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ASSEMBLÉE NATIONALE
DÉBATS PARLEMENTAIRES


JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DU MERCREDI 16 OCTOBRE 2002

COMPTE RENDU INTÉGRAL
2e séance du mardi 15 octobre 2002


SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

1.  Questions au Gouvernement «...».

TERRORISME «...»

MM. Xavier de Roux, Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères.

CRÉDITS POUR L'EMPLOI «...»

MM. Eric Besson, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

LIBAN «...»

MM. François Rochebloine, Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères.

LICENCIEMENTS «...»

MM. Gilbert Biessy, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

POLITIQUE DE LA VILLE «...»

MM. Pierre Cardo, Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine.

CRÉDITS D'INSERTION «...»

Mme Catherine Vautrin, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

HYPOTHÈSES DE CROISSANCE POUR 2003 «...»

MM. Philippe Martin (Gers), Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

RETRAITES «...»

MM. Xavier Bertrand, François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

EXÉCUTION DES PEINES «...»

MM. Michel Hunault, Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice.

SURVEILLANTS ET EMPLOIS-JEUNES
DANS L'ÉDUCATION NATIONALE «...»

MM. Patrick Roy, Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.

ÉLARGISSEMENT DE L'UNION EUROPÉENNE «...»

M. François Scellier, Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes.

SÉCURITÉ DES CONVOYEURS DE FONDS «...»

MM. Michel Terrot, Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Suspension et reprise de la séance «...»

2.  Salaires, temps de travail et développement de l'emploi. Explications de vote et vote sur l'ensemble d'un projet de loi «...».
M. Pierre Morange, rapporteur de la commission des affaires culturelles.
MM. Nicolas Perruchot,
Maxime Gremetz,
Claude Gaillard,
Gaëtan Gorce.
Adoption, par scrutin, de l'ensemble du projet de loi.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

Suspension et reprise de la séance «...»
PRÉSIDENCE DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE

3.  Loi de finances pour 2003. - Discussion d'un projet de loi «...».
M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances.
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances.

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ «...»

Exception d'irrecevabilité de M. Bocquet : MM. Alain Bocquet, le ministre délégué, François Goulard, Augustin Bonrepaux, Jean-Pierre Brard, Philippe Folliot. - Rejet par scrutin.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
4.  Ordre du jour de la prochaine séance «...».

COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

    M. le président. La séance est ouverte.
    (La séance est ouverte à quinze heures.)

1

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

    M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
    Nous commençons par une question du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.

TERRORISME

    M. le président. La parole est à M. Xavier de Roux.
    M. Xavier de Roux. Monsieur le ministre des affaires étrangères, le monde entier a été saisi d'épouvante en apprenant le nouvel acte de terreur commis à Bali contre les touristes qui avaient choisi la paix de l'île des Dieux. Ce nouvel attentat montre qu'une véritable guerre ensanglante la planète ; hier, New York et, depuis, la longue litanie des attentats qui frappent aussi notre pays, de Karachi à Aden, et peut-être demain à Paris.
    M. Jean-Pierre Brard. Sarkozy veille !
    M. Xavier de Roux. Malheureusement, depuis très longtemps, la France a été confrontée à ces menées meurtrières. Le 19 septembre 1989, en détruisant un avion de la compagnie UTA, la Libye faisait 170 victimes, et l'affaire n'a toujours pas été élucidée. La cour d'assises de Paris juge les auteurs d'attentats commis, au nom de l'Islam, jusque dans le métro parisien. La traînée sanglante nous mène des camps de Bosnie à ceux d'Afghanistan, des Philippines à l'Indonésie, de la mer Rouge au Moyen-Orient.
    Une nouvelle guerre a-t-elle été déclarée ? Quel est le vrai visage de ses acteurs et des Etats qui la favorisent ? Est-ce la guerre des pauvres contre les riches, ou celle de l'intolérance contre la liberté ? Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quel est cet ennemi et comment le combattre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
    M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères. Vous m'interrogez, monsieur le député, sur la nature du mal qui frappe le monde et sur les moyens de le combattre. La menace est aujourd'hui globale, diffuse. A l'instar d'Al-Qaida, la nébuleuse terroriste présente mille visages. Ce n'est pas un phénomène nouveau : nous l'avons connu sur notre propre territoire, dans les années quatre-vingt, quatre-vingt-dix.
    Avec les attentats du 11 septembre, la menace acquiert une forme nouvelle. Il s'agit désormais de véritables crimes de masse.
    Nous l'avons vécu dans notre chair, à Karachi, vous l'avez dit, quand ce fléau a touché nos ingénieurs et nos techniciens. Nous l'avons vécu en Tunisie, lorsque des touristes ont été frappés dans une synagogue. Nous l'avons vécu lorsque nos intérêts économiques ont été pris pour cible, avec le pétrolier Limburg, en mer Rouge. Nous le voyons avec le terrible attentat qui frappe, à Bali, de jeunes touristes occidentaux.
    Il s'agit bien d'une menace opportuniste, qui sait utiliser à la fois les moyens les plus archaïques et les technologies les plus sophistiquées, qui sait mettre à profit toutes les ressources de la mondialisation, tous les avantages de la libre circulation, tous les bénéfices des Etats de non-droit.
    M. Arnaud Montebourg. On s'ennuie ! (Vives protestations et huées sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Richard Mallié. Montebourg, ça suffit ! Dehors !
    M. Charles Cova. C'est n'importe quoi !
    M. Michel Hunault. C'est scandaleux!
    M. le président. S'il vous plaît, ne répondez pas à la provocation de M. Montebourg.
    M. le ministre des affaires étrangères. A cette menace globale, il faut apporter une réponse globale. Il faut combattre les terroristes sans relâche, par tous les moyens, ceux de la coopération militaire, quand cela est nécessaire et en dernier recours - l'Afghanistan l'a montré -, et ceux de la coopération policière et judiciaire. Dans le domaine du renseignement, il faut unir les forces de chaque Etat dans le cadre de la solidarité internationale.
    M. le président. Monsieur le ministre !
    M. le ministre des affaires étrangères. C'est ce que nous faisons aujourd'hui avec l'Union européenne et les Nations unies, mais cela ne suffit pas, car nous avons aussi la conviction que, face à cette menace globale, il faut aujourd'hui prendre la vraie mesure de ce qui peut nourrir le terrorisme : d'anciens fléaux, la faim, l'injustice, les crises.
    M. le président. Monsieur le ministre, s'il vous plaît !
    M. le ministre des affaires étrangères. Il faut enfin, et c'est important, ne pas céder à la tentation d'un choc des cultures, d'une fracture entre les civilisations, et c'est pourquoi il faut s'appuyer sur le respect de l'autre, sur la tolérance, sur le dialogue des cultures. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

CRÉDITS POUR L'EMPLOI

    M. le président. La parole est à M. Eric Besson, pour le groupe socialiste.
    M. Eric Besson. Monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, l'emploi apparaît comme la principale victime des arbitrages du projet de budget pour 2003 dont nous allons débattre à partir d'aujourd'hui. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Richard Mallié. Changez de disque !
    M. Claude Goasguen. On s'ennuie !
    M. François Goulard. La sottise est ennuyeuse !
    M. Eric Besson. Alors que la conjoncture est fragile et qu'elle nécessiterait un soutien vigoureux à la croissance, à la consommation populaire et à l'emploi, le budget de votre ministère est celui qui baisse le plus avec ceux de l'éducation nationale et de la recherche.
    S'il fallait résumer par un raccourci symbolique vos choix budgétaires, je dirais : pour baisser l'impôt sur le revenu de 6 %, votre gouvernement est prêt à diminuer de 6 % les crédits du ministère de l'emploi.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Très bien !
    M. Eric Besson. J'en viens à ma question qui sera très précise. Il y a quinze jours, vous avez affirmé, ici même, que le Premier ministre avait assuré que le nombre de CES pour 2003 serait porté à 240 000 au lieu de 260 000 actuellement. Et vous avez même eu l'amabilité de préciser que 20 000 par mois que vous multipliez par 12 égale 240 000. Or le projet de budget de votre ministère n'indique que 80 000 CES. Comment faites-vous pour passer de 80 000 à 240 000 ?
    M. Richard Mallié. On multiplie par trois !
    M. Eric Besson. Pouvez-vous prendre l'engagement que ce chiffre de 240 000 sera celui sur lequel nous voterons lorsque nous débattrons de votre budget ?
    La clarification s'impose, monsieur le ministre, pour respecter la sincérité de la procédure budgétaire et pour éclairer les bénéficiaires des CES qui sont souvent des personnes éloignées, parfois très éloignées de l'emploi, les associations, les collectivités locales et mêmes les services de votre ministère qui, aujourd'hui, n'y comprennent plus rien et ne savent plus quel est le bon chiffre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur Besson, premièrement, nous n'avons pas la même conception de la politique de l'emploi, c'est vrai. (« Heureusement ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Ça c'est vrai !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Pour notre part, nous considérons qu'une véritable politique de l'emploi est tournée vers l'emploi marchand, vers le soutien aux entreprises et vers la baisse des charges. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean Glavany. On verra les statistiques du chômage !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Si vous acceptiez d'intégrer au budget du travail, dont vous venez de livrer une vision globale, le montant des allègements de charges supplémentaires que nous mettons en oeuvre, vous verriez qu'il n'est pas en diminution, mais en augmentation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Deuxièmement, en ce qui concerne les contrats emploi-solidarité et dans l'attente d'une réforme globale, nous préparons des dispositifs d'insertion, les contrats qui seront nécessaires pour faire face aux besoins liés à la conjoncture, à la situation de l'emploi.
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Combien ?
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Le Premier ministre s'est engagé sur l'ouverture de 20 000 contrats par mois. Vous avez souhaité une réponse précise à votre question. La voici : 80 000 contrats seront financés sur le budget primitif (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.), 80 000 autres seront financés en loi de finances rectificative pour 2002 ( Exclamations sur les mêmes bancs), et nous adapterons, au fur et à mesure des besoins, notre budget aux nécessités dans ce domaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur quelques bancs du groupe Union pour la démocratie française. - Huées sur les bancs du groupe socialiste.)

LIBAN

    M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Union pour la démocratie française.
    M. François Rochebloine. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
    La semaine dernière, M. Nabih Berri, président du Parlement libanais, était en visite officielle en France. Cette semaine, le sommet de la francophonie se tiendra à Beyrouth. C'est pour moi l'occasion de mettre en lumière la situation dramatique que vit le peuple libanais, si proche de la France.
    En effet, la vie politique libanaise est complètement dépendante de la volonté de Damas. Les services de renseignement syriens et libanais quadrillent le pays et veillent à intimider méthodiquement, par diverses pressions, toute voix libre au Liban. Récemment, la principale chaîne libre de télévision, MTV, a été fermée. La justice libanaise paraît plus que jamais arbitraire. Sur le plan économique et financier, le Liban plonge encore plus dans la misère avec, notamment, une dette publique avoisinant les 32 milliards d'euros.
    Face à une telle situation, la France se doit d'agir et, surtout, d'envoyer des messages clairs au peuple libanais. Monsieur le ministre, quelle peut être l'action de notre pays, notamment pour que soit enfin appliquée la résolution 520, votée en 1982 par le Conseil de sécurité de l'ONU et qui, aujourd'hui, est quelque peu oubliée dans les déclarations françaises officielles ? Le retrait de l'armée syrienne du Liban ne constitue-t-il pas un préalable au rétablissement de la démocratie dans ce pays ? N'est-ce pas dans cette direction que la France se doit d'agir pour que le Liban redevienne un Etat de droit, libre, indépendant et souverain ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
    M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, vous le savez, la France est un des partenaires privilégiés du Liban, pays qui occupe une place particulière dans notre histoire et avec lequel nous avons beaucoup d'intérêts communs, culturels et économiques.
    Comme vous, nous sommes attachés à la souveraineté et à l'indépendance du Liban, et c'est pourquoi nous avons été satisfaits du retrait israélien du Liban-Sud. C'est pourquoi nous insistons pour que le règlement de paix global au Proche-Orient intègre les volets libanais et syriens, et c'est pourquoi, enfin, nous souhaitons que l'évolution vers cette paix globale permette au Liban et à la Syrie de consolider leurs relations et de mener à terme le retrait complet des forces syriennes, conformément aux accords de Taëf.
    Attachés à la stabilité du Liban, nous le sommes aussi à la réforme et à la reconstruction : c'est pourquoi nous appuyons les efforts de son gouvernement. A titre bilatéral, le Liban appartient à la zone de solidarité prioritaire. La France est le premier investisseur étranger au Liban. Au titre de l'Union européenne, nous avons appuyé la signature de l'accord d'association dans le cadre du processus de Barcelone. A titre multilatéral, nous appuyons les efforts du Liban et de son gouvernement auprès des institutions financières, et nous plaidons pour la tenue d'une nouvelle conférence ad hoc à Paris : c'est la mission qui a été confiée à M. Camdessus.
    Autant de raisons pour que nous nous réjouissions de voir le sommet de la francophonie se tenir à Beyrouth : enfin, le Liban pourra voir restaurer son rôle dans la région et Beyrouth redevenir une grande capitale du monde arabe. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

LICENCIEMENTS

    M. le président. La parole est à M. Gilbert Biessy, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
    M. Gilbert Biessy. Monsieur le Premier ministre, la multiplication des plans sociaux en cette période de déclin économique...
    M. François Goulard. Notamment au PC !
    M. Gilbert Biessy. ... ne permet aucune passivité face aux situations dramatiques qu'ils engendrent. Les licenciements économiques dits « boursiers », dont l'abus est manifeste, chez les grands groupes en particulier, qui cherchent à anticiper toujours plus les profits de la bourse, suscitent chez les salariés et leurs familles un sentiment d'insécurité et d'inquiétude.
    La liste noire des plans s'allonge tous les jours. Les chiffres donnent le vertige. Par exemple : Hewlett Packard, 2 200 emplois supprimés en France...
    M. François Goulard. A cause des 35 heures !
    M. Gilbert Biessy. ... dont 609 à Grenoble ; Alcatel Lannion, 600 emplois supprimés ; Magneti Marelli, 550 emplois supprimés à Amiens ; ou encore, toujours à Amiens, Whirlpool, avec 360 emplois de moins...
    M. Henri Emmanuelli. Que fait M. de Robien ?
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Les 35 heures !
    M. Gilbert Biessy. En définitive, selon les derniers points de conjoncture de l'INSEE, la courbe des licenciements économiques est ascendante depuis un an, au rythme de 20 000 salariés par mois depuis l'été.
    Que faites-vous devant ce constat ? Vous vous apprêtez à supprimer les recours que la loi de modernisation sociale offre aux salariés pour se défendre. Vous n'apportez aucune réponse à ces pratiques financières détestables, qui brisent des gens. Vous n'améliorez pas les dispositifs de reclassement. Nous vous demandons donc expressément un moratoire des licenciements.
    Vous créez ainsi les conditions d'un développement de la précarité et du chômage, faisant le lit de la misère et de la pauvreté. D'ailleurs, le rassemblement contre la misère, organisé le 17 octobre prochain, nous rappelle combien le chemin est encore long pour qui veut y mettre un terme et redonner espoir à nos concitoyens désabusés.
    M. Richard Mallié. Quelle est la question ?
    M. le président. Bien...
    M. Gilbert Biessy. Je termine.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Trop long, monsieur le président !
    M. Gilbert Biessy. Monsieur le Premier ministre, que comptez-vous faire...
    Plusieurs députés du groupe socialiste. Rien !
    M. Gilbert Biessy. ... pour prendre à bras-le-corps toutes ces questions, et quelles solutions immédiates, efficaces et concrètes comptez-vous engager pour mettre fin à ces licenciements scandaleux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
    M. Richard Mallié. Faut-il embaucher tout le monde dans la fonction publique ?
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Vous avez raison, monsieur le député, de dire que depuis maintenant un an le nombre des plans sociaux dans notre pays va croissant.
    Cette situation est d'abord liée à la conjoncture internationale et au ralentissement de la croissance. Elle est liée aussi, vous le savez, à la perte d'attractivité de notre territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains)
    La loi sur les 35 heures, les dispositions de la loi de modernisation sociale, qui n'a rien d'une modernisation sociale (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste), pèsent aujourd'hui sur l'attractivité du territoire français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Enfin, cette situation est liée aussi à des crises conjoncturelles dans certains secteurs particuliers, comme le textile et l'électronique.
    Pour faire face à cette situation, monsieur le député, le moratoire sur les licenciements que vous proposez n'a évidemment aucun sens.
    M. Bernard Accoyer. Bravo !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Décréter un moratoire sur les licenciements, c'est sortir de l'économie de marché,...
    M. Jean-Pierre Soisson. C'est vrai !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... c'est refuser la réalité économique qui nous entoure, et cela au moment où nous nous préparons à l'élargissement de l'Union européenne et où la Chine entre dans l'Organisation mondiale du commerce.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous, nous avons choisi de mettre en oeuvre une politique destinée d'abord à restaurer l'attractivité du territoire...
    Mme Martine David. Mais oui, c'est ça !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... à travers l'assouplissement des 35 heures, à travers la réforme de la loi de modernisation sociale que nous allons engager (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), à travers le développement de la formation professionnelle.
    Enfin, le Premier ministre a décidé de mettre en place une coordination interministérielle pour mieux accompagner ces mutations, ces plans sociaux et, notamment, travailler à la restructuration des bassins touchés. Cette mission vient d'être confiée à M. Claude Viet et se mettra au travail dans les jours qui viennent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

POLITIQUE DE LA VILLE

    M. le président. La parole est à M. Pierre Cardo, pour le groupe de l'UMP.
    M. Pierre Cardo. Monsieur le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine, il y a quelques mois, vous avez rédigé un ouvrage sur les dysfonctionnements de la politique de la ville...
    M. Jean-Pierre Brard. Un best-seller !
    M. Pierre Cardo. ... dans lequel vous décriviez les lourdeurs des pratiques de l'administration auxquelles le maire de Valenciennes était confronté comme tous les acteurs de terrain des quartiers difficiles, qu'ils soient élus, professionnels ou bénévoles. Chacun a pu apprécier alors le franc-parler de L'Homme en colère - c'est le titre du livre -, devenu depuis ministre de la ville.
    Toutefois, les 6 millions de Français qui vivent dans les quartiers en question se demandent aujourd'hui si ce franc-parler, cette volonté déterminée de remuer les montagnes résistera à ceux que vous appelez les « comptables de Bercy ».
    M. Jean-Pierre Brard. Les épiciers même !
    M. Pierre Cardo. Pourquoi se posent-ils cette question ? Tout simplement parce que rares sont les ministres qui n'aient buté sur une logique budgétaire et que, le mois dernier déjà, celle-ci se traduisait par une réduction de crédits de 35 % du fonds d'intervention pour la ville, le FIV. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Et sans votre intervention et celle du Premier ministre, c'est l'ensemble du tissu associatif et tout notre travail de terrain qui auraient été démantelés.
    J'en viens à ma question.
    Vous venez de présenter un plan de rénovation urbaine d'un montant de 30 milliards d'euros sur cinq ans. Permettra-t-il d'engager réellement une politique de mixité sociale ? Sera-t-il limité au traitement du béton par la démolition/reconstruction ou favorisera-t-il le traitement de l'humain par la gestion urbaine de proximité ? Vous donnera-t-il les moyens de convaincre les professionnels du logement de s'y intéresser réellement ?
    Enfin, parviendrez-vous à simplifier nos procédures de financement...
    Mme Martine David. C'est sûr !
    M. Pierre Cardo. ... et à donner à la politique de la ville une continuité qui permette de mettre un terme aux incohérences qu'elle a imposées aux partenaires locaux, cassant leur créativité, favorisant leur fragilité et transformant les politiques expérimentales en simples expériences...
    Mme Martine David. Allô ! Allô ! C'est téléphoné !
    M. Pierre Cardo. ... sans évaluation et donc sans suite ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. (« Allô Borloo ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville et à la rénovation urbaine. Il est vrai, monsieur le député, que les 15 500 associations qui travaillent dans les quartiers difficiles étaient inquiètes car 66 % du montant des subventions leur sont distribués en novembre et en décembre. Aussi, nous avons donc décidé, à la suite d'un accord général entre les sous-préfets à la ville et les communes, d'opérer un transfert vers les communes, lesquelles pourront ainsi travailler directement avec les associations, qui gagneront ainsi neuf mois de temps de travail.
    Plus généralement, je souhaiterais indiquer à la représentation nationale que la situation des quartiers difficiles, qui comptent 6,5 millions d'habitants, n'a cessé de se dégrader. Ainsi, quand le chômage a baissé de 30 % en France, il a augmenté de 30 % dans nos quartiers. Les chiffres sont du même ordre pour ce qui concerne les signalements de la jeunesse perdue à la DDASS, l'illettrisme, l'alphabétisation ou l'échec scolaire.
    Le Premier ministre m'a autorisé à présenter un véritable plan de bataille pour la France en matière de logements, qui concernera aussi bien l'habitat pour les mamans que la démolition-reconstruction de 200 000 logements indignes, criminogènes, la réhabilitation lourde de 200 000 logements ou la mise à niveau des logements restants.
    L'écart d'activité entre la France qui va à peu près bien et celle qui va mal sera réduit.
    Il s'agit d'une cause nationale qui engage l'Etat, les régions, les offices d'HLM et l'ensemble des partenaires, y compris syndicaux. Les représentations syndicales nous aident dans ce combat, et je remercie les dirigeants du 1 %, les dirigeants des unions d'HLM du soutien qu'ils nous apportent pour engager la bataille, qui sera plus clairement et précisément annoncée dans les prochaines semaines.
    Mes amis, il s'agit d'une cause nationale qui mérite une union nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

CRÉDITS D'INSERTION

    M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin, pour le groupe de l'UMP.
    Mme Catherine Vautrin. Monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, la dégradation du marché de l'emploi fragilise un peu plus la situation de personnes qui sont déjà en difficulté. Dans ce contexte difficile, le Gouvernement a choisi de favoriser l'insertion professionnelle durable, notamment par la mise en place d'un dispositif ambitieux d'allégements des charges sociales sur les bas salaires.
    En parallèle, le Gouvernement, comme vous l'avez déjà réaffirmé, poursuit les dispositifs existants de traitement social du chômage comme les contrats aidés. Ainsi, l'année prochaine, ce sont près de 20 000 contrats emploi-solidarité qui pourront être créés chaque mois. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Néanmoins, des associations, notamment d'insertion, nous ont fait part de leurs inquiétudes à la suite de la publication d'une circulaire du 5 septembre de la DGEFP, la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, concernant le taux de prise en charge par l'Etat de ces contrats. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, quel sera le taux de participation retenu par l'Etat ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Madame la députée, comme je l'ai indiqué précédemment, le Gouvernement prépare une réforme globale des dispositifs d'insertion, qui portera notamment sur le RMI, que nous souhaitons transformer en un revenu minimum d'activité (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française) et décentraliser.
    Bien entendu, cette réforme concernera les contrats emploi-solidarité, qui peuvent être une des dimensions du nouveau dispositif, et mettra en oeuvre un nouveau contrat : le contrat d'insertion dans la vie sociale.
    En attendant cette réforme, nous aurons recours, ainsi que je l'ai indiqué tout à l'heure et comme vous venez de le rappeler, aux contrats emploi-solidarité au rythme de 20 000 par mois.
    Pour ce qui est de la prise en charge par l'Etat, elle sera, comme nous y invitent les textes, de 85 %. Toutefois, pour les associations d'insertion et pour les jeunes qui sortent du dispositif TRACE - qui sont donc des jeunes très en difficulté - le taux de participation sera maintenu à 95 %. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

HYPOTHÈSES DE CROISSANCE POUR 2003

    M. le président. La parole est à M. Philippe Martin (Gers), pour le groupe socialiste.
    M. Philippe Martin (Gers.) Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, il y a peu, dans cette enceinte, vous avez employé le terme de rigueur. L'Assemblée nationale entame, cet après-midi, l'examen du projet de loi de finances pour 2003. Ce projet de budget, que vous présentez, a été bâti sur une hypothèse de croissance de 2,5 % - le mot « hypothèse » prenant ici toute sa valeur.
    Aujourd'hui, plus personne n'ose affirmer que cet objectif sera atteint et la plupart des observateurs - économistes, instituts de conjoncture ou vous-même - indiquent que nous en serons très éloignés.
    De plus, plusieurs des mesures qui sont contenues dans ce budget ne sont destinées qu'à une minorité de Français - toujours les mêmes (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du groupe Union pour la majorité présidentielle)  - au détriment de l'immense majorité de nos concitoyens qui sont écartés de toute initiative en leur faveur, alors qu'une redistribution plus juste pourrait et devrait contribuer au renforcement de la croissance et de l'emploi dans notre pays.
    M. Richard Mallié. La question !
    M. Philippe Martin (Gers). Eh bien, la question est celle que se posent de nombreux parlementaires siégeant sur des travées très diverses et elle est la suivante : pouvez-vous, monsieur le ministre, nous confirmer ou nous infirmer qu'à peine le vote du budget acquis, vous devrez réécrire votre copie, comme cela semble inévitable ?
    En un mot, après l'adoption d'un budget virtuel fondé sur l'optimisme de commande et reposant sur la méthode Coué, les Français ne devront-ils pas subir un budget bien réel, fondé, lui, sur la rigueur et l'austérité, et ce pour acquitter la facture de vos promesses contradictoires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et du budget.
    M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, premièrement, je pense que nous aurons l'occasion dans quelques heures d'entrer plus dans le détail dans l'analyse du budget pour 2003. Vous aurez alors des réponses précises à vos questions. (Protestations sur les bancs du groupes socialiste.)
    Deuxièmement, je me permets de rappeler à la noble assemblée que les hypothèses de croissance que nous avons retenues sont inférieures à celles qui ont été retenues par l'Italie ou par l'Espagne, et que tous les grands instituts internationaux les confirment.
    M. Jean Glavany. Ce n'est pas vrai !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Troisièmement, j'indique que, si, au cours de l'année prochaine, la situation évolue de manière différente de ce qui était prévu, y compris en fonction des éléments qui ont été rappelés par le ministre des affaires étrangères,...
    Un député du groupe socialiste. Et de la météo !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... nous saurons alors - et c'est normal - rectifier le tir et conduire notre pays, comme nous l'avons fait jusqu'à présent. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

RETRAITES

    M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, pour le groupe de l'UMP.
    M. Xavier Bertrand. Monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, la situation des retraites est extrêmement préoccupante. Les Français espèrent une réforme promise depuis longtemps.
    Mme Martine Billard. Quels Français ?
    M. Xavier Bertrand. En effet, le gouvernement de Lionel Jospin en a beaucoup parlé (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), a publié beaucoup de rapports, commandé de nombreuses études, mais pour finir...
    M. Nicolas Forissier. Il n'a rien fait !
    M. Xavier Bertrand. ... il n'a rien décidé. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Aujourd'hui, l'heure n'est plus à la réflexion, mais à la décision et à l'action. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Les Français nous attendent à ce rendez-vous.
    C'est dans ce contexte que l'annonce, la semaine dernière, du reversement de plusieurs centaines de millions d'euros par la Caisse nationale d'assurance vieillesse des salariés à d'autres régimes de retraite a provoqué une vive, une très vive émotion.
    Mme Martine David. Surtout à l'UMP !
    M. Xavier Bertrand. Nous savons bien, monsieur le ministre, que nous ne réussirons pas à réformer les retraites en opposant de manière simpliste les salariés du secteur public à ceux du secteur privé. Il faut que chacun prenne conscience que l'avenir des retraites est bel et bien l'affaire de tous et que c'est avec pédagogie, transparence, mais aussi équité entre les Français que nous réussirons.
    Aussi, monsieur le ministre, afin d'éclairer l'ensemble des Français sur ce sujet, pouvez-vous nous indiquer ce qui s'est réellement passé concernant le reversement de ces centaines de millions d'euros par la CNAV à d'autres régimes, quelles sont les conséquences d'une telle mesure, et surtout, afin de garantir l'avenir des retraites, pouvez-vous nous préciser le calendrier que vous avez arrêté et le principe selon lequel vous allez agir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le député, la mesure que le Gouvernement propose dans le projet de loi de finances et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne constitue pas une nouveauté. Elle s'intègre dans le mécanisme de la compensation démographique, qui fonctionne depuis 1974 et qui aboutit à faire payer les régimes « jeunes », notamment celui des salariés mais aussi celui des fonctions publiques, notamment de la CNRACL et de la fonction publique d'Etat, en faveur des régimes plus déséquilibrés comme celui des agriculteurs ou celui des commerçants et des artisans.
    M. Jean-Pierre Brard. Et celui des clercs de notaire !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La mesure que nous proposons vise à intégrer les chômeurs dans les effectifs dépendant de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, sachant que les cotisations de retraite de ces chômeurs sont payés par le budget de l'Etat, ce qui est une mesure d'équité qui n'est pas contestable.
    Cette mesure aboutit effectivement à alourdir les charges de la compensation démographique du régime des salariés au profit essentiellement de celui des artisans et des commerçants. Toutefois, comme c'est un système équilibré, elle aboutit aussi à réduire le niveau de compensation de la CNRACL et du régime des fonctionnaires de l'Etat - je dis bien « réduire le niveau de compensation » et non pas « équilibrer les régimes » car ces régimes contribuent eux-mêmes à la compensation démographique.
    Une telle mesure ne risque pas de déséquilibrer les comptes de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, qui seront excédentaires de plus de 1,9 milliard d'euros en 2003, soit plus que ce qui était prévu.
    M. Maxime Gremetz. On prend l'argent des vieux !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cet excédent sera intégralement versé au fonds de réserve des retraites que le Gouvernement installera dans les tout prochains jours.
    Enfin, monsieur le député, cette mesure n'a évidemment rien à voir avec la réforme des retraites que nous vous proposerons en cours du premier semestre 2003,...
    M. François Hollande. Ah non, cela n'a rien à voir !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... si ce n'est qu'elle met bien en évidence la nécessité de remettre à plat l'ensemble des financements en matière de retraite (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
    M. François Hollande. C'est du bricolage !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... en nous appuyant sur trois principes : celui de l'équité entre tous les Français (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), celui de la liberté de choix des Français de leur système de retraite, notamment de la date de leur départ à la retraite, et celui de la sécurité en ce qui concerne le niveau du revenu de remplacement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

