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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU VENDREDI 4 OCTOBRE 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du jeudi 3 octobre 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT

1.  Salaires, temps de travail et développement de l'emploi.
Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

DISCUSSION GÉNÉRALE (suite) «...»

MM.
Sébastien Huyghe,
Bernard Accoyer.
Clôture de la discussion générale.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

Rappel au règlement «...»

MM.
Gaëtan Gorce, le président.

Suspension et reprise de la séance «...»
Rappel au règlement «...»

MM.
Jean Le Garrec, le ministre.

MOTION DE RENVOI EN COMMISSION «...»

Motion de renvoi en commission de M. Alain Bocquet : MM. Maxime Gremetz, Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles ; le ministre, Claude Gaillard, Alain Vidalies. - Rejet.

Suspension et reprise de la séance «...»
DISCUSSION DES ARTICLES «...»
Avant l'article 1er «...»

Amendement n° 29 de M. Gremetz : MM. Maxime Gremetz, Pierre Morange, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; le ministre, Gaëtan Gorce. - Rejet.
Amendement n° 128 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, Jean Le Garrec, le rapporteur, le ministre. - Rejet.

Article 1er «...»

Mme Martine Billard, MM. Maxime Gremetz, Gaëtan Gorce, Jean Le Garrec, Patrick Bloche.
Amendement n° 23 de M. Gremetz : MM. Maxime Gremetz, le rapporteur, le ministre, Gaëtan Gorce. - Rejet par scrutin.
Amendement n° 24 de M. Gremetz : M. Maxime Gremetz. - Retrait.
Amendements n°s 92 de Mme Billard et 129 de M. Gorce : Mme Hélène Mignon, MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejets.
Amendement n° 151 de M. Perruchot : MM. Jean Lassalle, le rapporteur, le ministre, Bernard Accoyer, Gaëtan Gorce. - Rejet.
Amendements identiques n°s 1 de Mme Billard, 25 de M. Gremetz et 130 de M. Gorce : MM. Maxime Gremetz, Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet par scrutin.
Amendement n° 26 de M. Gremetz : MM. Maxime Gremetz, le président, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 11 de la commission des affaires culturelles : MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement n° 27 de M. Gremetz : MM. Maxime Gremetz, le rapporteur, le ministre, Claude Gaillard. - Rejet.
Amendement n° 28 de M. Gremetz : MM. Maxime Gremetz, le rapporteur, le ministre, Jean-Pierre Soisson, Alain Vidalies. - Rejet par scrutin.
Amendement n° 131 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre, Jean-Pierre Soisson. - Rejet.
Adoption de l'article 1er modifié.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. ÉRIC RAOULT,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

SALAIRES, TEMPS DE TRAVAIL
ET DÉVELOPPEMENT DE L'EMPLOI

Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi (n°s 190, 231).

Discussion générale (suite)

    M. le président. Ce matin, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
    La parole est à M. Sébastien Huyghe.
    M. Sébastien Huyghe. Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, mes chers collègues, c'est avec une certaine émotion que je m'exprime pour la première fois devant la représentation nationale.
    M. Pascal Clément. On le comprend !
    M. Sébastien Huyghe. J'aurais préféré le faire dans d'autres conditions : en effet, le jeune élu que je suis est stupéfait par l'attitude de l'opposition qui, pour d'obscures raisons politiciennes, bloque le travail de notre assemblée.
    M. Bernard Accoyer. Oui, c'est triste ! Mais aujourd'hui, ils ne sont même pas là !
    M. Sébastien Huyghe. Comment justifier auprès de nos concitoyens que, pour réussir cette manipulation, il n'y a eu en séance qu'un seul député socialiste pour voter la question préalable déposée par son groupe, M. Gorce étant lui-même absent au moment de voter une motion qu'il avait trop longuement défendue ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Bernard Accoyer. Ils ont mis les 35 heures en place pour les députés !
    M. Sébastien Huyghe. C'est dire combien, mesdames et messieurs de l'opposition, vous étiez vous-mêmes convaincus du bien-fondé de votre motion de procédure.
    Une telle attitude ne peut que nourrir un antiparlementarisme dommageable pour notre démocratie...
    M. Pierre Hellier. C'est vrai !
    M. Sébastien Huyghe. ... et renforcer les extrémismes que vous prétendez combattre.
    Pour en venir au texte qui nous est soumis, je dirai que c'est faire preuve de malhonnêteté intellectuelle que de se réjouir du nombre de négociations qui ont eu lieu dans les entreprises à l'occasion du passage aux 35 heures. En effet, elles y ont été contraintes, un revolver sur la tempe, si elles voulaient bénéficier des aides de l'Etat, et donc atténuer les effets néfastes de la loi. C'est comme si l'on proposait à quelqu'un dont on maintient la tête sous l'eau de chanter une petite chanson en échange d'une bouffée d'oxygène. Ce procédé permettrait, il est vrai, une augmentation jamais égalée du nombre de mélomanes. (Rires et applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    A la différence de nombreux membres de l'ancienne majorité, j'ai personnellement négocié le passage aux 35 heures dans une entreprise où j'exerçais des responsabilités bénévoles,...
    M. Patrick Bloche. Bravo !
    M. Sébastien Huyghe. ... une entreprise dont la pérennité, et donc les emplois, dépendait uniquement de ses résultats.
    Dans une période délicate, les 35 heures se sont traduites par une augmentation de la masse salariale de 11,5 %, ce qui a mis en péril la survie même de l'entreprise et donc l'emploi d'une centaine de salariés (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), et il n'est pas sûr que, à terme, elle puisse survivre seule.
    M. Bernard Accoyer. Ecoutez donc, monsieur Gorce !
    M. Sébastien Huyghe. On touche ici à l'effet pervers des 35 heures. (« Ecoutez ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Gaëtan Gorce. Nous avons des choses plus intéressantes à écouter. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Sébastien Huyghe. Cette loi voulait créer des emplois : elle l'a peut-être fait - quoique j'en doute - mais à court terme. Car, à long terme, elle détruira des emplois en handicapant très fortement la compétitivité de nos entreprises, et en incitant les créateurs d'entreprises à aller exercer leurs talents hors de nos frontières.
    Dans notre région transfrontalière du Nord, j'en connais qui se sont réjouis de la loi sur les 35 heures : ce sont les entrepreneurs belges.
    M. Bernard Accoyer. Eh oui !
    M. Sébastien Huyghe. J'entendais ce matin, sur une chaîne de télévision nationale, Mme Ségolène Royal défendre les 35 heures qui, selon elle, sont créatrices d'emplois, et, dans le même temps, se plaindre des nombreux plans sociaux en cours ou en préparation. La dure réalité se fait jour. Dans une période économique un peu plus délicate, les entreprises sont obligées de se restructurer, pour ne pas dire plus. Le temps de payer l'addition sociale de cette loi est arrivé, mais je regrette que ce soit nous qui devions supporter les conséquences de vos actes.
    M. Gaëtan Gorce. Rendez-nous Martine Aubry !
    M. Sébastien Huyghe. Vous prétendez que votre loi a créé ou préservé 300 000 emplois. Sans même parler du nombre d'emplois détruits, je prétends, moi, que ce calcul est faussé. En effet, il était prévu deux niveaux d'aides pour le passage aux 35 heures, alors même que le pays connaissait une période de croissance économique, le premier niveau en cas de maintien de l'emploi dans l'entreprise, le second en cas de création d'emploi.
    Pour bénéficier des aides de maintien de l'emploi, il fallait d'abord présenter un plan social qui serait abandonné « grâce » aux 35 heures, et bon nombre d'entreprises ont élaboré un tel plan dans ce seul dessein. Pour bénéficier des aides liées à la création de postes, nombre d'entreprises ont, pendant cette période de croissance, légèrement anticipé des embauches prévues de toute façon.
    Telle est, mes chers collègues, la réalité du terrain, et voilà comment on fait dire aux chiffres ce que l'on veut entendre.
    Vous nous parlez de choix de société, de message qu'il faut adresser à la population. Permettez au jeune père que je suis de vouloir transmettre à sa fille qui vient de naître (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) un message différent de celui que vous nous avez envoyé : « Non, le but de la vie n'est pas de travailler le moins possible. »
    Pour revenir au terrain, que dire à ceux de nos concitoyens que nous rencontrons et qui ont les plus bas revenus quand ils nous expliquent que, depuis le passage aux 35 heures, ils ont perdu « le beurre dans les épinards » que constituaient les heures supplémentaires ? Ils ne savent pas comment ils vont pouvoir s'en sortir.
    Je vous remercie, monsieur le ministre, de permettre à nos concitoyens les plus démunis de retrouver, grâce à votre loi, un niveau de vie plus acceptable. Je vous remercie de donner à certaines entreprises un espoir de survie, et aux autres l'espoir d'inverser la courbe de leur compétitivité pour préserver et créer des emplois. J'attends par ailleurs avec impatience les propositions pour améliorer l'attractivité de la France que nous a promises le Premier ministre.
    Enfin, et pour terminer, certains membres de l'opposition sont venus à cette tribune pour faire le panégyrique, pour ne pas dire l'apologie, de Mme Aubry (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) mais, depuis le début de la législature, j'ai beau écarquiller les yeux, je ne la vois pas sur les bancs du groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Merci de votre concision, monsieur Huyghe.
    La parole est à M. Bernard Accoyer.
    M. Bernard Accoyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à mon tour, je voudrais regretter l'action d'obstruction parlementaire à laquelle se sont livrés hier soir nos collègues du groupe socialiste.
    M. Patrick Bloche. C'est un spécialiste qui parle !
    M. Bernard Accoyer. Ils prétendaient que la mobilisation de la majorité était insuffisante, alors que nous étions plus de 120, et alors qu'on peut aujourd'hui les compter, eux, sur les doigts d'une seule main. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous sommes dix fois plus nombreux !
    Pourquoi légiférer sur les salaires, le temps de travail et le développement de l'emploi ? Tout simplement parce que, dans ces trois domaines, la situation soulève et soulèvera de graves problèmes pour les Français, pour notre pays, et pour ceux qui y vivent.
    Or, mes chers collègues, c'est bien, comme nous l'ont expliqué longuement, très longuement, nos collègues socialistes hier, du bilan Jospin...
    M. Patrick Bloche. De Monsieur Jospin !
    M. Bernard Accoyer. ... qu'il s'agit et même de la mesure phare de ce gouvernement, de l'action emblématique de l'un de ses ministres qui se voulait encore, il y a quelques années, l'une de ses valeurs sûres. On sait ce qu'il en est advenu...
    M. Gaëtan Gorce. Mais on ne sait pas ce qu'il en adviendra !
    M. Bernard Accoyer. Or ce bilan n'est qu'un échec.
    Ce n'est pas très surprenant, mes chers collègues, lorsque l'on veut bien se remémorer la façon dont les 35 heures ont surgi dans l'actualité. Elles ont été introduites à la sauvette, sur un coin de table, en tout état de cause dans la plus grande improvisation et la plus grande précipitation, en 1997, au moment de la rédaction du programme du parti socialiste, par un hiérarque qui n'était autre, si l'on en croit l'anecdote qui nous a été rapportée depuis, que M. Strauss-Kahn. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Cette réforme se fonde sur un dogme qui est évidemment une erreur, à savoir que le partage du travail serait l'alpha et l'oméga de la lutte contre le chômage et, on l'a appris hier, le facteur d'un bonheur assuré. La France s'est retrouvée ainsi isolée, seule au monde à penser que l'on pourrait travailler moins et gagner plus, que l'on pourrait travailler moins et avoir plus de protection sociale, bref, que tout serait résolu par cette panacée en quelque sorte miraculeuse.
    Or c'est tout simplement oublier que l'histoire de l'humanité s'est opérée à partir du progrès, du travail, à partir de l'effort des hommes, qu'il n'y a jamais eu de progrès social sans progrès économique. Et la cause de l'échec d'une telle disposition erratique vient tout simplement de ce qu'elle a porté un coup que nous pensons mortel, à terme - et c'est la raison pour laquelle le Gouvernement nous propose aujourd'hui de légiférer -, à l'économie de la France, à son dynamisme, à son avenir économique et social.
    Personne au monde n'osera aujourd'hui affirmer sincèrement que la réduction du temps de travail, obligatoire et généralisée, a été en France un facteur de progrès social. Aucun analyste ne peut prétendre qu'elle constitue un moyen de consolider la solidarité nationale, notre protection sociale, dont je voudrais croire que son avenir est pour nous un objectif commun.
    Au contraire, les 35 heures ont eu pour conséquences, d'une part, le gel, voire la baisse des salaires, en particulier des plus bas, créant ainsi une injustice, d'autre part, une perturbation de la vie des entreprises, les difficultés sur lesquelles je reviendrai tout à l'heure. Elles ont aussi, et je voudrais m'arrêter quelques instants sur ce point, donné lieu à une grande mystification.
    Ce matin, j'ai entendu répéter à loisir les chiffres publiés par un service qui prétend que la réduction du temps de travail a créé des emplois. Je ne suis pas d'accord avec ces chiffres, car la vérité est inverse. En période de forte croissance, chacun le sait, la création d'emplois résulte de la conjoncture. S'il fallait pousser plus loin cette démonstration, je poserais une seule question : auriez-vous voté les mêmes dispositions si la France n'avait pas eu la chance de connaître, pendant quelques années heureuses, une importante croissance qui a été constatée au niveau mondial ?
    M. Jean Le Garrec. Oui, monsieur Accoyer !
    M. Bernard Accoyer. Non, vous ne l'auriez pas fait, parce que la sanction des chiffres du chômage eût été immédiate. Permettez-moi de me livrer à quelques comparaisons.
    M. Jean Le Garrec. Demain !
    M. Bernard Accoyer. Si vous avez pu ainsi masquer les résultats qu'a eus sur l'emploi cette mesure délétère sur le plan économique et social, c'est parce que vous avez bénéficié, notamment de 1997 à la fin 2000, d'un taux de croissance moyen de plus de 3 %, d'une croissance de la masse salariale de 5 à 6 %, alors que, pendant les quatre années précédentes, la croissance avait été nulle à plusieurs reprises et la croissance de la masse salariale inférieure à 1 %.
    M. Jean Le Garrec. Je retiens l'adjectif : « nulle ». Vous étiez au pouvoir, pourtant !
    M. Bernard Accoyer. Et vous avez usé de ce subterfuge, vous, monsieur Le Garrec, qui m'interrompez et à qui je voudrais rappeler que vous avez été le thuriféraire des nationalisations de 1981 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), et vous, monsieur Gorce, qui n'aviez pas de mots assez pompeux hier pour expliquer d'une manière quelque peu méprisante et dédaigneuse envers l'auditoire...
    M. Patrick Bloche. Vous ne le connaissez pas, ce n'est pas son genre.
    M. Bernard Accoyer. ... que les 35 heures auraient résolu tous les problèmes et que la majorité d'aujourd'hui n'aurait pas les compétences pour comprendre ce progrès considérable, vous qui avez la chance d'être élu dans une circonscription où, en réalité, c'est davantage l'étiquette qui assure le succès que les qualités d'analyse. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Manuel Valls. C'est élégant !
    M. Bernard Accoyer. Mais ce qui me paraît le plus grave, c'est la mystification sur le coût de cette opération, non seulement social, mais financier. En effet, la réduction du temps de travail obligatoire et généralisée, c'était avant tout de l'argent, l'argent des contribuables, l'argent des Français, l'argent de la sécurité sociale que vous n'avez pas hésité à détourner de son objectif...
    M. Jean Le Garrec. Ah !
    M. Bernard Accoyer. ... par des mesures qui ont consisté à masquer ce coût avec la création du FOREC - autre mystification que ce fonds de la réforme des cotisations patronales. Cette sémantique habile qui cachait mal que les 35 heures n'ont jamais été financées. C'est avec les recettes propres de la sécurité sociale, celles du fonds de solidarité vieillesse, celles de l'assurance maladie, la taxe sur les tabacs, la taxe sur les alcools, la taxe sur les véhicules automobiles, que vous avez tenté de remplir le vaste gouffre financier que vous aviez creusé dans les finances sociales.
    C'était votre choix. Vous avez considéré qu'il ne fallait pas renforcer les régimes sociaux et leur financement, qu'il ne fallait pas consolider leur avenir, mais qu'il fallait au contraire dépenser pour mettre en place une mesure dont vous aviez décidé qu'elle était la seule qui puisse lutter contre le chômage.
    A supposer que la réduction obligatoire et généralisée du temps de travail ait créé des emplois, en divisant les aides par le nombre allégué d'emplois créés, on obtiendrait un coût par emploi oscillant entre 300 000 et 600 000 francs. Voilà le vrai bilan.
    Avec cette réduction obligatoire et généralisée, vous nous avez conduits sur une pente extrêmement dangereuse. Nous n'avons pas fini d'en payer les conséquences : absence de développement d'entreprises étrangères, fermetures d'entreprises écrasées par les tracasseries administratives, sans oublier la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée, car c'est arithmétique : lorsqu'on réduit le temps de travail de 11,34 %, il faut évidemment trouver de la main-d'oeuvre qualifiée. Or, elle n'existait pas...
    Mme Martine Billard. Mais c'est faux !
    M. Bernard Accoyer. Madame, vous qui protestez, vous m'expliquerez comment recruter des infirmières dans les hôpitaux quand on y impose les 35 heures alors qu'il n'y a pas assez d'infirmières disponibles sur le marché du travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Combien d'entreprises ont dû se délocaliser ? Combien d'entreprises et de groupes internationaux ont décidé d'investir et de se développer ailleurs qu'en France, ne consultant désormais même plus le site « France » après cinq ans de socialisme ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - « Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Dino Cinieri. C'est la vérité !
    M. Bernard Accoyer. C'est, hélas ! la vérité.
    Cette semaine, dans la circonscription dont j'ai l'honneur d'être ici l'élu,...
    Mme Catherine Génisson. Elu sur votre seule étiquette ?
    M. Bernard Accoyer. ... deux entreprises viennent de subir de plein fouet les conséquences de la politique irresponsable que vous avez conduite.
    Aussi, ajourd'hui, il nous faut, derrière le Gouvernement, agir, non d'une manière dogmatique comme vous l'avez fait, mais tout simplement parce que les Français ont voté pour le changement, que ce soit aux présidentielles,...
    Mme Catherine Génisson. 19 % !
    M. Bernard Accoyer. ... aux législatives ou dans la première circonscription du Nord,...
    M. Jean Le Garrec. Oui, où ils ont élu Bernard Roman ! (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.) Vous ne connaissez rien à la carte électorale !
    M. Bernard Accoyer. ... il nous faut agir pour redresser une situation particulièrement grave.
    Qu'il s'agisse des salaires, avec notamment six SMIC - il aurait pu y en avoir plus d'ailleurs -, qu'il s'agisse des injustices qui font que, pour un même temps de travail, il peut y avoir un écart de 10 % entre deux salariés, qu'il s'agisse des conséquences du dispositif en vigueur sur les entreprises, qu'il s'agisse du fonctionnement de ces entreprises pour répondre à la demande, qu'il s'agisse de la liberté des salariés de pouvoir gagner davantage en effectuant des heures supplémentaires, qu'il s'agisse de trouver des hommes ou des femmes qualifiés pour remplir des missions, oui, il y a urgence, monsieur le ministre, à légiférer pour assouplir les 35 heures, cette mystification que je dénonce. Il faut assouplir le dispositif, lui donner de la souplesse, donner de la liberté aux partenaires sociaux, aux salariés.
    Il faut également alléger les charges des entreprises en pratiquant une baisse préférentielle pour les bas salaires. Même s'il y a eu un revirement partiel sur cette position il y a quelques années, longtemps la gauche a refusé d'admettre ce qui a désormais été démontré de façon indiscutable, c'est-à-dire que le seul vrai moyen, le meilleur moyen pour créer de l'emploi, c'est de faire confiance aux entreprises et d'alléger leurs charges. Etant donné que nous savons que c'est le seul moyen de créer de l'emploi dans un contexte qui, de plus, est difficile, il faut baisser les charges sur les bas salaires. C'est aussi pour cette raison que ce texte répond à une urgence.
    Après ces années où les entreprises ont été confrontées à de grandes difficultés qui leur ont été imposées, où les salariés ont dû supporter les conséquences d'un texte dogmatique que les Français n'ont pas fini de payer, où la culture du non-travail a été privilégiée dans notre société (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - « Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle),...
    M. Maxime Gremetz. Quelle insulte pour les salariés !
    M. Dino Cinieri. C'est la vérité !
    M. Bernard Accoyer. ... où désormais la première question soulevée est celle des vacances et du temps libre, où l'on a oublié que l'humanité n'a jamais progressé que grâce à cette liberté fondamentale qui est celle de travailler, nous vous remercions, monsieur le ministre, de présenter ce texte. Vous pourrez compter sur notre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La discussion générale est close.
    La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, à l'issue de la discussion générale, je voudrais remercier M. le rapporteur, le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales et les membres de la majorité qui se sont exprimés et qui ont salué le volontarisme du projet de loi que je vous soumets, projet qui cherche à concilier l'efficacité économique et la justice sociale. Plusieurs d'entre eux ont suggéré des pistes de réflexion pour aller plus loin ou pour aller plus vite, ou ont posé des questions qui feront l'objet de débat dans les toutes prochaines heures, à l'occasion de l'examen des amendements.
    Ils ont aussi indiqué que notre philosophie d'action ainsi que le message que nous entendons délivrer à nos concitoyens marquaient un infléchissement avec les discours et les pratiques des dernières années. Libre à la gauche de jouer l'indignation à l'idée que nous ne suivons pas ses traces, mais il serait tout de même paradoxal de suivre les traces d'une politique qui a été sanctionnée par les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la majorité présidentielle et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
    Je voudrais dire, à ce sujet, combien j'ai été étonné du contenu de l'intervention de Mme Guigou. Elle a posé au fond une question que l'on peut résumer ainsi : comment mieux satisfaire les salariés, comment étendre davantage les 35 heures ? Mais si elle a posé cette question, je n'ai entendu dans son discours aucun élément qui nous permette de comprendre dans quelle direction le parti socialiste souhaiterait aller pour étendre les 35 heures, pour en gommer les effets négatifs.
    D'ailleurs, j'ai mis à profit les longs débats que nous avons eu hier soir pour relire attentivement le programme de Lionel Jospin aux élections présidentielles. Je n'y ai trouvé, mesdames, messieurs les députés, aucune référence à l'avenir des 35 heures,...
    M. Jean de Gaulle. Quel aveu !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... aucune référence à la réduction du temps de travail, aucune référence à l'avenir des bas salaires, ni même à l'avenir des SMIC et du système des multi-SMIC mis en place.
    M. Patrick Bloche. Vous ne l'avez pas lu !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Oui, mesdames et messieurs les députés, il y a infléchissement, parce que nous estimons que la question de l'efficacité économique et celle de la justice sociale ont longtemps été mal posées, ou plutôt qu'elles l'ont été trop fréquemment à la manière socialiste, c'est-à-dire en exacerbant l'opposition entre les entreprises et les salariés, en se défiant à l'endroit des partenaires sociaux, encadrés dans leurs faits et gestes par la loi, en privilégiant une dévotion irraisonnée pour la dépense publique considérée comme le critère exclusif du développement de l'emploi et du progrès social, et ce malgré les faits qui démontrent que les recettes habituelles ne sont pas toujours à la hauteur de nos espérances, tant en matière de lutte contre le chômage qu'en matière de justice et de promotion sociale.
    M. Jean-Pierre Soisson. Très juste !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Oui, mesdames et messieurs les députés, il y a infléchissement, car, contrairement à la majorité d'hier, nous ne cherchons pas à raconter des histoires à nos concitoyens sur la réalité du monde qui nous environne et au sein duquel il faut nous mobiliser si nous voulons préserver notre modèle social.
    La gauche ne semble toujours pas avoir mesuré à sa juste dimension ce que signifient la globalisation, l'entrée de la Chine dans l'Organisation mondiale du commerce,...
    Mme Catherine Génisson. Encore !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je le répéterai à chaque fois que j'en aurai l'occasion.
    La gauche, disais-je, ne semble pas avoir mesuré ce qui signifient la concurrence des pays à très bas salaires, l'extension dans quelques mois du marché unique aux pays de l'Europe de l'Est. On ne peut continuer à faire croire aux Français que tout peut continuer comme avant, suivant le même rythme et les mêmes schémas d'antan. Ce discours de la facilité, la gauche a pu le tenir pendant cinq ans sous l'ombre de la croissance mondiale, mais il est déconnecté de la réalité,...
    M. Bernard Accoyer. Très juste !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... cette réalité que le monde du travail et les classes populaires cherchent moins à esquiver que certains dans cet hémicycle...
    M. Bernard Accoyer. Eh oui !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... qui n'ont de cesse de suspecter l'économie de marché, faute de n'avoir su l'intégrer lucidement dans leur politique.
    M. Pierre Hellier. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mesdames et messieurs les députés, si notre compétitivité n'est pas affûtée, si les valeurs de l'effort et, a fortiori, du mérite ne sont pas réhabilitées, si le sens de la réforme et celui de la remise en question ne sont pas réévalués, c'est l'ensemble de notre pacte économique et social qui sera mis à mal.
    C'est pourquoi, contrairement à la gauche, nous ne stigmatisons pas le monde de l'entreprise, nous ne flattons pas de façon irénique la culture du temps libre, nous ne refusons pas à celles et à ceux qui le jugent nécessaire le droit de faire des heures supplémentaires, nous ne privilégions pas le statu quo.
    M. Bernard Accoyer. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ce discours n'a pas pour objectif de caresser dans le sens du poil je ne sais quelle organisation représentative...
    M. Gérard Bapt. Un peu quand même !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... ou je ne sais quel marché boursier, marché dont, permettez-moi de le rappeler au passage, le gouvernement précédent a plus largement usé que n'importe quel autre pour financer sa politique.
    M. Jean de Gaulle. Eh oui !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Non, ce discours a pour seule ambition de susciter une prise de conscience sur les défis exigeants du xxie siècle. L'intérêt général du pays, sa force économique et la persistance des valeurs de solidarité qui animent notre culture nationale exigent que nous soyons plus lucides et plus courageux avec nous-mêmes.
    Il y a donc bien, c'est vrai, un infléchissement dans le discours et les mesures proposées. Les orateurs de la majorité l'ont souligné, tout comme ils ont légitimement rappelé que ce projet était destiné à nous sortir de quelques-unes des impasses nées d'un passé récent.
    Ce n'est pas nous qui avons imposé, de façon autoritaire et uniforme, les 35 heures. Ce n'est pas nous qui avons désorganisé, dans des nombreuses entreprises, l'organisation du travail, en accentuant pour certaines d'entre elles, faute de marge de manoeuvre, la flexibilité et la stagnation des salaires. Ce n'est pas nous qui avons créé un différentiel entre les petites entreprises et les grandes. Ce n'est pas nous qui avons créé l'indéchiffrable et inéquitable usine à gaz des multi-SMIC. Nous gérons un héritage sur lequel nous n'entendons nullement prendre de revanche, mais dont nous allons nous efforcer de tirer le meilleur, en rendant aux partenaires sociaux la liberté de négocier l'assouplissement des 35 heures - c'est le sens de ce texte -, en abaissant le coût du travail, par la réorganisation du système des allégements de charges, et, enfin, en revalorisant le SMIC comme aucun gouvernement ne l'a fait depuis vingt ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

Rappel au règlement

    M. Gaëtan Gorce. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour un rappel au règlement.
    M. Gaëtan Gorce. Je voudrais juste faire deux observations.
    La première pour dire que, avec son élégance habituelle, M. Accoyer s'en est pris aux personnes. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) A l'époque de Paul Reynaud, cela se serait réglé par un duel. Malheureusement, le duel n'étant plus possible, je m'en tiendrai aux idées.
    M. Bernard Accoyer. C'est un fait personnel ! A quel titre M. Gorce intervient-il ?
    M. le président. Je pense que M. Gorce souhaite intervenir sur la base de l'article 58.
    M. Gaëtan Gorce. Oui, alinéa 1 ! Notre règlement prévoit que, à l'issue de la discussion générale, le ministre répond aux questions qui lui ont été posées. Or, j'observe que M. Fillon n'a répondu à aucune des questions que nous lui avons posées (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), tant hier lorsque nous avons défendu des motions de procédure qu'aujourd'hui.
    M. Bernard Accoyer. Il n'est pire sourd que celui qui en veut pas entendre !
    M. Gaëtan Gorce. La question la plus importante étant la suivante : quel sera l'effet sur l'emploi du mécanisme que vous mettez en place, quel sera l'effet sur l'emploi de la suppression de la réduction du temps de travail ?
    M. Bernard Accoyer. Ce n'est pas un rappel au règlement !
    M. Gaëtan Gorce. D'autres questions lui ont également été posées tout au long du débat, auxquelles il n'a pas répondu.
    Aussi, pour permettre à M. le ministre de rassembler l'ensemble des éléments d'information dont il a besoin pour nous répondre, je demande, au nom du groupe socialiste, une suspension de séance d'une demi-heure.
    M. le président. Monsieur Gorce, vous avez certes une délégation de votre groupe, qui vous permet de demander une suspension de séance. Toutefois, compte tenu de l'ordre du jour, notamment de la longue intervention que doit faire M. Gremetz, vous conviendrez que je ne puisse vous accorder que dix minutes et non trente.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. C'est trop ! C'est de l'obstruction !

