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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 9 OCTOBRE 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
3e séance du mardi 8 octobre 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN

1.  Salaires, temps de travail et développement de l'emploi. - Suite de la discussion d'un projet de loi «...».

DISCUSSION DES ARTICLES (suite) «...»
Article 2 (suite) «...»

Amendement n° 93 de Mme Billard : Mme Martine Billard, MM. Pierre Morange, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité ; Gaëtan Gorce. - Rejet.
Amendement n° 159 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements n°s 32 de M. Gremetz, 160 et 161 de M. Gorce : MM. Maxime Gremetz, Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre, Mme Martine Billard. - Rejet, par scrutin, de l'amendement n° 32 ; rejet des amendements n°s 160 et 161.
Amendement n° 33 de M. Gremetz : MM. Maxime Gremetz, le rapporteur, le ministre, Gaëtan Gorce, Daniel Garrigue. - Rejet.
Amendement n° 7 de Mme Billard et amendements identiques n°s 34 de M. Gremetz et 163 de M. Gorce : Mme Martine Billard, MM. Maxime Gremetz, Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet de l'amendement n° 7 ; rejet, par scrutin, des amendements identiques n°s 34 et 163.
Amendement n° 162 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 164 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements n°s 35 de M. Gremetz, 115 et 116 de M. Gorce : MM. Maxime Gremetz, Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre, Alain Vidalies. - Rejets.
Amendements identiques n°s 36 de M. Gremetz et 117 de M. Gorce : MM. Maxime Gremetz, Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre, Gaëtan Gorce. - Rejet.
Amendement n° 37 de M. Gremetz : MM. Maxime Gremetz, le rapporteur, le ministre, Gaëtan Gorce. - Rejet.
Amendement n° 38 de M. Gremetz : MM. Maxime Gremetz, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
M. Maxime Gremetz.

Suspension et reprise de la séance «...»

Amendement n° 118 de M. Gorce : MM. Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre, Maxime Gremetz, Gaëtan Gorce. - Rejet.
Amendements identiques n°s 8 de Mme Billard et 39 de M. Gremetz : Mme Martine Billard, MM. Maxime Gremetz, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements n°s 119, 178 à 190 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre, Alain Vidalies. - Rejet des amendements n°s 119 et 178.
M. Gaëtan Gorce.

Suspension et reprise de la séance «...»

M. le ministre. - Rejet des amendements n°s 179 à 190.
Amendement n° 9 de Mme Billard : Mme Martine Billard, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 120 de M. Gorce : MM. Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 121 de M. Gorce : MM. Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 122 de M. Gorce : MM. Alain Vidalies, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 123 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre, Alain Vidalies. - Rejet.
Amendement n° 124 rectifié de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 40 de M. Gremetz : MM. François Liberti, le rapporteur, le ministre, Maxime Gremetz. - Rejet.
Amendement n° 125 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 2 de Mme Billard : Mme Martine Billard, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements identiques n°s 41 de M. Gremetz et 126 de M. Gorce : MM. Maxime Gremetz, Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 46 de M. Gremetz : MM. Maxime Gremetz, le rapporteur, le ministre, Georges Tron, Alain Vidalies. - Rejet.
Amendements identiques n°s 43 de M. Gremetz et 127 de M. Gorce : MM. Maxime Gremetz, Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre, Alain Vidalies. - Rejet.
Amendement n° 105 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements n°s 169 de M. Morin et 106 de M. Gorce : MM. Nicolas Perruchot, le rapporteur, le ministre, Gaëtan Gorce. - Rejets.
Amendement n° 191 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 192 de M. Gorce : MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 193 de M. Gorce : MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 194 de M. Gorce. - Rejet.
Amendement n° 195 de M. Gorce - Rejet.
Amendement n° 53 de M. Gremetz : MM. François Liberti, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 48 de M. Gremetz : MM. François Liberti, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 47 de M. Gremetz : MM. François Liberti, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 49 de M. Gremetz : MM. François Liberti, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 50 de M. Gremetz : MM. François Liberti, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 51 corrigé de M. Gremetz : MM. François Liberti, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 52 corrigé de M. Gremetz : MM. François Liberti, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 108 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements identiques n°s 42 de M. Gremetz et 109 de M. Gorce : MM. François Liberti, Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre, Alain Vidalies. - Rejet.
Amendement n° 110 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement n° 99 de la commission des affaires culturelles : MM. le rapporteur, le ministre, Alain Vidalies. - Adoption.
Amendement n° 55 de M. Gremetz : MM. François Liberti, le rapporteur, le ministre, Alain Vidalies. - Rejet.
Amendement n° 111 de M. Gorce : MM. Gaëtan Gorce, le rapporteur, le ministre, Mme Martine Billard, M. Alain Vidalies. - Rejet.
Amendements n°s 231 de M. Gaillard et 177 rectifié de M. Perruchot : MM. Claude Gaillard, Nicolas Perruchot, le rapporteur, le ministre, Maxime Gremetz, Gaëtan Gorce. - Retrait de l'amendement n° 231.
M. Nicolas Perruchot. - Rejet, par scrutin, de l'amendement n° 177 rectifié.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
2.  Dépôt d'une proposition de résolution «...».
3.  Dépôt de rapports en application de lois «...».
4.  Dépôt du rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution «...».
5.  Ordre du jour des prochaines séances «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS BAROIN,
vice-président

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

SALAIRES, TEMPS DE TRAVAIL
ET DÉVELOPPEMENT DE L'EMPLOI

Suite de la discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi (n°s 190, 231).

Discussion des articles (suite)

    M. le président. Jeudi soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles et s'est arrêtée à l'amendement n° 93 à l'article 2.

Article 2 (suite)

    M. le président. Je rappelle les termes de l'article 2 :

TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES
AU TEMPS DE TRAVAIL

    « Art. 2. - Le code du travail est ainsi modifié :
    « I. - A l'article L. 212-5 :
    « 1° Les I et II sont abrogés et remplacés par le I suivant :
    « I. - Les heures supplémentaires donnent lieu à une majoration de salaire dont le taux est fixé par un accord de branche étendu. Ce taux ne peut être inférieur à 10 %. A défaut d'accord, chacune des huit premières heures supplémentaires donne lieu à une majoration de 25 %, et les heures suivantes à une majoration de 50 % ; »
    « 2° Le III devient le II ;
    « 3° Au premier alinéa du II, les mots : "au II sont supprimés.
    « II. - A l'article L. 212-5-1 :
    « 1° Le premier alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :
    « Les heures supplémentaires de travail mentionnées à l'article L. 212-5 et effectuées à l'intérieur du contingent conventionnel fixé selon les modalités prévues au deuxième alinéa de l'article L. 212-6 lorsqu'il existe, ou, à défaut, du contingent fixé par le décret prévu au premier alinéa de l'article L. 212-6, ouvrent droit à un repos compensateur obligatoire dont la durée est égale à 50 % du temps de travail accompli en heures supplémentaires au-delà de quarante et une heures dans les entreprises de plus de vingt salariés. »
    « 2° Le troisième alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :
    « Les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent conventionnel fixé selon les modalités prévues au deuxième alinéa de l'article L. 212-6 lorsqu'il existe ou, à défaut, du contingent fixé par le décret prévu au premier alinéa de l'article L. 212-6, ouvrent droit à un repos compensateur obligatoire dont la durée est égale à 50 % de ces heures supplémentaires, pour les entreprises de vingt salariés au plus, et à 100 % pour les entreprises de plus de vingt salariés. »
    « III. - A l'article L. 212-6, le deuxième alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :
    « Le contingent d'heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l'inspecteur du travail peut être fixé, par une convention ou un accord collectif de branche étendu, à un volume supérieur ou inférieur à celui déterminé par le décret prévu au premier alinéa. »
    « IV. - A l'article L. 212-8 :
    « 1° Au premier alinéa :
    « a) dans la première phrase, à la suite des mots : "n'excède pas, la fin de la phrase est supprimée et remplacée par les mots : "un plafond de 1 600 heures ;
    « b) la deuxième phrase est remplacée par les dispositions suivantes :
    « La convention ou l'accord peut fixer un plafond inférieur. » ;
    « 2° Au quatrième alinéa, les mots : "la durée moyenne annuelle calculée sur la base de la durée légale selon la règle définie au premier alinéa et, en tout état de cause, de sont supprimés. Le même alinéa est complété par les mots : "ou d'un plafond inférieur fixé par la convention ou l'accord.
    « V. - A l'article L. 212-9, dans la deuxième phrase du II sont supprimés les mots : "trente-cinq heures en moyenne sur l'année et, en tout état de cause.
    « VI. - A l'article L. 212-15-2, les mots : "occupés selon l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés et pour lesquels la durée du travail peut être prédéterminée sont remplacés par les mots : "dont la nature des fonctions les conduit à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés, sans que nécessairement leurs horaires propres s'identifient exactement ou en permanence à celui-ci.
    « VII. - A l'article L. 212-15-3 :
    « 1° Au deuxième alinéa du II, le mot : "et est remplacé par le mot : "ou ;
    « 2° La quatrième phrase du premier alinéa du III est ainsi rédigée :
    « La convention ou l'accord définit les catégories de cadres concernés dont la nature des fonctions implique une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps. »
    « VIII. - A l'article L. 227-1 :
    « 1° Au premier alinéa, après les mots : "accord d'entreprise ou d'établissement, sont insérés les mots : "n'ayant pas fait l'objet de l'opposition prévue à l'article L. 132-26 ;
    « 2° La première phrase du deuxième alinéa est complétée par les mots : "ou de se constituer une épargne ;
    « 3° Au onzième alinéa, les mots : "les modalités de conversion en temps des primes et indemnités sont remplacés par les mots : "les modalités de valorisation en temps ou en argent des éléments affectés au compte. »
    L'amendement n° 93, présenté par Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère, est ainsi rédigé :
    « Supprimer le II de l'article 2. »
    La parole est à Mme Martine Billard.
    Mme Martine Billard. Le paragraphe II de l'article 2 tend à remplacer la disposition du code du travail relative au repos compensateur jusqu'à présent en vigueur, qui prenait comme référence le contingent réglementaire d'heures supplémenaires. Vous proposez de lui substituer le contingent conventionnel, alors même que plusieurs des conventions de branche déjà signées prévoient des contingents d'heures supplémentaires très nettement supérieurs au contingent réglementaire, et différents d'une branche à l'autre.
    Remplacer le contingent réglementaire par le contingent conventionnel reviendrait à créer des différences très importantes entre les branches, alors que le repos compensateur a justement été instauré pour protéger la santé de tous les travailleurs en leur évitant un trop grand nombre d'heures supplémentaires. Ainsi, non seulement le contingent est porté de 130 à 180 heures, mais vous ouvrez aussi la porte à une renégociation d'accords susceptible d'augmenter encore les contingents conventionnels - certains accords de branche prévoient déjà 190 heures -, comme le demandent certaines fédérations patronales. Il n'y aurait plus aucune limite, plus aucune défense des salariés au travail, alors que, tout le monde le sait, si certaines conditions de travail se sont améliorées, d'autres se sont détériorées, à cause du stress engendré par certains procès de production. Vous seriez responsables de l'aggravation de la santé des salariés et de l'augmentation du nombre d'accidents du travail.
    C'est pourquoi, au nom des députés Verts, je propose la suppression du paragraphe II.
    M. le président. La parole est à M. Pierre Morange, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 93.
    M. Pierre Morange, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. La commission a rejeté cet amendement. Le II de l'article 2, en effet, autorise les partenaires sociaux à fixer un contingent conventionnel supplémentaire. Cette nouvelle responsabilité qui leur est conférée suit le fil rouge de ce projet de loi : consacrer la primauté du dialogue social.
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, pour donner l'avis du Gouvernement.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, comme vient de le dire M. le rapporteur, l'amendement n° 93 remet en cause un aspect essentiel du texte qui vous est soumis : nous voulons simplifier la législtation, mais surtout permettre aux partenaires sociaux de négocier pour l'adapter en fonction des situations, très diverses d'une branche à l'autre. Le Gouvernement est donc défavorable à l'adoption de cet amendement.
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour répondre au Gouvernement.
    M. Gaëtan Gorce. L'amendement n° 93 a pour objet de clarifier un petit peu la situation. Comme M. le ministre vient de le dire, le dispositif dans lequel on veut nous faire entrer est radicalement différent de celui que nous connaissons actuellement. Dans le paragraphe II, il ne s'agit pas seulement de renvoyer à la négociation - c'était déjà possible, nous y reviendrons à propos du paragraphe III - mais de déterminer le moment à partir duquel s'applique le repos compensateur. Cela faisait traditionnellement partie du champ de l'ordre public social, avec une fixation par la loi ou par le décret, puisqu'il s'agit de protéger la santé des travailleurs. Or vous renvoyez à la négociation, en faisant en sorte que le repos compensateur varie selon la situation des branches professionnelles. L'amendement présenté par Mme Billard mérite par conséquent d'être soutenu.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 93.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 159, ainsi rédigé :
    « Supprimer le 1° du II de l'article 2. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. L'amendement n° 159, qui procède du même esprit, souligne une formidable contradiction. Le seuil à partir duquel s'appliquera le repos compensateur pourra varier selon les branches, mais vous essayez aussi d'introduire subrepticement un autre changement, sans avoir consulté le moins du monde les partenaires sociaux : le repos compensateur à 100 % ne s'appliquerait plus dans les entreprises de plus de dix salariés, mais seulement dans celles de plus de vingt salariés. J'observe donc que, sur un sujet aussi sensible que la dynamique de la négociation dans les entreprises, le Gouvernement n'a pas jugé utile de faire jouer à plein la concertation.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. La commission a rejeté l'amendement n° 159, pour les raisons que j'ai développées à propos du précédent. En outre, le seuil des entreprises employant vingt salariés a été retenu par cohérence avec la loi antérieure.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis.
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour répondre à la commission.
    M. Gaëtan Gorce. Je m'attendais un peu à cette référence au dispositif de la loi précédente, mais cela n'a rien à voir avec le sujet dont nous parlons, à savoir le repos compensateur. L'objectif de la loi du 19 janvier 2000 était de distinguer les entreprises de plus ou moins vingt salariés pour définir leur rythme de passage aux 35 heures. Je fais observer que les salariés concernés, dans les entreprises de moins de vingt salariés, vont perdre plusieurs jours de congés, qui leur avaient été attribués sous forme de repos compensateur. Je trouve donc que la réponse de la commission et du Gouvernement, sur un sujet aussi sensible, est un peu courte. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 159.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de trois amendements, n°s 32, 160 et 161, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 32, présenté par M. Gremetz, Mme Jacquaint, M. Dutoit, M. Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, est ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa du 1° du II de l'article 2, substituer aux mots : "conventionnel fixé selon les modalités prévues au deuxième alinéa de l'article L. 212-6 lorsqu'il existe, ou, à défaut, du contingent fixé par le décret prévu au premier alinéa de l'article L. 212-6 les mots : "fixé à 130 heures. »
    L'amendement n° 160, présenté par M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste, est ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa du 1° du II de l'article 2, supprimer le mot : "conventionnel. »
    L'amendement n° 161, présenté par M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste, est ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa du 1° du II de l'article 2, après les mots : "effectuées à l'intérieur du contingent conventionnel fixé, insérer les mots : ", par un accord de branche conclu après l'entrée en vigueur de la loi n°              du                     relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi et. »
    La parole est à M. Maxime Gremetz, pour soutenir l'amendement n° 32.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, je souhaite dans un premier temps vous dire que j'ai pris note, avec satisfaction, des déclarations que vous avez faites au cours des précédentes séances et qui ont été approuvées par le rapporteur. Je vous cite : « Les heures supplémentaires correspondent à un surcroît d'activité. »
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Enfin...
    M. Maxime Gremetz. Si, c'est vous qui l'avez dit ! Je peux vous montrer le compte rendu ! Vous avez dit aussi que les heures supplémentaires « sont destinées à faire face aux à-coups de production, à des imprévus ». Vous confirmez donc le sens de l'ordonnance de 1982 relative aux contingents d'heures supplémentaires, ainsi que l'accord professionnel de 1995 et la jurisprudence constante : les entreprises ne peuvent adopter une durée de travail structurelle supérieure à la durée légale du travail.
    Avec cet amendement, nous visons toutefois à corriger une régression sociale que contient l'article 2 de votre projet. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Bernard Accoyer. Maxime, tout de suite les grands mots !
    M. Maxime Gremetz. Ce n'est peut-être pas votre cas, mais, pour ma part, je suis habitué aux nuits. Si vous voulez prolonger le débat, c'est possible, il n'y a aucun problème. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Alain Marty. D'accord, camarade !
    M. Pierre Morange, rapporteur. Nous sommes prêts !
    M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Pas de problème, je suis disponible !
    M. le président. Poursuivez votre propos, monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. Il ne suffit pas d'affirmer ; il faut démontrer. Cette régression touche aux heures supplémentaires et à leur contingent : vous remettez en cause les acquis de trois manières.
    Premièrement, le repos compensateur n'interviendra qu'au-delà du contingent conventionnel si celui-ci est supérieur au contingent prévu dans le décret. Si la loi est adoptée, cette mesure sera d'application immédiate. Les syndicats qui ont accepté un contingent élevé, compte tenu de ce repos, se font purement et simplement escroquer. Le député qui votera ce texte pourra dire à l'ouvrier boulanger de sa circonscription : « Jusqu'à présent, vous aviez droit à un repos compensateur de 50 % pour toutes les heures effectuées au-delà de 130 heures, mais, dorénavant, grâce à mon vote, c'est terminé. » (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Deuxièmement, en portant par décret le contingent à 180 heures, vous faites sauter 50 heures de repos. Je rappelle qu'un salarié sur dix travaille au-delà de 130 heures ; vous privez ainsi 1,5 million de salariés de leurs droits actuels. Sur ce point aussi, vous devrez des explications aux intéressés.
    Troisièmement, vous faites passer de dix à vingt l'effectif plancher permettant de bénéficier du repos compensateur à 100 %. Il ne s'agit pas d'une mesure d'assouplissement, puisque l'on peut déjà, par un accord de branche, augmenter le contingent réglementaire, mais de la remise en cause d'un droit acquis toujours maintenu jusqu'à aujourd'hui.
    Nous refusons la mise en cause du droit au repos, et c'est pourquoi nous présentons des amendements maintenant explicitement à 130 heures le seuil à partir duquel se déclenche le repos compensateur de 100 % dans les entreprises de plus de dix salariés et de 50 % dans les autres. C'est d'autant plus justifié que personne n'est capable d'expliquer par quel mécanisme la suppression du droit au repos créerait des emplois, comme vous le prétendez. Bien au contraire, plus les heures supplémentaires sont nombreuses, plus on les encourage, moins il est nécessaire d'embaucher des salariés pour les travaux supplémentaires. Cela tombe sous le bon sens pour quiconque en a un minimum.
    L'amendement n° 32 est donc très important et nous demandons par conséquent un vote par scrutin public.
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour défendre les amendements n°s 160 et 161.
    M. Gaëtan Gorce. Ces deux amendements sont un petit peu différents.
    L'amendement n° 160 insiste sur le fait que ce sujet ne relèvera plus de l'ordre public social, du domaine réglementaire, mais de la négociation. La fixation du contingent d'heures supplémentaires au-delà de 130 heures par la négociation - j'insiste encore une fois sur ce point, et ce n'est pas la dernière - a toujours été possible, en tout cas depuis 1982, en vertu d'un texte réglementaire qui reprenait les éléments d'un accord signé entre les partenaires sociaux. Vous prétendez qu'il s'agit de libérer les heures supplémentaires alors qu'elles étaient déjà autorisées dans la limite de 130 heures et même au-delà de 130 heures, indépendamment de la référence légale aux 35 heures. En réalité, vous ne voulez pas simplement libérer la négociation, mais libérer les heures supplémentaires du repos compensateur qui s'appliquait jusqu'à présent, et nous considérons qu'il s'agit là d'une disposition grave, source d'inégalité entre les salariés selon les branches, sans compter qu'elle remet en cause toute une série de situations que Maxime Gremetz a clairement décrites. Il est donc évident qu'il faut maintenir ce sujet dans le domaine de l'ordre public social.
    L'amendement n° 161, monsieur le président, est un tout petit peu différent, puisqu'il fait référence à la nature des engagements obtenus par les organisations syndicales. Je préférerais donc le défendre après avoir entendu l'avis du rapporteur et du ministre sur l'amendement n° 160, ainsi que sur celui de M. Gremetz.
    M. le président. Les trois amendements sont soumis à une discussion commune. Vous avez la parole pour défendre l'amendement n° 161, monsieur Gorce, conformément au règlement.
    M. Gaëtan Gorce. D'accord, puisque vous insistez.
    M. Bernard Accoyer. Il nous fait l'honneur d'y consentir, monsieur le président...
    M. Gaëtan Gorce. Je n'ai pas bien entendu ce qu'a dit M. Accoyer. Je suis désolé de ne pas pouvoir répondre à toutes ses interruptions, qui sont fréquentes, toujours passionnantes et qui mériteraient que je puisse en connaître toute la teneur. S'il voulait bien éviter de nous couper la parole et s'exprimer directement sur l'article, le débat serait plus serein. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Guy Geoffroy. Quel dédain !
    Mme Nadine Morano. Il dérape !
    M. le président. Vous avez la parole pour défendre l'amendement n° 161, monsieur Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Merci, monsieur le président. Mais j'espère que M. le ministre s'expliquera au fil du débat, en particulier sur l'article 12, puisqu'un amendement prévoit la validation des clauses des accords de branche intervenus antérieurement à la loi et comportant des dispositions auxquelles celle-ci donnera un caractère légal. Quid du contingent d'heures supplémentaires et surtout quid du repos compensateur ?
    Autrement dit, nous craignons de voir détournée la négociation sociale qui s'est développée grâce aux 35 heures dans la quasi-totalité des branches, en tout cas les plus importantes ; plus qu'une crainte, c'est d'ailleurs malheureusement un constat, à moins que M. le ministre ne nous démontre que ce n'est pas l'intention du Gouvernement. Dans beaucoup de ces branches, plus de la moitié d'entre elles, si je ne me trompe, il a été fixé un contingent d'heures supplémentaires supérieur au contingent légal. Mais, dans l'esprit du négociateur, ce contingent devait être pris indépendamment de l'autorisation à demander à l'inspecteur du travail et non pas indépendamment des règles s'appliquant au repos compensateur. Si l'on cherche à nous faire valider, directement ou indirectement - nous y reviendrons à l'article 12 - les accords de branche ne comportant pas cette intention des négociateurs, cela reviendra, d'une certaine manière, à un détournement de la loi, mais surtout à un détournement de la volonté contractuelle exprimée par ceux qui ont conclu les accords.
    Pour se prémunir contre un tel risque, nous proposons que la référence, s'agissant de repos compensateur, soit bien celle qui a été prise en compte par les négociateurs au moment où ils ont conclu l'accord, c'est-à-dire un déclenchement à 130 heures. Sinon, l'ensemble des accords doivent être renégociés pour que soit vérifiée leur position. Mais je doute qu'ils acceptent de remettre en question un avantage obtenu pour les salariés, non pas par soutien idéologique ou dogmatique aux 35 heures,...
    M. Guy Geoffroy. Non, cela se saurait !
    M. Gaëtan Gorce. ... mais pour assurer le repos des salariés.
    M. le président. J'indique à l'Assemblée que, sur le vote de l'amendement n° 32, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. La commission les a rejetés.
    La proposition contenue dans l'amendement n° 32 ne relève pas du domaine législatif mais du domaine réglementaire. Nous le savons, le futur décret prévoyant 180 heures par an correspond tout simplement à la nécessaire souplesse des entreprises et à la demande instante des salariés les plus modestes, qui souhaitent une augmentation de leur pouvoir d'achat.
    L'amendement n° 160 ne s'inscrit pas dans l'esprit de la loi, puisqu'il vise, de fait, à enlever aux partenaires sociaux la possibilité de fixer un contingent conventionnel. La loi Aubry, faut-il le rappeler, n'avait d'ailleurs pas remis en cause les dispositions de l'article L. 212-6, qui permet depuis longtemps de fixer par convention un volume d'heures supérieur ou inférieur au contingent réglementaire. Cet amendement va donc à l'encontre du dialogue social.
    Quant à l'amendement n° 161, il nous renvoie à un amendement que j'ai déposé après l'article 12, qui a précisément pour vocation de sécuriser juridiquement ces accords.
    M. Gaëtan Gorce. C'est un peu court.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. M. Gremetz est trop attentif à nos débats, trop compétent et trop bien conseillé pour ne pas savoir qu'à deux reprises j'ai rappelé la définition des heures supplémentaires, celle de l'article L. 212-5 du code du travail. Cette définition, qui date d'avant la Seconde Guerre mondiale mais qui a été validée par la loi du 19 janvier 2000, indique que les heures supplémentaires sont les heures effectuées au-delà de la durée hebdomadaire du travail fixée par la loi.
    L'amendement de M. Gremetz vise, et chacun comprend bien son objectif, à inscrire dans la loi le contingent actuel d'heures supplémentaires. D'une part, le Gouvernement ne souhaite pas inscrire ce contingent dans la loi parce qu'il souhaite que les partenaires sociaux puissent en débattre. Je note d'ailleurs qu'il ne figurait pas non plus dans la loi précédente puisqu'il est de nature réglementaire, ce qui, à l'époque, n'avait pas causé de difficulté à M. Gremetz. D'autre part, notre souci n'est pas de maintenir le contingent à 130 heures mais de donner la possibilité aux partenaires sociaux, s'ils le souhaitent, d'aller au-delà. Donc, le Gouvernement n'est pas favorable à l'amendement n° 32.
    L'amendement n° 160 de M. Gorce vise à revenir sur la simplification souhaitée par le Gouvernement en matière de contingent d'heure supplémentaires. J'ai déjà dit mon souhait de simplifier la législation et d'élargir le champ de la négociation laissé aux partenaires sociaux en renvoyant dans sa totalité la définition du contingent à la négociation de branche. Je ne suis donc pas favorable à cet amendement.
    Enfin, l'amendement n° 161 vise à limiter la portée nouvelle du contingent conventionnel aux accords postérieurs à la présente loi. S'agissant des accords précédemment conclus, le Gouvernement entend respecter pleinement la volonté des partenaires sociaux. Cette volonté a été mise à mal par des dispositions à la fois complexes et changeantes, dont celles relatives au repos compensateur. Il ne s'agit donc pas de considérer les accords précédents comme illégaux à la date à laquelle ils ont été signés, mais de leur donner l'effet qu'ont voulu leur donner les parties signataires à l'origine. Par conséquent, le Gouvernement n'est pas favorable non plus à cet amendement.
    M. le président. La parole est à M.  Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Il est exact, monsieur le ministre, que vous avez cité par deux fois le code du travail. Mais vous n'en êtes pas resté là et il y a le compte rendu intégral qui, comme son nom l'indique, reprend exactement ce que nous avons dit. Connaissant votre bonne foi, je sais bien que vous ne voudriez pas le contester. Je suppose donc que vous avez eu un oubli, une perte de mémoire, car vous avez effectivement dit que les heures supplémentaires « correspondent à un surcroît d'activité » ou encore qu'elles « sont destinées à faire face aux à-coups de la production, à des imprévus ». J'ai demandé que l'on me communique ces textes et je les lirai tout à l'heure in extenso, mais je suis sûr que vous reconnaîtrez, dès à présent, que j'avais raison.
    Par ailleurs, pourquoi n'était-il pas utile auparavant d'inscrire le contingent dans la loi ? Parce qu'il n'y avait pas de projet de décret visant à le porter à 180 heures. Notre seul moyen d'éviter ce décret est d'inscrire les 130 heures dans la loi.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je n'ai pas voulu insinuer à l'instant que M. Gremetz aurait menti ou mal lu mes propos. Mais il y a une différence entre une définition de ce que peuvent être les heures supplémentaires dans la bouche du minstre chargé du travail et la définition qui figure dans le code du travail, la seule que M. Gremetz doive prendre en compte, la seule qui ait du sens. (Sourires.)
    M. Maxime Gremetz. Je prends acte que vous reconnaissez être allé au-delà du code du travail.
    M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.
    Mme Martine Billard. Monsieur le ministre, je reviens à votre réponse sur l'amendement n° 161 relatif au respect des accords signés. M. Gorce a bien expliqué que les accords conclus entre les syndicats de salariés et les syndicats patronaux l'avaient été sur la base de l'attribution d'un repos compensateur au-delà du contingent réglementaire. Ne plus faire référence au contingent réglementaire mais au contingent conventionnel, c'est donc remettre en cause les accords qui ont été passés. J'aimerais que vous nous expliquiez plus précisément les conséquences de cette modification sur les accords existants.
    M. le président. Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais maintenant mettre aux voix l'amendement n° 32.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   92
Nombre de suffrages exprimés   92
Majorité absolue   47
Pour l'adoption   24
Contre   68