EXÉCUTION DES PEINES

    M. le président. La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe de l'UMP.
    M. Michel Hunault. Monsieur le garde des sceaux, un récent rapport de l'inspection générale des services judiciaires révèle que plus d'un tiers des condamnations à des peines de prison ne sont jamais exécutées. Ce chiffre est à rapprocher du nombre des délits et des crimes commis dans le pays : plus de 4 millions, pour une capacité de jugement qui n'excède pas 600 000.
    Face à une telle situation, ma question est simple : quelles mesures comptez-vous prendre pour obtenir une meilleure exécution des condamnations à des peines de prison et, au-delà, pour mieux prendre en compte les droits des victimes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
    M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, vous avez raison de souligner la gravité du constat dressé par un rapport de l'inspection générale des services judiciaires. Toutefois, vous savez que cette situation avait déjà été soulignée par un certain nombre de magistrats, il y a un peu plus d'un an, et en particulier par l'Union syndicale des magistrats, qui, à l'époque, avait alerté les pouvoirs publics.
    Nous connaissions cette situation et nous savions qu'elle était l'une des deux réalités négatives de notre système pénal. La première étant, comme vous l'avez souligné, l'incapacité de notre système pénal à absorber l'ensemble des dossiers qui lui sont proposés. L'une des réponses que le Parlement a apportées à cette situation, sur proposition du Gouvernement, a consisté à confier à un juge de proximité une compétence pénale pour les petits délits.
    La deuxième réalité, qui est l'objet principal de votre question, c'est l'exécution des peines, sachant que le chiffre de 28,5 % des peines non exécutées ne porte pas seulement sur les peines de prison, mais aussi sur les peines d'amende et les condamnations à des travaux d'intérêt général.
    Face à cette situation, que devons-nous faire ?
    D'abord, je tiens à remercier la représentation nationale d'avoir voté la loi de programmation, qui accorde un certain nombre de moyens pour les cinq ans à venir, moyens qui permettront non seulement de créer les 11 000 places de prison supplémentaires dont nous avons impérativement besoin, dont les magistrats ont besoin pour prendre leurs décisions, mais également d'augmenter le nombre des emplois d'éducateur et de magistrat ainsi que les crédits de fonctionnement, pour permettre ce travail de réinsertion et de suivi de l'exécution des peines. Je voudrais souligner l'importance de ce renforcement des moyens.
    Nous devons aussi simplifier ce qu'on pourrait appeler la « chaîne de commandement ». Je n'entrerai pas dans le détail, mais j'indique que j'ai d'ores et déjà demandé à des responsables de terrain de me faire des propositions pour simplifier le processus qui sépare la décision prise par le tribunal de l'exécution effective de la peine. Le système est trop complexe : il comporte trop d'acteurs et les délais sont trop longs.
    Enfin, vous avez eu raison d'évoquer les victimes, car une des revendications légitimes des victimes - qui ne sont pas encore au centre de notre système pénal -, c'est d'être informées de l'exécution des peines. Aussi, leur information fait partie du plan d'action que j'ai proposé au Gouvernement, plan qui viendra accompagner et renforcer ce qui a d'ores et déjà été décidé quant à l'accès des victimes à l'aide juridictionnelle et au concours d'un avocat dès le dépôt de la plainte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Telles sont, monsieur le député, les différentes orientations, aussi bien en termes de moyens qu'en termes d'organisation, qui devraient conduire très rapidement à une baisse de ce pourcentage extrêmement défavorable portant sur l'exécution de la politique pénale. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

SURVEILLANTS ET EMPLOIS-JEUNES
DANS L'ÉDUCATION NATIONALE

    M. le président. La parole est à M. Patrick Roy, pour le groupe socialiste.
    M. Patrick Roy. Monsieur le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, vous faites beaucoup de communications sur l'illettrisme mais, dans le même temps, vous supprimez les conditions qui peuvent permettre à l'école de remplir sa mission (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française) en réduisant le nombre des postes de surveillant et des emplois-jeunes.
    M. Michel Herbillon. C'est faux !
    M. Nicolas Forissier. C'est de la démagogie !
    M. Patrick Roy. Les emplois-jeunes ont pourtant permis aux écoles maternelles et élémentaires de voir arriver des aides-éducateurs qui ont favorisé la mise en route de nombreuses activités pédagogiques.
    Pour illustrer mon propos, je prendrai l'exemple concret d'une école du Nord, située en REP, école que je connais bien puisque j'y ai exercé pendant quinze ans. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. François Goulard. Voilà pourquoi nous avons des illettrés ! Tout s'explique ! (Rires.)
    M. Patrick Roy. L'arrivée dans cette école de deux aides-éducateurs a permis de modifier totalement nos pratiques pédagogiques. Ainsi, nous avons pu mettre en application le travail de soutien par demi-classe, développer et utiliser pleinement le site informatique, mettre en place une aide aux devoirs ou encore développer des activités culturelles nouvelles.
    Monsieur le ministre, ma question est simple : pour cette école, et au-delà pour toutes les écoles de France qui bénéficient des aides-éducateurs, comment pouvez-vous justifier ce grave retour en arrière qui, si rien ne change, sera mis en oeuvre à la rentrée 2003 et qui entraînera l'arrêt pur et simple de toutes ces nouvelles activités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
    M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Monsieur le député, je vous remercie de votre question, qui va me permettre de préciser les choses sur deux points (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste): d'une part, les surveillants et, d'autre part, les aides-éducateurs. Personne, en tout cas pas moi, ne songe à nier que certains de ces derniers remplissent des missions essentielles (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), en particulier en faveur de la scolarisation des enfants handicapés scolarisables, dont j'ai parlé ce matin ici même.
    M. Albert Facon. Ce n'est pas du secteur marchand que vous nous parlez !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. En ce qui concerne les surveillants, je vous rappelle qu'un rapport très intéressant avait été, en 1999, commandé par M. Allègre sur les MISE, les maîtres d'internat et surveillants d'externat. Ce rapport, dont je vous recommande vivement la lecture...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Ils ne l'ont pas lu !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. ... concluait à l'état « calamiteux » du dispositif des MISE...
    Mme Ségolène Royal. Ça n'a rien à voir !
    M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. ... et à l'urgence qu'il y avait à le remplacer par un autre dispositif plus efficace. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Eh bien ! c'est ce que nous allons faire à la rentrée de 2003. Ainsi que je l'ai dit à plusieurs reprises, nous annoncerons les modalités du nouveau dispositif au mois de février prochain.
    Pour oeuvrer dans de bonnes conditions et de façon un peu plus intelligente qu'on ne l'a fait les années précédentes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), nous réunirons tous les partenaires sociaux, comme j'ai déjà commencé de le faire ce matin avec mon collègue Xavier Darcos. Avant la fin du mois d'octobre, nous organiserons une table ronde réunissant tous les partenaires sociaux. Elle sera présidée par M. Patrick Girard, recteur de Bordeaux.
    Le dispositif des surveillants sera donc assorti de nouvelles modalités, à partir de la rentrée 2003 et il sera mis en oeuvre dans de meilleures conditions (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    J'ajoute que les emplois-jeunes ont été mis en place sans que l'on réfléchisse ni à la sortie du dispositif (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), ni au financement des indemnités de chômage, dont nous nous occupons actuellement, ni aux véritables besoins des établissements.
    Alors, je vous en prie ! Il s'agit là du dernier sujet sur lequel vous avez des leçons à nous donner ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - « Zéro ! zéro ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

ÉLARGISSEMENT DE L'UNION EUROPÉENNE

    M. le président. La parole est à M. François Scellier, pour le groupe de l'UMP.
    M. François Scellier. Madame la ministre déléguée aux affaires européennes, depuis quatre ans, les négociations relatives à l'élargissement de l'Union européenne se sont déroulées dans une regrettable confidentialité.
    Les Français découvrent maintenant que, d'ici à quelques mois, l'Union comptera dix nouveaux membres et que l'Europe, qui s'est bâtie depuis un demi-siècle, ne sera bientôt plus la même. De ce fait et très légitimement, nos concitoyens s'interrogent et beaucoup doutent. La presse, avec insistance, s'en fait chaque jour l'écho. D'après les sondages, près d'un Français sur deux serait défavorable à cet élargissement.
    Comme on ne peut pas croire que cette attitude trahisse un manque de générosité de la part de nos compatriotes, comment le Gouvernement entend-il répondre à tous ceux qui, aujourd'hui, se posent des questions pouvant aller jusqu'à la remise en cause de l'élargissement, au motif que sa négociation en aurait été bâclée, qu'il coûterait trop cher ou qu'il ferait courir des risques aux Français, notamment en matière d'immigration ou de sécurité alimentaire ? (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Maxime Gremetz. Un référendum serait la bonne réponse !
    M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.
    Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le député, l'élargissement de l'Union européenne est un grand projet politique européen, le plus grand projet de ce début de siècle. Je dirai même qu'il n'y en a pas d'autre.
    On peut considérer que, treize ans après la chute du mur de Berlin, il était grand temps que nos voisins d'Europe centrale et orientale, qui ont été privés de démocratie pendant des décennies, nous rejoignent enfin. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    L'Europe élargie, c'est notre chance à tous !
    Cela dit, il est vrai que les Français paraissent sceptiques vis-à-vis de l'élargissement. Je me permettrai à cet égard de faire plusieurs observations.
    D'abord, les sondages sont un instantané : ils ne sont pas une science exacte. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    Un député du groupe des député-e-s communistes et républicains. Les élections aussi sont des « instantanés » !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. On ne peut donc se référer à quelques sondages. Personnellement, je m'étonne que certains médias, d'ordinaire si bien informés, découvrent aujourd'hui l'élargissement alors que la décision a été prise il y a presque dix ans, en 1993, à Copenhague.
    M. Arnaud Montebourg. Pas par nous !
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Aujourd'hui, il est temps d'expliquer à nos concitoyens le contenu de ce projet. C'est le sens de la campagne d'information et de communication que je suis en train de préparer en liaison avec le Premier ministre et que celui-ci doit lancer au mois de novembre.
    Cette campagne s'appuiera essentiellement sur des initiatives locales, dans un « tour de France de l'Europe », si je puis dire (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste), et elle s'adressera à la jeunesse, c'est-à-dire aux citoyens européens de demain.
    Sur le fond, soyons clairs, monsieur le député : non, l'élargissement, ce n'est pas la mise en péril de notre ordre public ni de notre sécurité alimentaire. Je dirai même, et c'est notre conviction à tous ici, que, sans l'élargissement, nous aurions de très grandes difficultés à maîtriser les risques en ces domaines. En particulier, il nous serait très difficile de contrôler la criminalité organisée et les filières d'immigration illégale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    L'Europe, il faut l'expliquer à nos concitoyens comme il faut l'expliquer ici même, c'est la sécurité interne et à nos frontières...
    M. le président. Merci, madame la ministre...
    Mme la ministre déléguée aux affaires européennes. Au-delà de son coût, l'Europe est un projet politique qui nous réunit tous et qui vise, je me permets de le souligner ici, la préservation des valeurs qui nous sont communes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)

SÉCURITÉ DES CONVOYEURS DE FONDS

    M. le président. La parole est à M. Michel Terrot, pour le groupe de l'UMP.
    M. Michel Terrot. Monsieur le président, ma question s'adresse au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    Monsieur le ministre, une fois de plus, un convoyeur de fonds a été lâchement assassiné dans l'exercice de son métier, à l'issue d'un guet-apens sanglant. L'émotion ressentie devant une telle sauvagerie par les convoyeurs de fonds comme par l'ensemble de la population est considérable.
    Organisés de façon quasi militaire et puissamment armés, les truands estiment aujourd'hui que même un maigre butin vaut bien une vie humaine, en l'occurrence celle d'un homme de trente-cinq ans. C'est, là encore, une mort de trop, une mort qui vient alourdir le si lourd tribut payé par cette profession pour assurer une activité qui recouvre une dimension d'intérêt général.
    Monsieur le ministre, les convoyeurs de fonds attendent aujourd'hui une véritable réponse des pouvoirs publics.
    Monsieur le ministre, quelle est votre réponse ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
    M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le député, vous comprendrez que le Gouvernement s'associe à l'émotion suscitée par ce lâche assassinat et témoigne à l'ensemble de la profession comme à la famille du jeune homme victime de toute notre reconnaissance pour le travail accompli au service de tous.
    Ceux qui commettent ces assassinats et qui ne respectent en rien la vie ne doivent attendre de notre part aucune indulgence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Ils seront poursuivis pour être châtiés, où qu'ils se trouvent, avec la dernière énergie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
    S'agissant de l'avenir, j'ai reçu à trois reprises, avec mon cabinet, les convoyeurs de fonds : le 14 juillet, le 11 juillet et le 24 septembre. Nous sommes convenus d'un certain nombre de mesures. Ils m'ont demandé un décret, actuellement au Conseil d'Etat, autorisant à embarquer dans les fourgons blindés les nouvelles technologies, seule mesure crédible pour dissuader les assassins de s'en prendre à ces fourgons qu'il n'y aurait plus lieu d'attaquer, l'objet du crime étant détruit. Ce décret sera publié dans quinze jours.
    Il existait au mois de mai seul un système agréé. J'ai prononcé au mois d'août l'agrément de deux nouveaux systèmes et, au mois de septembre, de deux autres. Il existe donc aujourd'hui cinq systèmes agréés.
    Enfin, nous sommes convenus avec les organisations syndicales de mettre en place une mission interministérielle qui aura deux responsabilités.
    D'abord, elle devra faire le tour des pays européens pour voir tous les dispositifs utilisés : ce n'est pas la peine, pour assurer la meilleure sécurité aux convoyeurs de fonds français, de perdre du temps à réinventer ce qui marche ailleurs.
    M. Lucien Degauchy. C'est vrai !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Ensuite, elle devra établir un diagnostic complet de la situation. Nous avons prévu de nous retrouver à la fin de l'année.
    Les convoyeurs de fonds doivent être protégés.
    M. Jean-Paul Charié. Très juste !
    M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. C'est la mission qui a été confiée au Gouvernement et c'est ce qui sera fait avant la fin de l'année. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement. (« En avance ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    Nous avons terminé avant l'heure, chers collègues, parce que chacun a respecté le temps qui lui était imparti, et ce sans même que j'aie à intervenir. (Sourires.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à seize heures.)
    M. le président. La séance est reprise.

2

SALAIRES, TEMPS DE TRAVAIL
ET DÉVELOPPEMENT DE L'EMPLOI

Explications de vote et vote sur l'ensemble
d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi (n°s 190, 231).
    La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
    M. Pierre Morange, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Monsieur le Président, monsieur le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme de la première étape de l'examen par le Parlement du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi. Cette première étape parlementaire s'est avérée enrichissante à plus d'un titre.
    Tout d'abord au niveau du débat, puisque ce sont au total plus de 230 amendements qui ont été examinés en séance publique.
    M. Gaëtan Gorce. Et repoussés !
    M. Pierre Morange, rapporteur. A cet égard, je me félicite que ce débat ne se soit pas traduit essentiellement par une guerre de tranchée diabolisante, au cours de laquelle les bons soldats du progrès social se seraient opposés pied à pied aux ogres capitalistes affiliés au grand patronat. Certes, quelques tentatives de résurgence des combats parlementaires homériques du passé ont entendu rallumer la flamme sacrée d'une réduction dogmatique du temps de travail.
    M. Gaëtan Gorce. Ne nous faites pas de faux procès !
    M. Pierre Morange, rapporteur. Mais, si vous me le permettez, je soulignerai avec une toute petite pointe d'ironie que les principaux leaders du Parti socialiste ont reconnu honnêtement que la réduction du temps de travail mise en oeuvre durant la précédente législature devait être corrigée. Aujourd'hui, vous vous montrez, mesdames et messsieurs de l'opposition, en majorité particulièrement prudents sur sa restauration, en cas d'un hypothétique retour au pouvoir. Or, nous avons pu constater que vous avez soutenu dans une belle unanimité un amendement réduisant la durée du travail à 32 heures hebdomadaires ! Je rappellerai, au passage, que vous aviez refusé de cautionner une telle mesure quelques années auparavant.
    Le texte soumis à l'examen des parlementaires a été peu modifié sur l'essentiel. L'Assemblée nationale a, en effet, jugé capital de préserver l'équilibre que ce projet établit entre, d'une part, l'efficacité économique et, d'autre part, la justice sociale.
    Le débat a cependant permis d'adopter quelques amendements précisant le dispositif sans en modifier la substance.
    Il a, en premier lieu, été jugé nécessaire d'apporter une précision concernant le régime applicable aux cadres « intégrés ». Le texte a été amendé pour limiter ce dispositif aux seuls cadres dont la nature des fonctions les conduit à suivre l'horaire collectif au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe dont ils font partie.
    Nos débats ont permis, en deuxième lieu, de préciser le régime des astreintes sujettes jusqu'à présent à des interprétations divergentes qui aboutissaient, en réalité, à multiplier le recours à des intervenants extérieurs dans de nombreuses entreprises. L'amendement adopté permet de clarifier la situation en précisant qu'à l'exception de la durée d'intervention, la période d'astreinte est décomptée dans les durées minimales du repos quotidien et hebdomadaire.
    Les députés ont, en troisième lieu, souhaité adopter un amendement destiné à sécuriser les accords de réduction du temps de travail signés sous l'empire des lois « Aubry I » et « Aubry II ». Cette précision est une assurance supplémentaire pour les salariés comme pour l'ensemble des partenaires sociaux dans la mesure où le texte modifie le droit existant.
    Au-delà de ces améliorations, les débats auront permis de tirer deux enseignements majeurs de cet indispensable projet de loi, tant pour les salariés que pour les entreprises.
    Tout d'abord, la conception du dialogue social dans le texte gouvernemental constitue une divergence de fond au sein même de cet hémicycle. A nos yeux, la responsabilité des acteurs sociaux est un élément fondamental de la vie économique d'une nation dans le cadre d'une économie mondialisée. A ce titre, il faut souligner le caractère audacieux du projet de loi qui organise de véritables transferts de compétences au profit des partenaires sociaux.
    M. Gaëtan Gorce. Dans le discours !
    M. Pierre Morange, rapporteur. Or force est de constater que cette vision est loin d'être partagée sur tous les bancs. Le dispositif mis en oeuvre dans le cadre des lois Aubry se caractérisait par une volonté d'instaurer un corset de règles applicables dans tous les secteurs d'activité et quelle que soit la taille des entreprises concernées. Nous avons pu constater que l'opposition persistait dans cette philosophie, notamment lorsqu'elle a soutenu un amendement visant à inscrire dans la loi le contingent d'heures supplémentaires plutôt que de laisser les partenaires sociaux se saisir de ce sujet.
    Le second enseignement majeur de nos débats concerne les effets des 35 heures. Contrairement à ce qui a pu être dit, la durée légale du travail n'est pas remise en cause.
    Cependant, la réduction du temps de travail ne constitue plus désormais l'alpha et l'oméga de la politique sociale en France. Des espaces de négociation seront désormais ouverts là où la rigidité du précédent dispositif avait à la fois limité le pouvoir d'achat des salariés les plus modestes et contrarié la compétitivité de nos entreprises au détriment de l'emploi français.
    M. Gaëtan Gorce. Fantasme !
    M. Pierre Morange, rapporteur. Le processus d'harmonisation des SMIC par le haut, couplé à un vaste programme de diminution des charges patronales, permet de mettre un terme à un dispositif où l'idéologie primait malheureusement les réalités. C'est pourquoi la commission invite l'Assemblée nationale à adopter le projet de loi modifié par ses soins. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe Union pour la démocratie française.
    M. Nicolas Perruchot. Monsieur le ministre, comme je vous l'avais dit il y a quelques jours, le groupe UDF votera votre loi, car elle va dans le sens d'un assouplissement des règles qui pèsent aujourd'hui sur le travail. Ainsi nous respectons l'engagement pris pendant la récente période électorale de permettre aux salariés qui le souhaitent de travailler davantage tout en nous dirigeant vers les impératifs de création d'emplois et d'augmentation du pouvoir d'achat des salariés.
    Nous nous félicitons que le Gouvernement ait accepté notre amendement sur l'astreinte. Le rapporteur vient de faire référence à cette utile modification qui va dans le sens d'une flexibilité accrue pour les entrepreneurs. Nous prenons, en outre, acte de l'engagement du Gouvernement d'entamer une réflexion sur le régime du forfait heure et jour pour les cadres.
    Cependant ce projet ne va pas assez loin.
    Pas assez loin, car il ne marque pas une rupture complète avec les lois « Aubry I » et « Aubry II ». Au final, ce qui est proposé aux salariés et aux entreprises, c'est quatre heures de travail en plus par semaine.
    Pas assez loin, car nous craignons que les mesures proposées aient pour conséquence de renchérir le coût du travail. Or, comme vous le savez, la préoccupation majeure des Français reste l'emploi.
    M. Gaëtan Gorce. C'est un long débat !
    M. Nicolas Perruchot. Nous aurions, pour notre part, souhaité un mécanisme qui permette de baisser réellement le coût du travail tout en augmentant le pouvoir d'achat des salariés.
    M. Jean Le Garrec. C'est compliqué !
    M. Nicolas Perruchot. Pas assez loin, enfin, car ce que nous attendions du Gouvernement, c'est une véritable réflexion sur le dialogue social afin de construire, avec les partenaires sociaux, une nouvelle société dans laquelle la participation et la négociation collective seraient les moyens privilégiés de résoudre les problèmes et les instruments majeurs du changement. Le gouvernement de Lionel Jospin s'y est refusé avec obstination, multipliant l'arsenal législatif et réglementaire. Il faut en finir avec les bricolages. Seule une réforme d'envergure de nos relations sociales a des chances de réussir. Notre droit social doit être repensé, en s'inspirant des pays voisins et du droit européen.
    Dans le cadre de cette réflexion, il est impératif de faire évoluer la hiérarchie des normes sociales en laissant au contrat une place, à mon sens, prépondérante. Il convient également de revoir les règles de représentativité des organisations syndicales, fixées à la Libération et aujourd'hui obsolètes. En outre, il paraît nécessaire de favoriser la conclusion d'accords réellement majoritaires avec des syndicats représentatifs, d'améliorer les conditions de financement de la démocratie sociale et de doter notre pays d'une nouvelle hiérarchie des normes sociales. Enfin, il faudrait alléger le code du travail dont le volume a triplé et dont 70 % des dispositions, au dire des experts, ne sont pas appliquées.
    Monsieur le ministre, vous nous avez dit « partager l'analyse du groupe UDF sur la situation du dialogue social dans notre pays et sur la nécessité de faire évoluer les règles qui le régissent ». Permettez-moi de vous rappeler la proposition faite par François Bayrou d'organiser les états généraux de la démocratie sociale pour dresser le bilan et négocier les nouvelles règles de nos relations sociales, ce qui impliquerait de développer la place de l'accord collectif et de garantir la représentativité et les ressources des syndicats.
    Le groupe UDF espère que l'engagement que vous avez pris d'ouvrir, début 2003, une vaste discussion avec les partenaires sociaux prendra cette forme. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe des députés-e-s communistes et républicains.
    M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, après deux semaines de débat, les dispositions contenues dans votre projet de loi de régression sociale et de remise en cause des acquis des salariés n'ont pas bougé d'un pouce, ce qui est d'ailleurs conforme à ce que vous aviez annoncé avant même le débat dans un journal économique.
    Dès lors sont maintenus les coups portés au pouvoir d'achat des salariés avec le dévoiement des modes traditionnels de revalorisation du SMIC et la diminution de la majoration des heures supplémentaires à 10 %.
    Vous enclenchez une dynamique contraire à l'emploi en autorisant le recours à davantage d'heures supplémentaires et en déconnectant les aides et exonérations de cotisations patronales pour les entreprises de la réduction du temps de travail et de la création d'emplois. D'ailleurs, vous avez refusé, tout au long du débat, de chiffrer les créations d'emplois potentiels de votre loi et on comprend pourquoi.
    Vous mettez en oeuvre des mesures socialement régressives en adoptant un amendement inadmissible remettant en cause la notion d'astreinte et les accords conclus dans le secteur médico-social, en abaissant le droit au repos compensateur par décret à 180 heures et en facilitant la flexibilité et l'annualisation du temps de travail.
    Vous faites ainsi, monsieur le ministre, le jeu du MEDEF dans sa volonté de détruire les règles fondamentales du code du travail. C'est pourquoi nous avons combattu, jour et nuit, vos dispositions et continuerons à le faire aux côtés des salariés.
    Malgré votre acharnement, vous n'arriverez pas à arrêter le processus historique de réduction du temps de travail.
    En définitive, votre projet de loi, en visant la baisse du coût du travail sans contrepartie, aura des effets négatifs sur l'emploi, des conséquences sociales inacceptables, des résultats néfastes sur l'économie, et ce au moment même où le chômage remonte et la croissance ralentit.
    Vous divisez les salariés entre ceux qui sont à 35 heures aujourd'hui et les autres qui resteront à 39 heures. Quelle inégalité !
    Monsieur le ministre, vous avez rejeté toutes les propositions qui tendaient à apporter un progrès par rapport à la législation actuelle et à corriger les effets négatifs de ce que vous proposez, car, vous le savez bien, nous ne voulions pas nous contenter seulement d'un retour à l'existant. D'ailleurs, vous l'avez souligné vous-même tout au long des débats, la cohérence de nos propositions concrètes était évidente.
    Celles-ci étaient de plusieurs ordres :
    Réduction du temps de travail porteuse d'avancée sociale pour tous, y compris pour les cadres qui la demandent : rejet !
    Politique salariale consolidant la croissance par la consommation avec augmentation immédiate du SMIC de 11,4 % : rejet !
    Majoration des heures supplémentaires à 25 % et 50 % en rétribution normale du travail effectué avec effet dissuasif afin d'encourager les créations d'emplois : rejet !
    Lutte contre l'emploi précaire, conséquence de votre discours sur l'emploi, par une limitation du recours abusif aux intérimaires, aux CDD et autres temps partiels imposés (« Rejet ! » sur les bancs de l'Union pour la majorité présidentielle : rejet !)
    Propositions de légiférer sur les licenciements économiques pour une modernisation de la vie de l'entreprise donnant des pouvoirs démocratiques nouveaux d'intervention des salariés dans et hors de l'entreprise (« Rejet ! » sur les bancs de l'Union pour la majorité présidentielle : rejet !)

    Reconnaissance du principe majoritaire dans les accords de branche et d'entreprise pour en finir avec une situation où une minorité, voire une petite minorité, décide pour l'ensemble des salariés d'une entreprise ou d'une branche (« Rejet ! » sur les bancs de l'Union pour la majorité présidentielle : rejet encore !)
    Octroi de pouvoirs d'opposition et de proposition aux comités d'entreprise s'agissant des licenciements, de la précarité, de la sous-traitance et de l'externalisation des activités (« Rejet » sur les bancs de l'Union pour la majorité présidentielle : rejet toujours !)
    Les pleins pouvoirs des membres du conseil d'administration doivent céder la place à des pouvoirs de co-décision. S'engager dans cette voie ce serait permettre que des critères de gestion favorables à l'emploi, à la formation, à la satisfaction des besoins se substituent enfin à des gestions fondées uniquement sur la recherche effrénée du profit. Nous avons ainsi proposé d'aller vers la fin de la dictature des marchés financiers : rejet, évidemment !
    Enfin, nous avons fait la proposition d'une alternative aux exonérations de cotisations sans contrepartie en termes d'emploi et aux exonérations de charges ciblées sur les bas salaires dont on connaît les conséquences nuisibles en termes de modération salariale. Cela permettait d'ouvrir la voie à une croissance durable, favorable à l'emploi et assurant à notre protection sociale des ressources supplémentaires pérennes plutôt que les 15 % d'augmentation des droits sur le tabac que vous voulez nous infliger. Mais là encore : rejet !
    Par contre - et là, vous n'avez pas dit : non, vous avez dit deux fois : oui -, vous accordez au MEDEF une augmentation de 6 milliards d'euros des exonérations de cotisations patronales (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), vous lui offrez une redéfinition de la notion d'astreinte pour l'assimiler à un temps de repos, et, enfin, vous élargissez le forfait-jour des cadres.
    En conséquence, monsieur le ministre, votre projet de loi, je l'ai dit, va à l'encontre des aspirations contemporaines des salariés, des précaires et des chômeurs. C'est un non-sens économique dont les répercussions seront graves pour l'emploi, pour le pouvoir d'achat, pour les salariés, leurs familles et notre société.
    Pour toutes ces raisons, objectives, le groupe des député-e-s communistes et républicains votera contre votre projet, mais, je vous préviens, il poursuivra le combat avec les organisations syndicales (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), avec les salariés, avec les sans-emploi, car, comme toujours, c'est le mouvement social qui aura le dernier mot ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)