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à quinze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures quarante-cinq.)
    M. le président. La séance est reprise.

Rappel au règlement

    M. Jean Le Garrec. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
    M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec, pour un rappel au règlement.
    M. Jean Le Garrec. Mon rappel au règlement, monsieur le président, est fondé sur l'article 58, alinéa 1, du règlement.
    Monsieur le ministre, il est une pratique à laquelle nous attachons tous beaucoup d'importance : celle de la qualité et la nature de nos débats, et je puis vous assurer que, sur une loi dont vous avez dit vous-même qu'elle était le socle de votre politique, il est légitime et normal que l'opposition vous pose des questions précises. Et, en vertu de cette règle, au bout d'une discussion générale de presque quatre heures - la majorité n'utilisant pas tout son temps de parole - le ministre, et éventuellement le président de la commission et le rapporteur, doivent répondre aux questions qui leur sont posées.
    M. Gaëtan Gorce. Tout à fait !
    M. Jean Le Garrec. J'ai moi-même assez scrupuleusement respecté cette méthode, pour pouvoir vous demander, monsieur le ministre, avec beaucoup de sérénité mais aussi beaucoup de gravité, que le « respect de l'opposition », selon les mots du Premier ministre, M. Raffarin, se manifeste aussi dans ce débat.
    Nous vous avons posé, monsieur le ministre, aussi bien M. Gorce que moi-même, que M. Vidalies, Mme Génisson, Mme Mignon ou mon ami Bloche ici présent - je ne vais pas citer tout le monde - des questions précises.
    M. Bernard Accoyer. Tous ceux qui sont ici ont été cités. Vous n'avez oublié personne, je vous rassure.
    M. le président. Monsieur Accoyer, je vous en prie.
    M. Jean Le Garrec. Il s'agissait de questions de fond qui portaient sur les salaires, sur le SMIC, sur le temps de travail.
    Monsieur le ministre, quel sera l'effet de votre texte sur la politique de l'emploi et sur le chômage ? C'est une question d'une très grande gravité dans une période où le chômage est en train de remonter.
    M. Yves Fromion. Il a répondu !
    M. Bernard Accoyer. Il l'a déjà dit dix fois !
    M. Jean Le Garrec. A aucun moment vous n'avez répondu à ces questions précises, je le regrette, et je considère, au nom du groupe socialiste, que ce débat est en partie faussé (« Oh ! sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Vous ne faites pas preuve à l'égard de l'opposition du respect qu'elle est légitimement en droit de demander. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, juste un mot pour dire à M. Le Garrec qu'il a raison de jouer le jeu qui est le sien et dans lequel il excelle.
    M. Patrick Bloche. Mais il ne joue pas !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est le jeu habituel de l'opposition, qui consiste à faire en sorte que les débats durent le plus longtemps possible.
    J'ai exposé la politique que j'entends conduire devant le Parlement. Nous allons maintenant engager une longue discussion en examinant les amendements qui ont été déposés, notamment par l'opposition. J'imagine qu'elle permettra d'éclaircir beaucoup de sujets. Je ne peux pas me livrer à un dialogue de sourds qui m'obligerait à répondre indéfiniment à la même question que M. Gorce pose depuis déjà plusieurs heures.
    M. Bernard Accoyer. Mais oui !
    Mme Catherine Génisson. Répondez !
    M. Gaëtan Gorce. Quel mépris pour la représentation nationale !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Par ailleurs, je n'ai pas cru nécessaire de relever toutes les erreurs, toutes les approximations, tous les mensonges, toutes les caricatures dont vous avez affublé notre texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Je ne prendrai qu'un seul exemple, monsieur le président. Tout à l'heure, un orateur de l'opposition a indiqué que nous allions supprimer les 35 heures...
    Mme Catherine Génisson. En effet !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... tout en laissant peser sur les salariés le poids des accords qui ont été négociés dans les entreprises et qui se sont, je l'ai dit moi-même, souvent soldés par une dégradation des conditions de travail. Or, vous le savez bien, le texte qui vous est présenté ne remet en rien en cause les accords signés dans les entreprises si celles-ci ne le souhaitent pas.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Bien sûr !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le dispositif ne sera modifié que dans les branches qui, après accord des partenaires sociaux, en manifesteront la volonté. Si les entreprises et les salariés sont si contents des 35 heures telles qu'elles fonctionnent actuellement, il n'y aura pas de modification des accords et les cris que nous avons entendus auront bien été des cris inutiles.
    M. Bernard Accoyer. Voilà !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Voilà un exemple de réponse que j'aurais pu apporter tout à l'heure, mais, par égard pour l'opposition, j'ai considéré qu'il n'était pas nécessaire de le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