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    Je mets aux voix l'amendement n° 160.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 161.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 33, ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa du 1° du II de l'article 2, substituer aux mots : "quarante et une les mots : "trente-neuf. »
    La parole est à M. M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Cet amendement vise à maintenir la cohérence de la législation afin d'assurer la véritable application du temps de travail à 35 heures hebdomadaires. Le déclenchement de la majoration à 50 % des heures supplémentaires se fait au-delà de la quatrième heure supplémentaire effectuée par le salarié. Ainsi, pour un salarié passé à 35 heures, la majoration doit intervenir au-delà de la trente-neuvième heure et non pas de la quarante et unième heure. C'est pourquoi nous proposons que le repos compensateur obligatoire dont la durée est égale à 50 % du temps de travail accompli en heures supplémentaires intervienne au-delà de la trente-neuvième heure.
    En commission, vous avez indiqué, monsieur le ministre, que cette disposition du projet de loi ne modifiait en rien les règles actuelles. Certes, mais rien ne nous empêche de faire évoluer la législation. C'est d'ailleurs ce que vous êtes en train de faire, et plutôt dans le mauvais sens. Notre démarche, à nous, est de contribuer à faire progresser la loi dans l'intérêt des salariés, des précaires et des privés d'emploi, pour consolider la croissance et l'efficacité économique de nos entreprises. Par souci de justice sociale et dans l'intérêt de l'emploi, nous vous proposons l'adoption de cet amendement qui va dans le sens du progrès.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement dont l'objet est de relancer le débat sur les 35 heures. Le seuil de calcul pour le repos compensateur est fixé au-delà de la quarante et unième heure depuis la loi du 13 juin 1998, que le projet de loi de François Fillon ne modifie pas en l'occurrence.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur Gremetz, cet amendement va dans le mauvais sens puisqu'il vise à annuler les effets bénéfiques dont nous souhaitons faire profiter les entreprises grâce à ce projet de loi. Le Gouvernement y est donc défavorable.
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Monsieur le ministre, vous venez de dire que vous attendiez de ce texte des effets bénéfiques. Je renonce, au moins pour l'instant, à débattre avec vous des effets des 35 heures sur l'emploi. En revanche, je vous pose pour la sixième ou septième fois deux questions auxquelles je ne désespère pas d'obtenir une réponse. Quels effets sur l'emploi attendez-vous du démantèlement des 35 heures ? Quels effets sur l'emploi attendez-vous du nouvel allégement de charges que vous mettez en place ? Je rappelle que l'Etat va engager plus de 100 milliards de francs, soit 15 milliards d'euros, à ce titre, sans que nous sachions ce que vous en escomptez.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je ne résiste pas à l'envie de répondre à M. Gorce pour lui répéter ce que je lui dis depuis plusieurs jours : lorsqu'on a gouverné la France pendant cinq ans, qu'on a mis en oeuvre une loi aussi révolutionnaire que celle des 35 heures avec un coût aussi élevé, qu'on a eu recours aussi lourdement aux emplois aidés dans le secteur public pour faire baisser le chômage et qu'on se trouve finalement au douzième rang des pays de l'Union européenne en matière de performance sur l'emploi, on devrait se poser des questions sur l'efficacité des politiques qu'on a conduites. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Nous, nous sommes interrogés et, répondant à l'avis quasi unanime des responsables des entreprises et de tous ceux qui analysent la situation de l'économie française, en France et à l'extérieur, nous souhaitons simplement donner un peu plus de liberté à nos entreprises pour qu'elles puissent plus facilement créer de l'emploi et répondre à la demande, et pour que le site France soit plus attractif pour les investisseurs étrangers.
    C'est ma réponse à la question de M. Gorce ; c'est celle que je lui referai chaque fois qu'il me la reposera. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Gaëtan Gorce. Vous ne répondez toujours pas !
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Je vois bien, monsieur le ministre, que vous élargissez le propos, mais vous ne nous convaincrez pas comme cela. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme Nadine Morano. C'est réciproque !
    M. Maxime Gremetz. Mes chers collègues, je n'essaie pas de vous convaincre : ce sont les salariés qui jugeront, dans vos circonscriptions et dans la mienne.
    Mme Nadine Morano. Vous feriez mieux d'aller sur le terrain !
    M. André Chassaigne. Vous, c'est la voix du MEDEF, pas la voix du terrain !
    M. Maxime Gremetz. Vous ne me convaincrez pas, monsieur le ministre, que rallonger les heures supplémentaires, c'est donner de la souplesse, parce que, en réalité, c'est lutter contre l'emploi. Je le sais car je connais les entreprises. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme Nadine Morano. On ne dirait pas !
    M. Maxime Gremetz. Mais oui, et laissez-moi vous rappeler une vérité à ce sujet : il n'y a dans cet hémicycle, même quand il est plein, que deux ouvriers pour représenter les 6 millions d'ouvriers de notre pays, et tous les deux sont au groupe communiste. Ce n'est pas un hasard et vous voyez que nous connaissons bien les entreprises.
    Mme Nadine Morano. Nous aussi.
    M. Maxime Gremetz. Oui, mais différemment : du côté des patrons. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Ne vous énervez pas tout de suite ! Vous partez trop vite, à mon avis, et vous allez vous fatiguer rapidement parce que vous n'êtes pas habitués à travailler à la chaîne ni à faire les trois-huit ! Nous, on a l'habitude.
    M. Alain Marty. Les kolkhozes, ça marche bien !
    M. le président. Poursuivez, monsieur Gremetz, et ne répondez pas à toutes les interruptions car, au bout du compte, vous n'aurez que vos cinq minutes.
    M. Maxime Gremetz. J'attends bien de vous, monsieur le président, que vous décomptiez le temps des interruptions.
    Les heures supplémentaires, disais-je, jouent contre l'emploi. C'est d'autant plus vrai que les exonérations de cotisations patronales ne sont plus conditionnées, dorénavant, à la réduction du temps de travail et à la création d'emplois. Maintenant, on donne tout pour rien !
    Mais voulez-vous que je vous donne la liste des profits ? (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Elle ne vous intéresse pas, et d'ailleurs vous la connaissez. Mais je vais quand même vous donner un petit exemple pour vous faire réfléchir, pour vous faire prendre la mesure des choses. C'est l'exemple de M. Messier.
    M. Dominique Le Mèner. C'est votre ami, l'ami des 35 heures !
    M. Maxime Gremetz. Lui n'a pas besoin de faire des heures supplémentaires, car son salaire était de 5 millions de francs par mois, 863 fois le SMIC ! Mais ces pauvres salariés, on leur fait faire des heures supplémentaires pour gagner un peu plus !
    M. Alain Marty. C'est le résultat de cinq années de socialisme, camarade !
    M. Maxime Gremetz. Cela vous gêne que l'on vous parle des profits. Mais c'est normal, vous représentez les patrons !
    M. Alain Marty. C'est à cause de votre gestion que les patrons gagnent davantage et pas les ouvriers ! Nous, on veut faire gagner plus aux ouvriers !
    M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !
    M. Maxime Gremetz. Oh ! J'ai d'autres noms à citer, Mme Bettencourt, par exemple.
    M. Hervé Novelli. Ah ! Liliane !
    M. Jean-Jacques Descamps. Et Doumeng ?
    M. Maxime Gremetz. Des salaires comme celui-là, ou des profits, je vous en réserve pour toute la nuit. Je vous en donnerai un de temps en temps, toujours pour vous aider à réfléchir. Parce qu'on ne peut pas parler avec vous des salariés payés au SMIC. Vous aurez bien de la difficulté à me répondre, si je vous demande à combien est le SMIC !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Lequel ?
    M. Maxime Gremetz. N'esquivez pas la question : je parle du SMIC mensuel, que l'on peut toujours comparer avec quelques profits.
    Alors, monsieur le ministre, quand vous dites que notre amendement va dans le mauvais sens, moi, je dis que c'est le Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mme Nadine Morano. Non !
    M. Maxime Gremetz. Quand vous prétendez soutenir la croissance et relancer l'emploi, je dis que nous sommes dans une période où le chômage reprend.
    M. Bernard Brochand. La faute à qui ?
    M. Maxime Gremetz. Vous devriez réfléchir à ces contradictions.
    M. le président. Merci, monsieur Gremetz...
    M. Maxime Gremetz. J'arrête là, monsieur le président, mais je réserve quelques fiches pour la suite du débat.
    M. le président. Personne n'en doute.
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Enfin une réponse, monsieur le ministre, mais qui s'est arrêtée très vite ! Vous vous en êtes tenu à une déclaration de principe, en faisant référence à la situation de la France par rapport à ses partenaires.
    M. le président. Monsieur le député...
    M. Gaëtan Gorce. Ne vous irritez pas, monsieur le président. L'opposition joue son rôle. Elle pose des questions. C'est tout ce qu'elle peut faire !
    Vous dites, monsieur le ministre, que la France est au douzième rang en Europe sur le terrain de l'emploi. Mais je rappelle qu'elle a vu baisser son chômage plus vite que le reste de la zone euro et de l'Union européenne pendant les cinq années précédentes. Et je suis sûr que vous pousserez votre honnêteté intellectuelle, qui est grande, jusqu'à nous dire quelle était sa position en 1997 et même jusqu'à nous confier ce que vous attendez de votre loi et de vos allégements en nombre de créations d'emplois. Dans une grande déclaration, vous avez fait, l'autre jour, référence à un article de chercheurs de l'INSEE évaluant à 400 000 le nombre d'emplois que les allégements de cotisations décidés par M. Juppé auraient pu créer. Comme ceux que vous-même proposez sont encore bien plus importants, ce n'est pas 400 000 emplois que vous devriez espérer, mais beaucoup plus.
    Si j'insiste sur ce point, monsieur le ministre, ce n'est pas par fétichisme des chiffres, encore qu'il serait intéressant de savoir quels objectifs vous vous fixez, c'est parce que votre loi va jouer contre l'emploi et que nous voulons prendre date. Augmenter les contingents d'heures supplémentaires, c'est jouer contre l'emploi. C'est finalement créer des chômeurs. Vous supprimez les emplois Aubry pour créer des chômeurs Raffarin ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.
    M. Daniel Garrigue. M. Gorce ne cesse de nous répéter la même chose. Il ne comprend décidément pas ce que lui explique M. le ministre.
    M. Gaëtan Gorce. Ce n'est pas très clair !
    M. Daniel Garrigue. Ce qu'il ne comprend pas, c'est que l'emploi dépend d'abord de la croissance.
    M. Jean-Jacques Descamps. Voilà !
    M. Daniel Garrigue. C'est la première réalité. Si l'emploi s'est amélioré entre 1997 et 2001, c'est parce que la croissance était revenue.
    M. Pierre Goldberg. Et la croissance dépend de quoi ?
    M. Maxime Gremetz. Elle ne tombe pas du ciel la croissance !
    M. Daniel Garrigue. Ce qui freine la croissance, c'est le poids des charges sociales. (« Non ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Plus les charges sociales sont élevées, plus la croissance ralentit et plus les entreprises sont dissuadées de procéder à des embauches supplémentaires. Les allégements de charges sociales, au contraire, facilitent les embauches, ce qui aboutit soit à atténuer les effets du ralentissement de la croissance, soit à accélérer celle-ci.
    Les heures supplémentaires, contrairement à ce que vous dites, monsieur Gorce, n'ont pas d'effet négatif sur l'emploi.
    M. Maxime Gremetz. Ah !
    M. Daniel Garrigue. Lorsque vous instituez des dispositions qui emprisonnent le travail dans des règles trop complexes, que provoquez-vous chez les chefs d'entreprises ? Des réflexes d'attentisme, de méfiance : ils attendent de voir ce qui va se passer et n'embauchent pas. Si en revanche vous leur autorisez un recours plus faciles aux heures supplémentaires, il est vrai que dans un premier temps ils vont saisir cette occasion et ne pas embaucher. Mais cela va leur permettre de voir venir, ils se placent ainsi dans une perspective dynamique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Mais ensuite, quand la croissance sera de retour, ils recruteront à nouveau.
    M. André Chassaigne. C'est risible !
    M. Daniel Garrigue. Voilà comment cela fonctionne dans la réalité, monsieur Gorce. Ce qui s'est passé au cours des dernières années le confirme. La preuve : à partir du moment où la croissance a connu un ralentissement, le chômage est aussitôt réapparu, malgré les 35 heures. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de trois amendements n°s 7, 34 et 163, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 7, présenté par Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère, est ainsi rédigé :
    « I. - A la fin du dernier alinéa du 1° du II de l'article 2, substituer au nombre : "vingt le nombre : "dix.
    « II. - En conséquence, procéder par deux fois à la même substitution dans le dernier alinéa du 2° du II de cet article. »
    Les amendements n°s 34 et 163 sont identiques.
    L'amendement n° 34 est présenté par M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM Dutoit, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 163 est présenté par M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Dans le dernier alinéa du 1° du II de l'article 2, substituer au nombre : "vingt le nombre : "dix. »
    La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 7.
    Mme Martine Billard. Le 1° du II de l'article 2 conduit à porter à vingt salariés le seuil de déclenchement du repos compensateur. Je suppose que vous appellerez simplification et mise en cohérence cette façon de relever systématiquement tous les seuils à vingt. Mais il convient de se demander si cela ne va pas jouer contre l'emploi.
    Les entreprises seront en effet confrontées à ce seuil en de nombreuses occasions : il concerne le repos compensateur, les heures supplémentaires, les délégués du personnel, etc. La possibilité d'embaucher un vingt et unième salarié deviendrait ainsi tellement difficile à atteindre, le nombre de modifications déclenchées par ce seuil sera si élevé, que l'on peut craindre que les entreprises n'y renoncent.
    L'intérêt de maintenir le seuil à dix, outre que plus de salariés auraient accès au repos compensateur et à des heures supplémentaires rémunérées à des taux plus intéressants, est de maintenir plusieurs paliers, plus doux à franchir pour les petites entreprises, qui ne se trouveraient pas face au mur infranchissable que constitue le seuil de vingt salariés.
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour soutenir l'amendement n° 34.
    M. Maxime Gremetz. Cet amendement tend à maintenir la législation actuelle, selon laquelle les entreprises de moins de dix salariés voient leurs heures supplémentaires plafonner à 10 %. Certes, nous avions critiqué - et voté contre - une telle dérogation au régime général de majoration des heures supplémentaires. Nous craignions aussi, et nous vous l'avons dit à plusieurs reprises, que le provisoire ne dure longtemps, comme c'est toujours le cas en France. La preuve, vous dites vouloir proroger cette disposition, pourtant néfaste et injuste.
    Toutefois, nous avions mesuré l'attention toute particulière qu'il convenait de porter aux petites entreprises.
    M. Hervé Novelli. Très bonne idée !
    M. Maxime Gremetz. Mais si cette dérogation se justifiait à peine pour les entreprises de moins de dix salariés, son extension aux entreprises de moins de vingt salariés est encore plus discutable. Les personnes concernées, qui connaissaient une majoration des heures supplémentaires de 25 % puis de 50 %, passeront à une majoration de 10 %. Alors, quand vous nous dites qu'en faisant des heures supplémentaires ils gagneront plus, je vous réponds non : certains gagneront 1 % de plus et d'autres gagneront moins.
    M. François Liberti. Tout à fait !
    M. Maxime Gremetz. Voilà la réalité. Et vous ne pouvez pas la discuter. C'est un coup terrible porté à leur pouvoir d'achat et un cadeau en or pour le patronat.
    On pourrait résumer ainsi votre politique : c'est la politique d'augmentation des contingents. Je rappelle que les contrats jeunes entreprise devaient, au départ, concerner les entreprises allant jusqu'à 200 salariés. Puis, d'un seul coup, le seuil a été porté à 1 000 salariés, c'est-à-dire que tout le monde en profite.
    Un député du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Surtout les jeunes !
    Mme Nadine Morano. C'est bien !
    M. Maxime Gremetz. Là, c'est pareil. De dix on passe à vingt. Il s'agit d'offrir des cadeaux supplémentaires aux entreprises.
    Parce que vous ne pouvez pas les plaindre, les entreprises. Je vous rappelle que le ministre va encore augmenter de 6 milliards d'euros les exonérations de charges patronales. Ils ne sont pas à plaindre, vos patrons !
    J'ai dit à M. Seillière, lors d'une audition publique de la commission : « Vous vous plaignez tout le temps, mais donnez-moi les chiffres ! Moi, je les connais. » il m'a répondu : « Je vous fais confiance. »
    Déjà, à l'époque du précédent gouvernement, on avait parlé de supprimer la ristourne Juppé. Or non seulement on ne l'a pas supprimée, mais on l'a portée de 1,3 à 1,8 fois le SMIC. On n'a jamais connu autant d'exonérations de charges patronales.
    M. Hervé Novelli. Sous la gauche !
    M. Bernard Accoyer. Et c'est très bien !
    M. Maxime Gremetz. Aujourd'hui, on en rajoute encore. Mais où va-t-on aller ? Pendant ce temps-là, vous nous parlez de la croissance. Mais ces exonérations de cotisations patronales, elles vont où ? Vers la croissance ? L'achat ? Le service ? Non. Elles vont à la spéculation financière. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Le Premier ministre l'a dit lui-même - vous n'allez pas le déjuger - : la croissance, aujourd'hui, n'est soutenue que par la consommation des ménages. Mais pour que les ménages consomment, il faut évidemment qu'ils bénéficient de salaires satisfaisants. Or, comme M. le ministre de l'emploi l'a indiqué - je crois que c'était dimanche soir -, nous avons un vrai problème de bas salaires en France. (« Absolument ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    C'est donc un cercle vicieux. Voilà pourquoi cette mesure est incompréhensible. Si vous voulez prendre la responsabilité que des salariés voient leurs heures supplémentaires majorées de seulement 10 %, prenez-la ! Nous allons demander un scrutin public. C'est trop important. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Jacques Descamps. Les bas salaires aussi !
    M. Alain Marty. M. le ministre va vous expliquer !
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour défendre l'amendement n° 163.
    M. Gaëtan Gorce. Je souhaite seulement poser à M. le ministre deux questions concernant l'élévation du seuil de déclenchement du repos compensateur.
    Premièrement, puisqu'il s'agit de mettre les différents seuils en cohérence, et si un seuil de vingt vous paraît si intéressant, va-t-il s'appliquer à d'autres dispositions du code du travail ? Est-ce que, par exemple, on va faire passer de dix à vingt salariés le seuil à partir duquel on peut élire des délégués du personnel ? Après tout, si cohérence il doit y avoir, autant l'appliquer dans tous les domaines.
    Deuxièmement, puisque vous attachez tant d'importance à cette disposition, pourquoi ne l'avez-vous pas soumise à la consultation des partenaires sociaux ? Autrement dit, pourquoi l'ont-ils découverte au dernier moment ? Notre objectif n'étant pas d'allonger le débat, mais de le préciser, je vous épargnerai toutes les citations, mais j'ai le sentiment qu'ils vivent assez mal cette situation, et à juste titre, dans la mesure où les salariés concernés vont être privés d'une partie du droit au repos compensateur dont ils bénéficiaient.
    Quand nous disons que ce texte est très en retrait sur le plan social - je dirai pas antisocial pour ne pas caricaturer, mais on n'en est pas loin -, un tel exemple ne peut que nous conforter dans cette opinion : il est malheureusement frappant.
    M. le président. Avant de donner la parole à la commission, j'indique à l'Assemblée que sur les amendements identiques n°s 34 et 163, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    Quel est l'avis de la commission sur les trois amendements en discussion ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. La commission a rejeté ces trois amendements, qui ont pour seule vocation de maintenir la situation antérieure. Or le projet de loi, tout en étant cohérent avec la législation actuelle, cherche à allier efficacité et solidarité...
    M. Gaëtan Gorce. On attend les résultats.
    M. Pierre Morange, rapporteur. ... dans l'objectif de favoriser la croissance et la production de richesses afin de mieux les redistribuer, et non pas répartir la pénurie, comme c'était le cas auparavant.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements, qui ne visent qu'à pérenniser un dispositif dont rien ne justifie plus l'existence.
    Je suis assez d'accord avec Mme Billard sur le fait que les effets de seuil ont toujours des conséquences négatives. Je voudrais simplement qu'elle m'aide à comprendre quelle est la différence entre un seuil de dix et un seuil de vingt.
    Par ailleurs, je note que c'est ce dernier chiffre qui avait été retenu dans les lois Aubry pour fixer le statut particulier provisoire des petites et moyennes entreprises destiné à leur permettre d'absorber le choc des 35 heures - car même la majorité de l'époque savait qu'elles subiraient un choc. Ce seuil correspond d'ailleurs à une réalité en matière de durée du travail. Il a donc un sens.
    En simplifiant la législation, le texte qui vous est soumis laisse aux entreprises le temps d'ouvrir les négociations de branche qui permettront, petit à petit, de rapprocher les statuts des salariés dans les petites et les grandes entreprises.
    Je vous rassure tout de suite, monsieur Gorce : nous traitons de l'assouplissement des 35 heures et non de la réforme du code du travail. Le Gouvernement n'a pas la volonté de changer les choses dans ce domaine, en tout cas pas pour le moment.
    Quant à la consultation des partenaires sociaux, je ne peux pas laisser dire qu'elle n'a pas eu lieu. Cette consultation, monsieur Gorce, est un processus dynamique : on commence par élaborer un texte, puis on reçoit les partenaires sociaux, on les écoute et, enfin, on modifie le texte en fonction des propositions.
    Nous avons reçu les organisations syndicales et tenu compte d'un certain nombre de remarques qu'elles ont formulées. Nous avons également tenu compte de l'avis des responsables de petites entreprises. La CGPME, notamment, a beaucoup insisté sur la nécessité de prolonger le dispositif dérogatoire qui avait été justement mis en place par les lois Aubry. Enfin, la commission nationale de la négociation collective a été saisie de ces dispositions.
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. La différence, monsieur le minitre, entre vingt et dix salariés, puisque vous voulez la connaître, la voici : 1,5 million de salariés verront modifier leur droit au repos compensatoire. Cela ne compte peut-être pas pour vous, mais je tenais à vous le rappeler, car cette différence est significative.
    M. Bernard Accoyer. Quel ton professoral !
    M. Gaëtan Gorce. Je sais bien, monsieur Accoyer, que l'opposition a le don de vous agacer. Le vice-président de l'UMP que vous êtes a du mal à accepter qu'un débat démocratique puisse avoir lieu dans cet hémicycle. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Bernard Accoyer. Mais je n'ai rien dit, monsieur le président !
    M. Gaëtan Gorce. Moi, je souhaite qu'un débat puisse avoir lieu, et aller au fond des choses.
    En ce qui concerne la négociation, je ne citerai, parmi des dizaines d'exemples, que les propos de M. Chérèque, déclarant que l'attitude du Gouvernement posait un problème de confiance et procédait d'une réelle incompréhension du dialogue social. Je pourrais multiplier les déclarations, issues d'organisations syndicales qui n'ont pas apprécié que le texte présenté au conseil des ministres soit différent de celui qui a été soumis à la concertation. C'est un fait, monsieur le ministre, il n'y a pas lieu d'épiloguer pendant des heures sur le sujet.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous allons pourtant épiloguer, monsieur Gorce, car je ne peux pas accepter qu'un représentant de l'ancienne majorité affirme cela quand plus de la moitié des Français estiment que, contrairement à ce qui ce passait dans la législature précédente, le dialogue social est aujourd'hui une réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Selon un sondage récent, en effet, il y a deux fois plus de Français qui pensent que le dialogue social est d'une meilleure qualité aujourd'hui que lorsque vous étiez au pouvoir. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, c'est 46 % des Français qui pensent que la situation est meilleure. Pas plus de la moitié.
    M. Hervé Novelli. Presque !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. J'ai dit : deux fois plus !
    M. Maxime Gremetz. Cela étant, j'avoue - et mes amis connaissent mon opinion à ce sujet - que ce résultat ne m'étonne pas. Parce que là où nous avons véritablement péché, c'est bien au sujet du dialogue social. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mais c'est pourquoi nous n'avez aucun mérite, car vous n'aviez pas un gros effort à fournir. En revanche, dans quelque temps, le résultat sera beaucoup moins bon. (Sourires.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais maintenant mettre aux voix les deux amendements identiques n°s 34 et 163.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   100
Nombre de suffrages exprimés   100
Majorité absolue   51
Pour l'adoption   28
Contre   72

