ceux donnés par la DARES - ils tournent autour de 300 000 - et ceux fournis par l'OFCE. Ils sont aussi confortés par les études micro-économiques qui ont été menées comparant l'évolution de l'emploi dans les entreprises passées aux 35 heures et les autres. Il y apparaît que le rythme d'augmentation de l'emploi dans ces secteurs correspond à la différence que j'indiquais. L'écart en termes de création d'emplois est de l'ordre de huit points entre une entreprise passée à 35 heures et une autre restée à 39 heures. Et si vous faites la projection sur l'ensemble des emplois concernés, vous retrouvez grosso mode les 300 000 emplois dont je vous parlais. M. Fitoussi, qui mène ces études et qui est lui-même un partisan acharné de l'allégement des cotisations sociales, fait état d'une perspective de 550 000 emplois dans le cadre des 35 heures, d'ici à 2005, si le processus n'est pas interrompu, naturellement. Et tout cela a été obtenu sans mettre en cause la compétitivité de notre pays.
    J'en arrive ainsi à un autre argument que vous utilisez fréquemment mais qui n'est pas vérifié. Contrairement à ce que vous dites, en effet, la production par heure travaillée et celle par personne employée sont supérieures pour 2001 à la moyenne européenne - Jean Le Garrec a cité les chiffres tout à l'heure. La compétivité de notre pays n'a pas été atteinte par les 35 heures, elle a été, en réalité, améliorée à l'échelle macroéconomique.
    M. Gérard Hamel. C'est surréaliste !
    M. Gaëtan Gorce. C'est la vérité ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) C'est vous qui êtes surréaliste, monsieur Hamel !
    M. Gérard Hamel. Apparemment, il n'y a pas d'entreprises dans votre circonscription !
    M. le président. Monsieur Hamel, n'interrompez pas l'orateur !
    M. Gaëtan Gorce. Je ne dis pas cela pour essayer de tirer une quelconque gloriole. Je tiens simplement à ce que nous ayons un débat à partir de faits réels. Nous nous appuyons sur ce qui est pour essayer d'avancer et pas sur ce qui n'est pas pour voter des dispositions inutiles et qui iront à l'encontre des objectifs que nous devrions collectivement nous fixer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Je veux parler de l'emploi et de la croissance, deux thèmes sur lesquels nous ne devrions pas diverger.
    Quatrième point, la dévalorisation du travail. En vous écoutant, monsieur le ministre, une phrase de Léom Blum m'est revenue. Eh oui, le Front populaire, encore une fois ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. François Lamy. Cela vous fait du bien !
    M. Gaëtan Gorce. Voici ce qu'a dit Léon Blum au procès de Riom : « La loi des 40 heures, combinée à la création d'un secrétariat d'Etat aux loisirs confié à Léo Lagrange - élu du Nord, qui mourra pendant la guerre de 1940 - était à la base d'une charge imaginée contre moi. On me reprochait d'avoir fait perdre le goût du travail aux ouvriers français et d'avoir encouragé chez eux ce que les personnages officiels - je ne reconnais personne - ont appelé l'esprit de jouissance et de facilité. » Cette phrase n'est-elle pas à rapprocher, monsieur le ministre, de vos déclarations multiples, de celles du Président de la République et du Premier ministre, ce matin encore, dans Les Echos : « Les 35 heures ont dévalorisé les valeurs de l'effort. » (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Il est paradoxal dans ces conditions de prétendre que la réduction du temps de travail a dévalorisé le travail. Le discours du Gouvernement sur ce point est une tartufferie : valoriser le travail c'est d'abord et surtout permettre à chacun d'occuper une emploi qui lui donnera un revenu assurant sa dignité dans la société. Pas de valorisation du travail sans création d'emplois ! Or la réduction du temps de travail a permis de créer deux millions d'emplois. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean Dionis du Séjour. 300 000 !
    M. Gaëtan Gorce. Vous reconnaissez donc qu'elle a créé 300 000 emplois ! Merci !
    M. le président. Monsieur Dionis du Séjour, ne provoquez pas l'orateur !
    M. Gaëtan Gorce. Il est paradoxal, dans ce contexte, de dire que les 35 heures auraient joué contre l'emploi. Les 35 heures auront créé plus d'emplois qu'aucun des gouvernements auxquels M. Fillon a participé (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française) et participera, mais ce qui est plus intéressant...
    M. Georges Tron. Enfin !
    M. Gaëtan Gorce. Entendez-le, c'est le droit de l'opposition. Il y a dans cette assemblée une majorité et une opposition. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Il faut que vous appreniez à accepter la contradiction.
    La modestie dont le Premier ministre fait étalage en permanence devrait vous conduire à considérer que le débat peut se dérouler normalement et qu'on a le droit de ne pas penser comme vous sur des sujets aussi fondamentaux ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Vous avez le droit et le devoir de poursuivre votre propos, monsieur le député.
    M. Gaëtan Gorce. La réduction du temps de travail aura créé beaucoup plus d'emplois qu'aucun des gouvernements auquel M. Chirac, actuel Président de la République, et pour lequel, de par ses fonctions, j'ai le plus grand respect, aura participé. Plus 200 000 chômeurs de 1967 à 1974, alors qu'il était ministre ; plus 550 000 chômeurs de 1974 à 1976 et plus de 150 000 chômeurs de 1986 à 1988 alors qu'il était Premier ministre et, enfin, plus de 150 000 chômeurs alors qu'il exerçait son premier mandat de Président de la République avec Alain Juppé comme Premier ministre.
    M. Jean Le Garrec. Il faut arrêter !
    M. Gaëtan Gorce. Chaque fois que M. Chirac est au pouvoir le chômage augmente ! M. Chirac c'est un million de chômeurs en plus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialisre. - Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Richard Mallié. Et Mitterrand ?
    M. Gaëtan Gorce. Vous aimez la polémique, permettez-nous parfois d'y recourir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Ces chiffres sont vrais, vous pouvez les vérifier.
    M. Richard Mallié. Et Mitterrand c'est combien de chômeurs ?
    M. le président. S'il vous plaît !
    M. Gaëtan Gorce. Comment accepter par ailleurs le raisonnement moralisateur qui laisserait entendre qu'il serait honteux de travailler moins ? C'est d'abord oublier que la baisse du temps de travail s'est toujours accompagnée d'une augmentation de la productivité par tête : en clair que travailler moins, c'est aussi travailler mieux. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) C'est, en outre, se tromper profondément sur les grandes tendances qui sont à l'oeuvre dans l'Europe entière. D'après les chiffres Eurostat, la durée moyenne de travail en Europe est ainsi de 36,4 heures. Nous en sommes aujourd'hui à 36,1 heures.
    M. Nicolas Perruchot. 39,55 heures en moyenne par semaine en Europe !
    M. Gaëtan Gorce. C'est oublier encore que la réduction du temps de travail, parce qu'elle a soutenu l'emploi, s'est traduite par une augmentation du nombre d'heures travaillées : plus 9 % pendant la période 1997 à 2002.
    M. Richard Mallié. Grâce à la croissance !