Motion de renvoi en commission

    M. le président. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une motion de renvoi en commission, déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
    La parole est à M. Maxime Gremetz, pour une intervention qui ne saurait excéder une heure trente.
    M. Yves Fromion. Il va se contraindre.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames et messieurs, ce débat est manifestement un grand débat de société, de civilisation. Il ne s'agit pas d'une question mineure.
    Cependant, avant d'en venir au fond, permettez-moi d'évoquer la formidable manifestation à laquelle j'ai participé ce matin. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Louis Bernard. La revanche de la rue ! (Sourires.)
    M. Maxime Gremetz. Eh oui !
    Il s'agissait bien d'une formidable manifestation, d'une manifestation unitaire que vous auriez tort de prendre à la légère.
    M. Yves Fromion. Une manifestation « spontanée » !
    M. Maxime Gremetz. Les mots d'ordre n'étaient pas corporatistes.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Oh non !
    M. Maxime Gremetz. C'était des mots d'ordre de défense de l'intérêt national, de l'intérêt de l'ensemble des Françaises et des Français puisqu'ils réclamaient que les grands services publics soient non pas privatisés, mais, au contraire, développés et modernisés.
    M. Yves Fromion. Ah oui !
    M. Bernard Accoyer. Ce n'est pas le sujet !
    M. Maxime Gremetz. A ce propos, monsieur le ministre, je m'interroge sur les raisons qui ont pu vous conduire, cette nuit, au dérapage sur le Front populaire. Je ne comprends pas.
    Je rappellerai un point d'histoire. En 1938, un certain nombre de personnes se proclamaient plutôt pour Hitler que pour le Front populaire. Voilà l'histoire !
    M. Jean Le Garrec. Tout à fait !
    M. Maxime Gremetz. Je pense en particulier à de grands groupes industriels.
    M. Yves Fromion Que diriez-vous du pacte germano-soviétique ?
    M. le président. S'il vous plaît, chers collègues !
    M. Maxime Gremetz. Je vous en prie, je parle de l'histoire de France ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Yves Fromion. Il faut parler de toute l'histoire alors !
    M. Jean-Louis Bernard. Nous n'avons pas de leçon à recevoir de vous !
    M. le président. Chers collègues, je vous propose de laisser M. Gremetz s'exprimer. Il peut intervenir durant une heure trente. Si vous l'interrompez, il ira plus loin.
    M. Jean Le Garrec. Absolument !
    M. Maxime Gremetz. En effet, monsieur le président, même si je ne le souhaite pas. (Sourires.)
    M. Yves Fromion. Il a déjà été trop loin !
    M. Jean-Louis Bernard. On ne peut pas le laisser dire n'importe quoi !
    M. le président. Poursuivez votre propos, monsieur Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Je suis sérieux : « plutôt Hitler que le Front populaire ». Et le général de Gaulle en a tiré un certain nombre d'enseignements, je vous le rappelle, peut-être l'avez-vous oublié ?
    M. Jean Le Garrec. Tout à fait ! Notamment sa méfiance à l'égard des partis !
    M. Maxime Gremetz. Quand, à la Libération, le général de Gaulle a décidé les nationalisations, c'était non seulement pour des raisons économiques, mais aussi pour faire payer ceux qui avaient trahi la France.
    M. Jean Le Garrec. Absolument !
    M. Maxime Gremetz. Ceux qui avaient choisi plutôt Hitler que le Front populaire !
    M. Jean Le Garrec. De Gaulle, Le Garrec, même combat sur les nationalisations !
    M. Maxime Gremetz. On peut penser ce qu'on veut, être opposé au Front populaire, toute opinion est défendable, mais on ne doit pas trahir son pays.
    M. Jean-Louis Bernard. Eh oui !
    M. Yves Fromion. Ce n'est pas ce qu'a fait Marchais ?
    M. Maxime Gremetz. Or certains l'ont fait pour des intérêts mercantiles !
    M. Yves Fromion. Marchais !
    M. Maxime Gremetz. Je vous en prie. Ne venez pas me donner des leçons. Je vous rappellerai que le député d'Amiens Jean Catelas, un de mes prédécesseurs, a été guillotiné par Vichy sur ordre des nazis, le 24 septembre 1941, en chantant La Marseillaise.
    M. Gaëtan Gorce. Eh oui !
    M. Yves Fromion. Et Marchais, il était où ?
    M. Jean-Louis Bernard. Et Thorez ?
    M. Maxime Gremetz. Je vous en prie, un peu de pudeur !
    M. Jean-Louis Bernard. C'est ce que j'allais vous dire !
    M. Maxime Gremetz. Moi, je ne fais pas de procès d'intention, je rappelle des faits historiques.
    M. Yves Fromion. C'est une plaisanterie ?
    M. Maxime Gremetz. En tout cas, les privatisations, ça ne me dit rien du tout.
    En effet, je n'ai jamais vu une entreprise privatisée embaucher. Toutes les entreprises nationales qui ont été privatisées licencient au nom des actionnaires. Pourquoi ? Parce que les actionnaires sont là pour faire du profit.
    M. Roland Chassain. Surtout en ce moment !
    M. Maxime Gremetz. Ils ne sont pas là pour vos beaux yeux ou par philanthropie, c'est évident.
    M. Yves Fromion. Pourquoi avez-vous soutenu la politique de privatisation de Jospin alors ?
    M. le président. Monsieur Fromion !
    M. Maxime Gremetz. Je ne vous ai pas bien entendu, monsieur Fromion, pouvez-vous préciser votre pensée ? Nous avons le temps.
    M. le président. Monsieur Gremetz, ce n'est pas vous qui présidez la séance ! En ce moment, vous défendez votre motion de renvoi en commission.
    M. Maxime Gremetz. Oui, mais M. Fromion parle en même temps que moi.
    M. le président. M. Fromion va se taire pour vous laisser intervenir.
    M. Maxime Gremetz. Ou bien on parle chacun son tour ! Sinon, je suis obligé de lui demander de répéter ce que je n'ai pas compris.
    M. Yves Fromion. Le président m'a invité à me taire, je me tais !
    M. Maxime Gremetz. Voyez, M. le président est moins ouvert que moi !
    M. Yves Fromion. Le président est là pour présider, monsieur Gremetz.
    M. le président. Monsieur Gremetz, vous êtes libre de votre jugement, mais je vous propose de poursuivre votre défense de la motion de renvoi !
    M. Bernard Accoyer. Cela va durer combien de temps cette histoire ?
    M. Maxime Gremetz. Dans vos perspectives, vous intégrez, messieurs de la majorité, 8 milliards de francs de privatisation.
    Aujourd'hui on voudrait privatiser EDF-GDF. Ce grand service public de qualité a besoin d'être modernisé, mais, contrairement à ce que d'aucuns affirment, il n'est pas nécessaire de le privatiser pour passer des alliances internationales.
    On veut privatiser la SNECMA, grand outil technologique s'il en est, qui a accompli des réalisations formidables. Pourquoi vouloir offrir la SNECMA à des actionnaires privés ?
    On veut aussi nationaliser Air France.
    M. Maurice Giro. Le Crédit lyonnais !
    M. Maxime Gremetz. Et puis quoi encore ?
    Bien sûr, pour créer des emplois, il faut de la croissance mais il faut aussi des actes politiques. Les décisions politiques ont des conséquences positives ou négatives sur l'emploi. Et les privatisations non seulement me paraissent aller à l'encontre de l'intérêt national, de la coopération internationale, mais elles sont aussi défavorables à l'emploi.
    Par ailleurs, je suis très surpris, monsieur le ministre, par vos déclarations sur la loi de modernisation sociale. Il n'est pas possible de prendre des bouts de loi et de rejeter le reste. Pourtant, j'ai bien relu votre interview...
    M. Jean-Louis Bernard. Ah ! bonne lecture.
    M. Maxime Gremetz. Je me documente, cela me paraît la moindre des choses, parce qu'il ne faut pas dire n'importe quoi.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. C'est vrai !
    M. Yves Fromion. On vous fait confiance ! (Sourires.)
    M. Maxime Gremetz. Dans cet interview donc, vous dites - sans doute comme signal adressé au MEDEF : « En fait, nous allons suspendre rapidement non pas la loi de modernisation sociale mais surtout tout ce qui concourt à augmenter les délais de possibilités de licenciements. » Cela veut dire quoi ?
    Ça signifie que vous remettez en cause les amendements communistes que nous avons fait adopter concernant les licenciements boursiers. Ceux-ci prévoyaient le droit d'opposition du comité d'entreprise, qui entrait ainsi, pour la première fois, dans le code du travail français, la possibilité pour le comité d'entreprise de faire des contre-propositions aux licenciements prétendûment économiques, mais dont la validité économique est discutable, le droit d'avoir recours à un médiateur et d'en appeler au tribunal d'instance s'il n'y a pas d'accord. Supprimer ces dispositions permettrait en effet d'aller plus vite. M. Bernard Brunhes, consultant, expliquait hier dans un excellent article que ce qui était anormal, ce n'était pas la longueur des procédures mais le fait de ne jamais aboutir à un accord, à l'inverse de ce qui se passe dans d'autres pays, où une vraie confrontation des points de vue s'opère. Nous avions proposé qu'il en soit ainsi en France, mais, dans notre pays, l'entrepreneur annonce un plan social et après il n'y a plus qu'à dire amen. On est bien loin du dialogue social et ce n'est pas par hasard si les plans de licenciements qualifiés d'économiques se multiplient, la presse en a encore fait état hier. Or, aujourd'hui, nous sommes sans moyens pour réagir. (M. le ministre fait un signe de dénégation.)
    Vous ne pouvez pas dire, monsieur le ministre, que la faute en revient à la loi de modernisation sociale, qui ne marcherait pas. En effet, vous n'avez pas publié les décrets concernant les médiateurs. Quand je demande un médiateur pour Whirpool, qui prévoit 360 suppressions de postes, la disparition d'une chaîne et une délocalisation pour Poprad en Slovaquie sans aucune raison économique, simplement parce que les actionnaires veulent faire 16 % au lieu de 12 % de profit, personne n'intervient, et on nous répond que le Gouvernement ne peut rien faire. Ce n'est pas possible ! D'autant que les entreprises concernées par de tels mouvements sont nombreuses, et elles font partie de grands groupes - Magneti Marelli, Curver, Honeywell. Non, pour des raisons de spéculation financière, on jette les gens. Au mépris parfois de la loi de contrôle de l'utilisation des fonds publics que nous avons fait adopter. Comment se fait-il par exemple que l'entreprise Whirpool, qui a reçu 320 millions de francs de fonds publics, puisse, après avoir encaissé l'argent, partir ailleurs ? La loi prévoit la possibilité de saisir la Commission nationale de contrôle de l'utilisation des fonds publics. Je l'ai moi-même saisie depuis des mois et je n'ai toujours pas reçu d'accusé de réception.
    Comment voulez-vous qu'on agisse ? On est sans moyens. Et vous nous faites la démonstration que la loi de modernisation sociale ne marche pas, qu'elle n'empêche pas les licenciements, qu'il faut donc la supprimer et faire autre chose ? Eh bien, non !
    La vraie raison, c'est que les décrets ne sont pas publiés, et que même lorsqu'ils sont publiés, il n'y a pas de volonté de les appliquer.
    Voilà ce que je voulais dire en guise d'entrée en matière. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Louis Bernard. Passons aux hors-d'oeuvre !
    M. le président. Poursuivez, monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. Soyez patients, chers collègues !
    M. le président. Je rappelle que M. Gremetz dispose d'une heure et demie.
    M. Maxime Gremetz. En se référant aux dernières élections, on nous dit : « Vous n'avez pas entendu le message ! » (« En effet ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    D'abord, et je veux le rappeler à nos collègues en général et au Gouvernement en particulier, les élections sont passées...
    M. Jean-Louis Bernard. Certes !
    M. Maxime Gremetz. ... et chacun doit en tirer les enseignements...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. C'est sûr !
    M. Maxime Gremetz. Je dis que « chacun » doit en tirer les leçons, pour lui-même comme pour les Françaises et les Français.
    Mais ce qui me préoccupe, ce ne sont pas vos résultats ou les nôtres...
    M. Yves Fromion. Parlez-nous des vôtres !
    M. Maxime Gremetz. Ce qui me préoccupe, ce sont les 42 % de gens qui ne sont pas allés voter. C'est cela qui me préoccupe, et singulièrement.
    M. Jean-Louis Bernard. Pourtant, avec les 35 heures, ils avaient le temps !
    M. Maxime Gremetz. Avec les 35 heures, il y a eu 42 % d'abstention et avant, quand il n'y avait pas les 35 heures, il y avait aussi 42 % d'abstention...
    M. Jean-Louis Bernard. Donc les 35 heures n'ont eu aucun effet !
    M. Pierre Hellier. Eh non !
    M. Maxime Gremetz. Je suis tout aussi préoccupé par ces gens qui ne croient plus en rien et qui ont voté Front national.
    Ainsi, au lieu de nous rejeter mutuellement les responsabilités, regardons la situation et réfléchissons ensemble - je m'adresse là aux démocrates - sur ses causes.
    Moi, j'ai une opinion, j'écoute, j'entends. Vous avez gagné les élections et, j'en suis d'accord, il faut respecter la démocratie. Mais aux attentes sociales et aux exigences du pays vous êtes confrontés, comme nous l'étions hier.
    M. Yves Fromion. Personne ne dit le contraire !
    M. François Guillaume. Et vous, vous y avez répondu ?
    M. Maxime Gremetz. Si l'on n'y répond pas, c'est la démocratie qui en supportera les conséquences.
    M. Yves Fromion. Vous avez raison !
    M. Maxime Gremetz. Loin de moi l'idée d'être partisan.
    C'est une grande question dont nous parlons aujourd'hui. On peut être en désaccord sur un certain nombre de choses, mais chacun devrait réfléchir à des propositions constructives.
    Vous avez dit, monsieur le ministre, que vous ne voyiez pas d'alternative. Nous, nous en avons une. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Yves Fromion. Elle n'a pas été comprise !
    M. Pierre Hellier. Vous parlez de la précédente ?
    M. Maxime Gremetz. Je ne parle évidemment pas de la précédente puisqu'elle n'a pas été retenue et qu'elle n'a donc pu être mise à l'épreuve. (Sourires sur les mêmes bancs.)
    Quelles sont les raisons qui conduisent le groupe des député-e-s communistes et républicains à proposer de renvoyer le texte devant la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de notre assemblée ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Ah non !
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le président de la commission, soyez modeste ! D'ailleurs, tout le monde doit être modeste ! (Sourires.)
    Ce renvoi est motivé par deux considérations.
    En premier lieu, le texte, convenez-en, nous est parvenu très tardivement alors qu'il a une grande importance et qu'il appelle une étude très sérieuse. (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Eh oui ! On joue là l'avenir des salariés et de l'emploi.
    Le projet de loi nous est arrivé la veille de son examen en commission. Nous regrettons le caractère précipité de cette discussion qui ampute de façon significative le débat de fond qui doit être conduit. C'est pourquoi nous demandons le renvoi en commission.
    En second lieu, plusieurs dispositions du texte méritent une étude précise, sérieuse et beaucoup plus attentive. En effet, nous examinons un texte fondamental qui vise, je pèse mes mots, à arrêter le processus historique de réduction du temps de travail au détriment des aspirations des salariés. Je rappelle à ce propos que, contrairement à ce qui a été dit à cette tribune, l'idée de la réduction du temps de travail est une grande idée du mouvement ouvrier et que dans tous nos programmes - cela ne date pas d'aujourd'hui - nous avons toujours inclus cette grande revendication, qui est la grande revendication depuis que la CGT existe.
    M. Yves Fromion. Et la CFDT ?
    M. Maxime Gremetz. Vous ne pouvez donc pas affirmer qu'il s'agit d'une invention. La réduction du temps de travail est dans la nature des choses : franchement, cette réduction n'est-elle pas nécessaire quand les technologies progressent, quand on peut produire plus vite, mieux, autrement, plus efficacement et avec moins d'activité physique ?
    Le travail est indispensable...
    M. Jean-Louis Bernard. Le travail, c'est la santé !
    M. Maxime Gremetz. Mais il n'y a pas que le travail dans la vie. L'activité humaine est bien différente aujourd'hui de ce qu'elle était et elle déborde le cadre du travail. Tout le monde s'accorde à reconnaître qu'il s'agit là d'un processus historique, qu'à mon avis vous ne pourrez pas arrêter.
    Je voudrais en particulier insister sur le fait que ce sont les salariés des PME qui seront privés de la réduction du temps de travail. Le petit problème, c'est que ces salariés, qui sont 7 millions et qui ne travaillent pas seulement dans les PME, n'ont toujours pas vu l'application des 35 heures plus de quatre ans après la loi de juin 1998. Il faut mettre un terme à ce retard.
    Vous le savez, monsieur le ministre, nous avons l'habitude de nous prononcer sur les textes, sur les actes, et non sur les bonnes ou les mauvaises intentions. C'est donc de cette manière que je procéderai à l'examen critique du projet qui nous est soumis et tenterai modestement de montrer combien il est nécessaire de le retravailler. Je vous invite, ainsi que les salariés, à le faire, à la faveur d'une lecture attentive de votre texte.
    Bien sûr, je n'ignore rien de vos intentions. La volonté de la nouvelle majorité se rapproche, il faut bien le dire, de celle du MEDEF : en finir avec les 35 heures, en finir avec la réduction du temps de travail, briser la création d'emplois, en terminer avec la modernisation sociale et les mesures contre les licenciements, affaiblir le pouvoir d'achat des salariés. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres.
    Votre projet est, pour l'essentiel, mauvais. Il tend à freiner la poursuite de la réduction du temps de travail. Et la cible, c'est avant tout les 7 millions de salariés qui sont encore à 39 heures, le plus grand nombre travaillant dans les PME. Si le MEDEF, représentant avant tout les intérêts des grandes entreprises, s'intéresse tant à la question pour ce qui concerne les PME, c'est qu'il a intérêt, lui, au maintien d'un coût diminué du travail dans ces entreprises pour peser sur l'ensemble des salaires et en bénéficier directement par le phénomène massif de la sous-traitance.
    Votre projet contourne totalement les 35 heures. Il encourage les heures supplémentaires du fait de la baisse de leur coût, couplée avec l'augmentation du contingent de ces heures, et parce qu'il maintient le forfait-jours des cadres, parce qu'il monétarise le compte épargne-temps, parce qu'il déconnecte les aides de la réduction du temps de travail et de la création d'emplois, parce qu'il recule la date d'harmonisation des SMIC alors que celle-ci devrait être immédiate.
    Votre projet encourage les heures supplémentaires car vous mourez d'envie d'abroger purement et simplement les 35 heures. Vous savez très bien, cependant, qu'elles sont populaires chez les salariés et qu'en cas d'abrogation clairement affichée vous iriez au devant d'une résistance certaine. C'est pourquoi vous contournez la difficulté en proposant une série de mesures qui visent à rendre les 35 heures caduques. La preuve en est que vous supprimez, dans votre texte, la référence à la durée légale hebdomadaire de 35 heures.
    Il faudra bien que l'on éclaircisse ce point car vous déclariez hier, dans une interview accordée aux Echos : « Mais non, on ne touche pas à la durée légale ! » En fait, vous jouez sur les mots.
    Quand vous parlez de « durée légale », de quoi parlez-vous exactement ? Je vous rappelle que le code du travail actuel prévoit qu'« une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire du travail peut varier sur tout ou partie de l'année à condition que sur un an cette durée n'excède pas en moyenne 35 heures par semaine travaillée et, en tout état de cause, le plafond de 1 600 heures au cours de l'année ».
    Vous vous livrez à un véritable tour de passe-passe. Si vous assurez que l'on ne revient pas sur la « durée légale », vous ne précisez pas que vous supprimez du code du travail la référence à la « durée légale hebdomadaiare », laissant simplement la référence aux 1 600 heures par année. Mais alors, que deviennent les heures supplémentaires ?
    J'ai bien compris pourquoi vous procédez de cette façon. Car à partir de quand décompte-t-on les heures supplémentaires ? Actuellement, selon la loi, les heures comprises entre 35 et 39 heures sont payées 25 % plus cher et 50 % au-delà. Or c'est précisément ce mécanisme que vous voulez faire sauter. (M. le ministre fait un signe de dénégation.)
    C'est pourtant clair ! Les faits sont là et j'ai sous les yeux vos déclarations. On ne peut donc pas me reprocher de faire un procès d'intention. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Je suis simplement étonné car vous m'aviez répondu en commission que vous ne toucheriez pas du tout à la « durée légale » du temps de travail. Mais peut-être y a-t-il eu un manque d'attention de votre part, monsieur le ministre, ou une étourderie. Cela arrive à tout le monde. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Si vous affirmez ne pas vouloir toucher à la « durée légale » du temps de travail, vous aurez l'occasion de le confirmer en exprimant votre accord sur notre amendement qui tend à réintroduire ce qui a par hasard été supprimé, à savoir la formule : « à condition que sur un an cette durée n'excède pas en moyenne 35 heures par semaine travaillée ».
    Cette précision a dû manifestement sauter à la frappe. Rétablissons-la et il n'y aura pas de problème.
    On peut d'ailleurs se demander pourquoi vous avez opté en faveur d'une telle attitude ? Quand on se souvient de tout le mal qui a été dit de cette grande réforme pendant cinq ans, dans cette enceinte et ailleurs, par les dirigeants politiques de la droite, on peut s'interroger. Les 35 heures menaçaient l'économie du pays, nous disait-on ; c'était une catastrophe, la pire des réformes jamais entreprises.
    M. Yves Fromion. C'est en train de se vérifier !
    M. Maxime Gremetz. Et le gouvernement se contente de l'assouplir ? On n'assouplit pas une réforme jugée aussi désastreuse. Si l'on est conséquent, on l'abroge clairement. Si je suis votre raisonnement, je dois vous accuser d'assouplir quelque chose qui sera toujours mauvais. (« Ah ? » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Yves Fromion. C'est vous qui le dites !
    M. Maxime Gremetz. Je ne vous comprends pas. Pourquoi ne voulez-vous pas aller jusqu'au bout de votre logique ? L'inconséquence est évidente. Si j'avais votre conviction à vous, si je pensais que le dispositif des 35 heures était fondamentalement mauvais, je dirais qu'on ne doit pas l'aménager car il est inamendable. Voilà ce que l'on dit quand un dispositif n'est pas bon.
    Il demeure que, malgré ses insuffisances, les 35 heures sont populaires. Mais vous êtes confronté à une difficulté : contrairement à des affirmations indéfiniment répétées, la réduction du temps de travail est très populaire, elle correspond aux aspirations des salariés à disposer de plus de temps pour vivre, pour se détendre, pour s'occuper de leurs familles, pour aimer, pour se consacrer à la vie associative.
    Plus de 14 millions des salariés du secteur privé et du secteur public sont passés aux 35 heures en quatre ans. Il est vrai que beaucoup d'entre eux sont mécontents des conditions dans lesquelles cela s'est fait et que la RTT a souvent été d'une ampleur insuffisante. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Si vous aviez assisté comme moi aux dizaines d'heures de débat, jour et nuit sur les 35 heures, vous sauriez que, moi, je ne change pas de langage entre hier et aujourd'hui.
    Cela dit, aucun des salariés concernés ne voudrait revenir en arrière, et c'est l'unique raison pour laquelle, me semble-t-il, le Président de la République a pris l'engagement de ne pas supprimer les 35 heures. Sinon, il n'aurait jamais été élu.
    Il vous faut maintenant tenir les engagements pris, ce qui ne vous empêche pas d'essayer de contourner l'obstacle. Mais cet exercice d'équilibre est très délicat. Votre problème est de respecter cet engagement électoral et, dans le même temps, de satisfaire le plus possible les revendications patronales.
    Ce n'est pas pour rien qu'au mois de septembre 1999 nous avions dit, quant à nous, que le projet Aubry 2 était invotable en l'état. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Prenant appui sur les exigences des salariés et de leurs syndicats, les députés communistes ont alors réussi à obtenir des améliorations considérables, en particulier en ce qui concerne la définition du temps de travail effectif, l'encadrement de l'annualisation, le sort des salariés à temps partiel, le statut des cadres, l'exigence de légalité des accords ouvrant droit aux aides publiques. Chacun peut le vérifier en consultant le Journal officiel, qui relate tous nos débats à ce sujet.
    En dépit de ces améliorations, notre conviction a toujours été que la loi Aubry 2 restait insuffisante. Chacun se souvient des réticences qui étaient les nôtres. Mais sans le vote des députés communistes, les 35 heures n'auraient pu voir le jour. Et c'est sans doute ce qu'espérait le MEDEF, et même deux ou trois personnalité de gauche. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Yves Fromion. Des noms !
    M. Jean-Louis Bernard. Cela devient intéressant !
    M. le président. Un peu de calme, s'il vous plaît !
    M. Maxime Gremetz. Je vous demande de faire un petit effort d'imagination. (Sourires.)
    M. Yves Fromion. A droite, on n'en a pas, c'est bien connu ! (Sourires.)
    M. Maxime Gremetz. Nous n'avons donc pas à regretter la décision que nous avons prise à l'époque. Les 35 heures sont entrées dans la vie des Français et le mouvement historique de réduction du temps de travail a pu s'accélérer, mais pas suffisamment, tant s'en faut.
    Le premier objectif de la réduction du temps de travail était et demeure à nos yeux de libérer de nombreux emplois pour contribuer à faire reculer massivement le chômage.
    Je veux bien que l'on se renvoie des chiffres, mais je m'en suis toujours tenu à une règle : je me réfère aux chiffres officiels du ministère du travail, de la DARES ou de l'INSEE.
    Le bilan officiel du ministère du travail, dont je n'ai pas de raison de douter, donne 300 000 emplois créés grâce à la réduction du temps de travail. Ce chiffre est loin d'être négligeable et il dément les affirmations des adversaires de la RTT, qui prétendaient gratuitement que les 35 heures ne pouvaient créer d'emplois, et même qu'elles en détruiraient.
    Ce chiffre est loin d'être négligeable, mais il est loin, reconnaissons-le, du million d'emplois qu'aurait au minimum engendré une réduction radicale, sans faux-fuyants, du temps de travail.
    Je souligne au passage que la première loi Aubry, qui prévoyait une création de 6 % d'emplois pour une réduction de 10 % de la durée du travail, était moins révolutionnaire que celle de M. de Robien, qui imposait 10 % de création d'emplois pour une même réduction de 10 % du temps de travail.
    M. Yves Fromion. Vous étiez trop modestes !
    M. Maxime Gremetz. Oui, mais vous avez voté contre parce que ça allait déjà trop loin !
    M. Yves Fromion. Parce que c'était trop modeste ! Nous sommes cohérents !
    M. Maxime Gremetz. La création d'emplois a diminué à partir du moment où a été mise en oeuvre la deuxième loi Aubry, qui ne posait plus de condition en matière de création d'emplois sauf dans les accords d'entreprise. Nous nous étions pourtant battus jusqu'à la veille du vote - vous devez vous en souvenir - pour qu'il soit fait état de la préservation ou de la création d'emplois !
    A partir de là, que s'est-il passé ? Les patrons ont appliqué la réduction du temps de travail, et cela leur convenait d'ailleurs très bien. M. Seillière ne s'en cachait pas, même s'il ne le disait pas publiquement. La flexibilité, l'annualisation du temps de travail leur a permis de réorganiser leur entreprise. Ils ont appliqué les 35 heures sans créer d'emplois, d'où une dégradation des conditions de travail et du pouvoir d'achat. Les pauses dans les entreprises pratiquant les trois-huit ont même été remises en cause.
    Les études du ministère du travail nous apprennent qu'avec les accords Aubry II la réduction moyenne du temps de travail n'a plus été que de deux heures et demie en moyenne par semaine au lieu de quatre heures, que l'annualisation s'est étendue, que les trois quarts des cadres ont été catalogués cadres dirigeants ou qu'on leur a imposé le forfait en jours. De plus, le droit aux aides publiques n'était plus conditionné à un taux minimum de création d'emplois. En conséquence, celle-ci a nettement diminué. Avec votre texte, vous allez amplifier cette situation, notamment en raison de la déconnexion des exonérations de cotisations patronales de l'obligation de réduction du temps de travail et de la création d'emplois.
    Cependant, au-delà des chiffres, les études d'opinion confirment les résultats contrastés. La plupart des salariés disent leur satisfaction quant aux retombées sur leurs conditions de vie. Du temps a réellement été dégagé pour soi. Lorsqu'on bénéficie de douze jours de repos supplémentaires, même si l'on en espérait vingt-quatre, le changement dans les conditions de vie est visible et très appréciable. En revanche, lorsqu'on les interroge sur les conditions de travail, les salariés sont beaucoup plus critiques. Un quart seulement note une amélioration, la moitié n'a vu aucun changement et un autre quart parle même d'aggravation.
    M. Yves Fromion. Eh oui !
    M. Maxime Gremetz. La remise en question des pauses, la modulation du temps de travail, les changements fréquents d'horaires et surtout l'intensification accrue du travail due à l'absence ou à l'insuffisance des embauches en sont les causes.
    M. Yves Fromion. C'est un véritable réquisitoire contre les 35 heures !
    M. Maxime Gremetz. C'est ce que nous prévoyions. Nous l'avions dit. Cela s'est vérifié !
    M. Yves Fromion. Nous pensions la même chose !
    M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas pour autant que j'en tire la même conclusion que vous. Vous voulez faire table rase. Quant à moi, je veux améliorer cette loi pour qu'elle soit un progrès social et un véritable progrès de civilisation. C'est ça la différence entre vous et moi !
    La deuxième raison du mécontement de nombreux salariés provient des clauses de gel ou de modération salariale imposées dans de nombreux accords. Pour obtenir de telles clauses, les chefs d'entreprise ont entonné le célèbre couplet du coût exorbitant des 35 heures. Examinons de plus près cette question ! Nous avions déjà souligné qu'il s'agissait d'une plainte injustifiée. Nous avons maintenant la preuve qu'il s'agissait d'un énorme mensonge et cette preuve se trouve dans le rapport officiel publié par le ministère. Ce n'est pas une question de gouvernement de gauche ou de droite. Il n'y a pas de connotation politique.
    M. Yves Fromion. C'est le Gosplan !
    M. Maxime Gremetz. Vous n'allez quand même pas remettre en cause les études réalisées par les fonctionnaires du ministère du travail ! Ils travaillent, ces gens, et sérieusement.
    En réalité, les aides publiques liées aux 35 heures ont rapporté aux entrepreneurs plus de 9 milliards d'euros. Les dépenses dues aux 35 heures, ce sont les salaires et cotisations payés pour les 300 000 embauches réalisées, c'est-à-dire environ 6 milliards d'euros. Au total, loin de coûter aux actionnaires ou aux patrons, les 35 heures leur ont mis dans le portefeuille la différence, c'est-à-dire 3 milliards d'euros ! Comme quoi, plus le mensonge est gros, plus il a de chances d'être cru. C'est indiscutable, faites comme moi, renseignez-vous !