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 162, ainsi rédigé :
    « Compléter le dernier alinéa du 1° du II de l'article 2 par la phrase suivante : "Le dépassement du contingent fixé par le décret prévu au premier alinéa de l'article L. 212-6 est subordonné à la conclusion d'une convention ou d'un accord d'entreprise signé par une ou des organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Cet amendement vise à renvoyer effectivement à la négociation la modification du contingent d'heures supplémentaires, mais à une négociation présentant des garanties pour les salariés.
    Ce qui est en jeu, en effet, n'est pas tant le nombre d'heures supplémentaires qui peuvent être effectuées sans l'accord de l'inspecteur du travail, mais le seuil à partir duquel va intervenir le repos compensateur. C'est pourquoi il serait logique de conditionner cette modification à l'assentiment d'une majorité de syndicats, ou de syndicats engageant la majorité des salariés. La notion d'accord majoritaire, mise en oeuvre dans la loi du 19 janvier 2000, servira de référence.
    Cela nous paraît une garantie, sinon suffisante, du moins nécessaire pour accompagner le dispositif que vous nous proposez.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. La commission a rejeté l'amendement n° 162.
    En effet, celui-ci vise à soumettre le dépassement du contingent réglementaire à un référendum de salariés. Or c'est précisément pour permettre ce dépassement qu'est prévue l'existence du contingent conventionnel. Ce sont donc bien les partenaires sociaux qui sont compétents en la matière.
    Par ailleurs, les salariés n'ont jamais été consultés par référendum, même dans les dispositifs antérieurs.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. M. Gorce se plaint que le débat ne peut pas avancer parce que le Gouvernement ne répond pas aux questions qu'il pose.
    Mais lorsque le Gouvernement répond aux questions qu'il pose, M. Gorce ne les prend pas en compte...
    Mme Nadine Morano. C'est vrai !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... et formule inlassablement les mêmes erreurs d'appréciation.
    M. Bernard Accoyer. C'est un problème d'autisme. M. Gorce est autiste !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je l'ai dit la semaine dernière : l'accord majoritaire ne peut fonctionner que dans l'entreprise, parce que dans l'état actuel du dialogue social, seul ce niveau dispose des critères de représentativité adéquats. Or nous parlons aujourd'hui d'accords de branche. A ma connaissance, monsieur Gorce, vous n'avez jamais proposé que la règle majoritaire s'applique dans les branches.
    Demain, il faudra aller dans cette direction. C'est ce que le Gouvernement va faire en engageant, dès le mois de janvier, des négociations avec les partenaires sociaux pour voir comment mettre en oeuvre l'accord que la plupart d'entre eux ont signé en juillet dernier. Nous allons le faire, mais le projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui n'a pas cet objectif.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 162.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gorce,  M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 164, ainsi rédigé :
    « Supprimer le 2° du II de l'article 2. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Faute d'avoir été suivis par le Gouvernement - ce qui n'est pas une grande surprise - sur les accords majoritaires au niveau des branches, pour lesquels une réflexion pourra être engagée, nous proposons la suppression pure et simple de ce paragraphe. J'ai déjà eu l'occasion de donner nos raisons. Elles tiennent surtout au fait que des modifications importantes vont intervenir en matière de repos compensateur.
    Je tiens cependant à revenir sur la question de l'emploi car, comme je l'ai déjà souligné, j'estime, avec de nombreuses organisations syndicales, que le relèvement du contingent d'heures supplémentaires est de nature à mettre en péril l'emploi et à encourager le chômage. A sa manière, le code du travail le reconnaît également puisqu'il indique que l'inspecteur du travail peut refuser les dépassements de contingent s'il estime que cela est de nature à mettre en péril l'emploi. Tous les économistes font d'ailleurs observer aujourd'hui que le relèvement du contingent d'heures supplémentaires est un mauvais choix au moment où la croissance ralentit et où le chômage reprend. Nous le répétons parce que cela nous paraît primordial et parce que nous voulons appeler votre attention sur ce sujet, même si, manifestement, nous avons du mal à y parvenir.
    Ainsi, je n'ai toujours pas obtenu de réponse sur cette question. J'ai certes bien entendu qu'il s'agissait de libérer les entreprises du carcan de la réglementation, des charges...
    Mme Nadine Morano. Eh oui !
    M. Gaëtan Gorce. ... - je préfère d'ailleurs parler de cotisations sociales - et que cela allait créer de l'emploi.
    En ce cas nous voudrions avoir des chiffres. Certes nous avons eu un intéressant débat sur les 35 heures au cours duquel nous avons cité des chiffres donnés par le ministère du travail. J'avais d'ailleurs, a priori, le sentiment que ces chiffres allaient nous réconcilier, même si les discussions que nous avions eues avec des économistes et des syndicalistes nous laissaient à penser que la réalité était légèrement au-delà. En effet, pour la sérénité du débat, nous étions prêts, à la limite, à nous rallier au chiffre de 300 000 créations d'emplois. Or le ministre a contesté les chiffres pourtant donnés par son administration, ce qui est regrettable et rend les choses difficiles.
    En effet, alors que nous essayons de nous appuyer sur des données fournies par l'administration elle-même, dont nous avons tout lieu de penser qu'elle est neutre et compétente, le ministre nous répond par des pétitions de principe, en affirmant que les 35 heures n'ont pas créé d'emplois - cela reste à démontrer - alors que les allégements qu'il propose vont en créer. Toutefois il ne prend aucun engagement et ne donne pas d'explications sur la manière d'y parvenir.
    M. Bernard Accoyer. Cela a été démontré !
    M. Gaëtan Gorce. J'aimerais pourtant obtenir davantage de précisions à ce sujet et non pas dans le but de prolonger le débat. (« Si ! Si ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Au moment où les Français ont remis l'emploi au premier rang de leurs préoccupations, je pense que, faute d'explications et d'engagements de votre part, les mesures que vous prônez vont jouer contre l'emploi et, malheureusement, accentuer le chômage. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    Vous pouvez toujours affirmer que le bilan de la précédente législature n'est pas satisfaisant, - c'est de bonne guerre - et que nous n'avons pas su exploiter tous les bénéfices de la croissance...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. C'est vrai !
    M. Gaëtan Gorce. ... encore que vous affirmez à la fois que les créations d'emplois n'ont été dues qu'à la croissance et que nous n'avons pas su tirer partie de cette dernière ; il faudrait pourtant choisir entre ces deux arguments !
    M. Alain Marty. Réfléchissez, pourquoi avez-vous été battus ?
    M. Gaëtan Gorce. En attendant que l'on puisse comparer les bilans - nous pourrons le faire dans quelque temps - nous voudrions au moins que vous précisiez vos engagements. En effet, vous engagez beaucoup d'argent sur cette question et nous aimerions savoir - j'y reviens et j'y reviendrai sans cesse - combien d'emplois vous en attendez et quels sont les objectifs du Gouvernement.
    Puisque vous parlez de confiance - le Premier ministre le fait souvent -, je souligne que des engagements du Gouvernement sur ce terrain seraient sans doute de nature à la restaurer. En effet, chacun apprécierait que le Gouvernement annonce que le nouveau dispositif permettra de créer quelques centaines de milliers d'emplois dans les années qui viennent.
    En fait, je crains malheureusement que vous ne le fassiez pas parce que vous ne pouvez pas prendre un engagement qui ne sera pas tenu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Mon propos n'a pas vocation à être répétitif. Je me borne donc à indiquer que, pour l'ensemble des arguments qui ont été précisés antérieurement, la commission a rejeté cet amendement.
    La vocation de mon propos n'est pas non plus d'être condescendant.
    M. Bernard Accoyer. Très bien ! C'est tout à fait cela !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement ne souhaite pas l'adoption de cet amendement qui viderait complètement de son sens la réforme qui vous est proposée.
    Quant à ses objectifs, le Gouvernement se fixe de faire mieux que la douzième place au plan européen en matière de chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 164.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de trois amendements n°s 35, 115 et 116, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 35, présenté par M. Gremetz, Mme Jacquaint, M. Dutoit, M. Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, est ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa du 2° du II de l'article 2, substituer aux mots : "conventionnel fixé selon les modalités prévues au deuxième alinéa de l'article L. 212-6 lorsqu'il existe, ou à défaut, du contingent fixé par le décret prévu au premier alinéa de l'article L. 212-6 les mots : fixé à "130 heures. »
    Les amendements n°s 115 et 116 sont présentés par M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste.
    L'amendement n° 115, est ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa du 2° du II de l'article 2, supprimer le mot : "conventionnel. »
    L'amendement n° 116, est ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa du 2° du II de l'article 2, après les mots : "contingent conventionnel fixé, insérer les mots : ", par accord de branche conclu après l'entrée en vigueur de la loi n°         du         relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi et. »
    La parole est à M. Maxime Gremetz, pour soutenir l'amendement n° 35.
    M. Maxime Gremetz. Nous proposons que les heures supplémentaires au-delà du contingent ne puissent être effectuées qu'en cas d'absolue nécessité.
    A ce propos, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chose promise, chose due : voici les citations annoncées. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Monsieur Gremetz, vous n'avez que cinq minutes !
    M. Maxime Gremetz. Bien sûr, monsieur le président, mais ne vous inquiétez pas !
    Je lis donc dans la troisième séance du jeudi 3 octobre 2002 de l'Assemblée nationale : « M. le rapporteur : avis défavorable. Les heures supplémentaires correspondent à un surcroît d'activité ». Cela correspond bien à ce que j'ai dit. (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    Je poursuis : « M. le ministre : ces heures supplémentaires sont destinées à faire face aux à-coups de la production, à des imprévus. Il n'y a donc aucune raison d'accepter aujourd'hui cet amendement. » Eh bien, vous avez tort !
    Bref, ces propos correspondent bien à la citation que j'ai faite tout à l'heure.
    M. Pierre Cohen. Très bien !
    M. Maxime Gremetz. Je ne déforme jamais les propos que je rapporte. C'est une question de respect et de morale.
    Nous voudrions donc qu'il soit précisé que les heures supplémentaires au-delà du contingent ne pourront être effectuées qu'en cas d'absolue nécessité, ce qui correspondrait tout à fait aux déclarations du rapporteur et de M. le ministre. Il faut dissuader les employeurs de les utiliser trop largement. Or le projet du Gouvernement ferait perdre immédiatement cinquante heures de repos à des salariés qui travaillent dans une branche où le contingent est de 180 heures. Je vous demande donc de méditer sur cette question.
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour soutenir l'amendement n° 115.
    M. Gaëtan Gorce. Il procède du même esprit que les amendements défendus précédemment qui tendaient à supprimer la notion de « conventionnel », non pas par défiance à l'égard de la négociation mais parce que nous considérons que le repos compensateur relève de l'ordre public social. Il doit donc être défini par les pouvoirs publics.
    M. le président. Et l'amendement n° 116 ?
    M. Gaëtan Gorce. Il s'inscrit dans la même logique et n'appelle pas de commentaires supplémentaires.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Je précise d'abord que les propos cités par M. Gremetz faisaient référence à une définition des heures supplémentaires que je qualifierais de littéraire.
    La commission a rejeté ces trois amendements car les dispositions qu'ils proposent ne sont pas du domaine législatif. De telles indications relèvent du décret.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Ces amendements sont identiques à des amendements défendus précédemment, et sur lesquels je me suis déjà exprimé.
    Nous souhaitons donner la possibilité aux partenaires sociaux de négocier le contingent d'heures supplémentaires, et nous entendons respecter pleinement leur volonté s'agissant des accords précédemment signés.
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Je veux revenir sur ce débat relatif aux heures supplémentaires car il a une grande importance. Il change en effet singulièrement la lecture que l'on peut avoir de la portée de la loi.
    Jusqu'à présent, il nous semblait que nous parlions de la même chose. Les heures supplémentaires ont une définition dans le code du travail, et la jurisprudence interprète toujours leur mise en oeuvre au regard d'un accord interprofessionnel de 1995 qui a sa cohérence et qui n'était contesté par personne. Il fait notamment référence au surcroît d'activité en donnant une définition qui, jusqu'à maintenant, faisait l'objet d'un consensus politique et social.
    Lorsque nous avons abordé le débat sur les premiers articles de ce texte traitant des heures supplémentaires, nous avons interrogé le Gouvernement, en pensant l'entendre répondre que ce texte se lirait conformément au droit positif, à la fois conventionnel et législatif. Or, à notre grande surprise, le Gouvernement s'en tient à la définition donnée par la loi et à elle seule. Cela signifie que si l'on en restait littéralement à ce texte - pour reprendre une expression chère à M. le rapporteur - il y aurait une véritable régression.
    Nous nous demandons donc si l'absence de réponse précise du Gouvernement procède d'une volonté qui pourrait être interprétée comme une remise en cause de la définition de 1995. Très honnêtement, nous n'avions pas abordé ce débat avec cette conviction. Mais le ministre se bornant à nous renvoyer au code du travail, notre inquiétude va grandissant car cette position est de nature à aggraver singulièrement la lecture du texte quant à ses conséquences pour la vie des salariés.
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Je n'ai pas très bien compris la réponse de M. le rapporteur qui me semble avoir parlé d'une définition littéraire. Pourtant je ne pensais pas que le code du travail donnait des définitions littéraires. A moins qu'il ait voulu dire que sa définition était littéraire.
    M. Pierre Morange, rapporteur. Absolument pas !
    M. Maxime Gremetz. Cela étant, nous sommes au centre du problème et nous insistons sur cette question des heures supplémentaires en nous demandant si, comme vient de le dire M. Vidalies, on ne veut pas remettre en cause la définition de 1995. A l'époque, un accord interprofessionnel entre les partenaires sociaux a donné une définition en distinguant les heures complémentaires et les heures supplémentaires.
    En fait, les heures supplémentaires et le repos compensateur sont au coeur de la réduction du temps de travail : soit on la réduit pour créer des emplois, soit on donne aux employeurs la possibilité d'utiliser un contingent d'heures supplémentaires, ce qui ne s'est jamais vu dans notre histoire, surtout qu'il est prévu de les payer au plus bas niveau, ce qui ne s'est jamais vu non plus dans notre histoire, puisqu'il n'est prévu un supplément minimal que de 10 %.
    M. François Liberti. Elles seront sous-payées !
    M. Maxime Gremetz. Il s'agit d'une véritable remise en cause du code du travail et de la législation sociale dans notre pays. Vous comprenez donc pourquoi, monsieur le ministre, nous nous battons sur cette question qui sera déterminante dans ce domaine.
    Il est aussi une contradiction sur laquelle je veux insister puisque, si la durée légale du travail reste fixée à 35 heures, vous permettez un accroissement du contingent d'heures supplémentaires en précisant qu'elles seront payées en fonction des accords entre les partenaires sociaux. Certes, je veux bien que l'on s'en remette à la négociation pour tout, ce serait plus simple. On pourrait même, à la limite, ne pas discuter de ce texte et tout renvoyer aux partenaires sociaux. Malheureusement, les syndicats n'ont pas les moyens de discuter comme il convient avec les représentants du patronat.
    De plus, dans cette démocratie sociale dont vous parlez souvent, les quelques accords majoritaires qui existaient, en matière de réduction du temps de travail, vont disparaître avec la loi. En effet, il suffira au patronat de passer un accord avec un seul syndicat, même s'il ne représente que 2 % des salariés, pour prendre des décisions qui concerneront tous les autres. On ne peut parler à cet égard de négociation, de dialogue social !
    Vous voyez bien pourquoi nous insistons avec autant d'acharnement sur cette question.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Pierre Morange, rapporteur. Je tiens à apporter une précision à M. Gremetz.
    C'est dans le cadre de l'amendement n° 132, présenté par notre collègue M. Gorce, que j'ai parlé de définition littéraire à propos des heures supplémentaires.
    Au-delà, j'ai dit, et je le confirme, que les heures supplémentaires doivent correspondre à un surcroît d'activité. M. le ministre a d'ailleurs précisé, quant à leur définition, qu'il s'agissait, comme le précise une disposition du code du travail, des heures effectuées au-delà de la durée légale du travail.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 115.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 116.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 36 et 117.
    L'amendement n° 36 est présenté par M. Gremetz, Mme Jacquaint, M. Dutoit, M. Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 117 est présenté par M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Dans le dernier alinéa du 2° du II de l'article 2, substituer par deux fois au nombre : "vingt le nombre : "dix. »
    La parole est à M. Maxime Gremetz, pour soutenir l'amendement n° 36.
    M. Maxime Gremetz. J'ai à nouveau l'occasion de défendre cette proposition, car, comme je l'ai indiqué, il vaut mieux se répéter que se contredire. (Sourires.)
    Nous tenons en effet au seuil de dix salariés que l'on veut porter à vingt.
    Certes, l'effet de seuil est souvent utilisé comme un argument, mais il est inévitable dès que l'on fixe un chiffre. Alors, pour éviter tout effet de seuil, on laisse ce qui existe. Ainsi, il n'y a plus de problème.
    En l'occurrence, le porter de dix à vingt salariés aura des conséquences énormes puisque ce seront 1, 5 million de salariés supplémentaires dont les heures supplémentaires seront payées à 10 % de plus au lieu de 25 % et 50 %.
    M. François Liberti. Bonjour le pouvoir d'achat !
    M. Maxime Gremetz. Si cela n'importe pas pour vous qui avez des salaires conséquents, cela est grave pour des gens qui ont des salaires au niveau du SMIC.
    M. Jean Ueberschlag. On a le même salaire que vous, monsieur Gremetz !
    M. Maxime Gremetz. Vous vous réveillez ! Il y a longtemps que je ne vous avais pas entendu.
    M. le président. Monsieur Gremetz, poursuivez !
    M. Maxime Gremetz. Il m'a interrompu et je veux lui souhaiter la bienvenue.
    M. le président. Monsieur Ueberschlag, pas d'intervention personnelle, cela permettra à M. Gremetz de poursuivre la défense de son amendement.
    M. Maxime Gremetz. Le relèvement de ce seuil provoquera des drames humains chez des gens qui peinent pour vivre, car il s'agira, le plus souvent, de salariés pauvres qui travaillent mais qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts. Ce sont eux qui en ont ras-le-bol, car ce sont toujours eux qui paient. Ils travaillent, mais n'obtiennent jamais rien. Au moment des élections, on leur fait toujours des promesses, mais à peine les élections passées tout est oublié. Alors que leurs revenus baissent se multiplient les profits, les grandes fortunes - Mme Bettancourt, M. Messier - et les scandales financiers... (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Cela vous gêne, mais c'est ainsi. Vous faites votre choix : c'est à ceux-là que vous voulez faire plaisir.
    M. Jacques Le Guen. Mauvaise foi !
    M. Maxime Gremetz. Eh bien nous, ce n'est pas ceux-là que nous défendons.
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir l'amendement n° 117.
    M. Alain Vidalies. Cet amendement concerne encore la question du seuil.
    J'ai bien entendu la réponse du ministre selon laquelle il opérerait une harmonisation prévue par la loi Aubry, qui avait distingué les entreprises de plus et de moins de vingt salariés. En réalité, il existe une grande différence, entre ce qui est proposé et ce que nous avions fait. En effet, la loi Aubry, ne remettait pas en cause la situation des salariés. Sa seule conséquence était que, certains pouvaient bénéficier immédiatement du passage aux 35 heures, tandis que les autres devaient attendre un certain délai prévu par la loi.
    M. Jean-Jacques Descamps. Martine Aubry a été battue !
    M. Alain Vidalies. En revanche, pour les 1,5 million de salariés travaillant dans les entreprises qui en emploient entre dix et vingt, vous allez modifier non seulement le taux de rémunération des heures supplémentaires, mais également le système du repos compensateur. Chacun ne l'a pas forcément encore perçu à ce jour et on pourrait penser que ce débat ne concerne que cet hémicycle. Toutefois, tel ne sera plus le cas dès que cela se traduira dans la vie quotidienne des gens qui en bénéficient aujourd'hui, notamment avec la remise en cause du seuil de déclenchement. Lorsque les intéressés constateront qu'ils vont prendre sept jours de repos compensateur dans l'année, je pense qu'ils vont demander des comptes. Non seulement leur rémunération baissera mais ils perdront cette compensation.
    Vous nous dites que cela est nécessaires, et que cette évolution correspond à la nécessité de laisser davantage de liberté dans les entreprises. Pourtant, vous savez bien que le débat que votre projet de loi génère n'est pas aussi tranché. On peut le constater non seulement dans les entreprises mais aussi en lisant, des éditoriaux, des revues y compris professionnelles, notamment celle de l'Union professionnelle artisanale cette semaine. Tout cela démontre qu'il existe des interrogations, sur les questions du statut des salariés et de leur fidélisation.
    Certes - et je vous en donne acte - tous ces professionnels estiment que le texte va dans le bon sens. Néanmoins, on peut lire dans plusieurs revues que je tiens à votre disposition qu'il ne faudrait pas non plus instaurer d'une manière définitive une différenciation du statut des salariés selon les entreprises. Selon eux, cela poserait des problèmes à la fois quant à la qualité des recrutements et quant à la fidélisation des salariés qui font la richesse et l'efficacité des entreprises.
    Si vous allez dans cette direction, vous ne respectez pas ce que vous nous avez expliqué, à savoir que vous vouliez sortir de la loi pour laisser toute la place à la négociation. En effet, vous auriez très bien pu favoriser cette dernière en prévoyant un espace conventionnel. Pourquoi immédiatement remettre en cause des dispositions qui intéressent à la vie de 1,5 million de personnes ?
    Face à de telles mesures, nous n'avons, monsieur le ministre, que des inquiétudes quant aux effets de votre projet de loi en matière d'emplois.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 36 et 117 ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements. Je rappelle qu'il s'agissait du repos compensateur et non pas des heures supplémentaires.
    A M. Gremetz, je répondrai que la légitimité dont il s'honore, basée sur d'hypothétiques quartiers de noblesse prolétariens, ne doit pas le conduire à remettre en cause celles des autres députés présents dans cet hémicycle. La contester revient à insulter la représentation nationale et la volonté du peuple français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Bernard Schreiner. Bravo ! Voilà qui est bien envoyé !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements, qui ont d'ailleurs déjà été présentés et sur lesquels je me suis déjà exprimé.
    Monsieur Vidalies, les lois Aubry ont, contrairement à ce que vous avez dit tout à l'heure, consisté à remettre en cause la situation de nombreux salariés. Toutes les études publiées à ce jour - et il en est encore paru très récemment dans un hebdomadaire considéré comme proche des orateurs qui s'exprimaient à l'instant - ont montré que le pouvoir d'achat des salariés modestes avait, du fait de l'application des lois sur les 35 heures, baissé.
    D'ailleurs, vous devriez écouter davantage les salariés. Nous, nous le faisons et nous les entendons. Ils sont nombreux à se plaindre de l'effet des 35 heures sur leur pouvoir d'achat.
    M. Marc Le Fur. C'est vrai.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Quant à l'idée selon laquelle nous empêcherions, avec le dispositif que nous proposons, les entreprises de s'adapter, elle est évidemment fausse, puisque rien n'empêche, monsieur Vidalies, les petites entreprises, si elles constatent que le statut dérogatoire prolongé jusqu'en 2005 rend plus difficile le recrutement de leurs salariés, de modifier les règles afin de les rendre plus avantageuses pour ces derniers. Elles sont libres de le faire. D'ailleurs, j'ai la conviction - et c'est la raison pour laquelle le Gouvernement a proposé un délai de trois ans - que, par accords, les situations des salariés des petites et moyennes entreprises se rapprocheront de celles des salariés des grandes entreprises. Ce sera en effet une nécessité pour les PME, surtout si la conjoncture en matière d'emploi évolue, pour rester attractives. Mais cela relèvera de leur responsabilité ainsi que de celle des partenaires sociaux. Nous leur aurons donné la liberté de s'adapter. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous devriez quand même faire attention avant de lancer des affirmations.
    J'ai dans la main un article d'un journal de l'après-midi dans lequel il est écrit que les ouvriers français de Toyota préfèrent le temps à l'argent. Ils déclarent : « Si on doit choisir, on veut rester aux 35 heures. La réduction du temps de travail, c'est une bonne chose pour nous. » Comme quoi il ne faut être excessif en rien ! Or, il y a des millions de travailleurs qui, comme eux, sont passés aux 35 heures et qui, comme eux, souhaitent y rester. Mais vous allez les en décourager si vous continuez à multiplier les heures supplémentaires payées 10 % de plus.
    Quand on compare la part des salaires et celle des revenus du capital dans le revenu national, on s'aperçoit que la première n'a pratiquement pas bougé depuis 1997...
    M. Bernard Schreiner. C'est sous votre gouvernement.
    M. Maxime Gremetz. ... alors que les revenus du capital se sont bien comportés. Mais ils avaient baissé de 20 % depuis 1980. Leur part est passée à 60 % contre 40 % pour les revenus du travail. C'est pourquoi il y a un tel décalage aujourd'hui et c'est pourquoi il y a de tels bas salaires.
    Il faut faire un effort. Nous serons d'ailleurs obligés de le faire, car nous aurons des problèmes de croissance économique si nous comptons sur des locomotives extérieures pour nous tirer vers la croissance.
    Mais, pour créer des emplois, il faut de la croissance. Or, vous ne nous avez pas expliqué comment on faisait, d'autant que créer de la croissance, c'est produire des richesses et c'est le travail et ce sont les salariés qui produisent ces richesses. Créer de la croissance, c'est aussi avoir du pouvoir d'achat pour pouvoir acheter, consommer. A ma connaissance, les PME, comme toutes les autres entreprises, embauchent quand elles ont du travail, des marchés, des commandes et pas seulement quand on leur baisse de 10 % la rémunération des heures supplémentaires.
    M. Bernard Schreiner. Laissez travailler les entreprises !
    M. Roland Chassain. La croissance, vous, vous l'avez dilapidée.
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Monsieur le ministre, vous faites en permanence le procès de la réduction du temps de travail. A vous entendre lui imputer tous les maux, y compris les problèmes salariaux, on comprend mal que vous ne proposiez pas une remise en cause plus radicale de la loi. C'est sans doute que, implicitement vous le faites, même si vous ne voulez pas l'assumer politiquement et socialement.
    Vous avez évoqué l'évolution du pouvoir d'achat. Lorsque j'ai défendu la question préalable, j'ai rappelé des chiffres, différents de ceux que vous donnez, qui montrent que si, pour une partie des salariés - partie significative en nombre si elle l'est peu en pourcentage - la RTT s'est traduite par une moindre augmentation de leur pouvoir d'achat, le gain pour les salariés, et notamment pour les moins rémunérés d'entre eux, a été en moyenne beaucoup plus fort entre 1997 et 2002 qu'il ne l'a été entre 1993 et 1997, et probablement qu'il ne le sera entre 2002 et les années qui viennent (« C'est faux ! » sur les bancs de l'Union pour la majorité présidentielle) car le marché que vous leur proposez aujourd'hui est un marché de dupes.
    Le pouvoir d'achat du salaire net moyen a augmenté de plus de 5 % par an au cours des cinq dernières années alors qu'il avait diminué de 1 % par an dans la période précédente. (« Mais non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    L'augmentation du pouvoir d'achat du salaire horaire par tête a été de 8 % sur la période, et celle du SMIC de 17 %.
    Que cela n'ait pas répondu à la totalité de la demande et de la revendication salariale, c'est indiscutable, et ce point mérite examen, mais quelle réponse y apportez-vous par votre texte ? Vous proposez en réalité un marché de dupes, car l'augmentation de salaire qui figure dans votre texte du fait de l'augmentation du nombre d'heures supplémentaires est contrecarrée par le taux de majoration de celles-ci de 10 %. En d'autres termes, vous invitez aujourd'hui un salarié qui est à 39 heures à renoncer aux 13 jours de récupération auquel il aurait droit s'il passait aux 35 heures, pour bénéficier de 10 % de rémunération supplémentaire répartie sur quatre heures, soit 1 % de hausse de son salaire.
    Vous dites que vous voulez donner plus de souplesse mais, en réalité, vous voulez remettre en cause les 35 heures. Ne justifiez pas votre texte par des raisons sociales. Cet argument n'est pas fondé au regard des dispositions que vous proposez. (Applaudissements sur les bancs du parti socialiste.)
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 36 et 117.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 37, ainsi rédigé :
    « Compléter le 2° du II de l'article 2 par l'alinéa suivant :
    « Dans les branches d'activité où il existe déjà, à la date de promulgation de la présente loi, un accord prévoyant un contingent d'heures supplémentaires supérieur à 130 heures, le repos compensateur de 100 % ou de 50 % continue de s'appliquer aux heures supplémentaires effectuées au-delà de 130 heures sauf si un nouvel accord en dispose différemment. »
    La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Nous proposons de maintenir les dispositions actuelles sauf si un nouvel accord en dispose autrement. Je rappelle que soixante-deux branches d'activité prévoient des contingents supérieurs à 130 heures : jusqu'à 318 heures dans la boucherie et 329 heures dans la boulangerie. Les syndicats ont fait cette concession dans le cadre d'une législation prévoyant un repos compensateur de 100 % à 50 % pour toutes les heures comprises entre 130 heures et le contingent négocié. Dans ce cas particulier, le projet fait perdre, par rapport à ce qui a été négocié, cinquante heures de repos par an aux ouvriers de la métallurgie et 199 heures à ceux de la boulangerie. Les syndicats n'auront d'autre solution que la dénonciation de l'accord - qui avait pourtant été difficile à trouver - pour éviter que ses bases ne soient modifiées unilatéralement. C'est pourquoi nous proposons que les nouvelles dispositions ne s'appliquent pas, sauf avenant, aux accords existants.
    Vous nous renvoyez souvent aux partenaires sociaux, monsieur le ministre. Vous accepterez donc, puisqu'il y a des accords de signés, prévoir une dérogation, en considérant que l'on ne modifie rien sauf en cas d'avenant. Cela me paraît être en l'occurrence de bonne logique et de bonne politique et évitera beaucoup de conflits salariaux et juridiques, qui ne seraient bons pour personne.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. L'amendement n° 37 est difficilement lisible, car, finalement, il met en place un système tout en indiquant que celui-ci ne s'appliquera pas si un nouvel acord en dispose autrement.
    M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas compliqué. Des accords existent. On propose de ne pas les modifier à moins qu'il y ait un avenant !
    M. Pierre Morange. C'est la raison pour laquelle la commission l'a rejeté.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. J'ai déjà eu l'occasion d'expliquer pourquoi nous souhaitions unifier les contingents et donner plus de souplesse et de liberté. Mais je répondrai plus complètement à M. Gremetz sur les accords déjà conclus.
    Les lois de 1998 et de 2000 avaient été à l'origine d'un très grand nombre d'accords d'entreprise - d'ailleurs, c'est un sujet dont l'opposition nous entretient souvent - et d'un très grand nombre d'accords de branche. Le présent projet de loi ne souhaite pas les remettre en cause. Il appartiendra aux signataires de les renégocier, s'ils le jugent nécessaire.
    Nous proposons un changement de philosophie et vos amendements, au fond, viennent contredire celui-ci puisqu'ils montrent que vous n'avez pas confiance dans le dialogue social et les partenaires sociaux. Les éventuelles dispositions antérieurement illégales qui pourraient trouver une base juridique dans les dispositions du projet de loi seront applicables sous réserve de l'accord des parties et, au niveau des branches, de leur extension. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Monsieur le ministre, ce que vous avez dit est assez différent de ce que nous a indiqué le rapporteur et nous aimerions avoir quelques précisions. Un certain nombre d'accords de branche ont été étendus mais les arrêtés d'extension ont été assortis de réserves par rapport aux dispositions précédentes qui ne s'appliquent plus nécessairement par rapport aux nouvelles dispositions que vous proposez au vote de l'Assemblée nationale.
    Les dispositions que nous examinerons à l'article 12 auront-elles pour effet de régulariser les arrêtés d'extension de ces accords de branches au regard des nouvelles dispositions ? Cette régularisation s'appliquera-t-elle non seulement aux forfaits-jours, mais aussi - et c'est la question que pose Maxime Gremetz et sur laquelle nous voudrions avoir une réponse précise - au seuil de déclenchement du repos compensateur ?
    Autrement dit, les accords qui prévoient des contingents d'heures supplémentaires supérieurs au contingent réglementaire actuel - et Maxime Gremetz indiquait à l'instant qu'il y en avait plus de soixante - déclencheront-ils automatiquement le bénéfice du repos compensateur au-delà de 130 heures ou faudra-t-il renégocier pour que ces repos compensateurs s'appliquent à ce niveau ?
    Ce point est important, à la fois pour le débat que nous avons dans cette enceinte et pour l'ensemble des négociateurs qui n'ont pas conclu dans le sens que l'on pourrait croire en écoutant le rapporteur.
    M. Maxime Gremetz. Peut-on avoir une réponse ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité On a déjà répondu. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 38, ainsi rédigé :
    « Compléter le II de l'article 2 par l'alinéa suivant :
    « 3° La convention ou l'accord collectif soumis à l'extension doit avoir recueilli les signatures d'organisations syndicales ayant obtenu la majorité des suffrages exprimés aux élections de comités d'entreprise dans les entreprises de la branche d'activité considérée et s'étant déroulées au cours des deux années précédant la signature de l'accord ; cette majorité est constatée à partir des procès verbaux d'élection qui sont adressés à l'administration compétente ; chaque année l'administration compétente informe les organisations syndicales de salariés et d'employeurs sur l'influence chiffrée de chaque organisation syndicale. L'accord d'entreprise ou d'établissement doit avoir recueilli la majorité des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles. Au cas où ultérieurement à la signature de l'accord les syndicats signataires deviennent minoritaires, l'accord ne continue à produire ses effets qu'autant qu'il est renégocié et remplit à nouveau les conditions prévues au présent article. »
    La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Il est bien dommage que M. le ministre n'ait pas voulu confirmer ses propos car, si j'ai bien compris, il a indiqué que les accords existants ne seraient pas remis en cause. Si c'est vrai - mais il n'y a pas de raison d'en douter puisque le ministre l'a dit - c'est un acquis très important puisqu'il y a, je le rappelle, soixante-huit accords de branche. Mais ses paroles sont inscrites au procès verbal. Nous serons fixés demain. Nous citerons le Journal officiel comme on l'a fait tout à l'heure.
    L'amendement n° 38 tend à compléter le II de l'article 2 par un alinéa dans lequel il est précisé que « la convention ou l'accord collectif soumis à l'extension doit avoir recueilli les signatures d'organisations syndicales ayant obtenu la majorité des suffrages exprimés aux élections de comités d'entreprise dans les entreprises de la branche d'activité considérée et s'étant déroulées au cours des deux années précédant la signature de l'accord ». Nous allons voir si vous êtes des démocrates car vous ne pouvez qu'être d'accord avec notre proposition. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    On nous demande comment nous allons constater la majorité des suffrages exprimés. Nous répondons à cette question dans cet amendement : « Cette majorité est constatée à partir des procès verbaux d'élection qui sont adressés à l'administration compétente ; chaque année l'administration compétente informe les organisations syndicales de salariées et d'employeurs sur l'influence chiffrée de chaque organisation syndicale. »
    M. Yves Bur. Quelle bureaucratie !
    M. Maxime Gremetz. Non, cela introduit au contraire une transparence totale !
    M. Yves Bur. C'est le centralisme bureaucratique !
    Un député du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Et s'il n'y a pas d'organisations syndicales dans l'entreprise ?
    M. Maxime Gremetz. Vous savez que les élections ont quand même lieu. Il n'est pas obligé d'avoir un syndicat pour avoir un comité d'entreprise. Donc, il n'y a aucun problème. Et je vous rappelle que l'employeur est tenu d'organiser dans les entreprises de plus de cinquante salariés les élections au comité d'entreprise et que, s'il ne le fait pas, il est sanctionné. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) C'est la Cour de cassation qui le dit !
    Je poursuis la lecture de l'amendement : « L'accord d'entreprise ou d'établissement doit avoir recueilli la majorité des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles. Au cas où ultérieurement à la signature de l'accord les syndicats signataires deviennent minoritaires, l'accord ne continue à produire ses effets qu'autant qu'il est renégocié et remplit à nouveau les conditions prévues au présent article. »
    On revient à cette notion essentielle - on est pour la démocratie ou on ne l'est pas - que tout accord signé par les organisations syndicales...
    M. Gilbert Meyer. La CGT !
    M. Maxime Gremetz. ... ou par les comités d'entreprise doit représenter la majorité des salariés. Il peut même y avoir, et nous l'avions prévu, un référendum.
    A l'époque, on m'avait dit que c'était juste mais que c'était très révolutionnaire et qu'il fallait attendre encore un peu. Moi, je crois qu'il ne faut pas attendre du tout. Il faut que la démocratie sociale soit une réalité, que les salariés puissent être consultés, s'exprimer et être représentés comme il convient.
    La règle démocratique de la majorité doit s'appliquer dans le monde du travail, notamment lorsqu'il s'agit d'accords dérogatoires au droit commun. J'ai parlé d'un accord collectif soumis à l'extension, car ça suffit, les salariés ne peuvent pas supporter qu'un accord soit étendu ou non selon le bon vouloir du ministre du travail. Nous avons fortement protesté hier contre l'extension des accords, nous faisons la même chose et nous essayons de proposer des procédures démocratiques.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. Ce débat a déjà été abordé, je ne répéterai donc pas l'argumentaire. Les partenaires sociaux ont lancé un grand chantier sur les voies et moyens de la négociation collective et nous ne souhaitons pas anticiper leur réflexion.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Le rapporteur ne cesse de répéter : la commission a rejeté, la commission a rejeté... Nous en avons plein la tête. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Je demande une suspension de séance pour nous permettre de réfléchir et de nous organiser.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à vingt-trois heures quinze, est reprise à vingt-trois heures vingt.)
    M. le président. La séance est reprise.
    M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 118, ainsi libellé :
    « Après le II de l'article 2, insérer le paragraphe suivant :
    « II bis. - La première phrase de l'article L. 212-6 du code du travail est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
    « Un contingent annuel d'heures supplémentaires de 130 heures par an et par salarié peut-être effectué après information de l'inspecteur du travail et, s'ils existent, du comité d'entreprise ou à défaut des délégués du personnel. Il est applicable aux ouvriers, employés, agents de maîtrise et cadres mentionnés à l'article L. 212-15-2 ainsi que pour les cadres mentionnés à l'article L. 212-15-3 qui n'ont pas signé de convention individuelle de forfait. Pour les cadres mentionnés à l'article L. 212-15-3 qui sont régis individuellement par une convention de forfait établie en heures sur une base hebdomadaire ou mensuelle, ce contingent est fixé à 180 heures par an et par salarié. »
    La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Cet amendement, monsieur le ministre, pose à nouveau la question du volume des heures supplémentaires, qu'il s'agisse de l'objectif ou du dispositif juridique.
    Le jour où vous serez confrontés - vous espérez que ce ne sera le cas, mais vous ne pouvez pas écarter une telle hypothèse - à une augmentation du nombre des demandeurs d'emploi, à cause de votre politique, dirais-je si je voulais être polémique, ou simplement pour des raisons liées à la situation internationale ou à une crise économique majeure, nos concitoyens, avec bon sens, n'admettront pas que certains effectuent un grand nombre d'heures supplémentaires et que, parallèlement, beaucoup de gens restent à la porte des entreprises.
    Vous savez très bien que la diminution du temps de travail était une question majeure au moment où les Français avaient principalement à l'esprit le problème du chômage. En n'acceptant pas ce raisonnement, vous faites courir un risque à de nombreux Français, qui resteront à la porte des entreprises, mais vous prenez aussi un grand risque sur le plan politique, sur le plan de la cohésion sociale.
    Concrètement, nous proposons d'inscrire les 130 heures dans la loi. Vous nous répondez qu'il existe un dispositif conventionnel. Un tel espace a d'ailleurs été largement utilisé par les partenaires sociaux et vous évoquez tous les accords dérogatoires. Simplement, ils étaient conclus dans un cadre législatif qui prévoyait des compensations pour les salariés. Nous avons du mal à comprendre comment vous pouvez nous proposer un texte qui remet finalement en cause, sans négociation préalable, une disposition qui existe dans notre code du travail depuis plus de vingt ans. Il y a vraiment là une volonté de régression sociale.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. La fixation d'un contingent d'heures relève du domaine réglementaire, et le futur décret prévoira, vous le savez, 180 heures.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je ne comprends pas votre argumentation, monsieur Vidalies.
    Si la réduction du temps de travail a un effet positif sur l'emploi, et je crois que vous êtes maintenant l'un des seuls à le penser encore,...
    M. Gaëtan Gorce. 300 000 emplois !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... comment expliquer que, depuis plus d'un an, alors que cette mesure est amplement mise en oeuvre, le chômage augmente ? Comment expliquer surtout que, puisque cet instrument est positif et efficace, vous ne proposiez pas d'aller au-delà ? Pourquoi le programme du candidat du parti socialiste à la Présidence de la République n'évoquait-il même pas la réduction du temps de travail ? Les mots « 35 heures » n'étaient même pas présents dans le texte !
    C'est bien la preuve que cet instrument n'a pas réussi à réduire le chômage, au contraire. Toute l'argumentation que vous développez inlassablement sur l'emploi est fausse et, d'une certaine manière, elle a déjà été jugée par la majorité des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, pour nous mettre d'accord, il y a peut-être ceux qui assurent la permanence de l'Etat et peuvent porter une appréciation objective sur les différends qui nous opposent aujourd'hui.
    Je vous renvoie, vous l'avez certainement deviné, à un excellent texte signé aujourd'hui par l'ensemble des organisations syndicales de votre ministère. Je crois que c'est la meilleure réponse que je peux vous faire. Lors de la présentation de son projet de loi sur l'assouplissement des 35 heures le 2 octobre, M. Fillon avait contesté l'influence des lois Aubry sur l'emploi. On nous a rebattu que les lois Aubry auraient permis de créer ou de préserver transitoirement quelque 300 000 emplois en cinq ans, mais c'est bien entendu la croissance soutenue par les allégements de charges qui a créé ces emplois, avait-il jugé. Le même jour, il confiait dans une interview au quotidien Les Echos que la création d'emplois par les 35 heures était très discutable, officiellement, elles ont créé 300 000 emplois, mais nous sommes incapables de mesurer ceux qui ne l'ont pas été à cause, par exemple, des délocalisations.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Bien sûr !
    M. Alain Vidalies. Or, insistent les syndicats dans leur communiqué, les travaux de la DARES, la direction des études du ministère, qui fondent le rapport présenté par le Gouvernement au Parlement en septembre dernier font, en effet, état de 300 000 créations d'emplois grâce à la réduction du temps de travail entre 1997 et 2001. Ces chiffres sont établis de façon rigoureuse par des études dont la méthodologie est publique et n'a fait l'objet d'aucune critique d'ordre technique ou scientifique, insiste le communiqué, selon lequel leur mise en cause par M. Fillon n'a donc aucun fondement sérieux et ne peut que nuire à la crédibilité globale des chiffres publiés par le ministère.
    Je pense que c'est la meilleure réponse au débat qui nous oppose sur la création d'emplois, monsieur le ministre.
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Je crois qu'il faut regarder objectivement les choses.
    J'ai lu l'étude du ministère qui reconnaît que la réduction du temps de travail a créé 300 000 emplois. Evidemment, c'est loin du compte par rapport à l'objectif programmé...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. 700 000 !
    M. Maxime Gremetz. ... qui était d'un million.
    Je pense qu'on aurait pu atteindre l'objectif avec une seconde loi plus précise, plus rigoureuse, déterminant, comme la première, les contreparties en termes de réduction du temps de travail et de création d'emplois.
    D'ailleurs, si on lit attentivement le rapport de votre ministère - je n'en connais pas d'autre, et je lui fais confiance - on voit que les premières années - 1997 à 1999 - sont marquées par un fort mouvement de création d'emplois, mais que la seconde loi s'accompagne d'une baisse sensible du rythme des créations d'emplois. Je vous renvoie à ce rapport : à quoi bon lancer des affirmations qui ne sont pas justes quand, au contraire, il y a des résultats.
    D'autre part, nous avons toujours dit que la réduction du temps de travail était un mouvement historique, que personne ne pourrait l'arrêter, pas même vous. Au lieu de démonter cette loi, il vaudrait mieux l'enrichir et l'améliorer pour qu'elle soit aussi utile, aussi efficace que possible en termes d'emploi, de formation et de temps libre.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. J'ai beaucoup de respect pour les services du ministère du travail et je ne résiste pas à l'envie de vous lire, tiré du rapport que vous citez abondamment, un paragraphe qui suit l'évocation des 300 000 emplois imputables, dit le rapport, à la réduction du temps de travail et aux allégements de charges qui l'ont accompagnée. « Il n'est sans doute pas indifférent de relever la coïncidence entre les besoins en main-d'oeuvre ressentis par les entreprises au cours des dernières années, qui ont été des années de croissance de la demande, et l'opportunité offerte par l'Etat de soutenir les embauches correspondant à la mise en place des 35 heures via les allégements de charges. » Sans commentaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Charles Taugourdeau. C'est clair !
    M. Pierre Hellier. Ils n'ont pas lu ce paragraphe !
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour répondre au Gouvernement.
    M. Gaëtan Gorce. Je ne peux imaginer que le ministre ignore - et préfère penser qu'il ne veut pas nous dire - que les études qu'il vient de citer, ont été réalisées après correction des effets d'aubaine auxquels il fait allusion et qu'elles prennent en compte. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Toutes les études, du rapport du Commissariat général au Plan l'an passé aux rapports de l'Observatoire français des conjonctures économiques - OFCE -, parlent de 300 000 à 350 000 emplois créés. Le ministre peut contester ces chiffres, mais c'est un combat d'arrière-garde. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) L'enjeu, ce sont les emplois qui seront créés dans les mois qui viennent, et, ce qui m'intéresse, c'est que le ministre nous dise combien d'emplois ces mesures vont créer. Or, j'observe que, en ce qui concerne la réduction du temps de travail, l'URSSAF, qui reçoit les déclarations, a recensé 25 000 engagements de création d'emplois depuis le 1er janvier.
    M. Bernard Accoyer. C'est M. Gorce qui le dit !
    M. Gaëtan Gorce. Autrement dit, la réduction du temps de travail continue à créer de l'emploi. Encore faudrait-il qu'elle puisse se poursuivre. Or, vous voulez l'interrompre.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 118.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 8 et 39.
    L'amendement n° 8 est présenté par Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère ; l'amendement n° 39 est présenté par M. Gremetz, Mme Jacquaint, M. Dutoit, M. Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer le III de l'article 2. »
    La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 8.
    Mme Martine Billard. Cet amendement de cohérence concerne le repos compensateur. Il ne s'agit pas de supprimer les négociations entre partenaires sociaux, contrairement à ce qu'a l'air de sous-entendre M. le ministre dès qu'il donne son avis sur les amendements que nous défendons. Nous faisons totalement confiance aux partenaires sociaux et aux négociations, mais, si votre but est de supprimer tout cadre à ces négociations pour favoriser la conclusion d'accords tels que peuvent en souhaiter certaines branches du MEDEF, alors renoncez à fixer par décret le contingent des heures supplémentaires. Chaque branche décidera, à l'occasion des accords qui seront passés entre le patronat et les salariés, de fixer les contingents qu'elle souhaite. Osez le faire.
    Pourquoi la loi ? Pour respecter l'égalité entre les citoyens, et donc, aussi, pour fixer un cadre et une limite supérieure, pour éviter que des accords particuliers soient défavorables aux salariés, notamment ceux signés par des syndicats minoritaires. En effet, depuis le début de notre débat, vous refusez d'inscrire dans la loi le fait que les accords doivent être signés par des syndicats représentant la majorité des salariés des branches. Pour vous justifier, vous invoquez deux raisons. D'une part, vous dites que ça n'a pas été fait auparavant. Montrez donc que vous êtes meilleurs que les gouvernements précédents, et faites-le. Les salariés vous en sauront gré. Mais si vous ne voulez pas le faire, il faudra bien que nous nous demandions pourquoi.
    D'autre part, à aucun moment, en commission, vous n'avez pris d'engagement sur ces questions d'accords passés avec la majorité. Vous avez simplement expliqué qu'il n'y aurait pas d'extension d'accords signés par des syndicats trop minoritaires. Or, que signifient, du point de vue de la démocratie, les expressions « trop minoritaires » et « représentant plus largement les salariés » ? La seule démocratie que je connaisse, c'est celle qui se départage au-delà de 50 % : soit il y a une majorité, soit il n'y en a pas. On ne voit pas ce que peut bien être cette notion de « trop minoritaire ».
    M. Jean-Pierre Door. C'est comme les courants au PS !
    Mme Martine Billard. Je ne vois pas le rapport. Que je sache, les élections se font à la majorité. Il doit donc en être exactement de même au niveau des entreprises, et je regrette que ce n'ait pas été le cas auparavant. Faites-le donc, et chacun vous en saura gré. Votre but est-il d'offrir dorénavant aux branches la possibilité de mettre en oeuvre un contingent d'heures supplémentaires sans limites, ou ce contingent réglementaire a-t-il un sens ? Dans ce cas, ne doit-il pas pouvoir ouvrir la possibilité à des contingents plus importants au niveau des branches ?
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour soutenir l'amendement n° 39.
    M. Maxime Gremetz. C'est un amendement de cohérence. On ne dira pas que je veux retarder la séance ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