    M. Gaëtan Gorce. Autrement dit, la réduction du temps de travail a fait que, si on travaille davantage collectivement dans notre pays, on y travaille moins individuellement. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    C'est enfin oublier que la valeur du travail est étroitement liée à la qualité de l'emploi. Il faut en finir avec les emplois à temps partiel, les emplois bradés,...
    M. Richard Cazenave. On l'a déjà dit !
    M. Gaëtan Gorce. ... les sous-emplois qui sont proposés à une grande partie des salariés.
    J'observe à cet égard qu'un des rares amendements présentés par le rapporteur dans ce débat consiste précisément à réintroduire le cumul possible entre les allégements de cotisations sociales et l'abattement de 30 % sur le temps partiel. On voit bien, au plan social comme au plan économique, où sont vos choix.
    J'en arrive au financement des 35 heures. Vous le voyez, je n'esquive pas le débat. Le bouclage du financement des 35 heures doit être examiné au niveau macro-économique et non purement comptable. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Georges Tron. Absolument pas !
    M. Philippe Vitel. Expliquez-le aux contribuables !
    M. Gaëtan Gorce. Mes chers collègues, je pense que nous pouvons éviter d'avoir un débat de réunion publique. Discutons à partir d'arguments de référence et de données qui peuvent être réfutés mais qui méritent d'être exposés.
    M. Georges Tron. Absolument !
    M. Gaëtan Gorce. La mise en place de la RTT s'inscrivait dans une dynamique de création d'emplois dans le secteur marchand. Cette dernière a généré des recettes fiscales et sociales qui sont ristournées aux entreprises sous forme d'allégements. L'équilibre économique de la mesure est atteint lorsque le montant des rentrées fiscales et sociales obtenu par la collectivité est égal au montant de l'aide qui est versé aux entreprises, pour autant que cette aide permette justement de couvrir les frais liés au passage aux 35 heures.
    Les économistes avaient estimé à 5 000 francs en moyenne le montant à partir duquel on égalisait cette situation. Cette aide d'équilibre était suffisante pour éviter un surcoût, mais aussi que la dépense engagée par la collectivité, par le biais des allégements, soit supérieure aux rentrées qu'elle pouvait attendre. La moyenne des allégements accordés dans le cadre des allégements Aubry est de l'ordre de 7 000 francs, donc 2 000 francs de plus que ce qui était nécessaire. Si vous rapportez ces chiffres aux 8 millions de salariés qui ont bénéficié de la mesure, vous arrivez effectivement à un coût net des 35 heures d'un point de vue microéconomique de l'ordre de 16 milliards de francs.
    M. Richard Mallié. Ça fait combien en euros ?
    M. Gaëtan Gorce. Comme le rappelait Jean Le Garrec tout à l'heure, le coût de la ristourne Juppé est de 200 000 francs par emploi. Si l'on rapproche ce chiffre de celui du coût des allégements Aubry - 75 000 francs par emploi -, on s'aperçoit que les dépensiers ne sont pas du côté que vous dites.
    Par ailleurs, prétendez-vous, si on les envisage d'un point de vue comptable, les 35 heures creusent le déficit des comptes sociaux. Mais sur les 90 milliards de francs aujourd'hui mobilisés par le FOREC, la moitié le sont pour l'allégement Aubry et l'autre moitié pour la ristourne Juppé : 45 milliards chacun. Pas plus, pas moins.
    M. Jean Le Garrec. Eh oui, il faut le répéter !
    M. Gaëtan Gorce. Autrement dit, quand vous évoquez cette situation, vous émettez une contre-vérité.
    Autre débat sur lequel vous voulez nous emmener en permanence, celui des parts respectives de la réduction du temps de travail et des allégements dans la création d'emplois. A ce sujet, je vous invite à vous reporter à une étude de l'OFCE de juillet 2001, qui a comparé l'impact d'une réduction du temps de travail et celui d'un simple allégement de 5 000 francs par salarié. Faisant ce travail - je vous épargne les détails - l'OFCE arrive à la conclusion qu'une réduction du temps de travail de 5 %, financée comme elle l'est aujourd'hui, permet de créer 320 000 emplois pour un coût moyen de 45 000 francs par emploi, contre 110 000 emplois créés grâce à des allégements, pour un coût moyen par emploi qui représente le double.
    Autrement dit, d'après les études menées par les économistes - et je n'en cite qu'une pour ne pas être trop long, car je ne dispose que d'une heure et demie (Sourires)...
    M. le président. Il ne vous reste plus une heure et demie. Il ne vous reste plus que dix minutes. (« C'est bien assez ! » sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Gaëtan Gorce. Je le regrette, car j'arrive juste au coeur de mon raisonnement ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)
    M. le président. Le règlement s'applique à tout le monde, monsieur Gorce !
    M. Gaëtan Gorce. Sur le total des créations d'emplois, celles liées aux allégements représentent donc un tiers, contre deux tiers pour la réduction du temps de travail. Vous avez votre réponse. Et sans réduction du temps de travail, le coût de ces allégements est trois fois plus élevé que celui de la réduction du temps de travail. Je crois qu'il faut que ces choses-là soient dites clairement...
    M. François Brottes. Très bien !
    M. Gaëtan Gorce. ... sinon, on perd en logique ce que l'on gagne peut-être en polémique.
    Comme vous le voyez, j'ai souhaité répondre à toutes les questions. Nous y reviendrons dans le cours du débat. Nous considérons en effet que le bilan des 35 heures doit être dressé. (« Il est lourd ! » sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Nous désirons l'assumer, avec ses limites et ses réussites, mais et je pense que les secondes l'emportent largement sur les premières.
    M. Hervé Novelli. Oh non !
    M. Gaëtan Gorce. C'est un projet gagnant-gagnant.
    En revanche, le projet que vous allez voter est un projet perdant-perdant.
    M. Hervé Novelli. C'est vous qui avez perdu les élections !
    M. Gaëtan Gorce. C'est un projet perdant pour les salariés, perdant pour les entreprises et donc pour la croissance et pour le pays.
    M. Richard Mallié. Votre projet était perdant pour les socialistes !
    M. Gaëtan Gorce. Je n'ai pas besoin d'insister. Vous ne faites rien pour lutter contre l'intensification du travail, rien sur la revalorisation des salaires. C'est un marché de dupes que vous proposez aux salariés. Pourquoi tout cela, pourquoi ce démantèlement des 35 heures ? Quelles en sont les raisons ? J'en terminerai là-dessus, monsieur le président, puisque vous me laissez si peu de temps.
    M. le président. Il ne s'agit pas de moi, mais du règlement, monsieur Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Je comptais sur votre bienveillance, mais je suppose que sur ce sujet ce sera difficile.
    Parmi ces raisons figure d'abord l'esprit de revanche. Comment le nier ? Il suffit d'écouter les propos qui sont tenus, y compris à l'égard du Front populaire. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Dino Cinieri. Mais arrêtez avec ça !
    M. Gaëtan Gorce. Franchement, on aurait pu croire qu'une telle référence viendrait de la gauche, que ce serait elle qui chercherait à réveiller les mânes de Léon Blum ou de Jean Jaurès. Et c'est vous qui l'avez fait dans ce débat.
    M. Hervé Novelli. C'est vous qui l'avez cité !
    M. Gaëtan Gorce. Comme quoi les archaïques ne sont pas ceux qu'on pense !