    M. le président. Avant de donner la parole aux orateurs suivants, je vais, d'ores et déjà, faire annoncer le scrutin de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    La parole est à M. Claude Gaillard, pour le groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.
    M. Claude Gaillard. Chacun s'en doute, le regard que nous portons sur ce projet de loi est assez différent de celui de Maxime Gremetz. (Exclamations sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. Jean-Pierre Brard. Heureusement !
    M. Claude Gaillard. Tout au long du débat, les députés de l'opposition n'ont eu de cesse de vouloir restaurer la loi Aubry qu'ils trouvaient sans doute très bonne, (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste) et de réduire ce texte à une loi de suppression des 35 heures. Sur le premier point, sans être très polémique, il me semble que les Français ont dit assez clairement ce qu'ils pensaient de la brutalité des lois Aubry. Cela n'a pas empêché pourtant le groupe socialiste de voter un amendement du groupe communiste visant à instaurer les 32 heures. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Un député du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Ils n'ont toujours pas compris !
    M. Claude Gaillard. En fait, monsieur le ministre, votre projet de loi a trois objectifs. Il s'agit premièrement de régler un certain nombre de problèmes en suspens, deuxièmement de réparer des injustices, et troisièmement de répondre à de fortes préoccupations et de préparer l'avenir.
    En effet le problème que posaient les 35 heures pour les PME restait entier, et la gauche elle-même, par un décret d'octobre 2001, avait pris des dispositions pour décaler de deux ans l'application de la loi.
    De plus, nous étions face à six SMIC, sans convergence possible, ce qui enlevait au SMIC sa signification essentielle de référence unique. Ce texte lui redonne donc tout son sens en assurant le retour à un seul SMIC pour 2005.
    S'agissant des injustices, la plus criante d'entre elles était sans aucun doute résidant dans le blocage du pouvoir d'achat des bas salaires, particulièrement insupportable dans une période de forte croissance.
    Ce projet, qui prévoit un alignement sur le SMIC le plus haut va se traduire, quant à lui, par une augmentation du pouvoir d'achat de 11,4 % à euros constants. Cette évolution va permettre, en outre, d'accroître l'écart entre les revenus de l'assistance et ceux du travail. Pour nous, il est essentiel en effet de redonner toute sa place au travail. C'est dire que nos conceptions sont bien différentes !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Très bien !
    M. Claude Gaillard. La principale des préoccupations auxquelles ce texte doit répondre est l'accroissement du chômage, qui a repris dès avril 2001, en dépit d'un taux de croissance économique de 3,8 % en l'an 2000. Considérant que ce sont les entreprises qui créent les emplois, il nous est donc apparu indispensable de réduire les contraintes qu'elles supportent, charges ou complexité administrative.
    Sur ce dernier point, ce projet de loi de quelques pages et de douze articles n'a plus rien à voir avec l'usine à gaz des lois Aubry et de leurs décrets. Il devrait d'ailleurs servir de modèle quant à la façon de légiférer.
    S'agissant des charges, compte tenu de l'évolution rapide du SMIC et de la fragilité des emplois les moins qualifiés - ce sont eux qu'on délocalise en premier - ce projet vise à accroître les aides apportées au salaires allant du SMIC à 1,7 SMIC. C'est d'ailleurs dans cette tranche que l'élasticité est la plus grande entre l'aide à l'emploi et le nombre d'emplois créés. Cette mesure s'ajoute à d'autres prévues dans la loi de finances en faveur des entreprises. Il fallait encore mettre fin à la méfiance manifestée à l'égard des partenaires sociaux et ce projet favorise la négociation collective, puisque la loi s'applique là où il n'y a pas d'accord.
    Pour conclure, ce texte, promis et attendu, va redonner une plus grande attractivité à la France en s'attachant à assurer une plus grande solidarité nationale. Il fallait mener une politique salariale forte en redonnant du pouvoir d'achat aux bas salaires, tout en compensant le surcoût pour les entreprises. Il fallait donner plus de liberté aux entreprises comme aux salariés, et diminuer les contraintes inutiles et complexes que les lois Aubry avaient imposées et qui pesaient sur eux. Il fallait enfin réactiver de toute urgence le dialogue social, car nous refusons d'infantiliser les partenaires sociaux. Monsieur le ministre, c'est précisément ce que vous faites.
    Plusieurs députés du groupe des député-e-s communistes et républicains. Oh oui !
    M. Claude Gaillard. Face à un avenir toujours incertain, et alors que la croissance exceptionnelle des dernières années n'a servi ni à désendetter l'Etat ni nos entreprises publiques, ce que nous regrettons, ce projet constitue une première réponse pour moderniser nos relations sociales et pour mobiliser l'ensemble des acteurs économiques. C'est pourquoi le groupe UMP vous apporte son soutien le plus total et le plus dynamique, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et sur plusieurs bancs du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le groupe socialiste.
    M. Gaëtan Gorce. Monsieur le ministre, vous avez décidé, d'un trait de plume, de revenir sur une réforme qui a entraîné une forte réduction du temps de travail et des créations d'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Le texte dont nous avons débattu pendant deux semaines va jouer, au contraire, contre l'emploi.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Non !
    M. Gaëtan Gorce. Il est différentes manières de définir une politique de l'emploi, mais la pire, monsieur le ministre, est celle qui consiste à revenir sur tout ce qui a été fait par ses prédécesseurs, qui consiste à détruire, démolir, arracher, araser, pour qu'il ne reste rien. Mais pour aboutir à quel résultat ? La réduction du temps de travail a fortement contribué à la création d'emplois dans notre pays. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Bernard Accoyer. C'est faux !
    M. Gaëtan Gorce. Alors que vous allez engager 15 milliards d'euros pour financer des allégements de cotisations sans contrepartie, vous refusez cependant pour votre part de prendre le moindre engagement, voire de nous donner la moindre indication sur l'effet sur l'emploi que vous attendez du démantèlement des 35 heures et de la mise en place de ces allégements. C'est dire la confiance que vous placez en votre politique !
    En votant contre votre loi, nous voterons pour l'emploi (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) et pour faire savoir que nous trouvons dommageable de porter un coup d'arrêt à la dynamique de la négociation qui s'était engagée au cours de ces dernières années : près de 100 000 accords d'entreprises ont été signés (Protestations sur les bancs du groupe Union pour la majorité présidentielle), les accords majoritaires ont été instaurés, les petites entreprises commençaient à négocier. Votre texte, monsieur le ministre, ne prévoit plus aucune incitation à négocier, ni pour les entreprises, ni pour les salariés.
    M. Lucien Degauchy. C'est faux !
    M. Gaëtan Gorce. Cela signifie donc bien la fin des 35 heures. Le porte-parole de l'UDF l'a d'ailleurs rappelé : les heures supplémentaires permettront de rester à 39 heures. Ainsi, les entreprises passées à 35 heures vont se trouver pénalisées en termes d'allégements par rapport à celles qui vont rester à 39 heures. La représentation nationale doit savoir qu'une entreprise qui fera des heures supplémentaires bénéficiera de plus d'allégements qu'une autre respectant pourtant la durée légale du travail.
    M. Lucien Degauchy. Tant mieux !
    M. Gaëtan Gorce. Il en ira de même pour les salariés qui seront pénalisés lorsqu'ils passeront à 35 heures à cause des nouveaux mécanismes de garantie mis en place.
    Il est encore plus préoccupant de noter qu'alors que vous tenez un discours sur le dialogue social, votre pratique est bien différente. Je ne prendrai qu'un seul exemple, celui des accords de branche. La loi qui va être votée fait dire aux partenaires sociaux ce qu'ils n'ont pas dit. En effet, ceux-ci ont pu prévoir des contingents d'heures supplémentaires supérieurs au contingent légal mais ils n'ont certainement pas prévu de relever le seuil du repos compensateur. Vous imposez par la loi ce relèvement. Vous faites l'économie d'une négociation car vous savez bien qu'elle ne n'aurait pas pu aboutir, personne n'ayant intérêt à négocier dans de telles conditions. Vous vous livrez en fait à un détournement de la volonté des partenaires sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
    Cette loi qui est contre l'emploi, qui casse un mécanisme de négociation et qui contourne la volonté des partenaires sociaux crée aussi une injustice sociale fondamentale entre les salariés qui seront passés aux 35 heures et ceux qui n'ont plus vocation à y passer. Vous dites clairement à plus de 4 millions de salariés et en particulier aux 2,5 millions appartenant à des entreprises de moins de 20 salariés qu'ils ne passeront jamais aux 35 heures. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste.) Pour eux, ce sera 39 heures payés 39 avec 10 % de majoration sur les quatres dernières heures et 13 jours de congé en moins. Voilà la réalité du texte sur lequel vous demandez à la représentation nationale de se prononcer !
    Mais je sais bien que l'opposition (Exclamations et rires sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
    M. Philippe Briand. Quel lapsus !
    M. Gaëtan Gorce. ... que la majorité a du mal à considérer que l'on ne puisse pas partager son point de vue.
    M. Philippe Briand. C'est vous qui avez eu du mal !
    M. Gaëtan Gorce. J'espère que l'intolérance dont vous faite preuve parfois dans ces débats ne sera pas mauvaise conseillère. Je crains malheureusement d'être sûr du contraire.
    La préoccupation de nos compatriotes aujourd'hui c'est l'emploi, c'est le dialogue social, c'est la justice entre les salariés, quelle que soit la taille de leurs entreprises. La loi que vous nous proposez va exactement dans le sens inverse. En votant contre votre loi, le groupe socialiste votera pour l'emploi, pour le dialogue social et pour la justice sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais maintenant mettre aux voix l'ensemble de projet de loi.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   533
Nombre de suffrages exprimés   533
Majorité absolue   267
Pour l'adoption   373
Contre   160

    L'Assemblée nationale a adopté.
    (Mmes et MM. les députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et plusieurs députés du groupe Union pour la démocratie française se lèvent et applaudissent longuement. - De nombreux députés du groupe socialiste et quelques député-e-s communistes et républicains quittent l'hémicycle.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
    M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, après un débat nourri, l'Assemblée nationale vient de se prononcer en faveur de ce projet équilibré et volontariste et, au nom du Gouvernement, je tiens à l'en remercier. Ce texte, nous l'avons conçu, ensemble avec le souci de respecter nos engagements.
    Il répond au message lancé par les Français lors du dernier rendez-vous électoral : message pour plus de liberté et plus de responsabilité, message aussi pour plus de justice sociale.
    Ce projet concilie les intérêts des entreprises et ceux des salariés.
    M. Edouard Landrain. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. En écoutant les arguments de la gauche, je le dis sans passion, j'ai eu le sentiment que nous n'avions pas entendu le même message surgir des élections. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Non contente d'avoir instauré de façon trop brutale les 35 heures, la gauche plurielle nous a ainsi proposé, au détour d'un amendement, le passsage aux 32 heures ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Les Français jugeront cette fuite en avant.
    En adoptant ce projet, l'Assemblée s'est reconnue dans son approche volontariste. Oui, mesdames et messieurs les députés, il y a du volontarisme dans notre choix commun d'harmoniser rapidement les SMIC. Oui, il y a du volontarisme dans notre choix commun d'accentuer la politique d'allégement des charges. Cette politique a démontré son utilité en matière d'emplois. C'est pourquoi nous avons décidé de ne plus indexer la baisse des charges sur l'application des 35 heures, avec l'espoir, certes moins idéologique mais plus prosaïque, de créer, partout où cela est possible, de l'emploi.
    Oui, enfin, il y a du volontarisme à aborder avec franchise la question du temps de travail sans verser dans une forme de facilité consistant à faire croire à nos concitoyens qu'en faisant moins, la France peut faire mieux. Lorsqu'elle était aux responsabilités, la gauche a eu la partie aisée. Bénéficiant de la croissance internationale...
    M. Didier Migaud Ce n'est pas vrai !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité... elle a pu, seule en Europe, proposer à notre pays de repenser à la baisse ses efforts. Ce discours démotivant n'est pas le nôtre. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Edouard Landrain Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il n'a d'ailleurs pas eu les effets escomptés et il n'a pas convaincu les électeurs. Nous voici donc réparant les erreurs...
    M. Claude Bartolone. C'est scandaleux !
    M. Gaëtan Gorce. Réactionnaire !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité... infléchissant ce qui doit l'être, innovant là où cela est nécessaire.
    M. Claude Bartolone. C'est un discours de début de législature ! A la fin, on est à poil !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Nous avions dit que nous assouplirions les 35 heures : nous les assouplissons sans les démanteler, parce qu'une telle approche serait dogmatique. Nous avions dit que nous étions sensibles à la question des bas salaires : nous unifierons les SMIC en permettant ainsi à l'immense majorité des salariés concernés de voir augmenter de façon sensible leur feuille de paie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Nous avions dit que le développement de l'emploi passait par la maîtrise du coût du travail, nous amplifierons le mouvement de baisse des charges qui provoquera son effet maximal dans les secteurs caractérisés par les bas salaires les plus exposés à la concurrence. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Patrick Braouezec. On le voit bien en ce moment !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Enfin, nous avions dit que nous étions attachés au dialogue social : nous l'avons pratiqué et plus encore, nous avons ouvert des espaces de négociation au sein de la loi.
    M. Gaëtan Gorce. Ce que vous avez fait est scandaleux !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Aucun argument de l'opposition n'aura sérieusement ébranlé le pragmatisme et le volontarisme de ce projet porté par la majorité. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    A plusieurs reprises, le débat s'est orienté sur la politique de l'emploi.
    M. Gaëtan Gorce. Sans réponse de votre part !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La gauche, nous l'aurons compris, est satisfaite des résultats obtenus par sa politique. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Placée au douzième rang européen en matière de chômage,...
    M. Gaëtan Gorce. C'était sous les gouvernements Juppé et Balladur !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... notre pays n'a pourtant pas à se féliciter de quoi que ce soit. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Christophe Caresche. Nous comparerons les chiffres dans quelques années !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Mesdames et messieurs les députés, une question m'a été posée de façon répétée par l'opposition : « Combien d'emplois envisagez-vous de créer ? ». « Donnez-nous des chiffres », ai-je entendu à de multiples reprises dans cet hémicycle.
    Je n'ai volontairement pas répondu à cette question, parce que...
    M. Christophe Caresche. Vous êtes prudent !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... j'ai le souvenir des promesses lancées en ce domaine par le passé : 750 000 emplois créés par les 35 heures, nous disait-on en 1997 ; 600 000 emplois jeunes dans le public et le privé, promettait-on à la même époque. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
    M. Jean Le Garrec. Ce n'est pas sérieux !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Sur ce sujet de l'emploi et du chômage...
    M. Alain Vidalies. Vous polémiquez !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... qui touche des hommes et des femmes qui doutent, qui peinent, qui décrochent parfois, je ne lance pas de chiffres, je ne tire pas de plan sur la comète, je ne fais pas de démagogie, j'agis ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mesdames et messieurs les députés, le temps est à l'humilité et au pragmatisme.
    M. Michel Herbillon. Cela nous change !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il est à l'innovation et au courage parce que les conditions de l'économie contemporaine nous obligent à nous mobiliser et à relever nos manches.
    M. Philippe Martin (Marne). Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Adopté par une majorité unie et décidée, ce projet est la première pierre sur le chemin d'un progrès que nous souhaitons dynamique et mieux partagé.
    Sur ce chemin, mesdames et messieurs les députés, nous nous retrouverons tout au long des dix prochains mois pour améliorer la loi de modernisation sociale, (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), pour aménager l'assurance-emploi qui devra offrir aux salariés les outils d'une formation mieux adaptée et plus continue, pour créer le contrat d'insertion dans la vie sociale,...
    M. Edouard Landrain. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... pour moderniser les conditions du dialogue en France, pour améliorer les dispositifs d'insertion et transformer le RMI en revenu minimum d'activité (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française) et, enfin, pour engager la réforme, trop longtemps différée, des retraites.
    M. Edouard Landrain. Très bien !
    M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Voilà le cap qui unit le Gouvernement et sa majorité pour rénover le socle économique et social de notre pays. (Les députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et plusieurs députés du groupe Union pour la démocratie française se lèvent et applaudissent très vivement.)

Suspension et reprise de la séance

    M. le président. La séance est suspendue.
    (La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures cinquante, sous la présidence de M. Marc-Philippe Daubresse.)

PRÉSIDENCE
DE M. MARC-PHILIPPE DAUBRESSE,
vice-président

    M. le président. La séance est reprise.

3

LOI DE FINANCES POUR 2003

Discussion d'un projet de loi

    M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2003 (n°s 230, 256).
    La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
    M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, il y a quelques années, notre pays et, avec lui, le monde développé, ont pu rêver à une économie où le miracle des Trente Glorieuses se renouvelait avec une « nouvelle économie » caractérisée par une croissance continue et forte, une productivité accélérée par la révolution technologique et une création d'emplois dynamique, ouvrant sur des perspectives économiques brillantes. Avec l'éclatement de la bulle de l'internet et des télécoms, avec les scandales financiers récents qui affectent nos marchés, victimes d'une fébrilité anormale, est revenu un temps de doute et d'incertitude. Nous retournons aux réalités plus moroses de l'économie traditionnelle, où le progrès continue à se gagner jour après jour, fruit des efforts fournis pour mieux utiliser les facteurs de production que sont le travail des hommes, leur capacité intellectuelle et leur épargne. Le spectre de la récession a ainsi plané sur l'année 2001. En 2002, la croissance a repris aux Etats-Unis et plus timidement en Europe.
    Pour 2003, les institutions financières internationales dessinent les contours d'une économie mondiale plus dynamique dans laquelle notre pays, grâce à sa compétitivité et au maintien de la demande intérieure, renoue avec une croissance proche de son potentiel. Néanmoins, les observateurs concordent sur l'ampleur des incertitudes, liées notamment à la situation politique internationale.
    Dans ce contexte, il faut agir et choisir pour donner à notre économie ses meilleures chances de croissance et d'emploi en donnant un cap aux acteurs économiques et aux consommateurs.
    Le projet de budget que je vous présente aujourd'hui avec Alain Lambert traduit une conviction, une politique, une ambition.
    Notre conviction, c'est de parier sur la liberté d'initiative des Français et de leur faire confiance.
    Mme Christine Boutin. Très bien !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Notre politique, c'est de mettre en oeuvre une stratégie économique qui favorise la croissance donc l'emploi.
    Notre ambition enfin, c'est de préparer l'avenir, en préservant les chances de nos enfants.
    Mme Christine Boutin. Parfait !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Faire le pari de la liberté, c'est prendre conscience que nous vivons dans un monde globalisé et dans un monde de liberté individuelle : liberté pour les citoyens, pour les consommateurs et pour les entreprises. Les acteurs de l'économie sont libres, ils exercent librement leur choix, parfois en consommant d'autres produits que les nôtres, parfois en investissant ailleurs.
    M. Jean-Pierre Brard. Surtout avec le SMIC ! (Sourires.)
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il est nécessaire d'en tenir compte dans les décisions économiques. Le Gouvernement a la responsabilité de créer le meilleur environnement pour que les décisions individuelles puissent converger vers l'intérêt collectif.
    La liberté des acteurs économiques doit être vécue comme une chance pour notre pays qui peut en retirer le meilleur profit collectif et la mettre au service d'un idéal de solidarité. Mais elle peut aussi se retourner contre lui si les prélèvements sont ressentis comme dissuasifs ou anesthésiants. Il faut donc baisser les impôts et les charges, pour dynamiser l'initiative, donc l'emploi. Pour financer les baisses de prélèvements, il faut maîtriser les dépenses en choisissant nos priorités. Les dépenses publiques représentent aujourd'hui plus de la moitié de la richesse nationale. Ce poids peut et doit être réduit sans que la dépense soit moins efficace, au contraire !
    Certains craignent que la réduction du poids des dépenses publiques dans notre économie ne dégrade la qualité du service public. Ceux-là ne croient pas possible le progrès dans l'administration. Moi, j'y crois ! Une administration plus performante est une administration plus simple, plus efficace et moins coûteuse : cessons de penser qu'un bon budget est obligatoirement un budget en hausse. (Applaudissements sur les bancs de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Lionnel Luca. C'est évident !
    M. Jean-Pierre Brard. Il n'y a qu'à supprimer l'administration !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est par un choix judicieux des priorités, la maîtrise des dépenses et le progrès continu de leur qualité que nous acquerrons les marges de manoeuvre dont nous avons besoin pour baisser les impôts et les charges, et ainsi dynamiser l'activité économique tout en réduisant le déficit public.
    M. Didier Migaud. On verra bien !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. La politique des finances publiques que nous vous présentons s'inscrit en totale cohérence avec cette logique : nous voulons améliorer les conditions de croissance de notre économie pour créer plus d'emplois pérennes.
    Pour ce faire, nous baissons les impôts et charges car c'est la baisse de l'impôt sur le revenu qui permet aux salariés de retirer plus de leur travail sans que les entreprises supportent un coût supplémentaire. De même, c'est l'aménagement de la prime pour l'emploi en faveur des travailleurs à temps partiel qui augmente leur incitation à la réinsertion économique et améliore leur pouvoir d'achat.
    Ce sont les contrats-jeunes en entreprise, sans charges, qui sont au service de l'insertion des jeunes dans le monde économique. C'est la convergence des SMIC qui permet de sortir d'un système inéquitable pour les salariés, inefficace économiquement. Une telle convergence par le haut donne du pouvoir d'achat sans nuire à l'emploi puisqu'elle est compensée par une baisse des charges des entreprises, particulièrement forte pour les salaires voisins du SMIC, là où se situe la vraie priorité. C'est la suppression définitive de la taxe professionnelle assise sur les salaires qui favorise l'emploi, y compris dans les entreprises de moins de cinq salariés. Ce sont, enfin, les mesures annoncées ces derniers jours qui facilitent la création d'entreprises et l'innovation, gages de la croissance de demain.
    Au total, quatre milliards d'euros sont ainsi rendus à nos concitoyens. Plus d'un milliard vient directement soutenir le pouvoir d'achat, après plus de deux milliards et demi de baisse de l'impôt sur le revenu en 2002. Plus de trois milliards sont mis au service de l'emploi par la baisse des charges des entreprises.
    La plupart de ces mesures agissent simultanément sur le pouvoir d'achat des salariés, notamment des plus modestes, et sur le développement de l'emploi.
    M. Jean-Pierre Brard. Et tous ceux qui ne paient pas d'impôts ?
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cessons d'opposer mesures de soutien à la demande et politique de l'offre. Ma conviction est que, sur le long terme, seules sont efficaces la libération des énergies, l'incitation à entreprendre, à investir, à produire.
    M. Hervé de Charette. Très bien !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mais dans la conjoncture actuelle, où la consommation est le soutien le plus ferme de la croissance, il faut aussi veiller à soutenir le niveau de confiance des ménages.
    M. Jean-Pierre Brard. Et les salaires !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. N'en déplaise aux faiseurs de systèmes, notre budget marche sur deux jambes, attentif aux entreprises et soucieux des consommateurs.
    M. Jean-Pierre Brard. Vous allez finir cul-de-jatte !
    M. Augustin Bonrepaux. De la moitié seulement des consommateurs !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Les uns et les autres doivent avoir confiance en l'avenir et je voudrais les rassurer à ce sujet : les baisses d'impôts et de charges que nous vous proposons ne seront pas remises en cause, car nous maîtrisons la dépense publique pour qu'il en soit ainsi.
    M. Jean-Yves Chamard et M. Marc Laffineur. Très bien !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Certes, nous accroissons les dépenses là où sont nos priorités,...
    M. Jean-Pierre Brard. L'armée !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... là où il faut restaurer dans toute son autorité l'Etat républicain :...
    M. Alain Bocquet. La police !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. ... la défense, la sécurité, la justice.
    M. Augustin Bonrepaux. Et l'école ?
    M. Jean-Pierre Brard. Et vous sacrifiez la jeunesse !
    M. Alain Bocquet. Et la santé !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mais grâce à un effort véritable, les dépenses publiques progressent moins vite que le produit intérieur brut. Dans le même temps, les impôts et les charges baissent dans une moindre proportion.
    M. Jean-Pierre Brard. Pas pour tout le monde !
    M. Lionnel Luca. Pour ceux qui paient !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cela veut dire que la situation réelle, la situation sous-jacente de nos finances publiques, s'améliore.
    M. Jean-Pierre Brard. Si c'est dans le sous-jacent, ça va !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Soyons clairs : les finances publiques dérivaient lorsque nous avons pris les rênes de ce pays.
    M. Hervé de Charette. Exact !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le premier objectif du Gouvernement a donc été, et il reste, de stopper la dérive du déficit. En 2002, nous avons été fidèles à la promesse faite aux Français de baisser l'impôt sur le revenu de 5 %, et nous avons mis simultanément en oeuvre une régulation des dépenses permettant de gager le coût de cette baisse d'impôt. Lors du collectif budgétaire de juillet, la représentation nationale n'a fait qu'acter les dérives constatées en toute impartialité.
    M. Lionnel Luca. 50 % !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. L'audit a stigmatisé 5 milliards d'euros de dépenses sous-évaluées en loi de finances initiale ou de dettes à rembourser.
    Mme Christine Boutin. Incroyable !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous avez voté, mesdames et messieurs les députés, 5 milliards d'ouvertures à ce titre.
    Mme Christine Boutin. Vous vous rendez compte, 5 milliards !
    M. Jean-Pierre Brard. C'est beaucoup, hein, madame Boutin ?
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. L'audit a montré que les prévisions fiscales du précédent gouvernement étaient gonflées.
    M. Lionnel Luca. C'était un budget-gonflette !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le collectif les a ramenées à l'état le plus récent de nos prévisions.
    Nous avions retenu l'hypothèse la plus prudente ; l'exécution de ces derniers mois nous donne malheureusement raison.
    Ainsi, pour 2002, le Gouvernement a pris des mesures permettant de tenir son engagement de ne pas dégrader le déficit par rapport à celui relevé par l'audit. En 2003, nous marquons un coup d'arrêt à la dérive du déficit qui se dégrade depuis l'année 2000. Nous le stabilisons sans bénéficier du dynamisme fiscal ni des prélèvements exceptionnels qui ont prévalu lors de la précédente législature. En effet, nous prévoyons des recettes fiscales qui progresseront moins vite que la croissance et nous réduisons aussi les prélèvements sur les organismes publics, ces recettes non fiscales qui ont dopé les budgets de nos prédécesseurs.
    M. Jean-Yves Chamard et M. Georges Fenech. Eh oui !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous aurions pu masquer ces circonstances défavorables derrière un affichage plus volontariste des recettes fiscales ou en puisant davantage dans les trésoreries des entreprises ou organismes publics.
    M. Marc Laffineur. Ce qu'ils avaient fait !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous avons refusé de recourir à cette facilité.
    Au final, il est toujours possible de s'interroger sur le dosage retenu entre dépenses et recettes. La question est légitime. Fallait-il aller plus loin dans l'effort dès cette année pour afficher une baisse du déficit, au prix d'artifices ? J'ai déjà répondu : pour nous, c'était non.
    Sur le fond, fallait-il différer la mise en oeuvre de nos priorités pour la défense, la sécurité, la justice ? Sans hésiter, je réponds non, car elles sont au coeur du rétablissement de l'autorité de l'Etat.
    M. Jean-Pierre Brard. Ah oui, l'autorité de l'Etat !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Fallait-il renoncer cette année à soutenir le pouvoir d'achat et à relancer l'initiative entrepreneuriale ? Je ne crois pas davantage. Qui voudrait prendre ce risque face aux incertitudes actuelles de la conjoncture internationale qui requiert, au contraire, un système économique dynamique, fondé sur la confiance des acteurs ?
    Vous l'avez compris, mesdames, messieurs les députés, les baisses d'impôts et de charges que nous vous proposons ne sont pas financées à crédit. Cela garantit leur pérennité.
    Sont-elles menacées par les incertitudes sur la croissance ? Sans ambiguïté, je réponds non. D'abord, notre prévision de croissance pour 2003 est raisonnable ; certes, elle est plus élevée que celle, très volatile, des conjoncturistes privés, mais elle est en ligne avec les chiffres avancés par les organismes internationaux.
    M. Jean-Pierre Brard. Vous avez changé d'avis !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Mais surtout, elles est soutenue par la vigueur des gains de pouvoir d'achat : l'INSEE prévoit que celui-ci sera en hausse de 2,9 % sur l'ensemble de l'année 2002, grâce notamment aux baisses d'impôts en fin d'année.
    M. Jean-Pierre Brard. Pour Messier, c'est sûr !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est là un soutien solide pour la croissance au cours des trimestres à venir. Quand il y a du revenu, il y a de la consommation ; quand il y a de la consommation, il y a de la croissance.
    M. Alain Bocquet. Alors, augmentez les salaires !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il est vrai que la situation politique internationale constitue un aléa sérieux qui peut jouer dans les deux sens selon les scénarios. Mais notre évaluation des recettes est crédible. Même si la conjoncture s'avérait moins bonne que prévu en 2003 - ce que je me refuse, pour l'instant, à croire -, nos recettes budgétaires n'en seraient pas affectées à due concurrence car elles sont assises, pour une large part, sur les revenus de 2002 et, pour le reste, elles dépendent de la consommation des ménages que notre politique vise à conforter.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est mal parti !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est en ce sens que le chiffre de 2,5 % est pour nous, plus qu'une prévision, l'expression d'une volonté.
    Je n'esquiverai pas pour autant la question : en cas de détérioration de la conjoncture, que ferions-nous ? J'y réponds simplement : nous tiendrons nos engagements. Nos engagements devant les Français d'abord : nous ne renoncerons pas aux baisses d'impôts et de charges qui ont été annoncées et qui auront été votées. Pour les Français, c'est une question de confiance. Nous ne renoncerons pas non plus à l'engagement européen, pris dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance, de ne pas avoir un déficit excédant 3 % du PIB. Pour la France, c'est une question de crédibilité.
    Cela veut dire que si la croissance n'était pas au rendez-vous - ce qui n'est pas l'hypothèse la plus probable - et si le budget en était affecté - je rappelle qu'il ne l'est en fait que peu lorsque se produit un ralentissement d'origine externe -, alors nous utiliserions le dispositif de régulation de la dépense. Alain Lambert vous le présentera.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est le régime minceur !
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. En redonnant des forces à notre appareil productif, la baisse des impôts et des charges nous permet de construire notre avenir. C'est, comme je l'ai dit en commençant, le troisième principe fondateur de notre budget. C'est notre ambition. Nous y parviendrons en nous fixant un objectif pluriannuel de stabilisation puis de décroissance de la dette publique rapportée à la richesse nationale.
    En application de la nouvelle loi organique du 1er août 2001, nous avons annexé au projet de loi de finances une programmation pluriannuelle de l'ensemble des finances publiques pour les années 2004 à 2006. Notre politique s'inscrit dorénavant dans la durée et dans la globalité de la sphère publique qui couvre à la fois l'Etat, le secteur social et la sphère locale.
    Notre stratégie consiste à réduire le poids des dépenses publiques pour redresser nos comptes publics tout en poursuivant une politique déterminée et continue de baisse des impôts et des charges.
    La pierre angulaire de cette stratégie est une progression des dépenses publiques inférieure à la croissance de l'économie. Nous nous engageons pour cela à limiter l'évolution des dépenses de l'Etat à 0,3 % en volume par an et à poursuivre la réforme de notre système de soins.
    Cette maîtrise des dépenses n'obéit pas à une logique d'affichage. Elle se donne au contraire les moyens de sa réussite : la réforme de l'Etat, que nous allons initier en 2002, la réforme de la procédure budgétaire, qui se met en place, la possibilité d'adopter si nécessaire un « collectif social » en cours d'année en sont les garants.
    Ces réformes seront progressives et s'inscriront dans la durée. Réalisées en toute transparence et avec le concours de tous les agents qui en sont les acteurs responsables, elles nous permettront d'améliorer régulièrement les conditions dans lesquelles l'Etat exerce ses missions de service public sans en dégrader la qualité au service des usagers, bien au contraire. Ces réformes permettront de réduire les déficits publics à hauteur minimum de 0,5 % du PIB par an et donc de revenir à une situation d'équilibre en 2006-2007.
    Cette stratégie de retour à l'équilibre, certains la contestent, d'autres trouvent que nous n'allons pas assez vite. Nous n'avons pas cherché à obéir à un dogme, mais à fixer un rythme de réduction du déficit de manière pragmatique. La cible est claire : l'équilibre au plus tard en fin de législature. La trajectoire est compatible avec la poursuite des baisses d'impôts et de charges, nécessaires pour dynamiser notre économie.
    M. Jean-Pierre Brard. Avec ou sans licenciements ?
    M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Elle est cohérente avec la mise en oeuvre des réformes structurelles : décentralisation, réforme de l'Etat, réforme des retraites.
    Cette programmation permet à la France de respecter ses engagements européens. La semaine dernière à Luxembourg, j'ai indiqué à l'Eurogroupe notre volonté de réduire le déficit de 0,5 % du PIB chaque année à partir de 2004. Notre programmation est conforme à cet engagement et nous le reprendrons dans le programme de stabilité et de croissance que le Gouvernement est déterminé à tenir.
    Nos partenaires, dont certains sont dans une situation déficitaire analogue, s'y sont également engagés. C'est cette coordination réaliste des politiques de redressement des comptes publics qui nous permettra d'assurer ensemble une bonne et nécessaire articulation entre les politiques budgétaires nationales et la politique monétaire européenne.
    Notre politique permettra ainsi de reprendre le mouvement de réduction du poids de la dette publique dans le PIB, qui s'est interrompu depuis deux ans. Mais même avec ces efforts, la dette en 2006 devrait atteindre le chiffre symbolique de 1 000 milliards d'euros, soit près de 17 000 euros par Français.
    Nous allons réformer les retraites pour honorer les engagements collectifs vis-à-vis des générations montantes.
    De même, nous devons faire reculer la dette pour être fiers de l'héritage que nous laisserons aux jeunes générations.
    Mesdames et messieurs les députés, tels sont les chantiers que nous voulons engager. Ils sont ambitieux. Leur réalisation implique une large concertation avec l'ensemble des acteurs économiques. Réussir l'avenir de notre pays, c'est le bâtir tous ensemble.
    Je vous ai parlé franchement et clairement, je l'espère. M. Alain Lambert va maintenant vous présenter le projet de budget, dans la même démarche de transparence et de sincérité. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe de Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
    M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, le budget qui vous est proposé trace trois grandes lignes de force.
    Nous voulons un budget pour l'emploi et pour soutenir le dynamisme économique : c'est un budget pour la croissance.
    M. François Liberti. C'est mal parti !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Nous voulons un budget qui traduise nos engagements politiques qui ont été choisis par les Français : c'est un budget de rupture par rapport aux prédédents.
    Nous voulons un budget pour renouveler en profondeur nos pratiques financières : c'est un budget de confiance.
    Ni la croissance ni l'emploi ne se décrètent. Mais la politique économique peut néanmoins les favoriser et c'est le choix du Gouvernement.
    Le collectif budgétaire, et notamment l'allégement de 5 % de l'impôt sur le revenu, redonne d'ores et déjà de l'oxygène aux Français. Et les avis d'imposition qu'ils reçoivent, quatre mois seulement après la formation du Gouvernement, en sont la plus belle illustration.
    Le budget 2003 est une nouvelle étape, parce qu'il allège à nouveau, et fortement, les prélèvements sur le travail et parce qu'il stabilise le déficit budgétaire, malgré la situation financière très dégradée que nous avons trouvée en arrivant.
    Les mesures fiscales traduisent concrètement notre soutien à l'initiative et l'emploi : plus d'un milliard d'euros sont consacrés à l'allégement des impôts des ménages et à l'encouragement au travail ; 2,7 milliards à l'allégement des charges et de la taxe professionnelle. Au total, hors augmentation des droits sur les tabacs, les prélèvements publics sont réduits de 3,8 milliards.
    La stratégie du Gouvernement est claire et déterminée : des baisses ciblées de charges pour l'emploi et la compétitivité, et une réduction générale de l'impôt sur le revenu pour stimuler la croissance et soutenir l'attractivité du territoire. Le poids des charges sociales, mesdames, messieurs les députés, vous le savez, vous le dites souvent, est le premier ennemi de l'emploi. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Nous voulons enclencher un cercle vertueux de créations de richesses et d'emplois. C'est le sens du contrat-jeunes sans charges, destiné aux jeunes peu qualifiés, particulièrement touchés par le chômage.
    Nous voulons résolument encourager le travail, inciter à la reprise d'un emploi en offrant un gain supplémentaire de pouvoir d'achat. Nous voulons une prime pour l'emploi plus efficace, notamment pour les plus de trois millions de salariés à temps partiel. Le salarié au SMIC travaillant à mi-temps verra sa prime progresser de 50 %.
    Oui, nous voulons faire reculer le chômage et favoriser ceux qui souhaitent travailler plus, grâce à l'aménagement des 35 heures, à la convergence par le haut des SMIC et aux baisses de charges.
    Mme Christine Boutin. C'est réaliste !
    M. Jean-Pierre Brard. Décidément, vous ne parlez qu'à Mme Boutin, monsieur le ministre !
    M. André Schneider. Jaloux !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Mais restaurer la compétitivité de la France et renforcer l'emploi des Français, c'est aussi réduire les prélèvements fiscaux sur l'entreprise, monsieur Brard. Aussi finançons-nous la suppression définitive de la part « salaires » dans l'assiette de la taxe professionnelle ; les investissements affectés à la recherche seront également désormais exclus de cette assiette.
    Le taux réduit de TVA de 5,5 % pour les services d'aide à la personne et les travaux dans les logements est prorogé jusqu'à la fin de l'année 2003. Enfin, pour que l'industrie financière française soit mieux armée face à la concurrence, la fiscalité spécifique qui la frappe sera réduite à partir de 2003 grâce à la suppression progressive de la contribution des institutions financières.
    Stimuler la croissance et l'attractivité du territoire, c'est aussi baisser l'impôt sur le revenu. Réduire l'écart entre le coût du travail supporté par l'entreprise et le salaire net perçu par les ménages stimule l'emploi et rend plus attractif le travail en France. La baisse de 5 % sera non seulement pérennisée, mais amplifiée puisque tous les taux du barème seront réduits de 6 %. Pour la première fois depuis 1959, le taux marginal supérieur passera sous la barre des 50 %. Ce signal fort lance un appel à l'initiative et à l'esprit d'entreprise, en allégeant les prélèvements qui grèvent le travail des Français et en restaurant l'attractivité de la France.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est de l'idéologie !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Nous adressons aussi un signal d'encouragement aux familles en amplifiant la décote et le quotient familial.
    Mme Marie-Anne Montchamp et Mme Christine Boutin. Très bien !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Quant au relèvement à 10 000 euros du plafond des dépenses pour l'emploi d'un salarié à domicile, il sert deux objectifs : les familles et l'emploi.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est l'allocation-vison !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Le doublement de l'abattement pour les donations entre grands-parents et petits-enfants encourage la transmission anticipée du patrimoine au profit des jeunes générations. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Notre objectif est clair : restituer à nos compatriotes une partie du fruit de leur travail, pour augmenter leur pouvoir d'achat et leur redonner confiance.
    M. Augustin Bonrepaux. Il n'y en a que la moitié de ceux qui travaillent ! Que faites-vous pour les autres ? Rien !
    Mme Christine Boutin. Et la solidarité nationale, monsieur Bonrepaux ?
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Au total, les mesures de réduction des prélèvements directs sur les ménages - prises en seulement quatre mois, monsieur Bonrepaux ! - s'élèvent à 3,9 milliards.
    Mais, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement, à la différence du précédent, n'oublie pas que les allégements d'impôts ne favorisent la croissance que s'ils sont gagés sur une maîtrise des dépenses et s'ils n'aggravent pas les déficits.
    M. Marc Laffineur et M. Michel Bouvard. Eh oui !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. A ce titre, la stabilisation du déficit à laquelle nous parvenons représente un effort considérable. Cette stabilisation est, en effet, conquise malgré les difficultés de la conjoncture budgétaire.
    Difficulté face à la faible évolution de nos recettes fiscales. Pendant trois ans, le précédent gouvernement a bénéficié d'un coefficient d'élasticité des recettes fiscales de 2 : quand le PIB croissait de 3 %, les recettes fiscales augmentaient spontanément de 6 %. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à la situation inverse : le coefficient d'élasticité pour 2002 serait voisin de 0,3 seulement, celui de 2003 serait de 0,8, ce qu'illustre l'extrême prudence de nos évaluations de recettes fiscales.
    M. Jean-Pierre Brard. Un signe de la providence, madame Boutin !
    M. Philippe Briand. Lâchez-la un peu, monsieur Brard !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Difficulté également face aux recettes non fiscales que le précédent gouvernement a si fortement sollicitées. Nous nous refusons, quant à nous, à traiter les prélèvements exceptionnels comme des recettes pérennes. Aussi avons-nous réduit leur montant de 4,1 milliards par rapport à la loi de finances initiale pour 2002.
    Difficulté enfin face à l'évolution de la charge de la dette. Si cette charge n'a augmenté ces cinq dernières années que de 1,1 milliard, elle s'accroîtra entre 2002 et 2003 de 1,4 milliard. Le poids des déficits accumulés et la charge d'intérêts amputent ainsi davantage nos marges de manoeuvre en une seule année que durant les cinq années antérieures.
    Nous voulons, je vous l'ai dit, un budget de croissance, mais il nous faut pour la France aussi un budget de rupture. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