    M. Pierre Hellier. On n'a jamais dit ça !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. La commission a rejeté ces deux amendements. En effet, l'article a donné la possibilité, pour un accord de branche étendu, de fixer un contingent conventionnel supérieur ou inférieur au contingent réglementaire. Je rappelle que cette possibilité existait déjà avant le projet de loi. Pourquoi nous reprocher aujourd'hui de ne pas avoir fait ce qui a été fait la veille ?
    Mme Martine Billard. Faites mieux !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Madame Billard, nous allons faire mieux puisque, comme je l'ai indiqué, nous allons, dès le début de 2003, ouvrir la négociation sur la modernisation des conditions du dialogue social. Vous conviendrez que ce sujet mérite que l'on prenne le temps, avec les partenaires sociaux, d'organiser une concertation, qui ne sera certainement pas simple, tant nous avons manqué, pendant trop longtemps, de véritables débats et réflexions en la matière.
    Je voudrais dire aussi à Mme Billard que, contrairement à ce qu'elle pense, le décret ne fixera pas de limite supérieure aux heures supplémentaires. Il sera supplétif et ne s'appliquera qu'en l'absence d'accord. Nous souhaitons en effet laisser aux partenaires sociaux la liberté de fixer le niveau du contingent.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 8 et 39.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. Je suis saisi de quatorze amendements, n° 119 et n°s 178 à 190, déposés par M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements peuvent faire l'objet d'une présentation commune.
    L'amendement n° 119 est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le dernier alinéa du III de l'article 2 :
    « Une convention ou un accord de branche étendu peut fixer à un volume supérieur ou inférieur à celui déterminé à 130 heures par le décret prévu au premier alinéa, le contingent d'heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l'inspecteur du travail. »
    L'amendement n° 178 est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le dernier alinéa du III de l'article 2 :
    « Une convention ou un accord collectif étendu de la branche du bâtiment et des travaux publics peut fixer à un volume supérieur ou inférieur à celui déterminé à 130 heures par le décret prévu au premier alinéa, le contingent d'heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l'inspecteur du travail. »
    L'amendement n° 179 est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le dernier alinéa du III de l'article 2 :
    « Une convention ou un accord collectif étendu de la branche nettoyage industriel de locaux peut fixer à un volume supérieur ou inférieur à celui déterminé à 130 heures par le décret prévu au premier alinéa, le contingent d'heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l'inspecteur du travail. »
    L'amendement n° 180 est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le dernier alinéa du III de l'article 2 :
    « Une convention ou un accord collectif étendu de la branche de l'industrie et du commerce en gros des viandes peut fixer à un volume supérieur ou inférieur à celui déterminé à 130 heures par le décret prévu au premier alinéa, le contingent d'heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l'inspecteur du travail. »
    L'amendement n° 181 est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le dernier alinéa du III de l'article 2 :
    « Une convention ou un accord collectif étendu de la branche des petites entreprises du bâtiment peut fixer à un volume supérieur ou inférieur à celui déterminé à 130 heures par le décret prévu au premier alinéa, le contingent d'heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l'inspecteur du travail. »
    L'amendement n° 182 est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le dernier alinéa du III de l'article 2 :
    « Une convention ou un accord collectif étendu de la branche de la métallurgie peut fixer à un volume supérieur ou inférieur à celui déterminé à 130 heures par le décret prévu au premier alinéa, le contingent d'heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l'inspecteur du travail. »
    L'amendement n° 183 est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le dernier alinéa du III de l'article 2 :
    « Une convention ou un accord collectif étendu de la branche des industries nautiques peut fixer à un volume supérieur ou inférieur à celui déterminé à 130 heures par le décret prévu au premier alinéa, le contingent d'heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l'inspecteur du travail. »
    L'amendement n° 184 est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le dernier alinéa du III de l'article 2 :
    « Une convention ou un accord collectif étendu de la branche du commerce de détail des fruits et légumes peut fixer à un volume supérieur ou inférieur à celui déterminé à 130 heures par le décret prévu au premier alinéa, le contingent d'heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l'inspecteur du travail. »
    L'amendement n° 185 est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le dernier alinéa du III de l'article 2 :
    « Une convention ou un accord collectif étendu de la branche des organismes de formation peut fixer à un volume supérieur ou inférieur à celui déterminé à 130 heures par le décret prévu au premier alinéa, le contingent d'heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l'inspecteur du travail. »
    L'amendement n° 186 est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le dernier alinéa du III de l'article 2 :
    « Une convention ou un accord collectif étendu de la branche de l'industrie du verre peut fixer à un volume supérieur ou inférieur à celui déterminé à 130 heures par le décret prévu au premier alinéa, le contingent d'heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l'inspecteur du travail. »
    L'amendement n° 187 est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le dernier alinéa du III de l'article 2 :
    « Une convention ou un accord collectif étendu de la branche du négoce et la distribution des combustibles peut fixer à un volume supérieur ou inférieur à celui déterminé à 130 heures par le décret prévu au premier alinéa, le contingent d'heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l'inspecteur du travail. »
    L'amendement n° 188 est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le dernier alinéa du III de l'article 2 :
    « Une convention ou un accord collectif étendu de la branche de la grande distribution alimentaire peut fixer à un volume supérieur ou inférieur à celui déterminé à 130 heures par le décret prévu au premier alinéa, le contingent d'heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l'inspecteur du travail. »
    L'amendement n° 189 est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le dernier alinéa du III de l'article 2 :
    « Une convention ou un accord collectif étendu de la branche des transports publics urbains peut fixer à un volume supérieur ou inférieur à celui déterminé à 130 heures par le décret prévu au premier alinéa, le contingent d'heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l'inspecteur du travail. »
    L'amendement n° 190 est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le dernier alinéa du III de l'article 2 :
    « Une convention ou un accord collectif étendu de la branche de la banque peut fixer à un volume supérieur ou inférieur à celui déterminé à 130 heures par le décret prévu au premier alinéa, le contingent d'heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l'inspecteur du travail. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Monsieur le ministre, vous venez d'évoquer le grand absent de notre débat : le fameux décret qui relève à 180 le contingent d'heures supplémentaires. Vous nous dites que ce texte n'a qu'une vocation transitoire, le temps que la négociation puisse se nouer. Mais j'ai eu l'occasion, la semaine dernière, de citer les déclarations de toutes les organisations syndicales qui estimaient qu'il n'y avait plus matière à négocier. Que les invite-t-on à négocier, en effet ? Le relèvement du contingent ? Ce n'est pas nécessairement une priorité. Le bénéfice des allégements ? Au niveau des entreprises, ils sont désormais déconnectés. La diminution des majorations d'heures supplémentaires de 25 % à 10 % ? C'est fixer à la négociation un cadre bien étroit, en tout cas pas très positif pour les syndicats de salariés, et je peux comprendre leur réaction.
    En fait, en relevant le contingent d'heures supplémentaires, le décret va ipso facto permettre de contourner les 35 heures. Votre système d'allégement encouragera le recours aux heures supplémentaires, on pourra en faire quatre et, comme l'a dit le Premier ministe, revenir ou demeurer à 39 heures, alors que la référence légale restera à 35 heures.
    Ainsi, votre gouvernement sera l'un des rares à avoir procédé à une augmentation du temps de travail des salariés. Vous serez en fait le troisième dans l'Histoire. On a déjà cité l'un de ceux qui manifestement vous est cher, celui de M. Daladier et de M. Reynaud, mais vous n'êtes pas sans savoir, monsieur le ministre, qu'en 1851, Louis-Napoléon Bonaparte, qui n'était pas encore empereur mais Président de la République, avait procédé de la même façon. La Seconde République - paix à ses cendres ! - avait effectivement instauré la journée de dix heures, avec un maximum de douze heures, que le comité de la rue de Poitiers, puis le Président de la République élu, Louis-Napoléon Bonaparte, avaient jugé utile de remettre en question. Ainsi, vous voisinez avec quelques grands ancêtres, monsieur le ministre, dont je ne vous dispute pas le cousinage. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Si nous faisons ce rappel, ce n'est pas au nom des 35 heures, qui seraient tabou, mais bien au nom de l'emploi. C'est pourquoi nous souhaitons revenir sans cesse sur la question du contingent des heures supplémentaires car, contrairement à ce que vous dites, il ne s'agit pas de libérer les heures supplémentaires, mais de modifier le seuil à partir duquel s'applique le repos compensateur. C'est donc bien sur le repos compensateur que vous agissez, plus que sur les heures supplémenaires, et j'espère que vous nous répondrez, avant d'aborder l'article 12, sur la question de savoir si les dispositions que vous voterez, mais que nous ne voterons pas, auront un effet sur l'état de la négociation.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. La commission a rejeté l'ensemble de ces amendements. Je ne reprendrai pas l'argumentaire sur la notion du cadre législatif et réglementaire auquel il est fait allusion, ni sur la notion du décret à 180 heures qui figure dans le projet de loi gouvernemental.
    On ne peut que s'étonner que soient proposées des dispositions spécifiques pour le bâtiment et les travaux publics, pour les nettoyeurs industriels de locaux, pour l'industrie et le commerce en gros des viandes, pour les petites entreprises du bâtiment, pour la métallurgie, pour les industries nautiques,...
    M. Jean-Pierre Door. La pêche !
    M. Pierre Morange, rapporteur. ... pour le commerce de détail des fruits et légumes, pour les organismes de formation, pour l'industrie du verre, pour le négoce et la distribution, pour la grande distribution alimentaire, pour les transports publics urbains, pour la banque - et j'espère n'avoir rien oublié. Dans la mesure où tout cela ne s'inscrit pas dans le cadre général de la loi, ces amendements nous semblent peu pertinents.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis.
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Ces amendements qui font l'objet d'une présentation commune nous permettent de revenir sur un aspect du débat. M. Gremetz a renvoyé à la lecture du compte rendu pour savoir comment interpréter la réponse apportée à une question similaire qui a été posée en début de séance. Nous n'avions pas bien compris la réponse de M. le rapporteur. Mais, monsieur le ministre, vous avez répondu en lisant manifestement un document émanant de vos services, donc réfléchi, sur la question, très compliquée, du sort qui, au regard des présentes modifications législatives, sera réservé aux accords précédemment passés sous l'empire de l'ancienne législation.
    Il est vrai que, par une formulation que vous pourriez peut-être préciser, nous avons eu l'esquisse d'une réponse favorable, et, en tout cas, cohérente, qui consiste à dire, tout simplement - le droit a parfois sa logique, ce n'est pas forcément une science absurde -, que, lorsque des gens ont négocié dans un cadre législatif - et cela vaut pour le droit du travail, comme pour le droit commercial et toute autre matière -, se sont mis d'accord et que les conditions générales de la négociation sont modifiées par une loi, l'engagement qu'ils avaient pris mérite d'être réitéré ou, en tout cas, ne peut pas leur être opposé.
    Chacun a compris le problème qui va se poser pour les organisations syndicales. Dans le cadre d'un contingent limité à 130 heures, elles acceptent - c'est la richesse du dialogue social - un contingent d'heures supplémentaires supérieur dans telle ou telle branche, parce qu'elles ont la garantie de la protection du déclenchement du repos compensateur.
    M. Maxime Gremetz. Tout à fait !
    M. Alain Vidalies. La question très simple qui se pose donc aujourd'hui est de savoir ce qui va se passer dans ces entreprises. Pourra-t-on dire aux organisations syndicales et aux salariés concernés, que l'accord qu'ils ont signé reste opposable alors que la règle du jeu a été changée par la loi ? C'est d'ailleurs une question juridiquement assez complexe et qui, si votre opinion rejoignait celle, à vrai dire pas très explicite, du rapporteur, pourrait poser de nombreuses difficultés.
    En réalité, monsieur le ministre, vous l'avez bien compris, nos amendements visent à protéger la négociation, puisqu'ils consistent simplement à dire à ceux qui se sont engagés de part et d'autre que, quel que soit le nouveau dispositif législatif, leurs engagements réciproques restent valables et que, s'ils veulent tenir compte de la nouvelle loi, il faudra prévoir un avenant. Cela me paraît la moindre des corrections, et c'est en même temps respecter le contenu de la négociation sociale, dont vous appelez de vos voeux le développement, dont vous nous dites sans cesse qu'elle est pour vous un grand objectif. C'est bien mal commencer ce travail que d'imposer à ceux qui ont négocié dans un certain cadre des conséquences qu'ils n'avaient pas du tout imaginées à l'époque.
    Pour montrer l'ampleur du phénomène, nous avons simplement décliné toutes les branches professionnelles qui engageaient à la fois les salariés et les employeurs. Rester dans l'ambiguïté, ce ne serait pas leur adresser un signe très positif sur le contenu de votre loi. A moins que vous ne confirmiez l'espoir que nous avons eu tout à l'heure en écoutant votre réponse, monsieur le ministre, et que vous n'indiquiez que le changement de règle supposera que les partenaires sociaux ne se voient pas imposer les conséquences de votre loi mais que, par un avenant issu de nouvelles négociations, on tienne compte du nouveau cadre législatif et que la loyauté de chacun soit respectée.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 119.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 178.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. Gaëtan Gorce. Monsieur le président, je demande la parole.
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Je suis surpris du silence du ministre. Mon collègue Alain Vidalies a pourtant excellemment précisé le contenu de la question que nous posons. Cette absence de réponse nous inquiète, en même temps qu'elle pourrait offusquer la représentation nationale. Pour permettre au ministre de mettre au point ses arguments - ou de nous dire qu'il nous répondra dans le cadre de l'article 12, car c'est peut-être à ce moment-là, en effet, que nous pourrons obtenir une réponse -, et afin de réunir mon groupe, je demande une suspension de séance d'un quart d'heure.
    M. le président. Je vais suspendre la séance pour dix minutes.