    C'est bien l'esprit de revanche qui vous a fait dire tant de choses sur les 35 heures et parfois aussi sur son inspiratrice, Martine Aubry, à qui je veux rendre hommage, ainsi qu'à Elisabeth Guigou, la ministre des affaires sociales, qui a également porté ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Richard Mallié. Mme Guigou n'applaudit pas !
    M. Gaëtan Gorce. Mais il n'y a pas que l'esprit de revanche, je vous le concède. Je suis un peu polémique. Il s'agit aussi d'un parti pris idéologique : vous n'aimez pas que l'Etat intervienne pour soutenir l'emploi.
    M. Hervé Novelli. Nous n'aimons pas qu'il intervienne dans l'économie, non !
    M. Gaëtan Gorce. Mais nous avons fait un choix et nous le revendiquons. Nous ne le regrettons pas. Il y a sans doute des choses à changer dans les 35 heures,...
    M. Richard Mallié. C'est ce que nous faisons !
    M. Gaëtan Gorce. ... mais nous avons exprimé une volonté politique, celle de responsables qui, confrontés à 3 millions de chômeurs, considèrent qu'il faut tout essayer. Nous avons pris nos responsabilités.
    M. Hervé Novelli. Et vous avez perdu !
    M. Gaëtan Gorce. Nous considérons que notre rôle d'élu, notre responsabilité d'élu, en charge du Gouvernement, était de tout tenter pour améliorer la situation des plus démunis, de ceux qui sont au chômage. Et cela, vous ne l'acceptez pas.
    Cette volonté, nous la revendiquons, nous en faisons un élément à partir duquel nous pouvons avancer. Sans la négociation, rien n'aurait été possible, mais sans cette volonté, sans cette impulsion rien ne l'aurait été non plus. Je crains malheureusement que vous ne nous en fassiez la triste démonstration dans les mois et les années qui viennent. J'espère qu'il ne s'agira que de mois.
    M. François Calvet. On en reparlera !
    Un député du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Vous parlez d'expérience !
    M. Gaëtan Gorce. Vous vous situez manifestement dans le camp opposé : vous détruisez tous les outils de la politique de l'emploi que nous avons mis en place et ne les remplacez par rien. Car je ne vois pas aujourd'hui les signes d'une véritable stratégie pour l'emploi.
    Je ne reviendrai pas sur les CES, les CEC, TRACE, les emplois-jeunes, la réduction du temps de travail : je ne pourrais pas conclure mon intervention dans les minutes qui viennent si je devais citer toutes les mesures que vous envisagez de remettre en cause.
    M. Eric Diard. On se demande pourquoi vous avez été battus !
    M. Gaëtan Gorce. Imaginez, monsieur le ministre, une équipe d'alpinistes décidée à atteindre un sommet très difficile et qui, avant d'entreprendre l'escalade, vide son sac de tout ce qui doit l'y aider : piolets, cordes, pitons, etc.
    M. Eric Diard. C'est ce que vous avez fait !
    M. Gaëtan Gorce. Après tout, dirons-nous, elle montera plus vite puisqu'elle s'est débarrassée d'instruments trop lourds et qui gênent sa progression ! Mais à peine arrivée au pied d'une falaise un peu difficile, elle se met à arracher les pitons qui ont été posés par l'équipe précédente (Rires), en l'occurrence la réduction du temps de travail (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), pour continuer l'ascension à mains nues. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Mazeaud n'est pas là mais je crois qu'il m'aurait approuvé ! (Sourires.) Quels drôles d'alpinistes ! Quel sommet espèrent-ils vaincre ainsi ? En tout cas pas celui du chômage ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Hervé Novelli. Vous, vous êtes au bord du gouffre !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Solutré !
    M. Gaëtan Gorce. Vous riez, mais ce sujet n'est pas drôle, car vous supprimez les emplois. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Allez-y, monsieur Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. J'aurais droit à deux minutes de plus, monsieur le président !
    M. le président. Ce n'est pas vous qui présidez ! Continuez au lieu de vous laisser interrompre !
    M. Gaëtan Gorce. Je suis interrompu en permanence !
    Vous supprimez les emplois Aubry pour les remplacer par des chômeurs Raffarin. Nous ferons les comptes des uns et des autres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mais la troisième raison de votre attitude est tout aussi grave, c'est qu'au fond vous n'aimez pas la négociation sociale.
    M. Hervé Novelli. Vous êtes gonflé ! Il n'y a pas eu de négociation pendant deux ans !
    M. Gaëtan Gorce. Vous vous y référez, mais vous ne l'aimez pas. Le dialogue social, c'est la participation des employeurs et des syndicats, la réforme en profondeur de nos relations sociales, le recours à l'accord majoritaire, une présence syndicale plus forte, y compris dans les plus petites entreprises.
    Vous n'aimez pas la négociation sociale. Vous l'invoquez, mais vous ne la pratiquez pas, en tout cas pas quand vous en avez la possibilité - car c'est cela qui compte. Vous préférez les bonnes vieilles méthodes. J'ai d'ailleurs remarqué que le MEDEF, votre acolyte sur ces sujets, qui revendiquait en permanence la négociation et le dialogue lorsque nous étions aux responsabilités »...
    M. Éric Diard. Il n'y en avait pas !
    M. Gaëtan Gorce. ... a vite abandonné cette exigence pour ne plus penser, depuis que vous êtes revenus, qu'à travers la loi et le décret.
    Permettez-moi, là encore, de souligner les conséquences de vos décisions. En brisant la négociation sur la réduction du temps de travail - car c'est ce que vous faites -, vous brisez un outil de modernisation sociale, vous stoppez net un mouvement qui a bénéficié à toutes les catégories d'entreprises et qui a impliqué toutes les catégories de salariés.
    M. Richard Mallié. Vous l'avez déjà dit !
    M. Gaëtan Gorce. En détruisant comme vous le faites les autres outils de la politique de l'emploi, vous agissez par incompétence ou par inexpérience - je ne sais quelle est la bonne explication (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
    M. Dino Cinieri. L'incompétence, vous en avez donné un bon exemple !
    M. Gaëtan Gorce. ... tant il est redoutable de se priver des moyens qui marchent au moment où le chômage reprend de l'ampleur.
    M. Yves Bur. C'est votre chômage !
    M. Gaëtan Gorce. Vous prenez la responsabilité d'une aggravation du chômage dans ce pays sans vous donner les moyens de le combattre : à preuve, l'incompréhension dont vous témoignez à l'égard de la réduction du temps de travail.
    M. Richard Mallié. C'est l'heure, monsieur le président !
    M. le président. Pas encore !
    M. Gaëtan Gorce. La réduction du temps de travail - je ne parle pas simplement des 35 heures -, ce n'est pas simplement une mesure favorable à l'emploi, c'est un projet de société, une autre vision. Elle remet en cause le partage injuste qui, comme toujours, faisait peser le poids du chômage sur les mêmes.
    Au-delà du débat que nous avons ce soir, deux horizons se dessinent devant nous : soit - c'est ce qui nous menace - une société toujours plus inégalitaire, avec une partie des actifs enfermés dans le stress et la suractivité, où les engagements familiaux, associatifs ou politiques sont réservés à certaines catégories sociales,...
    M. Yves Bur. C'est le résultat de votre politique !