    Le MEDEF n'a cessé pendant quatre ans de parler du coût des 35 heures, comme certains économistes et experts distingués, les mêmes qui s'extasiaient devant les succès de Jean-Marie Messier et, pendant ce temps, 3 milliards d'euros - 20 milliards de francs - passaient de la poche des salariés dans celle des actionnaires. Mais cela ne leur suffisait pas. Il a fallu ajouter 2 milliards d'euros grâce aux clauses de gel et de modération salariale ! Tout cela figure dans le rapport du ministère. Maintenant que la vérité ne peut plus être cachée, serons-nous tous d'accord pour dire que les salariés ont été dupés, qu'ils n'ont pas besoin de travailler plus pour gagner plus, mais qu'il suffit qu'on leur rende ce qu'on leur a pris ? Vous nous reprochez de ne penser qu'aux salariés, et pas aux entreprises. Mais regardez les études concernant la productivité. Vous constaterez que les entreprises françaises ne sont pas si mal placées, notamment en Europe. Serons-nous tous d'accord pour dire que les salariés seraient fondés à dire que les clauses de gel de salaire sont caduques, qu'elles n'ont aucune raison d'être ? Nous avons déposé des amendements en ce sens.
    Tout nous indique que les insuffisances des résultats des lois relatives aux 35 heures sont la conséquence non pas de trop de réduction du temps de travail, mais au contraire d'une insuffisance des lois 35 heures et d'une mauvaise application de ces textes par les chefs d'entreprise. Tout nous incite donc à nous prononcer pour la poursuite du mouvement de réduction du temps de travail engagé, à nous opposer aux mesures que le Gouvernement propose pour maintenir et aggraver les aspects négatifs existants et à proposer des réformes audacieuses permettant une meilleure réduction du temps de travail. Nous vous proposons donc de renvoyer ce texte en commission sur la base de ces premiers éléments, mais il y en a d'autres.
    M. Yves Fromion. Nous voilà rassurés !
    M. Maxime Gremetz. Nous allons combattre le contenu réel de votre projet. Nous allons combattre vos propositions. Nous n'allons pas le faire par principe, au motif qu'elles viennent d'un gouvernement de droite.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Bien sûr que non !
    M. Yves Fromion. Nous ne vous croyons pas capables de cela !
    M. Maxime Gremetz. Vous nous connaissez mal !
    M. Yves Fromion. C'est effectivement ce que je pensais !
    M. Maxime Gremetz. Peut-être devrais-je faire quelques rappels historiques.
    M. Yves Fromion. On ne sait jamais ! Nous nous sommes souvent retrouvés.
    M. Maxime Gremetz. J'ai souvent discuté avec le grand-père Dassault, qui était le doyen du conseil régional de Picardie à l'époque où j'en étais le benjamin. Je parle de Marcel Dassault. Il m'avait fait visiter son atelier et m'avait dit : « Je suis parti de rien. Je suis devenu ingénieur et j'ai construit ces avions. » C'était un grand de l'aéronautique, un pontife dans ce domaine.
    M. Claude Gaillard. Cela mérite de l'estime !
    M. Maxime Gremetz. Et s'agissant du Concorde, je vous rappelle pour mémoire - c'est un petit détail - que deux grandes forces étaient pour : le général de Gaulle et les communistes.
    M. Yves Fromion. Il vous arrive d'avoir des éclairs de lumière, comme quoi il ne faut pas désespérer !
    M. Maxime Gremetz. Et je pourrais continuer.
    M. Yves Fromion. Sur le nucléaire, par exemple, vous êtes nos meilleurs alliés !
    M. Maxime Gremetz. Quand le général de Gaulle a décidé de retirer les forces françaises de l'OTAN, nous nous sommes battus à ses côtés pour cela.
    M. Yves Fromion. Pour des raisons qui n'étaient peut-être pas les mêmes, mais le résultat était là !
    M. Maxime Gremetz. L'indépendance de la France, le refus de la domination américaine !
    M. Jean-Louis Bernard. C'est intéressant, mais on s'éloigne des 35 heures !
    M. Maxime Gremetz. Il faut parfois faire des rappels historiques pour bien comprendre de quoi nous parlons.
    M. Jean Le Garrec. Tout à fait !
    M. Maxime Gremetz. Je pourrais même ressortir une lettre du général de Gaulle qui mériterait d'ailleurs d'être publiée, dans laquelle il évoquait le patriotisme des communistes et leur rôle dans la Résistance.
    M. Yves Fromion. Personne ne le conteste !
    M. Maxime Gremetz. Nous n'étions d'ailleurs pas les seuls.
    Voilà qui montre que nous nous déterminons sur un projet non pas selon qu'il vient de gauche ou de droite, mais en fonction de sa nature.
    M. Jean-Louis Bernard. Comme pour la chasse !
    M. Maxime Gremetz. Certes, on peut se tromper, mais ce qui compte c'est qu'il corresponde aux intérêts de notre peuple, de notre pays. C'est bien pourquoi je dis que nous ne combattons pas ce texte par principe, mais parce que nous pensons qu'il est mauvais. Nous nous opposerons à votre projet dans les limites de ce qu'il est vraiment, dans les limites que le Gouvernement ne peut dépasser sans prendre des risques sociaux et politiques graves.
    Que personne ne compte sur nous pour noircir un tableau déjà bien sombre. Nous avons en effet l'impression que les rôles sont ainsi distribués : le Gouvernement se défend publiquement et officiellement d'abroger les 35 heures pendant que d'autres se chargent de désespérer les salariés en leur disant que les 35 heures sont mortes pour les sept millions de personnes qui n'y ont pas encore goûté, pour les deux millions de cadres au forfait-jours et pour les salariés passés aux 35 heures dont les employeurs seraient en situation de pouvoir remettre en cause les acquis. Et puisque le projet de loi a pour titre : « Salaires, temps de travail et développement de l'emploi », nous ferons sur ces importantes questions des propositions concrètes et cohérentes. Le sujet le plus débattu dans la presse et l'opinion publique à l'occasion de ce projet de loi est celui des heures supplémentaires. Cela renvoie à deux problèmes : celui de leur utilisation et celui de leur coût.
    C'est à propos de leur utilisation que la plupart des observateurs parlent de la fin des 35 heures. C'est la question centrale. Les commentateurs se répandent en affirmant comme une évidence que, par la grâce du contingent réglementaire, porté à 180 heures, les 35 heures sont mortes et que les entreprises vont pouvoir rester à 39 heures. Leur raisonnement est simple : on prend le contingent, on divise par quarante-sept semaines de travail et on ajoute le résultat de cette division à trente-cinq heures, ce qui donne trente-neuf heures. Si ce raisonnement est exact, cela signifie qu'actuellement, avec le contingent de 130 heures, on peut faire librement 38 heures. Je compte bien, non ? Vous me suivez ?
    M. Pierre-Louis Fagniez. Oui !
    M. Maxime Gremetz. Donc, votre projet ferait passer la durée autorisée de 38 heures à 39 heures et non de 35 heures à 39 heures. Pourquoi dire que les 7 millions de salariés aujourd'hui encore à 39 heures ne verront jamais les 35 heures du fait de ce texte puisque, sur la base de ce raisonnement, ils ne les auraient jamais vues non plus sans ce projet ? C'est bien, non ?
    M. Pierre-Louis Fagniez. Très bien !
    M. Yves Fromion. C'est convaincant !
    M. Maxime Gremetz. La question essentielle qui conditionne l'effectivité des 35 heures est donc la suivante : les entreprises peuvent-elles imposer - j'insiste sur ce point, monsieur le ministre - les heures supplémentaires dans n'importe quelles conditions ? Peuvent-elles utiliser le contingent de manière structurelle, maintenir les salariés à 39 heures ? Dans l'état actuel de notre droit, la réponse est non.
    Non, parce que si on pouvait ajouter structurellement le contingent d'heures supplémentaires aux 35 heures, cela signifierait que c'est un décret ou un accord de branche qui fixerait en définitive la durée légale hebdomadaire, ce qui poserait un problème constitutionnel.
    Non, parce que lors de la création du contingent d'heures supplémentaires en 1982, il a été clairement indiqué par les auteurs de l'ordonnance que les heures supplémentaires étaient réservées aux surcroîts d'activité.
    Non, parce que l'accord interprofessionnel du 31 octobre 1995 réserve lui aussi l'usage des heures supplémentaires aux « pointes d'activité imprévisibles ».
    Non, parce que la jurisprudence confirme elle aussi que la durée légale doit être respectée et qu'on ne peut pas imposer les heures supplémentaires hors le cas de surcroît d'activité. Soyons attentif à cet extrait d'une décision de la cour d'appel de Limoges - 9 février 1994 - sur renvoi de la Cour de cassation : « Dans un contexte caractérisé, dans la période actuelle, par une diminution de la durée légale du travail, et par une situation de sous-emploi très grave, il est difficilement admissible qu'un employeur veuille imposer à son personnel, hors le cadre d'un accord collectif ou d'entreprise et hors le cas d'une situation exceptionnelle et urgente de charge de production, l'exécution d'heures supplémentaires pour l'accomplissement de tâches entrant dans le cadre du fonctionnement normal et habituel de l'entreprise. » Ou encore cette formule de la Cour de cassation du 23 janvier 2002 : « ... alors que l'entreprise allait être soumise quelques mois plus tard, en application de la loi, à l'obligation de réduire à 35 heures la durée du travail de son personnel ». Plan social ou non, l'entreprise est obligée de réduire à 35 heures. Ce n'est pas une option, ce n'est pas 35 plus trois ou quatre heures supplémentaires, c'est 35 heures.
    Non encore - la réponse est toujours non - parce que les tribunaux rappellent que les accords sont faits pour être respectés. Déjà, le 3 novembre 1976, la Cour de cassation avait condamné un employeur à des dommages et intérêts pour le non-respect d'un accord national de réduction du temps de travail. Vingt-six ans plus tard, avec une constance remarquable, la Cour de cassation, dans un arrêt du 4 juin 2002, dit que lorsqu'il existe un accord de branche sur les 35 heures, les salariés restés à 39 heures ont droit, d'une part, au maintien de leur salaire - sous la forme, en l'occurrence, du paiement du complément différentiel de salaire - et, d'autre part, au paiement de quatre heures supplémentaires majorées à 25 %.
    Dans un article paru dans la revue Droit social, une éminente juriste souligne que cette décision « aura de lourdes répercussions économiques sur les entreprises et qu'elle ne sera pas sans effet sur le processus d'assouplissement du régime des heures supplémentaires annoncé par le Gouvernement ». En effet, la plupart des branches ont conclu des accords de réduction du temps de travail. Ces accords doivent, par conséquent, être respectés.
    M. Jean-Michel Fourgous. Et Mme Aubry, elle les a respectés ?
    M. Maxime Gremetz. Il s'ensuit que les sept millions de salariés à 39 heures ont droit aux 35 heures et, à défaut, au paiement des quatre heures supplémentaires en plus de leur salaire. Les entreprises peuvent bien sûr utiliser les heures supplémentaires, mais elles doivent d'abord appliquer la loi et l'accord de branche, donc passer les salariés à 35 heures avec maintien du salaire et ensuite, éventuellement, faire des heures supplémentaires en cas de besoin et les payer en plus du salaire de base, majorées de 25 %.
    « Le droit, le droit, le droit », dit toujours le Premier ministre. Alors, rappelons le droit. Il ne s'agit pas de juger la loi telle qu'elle va être : nous pouvons décider ici tout ce que nous voulons. Il s'agit des règles d'utilisation des heures supplémentaires. Et là, il y a les jugements des juridictions, il y a des jurisprudences, et il y a des accords.
    C'est seulement quand vous aurez rappelé aux entreprises leurs obligations qu'on pourra vous croire quand vous dites aux salariés : « Travaillez plus pour gagner plus », car, en l'état, nous avons démontré le contraire.
    Au lieu de tirer toutes les conséquences de cet important arrêt de la Cour de cassation, vous n'avez que mépris pour la position de la Cour. Dans l'article 5 du projet de loi, vous écrivez en effet que les salariés du secteur médico-social n'ont droit au complément différentiel de salaire qu'à compter de l'entrée en vigueur de l'accord d'entreprise, alors que la Cour est très claire : c'est l'accord de branche qui fait naître les droits des salariés. Il semble même, si on lit le jugement de la Cour d'appel de Paris, que ce soit la loi elle-même qui fasse naître ces droits.
    Avec cet article 5, vous vous substituez aux tribunaux pour l'interprétation des accords, ce qui n'est pas conforme à la Constitution et mérite en outre un réexamen en commission de votre projet de loi.
    Mais, là encore, vous n'allez pas jusqu'au bout et votre article 5 sera insuffisant pour priver les salariés de leurs droits. Vous ne voulez pas voir que la Cour indique que, lorsqu'il existe un accord de branche sur les 35 heures, les entreprises doivent l'appliquer, maintenir le salaire - dans le cas qui était jugé, sous la forme du complément différentiel de salaire - et payer les heures supplémentaires en plus. Si on ne le comprenait pas ainsi, alors, évidemment, l'arrêt du 4 juin n'aurait aucun sens. Pour priver d'application cet arrêt, il vous faudrait écrire que la durée de travail ne peut être réduite à 35 heures ou que les heures supplémentaires ne peuvent être payées avant l'agrément de l'accord d'entreprise. Et cela vous est impossible.
    En un mot, pour supprimer les 35 heures, il vous faudrait abroger clairement la durée légale actuelle et décider en outre que les accords de branche n'ont plus de force obligatoire. Les voies de contournement sont alors sans issue légale.
    J'entendais, la semaine dernière, le Premier ministre vanter à la télévision son attachement au respect du droit. Voilà une occasion de prouver qu'il est sincère.
    Sept millions de salariés subissent aujourd'hui une situation illégale, ils ont droit au paiement de leurs heures supplémentaires. Allez-vous demander à leurs employeurs de régulariser la situation ou allez-vous les encourager à ignorer leurs obligations ?
    Pour l'heure, vous avez choisi la seconde solution. Vous poussez en effet aux heures supplémentaires en augmentant leur contingent, en diminuant leur coût, en maintenant le forfait-jours, en monétarisant le compte épargne-temps, en déconnectant les aides de la réduction du temps de travail, en reculant la date d'harmonisation des SMIC. Quel amalgame dangereux et nuisible pour notre économie !
    Vous poussez aux heures supplémentaires avec, en direction des salariés, le slogan « Travaillez plus pour gagner plus ». Quel mépris pour les trois millions de chômeurs, toutes catégories confondues, que compte notre pays et qui voudraient bien travailler pour gagner leur vie.
    Vous dites que l'on a perdu le sens du travail dans ce pays. Mais pensez-vous aux trois millions de personnes qui cherchent du travail ? On les met au chômage, on les jette, on ne s'en occupe pas, et vous leur dites qu'ils ont perdu le sens du travail ? Réfléchissez quand même avant de parler de la sorte !
    M. Yves Fromion. Qu'avez-vous fait pour eux pendant cinq ans ?
    M. Maxime Gremetz. Et ceux qui font les trois-huit, qui sont en travail posté, qui travaillent encore à la chaîne ?
    M. Jean-Michel Fourgous. Ils font 35 heures, ceux-là !
    M. Maxime Gremetz. D'accord, mais ils doivent aussi faire la route, et on leur a supprimé les temps de pause, notamment pour le casse-croûte !
    M. Jean-Michel Fourgous. D'ailleurs, ils n'en veulent pas des 35 heures !
    M. Jean-Pierre Soisson. Ils veulent l'augmentation des bas salaires !
    M. Jean-Michel Fourgous. Exactement ! Vous n'avez rien compris ! Vous êtes déconnecté du peuple !
    M. le président. Monsieur Fourgous et monsieur Soisson, laissez terminer M. Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Au moins, ils se sont réveillés. Ce n'est pas si facile après le repas, à l'heure de la sieste ! (Sourires.)
    M. le président. Et vous, monsieur Gremetz, ne prenez pas vos collègues à partie si vous ne voulez pas être interrompu.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mais il veut l'être !
    M. Maxime Gremetz. Quel mépris, donc, pour ces trois millions de gens à la recherche d'un emploi ! Le chômage reprend après avoir baissé, non seulement le chômage des jeunes, mais aussi celui des plus âgés, et les licenciements collectifs se multiplient.
    Quel mépris aussi pour les plus de 3,5 millions de salariés à temps partiel, dont la majorité voudraient travailler plus pour gagner plus ! Quel mépris quand deux millions de salariés travaillent une partie de l'année seulement, en CDD ou en intérim, et voudraient bien travailler plus souvent pour gagner plus, quand 7 millions de salariés encore à 39 heures ne gagnent pas plus que ceux qui sont à 35 heures !
    Cet effet d'annonce est une contrevérité en regard de votre projet pour le développement de l'emploi, des salaires et de la réduction du temps de travail.
    Vous encouragez d'abord les heures supplémentaires en diminuant leur coût.
    D'une part, comme vous permettez que des accords collectifs de branche prévoient des taux de majoration des heures supplémentaires inférieurs au minimum légal. D'autre part, comme on imagine mal que des négociations dignes de ce nom réduisent les salaires au niveau d'une branche, vous prolongez pour trois ans le taux de majoration de 10 % dans les entreprises de moins de vingt salariés.
    Vous dites que vous ne faites que poursuivre ce qui avait été entrepris. Mais je vous rappelle que, là aussi, nous avions voté contre cette mesure et déposé des amendements. Nous avons toujours la même attitude, toujours parce que ce taux est inacceptable.
    Hier soir, puisque nous avions terminé un peu plus tôt que prévu, j'ai regardé LCI en rentrant et je suis tombé sur M. Bayrou. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) J'étais tout étonné, car il expliquait que si on veut vraiement créer des emplois, il ne faut pas payer les heures supplémentaires 10 % de plus, mais 0 % !
    M. Lucien Guichon. Quel polisson !
    M. Maxime Gremetz. Où on va ? C'est quoi ? Il y a encore pire que vous, en l'occurrence !
    Quand j'ai entendu ça, je me suis dit : c'est pas vrai ! Je croyais que M. Bayrou était un libéral social. Il est libéral, ultralibéral même, mais il n'a rien de social ! Pour lui, le travail, c'est le travail ! Et c'est le même prix, heures supplémentaires ou pas.
    M. Jean-Michel Fourgous. C'est la droite de l'UMP !
    M. Maxime Gremetz. Je ne veux pas juger vos amis, mais enfin...
    M. Jean-Michel Fourgous. Il vaut mieux, vous avez assez des vôtres !
    M. Maxime Gremetz. Bref, j'aurais mieux fait de regarder le match ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Oui ! Très belle victoire de Lyon !
    M. Maxime Gremetz. En conservant le taux de 10 %, vous faites perdurer un aspect négatif de la législation actuelle.
    M. Yves Fromion. Eh oui !
    M. Maxime Gremetz. Pour la tranche d'effectifs de dix à vingt salariés, vous réduisez même les droits existants, qui sont de 25 %.
    D'autre part, vous permettez aussi que des accords collectifs de branche réduisent le droit légal au repos compensateur. Le risque est alors grand de voir remettre en cause les droits existants. Vous allez à l'encontre du respect du principe d'ordre public social, qui impose que la loi fixe un minimum de garanties pour les salariés.
    Vous imposez la réduction de ces droits. Jusqu'à présent, toutes les heures faites au-delà de 130 heures donnaient lieu à un repos compensateur de 50 % ou de 100 % selon la taille de l'entreprise. Maintenant, il s'agira des heures faites au-delà du contingent conventionnel ou au-delà de 180 heures. J'attire l'attention sur ce point, car je crains que beaucoup ne pensent que votre nouveau dispositif sur le repos compensateur ne s'appliquera qu'après de nouvelles négociations, alors qu'il s'appliquera - vous me le confirmerez, monsieur le ministre - aussitôt la loi promulguée : 62 branches ont négocié des contingents supérieurs à 130 heures,...
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il faut en tirer les conséquences.
    M. Maxime Gremetz. ... mais cette concession a été faite sachant qu'il y avait un repos compensateur de 50 % ou 100 %. Avec votre dispositif, vous percutez complètement ces négociations ; vous changez de façon autoritaire une clause du contrat en faveur de la partie patronale. Dans une branche où existe un contingent de 180 heures, les salariés avaient droit à 50 heures de repos ; vous rayez d'un trait de plume ce droit au repos. Cinquante heures en moins !
    Finalement, vous invitez les syndicats à négocier le volume des reculs sociaux le dos au mur. Ceux qui ont signé des contingents supérieurs à 130 heures ne vont avoir d'autre solution que de dénoncer les accords, et donc les autres clauses, ce qui entraînera un imbroglio juridique et social inouï. On ne sait qui sortira gagnant des multiples situations conflictuelles que vous risquez de faire naître. Mais après tout, si vous voulez provoquer partout des renégociations, cela ne nous gêne pas, bien que la méthode choisie ne soit pas la plus judicieuse. Nous avons déposé un amendement destiné à faire respecter les termes des négociations passées. Le voter serait une autre occasion de manifester votre attachement au droit.
    En ce qui concerne les cadres, vous encouragez encore les heures supplémentaires en essayant de maintenir le statu quo. Vous conservez, en effet, le concept aberrant de forfait-jours. L'invention du forfait-jours n'a eu d'autre raison que de permettre aux dirigeants des grandes entreprises de continuer à faire effectuer aux ingénieurs et cadres des durées de travail excessives : 48 heures en moyenne. En supprimant toute référence horaire, on cassait le thermomètre pour cacher les durées de travail réellement effectuées. A tel point que les cadres ont manifesté devant l'Assemblée nationale, pour demander qu'on réinstalle les pointeuses afin qu'ils puissent calculer leur temps de travail.
    Nous les avons entendus et nous avons obtenu pour eux des garanties supplémentaires, en particulier la nécessaire autonomie du salarié pour le recours au forfait. Malheureusement, cela s'est révélé insuffisant tant les détournements de la loi sont importants. Aujourd'hui, les trois quarts des cadres sont abusivement catalogués cadres dirigeant ou mis au forfait-jours.
    L'absence de référence horaire a conduit des cadres à contester certains accords devant les tribunaux. Avec succès, le plus souvent. En particulier, la cour d'appel de Lyon a cassé l'accord Aventis en posant une condition essentielle : ce n'est pas aux négociateurs de décréter arbitrairement que les conditions légales sont réunies, il faut qu'elles le soient réellement.
    A en croire certains commentaires, la réforme proposée permettrait d'étendre le forfait-jours à davantage de cadres. Ce n'est pas notre opinion.
    A cet égard, le projet de loi modifie tout d'abord l'article L. 212-15-2 du code du travail, relatif aux cadres qui bénéficient du droit commun de la durée du travail, ceux que l'on appelle parfois cadres « intégrés ». En effet, pour qu'ils puissent bénéficier du droit commun de la durée du travail, c'est-à-dire des 35 heures, il faut actuellement que leur temps de travail puisse être prédéterminé. Cette notion nous a toujours semblé anachronique dans la mesure ou les horaires de travail peuvent toujours être déterminés, puisque cela est inhérent au contrat de travail et qu'il suffit d'une montre. Cela dit, dans la pratique, beaucoup de directions d'entreprise se sont servies de cette condition surréaliste pour priver les cadres de leurs droits à une durée de travail normale et les faire basculer dans le forfait-jours. En retirant cette condition, vous faites finalement la clarté, d'autant plus que vous ajoutez que les cadres sont dans l'horaire collectif, même s'ils ne le suivent pas exactement et en permanence. C'est exactement dans cette situation que se trouvent, par exemple, les cadres de la distribution, astreints à être présents toute la journée avec leur équipe et qui font en plus un très grand nombre d'heures supplémentaires. C'est aussi dans cette situation que se trouvent beaucoup d'ingénieurs de l'industrie. La rédaction nouvelle de l'article L. 212-15-2 nous semble donc meilleure que l'ancienne. Et quand cela nous semble meilleur, nous le disons.
    Les avis sont partagés sur le sens à donner à la modification de l'article L. 212-15-3-III, celui du forfait-jours que vous maintenez. Dans la définition actuelle peuvent être mis au forfait-jours les cadres dont la nature des fonctions, les responsabilités qu'ils exercent et le degré d'autonomie dont ils bénéficient dans l'organisation de leur emploi du temps, conduisent à l'impossibilité de prédéterminer la durée du travail. Or, je le redis, du fait des pouvoirs de direction que lui confère le contrat de travail, le chef d'entreprise peut toujours déterminer les durées de travail ; dans la pratique, la plupart des cadres emploient d'ailleurs leur temps sur instructions reçues, et il suffit d'une montre pour mesurer ce temps.
    Il y a donc une contradiction entre le concept de forfait-jours, d'une part, et les principes du contrat de travail et les réalités sociales, de l'autre. Ce qui entraîne la difficulté majeure de trouver une formulation juridique solide pour un concept social artificiel. Dans la nouvelle rédaction, il faudrait, pour être mis au forfait-jours, que le cadre dispose d'une autonomie réelle. Cette autonomie ne pourra être décrétée. Comme on est dans l'exception au droit commun, il faudra qu'elle soit prouvée. De plus, il faudra regarder les choses à la lumière de l'article L. 212-15-2. Or les cadres vraiment autonomes sont rares, très rares dans la réalité.
    Cette femme cadre dans une grande surface qui me raconte sa semaine de travail écoulée, est-elle vraiment autonome ? Du lundi au samedi, présence nécessaire chaque jour de sept heures du matin à vingt heures le soir, repos le dimanche dans la journée et retour ce même dimanche à vingt-trois heures pour démarrer un inventaire. Non, elle n'est pas autonome : ces horaires déments lui sont imposés par sa direction et par la charge de travail qu'on lui confie. C'est pour mettre un terme à de tels excès que nous voulons la suppression du forfait-jours.
    Aucune formule ne peut permettre de faire entrer dans un cadre juridique solide une notion si éloignée de la réalité sociale. C'est pourquoi les accords aujourd'hui non conformes le seront tout autant avec la modification proposée. Ou alors il faudrait abroger toute notion de durée du travail pour les cadres, ce qui, de manière trop flagrante, ne serait pas conforme aux traités internationaux signés par la France. La nécessité évidente est d'abroger le forfait-jours.
    Nous sommes par contre ouverts à la discussion d'un processus qui permettrait, en quelques années, d'amener les cadres à la durée légale du travail. Un tel plan serait inséparable de projets de formation professionnelle, afin qu'un nombre considérable de salariés puissent occuper les postes de travail libérés par la réduction du temps de travail des cadres, lesquels consacrent, au détriment de leurs fonctions, beaucoup de temps à des tâches qui pourraient être déléguées.
    Nous sommes aussi, c'est leur souhait, favorables à la réduction du temps de travail des cadres sous la forme de jours de repos, les fameux JRTT. La confusion a d'ailleurs été soigneusement entretenue entre les JRTT souhaités et les forfait-jours, qui permettent des horaires excessifs. C'est à ces horaires excessifs que nous voulons mettre un terme. C'est pourquoi nous proposons, si le forfait-jours est maintenu, d'instaurer des limitations horaires avec contrôle, comme un certain nombre d'accords l'ont d'ailleurs prévu.
    Vous encouragez par ailleurs, monsieur le ministre, les heures supplémentaires en monétarisant le compte épargne-temps. Nous étions opposés, quant à nous, au compte épargne-temps car il s'agissait d'une RTT à crédit et donc de créations d'emploi à crédit. Vous prévoyez maintenant le rachat du temps ainsi épargné c'est-à-dire plus de RTT du tout. Vous rendez-vous compte, que vous êtres en train de proposer aux salariés de conclure des accords dans lesquels ils vont faire des heures supplémentaires mais qui leur seront payées plus tard, dans cinq ans peut-être ! De même, pour les congés annuels inclus dans le paquet : les congés ont toujours été obligatoires, vous proposez d'en payer dix par an, toujours à crédit.
    Proposer que les salariés ouvrent une ligne de crédit à leur employeur, il fallait oser ! Cela va vous coller à la peau, monsieur le ministre. Personne n'avait osé aller aussi loin ! On ne peut, certes, empêcher que des salariés reconnaissants veuillent faire des cadeaux à leur employeur, les sentiments, ça ne se commande pas. (Sourires.) Mais nous voulons empêcher qu'ils y soient contraints. C'est pourquoi nous proposons la suppression de votre généreuse innovation, pleine de sous-entendus et de perversité.
    J'en arrive au SMIC. En reculant à 2005 la date d'harmonisation des SMIC, vous confirmez la date butoir pour une harmonisation par le haut. Il est vrai que rien ne vous y obligeait, monsieur le ministre. Reconnaissons-le, la complexité du système actuel est telle qu'il fallait bien en sortir.
    M. Jean-Pierre Soisson. Très bien !
    M. Maxime Gremetz. Vous dites « très bien » quand ça vous arrange !
    M. Jean-Pierre Soisson. Je dis « très bien » quand ce que vous dites correspond à la réalité !
    M. Maxime Gremetz. Moi, je dis « très bien » quand je le pense.
    En tout cas, vous êtes tous mal placés pour critiquer l'injustice du SMIC multiple. En 1999, les communistes avaient en effet déposé un amendement organisant la hausse du SMIC horaire et de tous les taux horaires de 11,43 % pour tenir compte de la RTT et accélérer sa mise en oeuvre. Mais le députés de droite, dont M. Soisson et quelques autres (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
    M. Yves Fromion. Des compagnons de route, mon cher collègue ! (Sourires.)
    M. Maxime Gremetz. Des compagnons de route qui ont refusé de voter notre amendement tendant à augmenter le SMIC et qui viennent maintenant évoquer le sort de ces pauvres ouvriers qui n'en peuvent plus !
    M. Yves Fromion. Ils nous en ont été reconnaissants aux élections présidentielles !
    M. Maxime Gremetz. A moi aussi ! Ma présence ici le prouve ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Louis Bernard. C'est grâce aux chasseurs que vous êtes là !
    M. le président. Chers collègues, laissez M. Gremetz conclure !
    M. Maxime Gremetz. Décomptez les interruptions de mon temps de parole, monsieur le président. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La durée maximale de votre intervention ne peut excéder une heure trente, monsieur Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Sur le SMIC, il importe donc de rappeler les faits. Il fallait effectivement en finir avec ce système des SMIC multiples. Nous ne voulions pas de cette usine à gaz.
    M. Claude Gaillard. Et pourtant, vous l'avez acceptée !
    M. Maxime Gremetz. Nous avions proposé une solution concrète qui a été malheureusement repoussée. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Pierre Hellier. Tournez-vous vers la gauche de cet hémicycle, monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. M. Soisson, avec d'autres,...
    M. Claude Gaillard. A gauche !
    M. Maxime Gremetz. ... nous avaient expliqué que l'économie française ne pourrait pas supporter une telle augmentation ! Pourtant, il y avait de la croissance.
    M. Yves Fromion. Eh oui !
    M. Maxime Gremetz. Et des profits !
    M. Pierre Hellier. Peut-être allez-vous nous parler de Mme Bettencourt ?
    M. Maxime Gremetz. On fait toujours comme s'il n'y avait pas d'argent en France. Les revenus du capital dans le revenu national ont-ils baissé ou augmenté par rapport à la part des salaires ? Ils ont progressé de 20 % depuis 1980, au détriment des salaires. 20 % : j'ai là les chiffres officiels.
    M. Yves Fromion. C'est vous qui avez gouverné pendant cette période !
    M. Maxime Gremetz. Cela fait vingt ans qu'on n'a pas gouverné. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    A titre personnel, je n'ai même jamais gouverné !
    M. Pierre Hellier. Et ce n'est pas pour demain ! (Sourires.)
    M. Maxime Gremetz. Au nom des réalités économiques, du traité de Maastricht, de la mondialisation, les gouvernements successifs n'ont pas voulu augmenter les revenus des salariés, et notamment des bas salaires ; ils n'ont pas compris qu'il fallait le faire.