    La stabilisation du déficit budgétaire n'a été possible que grâce à une rupture avec les tendances antérieures. Cette rupture passe par la maîtrise de la dépense publique, mais aussi par un effort très important de redéploiement des crédits au profit des priorités voulues par les Français.
    Cette maîtrise de la dépense s'exprime, d'abord, par notre refus de l'affichage. Certains budgets ministériels sont en baisse, car le Gouvernement a choisi de privilégier le résultat et donc la sincérité et la réalité des actions, abandonnant la pratique de l'inscription des crédits qui ne sont jamais consommés.
    Mme Christine Boutin. C'est bien !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Nous sommes restés fidèles aux termes mêmes de la lettre de cadrage du Premier ministre : « Un bon budget n'est pas nécessairement un budget qui augmente. » Francis Mer le rappelait tout à l'heure.
    Mme Christine Boutin. Enfin !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Cette maîtrise de la dépense s'exprime, aussi, par la ferme volonté de stopper l'augmentation systématique de l'emploi public. Plus de 40 000 emplois civils ont été créés sous la précédente législature sans que nos compatriotes ressentent une amélioration correspondante du service rendu.
    Mme Christine Boutin. C'est le moins que l'on puisse dire !
    M. Marc Laffineur. C'est même l'inverse !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Notre budget 2003 mobilise les marges de redéploiement et de rationalisation de l'action publique, qui sont grandes en raison de l'importance des départs en retraite prévus d'ici à 2008.
    Cette évolution naturelle nous invite à redéfinir les procédures, les missions et l'organisation de nos administrations afin que soit assuré aux Français le meilleur service au meilleur coût.
    Mme Christine Boutin. C'est une chance historique !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Absolument !
    Des ministères voient leurs effectifs baisser pour permettre la création des postes nécessaires dans la police, la justice, la défense. Ainsi, au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, 1 350 départs en retraite ne donneront pas lieu à remplacement.
    Au total, et malgré les créations importantes réalisées dans les secteurs prioritaires, là où elles étaient indispensables, le budget 2003 propose un solde d'emplois négatif, à concurrence de 1 740 emplois, dont 1 089 emplois budgétaires civils.
    Maîtriser la dépense, mesdames et messieurs les députés, c'est la réduire partout où c'est possible et l'augmenter là où c'est nécessaire.
    Ce projet de loi de finances traduit donc fidèlement les trois lois d'orientation, celle pour la sécurité intérieure, celle pour la justice et celle de la programmation militaire qui vous sera soumise très prochainement.
    Au total, les grandes priorités du Gouvernement sont financées par un effort budgétaire supplémentaire de 2 milliards.
    De nombreux redéploiements ciblés sont effectués. Ainsi, les moyens alloués aux politiques de santé publique ont plus que doublé, notamment en faveur de la lutte contre le cancer.
    Maîtriser la dépense - beaucoup d'élus locaux le savent - ce n'est pas non plus sacrifier l'investissement. Bien au contraire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Marc Laffineur. Ça c'est une rupture !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Une vraie rupture !
    M. Michel Bouvard. Bravo !
    M. Jean-Pierre Brard. On achète une hélice pour le Charles-de-Gaulle !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Entre 1997 et 2002, les crédits de paiement alloués à l'investissement civil - monsieur Brard, je suis sûr que vous ne connaissez pas le chiffre - ont diminué de 200 millions.
    M. Hervé Novelli. Scandaleux !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Nous les augmentons en une seule année de 400 millions.
    M. Hervé Novelli. Très bien !
    M. Jean-Pierre Brard. C'est Merlin l'Enchanteur dans le bocage normand !
    M. Michel Pajon. Il était temps que vous arriviez !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je ne vous le fais pas dire !
    Et 2003 n'est qu'une étape, une première étape.
    Je m'honore aussi d'être le ministre de la réforme budgétaire et j'entends donner un contenu concret et immédiat à cette fonction.
    En accord avec le Premier ministre, le budget sera désormais préparé, dès le mois de janvier, par des rencontres entre les différents ministres et moi-même. Ces conférences de préparation budgétaire porteront sur les réformes structurelles et sur leur traduction en crédits.
    M. Hervé de Charette. Très bien !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Elles nous serviront à préparer le débat d'orientation budgétaire, à l'occasion duquel nous vous présenteront les principales pistes d'économies qui se traduiront, ensuite, dans le projet de loi de finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Mme Christine Boutin. Enfin !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Nous allons concrétiser, dans l'avenir, notre volonté de rupture avec le passé. Cette rupture, nous la voulons aussi pour redonner confiance aux Français.
    La confiance est pour nous la valeur clé. Confiance en nous-mêmes. Confiance dans les Français. Confiance dans la représentation nationale. Confiance dans la majorité qui soutient le Gouvernement.
    M. Jean-Pierre Brard. Là, vous avez tort !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Nous voulons nourrir la confiance dans la gestion quotidienne de l'Etat, grâce à une oeuvre majeure de simplification ; nous voulons nourrir la confiance dans les relations entre l'Etat et les collectivités locales ; nous voulons nourrir la confiance, enfin, dans le processus de mise en oeuvre de la loi de finances.
    Simplifier la vie des Français est l'un des objectifs prioritaires du Premier ministre et du Gouvernement.
    Moderniser l'impôt, c'est par exemple simplifier les déclarations et les paiements pour plus d'un million de petites entreprises et supprimer le paiement semestriel pour les petits redevables de la TVA.
    Moderniser l'impôt, c'est aussi supprimer des taxes devenues obsolètes, au rendement très faible, comme le droit de licence sur les débits de boissons.
    M. Michel Bouvard. Très bien !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Par ailleurs, les trois allégements de taxe professionnelle proposés représentent 2 milliards. Pour le Gouvernement, il n'était pas envisageable de laisser à l'écart les professionnels libéraux employant moins de cinq salariés, injustement exclus jusqu'alors du bénéfice de la mesure. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Pour que ce budget soit pleinement un budget de confiance, son exécution doit être marquée par la transparence et le souci d'efficacité. Nous proposons, à cet effet, deux réformes d'importance qui doivent, l'une et l'autre, nourrir la confiance entre la représentation nationale et le Gouvernement.
    La première consiste à vous tenir régulièrement informés du déroulement de la gestion 2003. A la fin du premier semestre, je vous présenterai un compte rendu d'exécution. Tous les résultats des premiers mois, en recettes comme en dépenses, vous seront communiqués avec tous les éléments d'analyse utiles. Nous assortirons, de surcroît, ces résultats d'une prévision d'exécution pour l'ensemble de l'année. A mi-année, vous saurez donc si les évaluations proposées aujourd'hui doivent être corrigées ou non.
    La seconde réforme a trait à la dépense et à son pilotage. La régulation était, jusqu'à présent, un peu absente des débats budgétaires. Je souhaite pour ma part l'évoquer en toute clarté. Pourquoi la dépense est-elle régulée ? Et comment concilier cette régulation avec la transparence et l'efficacité de la dépense ?
    Les dépenses font l'objet de régulations parce que vous voterez, cette semaine, un plafond de dépenses. Or ce plafond doit naturellement être respecté. Pour ce faire, et pour faire face aux aléas toujours nombreux, des crédits doivent être mis en réserve. La régulation est donc toujours nécessaire. Mais elle ne doit pas être occulte. C'est ainsi que les mesures de gel prises cet été ont été communiquées à votre commission des finances - je parle sous le contrôle du président de la commission et du rapporteur général.
    M. Didier Migaud. C'est la loi !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Cependant, la régulation ne doit pas non plus entraver l'efficacité de la dépense. Aussi, j'assume pleinement devant vous les mesures prises cet été : elles l'ont été, à mon initiative, dans un intérêt supérieur de limitation d'un déficit budgétaire qui, sans quoi, aurait dépassé largement l'hypothèse la plus pessimiste de l'audit Bonnet-Nasse.
    Mais à compter de 2003, une pratique nouvelle garantira, en gage de confiance, à tous les gestionnaires publics, dès le début de l'année, l'essentiel de leurs crédits ; la part mise en réserve sera d'emblée connue et ne sera pas augmentée en cours d'année. Des crédits garantis, tous les gestionnaires me le disent, même minorés, valent mieux que des montants plus élevés, mais aléatoires.
    Mme Christine Boutin. Bien sûr !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. En conclusion, mesdames et messieurs les députés, c'est pour rester fidèles au message que nous ont adressé les Français en mai et juin derniers que le Gouvernement vous propose un budget pour la croissance, un budget de rupture, un budget de confiance.
    En l'adoptant, vous répondrez à leur appel, pour leur bien et pour le bien de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, vous avez oublié votre baguette de magicien.
    M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous abordons aujourd'hui la troisième étape du passage de la gestion précédente à la nouvelle politique budgétaire conduite par le Gouvernement et sa majorité. Il s'agit d'une étape décisive.
    Avec le projet de loi de règlement 2001, il est apparu, rétrospectivement, que, dès l'exécution 2001, étaient en germe les difficultés rencontrées en 2002. Dans le collectif budgétaire de l'été 2002, il a fallu prendre des mesures urgentes et indispensables pour retrouver la réalité de l'exécution du budget 2002, tant le projet de loi de finances pour 2002 était virtuel. Au-delà de cette remise à niveau, le collectif comportait aussi les premières mesures mettant en oeuvre la nouvelle politique du Gouvernement et de sa majorité.
    Avec le projet de loi de finances pour 2003, le Gouvernement commence à traduire pleinement les choix de politique budgétaire et fiscale qui sont dans la ligne des engagements pris devant les Français. Mais il faut souligner que les incertitudes qui marquent l'environnement économique international se sont accrues depuis le mois de juillet.
    L'appréciation des résultats d'ensemble à attendre pour 2002 a, en effet, changé par rapport à celle du débat sur le collectif en juillet dernier. Les résultats économiques du premier semestre 2002 ont imposé de réviser le diagnostic porté, au début de l'année, sur le rythme de la reprise. Et rétrospectivement, mes chers collègues, on voit à quel point le Gouvernement a eu raison de se caler sur l'hypothèse la moins favorable de l'audit Bonnet-Nasse.
    Et je vous félicite, messieurs les ministres, de votre lucidité à cet égard.
    Cette révision à la baisse de 2002 est donc transcrite dans le projet de loi de finances pour 2003. De plus, une incontestable prudence a inspiré l'évaluation des recettes 2003, à partir d'un objectif de croissance par nature volontariste.
    Le point de départ de la reprise ayant été repoussé de quelques mois, les évaluations de croissance, en moyenne annuelle, ont dû être révisées. Par rapport au mois de février 2002, la prévision pour 2002 a été ramenée de 1,5 % à 1,2 % - on parle même aujourd'hui de 1 % - et, par contrecoup, la prévision de 2003 a été ramenée de 3 % à 2,5 %.
    L'enchaînement économique est celui d'une intensification des échanges extérieurs, d'une consommation dynamique et d'une reprise de la demande en provenance des entreprises, liée d'une part à la reconstitution des stocks, d'autre part à l'investissement. La France devrait donc connaître un décalage conjoncturel favorable par rapport à ses partenaires européens. En conséquence, le ralentissement de l'emploi salarié, engagé dès la mi-2001, devrait se poursuivre en 2002, mais le redémarrage de l'activité devrait permettre sa reprise en 2003. L'emploi total croîtrait de 50 000 postes en 2002 et atteindrait 175 000 créations nettes en 2003. Contrairement aux années précédentes, cette croissance de l'emploi sera surtout le fait du secteur marchand, c'est-à-dire des entreprises et non pas de l'administration.
    Mais les conditions de cette reprise tiennent, pour une part importante, aux conditions économiques que connaîtront nos partenaires. L'incertitude sur l'objectif de 2,5 % de croissance provient d'abord de l'aléa international, d'où la difficulté de la prévision.
    Le diagnostic du Gouvernement se fonde sur la poursuite, même si c'est à un rythme modéré, de la reprise américaine et sur la reprise progressive de la demande en Europe, liée, notamment, au redémarrage du commerce mondial.
    En ce qui concerne l'économie américaine, la récession qui a marqué l'année 2001 s'est achevée dès l'automne de la même année en liaison avec une politique économique très volontariste aux Etats-Unis. La croissance américaine est donc estimée à 2,3 % en 2002 et 2,7 % pour 2003. Le pronostic est une accélération générale vers le niveau de croissance potentiel de l'économie américaine, accompagnée d'une reprise graduelle de l'investissement et des importations, le commerce extérieur pesant moins qu'auparavant sur la croissance grâce à la dépréciation du dollar.
    Mais - il faut le souligner - des interrogations subsistent sur la capacité des Etats-Unis à résorber des déséquilibres qui peuvent grever leur potentiel de croissance : endettement des ménages, faiblesse du taux d'épargne, détérioration des marchés financiers nuisant au financement des entreprises et ampleur du déficit courant. Cela étant, le potentiel de rebond de l'économie américaine ne doit pas être sous-estimé.
    J'ajoute qu'il faut être très attentif aux résultats de l'économie américaine car l'idée, qui a été entretenue un certain temps, d'une déconnexion possible entre l'évolution économique aux Etats-Unis et l'évolution en Europe a décidément vécu.
    Bien sûr, en raison de l'intensité de ses relations commerciales et de sa spécialisation sectorielle, c'est l'économie allemande qui apparaît particulièrement sensible aux évolutions observées aux Etats-Unis. Au début de cette année, l'Allemagne a renoué avec la croissance, même faiblement, grâce aux exportations qui demeurent son principal facteur de croissance. Mais cela signifie aussi que l'Allemagne sera très sensible à tout essoufflement du commerce mondial.
    La situation de l'économie allemande reste préoccupante. Au premier semestre 2002, l'investissement des entreprises a continué de chuter du fait des faibles perspectives de la demande interne. Si la consommation des ménages a crû au printemps, un essoufflement à la fin de l'année n'est pas exclu.
    Avec une prévision de croissance de 0,4 % en 2002 et de 1,7 % en 2003, l'Allemagne se situerait finalement en-dessous de la croissance de la zone euro.
    Les prévisions du mois de février, qui envisageaient une reprise soutenue de la zone euro dès 2002, ont aussi été prises en défaut. Si l'économie française et l'économie espagnole ont connu un rebond en début d'année, en Italie, en revanche, l'activité n'a quasiment pas progressé depuis le début de l'année. Les ménages italiens ont accru leur taux d'épargne, ce qui a conduit à un recul de la demande privée, les entreprises ayant elles-mêmes fortement réduit leurs investissements. Ainsi, la croissance italienne devrait donc demeurer proche de celle de l'Allemagne en 2002 et se limiter à 1,9 % en 2003.
    De surcroît, monsieur le ministre de l'économie et des finances, vous l'avez plusieurs fois souligné, ces prévisions économiques d'ensemble sont marquées d'une incertitude propre à l'environnement géopolitique international.
    La conséquence immédiate d'une aggravation des tensions internationales concernerait bien sûr le prix du pétrole. La prévision d'un cours moyen à 25 dollars par baril pourrait être affectée par l'apparition d'une prime de risque ou même d'une prime de guerre. Cela pourrait conduire le niveau du baril jusqu'à 28 dollars ou 30 dollars au dernier trimestre de cette année. On peut se demander alors ce qu'il en adviendrait pendant l'année 2003.
    L'évidence de ces aléas internationaux s'impose à tous, mais quelles conséquences faut-il en tirer sur l'architecture d'ensemble du budget ? Ce sera très certainement le coeur de notre débat. Et nous risquons de nous retrouver, à un an de distance, à échanger des arguments de même nature que ceux de la précédente discussion budgétaire.
    Que l'enchaînement retenu par le Gouvernement témoigne d'un certain volontarisme, nul ne peut le nier, mais est-il vraiment possible, pour tout gouvernement responsable, d'adopter une attitude éloignée de ce volontarisme raisonné, à moins de prendre le risque de provoquer chez les ménages, les entreprises et les autres acteurs économiques des anticipations de nature à aggraver la situation dans une sorte de spirale infernale ?
    Cela étant, toute comparaison entre ce projet de loi de finances pour 2003 et celui de 2002 serait abusive...
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Exact !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... car, en 2002, non seulement la croissance a été surestimée...
    M. Michel Pajon. Oh !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... mais les prévisions de recettes ont été surévaluées et les prévisions de dépenses artificiellement minorées,...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Eh oui !
    M. Marc Laffineur. Voilà la vérité !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... d'où l'explosion de moitié en quelques mois - c'est un véritable record - du déficit réel par rapport à la prévision. Nous n'avions pas vu cela depuis 1992-1993.
    M. Lionnel Luca. Un budget d'illusionnistes !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Enfin, la stratégie du Gouvernement, et vous avez eu raison, monsieur le ministre, d'employer tout à l'heure le mot « rupture », est fondée sur une réelle maîtrise des dépenses.
    On ne le répètera jamais assez, la baisse des prélèvements obligatoires n'a de crédibilité qu'autant qu'elle se conjugue à moyen terme avec une maîtrise réelle de la dépense publique.
    M. Michel Bouvard. Tout à fait !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Les choix du Gouvernement tendent donc à concilier l'assainissement en profondeur des finances de l'Etat et la nécessité d'éviter toute répercussion excessivement brutale sur le niveau d'activité et l'emploi.
    Pour 2003, le Gouvernement a décidé de limiter la progression des dépenses de l'Etat à 0,2 % en volume...
    M. Didier Migaud. 1,2 % en fait.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... soit 1,7 % en valeur.
    M. Didier Migaud. Plutôt 2,7.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. C'est très raisonnable.
    A l'inverse des années précédentes, les dépenses ordinaires civiles nettes constituent la composante la moins dynamique au sein du budget général. Si l'on prend pour point de comparaison les crédits initiaux « réajustés » de 2002, ces crédits pour 2003 leur seraient supérieurs de 2,6 milliards d'euros seulement, soit une augmentation limitée à 1,2 %.
    Le rapport général présente ce que cette évolution globale recouvre par nature de crédits,...
    M. Didier Migaud. Partiellement !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... je n'y insiste donc pas. Je soulignerai seulement que le recentrage des dispositifs de la politique de l'emploi vers des publics mieux ciblés et des dispositifs plus orientés vers le secteur marchand et les entreprises permet de dégager des marges sur les crédits d'intervention économique. L'emploi est une priorité gouvernementale...
    M. Augustin Bonrepaux. On ne le dirait pas !
    M. Didier Migaud. Cela ne se voit pas !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... et il faut considérer comme une rupture une politique de l'emploi qui tend à privilégier l'insertion professionnelle en commençant par l'emploi des jeunes dans le secteur marchand.
    M. Augustin Bonrepaux. En supprimant les CES.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... lequel avait connu une forte dégradation en 2001.
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Tout à fait !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Rupture aussi, vous avez eu raison, messieurs les ministres, de le souligner, s'agissant des dépenses civiles en capital, qui, pour la première fois depuis bien des années, vont progresser de 4 % par rapport aux crédits de 2002. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Didier Migaud. On verra ça dans la loi de règlement.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je rappelle que le précédent gouvernement a réussi cette performance, alors que nous étions en période de croissance, de sacrifier chaque année l'investissement au profit de dépenses de fonctionnement toujours davantage galopantes. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Conformément à la nécessité de mieux utiliser les moyens alloués aux ministères gestionnaires, les ajustements de crédits tiennent compte du volant important de crédits disponibles par voie de report. C'est une véritable opération de vérité que vous avez eu raison de souligner.
    Pour autant, la démarche entreprise par le Gouvernement ne tend pas à comprimer indifféremment tous les domaines d'intervention de l'Etat. Les priorités qui ont été définies pour honorer les engagements politiques pris lors des dernières élections présidentielle et législatives trouvent leur traduction budgétaire.
    Dès 2003, les engagements gouvernementaux seront au coeur de la politique budgétaire.
    Le rapport général récapitule l'ampleur de la redistribution de moyens au profit des budgets prioritaires - jamais cela n'avait été fait dans une telle proportion - à travers, notamment la révision des services votés.
    Dans le projet de budget, cette révision est évaluée à 1,3 milliard d'euros, ce qui permet notamment de mettre en oeuvre concrètement les premiers éléments de la loi d'orientation et de programmation sur la police. En matière d'emplois budgétaires, 51 millions d'euros sont consacrés au renforcement des effectifs : 900 postes en personnels actifs ; 770 postes de personnels administratifs et 100 emplois scientifiques. En outre, l'augmentation des personnels effectivement en service sera assurée par l'inscription d'une dotation de 46,8 millions d'euros destinés - c'est un comble - à racheter cinq jours supplémentaires de réduction du temps de travail. Décidément, les 35 heures nous coûtent très cher !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Eh oui !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le projet de budget pour 2003 comporte également un début de mise en oeuvre de la programmation pluriannuelle en faveur de la justice. Les créations d'emplois concernent les magistrats, les fonctionnaires administratifs, les moyens des juridictions administratives et ceux des services pénitentiaires ainsi que les services de protection judiciaire de la jeunesse.
    Conformément aux décisions du chef de l'Etat et aux priorités gouvernementales, le redressement de l'effort consacré à la défense de la nation est engagé. Il constitue la première étape de la mise en oeuvre des objectifs assignés par le projet de loi de programmation militaire 2003-2008. Le budget de la défense vise à rétablir tout simplement la disponibilité des matériels, dont la dégradation s'était accélérée depuis deux ans. La progression des crédits d'équipement, de 11,2 %, est supérieure à celle du budget de la défense dans son ensemble, 6 %. Un tel dynamisme devrait permettre de rattraper une partie de l'énorme retard accumulé ces dernières années dans la réalisation de certains programmes dans le cadre de la précédente loi de programmation.
    Il faut enfin souligner que le Gouvernement a entrepris l'indispensable révision du volume des emplois budgétaires qui, pour la première fois depuis très longtemps, évoluent à la baisse, avec une diminution de 1 600 emplois. Il opère cette diminution à un rythme mesuré, tout en prenant soin de poursuivre le nécessaire effort en vue de réduire l'emploi précaire dans le secteur public.
    Deuxième différence fondamentale avec le budget initial 2002 : l'évaluation des recettes de l'Etat tranche par son souci de prudence.
    M. Yves Deniaud. Ah oui !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Les évaluations de recettes de la loi de finances initiale pour 2002 se sont révélées très excessives. La forte réduction des prévisions de recettes non fiscales dans le collectif de juillet en a d'ailleurs apporté la preuve. En outre, la dégradation de la conjoncture économique dès le second trimestre de 2001 et en 2002 avait été très mal anticipée, et les modifications budgétaires nécessaires n'avaient pas été opérées à l'époque.
    Les recettes fiscales nettes de ce projet de loi de finances pour 2003 s'établiront à près de 250 milliards d'euros, soit une progression modérée de 2,7 % par rapport au PIB. Cette prévision repose sur une hypothèse de croissance des recettes fiscales tendancielles, hors mesures nouvelles mais après indexation du barème de l'impôt sur le revenu, de 3,1 % par rapport au niveau révisé pour 2002. C'est un rythme sensiblement inférieur à celui retenu pour la croissance de l'économie, 3,9 %.
    Vous voyez, mes chers collègues, qu'il ne faut pas se focaliser sur un objectif de croissance mais prendre en compte l'évaluation des recettes, ce qui conduit à la plus grande prudence. Même si la croissance n'est pas exactement au rendez-vous que nous souhaitons, nous n'aurons pas, nous pouvons l'assurer, à opérer une révision déchirante des recettes comme celle à laquelle nous avons dû procéder il y a quelques mois à la suite de l'audit Bonnet-Nasse.
    M. Didier Migaud. Attendez, attendez !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le montant des recettes non fiscales est évalué à 34 milliards d'euros. Elles ont augmenté, monsieur Migaud, de 19 % en 2000, de 11 % en 2001, de 12 % en 2002. C'est dire à quel point elles ont été sollicitées de façon totalement artificielle. L'exemple du prélèvement sur EDF est le plus caricatural.
    M. Michel Bouvard. Eh oui !
    M. Didier Migaud. Avec la Caisse des dépôts, qu'est-ce que vous faites ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. La croissance des prélèvements sur recettes demeure supérieure à celle de l'ensemble des ressources du budget général.
    L'évaluation du prélèvement sur les recettes au profit des Communautés européennes atteint 15,8 milliards d'euros, soit une augmentation de 8 % par rapport à la prévision d'exécution pour 2002.
    Cette évolution s'explique d'abord par le niveau particulièrement faible d'exécution du budget européen 2001, qui a entraîné un moindre appel aux contributions nationales en 2002, on l'a vu à l'occasion du collectif. L'anticipation d'un solde de 8 milliards d'euros pour 2002 rend indispensable, en revanche, de relever l'évaluation du prélèvement pour 2003.
    En outre, l'entrée en vigueur, au 1er mars 2002, de la nouvelle décision sur les ressources propres se traduit par une hausse du taux de contribution de la France au budget communautaire d'environ 3 % par rapport au montant dû selon l'ancien système.
    Quant au prélèvement, beaucoup plus important, au profit des collectivités territoriales, il atteindra 36,3 milliards d'euros, soit une progression de 4,7 % par rapport au montant révisé de 2002, et 7 % si l'on neutralise l'effet du retour au droit commun de la taxe professionnelle de France Télécom.
    La dotation globale de fonctionnement représente plus de la moitié - 52 % - du total des prélèvements.
    L'essentiel de la progression du prélèvement sur recettes, tient à l'augmentation de la compensation de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, 2003 étant la dernière année. La mise en oeuvre de la dernière tranche de cette suppression coûtera, pour 2003, 1,83 milliard d'euros, en coût brut. Il faut également raisonner en coût net, puisque l'Etat en récupère la moitié avec la cotisation nationale, la cotisation minimale, l'impôt sur le revenu ou l'IS.
    On imputera par ailleurs sur la dotation part salaires de la taxe professionnelle la diminution de la dotation liée à la restitution des bases de France Télécom aux différentes communes concernées par les établissements de cette entreprise.
    Le déficit s'élèvera donc à 44,6 milliards d'euros, soit une progression de 14 milliards par rapport à la loi de finances initiale de 2002, mais une diminution de 1,4 milliard par rapport au collectif que nous avons voté en juillet dernier, et qui avait tiré les conséquences de l'audit.
    Il faut voir là la nécessité de ne pas risquer d'aggraver une conjoncture incertaine par une réduction trop brutale des dépenses publiques.
    Les mesures fiscales du projet de loi de finances contribuent à alléger la charge des impôts. Elles seront discutées de façon approfondie à l'occasion de l'examen des articles, mais je souhaite en évoquer quelques-unes.
    En ce qui concerne les ménages, il est proposé de consolider l'allégement d'impôt de 5 % décidé par la loi de finances rectificative en le reprenant dans le barème, et de l'amplifier en le portant à 6 %. L'ensemble des foyers fiscaux imposables bénéficieront de cette mesure, la progressivité de l'impôt demeurant identique puisque toutes les tranches seraient abaissées dans les mêmes proportions.
    M. Didier Migaud. C'est bien dommage
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. En outre, et c'est un point important, le dispositif du quotient familial verra son efficacité renforcée de deux façons. En raison de la diminution des taux du barème, de nombreux foyers verront l'avantage qu'ils retirent du quotient familial déplafonné. Par ailleurs, le maintien à son niveau antérieur, complété par l'indexation du montant des différents plafonds permettra d'augmenter, proportionnellement à l'impôt payé, le bénéfice retiré de l'existence du quotient familial pour les familles plafonnées.
    Parallèlement aux mesures qui affectent traditionnellement le barème de l'impôt sur le revenu pour tenir compte des effets de l'inflation monétaire, il est également proposé de relever les différents seuils et plafonds de la prime pour l'emploi. En outre, il est proposé de la rendre plus incitative, pour les personnes travaillant à temps partiel.
    Grâce à la baisse d'impôt, d'une part, à la consolidation et à l'amélioration de la prime pour l'emploi, d'autre part, l'ensemble des ménages bénéficieront d'une amélioration du pouvoir d'achat permettant de maintenir la consommation à un bon niveau. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Augustin Bonrepaux. Vous vous moquez du monde.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous pouvez crier, mais c'est la réalité.
    M. Augustin Bonrepaux. Il y a la moitié des Français qui n'ont rien ! Huit millions de travailleurs.
    M. le président. Monsieur Bonrepaux, calmez-vous. Laissez parler l'orateur.
    M. Augustin Bonrepaux. Soyez un peu plus objectif, monsieur Carrez.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur Bonrepaux, les cris n'altèrent pas la vérité.
    M. Augustin Bonrepaux. Vous dévaluez la fonction de rapporteur général.
    M. Yves Deniaud. Vous avez menti pendant cinq ans. Un peu de pudeur !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Les entreprises vont bénéficier de l'achèvement de la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, allégement qui sera compensé aux collectivités locales.
    En outre, les professions libérales, qui avaient été exclues jusqu'à présent du bénéfice de tout allégement de taxe professionnelle sur la fraction recettes de leur base d'imposition, verront cette dernière progressivement réduite, la commission des finances ayant adopté un amendement tendant à accélérer le calendrier de cet allégement.
    M. Jean de Gaulle. Très bien.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je le dis comme vous, messieurs les ministres, il s'agit d'une oeuvre de justice fiscale. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Pierre Brard. Pour les commissaires-priseurs et les huissiers !
    M. Gilles Carrez. rapporteur général. Enfin, la réforme du régime fiscal des distributions, pour les personnes autres que les personnes physiques et les sociétés bénéficiant du régime des sociétés mères et filiales, doit être considérée comme la première étape d'une réforme d'ensemble à venir dont je ne doute pas que vous nous tracerez les lignes au cours de la discussion.
    En ce qui concerne les collectivités locales, l'assouplissement du lien entre les taux des taxes directes locales tel qu'il est proposé vise à permettre d'augmenter le taux de la taxe professionnelle davantage que le taux de la taxe d'habitation ou que le taux pondéré des trois taxes dans un rapport d'un et demi.
    Cet article a suscité de nombreuses discussions au sein de la commission des finances. Il ne fait pas de doute, messieurs les ministres, que cet encadrement est perçu comme une survivance désormais surannée de la méfiance de l'Etat à l'égard des élus locaux. Les élus locaux sont responsables. Il faut le redire sans relâche.
    M. Jacques Pélissard. Très bien.
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. En ce qui concerne les relations entre le budget de l'Etat et les finances sociales, l'article 28 prévoit d'augmenter sensiblement la part de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance qui est affectée au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC. La commission des finances a dénoncé à plusieurs reprises les modifications de structure des recettes du FOREC. Elle a demandé que ce fonds soit rebudgétisé et qu'il y ait un travail de simplification des recettes en affectant à ce qui relève de la politique de l'emploi et à ce qui relève de la politique de la santé les recettes correspondantes.
    M. Michel Terrot. Ce ne serait pas du luxe !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous vous êtes engagés à l'occasion du débat sur les prélèvements obligatoires à revoir dès 2004 la question du FOREC. Nous vous demandons vraiment de tenir cet engagement au nom de la lisibilité de nos finances publiques et sociales.
    Dans ses grandes options, le projet de budget pour 2003 est un bon projet.
    Il vise d'abord à conforter la confiance, ébranlée par la situation internationale. Les choix économiques qui l'inspirent ménagent un équilibre entre les préoccupations liées à la demande et le souci de libérer l'offre en allégeant charges et contraintes, en encourageant l'initiative et en favorisant le travail au lieu de le pénaliser, comme cela a été trop souvent le cas.
    Ainsi, le pouvoir d'achat de tous les ménages sera stimulé en 2003 par les baisses d'impôt, l'amélioration de la prime pour l'emploi et la hausse de la plupart des SMIC en vue de leur unification.
    Les entreprises, petites ou grandes, verront diminuer leurs charges fiscales en taxe professionnelle notamment, ou sociale, et leurs marges devraient se redresser afin de restaurer leur capacité d'investissement.
    Vous avez fait le choix de ne pas aggraver en 2002 le déficit hérité de la gestion du précédent gouvernement (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), et vous avez insisté tout à l'heure sur cet aspect, monsieur le ministre du budget, en évoquant les gels de crédits et les probables annulations de fin d'année. C'est une véritable rupture car le déficit, je vous le rappelle, mes chers collègues, n'a pas commencé à se dégrader en 2002. Dès 2001 a été constatée en loi de finances rectificative une augmentation du déficit.
    M. Augustin Bonrepaux. Et en 2002, vous l'avez aggravé dans le collectif !
    M. Gilles Carrez. Vous avez aussi fait le choix de reconduire en francs courants en 2003 le déficit de 2002. Ce double choix traduit la reconnaissance réaliste de l'intérêt de la dépense fiscale et de la dépense budgétaire dans une conjoncture incertaine.
    Bref, ce budget va replacer notre pays sur le chemin de la croissance, en cohérence avec le projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi, que nous venons d'adopter en première lecture, et avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui vient en discussion dans dix jours.
    La commission des finances a adopté plusieurs amendements ou articles additionnels...
    M. Didier Migaud. Très peu !
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. ... qui vous seront présentés dans les heures qui viennent. D'ores et déjà, je souhaiterais insister sur quatre propositions de la commission.
    En premier lieu, la commission a ouvert aux propriétaires de logements neufs la faculté de louer leurs biens à leurs ascendants ou descendants sans perdre le bénéfice de l'amortissement Besson, cela afin de relancer le secteur de la construction, qui est vital pour notre économie.
    En deuxième lieu, elle a adopté deux amendements augmentant l'abattement forfaitaire représentatif des charges pour les contribuables qui relèvent du régime des micro-entreprises dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, et dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.
    Ensuite, la commission a supprimé l'article 23 visant à fixer le montant du prélèvement de solidarité pour l'eau versé à l'Etat par les agences de l'eau. La commission a noté, dans ce domaine comme dans d'autres, la consommation particulièrement faible des sommes collectées au profit du fonds national de solidarité pour l'eau, le montant des reports de crédits à l'exercice 2003 atteignant 130 millions d'euros.
    Enfin, la commission a supprimé l'article 22 visant à créer une assiette forfaitaire pour la cotisation de solidarité dont sont redevables les associés de sociétés de personnes non affiliés au régime des non-salariés agricoles et percevant des revenus professionnels.
    M. Michel Terrot. Vous pouvez répéter ? (Sourires.)
    M. Gilles Carrez. En commission, si vous le souhaitez.
    Votre commission des finances vous propose donc d'adopter ce projet de loi de finances initiale pour 2003, compte tenu des amendements qu'elle a acceptés.
    M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan.
    M. Jean-Pierre Brard. La révolution est en marche, mais c'est la révolution blanche !
    M. Yves Deniaud. La rouge est morte depuis longtemps !
    M. Hervé de Charette. La blanche est moins pire que la rouge !
    M. Jean-Pierre Brard. C'est un expert qui parle, n'est-ce pas, monsieur de... !
    M. le président. Vous avez la parole, monsieur le président.
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous partageons totalement les engagements du Gouvernement. Nous avons donc le devoir, en dépit des difficultés, de les mettre en valeur et en oeuvre.
    Messieurs les ministres, permettez-moi de reprendre certaines de vos formules. Vous avez dit : « Si le taux de croissance est à 2,5 %, nous saurons exprimer notre volonté, et nous saurons nous adapter si la conjoncture devait se détériorer gravement. » Vous avez dit : « Cessons d'opposer politique de l'offre et politique de la demande ; les deux doivent, cette année, marcher de pair. » Vous avez parlé - et nous approuvons - de la nécessité d'avoir une administration plus performante, pour simplifier la vie des Français. Vous avez dit - et nous devons prendre cela en compte, regarder ce qui se fait autour de nous - que, « dans un monde globalisé et dans un monde de liberté, nos choix doivent tenir compte de ce que font nos partenaires ». Enfin, monsieur le ministre délégué au budget, vous avez considéré que « le poids des charges et des dépenses publiques est le premier ennemi de l'emploi ». Ce n'est pas une orientation idéologique, c'est un constat. Je citerai deux chiffres : en France, le coût horaire du travail s'élève à 23 euros, alors que la moyenne européenne est de 21 euros ; mais le salaire net perçu par les salariés n'est que de 13 euros contre 14 pour la moyenne européenne. Cette différence s'explique par le poids des dépenses sociales - justifiées -, mais aussi par celui des dépenses publiques trop élevées dans notre pays.
    Partant de ce constat, quelles sont les orientations que la commission des finances souhaite voir mises en oeuvre ? Comment entend-elle aider le Gouvernement dans la réalisation de ces ambitions ? Je ne retiendrai que quatre orientations qui me paraissent résumer le sentiment de mes collègues de la majorité et des membres de la commission des finances. Gilles Carrez a déjà parlé de certaines d'entre elles.
    La première orientation est l'absolue nécessité de retrouver un autre rythme que celui du passé pour contrôler la dépense publique et dégager des marges de manoeuvre. Jeudi dernier, M. Francis Mer a défini l'objectif : diminuer les coûts des services publics sans compromettre les résultats. Vous avez, monsieur le ministre, employé un mot que, personnellement, j'ai trouvé très satisfaisant : vous avez parlé de la « rigueur », ce qui, pour moi, est l'opposé du « laxisme ». Avec de la rigueur, en effet, les 660 milliards d'euros dont nous aurons à examiner la destination lors des trois semaines qui viennent peuvent être beaucoup mieux utilisés qu'ils ne le sont. Avec de la rigueur, on peut lutter contre les gaspillages, améliorer la productivité des services publics. C'est cette ambition qui a permis à certains de nos voisins européens de redescendre au-dessous de 5 % de taux de chômage. Je crois que le but de notre assemblée, comme celui du Gouvernement, c'est de parvenir à une plus grande efficacité de la dépense publique.
    La deuxième orientation souhaitée par la majorité, c'est de consentir des efforts contre les délocalisations pour enrichir l'attractivité du territoire et de l'économie française. Certains des choix que nous aurions voulu voir dans ce budget n'y figurent pas, mais nous sommes confiants, et nous espérons qu'ils seront pris en compte au mois de janvier prochain, lors du débat sur le projet défendu par M. Dutreil.
    La troisième orientation, c'est la réforme de l'Etat et la décentralisation ; et la quatrième - je reviens sur les propos de Gilles Carrez -, la nécessité d'orienter la politique budgétaire et fiscale vers l'investissement.
    Je dirai quelques mots de chacune de ces quatre orientations. Pour 2003, aucune alternative budgétaire ne me paraît crédible. Le précédent gouvernement a été incapable de mettre de côté au temps des années fastes les réserves qui nous permettraient aujourd'hui de faire face à l'adversité. Pis, il a engagé pour 2002 et 2003 des dépenses non couvertes, et que le gouvernement actuel va devoir assumer.
    M. Jean-Yves Chamard. Eh oui !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Je pense à l'APA, aux 35 heures dans les hôpitaux.
    M. Augustin Bonrepaux. Pas de réponse ! J'espère en avoir une !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Les entreprises publiques françaises sont aujourd'hui financièrement étranglées.
    M. Michel Bouvard. Eh oui !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Face à ces handicaps lourds, aggravés par la faiblesse de la croissance en Europe, fallait-il risquer d'amoindrir encore la croissance par des prélèvements supplémentaires ? Non, et le Gouvernement a utilisé toutes les marges budgétaires disponibles, c'est-à-dire 4 milliards d'euros.
    Je tiens à remercier le Gouvernement du souci de justice qu'il a manifesté en tenant un équilibre satisfaisant entre, d'une part, la baisse des charges répercutée sur l'évolution des salaires modestes et, d'autre part, la baisse de l'impôt sur le revenu. C'était un élément important.
    D'autre part, à défaut de réduire le déficit significatif en 2003, comment pouvons-nous répondre à la nécessaire exigence de solidarité européenne ? Par une double action : en engageant en 2003 les réformes de structure indispensables qui permettront de poursuivre l'assainissement budgétaire et de donner confiance à nos partenaires européens, mais aussi en leur disant que notre intérêt commun est d'alimenter la croissance en 2003. Si nous engageons ces réformes de structure dès l'année prochaine, certaines des critiques qui ont aujourd'hui été formulées devraient être rapidement sans objet. C'est un point essentiel.
    Je reviens rapidement sur les autres orientations. Il faut mieux gérer la dépense publique dans un souci scrupuleux d'économie des dépenses de l'Etat. Nous serons sans doute amenés, comme nous l'avons fait à l'occasion du collectif de juillet, avec le soutien unanime de la commission, à proposer des économies de crédits là où elles apparaissent justifiées, même si elles sont peu significatives en terme global. Il ne s'agit pas de refaire le budget ni de modifier son équilibre en quelques jours, mais de montrer, par quelques pistes judicieusement choisies, que le Parlement scrute la dépense autant que les recettes, et soutient le Gouvernement dans ses efforts de maîtrise de la dépense publique.
    Messieurs les ministres, nous avons besoin de votre soutien, de celui de la Cour des comptes, mais aussi de celui des missions d'inspection pour que, avec la MEC et au-delà de la MEC, nous puissions, au cours des six premiers mois de l'année 2003, remettre en question certaines structures, certaines dépenses dont l'efficacité est contestable. C'est un immense travail. Notre devoir est de nous y atteler sans tarder : pour ce faire, nous avons besoin de votre soutien.
    Il fut un temps où - tout le monde le disait - un bon budget était un budget qui progressait. Cette époque est révolue, même si, au cours de cette discussion budgétaire, il faudra voir ce qui déclenche vraiment les applaudissements de nos collègues. Il faut que la réforme budgétaire entre pleinement en vigueur, et, dans ce dessein, la commission des finances va mettre en place un groupe de travail chargé de suivre la mise en oeuvre des missions, programmes et indicateurs, et de remettre des rapports d'étapes. Nous avons adopté de nouvelles règles. Le Gouvernement doit les appliquer. Nous ferons le nécessaire pour nous assurer que c'est le cas. Cela doit aussi bien concerner les délais de réponse aux questionnaires, qui sont encore longs, que les documents transmis à la commission, ou la question de fond du vote par mission.
    Dans le même sens, il faut orienter notre action et notre fiscalité de façon à lutter d'une manière globale et organisée contre les délocalisations d'activité et à agir en faveur de l'attractivité du territoire. Il s'agit de prendre des mesures à fort effet de levier économique.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est joliment dit !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. On a pu lire, dans le rapport Charzat - et j'ai entendu M. Migaud et M. Fabius le dire - que des mesures devaient être prises pour renforcer l'attractivité du territoire. Certes, il ne faut pas se lancer dans une stérile concurrence fiscale et sociale avec nos partenaires communautaires : tout le monde finirait par être perdant. Mais, dans un cadre raisonnable, et avec toute la pédagogie qui sera nécessaire...
    M. Jean-Pierre Brard. Comptez sur nous !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. ... nous pouvons et devons améliorer l'image et la capacité d'attraction des entreprises, des cadres et des investisseurs étrangers en France...
    M. Jean-Pierre Brard. Au fait ! Au fait !
    M. Pierre Méhaignerie. ... comme nous devons persuader les forces vives et les entreprises d'y rester lorsqu'elles y sont déjà. Croyez-moi, je suis élu d'une région où 40 % des actifs travaillent dans l'industrie. Aujourd'hui, les difficultés y sont grandes et, lorsqu'il faut prospecter pour reconvertir certaines entreprises industrielles, on découvre ce que signifie la concurrence. Si nous voulons résoudre certains problèmes, il faut avoir le courage d'aborder certains dossiers, dont celui de l'ISF. Cette démarche, me semble-t-il, doit être lancée le plus tôt possible. En tout état de cause, il n'est pas besoin d'attendre trop, car on y a déjà beaucoup réfléchi sur tous les bancs de cette assemblée.
    M. Jean-Pierre Brard. N'est-ce pas ? Il faut tout dire.
    M. François Goulard. C'est l'excellent rapport Charzat !
    M. Pierre Méhaignerie. Et il n'est pas responsable de se satisfaire d'une situation dans laquelle 93 % des 350 dirigeants de filiales françaises de groupes internationaux considèrent que nos règlements et le poids de nos prélèvements fiscaux constituent le premier handicap du pays.
    M. Jean-Pierre Brard. Il n'y a donc que 7 % de patriotes dans cette catégorie ?
    M. François Goulard. Cela fait plus qu'au parti communiste !
    M. Pierre Méhaignerie. Voilà pourquoi l'attractivité du territoire sera, en 2003, une des priorités de notre assemblée.
    La troisième priorité porte sur la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Les engagements du Gouvernement sont clairs et nous devrions débattre prochainement du projet de révision constitutionnelle dont notre commission ne saurait être exclue. Mais les questions que pose cette nouvelle étape sont multiples et particulièrement aiguës en termes de fiscalité locale. Le Gouvernement, cette année, a bien fait de tenir ses engagements vis-à-vis des collectivités locales dans la progression de l'enveloppe globale. Encore faut-il que ces transferts s'accompagnent d'une grande rigueur dans les conditions de la décentralisation. Inversement, si l'Etat respecte ses engagements envers les collectivités, comme il le fait cette année, la tentation peut être grande, pour certains élus, de profiter de ces réformes afin d'accroître la pression fiscale en en faisant peser la responsabilité sur l'Etat.
    M. François Goulard. Certains élus !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. C'est la raison pour laquelle nous devons être prudents en matière d'assouplissement de la règle de liaison des taux. En effet, nous ne réussirons pas la décentralisation, si elle ne répond pas à deux conditions : ...
    M. Augustin Bonrepaux. Cela n'a rien à voir !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. ... ne pas augmenter la pression fiscale locale...
    M. Augustin Bonrepaux. C'est mal parti !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. ... et simplifier la vie de nos compatriotes.
    C'est la raison pour laquelle nous pensons que, parallèlement aux structures existantes, un observatoire indépendant doit pouvoir éclairer le contribuable sur les conditions de ces transferts et sur l'évolution des collectivités locales en matière de finances.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est une bonne idée pour ne pas se faire arnaquer par le Gouvernement !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Je souhaiterais également que le principe de sudsidiarité, qui constitue la clé de répartition des compétences à l'échelon européen, devienne non seulement la règle entre l'Etat et les collectivités territoriales, mais également entre les collectivités territoriales elles-mêmes, et en particulier entre les structures intercommunales et les communes qui ne doivent pas être dépouillées de leurs compétences au profit des communautés dans la seule perspective d'accroître artificiellement les dotations de l'Etat... (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Charles de Courson. Très bien !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. ... par l'intermédiaire des effets pervers du coefficient d'intégration fiscale, que nous aborderons lors de l'examen de la deuxième partie de la loi de finances.
    M. François Goulard et M. Hervé Mariton. Très bien !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Sur ce plan, je crois que nous devons, dès l'étude de ce budget, prendre des dispositions pour que principe de subsidiarité et coefficient d'intégration fiscale ne soient pas en totale contradiction.
    M. Hervé Mariton. Très bien !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Enfin, la réforme de l'Etat passe aussi par celle de l'administration et de l'organisation de l'administration, par la recherche de l'allégement des dépenses publiques, par la simplification des procédures.
    Il est un exemple que nous devrions considérer avec sympathie et faire nôtre : celui de la Suède. Sous le titre « Un modèle de rigueur », un article récent nous l'expose. Chacun connaît les orientations sociales-démocrates de ce pays. Or il faut voir les coupes qu'il pratique désormais dans certaines dépenses publiques. Il faut également rappeler l'action du président Clinton et d'Al Gore, qui, en 1992, préconisaient un partenariat national pour réinventer un gouvernement efficace et lançaient un processus qui s'est traduit par 136 milliards de dollars d'économies, 16 000 pages de règlements administratifs en moins,...
    M. François Goulard. Ah, voilà un exemple !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. ... et 350 000 postes supprimés ou redéployés.
    M. Jean-Pierre Brard. Et cela a fait élire Bush ! (Sourires.)
    M. François Liberti. Quelle référence !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Ont été également mis en place 340 laboratoires d'innovation. Sans aller jusque-là, monsieur Brard, je pense qu'il y a quelques éléments dont on peut s'inspirer.
    M. Jean-Pierre Brard. C'est la même chose !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. J'ai parlé de la Suède avant de parler des Etats-Unis, vous le constaterez !
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, ici, cette politique vous a fait élire !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Je ne reviens pas sur la quatrième priorité, qui est l'investissement. Nous avons dit en commission des finances qu'il ne serait pas acceptable que l'année 2003 se termine par des difficultés d'emploi dans le secteur du bâtiment. Car, dans ce secteur, ces hommes et ces femmes ont été difficiles à trouver. Si nous ne pouvons pas agir vraiment sur l'investissement industriel, nous le pouvons dans le domaine de la construction. C'est la raison pour laquelle nous avons, bien au-delà de la majorité, adopté l'amendement concernant les conditions de l'amortissement Besson sur le logement neuf, en en autorisant le bénéfice pour la location aux enfants et aux ascendants.
    La France, messieurs les ministres, dispose de tous les atouts qui lui permettent d'avoir confiance en l'avenir : ses richesses naturelles, sa démographie - si on la compare à ses voisins européens -, le niveau de formation et la qualité réputée de sa main-d'oeuvre et sa situation au coeur de l'Europe.
    M. François Goulard. Et sa majorité ! (Sourires.)
    M. Jean-Pierre Brard. Elle est éphémère !
    M. Michel Bouvard. Il y en a toujours une !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Tout cela devrait permettre de rétablir la confiance dans ce pays.
    Malheureusement, celui-ci a une faiblesse majeure : les niveaux élevés de son chômage et de ses dépenses publiques.
    M. François Goulard. Et son opposition ! (Sourires.)
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Si l'on regarde ce qui se passe autour de nous en Europe, on s'aperçoit que les pays qui ont un taux de chômage inférieur à 5 % sont ceux qui ont pratiqué une fiscalité modérée et maîtrisé leurs dépenses publiques ces dernières années.
    M. François Goulard. Absolument !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Ces pays ont tous renforcé leurs sites industriels pour les rendre plus attractifs et offrent tous un environnement favorable à l'esprit d'entreprise. Ils n'opposent pas l'Etat et les entreprises.
    M. Augustin Bonrepaux. Qu'en est-il de leurs services publics ?
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. Ils ont réhabilité le travail en donnant la priorité au salaire direct plutôt qu'aux prestations. En France, nous sommes arrivés aux limites de ce qu'il est possible de faire en matière de prestations et d'assistance de l'Etat.
    M. Augustin Bonrepaux. La solidarité en prend un coup !
    M. Pierre Méhaignerie, président de la commission. La politique engagée, conduite avec persévérance mais prudence par le Gouvernement, doit être confirmée, étendue et renforcée tout au cours de l'année 2003. Nombre de nos compatriotes attendent qu'il soit fait preuve de courage, et ce sentiment est d'autant mieux perçu qu'il s'accompagne d'un effort de justice et de pédagogie. Ce n'est qu'à ce prix et qu'en respectant cette exigence que nos concitoyens se réconcilieront avec leurs institutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)