    M. Gaëtan Gorce. ... soit au contraire une société de pluriactivités, qui assure la participation de tous en répondant à l'aspiration séculaire à la réduction du temps de travail.
    M. Yves Bur. Les salariés ne l'ont pas compris ainsi !
    M. Gaëtan Gorce. Certes, celle-ci ne suffit pas, par elle-même, à régler toute la question.
    M. Hervé Novelli. C'est le moins qu'on puisse dire !
    M. Gaëtan Gorce. Elle doit s'inscrire dans un projet global qui va de la lutte contre l'intensification du travail à la définition d'un véritable droit au repos, en passant par des actions publiques en profondeur pour réduire les temps de transports, faciliter l'accès à la culture et aux loisirs, toutes choses sans lesquelles une politique de réduction du temps de travail ne peut pas trouver tout son élan. C'est l'idée d'une société plus active, plus efficace et plus solidaire.
    M. Richard Mallié. Pourquoi ne l'avez-vous pas réalisée ?
    M. Gaëtan Gorce. Oui, nous revendiquons ces éléments comme un projet capable d'organiser autrement la société. C'est l'ambition d'une société du temps libéré, et elle reste d'actualité. Elle passe non par la remise en cause de la réduction du temps de travail mais par son approfondissement, pour obtenir une meilleure articulation des horaires du travail aux contraintes individuelles, une meilleure prise en compte du temps hors travail.
    La loi du 19 janvier 2000 a amorcé ce processus en inscrivant un nouveau droit au repos, en donnant des marges d'initiatives aux salariés, par exemple pour prendre leurs jours de congés individuels, en introduisant pour les salariés à temps partiel le droit de refuser les heures complémentaires en raison de contraintes familiales. (Exclamations sur les bancs de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Vous plaisantez, mais il s'agit d'éléments nouveaux dans le droit du travail. Ils consistent à garantir collectivement des droits individuels alors que, jusqu'à présent, on définissait des droits collectifs. C'est beaucoup plus moderne. Il s'agit d'une législation digne du xxie siècle, bien plus que la mesure qui consiste à renvoyer à la négociation libre le recul des garanties sociales.
    Notre objectif devrait être de bâtir un nouveau droit du temps de travail, qui soit aussi un droit des temps de vie. Cela suppose à la fois une forte implication syndicale et la capacité de définir collectivement les droits individuels. Cela nécessite également un travail en profondeur sur les relations entre les différents temps de vie - dont vous ne nous parlez pas - : la formation, la vie active et la retraite, qu'il ne sera plus possible, à l'avenir, de séparer.
    Force est de constater - pour le regretter aussitôt - que votre loi passe très loin de ces sujets. Au regard des problèmes auxquels est confrontée notre société, nous en sommes presque revenus - pardonnez-moi encore, la polémique vous fera réagir - au train à vapeur, au bateau à voile ou peut-être à la lampe à huile. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) En tout état de cause, les instruments de la politique de l'emploi que vous mettez en place nous rappellent les années soixante-dix, mais certainement pas les années quatre-vingt-dix.
    Nous combattons votre loi sans espérer convaincre votre majorité.
    M. Richard Mallié. Il y a peu de chance !
    M. Gaëtan Gorce. C'est regrettable !
    M. Eric Diard. Pas avec de tels arguments !
    M. Gaëtan Gorce. Les vôtres ne valent pas mieux.
    Mais ce que vous ferez adopter se heurtera aux résistances de la société. Il est dommage que vous ayez choisi d'aller contre le courant plutôt que de l'accompagner. Comment ne pas faire le pari que le temps, justement, vous apprendra que les 35 heures ont changé plus profondément notre société que vous ne le supposez ? (« C'est sûr ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Monsieur le ministre, votre modestie, comme celle du Gouvernement et du Premier ministre, ne nous trompe pas. Le sage disait que l'humilité se constate, elle ne s'autoproclame pas. Votre mission se situe malheureusement, je l'ai indiqué, à contre-courant et, jointe aux autres initiatives que vous avez prises, la suppression de la réduction du temps de travail va alimenter la chaudière du chômage. Permettez-moi de vous le dire, monsieur le ministre, avec beaucoup de gravité, à la fin de ce propos : ressaisissez-vous ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Nous prenons date !... Nous ne vous donnons pas un an pour faire le triste bilan de votre politique. Mais le problème, c'est que ce bilan ne sera pas seulement celui de votre gouvernement, pas plus que le bilan du gouvernement précédent, ce sera le bilan de la France, celui qu'auront à supporter les salariés et les entreprises.
    Et si vous ne prenez pas d'initiatives plus fortes, si vous ne changez pas vos orientations, c'est malheureusement vers cela que nous allons : c'était notre devoir d'opposants, ce soir, de vous le rappeler. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Applaudissements sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur Gorce, si votre démonstration a été longue, elle n'en a pas, pour autant, été rigoureuse.
    M. René André. Ni convaincante !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous aurons l'occasion, tout au long du débat, de revenir sur la plupart des sujets que vous avez évoqués. Je voudrais simplement prendre trois exemples de ce défaut qui vous a empêché, contrairement à votre souhait, d'éclairer nos débats.
    Vous avez manifesté un premier manque de rigueur à propos de l'analyse de l'évolution du pouvoir d'achat des bas salaires ces dernières années. Je vous rappelle en effet que la première garantie mensuelle, qui concerne les salariés passés à 35 heures avant le 30 juin 1999, a été revalorisée pour la première fois en juillet 2000. Son montant n'a donc pas évolué pendant deux ans, du 1er juillet 1998 au 30 juin 2000, entraînant une perte de pouvoir d'achat pour les salariés concernés. Depuis 2000, la revalorisation en termes réels des garanties n'a pas dépassé 0,4 % par an, contre 1,5 % pour le SMIC. La RTT et le système des garanties ont imposé une modération salariale prononcée : les salariés au SMIC passés aux 35 heures au cours du premier semestre 2000 ont perdu 3,6 % de pouvoir d'achat par rapport à ceux restés à 39 heures. (« Eh oui ! C'est vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. François Hollande. Mais le taux horaire a été augmenté ! Il n'a pas pu baisser puisqu'on a gagné quatre heures !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Vous faites ensuite preuve du même manque de rigueur lorsque vous analysez le dispositif que nous proposons en matière d'harmonisation des SMIC. En effet, monsieur Gorce, les dispositions contenues dans notre projet vont se traduire, si ce texte est voté en l'état, par une augmentation du SMIC de 11,4 % hors inflation pour un million de salariés, tandis que, pour deux millions de salariés, l'augmentation moyenne sera de 6,4 %. Ces chiffres sont incontournables. C'est la réalité, et ce n'est pas en cherchant à la nier que vous permettrez un débat entre nous qui aborde l'ensemble des problèmes que les lois que vous avez votées ont posés.
    Le deuxième élément que j'ai relevé concerne les contradictions qu'une très longue intervention rend souvent inévitables.