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à vingt-trois heures cinquante, est reprise, le mercredi 9 octobre, à zéro heure.)
    M. le président. La séance est reprise.
    La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, j'ai répondu à plusieurs reprises aux questions posées par le groupe socialiste sur la validité des accords antérieurs.
    Comme M. Gorce l'a d'ailleurs lui-même précisé, nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen de l'article 12. Pour l'heure, je m'en tiens donc aux réponses que j'ai formulées.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 179.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 180.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 181.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 182.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 183.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 184.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 185.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 186.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 187.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 188.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 189.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 190.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère ont présenté un amendement, n° 9, ainsi rédigé :
    « Dans le dernier alinéa du III de l'article 2, supprimer les mots : "supérieur ou. »
    La parole est à Mme Martine Billard.
    Mme Martine Billard. Cet amendement est relatif, lui aussi, à la question du contingent d'heures supplémentaires. Monsieur le ministre, j'ai bien compris la réponse que vous nous avez faite tout à l'heure. Mais justement, ce que j'ai bien compris, en l'occurrence, c'est que le contingent réglementaire fixé par décret à 180 heures pouvait être augmenté ou diminué par voie conventionnelle. C'est précisément là que nous divergeons. Je pense qu'il n'est pas bon pour la santé des salariés de permettre un contingent supérieur à 180 heures, lequel rappelons-le, permet quand même de travailler 39 heures par semaine, alors que la durée légale reste fixée à 35 heures. Voilà pourquoi il convient d'autoriser la fixation, par voie conventionnelle, d'un contingent inférieur à 180 heures, mais non d'un contingent supérieur.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement, qui tend à n'autoriser un contingent conventionnel que s'il est inférieur au contingent fixé par décret. Qu'il soit inférieur ou supérieur, c'est aux partenaires sociaux qu'il appartient d'en décider par la négociation.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cet amendement va contre l'esprit du projet de loi qui vous est soumis, lequel tend à simplifier la législation. Et surtout, il refuse aux partenaires sociaux la liberté que nous voulons leur laisser de...
    Mme Martine Billard. De se faire exploiter !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... négocier sur tous ces sujets.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 120, ainsi rédigé :
    « Compléter le deuxième alinéa du III de l'article 2 par la phrase suivante :
    « Cet accord doit être signé par une ou des organisations syndicales représentatives et majoritaires dans la branche dans des conditions fixées par un accord national interprofessionnel et reprises par décret. »
    La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir cet amendement.
    M. Alain Vidalies. Cet amendement tend à préciser les conditions de dérogation et surtout les conditions de validité des accords. Il aborde notamment la question de l'accord majoritaire.
    Monsieur le ministre, quand vous abordez ces questions - et vous l'avez fait avant les élections, puisque c'était même une thématique assez forte de votre campagne -, vous nous dites que l'élaboration de la norme en matière sociale doit être revue en laissant un espace plus important aux partenaires sociaux. Pendant la campagne, vous décliniez cette idée en parlant d'une loi sur la démocratie sociale, sans aborder à ce moment-là, je vous en donne acte - même si, depuis, j'ai cru comprendre que vous aviez précisé votre pensée -, deux questions qu'on ne peut pas éviter dès lors qu'on aborde ce problème, celle de la représentativité et celle de l'accord majoritaire.
    Le candidat Chirac disait dans son programme : « Je m'engage à renouveler notre pacte démocratique et poser le principe du "dialogue social d'abord. »
    M. Sébastien Huyghe. Très bien !
    M. Alain Vidalies. Ce principe du « dialogue social d'abord », je vois qu'il est encore approuvé de la voix par ceux qui le soutenaient à l'époque, mais le seul problème, voyez-vous, c'est qu'en ce moment, on fait exactement l'inverse.
    Aujourd'hui, nous sommes dans l'opposition, et la question de votre responsabilité dans la conduite des affaires de la France est une question que nous sommes en droit de vous poser. Il y a un vrai problème de cohérence par rapport à vos engagements. Dans ce texte, il est difficile de savoir ce qu'ils sont devenus. Vous faites même exactement le contraire de ce que vous aviez dit que vous feriez. Cette loi, vous le savez parfaitement, va vider de sa substance la négociation à venir. Et les syndicats de salariés ne s'y trompent pas lorsqu'ils commentent l'annonce que vous avez faite de la parution d'un décret organisant le passage de 130 heures à 180 heures. D'abord la loi, ensuite le décret, et ensuite l'invitation à négocier. Mais attendez, que va-t-on négocier ? Que va-t-on négocier alors que vous avez déjà changé les règles du jeu au détriment des salariés ?
    Pour ce qui est de la définition de ce qu'est un accord majoritaire, on peut retenir deux formulations. Soit on le définit comme étant un accord approuvé par les organisations syndicales représentant la majorité des salariés, soit on le définit comme étant un accord approuvé par la majorité des organisations représentatives, ce qui n'est pas exactement la même chose. L'une de ces deux solutions a la préférence des partenaires sociaux. Après votre intervention de tout à l'heure, monsieur le ministre, je relisais encore le document relatif aux nouvelles voies de la négociation, qui aborde la question des conditions de validation des accords de branche. J'y insiste, ce sont bien les partenaires sociaux, et non pas les esprits inventifs du groupe socialiste, qui ont défini, après concertation, un certain nombre de règles du jeu qui permettraient de conforter les engagements issus de la négociation.
    Voilà pourquoi je ne crois pas qu'on puisse aller au bout de cette logique. Celle-ci, qui serait redoutable et désastreuse pour le dialogue social à venir, qui consiste à garder les anciennes règles et à commencer par modifier le dispositif du droit du travail par une loi qui va être imposée à des millions de salariés.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. La commission a rejeté l'amendement n° 120. Je ne veux ni utiliser une argumentation répétitive ni être susceptible d'être accusé de laconisme, mais je considère que cette question des accords majoritaires a déjà été largement débattue et que les précisions ont été données par M. le ministre.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mesdames et messieurs les députés, vous avez eu cinq ans pour faire évoluer les conditions du dialogue social. Vous avez même eu la chance de pouvoir vous appuyer sur un accord très large des partenaires sociaux dont vous reconnaîtrez avec moi, puisque vous l'avez lu attentivement, que, s'il s'ouvre de nombreuses pistes, il ne choisit pas réellement celle que le législateur devra choisir pour que les conditions du dialogue social soient modernisées.
    Nous, nous nous engageons, moins d'un an après que le peuple français nous a donné la majorité, c'est-à-dire au début de 2003, à engager cette discussion et à revenir devant le Parlement avec un texte qui tirera une partie ou toutes les conséquences des négociations qui ont déjà eu lieu entre les partenaires sociaux. Je ne pense pas que l'on puisse faire plus vite.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 120.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 121, ainsi rédigé :
    « Compléter le dernier alinéa du III de l'article 2 par la phrase suivante :
    « L'accord doit être signé par la majorité des organisations syndicales représentatives au niveau de la branche. »
    La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Cet amendement reprend la formulation retenue par les organisations syndicales de salariés et d'employeurs dans cette négociation.
    Monsieur le ministre, vous dites affirmez que les partenaires sociaux vouloir inviter à négocier sur cette question de la démocratie sociale. Mais ils ont déjà négocié et vous savez très bien que seules demeurent en suspens des questions qui pourraient relever de la responsabilité du législateur aujourd'hui quant au choix entre telle ou telle règle majoritaire et la représentativité pour connaître éventuellement le niveau de la consultation, encore que les partenaires sociaux aient donné dans l'accord des indications assez précises. Si vous vouliez progresser dès aujourd'hui, il convenait pour le moins, me semble-t-il, de faire référence à cet accord.
    Tel est l'objet de l'amendement n° 121.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, pour les mêmes arguments que précédemment.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, si les partenaires sociaux se sont mis d'accord, je ne vois vraiment pas pourquoi vous ne vous êtes pas emparé de cet accord pour le traduire dans la loi. La réalité est bien différente, vous le savez. Sans doute existait-il, en vos rangs, des avis divergents sur cette question. Sans doute, aussi, aviez-vous mesuré le chemin qui restait à parcourir pour que cette volonté commune exprimée par les partenaires sociaux devienne une réalité qui s'appuie sur des règles de représentativité, de choix en matière de validation des accords, d'expression des organisations syndicales sur leur fonctionnement, sur leurs moyens... Tous ces sujets sont suffisamment vastes et difficiles pour que le Gouvernement ne souhaite pas qu'ils soient tranchés à la faveur d'un amendement déposé sur un texte qui a un autre objet.
    M. Richard Mallié. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Je vous donne acte, monsieur le ministre, de ce raisonnement, mais je peux le retourner. En effet, vous tirez les conséquences de l'importance que vous accordez à la négociation sociale en faisant passer un certain nombre de règles qui relèvent aujourd'hui du domaine de la loi ou du domaine du règlement dans le domaine conventionnel. Vous affirmez que les règles de fonctionnement ne sont pas satisfaisantes et qu'il est nécessaire de modifier les conditions de validité des accords. Vous admettrez qu'il y a tout de même là un problème de logique, et chacun se rend bien compte de la situation : il s'agit de faire passer dans le domaine contractuel ce qui relève de la responsabilité politique de ceux qui votent ici et ce qui incombe au pouvoir réglementaire, donc de ceux qui ont la charge des affaires de l'Etat.
    Il y a ici au moins une règle que nous vérifions avec honneur depuis quelque heures, c'est que la majorité l'emporte sur la minorité.
    M. Jean-Pierre Door. Heureusement !
    M. Alain Vidalies. Mais cette règle ne fonctionnne pas dans l'autre sens. En effet, l'on se propose de donner un pouvoir normatif à des accords qui seront signés par des organisations syndicales minoritaires, puisque telle est, pour des raisons historiques dont personne ne doit porter la responsabilité, la situation du droit dans notre pays.
    Monsieur le ministre, vous pouvez nous opposer la nécessité de changer cette loi, mais dès lors que vous prenez la responsabilité d'étendre le champ de la négociation, je ne pense pas que vous soyez davantage dans la cohérence. Vous commencez par modifier les choses pour changer les règles après coup.
    M. Jean-Pierre Door. Ça ne veut pas dire grand-chose !
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Pour que l'Assemblée soit complètement éclairée, j'ajouterai que ces accords ne peuvent être étendus que sur décision du Gouvernement...
    M. Maxime Gremetz. Justement !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... qui est lui-même issu de la volonté de la majorité des Français.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Mais oui !
    M. Maxime Gremetz. Mais non !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 121.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 122, ainsi rédigé :
    « Compléter le dernier alinéa du III de l'article 2 par la phrase suivante :
    « L'accord ne peut être étendu si la majorité des organisations syndicales représentatives s'y oppose, quel que soit le nombre d'organisations syndicales signataires de la convention ou de l'accord de branche. »
    La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, je conçois qu'avec cet amendement, qui concerne les conditions d'extension des accords, nous empiétions d'une certaine façon sur ce qui relève de la responsabilité du Gouvernement, mais, dans le même temps, il me semble qu'il apporterait de la cohérence dans le déroulement des choses.
    Vous nous proposez de légiférer d'abord, de modifier ensuite les règles de la démocratie sociale.
    M. Richard Mallié. On n'a pas le temps !
    M. Alain Vidalies. Il nous semble que la cohérence serait de faire l'inverse. Une solution de synthèse serait de prendre en compte ce qui relève des conditions d'extension des accords qui sont fixées par les textes aujourd'hui et de faire référence, simplement sur cet aspect-là, à des règles plus strictes que les règles actuelles. Peut-être, pouvez-vous, monsieur le ministre, essayer de faire un effort dans ce sens-là pour atténuer cette contradiction dont tout le monde voit bien qu'elle s'accentue plus on avance dans le débat.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement, pour les mêmes motifs, concernant les notions d'accord majoritaire.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Avis défavorable, monsieur le président. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Maxime Gremetz. Vous êtes contre la démocratie ?
    M. Henri Nayrou. C'est terrifiant !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 122.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 123, ainsi rédigé :
    « Compléter le dernier alinéa du III de l'article 2 par la phrase suivante :
    « L'accord ne peut être étendu si la majorité des organisations syndicales représentatives représentées à la commission nationale de la négociation collective instituée par l'article L. 136-1 s'oppose à l'extension dudit accord. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Si nous pouvons entendre, sans être forcément d'accord, l'argumentation du Gouvernement nous indiquant qu'il ne faut pas anticiper - encore qu'il ait tendance à le faire puisqu'il a déjà réglé par décret la question de la négociation sur le contingent d'heures supplémentaires - même si nous pouvons entendre donc cet argument qu'il ne faut pas modifier, à la faveur d'un texte, des dispositions aussi importantes et qui relèvent de l'accord entre les grandes organisations syndicales représentatives, nous considérons qu'une autre façon de faire pourrait être envisagée : nous pourrions, sur des dispositions qui touchent à l'ordre public social, nous appuyer sur une sorte de droit d'opposition nouvelle manière.
    Nous ne proposons pas une grande réforme qui modifierait les règles de représentativité bien qu'une évolution soit sans doute nécessaire - mais nous aurons, j'espère, l'occasion d'en reparler, notamment dans cette enceinte. Ce que nous voulons, dans un domaine extrêmement important pour les salariés et qui a été mis en place par M. Stoleru avec la loi du 16 juillet 1976, je veux parler du repos compensateur, ce que nous voulons, c'est faire en sorte qu'il ne puisse pas être reporté à un niveau qui ne serait accepté que par une organisation syndicale certes représentative, mais qui ne représenterait, dans la branche professionnelle concernée, qu'une infime minorité de salariés.
    Vous nous avez - ou plutôt, le rapporteur nous a, à plusieurs reprises - indiqué que vous étiez opposé à l'idée d'étendre les accords qui seraient trop minoritaires, mais, de fait, on a du mal à comprendre vos critères. Une garantie normale serait de prévoir que si une majorité des organisations syndicales représentatives dans la branche s'oppose à la disposition, ce soit là un argument suffisant pour ne pas l'étendre et pour ne pas l'appliquer.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement, qui concerne un chantier en cours.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement s'est déjà longuement expliqué sur ce sujet, je n'ai donc rien à ajouter, si ce n'est que je ne peux pas laisser M. Gorce dire que la question de la négociation a été ou sera tranchée par le décret, le décret étant plutôt une manière d'inciter les partenaires sociaux à entrer dans cette négociation. Nous nous sommes nous-mêmes fixé un rendez-vous : dans dix-huit mois, la commission nationale de la négociation collective et le Conseil économique et social devront examiner ce qui s'est passé pendant cette période entre les partenaires sociaux, quels sont les accords qui ont été signés ou qui n'ont pas été signés. Le Gouvernement pourra alors adapter son texte à la réalité de la négociation des accords dans les entreprises.
    C'est dire si le Gouvernement est soucieux de la négociation et du dialogue social puisque, une nouvelle fois, il confie au Conseil économique et social le soin de porter un regard critique sur l'ensemble de ces sujets, comme il l'a fait avant de s'engager sur la réforme du SMIC.
    M. Richard Mallié. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, vous pouvez nous répondre négativement, mais cette question-là, qui porte sur les conditions de l'extension, est très précise. Nous avons eu déjà, sur un autre sujet, un débat similaire, qui a donné lieu à des interprétations manifestement très différentes, au moins dans l'expression, de la part de M. le rapporteur et vous-même, le procès-verbal en fera foi.
    Est-ce que, compte tenu des conséquences des arrêtés d'extension, vous entendez appliquer le droit actuel pour étendre ces accords, et donc éventuellement ces accords minoritaires puisque ce sont eux qui posent des difficultés, ou bien - et c'est la réponse que nous attendons - allez-vous au-delà peut-être même de la règle de droit vous imposer à vous-mêmes d'autres règles qui seraient plus cohérentes avec vos perspectives sur la démocratie sociale ? La question me semble simple.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 123.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 124 rectifié, ainsi rédigé :
    « Compléter le III de l'article 2 par l'alinéa suivant :
    « Les conventions ou accords collectifs de branche étendus ayant fixé un contingent d'heures supplémentaires supérieur à 130 heures par an, sur le fondement des dispositions du code du travail alors applicables à la date de leur conclusion et conformément à ces mêmes dispositions, ne peuvent être regardés que comme valant autorisation d'effectuer des heures supplémentaires, dans la limite du contingent fixé par la convention ou l'accord, après information de l'inspecteur du travail. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. L'amendement 124 revient sur la question qu'Alain Vidalies a soulevée tout à l'heure, et qui avait d'ailleurs provoqué notre interruption de séance, à savoir le sort qui sera réservé aux accords qui ont été signés sur le fondement de l'ancienne loi et qui prévoyaient un repos compensatoire à partir de 130 heures et qui pourraient se voir, aujourd'hui, appliquer un autre contingent et donc un autre seuil de déclenchement du repos compensateur.
    En engageant la discussion sur ce point précis, et compte tenu du manque de réponses de votre part sur nombre de questions, me revenait en mémoire une phrase qui devrait vous être chère, celle d'André Malraux, qui disait que la vérité d'un homme, c'est d'abord ce qu'il cache. Monsieur le ministre, je crois, à travers ce que le Gouvernement nous cache dans ce débat, que votre vérité est profonde et large sur ces sujets, mais qu'elle mériterait à s'exposer un peu plus, de façon que nous puissions avoir le véritable débat auquel nous aspirons depuis le début.
    Quant à l'amendement n° 124 rectifié, il vise simplement à faire en sorte qu'on ne puisse pas opposer à des organisations syndicales qui auraient signé un accord prévoyant un contingent supérieur à 130 heures les dispositions nouvelles sur le seuil de déclenchement du repos compensateur.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. Je rappelle que l'amendement qui sera proposé après l'article 12 permet de sécuriser tous les accords, qui continueront de s'appliquer quelle que soit leur date de conclusion et de signature.
    M. Alain Vidalies. Voilà !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement, sur la référence gaulliste de M. Gorce ou sur l'amendement ?
    M. Gaëtan Gorce. J'ai fait des efforts ! (Sourires.)
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Sur l'amendement, monsieur le président, le Gouvernement émet un avis défavorable. Je n'ai pas l'imagination de M. Gorce, je ne peux pas varier à l'infini les réponses, je n'ai qu'une seule réponse à apporter à M. Gorce, même s'il pose les mêmes questions en cherchant à les habiller de manière différente : nous aurons, à l'article 12 de ce projet, un débat sur la question qu'il a posée et à laquelle j'ai déjà répondu à maintes reprises. Je n'ai rien ajouter.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 124 rectifié.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Liberti, Dutoit, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 40, ainsi libellé :
    « Après le III de l'article 2, insérer le paragraphe suivant :
    « III bis. - Après l'article L. 212-5-2, il est inséré un article L. 212-5-3 ainsi rédigé :
    « Art. L. 212-5-3. - Les heures supplémentaires ne peuvent être effectuées qu'après l'accord du comité d'entreprise ou des délégués du personnel. »
    « Les heures supplémentaires ne peuvent être accomplies qu'au cas où l'entreprise ne peut recruter le personnel nécessaire pour faire face au surcroît d'activité, notamment lorsqu'il n'existe pas de candidat pour le travail proposé. »
    La parole est à M. François Liberti.
    M. Maxime Gremetz. J'ai décidé de faire la grève ! (Sourires.)
    M. Georges Tron. Il fait les 35 heures. (Sourires.)
    M. François Liberti. Cet amendement cible deux objectifs : donner des droits nouveaux aux salariés et mieux définir les heures supplémentaires et le cadre de leur recours.
    Concernant le premier objectif, il est proposé de renvoyer la décision d'effectuer des heures supplémentaires après discussion entre l'employeur et les délégués du personnel, afin de couper court au recours abusif à ce procédé contre-productif en termes de création d'emplois. Je crois que nous sommes tout à fait dans le cadre de ce que vous appelez le dialogue social.
    Dans le second objectif, nous proposons que les heures supplémentaires ne puissent s'accomplir qu'au cas où l'entreprise ne peut recruter le personnel nécessaire pour faire face au surcroît d'activité.
    Avec l'adoption de cet amendement, nous consacrerions une réelle avancée en faveur de l'emploi et des droits nouveaux pour les salariés.
    M. Maxime Gremetz. Très bien !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement.
    En effet, le procédé qui est proposé est d'une grande lourdeur. Les heures supplémentaires sont - nous le savons tous - un mode normal de gestion et ne doivent pas donner lieu à un accord du comité d'entreprise ou du délégué du personnel. Sinon, que faire dans les entreprises qui n'ont ni comité d'entreprise, ni délégué du personnel ? L'amendement n'aborde pas ce problème.
    Enfin, il faut bien évidemment que les entreprises aient un minimum de marge de manoeuvre dans la gestion de leur personnel pour s'adapter aux réalités économiques.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement partage l'analyse du rapporteur. Je me permets d'ajouter - cela devrait suffire à rassurer M. Liberti - que le projet de loi qui vous est présenté ne revient pas sur les garanties collectives déjà existantes en matière d'heures supplémentaires et en particulier sur la consultation du comité d'entreprise ou à défaut des délégués du personnel. Il n'y a donc pas de raison de retenir cet amendement.
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Depuis tout à l'heure, j'entends dire que les accords ne seront pas remis en cause, etc. Là, on ne revient pas sur ce qu'on a dit...
    Je suis allé chercher un document sur le site de votre ministère, monsieur le ministre.
    M. Georges Tron. Très bien !
    M. Maxime Gremetz. Vous ne pouvez pas donc pas le contester. Et je vais vous lire la fiche n° 9, à propos des effets de la RTT sur l'emploi.
    M. Richard Mallié. Elle date de janvier 2002 !
    M. Maxime Gremetz. Ça vous embête ? Mais il n'y a que la vérité qui blesse. Ecoutez, c'est très intéressant et c'est bien fait. Les gens du ministère sont des gens sérieux, vous ne pouvez pas le contester ?
    Selon cette fiche, l'analyse des données microéconomiques disponibles suggèrent que les effets à court terme de la réduction du temps de travail sur l'emploi salarié auraient permis de créer environ 300 000 emplois entre 1996 et 2001. C'est bien ce que nous disions.
    Alors, de deux choses l'une.
    Si c'est vrai, il faut le reconnaître, et non noircir le tableau, même si je rappelle que cela a coûté six milliards d'euros.
    J'ai une autre fiche officielle : la fiche n° 10, qui fait état d'un financement public de la RTT à hauteur de 9 milliards. Par conséquent, 9 milliards moins 6 milliards, les entreprises ont fait 3 milliards d'euros de bénéfices.
    M. Jacques Le Guen. CQFD !
    M. Maxime Gremetz. Ce sont vos chiffres, monsieur le ministre ! Alors de deux choses l'une : ou les 35 heures ont créé 300 000 emplois, et alors reconnaissez-le, ou ce n'est pas le cas, et les patrons ont quand même fait 3 milliards de bénéfices sans créer d'emplois ! Ce serait extraordinaire ! Vous voyez que les entreprises n'ont pas à se plaindre !
    Le débat, pour qu'il soit crédible, pour qu'il soit sérieux, doit reposer sur des données incontestables. Pour chaque argument que vous avancerez, j'irai chercher les documents ! Il ne faut pas dire n'importe quoi ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Georges Tron. En effet, il ne faut pas dire n'importe quoi !
    M. Maxime Gremetz. Ah bon ? Le ministère dit n'importe quoi ?
    M. Georges Tron. Je ne me permettrais pas de tels propos.
    M. Maxime Gremetz. Moi, je pense qu'il dit vrai : la réduction du temps de travail a bien créé 300 000 emplois et a coûté 6 milliards d'euros. Cela me paraît tout à fait évident.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 125, ainsi libellé :
    « Après le III de l'article 2, insérer le paragraphe suivant :
    « III bis. - La deuxième phrase de l'article L. 212-6 du code du travail est ainsi rédigée :
    « Ce contingent est réduit à 90 heures par an et par salarié lorsque la durée hebdomadaire de travail varie dans le cadre d'une convention ou d'un accord collectif de modulation conclu en application de l'article L. 212-8 du code du travail. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Cet amendement vise à rappeler une des dispositions de la loi du 19 janvier 2000, qui prévoyait effectivement un contingent d'heures supplémentaires différent selon que les entreprises s'inscrivaient ou non dans un cadre de modulation. Dans l'hypothèse positive, il était prévu que le contingent serait réduit par décret de 90 heures. C'est donc l'occasion de vous faire confirmer ce point, monsieur le ministre : j'aimerais avoir l'assurance que le contingent réglementaire de 90 heures ne sera pas remis en question par votre décret, mais plus encore qu'il ne sera pas remis en question par la négociation.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. Pour les salariés couverts par un accord de modulation des horaires sur l'année, le contingent des heures supplémentaires est de 90 heures par an. Ce chiffre restera inchangé dans le futur décret. Il n'y a pas lieu de s'inquiéter.
    M. Gaëtan Gorce. Et si les partenaires sociaux en décident autrement ?
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Comme vient de le dire M. le rapporteur, le décret ne modifiera en rien le contingent d'heures supplémentaires en cas de modulation. En revanche, M. Gorce l'a bien compris, le législateur permettra aux partenaires sociaux de négocier, sur ce sujet comme sur les autres.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 125.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Mme Billard, M. Yves Cochet et M. Mamère ont présenté un amendement, n° 2, ainsi rédigé :
    « Supprimer les IV et V de l'article 2. »
    La parole est à Mme Martine Billard.
    Mme Martine Billard. Il s'agit là d'un aspect de ce que vous appelez « l'assouplissement des 35 heures ». En réalité, vous vous attaquez à un point du code du travail qui, jusqu'à présent, n'avait jamais été remis en cause : la durée hebdomadaire du travail. Notre amendement a pour but de maintenir la référence au calcul hebdomadaire, au lieu d'étendre l'annualisation à l'ensemble des contrats de travail, sans aucune contrepartie, de surcroît, contrairement à ce qui était prévu dans les lois Aubry. L'argument de la simplification et de la clarification du calcul, tout comme, dans l'exposé des motifs du projet de loi, la référence aux jours fériés, susceptibles, selon les années, de tomber un jour de repos, sont assez fallacieux.
    La généralisation de l'annualisation du calcul du temps de travail par suppression de la référence à la moyenne hebdomadaire de 35 heures est une double régression sociale : elle constitue une atteinte au rythme de vie et ouvre la voie à l'augmentation du nombre d'heures travaillées. La flexibilité accrue des horaires restreint le contrôle des heures travaillées et entraîne une difficulté, en fin d'année, pour faire valoir les heures supplémentaires. C'est d'ailleurs l'annualisation, entre autres, qui a suscité nombre de critiques et de rejets des deux lois Aubry et des 35 heures chez certaines catégories de salariés et dans certaines entreprises.
    Pour certaines branches, l'annualisation peut se concevoir, et même apporter une amélioration. Dans le tourisme, par exemple, des contrats annuels ont pu être signés alors que, auparavant, les salariés étaient plutôt en CDD, avec des périodes de l'année sans travail. On peut le comprendre aussi pour l'industrie du jouet. Mais la généraliser à l'ensemble des salariés est une atteinte assez grave aux conditions de travail, car ils ne pourront plus organiser leur vie de famille et leur vie sociale de manière stable.
    Parmi les onze jours fériés annuels, je le rappelle, seul le 1er mai est légalement chômé ; les autres jours dépendent des conventions collectives. Le fait de supprimer la référence hebdomadaire aux 35 heures au profit du quota annuel de 1 600 heures risque donc de se traduire, en fin d'année, par de mauvaises surprises, notamment dans les branches qui reconnaissent un nombre minimum de jours chômés. Si l'on déduit des 365 jours de 2002, par exemple, les 104 jours de week-end, les 25 jours de congés payés et les 9 jours fériés, on obtient 227 jours travaillés, soit 1 589 heures. Dès lors que vous faites tomber la référence hebdomadaire de 35 heures et que vous vous contentez de la référence annuelle de 1 600 heures, que se passera-t-il pour les salariés ? S'ils accomplissent 1 589 heures de travail alors que le plafond obligatoire atteint désormais 1 600 heures, le chef d'entreprise pourra-t-il leur imposer, en fin d'année, de venir travailler le soir ou le week-end pour rattraper les 11 heures manquantes ?
    Vous voyez bien que ces dispositions, au lieu de simplifier, rendront plus complexes les calculs, plus difficile la situation des salariés, et créeront une nouvelle instabilité, une nouvelle inconnue dans la gestion du temps de repos des salariés.
    M. Jean-Pierre Door. L'opposition ne sait parler que de repos !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement de suppression des paragraphes IV et V de l'article 2, relatifs à la modulation, à l'annualisation du temps de travail. Leur philosophie est en effet fondée sur la flexibilité et la simplicité, avec un plafond de 1 600 heures, le temps de travail effectif pouvant donc évidemment être inférieur.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Madame la députée, j'ai déjà eu l'occasion de répondre à cette question, la semaine dernière, lors d'un échange avec M. Gremetz. Je l'avais rassuré, en lui démontrant que la référence aux 35 heures hebdomadaires n'était pas affectée par la disposition incriminée, laquelle vise seulement à supprimer un élément de complexité résultant de l'application du mode actuel de décompte de la durée annuelle du travail, dans le cas où il existe un accord de modulation annuelle et dans ce cas seulement. En effet, suivant les années, en fonction du nombre de jours fériés tombant un jour de repos hebdomadaire, la durée du travail peut varier de 1 590 à 1 605 heures. Nous simplifions donc les choses en fixant, dans ces cas-là, comme la logique l'impose, la durée annuelle du travail à 1 600 heures.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 41 et 126.
    L'amendement n° 41 est présenté par M. Gremetz, Mme Jacquaint, M. Dutoit, M. Desallangre et les membres du groupe des députés communistes et républicains ; l'amendement n° 126 est présenté par M. Gorce et M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer le IV de l'article 2. »
    La parole est à M. Maxime Gremetz, pour soutenir l'amendement n° 41.
    M. Maxime Gremetz. Le dispositif prévu au paragraphe IV de de l'article 2 remet fondamentalement en cause les 35 heures. Vous favorisez l'annualisation du temps de travail, et en conséquence la flexibilité du travail. En effet, en instituant comme référence unique les 1 600 heures annuelles, vous supprimez la notion impérieuse à nos yeux de durée hebdomadaire dans les cas de modulation et d'annualisation du temps de travail, qui constitue le socle de la réduction du temps de travail.
    Vous avez raison, monsieur le ministre, vous m'avez indiqué, la semaine dernière, que vous mainteniez la référence de la durée légale de travail de 35 heures par semaine. Nous avions insisté pour que la loi fixe le temps de travail hebdomadaire à 35 heures dans ces cas précis. C'était une réelle avancée sociale et sociétale. Vous faites clairement reculer la législation sociale et vous offrez au MEDEF, sur un plateau doré, des salariés taillables et corvéables sans aucune contrainte. Vous remettez ainsi en cause l'équilibre si chèrement obtenu par les salariés pour mieux concilier leur vie professionnelle, familiale et sociale.
    Raymond Aron écrivait : « La liberté ne peut s'épanouir que dans le loisir. L'exigence première est de réduire la durée de la journée de travail. » (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Guy Geoffroy. Excellente référence !
    M. Georges Tron. Bravo ! Malraux et Aron, vous élargissez vos sources !
    M. Maxime Gremetz. Tous les libéraux ne sont pas comme vous !
    M. Alain Marty. Et Staline, que disait-il ?...
    M. Maxime Gremetz. Ces propos si justes, qui prennent tout leur sens aujourd'hui, alors que nous avons besoin de plus de citoyenneté, de plus d'engagement social, de plus de temps pour soi et pour les autres, deviennent totalement vains avec votre remise en cause de la réduction du temps de travail. Celle-ci répond pourtant aux besoins de notre société et aux aspirations de nos concitoyens. Réduire le temps de travail permet de s'orienter vers une conception de la société qui permet une structuration du temps propre à chaque individu et un rapport au travail différent. J'ai bien entendu votre précision, monsieur le ministre, mais elle ne change rien au problème.
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour soutenir l'amendement n° 126.
    M. Gaëtan Gorce. L'amendement n° 126 a été remarquablement défendu par Mme Billard puis par M. Gremetz. Je me rallierai donc à leurs arguments. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 41 et 126 ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. La commission a rejeté ces deux amendements, pour les raisons déjà évoquées, qui tiennent notamment à la nécessaire simplification du décompte horaire, variable d'une année sur l'autre en fonction de la concomitance entre les journées fériées et chômées.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il est difficile de souscrire à la présentation catastrophiste des propositions soumises au Parlement à laquelle vient de se livrer M. Gremetz. Selon lui, elles constitueraient une véritable régression sociale, alors que, comme vous l'avez constaté en écoutant la réponse que je faisais à Mme Billard, la durée hebdomadaire du travail n'est nullement remise en cause. Notre seul souci est d'harmoniser la durée du travail, ni au-dessus, ni au-dessous de 1 600 heures, dans les entreprises dépendant des branches soumises à un accord d'annualisation.
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 41 et 126.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. M. Gremetz, Mme Jacquaint, M. Dutoit et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 46, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le IV de l'article 2 :
    « IV. - A l'article L. 212-8 :
    « 1° Au premier alinéa, les mots : "trente-cinq heures sont remplacés par les mots : "trente-deux heures et le nombre : "1 600 est remplacé par le nombre : "1 459 ;
    « 2° Au quatrième alinéa, le nombre : "1 600 est remplacé par le nombre : "1459. »
    La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Nous proposons une durée hebdomadaire de travail de 32 heures... (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Alain Marty. Vingt-huit heures, qui dit mieux ?
    M. Dominique Le Mèner et M. Dominique Richard. Vingt-quatre heures !
    M. Jean-Pierre Door. Et pourquoi pas ne plus travailler du tout ?
    M. Maxime Gremetz. Ne riez pas. Cette proposition a déjà été faite dans cet hémicycle, et par quelqu'un qui est aujourd'hui ministre. La loi Larrouturrou-de Robien, cela ne vous dit rien ? C'est vrai, ils ont fait marche arrière, mais nous, nous allons de l'avant. Je vous l'ai dit et je vous le répète, vous n'arrêterez pas le processus historique de réduction du temps de travail. Mieux vaut être devant qu'en retard.
    Cet amendement est une prise de date. Nous en reparlerons. Les bénéfices engrangés par les grandes entreprises grâce à la réduction du temps de travail montrent que l'on peut aller plus loin.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement, pour des raisons évidentes de réalisme économique et humain.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je veux rendre hommage à M. Gremetz, qui est incontestablement cohérent.
    M. Christian Kert. Cohérent avec lui-même, du moins.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il croit aux vertus de la réduction du temps de travail pour créer des emplois et propose par conséquent de réduire encore plus le temps de travail pour créer davantage d'emplois. C'est un discours cohérent, mais ce n'est évidemment pas notre choix.
    M. le président. La parole est à Georges Tron.
    M. Georges Tron. Ce sera ma seule intervention de la soirée, monsieur le président. Je voudrais témoigner toute ma sympathie à l'égard de Maxime Gremetz, qui nous abreuve d'arguments pour le moins intéressants.
    Le coût des 35 heures, pour la collectivité publique, est rédhibitoire. Tout à l'heure, M. Gremetz a parlé de 9 milliards d'euros. C'est plutôt de l'ordre de 120 milliards de francs par an, financés dans des conditions qui ont mis dans le rouge le budget de l'Etat et celui de la sécurité sociale.
    Deuxièmement, le chômage, depuis à peu près un an, augmente dans des proportions considérables. La logique de votre amendement devrait nous faire passer non pas à 32 mais à 26 ou 22 heures. Ainsi, vous seriez parfaitement cohérent et la France serait totalement ruinée.
    Troisièmement, comme les uns et les autres l'ont dit, et sans faire référence à Aron, à Malraux ou à quelque intellectuel proche de vos idées, je ne pense pas que la valeur du travail soit à ce point négative qu'il faille ne penser qu'à le diminuer. Certaines personnes se réalisent, s'accomplissent dans le travail et ne le voient pas en termes de conflit. Les chômeurs, du reste, sont là pour en témoigner. Nous cherchons à revaloriser le travail en tant que « valeur humaine », pour reprendre l'expression employée tout à l'heure par le rapporteur. C'est peut-être sur ce point que nous divergeons le plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Dominique Tian. Très bien !
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Pour revaloriser le travail, nous avons toujours pensé qu'il fallait aussi revaloriser la situation des travailleurs, et c'est sans doute là une différence majeure entre vous et nous.
    M. Georges Tron. Et que vous ont répondu les salariés ?
    M. Alain Vidalies. Les seules dispositions normatives que vous proposez sont des régressions sociales pour les salariés. Je ne pense pas que vous parviendrez de la sorte à revaloriser le travail.
    Par le passé, la diminution du temps de travail a aussi été envisagée comme une solution sur les bancs de la majorité actuelle. Personne ne disait de la loi de Robien qu'elle remettait en cause la valeur du travail. Il faut dire que vous étiez alors confrontés à la crise économique et aux questions que vous posaient nos concitoyens, dans chaque circonscription, sur la profondeur du problème du chômage. Qu'il y ait des différences entre la loi de Robien et ce que nous avons fait par la suite, c'est évident...
    M. Georges Tron. Vous n'avez donc pas compris pouquoi vous avez été battus ?
    M. Alain Vidalies. Voilà un argument purement politicien, ce qui ne m'étonne pas de vous, monsieur Tron. Il n'en demeure pas moins que certains esprit forts, dont certains sont aujourd'hui au Gouvernement, ont fait par le passé des déclarations importantes sur la diminution du temps du travail...
    M. Georges Tron. Jamais pour demander le passage aux 32 heures ?
    M. Alain Vidalies. Certainement pas, en tout cas, pour affirmer que la diminution du temps du travail était une remise en cause de la valeur du travail.
    Profitez encore pendant quelques semaines de cette espèce d'état de grâce qui vous permet d'oublier ce que vous aviez dit.
    M. Georges Tron. Ce n'est pas un état de grâce, c'est du bon sens !
    M. Alain Vidalies. Ce qui me rassure un peu, c'est que vous êtes le seul à soutenir ce point de vue
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Ce n'est tout de même pas vous, monsieur Tron, qui allez nous parler de la valeur travail !
    M. Georges Tron. Si ! Absolument !
    M. Maxime Gremetz. Je sais bien à quoi vous pensez. Mais quand on travaille dans la zone industrielle d'Amiens, qu'on fait les trois-huit, qu'on est à la chaîne et qu'on habite à trente ou quarante kilomètres, croyez-moi, ce n'est pas un luxe de travailler 32 heures !
    Je rappelle pour mémoire, en particulier pour les nouveaux députés, que dans cet hémicycle, une nuit comme celle-ci, juste avant une heure du matin, un amendement a été subitement présenté par un RPR notoire, que j'aime bien et avec lequel j'ai souvent débattu...
    M. Alain Marty. C'est qui, ce « RPR notoire » ?
    M. Alain Vidalies. C'était M. Chamard !
    M. Maxime Gremetz. Oui, et son amendement a été repris par M. de Robien, puis adopté. Ce jour-là, vous ne les avez pas traités d'hurluberlus !
    M. Georges Tron. Ils n'ont jamais dit que cela profitait aux entreprises !
    M. Maxime Gremetz. Vous ne les avez pas accusés de vouloir enterrer la valeur travail. La semaine de quatre jours, c'était à l'ordre du jour.
    Vous dites que la réduction du temps de travail coûte cher, mais la loi de Robien coûtait encore plus cher.
    M. Alain Vidalies. Beaucoup plus cher !
    M. Maxime Gremetz. Cela ne vous a pas empêchés de la voter.
    M. Georges Tron. Les Français vous ont dit au mois de mai ce qu'il fallait penser de vos lois !
    M. Maxime Gremetz. La vérité ne vous plaît pas, mais je vous renvoie au Journal officiel.
    M. Georges Tron. Et moi aux électeurs !
    M. Maxime Gremetz. Si les 35 heures ont coûté cher - 130 milliards -, la loi imposait au moins, c'était donnant donnant, une double contrepartie : réduire le temps de travail et créer des emplois. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Claude Gaillard. C'est faux !
    M. Georges Tron. Et le chômage a augmenté !
    M. Maxime Gremetz. Ne dites pas que c'est faux, car il y a eu deux lois et la première, à ce sujet, était claire.
(Protestations sur les mêmes bancs.)