Exception d'irrecevabilité

    M. le président. J'ai reçu de M. Alain Bocquet et des membres du groupe des député-e-s communistes et républicains une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
    La parole est à M. Alain Bocquet.
    M. Jean-Pierre Brard. Rarement exception d'irrecevabilité aura été aussi fondée !
    M. Charles de Courson. Vous êtes blessant à l'égard de vos collègues, monsieur Brard !
    M. Alain Bocquet. Messieurs les ministres, tel que vous le soumettez à l'examen de l'Assemblée nationale et tel que vous le proposez à son vote, le projet de loi de finances pour 2003 est irrecevable. En effet, il ne permettra, ni dans sa structure, ni dans le détail des moyens qu'il mobilise, de répondre aux attentes immédiates et prioritaires des Française et des Français, notamment des catégories les plus défavorisées et des couches moyennes.
    Et pour l'essentiel, il ne servira pas davantage les besoins de l'économie nationale, les enjeux de développement de notre pays, le rayonnement de la France et de sa culture en Europe et dans le monde.
    En effet, votre projet repose d'abord sur une appréciation délibérément forcée et trompeuse du contexte économique. La croissance, en chute libre, n'est pas au rendez-vous de vos prévisions estivales, outrageusement optimistes. Elle risque de leur être largement inférieure, probablement deux à trois fois moindre ! Et c'est cela qui vous conduit à vouloir faire payer une addition encore plus lourde à nos concitoyens et au pays, que menace déjà la perspective de 80 000 à 100 000 chômeurs suppémentaires d'ici à Noël. Tout dans votre projet et dans vos propos, messieurs les ministres, démontre en définitive que les Françaises et les Français ne sont là, à vos yeux, que pour régler la note !
    Par ailleurs, je le rappelle, car il s'agit d'un élément essentiel que vous passez délibérément sous silence, l'investissement productif des entreprises est au point mort. De tous côtés, on entend les spécialistes économiques en appeler, en vain jusqu'à présent, à l'engagement, à l'audace des décideurs - M. le Premier ministre dirait « à l'action ! » -, tandis que les banques durcissent les conditions de l'accès au crédit et que les soubresauts boursiers rendent plus périlleux encore le recours aux marchés financiers.
    C'est Le Figaro qui le souligne : « le produit intérieur brut a encore évolué moins rapidement au second trimestre qu'au premier, « en raison de la contraction de l'investissement productif et du renforcement du déstockage ». La suite s'annonce, si je puis dire, du même tonneau !
    Comme en Allemagne, en Italie, en Grande-Bretagne ou comme aux Etats-Unis où il a plongé depuis de très nombreux mois, l'investissement des entreprises dans l'emploi, dans la recherche-développement et dans l'amélioration de l'outil de travail pointe aux abonnés absents. Ou lorsqu'il répond présent, c'est pour être le plus souvent directement mis au service de restructurations ou de gains forcés de productivité se traduisant par des suppressions d'emplois au nom de la mondialisation libérale.
    Cela met donc plus clairement encore en évidence la fuite actuelle devant leurs responsabilités sociales des « libres entrepreneurs » et du grand patronat, sans que rien de votre part n'incite à une remise en cause de ces défections préjudiciables à l'intérêt national.
    En overdose de plans sociaux, à l'image des 23 000 suppressions de postes en dix-huit mois décidées par Alcatel, la France du travail voit repartir à la hausse tous les indices du chômage et de la précarité, tandis que Vivendi, France Télécom et les scandales qui les accompagnent signent, à l'échelle de notre pays, la faillite d'un système. Système que vous défendez et où l'on peut voir une entreprise comme France Télécom être saignée à blanc et contrainte de rembourser 5 milliards d'euros d'intérêts et de dividendes aux banques et aux marchés en un an, ces mêmes marchés, strictement occupés à faire payer à l'entreprise le prix de sa dette considérable - 70 milliards d'euros -, ignorant délibérement et balayant ses résultats opérationnels.
    Du reste, cette entreprise n'est pas la seule à être concernée par une telle dégradation des valeurs que les bourses imposent aux quarante plus grandes sociétés françaises depuis le début de l'année. En outre, ces dégradations sont le plus souvent sans commune mesure avec le niveau d'activité réel de l'entreprise.
    M. Michel Bouvard. C'est vrai !
    M. Alain Bocquet. Comme le remarque l'expert économique André Orléan, cité par le Nouvel Economiste : « C'est la crise d'un système très libéralisé, dans lequel aucun frein ne vient réguler la montée ni la baisse des cours. La forme financière du capitalisme est fondamentalement instable, car elle place la bourse en son coeur.[...] Le capitalisme financier est dangereux, car il synchronise excessivement l'ensemble des intérêts des agents économiques sur une seule valeur de référence : le cours boursier. Et le danger est amplifié par le fait que cette synchronisation s'opère internationalement. »
    Les dettes de Vivendi, de Suez, de TotalFinaElf, de Saint-Gobain, d'Alcatel - respectivement de 35 milliards, 28,2 milliards, 9,7 milliards, 7,9 milliards et de 7,7 milliards d'euros - et de combien d'autres...
    M. Jean-Pierre Brard. De France Télécom !
    M. Alain Bocquet. ... suscitent les mêmes terribles interrogations quant à l'avenir des salariés et des sous-traitants de ces sociétés.
    Pour avoir, pendant des années, comprimé leur masse salariale et restreint ainsi leurs débouchés, les entreprises paient aujourd'hui la note d'une crise de surproduction et voient les fonds de pension, les fonds spéculatifs, les fonds d'investissement et les banques observer la dégradation de leur situation et les piller après avoir alimenté leur course au gigantisme.
    Toutefois, l'ampleur des difficultés est telle que celles-ci n'épargnent pas le secteur bancaire et financier, lui-même menacé par l'éclatement des bombes à retardement que constituent les endettements présents dans les bilans. Ainsi, certains analystes évoquent déjà des baisses de 20 % dans les perspectives de résultats des trente-cinq premières banques européennes en 2003.
    Une étude sur les défaillances d'entreprises dans les principales économies mondiales prévoit que l'Allemagne verra le nombre de ces défaillances passer de 39 000 en 2002 à 44 000 en 2003, tandis qu'en France, le nombre des dépôts de bilan passera de 44 500 en 2002 à 46 000 en 2003.
    Aussi, monsieur le ministre de l'économie, quand vous évoquez, comme vous l'avez fait récemment à New York, la volonté de « restaurer la confiance dans les mécanismes du marché », on ne peut que rétorquer que ce n'est pas en accentuant la capacité répressive de l'Autorité des marchés financiers - l'AMF -, que l'on remédiera à ces dérives, à ces aveuglements et à ces gâchis.
    La purge des dettes devrait au contraire passer par une mobilisation sans précédent de tout le système bancaire, lequel, avec le concours des banques centrales et du FMI, devrait proposer des allégements en fonction non plus de la rentabilité des titres mais des emplois, de la formation et des investissements productifs réengagés.
    Il faudrait en finir avec la ségrégation appliquée aux PME-PMI en matière de crédit, baisser sélectivement les taux en fonction de l'apport à l'emploi, pénaliser les placements financiers, contrôler l'usage des aides publiques, baisser les charges financières plutôt que ce que l'on nomme injustement les charges sociales et créer un pôle public de financement chargé de développer un service public du crédit à l'emploi et à la formation.
    C'est notamment ce à quoi devrait réfléchir la Banque centrale européenne, au lieu de supputer d'éventuelles accélérations de la croissance pour 2002, qui ne se concrétiseront pas, ou de déclarer comme son président Wim Duisenberg qu'il est « très difficile de donner une indication précise concernant le calendrier et la force de la reprise ».
    Des indications précises - malheureusement, l'actualité sociale en fournit, elle, tous les jours - révèlent la casse dont ce système porte l'entière et seule responsabilité.
    Le journal l'Humanité Dimanche dressait voici quelques jours une liste noire des quarante-deux principaux plans sociaux qui touchent près de 20 000 emplois dans notre pays. Tous les secteurs de production et de services, toutes les régions françaises sont touchés. J'ai ici cette liste des entreprises dont les salariés, par dizaines, par centaines, voire dans certains cas par milliers, sont dramatiquement menacés.
    Mais plus encore que ces entreprises, ce sont les villes et les départements dont l'économie, la vie sociale, la situation et les familles seront frappées que je veux évoquer ici.