    Vous nous avez expliqué longuement que les 35 heures n'avaient finalement que des avantages, que ce soit pour les salariés, pour les entreprises ou pour l'économie française.
    Mais vous nous avez aussi rappelé que, pour les imposer aux entreprises, il vous avait fallu mobiliser des sommes considérables à travers les aides publiques. Vous pensez d'ailleurs que le retrait de ces aides que nous sommes en train d'organiser - car nous allons supprimer les allégements Aubry pour les remplacer par un nouveau dispositif - va entraîner la ruine de votre projet.
    Si les entreprises ont tant intérêt à passer aux 35 heures ; si l'économie française doit tellement en profiter, pourquoi est-il nécessaire que le contribuable soit obligé de les aider ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. François Hollande. Il va continuer à payer !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Enfin, monsieur Gorce, vous nous avez affirmé, avec un aplomb qui ne me fait pas sourire, que vous étiez partisan de l'accord majoritaire et de la rénovation du dialogue social. Vous avez pourtant gouverné notre pays pendant cinq ans sans jamais engager la réforme des conditions de ce dialogue. Or, cette réforme, les partenaires sociaux vous la proposaient puisqu'ils ont, en 2001, signé à la quasi-unanimité un accord que vous n'avez pas cru bon de reprendre à votre compte. Nous, nous allons le faire, et, dès le mois de janvier prochain, je reviendrai devant le Parlement pour vous proposer des mesures inspirées par leur position commune.
    En réalité, monsieur Gorce, vous avez moins cherché à éclairer le débat qu'à défendre votre bilan. Et vous l'avez fait avec énergie. Quoi de plus normal !
    Mais vous n'êtes traversé par aucun doute. A aucun moment vous ne considérez que la politique que vous avez conduite en matière économique ait pu avoir une conséquence sur les résultats électoraux que vous avez connus au premier tour de l'élection présidentielle (« Oui ! » sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) et qui, en raison de la présence de l'extrême droite, ont représenté une menace pour notre pays. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    La vérité, monsieur Gorce, c'est que nous sommes au treizième rang des pays européens pour le produit intérieur brut par habitant, et au douxième rang pour nos performances en matière d'emploi. L'Italie est passée devant nous.
    Vous n'avez pas traité les causes structurelles qui font que la France ne connaît pas les performances qu'elle devrait avoir en matière d'emploi.
    Quant à votre démonstration selon laquelle la responsabilité des chiffres du chômage pourrait être attribuée à tel ou tel dirigeant, permettez-moi de dire à quel point elle était dérisoire. Tout le monde sait ici que l'évolution de l'emploi est étroitement liée à celle de la croissance.
    M. Gaëtan Gorce. Il s'agit de hasards malheureux.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Toute la difficulté, aujourd'hui, consiste à soutenir la croissance et à relancer l'activité économique dans notre pays. C'est justement ce que nous avons, nous, choisi de faire.
    M. François Hollande. On verra les chiffres !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur Gorce, vos certitudes, vos commentaires ironiques sur le texte que je présente au Parlement, vos remarques souvent mesquines - pour reprendre une expression que vous avez souvent utilisée - ne me font pas sourire, parce que notre pays affronte des vents contraires et que nous devons relever, en matière économique, des défis sacrément difficiles.
    L'élargissement de l'Union européenne est devant nous, et je suis certain que personne n'en a complètement mesuré les conséquences sur notre économie.
    M. Richard Cazenave. En effet !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. L'entrée de la Chine dans l'Organisation mondiale du commerce est un événement considérable qui marque une nouvelle étape de la mondialisation de l'économie.
    M. Julien Dray. Seattle !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Et confrontés à cette situation, vous voulez vous entêter à mettre en oeuvre des remèdes et des mesures que nous sommes le seul pays en Europe à employer.
    Nous, nous avons choisi de changer de politique de l'emploi. Vous ne pouvez pas nous le reprocher. Nous avons choisi de soutenir l'emploi des jeunes. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Le vrai emploi des jeunes ! Nous avons choisi une politique d'allégement des charges.
    Nous avons choisi d'assouplir les 35 heures, de baisser les impôts,...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Lesquels ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... d'élargir la prime pour l'emploi à temps partiel.
    Nous avons choisi de mettre en oeuvre une grande réforme de la formation professionnelle avec la mise en place de l'assurance emploi.
    Mais surtout, monsieur Gorce, nous avons choisi de relancer le dialogue social. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. René André. Eh oui ! Il était en panne.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Si vous avez confiance dans le dialogue social, toutes les craintes que vous avez manifestées sont vaines car toutes les mesures proposées au vote de votre assemblée ne font qu'ouvrir des espaces de dialogue supplémentaire pour les partenaires sociaux.
    M. François Hollande. Pas dans les petites entreprises !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. L'augmentation du contingent d'heures supplémentaires, le choix de la rémunération de celles-ci, les règles d'usage du compte épargne temps ne seront mis en oeuvre que si les partenaires sociaux le décident dans les branches ou dans les entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Alain Vidalie. Alors, pourquoi faire une loi ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Parce que les lois Aubry interdisaient aux partenaires sociaux de discuter du contingent d'heures supplémentaires,...
    M. Julien Dray. Mais non ! Elles prévoyaient un accord majoritaire.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... de réévaluer le niveau de la rémunération de celles-ci et de toucher aux règles du compte épargne temps.
    M. Bernard Accoyer. Enfin, un vrai ministre !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La vérité, c'est que vous ne faites pas confiance aux partenaires sociaux. Et, monsieur Gorce, si vous avez été battus, c'est parce que vous êtes satisfaits. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. François Hollande. Vous en prenez le chemin, vous, de la satisfaction !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je ne m'en réjouis pas, parce que je pense que la sortie de la crise politique et sociale que traverse notre pays passe aussi par votre évolution. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe communiste.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, il y a des choses que vous ne pouvez pas dire.
    M. François Hollande. Il les a dites, pourtant !
    M. Maxime Gremetz. Vous dites que vous aimez le dialogue social, mais je vous fais observer que vous supprimez la petite avancée que nous avions obtenue : ...
    M. Alain Vidalies. La seule chose qu'il y avait dans le texte : l'accord majoritaire !