    En revanche, messieurs de la majorité, c'est sans contrepartie aucune que vous allez encore augmenter les allégements de cotisations patronales puisqu'ils vont passer, selon les chiffres du ministre, à qui je fais confiance, de 15 à 21 milliards d'euros, soit 6 milliards d'euros de plus.
    M. François Liberti. Sans contrepartie !
    M. Maxime Gremetz. Sans contrepartie aucune, je l'ai dit, ni en réduction du temps de travail ni en création d'emplois.
    Vous voyez, monsieur Tron, qu'il y a des arguments qu'il vaut mieux ne pas utiliser parce qu'ils se retournent contre vous. C'est un peu difficile, mais il faut que les arguments soient précis et fondés. Il le faut pour la vérité, pour que le débat puisse avancer.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 46.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 43 et 127.
    L'amendement n° 43 est présenté par M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 127 est présenté par M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer le a du 1° du IV de l'article 2. »
    La parole est à M. Maxime Gremetz, pour soutenir l'amendement n° 43.
    M. Maxime Gremetz. Cet amendement vise à maintenir la référence hebdomadaire en termes de réduction du temps de travail.
    Vous voyez, monsieur le président, que je suis bref.
    M. le président. C'est remarquable. (Sourires.)
    La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour soutenir l'amendement n° 127.
    M. Gaëtan Gorce. La concision de M. Gremetz m'incite à en dire un peu plus sur l'amendement qui vous est présenté. (Sourires.) Il faut que le sujet soit traité à fond. M. Tron nous y a aidés en contestant les 35 heures en moyenne ou les 1 600 heures annuelles, ce qui soulève un autre problème. En effet, la différence entre vous et nous ne porte pas sur la valeur travail et il faut sortir de ces débats caricaturaux. La différence, c'est que nous avons voulu promouvoir, à partir de 1997, une réduction collective et négociée du temps de travail, alors que vous optez pour une réduction individuelle et imposée.
    M. Georges Tron. C'est l'inverse !
    M. Gaëtan Gorce. En clair, vous défendez le temps partiel subi, c'est-à-dire une forme de réduction du temps de travail qui n'apporte aucune garantie aux salariés et aucun progrès réel à la collectivité en termes d'emploi et d'intégration sociale. De 1981 à 2000, après la mise en place des 39 heures, le mouvement de réduction collective du temps de travail a été bloqué et nous avons assisté à une explosion du temps partiel, notamment, c'est vrai, à travers l'abattement spécifique de 30 % que nous avons mis en place et que vous avez conservé, prolongé et accentué.
    Depuis 1997 et la loi de 2000, nous avons, au contraire, essayé de faire entrer le temps partiel dans un cadre négocié pour faire reculer le temps partiel subi à mesure que se développait la réduction collective et négociée du temps de travail.
    Voilà la grande différence entre vous et nous. C'est sans doute une différence de culture, mais c'est surtout une différence sur le terrain social. Je tenais à la souligner et je remercie M. Tron de m'en avoir fourni l'occasion.
    M. Georges Tron. J'en suis ravi, monsieur Gorce !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. La commission a rejeté ces deux amendements dans la mesure où ils relancent une fois de plus le débat sur l'annualisation, sachant qu'en aucun cas la notion de durée légale du travail n'est remise en cause.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il n'y a dans ce projet de loi aucune disposition visant à modifier le régime du temps partiel et je ne vois pas bien d'où vient le courroux de M. Gorce à ce sujet. Je voudrais simplement, mesdames et messieurs les députés, vous faire remarquer, mais cela ne vous aura pas échappé, qu'il s'est produit ce soir un événement considérable sur le plan politique, puisque le groupe socialiste a voté il y a un instant un amendement visant à réduire à 32 heures la durée hebdomadaire du travail. J'espère que l'écho de ce débat parviendra au-delà des murs de cette Assemblée. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, nous sommes tout disposés à engager le débat sur les perspectives de la diminution du temps de travail, car votre conception ne nous semble pas aller dans le sens de l'histoire. Une contradiction qui n'est pas spécifique à la France, mais qui est liée à l'augmentation générale des capacités productives due aux progrès de la science et de la technique, fait que l'on peut produire de plus en plus de richesses avec de moins en moins de travail. Et si l'on était resté aux règles sociales du début du siècle, il est clair - de très nombreuses thèses l'attestent - que nous aurions aujourd'hui quelque 10 millions de chômeurs. Cette contradiction ne s'est résolue dans le temps que par une diminution progressive de la durée du travail. Ainsi, la répartition des gains de productivité entre l'investissement et le travail, que nous souhaitons issue du dialogue social, a un autre paramètre que le salaire, qui est la diminution du temps de travail.
    Par conséquent, je vous donne acte que nous n'avons pas renoncé à ce qui s'inscrit dans le mouvement de l'histoire, comme nous prenons acte que, fidèles à ce qu'ont été les conservateurs de toujours, vous êtes complètement fermés à cette évolution sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Chacun joue dans son camp, monsieur le ministre.
    M. le président. La parole est à M. le ministre.
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il y a juste un détail qui a échappé à M. Vidalies, c'est que nous sommes en train d'essayer de construire un espace européen. J'ai fait partie de ceux qui étaient prudents à cet égard, ce qui n'était pas le cas, messieurs, de beaucoup d'entre vous. Or il ne vous a pas échappé qu'aucun autre pays européen n'est engagé sur la voie des 35 heures. Par conséquent, vouloir passer aujourd'hui à 32 heures, tout en voulant construire une Europe unie et solidaire, ce sera difficile à expliquer aux Français et à nos partenaires européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Maxime Gremetz. Il faut être à l'avant-garde !
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 43 et 127.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 105, ainsi rédigé :
    « Après les mots : "1 600 heures, supprimer la fin du IV de l'article 2. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. La référence aux 1 600 heures annuelles a été introduite par la loi du 19 janvier 2000. Elle visait d'abord à mettre un terme aux trois systèmes de modulation inventés, non par la gauche en mal d'usines à gaz, mais par votre majorité au temps de M. Balladur. Quel paradoxe pour vous qui invoquez toujours la simplification ! L'un de ces dispositifs octroyait d'ailleurs un certain nombre d'avantages en échange d'une réduction du temps de travail dont le montant n'était pas précisé ; autrement dit, une minute suffisait.
    Nous avons voulu au contraire que la modulation soit clairement encadrée, à la fois par la négociation et par des dispositions légales, notamment un contingent spécifique d'heures supplémentaires, lequel disparaîtra probablement sous l'effet d'une négociation pouvant être engagée par des syndicats minoritaires. Nous avions fait en sorte, pour notre part, que la modulation liée à la réduction du temps de travail et à l'octroi d'allègements puisse être encadrée par des accords majoritaires.
    C'était manifestement un progrès. Mais le Gouvernement et la majorité considèrent que tout ce qui va dans le sens d'une réduction du temps de travail serait dangereux pour l'économie et, plus encore, moralement condamnable. Il n'est pas acceptable que le débat se déroule de cette manière, notamment lorsqu'on fait référence à l'Union européenne. En effet, la tendance de l'ensemble des pays européens est à la baisse de la durée du travail, sachant que, pour la plupart d'entre eux, il ne s'agit pas d'une durée légale, mais d'une durée conventionnelle. C'est une des spécificités de notre pays, que la gauche n'a pas inventée au cours des cinq dernières années, que la durée du travail soit fixée par la loi, la règle étant plutôt l'existence d'un cadre conventionnel négocié. La moyenne hebdomadaire européenne est aux alentours de 36,1 ou 36,2 heures, ce dont nous ne sommes pas très éloignés puisque les statistiques qui nous sont fournies établissent notre moyenne nationale à 35,9 heures, le chiffre étant un peu plus élevé pour les entreprises de moins de 20 salariés.
    En ce qui concerne la compatibilité avec ce qui se passe chez nos partenaires européens, la discussion peut donc, là encore, être beaucoup plus ouverte que ne le laissent penser les affirmations péremptoires qu'il nous arrive d'entendre ici ou là.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Rejet, pour les raisons déjà évoquées.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis que la commission. C'est un sujet sur lequel je me suis longuement exprimé.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 105.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 169 et 106, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 169, présenté par M. Morin et M. Perruchot, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le b du 1° du IV de l'article 2 :
    « b) Les deux dernières phrases sont supprimées. »
    L'amendement n° 106, présenté par M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le b du 1° du IV de l'article 2 :
    b) Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée :
        « La convention ou l'accord peut fixer un plafond inférieur. »
    La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour soutenir l'amendement n° 169.
    M. Nicolas Perruchot. Cet amendement a pour objet de laisser aux partenaires sociaux le soin de fixer la durée moyenne du travail. Nous pensons en effet qu'il est urgent, dans le domaine social, de privilégier une véritable démarche conventionnelle et contractuelle. Comme l'a rappelé Hervé Morin jeudi dernier, le groupe UDF considère que, si certaines règles relèvent de l'ordre public social et doivent donc être définies par la loi, telles que les dispositions sur les durées maximales du travail, le travail de nuit ou les temps de repos, la durée moyenne du travail devrait relever par nature du domaine conventionnel.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 169 ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. La commission a rejeté l'amendement, estimant qu'il revient au législateur de déterminer la durée légale du travail pour respecter l'ordre public social. La référence au plafond des 1 600 heures annuelles doit donc être maintenue dans la loi.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Dans la situation politique où se trouve notre pays, nous avons tous le devoir de respecter nos engagements. La majorité de cette assemblée s'est engagée sur l'assouplissement des 35 heures, non sur la fin des 35 heures.
    M. Patrick Bloche. C'est pourtant ce qu'elle programme !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. C'est tout le débat que nous avons avec l'opposition. L'amendement du groupe UDF, dans la mesure où il vise à supprimer la référence légale aux 35 heures hebdomadaires, n'est pas conforme à l'engagement que nous avons pris. Nous nous en tenons à l'assouplissement des 35 heures, c'est-à-dire à l'essence de ce projet de loi.
    Je demande donc à la majorité de ne pas adopter cet amendement, si M. Perruchot n'accepte pas de le retirer.
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour soutenir l'amendement n° 106.
    M. Gaëtan Gorce. Il est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Rejet.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Défavorable.
    M. le président. Votre amendement est-il maintenu, monsieur Perruchot ?
    M. Nicolas Perruchot. Oui, monsieur le président.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 169.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 106.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 191, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le dernier alinéa du b du 1° du IV de l'article 2 :
    Une convention ou un accord collectif étendu de la branche du bâtiment et travaux publics peut fixer un plafond inférieur. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Toujours dans la même logique, cet amendement et les suivants prévoient que le plafond de 1 600 heures peut être abaissé par voie de négociation dans un certain nombre de branches.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Elle a rejeté l'amendement dans la mesure où la loi doit être la même pour tous les secteurs d'activité.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je suis étonné par cet amendement qui est en totale contradiction avec la loi Aubry, référence permanente de M. Gorce. En effet, les accords collectifs pris sur le fondement de la loi du 13 juin 1998 qui prévoient une durée annuelle supérieure à 1 600 heures ont été sécurisés par les articles 8, paragraphe V, et 28, paragraphe II, de la loi du 19 janvier 2000, y compris en tant que seuils de référence pour le déclenchement des heures supplémentaires. Je ne vois pas pourquoi ce qui était possible dans le cadre de la loi Aubry II ne le serait pas dans le texte dont l'Assemblée discute.
    M. Georges Tron. Très bien !
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 191.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 192, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le dernier alinéa du b du 1° du IV de l'article 2 :
    « Une convention ou un accord collectif étendu de la branche de l'industrie laitière peut fixer un plafond inférieur. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Rejet.
    M. le président. Et du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 192.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 193, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le dernier alinéa du b du 1° du IV de l'article 2 :
    « Une convention ou un accord collectif étendu de la branche du négoce de combustibles peut fixer un plafond inférieur. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Défendu.
    M. le président. Avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Rejet.
    M. le président. Avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Rejet.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 193.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 194, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le deuxième alinéa du b du 1° du IV de l'article 2 :
    « Une convention ou un accord collectif étendu de la branche des industries chimiques peut fixer un plafond inférieur. »
    Cet amendement est défendu.
    Avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
    Je le mets aux voix.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gorce, M. le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 195, ainsi libellé :
    « Rédiger ainsi le deuxième alinéa du b du 1° du IV de l'article 2 :
    « Une convention ou un accord collectif étendu de la branche des services de l'automobile peut fixer un plafond inférieur. »
    Même vote que sur les amendements précédents ?...
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 53, ainsi libellé :
    « Compléter le 1° du IV de l'article 2 par les deux alinéas suivants :
    « c) Le premier alinéa de l'article L. 212-8 est complété par trois phrases ainsi rédigées :
    « La convention ou l'accord collectif soumis à l'extension doit avoir recueilli les signatures d'organisations syndicales ayant obtenu la majorité des suffrages exprimés aux élections de comités d'entreprise dans les entreprises de la branche d'activité considérée et s'étant déroulées au cours des deux années précédant la signature de l'accord ; cette majorité est constatée à partir des procès-verbaux d'élection qui sont adressés à l'administration compétente ; chaque année, l'administration compétente informe les organisations syndicales de salariés et d'employeurs sur l'influence chiffrée de chaque organisation syndicale. L'accord d'entreprise ou d'établissement doit avoir recueilli la majorité des suffrages exprimés aux dernières élections professionnelles. Au cas où, ultérieurement à la signature de l'accord, les syndicats signataires deviennent minoritaires, l'accord ne continue à produire ses effets qu'autant qu'il est renégocié et remplit à nouveau les conditions prévues au présent article. »
    La parole est à M. François Liberti.
    M. François Liberti. Cet amendement a pour but de rappeler que la règle démocratique de la majorité doit s'appliquer dans le monde du travail, notamment lorsque les accords dérogent au droit commun.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Ce débat a déjà été largement abordé : rejet.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Avis défavorable : le Gouvernement s'est lui aussi largement exprimé sur le sujet.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 53.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 48, ainsi libellé :
    « Compléter le 1° du IV de l'article 2 par les deux alinéas suivants :
    « c) Après le premier alinéa de l'article L. 212-8 est inséré un alinéa ainsi rédigé :
    « Seules les entreprises appartenant à une branche d'activité fortement saisonnière définie par décret peuvent recourir à la modulation du temps de travail. »
    La parole est à M. François Liberti.
    M. François Liberti. Votre projet, monsieur le ministre, maintient en l'état les règles relatives à l'annualisation et à la modulation du temps de travail. Or ces règles rendent les salariés flexibles, si flexibles qu'ils en ressortent souvent cassés !
    Sur cette question, vous ne touchez à aucune des dispositions de la loi Aubry II, pour la bonne raison que la flexibilité des horaires de travail est très intéressante pour les employeurs. Elle permet d'accroître très efficacement la rentabilité des travailleurs. Finis les temps morts ou les rythmes de travail un peu ralentis qui permettent de souffler un peu !
    Avec la modulation des horaires, si elle est permise sans limite, on peut ajuster exactement les horaires de travail au carnet de commandes ou à l'affluence en magasin.