    C'est le Grand Ouest avec le Havre, Cherbourg, Lannion, Angers, Rennes, Etrelles, Pont-de-Buis, Briec, Guiscriff, Fécamp, Déville-lès-Rouen, Alizay et le département de Maine-et-Loire.
    C'est le Centre et le Sud-Ouest avec Poitiers, Romorantin, Toulouse, La Bastide-Saint-Pierre, Perpignan et le département de l'Aude, Mérignac, Carbon-Blanc, Bayonne et Thiviers.
    C'est le Sud-Est et le Centre-Est, avec Gémenos, Vénissieux, La Palisse, Lyon, Autun, Roanne et Grenoble.
    C'est l'Est et le Nord avec Villers-la-Montagne, Belfort et l'Alsace, Biache-Saint-Vaast, Noyelles-Godault, Longuenesse, Roncq, Roubaix, Wattignies, Amiens et le département de l'Aisne.
    C'est la région Ile-de-France avec des dizaines de milliers d'emplois menacés dans l'industrie métallugique, la téléphonie, l'aéronautique, l'électronique, l'automobile.
    Et ce n'est pas la nomination d'un Monsieur Plans sociaux par le Gouvernement qui rassurera les Françaises et les Français, l'ensemble des salariés sur leur avenir le plus immédiat. Nos concitoyens seront d'autant moins rassurés qu'ils savent bien que les promesses de réindustrialisation des bassins et de reclassement des salariés demeurent pour beaucoup purement et simplement lettre morte.
    Il en est ainsi de Moulinex, dont la majorité des 3 240 licenciés est encore au chômage, un an après le dépôt de bilan. Monsieur Mer, vous qui avez fait l'apologie de la liberté, dites-moi où est la liberté pour ceux de Moulinex ?
    Il en est ainsi du site de Cormelles-le-Royal, où, sur 1 272 personnes, 83 personnes ont obtenu un contrat à durée indéterminée et 67 un contrat à durée déterminée. Où est la liberté des 1 122 autres ?
    M. François Liberti. Eh oui !
    M. Alain Bocquet. Il en est ainsi d'Alençon où l'actuel ministre chargé du budget prévoyait de trouver « 1 000 emplois en 1 000 jours », mais où seules 180 personnes sur 771 inscrites en cellule emploi bénéficient d'une solution. Près de 600 sont certes libres, mais libres d'être chômeurs !
    C'est cependant le contexte qu'a choisi M. le Premier ministre pour dénoncer dans la loi de modernisation sociale, un dispositif « alourdissant, des procédures qui ne font que renchérir les restructurations et ne protègent pas les salariés ». Il ajoutait : « C'est la raison pour laquelle nous réformerons la loi de modernisation sociale et confierons aux partenaires sociaux le soin de définir, par voie contractuelle, les méthodes et les moyens de mise en oeuvre des plans sociaux. » Or, il faudrait, au contraire, imposer d'urgence un moratoire des licenciements, comme le réclame le groupe de député-e-s communistes et républicains. Nous avons d'ailleurs réitéré cette demande cet après-midi, lors des questions au Gouvernement.
    Voilà donc les salariés et le monde du travail prévenus ! Mais si cela devait ne pas suffire pour les mettre en garde contre la collusion de vos démarches et celles du patronat, j'évoquerais les enseignements tirés aujourd'hui publiquement de l'application de la convention d'assurance chômage imposée par le MEDEF en janvier 2001, malgré l'opposition des confédérations syndicales.
    Ces enseignements sont on ne peut plus éloquents ! Car on est loin de la « source de progrès » et de « l'efficacité de la prise en charge des demandeurs d'emploi » que promettaient, avec l'assentiment des forces politiques que vous représentez, le mouvement patronal en présentant le PARE contre lequel, bien entendu, les député-e-s communistes et républicains se sont prononcés.
    Augmentation du chômage ; ruine de l'assurance-chômage dont les excédents ont été dilapidés et dont le déficit est évalué à 2,4 milliards d'euros pour 2002 et à 1,9 milliard d'euros pour 2003 ; envol dramatique du chômage des jeunes et du chômage de longue durée - plus 11,5 % en un an ; stagnation du nombre de demandeurs d'emploi en formation, qui est à son niveau le plus bas depuis quatre ans ; déficience du retour à l'emploi, lequel n'a concerné en juillet 2002 que 77 000 personnes quand les ANPE recensaient dans le même temps plus de 421 000 inscriptions : quel bilan ! A cela, pourrait s'ajouter l'expansion des radiations dans les ANPE - 109 % en douze mois -, ce qui ne permet pas pour autant de cacher les effets destructeurs d'une assurance chômage accommodée, j'y insiste, par le MEDEF.
    Face à un tel bilan, au lieu de s'accommoder du PARE et d'exercer des pressions sur les demandeurs d'emploi pour qu'ils acceptent des emplois déqualifiés et de bas salaires, il faut, au contraire engager une véritable politique de retour volontaire à l'emploi. Cela s'avère aujourd'hui nécessaire. Il faut concrétiser, enfin, le droit à une formation de qualité, permettant de développer les capacités de chacune et de chacun tout au long de la vie, dans le cadre d'un dispositif assurant une véritable sécurité de l'emploi et contribuant à la formation pout tous. Cela implique de refuser toute remise en cause de la non-dégressivité des allocations chômage et d'améliorer sensiblement cette indemnisation dans la perspective du droit à un revenu de remplacement jusqu'au retour à l'emploi choisi.
    Dans le même esprit, comment ne pas insister également sur la nécessité de mettre en place une allocation d'autonomie pour sécuriser le parcours des jeunes, de la formation initiale à l'emploi.
    Bien évidemment, tout cela ne fait que renforcer notre opposition - mais j'y reviendrai - au « oui » sans condition que vous répondez aux demandes supplémentaires de baisse des cotisations patronales et d'exonérations diverses que vous adressent le baron Seillière et consorts. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Pierre Brard. On a les amis qu'on mérite !
    M. Alain Bocquet. Rien dans les propositions budgétaires que vous retenez, monsieur le ministre, ne témoigne d'une volonté ou d'une capacité à refuser ces dérives de notre économie. Au contraire même, car vous ajoutez à ces difficultés la soumission de votre gouvernement et de votre majorité aux injonctions européennes, à l'orthodoxie maastrichienne et aux clauses sévères d'un pacte de stabilité qui craque pourtant de toutes parts. C'est l'exigence du retour à l'équilibre des budgets ; c'est la compression de la dépense publique ; c'est le corsetage étroit des prérogatives et des politiques budgétaires des Etats, dont le rôle est réduit à la portion congrue ; ce sont enfin des déréglementations à tout va.
    Tout ce qu'il faut faire est à l'opposé de vos choix. Chaque jour qui passe rappelle l'urgence de négocier les bases d'un nouveau traité revalorisant les coopérations des économies et des Etats, redéfinissant les interventions de la Banque centrale européenne, impulsant des politiques budgétaires nationales plus expansives ainsi qu'une baisse ciblée des taux d'intérêt du crédit, et offrant des solutions de progrès aux revendications des peuples de l'Union européenne, qui plus est à l'heure de son élargissement.
    La Commission européenne vient d'annoncer le durcissement des clauses de sauvegarde à l'encontre des futurs adhérents de l'Union. Et cette démarche sera très certainement entérinée par le Conseil européen prévu les 24 et 25 octobre dès lors qu'il ne s'agit de rien d'autre que de mettre ces Etats aux normes des marchés financiers et du rendement du capital.
    Là où, par conséquent, la coopération et la solidarité partagées devraient constituer une chance, les principes de la mise en concurrence, y compris des salariés et des peuples, prévalent. Et cela menace de se vérifier très vite aussi bien pour la politique agricole commune que pour les fonds structurels, qui constituent plus de 50 % des budgets communautaires.
    Prises dans ces contradictions qui handicapent son propre développement, l'Union européenne et la politique de la France telle que votre gouvernement l'a conduite au sein de celle-ci ne sont que d'un faible apport à l'évolution positive des relations tissées avec les pays du Sud.
    De même, ces démarches constituent une difficulté au moment de peser dans les situations internationales en faveur du désarmement, de la paix et du règlement politique des conflits. On le voit avec le problème iraquien, à l'occasion duquel on pourrait contraindre le Président américain à tenir encore plus résolument compte des opinions internationales, hostiles à sa volonté guerrière unilatérale à forte odeur de pétrole. On le voit aussi avec le Proche-Orient. Les récentes manifestations dans les grandes capitales européennes et les rassemblements du 12 octobre en France ont rappelé, notamment en ce qui concerne le conflit israélo-palestinien, la nécessité de mettre les instances internationales en position d'imposer l'arrêt des actes terroristes et des violences d'Etat, et la nécessité d'ouvrir des négociations en faveur du droit à l'existence d'un Etat palestinien et du droit à la sécurité d'Israël.
    Les conflits internationaux, la soumission dont témoignent vos choix politiques et budgétaires à l'Europe des marchés confirment et renforcent les constats que chacun peut dresser concernant le projet de loi de finances qui nous est soumis.
    Ni l'action vigoureuse qu'exigent les luttes contre le chômage, la précarité, l'exclusion, ni l'insuffisance du pouvoir d'achat des salariés, ni l'avenir et l'insertion des jeunes, ni les attentes sociales de millions de nos concitoyens français et immigrés ne trouveront de réponse dans les orientations que vous prévoyez de mettre en oeuvre.
    Il en va de même concernant nos atouts économiques, ainsi que nous ne manquerons pas de l'établir lors de la discussion des budgets de l'industrie, du travail, des affaires sociales, de la recherche ou de l'enseignement supérieur.
    Mis au service de baisses d'impôts profitant aux revenus les plus hauts et de l'allégement de cotisations patronales et d'exonérations fiscales de l'entreprise, le déficit budgétaire que la conjoncture vous contraint de concéder se trouve dépourvu de l'efficacité sociale dont il pourrait être porteur dans le cadre d'une politique tournée vers nos concitoyens.
    Le report de l'impératif européen d'équilibre budgétaire de 2004 à 2006, voire à 2007, n'a rien ôté de la nocivité d'orientations qui vous incitent à maintenir fermement l'économie française dans les rails de Maastricht.
    Enfin, la politique de privatisations où vous conduisent tant votre projet de casse du secteur public que votre recherche d'argent frais - promesses électorales obligent - menace d'accélérer l'enfoncement de notre pays dans une spirale de déclin.
    Vous prévoyez de tirer 8 milliards d'euros du bradage d'entreprises nationales, d'EDF et GDF à la SNECMA, d'Air France à France Télécom, à Renault et, très vite, à combien d'autres ? Pour combien de milliers de salariés et de cadres supplémentaires jetés à la rue au seul nom du profit ?
    Nous sommes les adversaires résolus de ces choix contre lesquels, soyez-en sûrs, continueront de s'exprimer et de se rassembler les Françaises et les Français. Des Françaises et des Français que votre politique conduit désormais en plus grand nombre à se préoccuper fermement de ce qui va finalement demeurer du rôle de l'Etat, dans l'expression de l'identité nationale, dans la préservation et la promotion de leurs droits et de leurs conditions de vie.
    Les budgets des différents ministères, d'ailleurs élaborés en l'absence de toute concertation, font émerger chez nos concitoyens le sentiment nouveau, diffus, croissant d'être livrés à eux-mêmes.
    Régression sociale, déclin économique, dérive sécuritaire, soumission à l'hégémonisme américain et aux effets de la mondialisation libérale, tels sont les repères essentiels que vous imposez à notre pays alors que ce premier budget de la nouvelle législature aurait dû constituer, compte tenu, au surplus, du marasme économique et social, un signe fort adressé aux Français.
    « Notre route est droite, mais la pente est forte », déclarait le Premier ministre le 3 juillet dernier ici même. Votre route, les Français la connaissent bien : c'est celle qu'empruntèrent jadis avant vous M. Balladur, M. Juppé et les majorités à leur service. Elle conduit au pied de l'autel du profit et, si la pente en est forte, c'est à coup sûr pour l'immense majorité de nos concitoyens, que vous entendez contraindre à s'y engager.
    Les signes ne manquent pourtant pas de leur réticence à s'y résigner. C'est d'abord - souvenez-vous des élections d'avril, de mai et de juin - la force de leur abstention dans les scrutins présidentiel et législatifs. Je vous rappelais déjà le 3 juillet, dans cet hémicycle, l'élection avec à peine 13,75 % des inscrits de M. le Président de la République. Cela n'est pas, disons-le au passage, le signe de la bonne santé démocratique d'une nation comme la nôtre et cela confirme que les Français n'ont véritablement pas le moral.
    M. André Schneider. Et les communistes ?
    M. Alain Bocquet. Les communistes ont été réélus, tels mes amis Janine Jambu à Bagneux et Jean-Louis Bargero à Champigny. Et ils viennent de gagner deux sièges...
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Tout juste !
    M. Alain Bocquet. ... à Dieppe et à Limay lors de cantonales partielles.
    Ces signes, ce sont encore, dans leur diversité, les mouvements revendicatifs qui se sont exprimés tout au long de l'été en opposition à vos décisions et à vos effets d'annonce.
    Ces signes, c'est aussi, pour en venir à l'immédiate actualité, la forte mobilisation du 3 octobre contre les privatisations d'EDF, de GDF et d'Air France, et la remise en cause d'acquis sociaux. Le ministre des relations avec le Parlement, M. Jean-François Copé, a dit que le Gouvernement avait entendu le message. Est-ce à dire que vous vous prononcez contre toute privatisation d'EDF-GDF ? Le moins qu'on puisse craindre est cependant qu'il n'en soit rien car c'est aujourd'hui même que Mme Nicole Fontaine propose au Sénat que la France rentre piteusement dans les rangs européens en ouvrant à la concurrence le marché du gaz fourni aux clients industriels.
    Enfin, ces signes, ce seront, dans deux jours à peine, les actions revendicatives qui, partout en France, rassembleront les enseignants, leurs organisations syndicales, les parents d'élèves et leurs associations, unis dans l'exigence que l'école demeure ce qu'elle cesse d'être avec vous : une priorité nationale.
    Nous sommes bien entendu à leur côté et nous dénonçons avec eux l'abandon du plan pluriannuel de recrutement, celui du plan décennal pour la recherche : les 5 600 suppressions de postes de maître d'internat et de surveillant des écoles ; les 20 000 suppressions d'aides éducateurs que ne compenseront pas les 11 000 postes d'assistant d'éducation que vous avez dû concéder, qui plus est, en raison du flou entourant leur statut et leur mode de financement.
    L'enseignement supérieur n'est pas mieux loti, ainsi qu'en ont témoigné les prises de position récentes des présidents de conférences universitaires et des syndicats d'enseignants ou d'étudiants.
    Tous redoutent, à des degrés divers, que la politique de décentralisation telle que vous semblez la concevoir supprime le cadre national des diplômes, mette en concurrence les universités et fasse lourdement reposer sur les collectivités territoriales ou sur un recours accru aux banques à la charge des familles, l'aide aux études, à l'hébergement et à la mobilité des jeunes.
    Oui, une France moderne doit privilégier les moyens pour la promotion de sa jeunesse et pour l'éducation de celle-ci plutôt que jeter l'argent dans une sorte de tonneau des Danaïdes pour construire des prisons ou des porte-avions.
    Les responsables et les personnels des centres de soins aux drogués, spoliés de 3 millions d'euros, les personnels civils de la défense, l'ensemble du monde hospitalier, les intervenants de la culture, les associations de locataires et les bailleurs sociaux, les animateurs du mouvement sportif, et combien d'autres avec eux, ont ces dernières semaines, tour à tour ou conjointement, exprimé leurs déceptions, leurs colères, leur insatisfactions.
    Combien ont rappelé l'urgence de leurs attentes. Il en est ainsi des salariés des arsenaux, inquiets pour l'existence de sites comme ceux de Tarbes, de Tulle ou de Saint-Etienne, préoccupés par les suppressions de postes qui menacent au sein du GIAT, ou des 2 500 emplois en balance à l'horizon 2005, à la direction des constructions navales.
    Il en est ainsi des fonctionnaires de La Poste, qu'indignent les perspectives de fermeture de 500 à 700 bureaux supplémentaires d'ici à la fin de l'année et de la disparition, en quelques années, d'un centre de tri sur deux. Ils seront dans l'action à la fin du mois d'octobre pour dénoncer aussi la déréglementation envisagée de l'ensemble des services postaux français à l'horizon 2009 avec, dans l'immédiat, la mise en concurrence de l'acheminement du courrier de plus de 350 grammes, qui représente 25 % du chiffre d'affaires de La Poste, puis de plus de 100 grammes en 2003 et de plus de 50 grammes en 2006.
    Pourtant, les contre-exemples de la Grande-Bretagne, où 30 000 emplois sont en cours de suppression, de l'Allemagne, où les tarifs changent d'un Land à l'autre, ou de la Suède, où les usagers paient 60 % plus cher après cinq ans de réforme, attestent de ces dangers.
    Il en est encore ainsi du monde de la création artistique et du spectacle vivant, après l'annonce d'un budget de la culture en baisse de plus de 5 %, ce qui conduira à d'inacceptables réorientations de crédits et à une sollicitation encore plus forte des collectivités territoriales, alors que tout ce qui touche, dans le budget de 2003, à la répression l'emporte sur tout ce qui concourt au civisme et à l'émancipation.
    Je tiens d'ailleurs à souligner que nous soutenons sans réserve, comme nous l'avons systématiquement fait, les actions des intermittents du spectacle alors que le MEDEF entend obtenir du Gouvernement qu'il brise leur statut professionnel et social. Ils luttent pour le maintien de se statut et pour des moyens accrus attribués au spectacle vivant, afin que ce budget de la culture ne sonne pas le glas de leurs interventions et de leurs métiers. Nous sommes à leur côté.
    Il en est ainsi, pour m'en tenir à ces quelques exemples, du monde agricole, qui attend avec détermination les résultats de la journée de négociation avec la grande distribution, enfin obtenue de votre gouvernement pour le 18 octobre, au terme de plusieurs mois de mobilisation et de deux fortes journées d'action. Le monde agricole observe l'avenir avec les plus vives inquiétudes au moment de la restructuration de la politique agricole commune et alors que la Banque mondiale réclame avec force l'élimination la plus rapide possible des subventions agricoles.
    Dans votre budget en effet irrecevable, il n'y a pas l'ombre d'une réponse de fond, pas le moindre commencement d'action durable, d'effort concerté et de longue haleine visant à construire à partir de ces besoins ou à innover au service des Français.
    Monsieur le ministre délégué au budget, vous avez le droit de rêver en parlant d'un « budget de confiance », mais sachez que vous aurez beaucoup de mal à dérober longtemps encore aux yeux des Français la réalité, la vérité de vos partis pris et de vos choix.
    Vérité sur le pouvoir d'achat, sur lequel j'ai sollicité début septembre, auprès du Premier ministre, un débat au sein de notre assemblée et l'engagement de mesures immédiates pour revaloriser les salaires et les retraites. Je n'ai à ce jour pas obtenu de réponse de sa part. Le débat sur le SMIC a montré ces derniers jours non seulement les limites de vos intentions en la matière, mais aussi la tromperie du discours gouvernemental quand l'harmonisation du SMIC menace de se traduire, pour des centaines de milliers de salariés, par des pertes de pouvoir d'achat.
    A cette tribune même, M. le Premier Ministre parlait, il y a deux semaines lors des questions d'actualité, de « l'originalité fançaise de la dynamique de la consommation ». Mais alors que 63 % de nos concitoyens se déclarent inquiets ou très inquiets pour leur pouvoir d'achat, le Gouvernement prend à contre-pied les propres affirmations du Premier ministre puisque, laissée entre vos mains, la consommation des ménages menace de se rétrécir comme peau de chagrin cependant qu'elle demeure le moteur essentiel de notre économie.
    On est loin de la petite phrase du Président de la République, selon laquelle « la feuille de paye n'est pas l'ennemi de l'emploi ».
    Les retraités figurent aux premiers rangs des victimes de vos choix. C'est pourquoi il faudrait revaloriser de 11 % les pensions les plus basses. Il faut également réindexer le montant des retraites sur l'évolution des salaires et assurer la garantie d'une retraite totale - retraite de base et retraite complémentaire - au moins à 75 % du salaire moyen des dix meilleures années de la carrière.
    Il faut lever les conditions restrictives d'attribution et augmenter le taux des pensions de reversion.
    Assurer le droit à la retraite à soixante ans passe par un retour dans le secteur privé aux 37,5 annuités pour l'ouverture de la retraite à taux plein. Ceux qui ont moins de soixante ans mais qui ont cotisé au moins quarante ans doivent pouvoir faire valoir leur droit à la retraite pleine et entière.
    Je vois que cela vous fait sourire, monsieur le ministre. Mais les sidérurgistes de mon Valenciennois, usés jusqu'à la corde après quarante-deux ou quarante-trois années de service, mériteraient assurément d'avoir droit à la retraite. (« Très juste ! » et applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
    Oui, il est possible de conforter la retraite par répartition et de maintenir les régimes spéciaux en oeuvrant pour une croissance soutenue, riche en emplois stables et correctement rémunérés. Au lieu de cela, votre gouvernement joue la carte de la division entre les salariés du public et ceux du privé et ne renonce pas, en dépit des désastres boursiers qui font aujourd'hui réfléchir les salariés, à imposer les fonds de pensions.
    Dans la même logique que les ponctions régulières sur la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales - 25 milliards en quelques années - vous n'hésitez pas à opérer un prélèvement de 830 millions sur la caisse de retraite du privé pour alléger la charge de financement des régimes de fonctionnaires. Pourtant, la modulation de la cotisation patronale en fonction du poids de la masse salariale dans la valeur ajoutée globale - valeur ajoutée plus produits financiers - et la mise à contribution des revenus financiers au même taux que les salaires permettraient de dégager des ressources suffisantes pour tous les régimes.
    Ces manoeuvres sans gloire d'un Etat qui donne l'impression d'en être réduit à faire les poches des retraités pour financer les baisses inégalitaires des impôts et qui, par ailleurs, refuse d'assumer auprès des conseils généraux sa part de l'allocation personnalisée d'autonomie et s'attache à rogner les ailes de ce dispositif social, ne peuvent qu'être dénoncées.
    La vérité, c'est que l'économie générée par le simple maintien des taux des deux plus hautes tranches de l'impôt sur le revenu suffirait à répondre aux besoins de financement de cette allocation.
    La vérité, votre gouvernement, votre majorité parlementaire la doivent également aux Françaises et aux Français à propos de la justice fiscale : depuis le cadeau aux plus hauts revenus que constitue l'essentiel de votre baisse de la fiscalité jusqu'au racket de l'imposition indirecte frappant le porte-monnaie des plus pauvres, de la TVA, que vous refusez de baisser, jusqu'aux augmentations de prix et de tarifs décidées ou entérinées par vos soins. Je pense non seulement à celle du gaz, qui ajoute au coût du poste « logement » pour des ménages souvent exsangues, mais aussi à celles des transports, des carburants, des produits les plus courants de la vie quotidienne, comme l'ont montré la rentrée scolaire et les associations de consommateurs qui ont relevé des hausses de 10 % ou plus dans l'alimentaire.
    Comment ne pas évoquer également votre projet de faire un peu plus encore peser la responsabilité d'une évolution de la fiscalité des ménages sur les collectivités territoriales ? Les maires, les élus locaux n'ignorent rien du danger que représente, de ce point de vue, la diminution des compensations de l'Etat au titre des fonds de solidarité urbaine ou rurale ou du fonds national de péréquation de la taxe professionnelle. Nous refusons avec eux de voir, au moyen d'artifices de calcul technocratiques qui ne trompent personne, l'Etat reprendre d'une main dans la poche des communes ce qu'il a fait semblant d'accorder par ailleurs aux communautés d'agglomération.
    Nous contestons une évolution de la DGF inférieure au niveau d'inflation annoncé - 1,5 % - pour 2003.
    J'ai eu récemment l'occasion de dire à M. le Premier ministre, sans être démenti, combien il pouvait être intolérable de voir ainsi l'Etat se prévaloir d'une baisse des impôts venue d'en haut alors que, dans le même temps, faute de la croissance que vous escomptiez et pour ne pas démentir M. Jacques Chirac, vous transférez les charges vers le bas, ce qui entraîne l'envol des fiscalités locales, souligné récemment par la presse, en particulier à propos de la fiscalité départementale.
    Ce phénomène, confirmé par la direction générale des collectivités locales, menace de s'accélérer avec des transferts de compétences dont tout porte à craindre qu'ils seront insuffisamment accompagnés financièrement par l'Etat dans le cadre de la décentralisation.
    Nous ne laisserons pas ponctionner les communes par cette politique du Gouvernement, ni ruiner l'apport de l'intercommunalité, à laquelle les élus locaux donnent, dans l'accomplissement quotidien de leurs mandats, son véritable intérêt au service des habitants.
    Les collectivités locales doivent, dès cette année, bénéficier d'au moins 50 % des fruits de la croissance. Il faut que les produits de la taxe professionnelle de France Télécom leur reviennent effectivement dans une distribution intégrant le principe de solidarité et donc de péréquation. C'est dans cette même logique de péréquation que devraient être distribués les milliards d'euros de ressources nouvelles que ne manquerait pas de générer une taxation modique des actifs financiers des entreprises.
    L'octroi de nouvelles compétences aux collectivités locales, assorti des moyens correspondants, ne saurait de même signifier le recentrage de l'intervention de l'Etat sur ses missions régaliennes de défense et de sécurité. La décentralisation doit se conjuguer avec la réaffirmation du principe de la responsabilité publique nationale, en particulier dans des domaines aussi décisifs que l'emploi, l'aménagement du territoire, la formation et la jeunesse, la recherche, le logement, la santé ou la culture.
    La vérité, les Françaises et les Français ont aussi besoin de l'entendre à propos de l'efficacité des baisses de cotisations patronales consenties aux entreprises, baisses de cotisations patronales dont vous faites l'axiome de votre politique, c'est-à-dire précisément une affirmation non démontrable ! Et pour cause, puisque jamais encore la démonstration n'a pu être établie de l'utilité d'un tel choix pour le maintien et la création d'emplois. Cela rend plus scandaleuse encore votre décision de casser les trente-cinq heures qui ont permis, elles, malgré les conditions très contestables de leur mise en oeuvre, la création de plus de 300 000 emplois.
    M. André Schneider. Ah bon !
    M. Alain Bocquet. Plus de sept millions de femmes et d'hommes, salariés des entreprises de notre pays, n'y auront donc pas accès. Beaucoup vont, par ailleurs, se trouver confrontés à la remise en cause d'accords déjà signés.
    Alors que l'aspiration à mieux maîtriser sa vie, à profiter plus effectivement du progrès global de la société en bénéficiant d'un aménagement et d'une réduction du temps de travail était au coeur des attentes exprimées en avril, mai, juin par nos concitoyens, vous leur imposez des choix inverses.
    Et vous vous apprêtez à renvoyer devant les ANPE des dizaines de milliers d'emplois-jeunes dont chacun a pu pourtant, ces dernières années, vérifier l'utilité auprès et au sein des collectivités territoriales, des associations ou de l'éducation nationale.
    La presse évoquait, voilà quelques jours, le témoignage d'une aide-éducatrice de Gironde : « On aurait pu avoir un rôle utile. Maintenant les emplois-jeunes sont convoqués par groupes pour un stage où l'on nous explique comment s'inscrire à l'ANPE quand on sera mis dehors à la fin de l'année...
    Mme Muriel Marland-Militello. Oh assez !
    M. Jacques Desallangre. Hélas, c'est la réalité !
    M. Alain Bocquet. ... comment percevoir les indemnités. On nous annonce déjà qu'il y aura trois mois de retard pour les toucher. Je ressens cela comme un gâchis. »
    M. Jean-Pierre Kucheida. Il faut écouter le peuple !
    M. Alain Bocquet. C'est comme cela que ça se passe, madame.
    On ne peut sacrifier ainsi la vie de centaines de milliers de jeunes qui, grâce aux emplois-jeunes, ont pu, en exerçant un vrai travail, reconquérir leur indépendance et leur capacité à se projeter dans l'avenir.
    Comment ne pas partager la colère d'un des responsables du réseau national des collectifs emplois-jeunes, lorsqu'il affirme : « Quand vous avez connu la précarité et qu'ensuite vous avez eu un vrai travail, de vraies missions, une utilité sociale et que, finalement au bout de cinq ans, cela ne donne rien. C'est dramatique » ? Il faut assurer un débouché sur l'emploi à chacun des jeunes concernés et pérenniser les activités sociales utiles, y compris celles qui actuellement sont non solvables.
    M. André Schneider. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait !
    M. Alain Bocquet. Nous avons décidé de les prolonger, les emplois-jeunes, c'est vous qui les supprimez.
    M. Jacques Desallangre. N'inversez pas les rôles !
    M. Alain Bocquet. Comment ne pas partager, à ce sujet, l'inquiétude du milieu associatif et le bien-fondé de l'interpellation des pouvoirs publics par la conférence permanente des coordinations associatives ? Il faut aller bien au-delà des mesures d'aides transitoires aux associations que vous avez annoncées. Il est urgent, par exemple, de baisser sensiblement la taxe sur les salaires supportée par les associations et leurs fédérations en attendant sa suppression pure et simple. Cette taxe pénalise lourdement l'emploi.
    M. Michel Vaxès et M. Jacques Desallangre. Très bien !
    M. Alain Bocquet. Vous aurez du mal à faire partager à nos concitoyens la justesse et le bien-fondé de ce « gâchis » ! C'est pour cela aussi que votre projet de loi de finances est irrecevable à nos yeux. Car, messieurs les ministres, contrairement à vos affirmations, il n'est pas favorable à l'emploi.
    Vérité sur le pouvoir d'achat, sur la justice sociale, sur les baisses de charges. Mais vérité aussi sur les privatisations que vous réclamaient, le 3 octobre, les manifestants rassemblés sur le pavé parisien. Vous me permettrez, à ce propos, de m'interroger sur la décence d'un gouvernement saluant le jour même à Paris ces manifestations comme, je cite, « un appui bienvenu », pour le lendemain, à Luxembourg, en réunion des ministres des Quinze, s'affirmer prêt à débattre d'une libéralisation totale du marché du gaz et de l'électricité, y compris pour les particuliers.
    De tels comportements donnent raison à ceux, dont nous sommes, qui ne s'attendent pas à voir défendus par vos soins à Bruxelles ou à Luxembourg, des atouts économiques et un pan entier de l'identité française que vous vous acharnez à brader...
    M. François Goulard. L'identité française est dans le gaz ! C'est nouveau !
    M. Alain Bocquet. ... et à briser, dans les salons feutrés de Matignon et de Bercy.
    Des décennies d'effort national jetées en pâture aux appétits boursiers. Les Français ne vous suivront pas sur ce terrain-là !
    Un sondage récent a d'ailleurs montré que, s'ils demeurent encore très largement sous-informés de la réalité et de la nocivité de vos projets en la matière, 71 % des femmes et des hommes de ce pays sont prêts à s'engager personnellement, dans les mois qui viennent, pour défendre les services publics.
    M. Jacques Desallangre. Très bien !
    M. Alain Bocquet. Des initiatives sont en cours visant, comme pour l'indispensable convergence nationale des salariés occupant des emplois-jeunes, à rassembler toutes celles et tous ceux qui rejettent l'offensive de privatisation dont vous avez pris le commandement.
    Les député-e-s communistes et républicains ne manqueront pas dans le débat parlementaire de rappeler à votre attention l'exigence de prise en compte de ce refus comme l'exigence de reconnaissance de l'apport des entreprises nationales et du secteur public à la société française, à l'efficacité de son économie et enfin à la solidarité de ses membres.
    Solidarité dont nous avons besoin pour résister à la marchandisation du monde. Car vous qui parlez beaucoup d'emplois marchands, sachez que ni les femmes ni les hommes de ce pays ne sont une marchandise.
    M. François Goulard. C'est original, ça !
    M. Alain Bocquet. Solidarité qui, dans les domaines auxquels elle s'applique, peut concerner des aspects essentiels de la vie de nos concitoyens.
    Il en va ainsi de la politique de l'eau, dont le prix au mètre cube est passé de 1,6 euro en 1992 à 2,65 euros en moyenne aujourd'hui, soit une augmentation de 60 % en dix ans, quatre fois plus rapide que l'inflation.
    Des enquêtes récentes ont montré les profits considérables que réalisent sur le dos des usagers et des collectivités locales les sociétés privées qui contrôlent 80 % de ce secteur : la Générale des Eaux, filiale de Vivendi ; la Lyonnaise des Eaux, filiale de Suez ; et la SAUR, filiale de Bouygues. L'usager, lui, paie à tous les étages et constate qu'en moyenne la facturation des régies publiques serait de près d'un quart inférieure à celle des compagnies privées. Elles ne représentent cependant qu'à peine 20 % de la consommation, et c'est pourquoi la perspective d'un grand service public national de l'eau demeure un objectif d'une grande et pleine actualité.
    En définitive, c'est, au regard des choix budgétaires essentiels que vous retenez, une véritable hécatombe qui se prépare. Hécatombe conçue avec méthode et dans laquelle les budgets sécuritaires, civils et militaires monopolisent 60 % de l'augmentation de la dépense publique tandis que, pris ensemble, l'éducation, la culture, la recherche, l'aménagement du territoire ne recevront que 2 % à peine des mesures nouvelles.
    A sa manière, votre budget fait remonter à la surface ce vieux rêve du libéralisme de gendarmer la société quand ce n'est pas le monde, comme y prétend le Président Bush au nom des intérêts pétroliers américains.
    Après avoir vogué sur le populisme électoral dont les lois votées cet été demeureront tatouées dans nos mémoires, et dont le projet du ministre de l'intérieur fait craindre de nouveaux prolongements, après les coups de semonce des condamnations de José Bové, d'Alain Hébert, d'Ahmed Méguini, vous poursuivez ainsi le projet insidieux de mieux maîtriser demain les luttes sociales et les colères que nourrissent vos choix d'aujourd'hui.