    M. Yves Fromion. La « majorité plurielle » commence à faire repentance !
    M. Maxime Gremetz. C'est une question de justice. Une telle mesure sera en outre très bénéfique puisqu'elle sera source de croissance. Tous les experts le disent, en effet, avec la crise boursière, seule la consommation des ménages maintient la croissance. Pourtant, on a laissé le SMIC perdre du pouvoir d'achat.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Nous allons l'augmenter !
    M. Maxime Gremetz. Vous allez le faire aujourd'hui. Mais lorsqu'en 1998, nous avions proposé d'augmenter le SMIC de 11 %, vous aviez voté contre notre amendement.
    M. Pierre Hellier. Vous allez les avoir, les 11 % !
    M. Maxime Gremetz. Cela n'excuse pas votre attitude antérieure.
    M. Yves Fromion. Vous n'écoutez pas !
    M. Maxime Gremetz. Le Journal officiel en fait foi. Il y a même eu un scrutin public ! On verra bien comment vous avez voté, les uns et les autres.
    M. Yves Fromion. Vous, vous n'avez pas augmenté le SMIC. Mais nous, nous allons le faire !
    M. Maxime Gremetz. En tout état de cause, compte tenu du retard pris dans la revalorisation et en l'absence d'un petit coup de pouce en juillet dernier, le SMIC a perdu énormément de pouvoir d'achat. Le niveau de revenu minimal est nettement insuffisant.
    M. Pierre Hellier. La faute à qui ?
    M. Maxime Gremetz. Il faut changer cela.
    M. Yves Fromion. On va le faire ! Votez la loi !
    M. Maxime Gremetz. Vous proposez de régulariser les choses en trois ans. Nous considérons, quant à nous, qu'on a déjà perdu assez de temps et qu'il vaudrait mieux voter immédiatement une augmentation de 11,3 % du SMIC. Donnons tout de suite un signal fort ! Relançons et confortons la croissance.
    En outre, vous allez modifier le calcul d'indexation du SMIC, ce qui est toujours préoccupant. Certes, vous avez dit que c'était provisoire, mais, en général, le provisoire dure longtemps en France. En revenir au mode de calcul en vigueur en 1957 - il s'agissait alors du SMIG - et ne prendre en compte que l'inflation ne me paraît pas une bonne chose. Il faudra que les salariés passés à 35 heures attendent encore trois ans pour que l'injustice soit réparée. Vous allez priver ceux passés à 35 heures en 1998 de 45 euros environ par mois. Faites les calculs si vous ne me croyez pas !
    En outre, vous suspendez pendant trois ans les règles de revalorisation du SMIC qui prévoient la prise en compte de la moitié de la progression du taux horaire moyen du salaire ouvrier. Sur trois ans, cela représente un manque à gagner d'au moins 4 % pour les salariés au SMIC : 40 euros de moins sur la feuille de paie, alors même que vous poursuivez, en l'accentuant, la politique de baisse des cotisations sociales.
    Il faut au contraire harmoniser immédiatement les SMIC et, par ailleurs, gommer les effets des clauses de gel ou de modération salariale qui ont été imposées sans raison puisque les 35 heures n'ont pas coûté un sou aux entreprises. Au contraire, elles ont rapporté 3 milliards d'euros. Nous faisons des propositions précises en ce sens.
    J'en arrive aux allégements de cotisations de sécurité sociale. C'est dans le projet de déconnexion entre les aides publiques et les 35 heures que les entreprises vont puiser le plus fort encouragement à rester à 39 heures. Que l'entreprise soit à 35 heures ou à 39, le barème de cotisations de sécurité sociale va être le même d'ici à 3 ans. Si j'en crois des sources bien informées - la circulaire Aubry elle-même -, il semble bien qu'il était dans les intentions du gouvernement précédent de transformer les allégements en un nouveau barème de cotisations mais une fois que la plupart des entreprises seraient passées à 35 heures. Il y a donc sur ce point aussi une certaine continuité avec cependant une différence importante : vous allez plus vite en besogne que ce qui était prévu car 7 millions de salariés sont encore à 39 heures. Vous anticipez donc le nouveau barème et, ce faisant, les entreprises n'ont plus aucune incitation financière pour diminuer le temps de travail et créer les emplois correspondants.
    De plus, vous allez créer une distorsion de concurrence entre les entreprises qui sont passées à 35 heures en embauchant et les autres. Pour une entreprise passée aux 35 heures en embauchant 6 % de son effectif, la distorsion sera exactement égale à 6 % de la masse salariale. Vous vous êtes toujours plaints, à tort, des problèmes économiques causés par les 35 heures. Aujourd'hui vous créez le problème. Les chefs d'entreprise qui vous soutiennent vont se réveiller avec une sacrée surprise !
    Sur le fond, nous restons opposés à la baisse des cotisations sociales sans contrepartie. Ces cotisations, loin d'être des charges pour la société, représentent les moyens d'une protection sociale de haut niveau et solidaire. Les cotisations sociales servent à payer les prestations maladie, les retraites, les congés maternité, les accidents du travail aux salariés. Ce sont des salaires indirects, mutualisés, provenant du travail. Baisser les cotisations, c'est baisser les salaires parce qu'il faut alors ou bien baisser les prestations, ou bien augmenter les recettes fiscales pour compenser le budget de la sécurité sociale. Il faut arrêter de manipuler les gens avec la baisse des « charges ». Cette expression m'insupporte. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Non, ce ne sont pas des charges. Il s'agit avec ces sommes de répondre à des besoins sociaux. Baisser les cotisations revient donc, en définitive, à faire payer les salariés. L'équation est claire.
    De plus, la baisse des cotisations n'a jamais créé d'emploi. Encore un petit calcul sur lequel j'attire particulièrement votre attention puisqu'il faut faire la chasse à la pensée unique. Sur vingt ans, au niveau du SMIC, les cotisations seront passées de 30 % à 4 %. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Pierre Gorges. Pouvez-vous expliciter ce calcul ?
    M. Maxime Gremetz. Reprenez les chiffres officiels et vous arriverez à la même conclusion que moi.
    M. Jean-Pierre Soisson. Non !
    M. Maxime Gremetz. Bientôt, vous allez me dire qu'Auxerre a gagné... (Sourires.) Tel n'est pas le cas, malheureusement ! Arrêtez de soutenir l'impossible, monsieur Soisson.
    M. le président. Revenons-en à votre conclusion, monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. Au cours de ces vingt dernières années, se sont aussi additionnées de multiples mesures ciblées d'exonération de cotisations pour favoriser l'emploi de publics en difficulté. La généralisation de taux très bas de cotisations pour les bas salaires fait perdre toute spécificité à certaines de ces mesures particulières. Elles vont donc devenir obsolètes et apparaître pour ce qu'elles étaient : des mesures destinées à diminuer le taux global des cotisations patronales et des ballons d'essai pour la généralisation des baisses de cotisations.
    Le taux normal de cotisations de sécurité sociale est de 30 % ; on estime aujourd'hui que, sous l'effet conjugué des exonérations totales, des ristournes Juppé et des allégements Aubry, le taux de cotisations global est de l'ordre de 21 %. Une fois toutes les entreprises passées aux 35 heures, il serait descendu à 19 %. Avec votre projet, il passera à environ 17 %. Ainsi, en dix ans, la réduction annuelle de cotisations sera de l'ordre de cinquante milliards d'euros. Si ces estimations sont erronées, vous voudrez bien me rectifier. Je ne dis pas que j'ai raison, mais je tiens des chiffres à votre disposition. C'est cette politique qui explique pour partie que la part des salaires dans la valeur ajoutée se soit détériorée au profit des revenus du capital. Preuve supplémentaire que diminuer les cotisations, c'est diminuer les salaires.
    M. Pierre Heullier. Monsieur le président, il faut en finir !
    M. Maxime Gremetz. Le projet du Gouvernement s'inscrit dans la poursuite obsessionnelle de baisse du salaire (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) au profit de la rentabilité financière. C'est la recherche effrénée du profit qui conduit à comprimer les dépenses utiles pour la population et à déprimer l'économie, ce qui génère la hausse continue du sous-emploi et de la précarité.
    M. Pierre Hellier. Quel feu d'artifice !
    M. Maxime Gremetz. Il faut en finir avec cette fuite en avant, avec cette spirale infernale à la baisse. Nous proposons une double réforme, profonde, du régime de cotisations sociales qui favorise l'emploi, les bons salaires, les investissements utiles et assure l'équilibre des comptes sociaux. Il s'agirait d'abord de moduler les taux de cotisations sociales en fonction du rapport entre les salaires et la valeur créée dans l'entreprise. L'emploi et les salaires seraient ainsi encouragés de même que les économies de capital.
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Il s'agirait ensuite de supprimer les exonérations actuelles de cotisations sociales qui ont fait la preuve de leur inutilité et de les remplacer par des baisses de charges financières, des aides à l'investisement utile grâce à des taux bancaires modulés et subventionnés en fonction de critères d'emploi et de formation. Cette réforme des cotisations de sécurité sociale et du crédit constitue l'une des bases du projet de société que nous proposons pour assurer la sécurité de l'emploi et une formation pour tous. C'est la « tolérance zéro » en matière de chômage qu'il faut viser.
    Cette sécurité passe par un développement sans précédent de la formation professionnelle qui deviendrait aussi utile que la production des biens et des services. A ce sujet, nous mettons en avant trois premières mesures. Premièrement, il faut accorder un pouvoir de décision aux comités d'entreprise s'agissant du plan de formation de l'entreprise. La formation est faite pour les salariés. Or c'est l'employeur qui décide des bénéficiaires, de l'objet et de la durée de la formation. Cela ne peut pas continuer ainsi.
    Les salariés sont responsables, ils doivent avoir la liberté de choisir et de décider ce qui est bon pour eux, d'autant que l'argent de la formation provient aussi de leur travail.
    Deuxièmement, il faut ouvrir le droit à une allocation de formation de 700 euros pour les jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans. Loin d'être un revenu d'assistance, cette allocation constituerait un revenu minimal destiné à permettre aux jeunes de s'engager dans un processus de formation avec une indépendance financière garantie. On montrerait ainsi que la formation est aussi utile à la société que la production.
    Troisièmement, il faut favoriser la reconnaissance de la formation grâce à un salaire minimum par niveau de formation. Il s'agirait, par ces minima, de reconnaître les efforts de formation et de les motiver. Il y aurait, comme pour le SMIC, des minima légaux, les conventions collectives continuant de fixer les seuils intermédiaires et des minima supérieurs.
    La sécurité exige par ailleurs de bons salaires qui permettent de vivre décemment, d'où la nécessité de prévoir une forte hausse des salaires. Une hausse générale de 200 euros par mois pour les bas et moyens salaires fera hurler ceux qui ne savent même plus le montant de leur fortune. Elle paraîtra irréaliste à beaucoup. Pourtant, elle ne représenterait qu'un simple rattrapage par rapport à la part des salaires dans la valeur ajoutée en 1980.
    De bons salaires seraient par ailleurs le moteur le plus efficace pour la demande intérieure, donc pour la croissance et l'emploi.
    M. le président. Veuillez conclure, monsieur Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Je conclus, monsieur le président.
    M. le président. Vous avez dépassé votre temps de parole.
    M. Maxime Gremetz. La sécurité passe aussi par la création massive d'emplois grâce à la poursuite du mouvement de réduction du temps de travail. Nous avons, vous le savez, monsieur le ministre, déposé une proposition de loi concernant la lutte contre la précarité qui est un mal tout à fait considérable.
    M. Yves Fromion. Vous auriez dû le faire avant !
    M. Maxime Gremetz. On a beaucoup évoqué les leçons qu'il fallait tirer des élections. A mon avis, parmi les causes de ces résultats, il y a le contenu de la politique qui a été mise en oeuvre, mais aussi et surtout le fait que nous n'avons pas écouté (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), que nous nous sommes souvent montrés suffisants. (Mêmes mouvements.) Oui, c'est vrai. Méfiez-vous d'une telle attitude.
    M. Yves Fromion. C'est de l'autoflagellation !
    M. Maxime Gremetz. Non ! Je l'ai souvent dit publiquement et je le pense toujours.
    Quand on pense avoir toujours raison (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) et c'est vrai à gauche comme à droite,...
    M. Pierre Hellier. Ah bon !
    M. Jean Le Garrec. C'est arrivé aussi au parti communiste !
    M. Maxime Gremetz. ... je ne cherche à donner de leçon à personne, - quand les gens ont l'impression qu'on ne les écoute jamais (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), donc parce que l'on considère qu'ils n'ont pas d'idée, qu'ils ne sont pas assez intelligents et, incapables de faire des propositions, c'est très très mauvais. C'est pourquoi j'ai beaucoup parlé, beaucoup insisté...
    M. Yves Fromion. C'est vrai !
    M. Maxime Gremetz. ... sur les droits nouveaux qu'il fallait apporter au sein des entreprises.
    En tout cas, et c'est ma dernière observation. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Sur cette question du dialogue social - je n'insiste pas plus, je suis déjà intervenu à ce sujet ce matin : tant que nous n'aurons pas pris les mesures nécessaires à une meilleure écoute et à un vrai dialogue dans les entreprises, tant que nous n'aurons pas instauré comme base élémentaire la reconnaissance du principe majoritaire pour tous les accords, qu'ils soient de branche ou d'entreprise, nous n'avancerons pas, et la crise de la politique, comme celle de la citoyenneté, continueront à se développer. C'est pourquoi nous avons déposé des amendements allant dans ce sens, afin que chaque accord soit signé par des syndicats représentant une majorité de salariés, (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Alain Cousin. Où sont les camarades ?
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur Gremetz, j'avoue ne pas comprendre.
    J'ai écouté vos propos avec le respect que je vous porte depuis longtemps.
    M. Pierre Hellier. Ça a été un peu long.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Je les ai analysés et je ne comprends pas qu'un homme expérimenté comme vous ait pu déposer une motion de renvoi en commission dans un cas où une autre motion de procédure, question préalable ou exception d'irrecevabilité, aurait beaucoup mieux convenu.
    Nous avons tenu huit réunions de commission, totalisant huit heures et quarante-trois minutes de discussion - pour citer comme vous des chiffres précis. Nous avons bénéficié d'une surprenante présence de députés, et je remercie d'ailleurs tous ceux qui étaient là : très souvent nous étions cinquante à cinquante-cinq élus. Au moment de l'examen du rapport en commission, combien d'amendements avez-vous déposé, monsieur Gremetz ? Une quarantaine !
    M. Maxime Gremetz. Soixante-cinq !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Et vous les avez tous défendus avec le talent, la verve, le dynamisme que nous vous connaissons. Vous nous avez donné un échantillon de ce que vous qualifiez vous-même de « pédagogie répétitive ». (Sourires.)
    Je ne comprends pas pourquoi, après avoir autant travaillé, vous demandez ce renvoi en commission.
    Au passage, je tiens à signaler à mes collègues socialistes une chose. La plupart des amendements de M. Gorce ont été déposés après l'examen du rapport en commission, ce qui nous a conduits à toute une série de réunions supplémentaires. La dernière à quatorze heures trente, où je n'ai pu saluer la présence que d'une seule personne de gauche, qui était Mme Carrillon-Couvreur. Et lors des réunions d'hier et avant-hier, il n'y avait même pas un représentant de votre groupe. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Monsieur Gremetz, je m'interroge. S'agirait-il d'une posture, tiendriez-vous un rôle ?
    M. Yves Fromion. Ce n'est pas possible !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Comme M. Fromion, je pense que ce n'est pas possible.
    Une deuxième source d'incompréhension est ce langage quelque peu ambigu que vous avez employé dans votre discours.
    M. Maxime Gremetz. Mais non, pas ambigu !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Si ! Vous attaquez à droite, vous attaquez à gauche...
    M. Pierre Hellier. Surtout à gauche !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Vous vous oubliez un peu. Quand même, pour les 35 heures, pour les heures supplémentaires et même pour les SMIC, monsieur Gremetz, vous êtes intervenu ! C'est grâce à vous que les lois Aubry sont passées. Cela mérite d'être signalé.
    Vous êtes un trop fin politique, vous connaissez trop bien les chiffres pour ne pas réaliser que nous sommes passés au douzième rang en Europe pour le chômage et au treizième rang pour la richesse par habitant.
    M. Pierre Hellier. Eh oui !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Il y a là quand même un véritable problème. Or vous êtes là pour défendre les gens, c'est pourquoi cela m'inquiète et je m'interroge beaucoup.
    A trop se fondre dans la gauche plurielle, monsieur Gremetz, on perd son individualité. Je n'ai pas dit son « âme », monsieur Gremetz... (Sourires.) Mais on risque de lui être assimilé. On se fond dans le système,...
    M. Maxime Gremetz. Je ne me suis jamais fondu !
    M. Pierre Hellier. Il est digéré !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ... on est assimilé.
    Je m'interroge encore : s'agit-il d'une posture, tenez-vous un rôle ? Etes-vous en train d'ajouter un chapitre au Livre noir du communisme ?
    M. Patrick Bloche. Faites un rappel au règlement, monsieur Gremetz !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Selon l'auteur, M. Courtois, quand les communistes s'effondrent, l'extrême gauche et les gauchistes...
    M. Gaëtan Gorce. Qu'est-ce que cela a à voir avec le sujet ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ... Cela a beaucoup à voir, monsieur Gorce. Souvenez-vous des résultats électoraux.
    M. Maxime Gremetz. Vous me traitez de gauchiste ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Je ne fais que citer le livre de M. Courtois : quand les communistes s'effondrent, les gauchistes refont surface.
    M. Claude Goasguen. C'est du pareil au même !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. A ce sujet, lisez L'Express d'aujourd'hui.
    Vous avez signalé tout à l'heure, sinon les connivences, du moins les bonnes relations qui ont toujours existé entre les gaullistes et certains communistes. Je m'interroge.
    Mais là où je ne comprends plus du tout, c'est au sujet de l'harmonisation des SMIC. Ce sont des propos qui, parfois, sonnent juste, j'en conviens, mais qui deviennent faux...
    M. Maxime Gremetz. C'est la vérité !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ... si l'on songe à ce qui s'est passé au cours des dernières années. Ces propos, pardonnez-moi, monsieur Gremetz, sont presque démagogiques.
    M. Maxime Gremetz. L'amendement, nous l'avons déposé. Vous avez voté contre ou pas ?
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Pensez aux millions de personnes qui vont voir leur pouvoir d'achat augmenter de 11,4 % dans les trois années à venir.
    M. Maxime Gremetz. Votre raisonnement est inacceptable !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Pensez aux deux millions de personnes qui vont voir leur pouvoir d'achat augmenter de 6,4 % dans le même délai.
    Je sais, pour l'avoir entendu dire à plusieurs reprises dans cet hémicycle, que vous respectez le travail, que vous marquez bien la différence entre le travail et l'assistanat, et vous avez raison. Mais je m'interroge : au-delà de tout rôle, de toute posture, ces électeurs, ces ouvriers, ces bas salaires qui votent encore pour vous,...
    M. Pierre Hellier. Il n'y en plus beaucoup !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. ... ne se sentiront-ils pas trahis ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. J'ai écouté, comme chacun d'entre vous, avec beaucoup d'attention et d'intérêt Maxime Gremetz, pas seulement en raison de notre expérience commune de benjamin dans des assemblées différentes où Marcel Dassault était doyen, mais parce qu'il a défendu ses convictions sans jamais se montrer suffisant et surtout en étant cohérent, car il ne change pas d'avis au gré de la météo électorale.
    Maxime Gremetz est hostile aux privatisations. Il défend même le principe des nationalisations. C'est un choix que je respecte, même si je me permets de lui rappeler que le groupe communiste, auquel il appartient - même s'il est vrai qu'il lui arrive d'exprimer des points de vue très personnels -, a soutenu le gouvernement qui, ces dernières années, a sans doute le plus privatisé et le plus ouvert le capital des entreprises publiques (« Très juste ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) : France Télécom, la Caisse nationale de prévoyance, Renault, les Autoroutes du Sud de la France, EADS... Le produit des privatisations a bondi à partir de 1997 : 10 milliards d'euros en 1997, 13 milliards d'euros en 1998, 9 milliards d'euros en 1999, 17 milliards d'euros en 2000, 429 millions d'euros en 2001.
    Maxime Gremetz est hostile aux licenciements, mais nous sommes tous hostiles aux menaces qui pèsent sur l'emploi. Il défend la loi de modernisation sociale, mais je me permets de lui indiquer que cette loi contrarie les objectifs sociaux qu'il défend par ailleurs. Elle est si procédurière, si lourde de conséquences en termes de délais que la seule issue pour bien des entreprises confrontées à de vraies difficultés est bel et bien de déposer le bilan. Or cette solution est la pire pour les salariés.
    En outre, cette loi est, à l'évidence, dissuasive pour les investisseurs étrangers, tout comme, d'ailleurs, la conception trop rigide des 35 heures qui était mise en oeuvre dans notre pays. C'est d'ailleurs le jugement que porte l'Agence française des investissements internationaux, créée par le gouvernement précédent dont l'expérience dans ce domaine est édifiante.
    M. Gremetz est hostile à l'assouplissement du marché du travail et il qualifie ce projet de mauvais. Mais il y a au moins un point sur lequel nous pourrions nous retrouver, c'est celui du schéma de convergence des SMIC, un schéma rapide et ambitieux, à l'instar de celui qu'il réclamait il y a quelques années et qui lui fut alors refusé.
    Vous m'accorderez, monsieur Gremetz, que ce choix de l'harmonisation par le haut sur trois ans, alors que la croissance s'est affaiblie - nous ne sommes plus dans la même situation qu'il y a deux ou trois ans - est un choix politique courageux, un choix social.
    Hostile à la droite républicaine qu'il combat, Maxime Gremetz n'en accepte pas moins la légitimité politique de la majorité née d'une élection démocratique, contrairement à la gauche qui, plusieurs fois ce matin, l'a mise en cause. C'est pourquoi il sait et il accepte la franchise de nos convictions, qu'il oppose à la cohérence des siennes.
    J'ajoute que, contrairement à celles que nous avons entendues hier et ce matin, son intervention a permis de clarifier bien des sujets. Il a, par exemple, reconnu que nous n'avions pas choisi d'abroger la loi sur les 35 heures, contrairement à ce que répètent inlassablement les orateurs du groupe socialiste, mais que nous avions décidé de l'assouplir. Il s'est d'ailleurs étonné de ce qu'il considère comme une incohérence dans notre position sur le sujet. Il a admis que le pouvoir d'achat du SMIC avait baissé, ces dernières années, ce qui justifie la démarche que nous sommes en train d'entreprendre.
    Il y a cependant un point, monsieur Gremetz, sur lequel il me semble que vous n'avez pas complètement compris le sens du texte qui vous est soumis ou, en tout cas, sur lequel je vais pouvoir tout de suite vous rassurer. C'est la question, qui était centrale dans votre propos, de la référence aux 35 heures comme norme de base. Cette référence, je voudrais vous le dire, figure au premier alinéa de l'article L. 212 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 19 janvier 2000, et n'est pas affectée par le projet de loi que je vous présente.
    En revanche, dans l'article L. 212-8, nous proposons de modifier les accords de modulation du temps de travail sur l'année. Il est dès lors logique, dans ce cadre-là, de se référer aux 1 600 heures et à elles seules. Y maintenir la référence aux 35 heures n'aurait en effet pas d'autre conséquence que de compliquer le calcul, à cause du nombre de jours fériés qui varie suivant les années.
    Donc, le texte qui est proposé à l'Assemblée est une simplification, une clarification, mais en aucun cas il ne consacre la disparition de la référence aux 35 heures.
    Monsieur Gremetz, comme le président de la commission, et malgré la qualité de vos arguments, je ne crois pas que le renvoi en commission soit justifié. Ce projet a fait l'objet d'une consultation nourrie et franche avec les partenaires sociaux, qui ont d'ailleurs fait évoluer dans plusieurs sens les propositions du Gouvernement. Il a fait l'objet d'un examen détaillé en commission. C'est un projet équilibré. Mais c'est surtout un projet que notre pays et notre économie attendent avec impatience et il est donc nécessaire, mesdames et messieurs les députés, d'engager maintenant la discussion sur les articles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Claude Gaillard pour le groupe de l'UMP.
    M. Claude Gaillard. J'ai écouté l'intervention de M. Gremetz. En dehors des quelques questions qu'il a posées, auxquelles vient de répondre M. le ministre, il me semble qu'il a plus critiqué la situation actuelle résultant des lois Aubry que le projet de loi sur lequel nous sommes en train de délibérer.
    Ses analyses, nous en partageons un certain nombre, et l'exemple de la délocalisation de Whirlpool hors de sa région démontre bien combien il est impératif de rendre la France plus attractive et, à défaut de faire venir encore plus d'entreprises chez nous, de garder au moins les emplois qui y sont.
    M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !
    M. Claude Gaillard. Parmi les raisons pour lesquelles une entreprise délocalise, il y a effectivement le coût de l'emploi, et chacun comprend bien que ce n'est pas sur les salaires qu'il faut jouer mais sur les charges, d'où la nécessité, pour nous, de jouer à la fois sur les bas salaires et sur les charges pour permettre à nos entreprises d'être compétitives, mais il y a une autre explication, sur laquelle il n'a peut être pas assez insisté, c'est l'ensemble des contraintes qui pèsent sur elle : la rigidité sociale peut-être, mais aussi toute la complexité administrative.
    Il a intelligemment dit pourquoi il était nécessaire de légiférer à nouveau en expliquant que l'attente sociale était importante. Quel aveu d'échec, après une législature de cinq ans pendant laquelle nous avons connu un taux de croissance considérable ! C'est parce que nous avons pris conscience nous aussi de cette attente que nous proposons le texte de loi sur lequel nous travaillons.
    Il a évoqué un point sur lequel nous n'avons pas encore eu le temps de nous exprimer - nous n'avons pas tous un temps de parole d'une heure et demie -, c'est, comme conséquence des 35 heures, une dégradation des conditions de travail. Cela a souvent été le cas, c'est vrai, lors du passage de 39 à 35 heures, lorsque ce qu'on appelle les respirations au sein d'une journée ont disparu.
    Ce texte s'intéresse à la fois aux bas salaires, à la compétitivité de l'entreprise et à la façon dont nous pouvons insuffler une nouvelle dynamique.
    J'ai noté que, sur l'essentiel, M. Gremetz était en désaccord avec la seconde loi Aubry, celle-ci lui paraissant être quelque part un reniement, dans la mesure où l'objectif au départ était la création d'emplois et où il y a eu dépenses publiques sans création d'emplois en contrepartie. Il est donc bien nécessaire de régler les difficultés qui nous sont léguées et de voir comment nous pouvons redonner à nos entreprises les moyens de se développer, ce qui passe, en premier lieu, par une évolution des bas salaires, afin que nous puissions obtenir l'engagement de tous nos concitoyens.
    Il n'y a pas de raison objective d'accepter un renvoi en commission, parce que le travail a été fait. Nous devons examiner immédiatement les amendements pour que cette loi soit appliquée le plus rapidement possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste.
    M. Alain Vidalies. Il me semble que l'explication de vote du groupe UMP ne peut que renforcer la demande de M. Gremetz. Si vous avez entendu avec intérêt ses observations et ses demandes, monsieur Gaillard, et si vous les avez reçues avec l'enthousiame que vous venez de manifester, vous devez effectivement retourner en commission pour rédiger avec lui quelques amendements. Nous les approuverons.
    Sur la question du délai, j'ai bien entendu ce qu'a dit le président de la commission, mais il s'agit tout de même d'un texte important et parfois complexe. Il a été examiné en conseil des ministres le 18 septembre, en commission à partir du 25 septembre, et l'examen en séance publique a commencé le 2 octobre. Il y a des calendriers plus respectueux des possibilités de réflexion et d'audition de notre assemblée. Les groupes ont également besoin de travailler, s'agissant d'une loi de cette nature.
    C'est d'autant plus vrai qu'à mesure que le débat avance, on entend des arguments nouveaux : M. le ministre vient d'affirmer pour la première fois, sans autre démonstration, que la diminution du temps de travail aurait entraîné une diminution des investissements étrangers en France. C'est un élément extrêmement important et cela mérite une expertise. Les chiffres dont nous disposions jusqu'à présent révélaient un accroissement continu des investissements étrangers en France au cours des dernières années. Je suppose que M. le ministre en a d'autres et on pourrait aller en commission examiner cet argument singulier.
    Mais il est un autre élément nouveau beaucoup plus intéressant.
    Au fond, il n'y a que M. le président de la commission qui pense que M. Gremetz arrivait à se fondre facilement dans la gauche plurielle.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. J'ai parlé d'assimilation.
    M. Alain Vidalies. Lors du débat sur les 35 heures, M. Gremetz refusait de faire confiance aux partenaires sociaux pour négocier, estimant, peut-être avec raison, qu'il n'y avait aucun verrou. C'est pourquoi il défendait à travers ses amendements une vision très « réglementariste ».
    Nous, nous avions une autre vision. Ayant fait le pari des 35 heures, nous avons fait bénéficier les partenaires sociaux d'éléments de souplesse pour faciliter les négociations au sein des entreprises, notamment l'annualisation qui, bien utilisée, peut justifier un compromis mais qui, mal utilisée, est une véritable régression sociale. Il est intéressant d'observer le rôle qu'ont parfois joué ces armes lorsque les négociations ont échoué.
    Aujourd'hui, vous expliquez que vous ne revenez pas en arrière. Soyons clairs ! Les éléments de souplesse que nous avions introduits dans la loi participaient à la cohérence de l'ensemble. Si vous ne gardez que ça, cela devient une véritable régression sociale. Nous devons examiner cette contradiction en commission avec M. Gremetz. C'est la raison pour laquelle il faut voter la motion de renvoi en commission.
    M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.
    (La motion de renvoi en commission n'est pas adoptée.)
    M. le président. A la demande du Gouvernement, je vais suspendre la séance pour une dizaine de minutes.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures.)
    M. le président. La séance est reprise.