    Grâce à la modulation des horaires, le chef d'entreprise évite certains inconvénients des autres variables d'ajustement que sont le travail précaire, avec son surcoût et les risques de requalification, les heures supplémentaires et leur majoration, ou les licenciements et embauches, jugés insuffisamment souples et trop risqués. C'est d'ailleurs pourquoi le Gouvernement veut faciliter l'accès à ces autres variables d'ajustement.
    Pour les salariés, ce que les patrons appellent souplesse signifie, d'une part, intensification du travail, fatigue supplémentaire, stress aggravé et, d'autre part, atteinte grave à la vie personnelle et familiale.
    L'amendement que nous proposons a donc pour objet de limiter à des activités saisonnières, qui seraient déterminées par décret, le recours à la modulation. Il empêcherait nettement que les dispositions légales actuelles sur la programmation soient transgressées. On conçoit par exemple que la durée du travail ne puisse être constante dans les activités touristiques ou agricoles, ou dans les conserveries. Mais en étendant le champ de ces dispositions, vous allez considérablement aggraver la situation de bon nombre de salariés.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. L'amendement n° 48 a été rejeté par la commission. La modulation n'est utilisée que si elle se justifie. Comment un décret pourrait-il désigner judicieusement les entreprises ayant besoin de moduler leurs horaires ?
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement n'entend pas revenir sur les dispositions du droit du travail concernant la modulation.
    La loi prévoit déjà, parmi les clauses obligatoires des accords de modulation, une justification basée notamment sur des données économiques et sociales. Cette garantie me paraît suffisante, et jusqu'à maintenant avait été considérée comme telle, y compris par le groupe communiste. Je ne vois pas de raison de changer de position.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 48.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gremetz, Mme Jacquaint, M. Dutoit et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 47, ainsi rédigé :
    « Compléter le IV de l'article 2 par les alinéas suivants :
    « Le quatrième alinéa de l'article L. 212-8 est ainsi modifié :
    « Les mots : "la durée maximale hebdomadaire fixée par la convention ou l'accord sont remplacés par les mots : "trente-deux heures et le nombre : "1 600 par le nombre : "1 459. »
    Cet amendement est-il défendu ?
    M. François Liberti. Il est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Défavorable.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 47.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Desallangre et les membres des député-e-s du groupe communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 49, ainsi libellé :
    « Compléter le IV de l'article 2 par les deux alinéas suivants :
    « 3° Il est inséré après le cinquième alinéa de l'article L. 212-8 un alinéa ainsi rédigé :
    « A l'exception des activités fortement saisonnières définies par les décrets, les accords de modulation ne peuvent prévoir une limite basse hebdomadaire inférieure à 30 heures et une limite haute supérieure à quarante heures. »
    Cet amendement est-il défendu ?
    M. François Liberti. Défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Rejet.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Rejet.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 49.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amedement, n° 50, ainsi libellé :
    « Compléter le IV de l'article 2 par les deux alinéas suivants :
    « 4° Il est inséré après le cinquième alinéa de l'article L. 212-8 un alinéa ainsi rédigé :
    « A l'exception des activités fortement saisonnières définies par décret les accords de modulation ne peuvent prévoir un nombre de semaines modulées supérieur à dix par an. »
    Cet amendement est-il défendu ?
    M. François Liberti. Il est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Rejet.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Rejet.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 50.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amedement, n° 51 corrigé, ainsi libellé :
    « Compléter le IV de l'article 2 par l'alinéa suivant :
    « 5° Dans la première phrase du septième alinéa, le chiffre : "sept est remplacé par le chiffre : "quinze. »
    Cet amendement est-il défendu ?
    M. François Liberti. Défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Rejet.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Rejet.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 51 corrigé.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 52 corrigé, ainsi rédigé :
    « Compléter le IV de l'article 2 par l'alinéa suivant :
    « Les deux dernières phrases du septième alinéa sont abrogées. »
    Cet amendement est-il défendu ?
    M. François Liberti. Défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Rejet.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Rejet.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 52 corrigé.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 108, ainsi libellé :
    « Compléter le IV de l'article 2 par les deux alinéas suivants :
    « 3° L'article L. 212-8 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Les accords ou conventions étendus ou convention ou accord d'entreprise ou d'établissement prévus au présent article doivent être signés par une ou des organisations syndicales représentatives et majoritaires dans la branche ou dans l'entreprise ou l'établissement dans des conditions fixées par un accord national interprofessionnel et reprises par décret. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. La modulation et les accords majoritaires sont deux questions centrales sur lesquelles nous devons nous arrêter quelques instants.
    Il figurait dans la loi du 19 janvier 2000 une disposition nouvelle, j'allais dire novatrice, qui est remise en cause ici. Le Gouvernement nous explique qu'il ne veut pas anticiper sur les conditions de représentativité dans lesquelles pourrait fonctionner la signature d'accords. On peut comprendre cet attentisme qui, je l'espère, se traduira en discussions, puis en action.
    Mais cette « abstention » ne doit pas devenir générale, car elle remettrait en cause une des dispositions majeures du texte que nous avions adopté, la notion d'accord majoritaire, applicable notamment au niveau des entreprises où la représentativité des syndicats peut être mesurée à l'occasion des élections qui s'y déroulent.
    De plus avec le mandatement, la signature par les délégués du personnel, le recours au référendum, nous avons mis en place tout un dispositif visant à favoriser la négociation, y compris dans les petites entreprises, et avec succès d'ailleurs, puisque assez vite ces dernières ont représenté à peu près la moitié des accords signés en nombre de salariés et en nombre d'entreprises mobilisées.
    Or, cette préoccupation n'est manifestement pas reprise aujourd'hui. Elle est même purement et simplement abandonnée. La modulation sera désormais susceptible d'être mise en place indépendamment de la négociation d'un accord de réduction du temps de travail et ne sera plus liée aux allégements. C'est pourquoi nous ne pouvons pas accepter qu'elle ne soit pas accompagnée de toutes les garanties nécessaires. Or l'accord majoritaire nous semble de nature à apporter ces garanties.
    La modulation consiste à modifier l'organisation du temps de travail. Depuis 1936, celui-ci était organisé dans un cadre hebdomadaire. Après les évolutions intervenues à partir de 1982, il avait été admis que l'on pourrait s'affranchir de ce cadre pour calculer le temps de travail sur des périodes plus longues, d'abord de plusieurs mois, et aujourd'hui sur l'année.
    La dérogation envisagée paraît suffisamment importante pour devoir s'accompagner de garanties et s'effectuer dans un encadrement conventionnel.
    Et que l'on ne nous dise pas que cette proposition relèverait d'une volonté de réglementer à tout va. Il s'agit seulement de s'appuyer sur la négociation syndicale et de faire en sorte que les salariés ne puissent s'engager dans un régime dérogatoire d'une telle ampleur qu'à travers des syndicats les représentant majoritairement dans leur entreprise.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Défavorable. S'agissant des accords de modulation, un droit d'opposition est déjà prévu à l'article L. 212-10 du code du travail.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 108.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, n°s 42 et 109.
    L'amendement n° 42 est présenté par M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ; l'amendement n° 109 est présenté par M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste.
    Ces amendements sont ainsi rédigés :
    « Supprimer le V de l'article 2. »
    La parole est à M. François Liberti, pour soutenir l'amendement n° 42.
    M. François Liberti. Dans le même esprit que le paragraphe précédent, le V de l'article 2 modifie le code du travail en supprimant la référence à une durée hebdomadaire de 35 heures dans les accords prévoyant une réduction du temps de travail par l'attribution de journées ou de demi-journées de repos. Seul subsiste le plafond de 1 600 heures par an.
    Là encore, il s'agit de contourner les 35 heures. Cette modification aura pour conséquence de faire perdre aux salariés, au minimum, le bénéfice d'un jour férié tous les deux ans environ.
    Pour cette raison, et parce qu'il est important de conserver une référence hebdomadaire qui est le fondement même du principe de réduction du temps de travail, nous proposons la suppression de ce paragraphe.
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour soutenir l'amendement n° 109.
    M. Gaëtan Gorce. La suppression de la référence à une durée moyenne hebdomadaire peut laisser craindre que les salariés vont se voir imposer, sur un nombre de semaines certes réduit, une durée hebdomadaire du travail très nettement supérieure à 35 heures. Cette extension du champ de la modulation et de l'annualisation nous paraît donc potentiellement redoutable.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Défavorable. Ces amendements tendent à supprimer les dispositions destinées à simplifier le calcul de la durée annuelle du travail. Avec l'exposé des motifs de l'amendement n° 109, nous retrouvons par ailleurs l'éternel argumentaire relatif à l'annualisation du temps de travail.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Même avis, monsieur le président.
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Juste une question, monsieur le rapporteur. J'ai bien enregistré ce que vous nous avez dit sur la portée très limitée de ces dispositions. Mais je m'interroge : la suppression de la référence au temps de travail hebdomadaire ne peut-elle pas avoir des conséquences sur le calcul des heures supplémentaires, rendant ainsi une partie du texte difficile à appliquer ?
    Ne va-t-elle pas remettre en cause les décisions prises par la Cour de cassation sur cette question, et qui apportaient des réponses précises en faveur des droits des salariés ?
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
    M. Pierre Morange, rapporteur. Pas de modification : n'ayez aucune inquiétude à cet égard. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements n°s 42 et 109.
    (Ces amendements ne sont pas adoptés.)
    M. le président. M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 110, ainsi libellé :
    « Compléter le V de l'article 2 par les deux alinéas suivants :
    « L'article L. 212-9 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
    « Les accords ou conventions étendus ou convention ou accord d'entreprise ou d'établissement prévus au présent article doivent être signés par une ou des organisations syndicales représentatives et majoritaires dans la branche ou dans l'entreprise ou l'établissement dans des conditions fixées par un accord national interprofessionnel et reprises par décret. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. L'amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Rejet.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Rejet.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 110.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Morange, rapporteur, a présenté un amendement, n° 99, ainsi rédigé :
    « Après le V de l'article 2, insérer le paragraphe suivant :
    « V bis. - Au premier alinéa de l'article L. 212-10 du code du travail, les mots : "et au premier alinéa du I de l'article L. 212-5 sont remplacés par le mot : "au. »
    La parole est à M. le rapporteur.
    M. Pierre Morange, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de cohérence.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Avis favorable.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 99.
    (L'amendement est adopté.)
    M. le président. M. Gremetz, Mme Jacquaint, MM. Dutoit, Desallangre et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains ont présenté un amendement, n° 55, ainsi rédigé :
    « Après le V de l'article 2, insérer le paragraphe suivant :
    « V bis. - La dernière phrase de l'article L. 212-15-1 est complétée par les mots : "et d'un minimum égal à cinq fois le salaire minimum mensuel, pour 35 heures par semaine, de l'entreprise. »
    La parole est à M. François Liberti.
    M. François Liberti. Cet amendement est défendu.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Défavorable. Rejeté. Un salaire équivalant à cinq fois le salaire minimum mensuel ne suffit pas à définir la catégorie des cadres dirigeants. On peut être cadre dirigeant sans percevoir cette rémunération, de même que les salariés bénéficiant des salaires les plus élevés ne font pas nécessairement partie de cette catégorie.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Défavorable.
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Les amendements se succèdent, et à ce sujet nous ne pouvons que nous soumettre aux décisions de la présidence. Mais nous venons de changer de sujet, et chacun a bien compris que l'on entrait dans un débat extrêmement important, l'un des plus importants de ce projet de loi.
    M. Arnaud Montebourg. En effet !
    M. Alain Vidalies. Je veux bien que nous commencions à l'aborder à 1 h 20 du matin,...
    M. Alain Marty. M. Gremetz voulait qu'on y passe la nuit !
    M. Alain Vidalies. ... mais nous devons avoir conscience qu'il recouvre, en particulier, le problème des conditions du recours au forfait-jours et celui de la définition des cadres susceptibles d'en bénéficier. Or l'amendement du groupe communiste est une première approche de ces difficultés. Des millions de gens sont concernés par cette question, à la fois très technique et très politique. C'est pourquoi il serait assez regrettable, de notre point de vue, que la question de la situation des cadres soit abordée dans de telles conditions, avec le risque de saucissonner le débat. Cela étant, nous ne pouvons que nous plier aux règles de cette assemblée.
    M. le président. Monsieur le député, nous avons déjà eu l'occasion, au mois de juillet, d'évoquer le problème du rythme de nos discussions, mais les acteurs sont en place et nous sommes au coeur du débat.
    Le Gouvernement s'est exprimé, le rapporteur également.
    Je mets aux voix l'amendement n° 55.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. M. Gorce, M. Le Garrec et les membres du groupe socialiste ont présenté un amendement, n° 111, ainsi rédigé :
    « Supprimer le VI de l'article 2. »
    La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Mon collègue a raison de souligner qu'il s'agit d'un débat important. Une fois de plus, en prétendant n'introduire que des modifications légères, vous rompez l'équilibre trouvé dans la loi du 19 janvier 2000.
    A l'époque, nous avions engagé le débat dans un contexte juridique et social très particulier. Normalement, en effet, les cadres étaient soumis à la durée légale du travail applicable à l'ensemble des salariés. Mais on sait bien que, dans les entreprises, la durée moyenne hebdomadaire du travail applicable aux cadres était très supérieure à la durée légale : plus près de 45 heures que de 35 heures, d'après les déclarations faites par les cadres eux-mêmes.
    Premièrement, cette situation laissait penser aux employeurs que les responsabilités d'encadrement pouvaient justifier la non-application des règles normales du droit du travail.
    Deuxièmement, elle était d'autant plus contestable qu'elle avait pu parfois se traduire par la mise en place de forfaits juridiquement douteux, qui permettaient de contourner les règles en matière d'heures supplémentaires. Les procès-verbaux de l'inspection du travail étaient d'ailleurs de plus en plus nombreux.
    Notre souci a donc été de trouver des solutions qui tiennent compte de la diversité de situation des cadres, d'autant plus que la très grande majorité d'entre eux avaient manifesté, à travers les différentes organisations syndicales qui les représentent ou à l'occasion de contacts que nous avions eus sur le terrain, leur souci de bénéficier de la réduction du temps de travail, sans remettre en cause la valeur travail à laquelle ils étaient attachés - n'en déplaise à certains membres de cette majorité.
    C'est la raison pour laquelle nous avions défini trois catégories de cadres. Les cadres dirigeants, qui se définissaient à la fois par leur niveau de responsabilité et leur niveau de rémunération ; les cadres intégrés à l'horaire collectif de travail, ou qui s'en rapprochaient, et les cadres pour lesquels l'horaire ne pouvait pas être prédéterminé, la nature de leurs fonctions et de leurs responsabilités le leur interdisant et à qui il fallait des garanties.
    Pour ces derniers avait été mis en place un système de forfait horaire ou de forfait-jour, strictement encadré : il était très précisément indiqué quelles catégories de cadres pouvaient en bénéficier, et un plafonnement de 217 jours était prévu.
    La négociation s'est engagée sur cette base. Elle a été riche d'enseignements et de résultats. Ainsi, lors de la mise en place du forfait-jour, la moyenne pratiquée par les accords étaient de l'ordre de 212 jours, le nombre de 217 ne correspondant pas, vous l'avez noté, à une durée moyenne de travail de 35 heures.
    Un équilibre a été trouvé. Celui-ci a pu parfois poser des problèmes juridiques, dont certains s'expliquent par les tentatives de ne pas tenir compte des critères destinés à identifier les différentes catégories de cadres.
    Quoi qu'il en soit, l'équilibre est aujourd'hui menacé. Les cadres s'en sont d'ailleurs émus, et ils s'expriment publiquement depuis quelques jours, par exemple sur la question de l'astreinte.
    Il est regrettable de toucher à cet équilibre, surtout en introduisant une notion aussi vague et faible que celle de l'autonomie, qui soulèvera beaucoup plus de contentieux que le faisceau de critères mis en place par la loi de janvier 2002. Les modifications que vous proposez n'apporteront rien de plus aux salariés concernés, sinon des craintes sur leur situation.
    En outre, les critères envisagés sont en contradiction avec la directive européenne sur l'aménagement de la durée du travail, qui insiste, en ce qui concerne la définition des critères, sur la possibilité ou non de prédéterminer le temps de travail.
    Je forme donc des voeux pour que cette assemblée, poussée par son élan, ne vienne pas remettre en cause ce patient équilibre qui, me semble-t-il, apporte toutes les garanties nécessaires sur le plan social comme sur le plan juridique.
    M. Patrick Bloche. Très bien !
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. Défavorable. J'ai déposé un autre amendement qui a été accepté par la commission et permet de clarifier la situation des cadres intégrés, ce qui répond à la préoccupation de notre collègue.
    M. Gaëtan Gorce. Absolument pas. Il n'y répond pas, il aggrave la situation !
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 111 ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement. La nouvelle rédaction que propose le projet qui vous est soumis maintient la notion de cadre intégré, mais en mettant l'accent sur la nature des fonctions du cadre concerné. Cela nous semble aller dans le sens d'une meilleure valorisation du rôle du cadre dans l'équipe qu'il dirige.
    M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour répondre au Gouvernement.
    Mme Martine Billard. Monsieur le ministre, nous sommes dans un débat de fond sur la question de savoir ce qu'est un cadre.
    En fait, il s'agit d'une notion très française, que l'on retrouve rarement dans d'autres pays. Ce terme est d'ailleurs pratiquement intraduisible dans les autres langues, d'autant que cette notion ne correspond plus à grand-chose aujourd'hui. Désormais, en effet, la majorité des cadres n'encadrent rien. Avec le développement de secteurs comme l'informatique, les bureaux d'étude, la communication, beaucoup de salariés se sont retrouvés avec un statut de cadre, souhaité parce que, pendant très longtemps, cela leur donnait un statut social, l'accès à une caisse de retraite spécifique et à une « agence pour l'emploi », entre guillemets parce que l'APEC est un service privé, également spécifique. C'est pourquoi nombre de salariés étaient attachés à ce statut.
    Aujourd'hui, la principale caractéristique des cadres est d'avoir trois mois d'essai à l'embauche et de devoir trois mois de préavis en cas de démission de l'entreprise.
    Il est vrai que nombre de chefs d'entreprise avaient tenté d'instaurer une culture selon laquelle quand on est cadre, on n'a pas d'horaires, on travaille autant qu'il le faut, avec les fameux objectifs de mission qui finissaient par remplacer la référence horaire pour les cadres. Cela permettait d'ailleurs de licencier des cadres d'autant plus facilement qu'on pouvait toujours les accuser de ne pas avoir rempli la mission qui leur avait été confiée. Ils devenaient ainsi corvéables à merci, comme on l'a vu dans l'informatique quand cela a provoqué une révolte des cadres, chez IBM et dans d'autres sociétés. Ils ont formé des recours, fait appel à l'inspection du travail - mais cela est malheureusement plus difficile à faire dans les petites entreprises - pour protester contre cette culture en vertu de laquelle les cadres n'avaient pas d'horaires de travail et finissaient par travailler jour et nuit, week-ends et jours fériés compris, même le 1er mai, contrairement à la loi.
    La réforme opérée par la seconde loi Aubry qui a instauré les forfaits, avait provoqué une mobilisation importante des cadres de nombreux secteurs. L'extension que vous proposez va bien plus loin puisqu'elle constitue une remise en cause totale de la possibilité pour les cadres d'avoir accès à la réduction du temps de travail. C'est une régression par rapport à ce que la loi Aubry avait instauré, car cela aboutira de nouveau à des semaines sans horaires limites, à des week-ends et des jours fériés travaillés.
    Si vous persistez dans cette voie, vous aurez de nouveau une révolte des cadres, à moins que vous ne donniez des directives aux inspecteurs du travail pour qu'ils ne dressent pas de procès-verbaux dans les entreprises qui ne respecteraient pas les horaires.
    M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.
    M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, la question reste entière au début de ce débat sur cette affaire très compliquée, quant à la portée de la rédaction proposée par le Gouvernement, et aux conséquences de l'amendement du rapporteur qui va suivre.
    Lorqu'ont été instaurés les forfaits-jours, une première limite à cette règle très dérogatoire du droit commun a été d'en limiter le champ d'application. Chacun doit bien saisir quelles sont les conséquences de cette législation : dès lors qu'on est dans le cadre d'un forfait-jours, il ne reste plus comme règles précises que celle relative à l'interruption de onze heures entre deux périodes de travail, et celles propres au repos hebdomadaire. Cela signifie qu'il peut y avoir des journées de 13 heures et des semaines de 78 heures. C'est le risque majeur. C'est pourquoi tout système dérogatoire doit être très précis.
    Nous avions hésité à instaurer cette dérogation, mais, dans certains secteurs d'activité, des organisations syndicales elles-mêmes demandaient que l'on réfléchisse à cette possibilité à condition qu'elle soit très encadrée.
    Gaëtan Gorce ayant cité Malraux, je reprends une autre de ses phrases : « Il faut transformer l'expérience en conscience. » Toutefois, j'ajoute que l'expérience des autres ne sert probablement à rien.
    En l'espèce, cependant, l'expérience des premiers accords sur le forfait-jours mérite une réflexion approfondie dans la société française parce qu'il se produit systématiquement des dérapages à partir des dérogations que permet la législation. Ils aboutissent alors à des situations humainement injustes.
    Ainsi, dès qu'a été ouverte cette possibilité très large de dérogation, certains secteurs se sont engouffrés dans la brèche et ont qualifié de cadres des gens dont la rémunération ne correspondait manifestement pas à l'idée que chacun d'entre nous s'en fait. Chacun sait très bien que, dans des secteurs très bien identifiés, notamment la grande distribution, des gens ont été classés cadres parce que la législation permet, sur la base d'accords minoritaires, d'utiliser cette dérogation à leur égard. Ainsi, ils perdent des protections mais ne perçoivent que des rémunérations parfois tout juste égales à deux foix le SMIC, et n'exercent pas de responsabilités dignes de leur statut officiel.
    Enfin, il faut s'intéresser à une difficulté juridique de taille. En effet subsiste le problème de la charte sociale européenne à laquelle nous avons adhéré et qui devrait être examinée dans le détail puisqu'elle traite de la question de la compatibilité entre elle et le forfait-jours. Mais nous en reparlerons en examinant les prochains amendements.
    M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 111.
    (L'amendement n'est pas adopté.)
    M. le président. Je suis saisi de deux amendements, n°s 231 et 177 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.
    L'amendement n° 231, présenté par M. Gaillard, est ainsi libellé :
    « Substituer aux VI et VII de l'article 2 le paragraphe suivant :
    « VI. - L'article L. 212-15-3 du code du travail est ainsi modifié :
    « a) La première phrase du I est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
    « I. - Une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peuvent décider que les salariés ayant la qualité de cadre au sens des conventions collectives de branche ou du premier aliéna de l'article 4 de la convention nationale de retraite et de pévoyance des cadres du 14 mars 1947 ne relèvent pas des dispositions des articles L. 212-15-1 et L. 212-15-2. Ils doivent bénéficier d'une réduction effective de leur durée de travail.
    « b) La quatrième phrase du III est supprimée. »
    L'amendement n° 177 rectifié, présenté par M. Perruchot, est ainsi libellé :
    « Compléter le VII de l'article 2 par les trois alinéas suivants :
    « 3° La première phrase du I est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
    « I. - Une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peuvent décider que les salariés ayant la qualité de cadre au sens des conventions collectives de branche ou du premier alinéa de l'article 4 de la convention nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 ne relèvent pas des dispositions des articles L. 212-15-1 et L. 212-15-2. Ils doivent bénéficier d'une réduction effective de leur durée de travail.
    « 4° La quatrième phrase du III est supprimée. »
    La parole est à M. Claude Gaillard, pour soutenir l'amendement n° 231.
    M. Claude Gaillard. Comme d'autres collègues, je veux intervenir dans ce débat un peu difficile sur les cadres.
    Certains ont affirmé que la loi Aubry avait instauré un équilibre, mais il était instable. On a ainsi vite constaté que l'effet dérogatoire était plus grand que prévu.
    Monsieur le ministre, j'ai beaucoup apprécié le travail que vous avez accompli pour simplifier ce texte et le rendre plus clair, plus lisible pour l'ensemble des partenaires. Je tiens à saluer cette avancée.
    Par ailleurs, ayant toujours présente à l'esprit l'idée de faire davantage confiance aux partenaires sociaux, je me suis dit que l'on pourrait essayer d'aller plus loin et laisser aux partenaires sociaux le soin de définir certaines choses au lieu de le faire nous-mêmes dans cet hémicycle.
    Enfin, il est indéniablement difficile de donner une définition du cadre. D'ailleurs, la façon dont les cadres sont représentés et défendus est très différente d'une branche à l'autre. Autant, par exemple dans le secteur bancaire, le rapport de forces est équilibré, autant, dans d'autres branches comme la grande distribution sans doute ou ailleurs, le déséquilibre est très grand. Cela affaiblit peut-être mon amendement qui repose sur l'existence d'un équilibre des forces dans les négociations.
    Je reconnais aussi, monsieur le ministre, que vos propositions correspondent à des engagements que nous avons pris ensemble durant les campagnes électorales. Je m'y associe donc. Il en est cependant un qui relève de votre responsabilité et non de la mienne : celui de travailler avec les partenaires sociaux avant d'arriver dans cet hémicycle. J'ignore comment il a été tenu dans le détail et cela peut avoir son incidence, mais cet amendement a pour but de vous interroger : jusqu'où doit-on entrer dans le détail dans cet hémicycle pour définir les cadres intégrés et les cadres autonomes par rapport à vos engagements et par rapport à la réalité sur le terrain ?
    M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour soutenir l'amendement n° 177 rectifié.
    M. Nicolas Perruchot. L'amendement proposé va dans le même sens que celui de mon collègue Claude Gaillard. Nous pensons qu'il serait effectivement opportun de laisser aux seuls conventions et accords collectifs la détermination des catégories de cadres susceptibles de bénéficier de forfaits annuels, en particulier en jours. Le groupe UDF souhaite donc modifier l'article L. 212-15-3 pour renforcer le rôle de la négociation collective et éviter toute distinction entre les cadres dits intégrés et ceux dits autonomes, laquelle, de mon point de vue, nous éloignerait de la réalité du terrain.
    Cette modification permettrait de développer le dialogue social, notamment dans la détermination des catégories de cadres susceptibles de bénéficier de forfaits annuels, en particulier de forfaits-jours. Cette proposition, qui va dans le sens de davantage de proximité des règles avec les acteurs de terrain, assurant une meilleure prise en compte des aspirations et des contraintes des salariés et des entreprises, mérite, je crois, un examen bienveillant de cette assemblée.
    M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
    M. Pierre Morange, rapporteur. L'amendement n° 231 de M. Gaillard n'a pas pu être examiné par la commission, mais il semble mériter une réflexion plus approfondie. Le ministre nous donnera peut-être des indications plus précises. De toute façon, le débat pourra être prolongé ultérieurement si nécessaire.
    Quant à l'amendement n° 177 rectifié, il a été rejeté par la commission, car il nous plaçait dans une logique qui manquerait de souplesse. Certes, nous comprenons le désir de revoir la classification des cadres entre les cadres dirigeants, les cadres autonomes ou les cadres dits « ni-ni ». Mais s'en remettre à la concertation et aux accords de branches pour cela n'est pas forcément la plus pertinente des solutions.
    M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Je suis d'accord avec l'esprit de ces amendements et il y a bien, monsieur Gaillard, monsieur Perruchot, de la part du Gouvernement la volonté d'ouvrir le plus possible le champ de la négociation. En fait, nous touchons à une question plus générale : quelle est la part de l'ordre public social et quel est le domaine qui peut être laissé aux partenaires sociaux ? Nous aurons probablement à modifier les parts respectives de la loi et du contrat, mais, en l'espèce, j'ai de sérieuses réserves à formuler à l'encontre des deux amendements proposés.
    Lorsque la loi fixe les catégories de cadres et le régime horaire qui leur est associé, elle introduit une rupture d'égalité qui doit obligatoirement être justifiée par des différences de situation, d'où les notions de cadre intégré et de cadre dirigeant que définit la loi. Pour la catégorie des cadres autonomes, la loi prévoit différents forfaits que la négociation collective est habilitée à différencier, mais, là encore, sur une base législative.
    Si le Gouvernement opérait un renvoi pur et simple à la négociation, comme le propose vos amendements, il serait en contradiction avec les principes que je viens de rappeler. Au surplus, la directive européenne du 23 novembre 1993, modifiée en 2000, se fonde sur le critère essentiel de l'autonomie et nous nous devons de la transposer en droit interne. Aller au-delà et s'en remettre à la seule négociation poserait des difficultés majeures au niveau constitutionnel car le texte de loi serait entaché de ce qu'il est convenu d'appeler une incompétence négative, puisqu'il se référerait à une catégorie de salariés sans en cerner précisément la définition.
    Le texte proposé ne vise donc pas à limiter le champ de la négociation mais à lui donner le champ le plus large possible en fonction du droit applicable, en s'en tenant désormais à un seul critère, d'ailleurs le seul opérationnel : celui de l'autonomie.
    J'ajoute, que l'amendement de M. Gaillard - chacun le comprendra d'autant mieux que cela figure dans son exposé sommaire - remet en cause les équilibres trouvés par les partenaires sociaux. Ces derniers s'expriment d'ailleurs bien actuellement pour qui sait lire leurs réactions. (Sourires.)
    C'est la raison pour laquelle je demande à M. Gaillard de retirer cet amendement.
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.
    M. Maxime Gremetz. Je tiens à exprimer d'emblée notre opposition aux deux amendements présentés par M. Gaillard et M. Perruchot. Je vais expliquer pourquoi.
    Souvenons-nous que c'est au nom d'un prétendu modernisme que le forfait-jours a été inventé. Ce serait en raison de formes modernes du travail, des nouvelles technologies, que le décompte des heures ne serait plus possible ou qu'il n'aurait plus de sens.
    Pourtant, compter le temps de travail en jours est ce qu'on peut faire de plus rétrograde en matière de droit social. C'est en effet la situation qui prévalait dans la première moitié du xixe siècle lorsqu'aucune loi ne limitait la durée quotidienne du travail. On comptait alors en jours, les seules limites étant celles de la résistance physique des travailleurs.
    En réalité, le forfait-jour a été inventé pour cacher la vérité sur les durées de travail réellement effectuées, pour éviter d'avoir à payer les nombreuses heures supplémentaires effectuées. Le forfait-jour permet une durée de travail de 13 heures par jour, de 78 heures par semaine et de 2 821 heures par an.
    Dans la pratique, on observe que les conditions posées par la loi ne sont pas respectées et qu'une majorité de cadres sont catalogués cadres dirigeants ou mis au forfait-jours. Sur plainte des syndicats, les tribunaux annulent ces accords illégaux. En particulier, on a vu l'annulation de l'accord Aventis par la cour d'appel de Lyon qui a rappelé que l'entreprise doit démontrer que les conditions posées par la loi sont réunies et qu'il ne suffit pas de l'affirmer. Dès lors, la plupart des accords des grandes entreprises, calqués sur le modèle Aventis, sont potentiellement annulables.
    Le texte du projet de loi, comme je l'avais indiqué en défendant mon renvoi en commission, ne modifiait pas fondamentalement le régime en vigueur : les garanties, les conditions pour instaurer le forfait-jours demeuraient.
    Les amendements déposés à ce sujet par les députés de la majorité sont un véritable coup de force. Ils permettraient de passer tous les cadres au forfait-jours - y compris peut-être les non-cadres qui sont affiliés à une caisse de retraite des cadres - donc de les faire travailler 13 heures par jour et 78 heures par semaine. Cela est contraire aux traités internationaux signés par la France, ainsi que l'a reconnu le comité européen des droits sociaux. Le Conseil de l'Europe a toutefois désavoué son comité d'experts et absous la France. Mais il a fallu pour cela plaider en mettant en avant la notion d'autonomie qui conduisait à ce qu'une minorité de cadres soit concernée.
    Ces amendements sont également contraires à la directive européenne qui fixe à 48 heures la durée maximale du travail. Ces garanties sauteraient et tous les cadres seraient visés.
    Les amendements visent à légaliser les accords actuellement illégaux qui mettent au forfait-jours des cadres non autonomes, y compris lorsque l'accord est minoritaire alors que M. le ministre vient de s'engager à n'étendre que les accords majoritaires.
    Les cadres n'ont plus aucun recours. On les prive de toute possibilité d'action en justice. Le Gouvernement s'il avait accepté ces amendements - et je me félicite qu'ils les ait repoussés - serait passé outre au droit international et au pouvoir judiciaire.
    Les amendements que la majorité propose auraient pour effet de permettre aux accords de priver, sans aucune garantie, trois millions de cadres de toute référence légale en ce qui concerne la durée du travail. Ces amendements permettraient aussi de porter la durée hebdomadaire du travail de tous les cadres à 78 heures, que ces salariés soient autonomes ou pas. Or, en vertu de notre Constitution, c'est à la loi qu'il revient de fixer les règles essentielles du droit social. C'est donc à la loi de fixer la durée normale du travail.
    Lors de l'examen de cette question dans la loi sur les 35 heures, nous avons peiné jusqu'au dernier moment avant de trouver une solution et il a fallu de grandes manifestations de cadres jusque devant l'Assemblée nationale pour avancer des propositions qui n'étaient pas totalement satisfaisantes mais qui nous ont permis de trouver un équilibre. Si on modifiait cette situation, le mouvement que nous avons connu alors pourrait reprendre.
    C'est un dossier explosif et je comprends et me réjouis que le Gouvernement repousse ces amendements.
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce.
    M. Gaëtan Gorce. Quelques mots dans le prolongement de l'intervention de M. Gremetz.
    Les amendements qui sont présentés vont encore au-delà de ce que le Gouvernement avait envisagé et qui était déjà très critiquable. Il faut savoir s'arrêter dans le domaine de la déraison.
    L'un des aspects sur lesquels nous devons veiller dans la mise en place de la réduction du temps de travail est le maintien des garanties conventionnelles. Or, dans les amendements proposés, sous prétexte de favoriser les négociations, on donne en fait libre cours à des possibilités de dérapage qui sont condamnées par les organisations syndicales qui voient bien tous les dangers que peut présenter une négociation non contrôlée et non encadrée sur des sujets aussi complexes.
    La vraie réponse réside dans le renforcement du rôle, des moyens et de la responsabilité des organisations syndicales : accords majoritaires, présence dans l'entreprise avec des moyens adaptés. C'est un des éléments du débat sur lequel nous reviendrons.
    M. le président. La parole est à M. Claude Gaillard.
    M. Claude Gaillard. Je note que, grâce à moi, le PS et le groupe des député-e-s communistes et républicains soutiennent M. le ministre. Rien que pour cela je suis content d'avoir déposé cet amendement. Le Gouvernement en est soutenu plus largement ! (Sourires.)
    J'ai été très sensible aux arguments du ministre. Ceux de Maxime Gremetz ne m'ont pas du tout convaincu. Je ne pensais pas être un poseur de bombes. Je suis un cadre et je ne me suis pas vraiment reconnu dans la présentation qui a été faite sur les bancs de l'opposition du statut du cadre. D'un côté, il y a une approche très théorique du cadre et, de l'autre, ce que j'ai vécu pendant quelques décennies.
    M. Maxime Gremetz. Vous êtes un cadre politique !
    M. Claude Gaillard. Cela étant, je mesure bien que l'approche est très différente d'une branche à l'autre. J'ai bien compris, en vous écoutant, que ce qui était bon pour une branche peut avoir des effets pervers assez redoutables dans une autre.
    M. Gaëtan Gorce. Donc, nous vous avons convaincu !
    M. Claude Gaillard. Je souhaite que l'on puisse continuer de réfléchir à la question, y compris lors des évaluations progressives. Il conviendra de ne pas s'appuyer uniquement sur les secteurs où règne un équilibre entre direction et organisations syndicales car, comme le montre mon amendement, il arrive qu'alors qu'on souhaite aller dans le bon sens on produise plus d'effets pervers que d'effets positifs.
    Je retire mon amendement, monsieur le président.
    M. le président. L'amendement n° 231 est retiré.
    La parole est à M. Nicolas Perruchot.
    M. Nicolas Perruchot. Les remarques de Claude Gaillard sont très justes. Le débat sur le statut des cadres est important. Néanmoins, compte tenu de ce que j'ai mentionné tout à l'heure, je maintiens mon amendement.
    M. Maxime Gremetz. Très bien !
    M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 177 rectifié, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais maintenant mettre aux voix l'amendement n° 177 rectifié.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   59
Nombre de suffrages exprimés   59
Majorité absolue   30
Pour l'adoption   2
Contre   57