    Pour ces raisons encore, votre projet budgétaire est irrecevable. Il trace d'ailleurs les limites de votre véritable intérêt pour les attentes de la société française en matière de décentralisation et de démocratie citoyenne ou parlementaire.
    Et puisque j'ai évoqué le dossier de la décentralisation, que vous vous proposez de traiter à la hussarde...
    M. Louis Giscard d'Estaing. Oh là !
    M. Alain Bocquet. ... je redirai ici la revendication exprimée par les parlementaires communistes, se faisant l'écho des interpellations qui leur sont adressées dans leurs départements ou leurs circonscriptions.
    Il est indispensable d'engager une véritable et vaste concertation sur l'ensemble du territoire, avant que des décisions engageant la construction future de la République ne soient prises. Il faut par conséquent - et je le redis solennellement au Gouvernement - initier au plus vite une consultation de l'ensemble des conseils municipaux sur les propositions avancées et préparer dès à présent celle du peuple français par voie référendaire.
    Je crois par conséquent l'avoir suffisamment établi : votre projet de loi de finances pour 2003, loin de s'attaquer aux maux qui frappent la société française, va contribuer à en accélérer l'expansion. Le budget que vous nous proposez souffre d'une répartition inadaptée de la dépense, insuffisante en volume, qui contribuera directement à déprimer la demande des ménages et des entreprises.
    Contrairement à vos prédictions, monsieur le ministre du budget, votre budget ne sera pas un budget pour la croissance. Et l'absence de mobilisation contre la faiblesse de la croissance sera même directement à l'origine de milliers de suppressions d'emplois supplémentaires, si celle-ci demeure, comme c'est probable, très en deçà des 2 %.
    Vos décisions suppriment des milliers d'emplois de fonctionnaires et dessinent la perspective d'amplifier jusqu'à l'industrialiser le non-remplacement des personnels partis en retraite. Vous accumulez les concessions faites au patronat alors qu'en prenant dix-huit milliards d'euros sur les sommes qui financent les baisses de cotisations accordées, il serait possible d'alimenter un fonds national décentralisé réduisant les charges du crédit des entreprises. On imagine l'apport que cela représenterait pour les PME, le commerce ou l'artisanat.
    Mais la conception de l'économie dont vous êtes porteur est l'exact inverse de celle-ci. Elle vous conduit à créer un dispositif « jeunes en entreprise » qui précarise leur insertion et tire les salaires vers le bas, ou bien encore à rejeter toute perspective de promotion d'une productivité fondée sur le développement des capacités humaines, et donc sur l'emploi qualifié, correctement rémunéré.
    Dans la société que vous nous proposez en modèle, l'entreprise voit ses charges financières peser toujours plus lourd, très au-delà de ses cotisations sociales alors qu'elle verse plus de subsides à ses actionnaires qu'elle n'en reçoit d'eux. A sa manière, la mauvaise répartition de la fiscalité que vous mettez délibérément en oeuvre nourrit ces dérives.
    L'impôt est injuste dans son calcul et dans sa répartition. Il serait donc indispensable d'engager une véritable réforme démocratique de notre fiscalité.
    M. Dominique Dord. Que ne l'avez-vous fait !
    M. Alain Bocquet. Nous l'avions proposé. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Nous étions minoritaires dans la majorité, mon cher ami ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. François Goulard. Oui, mais il fallait le dire !
    M. François Liberti. Mais faites-le, messieurs de la majorité !
    M. Alain Bocquet. Faites-le donc ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Poursuivez, monsieur Bocquet.
    M. Alain Bocquet. Il n'est ni socialement juste ni économiquement efficace de ne pas intégrer les actifs financiers des entreprises dans l'assiette de la taxe professionnelle.
    De même, il faudrait moduler l'impôt des sociétés en fonction de l'origine de leurs profits, selon qu'il s'agit de placements financiers ou du résultat direct de l'activité de l'entreprise.
    M. François Goulard. Oui, il y a les bons et les mauvais !
    M. Alain Bocquet. Qui ne voit, enfin, la nécessité de rétablir la progressivité de l'impôt afin de pallier, comme je l'indiquais, l'injustice de sa répartition. Cela suppose une réforme de son barème rétablissant les plus hautes tranches. Cela demande aussi de soumettre à imposition les revenus financiers largement exonérés et de redéfinir l'impôt de solidarité sur la fortune.
    Dans une interview parue dans un grand quotidien de province, Eric Pichet, auteur d'un Guide pratique de l'ISF 2002, qui en parle par conséquent en expert, considère que celui-ci ne saurait constituer l'indice de la richesse intérieure de la France : « Car, déclare-t-il catégoriquement, l'une de ses caractéristiques principales, c'est de ne pas prendre en compte les biens professionnels. Ainsi, l'essentiel du patrimoine des deux cents plus grosses fortunes françaises, celles qui sont au-dessus du milliard de francs, n'est pas imposé. »
    M. Jean-Michel Fourgous. Essayez un peu d'imposer les biens professionnels et ce sont cent mille entrepreneurs qui quitteront la France !
    M. Alain Bocquet. Et il ajoute peu après : « On a pris l'habitude de dire que cet impôt frappe les millionnaires et exonère les milliardaires. »
    C'est dire les perspectives de rendement qui demeurent largement ouvertes pour cet élément de notre fiscalité dont certains membres de votre majorité redoutent paradoxalement qu'il puisse constituer « un handicap pour l'attractivité du territoire » ! J'en déduis qu'à l'heure de son hypothétique réforme, dont les contours demeurent on ne peut plus flous, le risque n'est pas écarté, au contraire, de vous voir céder à la tentation de le supprimer. J'ai entendu le président de la commission des finances. Il y a eu certains précédents, nul ne l'ignore ici. On peut donc craindre une proposition allant en ce sens au cours même de ce débat budgétaire.
    Et ce ne sont pas les dix Français classés dans les trois  cents plus grandes fortunes mondiales, de Mme Bettencourt à 15 milliards de dollars... (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle).
    M. François Goulard. Ah, ça nous manquait !
    M. Bernard Accoyer. C'est du Brard dans le texte !
    M. Alain Bocquet. ... jusqu'à Martin Bouygues avec 1,7 milliard qui vous le reprocheraient, messieurs de la majorité ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Nous apprécions que vous défendiez les intérêts de Mme Bettecourt, chers amis ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Dominique Dord. On aimerait bien qu'elle reste en France !
    M. Alain Bocquet. Pourtant, il est possible, et nous le montrerons dans le cadre du débat budgétaire, de mobiliser plus largement l'ISF au service de la solidarité et d'améliorer du même coup son efficacité incitatrice pour l'emploi en prenant en compte la manière dont se constituent aujourd'hui les plus grands patrimoines.
    En confirmant votre volonté de réduire de 30 % durant la législature,...
    M. Bernard Accoyer. C'est bientôt fini ? (Protestations sur les bancs du groupe des députées communistes et républicains.)
    M. Alain Bocquet. Non, ce n'est pas fini ! Je dispose d'une heure et demie. Ne comptez pas sur moi pour m'arrêter avant ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Jacques Desallangre. Ecoutez ! C'est instructif !
    M. Alain Bocquet. En confirmant, disais-je, votre volonté de réduire de 30 %, durant la législature l'impôt sur le revenu, vous renforcez après les mesures du collectif budgétaire de juillet une double imposture : d'une part, ce choix écarte 50 % des Français que l'insuffisance de leurs moyens exonère de cette imposition ; d'autre part, l'effort fiscal que représente l'imposition indirecte frappe, lui, pleinement, ces catégories de nos concitoyens.
    On l'a vu avec la première baisse que vous avez mise en oeuvre, l'essentiel du bénéfice de ce dispositif tombe droit dans l'escarcelle des plus nantis et conforte leurs placements, tandis que la consommation générale des ménages continue, elle, de stagner. Enfin, moins de recettes, c'est moins de dépenses, donc moins de services pour la population et moins de prolongements donnés à ses attentes.
    Le logement social est au nombre de celle-ci. Je l'évoquerai brièvement car l'ampleur des difficultés qui lui sont opposées tient finalement en peu de chiffres. J'en citerai deux. Celui d'abord, car il est exemplaire, du nombre de demandeurs en attente pour la seule ville de Paris. Ils sont 100 000 sans compter les familles et personnes « sans papiers » qui ne peuvent par conséquent s'inscrire.
    Autre chiffre, celui de l'écart considérable entre les besoins annuels de construction et les financements annoncés pour 2003. Vous prévoyez 54 000 constructions de logements quand il en faudrait 100 000. Et la menace d'une croissance très éloignée de vos estimations fait redouter que ce programme, déjà largement insuffisant, passe à la trappe.
    Le récent congrès des HLM a dénoncé le blocage dans les préfectures des crédits PALULOS, le rythme accéléré des expulsions à l'approche de l'hiver, l'absence de revalorisation des aides au logement, alors qu'elle aurait dû intervenir dès le début du mois de juillet, la déréglementation générale du marché de l'immobilier.
    Comment pourrions-nous tenir pour recevable un projet de loi de finances qui intègre une baisse du budget du logement chiffrée à quelque 300 millions d'euros ? « Il s'agit de baisses ciblées », soulignent les associations de locataires. « Elles concernent le fonds de solidarité logement, la résorption de l'habitat insalubre, les associations de réinsertion par le logement ainsi que les aides à la construction et à l'amélioration de l'habitat (...) Au nom de la défense du service public et du droit au logement pour tous, celui-ci doit redevenir une priorité et non un simple parking social. » La hiérarchisation des réponses que propose votre budget sur ce point n'est pas innocente, rappellent enfin ces associations qui dénoncent le fait que votre Gouvernement place, loin devant le logement social, l'accession à la propriété et le locatif privé.
    Cet enjeu du logement est d'autant plus crucial aujourd'hui qu'il constitue un poste de dépense de plus en plus lourd pour les ménages, ce qui conforte l'exigence de revalorisation du pouvoir d'achat des salariés et des familles.
    Les centres communaux d'action sociale des communes sont quotidiennement confrontés aux situations de foyers en surendettement, mis dans l'incapacité de faire face aux dépenses les plus courantes, depuis précisément le loyer jusqu'à l'électricité, le téléphone, l'essence pour la voiture, souvent indispensable pour aller au travail quand il y en a.
    Il n'est pas rare de voir des familles de trois personnes disposant d'à peine plus de 900 euros, c'est-à-dire le SMIC, sacrifier purement et simplement, l'habillement, l'essence, les dépenses de services, les loisirs, les vacances, les frais de scolarité d'école primaire, pour tenter de finir le mois.
    Mme Muriel Marland-Militello. Il ne faut peut-être pas exagérer !
    M. Alain Bocquet. C'est la réalité, madame ! Venez donc dans certains quartiers populaires ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jacques Desallangre. Elle n'y va jamais !
    M. Alain Bocquet. Sortez un peu de vos beaux quartiers et de vos villas ! (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)
    M. Dominique Dord. Démago !
    M. François Grosdidier. Le PC est battu même dans les quartiers de HLM, monsieur Bocquet !
    M. Jean-Pierre Brard. Soyez prudent, monsieur Grosdidier, un retour de flamme est vite arrivé !
    M. François Grosdidier. Le PC a été battu par le Front national !
    M. le président. Un peu de calme, mes chers collègues ! Laissez M. Bocquet poursuivre son propos.
    M. Alain Bocquet. Voilà des familles qui vivent par conséquent avec, sur les épaules, le poids d'un crédit constant à la consommation car il n'y a tout simplement plus de marge. Si l'on devait pousser l'étude plus loin, on s'apercevrait que nombre de salariés et de foyers des couches moyennes sont également concernés et qu'il ne reste rien, par exemple, à un couple avec deux enfants et 2 500 euros de revenus, au moment d'assumer les dépenses de chaque mois. Là encore, les postes de services, l'habillement, les loisirs, les vacances sont systématiquement sacrifiés.
    Entre autres choses, cela renforce donc le caractère prioritaire des dépenses sociales de l'Etat, au nombre desquelles la protection sociale et la santé, dont l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale nous permettra d'aborder le détail. Son interaction avec la loi de finances est évidente et entière. L'analyse du budget du ministère de la santé établira comment vous entendez réduire le périmètre de l'assurance maladie en tant que système de garantie collective, solidaire et universelle, pour individualiser à grands pas la protection sociale comme vous prévoyez de le faire pour la retraite, avec la généralisation des fonds de pension.
    Tout dans le choix de recettes que vous avez opéré - vous écartez notamment le recours à de nouvelles sources de financement - rend votre démarche également irrecevable sur ce point. Elle ne sera, en effet, d'aucun recours durable au moment, par exemple, de devoir régler les problèmes budgétaires des centres hospitaliers.
    Vous condamnez ainsi les hôpitaux à vivre à découvert. La conférence des directeurs des centres hospitalo-universitaires a montré que le déficit de ces seuls établissements s'élèvera à 300 millions d'euros en 2002, ce qui engloutit déjà la rallonge du même montant dont il vous a bien fallu annoncer, dès juillet, l'attribution aux hôpitaux publics.
    M. Richard Mallié. La faute à qui ?
    M. Alain Bocquet. Pour l'ensemble de ces derniers, la même conférence des directeurs de CHU table sur un déficit de 1,5 milliard d'euros à la fin de l'année 2002.
    La Fédération hospitalière de France dénonce, de son côté, la progression insuffisante de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM, proposée à 5,3 % pour 2003, alors qu'il faudrait au minimum fixer son évolution à 6,1 % pour envisager la perspective, estime cette fédération, d'un « bon fonctionnement des établissements ».
    Les budgets peinent à assumer, parmi d'autres charges, l'évolution du coût des médicaments, des technologies et des matériels qui permettent des soins de plus en plus performants.
    La décision de dérembourser plus de 650 médicaments, le projet, et je cite M. le ministre de la santé, « d'accompagner la recomposition de l'offre hospitalière », ou encore la sous-estimation de l'évolution nécessaire de l'ONDAM et le refus d'envisager le « rebasage » des budgets hospitaliers, que réclament leurs administrateurs, en disent long sur la prétendue volonté de « tourner la page » de la « maîtrise comptable » des dépenses de santé, proclamée par votre gouvernement.
    M. Bernard Schreiner. C'est votre héritage !
    M. Alain Bocquet. C'est pourquoi nous demandons que vos propositions budgétaires intègrent, entre autres dispositifs, d'une part, la suppression de la taxe sur les salaires versée par les hôpitaux qui permettrait la création, dès cette année, de 50 000 emplois et, d'autre part, l'application d'un taux réduit de TVA pour les travaux d'entretien et d'amélioration des établissements.
    Nous saluons également comme il se doit le succès obtenu par les associations qui contestaient le déremboursement de la colimycine dont on sait qu'elle intervient dans le traitement de la mucoviscidose. Ce succès démontre, en effet, s'il en était besoin, que la vigilance et la détermination peuvent mettre en échec les excès d'une politique strictement soucieuse de culpabiliser les usagers de la santé, sous couvert, mais la démarche n'est pas nouvelle, de les responsabiliser.
    Nous n'avons jamais manqué, dans le passé, de dénoncer les limites, les insuffisances, les dangers et les dérives des lois de financement de la sécurité sociale, et nous ne les avons pas votées parce qu'elles n'avaient pas pour axe principal le droit à la santé et à la protection sociale pour tous.
    Aussi, nous sommes d'autant plus déterminés à faire échec au budget de la santé et au projet de loi de financement sur la sécurité sociale que vous allez proposer, qu'ils ne feront qu'aggraver les pires travers des politiques qui ont été, pour partie, engagées précédemment.
    Monsieur le ministre, chers collègues, le Premier ministre en appelait, le 3 juillet dernier, à l'« unité nationale ». Or celle-ci est bien évidemment inconcevable dans les termes définis par la politique de votre gouvernement et par cette loi de finances. Ce que vous proposez, en fait, et je crois l'avoir démontré, c'est de creuser les inégalités de vie, les exclusions (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. - « Eh oui ! » sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains), les antagonismes, les désespérances. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Allez donc en discuter avec les 20 000 salariés qui sont menacés par les plans sociaux que j'évoquais tout à l'heure, avec ceux de Moulinex, qui ne retrouvent pas de travail, ou ceux d'Alcatel, par exemple. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. François Grosdidier. C'est le résultat de votre gestion !
    M. Marc Laffineur. N'oubliez pas les licenciés de la place du Colonel-Fabien, monsieur Bocquet !
    M. Alain Bocquet. Nous reparlerons de votre gestion dans quelques mois !
    M. Dominique Dord. Non, de la vôtre !
    M. Alain Bocquet. Les Français ne tarderont pas à comprendre !
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Ils ont compris !
    M. le président. Poursuivez, monsieur Bocquet !
    M. Alain Bocquet. On me barre la route, monsieur le président ! (Rires et exclamations sur le bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Vous proposez en fait d'aggraver les désespérances et les rancoeurs, facteurs de violence sociale, de saper les réseaux de solidarité que tisse le service public, tant dans la vie quotidienne des Français que dans l'aménagement du territoire, du plus petit village à la plus grande agglomération.
    M. Dominique Dord. Et vous, qu'avez-vous fait depuis vingt-cinq ans ?
    M. Alain Bocquet. Vous proposez d'asservir et de décourager le monde du travail et celui de la création.
    Un des projets dont nous aurons prochainement à débattre, est, pour ce que vous en avez jusqu'ici laissé connaître, tristement et dangereusement illustratif de vos intentions. Il s'agit bien sûr du texte relatif à la sécurité qui s'élabore Place Beauveau et qui, déjà, soulève les protestations de la magistrature (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française),...
    M. François Grosdidier. De quels magistrats ?
    M. Alain Bocquet. ... des associations de défense des droits de l'homme et d'une partie des forces de police. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. François Grosdidier. Vous n'avez rien compris au peuple, monsieur Bocquet !
    M. Alain Bocquet. Nous aurons l'occasion d'y revenir !
    Je constate en tout cas, et ce sera là ma conclusion (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) que l'appréciation qu'en a donnée la Ligue des droits de l'homme pouvait tout aussi bien s'appliquer à votre projet de loi de finances pour 2003, qui lui aussi déclare « la guerre aux pauvres ». (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Il justifie ainsi pleinement que soit retenue à son encontre la motion d'irrecevabilité que j'ai l'honneur de soumettre au vote par scrutin public de notre assemblée au nom des député-e-s communistes et républicains. (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Mesdames, messieurs, aux termes du quatrième alinéa de l'article 91 du règlement de l'Assemblée nationale, l'exception d'irrecevabilité vise à démontrer que le texte en discussion est contraire à la Constitution. Le moins qu'on puisse dire, monsieur Bocquet, et j'ai écouté avec beaucoup d'attention votre exposé...
    M. Jean-Pierre Brard. C'est très bien !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... c'est que vous n'avez pas abusé des motifs constitutionnels pour fonder votre motion ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Cela allégera d'autant ma réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Pierre Brard. Il ne faut pas être si formaliste, monsieur le ministre !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Vous ne vous êtes pas privé, en revanche, de critiquer globalement la politique du Gouvernement, ce qui, d'un certain point de vue, est plutôt rassurant. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Vous vous opposez par exemple à la construction européenne. Sachez que, pour le Gouvernement, la construction européenne est une chance.
    M. Henri Emmanuelli. Ça se voit !
    M. François Grosdidier. M. Emmanuelli n'a pas l'air d'accord !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. S'agissant du budget de la culture - mais sans doute n'avez-vous pas eu le temps de l'examiner totalement -, vous craignez une baisse des crédits, notamment pour le spectacle vivant. Soyez rassuré : ces crédits ont été au contraire majorés.
    M. Jean-Pierre Brard. Si l'on compte les rémunérations ministérielles dans le lot, c'est sûr !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Certes, soyons justes, les crédits d'équipement ont été ajustés, mais vous savez parfaitement que ceux-ci n'ont pas été consommés ces dernières années.
    Vous avez par ailleurs critiqué le prélèvement sur les excédents de la CNAV. François Fillon a déjà répondu à une question allant dans ce sens à l'occasion des questions d'actualité : les retraites du secteur privé ne seront pas ponctionnées d'un seul euro. La mesure proposée vise simplement à améliorer l'équité d'un système de compensation qui, depuis 1974, concerne trois régimes. L'Etat a d'ores et déjà aidé des régimes en moins bonne santé démographique tels ceux des artisans, des agriculteurs ou des professions libérales. Je n'évoquerai que pour mémoire les transferts que vous avez organisés depuis 1983 en provenance justement de la CNRACL...
    M. Richard Mallié. Les élus locaux en savent quelque chose !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... vers le régime général d'assurance maladie. Comme le disait parfaitement François Fillon cet après-midi, cette mesure montre ce qui devra guider la réforme des retraites : l'équité.
    J'en viens à la question du pouvoir d'achat. Soyons clairs : le pouvoir d'achat des Français est renforcé et amélioré grâce à ce budget...
    M. Jacques Desallangre. Quels Français ?
    M. Gilles Carrez, rapporteur général. Tous !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... grâce à la convergence par le haut des SMIC, grâce à la baisse de l'impôt sur le revenu et grâce à la PPE...
    M. Augustin Bonrepaux. Mais enfin, vous ne faites rien sur la PPE ! Soyez objectif !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. ... sans parler de la liberté aujourd'hui rendue dans ce pays à tous ceux qui le veulent de travailler. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. François Grosdidier. Liberté et travail : voilà deux mots auxquels les socialistes sont allergiques !
    M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Je pourrais encore reprendre bien d'autres points de votre exposé, monsieur Bocquet. Mais l'exception d'irrecevabilité portant sur la constitutionnalité du texte qui est en discussion, je m'arrêterai là, invitant simplement l'Assemblée nationale à rejeter cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. Sur le vote de l'exception d'irrecevabilité, je suis saisi par le groupe des député-e-s communistes et républicains d'une demande de scrutin public.
    Avant de donner la parole aux orateurs inscrits dans les explications de vote, je vais, d'ores et déjà, faire annoncer le scrutin de manière à permettre à nos collègues de regagner l'hémicycle.
    Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
    Dans les explications de vote, la parole est à M. François Goulard.
    M. François Goulard. En écoutant M. Bocquet, je me suis fait les mêmes réflexions que le ministre Alain Lambert.
    M. Jacques Desallangre. L'unité n'est pas surprenante !
    M. Gilbert Biessy. Cela ne vous grandit pas !
    M. François Goulard. M. Bocquet n'est pourtant pas un nouveau parlementaire.
    On aurait pu comprendre que certains de nos collègues, arrivés depuis quelques semaines dans cet hémicycle, ne connaissent pas la signification précise de cette expression un peu barbare d'exception d'irrecevabilité. Elle vise en effet à exciper d'arguments qui prouvent que le texte proposé n'est pas conforme à notre Constitution. Or, il n'y avait pas le début de l'esquisse de l'ébauche du commencement d'un argument juridique dans l'exposé de M. Bocquet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jacques Desallangre. C'est un déni de justice !
    M. François Goulard. Je n'irai pas jusqu'à prétendre que lorsque nous étions dans l'opposition, nos motions de procédure étaient toujours fondées...
    M. Alain Bocquet. Tu parles !
    M. François Goulard. ... sur des argumentations exclusivement constitutionnelles.
    M. Jacques Desallangre. Ah, quand même !
    M. François Goulard. Mais nous nous efforcions toujours de consacrer au moins une partie de nos exposés à chercher à démontrer que le texte n'était pas conforme à la Constitution.
    M. Jacques Desallangre. Il est toujours plus sûr de s'auto-complimenter !
    M. François Goulard. Notre collègue Bocquet n'a pas fait cet effort et cela simplifie en quelque sorte les choses. Il s'est livré à une attaque en règle du budget présenté par le Gouvernement. Nous retrouvons ainsi le parti communiste tel que nous l'aimons (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle), systématiquement critique.
    M. Jacques Desallangre. De votre politique !
    M. François Goulard. Tout va mal et tout est de notre faute. Nous sommes immédiatement accusés de tous les maux. Pendant cinq ans, nous avons vu le Parti communiste jouer une espèce de pas de deux entre ses préoccupations de solidarité au sein de la majorité plurielle et ses soucis électoraux qui l'amenaient néanmoins à apporter un soutien quelquefois plus que critique au Gouvernement.
    M. Jacques Desallangre. Défendez votre budget, ne vous occupez pas de nous !
    M. François Goulard. Là, tout est clair : tout est mal et tout est de notre faute !
    Alors, je ne vais pas reprendre la démonstration - ce n'est pas le moment, et les ministres, le rapporteur général, le président de la commission des finances ont excellé tout à l'heure dans cet exercice -, mais, dans les circonstances difficiles que nous connaissons...
    M. Pierre Hellier. La faute à qui ?
    M. François Goulard. ... très largement à cause de l'ancienne majorité, ce budget est incontestablement le meilleur budget que l'on pouvait construire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Philippe Briand. Il faut voir le champ de ruines qu'ils ont laissé !
    M. Jacques Desallangre. Il a osé !
    M. Pierre Hellier. L'héritage !
    M. François Goulard. Pour être bref, nous savons que, dans le moyen et le long terme, les prélèvements publics doivent impérativement être réduits. Pour ce faire, il faudra que la dépense publique le soit aussi. C'est un objectif qui est destiné à assurer la compétitivité de notre pays, donc sa croissance, et il n'y a pas de distribution de richesses sans croissance. Telle est la voie que tous les pays qui ont réussi autour de nous ont suivie.
    M. André Schneider. Même la Chine !
    M. François Goulard. Mais nous étions conscients que, dans le court terme, confrontés à une difficulté réelle, à un budget en cours d'exécution qui était insincère, il ne fallait pas réduire brutalement la dépense publique, au risque de compromettre les espoirs de retour à la croissance.
    M. Philippe Briand. Très bien !
    M. François Goulard. Cet équilibre difficile, c'est tout l'art du budget qui vous est présenté. Et, pour ma part, je tiens à dire que ce budget est remarquable...
    Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle. Très bien !
    M. François Goulard. ... car il répond à des objectifs quelquefois contradictoires (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle) puisqu'il est destiné à la fois à soutenir la croissance, à assurer toutes les dépenses publiques qui sont nécessaires et à montrer la bonne direction en amorçant les réformes qui demain seront indispensables pour notre pays.
    M. Pierre Hellier. Retirez votre motion, monsieur Bocquet !
    M. François Goulard. Alors, oui, l'UMP, d'une seule voix,...
    M. Jean-Pierre Brard. Quel bel exemple de centralisme démocratique !
    M. François Goulard. ... repoussera cette exception d'irrecevabilité qui n'a même pas été défendue ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe de l'Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La parole est à M. Augustin Bonrepaux, pour le groupe socialiste. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Bernard Accoyer. Est-ce qu'il a pris ses calmants ?
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le président, nous voterons cette exception d'irrecevabilité pour plusieurs raisons. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Dominique Dord. Pour quel motif constitutionnel ?
    M. Augustin Bonrepaux. D'abord, ce budget n'est pas sincère, sur deux points particulièrement.
    D'abord, vous avez commencé à manipuler les comptes lors du collectif. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Dominique Dord. Incroyable !
    M. Augustin Bonrepaux. Maintenant, vous prétendez geler le déficit alors que vous l'avez vous-même aggravé de neuf milliards, nous l'avons démontré. (Protestations sur les mêmes bancs.)
    Une autre raison de voter l'exception d'irrecevabilité, c'est votre absence de réponse sur la croissance. Cela fait plusieurs séances que nous interrogeons M. Mer, il est toujours aussi évasif, M. Méhaignerie aussi. Bref, qui peut prétendre aujourd'hui que la prévision de croissance est réaliste et que la majorité y croit ?
    On nous dit qu'il s'agit d'un budget pour l'emploi.
    M. Philippe Briand. Eh oui !
    M. Augustin Bonrepaux. Vous y avez vu des mesures pour l'emploi, vous ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Vous n'êtes même pas capables de nous fournir - il faudra tout de même bien y arriver - le nombre de contrats CES dans ce budget ! (Exclamations sur les mêmes bancs.) On nous dit 240 000, nous en trouvons 80 000. Il faudra nous expliquer la différence !
    M. François Grosdidier. Il y a d'autres emplois que les CES et les Français aspirent à autre chose !
    M. Augustin Bonrepaux. Monsieur le ministre, vous expliquez vous-même dans le rapport qui accompagne le projet que la baisse des impôts n'a aucun effet sur la consommation !
    M. Philippe Briand. Rien n'a d'effet sur rien, selon vous !
    M. Augustin Bonrepaux. Si vous n'y croyez pas vous-même, comment pouvez-vous nous convaincre que la baisse d'impôt soutient la croissance ?
    J'aurai l'occasion tout à l'heure de montrer combien vos mesures fiscales sont injustes. Il faut tout de même avoir un peu de culot (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle)...
    M. Dominique Dord. Et même beaucoup !
    M. Augustin Bonrepaux. ... pour nous expliquer qu'une revalorisation de la prime pour l'emploi de 280 millions constitue une revalorisation du pouvoir d'achat pour 8 millions de travailleurs ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Allez donc le leur expliquer ! (« Oui ! » sur les mêmes bancs.)
    Par ailleurs, j'ai souvent entendu beaucoup de mes collègues des zones défavorisées s'interroger sur les services publics et réclamer, récemment encore, le maintien de La Poste et la garantie de la viabilité hivernale. Maintenant, le mot d'ordre est qu'il faut réduire les recettes. Mais comment faites-vous fonctionner les services publics dans les zones défavorisées ?
    M. François Grodidier. En gérant mieux, pardi !
    M. Augustin Bonrepaux. N'est-ce pas l'éducation,...
    M. Philippe Briand. Qui a parlé de « dégraisser le mammouth » ?
    M. Augustin Bonrepaux. ... ne sont-ce pas toutes les zones défavorisées et les zones de montagne qui vont en faire les frais ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Vous organisez, il faut bien l'admettre, un territoire à deux vitesses. Profitez-en maintenant (Exclamations sur les mêmes bancs) parce que dans quelque temps, il vous faudra l'expliquer et ce sera beaucoup plus difficile !
    M. le président. Concluez, monsieur Bonrepaux !
    M. Augustin Bonrepaux. Je termine, monsieur le président.
    Je conclurai sur les collectivités locales. (« Enfin ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) On nous parle de décentralisation, mais ce budget remet déjà en cause la péréquation, j'aurais l'occasion de l'expliquer, il consacre aussi un transfert de charges sur les collectivités locales. (Protestations sur les mêmes bancs.)
    La meilleure façon de nous convaincre serait que M. le ministre des finances nous annonce tout à l'heure quels sont les crédits qu'il va accorder à l'allocation personnalisée d'autonomie. Nous n'avons pas de réponse. Proviendront-ils de l'éducation nationale ou des routes nationales ? Nous avons donc toutes les raisons d'être inquiets quand on nous dit qu'avec la « déliaison » des taux, on pourra augmenter davantage les impôts locaux, c'est-à-dire substituer à l'impôt sur le revenu, le plus juste, les impôts les plus injustes, ceux perçus par les collectivités locales ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
    M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, messieurs les ministres, je pense que le secteur de l'édition mériterait de s'enrichir dans un nouveau dictionnaire, celui du langage de l'homme politique de droite sous l'ère Raffarin (Sourires.) Parce qu'enfin cet homme-là utilise des mots en essayant de les dévier de leurs sens.
    Certes, M. Goulard, avec l'aplomb qui le caractérise...
    M. Georges Tron. C'est de talent, et non d'aplomb qu'il s'agit !
    M. Jean-Pierre Brard. ... nous a dit que l'argumentation d'Alain Bocquet ne comportait aucun argument juridique, ni aucune référence au règlement de l'Assemblée nationale. (« C'est bien vrai ! » sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    Mais il y a quelque chose qui est plus fort que le juridisme derrière lequel vous vous dissimulez, c'est la justice et la morale, dont vous n'avez cure ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste.)
    Pourtant, vous devriez vous rappeler ce que M. le ministre de l'économie et des finances nous a répondu lors de son audition, après l'adoption du projet de loi de finances pour 2003 en conseil des ministres, à savoir que ses prévisions étaient aussi sincères que possible. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)