Discussion des articles

    M. le président. J'appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

Avant l'article 1er

    M. le président. Je donne lecture de l'intitulé du titre Ier :

TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES
AU SALAIRE MINIMUM DE CROISSANCE

    M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 29, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi l'intitulé du titre Ier :

    « Dispositions relatives aux salaires »

    La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Cet amendement vise un objectif clair, et qui permettra, à n'en pas douter, de donner à votre projet de loi plus de contenu que vous n'y en avez mis, notamment du point de vue de la nécessaire et ambitieuse politique salariale qu'il convient de mener dans notre pays.
    Loin de nous la volonté de nous perdre en envolées lyriques, comme vous nous le reprochez et quoique vous soyez aussi, monsieur le ministre, orfèvre en la matière. Nous voulons simplement parler de ce que nous vivons au quotidien dans nos circonscriptions et attirer l'attention de nos concitoyens sur les dangers de votre projet de loi qui, à terme, engagera un recul sans précédent en termes d'amputation de pouvoir d'achat.
    Nous entendons tous les jours votre Gouvernement entonner les louanges de la République moderne et rénovée, de la France « d'en bas », des odes à la croissance. Je cite même M. le Premier ministre : « L'originalité de la croissance française, c'est le dynamisme de la consommation. » Encore faut-il que vous donniez les moyens de la consolidation de cette croissance à ceux qui la soutiennent le mieux. Or vous engagez une série de mesures, vous validez nombre de décisions qui provoquent l'inverse ; vous restez muet devant les plans successifs de licenciements.
    Ce n'est pas avec la baisse uniforme et démagogique de l'impôt sur le revenu que vous remédierez à ces logiques destructrices. Avec votre cadeau royal, 1 % des Français vont empocher 30 % des 2,7 milliards d'euros que coûtera cette mesure à l'Etat. Et cette somme importante manquera pour la santé, l'école, la sécurité, la culture et la justice.
    Vous venez de dire non à un coup de pouce sur le SMIC, comme vous vous apprêtez à dire non à l'augmentation de l'allocation logement. De fait, les inégalités sociales gangrènent notre société et, par vos premières mesures, vous allez les aggraver. Or comment vivre aujourd'hui avec moins de 900 euros par mois ? C'est pourtant le lot de plus de 2,6 millions de nos compatriotes ou des 4 millions qui vivent en dessous du seuil de pauvreté.
    Comment faire face, quand on sait que les loyers représentent, à eux seuls, 30 % des dépenses incompressibles ? Que reste-t-il des belles déclarations du Président Chirac qui, la main sur le coeur, affirmait le 14 juillet 2000 : « La feuille de paie n'est pas ennemie de l'emploi » ?
    Une augmentation du SMIC tout de suite et une augmentation généralisée des salaires permettraient de relancer la consommation et l'économie. Ce serait une réponse de justice sociale face à cette indécente hausse de 36 % des rémunérations des PDG des sociétés cotées au CAC 40, qui perçoivent en moyenne 140 fois le SMIC et qui, lorsqu'ils sont remerciés, comme Jean-Marie Messier, empochent une prime de départ de 12 millions d'euros après avoir touché 5 millions de francs par mois.
    Votre politique encourage cette dérive, insultante pour tous ceux qui souffrent, et elle va au devant des exigences du MEDEF et de la finance.
    C'est vrai en matière de réforme de la fiscalité, ou avec le remodelage du droit du travail auquel se livre aujourd'hui ce texte. C'est vrai encore en matière de contestation du service public et d'atteinte au droit de grève, sous couvert d'instauration d'un service minimum. C'est vrai, enfin, en matière de retraites, où l'irruption généralisée des fonds de pension à l'américaine n'attend plus que votre feu vert pour se réaliser. D'ailleurs, la réforme du compte épargne temps en annonce les prémices.
    Tout entier tourné vers les classes les plus favorisées de notre société, c'est bien un nouvel « Enrichissez-vous ! » que votre Gouvernement s'apprête à lancer aux tenants du libéralisme.
    Il nous faut lancer une véritable rénovation de la politique salariale, pousser les entreprises à mettre un terme au gel des salaires, à leur modération. C'est le langage de l'efficacité économique. A l'heure où la sécurité est conjuguée à tous les temps, il en est une qui est primordiale : celle qui permet de vivre dignement, de subvenir à ses besoins, d'engager une meilleure répartition des richesses.
    Le mieux-vivre social exige de bons salaires qui permettent de vivre décemment, d'où la nécessité d'une forte hausse des salaires. A titre d'exemple, une hausse générale de 200 euros par mois, vous le savez bien, reviendrait à rendre aux salaires la part qu'ils représentaient en 1980 dans la valeur ajoutée.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Cet amendement a été rejeté par la commission.
    En effet, il vise à intituler le titre Ier « Dispositions relatives aux salaires », ce qui s'inspire d'une philosophie tendant à fixer par la loi les règles d'évolution de tous les salaires. Faut-il rappeler que le titre Ier ne traite finalement que du SMIC et permet de résoudre le problème laissé en suspens par le gouvernement précédent ? Il est important, là encore, de préciser que, dans le cadre d'une économie de marché normale, ce n'est peut-être pas au législateur de fixer la totalité des règles relatives aux salaires. L'esprit de ce texte, rappelons-le, est de conférer une priorité au dialogue social.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je suis attaché au SMIC et me suis battu contre tous ceux qui, profitant du trouble introduit par le système des « multi-SMIC », voulaient en finir avec l'idée qu'il existait un salaire de référence que le Parlement a organisé et que le Gouvernement peut utiliser comme un instrument lui permettant de peser sur la politique salariale.
    On peut d'ailleurs s'interroger sur les motivations profondes des rédacteurs des lois Aubry : en cassant l'unité du SMIC, certains d'entre eux ne poursuivaient-ils pas l'idée de mettre fin à un dispositif par ailleurs très critiqué, et que nous sommes l'un des seuls pays européens à faire fonctionner ?
    En revanche, monsieur Gremetz, je ne considère pas comme un progrès pour notre économie que de donner au Parlement une compétence en matière de salaires au-delà du SMIC - puisque tel est l'objectif que vous poursuivez.
    La vérité, c'est que nous sommes attachés à la fixation conventionnelle et contractuelle des salaires. Bien entendu, à travers les décisions que nous prenons sur le SMIC, à travers les incitations que le Gouvernement adresse aux partenaires sociaux pour qu'ils négocient la grille des salaires, nous souhaitons qu'une renégociation s'engage, en particulier, comme l'a dit le Président de la République le 14 juillet, sur les minima sociaux et sur les minima de branches qui, bien souvent, sont trop bas. Mais c'est aux partenaires sociaux d'assumer cette responsabilité. Le Gouvernement fera tout pour les y encourager.
    Je suis, vous l'aurez compris, défavorable à cet amendement.
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Je donne acte à M. le ministre que nombreux sont ceux, notamment sur les bancs de la majorité et parmi les partenaires sociaux avec lesquels il a entamé le dialogue, qui souhaitent remettre en cause le SMIC, et en particulier le SMIC horaire. Nous avons entendu des voix éclairées préconiser un SMIC annuel, parfois un SMIC régional, et expliquer que le mécanisme d'indexation, que le texte qui nous est présenté propose de suspendre, pourrait ne pas être rétabli à l'échéance.
    Je donne donc acte à M. le ministre qu'il y a effectivement dans sa majorité certaines personnes qui pensent tenir l'occasion de remettre en cause le SMIC.
    En revanche, je ne peux pas lui laisser dire que les promoteurs des lois Aubry partageaient ces préoccupations. C'est justement pour préserver le SMIC que nous avons mis en place le système des garanties mensuelles. Rappelons l'historique de ce dispositif. Nous y reviendrons à propos de l'article 1er. La solution qui nous était proposée dès lors que nous avions le souci - pas partagé par tout le monde - de faire en sorte qu'un salarié passant de 39 à 35 heures rémunéré au SMIC, et qui voyait donc normalement diminuer le nombre d'heures à partir duquel s'appliquait le taux horaire, ne soit pas pénalisé impliquait qu'un système de compensation lui soit appliqué, sauf à considérer qu'une augmentation de 11,4, comme nos amis de la majorité nous le proposaient, soit appliquée.
    L'inconvénient, c'est que ce dispositif d'augmentation immédiate de 11,4 bénéficiait en même temps aux salariés passés à 35 heures et à ceux restés à 39 heures. Ainsi, au bout de cinq ans, l'ajustement ne se serait pas fait par le haut, mais nécessairement par le bas, puisque, au moment où la convergence aurait été réalisée, les salariés ayant bénéficié de cette augmentation à 39 heures auraient dû, d'une certaine manière, la restituer.
    La mise en place des garanties de rémunération mensuelle visait à la fois à préserver l'unité du SMIC horaire et à garantir la rémunération des salariés au SMIC et une progression de leur pouvoir d'achat. Car, à la différence de ce qui nous est proposé - et même si le débat est difficile et exige que nous trouvions un juste équilibre, dont nous pourrons parler avec le Gouvernement -, le système d'indexation mis en place par le précédent texte continue à garantir aux salariés au SMIC, quelle que soit leur situation au regard des 35 heures, le bénéfice de l'évolution de la croissance.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 128, ainsi rédigé :
    « Avant l'article 1er, insérer l'article suivant :
    « Le 2° de l'article L. 136-2 du code du travail est complété par les mots : "ainsi que sur toutes dispositions des projets de loi et de décrets fixant une négociation collective relative à l'adaptation ou à l'élaboration de nouvelles dispositions modifiant le droit du travail en vigueur. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Cet amendement entend être cohérent avec les déclarations du Gouvernement et sa disposition sur la négociation sociale. On nous explique - et nous sommes tout à fait prêts à l'entendre - que la négociation sociale doit avoir une plus grande place dans les relations de travail et dans l'élaboration des normes qui s'appliquent au droit du travail. Mais, dans ce cas, il faut que la consultation fonctionne de manière organisée, régulière, et qu'elle ne soit pas simplement une déclaration de principe.
    Je sais bien, monsieur le ministre, que c'est souvent le premier pas qui coûte. En l'occurrence, vous avez choisi de différer ce premier pas. Nous en avons parlé à propos des contrats jeunes. Je rappelle que les organisations syndicales n'étaient pas tout à fait satisfaites de la manière dont la coopération s'est mise en place.
    Vous nous présentez aujourd'hui certaines dispositions : je ne peux pas ne pas observer que le décret auquel vous avez songé, celui des 180 heures, n'a pas été présenté à la concertation. Il a même été annoncé avec certaines de ses dispositions concernant les majorations des heures supplémentaires à 10 % le jour même où le Premier ministre réunissait la commission. C'est sans doute un problème de chronologie, mais peu importe. En tout cas, les partenaires sociaux ne l'ont pas appris de votre bouche, mais par d'autres canaux d'information, et le document qui leur a été présenté en commission nationale de la négociation collective ne comportait pas les indications définitives sur le titre II, c'est-à-dire les dispositions - sans doute parmi les plus importantes - qui, de notre point de vue, remettent en cause la réduction du temps de travail en modifiant toute une série de dispositions sur les heures supplémentaires, sur le travail des cadres, sur la majoration des heures supplémentaires.
    Nous souhaitons simplement prendre le Gouvernement au mot - il ne devrait par conséquent pas trouver grand-chose à redire - en indiquant que la commission nationale de la négociation collective, qui est l'instance normale de concertation, devra être saisie de tout projet de loi ou de décret qui interviendrait dans le champ de ses compétences. C'est donc un principe tout simple que nous proposons d'inscrire dans la loi et qui ne peut que conforter l'objectif de négociation sociale dont le ministre des affaires sociales a fait son étendard, même si cet étendard nous plairait davantage avec quelques étoiles de plus.
    M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec.
    M. Jean Le Garrec. Je souhaite soutenir l'amendement extrêmement important de M. Gorce. Depuis le début de ce débat, le ministre nous parle - et je veux bien le croire - de son souci d'une concertation avec les organisations syndicales. Or ce décret est très important. Il organisera des aspects majeurs de la vie des salariés ; M. Gorce les a évoqués, qu'il s'agisse des heures supplémentaires ou des majorations.
    Non seulement ce décret ne semble pas connu des organisations syndicales - si je me trompe, le ministre rectifiera -, mais il ne l'est pas non plus de la représentation parlementaire. Je suis de ceux qui se sont battus, y compris auprès de gouvernements que je soutenais, pour que, avant d'aborder des débats extrêmement difficiles, le Parlement ait connaissance du contenu des décrets et de leur orientation. Il doit, a fortiori, en être ainsi pour la commission nationale de la négociation collective.
    Monsieur le ministre, il vous sera sans doute facile de répondre à mes questions, puisque vous avez le souci d'organiser la concertation avec les organisations syndicales. Quand le décret paraîtra-t-il ? Quelle est son orientation ? Pourrons-nous en connaître avant que ce débat ne s'achève.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Amendement rejeté, monsieur le président. En effet, cet amendement fait référence à l'article L. 136-2 du code du travail. La commission nationale de la négociation collective est déjà largement consultée sur les projets ayant un impact sur cette négociation collective. Au-delà de l'élément déclaratif concernant la nécessité de dialogue social, M. le ministre en a fait une démonstration très concrète lors de la dernière séance de la commission nationale de la négociation collective, le 6 septembre 2002, puisqu'il a retiré une des dispositions qui étaient inscrites à l'ordre du jour, et qui touchait au travail de nuit. Là encore, nous avons une démonstration sous forme d'actes qui nous renforce dans cette sécurité.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cet amendement rend justice au Gouvernement d'un procès que lui faisait le groupe socialiste, pour qui la commission nationale de la négociation collective n'avait pas été consultée sur tous les sujets abordés par ce projet de loi. La commission est compétente sur un certain nombre de sujets, dont la fixation du SMIC : elle a donc été consultée formellement sur ces sujets-là, mais j'ai voulu ajouter à l'ordre du jour de cette commission un point d'information sur les aspects liés à l'assouplissement des 35 heures.
    Sur ce texte, la concertation a eu lieu, n'en déplaise à l'opposition, avec l'ensemble des organisations syndicales et des partenaires sociaux. Tous les éléments du texte ont été soumis aux partenaires sociaux, y compris le décret que vous venez d'évoquer, que j'ai d'ailleurs remis à la commission lors de mon audition, il y a plus de dix jours. Ce décret, d'une très grande simplicité, ne comporte qu'un seul élément, portant à 180 le contingent d'heures supplémentaires à défaut d'accord. Il sera publié dans les tout prochains jours.
    Pourquoi ne pas élargir le rôle de la commission nationale de la négociation collective ? D'autres organismes de concertation existent dans notre pays : le comité permanent de l'emploi, la commission de prévention des risques professionnels. Chacun a été créé avec un objectif - vous n'avez d'ailleurs pas jugé nécessaire de modifier leurs compétences ces cinq dernières années : je pense que vous aviez vos raisons. Le Gouvernement est défavorable à l'adoption de cet amendement.
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Notre proposition s'inspirait, je l'ai indiqué, de déclarations que l'on a entendues sur divers bancs et qui considéraient que la concertation sociale doit être développée. J'indiquais d'ailleurs hier que nous l'avions largement fait, pour les 35 heures, à travers la dynamique de négociations qui ont été engagées. Mais les progrès sont nécessaires, personne n'en doute. Nous étions là encore, prêts à vous croire sur vos déclarations. Mais nous aurions aimé que cela puisse se traduire dans les faits. D'autant que la question de la concertation a été posée bien en amont, depuis quelques mois, par les partenaires sociaux eux-mêmes, qui en ont fixé les modalités.
    Une déclaration d'intention commune du 16 juillet 2001, signée par les partenaires sociaux, débouchait sur cette conclusion que nous aimerions vous voir reprendre : « La position commune suggère une nouvelle fonction de la négociation collective inspirée du modèle européen. Préalablement à toute initiative législative dans le domaine social, les interlocuteurs sociaux seraient officiellement saisis par les pouvoirs publics d'une demande d'avis sur son opportunité. » Ce document date de juillet 2001. Vous aviez donc le temps de vous en inspirer.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Vous aussi !
    M. Gaëtan Gorce. « A l'issue de cette consultation, si l'initiative était maintenue » - ce qui ne semble pas vous troubler -, « la faculté leur serait offerte de traiter le thème faisant l'objet de ladite initiative par voie conventionnelle, dans un délai à déterminer ».
    La proposition qui vous est faite avait simplement pour but de confirmer cette intention indiquée par les partenaires sociaux et dans l'esprit qu'ils avaient défini.
    En revanche, lorsque vous nous dites que la négociation a bien eu lieu et que la concertation s'est déroulée dans les conditions que vous souhaitiez, je souhaite vous rappeler quelques déclarations émanant sur les 35 heures de divers horizons. Vous verrez ainsi ce que certaines organisations syndicales pensent de la manière dont vous concevez la concertation.
    Ainsi, voici ce qu'écrivait M. Jean-Luc Cazettes, de la CGC, dans sa lettre confédérale du 6 septembre 2002 : « Alors que tout le monde, MEDEF et Gouvernement en tête, vantait les mérites de la négociation sociale et n'avait pas de mots assez durs pour fustiger les décisions unilatérales de l'ancien gouvernement, on s'achemine vers un assouplissement des 35 heures, souhaité par tous, par la voie d'un décret, c'est-à-dire un acte réglementaire unilatéral du Gouvernement. Il faut imaginer que ce fameux dialogue social n'est qu'un alibi. »
    M. Chérèque s'exprimait, à son tour, dans une interview. Cette attitude - celle du Gouvernement qui ne saisit pas la commission de la totalité des dispositions présentées au Parlement - « pose un problème de confiance » et, plus grave : « procède d'une réelle incompréhension du dialogue social. Le gouvernement Raffarin nous dit : "On vous écoute et prend aussitôt des décisions sur un sujet sur lequel les partenaires sociaux avaient une légitimité à négocier ».
    Je pourrais multiplier les citations. M. Blondel dit les choses d'une manière encore plus brutale, avec son style. Je vous épargnerai certaines déclarations, mais sachez que toutes les organisations syndicales sans exception, y compris la CGT, les partagent.
    J'observe qu'un élu appartenant à votre majorité, dont j'ai cru comprendre qu'elle était composée de l'UMP mais aussi de l'UDF - ce qu'il faut sans cesse rappeler, y compris sans doute à vos amis -, j'observe, disais-je, qu'un élu appartenant à votre majorité, M. Morin en l'occurrence, répondant à la question : « le Gouvernement ne dit-il pas qu'il laisse sa place à la négociation ? » a déclaré : « Non, tout est encadré, il n'y a rien à négocier. Le carcan de la loi est tel - et là il ne parlait pas de celle des 35 heures, mais de celle que nous examinons - que l'incitation à négocier n'existe pratiquement pas. » Vous pourrez lire ces propos dans Les Echos du 1er octobre 2002.
    Vous avez raison, nous devons nous méfier de nos amis. C'est pourquoi je vous invite à vous méfier non seulement des partenaires sociaux, mais aussi de vos amis de la majorité !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement  n° 128.
    (L'amendement n'est pas adopté.)

Article 1er

    M. le président. « Art. 1er. - L'article 32 de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail est ainsi modifié :
    « I. - Les deux premiers alinéas du I sont remplacés par les dispositions suivantes :
    « Les salariés dont la durée du travail a été réduite à trente-cinq heures ou plus à compter de l'entrée en vigueur de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail ne peuvent percevoir un salaire mensuel inférieur au produit du nombre d'heures correspondant à la durée collective qui leur était applicable, dans la limite de 169 heures, par le salaire minimum de croissance en vigueur à la date de la réduction ou celui en vigueur au 1er juillet 2002 pour les salariés dont les entreprises réduisent la durée collective de travail postérieurement à cette date. Cette garantie est assurée par le versement d'un complément différentiel de salaire.
    « Le minimum applicable à chaque salarié concerné par le premier alinéa du présent article est revalorisé au 1er juillet en fonction de l'évolution de l'indice des prix à la consommation mentionné à l'article L. 141-3 du code du travail. Cette revalorisation est majorée, par tranches annuelles égales, de sorte qu'au 1er juillet 2005 au plus tard le minimum applicable à chaque salarié soit égal au minimum revalorisé prévu au premier alinéa pour les salariés dont les entreprises réduisent la durée collective de travail postérieurement au 1er juillet 2002. Les taux de revalorisation ainsi déterminés sont fixés par arrêté. »
    « II. - Le V est remplacé par les dispositions suivantes :
    « V. - A titre transitoire, par dérogation aux dispositions de l'article L. 141-5 du code du travail et jusqu'au 1er juillet 2005, le salaire minimum de croissance prévu à l'article L. 141-2 dudit code est revalorisé chaque année, avec effet au 1er juillet, selon les modalités prévues au premier alinéa de l'article L. 141-3 dudit code. Cette revalorisation est majorée en vue de rendre sans objet au 1er juillet 2005 la garantie mentionnée au I. »
    Sur l'article 1er, plusieurs orateurs sont inscrits. Je leur rappelle que leur intervention ne doit pas durer plus de cinq minutes.
    La parole est à Mme Martine Billard.
    Mme Martine Billard. La volonté d'harmoniser par le haut les différents niveaux de garanties mensuelles de rémunération des salariés induits par les différents modes de passage aux 35 heures est louable, et même nécessaire. Quel qu'eût été le Gouvernement, qu'il eût été de droite ou de gauche, il aurait été conduit à proposer une telle disposition.
    Mais là où nos opinions divergent, c'est sur la manière dont vous entendez le faire. Vous nous dites : « Le SMIC augmentera de 11,4 %. » C'est un abus de language car il s'agira seulement d'une augmentation du taux horaire, mais pas d'une augmentation des salaires de tous les salariés payés au SMIC, puisque l'augmentation ne sera pas la même selon la catégorie à laquelle appartiendra le smicard, ne sera pas la même si le salarié est passé aux 35 heures ou s'il est resté aux 39 heures.
    Au final, si certains salariés payés mensuellement au SMIC - et qui, pour le moment, sont les perdants - auront bénéficié d'une augmentation, d'autres, en revanche, auront regardé passer les trains durant trois ans. Par conséquent, vous allez créer une frustration nouvelle d'une autre nature pour ceux qui auront cru que leur SMIC allait augmenter de 11,4 %, quand ils se rendront compte que ce n'est pas le cas.
    Vous ne cessez de dire que si la gauche a perdu, c'est à cause de la loi sur les 35 heures, et en raison de la non-augmentation des bas salaires. Eh bien, faites attention à ce qu'il ne vous arrive pas la même chose à terme. En effet, les salariés qui ne bénéficieront pas de cette fameuse augmentation, annoncée de façon globale et avec peu de nuances, seront encore plus frustrés car ils estimeront qu'on leur a menti. Voilà le premier problème auquel vous allez être confronté.
    Le deuxième problème auquel vous allez devoir faire face concerne le « coup de pouce » qui est donné chaque année au SMIC, en juillet. Du reste, cette année, il n'y en a pas eu. Vous nous dites que le SMIC sera dorénavant revalorisé uniquement en fonction de l'indice des prix à la consommation. Or, vous savez que les salariés qui sont payés au SMIC et leurs familles utilisent la majorité de leur revenu pour des besoins primaires : la nourriture, le logement, l'habillement. J'observe d'ailleurs que, cet été, une association de consommateurs a démontré que l'augmentation des prix a été bien plus importante que l'indice des prix à la consommation ; par conséquent, le « non-coup de pouce » donné au SMIC a aggravé finalement la situation des personnes payées de cette façon.
    La situation sera même aggravée par la suppression de l'obligation faite par la loi en vigueur de prendre en compte, pour la revalorisation du SMIC, de l'augmentation du pouvoir d'achat du salaire moyen ouvrier.
    Finalement, vous faites le strict minimum, parce que vous savez qu'il n'est pas possible de rester dans la situation actuelle. Mais tout gouvernement confronté à cette situation aurait agi de la même façon. Vous tenez certes de grands discours sur l'augmentation des bas salaires, mais vous n'allez pas jusqu'au bout de ce qu'il faudrait faire et vous n'essayez pas, comme vous le dites si souvent, de « redonner goût au travail ». Car pour avoir goût au travail, il faut que les salariés, qu'ils travaillent 35 heures ou 39 heures par semaine, voire plus comme il semble que cela va devenir la généralité puisqu'il sera désormais possible de travailler beaucoup plus pour un coût moindre pour les entreprises, n'aient pas l'impression de travailler beaucoup plus pour très peu de salaire en plus. Or l'augmentation représentera 11 euros par mois. Mais que fait-on avec une telle somme ? Très peu de choses.
    Je crois que vous allez être confrontés à des lendemains qui déchantent. Finalement, les salariés risquent d'être très déçus que vous ayez fait croire des choses qui ne se réaliseront pas.
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Je n'insiterai pas outre mesure, puisque j'ai rappelé tout à l'heure la cohérence de notre position et l'incohérence de certaines autres. En effet, l'amendement que nous avons déposé sur cet article afin d'aligner les différents SMIC, nous l'avons déjà déposé en 1999. Or, à l'époque, le gouvernement d'alors en avait demandé le rejet et la majorité de l'Assemblée mais aussi la droite avaient voté contre.
    Certes, il n'existe pas de solution parfaite pour résoudre ce problème , mais il faut faire un geste, car il y a des gens qui ont perdu trois ans.
    Quant à l'indexation sur l'indice des prix à la consommation, elle fera encore perdre du pouvoir d'achat.
    Cela dit, j'ai pris acte que la mesure proposée allait dans le bon sens, puisqu'il n'est pas possible de garder le dispositif actuel. Je reste persuadé que, compte tenu de la dévalorisation du SMIC, du « non-coup de pouce » dont celui-ci fait l'objet et du taux de l'inflation, c'est la solution la plus sage.
    Quoi qu'il en soit, tout cela est discutable, comme en témoigne la proposition que nous allons faire.
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Nous entrons dans un débat important, dans la mesure où il s'agit bien, comme cela a été indiqué, de faire en sorte que le SMIC, tel que nous le connaissons, soit préservé.
    A plusieurs reprises, le ministre et les membres de la majorité nous ont indiqué que le dispositif que nous avions mis en place était une véritable usine à gaz. Je rappelle une nouvelle fois que ce dispositif a été créé pour éviter qu'un salarié payé au SMIC et dont le temps de travail diminuait soit victime d'une perte de rémunération et même d'une perte de pouvoir d'achat.
    Comme le SMIC est revalorisé chaque année au 1er juillet - et je crois qu'il est souhaitable qu'il le soit -, il était clair qu'à chaque fois la garantie mensuelle devait évoluer différemment puisque, dans l'intervalle, intervenaient des mécanismes d'indexation différents pour le SMIC horaire et pour les GRM, c'est-à-dire les garanties mensuelles de rémunération.
    En fait, les propositions que fait le Gouvernement ne vont pas beaucoup plus loin que ce que la loi actuelle envisage, même si cela n'est pas écrit dans le détail. La loi en vigueur n'a d'ailleurs pas vocation à régler un tel problème dans le détail, puisqu'elle renvoie à une concertation avec les partenaires sociaux la recherche d'une solution, d'ici à la fin 2002. C'est d'ailleurs exactement ce que vous proposez, monsieur le ministre : votre texte prévoit que, d'ici à la fin 2002, une solution devra être trouvée pour l'échéance du 1er juillet 2005.
    S'agissant des garanties mensuelles de rémunération, il fallait organiser la convergence. La seule solution aurait été, comme je l'ai indiqué, soit de procéder à une augmentation de 11,4 %, soit de faire en sorte que les salariés faisant 35 heures soient rémunérés pour 35 heures. J'observe, mais vous n'en êtes pas comptable, monsieur le ministre, que, dans le débat que nous avons eu à l'époque sur ce sujet, un amendement n° 100, déposé par M. Mariani et M. Goulard, proposait purement et simplement la suppression de l'article 16 de la loi au motif que les salariés concernés ne devaient pas bénéficier d'une augmentation de leur rémunération.
    Aujourd'hui, votre proposition est très différente de celle qui était défendue par l'opposition d'alors, ce dont je me réjouis. Toutefois, vous devez sans doute avoir quelques difficultés avec votre majorité. Du reste, si vous avez rappelé vos intentions, c'est certainement parce que vos efforts ne sont sans doute pas récompensés par vos amis, comme vous auriez pu l'espérer.
    Quoi qu'il en soit, nous vous donnons acte que, sur ce point, vous manifestez la volonté de vous inscrire dans le cadre de la logique fixée par la loi actuellement en vigueur, de respecter le calendrier arrêté et le rythme retenu. Ce que nous pouvons discuter, c'est le niveau à partir duquel l'augmentation et le rattrapage vont s'opérer. En effet, vous avez décidé de dissocier l'augmentation des garanties et celle du SMIC horaire du rythme de la croissance. Si l'on considère l'ensemble des salariés payés au SMIC, soit un peu plus de 2 millions de personnes, l'augmentation annuelle sera, en fonction du rythme que vous avez retenu, de 2 %. Seuls bénéficieront d'une augmentation de 11,4 % de leur pouvoir d'achat ceux qui sont restés à 39 heures et qui sont donc rémunérés selon les règles du SMIC horaire à temps complet ou à temps partiel.
    Vous procédez à un réajustement de 11,4 % pour un peu moins de 50 % des salariés au SMIC, ce qui est un effort réel. Toutefois, pour ceux qui sont déjà passés à 35 heures, l'augmentation sera limitée annuellement à environ 6 % par an pour la période considérée ; ils seront donc moins favorisés que les autres.
    Toutefois, je ne peux pas m'empêcher d'observer que, même pour ceux qui bénéficieront de 11,4 % d'augmentation, c'est-à-dire ceux qui sont restés à 39 heures, l'augmentation sera moindre que celle constatée entre 1997 et 2002. Même sans « coup de pouce », l'augmentation du SMIC horaire en fonction du mode d'indexation prenant en compte l'évolution des prix, d'une part, et la moitié du taux de salaire ouvrier, d'autre part, a permis d'accroître le pouvoir d'achat du SMIC - Mme Guigou l'a rappelé ce matin - de 15 à 16 % durant cette période de cinq ans. Par conséquent, c'est une évolution légèrement supérieure à celle que vous envisagez.
    Que vous ne remettiez pas en cause le droit des salariés payés au SMIC et travaillant 35 heures à bénéficier d'un SMIC équivalent à celui qu'ils toucheraient en travaillant 39 heures s'inscrit dans la logique de la loi Aubry. Mais la vraie question qui se pose est de savoir comment évolueront les salaires dans ce pays.
    J'ai rappelé hier, et j'y reviendrai tout à l'heure en défendant un amendement, que l'évolution du pouvoir d'achat des salariés dans ce pays a augmenté de plus de 5 % entre 1997 et 2001, alors qu'il avait diminué de 4,1 % de 1993 à 1997. Ces données sont incontestables.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Si, elles sont contestables !
    M. Gaëtan Gorce. Non, ces données sont incontestables : sur ces huit années, il y a eu une différence très nette entre la période 1997-2002 et la période 1993-1997.
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir conclure, monsieur Gorce. D'autant que vous aurez l'occasion d'intervenir de nouveau en défendant vos amendements.
    M. Gaëtan Gorce. J'ai fini, monsieur le président, mais je reviendrai sur tous ces sujets ultérieurement.
    M. le président. La parole est à M. Jean Le Garrec.
    M. Jean Le Garrec. Je me bornerai à compléter l'intervention de M. Gorce par trois courtes remarques.
    La première, je l'adresse au président de la commission avec cordialité et humour. Il n'a pas le droit de dire à M. Gremetz que celui-ci s'est fondu dans la majorité plurielle. Cela ne correspond tout simplement pas à la réalité : j'ai passé, pendant cinq ans, plus de temps à débattre avec lui qu'avec M. Accoyer, qui est pourtant le mètre étalon, la référence pour les débats avec l'opposition. (Sourires.)
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. J'ai simplement dit qu'il s'était « parfois assimilé » à la majorité plurielle.
    M. Jean Le Garrec. La deuxième remarque vous concerne, monsieur le ministre. Pour la clarté de nos propos, je dois vous dire que jamais je n'ai parlé d'« abrogation » des 35 heures.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. D'autres l'ont fait !
    M. Jean Le Garrec. Dans mon intervention, j'ai parlé de « coup d'arrêt » à l'extension. J'ai même expliqué que j'étais persuadé que, dans les entreprises où existent une forte négociation et une bonne structure syndicale, les 35 heures ne seraient probablement pas remises en question, en insistant toutefois sur le risque pour les entreprises sous-traitantes de subir une pression très forte de la part des entreprises mères. Jamais nous n'avons analysé votre texte autrement que pour ce qu'il représente.
    Enfin, ma troisième remarque porte sur l'article 1er, sur lequel vous m'avez tout à la fois rassuré et inquiété, monsieur le ministre.
    Bien évidemment, vous pouvez toujours utiliser l'expression d'« usine à gaz ». Pour autant, Gaëtan Gorce vient d'expliquer avec talent combien nous voulions assurer nos engagements : une baisse du temps de travail et une garantie du niveau des rémunérations avec un système de SMIC au taux horaire auquel tout le monde est attaché, particulièrement les organisations syndicales, d'où le système de compensation. Dans la loi étaient indiquées la date-butoir et presque la méthode pour y aboutir. C'est ce à quoi vous parvenez après, je dois le dire, une saisine et une consultation du Conseil économique et social.
    A partir de là, on peut discuter sur le délai ; certains syndicats souhaiteraient le voir raccourci, et nous les avons entendus. On peut aussi discuter sur l'effet direct sur l'évolution des salaires - M. Gorce vient de le faire - en montrant que la réalité est beaucoup plus complexe que vous ne le dites. Mais là où vous m'inquiétez, c'est quand vous décrochez le SMIC de l'indexation sur l'évolution du salaire moyen ouvrier.
    Vous dites, monsieur le ministre, que certains peuvent remettre en cause le SMIC. Nous le savons bien, il suffit d'entendre les interventions de M. Kessler sur l'évolution des rémunérations. Nous savons même que, dans votre majorité, les tentations sont très grandes à ce sujet : dans la mesure où vous supprimez cette référence, vous ouvrez la porte à de telles tentations. Alors, vous me répondrez que cela n'est que provisoire. Mais là je rejoindrai M. Gremetz : il arrive souvent que le provisoire dure. C'est d'ailleurs aussi l'opinion de M. le baron Seillière quand il souligne que ce qui a été fait, même provisoirement, il sera très difficile de le défaire.
    Donc, vous me rassurez sur vos intentions, monsieur le ministre - et je vous en donne acte -, mais la brèche que vous ouvrez ne manque pas de m'inquiéter.
    M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche.
    M. Patrick Bloche. L'article 1er du projet de loi - Gaëtan Gorce, Jean Le Garrec, Martine Billard et Maxime Gremetz y ont fait référence - traite d'un domaine qui est particulièrement important, puisque c'est celui qui traite de la politique salariale, ou plutôt, lorsqu'on l'étudie un peu plus précisément, celui qui traite de l'absence de politique salariale de votre part, monsieur le ministre. Nous pouvions pourtant espérer que le slogan que vous avez fait vôtre, « rendre toute sa place au travail », allait s'accompagner de votre part d'un discours ambitieux en matière de politique salariale, s'accompagner d'une politique ambitieuse en matière de rémunération du travail et de hausse du SMIC. Or il n'en est rien.
    La rémunération des heures supplémentaires, qui était définie par la loi, est renvoyée à la négociation. J'y vois deux conséquences : au mieux de l'affichage, au pire une nouvelle inégalité. De l'affichage, parce que si l'objectif est d'augmenter le taux des heures supplémentaires, il est tout simplement inutile de modifier la loi, car rien n'empêche les partenaires sociaux de négocier des dispositions plus favorables en la matière. De la régression et de l'inégalité, en second lieu, car lorsque la négociation conduira à un taux inférieur à celui que garantissait la loi, ce sera autant de salaire en moins pour les salariés concernés. En fait, les salariés auront intérêt, dans le système que vous mettez en place, à ce qu'il n'y ait pas de négociation : dans ce cas, la loi s'applique et les taux ne diminuent pas.
    Il y a donc un risque majeur, je l'ai dit ce matin, je le répète cet après-midi, de faire de la négociation un vecteur de régression et non de progrès social. Là aussi, il est à craindre que le message final soit de permettre de faire travailler plus en payant moins.
    Toucher à la rémunération des heures supplémentaires est donc, de notre point de vue, la première incohérence par rapport à votre discours général sur la politique salariale. Mais l'incohérence est encore plus flagrante s'agissant des dispositions concernant le SMIC.
    Les explications qui nous sont données sont elliptiques et plutôt de nature à nous inquiéter. Il est faux de dire que les salariés rémunérés au SMIC verront leur pouvoir d'achat augmenter de 11,4 %. Comment peut-on simplifier ainsi le message, alors même que cette augmentation vise à harmoniser les différents salaires mensuels minima existants ? Pour les salariés qui bénéficient d'une garantie mensuelle de rémunération prévue par la loi Aubry afin que le passage au 35 heures ne s'accompagne pas d'une baisse de salaire, la hausse n'est pas aussi élevée qu'on veut le faire croire, elle n'est que formelle. Ce qui était perçu grâce au complément mensuel sera perçu grâce au SMIC rehaussé. Ne laissez donc pas les salariés concernés espérer une hausse substantielle de leur salaire.
    Outre qu'elles sont simplificatrices, les déclarations du Gouvernement sur le SMIC sont pour le moins inquiétantes. Je ne m'explique pas notamment un autre point, à propos duquel j'aimerais que le Gouvernement nous éclaire enfin sur ses intentions.
    Pourquoi, monsieur le ministre, vouloir modifier temporairement les règles de revalorisation du SMIC en en déconnectant la hausse de l'augmentation du pouvoir d'achat ? J'ai cru comprendre que l'harmonisation prévue des SMIC jusqu'en 2005 - le MEDEF réclame même 2007 - devait s'accompagner d'un freinage de l'augmentation automatique du salaire minimum. De toute façon, il vous faudra faire progresser le SMIC plus que de la seule augmentation automatique du pouvoir d'achat ?
    Pourquoi vous donner cette peine, si ce n'est parce qu'elle préfigure peut-être, malgré vos déclarations, et nous vous en faisons crédit, une réforme plus profonde du SMIC, comme vous y poussent le MEDEF et un trop grand nombre de vos amis ?
    Je ne tente pas ici, monsieur le ministre, de vous prêter des intentions qui ne seraient pas les vôtres mais je pense que dans l'intérêt même des salariés concernés et pour éclairer la représentation parlementaire, il serait utile que vous soyez plus clair sur vos objectifs.
    M. le président. M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 23, ainsi rédigé :
    « Dans la première phrase du deuxième alinéa du I de l'article 1er, supprimer les mots : "en vigueur à la date de la réduction ou celui. »
    J'indique d'ores et déjà à l'Assemblée que, sur le vote de cet amendement, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à M. Maxime Gremetz, pour défendre cet amendement.
    M. Maxime Gremetz. Je ne veux pas prolonger outre mesure le débat. J'ai expliqué dans mon intervention sur l'article de quoi il s'agissait. J'ai rappelé que nous serions à nouveau appelés à nous prononcer par un scrutin public, en sorte que sur cette question importante - revalorise-t-on, oui ou non, de 11,4 % le SMIC ? -, le vote de chacun figure au Journal officiel et que, ainsi, chacun soit placé devant ses responsabilités.
    M. Pierre Hellier. Nous n'avons pas peur !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Rejet.
    Mme Catherine Génisson. Un peu court comme explication.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement est évidemment défavorable à cet amendement qui introduirait une contrainte tout à fait insupportable pour notre économie.
    Je rappelle à M. Gremetz, même si je sais qu'il n'aime pas beaucoup les références historiques, que la dernière fois que l'on a procédé à une augmentation aussi massive du SMIC que ce qu'il propose, c'était en 1981, et que cette augmentation a été suivie peu après par quelques incidents monétaires et par un changement brutal de politique, mais j'aurais pu remonter encore un peu plus loin, à 1973 et à 1968.
    M. Maxime Gremetz. En 1968, c'était 32 % et cela a donné de la croissance !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. L'économie française ne pourrait pas supporter ce choc. Je profite d'ailleurs de l'occasion qui m'est donnée pour dire aux orateurs qui viennent de s'exprimer que le maintien de l'évolution du SMIC au seul rythme de l'évolution du pouvoir d'achat - ce qui est suspendu pour trois ans, c'est la référence supplémentaire à l'augmentation moyenne du salaire ouvrier - est destiné à rendre la convergence possible. En permettant une augmentation rapide du SMIC de référence le plus élevé, l'on accroîtrait l'écart entre ce SMIC le plus élevé et le SMIC le moins élevé et l'on rendrait plus difficile cette convergence, que l'on serait obligé alors d'étaler sur une période plus longue.
    Ceci me permet aussi de rappeler les chiffres en matière d'augmentation de pouvoir d'achat. Depuis la mise en oeuvre des lois Aubry, le pouvoir d'achat du SMIC a augmenté, de façon différenciée suivant les garanties, de 5,7 % pour le SMIC horaire, de 0,8 % pour la GMR1, de 2,1 % pour la GMR2, de 3,8 % pour la GMR3, de 5,1 % pour la GMR4 et de 5,7 % pour la GMR5, c'est-à-dire, en moyenne, de 4,7 %. Le dispositif que nous proposons aboutira à une augmentation moyenne sur la période 2002-2005, donc sur une durée comparable, de 6,5 %.
    M. Claude Gaillard. Il fallait le dire !
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.