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION

    M. le président. J'ai reçu, le 8 octobre 2002, de M. Jean-Claude Lefort, une proposition de résolution sur l'approche de l'Union européenne en vue des négociations du cycle du millénaire de l'Organisation mondiale du commerce (COM [1999] 331 final/n° E 1285), déposée en application de l'article 151-1 du règlement.
    Cette proposition de résolution, n° 243, est renvoyée à la commission de la production et des échanges, en application de l'article 83 du règlement.

3

DÉPÔT DE RAPPORTS
EN APPLICATION DE LOIS

    M. le président. J'ai reçu, le 7 octobre 2002, de M. le Premier ministre, en application de l'article L. 124-2 du code forestier, le rapport annuel de l'Office national des forêts pour l'exercice 2001.
    J'ai reçu, le 4 octobre 2002, de M. le Premier ministre, en application de l'article 153 de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, le rapport annuel de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale pour 2001-2002.

4

DÉPÔT DU RAPPORT
SUR LES PRÉLÈVEMENTS
OBLIGATOIRES ET LEUR ÉVOLUTION

    M. le président. M. le président de l'Assemblée nationale a reçu, le 30 septembre 2002, en application de l'article 52 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, le rapport retraçant l'ensemble des prélèvements obligatoires ainsi que leur évolution.

5

ORDRE DU JOUR
DES PROCHAINES SÉANCES

    M. le président. Aujourd'hui, mercredi 9 octobre, à quinze heures, première séance publique :
    Questions au Gouvernement ;
    Communication du Médiateur de la République ;
    Suite de la discussion du projet de loi, n° 190, relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi :
    M. Pierre Morange, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (rapport n° 231).
    A vingt et une heures, deuxième séance publique :
    Suite de l'ordre du jour de la première séance.
    La séance est levée.
    (La séance est levée à une heure cinquante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
TEXTES SOUMIS EN APPLICATION
DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
Transmissions

    M. le Premier ministre a transmis, en application de l'article 88-4 de la Constitution, à M. le président de l'Assemblée nationale, les textes suivants :

Communications du 3 octobre 2002

N° E 2103. - Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'harmonisation des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de crédit aux consommateurs (COM [2002] 443 final).
N° E 2104. - Proposition de règlement du Conseil concernant la contribution financière de la Communauté au Fonds international pour l'Irlande (2003-2004) (COM 472 final).
N° E 2105. - Proposition de décision du Conseil concernant la signature et la conclusion d'un accord entre la Communauté européenne et la Turquie relatif aux précurseurs et aux substances chimiques utilisés fréquemment pour la fabrication illicite de drogues ou de substances psychotropes (COM [2002] 500 final).
N° E 2106. - Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de la Communauté européenne, d'un accord sous forme de protocole d'accord entre la Communauté européenne et la République fédérative du Brésil concernant des arrangements dans le domaine de l'accès au marché des produits textiles et d'habillement, et autorisant son application provisoire (COM 526 final).
N° E 2107. - Projet de la Commission portant modalités d'exécution du règlement (CE) n°          du Conseil portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (SEC [2002] 835 final).

annexes au procès-verbal
de la 3e séance
du mardi 8 octobre 2002
SCRUTIN (n° 20)


sur l'amendement n° 32 de M. Gremetz à l'article 2 du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi (seuil d'heures supplémentaires ouvrant droit à un repos compensateur obligatoire).

Nombre de votants

92


Nombre de suffrages exprimés

92


Majorité absolue

47


Pour l'adoption

24


Contre

68

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (365) :
    Contre : 66 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votants : MM. François Baroin (président de séance) et Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (142) :
    Pour : 17 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (28) :
    Contre : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 5 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (19).
    Pour : 2. - Mme Martine Billard et M. Yves Cochet.

SCRUTIN (n° 21)


sur l'amendement n° 34 de M. Gremetz et l'amendement n° 163 de M. Gorce à l'article 2 du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi (maintien du champ d'application du déclenchement du repos compensateur).

Nombre de votants

100


Nombre de suffrages exprimés

100


Majorité absolue

51


Pour l'adoption

28


Contre

72

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (365) :
    Pour : 2. - MM. Jean-Jacques Descamps et Michel Diefenbacher.
    Contre : 69 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votants : MM. François Baroin (président de séance) et Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (142) :
    Pour : 18 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (28) :
    Contre : 3 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 6 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (19).
    Pour : 2. - Mme Martine Billard et M. Yves Cochet.

SCRUTIN (n° 22)


sur l'amendement n° 177 rectifié de M. Perruchot à l'article 2 du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi (limitation de la détermination des catégories de cadres susceptibles de bénéficier de forfaits annuels aux seuls conventions et accords collectifs).

Nombre de votants

59


Nombre de suffrages exprimés

59


Majorité absolue

30


Pour l'adoption

2


Contre

57

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (365) :
    Contre : 41 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votants : MM. François Baroin (président de séance) et Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (142) :
    Contre : 11 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (28) :
    Pour : 2 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Contre : 3 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (19).
    Contre : 2. - Mme Martine Billard et M. Yves Cochet.