    M. Maxime Gremetz. ... l'obligation d'un accord majoritaire, c'est-à-dire d'un accord signé par des organisations syndicales représentant la majorité des salariés...
    Un député du groupe de l'Union pour la démocratie française. Non, 7 % !
    M. Maxime Gremetz. ... pour pouvoir bénéficier des exonérations de cotisations patronales, que les patrons appellent des charges, et qu'en fait ils paient de moins en moins.
    Vous dites, monsieur le ministre, que nous avons peur du dialogue social. Vous êtes drôle ! Le vôtre s'apparente à un tour de passe-passe. Vous renvoyez tout au dialogue mais ne prévoyez pas d'accords majoritaires. Du coup, le bon dialogue dont vous vous vantez reviendra à laisser à un seul syndicat, ultraminoritaire, le pouvoir de signer n'importe quel accord, comme cela s'est passé dans l'hôpital public, et l'on sait les problèmes qui en ont découlé.
    Moi, je fais confiance au dialogue social, à condition que les règles démocratiques et élémentaires de celui-ci soient respectées.
    M. Richard Cazenave. C'est-à-dire que la CGT soit d'accord !
    M. Maxime Gremetz. Si je vous disais, dans cette enceinte : « Messieurs de la majorité, vous avez la majorité des suffrages, mais c'est nous la majorité maintenant, ici ! », qu'est-ce que vous diriez ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. René André. Nous dirions non !
    M. François Hollande. Ça vous fait peur !
    M. Maxime Gremetz. C'est pourtant ce que vous dites aux salariés. C'est ma première observation.
    Ma seconde observation est la suivante : vous vous targuez, messieurs de la droite, de prendre en compte le point de vue social, mais les amendements que nous avons proposés - l'augmentation du SMIC de 11,4 % ; les accords majoritaires de branche -, vous avez voté contre ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Vous n'étiez pas les seuls, d'accord ! Mais cela ne change rien au fait que vous avez voté contre ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    En revanche, les heures supplémentaires à 10 % - et, là non plus, vous n'étiez pas les seuls -, vous avez voté pour. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Alors, ne venez pas aujourd'hui nous faire des démonstrations de politique moderne de lutte pour l'emploi et la démocratie sociale.
    Ces quelques remarques, que nous aurons l'occasion de développer plus largement, expliquent pourquoi nous voterons la question préalable déposée par notre collègue Gaëtan Gorce (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour le groupe socialiste.
    M. Patrick Bloche. Je souhaiterais, dans mon intervention pour expliquer le vote du groupe socialiste sur la question préalable que notre collègue Gaëtan Gorce a si brillamment défendue, relever deux contradictions.
    La première porte sur les effets de votre texte sur le temps de travail des salariés, car, bien plus qu'un assouplissement - et les propos que vous avez vous-même tenus, monsieur le ministre, dans cet hémicycle depuis le début de l'après-midi en témoignent -, vous nous proposez en fait un sérieux recul du rôle protecteur de la puissance publique.
    La seconde contradiction consiste à faire croire que l'on veut redonner du souffle à notre économie alors même que l'on fige des situations existantes et qu'on favorise une dualité des salariés comme des entreprises. Le projet de loi que vous nous présentez enlève en effet toute portée réelle aux 35 heures puisque la différence, à l'arrivée, entre une heure de travail et une heure supplémentaire devient - c'est le moins que l'on puisse dire - ténue. Vous touchez au volume et à la rémunération des heures supplémentaires comme s'il s'agissait d'une équation mathématique abstraite, et il me paraît nécessaire de rappeler que la conséquence directe de votre texte pour les salariés sera - et nous insistons sur ce point - de travailler plus pour, en fait, gagner moins.
    Au total, que voit-on ? Régression sociale, inégalité entre les salariés, recul du rôle protecteur de l'Etat ! Il faut bien constater que votre fil conducteur - c'est-à-dire vider la loi de manière systématique - revient en fait à supprimer des protections dont l'Etat était le garant.
    Un autre reproche doit vous être fait, que votre précipitation explique sans doute : c'est l'absence d'anticipation sur les conséquences mêmes de ce que vous proposez, car revenir sur l'organisation des 35 heures - cette savante architecture qui est née du dialogue social - c'est revenir sur trois fondements importants d'une politique cohérente. Jean Le Garrec et Gaëtan Gorce ont été prolixes et convaincants sur ce sujet.
    M. Bernard Accoyer. Prolixes, oui ! Convaincants, non !
    M. Patrick Bloche. Le premier de ces fondements sont les droits sociaux ; le deuxième, une avancée sociale que vous passez sous silence, à savoir le temps libéré par les 35 heures, phénomène profond de société dans un pays comme la France ; et le troisième, la politique de l'emploi et le pouvoir d'achat.
    Je me dois à nouveau, à l'occasion de cette explication de vote, d'insister pour rétablir des vérités qui visiblement vous dérangent, en rappelant quelques chiffres.
    Ceux-ci parlent d'eux-mêmes puisqu'ils établissent des comparaisons entre les évolutions constatées sur les cinq dernières années et celles qui l'ont été sous votre responsabilité, c'est-à-dire pendant la période 1993-1997 : le salaire net par tête a augmenté de 7 % durant les cinq dernières années, contre seulement 1 % entre 1993 et 1997 ; le SMIC net, de 16 % contre 2 % ; les ASS, de 15 % alors qu'elles avaient diminué de 4,5 % entre 1993 et 1997. Le RMI s'est accru de 7 % alors qu'il avait chuté de 0,3 %, lorsque vous étiez au pouvoir.
    M. Richard Cazenave. Il est bizarre qu'avec un tel bilan de travail vous ayez perdu les élections !
    M. Yves Bur. C'était le meilleur gouvernement que l'on ait jamais eu !
    M. Patrick Bloche. Le constat fait en matière de pouvoir d'achat vaut également pour la croissance et la création d'emplois.
    Il est faux de prétendre que la France a été à la traîne ces cinq dernières années ! Bien au contraire ! Tant en ce qui concerne le taux de croissance que la création d'emplois, elle était en tête de l'Union européenne. (« Bravo ! » et rires sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    En fait,...
    M. Yves Bur. En fait, tout allait bien !
    M. Richard Cazenave. Et les Français qui ne les comprennent pas ! C'est vraiment injuste !
    M. Patrick Bloche. En fait - et je conclurai sur ce point -, loin de répondre aux questions qui se posent naturellement à propos de l'application des 35 heures, votre projet de loi induit de profondes inégalités. Avec la réforme du régime des heures supplémentaires, l'abandon de certaines garanties prévues par la loi pour encadrer la négociation, la fin des allégements de charges sociales directement liés à l'application des 35 heures sans contrepartie, vous allez figer les relations sociales dans les entreprises. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Quel intérêt y a-t-il en effet aujourd'hui à organiser le travail sur une base de 35 heures ?