    M. Gaëtan Gorce. Je ne veux pas engager une bataille de statistiques sur le sujet. Simplement, j'observe que l'augmentation de 11,4 % de pouvoir d'achat qui nous est annoncée par le Gouvernement ne concerne qu'un peu moins de la moitié des salariés rémunérés au SMIC.
    Le ministre fait référence à des évolutions de pouvoir d'achat qui mêlent le SMIC horaire et les GRM, et lorsqu'il évoque l'augmentation du SMIC dans son texte, naturellement il ne fait allusion qu'à l'augmentation la plus favorable, en oubliant d'indiquer, alors qu'il parle de revalorisation des bas salaires, que 400 000 salariés aujourd'hui au SMIC ne bénéficieront d'aucune évolution ou d'une évolution très faible de l'ordre de 0,2 à 0,3 %. Pour la moyenne des salariés, l'augmentation sera de 2 % et pour la moitié d'entre eux, elle sera de 0,6 % par an, c'est-à-dire à un niveau nettement inférieur à ce que ces salariés ont connu. Nous y reviendrons lors du débat sur l'indexation. Mais je tenais à le signaler dès maintenant. Ce n'est pas un reproche : c'est un constat.
    M. le président. Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais maintenant mettre aux voix l'amendement n° 23.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même, et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   69
Nombre de suffrages exprimés   55
Majorité absolue   28
Pour l'adoption   5
Contre   50

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 24, ainsi rédigé :
    « Supprimer la dernière phrase du deuxième alinéa du I de l'article 1er. »
    La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Les temps changent, mais vous, vous restez pareils : vous avez envore voté contre.
    M. Pierre Hellier. Vous n'avez pas fait le plein, en effet. (Sourires.)
    M. Maxime Gremetz. Dans cinq ans, vous me direz...     M. le président. M. Gremetz...
    M. Maxime Gremetz. J'ai cinq minutes, n'est-ce pas, monsieur le président ?
    M. le président. Pour parler de l'amendement, pas pour critiquer vos collègues.
    M. Maxime Gremetz. Je crois que je vais utiliser largement mes cinq minutes. (« Ah ! Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Pierre Hellier. Il faut lui couper la parole au bout de cinq minutes, monsieur le président.
    M. le président. Je surveillerai le temps de parole de M. Maxime Gremetz, mais le mieux est de ne pas l'interrompre, pour qu'il puisse développer son argumentation d'une traite. (Sourires.)
    M. Maxime Gremetz. Comme l'amendement précédent, qui proposait d'augmenter sensiblement le SMIC, - ce dernier ayant perdu beaucoup de pouvoir d'achat et pour répondre à l'attente des gens - a été repoussé, je retire l'amendement n° 24, qui était un amendement de cohérence. Il n'a plus en effet aucune espèce de réalité, et comme je suis matérialiste...
    Vous noterez, monsieur le président, que j'ai quatre minutes en réserve. (Sourires.)
    M. le président. Ces minutes ne sont pas cumulables, monsieur Gremetz ! (Sourires.)
    M. Patrice Martin-Lalande. Il veut les capitaliser ! (Sourires.)
    M. le président. L'amendement n° 24 est retiré.
    Je suis saisi de deux amendements, n°s 92 et 129, pouvant être soumis à une discussion commune.

    L'amendement n° 92, présenté par Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère, est ainsi rédigé :
    « Compléter la première phase du dernier alinéa du I de l'article 1er par les mots et la phrase suivante : "et de la moitié de l'augmentation du pouvoir d'achat du salaire mensuel de base ouvrier enregistré par l'enquête trimestrielle du ministère du travail. Le taux de la revalorisation est fixé par arrêté. »
    L'amendement n° 129, présenté par M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste, est ainsi rédigé :
    « Compléter la première phrase du dernier alinéa du I de l'article 1er par les mots : "et en fonction de l'accroissement annuel du pouvoir d'achat des salaires horaires moyens mentionné à l'article L. 141-5 du code du travail. »
    L'amendement n° 92 de Mme Martine Billard est-il défendu ?
    Mme Hélène Mignon. Oui, monsieur le président.
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour défendre l'amendement n° 129.
    M. Gaëtan Gorce. Cet amendement n° 129 vise à rétablir une règle qui date de 1957. Je ferai un bref rappel de notre histoire économique et sociale.
    C'est en 1899 qu'un ministre issu des rangs socialistes, Alexandre Millerand, a imposé par décret aux entreprises qui soumissionnaient à des marchés publics de fixer un salaire minimum. Le dispositif a été progressivement élargi en 1915, en 1930, en 1936 - nous retrouvons Léon Blum - en 1950 avec la création du salaire minimum interprofessionnel garanti, en 1952 et, surtout, en 1957, lorsque Félix Gaillard, alors président du Conseil, a fait adopter le principe du salaire minimum interprofessionnel de croissance, c'est-à-dire indexé à la fois sur les prix et sur la moitié de l'évolution du pouvoir d'achat des salariés.
    Remettre en cause aujourd'hui, comme vous le faites, ce principe qui remonte à la IVe République, présente des inconvénients sur lesquels je voudrais insister.
    Le premier, c'est que même pour une période provisoire, vous entérinez l'idée, avec les conséquences que j'ai indiquées sur l'évolution du pouvoir d'achat, que les salariés qui touchent le SMIC ne sont plus, désormais, associés aux fruits de la croissance - à supposer naturellement que la croissance existe, ce que nous souhaitons tous. Je rappelle que le SMIG était fondé sur l'idée d'un minimum de subsistance lié au travail, et que la grande différence entre le SMIG et le SMIC est que, justement, s'est ajoutée à cette idée de minimum de subsistance celle d'une participation des salariés les moins bien rémunérés à la croissance et à l'évolution de la richesse nationale.
    Comme je l'ai rappelé, c'est en 1957 qu'on fait référence pour la première fois au revenu national. En 1970, un gouvernement que vous auriez pu soutenir à l'époque...
    M. Bernard Accoyer. Nous n'étions pas nés !
    M. Gaëtan Gorce. ... a pris l'initiative de transformer définitivement le système en celui que nous connaissons aujourd'hui.
    Vous voulez le remettre en cause, nous le regrettons en vertu du principe que je viens de rappeler et pour une seconde raison.
    On comprend bien naturellement votre souci de lisser dans le temps la convergence sur une période qui nous paraît raisonnable, et qui était prévue par la loi Aubry, soit jusqu'en 2005, et d'éviter que l'augmentation soit trop forte, dans la mesure où elle ne joue pas contre l'emploi. Mais dans le même temps, du fait du ralentissement de l'activité économique, la préoccupation qui doit nous animer, c'est le soutien à la consommation par les salaires. Si vous étiez tout à fait cohérent, votre démarche devrait être de profiter de cette revalorisation pour que le coup de pouce au pouvoir d'achat des salariés les moins bien rémunérés permette de soutenir la consommation. Cela suppose le maintien de l'indexation, soit, d'après un rapide calcul et sous réserve de vérification par les experts, environ 0,8 point supplémentaire par rapport à ce que vous avez prévu, en moyenne, pour les salariés rémunérés au SMIC horaire et par les les GMR. Cette mesure, en encourageant la consommation des ménages les moins fortunés, aurait sans doute constitué un soutien à la consommation plus favorable que celui que vous avez choisi avec la baisse de l'impôt sur le revenu, qui profitera à l'épargne plus qu'à la consommation, comme nous avons déjà eu l'occasion de l'indiquer.
    Je voudrais en profiter, monsieur le ministre, pour revenir sur la question des salaires, car vous êtes très pointilleux sur les déclarations des uns et des autres, vous l'avez montré hier, même si vous êtes parfois moins précis dans vos réponses.
    Hier, vous avez indiqué, en réponse à une question qui vous était posée, je crois, par un membre du groupe des député-e-s communistes et républicains, que le pouvoir d'achat des salariés rémunérés au SMIC avait baissé de 3,6 % entre 1997 et 2002, donc que les salariés au SMIC passés à 35 heures avaient vu leur pouvoir d'achat baisser. Votre langue a dû fourcher : le pouvoir d'achat à peut-être moins augmenté qu'il aurait pu sur cette période, mais il n'a pas baissé. Il y a peut-être eu un gain moindre, mais certainement pas une perte.
    Plus encore, vous avez indiqué que la part des bas salaires avait tendance à augmenter. J'ai regardé les chiffres, très rapidement, pour que ce débat puisse se dérouler sur des bases sérieuses et stables. La part des bas salaires s'est réduite entre 1997 et 2002. En effet, la proportion des salariés qui gagnent à peu près deux tiers du salaire médian, qui est la référence, c'est-à-dire à peu près 5 500 francs par mois, est passée de 14,8 % en 1997 à 12,4 % en 2001. Quant à la part des très bas salaires, c'est-à-dire de ceux qui gagnent la moitié du salaire médian, elle est passée de 6,7 % à 5,4 %. Donc, ne nous faites pas croire pour la facilité de la démonstration - le débat n'aurait alors qu'un sens polémique et strictement politique et certainement pas social - que la mise en place des 35 heures s'est traduite pour l'ensemble des salariés, notamment pour les moins bien rémunérés, par un appauvrissement.
    Qu'il y ait eu pour certains salariés, notamment en raison d'une diminution de leurs heures supplémentaires - j'ai fait référence aux chiffres de la DARES -, une perte de l'ordre de 0,5 à 0,6 point de leur pouvoir d'achat, en fait une moindre augmentation, nous sommes prêts à en discuter. Mais si vous voulez que le débat garde son équilibre et sa raison d'être, n'en profitez pas pour introduire l'idée que la période 1997-2002 aurait finalement été identique aux périodes précédentes, pendant lesquelles le pouvoir d'achat avait diminué.
    D'une certaine manière, la meilleure façon de répondre à cette question et d'éviter la confusion serait sans doute de rétablir l'indexation sur la moitié du pouvoir d'achat du salaire horaire, du salaire mensuel pour les GMR, de sorte que nous puissions donner par les salaires un vrai coup de pouce à la consommation. Cela permettrait de soutenir l'activité économique, comme ce fut le cas au cours des cinq dernières années.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Cet amendement a été rejeté par la commission. Il vise à valoriser les garanties mensuelles de rémunération comme le taux horaire du SMIC en fonction du pouvoir d'achat du salaire mensuel de base. Or nous voyons bien qu'il faut impérativement que les GMR soient valorisées par des coups de pouce différentiels, faute de quoi nous assisterions à une course poursuite éternelle, et nous n'arriverions pas au but ultime, qui est la convergence afin de redonner de l'unicité et de l'équité au dispositif. Au final, le scandale des multi-SMIC, héritage du gouvernement antérieur, perdurerait.
    M. Claude Gaillard. C'est vrai !
    M. Pierre Morange, rapporteur. M. Gorce devrait faire preuve d'un peu plus d'humilité. Ses propos y gagneraient en pertinence et en crédibilité.
    Mme Catherine Génisson. Ce n'est pas le problème !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le pouvoir d'achat des salariés au SMIC passés à 35 heures a baissé de 3,6 % par rapport à ceux qui sont restés à 39 heures.
    M. Patrice Martin-Lalande. C'est évident ! Hélas !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est ce que j'ai indiqué hier à l'Assemblée nationale, c'est ce que tout le monde ressent dans le pays, c'est ce que M. Gremetz a évoqué à plusieurs reprises, et c'est ce que nous sommes en train d'essayer de corriger, car nous ne faisons finalement que réparer les erreurs que vous avez commises.
    M. Patrice Martin-Lalande. Les injustices !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La situation dans laquelle vous avez placé le pays devrait vous inciter à faire preuve de plus de décence, d'honnêteté et de modestie.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Bien sûr !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Parce que, aujourd'hui, nous sommes obligés de corriger vos erreurs.
    M. Bernard Accoyer. Eh oui !
    M. Gaëtan Gorce. Vous préféreriez qu'on ne s'oppose pas ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Avec toutes les conséquences pour l'économie, des à-coups dans la vie des entreprises et un coût considérable pour les finances publiques.
    M. Pierre Hellier. Irresponsables !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. En effet, nous allons devoir, à travers le régime d'allégement que nous mettons en place, compenser, pour une large part, ces augmentations.
    M. Bernard Accoyer. Et le coût pour la protection sociale !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. En agissant de cette manière peu de temps après avoir quitté les responsabilités, vous ne contribuez pas à crédibiliser le débat politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Bernard Accoyer. C'est sûr ! C'est indécent !
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Bernard Accoyer. Monsieur le président, ça peut durer longtemps !
    M. Gaëtan Gorce. Monsieur le ministre, je crains d'être obligé de vous renvoyer l'argument. Depuis hier soir, nous essayons d'avoir un débat sérieux sur ces sujets. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Je ne cherche pas la polémique sur cette question du SMIC, qui est particulièrement sensible.
    M. Bernard Accoyer. Monsieur le président !
    M. Gaëtan Gorce. Mais j'observe que vous saisissez toutes les occasions pour travestir la réalité.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Absolument pas !
    M. Gaëtan Gorce. Je trouve regrettable qu'un ministre de la République utilise ce genre d'arguments - c'est bien la preuve d'ailleurs que votre analyse ne tient pas.
    M. Bernard Accoyer. Quel censeur !
    M. Gaëtan Gorce. Monsieur Accoyer, monsieur le ministre, vous reprochez à l'opposition de faire son travail d'opposition. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Non ! Mais vous oubliez ce que vous avez fait il y a six mois !
    M. Gaëtan Gorce. Nous essayons simplement d'expliquer la situation dans laquelle ce texte va placer les salariés. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Pierre Hellier. Non ! C'est la conséquence des 35 heures !
    M. Gaëtan Gorce. Je le répète, nous sommes prêts à engager un débat équitable, objectif, lucide, sur le bilan du gouvernement précédent Celui-ci qui n'a sans doute pas tout réussi, mais nous verrons le bilan qui sera le vôtre d'ici à quelques mois.
    M. le président. Monsieur Gorce !
    M. Gaëtan Gorce. Je crains en effet qu'il ne faille pas attendre beaucoup plus que quelques mois.
    Vous indiquez 3,6 % de baisse de pouvoir d'achat : il s'agit là d'un écart dans l'augmentation du pouvoir d'achat, et non d'une baisse. Vous avez une façon de triturer les chiffres et les mots qui laisse entendre que vous avez beaucoup à masquer, et beaucoup moins à dire sur la réalité de cette situation. Car le pouvoir d'achat des salariés passés à 35 heures a augmenté, et cette augmentation s'est accompagnée d'une réduction du temps de travail de quatre heures, qui entraîne aussi une augmentation de la valeur de l'heure de travail pour ce qui les concerne. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Bernard Accoyer. Ce n'est pas vrai !
    M. Gaëtan Gorce. Ces éléments méritent d'être rappelés si l'on veut avoir un vrai débat sur le terrain économique et social, et pas seulement un débat politicien dans lequel vous n'arriverez pas à nous enfermer sur cette question qui est trop importante pour l'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Je crois que vous vous êtes largement exprimé.
    M. Bernard Accoyer. Il sait tout sur tout !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 92.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 129.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Perruchot a présenté un amendement, n° 151, ainsi rédigé :
    « I. - Dans deuxième phrase du dernier alinéa du I de l'article 1er, substituer à la date : "1er juillet 2005, la date : "1er juillet 2007.
    « II. - En conséquence, procéder par deux fois à la même substitution dans le deuxième alinéa du II de cet article. »
    La parole est à M. Jean Lassalle, pour défendre cet amendement.
    M. Jean Lassalle. Le dispositif présenté par le Gouvernement tend à corriger les incohérences générées par le second texte relatif à la réduction du temps de travail. A l'époque, l'opposition avait alerté la majorité sur les risques que celui-ci faisait courir à l'unité du SMIC. Chacun peut aujourd'hui constater que ces mises en garde étaient justifiées.
    Le dispositif prévu dans le projet de loi améliorera la situation des salariés, mais la durée de son application doit être allongée. Je propose donc d'étaler l'unification des SMIC sur cinq ans, durée qui me semble plus réaliste si l'on veut permettre aux entreprises, notamment les plus modestes, de passer le cap dans de bonnes conditions.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement, qui vise à porter la période de convergence entre les différentes GMR de trois à cinq ans.
    Le projet de loi prévoit une revalorisation à chaque 1er juillet pendant trois ans, ce qui répond à une double considération : d'abord, l'économie française a la capacité d'absorber cette augmentation du SMIC grâce à la refonte des allégements de cotisations sociales patronales, ensuite, il importe, dans le cadre du dialogue social et face à l'attente des smicards, qui sortent d'une période de gel de leur pouvoir d'achat, d'apporter une réponse très concrète à la situation en augmentant de façon sensible ce pouvoir d'achat afin d'alimenter le moteur de la consommation, et donc le marché intérieur.
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission. Très bien !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur Lassalle, le Gouvernement ne peut pas être favorable à l'amendement que vous venez de défendre, même si cet amendement vient au bon moment démontrer à la partie gauche de l'hémicycle...
    M. Gaëtan Gorce. Quel mépris !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... à quel point le dispositif que nous proposons est le plus audacieux, le plus courageux, le plus rapide et assure le meilleur équilibre entre les intérêts des entreprises et ceux des salariés.
    Il est vrai que la forte augmentation du SMIC aura un certain nombre de conséquences pour les entreprises. J'ai indiqué à plusieurs reprises que le dispositif d'allégements de charges que nous examinerons ultérieurement dans ce débat viendra, pour certaines entreprises, compenser très largement cette augmentation et, pour d'autres, un peu moins. Mais globalement, le compte y sera.
    Prévoir un étalement sur cinq serait condamner les salariés payés au SMIC à une absence de perspective qui ne me semble compatible ni avec la perte de pouvoir d'achat qu'ils ont subie ces dernières années ni avec leur état d'esprit, au coeur de la crise politique et économique que nous venons de traverser.
    M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.
    M. Bernard Accoyer. Je voudrais m'exprimer contre l'amendement, monsieur le président.
    La mesure proposée par M. le ministre et soutenue par M. le rapporteur témoigne d'un effort très important pour mettre un terme à une situation complètement anormale, erratique, inimaginable sur le plan de l'injustice : la multiplicité des SMIC mise en place par le mécanisme infernal des 35 heures obligatoires et généralisées. Il s'agit de la seule solution socialement possible eu égard aux grandes difficultés que l'on a imposées à nos entreprises.
    Le Gouvernement actuel, chargé de réparer la casse, ne pouvait que résoudre le problème par le haut.
    Certes, l'effort pour le budget de l'Etat et pour les entreprises est réel. Mais, monsieur Gorce, chers collègues de l'opposition, vous devez quant à vous mesurer le coût qu'ont représenté pour l'économie française vos décisions inconséquentes. Vous devez aussi mesurer le coût de vos décisions pour les salariés, et notamment la réduction de la progression du pouvoir d'achat que vous avez reconnue vous-même. Vous devez également mesurer les difficultés auxquelles sont désormais confrontées les entreprises pour gérer cette véritable usine à gaz que nous avions, en son temps, dénoncée - sans succès, hélas !
    Il faut donc trouver des moyens qui emportent l'approbation et qui soient reconnus comme positifs. La hausse des plus bas salaires représente un effort considérable, et c'est pourquoi nous comprenons les raisons pour lesquelles l'amendement a été déposé. Mais parce qu'il faut apporter une réponse à une situation qui ne peut plus rester ce qu'elle est, parce qu'il faut que cette réponse soit admise par le plus grand nombre de ceux qui sont concernés par les effets les plus délétères de la loi sur les 35 heures, nous ne pouvons pas accepter d'allonger le délai au-delà de ce qui a été convenu dans le cadre de la préparation du texte par les partenaires sociaux. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour répondre au Gouvernement.
    M. Gaëtan Gorce. J'observe que, dans la majorité, deux points de vue coexistent sur la question de l'harmonisation des SMIC, et ces points de vue ne séparent pas l'UDF de l'UMP.
    Le premier point de vue, exprimé par le ministre, conduit à revendiquer la mesure comme un effort qui serait fait en faveur des salaires. J'ai déjà dit que cet effort nous paraissait sans doute utile, mais qu'il nous semblait modéré.
    M. Bernard Accoyer. Cela vaut mieux que de baisser les salaires, comme vous l'avez fait !
    M. Gaëtan Gorce. Le second point de vue conduit à approuver la mesure à reculons. M. Accoyer et les membres de l'UDF viennent de nous faire la démonstration qu'ils ont cette attitude car il est pour eux très dur d'accepter cet effort sur les salaires et l'harmonisation des SMIC. Leurs arguments avancés reflètent d'ailleurs toutes les contorsions auxquelles ils doivent se livrer. Il est vrai que défendre les salariés et les salaires demandent un peu plus d'habitude et un peu plus d'expérience. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Bernard Accoyer. Les Français ont voté !
    M. Gaëtan Gorce. Nous avons la crainte, monsieur le ministre, monsieur Accoyer, que le dispositif que vous défendez ne se heurte rapidement à bien des résistances. Nous avons noté qu'il se mettra nécessairement en place par étapes, mais les voix que nous entendons au sein de votre majorité, du côté du champ social, du MEDEF ou d'autres, pour faire valoir que c'est trop et trop court, nous font penser que nous pouvons redouter que vous ne deviez remettre en cause, dans les mois qui viennent, les dispositions sur lesquelles vous travaillez.
    Soyez certains que nous serons vigilants car nous considérons qu'il s'agit bien de défendre le SMIC et la revalorisation des salaires. C'est un combat dans lequel nous sommes naturellement fortement engagés, même s'il doit être mené avec celui de l'emploi.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 151.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, n°s 1, 25 et 130.
    L'amendement n° 1 est présenté par Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère ; l'amendement n° 25 est présenté par M. Gremetz, Mme Jacquaint, M. Dutoit, M. Desallangre et les membres du groupe des députés-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 130 est présenté par M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer le II de l'article 1er.»
    La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, je défendrai également l'amendement n° 1 de Mme Billard, qui a dû s'absenter.
    Quant à mon amendement n° 25, il est important puisqu'il renvoie à la discussion que nous avons eue sur le mode de calcul, l'indexation et l'augmentation du SMIC.
    Monsieur le ministre, je rappelle que c'est pour la première fois en 1957 qu'on a modifié ce mode de calcul, pour ne prendre en compte que l'inflation et non l'augmentation du salaire moyen ouvrier. Le SMIC s'appelait alors le SMIG.
    J'ai démontré tout à l'heure qu'il y aurait une baisse du pouvoir d'achat. Vous avez dit que ce serait provisoire, mais je crains beaucoup le provisoire dans ce pays. Surtout, je redoute que des pressions ne s'exercent comme on en voit actuellement s'exercer.
    J'ai toujours en tête le programme du MEDEF qui peut se résumer ainsi : supprimons les « rigidités » ! Et la première « rigidité », c'est le SMIC. Supprimons donc le SMIC ! Autre « rigidité » : la référence à une durée hebdomadaire du travail. Supprimons donc cette référence, et puis tout le reste ! On voit ce que cela donne dans d'autres pays.
    Je ne vois pas l'intérêt de la mesure proposée pour régler la question des multi-SMIC. Elle me semble en revanche présenter beaucoup d'inconvénients, pour l'immédiat et pour l'avenir.
    Je rappelle que la perte de pouvoir d'achat sera immédiatement de 4 %. On affirme que ce sera provisoire, mais ce provisoire risque de durer longtemps.
    Nous ne pouvons donc pas accepter le dispositif qui nous est proposé. Ceux qui sont payés au SMIC, et ils sont nombreux, en mesureront toutes les conséquences.
    C'est pourquoi nous proposons de supprimer le II de l'article 1er par un amendement de salubrité et de clarté, exempt de toute arrière-pensée. Et s'il n'y a pas d'arrière-pensée, cet amendement devrait être accepté. (Sourires.)
    Compte tenu de son importance majeure pour les salariés, je demanderai, sur l'amendement n° 25, un scrutin public.
    M. le président. Veuillez me faire parvenir la délégation de votre président de groupe, monsieur Gremetz.
    La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour défendre l'amendement n° 130.
    M. Gaëtan Gorce. Il s'agit de faire en sorte que le mécanisme d'indexation soit entièrement rétabli.
    Si le Gouvernement avait la volonté de soutenir la revalorisation des salaires en réalisant la convergence, et notamment des plus bas, il aurait pu saisir l'occasion qui lui était fournie en maintenant le mécanisme d'indexation. Le bénéfice pour les salariés aurait été plus rapide, et plus important, dans des proportions qui nous paraissent modérées - de l'ordre de 0,8 % par an - ce qui aurait soutenu la consommation dans une période difficile et permis de concilier les objectifs du salaire et de l'emploi.
    Ainsi que vous l'avez rappelé, monsieur Gremetz, en citant le Président de la République : « La feuille de paie ne doit pas être l'ennemie de l'emploi. » On l'aurait concrètement démonter si l'on avait procédé ainsi.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les trois amendements identiques ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. La commission les a rejetés.
    En supprimant le II de l'article 1er, en supprimant le dispositif de revalorisation du taux horaire du SMIC. Or il est impératif de prévoir des modalités de revalorisation dérogatoires dans la mesure où c'est le seul moyen d'assurer la fameuse convergence et de mettre enfin un terme à l'iniquité du dispositif en vigueur.
    M. Bernard Accoyer. C'est essentiel !
    M. le président. J'indique dès à présent que, sur le vote des amendements identiques n°s 1, 25 et 130, il y aura un scrutin public à la demande du groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Je vais d'ores et déjà faire annoncer le scrutin de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements identiques ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement a le même avis que la commission.
    M. le président. Dans le souci d'éviter toute contestation, nous devons patienter quelques minutes afin que le délai réglementaire entre l'annonce du scrutin public et le scrutin lui-même soit entièrement écoulé.
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais donc mettre aux voix les amendements identiques n°s 1, 25 et 130.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   74
Nombre de suffrages exprimés   74
Majorité absolue   38
Pour l'adoption   15
Contre   59