    Il a eu là un accès de sincérité, qui constitue un véritable aveu et mérite la reconnaissance de l'Assemblée nationale. Hélas, depuis, le Gouvernement s'est ressaisi et a relégué au rayon des accessoires la transparence, la sincérité et l'honnêteté pour y substituer l'enrobage, la dissimulation. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. François Grosdidier. Vous parlez en expert !
    M. Yves Deniaud. Avec vous, on a eu des mensonges pendant cinq ans !
    M. Jean-Pierre Brard. Il est vrai que M. Jean-Pierre Raffarin a embauché dans son équipe une grande prêtresse de la communication qui explique comment utiliser les mots pour qu'ils ne soient pas compris. (« Des noms ! Des noms ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    J'y viens. Votre spécialité, messieurs les ministres, c'est l'endormissement !
    M. Georges Tron. Et la vôtre, l'anesthésie !
    M. Jean-Pierre Brard. Vous savez embobiner votre monde ! Vous disiez tout à l'heure à la tribune, monsieur Francis Mer, que vous aviez fait le pari de la liberté pour les citoyens, pour les consommateurs et pour les entreprises.
    M. François Grosdidier. Vous n'aimez pas le mot liberté, il faut vous y habituer !
    M. Jean-Pierre Brard. Je vous cite car je pense avoir noté correctement vos propos. Mais de quelle liberté s'agit-il pour les citoyens qui doivent prendre leur voiture pour aller chercher du travail et qui n'ont pas assez d'argent pour payer l'essence et se nourrir correctement, eux qui un jour sur deux, ont le choix entre les nouilles ou les pommes de terre ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. Philippe Briand. Mais qu'avez-vous fait, vous, pendant cinq ans ?
    M. Jean-Pierre Brard. Evidemment, vous, vous êtes les héritiers de Marie-Antoinette et de ses brioches ! Nous, nous sommes de la lignée des femmes qui étaient allées manifester à Versailles. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Quelle est la liberté des consommateurs qui doivent passer devant les rayons en renonçant aux produits de qualité ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Comment faites-vous pour joindre les deux bouts à la fin du mois quand vous n'avez que le RMI ou le SMIC ? (Mêmes mouvements.)
    Evidemment, M. Francis Mer a raison de parler de la liberté pour les entreprises, c'est-à-dire de la liberté...
    M. François Grosdidier ... de travailler pour les salariés !
    M. Jean-Pierre Brard ... de jeter les salariés une fois qu'elles les ont pressés comme des citrons, cela vient d'arriver à Alençon, dans une entreprise que connaît bien M. le ministre du budget.
    M. Philippe Briand. C'est le résultat de votre gestion ! On ne va tout de même pas payer pour vous !
    M. Jean-Pierre Brard Quelle est leur liberté à ces gens-là ? La liberté de travailler quant on a été jeté ? Il faut, selon vous, messieurs les ministres, baisser les impôts et les charges. Mais dites toute la vérité ! Quand on baisse les impôts, on réduit les services publics. (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Quand on baisse les charges, on diminue les rentrées des régimes sociaux. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    Maîtriser les dépenses, faire d'autres choix,...
    M. François Grosdidier Faire d'autres choix ? La France les a faits il y a six mois !
    M. Jean-Pierre Brard ... c'est, comme vous le faites dans votre projet de budget, réduire les dépenses de l'éducation nationale, de la culture, de l'emploi, de la santé, de la recherche, du logement...
    Vous avez dit la vérité tout à l'heure à la tribune, monsieur Francis Mer, en évoquant une hypothèse : « et si la réalité n'est pas conforme à nos prévisions ? » (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. François Grosdidier Cela vous est arrivé souvent !
    M. Philippe Briand Vous en savez quelque chose !
    M. Jean-Pierre Brard Dans votre for intérieur, messieurs les ministres, vous le savez bien, vous n'avez pas besoin de piqûre de sérum de vérité, les 2,5 % de croissance, vous ne les aurez pas !
    M. Edouard Laudrain. Défaitiste !
    Vous avez répondu : « on régulera ». Votre budget n'est donc pas sincère...
    M. Richard Mallié. Et votre budget pour 2002, donc ?
    M. Jean-Pierre Brard. ... puisque, d'ores et déjà, vous savez qu'à peine il aura été voté, il vous faudra sortir les ciseaux.
    M. François Goulard. Interrogez M. Fabius ! Il vous donnera la recette !
    M. Jean-Pierre Brard. Vous devriez pourtant vous rappeler ce qui s'est passé il y a douze jours dans notre pays, la manifestation du 3 octobre. Les Français, malgré vos efforts, ne dorment pas, ils sont en éveil ! Vous avez simplement oublié que le 21 avril et le 5 mai, nos concitoyens n'ont pas validé vos choix. Le 5 mai, ils se sont simplement dressés ensemble contre l'extrême droite. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.) Et en voulant leur faire dire autre chose que ce qu'ils ont exprimé... vous essayez de les abuser.
    M. le président. Monsieur Brard, il faut conclure.
    M. Jean-Pierre Brard. Vous comprendrez donc, monsieur le président, que c'est avec enthousiasme que nous voterons cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur quelques bancs du groupe socialiste.)
    M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe UDF.
    M. Philippe Folliot. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, Alain Bocquet a parlé. Il a, très, très longuement parlé...
    M. Dominique Dord. Trop longtemps !
    M. Philippe Folliot. ... mais il était hors sujet ! Je tiens à dire, monsieur Brard, que vous avez une grande capacité à travestir la réalité à certains moments et à donner des leçons.
    M. Edouard Landrain. C'est tout un art !
    M. Philippe Folliot. Ce n'est pas digne au regard de ce qui s'est passé ces cinq dernières années.
    M. Jean-Pierre Brard. Bigre !
    M. Philippe Folliot. Je n'entrerai pas dans le vif du sujet en aussi longuement que vous pour répondre aux arguments de M. Bocquet, qui, pour la plupart d'entre eux, n'avaient pas leur place dans ce débat.
    Puisque rien, sur le fond, ne la justifiait, le groupe UDF et apparentés votera contre l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
    M. le président. Je vous prie de bien vouloir regagner vos places.
    Je vais mettre aux voix l'exception d'irrecevabilité.
    Je rappelle que le vote est personnel et que chacun ne doit exprimer son vote que pour lui-même et, le cas échéant, pour son délégant, les boîtiers ayant été couplés à cet effet.
    Le scrutin est ouvert.
    M. le président. Le scrutin est clos.
    Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants   204
Nombre de suffrages exprimés   204
Majorité absolue   103
Pour l'adoption   46
Contre   158

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
    M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

ORDRE DU JOUR
DE LA PROCHAINE SÉANCE

    M. le président. Ce soir, à vingt et une heures trente, troisième séance publique :
    Suite de la discussion générale du projet de loi de finances pour 2003, n° 230 :
    M. Gilles Carrez, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du Plan (rapport  n° 256).
    La séance est levée.
    (La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu intégralde l'Assemblée nationale,
JEAN PINCHOT
annexes au procès-verbal
de la 2e séance
du mardi 15 octobre 2002
SCRUTIN (n° 26)


sur l'ensemble du projet de loi relatif aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi.

Nombre de votants

533


Nombre de suffrages exprimés

533


Majorité absolue

267


Pour l'adoption

373


Contre

160

    L'Assemblée nationale a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (364) :     Pour : 342. - MM. Jean-Claude Abrioux, Bernard Accoyer, Manuel Aeschlimann, Alfred Almont, Jean-Paul Anciaux, René André, Philippe Auberger, François d' Aubert, Jean Auclair, Bertho Audifax, Mme Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Jean Bardet, Mme Brigitte Bareges, MM. François Baroin, Jacques Barrot, Mme Sylvia Bassot, MM. Patrick Beaudouin, Joël Beaugendre, Jean-Claude Beaulieu, Jacques Bénisti, Jean-Louis Bernard, Marc Bernier, André Berthol, Jean-Michel Bertrand, Xavier Bertrand, Jean-Yves Besselat, Jean Besson, Gabriel Biancheri, Jérôme Bignon, Jean-Marie Binetruy, Claude Birraux, Étienne Blanc, Emile Blessig, Roland Blum, Jacques Bobe, Yves Boisseau, René Bouin, Roger Boullonnois, Gilles Bourdouleix, Mmes Chantal Bourragué, Christine Boutin, MM. Loïc Bouvard, Michel Bouvard, Ghislain Bray, Victor Brial, Philippe Briand, Jacques Briat, Mme Maryvonne Briot, M. Bernard Brochand, Mme Chantal Brunel, MM. Michel Buillard, Yves Bur, Christian Cabal, Dominique Caillaud, François Calvet, Antoine Carré, Gilles Carrez, Richard Cazenave, Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud, MM. Yves Censi, Jean-Yves Chamard, Hervé de Charette, Jean-Paul Charié, Jean Charroppin, Jérôme Chartier, Roland Chassain, Luc-Marie Chatel, Jean-Marc Chavanne, Gérard Cherpion, Jean-François Chossy, Jean-Louis Christ, Philippe Cochet, Georges Colombier, Mme Geneviève Colot, MM. François Cornut-Gentille, Louis Cosyns, René Couanau, Édouard Courtial, Jean-Yves Cousin, Alain Cousin, Yves Coussain, Jean-Michel Couve, Charles Cova, Paul-Henri Cugnenc, Henri Cuq, Olivier Dassault, Marc-Philippe Daubresse, Bernard Deflesselles, Lucien Degauchy, Francis Delattre, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Yves Deniaud, Bernard Depierre, Léonce Deprez, Jean-Jacques Descamps, Éric Diard, Jean Diébold, Michel Diefenbacher, Jacques Domergue, Renaud Donnedieu de Vabres, Jean-Pierre Door, Dominique Dord, Philippe Douste-Blazy, Guy Drut, Jean-Michel Dubernard, Philippe Dubourg, Gérard Dubrac, Jean-Pierre Dupont, Nicolas Dupont-Aignan, Mme Marie-Hélène des Esgaulx, MM. Christian Estrosi, Pierre-Louis Fagniez, Francis Falala, Yannick Favennec, Georges Fenech, Jean-Michel Ferrand, Alain Ferry, Daniel Fidelin, André Flajolet, Jean-Claude Flory, Nicolas Forissier, Jean-Michel Fourgous, Mme Arlette Franco, MM. Pierre Frogier, Yves Fromion, Claude Gaillard, Mme Cécile Gallez, MM. René Galy-Dejean, Daniel Gard, Jean-Paul Garraud, Daniel Garrigue, Claude Gatignol, Jean de Gaulle, Jean-Jacques Gaultier, Guy Geoffroy, Alain Gest, Jean-Marie Geveaux, Franck Gilard, Bruno Gilles, Georges Ginesta, Jean-Pierre Giran, Claude Girard, Maurice Giro, Louis Giscard d'Estaing, Claude Goasguen, Jacques Godfrain, François-Michel Gonnot, Jean-Pierre Gorges, François Goulard, Jean-Pierre Grand, Mme Claude Greff, MM. Gérard Grignon, François Grosdidier, Mme Arlette Grosskost, MM. Serge Grouard, Louis Guédon, Jean-Claude Guibal, Lucien Guichon, François Guillaume, Jean-Jacques Guillet, Gérard Hamel, Emmanuel Hamelin, Michel Heinrich, Pierre Hellier, Laurent Hénart, Michel Herbillon, Pierre Hériaud, Patrick Herr, Patrick Hoguet, Philippe Houillon, Jean-Yves Hugon, Michel Hunault, Sébastien Huyghe, Denis Jacquat, Édouard Jacque, Christian Jeanjean, Yves Jego, Mme Maryse Joissains-Masini, MM. Marc Joulaud, Alain Joyandet, Dominique Juillot, Didier Julia, Alain Juppé, Mansour Kamardine, Aimé Kergueris, Christian Kert, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, MM. Jacques Kossowski, Patrick Labaune, Yvan Lachaud, Marc Laffineur, Jacques Lafleur, Mme Marguerite Lamour, MM. Robert Lamy, Edouard Landrain, Pierre Lang, Pierre Lasbordes, Thierry Lazaro, Mme Brigitte Le Brethon, MM. Robert Lecou, Jean-Marc Lefranc, Marc Le Fur, Jacques Le Guen, Michel Lejeune, Pierre Lellouche, Dominique Le Mèner, Jean Lemiere, Jean-Claude Lemoine, Jacques Le Nay, Jean-Claude Lenoir, Gérard Léonard, Jean-Louis Léonard, Jean-Antoine Leonetti, Arnaud Lepercq, Pierre Lequiller, Jean-Pierre Le Ridant, Céleste Lett, Édouard Leveau, Mme Geneviève Levy, M. Gérard Lorgeoux, Mme Gabrielle Louis-Carabin, MM. Lionnel Luca, Daniel Mach, Alain Madelin, Richard Mallié, Jean-François Mancel, Thierry Mariani, Mme Muriel Marland-Militello, MM. Alain Marleix, Franck Marlin, Alain Marsaud, Jean Marsaudon, Mme Henriette Martinez, MM. Patrice Martin-Lalande, Philippe Martin (51), Alain Marty, Jacques Masdeu-Arus, Jean Claude Mathis, Pierre Méhaignerie, Christian Ménard, Alain Merly, Denis Merville, Damien Meslot, Gilbert Meyer, Pierre Micaux, Jean-Claude Mignon, Mme Marie-Anne Montchamp, M. Pierre Morange, Mme Nadine Morano, MM. Pierre Morel-A-L'Huissier, Jean-Marie Morisset, Georges Mothron, Étienne Mourrut, Alain Moyne-Bressand, Jacques Myard, Jean-Marc Nesme, Jean-Pierre Nicolas, Yves Nicolin, Hervé Novelli, Jean-Marc Nudant, Patrick Ollier, Dominique Paillé, Mme Françoise de Panafieu, M. Robert Pandraud, Mmes Béatrice Pavy, Valérie Pecresse, MM. Jacques Pélissard, Philippe Pemezec, Pierre-André Périssol, Bernard Perrut, Christian Philip, Etienne Pinte, Michel Piron, Serge Poignant, Mme Bérengère Poletti, M. Axel Poniatowski, Mme Josette Pons, MM. Daniel Poulou, Daniel Prévost, Christophe Priou, Jean Proriol, Didier Quentin, Michel Raison, Mme Marcelle Ramonet, MM. Éric Raoult, Jean-François Régère, Frédéric Reiss, Jean-Luc Reitzer, Jacques Remiller, Marc Reymann, Dominique Richard, Mme Juliana Rimane, MM. Camille de Rocca Serra, Vincent Rolland, Jean-Marie Rolland, Jean-Marc Roubaud, Max Roustan, Xavier de Roux, Martial Saddier, Francis Saint-Léger, Frédéric de Saint-Sernin, François Scellier, André Schneider, Bernard Schreiner, Jean-Marie Sermier, Georges Siffredi, Yves Simon, Jean-Pierre Soisson, Michel Sordi, Frédéric Soulier, Daniel Spagnou, Alain Suguenot, Mme Hélène Tanguy, MM. Jean-Charles Taugourdeau, Guy Teissier, Michel Terrot, Mme Irène Tharin, MM. André Thien Ah Koon, Jean-Claude Thomas, Dominique Tian, Jean Tiberi, Alfred Trassy-Paillogues, Georges Tron, Jean Ueberschlag, Léon Vachet, Christian Vanneste, François Vannson, Mme Catherine Vautrin, M. Alain Venot, Mme Béatrice Vernaudon, MM. Jean-Sébastien Vialatte, René-Paul Victoria, Philippe Vitel, Gérard Voisin, Michel Voisin, Jean-Luc Warsmann, Gérard Weber, Éric Woerth, Mme Marie-Jo Zimmermann et M. Michel Zumkeller.
    Non-votant : M. Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (142) :
    Pour : 1. - M. Alain Claeys.     Contre : 132. - Mme Patricia Adam, M. Damien Alary, Mme Sylvie Andrieux-Bacquet, MM. Jean-Marie Aubron, Jean-Marc Ayrault, Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Beauchaud, Eric Besson, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Patrick Bloche, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Marcel Cabiddu, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mme Claude Darciaux, M. Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Marcel Dehoux, Michel Delebarre, Jean Delobel, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufau, Jean-Louis Dumont, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Henri Emmanuelli, Claude Evin, Laurent Fabius, Albert Facon, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Jean Gaubert, Mmes Nathalie Gautier, Catherine Génisson, MM. Jean Glavany, Gaétan Gorce, Alain Gouriou, Mmes Elisabeth Guigou, Paulette Guinchard-Kunstler, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, MM. François Hollande, Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Serge Janquin, Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Marylise Lebranchu, MM. Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Yves Le Drian, Michel Lefait, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Patrick Lemasle, Mme Annick Lepetit, MM. Bruno Le Roux, Jean-Claude Leroy, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Victorin Lurel, Bernard Madrelle, Louis-Joseph Manscour, Philippe Martin (32), Christophe Masse, Didier Mathus, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget, MM. Michel Pajon, Christian Paul, Christophe Payet, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Patrick Roy, Mme Ségolène Royal, M. Michel Sainte-Marie, Mme Odile Saugues, MM. Henri Sicre, Dominique Strauss-Kahn, Daniel Vaillant, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vergnier, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet et Philippe Vuilque.
Groupe Union pour la démocratie française (28) :
    Pour : 27. - MM. Jean-Pierre Abelin, Pierre Albertini, Gilles Artigues, Pierre-Christophe Baguet, François Bayrou, Bernard Bosson, Mme Anne-Marie Comparini, MM. Charles de Courson, Stéphane Demilly, Jean Dionis du Séjour, Philippe Folliot, Gilbert Gantier, Francis Hillmeyer, Olivier Jardé, Jean-Christophe Lagarde, Jean Lassalle, Maurice Leroy, Claude Leteurtre, Hervé Morin, Nicolas Perruchot, Jean-Luc Préel, François Rochebloine, Rudy Salles, André Santini, François Sauvadet, Rodolphe Thomas et Francis Vercamer.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Contre : 20. - MM. François Asensi, Gilbert Biessy, Alain Bocquet, Patrick Braouezec, Jean-Pierre Brard, Jacques Brunhes, Mme Marie-George Buffet, MM. Jacques Desallangre, Frédéric Dutoit, Mme Jacqueline Fraysse, MM. André Gerin, Maxime Gremetz, Georges Hage, Mmes Muguette Jacquaint, Janine Jambu, MM. Jean-Claude Lefort, François Liberti, Daniel Paul, Jean-Claude Sandrier et Michel Vaxès.
Non-inscrits (19).
    Pour : 3. - MM. Patrick Balkany, François-Xavier Villain et Philippe de Villiers.
    Contre : 8. - Mmes Huguette Bello, Martine Billard, MM. Gérard Charasse, Yves Cochet, Paul Giacobbi, Noël Mamère, Mme Chantal Robin-Rodrigo et M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

Mise au point au sujet du présent scrutin
(Sous réserve des dispositions de l'article 68, alinéa 4,
du règlement de l'Assemblée nationale)

    M. Alain Claeys, qui était présent au moment du scrutin ou qui avait délégué son droit de vote, a fait savoir qu'il avait voulu voter « contre ».

SCRUTIN (n° 27)


sur l'exception d'irrecevabilité opposée par M. Bocquet au projet de loi de finances pour 2003.

Nombre de votants

204


Nombre de suffrages exprimés

204


Majorité absolue

103


Pour l'adoption

46


Contre

158

    L'Assemblée nationale n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

Groupe Union pour la majorité présidentielle (364) :
    Contre : 157 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
    Non-votants : MM. Marc-Philippe Daubresse (président de séance) et Jean-Louis Debré (président de l'Assemblée nationale).
Groupe socialiste (142) :
    Pour : 31 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Groupe Union pour la démocratie française (28) :
    Contre : 1 membre du groupe, présent ou ayant délégué son droit de vote.
Groupe communistes et républicains (22) :
    Pour : 15 membres du groupe, présents ou ayant délégué leur droit de vote.
Non-inscrits (19).