    Pour les salariés qui ne connaissent pas les 35 heures, c'est la fin de l'espoir d'une réorganisation du travail s'accompagnant de plus de temps libéré et cela, sans même la contrepartie de travailler plus pour gagner plus puisque la rémunération des heures supplémentaires diminue. (« Tout à fait ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    Quant à ceux qui bénéficient aujourd'hui des 35 heures, ils disposent de plus de temps pour eux, pour leur famille, pour la culture, pour le loisir, si ce mot n'est pas devenu tabou pour vous, en un mot, pour leur épanouissement personnel.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Ça fait cinq minutes qu'il parle, monsieur le président.
    M. le président. Il vous faut en effet conlure, monsieur Bloche.
    M. Patrick Bloche. Il y aura donc, monsieur le ministre, après le vote de votre projet de loi, deux France : d'une part, celle qui s'est organisée et a pu prendre en compte les évolutions économiques et sociales, d'autre part, celle qui rencontre le plus de difficultés et à qui vous n'offrez aucune perspective. Deux France, deux rythmes économiques, deux catégories de salariés,...
    M. Richard Mallié. C'est toujours mieux que cinq SMIC !
    M. Patrick Bloche. ... sont autant de brèches au pacte républicain et à l'unité de la nation.
    Pour toutes ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, au nom du groupe socialiste, à voter la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Georges Tron.
    M. Georges Tron. Je me demandais en écoutant M. Gorce si nous parlions véritablement de la même France, si nous vivions vraiment dans le même pays. Il nous a expliqué longuement que les 35 heures avaient été en quelque sorte la panacée de la politique économique et que c'était un crime de revenir sur cette admirable architecture. Je crois d'ailleurs qu'il le disait avec conviction tant il a parlé, je le reconnais, avec éloquence à la tribune.
    Permettez-moi de faire quelques rappels moins déconnectés de la réalité.
    Les 35 heures ont-elles contribué, et contribuent-elles encore, à éviter l'augmentation du chômage ? La réponse est non. Depuis un an qu'elles ont été mises en place, le chômage a continué d'augmenter. Sur ce plan, il n'y a strictement aucun résultat. (« Absolument » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Les 35 heures ont-elles contribué, non pas à améliorer, parce que personne ne le prétendrait, mais simplement à stabiliser la situation des finances publiques ? Compte tenu de la façon dont les socialistes ont géré la France pendant cinq ans, ce serait déjà un exploit.
    Je rappellerai à M. Gorce deux réalités très simples.
    La première est que le financement des 35 heures par le FOREC était tellement complexe qu'aucun député de l'opposition actuelle, ni d'ailleurs de la majorité, ne sait véritablement comment fonctionne ce dernier, ses comptes étant à cheval sur le budget de l'Etat et le budget de la sécurité sociale. Le dispositif mis en place est d'une telle complexité que même les experts de la Cour des comptes s'interrogent, compte tenu de cette absence de transparence, sur les véritables motivations du gouvernement socialiste et de sa majorité de l'époque. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Donc, en matière de transparence, nous n'avons pas de leçon à recevoir.
    Deuxièmement, je ferai remarquer, très tranquillement, que les déficits constatés actuellement démontrent le coût des 35 heures. Je ne parlerai pas du déficit de l'Etat. Je me contenterai de signaler que la France est classée parmi les derniers pays d'Europe pour la gestion de l'Etat. L'audit des finances publiques, que nous évoquions hier lors de l'examen du projet de loi de règlement, démontre de la façon la plus claire qui soit que vous avez laissé exploser nos finances publiques : on enregistre 50 % de dérapage sur le budget de l'Etat (« C'est exact ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste), ce qui correspond, grosso modo, à la seconde performance après celle des années 92-93.
    M. Julien Dray. Et Balladur, qu'a-t-il fait ?
    M. Georges Tron. Quant à la sécurité sociale, mes chers collègues, il n'y a véritablement que dans les rangs de l'actuelle opposition qu'on oublie qu'elle va se retrouver comme elle était en 1993, c'est-à-dire entièrement dans le rouge.
    Un budget de l'Etat et un budget des comptes sociaux explosés, voilà deux des conséquences de l'installation des 35 heures et du FOREC. J'aurais été heureux de vous entendre évoquer ce problème à la tribune, monsieur Gorce, parce qu'il est vraiment très important.
    Quant au pouvoir d'achat des salariés, je rappellerai également que nous sommes en douzième ou treizième position en Europe. Les salariés, en particulier ceux qui sont les moins bien rémunérés, ont perdu un ou deux points grâce - ou plutôt à cause - des 35 heures.
    Mme Hélène Mignon. Ce n'est pas vrai !
    M. Georges Tron. Je me demande si vous avez bien compris la leçon que vous ont donnée les électeurs. En effet, monsieur Gorce, vous nous demandez ce que nous pensons des 35 heures. Je vous renvoie la question. Demandez-vous vous-même ce que vos propres électeurs pensent des 35 heures.
    M. Julien Dray. Ils trouvent ça bien !
    M. Georges Tron. Demandez-vous surtout s'il n'y en a pas sur les bancs de l'actuelle opposition qui verraient dans les 35 heures une explication de ce qui s'est passé il y a quelques mois.
    Je précise qu'il ne s'agit pas pour nous d'une question dogmatique, mais de pragmatisme. Nous entendons remettre au centre du débat politique quelques valeurs en lesquelles nous croyons, au premier rang desquelles la liberté, dont la liberté de travailler plus si on le souhaite pour gagner plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Là où vous figez, nous, nous ouvrons et disons : « Soyons libres ». La liberté ne serait rien sans la souplesse.
    C'est la raison pour laquelle nous veillons à ce que les entreprises puissent en disposer. Comment voulez-vous, mes chers amis, qu'elles soient en mesure de créer des emplois si elles sont bloquées dans un carcan ? (Protestations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Les entreprises ont besoin de souplesse, et nous la leur donnons.
    Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Jean-Marie Messier était bloqué ?
    M. Georges Tron. Par ailleurs, le dispositif mis en place évite que les entreprises ne soient pénalisées lors de l'harmonisation du SMIC par le haut, qui se fera à l'avantage des salariés. Les six milliards d'euros sont prévus à cet effet.
    Enfin, comme l'a très bien dit M. le ministre, nous croyons en la négociation.
    Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Ah, oui ?
    M. Georges Tron. C'est la raison pour laquelle, n'en déplaise à M. Gremetz, elle se trouve au coeur du dispositif du texte de loi qui nous est présenté.
    M. Julien Dray. Comme en 1995 !
    M. Georges Tron. En conclusion, je dirai qu'une question préalable sur un tel texte est malvenue. En termes de procédure, cela signifie ne pas discuter. Or, en l'occurence, il y a bien matière à discuter : de votre bilan que vous essayez d'occulter, comme de toutes les dispositions que vous avez prises et qui ont conduit la France dans une situation difficile. Comme d'habitude, c'est à nous qu'il appartient de relever le défi, et nous le ferons. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