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    M. Gremetz, Mme Jacquaint, M. Dutoit, M. Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 26, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le dernier alinéa du II de l'article 1er :
    « V. - Le SMIC prévu à l'article L. 141-2 du code du travail est revalorisé de 11,43 % au 1er juillet 2003. »
    La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, j'aimerais que l'on vérifie un point.
    Ma demande de scrutin public ne portait que sur l'amendement n° 25. Personnellement, je ne supporterais pas que la demande de scrutin public d'un autre groupe que le mien sur un amendement déposé par lui soit automatiquement étendue à l'un de mes amendements.
    M. Patrice Martin-Lalande. Gremetz est contre la collectivisation des amendements !
    M. Maxime Gremetz. Que l'on vote sur tous les amendements est une évidence. Mais quand un groupe demande un scrutin public sur son amendement, on n'a pas à l'étendre de façon autoritaire aux autres amendements en discussion.
    Je ne comprends pas cette façon de faire. Mais peut-être allez-vous me donner des explications.
    M. le président. Monsieur Gremetz, l'article 100 de notre règlement précise, en son alinéa 5, que « les amendements présentés par le Gouvernement ou par la commission saisie au fond ont priorité de discussion sur les amendements des députés ayant un objet identique. Dans ce cas, la parole est donnée à tous les auteurs d'amendement et il est procédé à un seul vote sur l'ensemble de ces amendements. »
    M. Maxime Gremetz. On ne parle pas là de scrutin public ! Une demande de scrutin public est une demande particulière. Je trouve que l'on extrapole, mais je me trompe peut-être...
    M. le président. Monsieur Gremetz, j'ai pris bonne note de votre remarque.
    M. Maxime Gremetz. Je n'en fais pas un problème.
    M. le président. Nous y apporterons une réponse soit lors de la séance de nuit, soit demain.
    M. Maxime Gremetz. D'accord !
    M. le président. Pour le moment, voulez-vous bien défendre l'amendement n° 26 ?
    M. Maxime Gremetz. C'est entendu, et je le ferai avec vigueur.
    L'amendement n° 26 vise tout simplement à augmenter le SMIC. (Rires.)
    Nous revenons ainsi à notre volonté initiale car nous sommes des gens pugnaces. Ce n'est pas parce que l'on se trompe une fois que l'on est obligé de se tromper une deuxième, puis une troisième fois. Il faut utiliser toutes les possibilités pour essayer de faire traduire par l'Assemblée nationale les aspirations et les attentes légitimes des salariés les plus mal payés.
    Nous avions déjà défendu un amendement comparable lors de la discussion de la seconde loi relative aux 35 heures.
    Depuis deux ans, nous proposons que le taux horaire du SMIC soit revalorisé de 11,4 %. Ce serait une mesure de justice sociale.
    Nous pensons que cet amendement doit être soutenu vigoureusement et qu'il doit être adopté.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Cet amendement a été rejeté par la commission. En effet, vous l'avez tous compris, cette revalorisation doit s'inscrire dans une procédure marquée par la notion de paliers successifs, étalée sur trois ans. Notre économie ne pourrait absorber 11,4 % de revalorisation en une seule fois.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis que la commission.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Morange, rapporteur, a présenté un amendement, n° 11, ainsi rédigé :
    « Dans la dernière phrase du dernier alinéa du II de l'article 1er, après le mot : "majorée, insérer le mot : "annuellement. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Pierre Morange, rapporteur. Cet amendement vise à renforcer l'engagement pris par le Gouvernement d'augmenter, par coups de pouce successifs, le taux horaire du SMIC. Cela permettra de répondre à certaines questions formulées par les partenaires sociaux et d'assurer une majoration substantielle du pouvoir d'achat des salaires les plus modestes.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Desallangre et les membres du groupe des députés-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 27, ainsi rédigé :
    « Compléter le II de l'article 1er par l'alinéa suivant :
    « Les salariés dont la durée de travail a été réduite à 35 heures ou plus à compter de l'entrée en vigueur de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 relative à la réduction du temps de travail ne peuvent percevoir, depuis la date à laquelle leur temps de travail a été réduit, un salaire inférieur à celui qu'ils percevaient à cette date majoré d'un coefficient égal à celui résultant de la progression du SMIC depuis le 13 juin 1998. »
    La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Avec cet amendement, nous voulons mettre un terme aux accords iniques qui ont prévu un gel des salaires ou une modération salariale au titre du passage aux 35 heures. Certaines entreprises se sont engagées dans un tel processus alors que la réduction du temps de travail s'est traduite par un bénéfice de 3 milliards d'euros pour l'ensemble d'entre elles.
    Par ailleurs, ces accords ont souvent été validés par des organisations syndicales minoritaires ce qui pose le problème de leur légitimité, mais nous y reviendrons, car nous sommes pugnaces.
    Ces clauses de gel ou de modération ont terni la vision progressiste des 35 heures chez certains salariés. Par cet amendement, nous proposons d'y mettre un terme et d'engager le rattrapage salarial qui en découle. Une nouvelle fois, il s'agit d'en finir avec une injustice qui a frappé de nombreux salariés par l'intermédiaire d'un détournement de la loi alors que la largesse des aides octroyées ne donnait aucun fondement à un tel chantage.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. Je laisse à M. Gremetz la responsabilité de l'utilisation de l'adjectif « iniques » concernant les « multi-SMIC » initiés par un gouvernement qu'il a soutenu. Vous l'avez bien compris, dans une économie de marché, ce n'est pas au législateur de fixer les règles de progression des salaires de tous les salariés.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement car, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, nous sommes attachés aux principes de la liberté économique et de la liberté conventionnelle que nous souhaitons d'ailleurs renforcer. Nous vous proposerons d'ailleurs, dans le courant de l'année 2003, de traduire dans la législation certains éléments permettant de renforcer cette liberté conventionnelle. Ce serait envoyer un signal contraire au sens de l'histoire, monsieur Gremetz, que de revenir sur des accords signés par les partenaires sociaux.
    M. le président. La parole et à M. Claude Gaillard, auquel je demande d'être bref.
    M. Claude Gaillard. Reconnaissez, monsieur le président, que ce n'est pas moi qui allonge les débats !
    M. le président. C'est vrai, monsieur Gaillard !
    M. Claude Gaillard. Je suis pourtant le porte-parole de mon groupe.
    Je suis opposé à cet amendement non seulement pour les raisons évoquées par le rapporteur et le ministre, mais aussi en raison de ma propre expérience. Il ne me paraît pas équitable d'aligner l'évolution des salaires sur celle du SMIC. J'ai travaillé dans une entreprise privée qui, en fin de mois, connaissait des difficultés et nous nous sommes toujours attachés à ce que les hauts salaires soient pénalisés dans leur évolution pour que les bas salaires ne le soient pas et soient augmentés davantage. Le principe même de cet amendement est en fait injuste pour les salaires les plus bas dans les conjonctures difficiles. On ne peut vouloir aider un peu les bas salaires et voter un amendement aussi inéquitable puisqu'il aurait pour conséquence de faire connaître la même évolution à tous les salaires alors que l'effort le plus important doit être consenti en faveur des plus bas. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 28, ainsi rédigé :
    « Compléter le II de l'article 1er par l'alinéa suivant :
    « Les barèmes de salaires des accords et conventions collectives ne peuvent comporter de niveaux de rémunérations minima inférieurs au SMIC. »
    La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Dans 70 % des cas, les niveaux de rémunérations minima de branche sont inférieurs au SMIC. C'est complètement injuste et je pense, là, que je vais avoir du renfort à droite de l'hémicycle. Le SMIC étant le salaire minimum, comment peut-on passer des accords de branche comportant des niveaux de rémunérations minima inférieurs ? Les organisations syndicales s'indignent souvent d'une telle situation. Ma proposition est donc claire et précise.
    Auparavant, il n'aurait pas été nécessaire d'inscrire une telle disposition dans le code du travail car, il y a quelques décennies de cela, aucun accord de branche ne prévoyait de rémunération inférieure au SMIC. Mais ce n'est plus le cas. Vous comprendrez que je demande un scrutin public sur un amendement aussi important qui concerne des centaines de milliers de salariés. Ce n'est pas un geste de mauvaise humeur.
    M. le président. Nous avions bien compris, monsieur Gremetz !
    Sur le vote de l'amendement n° 28, il y aura donc un scrutin public à la demande du groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Nous comprenons bien les motivations de cet amendement. Il prend sa source dans l'histoire des conventions collectives qui n'avaient pas intégré les dates d'élaboration des différents SMIC. Ces grilles de salaires comportent en effet parfois des salaires inférieurs au SMIC, mais, dans les faits, aucun salarié ne perçoit une rémunération inférieure au SMIC. Par ailleurs, le respect dû aux partenaires sociaux ne permet pas de leur imposer de négocier.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. L'amendement de M. Gremetz est sympathique, mais son adoption aboutirait à un résultat inverse de celui attendu. En effet, comme vient de le rappeler M. le rapporteur, s'il existe des minima de branches inférieurs au SMIC, et il a raison d'indiquer qu'ils sont nombreux, tous les salariés sont évidemment payés au moins au SMIC. Personne n'est en dessous ! L'application de cet amendement aboutirait en réalité à un écrasement supplémentaire de la hiérarchie des salaires. Ce qu'il faut aujourd'hui, c'est renégocier cette hiérarchie des salaires.
    M. Jean Le Garrec. Là je suis d'accord !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il faut engager une vraie négociation sur les minima sociaux. C'est ce que je demande aux partenaires sociaux de faire. L'adoption de cet amendement n'aurait pas ce résultat, au contraire. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement n'y est pas favorable.
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.
    M. Jean-Pierre Soisson. M. le ministre a raison, mais c'est un vrai problème. Concrètement, l'adoption de l'amendement de M. Gremetz aurait la conséquence qu'il vient d'indiquer. Je suis d'accord avec M. le ministre du travail. J'ai occupé de telles fonctions pendant trois ans. Si, dans la future négociation sociale, vous ne demandez pas aux partenaires sociaux d'établir une hiérarchie des rémunérations différente, nous continuerons à avoir non pas des salaires réels, mais des barèmes des conventions de branche inférieurs au SMIC. Cette situation ne peut pas perdurer.
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz pour une courte intervention.
    M. Maxime Gremetz. N'insistez pas, monsieur le président, c'est moi qui prends le moins de temps. (Rires.)
    M. le président. Si vous le dites, c'est que ça doit être vrai !
    M. Maxime Gremetz. Faites attention, parce que si vous voulez que j'utilise les cinq minutes à chaque fois, je vais le faire !
    M. le président. Non, monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. C'est moi le plus court. Je ne parle pas pour ne rien dire. (Rires.)
    Vous avez raison, monsieur le ministre, dans le sens où il faut renégocier la hiérarchie des salaires, mais l'augmentation des minima sociaux de branche, comme du SMIC d'ailleurs, amènera obligatoirement à renégocier l'ensemble. Je ne suis pas pour l'écrasement de la hiérarchie des salaires. J'ai même déposé des amendements dans lesquels je propose des minima pour chaque catégorie en fonction des qualifications. Adopter une telle disposition serait un signal fort pour le début d'une renégociation de l'ensemble des catégories de la hiérarchie des salaires.
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour une courte intervention avant le scrutin public.
    M. Alain Vidalies. Nous connaissons bien la réponse qui nous a été faite par M. le ministre. Elle a été utilisée sous d'autres gouvernements, mais elle n'est toujours pas satisfaisante car elle trouble complètement les conditions de la négociation collective et l'appréciation que nos concitoyens portent sur l'ensemble de ces questions. Il y a là un grand problème de lisibilité, y compris si vous voulez prendre des initiatives en la matière. Les témoignages qui ont été apportés de part et d'autre dans cette assemblée montrent qu'un effort collectif très important est nécessaire.
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais maintenant mettre aux voix l'amendement n° 28.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même, et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   82
Nombre de suffrages exprimés   82
Majorité absolue   42
Pour l'adoption   17
Contre   65

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 131, ainsi rédigé :
    « Compléter l'article 1er par le paragraphe suivant :
    « III. - Avant le 31 décembre 2005, le Gouvernement après consultation de la Commission nationale de la négociation collective, présentera au Parlement un rapport retraçant l'évolution des rémunérations des salariés bénéficiant du salaire minimum de croissance et des différentes phases d'application du dispositif de convergence prévu à l'article 1er de la présente loi. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Cet amendement vise simplement à rassurer la représentation nationale s'agissant du respect des engagements qui ont été pris. En effet, les revalorisations seront le fait d'arrêtés qui seront pris chaque année à l'initiative du Gouvernement. Nous voudrions avoir la certitude que, dans le libéralisme social de M. Fillon, le côté libéral ne l'emporte pas en permanence sur l'aspect social. L'aspect social essaie de s'exprimer par la revalorisation des salaires, certes modérée, mais l'aspect libéral s'est déjà exprimé d'autres manières. Et pour que l'Assemblée nationale puisse en juger de manière claire, nous voudrions que le gaulliste qu'il y a en M. le ministre puisse se satisfaire, au bout de trois ans, de l'effort qu'il aura accompli et manifestement fait accomplir à sa majorité. Par conséquent, nous souhaitons disposer de tous les éléments de référence et d'information.
    M. Bernard Accoyer. Ils sont tous gaullistes, ma parole !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Cet amendement a été rejeté par la commission. Il n'est pas utile puisque les données relatives à l'évolution des garanties mensuelles de rémunération jusqu'au 1er juillet 2005, et non pas jusqu'au 31 décembre 2005 comme le stipule l'amendement, sont parfaitement connues, transparentes, et d'ailleurs tout simplement l'expression de la loi.
    En effet, à la page 45 du rapport que j'ai eu l'honneur de présenter figure un tableau indiquant année par année les revalorisations des différentes garanties mensuelles de rémunération. Pour les salariés passés à 35 heures entre le 15 juin 1998 et le 30 juin 1999, la GMR 1, par exemple, reste inférieure de 4,9 % à la GMR 5. Au 1er juillet 2003, la GMR 1 sera donc revalorisée en fonction de l'inflation plus le coup de pouce de plus de 1,6 %. Même chose au 1er juillet 2004, même chose au 1er juillet 2005 et, à cette date, la GMR 1 sera égale à la GMR 5 qui sera elle-même égale au SMIC unique. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cet amendement totalement inutile illustre assez bien l'état d'esprit dans lequel se trouve le groupe socialiste dans ce débat puisqu'il s'agit de demander au Gouvernement un rapport sur l'application stricte de la loi. Les augmentations du SMIC ne seront pas à la discrétion du Gouvernement. Elles seront fixées dans le moindre de leur détail par le Parlement.
    M. Gaëtan Gorce. Vous prenez des engagements, il est normal que l'on vous demande de les respecter !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ce n'est pas un engagement du Gouvernement, c'est la loi !
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Soisson.
    M. Jean-Pierre Soisson. M. le ministre a raison. C'est un amendement politique et non technique que rien n'impose puisque la loi précisera les conditions d'évolution du SMIC. Cet amendement est donc tout à fait superfétatoire.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Très bien !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 131.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié par l'amendement n° 11.
    (L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

ORDRE DU JOUR
DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures quinze, troisième séance publique :
    Suite de la discussion du projet de loi, n° 190, relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi :
    M. Pierre Morange, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 231).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
annexes au procès-verbal
de la séance du jeudi 3 octobre 2002
SCRUTIN (n° 11)


sur l'amendement n° 23 de M. Gremetz à l'article 1er du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi (alignement immédiat du montant du salaire des salariés rémunérés au SMIC et effectuant une durée hebdomadaire de travail de 35 heures sur le SMIC en vigueur au 1er juillet 2002).

Nombre de votants

69


Nombre de suffrages exprimés

55


Majorité absolue

28


Pour l'adoption

5


Contre

50

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (364) :
    Contre : 49 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votants : 2. - MM. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale) et Éric Raoult (président de séance).
Groupe socialiste (142) :
    Pour : 2. - MM. Jean-Yves Le Bouillonnec et Patrick Roy.
    Abstentions : 14 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (29) :
    Contre : 1 membre du groupe, présent ou ayant délégué son droit de vote.
Groupe Communistes et républicains (22) :
    Pour : 1 membre du groupe, présent ou ayant délégué son droit de vote.
Non-inscrits (19).
    Pour : 2. - Mme Martine Billard et M. Yves Cochet.

SCRUTIN (n° 12)


sur les amendements n°s 1, 25 et 130 de Mme Billard, de M. Gremetz et de M. Gorce à l'article 1er du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi (suppression de l'article).

Nombre de votants

74


Nombre de suffrages exprimés

74


Majorité absolue

38


Pour l'adoption

15


Contre

59

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (364) :
    Contre : 58 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votants : 2. - MM. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale) et Éric Raoult (président de séance).
Groupe socialiste (142) :
    Pour : 14 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (29) :
    Contre : 1 membre du groupe, présent ou ayant délégué son droit de vote.
Groupe Communistes et républicains (22) :
    Pour : 1 membre du groupe, présent ou ayant délégué son droit de vote.
Non-inscrits (19).

SCRUTIN (n° 13)


sur l'amendement n° 28 de M. Gremetz à l'article 1er du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi (interdiction de fixation de niveaux de rémunération minima inférieurs au SMIC par les barèmes de salaires des accords et conventions collectives).

Nombre de votants

82


Nombre de suffrages exprimés

82


Majorité absolue

42


Pour l'adoption

17


Contre

65

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (364) :
    Contre : 64 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votants : 2. - MM. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale) et Éric Raoult (président de séance).
Groupe socialiste (142) :
    Pour : 16 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (29) :
    Contre : 1 membre du groupe, présent ou ayant délégué son droit de vote.
Groupe Communistes et républicains (22) :
    Pour : 1 membre du groupe, présent ou ayant délégué son droit de vote.
Non-inscrits (19).