Demande de vérification du quorum

    M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.
    M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, en vertu de l'article 61, alinéas 2 et 3 du règlement, je vous demande de bien vouloir faire procéder à la vérification du quorum.
    M. le président. Je suis donc saisi par le président du groupe socialiste d'une demande, faite en application de l'article 61 du règlement, tendant à vérifier le quorum avant de procéder au vote sur la question préalable.
    Le vote est donc réservé dans l'attente de cette vérification, qui aura lieu dans l'hémicycle.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à vingt-trois-heures trente, est reprise à vingt-trois heures quarante.)
    M. le président. La séance est reprise.
    Le bureau de séance constate que le quorum n'est pas atteint.
    Conformément à l'alinéa 3 de l'article 61 du règlement, et compte tenu de l'heure, je vais lever la séance.
    Le vote sur la question préalable est donc reporté à la séance prochaine.

2

DÉPÔT DE PROJETS DE LOI

    M. le président. J'ai reçu, le 2 octobre 2002, de M. le Premier ministre, un projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif à la construction et l'entretien de ponts frontières sur le Rhin dont les Parties contractantes n'assurent pas la maîtrise d'ouvrage.
    Ce projet de loi, n° 238, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.
    J'ai reçu, le 2 octobre 2002, de M. le Premier ministre, un projet de loi autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République arabe d'Egypte, d'autre part.
    Ce projet de loi, n° 239, est renvoyé à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.

3

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION
DE LOI CONSTITUTIONNELLE

    M. le président. J'ai reçu, le 2 octobre 2002, de M. Paul Quilès, de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste et apparentés, une proposition de loi constitutionnelle tendant à modifier l'article 34 de la Constitution afin d'élargir les pouvoirs du Parlement.
    Cette proposition de loi constitutionnelle, n° 241, est renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en application de l'article 83 du règlement.

4

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

    M. le président. J'ai reçu, le 2 octobre 2002, de M. Claude Goasguen, une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'utilisation des crédits accordés par la France au titre de la coopération internationale et européenne à l'Autorité palestinienne.
    Cette proposition de résolution, n° 240, est renvoyée à la commission des affaires étrangères, en application de l'article 83 du règlement.

5

DÉPÔT DE RAPPORTS

    M. le président. J'ai reçu, le 2 octobre 2002, de M. Richard Dell'Agnola, un rapport, n° 235, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur la proposition de loi de M. Richard Dell'Agnola et plusieurs de ses collègues relative à la conduite automobile sous l'influence de drogues illicites et psychotropes (n° 194).
    J'ai reçu, le 2 octobre 2002, de M. Jean-Pierre Decool, un rapport, n° 236, fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur la proposition de loi de M. Jean-Pierre Decool relative à la création d'un chèque-emploi associatif (n° 180).
    J'ai reçu, le 2 octobre 2002, de M. Jacques-Alain Bénisti, un rapport, n° 237, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, sur la proposition de résolution de M. Patrick Ollier tendant à modifier l'article 36 du règlement de l'Assemblée nationale (n° 162).

6

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Jeudi 3 octobre 2002, à neuf heures trente, première séance publique :
    Discussion du projet de loi, n° 189, autorisant l'approbation du troisième avenant à l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles et à son protocole annexe (ensemble un échange de lettres).
    M. Richard Cazenave, rapporteur, au nom de la commission des affaires étrangères (rapport n° 232).
    (Procédure d'examen simplifiée ; art. 107 du règlement.)
    Discussion du projet de loi, n° 188, autorisant l'approbation de l'avenant à l'accord du 17 mars 1988, tel que modifié par l'avenant du 19 décembre 1991, entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne en matière de séjour et de travail.
    M. Richard Cazenave, rapporteur, au nom de la commission des affaires étrangères (rapport n° 232).
    (Procédure d'examen simplifiée ; art. 107 du règlement.)
    Suite de la discussion du projet de loi, n° 190, relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi.
    M. Pierre Morange, rapporteur, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 231).
    A quinze heures, deuxième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    A vingt et une heures, troisième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à vingt-trois heures quarante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
NOMINATION D'UN SECRÉTAIRE
DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

    Au cours de la première séance du mercredi 2 octobre 2002, M. Alain Moyne-Bressand a été nommé secrétaire du bureau de l'Assemblée nationale en remplacement de M. Guy Teissier.

BUREAU DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

    A la suite de la nomination d'un secrétaire, à laquelle l'Assemblée nationale a procédé dans sa première séance du mercredi 2 octobre 2002, son bureau se trouve ainsi constitué :
    Président : M. Jean-Louis Debré.
    Vice-présidents : MM. Marc-Philippe Daubresse, Jean Le Garrec, François Baroin, Rudy Salles, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M. Eric Raoult.
    Questeurs : MM. Henri Cuq, Claude Gaillard, Didier Migaud.
    Secrétaires : M. Jacques Brunhes, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Jean-Pierre Kucheida, Alain Moyne-Bressand, Yves Nicolin, Germinal Peiro, Bernard Perrut, Jean Proriol, Didier Quentin, François Rochebloine, Frédéric de Saint-Sernin, Jean Ueberschlag.

annexe au procès-verbal
de la 2e séance
du mercredi 2 octobre 2002
SCRUTIN (n° 10)


sur l'exception d'irrecevabilité opposée par M. Ayrault au projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi.

Nombre de votants
287
Nombre de suffrages exprimés
287
Majorité absolue
144
Pour l'adoption
125
Contre
162

        L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (364) :
    Pour : 1. - M. Yves Simon.
    Contre : 157 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (142) :
    Pour : 122 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (29) :
    Contre : 5 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (19).

Mise au point au sujet du présent scrutin
(sous réserve des dispositions de l'article 68, alinéa 4,
du règlement de l'Assemblé nationale)

    M. Yves Simon, qui était présent au moment du scrutin ou qui avait délégué son droit de vote, a fait savoir qu'il avait voulu voter contre.